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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 420).

VIOLENCES SCOLAIRES (p. 420)

MM. Alain Moyne-Bressand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

POLITIQUE FISCALE (p. 421)

Mme Laurence Dumont, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE (p. 422)

M. Yves Tavernier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'ARMÉE FACE AUX CATASTROPHES NATURELLES CAUSÉES PAR LES INTEMPÉRIES (p. 423)

MM. Michel Dasseux, Alain Richard, ministre de la défense.

PERSONNES HANDICAPÉES (p. 424)

M. Francis Hammel, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

MOULINEX (p. 425)

MM. Daniel Paul, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

CONFLITS À LA POSTE (p. 426)

MM. Claude Billard, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

VIOLENCES SCOLAIRES (p. 426)

M. Bruno Bourg-Broc, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

SURTAXATION DE LA CHICORÉE PAR LES E TATS-UNIS (p. 428)

MM. Thierry Lazaro, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

TRAVAIL ILLÉGAL (p. 429)

M. Georges Sarre, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

POLITIQUE FISCALE (p. 430)

MM. Charles de Courson, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

2. Eloge funèbre de Roland Carraz (p. 431).

MM. le président, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Suspension et reprise de la séance (p. 432)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

3. Délai de dépôt des candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 432).

4. Election des sénateurs. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 432).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 436)

MM. René Dosière, Jean-Luc Warsmann, Patrice Carvalho, Emile Blessig, Alain Tourret, Pascal Clément, Michel Suchod, René Mangin.

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

MM. Guy Hascoët, Gérard Gouzes.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 451)

Avant l'article 1er (p. 451)

Amendement no 15 de M. Dosière : MM. René Dosière, le rapporteur, le ministre. Adoption.

Article 1er (p. 452)

Amendement no 1 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. Adoption.

Ce texte devient l'article 1er

Après l'article 1er (p. 452)

Amendement no 16 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. Adoption de l'amendement no 16 rectifié.

Amendement no 17 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. Adoption.

Article 1er bis (p. 453)

Amendement de suppression no 2 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Warsmann. Adoption.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 2 (p. 453)

Amendement no 3 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Patrice Carvalho. Adoption de l'amendement no 3, deuxième rectification.

Ce texte devient l'article 2.

Article 3 (p. 454)

Amendement no 4 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Claude Goasguen. Adoption de l'amendement no 4, deuxième rectification.

Ce texte devient l'article 3.

Article 4 (p. 455)

Amendement no 5 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Article 5 (p. 455)

Amendement no 6 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 (p. 456)

Amendement no 7 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Articles 7 à 11. - Adoption (p. 456)

Après l'article 11 (p. 456)

Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Claude Goasguen, Alain Tourret, Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois. Retrait.

Article 12. - Adoption (p. 458)

Article 13 (p. 458)

Amendement no 8 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 (p. 458)

Amendement no 19 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 9 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 20 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 10 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 14 modifié.

Article 15 (p. 459)

Amendements nos 21 et 22 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements nos 21 et 22.

Adoption de l'article 15 modifié.

Article 15 bis (p. 459)

Amendement no 11 de la commission : MM le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 15 bis modifié.

Article 16 (p. 459)

Amendement no 23 de la commission : M. le ministre. Adoption.

Amendement no 24 de la commission : M. le ministre. Adoption.

Amendement no 25 de la commission : M. le ministre. Adoption.

Adoption de l'article 16 modifié.

Après l'article 16 (p. 460)

Amendement no 12 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, René Dosière. - Retrait.

Article 17. - Adoption (p. 462)

Article 18 (p. 462)

Amendement no 13 de la commission : M. le ministre. Adoption.

Amendement no 14 de la commission. - Adoption.

Adoption de l'article 18 modifié.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 462)

MM. Jean-Luc Warsmann, Claude Goasguen, Emile Blessig, le ministre, René Dosière, Patrice Carvalho.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 464)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

5. Dépôts de rapports (p. 464).

6. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 464).

7. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 464).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 465).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que je ne suspendrai pas la séance à la fin des questions au Gouvernement et que je prononcerai aussitôt l'éloge funèbre de Roland Carraz.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

VIOLENCES SCOLAIRES

M. le président.

La parole est à M. Alain MoyneBressand.

M. Alain Moyne-Bressand.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, il y a deux ans, vous présentiez déjà un plan de lutte contre la violence dans les lycées. Ce plan se voulait différent des précédents. Vous ne pouvez aujourd'hui que constater son échec ; le bilan est, hélas, sans appel. Tous les jours, des jeunes sont victimes dans les établissements scolaires d'actes barbares, marqués par une violence inouïe : tortures, brûlures, viols, et j'en passe. Ces faits ne sont ni isolés ni exceptionnels. La vérité, que vous ne voulez pas reconnaître, c'est que les jeunes, du fait de la carence des pouvoirs publics, doivent désormais s'habituer à travailler dans la violence.

C'est l'affaiblissement de l'autorité qui en est la cause.

Et celle-ci, je l'indique au passage, ne sera certainement pas renforcée par les propos qu'aurait tenus récemment votre collègue ministre de l'environnement : « Ministre ou pas ministre, les militaires, il faut les fréquenter pour ne jamais oublier à quel point ils sont cons. »

(Mouvements divers.)

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Inadmissible ! Scandaleux !

M. Alain Moyne-Bressand.

Ce propos, relaté par un grand hebdomadaire, témoigne d'une inconséquence qui ne devrait pas être permise dans un gouvernement responsable.

Mais revenons à l'essentiel. Monsieur le ministre, comm ent le Gouvernement pourra-t-il pouvoir rendre confiance aux enseignants, aux jeunes et à leurs parents avec le nouveau plan que vous nous annoncez, alors que la délinquance des mineurs explose non seulement à l'int érieur des établissements, mais également dans l'ensemble de nos villes et banlieues ? Ce sont aujourd'hui des jeunes de moins de dix-huit ans qui commettent àe ux seuls 20 % des crimes et délits. En 1998, 150 000 mineurs ont été interpellés. Tout cela ne se réglera pas, hélas ! en multipliant les emplois-jeunes ou en reprenant l'incantation des cours d'instruction civique. Le contraste devient singulier entre, d'un côté, cette violence généralisée et, de l'autre, la glorification et l'autosatisfaction permanentes du ministre de l'intérieur. En réalité, au-delà des discours, le Gouvernement et la majorité de gauche qui le soutient n'ont ni la volonté ni la capacité politique de faire de la lutte contre la violence une vraie priorité fondée sur une autorité retrouvée.

Monsieur le ministre, qu'allez-vous nous proposer maintenant ? Je vous le dis franchement : comme beaucoup de Français, je suis persuadé que le bric-à-brac de mesures que vous allez nous annoncer ne résoudra rien.

Une fois de plus, vous aurez alimenté un nouvel espoir.

La déception n'en sera que plus grande.

M. Alain Cacheux.

La question !

M. Alain Moyne-Bressand.

Il faudra attendre l'alternance et une nouvelle majorité pour avoir une vraie politique de sécurité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, comme vous, comme tout un chacun, en tant que parent d'élève, enseignant ou simple citoyen, je suis choqué par les actes de violence qui se sont récemment produits dans les lycées et collèges. Comme vous, je les juge inadmissibles.

M. Aimé Kergueris et M. Roland Blum.

Et par les propos de Mme Voynet ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En tant que ministre, qui travaille sur ce sujet depuis deux ans et demi et qui dispose de données quantitatives, j'ai le devoir de préciser certains éléments à la représentation nationale.

Aujourd'hui, la violence ne concerne que 5 à 10 % des établissements. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

On compte dans ce pays une soixantaine d'établissements dans lesquels des faits de violence graves se produisent, et trois cents environ dans lesquels on relève des actes de petite violence.

S'y ajoutent un certain nombre d'autres établissements où des sentiments de violence peuvent exister. C'est trop.

Le plan antiviolence I a été fondé autour de cinq principes : la concentration des moyens autour de neuf zones, la coopération entre l'éducation nationale, la police et la justice,...


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M. Lucien Degauchy. C'est du baratin !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... la mise en place d'aides-éducateurs et de moyens renforcés d'encadrement,...

M. Lucien Degauchy. Du baratin !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... l'élaboration d'une pédagogie fondée sur la notion d'équipe et, enfin, une évaluation indépendante.

Chaque fois que les quatre premiers de ces principes ont bien fonctionné, la violence a diminué. Vous n'entendez plus parler de ces zones de la banlieue lyonnaise dont la célébrité était due à des actes de violence scolaire ni de certaines autres de la banlieue marseillaise.

Ce plan a donc réussi pro parte.

Pour la toute première fois, il aura donné lieu à une évaluation indépendante.

Celle-ci sera rendue publique demain par l'équipe a qui elle a été confiée, qui n'a rien à voir avec le ministère de l'éducation nationale.

Cela étant, il reste encore bien du chemin à faire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy. Ça oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En effet, si l'on constate une focalisation des actes de violence sur un certain n ombre d'établissements, il est vrai que ceux-ci deviennent de plus en plus graves, comme si l'on assistait à une perte de repères. Par ailleurs, on relève de petits actes de violence également dans l'enseignement primaire.

Tout cela demande de prolonger l'action entreprise, mais également d'engager un effort supplémentaire qui exige la mobilisation de tous.

M. Renaud Muselier. Ça, on sait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Sans vous en donner le détail, je peux vous indiquer tout d'abord que l'Etat fera son devoir en apportant des moyens à la hauteur des besoins exprimés ici ou là, non seulement en personnels enseignants, qui seront désormais formés à ce problème, mais également en personnels sociaux et en équipes pédagogiques.

M. Yves Nicolin. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, c'est la volonté ! M. Lucien Degauchy. C'est de la langue de bois !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ensuite, nous voulons faire naître l'école du respect, du respect mutuel de tous les acteurs de l'école. La violence est intolérable, elle ne sera pas tolérée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La détermination du Gouvernement sur ce point est sans faille. En particulier, nous ferons ce que la majorité précédente a refusé (Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , en permettant à la police d'intervenir dans les établissements difficiles et en faisant en sorte que la violence soit réprimée dès le départ.

Mais le traitement de la violence passe pas seulement par la répression. Le problème fondamental, c'est d'abord d 'élaborer une nouvelle pédagogie pour ces zones.

Chaque fois que cela est fait, cela se traduit par des succès.

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous devons également donner à tous les jeunes des quartiers défavorisés un espoir. Cet espoir s'appelle intégration. Sur ce sujet également, nous ferons des propositions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

POLITIQUE FISCALE

M. le président.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, depuis juin 1997, nous avons rééquilibré la fiscalité en faveur du travail et stabilisé l es prélèvements sur les ménages, jusqu'alors massivement ponctionnés. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques qui sera prochainement présenté à la Commission européenne, une baisse d'impôts de 120 milliards sur trois ans a été prévue. Elle permettrait à la France de revenir à un niveau de prélèvements obligatoires équivalent à celui de 1995 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , avant que M. Juppé n'augmente de deux points le taux de TVA. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît ! Mme Dumont a seule la parole !

Mme Laurence Dumont.

Cette baisse est cohérente avec la politique économique que mène le Gouvernement depuis juin 1997, qui favorise le pouvoir d'achat des ménages.

M. Yves Fromion.

Tu parles !

Mme Laurence Dumont.

Elle est également cohérente avec nos engagements européens inscrits dans le pacte de stabilité et de croissance.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que ce mouvement de réduction des prélèvements sur les ménages va bien s'accentuer, et nous indiquer quels impôts vous entendez diminuer en priorité ? Je ne vous cache pas que, à l'instar de mon collègue François Hollande, je souhaiterais voir privilégier la baisse de la taxe d'habitation et une réduction ciblée de la TVA, qui bénéficieraient en premier lieu aux ménages les plus modestes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.).

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la députée, vous avez eu raison de le rappeler (Rires et exclamations sur les bancs du groupe


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du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), nos compatriotes se demandaient, il y a quelques années, quels impôts allaient augmenter et au détriment de qui. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.). Et la réponse à l'époque était claire : deux points de TVA, limitation des dégrèvements de taxe d'habitation, autant d'impôts supplémentaires sur le dos du plus grand nombre. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Aujourd'hui, question que se posent nos concitoyens et que vous avez reprise, c'est : quelles baisses d'impôts et au profit de qui ?

M. Georges Tron.

Ça fait trois ans que vous nous la resservez !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons déjà, et vous l'avez votée avec les députés de la majorité, décidé d'une baisse d'impôts de 40 milliards de francs dès l'an 2000 : ...

M. Richard Cazenave.

Et combien d'augmentation ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... allégement de la TVA sur les travaux d'entretien du logement, réduction des frais de notaire, suppres-s ion du droit de bail, diminution de la taxe professionnelle. Et si les résultats 1999 se révélent meilleurs que ceux escomptés, nous envisagerons, je l'ai promis au Parlement, une baisse de la taxe d'habitation dès l'automne 2000. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En ce qui concerne les années 2001-2003,...

M. Richard Cazenave.

Vous ne serez plus là !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

..., je vous confirme que le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, a prévu, grâce à la maîtrise de la dépense publique, grâce à une diminution graduelle des déficits, 120 milliards de baisses d'impôt sur trois ans.

Lesquels, me direz-vous ?

Je reprendrai les propos du Premier ministre. Nous nous attacherons durant les deux années qui viennent à engager une réforme de l'imposition directe qui devra bénéficier à la grande majorité des Français. Ce sera une réforme au service des classes populaires, mais aussi des classes moyennes. La priorité sera la recherche de la justice sociale et le nécessaire encouragement économique au travail et à l'innovation.

M. Georges Tron.

C'est pareil que l'année dernière ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà notre feuille de route. Certains ont parlé de baisse d'impôt ; nous, nous la faisons, et au profit du plus grand nombre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

POLITIQUE HOSPITALIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Yves Tavernier.

M. Yves Tavernier.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, les voeux de bonne année exprimés à nos concitoyens, comme il est coutume en cette période, doivent s'accompagner de voeux de bonne année à l'adresse des services de soins et tout particulièrement de ceux de l'hospitalisation publique. Or, malgré les efforts réels consentis par le Gouvernement en faveur des hôpitaux depuis 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas vrai !

M. Yves Tavernier.

... le malaise est grand chez les agents hospitaliers qui s'interrogent sur leur devenir.

L'adaptation de l'offre de soins aux besoins de la population, dans le cadre des SROS, est souvent perçue comme un plan de fermeture d'établissements ou de services jugés non performants.

M. Lucien Degauchy et Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mais non !

M. Yves Tavernier.

Or les intempéries de la fin de l'année dernière ont montré le rôle irremplaçable des hôpitaux de proximité pour répondre aux besoins et aux situations les plus difficiles. La fonction sociale de l'hôpital complète sa fonction sanitaire ; elle doit être mieux prise en compte dans les attributions de moyens. Cela est particulièrement vrai pour le service des urgences. Nous sommes naturellement favorables à la réduction des inégalités entre régions en matière d'accès aux soins, mais la baisse constante des moyens dans certaines d'entre elles risque de déstabiliser des établissements jusque-là performants et de démotiver les personnels.

M. Edouard Landrain.

Très juste !

M. Yves Tavernier.

Les mesures d'accompagnement des évolutions des hôpitaux que vous mettez en oeuvre, très importantes, méritent d'être mieux explicitées. A cet égard, la réforme du fonds d'accompagnement social et de modernisation des hôpitaux doit être entreprise pour en améliorer l'efficacité.

Enfin, la mise en oeuvre de la réduction de la durée du travail est source de tensions et d'inquiétudes.

M. François Goulard.

Ça, c'est vrai !

M. Yves Tavernier.

Les 35 heures permettront une meilleure organisation du travail, un enrichissement des tâches, une amélioration des conditions de travail, pour peu que l'on dote les hôpitaux de moyens supplémentaires. Vous avez promis des créations d'emplois ; je vous demande des assurances fortes en ce domaine. Je souhaite, madame la ministre, que votre réponse apporte aux agents hospitaliers les apaisements nécessaires et leur redonne espoir en l'avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, permettez-moi d'abord de m'associer à vos voeux à l'adresse du personnel hospitalier.

(« Ah ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Les Français ont en effet pu se rendre compte ces derniers jours, à l'occasion des intempéries, puis de l'épidémie de grippe, à quel point notre hôpital public restait irremplaçable.

Mais, au-delà, nous savons bien que le personnel hospitalier a compris que l'hôpital devait changer. Il a compris que les techniques évoluaient, que les besoins évoluaient, tout comme la population et les thérapies, et qu'une mutation était devenue nécessaire. Mais il veut, à juste raison, savoir où va son hôpital et quelle est la stra-


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tégie menée. Chacun, de l'infirmière, de l'aide-soignante au médecin, veut légitimement être rassuré sur son avenir et connaître la façon dont nous allons avancer.

Je répète, vous l'avez très bien dit d'ailleurs, que les schémas régionaux d'organisation de la santé ne sont pas des schémas de fermeture d'hôpitaux. Ils visent tout simplement à mieux répondre aux besoins, à améliorer la qualité et la sécurité et bien évidemment à réduire les inégalités. C'est dans le cadre des schémas régionaux, par exemple, que nous pouvons mettre en place le plan cancer, qui permettra dès demain - dès aujourd'hui, allais-je dire - à tout un chacun, à quelque endroit qu'il réside, quelle que soit sa catégorie sociale, qu'il ait ou non un carnet d'adresses, d'être dirigé vers le meilleur service en fonction de la gravité de sa maladie.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les schémas régionaux disposeront donc de moyens complémentaires pour réduire ces inégalités, que vous connaissez au demeurant fort bien : même en Ile-de-France, région pourtant globalement bien dotée pendant des années, de fortes distorsions demeurent, dont vous m'avez vousmême parlé à plusieurs reprises.

Le chemin accompli ces dernières années est important et j'en remercie les personnels hospitaliers. Il nous faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape. Il est vrai que l'allocation des ressources ne permet pas de répondre convenablement aux besoins des services de soins couteux. Ils devaient se plier à un effort de rigueur, ils l'ont fait ; il faut maintenant revaloriser. Ainsi les urgences ou la psychiatrie exigent des réponses particulières, notamment sur le statut de certaines catégories. Il est vrai aussi que la réduction de la durée du travail, au-delà des problèmes que j'ai déjà traités - car la réduction de la dur ée du travail ne règle pas tout - doit être aussi l'occasion de repenser l'organisation du travail pour mieux soigner, pour mieux travailler ensemble, pour améliorer les conditions de vie et, bien sûr, pour créer des emplois, car il ne pourra pas y avoir de réduction de la durée du travail sans création d'emplois dans les hôpitaux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'aimerais que ceux qui crient ici l'expliquent au personnel hospitalier dans leur département ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Vous êtes sans cesse à venir me voir pour me demander des emplois, mais vous vous opposez sitôt que l'on vous parle des 35 heures ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Cessez de tenir deux discours, un ici et un sur le terrain ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais, tout comme vous, monsieur le député, nous pensons que les mouvements et les évolutions ne peuvent se concevoir autrement que dans le respect de chacun.

Ajoutons que nous avons mis en place deux fonds d'accompagnement : FIMHO, qui accompagne les investissements nécessaires, doté de 1 milliard de francs sur trois ans, et le FASMO, fonds d'accompagnement social, doté de 600 millions de francs, qui permettra, lorsque ce sera nécessaire, à certains agents de se reconvertir. A votre demande, nous sommes précisément en train de modifier les critères du FASMO afin qu'il puisse être plus largement utilisé pour les personnels médicaux, mais également pour l'Ile-de-France, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Nous sommes conscients des difficultés et des efforts réalisés. Ils étaient nécessaires pour rétablir l'équilib re de la sécurité sociale et redonner toute sa place à l'hôpital public. Nous sommes conscients d'entamer une nouvelle étape. Dès la semaine prochaine, avec Dominique Gillot, je recevrai l'ensemble des organisations syndicales des personnels hospitaliers, médecins, directeurs d'hôpitaux, ainsi que la fédération hospitalière de France afin d'engager un processus de concertation avec les personnels hospitaliers.

Je leur fais confiance, car je suis convaincue qu'eux aussi veulent voir évoluer l'hôpital et entendent rester acteurs et partie prenante dans la nouvelle étape que nous mènerons ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Le groupe socialiste doit encore poser d eux questions. Je demande aux collègues et aux ministres concernés de s'exprimer le plus brièvement possible.

L'ARMÉE FACE AUX CATASTROPHES NATURELLES CAUSE ES PAR LES INTEMPE

RIES

M. le président.

La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux.

Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. J'y associe l'ensemble de mes collègues socialistes, élus des départements touchés par la marée noire et les tempêtes de fin décembre.

Les régions françaises ont essuyé, à la fin du mois de décembre, des intempéries et une marée noire inscrites pour longtemps dans nos mémoires et dans notre patrimoine forestier, maritime et domanial. La France a souffert, mais la solidarité a parlé. L'armée, comme elle le pratique traditionnellement, a rempli efficacement sa mission de composante indispensable de la sécurité civile en venant au secours des populations sinistrées, en rétablissant aux côtés d'EDF, de la SNCF et de France Télécom les réseaux de communication et en participant au nettoyage des plages maculées de pétrole.

Ainsi, l'armée a contribué de manière satisfaisante et très appréciée à la phase d'urgence puis à la phase de réparation. Elle est entrée aujourd'hui dans la phase reconstruction. Cette nouvelle période nécessite que les régiments et les moyens militaires soient maintenus sur place afin de remplir les missions d'intérêt général et d'aider les populations qui ne peuvent faire face, seules, à la remise en état de leur environnement.

Je sais que d'autres missions sont le quotidien de nos armées. De fait, les élus locaux constatent que les militaires se désengagent progressivement, y compris dans les départements les plus touchés par les intempéries.

Au nom de tous mes collègues concernés, je vous demande, monsieur le ministre si vous êtes en mesure d'indiquer à la représentation nationale comment vous entendez poursuivre l'effort de reconstruction auprès de nos concitoyens particulièrement affectés par les récents événements, et rassurer ainsi les élus et les populations.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense, pour une réponse courte.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Le rappel qu'a fait Michel Dasseux, des efforts fournis par les forces armées pendant la phase d'urgence ne justifie pas de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

complément de ma part. Je rappelle simplement que, au plus fort de cette action, il y avait 8 500 militaires sur le terrain, 15 000 gendarmes, plus les 2 000 hommes engagés dans le plan POLMAR.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Et Voynet ?

M. le ministre de la défense.

Aujourd'hui, nous nous orientons vers la reconstruction, après le choix d'objectifs ciblés en comité interministériel, sous l'égide bien sûr de J ean-Pierre Chevènement et de Jean Glavany, afin d'orienter nos moyens de la manière la plus efficace possible. (« Et Voynet ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'espère qu'un sujet aussi grave intéresse tout le monde sur ces bancs ! (« Mais oui ! » sur les mêmes bancs.)

Les militaires ont donc encore fourni 1 300 hommes pour le plan POLMAR. Ils travaillent en partenariat avec l'ONF pour le dégagement des itinéraires dans les zones forestières dévastées. Ils assurent, dans le sud-ouest la sécurisation des cours d'eau sur lesquels les embâcles menacent les ouvrages d'art et ils se font les partenaires d'EDF pour la reconstruction. Ajoutons les moyens d'observation aériens mobilisés pour faire le bilan des dégâts forestiers.

En tout, ce sont 4 500 professionnels et appelés - ceux-ci représentant un tiers des effectifs - qui sont engagés dans cette action de long terme qui va se développer sur février et mars.

En outre, j'ai pris avant-hier une mesure qui permet aux appelés, convoqués pour les contingents de février et d'avril, qui sont fils d'exploitants ou jeunes exploitants eux-mêmes dans le milieu agricole ou dans la profession forestière, d'obtenir, sur simple attestation de leur engagement dans les travaux de reconstruction, un report de leur incorporation au mois de juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président.

La parole est à M. Francis Hammel.

M. Francis Hammel. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Hier après-midi, le Premier ministre a présenté le bilan de l'action et les propositions du Gouvernement en faveur des personnes handicapées devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées.

La présence, exceptionnelle, de Lionel Jospin mérite d'être soulignée (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) car c'est la première fois qu'un Premier ministre assistait à ce conseil. La présence, en outre, de bon nombre de ministres marque l'importance que le Gouvernement attache aux préoccupations de plus de 3 millions de nos concitoyens et sa volonté que la politique conduite en leur faveur soit interministérielle.

Depuis deux ans et demi, beaucoup a déjà été fait pour améliorer la situation des personnes handicapées. Citons notamment la mise en place d'un plan pluriannuel visant à créer 16 500 places dans les établissements spécialisés pour adultes, le financement des sections adaptées aux enfants les plus fragiles,...

M. Thierry Mariani. La question ! M. Francis Hammel. ... le développement des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, le plan d'encouragement à la scolarisation des enfants et adolescents handicapés, le développement de l'autonomie des personnes handicapées dans leur milieu de vie ordinaire, les moyens supplémentaires dégagés en faveur des personnes autistes et des traumatisés crâniens.

Si nous pouvons nous féliciter de ces mesures, il nous faut poursuivre notre effort, pour assurer aux personnes handicapées les moyens indispensables à la qualité de leur vie et au plein exercice de leur citoyenneté.

Madame la secrétaire d'Etat, hier, M. le Premier ministre, a souhaité, par sa présence au CNCPH,...

M. Jacques Myard.

La question !

M. Francis Hammel.

... montrer la volonté du Gouvernement de donner à la politique du handicap une nouvelle direction. Pourriez-vous indiquer à la représentation nationale ses principales orientations et les moyens qu'il c ompte mettre en oeuvre pour assurer pleinement l'accompagnement et l'intégration des personnes handicapées dans notre société ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, pour une réponse courte.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, effectivement, depuis trente-deux mois, le Gouvernement conduit une politique globale et déterminée en direction des personnes handicapées. Vous en avez rappelé les grandes lignes, que ce soit le plan d'intégration scolaire de Ségolène Royal (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), le plan d'accessibilité de Jean-Claude Gayssot (Mêmes mouvements), la politique d'accès au sport menée par Marie-George Buffet (Mêmes mouvements), d'accès au tourisme et aux loisirs voulue par Michelle Demessine (Mêmes mouvements), l'adaptation du logement par Louis Besson (Exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), le programme exceptionnel pour l'emploi mené par Martine Aubry (« Olé ! » sur les mêmes bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale), toutes les mesures d'accès à la culture auxquelles s'est engagée Catherine Trautmann (« Olé ! » sur les mêmes bancs), ou encore les mesures d'accompagnement social et d'aide à l'autonomie dans la vie menées par moi-même et mon département ministériel (« Olé ! » sur les mêmes bancs).

Les réunions du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, sont d'ordinaire l'occasion de mesurer le chemin parcouru et de tracer les perspectives des actions à mener en leur faveur.

Hier, pour la première fois dans l'histoire de ce Conseil, un Premier ministre, Lionel Jospin (« Olé ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale Indépendants) est venu, en personne, confirmer les objectifs d'intégration de la politique gouvernementale. Il a annoncé qu'il allait amplifier l'effort déjà consenti, qui mobilisera 2,5 milliards pour les trois prochaines années. Il a recueilli les avis et les suggestions des personnes présentes.


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Par sa présence et celle des sept ministres concernés (« Les noms ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants...)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence ! Madame la secrétaire d'Etat, veuillez vous acheminer vers le coeur de votre propos, s'il vous plaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je répète, monsieur le président, si vous le permettez (Exclamations sur les mêmes bancs...)

M. le président.

Un peu de silence !

M. Jean-Claude Beauchaud.

Eux ne sont pas handicapés de la voix, en tout cas ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il est indispensable que l'ensemble des ministres concernés aient conscience des difficultés que doivent surmonter les handicapés dans leur vie quotidienne.

Par son message, le Premier ministre a donné, hier, une inflexion nouvelle et sans précédent à la politique d'intégration à toutes les étapes et dans toutes les situations que vivent les personnes handicapées, que ce soit dans la petite enfance, à l'adolescence, dans leur vie adulte ou l'abord du vieillissement précoce, qu'il s'agisse de personnes handicapées lourdement ou de celles qui peuvent dépasser leur handicap.

Il est impossible de citer ici l'ensemble des mesures qui ont été présentées, elles concernent l'ensemble de la politique gouvernementale. (Exclamations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Partant du principe, fortement affirmé, que ce n'est pas à l'élève, à l'habitant, au travailleur, au voyageur, mais aussi à l'école, au lieu de vie, au moyen de transport, au logement de s'adapter, c'est l'ensemble du Gouvernement qui est mobilisé.

Le Premier ministre s'est engagé à ce que nos concitoyens porteurs de handicap puissent, à terme, jouir de la liberté de choisir leur mode de vie, d'une égale participation aux activités de tous, dans la fraternité effective d 'une République qui proscrit toute discrimination.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'accueil très positif et confiant des personnes handicapées elles-mêmes, des associations qui les représentent, augure bien de la dynamique engagée qui devrait, à terme, conduire l'ensemble de notre société et nousmêmes à changer de regard sur le handicap. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe communiste.

MOULINEX

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie et fait suite à l'annonce de suppressions d'emplois et de délocalisations chez Moulinex.

D'ici deux à trois ans, 1 500 à 2 000 emplois disparaîtraient. En dix ans, de plans sociaux en plans sociaux, l'entreprise aura perdu plus de 40 % de son personnel.

A l'invitation de l'intersyndicale, jeudi dernier, à Cormelles-le-Royal, j'ai particité à un débat au cours duquel des réflexions extrêmement intéressantes ont été formulées par les salariés eux-mêmes. Bien sûr, leur devenir est leur préoccupation essentielle et je souhaite ici leur apporter le soutien total du groupe communiste, à l'occasion de la manifestation qui se déroule, en ce moment même, à Caen.

La question de l'avenir du petit électroménager dans n otre pays est clairement posée. Moulinex est le numéro un mondial sur un marché où la concurrence est extrêmement vive, notamment avec les pays du Sud-Est asiatique. Le diktat des banques a poussé vers un repli industriel Moulinex qui a arrêté des fabrications jugées non rentables. Pourtant, la rentabilité financière de l'entreprise, en 1998, était de 13,6 %. Comment en quelques mois la situation justifierait-elle un plan social d'une telle ampleur ? N'oublions pas que, si ce groupe est réputé aujourd'hui en difficulté, l'un de ses actionnaires s'est retiré récemment avec 160 millions de francs de dividendes ! Une première piste serait la création, grâce à une coopération entre les fabricants concernés, d'une filière européenne du petit électroménager. Cela éviterait le gâchis de technologies et de savoir-faire dans une région, la Basse-Normandie, déjà très touchée dans son tissu industriel.

Les répercussions pour la France et l'Europe sont également importantes. Nous avons besoin de développer notre industrie et non de la casser. Le Gouvernement ne doit-il pas intervenir en ce sens ? La grande distribution importe massivement du petit électroménager venant principalement du Sud-Est asiatique. Elle participe, de ce fait, aux mauvais coups qui sont portés à notre industrie. Ne faut-il pas, y compris au moyen de taxes, rappeler à ces grandes entités commerciales leurs devoirs ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Il serait aussi urgent, sans attendre le résultat des navettes parlementaires, que se mette en place, autour du préfet de région, une commission de contrôle des fonds publics dans la région de Basse-Normandie avant même toute décision sur les propositions du P-DG. Moulinex a bénéficié d'aides publiques. Il est légitime d'en connaître l'utilisation précise.

La proposition de loi du groupe communiste sur le contrôle des fonds publics, adoptée il y a quelques jours, va dans ce sens. L'occasion est bonne de la mettre sans attendre en pratique. Il ne s'agit plus d'accompagner les orientations des grandes entreprises, mais d'impulser par des propositions comme celle que je viens d'énoncer, le développement sur le long terme de l'industrie de l'électroménager en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui dispose d'une minute trente pour répondre.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, en effet, au moment où les salariés de Moulinex vivent un drame humain et social d'une ampleur terrible, il est normal de faire le point sur les sujets que vous évoquez.


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Des aides à l'innovation ont été décidées par mon ministère sur des projets technologiques. Moulinex a bénéficié, au cours des dernières années, des procédures habituelles votées par le Parlement dans le budget de l'industrie. Rien de spécifique ou de dérogatoire n'a été accordé à Moulinex, car ces aides ont été développées dans le cadre de trois conditions : l'Etat ne mandate que des dépenses réalisées et des engagements remplis en matière de recherche-développement - la recherchedéveloppement de Moulinex a bien été exécutée en France ; les aides sont remboursables en cas de succès ce sera le cas ; les aides sont ciblées sur les produits qui ont vocation à être fabriqués en France.

Plus globalement, vous évoquez la proposition de loi déposée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale. Cette proposition sera inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour prioritaire du Sénat, de manière à ce qu'elle soit discutée rapidement et à ce qu'elle soit mise en oeuvre, sans faiblesse, dans toute son acception.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

La commission instituée par cette proposition de loi pourra se saisir du cas Moulinex. Et je vous donne mon accord pour que le préfet de région procède à un examen local des aides qui ont été effectivement attribuées à cette entreprise.

Mme Yvette Roudy.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Quant à la filière européenne du petit électroménager, l'important pour elle est de préserver des bases de production en Europe et en France. Ce sera le cas à trois conditions : rester compétitif en termes de coût de production - il faudra donc notamment procéder à un allégement de charges pour les industries à fort contenu en main-d'oeuvre ; maintenir un haut niveau de créativité et de qualification ; soutenir les projets industriels les plus innovants - c'est le cas en France avec le crédit d'impôt-recherche. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

CONFLITS À LA POSTE

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard, pour une question brève.

M. Claude Billard. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Depuis près d'un an, il existe un profond malaise parmi les agents de La Poste et une nette dégradation du climat social (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces dernières semaines, les conflits entre le personnel et les directions se sont, en effet, multipliés. On recense plus de 300 mouvements sociaux depuis le 1er janvier.

Les facteurs de Villeurbanne ont ainsi entamé leur neuvième jour de grève. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Dans l'Hérault, plus d'une vingtaine de centres sont touchés.

Ces conflits ont presque tous la même origine, à savoir la mise en place du plan de passage au 35 heures, résultant de l'accord national de février 1999, qui se traduit tout à la fois par une intensification du travail et un nombre restreint d'embauches à caractère durable.

M. Jacques Godfrain, M. Hervé Gaymard et M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Claude Billard.

Dans ces conditions, monsieur les ecrétaire d'Etat, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que, au sein de cette entreprise publique, qui relève de vos compétences, la mise en oeuvre au plan local de l'accord-cadre de février 1999 traduise concrètem ent, d'une part, les orientations définies par la deuxième loi sur la réduction du temps de travail et, d'autre part, la volonté du Gouvernement et de sa majorité de faire des 35 heures un outil au service de l'emploi et du mieux-vivre des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui a deux minutes pour répondre.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, en effet, la démarche de La Poste doit être assise - et c'est le cas - sur le dialogue social au niveau de chaque établissement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratrie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'aménagement-réduction du temps de travail constitue une remarquable opportunité d'amplifier la dynamique de La Poste dont je dois indiquer à l'Assemblée nationale qu'elle investira cette année - c'est vraiment en rupture par rapport au passé, et c'est positif - 7 milliards de francs pour se moderniser. Cela doit se faire au bénéf ice de l'emploi, notamment celui des jeunes : 13 000 recrutements sur les 20 000 prévus par le contrat de plan Etat-La Poste sont déjà effectués. Et cela doit se faire aussi par l'amélioration des conditions de travail, en tendant vers un meilleur équilibre entre le temps professionnel et le temps libre : 30 000 postiers sont déjà organisés en France sur la base des 35 heures. Le principe des 35 heures est effectif depuis le 1er janvier 2000 pour l'ensemble des personnels, notamment fonctionnaires, qui seront, ainsi, les premiers à en bénéficier.

Tous les agents dont l'organisation du travail n'est pas encore fondée sur 35 heures effectives bénéficient d'une compensation à titre transitoire et le régime du passage aux 35 heures s'accélère puisque 2 500 postiers supplémentaires ont pu signer un accord la semaine dernière.

L'amélioration des conditions d'emploi des personnels contractuels correspond à une orientation sociale demandée par le Gouvernement et qui est incluse dans l'accord que La Poste a signé avec l'Etat. Elle est indispensable pour développer l'emploi stable.

La méthode suivie est celle d'un dialogue approfondi avec les usagers de La Poste, les personnels et les organisations syndicales...

M. Lucien Degauchy.

C'est du pipeau !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... à chaque étape de cette marche en avant de La Poste.

Je compte sur La Poste pour que ce dialogue permette que soient prises en compte les réalités au niveau de chaque établissement afin d'accélérer le passage aux 35 heures dans cette grande entreprise Poste qui est la nôtre. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

VIOLENCES SCOLAIRES

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Dans le journal Le Monde de ce soir, page 8, nous pouvons lire une phrase qui me paraît hélas ! assez bien résumer la situation : « A mesure que les plans ministériels se succèdent, la violence en milieu scolaire non seulement se durcit, mais se répand, comme si le phénomène était inexorable et l'éducation nationale inapte à le juguler. »

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh oui !

M. Bruno Bourg-Broc.

Alors, à chaque affaire nouvelle, monsieur le ministre, vous nous présentez un plan. Hier, le plan 1, demain, le plan 2. Pourquoi pas le plan 3, puis le plan 4, le plan 5 et le plan 6 ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous nous avez dit qu'on ne parlait plus des banlieues lyonnaise et marseillaise. Tout en souhaitant que l'actualité ne vous démente pas, pourquoi un plan 2 si le plan 1 était si bon ? En fait, un tel problème ne peut se traiter par l'intervention de la police à l'école, comme vous avez répondu à notre collègue M. Moyne-Bressand tout à l'heure. Il ne peut pas se traiter par quelques emplois-jeunes, dont même vos amis reconnaissent l'inefficacité en la matière (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et il ne peut pas non plus se régler par une demi-heure d'éducation civique.

Cette violence met en évidence les difficultés d'établissements dont on sait pertinemment que les élèves, violents ou non, n'auront pas les mêmes chances d'intégration sociale que les autres, et ils le savent. Elle est l'expression d'un mal bien plus profond qui est celui de l'égalité des chances à l'école.

Monsieur le ministre, il est temps, nous semble-t-il, de s'interroger sur le poids de la voie royale, sur la garantie d'un corpus minimal de connaissances, sur la diversification des chemins de la réussite, sur le consumérisme scolaire et la méritocratie. Il est temps de prendre des mesures sur la sécurité à l'école, la sécurité sous toute s ses formes.

Allez-vous enfin vous préoccuper de ces questions, qui demandent certes du courage politique, mais qui sont les seules susceptibles d'apporter un espoir à ceux qui se c onsidèrent, hélas, comme une génération perdue ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

M. Patrick Ollier.

Et le ministre alors ?

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député, la lutte contre la violence à l'école est pour le Gouvernement...

M. Lucien Degauchy.

Un échec ! Mme la ministre, déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

... une grande cause nationale qui doit engager la société tout entière.

M. Franck Borotra.

Très bien ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Comme Claude Allègre vient de le répéter à l'instant, l'Etat fait et fera son devoir. La violence est une souffrance, d'abord pour les élèves, qui représentent 80 % des victimes.

M. Pierre Lellouche.

Répondez à la question ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

C'est une souffrance pour les enseignants, qui ne peuvent plus enseigner correctement et se sentent destabilisés, et c'est une souffrance pour les parents lorsqu'ils sont inquiets pour leurs enfants et se demandent s'il va leur arriver quelque chose.

M. Richard Cazenave.

Qu'allez-vous faire ?

M. Jean Auchin.

Arrêtez les paroles, il faut des actes ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

C'est la société tout entière qui est interpellée,...

M. Pierre Lellouche.

Vous êtes responsable ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire ... face à la montée de la violence parmi ces enfants et ces adolescents, qui peuvent se demander quels adultes ils seront demain.

M. Pierre Lellouche.

Qu'allez-vous faire ? Répondez à la question ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

La violence augmente dans certains endroits, c'est vrai (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) mais elle diminue dans d'autres endroits également très difficiles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il faut le dire pour rendre hommage à ceux qui, tous les jours, raccrochent à la réussite scolaire des élèves en grande difficulté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Les actions que nous avons mises en place et que nous mettrons en place s'articulent autour de plusieurs priorités.

M. Lucien Degauchy.

Démagogie ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

D'abord, l'augmentation du nombre des personnels éducatifs dans le système scolaire.

M. Yves Nicolin.

Baratin ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Ensuite, la clarification du système des encouragements et des sanctions. Il faut des sanctions, justes, graduées et systématiques, mais aussi des récompenses, on n'en parle jamais.

M. Franck Dhersin.

La pilule anti-violence ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Chacun doit jouer son rôle, la police dans les quartiers et à l'entrée des établissements scolaires, les parents, mieux associés au projet éducatif, pour qu'ils relaient les efforts de l'école, et les élèves, qui seront désormais associés à la rédaction des règlements intérieurs.

M. Bernard Accoyer.

Baratin.

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Les élèves les plus perturbateurs sont parfois des délinquants, mais tous les élèves remuants ne sont pas des délinquants.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

S'ils sont délinquants, la justice doit assumer ses responsabilités, et elle le fait. Si ce sont des perturbateurs, ils sont retirés des classes...


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M. Lucien Degauchy.

C'est faux ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

... pour être placés dans des classes relais - nous en avons créé 250 - ou dans des internats.

Monsieur le député, vous demandez à l'Etat ce qu'il fait, mais tous les départements et toutes les régions se sont-ils saisis des cofinancements de l'Etat pour mettre en place des internats dans les collèges et dans les lycées ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Fillon.

N'importe quoi ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Si ce n'est pas le cas, faites-le, et faites-le vite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

En troisième lieu, il s'agit de renforcer l'éducation à la morale civique et l'apprentissage du contenu de la loi, et cela dès l'école primaire, où il faut apprendre les valeurs et les interdits,...

M. Pierre Lellouche.

Faites-le ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

... notamment aux enfants qui n'ont pas la chance de l'apprendre dans leur famille.

Enfin, et je crois que c'est l'essentiel, vous l'avez d'ailleurs dit, l'école se mobilise pour la réussite scolaire de chaque élève, et c'est l'objectif des réformes que nous avons mises en place : l'aide individualisée aux élèves, le tutorat, la mobilisation pour la lutte contre l'échec scolaire, le travail en équipe, la revalorisation du rôle des chefs d'établissement, la formation des enseignants et le changement des équipes pédagogiques.

Les enfants et les adolescents ont aussi cruellement besoin d'exemples positifs d'adultes, et ce n'est pas toujours le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils sont en demande de règles éducatives justes et fermes qui les aident à grandir. Ni la télévision, ni les médias, ne le font, c'est une évidence.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

C'est incroyable ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Tout le monde est concerné par ce combat.

Enfin, monsieur le député, je n'ai pas de conseil à vous donner, mais vous qui avez soutenu un gouvernement qui a supprimé 5 000 emplois d'enseignant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), laissé tomber la politique des zones d'éducation prioritaire, et aggravé les inégalités au sein du système scolaire, un peu de retenue, et, de grâce, ne faites pas une fois de plus de la sécurité un fonds de commerce politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ça suffit !

SURTAXATION DE LA CHICORÉE PAR LES ÉTATS-UNIS

M. le président.

La parole est à M. Thierry Lazaro.

M. Thierry Lazaro.

Tout d'abord, merci de grignoter ainsi de plus en plus le temps de parole de l'opposition.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Bon nombre d'entreprises françaises sont frappées depuis plusieurs mois par une importante mesure de rétorsion de la part des Etats-Unis : la taxation supplémentaire de leurs produits à 100 % en représailles contre l'embargo sur le boeuf au hormones décidé par la Communauté européenne.

Dans le Nord, l'entreprise Leroux, leader mondial dans son domaine, la chicorée sous toutes ses formes, est touchée dans sa volonté de s'implanter sur le marché nordaméricain.

Son chiffre d'affaires aux USA est de 10 millions de francs.

Depuis le 29 juillet dernier, date à laquelle cette société a appris qu'elle était frappée par cette surtaxation, alors que votre ministère savait qu'elle figurait sur une première liste dressée par les Etats-Unis dès le 22 mars, cette PME a dû, pour ne pas perdre le marché, opérer une baisse de prix compensant cette surtaxe. Cela représente une perte de 2 millions de francs pour les six derniers mois.

Dans l'hypothèse où cette mesure serait maintenue, l'entreprise ne pourrait poursuivre son activité nordaméricaine en 2000, ce qui entraînerait inévitablement la suppression de nombreux emplois au sein de la filière chicorée, qui représente, dans la région Nord-Pas-deCalais, plus de 2 000 emplois.

Monsieur le ministre, cette entreprise, comme bien d'autres, est sans nouvelle des mesures que vous entendez prendre. Comptez-vous exiger de la Communauté européenne qu'elle prenne en charge les différentiels de prix consécutifs à la surtaxation imposée par les Etats-Unis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

D'abord, monsieur le député, je tiens à démentir très formellement votre allégation. Le ministre de l'agriculture n'était bien entendu pas du tout au courant de l'existence d'une liste avant tout le monde.

La meilleure preuve, c'est que cette rétorsion des EtatsUnis ne s'exerce pas à l'encontre du ministère de l'agriculture, et encore moins d'une entreprise du Nord, mais à l'encontre de la Communauté européenne tout entière, pour un certain nombre de productions qui sont aussi bien le porc danois, des productions allemandes, la chicorée...

M. Jacques Godfrain.

Le roquefort !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... le roquefort, monsieur Godfrain, vous avez raison, le foie gras du Sud-Ouest, la moutarde de Dijon, et d'autres encore. Il est donc faux d'alléguer que le ministère de l'agriculture aurait été au courant avant les entreprises !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Ces mesures de rétorsion, je m'en suis déjà expliqué devant l'Assemblée nationale, ont été édictées par les

Etats-Unis à la suite d'un arbitrage de l'OMC, à l'occasion d'une décision de la Communauté européenne de maintenir l'embargo sur le boeuf aux hormones américain. Fallait-il lever cet embargo alors que nous l'avons décidé pour des raisons de sécurité alimentaire ? Je ne le crois pas.

M. Pierre Lellouche.

Qu'attendez-vous pour prendre des mesures de rétorsion contre de telles décisions ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Calmezvous, monsieur Lellouche ! Laissez-moi répondre au lieu de vous énerver ainsi systématiquement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous sommes face à deux problèmes.

La négociation avec les Etats-Unis, pour essayer d'alléger ou de transférer ces mesures de rétorsion, avec éventuellement des compensations financières globales, relève de la Commission européenne. C'est à la Commission de le faire, et elle le fait.

M. Pierre Lellouche.

C'est toujours la Commission !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Lellouche, calmez-vous ! Moi, je suis serein ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Un jour, vous aurez l'occasion de répondre !

M. Jean-Claude Lefort.

Il se shoote aux hormones !

M. le président.

Un peu de calme ! Poursuivez, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Par ailleurs, il faut savoir ce que l'on peut faire pour aider les entreprises et les secteurs qui sont victimes de ces rétorsions. Le conseil de l'agriculture a posé ce problème à deux reprises à la Commission européenne. Dans l'état actuel des choses, il n'y a pas de moyens européens, aucune ligne budgétaire pour de telles actions. Nous faisons donc ce que nous pouvons, au niveau du ministère, pour apporter des aides ponctuelles. Nous l'avons fait pour le roquefort, et sommes prêts à le faire pour d'autres secteurs, en particulier celui de la chicorée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

TRAVAIL ILLE GAL

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre, pour une question rapide.

M. Georges Sarre.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, chacun ici proclame qu'il faut lutter contre le travail illégal, et c'est vrai. Comment lutter contre le travail illégal ? Par exemple en créant, comme cela a été fait en 1976, des sections spécialisées.

Jusqu'en 1995, 1996, 1997, les effectifs de ces sections, au plan national, tournaient autour de soixante-dix personnes, et, pour Paris, leur nombre fluctuait entre cinq et six. Aujourd'hui, il y a environ vingt personnes au plan national. Quant à Paris, il en restait deux en 1999 et, au début de l'an 2000, ce service n'a plus le moindre fonctionnaire.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je partage votre préoccupation sur la nécessité de faire reculer ce fléau, mais comment le faire si, dans votre direction parisienne comme dans d'autres au niveau national, on constate une diminution spectaculaire du nombre de contrôleurs membres des sections spécialisées ? Le travail illégal, ce sont tout simplement des gens qui travaillent dans des conditions inhumaines, qui sont ramenés en quelque sorte plus d'un siècle ou de deux siècles en arrière, qui ne sont pas assurés sociaux, pas déclarés. Bref, c'est une jungle à laquelle il faut les arracher, et je compte vraiment sur vous pour que votre ministère redonne aux directions départementales concernées les moyens de travailler utilement et efficacement, car je suis convaincu que cette situation ne répond pas à des instructions que le Gouvernement aurait données.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse très courte.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très courte, mais forte, car M. Sarre a posé comme d'habitude une question pertinente.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dès mon arrivée, j'ai donné des instructions pour que la lutte contre le travail illégal soit l'une des priorités de l'action de l'inspection du travail. Lorsque la croissance revient, nous devons être encore plus attentifs.

C'est actuellement l'une des priorités de l'action de l'inspection du travail. En 1998, dernière année connue, 10 000 procès-verbaux ont d'ailleurs été dressés, soit le double de ceux dressés cinq ans auparavant.

Par ailleurs, la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, délégation nationale installée en 1997, qui met en place les formations et les outils de diffusion, car ce n'est pas facile et il faut des méthodes, est passée de trente et un à quarante-trois agents.

Je voudrais saluer le travail que nous menons en commun avec le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, car c'est par des actions coordonnées, qui se multiplient d'ailleurs actuellement, que nous arrivons à des résultats meilleurs.

En ce qui concerne Paris, les deux contrôleurs qui sont partis seront remplacés, l'un en février et l'autre en mars, et il y en aura onze nouveaux cette année, grâce aux 230 postes que nous créerons dans les deux années qui viennent pour s'occuper du problème du travail illégal à Paris et dans l'Ile-de-France, où le problème se pose plus qu'ailleurs, par exemple dans le bâtiment et dans le textile et l'habillement.

Il y a donc un renforcement des moyens sur le plan national, un renforcement du travail interministériel, avec en plus une direction transversale à la direction départementale du travail de Paris et de l'Ile-de-France.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

POLITIQUE FISCALE

Mme la présidente.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, depuis près de trois ans, le gouvernement de Lionel Jospin a menti aux contribuables.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

En effet, contrairement à votre promesse de baisser les prélèvements obligatoires, ceux-ci n'ont cessé d'augmenter depuis mai 1997,...

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

... avec un record pour l'année 1999 : plus de 200 milliards supplémentaires.

Les Français sont exaspérés et, sous la pression de l'opp osition, discrètement relayée par Laurent Fabius (Applaudissements sur plusieurs bancs de l'Union pour la démocratie française-alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. André Santini.

Bravo !

M. Charles de Courson.

... vous avez fait preuve d'un début de repentance, hier, devant la commission des finances. Vous avez annoncé une baisse de la pression fiscale de 40 milliards de francs par an, de 2001 à 2003.

Mais votre repentance est-elle crédible ?

M. Jacques Myard et M. Bernard Accoyer.

Non !

M. Charles de Courson.

Pour qu'elle le soit, il faudrait que vous cessiez d'accumuler des dépenses nouvelles et que vous engagiez de vraies réformes.

M. Bernard Accoyer.

Il faudrait penser aux retraites !

M. Charles de Courson.

Je vais prendre trois exemples.

Vous nous dites que vous allez limiter à 0,3 % en volume la croissance des dépenses de l'Etat. Or, en maintenant les effectifs de la fonction publique, en maintenant le pouvoir d'achat du point et en ne réformant pas les retraites, ces dépenses vont croître d'au moins 2 % en volume, ce qui est déjà le triple de vos prévisions. Si l'on y ajoute la croissance de la dette de l'Etat et la remontée des taux d'intérêt, ainsi que les promesses faites aux collectivités territoriales d'une augmentation de leurs dotations de 1,5 % par an en volume, comment allez-vous respecter vos engagements ? Deuxième exemple : le régime des retraites. Face à la forte augmentation du nombre de retraités, 1,1 % par an, vous ne pouvez faire face à votre engagement qu'en limitant très fortement la croissance du pouvoir d'achat des retraités.

Troisième exemple : les collectivités locales. Comment allez-vous limiter la croissance de leurs dépenses à 1,9 %, alors que celles-ci ont augmenté de 2,6 % en volume en 1998 et de 3,5 % en 1999 ? Ma question est donc simple. Comment avez-vous pu promettre aux Français une baisse d'impôt de 120 milliards ? En l'absence de réformes courageuses et d'économies importantes, la croissance n'y suffira pas.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous aimez à l'évidence les chiffres mais vous avez la mémoire courte.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vais vous rappelez deux chiffres.

Entre 1994 et 1996, le total des impôts et des cotisations sociales est passé de 43,4 à 44,9 % du PIB. Cela a représenté une hausse de 120 milliards de francs par modification des barèmes,...

M. Patrick Devedjian.

Vous avez encore augmenté les prélèvements.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... avec, comme l'a souligné Mme Dumont, une hausse de la TVA, la limitation des dégrèvements de taxe d'habitation, etc.

Nous - et c'est vrai, monsieur le député -, nous voulons diminuer les impôts et redescendre la pente que vous avez gravie entre 1995 et 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert), et nous voulons le faire au bénéfice du plus grand nombre.

Vous avez vu ce qui a été décidé pour l'année 2000 : baisse de la TVA sur les travaux d'entretien, suppression du droit de bail.

M. Bernard Accoyer.

Et la TGAP ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà des mesures qui intéressent tout le monde, mais contre lesquelles vous avez voté, et vous avez eu tort.

M. Bernard Accoyer.

Et les nouveaux impôts ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons pris un engagement. Nous allons le tenir. Et, en 2002, les électeurs pourront juger.

Vous vous acharnez, monsieur de Courson, à vouloir supprimer des dépenses de l'Etat. Vous n'aimez pas la dépense publique . (« Non ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Moi, je considère qu'il faut défendre le service public. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Arnaud Lepercq.

Pas à n'importe quel prix ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et défendre le service public, c'est défendre la justice sociale, la qualité de la vie, et même le dynamisme économique de notre pays.

M. Georges Tron.

Vous déformez les propos de M. de Courson ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous, nous ferons ces baisses d'impôts en maintenant une qualité remarquable de service public dans notre pays. Les électeurs jugeront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2 ÉLOGE FUNÈBRE DE ROLAND CARRAZ (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

M. le président.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, madame, avec sa silhouette élancée, son élégance rigoureuse, son visage si fin qu'adoucissait un accueillant demi-sourire, Roland Carraz était un soc qui de son sillon ne déviait pas. Il était, d'un même élan, républicain et de gauche. Il avait adhéré au socialisme au temps d'Epinay.

Roland Carraz vivait ce qu'il était. Un homme de projet et de terrain, inflexible sur les principes mais très disponible à chacun, un homme issu du peuple, lequel se savait bien représenté par lui. A cette tribune il défendait une certaine idée de la République, de la politique et de la ville. Il ne prêtait pas attention au superficiel. Il ne cherchait pas carrière. Battu de quelques voix en 1993, comme tant d'autres l'avaient été, il n'en avait fait reproche à personne. Victorieux en 1997, il avait retrouvé son siège parmi nous. Amoureux de la démocratie, il n'avait pas attendu cet instant pour savoir que c'est uniquement par un succès dans les urnes, à l'exclusion de toute imprécation, que se corrige une défaite. La politique n'était pas sa profession, mais sa passion.

Sa révolte contre l'injustice, qui était à la base de tout, ne se nourrissait pas de cris inutiles. Elle suivait un itinéraire balisé par des concepts et des réflexions. Elle se transformait en propositions et n'en avait que plus de force le moment venu. L'arme de Roland Carraz était son intelligence. C'était un pédagogue. Son militantisme était un état naturel. Où était la source ? Il citait lui-même les principaux affluents.

Ses parents, dont il avait été très tôt orphelin, chez qui l'on avait pris l'habitude, presque le pli, de servir la SNCF, de père en fils. Cheminot, à la manière d'un ordre républicain. Sa famille, qui comptait énormément pour lui, en particulier son épouse qui est aujourd'hui parmi nous et qui lui rappelait que le métier de professeur est le plus beau et le plus prenant. Son parcours personnel, commencé à Chalon où il naquit. Fils du peuple, boursier, il avait franchi toutes les étapes de la méritocratie républicaine, s'instruisant sur la musique, le théâtre, la littérature à l'Union intellectuelle et artistique des chemins de fer, passant les aiguillages de la vie à force de volonté, intégrant l'éducation nationale pour devenir élève de Soboul, agrégé d'histoire et docteur ès Révolution de 1789.

Dans les temps difficiles, Marianne ne l'avait pas abandonné. Il en serait donc le serviteur, étymologiquement le ministre. Au tourisme, il plaça son action sous le signe du Front populaire et des congés payés, conquête des travailleurs qui y avaient trouvé, soulignait-il, non seulement un peu de repos, mais surtout davantage de liberté. Quand je lui proposai, dans le gouvernement que je conduisis, d'être secrétaire d'Etat à l'enseignement technique et technologique, je savais qu'il serait excellent : il le fut, rénovant les établissements placés sous sa responsabilité, créant les baccalauréats professionnels, anticipant les futures universités technologiques, les besoins de l'économie et les techniques nouvelles.

Remboursant une dette qu'il estimait avoir contractée, de l'école il fut à la fois le produit et la marqua par son action : aujourd'hui, plus de 100 000 jeunes chaque année préparent le baccalauréat professionnel. Il rappelait souvent que la République s'enrichit quand elle éduque les citoyens, favorise la promotion sociale et l'égalité des chances, la formation et l'épanouissement de chacun. Il rappelait aussi que l'école doit être dans la cité et au service de tous. Quand il s'en revint chez lui, ensuite, ceux qu'il croisait étaient fiers de l'action qu'il avait menée et ils pouvaient l'être. Cette âme politique était en réalité u n homme d'Etat.

Je sais que sa fille, Leila, dont le prénom dit assez son amour pour elle, pour le Maghreb et pour l'Orient, dans les yeux de laquelle il guettait les jugements, n'ignore pas qu'entre ses mains, elle a, en recueillant les valeurs de son père, le plus précieux des héritages.

Un autre mot caractérisait Roland Carraz : sa fidélité.

Outre l'amitié et le sentiment élevé qu'il avait de l'honneur, trois raisons justifiaient ce choix : d'abord, les idées ne flottent pas dans l'air ; ensuite, les partis politiques ne sont pas des organisations sans visage ; enfin, les élus qui n'ont ni programme ni appartenance à un mouvement collectif sont rarement ceux qui remplissent le mieux leur mandat. Notre collègue n'oubliait jamais ce triple axiome.

Je pense que c'est lui qui gouverna sa vie politique et qui en expliqua les ancrages.

Ancrage dans un terroir, dans des paysages qu'il arpentait, connaissait, respirait, en cette Bourgogne de collines et de rivières où, depuis qu'il était enfant, il aimait pêcher - il tenait la pêche pour un art. Il portait une amitié véritable à ses électeurs de la Côte-d'Or et de Dijon où, en 1981, il battit Robert Poujade, adversaire politique de haute stature et ami de discrètes conversations érudites. Il vouait un grand attachement à ses administrés de Chenôve, ville qu'il sut, pendant vingt-deux ans, gérer et transformer, luttant contre l'insécurité, le mal-vivre, le chômage, et pour laquelle il inventa le revenu minimum étudiant ; Chenôve qui lui rendit, peu après sa disparition, un hommage magnifique, fait d'émotion et de simplicité, les ingrédients de la vérité.

Sa proximité personnelle et politique avec Jean-Pierre Chevènement fut un autre ancrage décisif. Jamais, je crois, ne s'est démenti le soutien réciproque de l'un à l'autre. Au Parti socialiste, dans ce bocal bouillonnant qu'on appelait le CERES, puis au Mouvement des citoyens, contre la participation de la France à la guerre du Golfe, contre le traité de Maastricht et jusque dans le relais qu'il apporta à certaines idées, parfois délicates, de la place Beauvau, Roland Carraz ne s'est jamais départi de son credo républicain, ni d'un compagnonnage fervent sur la route de Belfort. Il poussait l'amitié avec JeanPierre Chevènement jusqu'à partager avec lui - je le distinguais de ce fauteuil - certains mouvements de bras ou de tête, ou même certaines intonations. Ajoutons-y l'esprit d'équipe dont Roland, qui n'aimait pas l'égoïsme, savait faire preuve, avec ses collaborateurs, au sein de son conseil municipal et dans son parti. On comprend sans doute mieux ainsi un parcours qui ne fut pas sans sacrifices ni sans risques.

Enfin et d'abord, il y eut son attachement à la gauche, aux idées de progrès et de mouvement, à la laïcité, à la lutte contre le racisme, son admiration pour Jean Jaurès, pour Léon Blum puis pour François Mitterrand, élu local du Morvan qu'il « présida » au sein du groupe socialiste du conseil régional de Bourgogne. Dans cette inclination constante, il avait une conscience aiguë que, au-delà des préférences du coeur, l'exigence du rassemblement fait


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

l'efficacité du combat politique et le succès des élections.

Roland Garraz était un partisan déterminé de l'union et je crois qu'il se trouvait bien dans la gauche plurielle. Il en vivait le quotidien sans embrigadement, dans des relations fraternelles, entretenant un lien d'amitié qu'il avait conservé avec sa famille d'origine, souhaitant aller à la députation avec Michel Etievant, son suppléant socialiste.

Mes chers collègues, Roland Carraz est mort à cinquante-six ans, bien avant l'heure, au terme d'un calvaire qui a été terrible. Il est mort dignement, regardant dans les yeux celle qui venait l'emporter. Rien n'est jamais juste ou beau dans de pareilles circonstances, mais la force, l'honnêteté qu'il avait continuellement incarnées dans sa vie, Roland Carraz, se sachant condamné, pâle, maigre et souffrant, les a rassemblées pour faire une dernière fois reculer l'obscurité devant l'humanité. Ce fut aussi cela sa droiture. Avec beaucoup d'émotion, devant vous, madame, et devant lui, notre hémicycle incline son chagrin.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame, le Gouvernement partage votre peine et s'associe à l'hommage que l'Assemblée rend aujourd'hui à Roland Carraz. Sa voix manquera dans cet hémicycle. Son dernier discours à la tribune de l'Assemblée nationale, il l'a prononcé en mai dernier au nom du groupe RCV, lors du débat de censure, et il traitait de la Corse. Ce discours était, en quelque sorte, une forme de synthèse des convictions et des engagements de Roland Carraz. Il y exprimait tout à la fois sa passion pour la citoyenneté française qui sait allier l'unité et la diversité, son attachement à la loi républicaine, son amitié indéfectible pour Jean-Pierre Chevènement et son soutien à l'action du Gouvernement de Lionel Jospin. Et, ce jour-là, comme toujours, la voix de Roland Carraz fut écoutée dans cette assemblée, parce que la force de ses convictions se retrouvait dans une expression si claire, si construite, si précise, si mesurée qu'il n'avait nul besoin d'en forcer le timbre pour emporter l'adhésion de ses amis et le respect de ses opposants.

Roland Carraz incarnait une sérénité rayonnante. Son calme, son sourire, sa curiosité pour les autres, sa formidable capacité d'écoute accompagnaient une absolue fidélité à des engagements intangibles pour l'école de la République, pour la justice sociale, pour un monde sans racisme.

De son passage au Maroc, il avait gardé une détermination à promouvoir l'intégration de tous dans la République et dans la cité, intégration qu'il s'attachait à mettre en oeuvre à Chenôve.

Fils et petit-fils de cheminot, tôt orphelin, boursier, pur produit de l'école publique, il réalisa comme secrétaire d'Etat à l'enseignement technique et technologique, par une loi qui porte son nom, une réforme déterminante en créant les bacs professionnels, vous l'avez rappelé, monsieur le président, et en consacrant cette filière comme l'un des chemins de la réussite.

Historien, auteur d'une thèse sur la Révolution française, sous la direction d'Albert Soboul, ses choix alliaient toujours l'exigence républicaine à la lutte pour le progrès social.

En Bourgogne, à Chenôve, comme au gouvernement ou à l'Assemblée nationale, Roland Carraz restera pour nous un grand serviteur de l'Etat, de la République, incarnant la citoyenneté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Nicole Catala.)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

3 DÉLAI DE DÉPÔT DES CANDIDATURES À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

Mme la présidente.

Au cours de la deuxième séance du mardi 25 janvier, M. le président de l'Assemblée avait fixé au jeudi 3 février, à dix-huit heures, le délai de dépô t des candidatures au conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

A la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ce délai de dépôt des candidatures est reporté au jeudi 10 février, à dix-huit heures.

4 ÉLECTIONS DES SÉNATEURS Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'élection des sénateurs (nos 1742, 2031).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis en première lecture, après avoir été discuté par le Sénat, v ise à rendre le mode d'élection des sénateurs plus simple, plus équilibré et plus juste, afin de rénover le bicaméralisme et de revaloriser ainsi le Parlement.

Ce projet de loi s'articule sur deux réformes principales, qui tiennent respectivement à améliorer la composition du collège électoral sénatorial et à renforcer la repré sentativité des sénateurs. Il propose en outre d'intégrer au droit positif les ajustements techniques souhaités par le Conseil constitutionnel à l'issue de récents scrutins sénatoriaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Tout d'abord, la réforme du collège sénatorial vise à rendre sa composition plus conforme à la réalité démographique de notre pays.

M. René Dosière.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

Comme vous le savez, l'article 24 de notre Constitution confie au Sénat la tâche d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. A ce titre, il importe que le collège électoral des sénateurs demeure principalement constitué de délégués des communes, auxquels s'ajoutent les élus des départements et des régions. Il paraît en revanche urgent d'améliorer la représentation des communes, aujourd'hui trop peu équitable.

Le nombre de délégués désignés par chaque conseil municipal dépend en effet de l'effectif de ce dernier, lequel n'est lui-même que très imparfaitement proportionnel à la population de la commune. Il en résulte des distorsions de représentation entre communes bien difficiles à justifier.

M. René Dosière.

Injustifiables !

M. le ministre de l'intérieur.

La première source de distorsions tient au fait que chaque commune a le droit d'être représentée par au moins un délégué. Le projet qui vous est soumis conserve toutefois cette règle, qui est conforme à la fonction de représentation territoriale du Sénat.

Mais, au-delà de ce principe, il apparaît que le système actuel confère à certaines communes, notamment celles dont la population se situe entre 3 500 et 5 000 habitants ainsi qu'autour de 10 000 habitants, une représentation bien supérieure à leur part réelle dans la population de n otre pays. Inversement, les communes d'environ 8 000 habitants ou de plus de 10 000 habitants se trouvent largement sous-représentées par l'effet de ce mode de scrutin désuet.

Comment expliquer que les 43,5 % de Français qui vivent dans des communes de plus de 15 000 habitants ne soient représentés au sein du collège électoral des sénateurs que par moins d'un quart des délégués ? Comparez ces deux pourcentages : 43,5 % de la population et moins de 25 % des délégués ! Au total, c'est le principe d'égalité du suffrage, consacré par l'article 3 de la Constitution, qui se trouve ainsi malmené par un système incohérent, et cela sans qu'aucun motif d'intérêt général ne le justifie.

A travers le projet de loi qui vous est soumis, le Gouvernement ambitionne pourtant de concilier deux exigences, d'ailleurs complémentaires : celle de l'article 3 et celle de l'article 24 de notre Constitution...

M. François Guillaume.

Il a plutôt voulu satisfaire des exigences politiciennes !

M. le ministre de l'intérieur.

... en garantissant à la fois l'égalité du suffrage et une juste représentation des collectivités locales au sein du collège sénatorial.

Le texte prévoit à cet effet un dispositif clair et équitable, fondé sur l'attribution à chaque commune d'un délégué pour 500 habitants ou fraction de ce nombre.

Outre sa conformité aux principes constitutionnels, ce dispositif présente l'avantage d'introduire une plus grande simplicité et une meilleure lisibilité dans un mode de scrutin qui en manque singulièrement. Il permettra, notamment, de supprimer les savants calculs visant à déterminer le nombre de délégués dans le système actuel.

Il favorisera ainsi un plus grand intérêt des citoyens, encore peu impliqués, il faut bien le dire, dans un processus électoral trop subtil et trop peu transparent pour retenir leur attention.

Tout en réduisant fortement les distorsions de représentation entre les communes, la réforme reste toutefois favorable aux plus petites d'entre elles,...

M. François Guillaume.

Non !

M. le ministre de l'intérieur.

... qui continueront toutes à bénéficier d'au moins un délégué, quelle que soit leur population, et qui profiteront, par ailleurs, de l'attribution d'un siège supplémentaire par tranche de 500 habitants ou fraction de ce nombre.

Ainsi, les communes de moins de 3 500 habitants qui réunissent 35 % de la population et regroupent, dans le système actuel, plus de la moitié des délégués, continueront à en désigner 43,7 %. Vous constaterez donc, mesdames et messieurs les députés, que si le projet du Gouvernement corrige les déséquilibres les plus patents, il demeure toutefois marqué par le souci constant de ne pénaliser en aucune façon la représentation des plus petites communes dans le pays des 36 600 communes.

M. François Guillaume.

Et il le dit sérieusement !

M. le ministre de l'intérieur.

Votre commission des lois propose de désigner un délégué par tranche de 300 habitants.

M. René Dosière.

C'est mieux !

M. le ministre de l'intérieur.

Ce n'est pas là affaire de principe. Mais je me dois d'appeler votre attention mesdames et messieurs les députés, sur les conséquences pratiques d'une décision abaissant très bas le seuil de désignation des délégués. Les départements les plus peuplés devraient désigner des milliers de délégués : plus de 8 700 dans le Nord, plus de 7 100 à Paris. Dans ce dernier cas, il ne s'agirait d'ailleurs que d'une démultiplication de l'effectif du Conseil de Paris, puisque le département de Paris ne compte qu'une seule commune. Mais nous examinerons cela plus en détail lors de l'examen des articles. Je me réserve cependant le droit de vous donner mon opinion à ce sujet, qui n'est que mon opinion et qui n'engage pas forcément celle du Gouvernement.

Le souci d'améliorer la représentativité du collège électoral sénatorial a également conduit à prévoir des dispositions tendant à garantir une meilleure représentation en son sein des oppositions municipales.

En l'état actuel, les minorités des conseils municipaux sont assurées d'être représentées lors de la désignation des délégués des communes de plus de 9 000 habitants, soit parce que tous les conseillers municipaux y sont délégués de droit, soit à la faveur de l'élection des délégués supplé mentaires et des suppléants à la représentation proportionnelle. En deçà de ce seuil, le recours au scrutin majoritaire rend toutefois leur présence dans le collège électoral plus aléatoire.

M. François Guillaume.

Il ne s'agira plus d'un Sénat, mais d'une Assemblée nationale !

M. le ministre de l'intérieur.

Ce seuil était pertinent dans le dispositif institutionnel antérieur à 1959, quand les communes de moins de 9 000 habitants désignaient leurs conseillers municipaux au scrutin majoritaire alors que les autres recouraient à la représentation proportionnelle. La loi du 19 novembre 1982 a généralisé le mode de scrutin proportionnel pour l'élection des conseillers municipaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants, de sorte que le seuil de 9 000 habitants n'est plus qu'une survivance historique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. François Guillaume.

Il fallait tempérer la règle, sinon on n'avait pas de majorité !

M. le ministre de l'intérieur.

J'ai dit que c'était une survivance historique ! Je pense, monsieur le député, que ce n'est pas cela qui vous choque.

Concernant le collège sénatorial, le projet du Gouvernement prévoyait initialement, comme vous le savez, d'appliquer la proportionnelle partout où cela avait un sens, soit dès qu'il y avait au moins trois délégués à dé signer, dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Toutefois, dans le souci d'harmoniser les divers seuils applicables aux communes, votre commission des lois propose de limiter l'extension du scrutin proportionnel aux seules communes comptant au moins 3 500 habitants.

J'en viens à la deuxième grande idée qui sous-tend le projet.

Outre la réforme du collège électoral que je viens de vous exposer, le projet qui vous est soumis vise à renforcer la représentativité des sénateurs en abaissant le seuil d'application du scrutin proportionnel.

Le Gouvernement propose ainsi que les sénateurs soient élus à la représentation proportionnelle dans les départements comptant au moins trois sièges à pourvoir.

Le seuil actuel est de cinq sièges, sauf pour le Val-d'Oise, qui n'a que quatre sièges à pourvoir et procède néanmoins à l'élection de ses sénateurs suivant la représentation proportionnelle.

M. René Dosière.

Autre survivance historique ! (Sourires.)

M. le ministre de l'intérieur.

En effet, il s'agit d'une autre survivance historique à laquelle il convient sans doute aussi de tordre le cou.

Il existe, me semble-t-il, un large accord sur le principe d'une extension du mode de scrutin proportionnel. Le fait qu'un seul courant politique emporte tous les sièges à pourvoir dans un département, au détriment de courants minoritaires, même importants, ne contribue pas à améliorer la représentativité du Sénat, qui doit nous importer au plus haut point si nous tenons vraiment au bicaméralisme. Ce fait ne plaide pas non plus pour le maintien des seuils actuels.

Une majorité de sénateurs semble partager ce point de vue, puisque ceux-ci ont proposé d'abaisser le seuil de la représentation proportionnelle aux départements ayant au moins quatre sièges à pourvoir.

La position des sénateurs a été justifiée par le fait que le seuil de trois sièges ne permettrait pas d'ouvrir le Sénat aux minorités départementales et qu'il se limiterait à modifier la répartition des sièges entre les deux principales forces politiques du département. Cela est inexact et j'y reviendrai.

De même, on a pu estimer qu'une liste minoritaire serait de toute manière dans l'impossibilité de conquérir un siège dans les départements élisant trois sénateurs, à moins de recueillir le tiers des suffrages exprimés. Ce point non plus n'est pas exact.

Cette position et le raisonnement qui la sous-tend sont contestables à plusieurs titres. L'application de la proportionnelle à partir de trois sièges permettrait au contraire de mieux refléter la réalité des rapports de force politiques au sein des départements, en permettant que ces derniers soient représentés par des élus issus de plusieurs courants. De surcroît, l'affirmation selon laquelle la prop ortionnelle imposerait, dans les départements à trois sièges, de recueillir au moins un tiers des suffrages est erronée et ne tient pas compte de l'importance des restes à répartir.

Dans un souci de cohérence et d'objectivité, le Gouvernement préfère vous proposer d'appliquer la proportionnelle partout où ce mode de scrutin peut convenablem ent fonctionner, soit dans tous les départements comptant au moins trois sièges à pourvoir.

De plus, afin de faire face à de possibles vacances de sièges et de limiter le nombre d'élections partielles au scrutin majoritaire dans des départements normalement soumis à la proportionnelle, il est prévu que chaque liste de candidats comporte deux noms de plus qu'il n'y a de sièges à pourvoir.

J'en arrive à la troisième idée qui sous-tend le projet de loi.

Le Gouvernement vous propose d'intégrer au droit positif des ajustements techniques, dont plusieurs ont été suggérés par la Conseil constitutionnnel à l'issue du contentieux des élections sénatoriales.

C'est ainsi qu'il est prévu de mettre fin à une anomalie du droit électoral, qui, dans les communes de plus de 9 000 habitants, restreint le vote par procuration aux seuls conseillers municipaux, qui sont par ailleurs députés ou conseillers généraux, alors même que ce vote s'exerce selon les principes du droit commun dans les communes de moins de 9 000 habitants.

M. René Dosière.

Encore une survivance historique ! (Sourires.)

M. le ministre de l'intérieur.

Double survivance historique ! Le projet de loi prévoit ainsi d'étendre à tous les conseillers municipaux le droit de voter par procuration, suivant les conditions habituelles prévues par le code g énéral des collectivités territoriales. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Sur les recommandations du Conseil constitutionnel, il est en outre proposé d'instituer une déclaration de candidature obligatoire en vue du second tour dans les départements soumis au mode de scrutin majoritaire, afin de lever les ambiguïtés auxquelles sont souvent confrontés les bureaux de vote pour savoir si les candidats présents au premier tour entendent se maintenir au second. En effet, on s'arrache les cheveux, enfin, quand il en reste (Sourires),...

M. René Dosière.

Ce n'est pas gentil pour moi ! (Sourires.)

M. le ministre de l'intérieur.

... je ne regardais personne, monsieur le député - pour savoir exactement qui est candidat. Il vous est également proposé d'étendre aux élections sénatoriales le principe de l'émargement des listes par l'électeur.

Enfin, dans le souci d'assurer une plus grande souplesse dans l'organisation du scrutin, le Gouvernement vous propose de revoir les délais de publication du décret de convocation des électeurs, ainsi que les date et heure limites de dépôt des candidatures en préfecture.

Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement dans l'exposé des motifs, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire modifiant l'effectif du Sénat en fonction des résultats du recensement général de la population seront très prochainement à l'ordre du jour du conseil des ministres.

Je vous le rappelle, il s'agit là d'un exercice simple, dans la mesure où le département est la circonscription des sénateurs. Il convient, en maintenant les règles préva-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

lant jusqu'alors, de redéfinir le nombre de sièges par département en fonction des évolutions démographiques constatées.

M. François Guillaume.

On va encore renforcer le poids des villes !

M. le ministre de l'intérieur.

Mais de cette règle simple découleront évidemment des conséquences liées à la réforme que vous examinez. Il s'agit non pas d'accroître le poids des villes, monsieur Guillaume, mais de tenir compte de la réalité de la population française reflétée par le dernier recensement de 1999. Du fait de cette règle, donc, plusieurs départements passant à trois sièges de sénateurs...

M. François Guillaume.

Et d'autres à quatre !

M. le ministre de l'intérieur.

... passeront du même coup au mode de scrutin proportionnel, avec, d'ailleurs, des listes paritaires, compte tenu du vote de cette nuit.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, ce ne serait pas servir la représentation démocratique, ce ne serait pas servir l'idée que nous avons de la souveraineté populaire que de laisser caricaturer leur expression.

Nous avons le devoir de veiller à ce que les institutions de la République soient fidèles au peuple qu'elles représentent, et le Sénat ne peut se soustraire à cette exigence.

Perpétuer des règles désuètes et injustes, ce serait laisser s'émousser l'instrument de la démocratie. Voilà pourquoi le Gouvernement propose ce projet équilibré, simplifiant et modernisant le mode de scrutin sénatorial. Je n'hésite pas à le dire : ce sera un bain de jouvence pour le bicaméralisme, pour une seconde chambre qui doit être un lieu de réflexion et de sagesse, et qui le sera d'autant plus qu'elle sera à l'image du pays. Bref, ce sera un moyen de revaloriser le Parlement tout entier. C'est donc, mesdames, messieurs les députés, un projet modéré, équilibré et raisonnable qui vous est proposé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a un objet limité : améliorer la représentativité du Sénat. Je dis qu'il a un objet limité, car les débats qui ont eu lieu au Sénat, en première lecture, ont fait l'objet d'une dramatisation que je juge excessive.

M. René Dosière.

Théâtrale !

M. Marc Dolez, rapporteur.

Il ne s'agit en effet ni de remettre en cause la place du Sénat dans nos institutions ni de remettre en cause son rôle. Il s'agit d'améliorer sa représentativité et de modifier un mode de scrutin inchangé depuis plus de quarante ans et qui a montré ses limites, chacun s'accorde à le dire. Le Sénat l'a d'ailleurs lui-même reconnu en première lecture puisque, même s'il n'a pas retenu l'intégralité des propositions faites par le Gouvernement, il a considéré que certaines améliorations étaient devenues indispensables.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, propose, comme vous venez de le rappeler, un dispositif plus équilibré, plus juste et qui tient compte de la nature propre du Sénat dans nos institutions - il est très important de le souligner. En effet, si le Sénat est l'une des deux assemblées parlementaires participant à ce titre à l'exercice de la souveraineté nationale, il a aussi la mission, en vertu de l'article 24 de la Constitution, de représenter les collectivités territoriales de la République.

Le dispositif que vous nous proposez, prend en compte cette dimension.

Je précise également, car cela va mieux en le disant, qu'il n'y a pas remise en cause du suffrage universel indirect pour l'élection des sénateurs dans la mesure où, dans un parlement bicaméral, la seconde chambre ne doit pas être le miroir de la première.

M. François Guillaume.

C'est vrai !

M. Marc Dolez, rapporteur.

L'Assemblée nationale est élue au suffrage universel direct et le Sénat au suffrage universel indirect. Il suffit d'améliorer le dispositif et les propositions qui nous sont faites vont dans ce sens.

Ce projet de loi contient quatre séries de dispositions relatives au collège électoral, au mode de scrutin pour l'élection des sénateurs, aux déclarations de candidature ainsi qu'au déroulement du scrutin et, enfin, des dispositions concernant l'application du dispositif à l'outre-mer et au collège destiné à élire les sénateurs représentant les Français de l'étranger.

Je ne m'attarderai que sur les deux premières séries de dispositions, à savoir celles concernant le collège électoral et le mode de scrutin, qui sont les plus importantes, vous renvoyant, pour les autres, soit à mon rapport écrit soit à la discussion des amendements.

S'agissant du collège électoral, le dispositif qui nous est proposé vise à modifier les modalités d'élection des délé gués par les conseils municipaux. Je vous rappelle que les délégués des communes constituent l'essentiel des grands électeurs, à côté des députés, des conseillers régiona ux, des conseillers généraux et des conseillers à l'assemblée de C orse. Le système actuel varie selon la taille des communes en distinguant celles de moins de 9 000 habitants, celles qui en ont entre 9 000 et 30 000 habitants et celles de plus de 30 000 habitants. La modification qui nous est proposée est simple, claire, lisible. Elle pose comme règle, que je crois objective, l'élection d'un délégué par fraction de 500 habitants. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la commission des lois propose d'abaisser ce seuil à 300 habitants dans le souci de conserver aux petites communes leur représentation, voire de l'améliorer.

Le grand défaut du système actuel, c'est d'aboutir à une surreprésentation des communes rurales au détriment des communes urbaines. La modification proposée par la commission des lois vise à instaurer un meilleur équilibre entre les communes urbaines et les communes rurales, sans pour autant pénaliser les dernières. J'ai bien entendu, monsieur le ministre, votre argument selon lequel l'augmentation importante du nombre de grands électeurs qui en résulterait poserait des problèmes matériels le jour du scrutin. Certains amendements y répondent en visant à organiser le scrutin non plus uniquement dans les chefslieux de département, comme c'est le cas aujourd'hui, mais, pour tous les départements où s'appliquera la représentation proportionnelle, dans les chefs-lieux d'arrondissement. Plusieurs bureaux de vote seraient donc ainsi ouverts au sein d'un même département.

M. René Dosière.

Cela va multiplier les banquets républicains !

M. Marc Dolez, rapporteur.

La commission des lois a cru bon d'apporter une double modification au dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, pour la désignation des grands électeurs par les communes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

D'abord, il faut, nous semble-t-il, faire en sorte que les conseillers municipaux, qui sont élus au suffrage universel direct, puissent faire partie des délégués aux élections sénatoriales. C'est la raison pour laquelle nous proposons que, dans les communes qui disposeront d'un nombre de délégués inférieur au nombre de conseillers municipaux, les délégués soient élus au sein du conseil municipal, et que, dans les communes où le nombre de délégués sera supérieur à celui des conseillers municipaux, les membres du conseil municipal soient délégués de droit, le conseil élisant ensuite les délégués supplémentaires.

Ensuite, seconde modification, nous souhaitons que la désignation des délégués ne se fasse à la proportionnelle que dans les communes où les conseillers municipaux sont eux-mêmes élus de cette manière. Vous aviez prop osé, monsieur le ministre, de mettre la barre à 1 000 habitants, et nous avons suggéré de la remonter à 3 500 habitants, puisque cela correspond au mode de scrutin actuellement en vigueur. Evidemment, pour tenir compte des décisions prises la nuit dernière par notre assemblée dans le cadre du texte relatif à la parité, je défendrai un amendement visant à fixer ce seuil à 2 000 habitants.

J'en viens à la deuxième série importante de dispositions, celles relatives au mode de scrutin. Aujourd'hui, la représentation proportionnelle s'applique dans les départements élisant cinq sénateurs ou plus, ainsi que dans le Val-d'Oise. Pour les autres départements, c'est le scrutin majoritaire à deux tours qui est utilisé. Ce n'est pas la coexistence de ces deux modes de scrutin différents qui pose problème, c'est le seuil d'application de la proportionnelle. Le seuil actuel - cinq sénateurs - nuit à la nécessaire égalité du suffrage. En effet, dans bien des départements qui doivent élire trois ou quatre sénateurs, une faible majorité politique permet d'emporter tous les sièges.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais c'est complètement faux !

M. Marc Dolez, rapporteur.

C'est la raison pour laquelle l'application de la proportionnelle à partir de trois sièges nous semble infiniment plus juste. Le Sénat a d'ailleurs lui-même reconnu la nécessité d'abaisser le seuil d'application de la proportionnelle, puisqu'il a accepté de le déclencher à partir de quatre sièges.

C'est une avancée, nous le reconnaissons, mais nous la jugeons trop timide et dépourvue de réalité objective.

Trois sièges est, à l'évidence, le seuil à partir duquel la proportionnelle a un sens. Pour être tout à fait honnête je considère qu'en dessous, elle ne serait pas pertinente.

M. Jean-Luc Warsmann.

A deux, le tirage au sort serait plus pertinent !

M. Marc Dolez, rapporteur.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'adopter cette modification.

Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de ce projet de loi qui améliorera la représentativité du Sénat et lui permettra de remplir avec davantage d'efficacité la mission que nos institutions lui assignent.

La commission des lois vous invite donc à adopter ce texte, modifié au préalable par les amendements que je vous présenterai tout à l'heure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Eric Doligé.

La cause est entendue ! Tout est réglé ! Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. René Dosière, premier orateur inscrit.

M. René Dosière.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même s'il fut longtemps combattu par les républicains et soutenu par les royalistes et les bonapartistes, le bicamérisme appartient désormais à la tradition constitutionnelle française. Avec plus de cent ans d'existence, il est admis qu'il favorise l'expression des collectivités territoriales de la République, qu'il permet une amélioration de la qualité du travail législatif, deux examens réfléchis des textes valant mieux qu'un seul.

Je ne prendrai qu'un exemple : sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, le Sénat et l'Assemblée nationale ont travaillé ensemble, très en amont, en se répartissant les rôles de manière à maintenir, in fine, le consensus sur un dossier politiquement délicat. Et si je cite l'exemple de la Nouvelle-Calédonie, c'est pour souligner l'inexactitude des propos tenus sur ce dossier par le rapporteur de la commission des lois du Sénat qui, soucieux de justifier l'utilité du Sénat, a éprouvé le besoin de caricaturer le travail de l'Assemblée nationale. Le Sénat permet également d'éviter les risques que présenterait une trop grande concentration du pouvoir. En disant cela, je songe à la lutte qu'il a menée entre 1962 et 1969 contre la monocratie plébiscitaire.

Pour autant, le Sénat n'est pas à l'abri de tentations.

Il se fait trop souvent le défenseur d'une vision statique de la société. On l'a vu récemment à propos de la parité.

Il lui arrive également de temporiser sous couvert d'expertise afin de ralentir, voire de bloquer, l'action législative. Il n'hésite pas à s'opposer à la volonté nationale d'une manière brutale, par l'usage d'armes de procédure ou d'un veto constitutionnel qui interdit au peuple de se prononcer et de trancher. Bref, il entre trop fréquemment dans un jeu politicien en devenant une pièce du système majoritaire.

L'un des meilleurs spécialistes du Sénat, Jean Mastias, professeur à l'université Paris-I, n'écrit-il pas d'ailleurs, au terme d'une analyse fouillée : « Il est patent que de 1981 à nos jours, à chaque changement gouvernemental ou présidentiel, on se demande si le Sénat n'est pas devenu une chambre de "démolition" ou "d'approbation systématique", s'il ne se place pas à la tête de l'opposition, s'il ne répète pas des discours déjà entendus au Palais Bourbon, s'il exerce vraiment un pouvoir "arbitral" dans les périodes de cohabitation pour aider à franchir un passage difficile, s'il n'est pas partisan. »

? Il est clair que seule lar éserve propre aux universitaires conduit l'auteur à demeurer interrogatif quand toute sa démonstration le pousse à être affirmatif.

Le Sénat n'a de sens, en effet, qu'à un certain nombre de conditions : S'il relève, non de la même légitimité démocratique que l'assemblée élue au suffrage universel direct, mais d'une légitimité complémentaire et nécessairement subsidiaire dans un Etat unitaire. Par voie de conséquence, les pouvoirs de la seconde chambre doivent être toujours moindres que ceux de la première et son rôle politique plus effacé.

S'il fonde son action sur l'identité que lui fixe l'article 24 de la Constitution : assurer la représentation des collectivités territoriales de la République et la présence des Français établis hors de France, de la manière la plus exacte et la plus juste possible.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

S'il agit et s'exprime, non comme une force d'opposition ou d'approbation à la majorité nationale, mais en témoignant de manière spécifique de sa capacité à contrôler les gouvernants quels qu'ils soient et à légiférer dans le souci de rendre d'abord les textes plus humains et plus concrets. Cela afin d'être une chambre de vigilance permanente et une voix constamment différente de celles entendues jusque-là dans le débat politique.

J'observe que si les spécialistes de droit constitutionnel, des institutions politiques et de la science politique se retrouvent sur ces bases, ils sont tout autant unanimes pour dénoncer trois maux qui affectent notre Sénat et le conduisent d'ailleurs - c'est un signe qui ne trompe pas à affirmer constamment son identité et à justifier son existence.

En premier lieu, le Sénat n'est pas vraiment représentatif des collectivités territoriales françaises. En second lieu, le Sénat est une assemblée où toute alternance est inconnue. Enfin, le Sénat peut bloquer les révisions constitutionnelles et celles de certaines lois organiques, usant d'un droit de veto qui ne s'accorde pas avec le souci de permettre au peuple de trancher en dernier ressort.

D'utiles recommandations - en particulier, la suppression du droit de veto sénatorial - avaient été faites en leur temps, en 1993, par la commission pluraliste que présidait le doyen Vedel, qui avait en charge de proposer des modifications institutionnelles essentielles à l'amélioration de notre système démocratique.

L'inégalité de la représentation apparaît dans la répartition des sièges entre départements. Avec 75 000 habitants, la Lozère est représentée par un sénateur, mais un département douze fois plus peuplé, par exemple l'Ille-etVilaine ou l'Isère, n'obtient que quatre sièges.

Plus importante encore est l'inégalité qui résulte de la composition des collèges électoraux départementaux. Les communes y disposent d'un quasi-monopole, représentant 96 % du corps électoral. Départements et régions ont une représentation négligeable. Il s'agit pourtant de « collectivités territoriales » que le Sénat est censé représenter.

M. Jean-Luc Warsmann.

Et que proposez-vous ?

M. René Dosière.

Parmi les communes, on note une surreprésentation des petites communes et, corrélativement, une sous-représentation des communes urbaines...

M. François Guillaume.

Naturellement !

M. René Dosière.

... et ce d'autant plus que l'on mesure cette inégalité département par département. Car il existe autant de collèges électoraux sénatoriaux qu'il existe de départements. Et l'un des observateurs les plus pertinents de ces distorsions - je veux citer l'universitaire Jean Grangé - souligne que, dans 38 départements, les délégués des communes de moins de 2 000 habitants sont majoritaires dans le corps électoral sénatorial alors que, dans ces départements, la population des communes de moins de 10 000 habitants constitue moins de la moitié de la population.

M. François Guillaume.

C'est très bien ! C'est fait pour.

M. René Dosière.

Cette distorsion de la représentativité est accentuée par le mode de scrutin majoritaire et aboutit à cette « anomalie démocratique » relevée par le Premier ministre : le Sénat est une assemblée où l'alternance est inconnue parce qu'impossible.

Le scrutin uninominal majoritaire est appliqué dans les 85 départements qui élisent moins de cinq sénateurs, c'est-à-dire pour les deux tiers des sénateurs. Il en résulte une amplification du poids des campagnes au point que, dans les 43 départements de la moitié nord de la France soumis au scrutin majoritaire, la droite et le centre-droit disposent de 108 élus sur 114, c'est-à-dire 95 %. Ainsi, sauf dans les régions de très forte concentration urbaine, la majorité rurale de chaque département bénéficie au Sénat d'une quasi-exclusivité de représentation. Je note au passage que cette représentation ne bénéficie pas principalement, comme on voudrait nous le faire croire, aux régions rurales déshéritées ou économiquement fragiles.

La surreprésentation est la plus élevée dans les départements bien équilibrés économiquement. Ainsi, note cet observateur attentif qu'est Jean Grangé : « C'est donc dans les départements où l'agriculture est souvent la plus prospère que la population rurale bénéficie de la plus forte surreprésentation. C'est la grande culture qui est la plus favorisée et non les campagnes pauvres. »

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est vraiment n'importe quoi !

M. François Guillaume.

C'est de la démagogie !

M. René Dosière.

Au fond, la formule du doyen Vedel, que notre rapporteur cite dans son rapport, doit être retournée. Le Sénat est l'élu du blé et de la betterave plutôt que du seigle et de la châtaigne !

M. François Guillaume.

Quel sectarisme !

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce n'est pas croyable !

M. Eric Doligé.

Faites donc désigner les sénateurs par les universitaires et par les énarques !

M. René Dosière.

La surreprésentation du monde rural est, de fait, inéquitable. Sous cet aspect, le projet de loi qui nous est soumis, monsieur le ministre, constitue indiscutablement un progrès. S'agissant de la représentativité du corps électoral sénatorial, il en résultera un meilleur équilibre entre les milieux ruraux et urbains, comme notre rapporteur l'a parfaitement démontré. De sorte qu'une partie des critiques formulées envers le Sénat disparaîtront. De même, faire élire au scrutin de liste et à lar eprésentation proportionnelle les sénateurs dans les départements qui élisent trois sénateurs atténuera les inégalités liées au mode de scrutin et favorisera la présence de femmes au Sénat. Je note cependant que cette double correction n'aura pas pour effet de permettre l'alternance.

En effet, le maintien du scrutin uninominal majoritaire dans les départements qui élisent deux sénateurs garantit le maintien d'une majorité de droite au Sénat, ...

M. Jean-Luc Warsmann.

Gagnez donc les élections !

M. René Dosière.

... d'autant plus que les légers gains que la gauche obtiendra avec ces inflexions seront atténués par l'augmentation du nombre de sénateurs dont vous nous avez parlé.

M. Eric Doligé.

Vous n'êtes pas capables de reprendre la majorité au Sénat !

M. René Dosière.

Bref, avec ce texte, on limite les inégalités plutôt qu'on ne les résorbe. C'est dire que la volonté réformatrice du Parti socialiste est quelque peu bridée.

Alors que le projet du Gouvernement, conforté par les amendements adoptés en commission, constitue un signe positif - vous l'avez dit, monsieur le ministre, ainsi que le rapporteur - donné au Sénat pour qu'il tienne mieux sa place dans nos institutions en modernisant son système électoral, on ne peut qu'être surpris par la réaction du même Sénat, ou du moins de sa majorité. Je voudrais


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

relever la qualité et la pertinence des propos tenus par notre collègue Guy Allouche, au nom du groupe socialiste du Sénat. Certes, le Sénat n'a pas, comme la dernière fois, rejeté toute transformation d'un revers de question préalable. Certes, il a reconnu qu'il lui était nécessaire de se réformer. Mais, une fois encore, il a adopté une position minimale dont on ne sait si elle relève de la tactique ou du refus de regarder les réalités en face. Je n'en veux d'ailleurs pour preuve que le rapport de la commission des lois du Sénat sur ce texte, exclusivement préoccupée de justifier le Sénat d'aujourd'hui, tant dans son corps électoral que dans son fonctionnement.

En fixant à quatre, chiffre qui n'a aucune signification...

M. Jean-Luc Warsmann.

Et 2 ? Et 3 ?

M. René Dosière.

... le nombre de sièges requis pour l'application de la proportionnelle, en conservant immuable le mode de désignation des délégués, en ne s'attaquant pas sérieusement au problème de l'inégalité de représentation des communes, il fait preuve, non de modération, mais de frilosité. Et, ce faisant, non seulement il n'engage pas le dialogue, mais conforte tous ceux qui pensent que le changement proposé par le Gouvernement est un geste utile, mais qui en appelle d'autres plus décisifs.

De l'histoire du Sénat sous la Ve République, il est possible de tirer quelques pistes de réflexion. Réprouvé sous de Gaulle, consolidé sous Pompidou, le Sénat est comblé sous Giscard. Il est vrai que, durant cette période, le Sénat est plus favorable au chef de l'Etat que ne l'est l'Assemblée nationale. Il devient même indispensable lorsque Raymond Barre succède à Jacques Chirac comme Premier ministre et, à ce moment, le Sénat succombe au piège majoritaire.

Inversement, l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, place le Sénat en opposition complète avec la nouvelle majorité et le dialogue législatif s'en trouve altéré. Dans les deux cas, le Sénat oublie le sens de la mesure et du compromis qu'il voudrait voir attacher à son image. Il ne constitue pas pour autant un contre-pouvoir efficace, puisqu'il est devenu un rouage du système majoritaire, enjeu ou complice et même supplétif de la cohabitation.

Ce faisant, le Sénat échappe à la vocation qu'il revendique hautement, à savoir « parler d'une voix différente dans le dialogue législatif, adopter la même vigilance quels que soient les partenaires et les configurations politiques, partager équitablement les responsabilités indépendamment des âges et des opinions ».

Pour y parvenir, il faut renoncer au système électoral qui aboutit à singer le fait majoritaire dont le Sénat n'a nul besoin, puisqu'il ne peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Le recours à un scrutin proportionnel généralisé permettrait au Sénat d'exprimer la diversité des territoires dans ses composantes urbaines et rurales. Un Sénat pluriel et féminisé,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela n'a rien à voir avec le texte d'aujourd'hui !

M. René Dosière.

... issu de collèges électoraux représentatifs dans le cadre départemental verrait sa spécificité et son crédit renforcés.

Avec ce texte, nous aboutirons, bien évidemment, à une meilleure représentativité, mais non à ce Sénat pluriel et féminisé dont notre démocratie moderne a besoin et que nous appelons de nos voeux. Pour y parvenir, il faut aller plus loin, renoncer au scrutin majoritaire et retenir le scrutin proportionnel. Ce n'est pas ce que le Gouvernement nous propose aujourd'hui.

Le groupe socialiste, bien entendu, votera le texte, comme il l'a fait en commission des lois. Mais nous espérons que le temps de la navette parlementaire permettra d'approfondir la réflexion des uns et des autres avec l'espoir qu'il sera possible, dans une lecture ultérieure, de refonder véritablement le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous abordons l'examen de ce projet de loi qui vise à modifier le mode d'élection des sénateurs. Je dois dire que j'ai été assez surpris, si ce n'est choqué, par certaines affirmations prononcées du haut de cette tribune.

On commence par nous affirmer qu'il est étonnant que la représentation des différents groupes politiques au Sénat soit différente de celle de l'Assemblée nationale.

Mais, mes chers collègues, si la représentation au Sénat était un calque de celle de l'Assemblée nationale, à quoi servirait une seconde chambre ?

M. René Dosière.

Nous avons dit le contraire !

M. Jean-Luc Warsmann.

Comment est définie la seconde chambre ? Ce n'est pas une découverte. Elle est définie par l'article 24 de notre constitution, qui confie au Sénat la mission d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République.

M. René Dosière.

Nous ne disons pas autre chose.

M. Jean-Luc Warsmann.

A partir de là, j'ai entendu formuler des critiques.

Première critique : la représentation n'est pas la même entre les différents départements ! Chers collègues, je vais vous citer un exemple tiré de l'étranger. Je pensais, en écoutant mon collègue Dosière, à ce qui se passe aux

Etats-Unis, au Sénat et à la Chambre des représentants. Chaque Etat envoie deux élus au Sénat, quelle que soit sa population.

M. René Dosière.

Cela n'a rien à voir !

M. Marc Dolez, rapporteur.

Il s'agit d'un Etat fédéral !

M. Jean-Luc Warsmann.

Le Sénat américain est plus favorable aux Républicains mais je n'entends pas tous les matins le parti démocrate proposer la modification des règles d'élection au Sénat américain parce que ce dernier ne lui est pas favorable. Lorsque l'on veut gagner les élections, on cherche à convaincre les électeurs, on ne change pas à son gré les règles électorales.

Deuxième critique : dans les collèges départementaux, le mode d'élection n'est pas juste parce que les délégués des conseils municipaux représentent 96 % du corps électoral. Quant aux conseillers généraux et autres élus qui y siègent, ils sont, nous dit-on, très minoritaires. Mais j'observe que ce texte, et surtout les amendements qui nous sont proposés ne changent absolument rien à la prééminence des communes. Pire, ils renforcent la prééminence de ces collectivités territoriales.

On nous dit ensuite que le texte permet de fortement représenter les communes rurales. Et même, ce qui m'a semblé franchement ahurissant, que les communes à grandes cultures étaient surreprésentées ! Mes chers coll ègues, ne connaissez-vous donc pas la campagne ? Aujourd'hui, dans les communes rurales, les ouvriers sont plus nombreux que les agriculteurs. Dans les communes de grandes cultures, les exploitations agricoles sont certes étendues, mais il n'en reste que trois ou quatre. Et on ne


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peut plus parler, dans ces communes, de la prééminence de l'électorat agricole. Cet argument est fantasmagorique et ne correspond absolument pas à la réalité.

Quelle est la réalité ? Elle est que nous avons une seconde chambre, dont la vocation est de représenter l'ensemble des collectivités territoriales de la République.

Quel est l'enjeu ? Il est de trouver un texte équilibré permettant au Sénat de représenter ces collectivités.

Deux questions sont posées, à l'occasion de ce projet de loi.

Première question : doit-on modifier la règle de répartition entre scrutin proportionnel et scrutin majoritaire pour nos 320 sénateurs ?

M. René Dosière.

Oui !

M. Jean-Luc Warsmann.

Deuxième question : doit-on modifier la constitution du corps électoral, puisque les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect ?

M. René Dosière.

Oui !

M. Jean-Luc Warsmann.

Aujourd'hui, dans tous les départements où il y a cinq sénateurs ou plus, on recourt au scrutin proportionnel. Cela représente quatorze départements et un tiers des sénateurs. Et dans tous les départements où il y a quatre sénateurs ou moins, on recourt au scrutin majoritaire.

Le scrutin majoritaire a un sens. D'abord au Sénat plus encore qu'ailleurs, les candidats gagnent par leurs qualités personnelles. Dans nos départements respectifs, nous savons tous que certains candidats ne seront pas élus en raison de leur étiquette politique ou grâce à l'investiture de leur parti, mais en raison de leur réputation ou de leurs compétences personnelles.

M. René Dosière.

Vous voulez dire que les compétences sont exclusivement à droite ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Un de nos collègues nous a expliqué que dans certains départements où il y a trois ou quatre sénateurs, l'élection se jouait à quelques voix près.

Merci, mon cher collègue, de l'avoir dit. Cela signifie que le jeu est extrêmement ouvert.

Aujourd'hui, le Sénat nous propose d'abaisser de cinq à quatre le nombre de sénateurs déclenchant le recours au scrutin proportionnel.

Pourquoi ? Ce chiffre n'est pas magique. Il n'y a aucun fondement théorique à choisir quatre - pas plus d'ailleurs que trois - ou deux. Un tel choix me paraît cependant justifié.

D'abord, pour des raisons d'équilibre. Placer la barre à quatre signifie élire 54 % du Sénat au scrutin majoritaire et 46 % au scrutin proportionnel.

Ensuite, parce les départements qui comptent deux ou trois sénateurs sont de taille modeste. Les hommes et les femmes qui se présentent sont connus. Je suis persuadé que dans ces départements il faut accorder une « prime » aux hommes et aux femmes qui sont candidats et non aux étiquettes politiques, ce que vous voulez faire en généralisant la proportionnelle.

Je crois déceler une arrière-pensée politique.

Mme Nicole Feidt.

Vous n'en avez pas ?

M. Patrice Carvalho.

Une arrière-pensée politique...

chez vous ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Cette nuit, nous avons voté à l'unanimité, moins une abstention, un texte tendant à accroître la prise de responsabilités des femmes aux différents niveaux politiques.

Mme Nicole Feidt.

Il le regrette déjà !

M. Jean-Luc Warsmann.

Un amendement a été retenu, selon lequel l'alternance hommes-femmes sera obligatoire sur les listes sénatoriales. Quelle est la conséquence de la proposition du groupe socialiste à l'assemblée ? Prenons l'hypothèse où les trois sénateurs d'un département appartiennent à l'opposition.

Que va-t-il se passer ? Le parti socialiste espère en récupérer au moins un de plus, cet amendement lui permettant d'en récupérer en tout une trentaine.

Le Parti socialiste se dit qu'il rend un bien mauvais service à l'opposition. En effet, avec la nouvelle règle de l'alternance, sur les trois sénateurs, un seul sera en position d'être éligible.

J'imagine que vous souriez en pensant déjà aux listes dissidentes et à l'inorganisation de l'opposition lors des prochaines élections sénatoriales ! Je trouve que ces raisonnements sont bien bas, alors qu'on est en train d'étudier un mode de scrutin.

Deuxième enjeu : la désignation des délégués. Le Sénat propose de maintenir le système actuel c'est-à-dire entre un et quinze délégués - pour les communes de moins de 9 000 habitants et d'ajouter aux conseillers municipaux des délégués supplémentaires un pour 700 habitants pour toutes les communes de 9 000 habitants et plus.

Pourquoi situer la frontière à 9 000 habitants ? C'est encore la frontière de l'équilibre. Les communes de moins de 9 000 habitants représentent 30 millions de Français et 48 % de la population ; les communes de plus de 9 000 habitants représentent elles aussi la moitié environ des Français : c'est le deuxième équilibre sur lequel repose le texte du Sénat.

Le Gouvernement, pour sa part, propose un système unique consistant à désigner un délégué pour 500 habitants. Quelle est la conséquence d'une telle disposition ? Que toutes les communes dont la population est inférieure à 16 000 habitants perdent des délégués et donc du poids. Ce projet consistant à déshabiller les communes petites et moyennes est-il compatible avec la volonté de représenter l'ensemble des collectivités territoriales ? Je ne le pense pas.

Quant à la disposition adoptée, malencontreusement dirai-je, par la majorité de la commission des lois, elle a pour objet d'abaisser de 500 à 300 habitants le seuilr etenu par le Gouvernement. Quel en est l'effet ? D'abord, d'augmenter de moitié le nombre des délégués élisant les sénateurs. Ensuite, d'affaiblir considérablement la représentation des communes de taille petite ou moyenne, qui diminuerait de 11 %, celle des communes de 3 500 à 30 000 habitants reculant de 5 %, pour tout concentrer sur les grosses communes.

On peut difficilement, mes chers collègues, tenir un discours sur l'aménagement du territoire et vouloir affaiblir toutes les communes petites et moyennes. De surcroît, le recensement montre que le dynamisme démographique est souvent le propre des communes de taille moyenne, périurbaines notamment. Votre projet va à l'encontre de cette réalité.

M. René Dosière.

Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Luc Warsmann.

Mes chers collègues, le groupe RPR soutient le texte qui nous est proposé dans la rédaction du Sénat.

Mme Nicole Feidt.

Et voilà ! On ne bouge pas !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il le soutient parce que ce texte repose sur deux équilibres : élection à la proportionnelle pour la moitié des sénateurs, au scrutin majori-


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taire pour l'autre moitié ; maintien du mode actuel de désignation des délégués dans les communes de moins de 9 000 habitants, c'est-à-dire pour la moitié de la population ; ajout de délégués supplémentaires pour l'autre moitié.

E n réalité, le débat qui est engagé me semble encombré d'arrière-pensées. J'entends dire que le Sénat est une anomalie politique...

M. René Dosière.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann.

... parce que la majorité n'y a pas changé. Soit ! Mais alors, mes chers collègues, dissolvez le conseil général de la Marne et les conseils municipaux de toutes les villes de France qui n'ont pas connu l'aternance depuis cinquante ou cent ans ! Pour moi, le fait que l'alternance ne s'exerce pas n'est pas le critère d'une anomalie politique, c'est le résultat du libre choix des électeurs. Si la ville de Lille reste à gauche et le conseil général de la Marne à droite, c'est parce que les électeurs le veulent ainsi.

M. René Dosière.

Dans les deux cas, c'est le suffrage direct !

M. Jean-Luc Warsmann.

Et je ne monterai pas à cette tribune proposer une modification du mode de scrutin dans la Marne ou à Lille parce que la majorité ne m'y convient pas.

Vous nous dites vouloir moderniser le Sénat et l'idée est intéressante. Mais, en réalité, toutes les dispositions techniques que vous proposez n'ont qu'un seul but : accroître le nombre des sénateurs de gauche. Une trentaine de plus si l'on abaisse à trois sièges à pourvoir le seuil de la proportionnelle. Une trentaine encore si l'on descend à deux comme vont jusqu'à le proposer certains socialistes. Mais je vais vous dire le fond de ma pensée ; plutôt que d'instaurer la proportionnelle dans les départements élisant deux sénateurs, je préférerais encore le tirage au sort ! L'effet serait exactement le même et ce serait tout aussi ridicule !

M. René Dosière.

Et quel est le résultat avec le mode de scrutin actuel ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Quant à l'augmentation du nombre de délégués pour certaines strates de communes, c'est aussi une idée remplie d'arrières-pensées, qui vise simplement à « gauchir » le corps électoral...

M. René Dosière.

On aura du mal !

M. Jean-Luc Warsmann.

... pour essayer d'accroître le nombre des sénateurs de gauche.

Nous ne sommes pas d'une naïveté absolue. Certes, la majorité se félicitera d'arriver à faire ce qu'elle veut à l'Assemblée et je crains que ce soit le cas ce soir. Mais nous avons observé, ces dernières semaines, combien elle regrette de se heurter à un Congrès qui, parfois, lui résiste.

Mme Nicole Feidt.

Il n'y a pas de quoi s'en vanter !

M. René Dosière.

Vous en êtes fier ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Et pourquoi le Congrès résiste-il ? Tout simplement parce que l'opposition y détient les trois cinquièmes des sièges.

Or voilà que, quelques jours après cette déconvenue, on vient nous proposer un projet de loi sur le scrutin sénatorial. Il est clair qu'il a purement et simplement pour objectif d'essayer de casser cette majorité des trois cinquièmes en augmentant le nombre des sénateurs de gauche. Vous habillez cela avec la modernisation ou la proportionnelle. Je crois, moi, que vous vous engagez dans une bien mauvaise démarche. Peu de députés sont aujourd'hui en séance et vous espérez que ce débat n'aura ainsi que peu d'écho dans l'opinion.

Mme Nicole Feidt.

C'est normal !

M. René Dosière.

Le Sénat n'intéresse personne !

M. Jean-Luc Warsmann.

Alors, vous recommencez pour le Sénat ce que vous avez déjà fait pour les élections régionales, mais ne vous y trompez pas : il n'y a dans l'histoire aucun exemple de gouvernement qui ait cru pouvoir prendre toutes les libertés pour adapter les modes de scrutin à son avantage et qui, finalement, n'ait pas été sanctionné par l'opinion.

J'espère que la raison triomphera ce soir et que le texte qui nous est présenté sera voté en l'état. Mais modifier les modes de scrutin à sa convenance, ce n'est vraiment pas un bel exemple de pratique démocratique et, s'il y a des dérapages, aujourd'hui ou demain les électeurs s'en apercevront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 10 mars dernier, il y a bientôt un an, le conseil des ministres adoptait le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs. Nous sommes amenés aujourd'hui à en examiner les dispositions, après que la majorité sénatoriale leur a fait perdre, hélas, de leur pertinence et de leur force. Mais nous ne sommes qu'au début d'une longue procédure et nous souhaitons pour notre part que la sagesse l'emporte sur les querelles intestines ou les calculs politiciens, qui ne sont pas étrangers à la droite.

Le groupe communiste ne souscrit pas à la logique de la majorité sénatoriale. Il accompagnera la démarche engagée par le Gouvernement, qui n'a d'autre ambition que de modifier le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs, aujourd'hui inadapté, personne ne peut le contester, aux conditions d'une démocratie moderne et ouverte.

Nous comprenons d'autant moins le déchaînement que cette réforme a pu susciter au Sénat que, comme l'écrit fort justement Marc Dolez dans son rapport, « il s'agit d'une réforme et non d'une révolution ».

Bien sûr, nous sommes convaincus que, sans remettre en cause le système bicaméral, il sera nécessaire d'engager des réformes qui permettront à la seconde chambre d'évoluer, plutôt que de rester campée sur la position d'obstruction que la Constitution lui permet d'occuper. Il suffit de se remémorer les prises de position de la majorité sénatoriale lors de l'examen de certains textes de loi tels que la parité, le PACS, la limitation du cumul des mandats et d'autres encore, pour se convaincre qu'à aucun moment cette chambre n'a fait montre de sa capacité à assumer sa responsabilité de régulateur ni son rôle d'équilibre entre les pouvoirs. Même si le bicamérisme de la Ve République est inégalitaire, il faut bien reconnaître que le pouvoir de veto reconnu au Sénat lui permet d'empêcher que n'aboutissent des textes d'importance.

Peut-on considérer que cette situation relève de la véritable démocratie, quand on sait le décalage entre les aspirations de nos concitoyens et les prises de position du


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Sénat ? Depuis 1981, en effet, les forces de gauche ont remporté nombre d'élections, qu'elles soient municipales, départementales, régionales, nationales ou européennes.

Or il apparaît que, durant ces vingt années où tout a bougé dans la vie politique française, la seule institution à rester immuable parce que ses composantes ne suivent pas les évolutions politiques du pays est assurément le Sénat.

Il y a donc bien une anomalie dans la représentation de la société par le Sénat.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est qu'il est à droite !

M. Alain Tourret.

Pas du tout ! Vous oubliez que le général de Gaulle lui-même voulait le supprimer en 1969 !

M. Patrice Carvalho.

Le bicamérisme peut-il se justifier par l'absence de toute possibilité d'alternance dans l'une des deux chambres ? Le nier ne contredit aucunement notre volonté de ne pas remettre en cause l'existence même de la seconde chambre. Mais l'on peut légitimement s'interroger sur la représentation particulièrement déséquilibrée qui caractérise le Sénat car, qu'on le veuille ou non, elle constitue un réel obstacle à la vie parlementaire française.

Les Français ne sont pas dupes. D'ailleurs, lors du débat au Sénat en juin dernier, il a été fait référence à un sondage dont les résultats laissent apparaître qu'une majorité de nos compatriotes considèrent que le Sénat du

XXIe siècle « doit refléter davantage la réalité de leurs opinions politiques, les réalités sociologiques et culturelles, les réalités de leurs modes de vie dans une France bien plus urbanisée, contemporaine, plus féminisée et rajeunie ».

Doit-on laisser perdurer ce que nous déplorons tous : le sentiment de ringardisation de la Haute Assemblée ? On doit au contraire inscrire le Sénat dans un élan de démocratie susceptible de répondre à la soif de politique, soif d'intervention citoyenne, soif de transparence, soif de vérité qu'expriment de plus en plus les Françaises et les Français.

Le projet de loi qui nous est proposé par le Gouvernement, tendant à modifier le mode de scrutin applicable aux élections sénatoriales, ne réglera pas tout, certes. Il est un petit pas, mais sachons nous en saisir.

Bien sûr, nous sommes interpellés plus fondamentalement sur la crise de la politique, qui est réelle, profonde, et que nous mesurons quotidiennement.

Les raisons en sont multiples. Il est logique que le chômage, la précarité, les inégalités, l'incertitude du lendemain conduisent nos concitoyens à s'interroger sur le fonctionnement de la démocratie représentative et qu'ils soient plus exigeants à l'égard de leurs élus.

Mais les causes premières de cette crise de la politique, de cette crise des institutions, tiennent à la persistance d'un système politique né de la Constitution de 1958, modifiée en 1962, qui instaure une puissante personnalisation du pouvoir, et à la contradiction qui s'aggrave entre l'indépendance nationale et une supranationalité tentaculaire.

Depuis son entrée en vigueur en 1958, les communistes, vous le savez, se sont toujours opposés à la Constitution. Je n'y reviens pas car ce n'est pas l'objet du débat.

Mais nous restons partisans d'une démocratie responsable et efficace qui donne au Parlement la primauté dans les institutions, qui permette de revivifier la démocratie et de développer la participation citoyenne. Nous sommes pour des modifications constitutionnelles qui s'inscrivent dans un vaste dispositif de démocratisation en profondeur de la société.

Donner au peuple les moyens d'être maître de son destin, le rapprocher des lieux de décision et de pouvoir ne relève pas d'une conception archaïque, voire ringarde.

C'est ainsi, au contraire, que l'on contribuera à défendre la souveraineté nationale.

C'est avec cet objectif que nous abordons, pour ce qui nous concerne, l'examen de ce projet de loi, parce que le Sénat exerce, aux côtés de l'Assemblée nationale, le pouvoir législatif. C'est à ce titre que ses représentants sont élus au suffrage universel qui, même indirect, n'en demeure pas moins égal et secret. Or, la loi se faisant au nom du peuple français, il est clair que toute entrave au principe d'égalité en matière de scrutin sénatorial constitue une distorsion dans l'exercice de la souveraineté populaire.

La juste représentation du peuple français par le pouvoir législatif doit être assurée. C'est le fondement de notre attachement à la représentation proportionnelle. Le Sénat ne peut rester en dehors de cette réalité. Or qui peut raisonnablement contester que cette condition d'égalité est loin d'être remplie en ce qui le concerne ? Ainsi, comme l'a relevé le ministre de l'intérieur lors de la discussion au Sénat, une commune de 100 000 habitants dispose de 125 délégués, soit un pour 800 habitants, alors qu'une commune de 10 000 habitants dispose de 33 délégués, soit un pour 303 habitants. En revanche, une commune de 1 000 habitants, disposant de trois délégués, est proportionnellement moins bien représentée avec un délégué pour 333 habitants. Globalement, ce système défavorise les communes importantes, alors qu'il p rivilégie fortement certaines communes de taille moyenne, entre 3 500 et 5 000 habitants et entre 9 000 et 15 000 habitants. A l'échelon national, les communes de plus de 100 000 habitants, qui accueillent 15,1 % de la population française, ne désignent que 7,2 % des délégués des conseils municipaux.

Pourtant les dispositions de l'article 3, troisième alinéa, de la Constitution sont claires : « Le suffrage peut être direct ou indirect (...). Il est toujours universel, égal et secret. » Ce sont les fondements de la légitimité démocra-

tique.

Comment, dans ces conditions, entretenir volontairement la confusion entre ruralité et territoires pour justifier, comme le font certains défenseurs du mode de scrutin actuel, les déséquilibres de représentation au Sénat ? Le projet entend rectifier cette incohérence sans qu'il soit porté atteinte à l'assise territoriale du Sénat. Il s'agit de corriger les déséquilibres entre le rural et l'urbain et de permettre ainsi une plus juste représentation. Qui peut s'opposer, au nom de la démocratie, à des dispositions qui devraient entraîner une adéquation de la représentation sénatoriale et de l'évolution démographique ? Afin de rompre avec une situation dont notre rapporteur a brillamment et précisément rendu compte, le projet nous propose d'élargir le collège électoral et d'établir un meilleur équilibre entre zones plus ou moins peuplées.

Si les propositions gouvernementales vont dans le bon sens en assurant l'élection d'un grand électeur par tranche de 500 habitants, nous nous félicitons, pour notre part, que la commission des lois ait retenu le seuil de 300 habitants. Cette mesure qui, je l'espère, sera adoptée permettrait d'assurer encore mieux la prise en compte du poids démographique et d'élargir d'autant l'assise du corps électoral pour les petites communes comme pour les grandes.

Concernant la prise en compte des données démographiques actuelles, nous sommes très attentifs, monsieur le ministre, aux engagements que vous avez pris devant la


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Haute Assemblée lors de la discussion d'un amendement du groupe communiste et qui tendent « à une actualisation du tableau des sénateurs en fonction des évolutions démographiques révélées par le recensement général de la population de 1999, dont nous connaissons maintenant les résultats ». Il serait en effet singulier que les sénateurs soient élus sur la base d'un recensement datant de 1975 ! Par ailleurs, le projet de loi tend à abaisser à trois sièges à pourvoir le seuil à partir duquel la représentation proportionnelle s'appliquera pour l'élection des délégués et pour l'élection des sénateurs, afin de traduire la diversité politique des conseils municipaux. Nous souscrivons à cette disposition qui permettra une plus juste représentation dans le plus grand nombre de communes et de départements.

Nous nous interrogeons sur la proposition de la commission tendant à relever le seuil pour l'application de la représentation proportionnelle lors de l'élection des délégués en l'alignant sur celui retenu pour l'élection des conseils municipaux, c'est-à-dire 3 500 habitants. Ce serait à mon sens un recul.

Le débat devrait permettre de juger de la pertinence de cette proposition. On ne doit pas oublier, cependant, que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, est une assemblée politique. Et ce que nous pouvons regretter, c'est justement le mode de scrutin retenu pour élire les députés. La proportionnelle serait la bienvenue. Mais c'est un autre débat.

Au moment de conclure, je rappelle que les parlementaires communistes aspirent à voir enfin s'engager une réflexion sur le fonctionnement de nos institutions.

Pour le Sénat, il semble bien évident que des réformes du ressort de la loi organique devraient intervenir rapidement, en ce qui concerne notamment la durée du mandat de sénateur, que nous souhaitons voir réduire de neuf ans à six ans, et l'âge d'éligibilité, qui pourrait être abaissé à vingt-trois ans au lieu de trente-cinq ans aujourd'hui.

Sur la base de ces observations, le groupe communiste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est l'une des chambres du bicamérisme français. Il dispose de larges pouvoirs sur le plan législatif et politique. Et il faut rappeler que, dans leur majorité, les Français, au moins à deux reprises, ont réaffirmé leur attachement à ce bicamérisme : en 1946 et en 1969. Les raisons sont présentes à tous les esprits.

Puisqu'il existe deux assemblées dans notre système constitutionnel, deux modes de scrutin ont été prévus afin d'éviter des conflits de légitimité. La représentativité de l'Assemblée nationale est construite à partir d'un critère démographique. La représentativité du Sénat repose certes sur la démographie, mais aussi en partie sur les collectivités territoriales, la mission de représentation de ces dernières lui ayant été confiée par l'article 24 de la Constitution.

Quelques mots au sujet de la notion de collectivité territoriale. Au sens juridique, il s'agit d'une personne morale de droit public. Mais au sens politique - qui nous intéresse peut-être davantage ici - une collectivité territoriale peut se définir comme une communauté humaine disposant de droits reconnus par la Constitution et par la loi, représentée par ses élus qui expriment une volonté collective. Par conséquent, on peut dire que le second élément de la représentativité du Sénat est l'expression collective de la volonté des habitants des collectivités territoriales.

Le présent projet de loi entend faire évoluer la représentativité du Sénat, qui mérite en effet d'être amélioré e. Cette idée est partagée par l'ensemble des forces politiques du pays, et nous sommes finalement en présence de trois propositions d'évolution : la proposition de la majorité sénatoriale, telle qu'elle résulte de la première lecture ; la solution retenue dans le projet gouvernemental ; les propositions de la commission des lois, ou p lus exactement des commissaires socialistes de la commission des lois.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Non, de la commission elle-même !

M. René Dosière.

Car nous y sommes majoritaires.

M. Emile Blessig.

Bien entendu et, dans ses débats, vous l'étiez encore davantage ! L e problème de la représentativité se pose de deux manières : la désignation des membres du collège électoral, s'agissant d'un scrutin au suffrage indirect, et les modalités d'élection des sénateurs : scrutin majoritaire à deux tours ou scrutin proportionnel.

Vu sous cet angle, le débat est purement arithmétique.

faut-il désigner un grand électeur par tranche de 700, de 500 ou de 300 habitants ? Pour l'élection à la proportionnelle des sénateurs, faut-il retenir les départements où l'on en élit quatre, comme le propose le Sénat, ou trois, comme le suggère le Gouvernement ? M. Warsmann a parlé de seuils et d'équilibres. Je crois que de ce point de vue-là toutes les argumentations sont possibles. En tout cas, ces questions sont d'un intérêt politique évident car elles auront des conséquences sur le résultat des élections.

Mais on ne débat pas sur l'arithmétique. On va vraisemblablement imposer le résultat de choix faits par la majorité.

Il est néanmoins une question à laquelle il faut bien répondre : si le Sénat est « une anomalie pour les démocraties », comme l'a dit M. le Premier ministre, en quoi ce projet de loi peut-il y remédier ? Et ce n'est certainement pas uniquement une anomalie arithmétique de la représentativité, même si cette dernière est largement reconnue sur tous les bancs. Par conséquent, si l'on avait véritablement voulu s'attaquer au problème de la représentativité du Sénat, on aurait pu aller plus loin.

M. René Dosière.

Ça viendra !

M. Emile Blessig.

On aurait pu véritablement se saisir du problème. Or on s'est contenté de calculs arithm étiques au profit d'une composante du paysage politique.

M. René Dosière.

On avance pas à pas !

M. Emile Blessig.

Voyons les éléments de la représentativité du Sénat. En la matière, la première question est celle du nombre total de nouveaux sénateurs. Certes, vous en avez dit un mot, monsieur le ministre. Mais pour la bonne information de notre assemblée, il eût été souhaitable de disposer d'un projet de loi organique sur ce thème. En effet, nous discutons de répartition alors que nous ne savons même pas quel sera le nombre total des futurs sénateurs. On dit qu'il augmentera de dix-huit.

Qu'en est-il exactement ? Une plus ample information sur ce point eût été un gage du sérieux de nos travaux.

S'agissant de la composante démographique, il est exact que, ces dernières années, d'importants transferts de population se sont produits dans notre pays. Ainsi, dans


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le système actuel, un délégué dans une commune de moins de 3 500 habitants représente 292 habitants et dans une ville comptant entre 30 000 et 100 000 habitants, il n'en représente que que 788. Autre exemple de distorsion : les communes de 10 000 habitants et plus représentent 15,1 % de la population mais seulement 7,2 % des délégués.

Un rééquilibrage de cette composante démographique s'imposait donc, notamment entre population rurale et population urbaine. Cependant, la prise en compte des résultats du recensement aurait permis de mieux saisir le phénomène périurbain et peut-être d'avoir une analyse plus fine de la réalité démocratique et de sa traduction en termes de représentativité des collectivités territoriales.

N'oublions pas en effet que la population périurbaine a augmenté de trois millions de personnes au cours des vingt-cinq dernières années et que bon nombre de problèmes concrets se posent dans ces zones périurbaines.

Autrement dit, l'opposition rural-urbain a perdu de sa pertinence à telle enseigne que les géographes utilisent volontiers l'expression « rurbain ».

Il est donc regrettable, alors que nous parlons d'avancée, que le Gouvernement ait choisi, pour justifier cette évolution de la représentativité, de s'appuyer sur un critère, à mon sens, dépassé. L'approche globale au niveau national aurait pu être heureusement complétée par une analyse plus fine des conséquences, département par département. En effet, le poids démographique d'un département est largement fonction de celui de la villecentre, et selon l'importance de cette dernière on arrive à des résultats radicalement différents.

La représentativité du Sénat repose aussi sur une composante institutionnelle. Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, est une des justifications de notre bicaméralisme.

Dans les adaptations proposées par le présent texte, on a tenu compte des mouvements de population, mais le paysage institutionnel de notre pays a, lui aussi, beaucoup évolué ces derniers temps, notamment sous l'action de votre majorité : émergence de l'intercommunalité, des communautés de communes et syndicats, naissance des communautés d'agglomérations et des pays, mise en valeur du rôle moteur des régions, collectivités d'avenir.

M. René Dosière.

Grâce à M. Chevènement ! C'est un bon ministre !

M. Emile Blessig.

Certes. Mais alors pourquoi ne pas tenir compte de ces éléments dans le présent texte ? De même, on ne prend pas en compte la place incontournable des départements, notamment dans leur mission sociale. Comment justifier, alors qu'on veut faire preuve de progressisme, qu'on continue à fonder la représentativité du Sénat presque exclusivement sur les communes ? Bien sûr, notre paysage démographique a bougé, mais le paysage institutionnel est, quant à lui, en pleine évolution. Si donc nous voulons une deuxième chambre qui remplisse cette mission de représentant des collectivités territoriales, il faut nécessairement revoir cet aspect de la représentatitivé du Sénat.

Conseillers régionaux et conseillers généraux représenteront aux alentours de 3 % des délégués lors des élections des sénateurs. Voilà qui ne traduit pas une représentation équilibrée et dynamique, de nature à permettre à une chambre, dont la vocation est aussi la représentation des collectivités territoriales, de pleinement remplir son rôle.

Quel que soit l'attachement de nos concitoyens à la commune et à ses missions - la commune étant le fondement de notre construction territoriale -, une vision plus dynamique et plus cohérente aurait dû davantage tenir compte des évolutions de notre paysage institutionnel.

Un mot sur la mission du Sénat en tant que représentant des collectivités territoriales. Le législateur de 1958 a conçu le Sénat dans un contexte d'Etat centralisé. Mais, en 1982 et 1983, la décentralisation est passée par là.

M. René Dosière.

Grâce à nous !

M. Emile Blessig.

Oui, je le reconnais. Cela fait partie de l'héritage !

M. Alain Tourret et M. René Dosière.

C'est le droit d'inventaire !

M. Emile Blessig.

Absolument. Et je l'exerce en pleine liberté.

(Sourires.)

Par conséquent, il est indispensable que ces collectivités décentralisées puissent être représentées et s'exprimer de manière spécifique dans le processus législatif. C'est une des missions du Sénat.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cela pose bien des problèmes !

M. Emile Blessig.

C'est une question d'équilibre institutionnel et un facteur de cohérence nationale.

Cette mission importante au niveau interne dans un pays décentralisé l'est également dans le cadre de la construction européenne en cours.

Face aux Comités des régions, pour la bonne application du principe de subsidiarité et la mise en oeuvre des programmes européens, il est indispensable que le Gouvernement puisse s'appuyer sur une expression collective pour mieux défendre les intérêts des collectivités territoriales dans le contexte européen. Aujourd'hui, on ne peut plus envisager une planification à l'échelle de notre pays sans tenir compte des programmes européens. Dès lors, allons-nous laisser s'exprimer l'émiettement des collectivités territoriales, ou organiserons-nous une forme de dialogue susceptible d'être plus efficace ? Le Sénat, à mon sens, peut et doit assumer cette mission.

Dans ce rôle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat est une courroie de transmission et un facteur de cohérence nationale entre les collectivités locales et l'Etat, d'une part, entre les collectivités locales et l'Europe, d'autre part.

Monsieur le ministre, le débat autour de la représentativité du Sénat aurait pu être utilement complété par un débat autour de ces questions, porteuses d'avenir, et qui se présenteront à nouveau à nous dans le futur.

Deux mots à présent sur la situation des Français de l'étranger et des sénateurs qui les représentent.

M. René Dosière.

Ah ! Grave question !

M. Emile Blessig.

A l'heure de la globalisation, ou de ce que certains appellent le « village mondial », il est plus que jamais nécessaire que les Français de l'étranger, dont le nombre ne cesse de croître, et croîtra vraisemblablement davantage encore - on parle de 300 000 à l'heure actuelle - puissent être représentés au Parlement par le biais du Sénat.

M. Alain Tourret.

Par douze sénateurs ?

M. Emile Blessig.

Peut-on accepter, comme c'est le cas actuellement, que 150 grands électeurs du Conseil supérieur des Français de l'étranger élisent, à Paris, douze


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sénateurs ? Nous pensons effectivement qu'il faut porter à 1 000 environ le nombre des grands électeurs représentant ces Français, et désigner les délégués dans les pays de résidence ! MM. Alain Tourret et René Dosière.

Très bien !

M. Emile Blessig.

Le recensement devrait également, à ce sujet, nous donner d'utiles informations.

En conclusion, ce projet a le mérite de chercher à adapter le mode de désignation des sénateurs en tenant compte de certaines évolutions démographiques. Cependant, il nous apparaît insuffisant quant à la réforme de la représentativité du Sénat, dans la mesure où il n'aborde que la représentation des communes et essentiellement sous l'angle des grandes métropoles. On est loin d'une vision dynamique et moderne de l'évolution de nos institutions et de notre territoire.

Si tout le monde est d'accord sur la nécessité d'aménager les modalités de représentativité du Sénat, encore faut-il, pour le bien de nos institutions et le bon fonctionnement de notre démocratie, que cet aménagement soit équilibré. Tel n'est pas le cas et nous sommes en présence d'une nouvelle anomalie.

Par ailleurs, en proposant des dispositions au service exclusif de la représentation au Sénat du parti dominant de la majorité plurielle,...

M. René Dosière.

Il n'est pas dominant au Sénat !

M. Emile Blessig.

... le Gouvernement a choisi de faire du mode d'élection des sénateurs un enjeu politique, voire politicien.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. René Dosière.

Ce n'est pas vrai !

M. Emile Blessig.

C'est une nouveauté, une rupture avec la pratique politique passée, un précédent qui, à mon sens, risque d'être source d'instabilité et donc facteur de fragilisation de nos institutions.

L'UDF s'inscrit dans une vision dynamique du rôle du Sénat dans le processus législatif et en qualité de représentant des collectivités territoriales. Elle regrette qu'à l'occasion de la présente discussion, les calculs politiciens l'aient manifestement emporté sur l'analyse prospective de la représentativité du Sénat. Se félicitant de l'approche nouvelle de la question par la majorité sénatoriale, elle soutiendra les propositions de cette dernière.

(Applaudissement sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, on nous avait dit que la République était en danger, que ses institutions allaient être ébranlées et que la clé de voûte de la Constitution allait tomber avec le Sénat.

(Sourires.)

Du reste, nos collègues de droite sont là en bataillons serrés et je suppose que les absents sont sur les barricades, boulevard Saint-Michel, pour soutenir, le moellon à la main, les abords du Sénat, cette vénérable institution de notre République.

(Rires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Et les vôtres sont entre la Bastille et la République !

M. Alain Tourret.

Peut-être.

Le Sénat se résume pour moi à trois choses, en gros.

D'abord, c'est Gaston Monnerville, grande figure républicaine qui a dominé le Sénat sous la Ve République et qui a eu le courage de répondre au pouvoir autoritaire en lançant l'accusation de forfaiture et en faisant, à la demande du Sénat unanime, publier son discours dans toutes les mairies de France.

Ensuite, c'est un regret. En effet, en 1969 - et c'était la première fois que je votais -, je me suis prononcé contre la réforme du Général.

M. René Dosière.

C'est donc de votre faute si l'on a encore le Sénat ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Eh oui, ce fut une erreur ! Aujourd'hui encore, je la regrette profondément. Si le peuple français avait eu la sagesse de suivre le Général, nous n'aurions pas à discuter du présent texte.

M. René Mangin.

Errare humanum est !

M. Eric Doligé.

Vous étiez trop influençable, monsieur Tourret ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Oui. Et je le regrette.

Enfin, c'est une image. En effet, j'ai regardé avec beaucoup d'intérêt ce que représentait la République sur la carte de voeux que le ministre de l'intérieur nous a adressée. A côté de Jeanne d'Arc et de Napoléon, j'ai pu observer un gros bourgeois envoyé en l'air par le pied du ministre. Et, à mon sens, ce bourgeois bien enveloppé ne pouvait être que sénateur. (Rires.) Je me suis même demandé si cette carte n'était pas finalement un clin d'oeil avant l'examen de la réforme du mode de scrutin des sénateurs.

Voilà donc pour moi quelques éléments sympathiques sur le Sénat.

M. Eric Doligé.

On va inviter le ministre aux fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans !

M. Alain Tourret.

Par ailleurs, après la visite de Tony Blair à l'Assemblée, je me suis demandé si, finalement, il ne serait pas possible de rapprocher nos deux grandes démocraties. Pourquoi, après tout, le Sénat ne se transformerait-il par en Chambre des lords ? (Sourires.)

M. René Dosière.

Quand on voit l'avenir de la Chambre des lords...

M. Alain Tourret.

Il deviendrait une assemblée pour ministres renvoyés. Ainsi, les huit « juppettes » seraient aujourd'hui sénateurs à vie ! Elles auraient pu, de la sorte, apporter leur talent et leur conviction au Sénat.

Le Conseil constitutionnel est bien le lieu d'accueil des anciens présidents de la République. Pourquoi le Sénat ne servirait-il pas aux anciennes gloires de la République qui pourraient de la sorte être recyclées en mettant toute leur intelligence au service de cette illustre assemblée. (Sourires.)

M. René Dosière.

Et les anciens députés ? (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Je n'irai pas jusque-là.

Plus sérieusement,...

M. Pascal Clément.

Quel aveu !

M. Alain Tourret.

Allons, on peut bien être un peu ironique, même dans cette assemblée !

M. René Dosière.

Seulement dans celle-là ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Plus sérieusement donc, notre rapporteur a fait preuve de sagesse, à mon sens. En effet, son rapport est équilibré et ses propositions permettront finalement peut-être de réconcilier un peu le Sénat et les forces vives de la nation.

P ersonnellement, je considère qu'une deuxième chambre a vocation à refléter les grandes tensions qui traversent la société. Autant la première chambre doit être


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élue au scrutin majoritaire et avoir une majorité forte pour soutenir un gouvernement, autant on doit admettre que la seconde est l'écho de toutes les forces qui bougent, qui bouillonnent dans la société. Or ce n'est pas cela, le Sénat. Et c'est précisément ce qui m'ennuie.

M. René Dosière.

En effet, ce n'est pas le cas !

M. Alain Tourret.

Certes, il représente les collectivités locales, mais il ne constitue pas une véritable assemblée législative avec un rôle d'impulsion et de contrôle. Force est de constater, en effet, que, depuis de nombreuses années, aucun texte fort n'a émané du Sénat. Pourtant, s'agissant notamment de sujets de société, il pourrait être une chambre de réflexion et d'impulsion. Il n'en est rien.

C'est simplement un frein. Il freine ou il corrige. Voilà le principal reproche que l'on peut faire au Sénat.

J'espère que nos propositions visant à assurer uner eprésentation rénovée des sénateurs permettront de réconcilier, un tant soit peu, le Sénat avec les forces vives de la nation. C'est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mon groupe votera les propositions qui nous sont faites.

Enfin, j'avais proposé qu'on ne vote plus qu'une seule fois tous les neuf ans pour élire les sénateurs représentant les Français de l'étranger, regroupés en une seule circonscription. Cela me semblait beaucoup plus correct.

Certes, on me dit que ces douze sénateurs représentent l'Empire. Mais, que reste-t-il de l'empire colonial depuis 1958 ? Ces douze sénateurs ont-ils encore vocation à représenter l'Empire, alors que leur représentation est quatre fois supérieure à celle des autres départements ? Cela pose un véritable problème d'égalité. Au moment où l'on revoie la représentativité des sénateurs en fonction des résultats du recensement, on pourrait donc réfléchir sur ce point. Certes, M. Blessig a fait observer que le nombre des Français de l'étranger augmentait, mais tout de même pas au point de justifier ces douze sénateurs.

Malheureusement, j'ai dû renoncer à ma proposition car prévoir que l'élection des sénateurs de l'étranger doit avoir lieu en une seule fois tous les neuf ans relève d'une loi organique. En tout cas, une telle disposition aurait été un progrès vers la cohérence. Elle aurait permis au Sénat de sortir de ses contradictions et de se réconcilier avec la modernité.

Voilà les quelques réflexions que je voulais faire. Ce texte est un premier pas en attendant peut-être la VIe République. Il faudra alors réfléchir à une autre deuxième chambre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière.

Peut-être même avant !

M. Jean-Luc Warsmann.

Vaste programme !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le discours auquel j'avaisr éfléchi ressemblant sur le fond comme un clone - quoique en moins brillant, je l'avoue - à l'excellente intervention de Jean-Luc Warsmann, je vais m'essayer, sans regrets du reste, à appeler votre attention sur un autre aspect de la réforme que le Gouvernement, poussé par sa majorité, est en train de proposer au Parlement.

La première réaction que m'inspire ce projet de loi, c'est qu'il est toujours très délicat de s'occuper des affaires des autres.

M. René Dosière.

Mais enfin ! La République, c'est notre affaire, quand même !

M. Pascal Clément.

Or, nous voilà bel et bien à nous mêler des affaires du Sénat.

M. René Mangin.

Ce n'est pas une chasse gardée !

M. Pascal Clément.

Je n'ai pas été sénateur...

M. René Dosière.

Le regrettez-vous ?

M. René Mangin.

Ça va venir !

M. Marc Dolez, rapporteur.

Vous le serez certainement un jour !

M. Pascal Clément.

... mais, tout comme le ministre ici présent, il m'est arrivé de défendre des textes devant le Sénat. Et j'ai constaté que, même si la procédure y est assez ressemblante, il existe de larges différences entre les deux assemblées. Les moeurs, les habitudes, le règlement, la manière de s'exprimer des uns et des autres n'y sont pas les mêmes.

M. René Dosière.

Les sièges non plus !

M. Alain Tourret.

C'est le Jockey Club !

M. Pascal Clément.

Il est vrai que les sénateurs sont un peu plus courtois, je le reconnais à notre désavantage ! Il faut avoir fait cette expérience pour comprendre qu'il y a dans la République deux chambres, deux chambres bien distinctes, qui tiennent à leur spécificité et sans doute à juste raison.

Rappelons également - que Mme la présidente me pardonne cette référence, mais M. Tourret m'y a encouragé que lorsque le général de Gaulle, pris d'une de ses colères historiques, a voulu en 1969 supprimer le Sénat, cela ne lui a pas porté chance.

M. René Dosière.

C'est vrai, vous aviez voté contre !

M. Alain Tourret.

Vous aviez été inspiré par Giscard !

M. Pascal Clément.

N'y voyez surtout pas une menace politique de ma part ; ce n'était pas l'objet de mon propos. Je voulais seulement rappeler que les Français savent bien que nous avons deux chambres, que ce ne sont pas les mêmes, qu'elles ne sont pas élues de la même manière et qu'elles n'ont pas pour fonction de faire la même chose. Et là où est l'erreur de votre projet - car je crois qu'il y a erreur - c'est que pour vous, même si vous ne le dites pas explicitement, nos deux chambres doivent faire la même chose ou peu s'en faut.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Mais non !

M. René Dosière.

J'ai justement dit le contraire ! C'est le Sénat qui veut singer l'Assemblée nationale !

M. Pascal Clément.

Si vous dites le contraire, quel est alors le but de votre réforme ? Passons sur les mots

« modernisation » et autres, je n'y crois pas plus que vous ! Là n'est pas la question.

Vous avez, il est vrai, un argument majeur, qui se discute et je voudrais le faire avec vous : sur le plan démographique, le Sénat ne représenterait plus la France d'aujourd'hui.

Ce critère est fondamental pour l'élection des députés.

Lorsque l'envie avait pris à une majorité identique à la vôtre de remettre en cause le mode d'élection des députés, ce qui était parfaitement son droit, nous sommes passés, vous vous en souvenez, à la proportionnelle. Nous sommes ensuite revenus au scrutin majoritaire par un projet de loi dont je fus le rapporteur. Et à chaque amendement que je déposais, on me prévenait : « Attention ! Le Conseil constitutionnel ne veillera qu'à une chose : qu'il n'y ait pas trop d'écarts de population entre les circonscriptions législatives !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. Marc Dolez, rapporteur.

Absolument !

M. Pascal Clément.

Le projet de loi du gouvernement de l'époque proposait une possibilité de variation de plus ou moins 10 %, que j'ai cherché à faire passer, par un amendement qui a du reste été adopté, à plus ou moins 15 %. C'est là qu'on était venu m'expliquer quelle était la doctrine du Conseil constitutionnel en la matière.

Autant dire que cet argument n'est pas totalement négligeable. J'ai d'ailleurs cru observer que le Sénat l'avait pris en compte.

M. René Dosière.

Si peu !

M. Pascal Clément.

Il n'était pas question pour lui de se faire hara-kiri, on le comprend ! Mais, pour reprendre un langage qui vous est propre, quoique peu familier pour moi, force est de reconnaître que c'est de sa part une avancée vers ce que vous souhaitez.

M. René Dosière.

Une avancée à pas de sénateur !

M. Pascal Clément.

Les sénateurs étaient même partis pour accepter une proportionnelle jusqu'à quatre sièges, en conservant le scrutin majoritaire pour trois. Cela ne vous a pas paru suffisant. Or, même si vous aviez raison - voyez comme j'essaie de vous suivre dans votre raisonnement -, il aurait à mes yeux été préférable de parve nir à une réforme acceptée par le Sénat, dès lors qu'elle allait dans la direction que vous souhaitiez, plutôt que de chercher à l'imposer sans en mesurer les conséquences au niveau national. Je ne les mesure du reste pas plus que vous, mais je les sens confusément.

Il est un autre point auquel j'attache le plus grand prix. Du fait des migrations de population, 80 % des Français vivent désormais, paraît-il, en ville. Le mot est d'ailleurs un peu abusif. Nous savons tous que certaines villes grandissent, d'autres pas. Disons à la périphérie des villes.

M. René Dosière.

En zone urbaine.

M. Pascal Clément.

Mettons agglomération urbaine, et encore, avec des nuances. Dans bien de ces agglomérations, on trouve des bourgs encore semi-ruraux et les gens qui y résident tiennent à préserver une sorte de souvenir d'une France rurale. De l'autre côté, il y a cette France dite profonde dont l'évolution a tout de même de quoi inquiéter. Et lorsqu'on est un Gouvernement et que l'on a une majorité, de deux choses l'une : ou bien on accélère le mouvement, ou bien on le ralentit. Or je crains que votre réforme n'accélère la désertification d'un monde rural qui reste pourtant, si l'on compare avec nos voisins, une des chances de la France, premier pays par sa production et sa superficie agricoles. On trouve déjà de moins en moins de maires à se bousculer au portillon pour gérer une petite commune rurale.

M. Alain Tourret.

Personne n'a encore donné sa démission !

M. Pascal Clément.

La réforme des communautés de communes que nous avons menée ensemble y fera encore disparaître bon nombre de notables. Reste le notable majeur : le sénateur et quelques députés. Vous allez transformer ces hommes...

M. René Dosière.

Et ces femmes.

M. Pascal Clément.

... issus de ce monde rural, ces sénateurs, encore assez nombreux, qui y ont vécu, travaillé, qui ont dirigé leur collectivité, vous allez les remplacer grâce à une proportionnelle par des apparatchiks sûrement plus diplômés, qui viendront bouleverser la composition de la Haute Assemblée.

Je vous lance ce modeste avertissement : au lieu de ralentir l'exode rural et la désertification de nos campagnes, vous allez les aggraver en affaiblissant leur représentation, et ce sera là une faute contre la France. Il fallait sans doute faire quelque chose et le Sénat avait avancé des propositions. Mais accélérer la disparition des élites de la représentation rurale est, à mes yeux, une bien mauvaise idée pour la France.

Reste un point, certes plus secondaire, mais qui a aussi son importance. On remarque une assez forte inégalité dans la composition des gouvernements en France.

M. René Dosière.

Pas assez de femmes !

M. Alain Tourret.

Trop d'énarques !

M. Pascal Clément.

Sans doute ! Nous pourrions d'ailleurs, mon cher collègue, nous mettre d'accord pour souhaiter un peu plus d'avocats et un peu moins d'énarques ; ce ne serait pas plus mal,...

M. Alain Tourret.

Tout à fait !

M. René Dosière.

Et surtout plus de femmes !

M. Pascal Clément.

... mais que cela reste entre nous !

M. Patrice Carvalho.

Le plus important serait tout de même d'avoir de vrais représentants du peuple !

M. Pascal Clément.

Or je relève que les sénateurs sont peu invités à entrer au Gouvernement. Du reste, euxmmes ne le souhaitent pas,...

M. René Mangin.

Parce que leur mandat est trop confortable...

M. Pascal Clément.

... l'expérience montrant que l'on ne reste jamais neuf ans au gouvernement, pas même sept ans, rarement cinq ans... La moyenne est souvent de deux ans.

M. René Dosière.

Et vous le regrettez ?

M. Pascal Clément.

Un mandat de sénateur durant neuf ans, on se doute que personne ne cherche à se lancer dans cette aventure ! Encore les sénateurs élus au scrutin majoritaire avaient-ils une chance de retrouver leur siège ; avec la proportionnelle c'est terminé. Conséquence mineure certes, négligeable sans doute, mais qui traduit une fois de plus l'abaissement de la Haute Assemblée, puisque l'on comptera encore moins de ministres issus de ses rangs. Je tenais à le souligner car personne, me semble-t-il, ne l'avait observé. Ce n'est pas fondamental, mais cela a son sens. Là encore, si le but est d'abaisser la Haute Assemblée, c'est bien vu...

Par ailleurs, certains mots ont choqué jusqu'à ceux qui, à l'image de M. Tourret, ne sont pas des admirateurs zélés du Sénat : je veux parler de l'expression du Premier ministre lui-même qui, à propos du Sénat, a osé parler d'

« anomalie ». Pour ma part, j'en ai été extraordinairement navré.

M. René Dosière.

C'est pourtant vrai !

M. Pascal Clément.

Si anomalie il y a, j'en retiendrai une, plus modeste mais bien réelle. Je sais que vous ne me suivrez pas sur ce terrain, mais je voudrais au moins que vous m'écoutiez.

Une certaine loi organique est malheureusement en train de porter ses fruits, qui ennuie du reste une majorité d'entre vous : je veux parler du cumul des mandats.

On s'aperçoit qu'il est impossible d'imposer au Sénat une règle du jeu en la matière. Mais il n'y a pas de besoin d'une loi organique pour fixer le mode d'élection des sénateurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. René Dosière.

Encore heureux !

M. René Mangin.

Il ne manquerait plus que cela !

M. Pascal Clément.

Je vous comprends, au regard de votre objectif : mais reconnaissez au moins la contradiction avec moi ! Honnêtement, si nous avions été constituants, ou bien nous aurions supprimé toute loi organique concernant le Sénat ou nous en aurions mis partout...

M. Michel Suchod.

Vous contestez la Constitution ?

M. Pascal Clément.

Evidemment, nous n'allons pas changer de République pour cela, ...

M. Alain Tourret.

Ah !

M. Pascal Clément.

... mais s'il y a anomalie, c'est bien là. Il est choquant que l'on puisse imposer un changement de mode d'élection au Sénat sans son accord, alors que d'autres lois, organiques celles-là, l'imposent.

M. René Dosière.

Les sénateurs ont le droit de se mettre d'accord avec nos propositions !

M. Pascal Clément.

Il me faut également dénoncer un sophisme que Jean-Luc Warsmann a déjà évoqué, celui qui consiste à dire : il n'y a pas d'alternance, donc le mode électoral est mauvais. Mon collègue a donné d'excellents exemples. Le seul fait de l'admettre me paraît infinimement choquant. Il me souvient - vous n'étiez pas encore là, c'est dommage pour moi - du président Mermaz, quand il est arrivé au perchoir en 1981. Nous avons gardé longtemps son discours en mémoire : sur le ton d'Alain Peyrefitte - « si nous ne faisons pas de bêtises, nous resterons vingt ans au pouvoir » -, il avait annoncé :

« si nous ne faisons pas de bêtises, l'alternance se fera de la gauche vers la gauche » ! A en croire sa grille d'analyse, le MDC aurait eu sa chance ! De telles paroles ont de quoi scandaliser. Ce sont des propos de militant, non des propos de démocrate. Ce ne sont pas des propos de républicain.

M. Alain Tourret.

Parce que les militants ne seraient pas des républicains ?

M. Pascal Clément.

On ne peut raisonnablement prétendre qu'un mode d'élection est mauvais au motif qu'il donne toujours le même résultat. Ou alors, il faudrait changer des modes d'élection selon les communes, les départements ou les régions, créant autant de distinctions qui, évidemment, seraient inconstitutionnelles.

M. Alain Tourret.

Monnerville, lui, était un républicain !

M. Pascal Clément.

Et s'il est vrai qu'il devenait nécessaire de faire évoluer le mode d'élection, je vous renvoie à l'analyse de la Haute Assemblée elle-même ; aller au-delà, sans son accord, est particulièrement choquant.

Enfin, et ce pourrait être le morceau de bravoure,...

M. René Dosière.

Faites, faites !

M. Pascal Clément.

... hier soir, je l'avoue, tout s'est gâché.

M. René Dosière.

Parce que nous votions la parité ?

M. Pascal Clément.

Non seulement votre loi s'est faite contre l'accord des sénateurs, pourtant concernés, mais, sous la poussée d'un militantisme débridé, vous êtes allés jusqu'à imposer l'alternance systématique, qui vaudra une fois pour toutes à ce texte, en mémoire d'un film et de sa musique célèbre, le nom de « Chabada bada ».

Mme Raymonde Le Texier.

Le militantisme débridé...

M. René Dosière.

Vous l'avez voté !

M. Pascal Clément.

Je ne parlerai pas du fond, c'était hier. Mais j'en connais qui ont voté la modification constitutionnelle parce qu'on leur avait promis un quota de 30 %... Ils se retrouvent bien déçus aujourd'hui en découvrant que l'on s'est moqué d'eux. Elle me ressemble comme un frère, cette affaire-là ! Mais je ne suis pas là pour vous parler de cela.

M. René Dosière.

Cette loi, vous l'avez votée !

M. Pascal Clément.

Oui, à tort ! Et sur des promesses non tenues ! Mais passons !

M. Alain Tourret.

Mme Boutin fait des émules !

M. Pascal Clément.

Comprenons-nous bien. Le mouvement de féminisation de la vie politique me paraît archi-souhaitable et inévitable, pour peu que l'on s'y prenne prudemment. Du reste, comme l'indiquait lar éforme constitutionnelle elle-même, « favoriser » n'a jamais voulu dire « systématiser » : je vous fiche mon billet que votre loi sera à coup sûr sanctionnée par le Conseil constitutionnel, parce qu'elle ne l'est justement pas ! En fait, vous allez organiser une mini-guerre civile par département, dont seront victimes les sénateurs sortants, qu'ils soient de gauche ou de droite - ce qui me console, c'est que cela vaudra pour tout le monde ! Pour sauver sa peau, chacun sera obligé de faire sa liste. Je vous laisse le soin de poursuivre dans l'exercice d'imagination...

Sommes-nous, parlementaires, hommes politiques - et, dans mon esprit, le mot « homme » embrasse le mot

« femme » (Sourires) - en si bonne santé pour nous payer le luxe de nous donner en spectacle aux prochaines sénatoriales devant les grands électeurs locaux ? Ils verront la pagaille délibérément provoquée par cette volonté chabadabadesque (Sourires) qui, à mes yeux, ne pourra qu'affaiblir encore l'esprit démocratique de nos concitoyens.

Bref, cette loi est imprudente, ces deux lois sont imprudentes.

Mme Raymonde Le Texier.

Cela n'engage que vous !

M. Alain Tourret.

Ce n'est pas très bon, cela, monsieur Clément !

M. Pascal Clément.

En tout cas, c'est ce que je pense.

M. Alain Tourret.

Oui, mais ce n'est pas bon !

Mme Raymonde Le Texier.

C'est même franchement mauvais !

M. Pascal Clément.

Je vous laisse libre de votre appréciation. Nous avons bien subi tout à l'heure quelques plaisanteries de garçon de bains en prolégomène de votre intervention...

M. Alain Tourret.

Tout à fait !

M. Pascal Clément.

A votre tour maintenant de supporter mes conclusions ! Je vous le dis en toute franchise : autant la loi d'hier comme celle d'aujourd'hui apparaissaient intéressantes, sinon souhaitables dans leur orientation, autant vous avez tort de vouloir systématiser, de vouloir aller trop loin, manquant à la vertu essentielle d'un gouvernement, c'està-dire à la vertu de prudence. Au-delà des sénateurs, des maires, des grands électeurs, les Français ne vous en seront pas reconnaissants. Votre réforme est marquée par trop d'arrière-pensées politiciennes et pas assez par le souci du bien de la nation. Voilà pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indépendants exprimera un vote négatif sur ce projet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. Patrice Carvalho.

Ce n'est pas supprenant !

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon objectif, évidemment, n'est pas de rassurer M. Pascal Clément ou M. Warsmann ; visiblement, ces messieurs se trompent d'époque.

La gauche a toujours naturellement combattu la fonction conservatrice du Sénat, particulièrement lorsque celui-ci s'évertuait à empêcher une volonté exprimée par le suffrage universel de s'appliquer dans les faits, lorsqu'il s'est opposé pendant vingt-quatre ans à l'adoption de l'impôt sur le revenu progressif qui n'a été acquis, du reste, qu'en 1917, grâce à la Première Guerre mondiale et à Caillaux,...

M. Alain Tourret.

Un radical !

M. Michel Suchod.

... ou encore, durant l'entre-deuxguerres, lorsque six scrutins successifs n'ont pas permis de faire passer le droit de vote des femmes ! A chaque fois, en effet, nous combattions le Sénat qui avait renversé Léon Bourgeois - un radical encore -, élu par le peuple, en 1896, le Cartel des gauches, en 1925, ou encore Léon Blum, deux fois renversé par le Sénat, dès 1936 puis à nouveau en 1937. Voilà ce qu'était le Sénat, du temps où nous n'avions pas le dernier mot ! Ne parlons même pas des contorsions auxquelles ont dû se soumettre de grands présidents du Conseil : ainsi en fut-il de Jules Simon, lorsqu'il vint présenter son discours de confiance, que l'on était tenu de lire dans les mêmes termes devant les deux assemblées... Il parvint à s'en sortir en prononçant exactement la même phrase devant les deux chambres : « Mon gouvernement sera profondément libéral et profondément conservateur » mais, variant le ton, en insistant sur « libéral » devant les députés et sur « conservateur » devant les sénateurs. »

M. René Dosière.

Il savait s'adapter !

M. Michel Suchod.

Il devint heureusement possible de mettre fin à de ces palinodies avec le Conseil de la République, puis le Sénat de 1958, puisque, dorénavant, c'est nous qui avons le dernier mot, la responsabilité de renverser le gouvernement et d'adopter les projets de loi de finances et autres grands textes.

Reste au Sénat la fonction de réflexion, fonction au demeurant extrêmement utile. Le Sénat est jugé pondérateur. Par le fait même qu'il compte un plus grand nombre d'élus ruraux partageant un bon sens certain, on considère qu'il lui revient de faire jouer le temps de la réflexion. Remarquons au passage que, dans bien d'autres

Etats, cette fonction est exercée par la chambre basse ellemême, grâce à un système de deuxième ou troisième lecture qu'elle s'impose à elle-même : c'est le cas du Storting suédois et de la Knesset. En France, nous avons préféré garder une Haute Assemblée que, quoi qu'en dise M. Clément, nous n'avons nullement l'intention d'abaisser.

Cette réforme reste au fond très modérée et ne traduit aucun bouleversement ; et, après tout, le Sénat n'a pas manqué dans des temps récents de montrer des tendances toujours conservatrices. Sans remonter à bien loin, force est de constater que le PACS, la parité, le cumul des mandats, tout cela ne plaît guère aux sénateurs. Je ne veux pas faire de procès d'intention, mais quelle serait demain son attitude si nous présentions une grande réforme fiscale, quand je vois ce qu'il fait des budgets proposés par le Gouvernement Jospin, systématiquement détruits et réécrits à chaque lecture ? Voilà, par conséquent, une proposition modérée qui consiste à égaliser la représentation des communes avec un délégué pour 300 habitants, en tout cas selon le texte modifié par les amendements de la commission, et qui entraînera le rajeunissement et la féminisation du corps des grands électeurs - cela me paraît indispensable.

Il convient, par ailleurs, dès lors qu'il y a au moins trois sénateurs à élire dans le département, de recourir à la proportionnelle. Cela ne me choque pas.

Le Président de la République avait lancé des consultations sur la rénovation du scrutin. Le Mouvement des citoyens lui avait fait savoir qu'il souhaitait aller dans cette direction. Le texte qui nous est proposé est extrêmement modéré. Il est bien peu suspect de viser à changer la majorité au Sénat. En effet, je tiens tout de même à rassurer l'opposition, selon mes calculs, malgré plusieurs renouvellements triennaux du Sénat, la majorité a toujours aussi peu de chances de changer. Je vous rappelle qu'elle ne l'a fait qu'une fois, dans les années 1880, quand, de monarchiste, le Sénat est devenu républicain.

C'était un bon changement, mais ce fut le seul.

Il n'est pas interdit de faire de petits pas. C'est ce que vous nous proposez, monsieur le ministre.

Au total, une assemblée aussi peu représentative, qui ne peut donc qu'améliorer sa représentativité grâce au texte proposé, ne peut qu'y gagner en écoute des citoyens. C'est donc, si j'ose dire, malgré lui, et malgré l'opposition conservatrice dans cette assemblée, un signalé service que nous rendons au Sénat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin, un texte ! Après des décennies d'immuabilité, ce projet de loi nous permet d'aborder au fond les problématiques de la Haute Assemblée. Le Sénat est-il une assemblée démocratique ? Peut-il être mis sur le même plan que l'Assemblée nationale ? Je ne le pense pas.

Dans la Déclaration des droits de l'homme, la nation est constituée par l'ensemble des citoyens, et non par des collectivités territoriales. Par principe, en démocratie, un individu égale une voix.

Dans la Haute Assemblée, ce principe n'est pas respecté. Pensez-vous qu'un sénateur élu en Meurthe-etMoselle par 1 500 grands électeurs soit aussi légitime qu'un député élu par 32 000 électeurs ? C'est une des raisons qui a fait dire à Lionel Jospin en parlant du Sénat que c'était une « anomalie parmi les démocraties ».

Au sein même de nos institutions, ce mode de désignation est une exception. Le Sénat n'est en réalité qu'un legs du bonapartisme à la République, laquelle n'a jamais eu le courage de poser le problème de sa suppression, afin de se concilier les faveurs des notables. Le nom même de

« Sénat » évoque l'empire romain.

Je n'aurai pas l'outrecuidance de proposer la suppression du Sénat. Pas dans l'immédiat ! Je m'interroge néanmoins sur la conservation d'une assemblée qui ne tire sa légitimité que d'une élection au deuxième degré.

Cette identité ressemble davantage à un « non-pouvoir » qu'au pouvoir, et parfois simplement à un « contrepouvoir ». Ayons en mémoire l'adoption des lois organiques ou des textes constitutionnels en Congrès.

L'exercice de ce pouvoir pourrait être transformé en assemblée consultative des collectivités territoriales sur les problèmes qui leur sont spécifiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Le fait que le Sénat rassemble des élus hostiles à une limitation du cumul des mandats importe peu. Le fait que les sénateurs représentent le conservatisme, et notamment dans la prise en compte de l'évolution de la société, importe peu. Toutes les opinions ont le droit d'être représentés dès lors qu'elles s'inspirent des valeurs républicaines.

Il n'y a pas lieu de changer une institution parce que les idées qu'on y retrouve majoritairement ne nous conviennent pas.

Poser le débat en ces termes, c'est déjà concocter des arrangements sur le mode de scrutin, qui ne touche pas les questions essentielles de la vie démocratique dans notre pays. C'est même favoriser l'antiparlementarisme à l'endroit du Sénat.

La question du mode d'élection n'a, par conséquent, que peu d'importance. Elle a surtout l'intérêt de relancer le débat sur le devenir de cette assemblée. A ce titre, il est à l'honneur du Premier ministre de l'avoir engagé sur ses véritables bases, en posant d'emblée la question en terme de légitimité.

L'autre intérêt, je n'y insisterai pas, est de montrer le type de blocage rencontré sur cette question dans nos rangs mêmes. Je ne prendrai que l'exemple du mode de scrutin différencié.

A ce sujet, bon nombre de constitutionnalistes s'accordent à dire qu'une même chambre ne peut être élue suivant deux modes de scrutin : le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel. La question se pose. Elle a été posée au sein de la commission des lois ; elle n'a jamais été officiellement posée au Conseil constitutionnel.

A défaut d'une refonte plus complète des institutions, je reste personnellement favorable, pour ce type de représentation au deuxième degré, à l'introduction intégrale de la proportionnelle. Au-delà de la question constitutionnelle, la proportionnelle permet une plus grande diversité de la représentation parlementaire dans les départements et, par là même, elle est en mesure d'absorber les chocs des alternances législatives, comme en 1981 ou en 1993.

Mais une réforme globale des institutions ne pourra intervenir qu'en contournant l'obstacle du Sénat et donc en s'adressant directement au peuple. Un référendum initié par un Président de la République volontariste pourra, sinon le supprimer, du moins le réformer en profondeur.

Outre le mode d'élection des sénateurs, la durée de leur mandat mériterait d'être alignée sur celle des autres mandats, cinq ans.

Il conviendrait également de revenir sur l'élection par tiers du Sénat et d'élire en une seule fois la Haute assemblée, ce qui permettrait de bien appréhender les enjeux et d'initier davantage les Français à la vie parlementaire.

Essayons au moins de faire de l'élection des sénateurs un véritable rendez-vous national, autour d'un projet plutôt qu'autour de personnes jouant bien trop souvent de leur notabilité. Cette voie favorisera l'alternance au sein de la Haute assemblée.

Gageons, à cet égard, que l'on risque de voir apparaître, lors des prochaines élections sénatoriales, autant de listes que d'hommes sénateurs sortants. Cela fera suite au vote de la nuit dernière sur la parité.

Sur tous ces points, je ne vois guère qu'un recours devant le peuple pour assurer la cohérence d'une réforme attendue par les Français et pour éviter de nombreux blocages.

Monsieur le ministre, cette loi permet une évolution positive pour le fonctionnement de nos institutions. Nous sommes au milieu du gué. Il nous faut atteindre l'autre rive.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

(M. Raymond Forni remplace Mme Nicole Catala au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, nous débattons d'une réforme qui s'inscrit, après toute une série d'évolutions, dans la volonté de moderniser nos institutions, ce dont je me réjouis. Financement public des partis politiques, place des femmes dans la vie politique, réforme des scrutins, limitation du cumul des mandats, autant de chantiers ouverts pour moderniser la vie publique, ce que nos concitoyens attendent.

Il m'est arrivé une fois d'être grand électeur dans mon département, le Nord. Je n'ai pas eu le sentiment, comme M. Clément le prétendait, d'une mobilisation populaire, suivie avec un grand intérêt, d'un vibrato de l'ensemble de nos concitoyens, mais plutôt d'une espèce de grand cérémonial ne concernant que quelques milliers de happy few, dont les résultats n'étaient ni attendus ni surprenants. Voilà quelque chose qui mériterait d'être changé ! Pour notre part, nous sommes pour le bicamérisme. Je ne ferai donc pas, à cette tribune, de grandes déclarations sur la disparition du Sénat. Nous attendons néanmoins une réforme en profondeur de cette assemblée. Une fois admis le principe que le dernier mot revient à l'Assemblée nationale, on peut considérer que le Sénat devrait avoir pour fonction, d'ailleurs inscrite dans notre Constitution, de mieux représenter nos territoires et de mieux traduire la diversité de leurs représentants.

De ce point de vue, il serait légitime que l'assise géographique des élections sénatoriales soit la région et que le scrutin à la proportionnelle en permette une représentation diversifiée. Cela assurerait un équilibre et permettrait que les Français soient mieux représentés.

Il ne nous paraît pas normal que l'élection des sénateurs ne soit le fait que de grands électeurs - et dans les proportions que l'on sait ! Il n'est pas normal que les trente personnes d'un village rural puissent compter autant que les 500 ou 700 de certaines cités ! Il y a là une anomalie. J'ai grandi dans une région où il n'était pas rare d'avoir recours à des dérogations faute de trouver neuf personnes susceptibles de devenir membres du conseil municipal, qui ne soient pas membres de la même famille ! C'est profondément injuste et il faut réformer cela.

Vous l'aurez compris, ce débat ne nous passionne guère, parce que nous aurions aimé une grande réforme qui change l'assise géographique du Sénat, dont la représentativité tienne compte de sa diversité, une réforme qui aille vers le scrutin au suffrage universel direct.

Cela dit, le présent texte apporte des progrès. Il ne bouleversera pas la vie politique française, mais il est susceptible d'en corriger certains aspects ou d'y apporter quelques améliorations.

Qui veut le plus, peut le moins : nous voterons donc ce texte, sans lyrisme ni enthousiasme, mais sans état d'âme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Monsieur le ministre, je vous dirai, tout de go, que je suis déçu par la réforme du Sénat que l'on nous présente : un peu de proportionnelle, une réactualisation de l'assiette du corps électoral, quelques mesures ponctuelles, de bons sens certes, et nous voilà repartis avec une chambre dite « haute ». Pourquoi

« haute » ? Serions-nous, nous, la chambre basse ?

M. Alain Tourret.

Le bas clergé !

M. Gérard Gouzes.

En tout cas, une chambre consolidée et stratifiée dans un archaïsme, dont tout le monde convient, y compris les sénateurs eux-mêmes qui font des efforts surhumains - peut-être trop ! - de communication, de modernisation, pour ne pas être eux-mêmes convaincus du caractère quelque peu passéiste de leur institution.

J'ai bien compris qu'il faudrait, pour modifier réellement le Sénat, une loi organique, voire une loi constitutionnelle, et que le Sénat n'acceptera jamais la réduction, par exemple, de l'actuel mandat de neuf ans, pas plus que l'élection conjointe de tous les sénateurs qui, de toute façon, ne pourrait pas intervenir avant l'an 2010.

M. Alain Tourret.

On a le temps !

M. Gérard Gouzes.

Qui voudra, qui pourra un jour, par voie de référendum - plusieurs en ont parlé - modifier tout cela ? Le Président de la République ? Mais lequel ? Tout cela me laisse un goût amer, tant la modernisation de nos institutions me paraît aujourd'hui indispensable.

Pour ce qui est de la nécessité d'une seconde chambre, mes chers collègues, il faut bien admettre que la multiplicité des lectures de la loi garantit la prise en compte de tous les intérêts. Le compromis est nécessaire au dialogue politique et social. Une deuxième chambre peut l'assurer.

Mais pourquoi la cristalliser dans son conservatisme ? Pourquoi lui laisser croire qu'elle serait là pour tempérer la volonté démocratique du suffrage direct et universel ? Pourquoi lui laisser dire, comme le souligne l'excellent rapport de M. Marc Dolez, que le Sénat serait le garant de la permanence des valeurs, de la Constitution, ou bien encore le gardien de la belle législation ? Dans la limite donc que nous laisse la Constitution, donnons un peu d'oxygène à cette assemblée dont le général de Gaulle voulait, à juste titre - mais combien l'ont oublié sur les bancs de droite de notre assemblée ? qu'elle assure la représentation des collectivités territoriales, mais aussi celle des activités économiques, sociales ou culturelles.

M. René Dosière.

Encore un gaulliste qui s'ignore !

M. Gérard Gouzes.

Quant au mode de scrutin plus juste que nous voulons instaurer, je m'interroge : pourquoi tant de timidité ? La règle adoptée au Sénat comme dans notre commission conduit, quelle que soit la position du curseur choisie, à s'interroger sur la constitutionnalité du système électoral. Pourquoi deux modes de scrutin pour une seule assemblée ? Pourquoi appliquer le scrutin proportionnel lorsqu'il y a quatre ou trois sièges en jeu dans un département ? Pourquoi, à ce stade, ne pas généraliser le mode proportionnel, c'est-à-dire, en fait, dès qu'il y a deux sièges ? Etes-vous certains, mes chers collègues, que la distinction que nous nous apprêtons à voter soit conforme au principe d'égalité du suffrage inscrit à l'article 3 de la Constitution ? Je ne le pense pas, pour ma part.

Je m'interroge sur la constitutionnalité du dispositif contenu dans le projet de loi et plus largement sur celle du mode de scrutin sénatorial.

Actuellement, les sénateurs sont élus de manière distincte, selon la population du département dont ils sont issus. Certains, au scrutin majoritaire, d'autres à la représentation proportionnelle. Le projet de loi déplace le curseur mais ne remet pas en cause le principe du scrutin différencié. Or cette différenciation me paraît être une atteinte fondamentale portée au principe d'égalité tel qu'il est proclamé solennellement par la Déclaration de 1789.

Elle remet aussi foncièrement en cause le principe d'égalité du suffrage visé à l'article 3 de notre Constitution.

Cette différenciation introduit une distinction intolérable et incompréhensible entre nos concitoyens. Elle repose sur une logique juridiquement contestable. Pour certains, la taille du département constituerait un critère suffisamment objectif pour justifier ce distinguo. A situations différentes, régimes juridiques différents, entend-on. Mais qui vote ? Les électeurs ou les grands électeurs ? Ce n'est pas la même chose. Pourquoi élirait-on les uns à la proportionnelle dans les départements qui en désignent trois plutôt que quatre, ou deux ?

M. Alain Tourret.

Ou un !

M. Gérard Gouzes.

L'appréciation, toute politique, fait peu de cas, à mon avis, de ce grand principe d'égalité. Le Conseil constitutionnel a bien affirmé qu'au nom du principe de l'égal suffrage, l'élection devait être faite sur d es bases essentiellement démographiques, à propos notamment de l'élection des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Mais si des impératifs d'intérêt géné ral peuvent permettre d'apporter des adaptations limitées au principe d'égalité, l'écart autorisé ne peut et ne doit demeurer que très limité.

Je rappelle d'ailleurs que le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur ce mode de scrutin à deux vitesses, et je ne suis pas persuadé qu'il apprécierait ces différences avec beaucoup d'indulgence.

Mais, au-delà des arguments juridiques, reconnaissons, mes chers collègues, que le marchandage dans lequel s'engagent le Sénat et l'Assemblée nationale n'est pas digne de la grande modernisation de nos institutions qu'attendent les Français à l'aube du

XXIe siècle !

M. René Dosière.

Quel marchandage ?

M. Gérard Gouzes.

Un principe simple et démocratique doit s'appliquer concernant les élus de la nation et de la République indivisible : une élection, un mode de scrutin.

La navette va se poursuivre après le vote de l'Assemblée nationale. Je formule ici le voeu que la réflexion sur ce point s'approfondisse et se prolonge.

Le vrai changement qu'attendent les Français, mes chers collègues, outre la réduction du mandat - neuf ans, vous imaginez ! -...

M. René Dosière.

On en rêve même !

M. Gérard Gouzes.

... et l'élection conjointe de tout le Sénat, est l'élection à la proportionnelle de sénateurs représentatifs de toutes les collectivités territoriales - y compris des nouveaux établissements publics de coopérat ion intercommunale, communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines et des milieux, je l'ai dit tout à l'heure, économiques, culturels et sociaux.

Les sénateurs ne sont plus aujourd'hui les sages de la République. Ce rôle est désormais dévolu au Conseil constitutionnel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Depuis la décentralisation, ils ne sont plus les grands défenseurs de l'administration locale puisque les collectivités locales s'autoadministrent.

M. René Mangin.

Bien sûr !

M. Gérard Gouzes.

Le Sénat a donc besoin d'une nouvelle légitimité. Si le Gouvernement compte s'arrêter au stade du projet qui nous est présenté, je le regretterai car nous aurons raté une occasion formidable de réconcilier les Français avec leurs institutions politiques.

En attendant, monsieur le ministre, faute de grives, on se sera contenté de merles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Mangin.

Il n'y aura pas d'ortolans !

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9 du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Dosière a présenté un amendement, no 15, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

52-11-1 du code électoral est inséré un article L.

52-11-2 ainsi rédigé :

« Pour les élections sénatoriales, il est institué un plafond de dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de l'année précédant le premier jour du mois de l'élection, et ce jusqu'à la date du scrutin.

« Le plafond des dépenses pour l'élection des sénateurs est de 100 000 F par candidat pour les départements qui ont droit à deux sièges de sénateurs ou moins. Dans les autres départements, ce plafond est de 100 000 F par liste de candidats.

« Les plafonds sont actualisés tous les trois ans par décret, en fonction de l'indice du coût de la vie de l'Institut national de la statistique et des études économiques.

« A l'exception des articles L.

52-11 et L.

52-11-1 et sous réserve des dispositions des deux premiers alinéas du présent article, les dispositions du chapitre V bis du titre I du livre Ier du présent code s'appliquent aux élections sénatoriales. »

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Cet amendement a pour objet de corriger une anomalie. En effet, la loi sur le financement de la vie politique ne concerne pas les conseillers généraux élus dans des cantons de moins de 9 000 habitants ni les conseillers municipaux des communes de moins de 9 000 habitants, ni les sénateurs.

Bien évidemment, le rôle politique de ces derniers, que chacun s'est plu à souligner aujourd'hui, n'autorise pas à les traiter comme ces conseillers généraux ou ces conseillers municipaux. J'ai donc voulu qu'ils entrent dans des pratiques plus modernes de la vie politique et appliquer, au moyen de cet amendement, aux élections sénatoriales, le plafonnement des dépenses des campagnes électorales, système que nous connaissons bien maintenant.

J'ai bien conscience que le plafond que je suggère, 100 000 francs par candidat, pourrait être modifié. J'ai surtout voulu, avec cet amendement, dont je sais qu'il n'est pas parfait, ouvrir la discussion. La suite du débat parlementaire pourrait permettre de l'améliorer et de parvenir à un texte plus satisfaisant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc Dolez, rapporteur.

La commission a émis un avis favorable car elle approuve la démarche de notre collègue Dosière, bien qu'elle laisse sans réponse un certain nombre de questions. Outre sur le montant du plafond, on pourrait aussi s'interroger sur le remboursement et sur la modulation du plafond en fonction de la taille des départements concernés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je comprend très bien l'intérêt de fixer un plafond pour les dépenses électorales.

Le nombre de délégués étant relativement élevé dans certains départements, on peut craindre, surtout si l'on abaisse le seuil de 500 à 300 habitants pour la désignation des délégués par les communes, une débauche d'arguments difficiles à contenir. L'intention me paraît juste.

Néanmoins, je ne peux donner un avis favorable à cet amendement, et je le regrette, eu égard à la considération que j'ai pour son auteur...

M. René Dosière.

Merci !

M. le ministre de l'intérieur.

... et pour les travaux de la commission. Il me semble, en effet, que cela pose un problème juridique, la sanction du dépassement du plafond des dépenses, à savoir l'inéligibilité du candidat concerné, ne pouvant être instaurée que par un texte de nature organique, adopté dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale. Il faudrait que vous y réfléchissiez, et que vous utilisiez peut-être un autre vecteur, par exemple une proposition de loi adoptée dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat.

M. le président.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Effectivement, monsieur le ministre, cet amendement n'est pas tout à fait satisfaisant, mais il me paraît important que nous ayons sur ce point la réaction du Sénat. Je préfère donc le maintenir. Nous verrons quels sont les arguments échangés au Sénat. Et puis, naturellement, il faudra bien que l'Assemblée se conforme à la Constitution et en tire les conclusions.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Puisque le but est d'enrichir le débat, monsieur Dosière, ce qui est tout à fait louable, le plafonnement devrait aussi tenir compte du nombre de délégués, car la situation n'est évidemment pas la même dans un petit département, que je connais bien, où il y a un peu plus de 200 délégués, peutêtre 250...

M. le président.

Un peu plus !

M. le ministre de l'intérieur.

... selon le système nouveau qui serait institué.

M. Alain Tourret.

J'ai l'impressoin que vous êtes deux à connaître le département ! (Sourires.)

M. le président.

Oui, mais il y en a un qui le connaît mieux que l'autre ! (Sourires.)

M. le ministre de l'intérieur.

Dans le Nord, nous aurions 6 000, 7 000 voire 8 000 délégués, ce qui pose le problème sous un jour tout différent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M la président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

La discussion est ainsi ouverte.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Dans le dernier alinéa de l'article L. 284 du code électoral, les mots : "des alinéas 2 à 6 de l'article 10 du code de l'administration communale" sont remplacés par les mots : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales". ».

M. Dolez, rapporteur, MM. Dosière, Gouzes, Roman, Tourret et Vallini ont présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« L'article L.

284 du code électoral est modifié comme suit :

« I. Les six premiers alinéas sont remplacés par les alinéas suivants :

« Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 300 habitants ou une fraction de ce nombre.

« Lorsque le nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil. Dans le cas contraire, les membres du conseil municipal sont délégués de droit, les autres délégués étant élus dans les conditions fixées à l'article L.

289 du code électoral. »

« II. Dans le dernier alinéa, les mots : "des alinéas 2 à 6 de l'article 10 du code de l'administration communale" sont remplacés par les mots : "des articles L. 2113-6 et L.

2113-7 du code général des collectivités territoriales". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement introduit le principe de la désignation d'un délégué communal pour 300 habitants et précise la règle selon laquelle les conseillers municipaux doivent être délégués de droit dans leur commune.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement ne peut qu'être très réservé sur cet amendement.

La première mesure de cet amendement accroît considérablement le nombre total de délégués. Un délégué pour 300 habitants cela ferait environ 213 000 délégués à l'échelon national, au lieu de 137 000 dans le projet du Gouvernement, soit 56 % de plus en moyenne. A Paris, le nombre de délégués triplerait. Il doublerait dans la plupart des départements de la région parisienne. Même dans le Nord, qui dispose déjà du plus grand nombre de délégués, il augmenterait de 63 %.

L'amendement obligerait ainsi les listes à rechercher un nombre fortement accru de candidats aux fonctions de délégué et de suppléant, jusqu'à 50 000 dans le département du Nord, si l'on inclut les suppléants, alors que de nombreux partis sont confrontés à une crise du militantisme. Il entraîne, en outre, d'importants problèmes matériels liés au nombre de personnes à réunir en termes de locaux et d'organisation des lieux de vote.

La seconde mesure proposée par cet amendement, qui accorde la priorité aux conseillers municipaux pour être délégués, présente trois difficultés dans les communes qui élisent leurs délégués à la représentation proportionnell e, et où le nombre de délégués est inférieur ou égal à l' effectif du conseil municipal.

Le principe d'éligibilité exclusive des conseillers municipaux dans ces communes n'est pas compatible avec un bon fonctionnement de la représentation proportionnelle.

En effet, les listes ne réunissant que des conseillers municipaux ne pourront pas comporter autant de noms qu'il y a de sièges de délégués à pourvoir. Des sièges de délé gués risquent donc de rester vacants.

Par ailleurs, dans la mesure où, à partir de 2001, les étrangers communautaires pourront être élus conseillers municipaux sans pouvoir participer à l'élection du collège sénatorial ni être élus, il convient de prévoir leur remplacement si l'on entend ne pas laisser le siège de délégué vacant. Seule une loi organique pourrait régler la question du remplacement des conseillers municipaux communautaires, conformément à l'article 88-3 de la Constitution.

Enfin, si l'effectif du conseil municipal est égal ou légèrement supérieur au nombre de délégués, mais qu'un ou plusieurs conseillers municipaux sont également députés, conseillers généraux ou conseillers régionaux, l'élection des délégués sera impossible du fait de l'inéligibilité de ceux-ci au mandat de délégué. Il est vrai qu'il est proposé de supprimer cette anomalie.

Il n'en reste pas moins que cette proposition créerait de très grandes difficultés techniques et rompt avec le souci de simplicité qui est à la base du projet gouvernemental.

On peut se demander, en outre, si elle est vraiment utile car, dans la législation en vigueur, je le rappelle, aucune règle n'impose que les délégués des communes de moins de 9 000 habitants soient choisis au sein du conseil municipal. C'est ce qui se passe dans les faits sans obligation légale particulière.

Bref, cet amendement contient deux dispositions, qui ont toutes les deux de nombreux inconvénients. Voilà pourquoi je ne puis qu'émettre un avis très réservé.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Après l'article 1er

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« La dernière phrase de l'article L. 286 du code électoral est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Il est augmenté de un par cinq titulaires ou fraction de cinq. Dans les communes comptant moins de 2 000 habitants les suppléants sont élus au sein du conseil municipal. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement concerne le nombre de délégués suppléants. Il prévoit un suppléant pour cinq délégués titulaires, au lieu de deux comme c'est le cas aujourd'hui, pour éviter toute difficulté matérielle dans la constitution des listes.

En outre, cet amendement est en cohérence avec le suivant, qui prévoit que, dans les communes de moins de 2 000 habitants, les suppléants sont élus au sein du conseil municipal.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Cet amendement n'est pas dénué de pertinence, à deux réserves près. Une étude approfondie du déroulement des dernières élections sénatoriales semblerait indispensable pour juger de son utilité, et la référence aux communes de moins de 2 000 habitants devrait être remplacée par la référence au chapitre II du titre IV du livre Ier du code électoral, si l'on ne veut pas anticiper sur le calendrier d'adoption du projet de loi relatif à la parité.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 16 ainsi rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur a présenté un amendement, no 17, ainsi libellé :

« Après l'article Ier , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article L. 287 du code électoral est ainsi rédigé :

« Les députés, les conseillers régionaux, les conseillers à l'Assemblée de Corse et les conseillers généraux ne peuvent être désignés délégués, élus ou de droit, par les conseils municipaux dans lesquels ils siègent. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Actuellement, M. le ministre y faisait allusion il y a quelques instants, les députés, les conseillers régionaux, les conseillers généraux , les conseillers à l'Assemblée de Corse qui sont également conseillers municipaux, peuvent se faire remplacer en qualité de délégués du conseil municipal.

Le projet de loi supprime cette possibilité en abrogeant le second alinéa de l'article L. 287 du code électoral.

Pour plus de clarté, il convient cependant de reprendre la rédaction du premier alinéa de l'article L. 287 en prévoyant les deux cas de figure contenus dans la nouvelle rédation de l'article 1er du projet de loi. Soit les conseillers municipaux sont délégués de droit, soit les délégués sont désignés au sein du conseil municipal, pour envisager les deux cas de figure que j'ai indiqués tout à l'heure, le nombre de délégués étant inférieur ou supérieur au nombre de conseillers municipaux.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. En effet, cet amendement semble être essentiellement un changement de rédaction, mais il ne permet pas de résoudre le problème qui se pose lorsque le nombre des conseillers municipaux est de peu inférieur au nombre des délégués à élire et que les députés, conseillers régionaux ou généraux siègent au conseil municipal.

Le monopole de représentation de la commune à accorder aux conseils municipaux par l'amendement de la commission des lois empêche que des délégués qui ne seraient pas eux-mêmes conseillers municipaux soient élus à la place des membres du conseil municipal exerçant l'un des mandats précités.

De ce fait, monsieur le rapporteur, il se peut que des sièges de délégués restent vacants.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

Article 1er bis

M. le président.

Art. 1er bis. - Le second alinéa de l'article L. 285 du même code est ainsi rédigé : « En outre, dans ces communes, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 700 habitants en sus de 9 000. »

M. Dolez, rapporteur, MM. Dosière, Gouzes, Roman, Tourret et Vallini ont présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er bis. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Il s'agit de supprimer un article introduit par le Sénat, qui est incompatible avec la réforme proposée par le Gouvernement. Cet article maintient le seuil de 9 000 habitants et substitue l'élection d'un délégué pour 500 habitants, quelle que soit la taille des communes, à un délégué pour 700. Nous nous sommes largement expliqués sur ce point tout à l'heure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je voudrais juste appeler à nouveau l'attention de l'Assemblée sur l'absurdité du système qui est en train d'être mis en place. Nous sommes en train de détruire un article prévoyant un seuil de 9 000 habitants qui, comme je l'expliquais tout à l'heure dans la discussion générale, permet un équilibre puisqu'il sépare la population française en deux moitiés égales.

Nous lui substituons un système de 1 pour 300 dont le ministre lui-même a démontré l'absurdité : 50 000 grands électeurs pour le département du Nord. On dépasse l'absurde !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Dans le premier alinéa de l'article L. 288 du même code, les mots : "à l'article 27 du code de l'administration communale" sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2121-20 et L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales ».

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 3 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« L'article L. 288 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les communes comptant moins de 2 000 habitants, l'élection des délégués et celle des suppléants se déroulent séparément dans les conditions suivantes. Le vote a lieu au scrutin secret majoritaire à deux tours. Nul est élu délégué ou suppléant au premier tour s'il n'a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés. Au second tour, la majorité relative suffit. En cas d'égalité des suffrages, le candidat le plus âgé est élu.

« Les candidats peuvent se présenter soit isolément, soit sur une liste qui peut ne pas être complète. Les adjonctions et les suppressions de noms sont autorisées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

« Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable.

« L'ordre des suppléants est déterminé par le nombre de voix obtenues. En cas d'égalité de suffrages, la préséance appartient au plus âgé. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement concerne le mode de scrutin pour l'élection des délégués des communes.

Le projet du Gouvernement prévoit pour l'élection des délégués des communes l'application de la proportionnelle dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Nous avons considéré en commission qu'il valait mieux se caler sur le seuil existant pour l'élection des conseils municipaux.

Autrement dit, nous proposons que les délégués soient élus au scrutin majoritaire dans les communes qui élisent leurs conseils municipaux au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel dans les communes qui élisent leurs conseils municipaux à la représentation proportionnelle.

Pour être en accord avec le vote intervenu cette nuit, nous proposons qu'il y ait une distinction entre les communes de plus de 2 000 habitants et celles de moins de 2 000 habitants. Voilà pour le fond de l'amendement.

Sur la forme, l'amendement explicite les dispositions renvoyant au code général des collectivités territoriales, en particulier pour ce qui concerne le vote par procuration, en substituant à un renvoi assez peu lisible au code général des collectivités territoriales la mention explicite des règles applicables en la matière.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Les auteurs de l'amendement ont eu le souci de favoriser le seuil de 2 000 habitants correspondant à la distinction entre les deux modes de scrutin relatifs à l'élection des conseils municipaux, anticipant ainsi l'adoption du projet de loi relatif à la parité, amendé afin d'inclure les communes de 2 000 à 3 499 habitants dans le dispositif électoral régi par le scrutin proportionnel.

Le dispositif prévu par le Gouvernement, je le rappelle, abaisse le seuil à partir duquel s'applique la représentation proportionnelle de 9 000 à 1 000 habitants, seuil pertinent tant d'un point de vue technique que politique.

D'une part, le recours à la représentation proportionnelle ne prend son sens qu'à partir de trois délégués. D'autre part, il s'agissait de favoriser l'expression de la diversité politique et des minorités municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants.

L'obstacle technique à l'adoption du seuil de 2 000 habitants est qu'il se réfère à un dispositif introduit par amendement dans le cadre de la discussion en cours d'un autre projet de loi. Vous préjugez donc le résultat.

M. Claude Goasguen.

C'est classique !

M. le ministre de l'intérieur.

Or la chronologie d'entrée en vigueur de ces deux textes n'est pas garantie.

C'est pourquoi, pour cet amendement également, le Gouvernement préférerait qu'à la référence au seuil de 2 000 habitants, se substitue - c'est une observation purement technique - une référence au chapitre II du titre IV du livre Ier du code électoral, si M. le rapporteur est d'accord. Le Gouvernement, par ailleurs, ne voit pas d'objection à la substitution du scrutin majoritaire à deux tours au mode de scrutin traditionnel à trois tours prévu par le code général des collectivités territoriales.

Sous cette réserve, le Gouvernement n'est pas défavorable à l'amendement.

M. Claude Goasguen.

C'est tout de même une belle combine !

M. Marc Dolez, rapporteur D'accord sur la rectification de l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 3 rectifié devient l'amendement no 3, deuxième rectification. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Le groupe communiste aurait préféré que l'on en reste à 1 000 habitants,...

M. Claude Goasguen.

Bien sûr !

M. Patrice Carvalho.

... car, dans une commune de 1 000 habitants, un conseiller peut être élu avec beaucoup plus de voix que s'il s'agissait de sénatoriales. Or, là, il serait exclu de la délégation parce qu'il est minoritaire au sein du conseil municipal. Cela me paraît injuste et je pense que la proportionnelle à partir de 1 000 habitants est beaucoup plus juste.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 3, deuxième rectification. (L'amendement ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

M. le président.

« Art. 3. I. Le début du premier alinéa de l'article L. 289 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les communes de 9 000 habitants et plus, l'élection des délégués et celle des suppléants a lieu sur l a même liste... (le reste sans changement). »

II. Le dernier alinéa du même article est ainsi rédigé :

« Le vote par procuration est admis dans les conditions fixées par le premier alinéa de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales. »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement no 4 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 3 :

« L'article L. 289 du même code est modifié comme suit :

« I. Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans les communes de 2 000 habitants et plus, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieurs au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir. »

« II. Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement est en quelque sorte le pendant du précédent, puisque nous visons les communes de plus de 2 000 habitants. Nous prévoyons l'élection des délégués à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et non pas au plus fort reste, par souci d'harmonisation avec l'ensemble du texte.

M. le président.

J'imagine, monsieur le ministre, que vous allez également proposer une modification.

M. le ministre de l'intérieur.

Exactement, monsieur le président. Vous êtes un véritable devin. Je suggère que l'on fasse référence au chapitre III du titre IV du livre Ier du code électoral.

M. le président.

Vous savez, vos pensées n'ont aucun secret pour moi. (Sourires.)

M. Marc Dolez, rapporteur.

D'accord sur la rectification.

L'amendement no 4 rectifié devient l'amendement no 4, deuxième rectification. La parole est à M. Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je voudrais répéter à l'intention de M. le ministre ce que j'ai dit ce matin en commission des lois.

Les deux derniers amendements qui viennent d'être discutés montrent que ce qui s'est passé hier sur la parité n'avait rien de fortuit. Nous avons eu l'impression hier, monsieur le ministre, que vous arriviez tout frais émoulu et que vous nous proposiez subitement d'abaisser le seuil d'application de principe de parité le plus bas possible.

Or nous nous apercevons aujourd'hui que, en réalité, les textes sur les délégués sénatoriaux étaient déjà prê ts. Monsieur le ministre, quand avez-vous fait procéder aux simulations qui vous permettent de proposer aujourd'hui, au nom d'un grand principe, celui d'abaisser le seuil en question de la parité, de 3 500 à 2 000 habitants ? Pourquoi vous êtes-vous servi de cette petite supercherie - je le dis amicalement - qui consiste à se prévaloir d'un grand principe pour, en vérité, « manipuler » un peu les élections de 5 % des communes. Le consensus était possible, pourquoi lui porter un tel coup de canif ? De plus, l'anticipation que vous faites n'est pas très correcte. Il ne faut pas abuser de ce genre de chose qui consiste à faire voter une loi par référence à une loi qui est encore en cours d'examen, surtout à un jour d'écart.

Enfin, je trouve que vous êtes dur avec vos partenaires communistes en considérant leur amendement à ce point comme nul et non avenu que vous n'acceptez même pas d'y faire référence.

Tout ça pour dire que vous auriez tout de même pu annoncer un peu à l'avance que, par le biais du texte sur la parité, vous aviez l'intention de donner un petit coup de canif au système des élections sénatoriales.

M. Alain Tourret.

C'est arrivé à d'autres !

M. le président.

Monsieur Goasguen, anticiper par rapport à un texte qui a été voté à l'unanimité ne présen te pas un danger considérable.

M. Claude Goasguen.

Voté en première lecture seulement, monsieur le président.

M. le président.

En général, quand on vote un texte en première lecture, on ne se déjuge pas par la suite... sauf quand il y a un Congrès au bout. (Rires.)

M. Claude Goasguen.

N'oubliez pas le PACS, monsieur le président !

M. le président.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

M. Goasguen a tout faux. Il nous soupçonne de quelque chose qui n'est pas exact. D'abord, il sait très bien, pour avoir participé ce matin à la réunion de la commission des lois qui s'est tenue au titre de l'article 88, que nous n'avons proposé cette modification que ce matin, c'est-à-dire pas avant que le vote d'hier soir sur le texte relatif à la parité ne soit acquis.

M. Claude Goasguen.

Ça vous est venu subitement dans la nuit ?

M. René Dosière.

En second lieu, M. le ministre et M. Carvalho ont rappelé que le texte initial du Gouvernement proposait de fixer à 1 000 habitants le seuil de déclenchement pour l'élection à la représentation proportionnelle. En fait, notre amendement vise à relever ce seuil en le portant à 2 000 habitants, et ce dans un souci de cohérence. Cela montre bien que nous n'avons pas toutes les arrière-pensées que M. Goasguen veut bien nous prêter.

M. le président.

C'est parce que M. Goasguen est élu à Paris !

M. Claude Goasguen.

Je vous crois sur parole, monsieur Dosière. Vous avez le petit déjeuner imaginatif !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 4, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - A l'article L. 290 du même code, les mots : "de l'article 19 du code de l'administration communale" sont remplacés par les mots : "des articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales". »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 4 par la phrase suivante :

« Dans le même article du code électoral, le mot : "nommés" est remplacé par le mot : "élus" ».

Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Vous pouvez donc vous dispenser d'une longue explication, monsieur le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

En effet, c'est un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

5. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Article 5. Le premier alinéa de l'article L.

294 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les départements qui ont droit à trois sièges de sénateurs ou moins, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 5, substituer au mot : "trois", le mot : "deux". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement tend à rétablir le dispositif proposé par le Gouvernement, aux termes duquel l'élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire dans les seuls départements élisant un ou deux sénateurs.

M. le président.

Je rappelle que cette disposition a fait l'objet de nombreuses interventions dans le cadre de la discussion générale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

6. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. Le premier alinéa de l'article L.

295 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les départements qui ont droit à quatre sièges de sénateurs ou plus, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 6, substituer au mot : "quatre", le mot : "trois". »

la parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination qui tend à instaurer le mode de scrutin proportionnel pour les départements élisant trois sénateurs ou plus. Il s'agit en fait de rétablir le texte initial du projet de loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no

7. (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 7 à 11

M. le président.

« Art. 7. Le premier alinéa de l'article L.

300 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les départements où les élections ont lieu à la représentation proportionnelle, chaque liste de candidats doit comporter deux noms de plus qu'il y a de sièges à pourvoir. »

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

M. le président.

« Art 8. - Le premier alinéa de l'article L.

301 du même code est ainsi rédigé :

« Les déclarations de candidatures doivent, pour le premier tour, être déposées en double exemplaire à la préfecture au plus tard à 18 heures le deuxième vendredi qui précède le scrutin. » -

(Adopté.)

« Art 9. - L'article L.

305 du même code est ainsi rédigé :

« Art.

L. 305. - Dans les départements où s'applique le scrutin majoritaire, tout candidat en vue du second tour doit déposer à la préfecture, une demi-heure au moins avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin, une déclaration conforme aux dispositions des articles L.

298 et

L. 299. Il est immédiatement délivré récépissé de cette déclaration. » -

(Adopté.)

« Art 10. - Le premier alinéa de l'article L.

306 du même code est ainsi rédigé :

« Des réunions électorales pour l'élection des sénateurs peuvent être tenues au cours des six semaines qui précèdent le jour du scrutin. » -

(Adopté.)

« Art 11. - A l'article L.

311 du même code, après les mots : "ont lieu", sont insérés les mots : "au plus tôt". » -

(Adopté.)

Après l'article 11

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« L'article L.

312 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.

312. - Dans les départements qui élisent leurs sénateurs à la représentation proportionnelle, le collège électoral se réunit dans les chefs-lieux d'arrondissement. Dans les autres départements, il se réunit au chef-lieu du département. A Paris, Lyon et Marseille, il se réunit dans les mairies d'arrondissement. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement tend à remédier à une difficulté matérielle que M. le ministre a soulignée tout à l'heure et qui résulte de l'accroissement fort important du nombre des délégués.

Il prévoit que, dans les départements où la proportionnelle sera utilisée, c'est-à-dire, par définition, dans les départements où il n'y aura qu'un seul tour de scrutin, le vote ait lieu dans les chefs-lieux d'arrondissement, ce qui simplifierait considérablement les opérations.

En revanche, dans les autres départements, qui utiliseront le scrutin majoritaire et où, par définition, il pourra y avoir deux tours de scrutin, il est indispensable que l'ensemble des grands électeurs soient rassemblés en un même lieu. Il est donc proposé qu'ils continuent de voter au chef-lieu de département.

L'amendement prévoit enfin une disposition spécifique à Paris, Lyon et Marseille en indiquant que le vote y aura lieu dans les mairies d'arrondissement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Réflexion faite, je crois que les délégués ne seront que 5 000, et non 50 000, dans le Nord...

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement pour diverses raisons matérielles et techniques.

D'abord, il faudrait que l'on soit assuré de pouvoir disposer de locaux adéquats. Dans bien des cas, il faudrait avoir recours aux locaux scolaires.

Mais là n'est pas l'objection principale. Se poserait, bien sûr, la question du lieu de rattachement des grands


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

électeurs non issus des conseils municipaux : les députés, les conseillers généraux, les maires. On peut imaginer de faire voter au chef-lieu du département, encore faudrait-il que la loi le précise.

Surtout, j'observe que ces sections de vote, géographiquement éloignées, ne pourraient plus être placées sous le contrôle du bureau du collège électoral. Il faudrait donc créer de nouveaux bureaux dans les chefs-lieux d'arrondissement et faire ainsi appel à un très grand nombre de magistrats, alors même que, vous le savez, leur effectif est très variable selon les départements et, en toute hypothèse, limité. A titre d'exemple, ce sont soixante magistrats qu'il faudrait déplacer à Paris, afin de tenir les bureaux installés dans chaque mairie d'arrondissement.

Je ne sais pas si les difficultés techniques que cela représente ont été bien prises en compte par le rapporteur. Je lui demande d'y réfléchir, et peut-être de surseoir à son amendement.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Pour une fois, nous sommes d'accord avec M. Tourret et avec le ministre.

M. René Dosière.

N'anticipez pas, monsieur Goasguen ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Comme je l'ai dit ce matin, je tiens M. le ministre de l'intérieur pour un authentique républicain. Et, comme lui, je suis particulièrement attaché à cette tradition consubstantielle à la République, consistant, les jours d'élections sénatoriales, à tenir un banquet républicain et à avoir une discussion républicaine. (Sourires.)

Ce matin, j'ai dit à mes collègues socialiste que j'avais l'impression que la République était passée à droite. Cet après-midi, j'ai le sentiment que la République est un peu retournée à gauche. Par conséquent, elle est à la fois à droite et à gauche, et je m'en félicite. Je souhaite donc que cet amendement ne soit pas adopté.

M. le président.

Vous associerez les soixante magistrats parisiens au banquet républicain, monsieur Goasguen, cela leur permettra de côtoyer le monde politique ! La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je dois reconnaître que cet amendement est celui qui, en commission, a suscité le plus de débats, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, lors des élections sénatoriales, on rencontre les grands électeurs et on discute avec les candidats. Ce qui est opportun, car tout n'est pas réglé à l'avance, et tout le monde n'a pas rencontré les candidats.

La discussion est tout de même un élément de la démocratie. Or, à partir du moment où vous empêchez le jeu normal de la démocratie par l'éloignement géographique en dispersant les bureaux de vote, vous ruinez cet élément de la démocratie.

Deuxièmement, cette élection, qui a lieu tous les neuf ans, constitue un des moments de convivialité dans nos départements, puisque cela se termine toujours par un banquet au chef-lieu. En tout cas, chez les radicaux, cela se passe comme ça, et nous nous en félicitons. C'est un des éléments de la vieille République que représente le Sénat. Une telle rupture avec des usages immémoriaux serait déplorable ! (Sourires.)

Troisièmement, en ce qui concerne les lieux de vote, vous vous trompez totalement, monsieur le rapporteur.

Vous dites : nous serons trop nombreux. Mais nous pouvons nous réunir au siège de la cour d'appel ou à la préfecture. En revanche, certaines sous-préfectures risquent d'être trop petites.

E nfin, quatrièmement, comment se déroulera le dépouillement ? Les urnes seront-elles transférées ? Si c'est le cas, cela posera un problème. Actuellement, le vote a lieu par ordre alphabétique, ce qui ne permet pas de savoir comment tel secteur du département a pu voter.

Avec cet amendement, il y aura une rupture, en matière d'indications de vote, entre les différents secteurs et les différents départements, ce qui n'est pas une bonne chose.

Sur ce point, il faut donc suivre le ministre qui est un homme de bon sens et ne pas retenir l'amendement de la commission.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Tourret, si vous êtes intervenu depuis les bancs du groupe socialiste, c'est uniquement par convivialité et non pour semer la zizanie au sein de ce groupe... (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Chacun l'aura compris !

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Juste un mot pour dépassionner le débat sur un sujet qui semble tout de même d'une portée limitée.

Je crois que l'intention du rapporteur, lequel a été suivi par la commission, était de répondre à la préoccupation que nous avons tous et qui résulte de la très forte augmentation du nombre des délégués. Il avait proposé unes olution technique qui nous semblait de nature à répondre à ce souci.

Je crois maintenant, sans entrer dans un débat philosophique et démocratique sur la portée des banquets, que nous devons avoir pour préoccupation constante de veiller à l'applicabilité des textes que nous adoptons. Par conséquent, je considère que les observations du ministre doivent être prises en compte et qu'il serait sage de se donner le temps de chercher la meilleure solution possible pour réunir dans l'avenir ces cohortes de délégués.

M. Claude Goasguen et M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Je veux bien me rallier à cette solution, en prenant en compte les observations de M. le ministre, mais pas celles de M. Tourret, qui, très honnêtement, n'ont pas beaucoup de pertinence - qu'il m'en excuse.

A partir du moment où les grands électeurs se retrouvent dans le chef-lieu du département, le scrutin est ouvert et la campagne est terminée. C'est d'ailleurs bien pour cette raison que j'avais pris la précaution d'établir une distinction entre les départements votant au scrutin proportionnel et ceux votant au scrutin majoritaire, pour qui cela aurait soulevé une réelle difficulté de fond.

Quant à l'argument selon lequel on ne pourrait pas, pour une même élection, voter dans des lieux différents, puis additionner les résultats, la réalité des élections dans notre pays est suffisante pour montrer qu'il n'est pas très pertinent.

Cela dit, je me rallie à la proposition du ministre de poursuivre la réflexion et de rechercher, d'ici à la d euxième lecture, le meilleur système possible. Par conséquent, je retire l'amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

M. le président.

L'amendement no 18 est retiré.

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - Il est inséré, après l'article L. 314 du même code, un article L. 314-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 314-1. - Pendant toute la durée des opérations électorales, une copie du tableau des électeurs sénatoriaux mentionné à l'article L. 292, certifiée par le préfet, reste déposée sur la table du bureau de vote. Cette copie constitue la liste d'émargement.

« Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement. »

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13 M. le président

« Art. 13. - La présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte. »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Dans l'article 13, substituer aux mots : "dans les îles" le mot : "à". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement no

8. (L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président.

« Art 14. - il est inséré dans le chapitre V du titre 1er du livre III du code électoral, après l'article L.

334-3, un article L.

334-4 ainsi rédigé :

« Art. L.

334-4. - Pour l'application à SaintPierre-et-Miquelon des articles L.

284 (dernier alinéa), L. 288 (premier alinéa), L. 289 (dernier alinéa) et L.

290 du code électoral, il y a lieu de lire :

« 1o " des articles L.

112-6 et L.

112-7 du code des communes applicable localement" au lieu de : "des articles L.

2113-6 et L.2113-7 du code général des collectivités territoriales" ;

« 2o "par l'article L.

121-12 du code des communes applicable localement" au lieu de : "aux articles L.

2121-20 et L.

2121-21 du code général des collectivités territoriales " ;

« 3o "le deuxième alinéa de l'article L.

121-12 du code des communes applicable localement" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L.

2121-20 du code général des collectivités territoriales" ;

« 4o "de l'article L.

121-5 du code des communes a pplicable localement" au lieu de "des articles L.

2121-35 et L.

2121-36 du code général des collectivités territoriales." »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

334-4 du code électoral, substituer au mots : "des articles L.

284 (dernier alinéa), L.

288 (premier alinéa), L.

289 (dernier alinéa) et", les mots : "de l'article". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Je vais donner une explication sur cet amendement de coordination qui n'est pas d'une grande clarté.

Le projet de loi, dans ses articles 14, 15 et 16, procède à des transpositions de références pour Saint-Pierreet-Miquelon, Mayotte, La Polynésie ou la NouvelleCalédonie. En effet, dans ces archipels, s'applique une version propre du code des communes et non le code général des collectivités territoriales. Or, le code électoral, dans ses articles L.

284, L.

288, L.

289 et L.

290, renvoie à des articles du code général des collectivités territoriales.

Pour que ces renvois soient effectifs, une transposition est donc nécessaire et il faut faire référence, pour ces archipels, à la version qui leur est propre du code des communes. Tel est l'objet des articles 14, 15 et 16 du projet de loi.

Toutefois, nous avons adopté, aux articles 2 et 3 du projet de loi, des rédactions nouvelles qui rendent sans objet certaines des transpositions prévues ici. Cet amendement vise donc, comme d'ailleurs les amendements suivants, à établir une coordination dans ce sens.

M. René Dosière.

Maintenant, nous comprenons mieux ce que nous votons ! (Sourires.)

M. le président.

Voilà qui est clair, en effet.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Cet amendement est clair, mais il devrait aller plus loin. Car s'il supprime le deuxième alinéa de l'article L. 334-4, il laisse subsister, dans le premier alinéa de cet article, la référence au dernier alinéa de l'article L. 284, qui n'est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il faut donc poursuivre le toilettage.

M. Marc Dolez, rapporteur.

C'est l'objet de l'amendement no 10, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Dans ce cas, étant favorable à l'amendement no 10, je retire ce que j'ai dit. Avis favorable à l'amendement no

19.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 9 rectifié, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 334-4 du code électoral. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement répond à la même logique que le précédent.

M. le président.

En effet. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 20, ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

« Supprimer les troisième (2o ) et avant-dernier (3o)

alinéas du texte proposé pour l'article L. 334-4 du code électoral.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article L.

334-4 du code électoral par l'alinéa suivant :

« Le dernier alinéa de l'article L.

284 du code électoral n'est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

C'est toujours la même logique.

M. le président.

En effet, cet amendement complète la série.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Article 15

M. le président.

Art. 15. - Il est inséré dans le chapitre V du titre II du livre III du code électoral, après l'article L.

334-15, un article L.

334-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

334-15-1. - Pour l'application à Mayotte des articles L.

284 (dernier alinéa), L.

288 (premier alinéa),

L. 289 (dernier alinéa) et L.

290 du code électoral, il y a lieu de lire :

« 1o "des articles L.

112-6 et L.

112-7 du code des communes applicable localement" au lieu de : "des articles L.

2113-6 et L.

2113-7 du code général des collectivités territoriales" ;

« 2o "par l'article L.

121-12 du code des communes a pplicable localement" au lieu de : "aux articles L.

2121-20 et 2121-21 du code général des collectivités territoriales" ;

« 3o "le deuxième alinéa de l'article L.

121-12 du code des communes applicable localement" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L.

2121-20 du code général des collectivités territoriales" ;

« 4o "de l'article L.

121-5 du code des communes applicable localement" au lieu de : "des articles L.

2121-35e t L.

2121-36 du code général des collectivités territoriales" ».

Je suis saisi de deux amendements, nos 21 et 22, présentés par M. Dolez, rapporteur, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 21 est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

334-15-1 du code électoral, supprimer les mots : ", L.

288 (premier alinéa), L.

289 (dernier alinéa)" ».

L'amendement no 22 est ainsi rédigé :

« Supprimer les troisième (2o ) et avant-dernier (3o)

alinéas du texte proposé pour l'article L.

334-15-1 du code électoral ».

Ces amendements répondent toujours à la même logique, n'est-ce-pas, monsieur le raporteur ?

M. Marc Dolez, rapporteur.

En effet. Il s'agit d'amendements de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 15 bis

M. le président.

« Art. 15 bis L'article 16 de la loi no 85-691 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés et des sénateurs dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie est ainsi rédigé :

« Art. 16. Les dispositions du titre III, des chapitres Ier et IV à VII, du titre IV et celles du titre VI du livre II du code électoral, à l'exception de l'article L.

301, sont applicables à l'élection des sénateurs en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, sous réserve des dispositions prévues aux articles 3, 4, 4-1 et 6 de la présente loi. »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 16 de la loi du 10 juillet 1985, substituer aux mots : "dans les îles", le mot : "à". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 15 bis , modifié par l'amendement no

11. (L'amendement no 15 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16

M. le président.

« Art. 16. La loi no 85-691 du 10 juillet 1985 précitée est ainsi modifiée :

« I. Il est inséré, après l'article 16, deux articles 16-1 et 16-2 ainsi rédigés :

« Art. 16-1. Pour l'application en Polynésie française des articles L.

284 (dernier alinéa), L.

288 (premier alinéa), L.

289 (dernier alinéa) et L.

290 du code électoral, il y a lieu de lire :

« 1o "des articles L.

112-6 et L.

112-7 du code des communes applicable localement" au lieu de : "des articles L.

2113-6 et L.

2113-7 du code général des collectivités territoriales" ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

« 2o "l'article L.

121-12 du code des communes applicable localement" au lieu de : "aux articles L.

2121-20 et

L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales" ;

« 3o "le deuxième alinéa de l'article L.

121-12 du code des communes applicable localement" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L.

2121-20 du code général des collectivités territoriales" ;

« 4o "l'article L.

121-5 du code des communes applicable localement" au lieu de : "des articles L.

2121-35 et

L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales".

« Art. 16-2. Pour l'application en Nouvelle-Calédonie de la présente loi, il y a lieu de lire :

« 1o "des articles L.

112-6 et L.

112-7 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "des articles L. 2113-6 et L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales" ;

« 2o "l'article L. 121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "aux articles L.

2121-20 et L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales" » ;

« 3o "le deuxième alinéa de l'article L.

121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "le premier alinéa de l'article L.

2121-20 du code général des collectivités territoriales" ;

« 4o "l'article L.

121-5 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie" au lieu de : "des articles L.

2121-35 et L.

2121-36 du code général des collectivités territoriales". »

« II. A. Le premier alinéa de l'article 21 de la loi no 85-691 du 10 juillet 1985 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les déclarations de candidatures doivent, pour le premier tour, être déposées en double exemplaire auprès des services du représentant de l'Etat au plus tard à dix-huit heures le deuxième vendredi qui précède le scrutin.

« Il est donné au déposant un reçu provisoire de déclaration. Un récépissé définitif est délivré dans les quatre jours du dépôt de la déclaration de candidature si celle-ci est conforme aux prescriptions en vigueur. »

« B. Dans le dernier alinéa dudit article, les mots : "neuf jours avant celui de l'ouverture du scrutin" sont remplacés par les mots : " le deuxième jeudi qui précède le scrutin". »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 16, supprimer les mots : ", L.

288 (premier alinéa),

L. 289 (dernier alinéa)." » Il s'agit d'un amendement de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Supprimer les quatrième (2o ) et cinquième (3o)

alinéas du I de l'article 16. »

Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Supprimer les neuvième (2o ) et avant-dernier (3o ) alinéas du I de l'article 16. »

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet autre amendement de coordination ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 16

M. le président, M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 12 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« L'ordonnance no 59-260 du 4 février 1959 c omplétant l'ordonnance no 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs est ainsi modifiée :

« I. L'article 13 est ainsi rédigé :

« Art. 13. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège de délégués formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger et de délégués supplémentaires élus dans les conditions prévues à l'article suivant. Le nombre de délégués membres de ce collège est fixé à un délégué pour 300 électeurs, inscrits sur les listes visées à l'article 2 de la loi no 82471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des F rançais de l'étranger, ou une fraction de ce nombre. »

« II. Il est créé un article 13-1 ainsi rédigé :

« Art. 13-1 Les délégués supplémentaires pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par le collège formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

« Leur élection ainsi que celle de leurs suppléants se déroulent sur la même liste suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir.

« Chaque membre du Conseil supérieur des Françaisde l'étranger peut présenter une liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants.

« L'ordre des suppléants résulte de leur rang de présentation. En cas de refus ou d'empêchement d'un délégué, le suppléant de la même liste venant immédiatement après le dernier délégué est appelé à le remplacer.

« Un membre élu du Conseil supérieur des Français de l'étranger empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre membre de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même membre ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable. »

« III. - L'article 21 est ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

« Art. 21. - Les délégués pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France votent dans les locaux des ambassades et consulats ouverts à cet effet. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

Cet amendement vise à étendre aux sénateurs représentant les Français établis hors de France l'esprit de la réforme proposée dans le projet de loi.

Il étend le collège électoral des douze sénateurs concernés, lequel est actuellement limité aux cent cinquante membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Il propose que le nombre de délégués soit désormais fixé à un délégué pour trois cents électeurs. Ces délé gués seraient désignés par le collège formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger, à l'instar de ce que peut faire un conseil municipal, et l'élection se déroulerait à la représentation proportionnelle.

Dans le même esprit d'un amendement que j'ai défendu tout à l'heure et qui concernait l'organisation des opérations de vote, il est proposé que les délégués votent non plus à Paris, au ministère des affaires étrangères, mais dans les ambassades et les consulats.

J'ai bien conscience, mes chers collègues, que l'amendement que vous propose d'adopter la commission et qui tend à mettre en cohérence les règles s'appliquant aux sénateurs représentant les Français de l'étranger avec les dispositions que nous venons d'adopter pour le reste des sénateurs ne règle pas tout. Mais il a au moins le mérite de poser le problème.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement reconnaît tout le mérite de l'amendement approuvé par la commission des lois. Cet amendement traite d'une vraie difficulté : comment améliorer la représentativité des sénateurs représentant des Français de l'étranger ? La composition actuelle du Conseil supérieur des Français de l'étranger n'est pas satisfaisante à certains égards.

Il serait sage de tenir compte des évolutions démographiques. La répartition de nos compatriotes selon les pays, selon les continents, évolue.

Le texte de l'amendement, tel qu'il est établi, permet d'accroître le nombre de délégués participant à l'électio n des douze sénateurs représentant les Français de l'étranger. Mais la base, monsieur le rapporteur, demeure la même. Il s'agit en quelque sorte d'une multiplication du Conseil supérieur tel qu'il existe puisque la circonscription unique est maintenue. Or c'est sur ce point, à mon sens, qu'il faut s'interroger.

La réforme n'atteint pas vraiment le but qu'elle vise.

C'est la structure même du Conseil, la représentation par continent, qui gagnerait à être améliorée. Le Gouvernement serait d'ailleurs favorable au principe d'une telle évolution. Une modification des circonscriptions électorales pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger serait conforme au souhait d'une représentation plus juste. Mais une telle réforme, qui relèverait d'ailleurs de mon collègue des affaires étrangères, sur les compétences duquel je ne veux certainement pas empiéter, suppose une consultation préalable, un travail de préparation.

Le Gouvernement partage donc l'esprit de l'amendement, mais il ne peut guère souscrire, en l'état, à sa forme. C'est la raison pour laquelle, tout en étant reconnaissant au rapporteur et à la commission d'avoir posé le problème, je souhaite, au nom du Gouvernement, que cet amendement, qui a suscité un débat intéressant, soit retiré.

M. le président.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

A l'occasion du texte qui nous est soumis, nous avons découvert, grâce à la perspicacité de notre rapporteur, que le mode d'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger avait quelques particularités.

D'abord, le nombre. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger sont au nombre de douze, ce qui semble excessif compte tenu du corps électoral. Mais nous n'y pouvons rien car la modification du nombre des sénateurs relève d'une loi organique.

Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé tout à l'heure que, dans les jours ou les semaines qui viennent, nous serons saisis d'une loi organique portant sur le nombre des sénateurs. Ce serait l'occasion de réfléchir au nombre des sénateurs représentant les Français de l'étranger.

Ensuite, les électeurs qui procèdent à la désignation - je ne dis pas « à l'élection » - sont au nombre de cent cinquante. Douze sénateurs élus par cent cinquante personnes : on peut difficilement faire mieux ! Troisième particularité, enfin : le vote a lieu tous les trois ans à Paris. Ces grands électeurs, qui sont membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, se rendent donc dans la capitale, pour on ne sait combien de temps. On ne sait pas non plus par qui sont payées les dépenses que cela suppose, ni quelle est la nature de celles-ci.

Au vu de ces éléments, nous avons essayé, en commission des lois, de remédier à ce à quoi nous pouvions remédier et, à cet égard, je trouve que l'amendement, adopté par notre commission, est excellent. Mais on s'aperçoit qu'il suscite un certain nombre de réactions, dont on voit bien d'où elles peuvent provenir. Ces réactions suscitent à leur tour je ne dirais pas un conflit diplomatique, mais une « émotion », comme on dit au ministère des affaires étrangères.

Il n'en reste pas moins, monsieur le ministre, que, ainsi que vous venez vous-même de le reconnaître, il y a, sur le mode d'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger, vraiment matière à dire.

Il importe donc que les choses puissent être évoquées, et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable au retrait de l'amendement, à moins que des engagements un peu plus précis ne soient pris pour que la question reste à l'ordre du jour lors d'une deuxième lecture éventuelle. Le retrait de l'amendement pourrait nous faire craindre que l'on n'en parle plus.

Si vous nous affirmez qu'on reparlera encore du problème, nous n'aurons aucune raison de mettre en doute votre parole.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur.

En adoptant cet amendement, la commission a bien eu conscience que la réponse qu'elle proposait à un problème reconnu par tout le monde ici n'était pas complètement satisfaisante.

Pour ma part, j'ai pris acte avec beaucoup d'intérêt des propos de M. le ministre, qui nous a indiqué que la représentativité des sénateurs représentant les Français é tablis hors de France était une préoccupation du Gouvernement. J'en prends acte avec une grande satisfaction. J'ai


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

aussi relevé le souci que M. le ministre avait de faire en sorte que son collègue des affaires étrangères puisse être saisi de la question.

Si M. le ministre nous donne l'assurance qu'il fera connaître au ministre des affaires étrangères le sentiment de notre assemblée et la préoccupation qui est la nôtre en la matière, je ne vois pas, pour ce qui me concerne, d'inconvénient à retirer l'amendement. Ce retrait permettrait à la dissussion de continuer en laissant aux uns et aux autres le temps de procéder aux concertations nécessaires.

M. le président.

Monsieur Dolez, cela pose un problème de principe car l'amendement a été adopté par la commission. De plus, l'un des membres du groupe socialiste souhaite que l'amendement soit maintenu. Le retrait me paraît dans ces conditions difficile...

M. René Dosière.

A moins que le ministre ne nous donne des assurances !

M. le président.

Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de rassurer mes collègues ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je croyais, monsieur le président, avoir rassuré pleinement vos collègues en indiquant que le problème qu'ils avaient posé était réel et que je transmettrais les éléments du débat à mon collègue Hubert Védrine de manière qu'une concertation puisse s'instaurer et déboucher sur une initiative, soit gouvernementale, soit parlementaire, mais en tout cas concertée.

Cela permettra d'aborder le problème dans un état de préparation meilleur que celui que nous connaissons aujourd'hui.

M. le président.

L'amendement peut-il donc être retiré, en accord avec M. Dosière ?

M. Marc Dolez, rapporteur.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 12 rectifié est retiré.

Article 17

M. le président.

« Art. 17. L'ordonnance no 59-260 du 4 février 1959 complétant l'ordonnance no 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs est ainsi modifiée :

« 1o A l'article 16, les mots : "au plus tard huit jours avant celui de l'ouverture du scrutin" sont remplacés par les mots : "au plus tard à 18 heures le deuxième vendredi qui précède le scrutin" ;

« 2o L'article 22 est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les dispositions de l'article L.

314-1 du même code sont également applicables, la liste d'émargement étant constituée par la liste des membres élus du conseil mentionné à l'article 13, certifiée par le ministre chargé des affaires étrangères". »

;

« 3o L'article 27 est ainsi rédigé :

« Art. 27 Le vote du mandataire est constaté par l'estampillage de la procuration et par sa signature apposée à l'encre sur la liste d'émargement en face du nom du mandant. »

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 18

M. le président.

« Art. 18. - L'article 3 de la loi no 66504 du 12 juillet 1966 portant modification des dispositions du code électoral relatives à l'élection des sénateurs est abrogé. »

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Au début de l'article 18, insérer le paragraphe suivant :

« I. L'article L.

285 et le deuxième alinéa de l'article L.

287 du code électoral sont abrogés. »

Cet amendement tend à rétablir le dispositif initial du projet de loi.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dolez, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 18 par le paragraphe suivant :

« III. Le deuxième de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1985 précitée est abrogé. »

Cet amendement vise, comme le précédent, à rétablir le dispositif initial du projet de loi.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article no 18, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Dans la discussion générale, j'avais annoncé que le groupe du Rassemblement pour la République était prêt à voter le projet de loi tel qu'il nous était présenté dans la rédaction du Sénat. Après les bouleversements et les surenchères dont ce texte a ici fait l'objet, nous ne le voterons évidemment pas.

Nous ne voterons pas le projet de loi d'abord pour des raisons de fond.

Le texte bouleverse considérablement le mode de désignation des sénateurs.

Il généralise quasiment la proportionnelle. Aujourd'hui, 33 % des sénateurs sont élus à la proportionnelle ; il y en aura demain 70 % : de fait, c'est l'adoption d'un mode de scrutin proportionnel pour le Sénat. A la suite d'une série de surenchères, le dispositif retenu prévoit un délégué par tranche de 300 habitants, ce qui entraînera une chute de 11 % de la représentation des petites et moyennes communes et de 5 % de celle de la tranche des communes allant jusqu'à 30 000 habitants. Il s'agit là d'une modification qui est sans rapport avec les données du recensement ni avec celles de l'aménagement du territoire.

Je l'ai dit comme je le pensais et je le pense toujours aussi fortement : ces dispositions répondent à des arrièrepensées politiques. Le but n'est pas de moderniser le Sénat, mais simplement d'augmenter le nombre de sénateurs de gauche.

Je donne acte de ce qu'ont dit certains des collègues de la majorité : il n'y aura peut-être pas un complet bouleversement du rapport de force au Sénat, en ce sens que la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

majorité sénatoriale restera peut-être majoritaire. Mais l'objectif du Gouvernement était d'acquérir la majorité au Congrès.

Nous ne voterons pas le projet de loi pour des raisons de forme.

Le débat a été mené très rapidement : trois heures pour voter des dispositions dont le ministre lui-même a montré combien elles étaient mal préparées. En effet, vous avez pris le risque de dénis de désignation de délégués, puisque, mesdames, messieurs, vous avez voté une disposition rendant obligatoire l'élection des délégués au sein des conseils municipaux. Or, dans un certain nombre des ituations, la présentation de candidats représentant toutes les opinions ne pourra se faire : la présence d'étrangers de pays de l'Union européenne élus au sein des conseils municipaux, par exemple, risque de rendre le texte inapplicable.

Le texte est motivé par des arrière-pensées, il rate sont but - la modernisation - et, par surcroît, il est techniquement mal équilibré.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera contre.

M. le président.

Permettez-moi, monsieur M. Warsmann, d'introduire dans un débat sérieux une note badine : avoir la majorité au Congrès est une chose, mais le convoquer en est une autre. (Sourires.)

La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Claude Goasguen.

Bien entendu, le groupe Démocratie libérale votera contre le texte tel qu'il vient d'être élaboré dans notre hémicycle. Il le fera avec fermeté en regrettant qu'une assemblée, dans un système bicaméral, se substitue à l'autre.

Nos collègues sénateurs ont fait des propositions de rénovation. L'Assemblée, délibérément, au nom de sa souveraineté, impose au Sénat des décisions que celui-ci n'approuve pas. Je trouve que ce procédé n'est pas conforme à l'esprit de nos institutions.

J'ai été très choqué qu'un parlementaire socialiste, qui n'est pas présent ce soir - il s'agit de M. Lang - ait osé déclarer sur une grande chaîne publique, à une heure de grande écoute, probablement en pensant aux mésaventures du Congrès, qu'il ne voyait pas l'intérêt de conserver le Sénat dans la République, que c'était une institution qui coûtait cher et qui ne servait à rien.

Je pense que certains de mes collègues du groupe socialiste ne partagent pas cet avis péremptoire. Mais je trouve très choquant qu'un des responsables d'un parti de la majorité ait l'audace, l'outrecuidance de traiter ainsi une institution qui est l'équivalent de notre Assemblée nationale. Je trouve cela regrettable.

En réalité, je crois que vous n'aimez pas le Sénat...

M. Alain Calmat.

Le général de Gaulle non plus !

M. Claude Goasguen.

... qui, d'ailleurs, vous le rend bien et qui, je l'espère, vous le rendra bien pendant quelques années encore.

Quand on prend part à un véritable débat institutionnel, sur une institution qui gêne, on a le courage d'organiser un référendum ! D'autres que vous s'y sont essayés il y a quelques années avec le succès que l'on sait.

(Sourires.) Mais c'était au moins une attitude politique.

Mme Nicole Feidt.

Qui décide d'un référendum ?

M. Claude Goasguen.

Vous avez choisi une autre manière : la manière rampante de rogner une institution que vous n'osez pas affronter à travers le scrutin des Français. Je trouve cela regrettable, je le répète.

Mes chers collègues, nous sommes entrés hier soir dans une phase de notre législature un peu désagréable. Cette phase va se poursuivre par l'examen d'un texte concernant le cumul des mandats.

Nous sommes au mois de janvier, et presque en février. Nous voyons poindre les arrière-pensées, avouées, politiciennes : les élections approchent, le temps s'assombrit,...

M. René Mangin.

Ah bon ?

M. Claude Goasguen.

... et l'on en profite pour renverser rapidement les derniers obstacles qui pourraient éventuellement gêner la prise totale du pouvoir par votre majorité. Permettez-moi de le déplorer.

J'ajoute que, dans la démocratie française, les choses ne sont pas si simples. Je ferai tout mon possible pour vous montrer, avec mes collègues, que la démocratie française ne se laisse pas ébranler par les petites mésaventures parlementaires que vous êtes en train d'imposer à nos institutions et à notre Constitution.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour le groupe UDF.

M. Emile Blessig.

Au cours de la discussion générale, j'ai explicité la position de l'UDF, qui s'inscrit dans une vision dynamique du rôle du Sénat. Dans le même temps, j'ai regretté qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi on n'ait pas su saisir la balle au bond d'une évolution qui soit véritablement constructive et respectueuse d'un certain équilibre de nos institutions, notamment en ce qui concerne la notion de représentativité du Sénat.

Malheureusement, les calculs l'ont emporté, au risque de déséquilibrer une certaine pratique politique.

L'Assemblée nationale aura le dernier mot sur le sujet.

Le Sénat avait fait un premier pas, il s'était mis en mouvement. Je regrette pour ma part que la discussion n'ait pu apporter d'éléments plus éclairants.

L'UDF s'était associée à la démarche du Sénat. En l'état actuel des choses, elle ne peut suivre la majorité et elle votera résolument contre le texte.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Je viens d'entendre les interventions des députés de l'opposition et je voudrais dédramatiser la situation. Hier, ou plutôt ce matin, c'était une révolution. Ce soir, ce n'est qu'une réforme, une réforme qui va moins loin que celle que proposait le général de Gaulle en son temps, mais qui se traduira néanmoins par une rénovation substantielle du bicamérisme. C'est tout ce que je voulais dire.

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Ce projet de loi s'inscrit dans un ensemble plus vaste de textes ayant le même objectif, à savoir moderniser la vie politique dans notre pays, conformément d'ailleurs à l'engagement pris par la majorité devant les électeurs et par le Premier ministre devant l'Assemblée. Le texte visant à limiter le cumul des mandats, en cours de discussion, et celui sur la parité dans la vie politique s'ajoutent en effet à celui-ci sur la modernisation du Sénat. Je ferai deux observations.

D'abord, il n'est pas question de supprimer le Sénat, comme j'ai pu l'entendre, au contraire. D'ailleurs, les interventions du Gouvernement, comme celles de la


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commission des lois et du groupe socialiste, ont bien montré l'intérêt que nous portions au Sénat et notre acceptation du bicamérisme. Cela dit, la liberté de parole est naturellement totale parmi les militants du Parti socialiste.

Ensuite, je ne trouve pas choquant que l'Assemblée nationale, qui exprime la volonté du peuple, soit amenée à légiférer dans un domaine qui est de sa compétence. Le mode de scrutin relève en effet de la loi ordinaire. Je ne vois absolument pas pourquoi nous ne devrions pas légiférer sous prétexte que le texte issu de nos travaux ne conviendrait pas aux sénateurs. La navette parlementaire nous permettra d'ailleurs sans doute de nous mettre d'accord sur un texte.

M. Claude Goasguen.

Cela m'étonnerait !

M. René Dosière.

N'anticipez pas, monsieur Goasguen ! Nous verrons bien ce qu'il en sera. Mais je vousr appelle que, selon notre constitution, le Sénat et l'Assemblée nationale ne sont pas sur un pied d'égalité.

En effet, même si le Sénat détient un droit de veto constitutionnel, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot. Nous ne sommes plus sous la IIIe République, monsieur Goasguen, et c'est heureux ! Tout le monde a souligné le caractère modéré et équilibré de ce texte qui vise à mettre un terme à des inégalités de représentation choquantes. Nous sommes un certain nombre à souhaiter que le Gouvernement n'en reste pas là et que ce premier pas soit suivi d'autres pour réformer plus profondément le Sénat. Quoi qu'il en soit, nous allons faire ce pas avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Je ne répéterai pas ce qu'a dit M. le ministre. Ce texte procède simplement à un petit aménagement. La démocratie fait une petite avancée au Sénat, pour autant ce n'est pas encore suffisant car la véritable démocratie, c'est la proportionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Celle-ci devrait s'appliquer, y compris pour notre assemblée. De nombreux pays fonctionnent ainsi et cela se passe très bien.

Nous regrettons que l'on ait relevé de 1 000 à 2 000 habitants le seuil au-delà duquel les délégués seront élus à la proportionnelle. Nous aurions préféré en rester à 1 000, mais la majorité en a décidé autrement. Je note au passage que M. le ministre est ouvert à la discussion sur certains articles. Nous verrons ce qui se passera lors de la prochaine lecture. Pour l'instant, le groupe communiste est favorable à ce projet de loi.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

5 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 26 janvier 2000, de M. Georges Sarre un rapport, no 2111, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (no 1432).

J'ai reçu, le 26 janvier 2000, de M. Roland Blum un rapport, no 2112, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le S énat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande (no 1658).

J'ai reçu, le 26 janvier 2000, de M. Alain Vidalies un rapport, no 2114, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur :

I. La proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (no 735).

II. Les propositions de loi :

1. De M. André Gerin et plusieurs de ses collègues, relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (no 156) ;

2. De M. Pierre-André Wiltzer et plusieurs de ses collègues relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil (no 579) ;

3. De M. Yves Nicolin et plusieurs de ses collègues tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés (no 1900) ;

4. De M. Michel Hunault, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (no 1989) ;

5. De M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, relative aux prestations compensatoires en matière de divorce (no 2098).

6 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 26 janvier 2000, de M. Michel Vauzelle un rapport, no 2113, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la proposition de règle du Conseil modifiant le règlement no 1488/96 du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (MEDA) (no E 1331) (no 2033).

7 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 26 janvier 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat en nouvelle lecture, relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 26 JANVIER 2000

Ce projet de loi, no 2110, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 1er février 2000, à neuf heures, première séance publique : Questions orales sans débat ; Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement.

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi, no 2110, relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 735, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce : M. Alain Vidalies, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2114) ; Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2109).

Discussion du projet de loi, no 1821, modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT