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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Proclamation d'un député (p. 757).

2. Fin de la mission d'un député (p. 757).

3. Participation et croissance pour tous. - Discussion d'une proposition de loi (p. 757).

M. Jacques Barrot, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 760)

MM. Henri Plagnol, Yves Cochet, Nicolas Forissier, Alfred Recours, Jacques Godfrain, Christian Cuvilliez, Germain Gengenwin, Jean-Pierre Balligand, Mme Nicole Bricq.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le rapporteur.

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION DES ARTICLES (p. 781)

MM. MM. Gilles Carrez, Renaud Dutreil, Dominique Dord, Alfred Recours.

L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.

4. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 785).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 785).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE

SIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, en application de l'article L.O. 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, en date du 7 février 2000, l'informant que M. Henri Emmanuelli a été élu, le 6 février 2000, député de la troisième circonscription des Landes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) 2 FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le président.

Par lettre du 5 février 2000, M. le Premier ministre a informé M. le président de l'Assemblée nationale que la mission temporaire précédemment confiée à M. Jean-Pierre Balligand, député de l'Aisne, avait pris fin le 28 janvier 2000.

3 PARTICIPATION ET CROISSANCE POUR TOUS Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Douste-Blazy et plusieurs de ses collègues relative à la participation et à la croissance pour tous (nos 2105, 2126).

La parole est à M. Jacques Barrot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jacques Barrot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mes chers collègues, le titre même de la proposition de loi que nous examinons ce matin, « relative à la participation et à la croissance pour tous », traduit bien l'objectif recherché. Le général de Gaulle luimême évoquait la participation dans les termes suivants :

« Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une oeuvre économique commune, par exemple pour faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment ensemble une société, une société où tous aient intérê t à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct. »

Sans m'attarder sur toute la philosophie qui sous-tend le recours à la participation des salariés au capital et leur association plus directe aux décisions de la direction de l'entreprise, je rappellerai rapidement tout l'intérêt qui s'attache à cette voie et les raisons qui la rendent plus opportune que jamais.

L'épargne salariale, et par voie de conséquence l'actionnariat salarié, est d'abord un moyen irremplaçable de partager plus équitablement les fruits de la croissance.

Il est vrai que la richesse produite par l'entreprise a aujourd'hui tendance à profiter moins aux salariés qu'à l'actionnaire. Le recul de l'inflation, qui s'est confirmé année après année, a limité les marges de manoeuvre des politiques salariales des entreprises. Les accords intervenus dans la préparation, puis dans l'application de la loi sur les 35 heures poussent également à une modération des revenus salariaux ; pendant ce temps, les revenus du capital augmentent. Autant dire que, dans un tel contexte, l'épargne salariale et l'actionnariat salarié représentent inconstestablement un moyen efficace d'éviter cet effet de ciseaux.

C'est aussi un moyen de mieux associer les salariés au destin de l'entreprise. La participation conduit les entrepreneurs et les salariés à constituer une communauté objective d'intérêts ; à une situation traditionnellement très hiérarchique pour le salarié va succéder une approche plus partenariale, qui ouvre la voie à un dialogue social plus ambitieux pour l'ensemble de la communauté d'entreprise. Ce qui implique évidemment pour le salarié devenu actionnaire de nouvelles possibilités d'expression sur le fonctionnement et la stratégie même de l'entreprise, prévues dans la proposition de loi.

Enfin, l'actionnariat salarié va renforcer, stabiliser en quelque sorte l'entreprise. La participation des salariés au capital permet de constituer un noyau stable d'actionnaires à même de contrebalancer les effets négatifs d'une situation qui tend à rendre l'entreprise française trop dépendante de capitaux extérieurs. Cette consolidation de l'entreprise par l'actionnariat est si réelle que son impact est désormais perçu par de plus en plus d'analystes financiers, et cette évolution n'est pas sans intérêt. Les marchés financiers se mettent à prêter une attention plus soutenue à la participation des salariés au capital de leur entreprise, dans laquelle ils voient le signe d'une solidité accrue de l'entreprise.


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Il est vrai que l'actionnaire salarié est plus sensible à l'évolution à long terme de l'entreprise et à ses orientations stratégiques qu'à la rentabilité immédiate des capitaux investis. Un noyau stable d'actionnaires salariés peut offrir, on l'a vu récemment, une garantie solide contre certaines offres publiques d'achat ou d'échange, jugées par les salariés comme préjudiciables à l'intérêt de l'entrepris e. On pourrait ajouter bien d'autres raisons à l'appui de ces trois principaux arguments pour justifier la légitimité de cette démarche : il n'est qu'à puiser notamment dans le rapport que M. Balligand a rédigé avec M. de Foucauld et qu'il vient de vous remettre, monsieur le ministre.

Mais venons-en aux raisons qui la rendent aujourd'hui opportune. Pour commencer, force est de reconnaître que le mouvement est déjà largement amorcé. Les deux mécanismes de participation et d'intéressement ont permis en 1998 de distribuer près de 35 milliards à 4,4 millions de salariés. Près de 10 000 entreprises ont mis en place des plans d'épargne entreprise. Les fonds communs de placement d'entreprise sont de plus en plus fréquemment composés d'actions de l'entreprise. Celles-ci constituaient en 1988 environ 15 % de l'actif net des FCPE ; elles en représentent aujourd'hui 38 %. L'évolution est donc bien en marche. C'est pourquoi il n'est pas question de bouleverser des mécanismes qui ont commencé à porter leurs fruits, mais bien de les activer afin d'aller plus loin encore.

De surcroît, la croissance actuelle, les discussions en cours sur les cagnottes le montrent bien, nous offre une occasion inespérée de rendre plus efficaces les incitations au développement de l'épargne salariale. Non seulement un renoncement immédiat des finances publiques à certaines recettes est aujourd'hui possible, mais il apparaît d'autant plus légitime qu'il viendrait encourager une épargne dynamique de nature à conforter le risque entrepreunarial et par là même à anticiper les progrès économiques à venir. Autrement dit, la moins-value de recettes qui gagera ces incitations conduira à moyen terme à des ressources accrues parce que dégagées par une économie plus dynamique.

Enfin, il est certain que nous devons nous attacher à éviter de voir certains investisseurs étrangers, notamment des fonds d'investissement ou des fonds de pension, détenir une part trop importante de la capitalisation des entreprises françaises. Celle-ci s'élève déjà à 36 % de l a capitalisation des entreprises françaises, alors que ce taux n'est que de 15 % en Allemagne et de 10 % aux EtatsUnis. A cet égard également, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui n'en apparaît que plus opportune.

Je n'approfondirai pas davantage cet examen d'opportunité, d'autant que les lumières rouges s'allument déjà devant moi, monsieur le président, me créant soudain un stress... (Sourires.) Vous permettrez au parlementaire assez ancien que je suis de s'étonner que le rapporteur d'une proposition de loi comportant un nombre non négligeable d'articles ne dispose que de dix minutes ! Mais enfin, c'est ainsi : rassurez-vous, monsieur le président, je vais m'efforcer de rester bref.

M. le président.

Je vous rassure à mon tour, monsieur le rapporteur : ainsi que vous le savez peut-être, ce système est entièrement automatique et les lampes rouges s'allument très progressivement. Vous n'êtes pas au bout de votre temps de parole. (Sourires.)

M. Alfred Recours.

Vous n'êtes pas au bout de vos peines !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Je vous remercie. Je n'ai pas été bien long et je ne le serai pas beaucoup plus ; mais il me faut vous détailler les caractéristiques de cette proposition de loi, qui s'inscrit dans une volonté d'abord de respecter la diversité des outils, sans créer de confusion entre épargne salariale et prévoyance retraite, ensuite de ne pas utiliser la contrainte mais l'incitation.

Dans cet esprit, plusieurs démarches y sont encouragées de manière parallèle. La première vise à inciter les petites et moyennes entreprises à développer la participation, par le biais d'une provision pour investissement qui peut être constituée en franchise d'impôt à hauteur de 25 % des sommes versées dans l'année. Les entreprises seront en outre tenues de négocier la mise en place d'un mécanisme d'épargne salariale dès lors qu'elles ont des délégués du personnel.

Deux innovations faciliteront cet accès de tous à l'épargne salariale : la première, c'est la création de plans interentreprises, que l'on retrouve d'ailleurs dans la proposition de M. Balligand ; la seconde, très importante à mes yeux, c'est l'institution d'un droit pour le salarié au transfert de son épargne salariale. C'est évidemment une exigence essentielle si l'on veut concilier actionnariat salarié et mobilité des salariés. La proposition de loi prévoit donc la possibilité de transférer les sommes investies dans un plan d'épargne-entreprise vers un autre plan, sans taxation ou assujettissement aux cotisations sociales.

La deuxième démarche à profiter de l'augmentation du capital pour diffuser l'actionnariat salarié : 5 % des actions nouvellement émises lors d'une augmentation de capital devront obligatoirement être offertes aux salariés à un prix inférieur à 50 % du prix d'émission. C'est la reprise des dispositifs retenus par la proposition de loi déposée par Edouard Balladur. Cette offre sera obligatoire pour les sociétés cotées en bourse, mais elle pourra être également présentée aux salariés des sociétés non coté es si l'assemblée générale en décide ainsi. Ces distributions d'actions au moment de l'augmentation du capital bénéficieront d'un régime fiscal favorable, évidemment contrebalancé par plusieurs exigences : ces actions devront être achetées dans le délai d'un mois ; elles seront nominatives et incessibles pendant trois ans.

Enfin, pour faciliter aux salariés, même non cadres, cette acquisition d'actions, la proposition de loi permet le déblocage de l'épargne salariale. Autrement dit, un salarié pourra souscrire les actions ainsi offertes en débloquant son épargne salariale.

La troisième démarche concerne la démocratisation des plans d'options. Là aussi, la proposition veut agir par incitation : M. Douste-Blazy et les cosignataires ont à cet effet prévu des avantages fiscaux dès lors que les droits d'options auront été attribués à plus de 50 % des salariés de l'entreprise. Le but est de rendre la distribution des plans d'options la plus large et la plus « démocratique » possible. Parallèlement, la proposition de loi impose une plus grande transparence en créant une obligation d'inform ation nominative, chiffrée et étendue, puisqu'elle concerne les mandataires sociaux et les salariés. A cette plus grande diffusion auprès de l'actionnariat salarié doit correspondre une avancée dans l'association des salariés actionnaires à la définition de la stratégie de l'entreprise.

La proposition de loi ne cherche pas à innover, mais elle t end à renforcer l'actuelle obligation de convoquer l'assemblée générale dès lors qu'un certain seuil du capital est détenu par les salariés actionnaires, dans le but de renforcer la présence de l'actionnariat salarié.


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La proposition de loi rétablit également le dispositif de reprise des entreprises par les salariés, momentanément supprimé. M. le ministre aura sans doute l'occasion de vous répondre sur ce point. Le rétablissement du RES apparaît en effet de nature à résoudre certaines situations difficiles.

Enfin, les dispositions proposées au titre de l'épargne salariale visent à renforcer les incitations à la diffusion de la participation, à démocratiser l'usage des plans d'options et à encourager de manière plus soutenue les associations des salariés actionnaires à la vie de l'entreprise. Ces démarches ne sont pas sans ressemblance avec d'autres, suggérées par le Sénat, par la proposition d'Edouard Balladur et par le rapport de notre collègue Balligand. Il appartiendra à l'Assemblée nationale de voir comment, sur tel ou tel aspect particulier, les solutions proposées peuvent être infléchies ou améliorées.

En fait, cette proposition de loi reflète un état d'esprit : celui d'inciter sans obliger et d'encourager plus fortement encore la détention effective pendant un certain temps de l'action parce qu'elle associe réellement le salarié au risque entreprenarial. J'ajoute, parce que je n'oublie pas que je suis rapporteur de la commission des affaires sociales, que se posera le problème de l'expression des salariés dans l'entreprise. M. Balligand a certainement dû, de son côté, y réfléchir. Pour l'instant, l'expression des salariés se manifeste à travers les délégués du comité d'entreprise présents au conseil d'administration. Il est certain que les salariés actionnaires auront eux aussi une voie d'expression, cette fois délibérative et non plus seulement consultative. Il faudra donc à terme trouver le moyen de parvenir à une expression suffisamment commune, au sein de l'entreprise française pour éviter tout risque de cacophonie. Ce qui implique, à mon sens, de faire en sorte que l'ensemble des salariés de l'entreprise puissent, d'une manière ou d'une autre, être actionnaires de leur entreprise.

J'en viens enfin à la partie prévoyance retraite de la proposition de loi. Celle-ci se différencie fondamentalement de l'épargne salariale car elle a une finalité très spécifique : offrir un complément de retraite par capitalisation. Cela implique deux exigences : l'interdiction de rachat avant le terme et l'obligation de sortir en rente.

Pour les auteurs de la proposition de loi, il paraît indispensable de bien marquer la différence entre l'épargne salariale et l'épargne prévoyance dont le but est d'assurer aux futurs retraités la garantie absolue d'un revenu complémentaire, ce qui suppose des règles de placement spécifiques, qui ne sauraient être limités à l'entreprise dans laquelle travaille le salarié.

Les fonds de prévoyance retraite prévus par la proposition de loi sont des personnes morales structures dédiées.

Ils seront constitués sous forme de société anonyme d'assurance ou sous forme de société d'assurance mutuelle.

Leur constitution sera soumise à un agrément délivré après avis de la commission de contrôle des assurances et de la commission prévue par le code de la sécurité sociale.

Les plans de prévoyance retraite seront souscrits par un ou plusieurs employeurs. La souscription pourra résulter d'un accord collectif d'entreprises ou d'un accord de branches professionnelles ou interprofessionnelles. Et ce n'est que si l'accord collectif n'a pu déboucher que l'employeur ou le groupement d'employeurs pourra souscrire unilatéralement le plan de prévoyance retraite.

Les versements du salarié ne pourront dépasser un certain montant ; les versements de l'employeur ne pourront quant à eux être supérieurs aux versements du salarié.

Cette disposition a pour objectif d'assurer une meilleure équité dans l'accès au fonds de prévoyance.

Le plan de prévoyance retraite débouche sur le versement d'une rente viagère. Des dispositifs de gestion et de contrôle sont évidemment prévus pour garantir au fonds de prévoyance retraite la plus grande sécurité possible et assurer une réelle association des salariés à travers un comité de surveillance, constitué pour une moitié de représentants élus des adhérents, pour un quart des représentants des élus des employeurs et pour un quart des représentants des syndicats représentatifs. On retrouve le souci de conforter la communauté qui ainsi se retrouve dans le plan de prévoyance retraite.

En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, cette proposition de loi constitue un cadre très opportun pour décider tout à la fois des modalités de l'aggiornamento de l'épargne salariale et de la mise en oeuvre d'un dispositif de l'épargne retraite. Elle offre matière à un débat très ouvert. Elle nous permet d'entrer dans le vif du sujet sans retard. Le temps presse, en effet.

Un partage plus équitable de la croissance exige incontestablement l'accès du plus grand nombre à une épargne salariale, laquelle sera d'autant plus encouragée qu'il s'agira d'une épargne dynamique investie en actions. Car c'est le paradoxe français que de disposer d'une masse d'épargne fort importante mais largement orientée vers les obligations, alors que l'épargne française peut devenir beaucoup plus dynamique et fonder les progrès à venir de l'économie française.

Outre l'épargne salariale, la proposition prévoit une prévoyance retraite qui vient consolider les régimes par répartition.

M. Yves Cochet.

Non, les affaiblir !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Cette dernière question est bien à l'ordre du jour puisque le Gouvernement aura à nous présenter, dans peu de temps, ses propositions de réforme à cet égard.

A mon avis, voici deux rendez-vous inéluctables : celui d'une activation de l'épargne salariale pour la rendre plus accessible, plus démocratique et pour la tourner davantage vers le dynamisme de l'économie, et celui de la prévoyance retraite.

Pourquoi suis-je personnellement attaché à la prévoyance retraite ? Rapporteur d'une proposition, déjà ancienne, sur l'épargne retraite, je crois que c'est là une manière d'éviter que, dans vingt ans, les actifs ne soient appelés à un trop gros effort. Nous serons dans un pays vieillissant et il faudra faire très attention au poids que nous leur ferons supporter en 2020. D'où l'intérêt d'une prévoyance retraite par capitalisation qui, dans la proposition de loi Douste-Blazy, présente l'avantage d'être liée au dialogue social dans l'entreprise, puisqu'elle résulte d'un accord.

Tout en étant bien distinctes, ces deux orientations, vers l'épargne salariale et vers la prévoyance retraite, sont très complémentaires et peuvent vraiment permettre de répondre aux objectifs sociaux que j'ai décrits et de donner à notre économie deux solides points d'appui.

Voilà pourquoi la proposition de loi me semble être un cadre très intéressant pour progresser, avec toutes les démarches que j'ai indiquées, qui, c'est vrai, en recoupent d'autres. Mais raison de plus pour en débattre.


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Dans le cadre de ces fenêtres parlementaires qu'a instituées notre réforme, nous avons aujourd'hui l'opportunité d'un bon débat, qui, par la qualité de nos échanges, peut enrichir ce dossier majeur pour l'économie française et pour la qualité des relations humaines et la cohésion sociale dans l'entreprise.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il aura fallu cinquante ans après les premières déclarations du général de Gaulle sur la participation pour que celle-ci s'impose comme une des clés de la modernisation de l'économie et de la société françaises.

Pourquoi la participation est-elle aujourd'hui une idée neuve, à l'origine de tant de rapports et qui suscite tant d'attentes ? La première raison est la mondialisation, qui impose une concurrence sans cesse accrue entre les territoires et les entreprises. Pour maximiser les chances de nos entreprises, un meilleur partage des responsabilités et une plus grande association des salariés à leur réussite sont nécessaires.

La deuxième raison, Jacques Barrot l'a évoquée à l'instant, est le retour de la croissance. C'est ce que veut exprimer le titre de la proposition, relative « à la participation et à la croissance pour tous ». Il s'agit de faire en sorte que le bénéfice de la croissance ne soit pas réservé à quelques-uns ; il faut aller vers un partage plus équitable des fruits de l'expansion et une meilleure redistribution d u formidable enrichissement collectif que permet l'économie capitaliste. Il s'agit, en quelque sorte, de réconcilier durablement les Français avec l'économie de marché.

Cette proposition s'appuie sur un constat - qui rejoint, monsieur le ministre, celui dressé par le rapport Balligand-Foucauld et c'est pourquoi on comprendrait mal que vous vous opposiez à la discussion de nos propositions (Sourires) -, le constat d'une triple inégalité.

D'abord, au sein des grandes entreprises, celles qui sont cotées en bourse, les stocks-options sont encore réservées...

M. Christian Cuvilliez.

... à des privilégiés !

M. Henri Plagnol.

... à quelques exceptions près, comme Auchan, à une minorité de dirigeants.

M. Christian Cuvilliez.

M. Jaffré !

M. Henri Plagnol.

C'est tout le problème de la diffusion de l'actionnariat salarié.

Deuxièmement, il existe de très fortes inégalités entre les grandes et les petites entreprises. Dans celles qui ont moins de cinquante salariés, ceux-ci ne bénéficient guère de la participation et de l'intéressement. Moins de 1,4 % des salariés des PME bénéficient de régimes de participation et à peine 2,7 % de régimes d'intéressement. Ces chiffres sont issus du rapport que vous avez commandé, monsieur le ministre.

Troisième inégalité, sur laquelle je voudrais insister : celle qui oppose les agents de l'Etat qui bénéficient, à travers le système PRÉFON, de la retraite par capitalisation, et les salariés des entreprises, à qui, pour le moment, toute forme d'épargne retraite complémentaire par capitalisation est interdite. Il y a là quelque chose de profondément injuste et choquant.

Face à ce constat, la démarche que nous vous proposons se fonde non pas sur la contrainte mais sur l'incitation et le dialogue. Elle est radicalement différente de celle que vous avez adoptée pour les 35 heures, qui posent tant de problèmes dans les entreprises et contribuent au blocage des salaires, ce qui rend encore plus nécessaire la réflexion sur un enrichissement complémentaire par l'épargne et l'intéressement. C'est une démarche résolument incitative, qui ouvre un nouvel espace de dialogue social au sein de l'entreprise entre les salariés, les syndicats et les dirigeants.

Il est bien évident, en effet, que l'évolution vers une économie de partage, vers un meilleur partage des responsabilités ne pourra naître que d'une démarche volontaire.

On ne saurait susciter la participation des hommes à la marche de l'entreprise d'une façon autoritaire. Ce serait contradictoire : qui dit participation dit volontariat et incitation.

La deuxième originalité de notre démarche tient à notre refus de créer un impôt supplémentaire. Loin d'aggraver les charges qui pèsent sur nos entreprises, nous voulons au contraire libérer les énergies des salariés et des entreprises en se fondant sur une incitation par la voie fiscale.

Je voudrais évoquer brièvement les dispositions les plus originales de cette proposition de loi.

L'actionnariat salarié ne bénéficie actuellement qu'à un peu plus d'un million de salariés. Plutôt que d'aggraver la fiscalité sur les plans d'options pour les entreprises, nous suggérons d'accorder une prime aux entreprises qui permettraient à la majorité de leurs salariés de bénéficier des stocks-options, selon la formule mise en oeuvre par exemple par une entreprise comme Auchan. Ce choix se fonde sur la conviction que, dans l'entreprise moderne, tout le monde participe à la réussite, de la caissière au dirigeant d'un supermarché.

M. Christian Cuvilliez.

Surtout chez Auchan ! On voit que vous n'allez pas souvent dans les grandes surfaces !

M. Alfred Recours.

Bel exemple, en effet !

M. Henri Plagnol.

Limiter les stocks-options à quelques-uns n'est pas une bonne chose pour l'avenir. Il faut aller au contraire dans le sens du plus large partage des bénéfices de l'expansion, donc offrir une incitation aux entreprises qui diffusent les actions à un maximum de salariés.

Une autre disposition, directement inspirée des propositions d'Edouard Balladur est l'obligation, pour les entreprises qui augmentent leurs capitaux propres et développent leur capital par le biais d'une cotation en Bourse, d'ouvrir ce capital aux salariés. Jacques Barrot vient d'insister sur ce point.

Une autre disposition originale concerne le problème le plus difficile de ce dossier et permettrait d'élargir l'intéressement aux petites entreprises. Pour ce faire, nous suggérons que celles de moins de cinquante salariés puissent constituer en franchise d'impôt une provision pour investissement égale à 25 % des sommes qu'elles consacreraient à l'intéressement. Cette disposition, simple, efficace, n'est en aucun cas révolutionnaire et ne crée pas de complication pour les dirigeants des petites entreprises : pragmatique, elle pourrait être mise en oeuvre immédiatement et constituerait un pas en avant.


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N ous suggérons également la création de plans d'épargne interentreprises puisque ce qui est difficile à élaborer à l'échelle d'une seule entreprise est évidemment possible à l'échelle de plusieurs. Il y a là un immense champ à ouvrir pour permettre aux partenaires sociaux, aux fédérations professionnelles de s'emparer de ce sujet, afin de contourner la difficulté que représente l'individualisme des petites entreprises. On comprendrait mal que vous ne permettiez pas que nous passions au vote sur ce sujet, puisque c'est une des suggestions contenues dans le rapport Balligand-Foucauld.

Enfin, je voudrais dire un mot du problème de la retraite par capitalisation. Contrairement au Gouvernement et à la majorité, nous pensons qu'on ne peut pas dissocier complètement les deux sujets, épargne salariale et participation, d'une part, retraite par capitalisation, d'autre part. Aussi proposons-nous la création de fonds de prévoyance-retraite, fondés également sur le volontariat, en généralisant la possibilité dont ne bénéficient actuellement que les agents de l'Etat, ce qu'on appelle le système PRÉFON.

Si notre proposition est adoptée, tous les salariés de ce pays pourront cotiser à des fonds d'épargne-retraite complémentaire en bénéficiant d'une franchise fiscale et les employeurs auront la possibilité d'abonder ces fonds, ces abondements étant soumis aux cotisations sociales pour éviter d'appauvrir le régime de retraite par répartition.

Pourquoi priver les salariés français des bénéfices de la retraite par capitalisation et réserver plus longtemps le bénéfice de l'expansion de notre économie et du travail de nos entreprises aux fonds de pension largement détenus par des intérêts étrangers, en particulier anglosaxons ? Il y a là une profonde injustice et il est grand temps de lever ce blocage qui obéit à des considérations purement idéologiques.

Dès lors pourquoi la majorité s'opposerait-elle à ce que l'on débatte de nos propositions ? Elles sont pragmatiques, n'ont rien de révolutionnaires et elles peuvent rassembler, dans un large consensus, l'essentiel des forces politiques qui composent notre assemblée.

Faut-il déduire de ces réticences que vous avez, monsieur le ministre, des difficultés à obtenir un consensus dans votre propre majorité ? N'y a-t-il pas, dans ce refus de discuter nos propositions, des raisons tenant aux divergences de la majorité plurielle et aux blocages idéologiques ? Il n'a pas échappé aux observateurs qu'il y avait pour le moins des accents très différents entre le rapport Sapin et le rapport Balligand-Foucauld.

Mme Nicole Bricq.

Ils sont complémentaires !

M. Henri Plagnol.

Le Premier ministre souhaite-t-il vraiment que nous allions vers une démocratie d'actionnaires salariés ? N'y a-t-il pas là quelque chose de contraire au socialisme à la française ? En un mot, voulez-vous vraiment encourager l'évolution actuelle de l'économie et de la société françaises ?

M. Christian Cuvilliez.

Poser la question, c'est déjà y répondre !

M. Henri Plagnol.

Est-ce cohérent avec la volonté régulièrement affichée du Premier ministre de moderniser nos institutions et de revaloriser le Parlement ? Quelle plus belle occasion de le faire que de permettre qu'une proposition de l'opposition soit enfin discutée et donne lieu à un vrai débat ? Cette proposition constitue un premier pas vers une croissance profitant à la grande majorité des salariés. Ainsi la France pourrait-elle servir de modèle à l'Europe sociale à laquelle le Premier ministre et le Gouvernement se déclarent si souvent très attachés. Vous manquez là une belle occasion de le démontrer en créant un exemple français de la participation.

M. Philippe Douste-Blazy et M. Jean-Antoine Leonetti.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

La participation, une clé pour réussir la croissance pour tous et pour permettre une mondialisation à visage humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois d'octobre dernier, M. Dominique Strauss-Kahn annonçait une réforme de l'épargne salariale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Germain Gengenwin.

Hélas, sans suite !

M. Yves Cochet.

Aujourd'hui, M. Douste-Blazy, ici présent, et ses collègues ont pris l'initiative d'anticiper sur le projet du Gouvernement par une proposition relative

« à la participation et à la croissance pour tous ».

Alors, autant vous le dire, messieurs - car je ne vois pas de dames - de l'opposition, nous sommes opposés à votre proposition de loi qui, dans son écriture, comme dans son principe, est dangereuse. Elle croit annoncer une ère nouvelle, celle de l'économie de responsabilité, si j'ai bien compris l'exposé des motifs ; moi, je crois plutôt que les salariés se trouveraient alors à la merci d'une pure logique financière.

M. Christian Cuvilliez.

Parfaitement !

M. Yves Cochet.

Votre idée n'est pas nouvelle : intéresser aux résultats les salariés est récurrent dans l'histoire du capitalisme. On se drape derrière deux objectifs apparemment ambitieux : partager plus équitablement les richesses et donner plus de pouvoir aux salariés. On ne peut qu'applaudir.

Mais va-t-on vraiment vers cela ? Je ne le crois pas, pour plusieurs raisons.

D'abord, s'agissant de l'épargne salariale, votre proposition ne dit rien sur les quatre exigences auxquelles devrait être soumis, selon nous, tout système d'épargne de ce type.

La première exigence est une exigence financière, c'està-dire qui garantisse tout à la fois un rendement à long terme, des coûts de gestion bas et des placements à faible risque, donc diversifiés.

Deuxième exigence, une exigence écologique : une épargne qui s'investirait dans des activités équitables et non nuisibles à l'environnement.

Troisième exigence, une exigence sociale : il ne devrait pas y avoir d'investissements dans les entreprises qui violeraient les conventions de l'OIT, ce qui est un minimum.

Quatrième exigence, une exigence de stimulation de l'emploi, ce qui veut dire - et là on peut y réfléchir que les syndicats ou les mutuelles devraient s'impliquer dans la gestion des fonds d'épargne.


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Rien de tout cela ne figure dans votre proposition de loi.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il fallait le proposer !

M. Yves Cochet.

Quant aux stock-options pour tous, c'est une dangereuse illusion et une fausse bonne idée.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Quelle mauvaise foi !

M. Yves Cochet.

En effet, le processus d'attribution des actions ou des options aux salariés sera inégalitaire : les cadres dirigeants en recevront davantage que les autres cadres qui eux-mêmes en recevront davantage que les salariés ou les ouvriers. (Rires sur les bancs du groupe D émocratie libérale et Indépendants.) Evidemment ! Comme ces derniers doivent les payer avec leur salaire, ils n'ont pas les moyens d'en acquérir beaucoup.

M. François Loos.

Il n'a pas compris le principe.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il n'a rien compris !

M. Philippe Douste-Blazy.

On va vous expliquer !

M. Yves Cochet.

De plus, la représentation des salariés en tant qu'actionnaires reflétera cette inégalité : les salariés n'auront que l'illusion d'un pouvoir qui, en réalité, leur échappera.

E nfin, une rémunération du type salaire différé échappe à ceux qui ne peuvent pas attendre pour toucher le fruit de leur travail, ce qui est le cas de la grande masse des salariés.

L'actionnariat salarié est le cheval de Troie de l'introduction des fonds de pension, même si vous ne prononcez pas tout à fait le mot. Ils contredisent votre souci de reprendre le contrôle des entreprises françaises.

Je n'ai pas le temps de développer les arguments contre les fonds de pension. Mais s'ils devaient exister, ils devraient au moins être diversifiés - c'est une question de bonne gestion - et surtout ne pas être uniquement composés d'actions d'entreprises françaises, ce qui serait très dangereux et très peu sûr pour leurs détenteurs.

Enfin, les retraites par capitalisation sont à terme incompatibles avec les retraites par répartition. Bref, on ne doit pas jouer sa retraite en bourse.

De manière générale, dans la mesure où l'actionnariat remplacerait l'augmentation des salaires, le risque encouru par les salariés serait grand, même si les actions étaient gratuites ou à moitié prix comme vous le proposez. Autre avis, il s'agit de partager équitablement les richesses et, donc, de considérer que la rémunération du travail c'est toujours le salaire, voire les primes, et de les augmenter ? Quant au pouvoir qu'une telle mesure donnerait aux salariés, il faut y regarder de plus près. Les transformer en actionnaires peut les rendre schizophrènes ou les diviser.

Prenez l'affaire Michelin : un salarié actionnaire peut penser qu'il a plus de chances de faire évoluer son revenu par la fluctuation des actions que par son salaire ou ses revendications. Moi, je ne le crois pas. Mais on sait maintenant que l'annonce de licenciements fait monter la cote en Bourse et chaque salarié peut toujours espérer que le coup tombera sur un autre. On a même vu les hôtesses et les stewards de United Airlines décider leur propre éviction au nom de la survie de leur entreprise. Il y a là quelque chose de tout à fait schizophrénique et même de suicidaire. Souvenez-vous encore de l'affaire Elf l'an dernier : je ne parle pas du PDG mais des salariés qui furent à la fois actionnaires et « virés », c'est-à-dire capitalistes mais licenciés par eux-mêmes. Il faut refuser cette logique perverse d'autant que l'actionnariat est une façon d'éviter l'augmentation des salaires.

M. François Loos.

Quand tout le monde sera fonctionnaire, ce sera plus simple !

M. Yves Cochet.

Les lacunes de votre texte ont des conséquences injustes. Est-il acceptable d'affirmer travailler à l'enrichissement des salariés les mieux lotis alors que notre pays compte encore 3 millions de chômeurs et que des millions d'autres personnes sont en situation de précarité ? Ce serait leurrer les salariés que leur faire croire que parce qu'ils possèdent des actions de l'entreprise, ils seront considérés comme des actionnaires puissants pouvant peser sur les choix stratégiques de l'entreprise, sur son organisation ou les investissements.

D'ailleurs, je constate que même l'un de vos collègues de Démocratie libérale, M. Goulard, critique ce texte en disant qu'il est mal préparé, peu applicable et insuffisamment crédible.

Mais je crois comprendre les raisons de cette précipitation infructueuse. Alors que le Gouvernement, à la suite du rapport Balligand-Foucauld, réfléchit...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Réfléchit lentement !

M. Yves Cochet.

... à un projet de loi sur l'épargne salariale, vous voulez le précéder en faisant assaut de propositions.

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Il n'y a pas de monopole de la réflexion !

M. Yves Cochet.

Certainement ! Mais peut-être y-a-t-il aussi une obligation de résultat, nous le verrons dans la suite de ce débat.

Nous avions déjà entendu M. Balladur sur la question.

Aujourd'hui, nous entendons M. Douste-Blazy et ses amis, mais autant vous dire que ni l'un ni l'autre ne nous ont convaincus.

Bref, votre proposition de loi nous entraînerait dans une économie de rentiers (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Germain Gengenwin.

Vous ne l'avez pas lue !

M. Yves Cochet.

... vers ce que l'on peut appeler le stade « gâteux » du capitalisme. C'est ce que nous refusons. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Dominique Dord.

Vous n'avez rien compris, monsieur Cochet !

M. le président.

La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit du travail commun engagé ces derniers mois par une dizaine de députés issus des trois groupes de l'opposition - RPR, UDF et DL. Je voudrais saluer à ce titre nos collègues du groupe UDF, et notamment le président Douste-Blazy, qui ont accepté d'inscrire ce texte dans le temps qui leur était imparti au titre de l'initiative parlementaire. Je me félicite particulièrement de l'esprit qui a prévalu lors de sa préparation. Il s'agit en effet d'un travail constructif, raisonnable, ouvert, monsieur Cochet, qui nous a permis de définir ensemble et sans difficulté aucune, un certain nombre de réponses concrètes et réalistes aux évolutions de l'économie mondiale, aux besoins de nos entreprises, aux aspirations des salariés. Nul doute d'ailleurs que cette méthode de travail sera renouvelée dans les mois à venir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

Le sujet est essentiel. Depuis deux ans, la croissance de l'économie mondiale est de retour, entraînant celle de l'économie française. C'est précisément ce contexte favorable qui doit nous permettre sans attendre d'engager les réformes qui permettront aux entreprises françaises d'être plus dynamiques, plus compétitives, mais aussi plus fortes et plus solidaires dans leur organisation interne, si nous voulons qu'elles relèvent efficacement les défis de la concurrence mondiale.

De ce point de vue, les salariés, monsieur le ministre, attendent leur part des fruits de la croissance, c'est-à-dire un retour concret de cette croissance à laquelle ils participent chacun à leur niveau. De même, ils aspirent à être mieux associés à la marche de leur entreprise, à son avenir, parce que la société de l'information leur permet aujourd'hui - et c'est une bonne chose, je crois - de tout savoir sur les réalités de l'économie et de la concurrence.

Beaucoup d'évolutions positives sont en cours et ont déjà permis de mieux associer les salariés au devenir de l'entreprise, à l'échelon des organisations patronales et du dialogue paritaire, mais aussi sur le terrain et sans qu'il soit besoin de légiférer.

M. Henri Plagnol. Très juste ! M. Nicolas Forissier. Et je voudrais témoigner ici du fait qu'un grand nombre de responsables d'entreprise, en particulier dans les PME-PMI, prennent quotidiennement des initiatives en ce sens. Ils savent pertinemment que le dialogue, l'information, l'intéressement et la participation des salariés aux résultats de l'entreprise sont des conditions plus qu'essentielles du succès en commun de cette a venture collective par excellence qu'est l'entreprise.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Henri Plagnol. Tout à fait !

M. Nicolas Forissier.

A l'inverse, concevoir l'intéressement et la participation comme un instrument du pouvoir des salariés dans l'entreprise, comme le fait le partis ocialiste, me semble tenir d'une vision totalement archaïque et fausse de l'entreprise. C'est une vision dangereuse qui, en tout état de cause, ne correspond pas à ce qu'attendent les salariés eux-mêmes. (Applaudissements sur les quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ils veulent être associés mais ils ne cherchent pas à prendre le pouvoir. Il faut cesser de raisonner dans ces termes.

Si notre pays est plutôt en avance en matière d'intéressement et de participation, le dispositif législatif et réglementaire doit cependant être modernisé et élargi : Premièrement, pour que tous les salariés aient les mêmes chances, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec les disparités entre les petites entreprises - les TPE, les PME - et les grands groupes ; Deuxièmement, pour que les fruits de la croissance soient partagés de façon plus équitable, mais aussi de façon utile au développement de notre économie, ce qui suppose d'encourager plus largement l'épargne salariale ; Troisièmement, pour que se développe réellement l'actionnariat des salariés qui est le meilleur moyen de les associer à la marche de l'entreprise, mais aussi un gage de stabilité et donc de réussite ; Quatrièmement, pour que la transparence, l'équité soient assurées dans les nouvelles formes de rémunération que constituent les plans d'option sur actions - beaucoup ici ont été choqués par les excès révélés à l'autom ne dernier ; Cinquièmement, pour qu'une réponse soit enfin donnée à l'inquiétante question de l'avenir de nos retraites.

Là encore, la meilleure réponse, la plus utile à notre économie, est l'instauration de fonds d'épargne retraite qui donneront enfin, même indirectement, la propriété de nos entreprises aux Français plutôt qu'aux autres et cela sans déséquilibrer les régimes existants.

C'est pour toutes ces raisons essentielles, monsieur le ministre, que nous avons souhaité ouvrir le débat en espérant qu'il puisse être suivi d'effet.

L'idée de la participation, lancée par le général de Gaulle, va bien au-delà des simples aspects financiers.

C'est une idée moderne, et non « ringarde », comme j'ai pu me l'entendre dire il y a peu. Elle répond précisément aux évolutions plus ou moins rapides qu'ont connues la société et nos entreprises depuis vingt ans et elle répond aux aspirations des salariés de l'an 2000.

Ce texte propose une méthode faite de souplesse qui privilégie l'incitation par rapport à l'obligation contraignante. Les entreprises subissent déjà trop de contraintes, ce qui les affaiblit gravement par rapport à leurs concurrentes étrangères. L'incitation, notamment fiscale, favorise le dialogue interne, et répond à la diversité infinie des situations d'entreprises qui n'ont pas les mêmes capacités d'adaptation. Là encore, j'insisterai sur le cas particulier de la plupart des PME-PMI.

Ce texte est une base de travail et peut être enrichi par le débat. De ce point de vue, je vous soumettrai quelques propositions en me faisant l'interprète du groupe Démocratie libérale et Indépendants qui a étudié attentivement ce texte. Je vous rappelle, monsieur Cochet, la proposition qu'il avait présentée en novembre dernier sous l'égide de François d'Aubert et François Goulard...

M. Yves Cochet.

J'ai lu sa déclaration du 3 février !

M. Nicolas Forissier.

...

« relative à la création des bons de croissance pour le développement de l'actionnariat salarié et le soutien des entreprises innovantes ». C'est dans cet esprit que mon groupe s'exprime aujourd'hui, au-delà des petites phrases supposées de certains de ses membres.

Le titre Ier vise à favoriser le développement de l'intéressement des salariés et de l'épargne salariale dans les petites et moyennes entreprises en permettant aux entreprises de moins de cinquante salariés qui adoptent un régime d'intéressement de constituer, en franchise d'impôt, une provision pour investissement égale à 25 % du montant des sommes versées. C'est une mesure importante, monsieur le ministre, j'insiste sur ce point, elle répond bien aux besoins des petites entreprises. Mais l'expérience du terrain et les vérifications que j'ai pu faire auprès de certains professionnels me conduisent à proposer que la provision pour investissement soit portée à 50 % du montant des sommes versées.

Cette provision annuelle, qui ne constitue d'ailleurs qu'une faculté pour l'entreprise, serait rapportée en totalité ou partiellement au bénéfice imposable si elle n'est pas utilisée à l'acquisition ou à la création d'immobilisations, dans un délai de trois ans. En cas d'acquisition ou de création d'immobilisations pour un montant insuffisant, elle pourrait être rapportée à due concurrence au bénéfice imposable de la troisième année suivant l'année


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

de sa constitution. En effet, pour être réellement efficace, une incitation fiscale de cette sorte doit permettre de dégager une provision d'un montant suffisant. Or chacun sait que les petites et moyennes entreprises ne dégagent pas forcément des moyens importants à la clôture du bilan. Porter le délai d'utilisation à trois ans laisserait un temps suffisant pour planifier des investissements qui peuvent, dans de nombreux métiers, s'avérer fort lourds.

Il faut donc donner un peu plus d'ampleur à cette importante mesure de la proposition de loi.

Le titre Ier qui autorise la création de plans d'épargne inter-entreprises, comme le titre II qui permet d'assurer la continuité de l'épargne salariale d'une entreprise à l'autre doivent être salués. Ce sont là des mesures constructives qui permettent de sécuriser l'épargne du salarié en cas de liquidation judiciaire. C'est une approche juste, propre à renforcer la confiance. Il reste néanmoins à préciser la mise en oeuvre des fonds d'épargne inter-entreprises. Si elle relève pour l'essentiel du domaine réglementaire, la loi doit veiller à ne pas rompre la nécessaire proximité, sur le plan pratique, entre ces fonds et les entreprises qui leur seraient rattachées.

Concernant le titre III, qui vise à accroître la transparence et à inciter à la démocratisation des plans d'options sur actions, le groupe Démocratie libérale, sur la base de ses travaux, propose deux évolutions principales qui permettraient de rendre à la fois plus incitatif et plus transparent un nouveau dispositif.

En matière de transparence, l'article 6 prévoit que les noms des dix plus gros détenteurs d'options sur actions d'une entreprise seront rendus publics ainsi que le nombre d'actions qu'ils détiennent et le prix d'exercice auquel elles leur ont été consenties.

M. Christian Cuvilliez.

C'est un cautère sur une jambe de bois !

M. Nicolas Forissier.

Il paraît souhaitable que ce dispo-s itif prenne en compte l'ensemble des rémunérations : stock-options, mais aussi salaires, primes, jetons de présence, avantages, épargne salariale. Cela correspond d'ailleurs aux engagements que vient de prendre le MEDEF.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alfred Recours.

Quelle référence !

M. Christian Cuvilliez.

Nous sommes rassurés !

M. Nicolas Forissier.

J'attendais la réaction. C'est un réflexe pavlovien, mes chers collègues ! En matière fiscale, le groupe Démocratie libérale, sans remettre en cause la suppression de toute charge fiscale et sociale sur la décote, ou « rabais excédentaire » sur le prix des actions, souhaite un allégement fiscal globalement plus important. Et il y a les moyens pour le faire, paraît-il, monsieur le ministre.

M. Christian Cuvilliez.

C'est hors de question.

M. Nicolas Forissier.

En effet, tous les plans d'options ne comportent pas obligatoirement de décote. Surtout taxer à 40 % la plus-value d'acquisition, si les options sont levées après cinq ans, constitue une charge excessive, notamment au regard de ce qui se pratique ailleurs.

M. Christian Cuvilliez.

Voilà le vrai visage de votre loi.

M. Nicolas Forissier.

Or, faut-il le rappeler, nous sommes dans une économie de plus en plus ouverte.

Le groupe Démocratie libérale souhaite que la diffusion des stocks-options à l'ensemble des salariés permette un véritable partage des fruits de la croissance. Les stockoptions permettent de fidéliser les salariés les plus compétents, notamment dans les entreprises innovantes. Mais il ne faut pas que cet outil soit une source de prélèvements excessifs qui démobilisent ou incitent les meilleurs à partir à l'étranger. Le régime de droit commun portant sur les plus-values de cession, soit 26 % - 16 % plus 10 % de prélèvements sociaux -, nous paraît amplement suffisant. Le délai d'indisponibilité pourrait en outre être ramené de cinq à trois ans.

Enfin, il paraît nécessaire d'amender la proposition de loi en prenant en compte les BSPCE, c'est-à-dire les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise - régime spécial de stock-options de croissance pour les entreprises de moins de quinze ans. Ce régime dérogatoire a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2001 par la loi sur la recherche et l'innovation. La majorité socialiste a rejeté la proposition de M. Strauss-Kahn, qui visait à rendre ce régime définitif. Pourtant, il joue un rôle très important dans le soutien aux entreprises de croissance.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est scandaleux !

M. Dominique Dord.

C'est inadmissible !

M. Nicolas Forissier.

Monsieur le ministre, il faut reprendre cette idée. Ce serait utile pour notre économie.

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas vous qui avez inventé les BSPCE ! Il a fallu que la gauche arrive !

M. Nicolas Forisier.

L'institution, dans les articles 10 et 11, d'une obligation légale, pour toute société cotée, de réserver aux salariés 5 % des actions nouvellement émises à un prix inférieur de moitié au prix d'émission élargit le processus initié par Edouard Balladur lors des premières privatisations. C'est là aussi une mesure favorable au renforcement de l'actionnariat salarié, nécessaire pour la stabilité et le développement de nos entreprises.

Certains craignent toutefois que les groupes internationaux cherchent à éviter cette obligation en procédant à des augmentations de capital sur d'autres places financières que la bourse de Paris, ce qui conduirait à affaiblir cette dernière. Ce risque doit être pris en compte, même si certains groupes ont déjà pris librement l'initiative de réserver des actions à leurs salariés, donnant ainsi l'exemple - je pense à Bouygues, Alcatel ou Vivendi.

La réponse à ce risque doit passer par l'incitation plus que par l'obligation. C'est une évolution par rapport au présent texte. Encore faut-il que nous puissions trancher rapidement ce débat dans l'intérêt de notre économie et trouver une mesure adaptée.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments que je viens de vous exposer ne reprennent pas tous les points de la proposition de loi, mais ils constituent autant de propositions visant à enrichir le débat sur le partage des fruits de la croissance et l'association des salariés à l'avenir de leur entreprise et à celui de l'économie nationale tout entière.

Il y a là un enjeu formidable, et il serait regrettable que ce débat nous soit refusé par une majorité qui resterait aveugle même si je reconnais le travail mené par certains de ses membres.

Le texte proposé est juste, réaliste, raisonnable. Il répond aux vrais défis qui se présentent à nous avec plus d'acuité que jamais. Les salariés attendent ces mesures.

Les entreprises aussi. Travaillons donc à les rendre possibles, dans l'intérêt du pays et dans un esprit ouvert et constructif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours.

Dans une économie de marché, on ne peut évidemment être contre le développement de l'actionnariat.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ça part bien !

M. Alfred Recours.

Nous l'avons d'ailleurs montré au fil des années. Je rappellerai simplement que les PEA datent de Pierre Bérégovoy et que les privatisations partielles ou les participations ont été beaucoup plus développées depuis 1997 qu'elles ne l'avaient été auparavant.

(« Bravo ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Vous êtes sur la bonne voie ; encore un petit effort !

M. Alfred Recours.

Les preuves existent donc que nous savons développer l'actionnariat.

Faut-il pour autant passer au « tout actions », comme nous y invite la proposition de loi que vous défendez aujourd'hui ?

M. Yves Nicolin.

Vous caricaturez !

M. Alfred Recours.

En effet, cette proposition de loi concerne à la fois la participation, l'épargne salariale, les rachats par les salariés des entreprises, les stock-options et les fonds de pension.

M. Gilles Carrez.

Ça, c'est du beau travail !

M. Alfred Recours.

Le contenu est intéressant, je l'ai déjà dit en commission, il a au moins le mérite d'une certaine cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette cohérence, c'est la cohérence du tout pour les actions : l'épargne salariale, pour les actions ; la participation, pour les actions.

M. Yves Nicolin.

Mais non !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Je savais que ça allait déraper !

M. Dominique Dord.

Vous n'avez pas lu la proposition de loi !

M. Alfred Recours.

Non seulement je l'ai lue, mais, contrairement à vous, j'étais présent en commission...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est vrai !

M. Alfred Recours.

... comme pourrait en témoigner notre collègue Barrot, avec lequel nous avons d'ailleurs débattu dans le détail.

M. Jean Le Garrec, président de la commission, et

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Tout à fait !

M. Alfred Recours.

Donc, s'il vous plaît, ce n'est pas nécessaire, pour certains intermittents du spectacle parlementaire présents aujourd'hui (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ,...

Mme Nicole Bricq.

Il a raison !

M. Dominique Dord.

Vous dérapez !

M. Alfred Recours.

... de faire comme s'ils étaient là en permanence tandis que, nous, nous n'y serions pas !

M. Yves Nicolin.

C'est un bon mot mais du mauvais esprit !

M. Alfred Recours.

Vous avez bien compris ce que je voulais dire !

M. Edouard Landrain.

Vos collègues sont absents !

M. Alfred Recours.

Mais nous serons présents tout à l'heure !

M. Edouard Landrain.

Les intermittents, ce sont les autres !

M. Alfred Recours.

Un espace de discussion peut être ouvert sur l'épargne salariale en particulier, et je salue au passage l'excellent travail de notre collègue Balligand...

M. Dominique Dord.

Ben voyons !

M. Alfred Recours.

... qui devrait déboucher sur un projet de loi présenté par le Gouvernement et qui nous p ermettra d'aborder cette question importante de l'épargne salariale.

M. Dominique Dord.

C'est une conversion un peu tardive, mais c'est une conversion !

M. Yves Nicolin.

Le rapport Balligand dit la même chose !

M. Alfred Recours.

J'ai lu dans cet excellent rapport Balligand...

M. Dominique Dord.

Mais ce n'est pas celui dont nous débattons !

M. Alfred Recours.

... que, pour un flux annuel de 45 milliards de francs, l'épargne salariale et la participation bénéficient de 20 milliards de francs d'exonérations de cotisations sociales et 5 milliards de francs d'exonérations fiscales.

Il faudrait pouvoir chiffrer l'objectif économique de cette proposition : un flux supplémentaire d'épargne salariale de 45 milliards, de 90 milliards ou de 135 milliards de francs par an ? Parce qu'alors, nous aurions respectivement 20 milliards de francs supplémentaires d'exonérations sociales et 5 milliards d'exonérations fiscales, ou bien 40 milliards et 10 milliards...

Toutes les mesures préconisées dans ce texte constituent autant de propositions de loi différentes. Sans compter qu'un autre débat mérite d'être ouvert - il l'est d'ailleurs dans la presse, dans les médias, dans le pays et ici, à l'Assemblée -...

M. Dominique Dord.

La cagnotte !

M. Alfred Recours.

... sur la meilleure façon d'utiliser ce que certains ont bien voulu appeler la cagnotte - ou les cagnottes - fiscale.

M. Dominique Dord.

Rendez-la !

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas une cagnotte, c'est le budget de l'Etat !

M. Alfred Recours.

J'observe tout de même qu'en matière de protection sociale personne aujourd'hui ne parle de cagnotte. Personne n'est capable de nous expliquer comment on financerait la sécurité sociale avec 20, 40 ou 60 milliards de recettes en moins ! Cette question entre pourtant dans le champ de notre débat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

M. Dominique Dord.

Alors, ouvrons le débat !

M. Alfred Recours.

C'est ce que je fais.

M. Dominique Dord.

Mais non ! Vous allez voter contre le passage à la discussion des articles !

M. Alfred Recours.

Je voulais évoquer cette question des exonérations fiscales et des exonérations sociales parce que les interventions précédentes ne l'ont pas mentionnée.

M. Dominique Dord.

Laissez ce débat se dérouler, alors !

M. Alfred Recours.

Des mises au point mériteraient aussi d'être faites. On a bien cité Michelin, Elf, mais on aurait pu citer Valéo. En effet, la semaine dernière, on nous a annoncé le même jour 3,7 milliards de francs de bénéfices, 6 000 licenciements et une distribution de stock-options !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Oui, mais les actions ont baissé !

M. Christian Cuvilliez.

Bel exemple !

M. Dominique Dord.

Que propose Balligand contre ça ?

M. Alfred Recours.

Il faudrait prévoir comment ventiler les disponibilités qui peuvent exister au niveau fiscal ou social.

Un sort pourrait aussi être fait au débat récurrent sur la PRÉFON, pour les fonctionnaires. Ce système bénéficie en effet d'exonérations fiscales proportionnelles aux sommes qui y sont versées, sous plafond.

M. Philippe Briand.

L'exonération est totale sur les sommes versées !

M. Alfred Recours.

Mais il ne bénéficie pas d'abondements de l'employeur, contrairement à certains modes de participation.

M. Yves Nicolin.

Il ne manquerait plus que ça !

M. Alfred Recours.

Si vous voulez vraiment que l'égalité soit assurée entre les salariés du public et les salariés du privé, il serait logique de proposer que les versements à la PRÉFON profitent, outre d'une exonération fiscale, d'un abondement que l'Etat verserait en tant qu'employeur, au même titre que les employeurs du privé.

M. Henri Plagnol.

Comme pour les 35 heures !

M. Yves Nicolin.

Le beurre, l'argent du beurre et la crémière !

M. Alfred Recours.

On ne peut pas prendre cet exemple pour justifier ensuite l'injustifiable ! En marge de ce débat pointe la discussion de l'utilisation des fruits de la croissance, résultat, entre autres, mais pas uniquement, de la politique menée par le Gouvernement dans le domaine économique. On pourrait envisager, pour que la plus grande partie des Français en bénéficient, une baisse des impôts mais également que soient instaurées des cotisations sociales sur l'épargne salariale.

La taxe d'habitation quant à elle est perçue comme un impôt totalement injuste, aussi bien entre particuliers que de commune à commune, de département à département.

C'est en quelque sorte un impôt sur le revenu puisque payé avec le revenu dont disposent les assujettis.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ce n'est pas la question !

M. Alfred Recours.

C'est un impôt obsolète qu'il faut recouvrer.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous dérivez beaucoup !

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est hors sujet !

M. Alfred Recours.

Pas du tout ! Et je souhaite que nous réfléchissions à la suppression pure et simple de cet impôt.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Bien sûr ! Et on recentralise !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Jacobin !

M. Yves Nicolin.

Vous allez dépouiller les communes !

M. Alfred Recours.

De la même façon, il me semblerait souhaitable de réfléchir à la suppression pure et simple de la redevance télévision.

Nous sommes toujours dans le sujet. Il s'agit bien, finalement, de savoir comment répartir les fruits de la c roissance et comment, pour reprendre la formule récurrente de Démocratie libérale et Indépendants...

M. Dominique Dord.

Très bonne référence !

M. Alfred Recours.

... rendre l'argent aux Français.

M. Marc-Philippe Daubresse.

On l'a pris ?

M. Alfred Recours.

Vous proposez de rendre l'argent sous forme d'actions. D'autres possibilités existent, et nous ferons, dans les semaines et les mois qui viennent - s'agissant des retraites, de l'épargne salariale, de la fiscalité -, certaines propositions qui permettront de répondre à de nombreuses questions.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ce n'est pas la même chose !

M. Alfred Recours.

En tout état de cause, les mesures proposées par ce texte couvrent un tel domaine - qui ne se limite pas à l'épargne salariale, vous l'avez vous-même souligné -, que je ne vois pas comment nous pourrions, après avoir reconnu que ce débat est légitime et intéressant, accepter d'entrer dans la logique du tout actions.

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas le tout actions, c'est la croissance pour tous !

M. Dominique Dord.

La croissance, ce n'est pas le tout actions !

M. Alfred Recours.

Pour cette raison, nous considérons qu'il ne faut pas passer à la discussion des articles.

M. Yves Nicolin.

Vous allez pénaliser les salariés !

M. Dominique Dord.

Comme d'habitude !

M. Alfred Recours.

La logique qu'ils sous-tendent n'est pas la nôtre.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous préférez les rentiers aux salariés !

M. Alfred Recours.

Nous admettons tout à fait le nécessaire développement de l'épargne salariale.

M. Nicolas Forissier et M. Marc-Philippe Daubresse.

Très bien !

M. Alfred Recours.

Nous n'acceptons pas pour autant la logique du tout pour les actions qu'on veut nous imposer aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Nicolas Forissier.

Tout pour les salariés !

M. Yves Nicolin.

La croissance pour tous !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Godfrain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

M. Jacques Godfrain.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, peut-il y avoir un instant plus agréable pour un parlementaire du groupe gaulliste que de venir apporter son appui et, sans jeu de mots, sa participation à un texte du groupe UDF portant précisément sur la participation ? (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Longtemps décrié, parfois méprisé, le concept même de participation a été présenté tour à tour comme ringard, obsolète, désuet. D'aucuns pensaient que, personne n'en voulant, ni le salarié ni les patrons, celle-ci ne serait jamais que le fruit d'un courant minoritaire de doux rêveurs isolés, vivant dans une ignorance complète de la situation sociale de notre pays.

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est ce qu'on disait de Vallon ou de Capitant en leur temps !

M. Jacques Godfrain.

M. Cochet, qui n'est plus là, nous a régalé tout à l'heure...

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est l'intermittent du spectacle. (Sourires.)

M. Jacques Godfrain.

... de sa vision totalement surréaliste des rapports sociaux. Je ne sais si un salarié qui ne demande qu'à posséder un peu plus que sa feuille de paye en fin de mois est un schizophrène, mais il me rappelle cette phrase de Chamfort : « Donner est un plaisir plus durable que recevoir, car celui des deux qui donne est celui qui se souvient le plus longtemps ». (Sourires.)

M. Christian Cuvilliez.

Elle est bonne !

M. Jacques Godfrain.

M. Cochet a dû prendre beaucoup de plaisir à nous donner sa leçon d'économie sociale, totalement déconnectée de la réalité.

M. Dominique Dord.

Leçon ? N'exagérons rien !

M. Jacques Godfrain.

En fait, M. Cochet refuse l'ouverture d'un nouveau droit aux salariés, le droit au patrimoine.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Yves Nicolin.

C'est un ringard.

M. Jacques Godfrain.

Il permet à Jules Renard de se rappeler à nous dans un mot : « Si l'argent ne fait pas le bonheur, rendez-le ! » (Sourires.)

Oui, monsieur le ministre des finances, rendez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant à M. Recours, qui salue la bonne situation de nos finances, il devrait à son tour se rappeler le mot de Talleyrand : « Les financiers ne font bien leurs affaires que lorsque l'Etat les fait mal. »

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Nicole Bricq.

C'est un véritable dictionnaire des citations !

M. Jacques Godfrain.

L'histoire le montre, l'exercice d'aujourd'hui puise ses origines dans une tradition très ancienne de la pensée économique et sociale française.

Dans les manufactures de Colbert, une gratification était versée aux meilleurs ouvriers et le début du

XIXe siècle est l'ère de la pensée du partage des bénéfices expri mée par Saint-Simon, Charles Fourier, Louis Blanc, dont les noms ne devraient plus effrayer le groupe socialiste.

En 1858, Jean-Baptiste Godin,...

M. Jean-Pierre Balligand.

Mon prédécesseur.

M. Jacques Godfrain.

... crée le Familistère de Guise.

D'autres expériences naissent à ce moment-là, mais elles restent très peu nombreuses et soumises au bon vouloir des chefs d'entreprise.

Côté protection sociale, il faut citer les premiers régimes de retraite facultatifs en 1831 et 1894, notamment dans les mines. En Allemagne, à l'initiative de Bismarck, un système de protection sociale est mis en place.

En France, le système mutualiste naît le 1er avril 1898 et la loi du 9 avril de la même année crée les premiers régimes de prévoyance obligatoire dans toutes les entreprises industrielles.

Plus tard, en 1910, les retraites ouvrières et paysannes sont créées. L'expérience se solde par un échec en l'absence de cotisations patronales. Les assurances sociales naissent le 30 avril 1930 pour tous les salariés dont la rémunération ne dépasse pas un certain plafond.

Quant au partage des bénéfices, il faut attendre le milieu du XXe siècle pour voir les choses bouger. En 1942, Charles de Gaulle lance : « Nous gagnerons la guerre ; et après ? Eh bien après, il nous faudra transformer la situation sociale. » Et il tenta de le faire concrè-

tement.

M. Alfred Recours.

Il y a cinquante-huit ans !

M. Jacques Godfrain.

Dès 1945, paraissent les ordonnances créant les comités d'entreprise et la sécurité sociale.

M. Christian Cuvilliez.

Nous y étions !

M. Jacques Godfrain.

En 1949, il préconise l'association du capital et du travail.

En 1959, le gouvernement de Michel Debré, auquel participe Antoine Pinay, voit dans la participation aux bénéfices un moyen d'augmenter la productivité du travail et les performances des entreprises en les mettant aussi au service des salariés. L'ordonnance du 29 janvier 1959 vient couronner cette attitude dans un silence indifférent, voire hostile, des partenaires sociaux.

Pendant les années 60, la participation aux fruits de l'expansion fait l'objet de discussions intenses, le général de Gaulle estimant que cette forme de participation était la grande réforme du XXe siècle. Le 12 juillet 1965, l'amendement Vallon conduisit à la parution, le 17 août 1967, d'une nouvelle ordonnance créant un régime obligatoire de participation financière dans les entreprises de plus de cent salariés. Une autre ordonnance crée les plans d'épargne entreprise.

Plus tard, en 1970, la loi du 31 décembre instaure les premiers systèmes d'options sur actions destinés aux sala-r iés, appelés communément stock-options. Et le 27 décembre 1973 paraît la nouvelle loi permettant aux salariés de souscrire ou d'acheter en bourse des actions de leur entreprise.

Les années 80 voient surgir, malgré la très vive opposition de la gauche, des mesures importantes. La loi du 24 octobre 1980 permet aux entreprises qui le souhaitent de distribuer jusqu'à 3 % de leur capital à leurs salariés.

L'ordonnance du 21 octobre 1986, prise par le gouvernement Chirac-Balladur, rassemble toutes les initiatives intervenues dans ce domaine depuis l'ordonnance du 7 janvier 1959. La défiscalisation prévue dans ce texte de l'intéressement et des plans d'épargne entreprises remettait à l'honneur ces deux formules, donnant lieu à une éclosion généralisée d'accords d'intéressement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

E n 1993, le Premier ministre Edouard Balladur commande au député de la troisième circonscription de l'Aveyron un rapport sur l'état de la participation dans la société française, qui débouche sur la loi du 25 juillet 1994. Cette loi est extrêmement importante car elle est l'aboutissement d'un processus de presque un siècle de recherche et le point de départ de très nombreux accords.

De nouvelles conditions d'accès des salariés au conseil d'administration de leur entreprise sont créées et de nouvelles incitations fiscales voient le jour pour les entreprises pratiquant volontairement la participation aux résultats et à l'intéressement. Cette loi consacre également une nouvelle catégorie d'actionnaires, les actionnaires salariés, qui, désormais, peuvent siéger au conseil d'administration de leur entreprise.

Parallèlement à l'essor de l'épargne salariale, diverses initiatives alertent l'opinion publique sur la dégradation de l'équilibre de notre système de retraite par répartition.

Il faut citer le Livre blanc sur la retraite, édité à la demande du Premier ministre Michel Rocard, alors que, dans sa propre majorité, des voix contraires se font entendre. Saluons cette décision prise par le gouvernement Rocard d'examiner de près l'avenir des retraites.

Répartion ou capitalisation ? La vérité est sans doute au milieu. Il paraît aujourd'hui tout aussi raisonnable de tout faire pour sauver la répartition, qui met en exergue une vertu nommée solidarité, que de mettre en oeuvre une nécessité civique dans ce domaine, à savoir un système de capitalisation. Le salarié devra alors se poser la question suivante : pour un franc de placement, quel en sera le rendement de chacun des deux systèmes ?

Aujourd'hui, quelle est la situation ? Au-delà des techniques que nous venons de décrire longuement, les grandes avancées sociales de ce XXe siècle ont été le résultat de l'action de gouvernements qui couvrent tout l'éventail de la vie politique française.

Longtemps combattue par les communistes et leurs alliés, les socialistes, la participation heurtait l'idée, a cquise dans leur milieu intellectuel, selon laquelle l'entreprise devait être le champ clos de la lutte des classes et que le progrès social ne pouvait être que le fruit de luttes intenses, voire violentes. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Cuvilliez.

Belle référence historique !

M. Jacques Godfrain.

Nous n'avons guère vu de grèves ou de manifestations exigeant la mise en place de la participation. Et pourtant, les esprits bougent et évoluent.

Le texte que propose le groupe de l'UDF est le fruit d'un travail très sérieux. Fruit d'un travail conjoint de parlementaires issus de toute l'opposition, il tend à la fois à rendre capitalistes des millions de Français et à engager ceux-ci dans la voie de la responsabilité.

Il est en décalage profond avec le climat social actuel, initié par le ministère de l'emploi, en ce qu'il favorise la morale du dialogue plutôt que la logique de l'affrontement,...

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Jacques Godfrain.

... et la participation des salariés plutôt que leur soumission. La participation n'y est pas réduite à des mesures concédées à l'un des partenaires au détriment de l'autre, elle ne doit pas être constamment freinée par un camp jaloux de ses prérogatives. Si elle apparaît pour les salariés comme un leurre, le dialogue social sera rompu. L'intérêt de l'entreprise, l'intérêt de la société moderne est de voir s'atténuer, voire disparaître, les conflits.

Aujourd'hui, avec ce texte et celui présenté par M. Edouard Balladur, sont réunies la mise en oeuvre d'un monde du travail participatif et une volonté de moderniser l'économie.

Le rôle encombrant de l'étatisme au milieu du paritarisme a suscité une refondation de celui-ci dont le gouvernement actuel est exclu.

Nous espérons que décentralisation, concertation, dial ogue permanent, pouvoirs partagés, participation, deviennent les mots clés de l'entreprise du futur. Il n'est pas là question d'autogestion ni de lutte des classes.

Le travail accompli par les auteurs de ce texte, comme celui de M. Edouard Balladur et d'autres travaux en cours feront que, demain, la participation dans l'entreprise privée, en attendant le comportement participatif dans la fonction publique, sera la clé de la réussite de la société moderne du

XXIe siècle.

M. Christian Cuvilliez.

La société de marché !

M. Jacques Godfrain.

Le soutien apporté par les députés, notamment gaullistes, qui procède de cette démarche, est le signe que la modernité, dans cette assemblée, appartient dorénavant à ce qui est aujourd'hui l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dès lors, l'avenir leur appartient car le vide social ne peut se contenter des mêmes formules inlassablement répétées.

Mme Raymonde Le Texier.

Il était temps !

M. Jacques Godfrain.

Le grand chantier, relancé par le Président de la République au début de cette année, ne se refermera pas de sitôt.

Ce texte est la première pierre d'une refondation sociale dont notre pays a profondément besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Raymonde Le Texier.

Quel lyrisme !

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Edouard Landrain.

Ecoutons le permanent du spectacle !

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la participation et à la croissance déposée par le groupe de l'UDF va bien au-delà de la déclinaison de mesures techniques visant à réformer les mécanismes mis en place au fil des années pour encourager l'épargne salariale : elle affirme un projet politique qui entend redonner une légitimité à la perspective libérale, dont les dégâ ts sociaux et humains, en France et à l'échelle de la planète, sont de mieux en mieux perçus - je veux dire : de plus en plus mal ressentis.

L'exposé des motifs de la proposition de la loi présente un objectif presque aussi ancien que le capitalisme luimême : tenter d'associer le capital au travail, en faisant du plus grand nombre de salariés des actionnaires animés d'un patriotisme d'entreprise, convaincus du bien-fondé de critères de gestion assis sur la recherche du profit financier maximal, et cela quel qu'en soit le prix, notamment pour les salariés eux-mêmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

Si la proposition de loi affirme la nécessité d'associer les salariés aux décisions qui engagent l'avenir de leur entreprise, c'est dans des limites très étroitement fixées.

Ainsi, il est expressément exclu que ces salariés puissent disposer des droits et des pouvoirs leur permettant de discuter au conseil d'administration les choix stratégiques fondamentaux des entreprises.

L'exposé des motifs mentionne avec justesse l'accroissement de la part des revenus du capital dans la valeur ajoutée et dans le PIB aux dépens des revenus du travail.

Il relève aussi l'accroissement des inégalités, mais bien sûr sans en évoquer les causes réelles et les conséquences sociales, mais bien sûr sans analyser les effets néfastes sur le niveau et le contenu de la croissance du mouvement de financiarisation de l'économie et de la polarisation des richesses qui l'accompagne.

Lorsque la bourse progresse de 58 %, comme l'an dernier, alors que la croissance réelle ne dépasse pas 3 %, c'est un véritable transfert de richesses de plusieurs centaines de milliards qui s'opère à l'échelle de la société.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'inflation de la valeur des titres sur le marché boursier implique le versement de dividendes élevés, et donc dese xigences de retour sur investissement qui peuvent atteindre aujourd'hui 10 %, voire 15 % par an.

M. Dominique Dord.

Quelle horreur !

M. Christian Cuvilliez.

On sait ce que cela peut concrètement signifier en termes de pression sur les salaires et sur l'emploi. A cet égard, l'exemple de Michelin - celui de Valeo, dont on a parlé tout à l'heure, est de même nature -...

M. Dominique Dord.

Nationalisez !

M. Christian Cuvilliez.

... est emblématique de l'évolution de la stratégie des grands groupes, directement à l'origine du développement de ces inégalités, dont semblent s'émouvoir - mais ils semblent seulement - nos collègues de l'UDF dans leur texte.

Le prétendu remède suggéré par la proposition de loi vise à diffuser plus largement la propriété du capital sans remettre en cause sa structure, ni la hiérarchisation des actionnaires, entre ceux qui possèdent « gros » et la multitude de ceux qui possèdent « petit ».

Par-delà la vocation idéologique, et politique clairement exprimée, la solution proposée risque d'avoir des effets pervers : par exemple, celui d'accentuer des logiques de gestion qui poussent à la déflation sociale et salariale.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Que pensez-vous du rapport Balligand ?

M. Christian Cuvilliez.

Comment ne pas y voir la source de l'approfondissement de la fracture sociale qui, en dépit de ce qui a pu être entrepris depuis juin 1997, demeure une réalité lancinante ?

M. Dominique Dord.

Alors, qu'est-ce qu'on fait ?

M. Christian Cuvilliez.

Il est exact que les fonds de pension à base anglo-saxonne détiennent aujourd'hui une part trop importante des grands groupes industriels 36 %, soit plus du tiers, dit-on - et financiers dans notre pays, et qu'ils sont peu sensibles, c'est un euphémisme, à l'intérêt général de notre économie. Mais nous nous interrogeons toujours...

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas grave : vous vous êtes toujours trompés !

M. Christian Cuvilliez.

... sur les vertus en la matière des fonds de pension à la française, guidés par le même souci du retour rapide maximal sur l'investissement consenti.

Nous sommes pour le moins perplexes...

M. Dominique Dord.

Voilà qui nous rassure !

M. Christian Cuvilliez.

... quant aux vertus prétendues stimulatrices de création, de production et, surtout, de partage des stock-options, des bons de croissance, des start-up et autres fusées de l'enrichissement sans peine, voire de l'enrichissement sans cause.

M. Renaud Dutreil.

Quittez la majorité !

M. Christian Cuvilliez.

En disant cela, nous ne fermons pas la porte à une réforme de l'épargne salariale (« Ah » ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ...

M. Dominique Dord.

Tout arrive !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Encore trois siècles et ils seront bons !

M. Christian Cuvilliez.

... qui soit conçue et mise en oeuvre aussi bien dans une perspective de justice sociale réelle que pour permettre le financement de l'investissement, notamment des PME-PMI.

M. Renaud Dutreil.

Il soutient tout et son contraire !

M. Christian Cuvilliez.

Nous aurons dans les prochaines semaines l'occasion de développer plus largement notre point de vue et nos propositions puisqu'un projet de loi, fondé sur le rapport auquel tout le monde fait allusion ce matin, celui de Jean-Pierre Balligand et de Jean-Baptiste de Foucauld, a été annoncé comme devant être adopté par le conseil des ministres au mois de mars.

Nous tenons dès aujourd'hui à affirmer que la démocratisation et la diffusion de l'épargne salariale, sous peine de désillusion, ne sauraient intervenir qu'à l'issue d'un débat associant, au-delà du Parlement, les partenaires sociaux et économiques, et sous réserve aussi de réaliser les objectifs que s'est fixés la majorité s'agissant de la lutte prioritaire contre le chômage et la création d'emplois.

Un tel projet, une telle réforme ne peuvent s'analyser hors du contexte général de la rémunération directe du travail, de la protection sociale, du mouvement de l'économie.

Une telle réforme doit, selon nous, s'inscrire dans la démarche cohérente de progrès, qui intègre tous les niveaux de l'action gouvernementale.

Elle devra, par exemple, se conjuguer avec le développement de droits et de pouvoirs nouveaux d'intervention des salariés, qu'ils soient actionnaires ou non, y compris sur la gestion des entreprises.

Elle ne pourra être déconnectée de la nécessité d'une mise en place rapide des dispositions que notre assemblée vient de prendre...

M. Dominique Dord.

Si l'on vous gêne, vous nous le dites !

M. Christian Cuvilliez.

... pour améliorer le contrôle et l'efficacité des aides aux entreprises, ou de l'urgence à légiférer rapidement pour améliorer le droit appliqué aux licenciements économiques. Elle ne pourra pas plus être déconnectée de notre devoir d'entreprendre une réforme fiscale globale et approfondie afin de rendre l'impôt, la contribution, plus incitatifs, en faveur des choix économiques facilitant effectivement le développement économique et l'emploi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

Nous partageons le point de vue des organisations syndicales lorsqu'elles estiment que le développement de l'épargne salariale dans notre pays ne saurait déstabiliser la relation salariale ni fragiliser le financement de la protection sociale ou de la retraite, lequel doit demeurer fondé sur la répartition.

M. Dominique Dord.

Nous ne disons pas le contraire !

M. Christian Cuvilliez.

Refuser le recul de civilisation dont ne manquerait pas d'être porteur l'avènement d'une société de marché, telle que nous la propose finalement le texte, suppose, nous le croyons très sincèrement, de contester la prétention des marchés financiers à régler toutes les activités humaines,...

M. Dominique Dord.

Alors, vous proposez quoi ? Le mobile...

? M. Christian Cuvilliez ... et donc d'inventer très concrètement,...

M. Dominique Dord.

On ferme les frontières et on nationalise tout !

M. Christian Cuvilliez.

... en associant toutes les forces vives de la nation, de vraies solutions alternatives.

M. Dominique Dord.

C'est du catéchisme ! Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Christian Cuvilliez.

La réforme de l'épargne salariale se doit de s'inscrire dans une perspective d'ensemble pour l'économie et la société, dépassant les discours idéologiques (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Dominique Dord.

Vous vous y connaissez en idéologie !

M. Christian Cuvilliez.

... et, surtout, les discours tournés vers le rétroviseur ! C'est pourquoi nous serons attentifs au choix du Gouvernement d'inscrire cette réforme dans un projet qui vise une nouvelle régulation économique et sociale.

Un dernier mot : nous sommes attachés à ce que tous les textes d'initiative parlementaire puissent venir effectivement en discussion...

M. Jean-Antoine Leonetti. C'est la moindre des choses ! M. Christian Cuvilliez. ... et à ce que l'Assemblée puisse se prononcer par un vote sur leur contenu. Ce vote, en ce qui concerne notre groupe, serait, et vous l'avez compris, sans aucune ambiguïté négatif dans la mesure où le texte soumis aujourd'hui à notre examen affirme très clairement un projet de société que nous combattons.

M. Dominique Dord. Quel est le vôtre ? Tous ceux que vous avez défendus se sont cassés la figure ! M. Christian Cuvilliez. Mais nous ne souscrivons pas plus à l'application de l'article 94 du règlement dans le présent débat que pour tout autre texte d'initiative parlementaire.

Cela dit, en réaffirmant notre opposition la plus totale à la proposition de loi d'aujourd'hui, nous nous réservons pour demain d'apporter au projet de loi gouvernemental une contribution aussi constructive que possible...

M. Michel Herbillon.

C'est bientôt la Saint-Valentin !

M. Dominique Dord.

C'est beau l'amour !

M. Christian Cuvilliez.

... pour une régulation et une maîtrise de l'épargne salariale qui soient compatibles avec l'intérêt général, l'intérêt des salariés eux-mêmes et, partant, avec le développement économique de notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce début de troisième millénaire de grandes mutations économiques, technologiques, sociologiques et financières, il est grand temps de retrouver et des règles et de nouvelles méthodes qui permettent aux salariés et aux entreprises de faire face à l'évolution des rapports de force entre les différents acteurs du marché mondial.

J'ai, pour ma part, acquis la conviction, notamment à l'occasion du débat sur l'innovation et la recherche qui s'est tenu dans ce même hémicycle au mois de juin dernier, que l'une des voies à emprunter pour assurer simultanément le développement économique et le progrès social était celle du développement de la participation salariale.

M. Henri Plagnol. Bravo ! M. Germain Gengenwin. Il est devenu indispensable, dans un contexte où tout évolue et où tout va très vite, de repenser les rôles des quatre acteurs qui permettent à une entreprise d'être performante et créatrice de richesses.

Il est ainsi indispensable de repenser le rôle des salariés, qui apportent leur force de travail, leurs compétences et leurs spécificités, celui des entrepreneurs, qui prennent les risques et établissent les stratégies de développement de l'entreprise, celui des actionnaires, qui apportent le capital et, enfin, celui de l'Etat car la compétitivité internationale des entreprises dépend de sa politique fiscale.

La loi sur l'innovation et la recherche votée l'année dernière, secteur où entreprises et salariés sont confrontés à des marchés à la fois plus fragmentés et plus dynamiques, a permis une formidable prise de conscience de la nécessité de faire évoluer le rôle de chacun de ces acteurs.

J'ai pu constater à cette occasion la frilosité du Gouvernement sur les propositions que le groupe de l'UDF avait formulées, pour soutenir les entreprises et leurs salariés.

De quoi s'agissait-il ? Il s'agissait d'améliorer l'environnement juridique et fiscal des jeunes PME-PMI, confrontées à une très grande concurrence internationale, par la mise en place d'une série de mesures ciblées et innovantes : premièrement, en encourageant les particuliers à investir une partie de leur épargne sous forme d'apport en capital dans ces entreprises, ce qui passe par l'augmentation de la déduction fiscale pour les ménages dans le cadre de la loi Madelin, par exemple ; deuxièmement, en permettant, par l'amélioration du dispositif des BSPCE - les fameux bons de souscription de parts de créateur d'entreprise -, d'attirer de jeunes talents souvent tentés par l'aventure.

Je vous citerai, monsieur le ministre, un exemple tiré d'une conversation entre jeunes issus d'une école supérieure de commerce : quelques années après leur sortie, ils ont constaté que plus de la moitié de leur promotion travaillait à l'étranger.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et voilà !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

M. Germain Gengenwin.

Offrir un dispositif pérenne me paraît indispensable pour assurer aux jeunes entreprises un environnement stable et une sécurité juridique.

Bien que cette proposition ait été écartée dans un premier temps par le Gouvernement, vous l'avez reprise à votre compte dans le projet de loi de finances, mais avec l'insuccès que l'on sait, votre majorité n'ayant à l'évidence pas perçu tout le bénéfice de cette mesure pour nos jeunes entreprises.

Si nul n'est prophète en son pays, un socialiste n'est pas prophète parmi les socialistes ! (Sourires.)

Neuf mois plus tard, et après les rendez-vous manqués de la loi de finances et du collectif budgétaire et les déclarations faites à l'époque par le ministre de l'économie, indiquant qu'il ne verrait « que des avantages à ce que l'économie soit possédée par des actionnaires proches des réalités », c'est toujours l'absence consternante de réforme de la fiscalité des valeurs mobilières et des mécanismes de l'épargne salariale que nous constatons.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

C'est vrai !

M. Germain Gengenwin.

Permettez-moi de dire ici que les mesures médiatiques que préconisent M. Balligand et M. de Foucauld dans leur rapport nous laisse peu d'espoir de changements structurels je pense notamment au financement des retraites, qui n'est même pas abordé.

C'est pourtant bien sur ce terrain que doit se placer aujourd'hui le débat : l'épargne salariée et l'épargne retraite, s'additionnant l'une à l'autre, préparent un avenir économiquement ambitieux et socialement acceptable.

La proposition de loi de l'UDF que nous examinons aujourd'hui est le fruit, ainsi que je l'ai souligné, d'une réflexion menée de longue date et du constat d'une volonté politique peu marquée du Gouvernement d'aboutir à une réforme globale de fond, tandis que la pression fiscale s'accroît et que les 35 heures s'appliquent autoritairement.

D'ailleurs, le cadeau que Martine Aubry lui a offert doit faire jubiler votre collègue M. Zuccarelli. Il doit en rêver toutes les nuits...

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oh, monsieur Gengenwin !

M. Germain Gengenwin.

Notre projet, au contraire, est volontairement ambitieux, parce que nous concevons la participation salariale comme un véritable enjeu de société, avec l'instauration d'une nouvelle règle de partage des richesses.

En faisant voter la loi sur les 35 heures, le Gouvernement a choisi autoritairement d'imposer la redistribution et l'augmentation de la productivité en réduisant le temps de travail. Comment ne pas y voir une manière de priver les Français des fruits de la croissance, croissance obtenue grâce au travail des salariés et aux bonnes performances des entreprises ? Le problème est que le choix politique qui a été fait a induit une forte modération salariale, qui n'est d'ailleurs pas étrangère aux grèves actuelles.

La participation salariale telle que nous la proposons se veut incitative, pour que les Français puissent devenir propriétaires de leur entreprise. Elle permet aux salariés de pénétrer dans les marchés financiers et aux PME de bénéficier d'une source de financement à laquelle elles n'ont pas accès aujourd'hui.

Si M. Cochet était encore présent, je lui dirais que nous proposons de donner plus de reconnaissance et plus de considération aux salariés. Car l'enquête qui a été effectuée le montre bien, monsieur le ministre : ce que les salariés attendent, c'est plus de reconnaissance et plus de considération.

L'épargne salariale, sous la forme de l'intéressement et de la participation, a connu une bonne progression alors qu'elle reste largement absente des PME, ce qui renforce les inégalités entre salariés. Et, à cette distorsion, il faut ajouter les écarts de salaires grandissants entre les PME et les autres entreprises, selon une étude récente du DARES.

Encourager les PME à développer l'intéressement des salariés grâce à des incitations fiscales et à l'épargne sal ariale dans les plus petites entreprises, au travers des plans d'épargne interentreprises, permettra de réduire doublement les inégalités, tant entre salariés qu'entre entreprises, qui accéderont ainsi enfin aux mêmes sources de financement.

N'oublions pas que les PME, de par leur extraordinaire dynamisme, possèdent le plus fort potentiel de création d'emplois. La proposition de loi constitue une réponse de fond aux problèmes de fiscalité et aux contraintes nouvelles qui pèsent sur elles.

Monsieur le ministre, nous sommes obligés de passer par l'actionnariat et la participation des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Claude Beauchaud.

Il a travaillé, lui.

M. Dominique Dord.

C'est l'heure de vérité.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, d'abord, je remercie M. Godfrain, expert en participation et en histoire de l'actionnariat salarial : Jean-Baptiste André Godin, élu de la gauche républicaine qui fut député de ma circonscription, est effectivement le père du phalanstère en France, puisqu'il a construit un véritable familistère, mais aussi l'inventeur de poêles géniaux et, par ailleurs, le rédacteur de ce qui deviendra le règlement de la SDN, la Société des Nations.

C'était pour l'anecdote. Plus sérieusement, je dirai que la phase d'expansion actuelle de l'économie française, particulièrement dynamique par rapport à d'autres pays de l'Union européenne, et qui est l'objet de nombreux débats, pose naturellement la question de la participation des salariés au supplément de croissance qu'elle génère.

Sur ce point, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui présentée apporte une réponse, mais qui n'est pas à la hauteur des enjeux actuels.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Lorsque vous aviez la parole, je ne vous ai pas interrompus.

M. Yves Nicolin.

Parce que vous n'aviez rien à dire !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je n'évoquerai pas les critiques venant de vos propres bancs, mesdames et messieurs les députés de l'oppostion, qui ont été formulées à l'encontre de cette proposition de loi et que j'ai vu fleurir dans la presse, émanant en particulier de Démocratie libérale.

M. Dominique Dord.

Ce n'est rien à côté de la position du PCF...

M. Jean-Pierre Balligand.

Je vais plutôt évoquer les divergences de fond entre votre texte et notre démarche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

Sur le fond, pour synthétiser, la proposition de loi Douste-Blazy juge nécessaire la mise en place d'une économie de partage qui aurait quatre moteurs principaux : la généralisation de la distribution d'options sur actions, ou stock-options prévue aux articles 6 à 9 ; une conception de la gouvernance d'entreprise inspirée de la référence à l'association capital-travail (« Oui ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ; une approche mécaniste de l'actionnariat salarié ; l'épargneretraite comme mode de développement de l'épargne longue. Voilà récapitulés ces quatre moteurs.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous avez bien lu, au moins.

M. Jean-Pierre Balligand.

Pour juger de la pertinence de vos propositions, je me suis posé la question suivante : votre conception de l'épargne salariale peut-elle contribuer à entretenir la croissance, à étendre les mécanismes de la participation à l'ensemble des salariés et à leur donner de nouveaux leviers pour intervenir dans la gestion des entreprises ?

M. Gilles Carrez.

Oui, assurément !

M. Jean-Pierre Balligand.

Après analyse, il ressort que votre texte apporte des réponses partielles et déséquilibrées, trop axées sur les stock-options et pas assez ambitieuses dans leur contenu concret.

M. Dominique Dord.

Oh !

M. Renaud Dutreil.

Il lui manque des pages...

M. Jean-Pierre Balligand.

La généralisation des stockoptions comme levier de la participation des salariés à la croissance constitue la principale ligne de fracture entre notre approche de l'épargne salariale et la vôtre. Car les stock-options ne constituent pas un outil de partage de la valeur ajoutée entre salaires et capital : lorsqu'elles sont généralisées à tous les salariés, elles sont souvent versé es en substitution au salaire.

(Exclamations sur les bancs du du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Godfrain.

Mais non ! Pas du tout !

M. Jean-Pierre Balligand.

Récemment, à la télévision, on a vu que chez Yahoo, par exemple...

M. Yves Nicolin.

Ne croyez pas ce qu'on dit à la télévision !

M. Jean-Pierre Balligand.

Il faut être concret ! Chez Yahoo, la standardiste, à l'accueil, a subi une baisse de son salaire nominal de 30 %, compensée par des stockoptions.

M. Dominique Dord.

Le patron doit être socialiste...

M. Yves Nicolin.

C'est une caricature ! La télé, ce n'est pas la réalité !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues, laissez parler l'orateur.

M. Jean-Pierre Balligand.

Je poursuis. Par conséquent, plutôt qu'un versement de stock-options à tous, nous préférons faire porter l'effort sur l'épargne salariale négociée pour tous les salariés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique Dord.

Mais nous aussi !

M. Jean-Pierre Balligand.

J'y reviendrai.

D euxième objection, lorsqu'elles sont accordées à l'ensemble des salariés - j'insiste sur ce point -, les stockoptions n'offrent aucun droit ni contrepartie pour l'accès des salariés à la gouvernance de l'entreprise : les salariés titulaires de stock-options n'ont aucun moyen de faire valoir leur droit en nom collectif dans l'entreprise, par la voie, par exemple, d'un fonds commun de placement.

Au total, faire des stock-options généralisées l'instrument du rééquilibrage des rémunérations du capital et du travail est un aveu implicite du modèle de société et de croissance que vous souhaitez : une société salariale sans contrepartie de gouvernance (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Yves Nicolin.

Irrecevable !

M. Pierre Albertini.

Contresens !

M. Jacques Godfrain.

Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

M. Alfred Recours.

Bien sûr que si !

M. Jean-Pierre Balligand.

... dans laquelle les salariés courraient le risque de voir les stock-options se substituer au salaire.

M. Yves Nicolin.

C'est une vision étriquée !

M. Jean-Pierre Balligand.

Cette conception est donc diamétralement opposée à la nôtre.

M. Henri Plagnol.

Vous aurez du mal à le démontrer !

M. Jean-Pierre Balligand.

Pour nous, les formes d'implication patrimoniale et de partage des risques n'ont de sens qu'à condition que les salariés puissent exercer en nom collectif leur droit de propriété dans les lieux du pouvoir de l'entreprise, ce qui n'est évidemment pas le cas avec les stock-options, car il s'agit d'instruments purement individuels.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous n'avez pas lu la fin de la proposition de loi !

M. Jean-Pierre Balligand.

Par conséquent, votre préférence pour les stock-options traduit bien vos options en termes de gouvernance de l'entreprise : les stock-options relèvent foncièrement, fondamentalement, d'un rapport strictement individuel du salarié au capital de son entreprise. Nous ne pouvons pas adhérer à cette conception.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe la Démocratie libérale et indépendants.)

M. François d'Aubert.

Arrêtez de diaboliser les stockoptions !

M. Jean-Pierre Balligand.

Les stock-options doivent donc rester, monsieur d'Aubert, un instrument de rémunération dans les start-up et un outil d'incitation pour les dirigeants des entreprises.

M. François d'Aubert.

Idéologue !

M. Yves Nicolin.

M. Balligand vit dans un monde irréel.

M. Jean-Pierre Balligand.

La moralisation des stockoptions ne passe pas par leur généralisation, mais par l'octroi de mesures compensatrices d'intéressement pour tous les salariés - comme nous l'avons proposé dans le rapport, Jean-Baptiste de Foucauld et moi-même - et de


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participation dérogatoire, couplées avec une complète transparence des attributions des stock-options aux dix plus gros bénéficiaires ainsi qu'aux membres des comités exécutifs.

M. Gérard Bapt.

Très bien !

M. Renaud Dutreil et M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est précisément ce que nous proposons !

M. Jean-Pierre Balligand.

S'agissant de la place des salariés actionnaires dans l'entreprise, on aurait pu s'attendre qu'en liaison avec votre proposition de généraliser les stock-options, vous accordiez plus de place aux actionnaires salariés dans la gouvernance de l'entreprise.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est prévu !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je dois constater que sur ce point, le texte n'est pas au rendez-vous des attentes légitimes des salariés, qui sont demandeurs d'une conception plus participative.

M. Yves Nicolin.

Qu'en savez-vous ?

M. Jean-Pierre Balligand.

Pour mener à bien notre travail, nous avons rencontré les salariés des entreprises !

M. Yves Nicolin.

Vous n'êtes pas les seuls !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je crains fort que le dispositif que vous proposez ne soit en deçà du besoin d'associer les salariés aux délibérations sur les choix stratégiques de l'entreprise.

M. François d'Aubert.

Et les négociations collectives ?

M. Jean-Pierre Balligand.

Pour illustrer ce point de divergence avec notre démarche, je me contenterai de citer une de vos propositions chiffrées : vous retenez comme seuil de représentation des salariés-actionnaires au conseil d'administration la détention de 7,5 % du capital.

Dans notre rapport, Jean-Baptiste de Foucauld et moi, nous avons proposé le taux de 3 %. Pourquoi ? Mes chers collègues, avec cette barrière de 7,5 %, savez-vous quelles sont les entreprises du CAC 40 qui pourraient être intéressées ? A l'exception de Bouygues et de la Société Générale, aucune entreprise, aucun groupe ne serait éligible au dispositif.

M. Gérard Bapt.

Absolument !

M. Jean-Pierre Balligand.

Cela montre bien que vous n'êtes pas intéressés par la représentation en nom collectif d'actionnaires salariés au sein des conseils d'administration, puisque vous vous arrangez - et ce n'est pas par méconnaissance du monde de l'entreprise - pour fixer une barrière presque infranchissable. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Il n'y a pas que le CAC 40 dans la vie !

M. Yves Nicolin.

Le CAC 40, ce sont quarante actions sur des milliers !

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie.

M. Jean-Pierre Balligand.

La fixation d'un pareil seuil ne paraît pas garantir aux salariés une juste contrepartie de gouvernance à l'effort d'épargne qui leur est demandé.

Troisièmement, après les stock-options et la place que vous refusez aux actionnaires salariés, j'en viens à la diffusion automatique de l'actionnariat salarié.

Si nous ne pouvons que partager le souci de reconquérir une partie du capital des entreprises cotées - dans l'intérêt des entreprises et même dans celui de la « maison France » -, les méthodes que vous retenez diffèrent de notre conception de l'implication patrimoniale du salarié.

M. Yves Nicolin.

Heureusement !

M. Jean-Pierre Balligand.

En effet, vous prônez qu'à chaque augmentation de capital, une entreprise cotée offre systématiquement 5 % des actions émises à ses salariés.

Cette démarche reste assez fidèle à une conception décrétée et non négociée de la participation.

(Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François d'Aubert.

C'est ainsi que vous privatisez France Télécom !

M. Jean-Pierre Balligand.

A ce propos, puisque je constate que vous avez fait l'effort de lire le rapport, je vous rappelle - et cela montre bien que la participation fut décrétée et qu'elle n'a pas pas été vécue par les sal ariés, mais subie - que nous avons découvert un fonds de déshérence de 354 millions. Nous proposons de le recycler, précisément pour ne faire payer ni aux chefs d'entreprise, ni aux salariés des PME, le soin de mettre en place le plan d'épargne interentreprises.

Votre démarche reste donc assez fidèle à cette conception décrétée et non négociée de la participation.

M. Yves Nicolin.

Les champions du décret nous donnent des leçons !

M. Jean-Pierre Balligand.

On ne peut dégager de l'épargne salariale sans les salariés. S'il faut faire de l'augm entation de capital un rendez-vous privilégié de l'actionnariat des salariés, en revanche, nous ne croyons pas en son automacité.

En effet, il n'est pas juste de demander aux salariés d'investir leur épargne dans leur entreprise avec un seuil de représentativité de 7,5 %, car nul ne peut promettre qu'il sera atteint à court terme.

Si la participation financière a échoué dans notre pays alors qu'elle était obligatoire, on ne fera pas réussir l'actionnariat salarié par l'obligation mais par l'adhésion des salariés et leur implication dans la gouvernance de l'entreprise. Il ne peut y avoir d'économie de partage sans implication des salariés dans la gestion de l'entreprise.

M. Yves Nicolin.

Pensez-y pour les 35 heures !

M. Jean-Pierre Balligand.

Quatrièmement, il est réducteur de lier l'épargne longue à un produit d'épargneretraite. Le besoin d'épargne longue s'exprime, du côté des salariés, sous de multiples formes. Il manque un produit de long terme, en entreprise, qui ne vienne pas en substitution à la retraite par répartition et des régimes complémentaires. Un produit d'épargne salariale de long terme - douze à quinze ans - avec sortie en capital, peut contribuer à fournir une réponse aux salariés désirant épargner à différents moments de leur vie professionnelle.

Pour conclure, j'évoquerai avec vous cinq objectifs qui me paraissent devoir être légitimement retenus pour les réflexions collectives de l'Assemblée sur l'épargne salariale.

Première réflexion, il faut favoriser l'auto-entretien de la croissance en améliorant la redistribution du revenu et de la valeur ajoutée sans fragiliser les entreprises.

M. Marc-Philippe Daubresse. D'accord ! M. Jean-Pierre Balligand. Une diffusion plus large et plus ample de l'épargne salariale peut exercer un effet accélérateur sur la croissance, sans effet négatif. En ce


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sens, l'épargne salariale est un bon mécanisme de perpétuation du cycle de croissance actuel et de son contenu en emplois.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n'est pas ce que dit M. Cochet ! M. Jean-Pierre Balligand. Deuxième réflexion, il faut chercher à améliorer la performance globale des entreprises. Les différents dispositifs d'épargne salariale que sont l'intéressement, la participation, l'actionnariat des salariés, sont reconnus comme de bons systèmes de motivation et donc de compétitivité.

M. Marc-Philippe Daubresse.

D'accord ! M. Jean-Pierre Balligand. Cela dit, au service de quelle performance l'épargne salariale doit-elle être employée ? Boursière, financière, salariale, relationnelle, participative ? Nous avons intérêt à développer une conception qualitative de l'épargne salariale, axée non sur la seule performance financière mais sur la performance globale, à la fois économique et sociale, à long terme, et sur l'emploi.

M. Henri Plagnol.

Jusque-là, c'est bien ! M. Jean-Pierre Balligand. Les accords de participation ou d'intéressement, la gestion des fonds communs de placement qui recueillent l'épargne salariale, devraient promouvoir de tels comportements.

Troisième réflexion, il faut oeuvrer pour faciliter une gestion souple et sécurisée du temps par les salariés. Face à des carrières plus heurtées et difficiles, une liaison simple et directe peut être établie entre épargne salariale et épargne-temps, par exemple par le versement de l'épargne salariale sur les comptes épargne-temps.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n'est pas avec les 35 heures que vous allez y arriver ! M. Jean-Pierre Balligand. L'épargne salariale peut être le produit financier qui vient en appui de la transformation de l'épargne en temps et du temps en argent.

Quatrième réflexion, pour avancer de façon équilibrée en matière d'implication patrimoniale des salariés, il faut lier le développement de l'actionnariat salarié à la recherche d'une nouvelle gouvernance de l'entreprise, lier la distribution de stock-options à des accords d'intéressement ou de participation dérogatoire, et enfin inciter à ce qu'une partie de l'épargne salariale participe à la création d'emplois dans les PME et à la lutte contre l'exclusion.

Cinquième et dernière réflexion, pour aller dans la bonne direction, il faut, et c'est fondamental, que les partenaires sociaux s'investissent dans ce nouveau terrain de dialogue social. Ils sont en train de le faire et je peux vous assurer que c'est important pour notre pays.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Mais ce n'est pas grâce à Martine Aubry !

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est un but en soi. C'est aussi le meilleur moyen de progresser dans l'aménagement des dispositifs à ouvrir.

Quel niveau d'obligations minimum fixe, en matière de participation ? Faut-il fusionner les dispositifs ? Vers quelle gouvernance d'entreprises à la française faut-ils'orienter ? Au-delà des PME, comment développer l'épargne salariale dans le monde associatif et dans la fonction publique ?

M. Henri Plagnol.

Très bonne question !

M. Jean-Pierre Balligand.

Sur ces différents sujets, des travaux, des réflexions et des expérimentations doivent être menés avec les organisations syndicales.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ce n'est pas prévu par le Gouvernement !

M. Jean-Pierre Balligand.

Au total, monsieur le ministre, la proposition de loi ne répond pas aux cinq priorités que j'ai évoquées. Comme l'a dit notre porteparole, M. Alfred Recours, elle ne pourra par conséquent recueillir notre adhésion, tant à cause de sa démarche que des propositions qu'elle contient. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'Assemblée n'aura pas, dans les mois qui viennent, à se prononcer sur l'épargne salariale - en tout cas, je l'espère. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Nous comprenons tout à fait le souci tactique qui pousse l'opposition à vouloir discuter aujourd'hui d'un texte sur la participation à la croissance (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), alors même que le Premier ministre a annoncé dès le 27 septembre dernier, à Strasbourg, plusieurs textes sur les nouvelles régulations économiques...

M. Dominique Dord.

Nous, cela fait vingt ans qu'on en parle !

Mme Nicole Bricq.

... et que notre ami et collègue Jean-Pierre Balligand a réalisé, avec Jean-Baptiste de Foucauld, un important travail de concertation avec les organisations syndicales et les chefs d'entreprise pour aboutir au rapport que vous connaissez.

Mais le souci tactique n'est pas la seule motivation de l'opposition. L'année dernière, le 20 mai 1999, Edouard Balladur et toute l'opposition ont présenté un texte sur l'actionnariat salarié à l'occasion duquel nous avons eu un débat sérieux, comme ce matin,...

M. Gilles Carrez.

Vous n'avez même pas examiné les articles !

Mme Nicole Bricq.

... et nous avons aussi eu une discussion très sérieuse, essentiellement animée par la gauche mais à laquelle la droite a participé activement, sur les stock-options lors du débat sur la loi de finances, le 20 ou le 22 octobre dernier. C'est dire que le sujet est sérieux. Mais je me suis interrogée sur votre démarche, messieurs de l'opposition, et je crois que ce qui vous chagrine, en fait, c'est que la gauche s'intéresse au capital, qui n'est pas vraiment un domaine où elle est d'habitude identifiée.

(« C'est sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Serge Poignant.

Quel aveu !

Mme Nicole Bricq.

Cela vous gêne profondément et vous lui contestez la légitimité à s'occuper d'un tel sujet.

Dans votre esprit, la gauche est là à la limite, et pas pour longtemps (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Dominique Dord.

Tant mieux !

M me Nicole Bricq.

... pour redistribuer et vous l'accusez même parfois de vider les caisses. Vous vous étonnez donc quand elle les remplit et je comprends


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votre perturbation ! Vous avez là un vrai problème.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il va pourtant falloir vous y habituer !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ce sont les Français qui remplissent les caisses ! Ce sont eux qui paient des impôts !

M. Gérard Bapt.

Nos collègues de l'opposition sont en plein désarroi !

Mme Yvette Roudy.

Ils ne savent plus où ils en sont !

Mme Nicole Bricq.

Il va falloir vous habituer à ce que la gauche s'occupe de la constitution du revenu primaire.

Si vous examinez attentivement les lois de finances successives, vous verrez...

M. Renaud Dutreil.

On a vu les impôts augmenter !

Mme Nicole Bricq.

... que, depuis 1997, nous n'avons cessé, par des mesures successives, de réorienter l'épargne et le capital vers le risque, vers les secteurs productifs plutôt que vers la rente. Le rapport Balligand contient des chiffres éclairants à cet égard : 4 000 milliards pour l'assurance-vie et 350 milliards pour l'épargne salariale.

M. Dominique Dord.

Eh oui ! Les années Mitterrand ont fait des dégâts !

Mme Nicole Bricq.

Nous investissons le terrain aujourd'hui, mais nous avons déjà quelques heures de vol en la matière.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous n'étiez pas sur ces bancs, messieurs, lorsque nous avons fait la loi sur l'innovation et la recherche, moi j'y étais ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie, mes chers collègues !

Mme Nicole Bricq.

Nous avons favorisé le développement des jeunes entreprises à forte croissance en étendant le champ des BSPCE. Vous parlez d'un sujet que vous ne connaissez pas ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, laissez Mme Bricq terminer son propos en l'écoutant ! Nous y gagnerons en clarté !

Mme Nicole Bricq.

Dans le DDOEF de 1998, mais vous n'étiez peut-être pas là, nous avons favorisé cette orientation vers le capital productif.

M. Dominique Dord.

Quelle horreur !

Mme Nicole Bricq.

Nous avons beaucoup fait dans ce sens depuis 1997 ! Et puis il faudra aussi que vous vous habituiez à ce que nous nous attachions à rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M me Nicole Bricq.

En effet, jusqu'à la fin des années 90, les entreprises ont rétabli leurs marges d'autofinancement et des profits importants ont été réalisés au détriment des salaires.

M. Dominique Dord.

Mitterrand !

Mme Nicole Bricq.

Il est donc temps aujourd'hui d'introduire une nouvelle régulation dans le partage de la valeur ajoutée.

M. Pierre Albertini.

C'est un aveu !

Mme Nicole Bricq.

Je ne sais pas si c'est un aveu, mais c'est la réalité ! J'ai lu attentivement le rapport de Jacques Barrot sur ce sujet sérieux, qui touche à la conception même que l'on a de la vie en société dans notre pays et j'ai constaté qu'il y était question d'une vision « harmonieuse » - je reprends votre terme, monsieur Barrot - des rapports entre le capital et le travail. Or, je suis désolée de devoir vous décevoir, mais cette vision est tout sauf harmonieuse ! Il y a sur ce point, entre vous et nous, une différence fondamentale qui explique notre refus d'examiner votre proposition. Ce n'est pas parce que le « nouveau capitalisme », comme on l'appelle, rend plus complexes les rapports travail-capital qu'il efface l'antagonisme de fond qui les caractérise. C'est la réalité qui conduit à faire ce constat. Et c'est justement parce que la croissance est devenue patrimoniale que les salariés doivent investir le terrain du patrimoine s'ils veulent conserver leur rôle dans la régulation.

M. Pierre Albertini.

C'est ce que nous proposons !

Mme Nicole Bricq.

M. Jean-Pierre Balligand a démontré que vos propositions ne correspondaient pas à cet objectif. Nous traiterons de cette question sérieusement, et globalement lorsque nous examinerons le texte sur la régulation économique que doit nous présenter le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Marc-Philippe Daubresse.

L'ancien ministre des nationalisations !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je peux vous en parler sans aucune gêne, si vous voulez !

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas la peine, les communistes ne sont pas là !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Des livres intéressants ont été écrits à ce sujet, mais si vous voulez organiser un colloque, je suis à votre disposition ! Par courtoisie envers M. Barrot et étant donné l'importance du sujet,...

M. Pierre Albertini.

Quand même !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... il me paraît normal de m'exprimer en qualité de président de la commission. Je trouve que l'initiative prise par l'opposition est habile et, après tout, une opposition habile, c'est beaucoup plus intéressant pour nous.

M. Alain Néri.

Mais c'est rare !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Sachant que le Gouvernement allait organiser un débat de fond sur ce sujet à l'occasion de l'examen d'un texte sur les nouvelles régulations économiques en s'appuyant sur l'excellent rapport de MM. Balligand et de Foucauld, elle a cherché à le devancer en présentant sa propre vision du problème et je salue cette habileté. Elle a utilisé son droit de tirage à cet effet. Cela dit, M. Barrot n'est pas dupe, la fenêtre parlementaire n'est pas le cadre adapté à un


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problème d'une telle complexité. L'intéressement, les textes de 1955 et 1959, la participation instaurée en 1967, le plan d'épargne d'entreprise, l'actionnariat salarié, les options de souscription ou d'achat d'actions, le problème, qui n'est pas mince, d'une épargne salariale longue de retraite qui n'empiète pas sur la retraite par répartition - c'est un vrai débat -, tout cela ne peut être réglé dans le cadre d'une fenêtre parlementaire de quelques heures par un texte de vingt-huit articles et M. Barrot le sait très bien ! C'était certes habile, mais l'habileté a ses limites !

M. Claude Gaillard.

Supprimez les fenêtres alors !

M. Jean Le Garrec, président de la commision.

Bien entendu, vous protesterez, quand ce texte sera repoussé, mais chacun joue son rôle, parfois avec talent, pas toujours !

M. Pierre Albertini.

Il n'y a qu'à « bunkeriser » le Parlement, comme ça il n'y aura plus de fenêtres !

M. Claude Gaillard.

C'est pervers comme démarche !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

A perversité, perversité égale ! Comme le montrent le rapport de Jean-Pierre Balligand et l'intervention d'Alfred Recours - M. le ministre le confirmera sans doute dans quelques instants -, nous avons des préoccupations communes - souci de simplifier les systèmes d'épargne-retraite, de les rendre moins inégalitaires qu'ils ne le sont -, même si notre divergence est grande s'agissant des stock-options. Cela dit, nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat qui a déjà été largement amorcé.

Je me contenterai d'évoquer un point qui a été au centre de plusieurs interventions, notamment de celles de M. Godfrain et de M. Forissier, à savoir le problème de l'association à la vie des entreprises et de ce que certains d'entre vous ont appelé les communautés d'intérêts. Ce n'est pas que le mot me choque, mais je voudrais en parler. Je connais bien le débat capital-travail et j'ai beaucoup de respect pour M. Vallon et M. Capitant, qui étaient des hommes de conviction.

M. Jacques Godfrain.

Vous avez voté contre !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Certes, ils se battaient pour des idées que je récuse, mais ils avaient au moins le mérite d'affirmer leurs convictions avec beaucoup de clarté. Je laisse de côté la référence aux utopistes, Godin ou Fourier, même si elle m'intéresse beaucoup, car ce n'est pas le lieu d'en débattre. Voyons comment les choses se passent ! Il y a des antagonismes et je considère comme très positif le fait qu'un mouvement fasse évoluer la situation, même si c'est un mouvement social. Je ne vois pas pourquoi on aurait peur d'affirmer la nécessité du mouvement et de la dynamique sociale !

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Les antagonismes et les conflits d'intérêts existent, il ne faut pas se voiler la face et se cacher derrière les mots.

S'agissant du partage de la valeur ajoutée, si, pendant un siècle, l'action sociale a été placée sous le signe du partage de la valeur ajoutée entre profits et salaires, il faut maintenant ajouter une troisième dimension au débat et prendre en compte le facteur « temps », non seulement en tant qu'élément de l'organisation du travail, mais aussi par rapport à l'emploi. C'est exactement ce qui est en train de se passer. Je souhaite donc que le débat qui s'engage soit marqué par une vision plus adaptée au nouveau système capitalistique.

J'ai par ailleurs parlé d'antagonisme car le conflit d'intérêts naît de l'externalisation des risques sur une autre partie des salariés. Quand une grande entreprise de sidérurgie, par exemple, recourt à la sous-traitance sur ses propres machines, ce qui élimine les risques tels que les accidents du travail, il y a bien conflit d'intérêts. La preuve en est qu'il est extrêmement difficile, en cas de conflits, de mobiliser les organisations syndicales sur des sujets à propos desquels tous les salariés n'ont pas le même point de vue. Ces problèmes ne sont pas nouveaux, mais ils s'accentuent. Le conflit d'intérêts est flagrant aussi quand on voit comment la sous-traitance est utilisée pour conforter la situation du donneur d'ordres.

Je n'en donnerai qu'un exemple frappant : le client doit payer comptant ou à trente jours alors que les fournisseurs sont réglés à cent vingt jours. Les quatre-vingtdix jours de différence servent à conforter le rôle du donneur d'ordres et parfois à mettre sous l'éteignoir le soustraitant...

M. Jean-Pierre Balligand.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... qui, comme par hasard, est le plus souvent une petite ou une moyenne entreprise. Il n'est donc pas sérieux d'ignorer ces problèmes, de nier l'existence d'un conflit d'intérêts, d'un antagonisme et la nécessité du mouvement social pour faire bouger les choses, en se cachant derrière une communauté d'intérêts qui n'existe pas.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Albertini.

Vous voulez retourner au

XIXe siècle !

M. Dominique Dord.

Comment allez-vous faire avec le rapport Balligand ? Expliquez-nous !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Le débat est très intéressant et c'est d'ailleurs pourquoi j'ai souhaité intervenir. J'ajoute que l'histoire nous a instruits.

Quand le comité d'entreprise a été créé, dans le droitfil du programme national de la Résistance, le 22 février 1945, son objectif était économique. Relisez le texte de l'ordonnance ! Il est parfait ! Tout y est : l'organisation de l'entreprise, le partage des bénéfices, le rôle des salariés, etc.

M. Pierre Albertini.

Merci de Gaulle !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais l'ordonnance n'a jamais été appliquée. Elle a progressivement et insidieusement été vidée de son contenu - de remarquables études ont été réalisées là-dessus - par un patronat qui n'en voulait pas, auquel elle avait été imposée dans des circonstances historiques, en raison de son rôle pendant la période 1940-1945. Osons dire les choses !

L'histoire est derrière nous.

M. Jacques Godfrain.

C'était du temps de la SFIO !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Le comité d'entreprise a été complètement détourné de son objectif initial ; il a perdu toute initiative.

M. Henri Plagnol.

C'est la gauche qui était au pouvoir à l'époque !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Certes, cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Cela a pris dix ou quinze ans, mais l'évolution a commencé à être vraiment nette à partir des années 60. Et le comité d'entreprise est devenu ce qu'il est, c'est-à-dire qu'il s'oc-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

cupe de l'organisation des arbres de Noël, des loisirs, etc., toutes choses non négligeables. Mais la partie économique novatrice relative au rôle des salariés est passée à la trappe.

Par ailleurs, je suis aussi prêt à débattre avec vous d'une grande novation à laquelle j'ai participé et à laquelle je croyais, à savoir l'élection par les salariés d'administrateurs dans les conseils d'administration des entreprises nationalisées.

M. Jean-Pierre Balligand.

Ces administrateurs ont été conservés après les privatisations !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En effet ! Je me souviens que lors de la première élection la participation des salariés était de l'ordre de 80 %. Mais que sont devenus ces représentants des salariés ? Quel est leur niveau d'information ? Quel rôle jouent-ils ? Je me suis efforcé de les rencontrer.

M. Jacques Godfrain.

Nous aussi !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je me pose des questions. Où est maintenant le lieu de pouvoir dans l'entreprise ? Quel est le rôle du conseil d'administration ? Les décisions, les informations sont-elles transparentes ? On ne peut plus raisonner, comme vous le faites, sur la base d'un système très simple inspiré du fordisme ou du taylorisme...

M. Henri Plagnol.

Au contraire, on sort du taylorisme !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... dans lequel le lieu de pouvoir se confondait avec le lieu de propriété. Ce n'est plus du tout cela. Le pouvoir est ailleurs !

M. François Loos.

Pour les 35 heures, vous n'avez pas dit cela ! M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Quel est le rôle du haut management ? Le rôle des actionnaires dans les conseils d'administration n'a pas du tout été celui que l'on attendait - j'admets m'être trompé - et je le regrette.

Enfin, on a beaucoup parlé des licenciements et c'est normal, car c'est toujours un moment difficile. Or, il existe un droit d'alerte, mais qui n'est que très rarement utilisé, voire jamais. Lorsque nous sommes confrontés à ce problème en tant qu'élu, en tant que maire, nos marges d'action sont quasiment inexistantes, car la maison brûle déjà. Souvent il est trop tard. Au mieux, nous réparons les dégâts.

M. Jacques Godfrain.

Voilà pourquoi il faut voter ce texte !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce qu'à aucun moment le salarié n'a été associé aux décisions. La situation était pourtant prévisible.

M. Marc-Philippe Daubresse La réponse est dans la loi !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non, la réponse n'est pas dans la loi, et vous le savez bien ! Je ne veux pas vous faire de faux procès, mais il m'arrive de penser que derrière cette idée de communauté d'intérêts se cache une grande méfiance par rapport aux organisations syndicales.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est Mme Aubry qui est méfiante !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

La démarche naturelle serait de renforcer le rôle des organisations syndicales, de leur faire jouer tout leur rôle dans la démocratie sociale et dans le paritarisme. Mais il est tellement plus facile de parler de quelque chose qui n'existe pas que de renforcer un mouvement social qui existe, mais qui est trop faible !

M. Alain Néri.

Ce n'est pas la peine, ils ne comprendront jamais !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà un vrai débat pour lequel je vous donne rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames, messieurs les députés...

M. Germain Gengenwin.

« Monsieur le rapporteur » ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

..., je remercie évidemment, tout d'abord, votre rapporteur M. Barrot, qui a ouvert ce débat dans un esprit constructif. Je suis heureux, quant à moi, d'aborder avec vous ce grand sujet de société qu'est la participation des salariés à la croissance. Je voudrais, au départ, résister à trois tentations.

M. Jacques Godfrain.

Résistez, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La première serait de regarder avec un air un peu moqueur la succession de textes que l'opposition a pu proposer sur ce sujet, à l'Assemblée nationale comme au Sénat : de la loi Thomas de mars 1997, revenue en force, aux propositions de loi de M. Douste-Blazy sur l'épargne retraite,...

M. Jacques Godfrain.

Excellente ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... d'Edouard Balladur sur l'actionnariat salarié, de Charles Descours ou de Jean Chérioux, toutes examinées au cours de l'année 1999. Mais, comme l'écrivait B oileau, vingt fois sur le métier l'opposition peut remettre son ouvrage. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Plagnol.

Evidemment, c'est vous qui avez le pouvoir ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La deuxième tentation à laquelle je résisterai, mesdames, messieurs de l'opposition, consisterait à relever les différences entre ces propositions. Cela montrerait sans doute que les textes antérieurs n'étaient pas aussi parfaits que vous le prétendiez à l'époque.

Enfin, la troisième tentation - et je vous promets de ne pas y céder - serait d'insister sur les divisions apparues au sein même de l'opposition, notamment au moment de l'examen en commission.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Et chez vous ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais j'écarterai ces trois tentations pour en venir au fond.

M. Jean-Louis Bernard.

Elevez donc le débat, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En fait, le Gouvernement est favorable à une réforme de l'épargne salariale mais il est défavorable à cette proposition de loi.

M. Renaud Dutreil.

Parce que c'est la nôtre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il considère en effet, comme M. Balligand, qu'elle ne constitue pas une réponse à la hauteur des enjeux actuels.

M. Renaud Dutreil.

C'est du sectarisme ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement est favorable à une réforme de l'épargne salariale car, pour reprendre la formule de Dominique Strauss-Kahn, il préfère le risque à la rente.

Nous pensons qu'il y a là un moyen pour les salariés d'acquérir une part accrue de la valeur qu'ils créent. A cet égard, M. Cuvilliez a souligné opportunément l'écart de croissance entre la bourse, d'un côté, et la masse salariale, de l'autre.

Nous estimons également qu'il y a là une possibilité d'ancrer en France les entreprises françaises. En effet, en favorisant l'actionnariat salarié, les entreprises peuvent constituer un pôle d'actionnaires stables et se préserver - au moins dans une certaine mesure - d'actions boursières hostiles.

Nous considérons enfin qu'il y a là un levier pour que les salariés soient mieux informés des décisions majeures les concernant et qu'ils puissent peser sur celles-ci.

Pour nous, la participation à la croissance, et je reprends des mots de M. Cuvilliez, ne doit pas se résumer à des considérations financières - c'est d'ailleurs peut-être la différence fondamentale entre nous. Elle doit permettre aux salariés de peser sur les choix de l'entreprise et de bénéficier de nouveaux droits et de nouveaux pouvoirs.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est prévu dans le texte ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'épargne salariale doit être au coeur de la nouvelle régulation économique et sociale que le Gouvernement et sa majorité veulent développer.

C'est dans cet esprit que le Premier ministre a confié une mission à MM. Balligand et de Foucauld. Leur rapport, auquel vous avez rendu hommage, a été rendu public le 28 janvier. Il a mis en lumière ce que, nous, nous attendons d'une réforme de l'épargne salariale.

A l'issue d'une très large concertation, le rapport a notamment montré que les salariés aspirent non seulement à la considération dont parlait M. Gengenwin, mais également à un partage différent des fruits de la croissance. Or, en la matière, des progrès restent à faire.

Nombre d'entre vous, en particulier M. Godfrain ont évoqué la participation, grande réforme du XXe siècle,s elon vous. Mais que représente la participation aujourd'hui ? A côté des 500 milliards de profits des entreprises, c'est, chaque année, 21 milliards de francs, soit même pas un milliard par année où vous étiez au pouvoir.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous, vous avez été au pouvoir pendant quatorze ans ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Du reste, vous évoquez beaucoup la participation, mais durant les vingt-trois années où vous avez été au pouvoir vous ne l'avez absolument pas développée.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et sous les quatorze ans de Mitterrand, qu'avez-vous fait ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est vous qui parlez de la participation ! C'est vous qui en faites une grande réforme ! Certes, il y a eu des hommes généreux : le général de Gaulle, René Capitant et Louis Vallon.

M. Jacques Godfrain.

Vous étiez contre eux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais j'ai l'impression qu'ils étaient relativement isolés, y compris dans votre camp.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Nicolas Forissier.

Monsieur le ministre, ce n'est pas de votre niveau ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'y insiste, alors que la mondialisation se développe et que des concentrations très fortes se produisent, les salariés cherchent à être mieux informés et à peser davantage sur les décisions. M. Balligand l'a fort bien démontré.

La réforme de l'épargne salariale que nous allons engager vise aussi à faire progresser le partage de la croissance économique et à favoriser l'emploi. Nous voulons une justice sociale réelle, nous voulons améliorer le financement des petites et moyennes entreprises. Or, même si vous y avez fait allusion, votre proposition ne répond pas à ce double objectif.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Mais si ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons, quant à nous, déjà commencé à agir en ce sens. En voici trois exemples.

S'agissant tout d'abord des jeunes entreprises et des jeunes talents auxquels M. Forissier et M. Gengenwin ont fait allusion, qui a créé les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, qui a accordé un statut fiscal favorable aux entreprises de moins de quinze ans ? Ce n'est pas vous, c'est le Gouvernement appuyé par sa majorité.

Mme Nicole Bricq.

Eh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà un exemple concret qui prouve que nous favorisons la croissance et la création d'entreprises et d'emplois.

Par ailleurs, chaque fois que le Gouvernement a ouvert le capital des entreprises publiques, il a tenu à y associer les salariés, ce qui a contribué au succès de ces opérations.

J'en donnerai deux illustrations : 75 % des salariés de France Télécom sont devenus actionnaires de leur entreprise et détiennent 3,5 % du capital ;...

M. Henri Plagnol.

Merci, monsieur Balladur ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... pour Air France, ces pourcentages sont respectivement de 72 % et 10 %. A terme, Air France sera l'entreprise française cotée dont l'actionnariat salarié sera le plus important. Enfin, je vous rappelle qu'un certain


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n ombre d'opérations bancaires qui avaient échoué avant 1997 - le CIC, le GAN - ont finalement réussi car nous les avons menées dans une optique industrielle et sociale, avec la participation des salariés.

Maintenant que j'ai exposé ce que nous voulions - et vous aurez la preuve concrète que le rapport Balligandde Foucauld a inspiré notre action -, je vais vous expliquer pourquoi le Gouvernement est défavorable à la présente proposition de loi.

Notre différence de conception porte en gros sur trois points.

Premièrement, votre projet est d'inspiration individuelle, alors que celui que nous voulons développer est d'inspiration collective. Vous vous bornez à proposer des mécanismes financiers de nature à permettre aux individus de participer davantage à la croissance de l'entreprise mais qui n'ont aucun rapport en termes de droits ou de pouvoirs des salariés dans l'entreprise.

M. Nicolas Forissier.

Pourquoi parler de pouvoir ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Reprenons l'exemple du « rendez-vous obligatoire », fort bien développé par M. Balligand. Lorsque l'actionnariat salarié excède les seuils de 7,5 %, 10 % et 12,5 % du capital des entreprises, vous proposez que soit convoquée une assemblée générale extraordinaire pour poser la question de la présence des salariés au conseil d'administration. Or le seuil est actuellement fixé à 5 %. Vous voulez donc le relever.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Non !

M. Nicolas Forissier.

Vous n'avez rien compris !

M. Yves Nicolin.

Il va falloir qu'on vous explique le texte, monsieur le ministre !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Balligand propose, quant à lui, de l'abaisser. Je rappelle que, pour les sociétés qui ouvrent le plus leur capital à leurs salariés, le seuil à partir duquel se pose la question de la représentation des salariés au conseil d'administration est de 2,5 %. Votre proposition est donc en recul par rapport à la pratique actuelle.

Deuxième différence, votre projet est octroyé, là où nous le souhaitons négocié.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est le cas tout d'abord des fonds de prévoyance retraite.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Ecoutez M. le ministre, mes chers collègues ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mes arguments sont sans doute trop convaincants ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Aux termes de votre proposition, les fonds de prévoyance retraite pourraient être mis en place de façon unilatérale par l'employeur à l'issue d'une concertation qui pourrait durer six mois et qui ne déboucherait pas sur un accord. En bref, vous voulez, après une concertation alibi, que le chef d'entreprise ait toute liberté en la matière alors que, nous, nous voulons des accords négociés. La même remarque s'applique au plan d'épargne interentreprises.

Projet individuel de votre côté ; projet collectif du nôtre. Projet octroyé de votre côté ; projet négocié du nôtre. Voilà pour les deux premières différences.

M. Nicolas Forissier.

Ce n'est pas vrai !

M. Yves Nicolin.

Vous caricaturez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Troisième différence, votre projet est inégalitaire alors que nous souhaitons que l'épargne salariale soit un projet juste et ouvert à tous. A cet égard, je prendrai l'exemple emblématique des stock-options. M. Plagnol, et c'est son droit, veut distribuer des stock-options à l'ensemble des salariés. Personnellement, je ne vois pas l'intérêt de donner quelques milliers d'options aux cadres supérieurs et une ou deux options à la caissière qui fait l'objet de votre attention.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Caricature !

M. Nicolas Forissier.

Quel mépris ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je crains qu'un tel système n'accroisse les inégalités.

En fait, monsieur Plagnol, les vrais problèmes sont ailleurs. Ils concernent la transparence, la fiscalité et la moralisation.

M. Yves Nicolin.

Parlez-nous de transparence !

M. le président.

Je demande à nos collègues, tant de la majorité que de l'opposition, d'être attentifs afin que

M. le ministre puisse terminer tranquillement.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur la transparence, vous avez évoqué, monsieur Forissier, les excès révélés à l'automne dernier et je rends hommage à votre honnêteté. Mais aucune réponse satisfaisante n'est apportée dans la présente proposition.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Nicolas Forissier.

Bien sûr que si !

M. Yves Nicolin.

Etes-vous sûr de l'avoir lue, monsieur le ministre ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En effet, seuls les dix plus gros bénéficiaires de stock-options dans l'entreprise seraient identifiés. C'est moins que ce que le MEDEF a proposé il y a une semaine ou deux.

M. Alain Néri.

Et le MEDEF, ce n'est pas une référence ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'agissant de transparence, nous irons plus loin, pour notre part. Vous en serez d'ailleurs peut-être choqués.


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M. Yves Nicolin.

Commencez aujourd'hui avec la cagnotte ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En matière de fiscalité, vous proposez que la plus-value d'acquisition, avec un rabais de 20 %, soit totalement exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Comme pour les PRÉFON ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous n'irons pas dans cette direction.

Quant à la moralisation, je constate que vous ne condamnez pas les pratiques qui consistent à accorder des stock-options juste avant que l'entreprise annonce de bons résultats.

Deux de vos dispositions appellent, par ailleurs, desr emarques plus spécifiques. La première concerne l'épargne-retraite, sur laquelle nous avons une divergence fondamentale. Avec les fonds de prévoyance retraite, c'est la loi Thomas qui revient par la fenêtre. Comme l'a fait observer un député de l'opposition, on se croirait un peu dans le scénario du film Un jour sans fin.

On pourrait aussi parler de L'Eternel Retour.

(Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

En fait, vous n'avez pas changé de conception : vous voulez toujours développer l'épargne de capitalisation au détriment des systèmes de retraite par répartition.

Or notre démarche est exactement inverse. Le Premier ministre annoncera prochainement les priorités et les actions du Gouvernement en matière de retraite. Ce n'est que lorsque nous aurons pérennisé le système de retraite par répartition ainsi que les systèmes complémentaires de retraite par répartition que nous nous poserons la question de l'épargne-retraite. Et comme l'a souligné M. Balligand, cette épargne longue pourrait ne pas être affectée seulement à la retraite. Elle pourrait ainsi permettre à des jeunes ménages d'accéder à la propriété. A cet égard, la confusion que vous faites entre l'épargne salariale et les fonds de retraite est dommageable.

La seconde remarque porte sur l'aspect financier. Le dispositif proposé sera en effet très coûteux pour les finances publiques.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Vous êtes expert en ce domaine ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Son impact en termes d'emploi est pour le moins problématique. M. Recours a longuement insisté sur le coût fiscal et social du système actuel. Mieux vaudrait d'abord l'évaluer avant de l'étendre considérablement.

Avant de conclure, je répondrai à quelques questions.

M. Barrot a fait allusion à la reprise des entreprises par les salariés. Si le Gouvernement ne reprendra pas cette disposition, c'est que cette procédure est tombée en désuétude.

A M. Cochet qui proposait que l'épargne salariale puisse financer des investissements éthiques et des projets solidaires, je préciserai que cette orientation figure dans le rapport de MM. Balligand et de Foucauld.

Enfin, je ferai observer à M. Forissier, qui a dit que la croissance mondiale avait entraîné la croissance française,...

M. Nicolas Forissier.

Bien sûr ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... que ce n'est pas le cas.

(Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La croissance française a repris au cours de l'été 1997 et elle a victorieusement passé la crise asiatique de 1998-1999...

M. Dominique Dord.

Grâce à vous peut-être ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... parce que nous l'avons ancrée dans la consommation, dans l'investissement des entreprises, dans le redémarrage du logement, c'est-à-dire dans la demande intérieure.

M. Nicolas Forissier.

Comment pouvez-vous dire cela, monsieur le ministre ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je conclurai en quelques mots. Oui, le Gouvernement entend rénover l'épargne salariale, pour la rendre plus démocratique et pour qu'elle favorise la croissance, la création d'emplois et la solidarité. A cet égard, le rapport de MM. Balligand et de Foucauld sera une source d'inspiration privilégiée car il s'est appuyé sur une véritable concertation et qu'il est porté par des valeurs défendues par la gauche de cet hémicycle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement vous appelle donc à rejeter la proposition de loi examinée ce matin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Le rôle du rapporteur risque d'être limité puisqu'il va sûrement être frustré de l a discussion des articles, aspect le plus intéressant de sa tâche.

Cela étant, monsieur le ministre, et avec tout le respect que je vous porte, pourquoi une telle discussion doit-elle nécessairement se dérouler dans un climat de crispation ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Parce qu'ils sont sectaires !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Pourquoi certains seraient-ils tout blancs tandis que d'autres seraient tout noirs ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Il faut le dire à vos amis !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Je n'ai pas le temps de reprendre tous les arguments qui ont été développés. Je répondrai donc plus particulièrement à M. Balligand et à

Mme Bricq.

Je reconnais, monsieur Balligand - car je ne veux pas tomber dans le travers que je viens de dénoncer -, la qualité du travail que vous avez fourni avec M. de Foucauld. Mais, je l'ai dit, vous n'avez pas le monopole de la réflexion sur un sujet aussi important, qui concerne à la fois les entreprises françaises dans leur ensemble et le progrès économique et social. Une bonne lecture de la proposition de loi doit nous conduire à reconnaître que le but poursuivi par les auteurs et les signataires de cette proposition est bien, comme vous l'avez souhaité, une


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diffusion plus large de l'actionnariat salarié - à cet égard, il n'y a pas d'équivoque - notamment en direction des PMI-PME et de tous les salariés qui n'en bénéficient pas aujourd'hui. Je n'y reviens pas.

Ce serait déformer la proposition de loi que d'en dégager comme disposition centrale celle concernant les options sur actions. Il est vrai, monsieur le ministre, et je fais droit à ce que vous avez dit, qu'il faut démocratiser ce système et y introduire de la transparence. Mais il ne faut pas pour autant aller vers une généralisation qui ne serait pas exempte d'inconvénients. Il faut, au contraire, laisser la liberté.

Mais, et je veux le dire à M. Balligand, ce n'est pas là le levier central de la proposition de loi. L'important, c'est que le texte de M. Douste-Blazy offre aux actionnaires salariés la possibilité de se constituer, non seulement en association, mais en société pour pouvoir exprimer une volonté collective. Cela constitue bien un accès à la gouvernance d'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et pour ce qui est des seuils, monsieur le ministre, il faut être très clair : il ne s'agit pas simplement d'atteindre 7,5 % mais d'admettre que, au-delà de 5 %, l'assemblée générale doit se réunir automatiquement pour examiner la question de l'accès à la gouvernance. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Nicolas Forissier. Bien sûr !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

Je reconnais, monsieur le ministre, qu'un problème nous sépare. Mais, personnellement, je suis trop convaincu pour ne pas rappeler ici que, même au sein du groupe socialiste, des voix se sont élevées, notamment celle de M. Boulard, pour dire que si nous voulons, dans notre pays, dans notre Europe vieillissante, éviter que des actionnaires d'autres continents ne viennent « émarger » aux bénéfices du travail des salariés français ou européens,...

M. Philippe Douste-Blazy. Eh oui !

M. Jacques Barrot, rapporteur.

... il faut, en guise de contrepartie, leur permettre d'investir dans les pays en développement afin d'en tirer, en juste retour, bénéfice pour leurs retraites. Cela me paraît un argument très fort.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Monsieur le ministre, je ne nie pas - et nous aurons l'occasion d'en reparler avec M. Balligand - la nécessité d'avoir un produit d'épargne à long terme, mais je reste convaincu qu'un système de prévoyance retraite, avec sortie en rente, qui soit vraiment le fruit d'une négociation d'entreprise, est un rendez-vous inéluctable. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Enfin, et ce sera ma conclusion, Mme Bricq m'a mis en garde avec raison contre une vision idyllique de l'entreprise qui n'aurait plus à connaître les conflits d'hier ou d'avant-hier. Mais je tiens aussi à lui faire observer que, dans le contexte de la mondialisation actuelle, ce qui fera la force de l'entreprise, c'est sa cohésion profonde. Et cette cohésion exige que l'accès des salariés au patrimoine se fasse par la négociation, pas nécessairement par l'affrontement. C'est pourquoi nous avons une vision très positive du devenir de l'entreprise. Je demeure convaincu que les propositions du rapport Balligand, que nous examinerons prochainement, ne seront valables et applicables que dès lors que s'instaurera au sein de l'entreprise un climat de confiance.

Telles sont les raisons pour lesquelles je pense que la proposition de loi Douste-Blazy ouvre des perspectives qui auraient pu donner lieu à une excellente discussion.

Le vote va en décider autrement. Je me tais après ces quelques rectifications que je tenais à apporter en tant que rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas fini. Nous y reviendrons ! Vote sur le passage à la discussion des articles

M. le président.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Je vous précise que, conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

M. Claude Gaillard.

Ce serait dommage !

M. le président.

Dans les explications de vote sur le passage à la discussion des articles, la parole est à

M. Gilles Carrez, pour le groupe RPR.

M. Gilles Carrez.

Mes chers collègues de la majorité, une fois de plus, vous venez de faire étalage de votre esprit de système. Rien de ce qui vient de l'opposition ne trouve grâce à vos yeux !

M. André Santini.

Et toc !

M. Jean-Paul Bret.

L'inverse est vrai aussi !

M. Gilles Carrez.

Et pourtant, sur cette proposition de loi du groupe UDF et de l'opposition, sur la proposition de loi d'Edouard Balladur, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, oui, l'opposition est unie ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec ces propositions nous vous offrons une magnifique idée, une idée ancienne et pourtant moderne, celle de la participation, la participation du général de Gaulle, la participation aux fruits de l'entreprise, qu'il s'agisse de ses revenus, de sa création de valeurs, mais qu'il s'agisse aussi, madame Bricq, de sa gestion. Et vous refusez tout en bloc !

M. Dominique Dord.

C'est un réflexe !

M. Gilles Carrez.

Vous refusez la diffusion de l'actionnariat salarié après avoir déjà, l'an dernier, rejeté avec mépris, sans même procéder à la discussion, la remarquable proposition de loi d'Edouard Balladur.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous privez les salariés français des fruits de la croissance. Vous préférez détourner leur travail, leurs efforts, leurs performances, au bénéfice de la veuve écossaise ou du retraité californien ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe


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du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours.

Raciste !

M. Gilles Carrez.

Vous campez sur des positions archaïques, passéistes que vient de reprendre le rapport Sapin pour qui l'actionnariat salarié ne doit être qu'un instrument de lutte des classes au sein de l'entreprise.

M. Henri Plagnol.

C'est vrai !

M. Gilles Carrez.

Pourquoi alors, monsieur le ministre, avoir commandé le rapport Balligand, qui puise autant d'idées à la source de notre proposition de loi ? Tout simplement pour dissimuler votre conservatisme, votre peur de voir évoluer les rapports sociaux au moment où, à coups de lois contraignantes successives, vous videz le dialogue social et le paritarisme de leur substance.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Merci, Martine Aubry !

M. Gilles Carrez.

Oui, monsieur Le Garrec, telle est la réalité et non pas celle de vos aimables propos.

Monsieur Balligand, je suis étonné qu'un homme de votre qualité travestisse à ce point notre proposition de loi. Elle ne se limite pas à la recherche d'une plus grande transparence ou d'une plus grande justice sur les stockoptions. Elle concerne aussi l'intéressement, les plans d'épargne interentreprises, notamment pour les petites et moyennes entreprises, et l'actionnariat salarié. Et pour répondre à vos interrogations sur de nombreuses dispositions, nous sommes prêts à en discuter. Nous sommes prêts à discuter des seuils de 5 %, 4 % ou 3 %. Encore faut-il que vous acceptiez le débat démocratique !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Encore faut-il que vous traitiez l'opposition autrement que par le mépris.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Vous êtes insensibles - et cela est grave, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité - aux mutations de la société moderne, aux dangers des fossés qui se creusent actuellement entre nos concitoyens à la faveur d'injustices.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui, c'est cela l'égalité !

M. Gilles Carrez.

Injustice, par exemple, sur l'épargneretraite défiscalisée, réservée au seul bénéfice des fonc tionnaires avec le système PRÉFON. Monsieur le ministre, ne nous parlez pas des dangers de l'épargne-retraite alors qu'elle est ouverte depuis des décennies, mais aux seuls fonctionnaires ! Voilà une injustice que nous dénonçons et qui est aujourd'hui insupportable ! (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Injustice entre les salariés des grandes entreprises et ceux des petites et moyennes pour lesquels doivent être encouragés l'intéressement et les plans d'épargne entreprise. C'est ce que nous proposons dans notre texte.

Injustice, enfin, d'un système de stock-options qui manque de transparence et qui se limite à une élite.

Notre proposition de loi s'inscrit dans un double souci de modernité et de justice économique et sociale. Elle puise son inspiration dans la participation au sens gaullien. Elle se fonde sur l'incitation. Elle considère l'entreprise comme une aventure collective où chacun doit être reconnu et bénéficier, selon ses mérites, de la réussite commune.

Le groupe RPR votera donc la poursuite de la discussion de ce texte relatif à la participation et à la croissance pour tous, car il est au coeur de l'évolution de la société française vers plus de croissance et vers plus de justice.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Dutreil, pour le groupe UDF.

M. Renaud Dutreil.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est dommage que le travail et la réflexion menée, tant par les auteurs de la proposition de loi qui réunissait les trois groupes de l'opposition, que par Jean-Pierre Balligand dont je connais la finesse et l'esprit de mesure pour les pratiquer dans mon département, n'aient pas débouché sur une véritable et sérieuse discussion sur un sujet qui méritait peut-être un accord.

Pourquoi adopter une telle attitude sachant que vous nous demanderez, au moment où votre propre texte arrivera en débat ici, de faire ce que vous refusez ce matin ?

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Renaud Dutreil.

Parce que, au fond, vous êtes confrontés à une profonde division au sein de vos rangs.

Nous avons bien entendu, au gré des différentes interventions, d'un côté, les tenants d'une lutte des classes réformée, les nostalgiques de l'antagonisme au sein de l'entreprise, qui considèrent le chef d'entreprise comme l'adversaire auquel le salarié doit constamment s'opposer et, de l'autre côté, les pragmatiques qui, sentant la proximité des élections et désirant s'attirer les faveurs de tous les groupes possibles de la société française, souhaitent simplement suivre la mode. Les entreprises et l'opposition n'ont pas à faire les frais de ce malaise qui vous traverse.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Renaud Dutreil.

Vous savez combien le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui est susceptible de rassembler, au sein de l'entreprise, les salariés et ceux qui détiennent le capital. Il est donc dommage que vous ne franchissiez pas aujourd'hui ce pas intelligent et modéré qui consiste à passer à la discussion sur les articles. Car les arguments qui ont été avancés ici ou là ne me paraissent pas de nature à mettre un terme à la discussion.

Cette proposition, c'est d'abord une offre de croissance partagée. La plupart des outils intellectuels et politiques que vous nous présentez depuis deux ans, mesdames, messieurs de la majorité plurielle, ont été conçus dans une période de crise et de pénurie.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Renaud Dutreil.

Les 35 heures, c'est une invention de la période de pénurie. C'est le partage du travail parce qu'il y avait peu de travail. La façon dont vous gérez les impôts aujourd'hui est aussi un réflexe de pénurie. Bref, vous êtes incapables de formuler et de concevoir les outils d'une période nouvelle qui s'ouvre à nous aujourd'hui et qui est, Dieu merci, une période de croissance.

Pour la première fois dans cet hémicycle, l'opposition ouvre un débat sur ce que doivent être les outils modernes de partage de la croissance. (Applaudissements


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sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est cette occasion que les Français vous reproc heront peut-être d'avoir manquée, même si vous comptez vous rattraper dans quelque temps en nous soumettant des propositions assez similaires.

M. Nicolas Forissier.

Très bien !

M. Renaud Dutreil.

Cette proposition est également une invitation à plus de justice. Nous voyons bien que notre société, comme dans d'autres pays, produit deux sortes d'injustice : l'excès d'interventionnisme de l'Etat et les excès du marché. Nous avons, au sein du groupe U DF, la volonté persistante de trouver une voie moyenne, une voie juste entre ces deux excès et ce texte en est une illustration.

Quelles injustices souhaitons-nous corriger ? Je prends l'exemple, qui a déjà été évoqué à plusieurs reprises, du système PRÉFON, réservé aux fonctionnaires et interdit aux salariés du secteur privé. Il constitue une injustice entre deux secteurs que rien ne justifie. Ce texte tend à la corriger grâce à un système de plan de prévoyance retraite qui permet de rétablir l'équité en matière de retraite.

Une autre injustice existe entre les grandes entreprises, qui sont toujours choyées dans nos débats à l'Assemblée nationale, et les PME-PMI, trop souvent laissées pour compte, oubliées. Il était important de pouvoir offrir aux salariés des PME-PMI de moins de cinquante employés un outil qui soit à leur portée. C'est le cas du plan d'épargne interentreprises, qui, pour la première fois, permet à de petites entreprises de se fédérer pour mettre en place un plan d'épargne-retraite.

Même chose à propos des stock-options. Nous allons, les uns et les autres, dans une direction qui n'est pas très différente. Nous proposons la transparence, dont nous sentons bien autour de nous qu'elle est nécessaire. Les organisations patronales, le MEDEF lui-même, est un pionnier dans ce domaine...

M. Alain Néri.

C'est le pionnier de la régression sociale !

M. Renaud Dutreil.

... y compris sur la transparence des salaires. C'est une avancée qu'il faut saluer, comme

M. Balligand l'a fait tout à l'heure.

Enfin, ce qui nous distingue peut-être de vous, c'est que notre proposition est porteuse d'incitation et de liberté. Elle n'est pas contraignante et, en ce sens, elle est bien éloignée de la méthode des 35 heures. Nous sommes persuadés que le monde de l'entreprise ne se gère pas à la baguette mais qu'il nécessite davantage de liberté et d'incitation.

Cette proposition, qui n'était pas marquée du sceau de l'idéologie, méritait d'être débattue plus longuement. Je regrette qu'il n'en soit pas ainsi, nous le regrettons tous et vous en porterez la responsabilité. Votez pour le passage à la discussion des articles de cette proposition, c'est le dernier appel que je formule ici.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux, pour ma part, d'avoir été l'un des coauteurs de cette proposition de loi. Je ne suis pas moins heureux d'avoir participé ce matin à ce débat malheureusement un peu tronqué, comme cela sera probablement le cas. Ce texte sur la participation et la croissance pour tous a, en effet, donné lieu à un florilège de déclarations, mes chers collègues de la majorité, et à des prises de position hautes en couleurs sur lesquelles je voudrais m'attarder quelques instants.

Nous avons d'abord entendu une intervention quelque peu outrancière de M. Cochet. Nous ne lui en voulons pas, le monde vert est un peu irréel. Il pourrait même être sympathique s'il n'était le refuge, notamment en matière économique, de tant d'égarements et de vacuité.

Ensuite, nous avons eu une intervention de type paléontologique de M. Cuvilliez qui, fustigeant l'économie de marché, n'a proposé comme alternative que le vide béant laissé par l'idéologie communiste, qui a provoqué la faillite économique de tant de pays et la misère de tant de millions d'individus. Le vide sidéral !

M. Michel Françaix.

Vous savez de quoi vous parlez !

M. Dominique Dord.

Enfin, il y a eu plusieurs interventions du groupe socialiste. Là, comme toujours avec vous, mes chers collègues, c'est beaucoup plus compliqué.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous êtes un peu crispés car vous avez, sur ce sujet, la foi un peu hésitante des pèlerins fraîchement et encore imparfaitement convertis.

Mme Nicole Bricq.

Vous n'êtes pas là pour distribuer des bons points !

M. Dominique Dord.

Alors, vous tentez d'opérer un virage sur l'aile, M. Sautter nous expliquant, en réalité et en synthèse, que vous êtes opposés parce que ce projet vient de l'opposition.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il n'a rien écouté !

M. Dominique Dord.

Devant l'autel de la participation, M. ministre a esquissé une génuflexion un peu oblique, le genou pas tout à fait par terre, le regard en biais, le visage caché sous la pèlerine (Protestations sur les mêmes bancs), en espérant que la foule de ceux qui furent incroyants et qui restent encore incrédules ne le voient surtout pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le président Le Garrec, fidèle à son habitude, s'est livré à quelques contorsions habiles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est déjà ça !

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, vous faisiez déjà les mêmes pour vendre, en leur temps, les nationalisations !

Mme Yvette Roudy.

En quoi est-une explication de vote ?

M. Dominique Dord.

M. Recours nous a livré des propos peu convaincus - je dois le dire - sur le tout-actions.

J'y reviendrai plus tard...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Dominique Dord.

... parce qu'il est en complète contradiction avec le discours de M. Balligand.

Puis, nous avons entendu le couplet tactique de Mme Bricq...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

Mme Raymonde Le Texier.

Elle a été excellente !

M. Dominique Dord.

... tentant de nous faire croire que la participation est, en réalité, une idée socialiste, et que nous serions à la remorque de cette idée-là ! Madame Bricq, cette déclaration était, elle aussi, très sympathique ! Le clou de la discussion fut l'intervention de M. Balligand, encensé ici et là. Quel prodige ! Monsieur Balligand, il semblerait que vous ayez la foi.

Vous avez la foi mais, hélas ! vous n'avez pas la pratique...

Mme Yvette Roudy.

C'est lamentable !

M. Dominique Dord.

Or la foi sans la pratique, vous le savez, manque un peu de carburant... Vous reprochez à notre texte de ne pas être à la hauteur, là justement où M. Recours trouve que nous en faisons trop... Tout cela ne dénote-t-il pas une certaine contradiction ? Et de vous draper dans l'étandard le plus politique, montrant d'un côté l'enfer, les stock-options, et de l'autre le paradis que vous avez appelé la « gouvernance d'entreprise » ...

M. Alain Calmat.

C'est un sermon !

M. Gérard Bapt.

Amen !

Mme Yvette Roudy.

Hors sujet !

M. Dominique Dord.

C'est facile, et cela peut probablement rapporter gros ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il est l'heure !

M. Dominique Dord.

Et tandis que nous nous sentons parfaitement à l'aise, mes chers collègues, je vous sens un peu crispés, car vous êtes bel et bien en porte-à-faux ! Votre expérience d'élus de bon sens, d'élus de terrain vous sussure que, probablement, il faudrait dire oui. Mais il vous reste quelque part ce fond d'idéologie et de mémoire qui vous pousse à dire finalement non, tout simplement parce que ce texte heurte une de vos vieilles convictions : la lutte des classes.

Là où vous voulez le conflit dans l'entreprise, nous cherchons plutôt l'harmonie. Là où vous cherchez à opposer les uns et les autres, nous essayons de les associer. Là où vous voulez les diviser, nous essayons de les rassembler. Car pour nous, chers collègues, l'entreprise n'est pas un champ d'antagonismes, c'est une oeuvre collective, rendue d'autant plus nécessaire que nous vivons des temps de compétition acharnée.

M. le président.

Il va vous falloir conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Dord.

Je conclus, monsieur le président.

Sans doute sommes-nous un peu prisonniers, nous aussi, de nos vieux dogmes et de notre idéologie.

M. Alain Néri.

Ite, missa est !

M. Dominique Dord.

Mais force est d'admettre que l'idéologie ou en tout cas les valeurs économiques qui sont les nôtres triomphent dans tous les pays du monde, alors que les vôtres s'effondrent de partout. Ce qui peut justifier une certaine euphorie de notre part ou tout au moins une très grande décontraction !

M. Jean-Claude Beauchaud.

Passionnant !

M. Dominique Dord.

La lutte ne se situe pas seulement entre les salariés et les employeurs, mais également et surtout entre les entreprises elles-mêmes, entre les pays, pour conquérir les marchés et attirer les capitaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est la raison pour laquelle le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera pour la poursuite du débat sur cette proposition, qui n'est d'ailleurs qu'une base de discussion encore perfectible. Sans doute y reviendronsnous. Mais que de temps aurons-nous perdu dans l'intervalle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours, pour le groupe socialiste.

M. Alfred Recours.

Epargne salariale, stock-options, fonds de retraite par capitalisation : autant de sujets abordés dans ce texte, dont chacun mériterait une proposition de loi à lui seul - et l'ensemble plusieurs lois.

M. Dominique Dord.

Et c'est pour cela que vous le refusez en bloc !

M. Alfred Recours.

En voulant tout étreindre, l'opposition mal étreint. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Vous voulez dire : qui trop embrasse mal étreint !

M. Alfred Recours.

Justement non, mon cher collègue.

Je n'ai pas cité la locution à laquelle vous faites allusion.

J'en ai fait une autre ! (« Ah ! » sur les mêmes bancs.)

L'opposition mal étreint, disais-je,...

M. Jean-Pierre Foucher.

Elle étreint surtout Balligand !

M. Alfred Recours.

... laissant de côté des sujets qui pourtant recoupent les propositions que l'on nous présente. Ainsi en est-il, pour ne prendre que deux exemples, des retraites par capitalisation que vous tenez à toute force à mettre en avant sans poser le problème de la pérennisation des retraites par répartition,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Alfred Recours.

... ou encore du débat sur la répartition des fruits de la croissance, que vous laissez de côté en ne privilégiant qu'un fil conducteur, celui-là même que je résumais tout à l'heure par la formule : « tout pour les actions ».

M. Nicolas Forissier.

Mais non !

M. Dominique Dord.

Balligand dit le contraire !

M. Alfred Recours.

Nous avons maintenant à nous déterminer entre des logiques fondamentalement différentes, voire opposées, sachant que nous aurons l'occasion, dans les semaines et les mois qui viennent, de traiter sérieusement, au fond, sujet par sujet, de toutes ces questions, qu'il s'agisse des retraites ou de l'épargne salariale.

Aussi, après l'intervention de M. Dord, je souhaiterais que la messe pour aujourd'hui fût dite...

M. Nicolas Forissier.

Mais que proposez-vous ?

M. Alfred Recours.

... et que nous rejetions le passage à la discussion des articles, en application de l'article 94 de notre règlement...

M. André Santini.

Amen !

M. Alfred Recours.

... et ce dans l'intérêt même, monsieur Barrot, du travail très consciencieux et intéressant que vous avez réalisé et dont nous avons eu l'occasion de discuter. Ce serait finalement la meilleure façon de vous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

aider à traiter tous les sujets que vous n'aviez pas abordés, parce qu'ils ne suivaient pas ce fameux fil conducteur, au cours des quelques semaines ou mois qui viennent. Dès lors, on ne pourra plus vous reprocher d'avoir succombé au « qui trop embrasse mal étreint », et cette formule ne pourra plus vous être appliquée.

En attendant, mes chers collègues, et pour que M. Barrot puisse mieux étreindre, je vous propose de rejeter le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

(L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)

M. le président.

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

4

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 2 mars 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée : pour la discussion de quatre projets, adoptés par le Sénat, portant ratification de conventions, inscrits à l'ordre du jour du mardi 29 février ; ainsi que pour la discussion du projet sur la lutte contre la corruption, en deuxième lecture, et de la proposition tendant à la validation d'un examen professionnel dans l'administration pénitentiaire, inscrits à l'ordre du jour du mercredi 1er mars.

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion : en troisième lecture, du projet de loi organique, no 1877, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux ; en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1878, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives.

M. Bernard Roman, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2134).

(Discussion générale commune.)

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 8 février 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 8 février au jeudi 10 février 2000 puis, après la semaine de suspension des travaux, du 22 février au 2 mars inclus, a été ainsi fixé : Mardi 8 février 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Philippe DousteBlazy relative à la participation et à la croissance pour tous (nos 2105-2126).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en troisième lecture, du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux (nos 18772134).

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives (nos 1878-2134).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Mercredi 9 février 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures.

Jeudi 10 février 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1743-2136).

Mardi 22 février 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (no 1734).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale (no 2065).

Discussion des projets de loi, adoptés par le Sénat : autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise (nos 1306-1956) ; autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (nos 1307-1954) ; autorisant l'approbation de la convention d'entraide et d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (nos 1308-1955) ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 FÉVRIER 2000

autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (nos 1425-2024) ; autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé (nos 1659-2081) ; autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières (nos 1424-2080) ; autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (nos 1432-2111) ; autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande (nos 1658-2112).

(Ces huit derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)

Le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (no 1575).

Mercredi 23 février 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant abrogation de l'article 78 de la loi no 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle (no 2117).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Eventuellement, suite de la discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (no 1575).

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (no 2116).

Le soir, à vingt et une heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (nos 7352114-2109).

Jeudi 24 février 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et éventuellement le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité (no 2139).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (no 2140).

Mardi 29 février 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Jean Le Garrec instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France (no 1727).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.

Discussion des projets de loi, adoptés par le Sénat : autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (no 1924) ; autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des

Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (no 1931) ; autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (no 1932) ; autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (no 1933).

(Ces quatre derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.) Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (no 2121).

Mercredi 1er mars 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des d élits non intentionnels (no 2121).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

Discussion de la proposition de loi de M. André Gerin relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (no 2046).

(Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Discussion du projet de loi, déposé au Sénat, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique.

Jeudi 2 mars 2000 : L'après-midi, à quinze heures, et éventuellement le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (nos 2123-2130).

Discussion du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (no 2067).