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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 861).

RECETTES FISCALES (p. 861)

MM. Philippe Auberger, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CORSE (p. 862)

MM. Roland Francisci, Lionel Jospin, Premier ministre.

SÉCURITÉ SANITAIRE (p. 863)

M. Jean-François Mattei, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

AVENIR D'ABB-ALSTOM (p. 863)

MM. Guy Hascoët, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

AGENCE DE PRÉVENTION

DES RISQUES MINIERS (p. 864)

MM. Jean-Pierre Kucheida, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

RÉORGANISATION DES NMPP (p. 865)

M. Michel Françaix, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

DISCRIMINATIONS RACIALES DANS LE MONDE DU TRAVAIL (p. 866)

M. Damien Alary, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

TCHÉTCHÉNIE (p. 866)

MM. François Loncle, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE (p. 867)

MM. Jean-Jacques Jégou, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

RECETTES FISCALES (p. 868)

M. Félix Leyzour, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p. 868)

M. Bernard Outin, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

MISE EN UVRE DE LA PAC (p. 869)

MM. Eric Doligé, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 870)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

2. Présomption d'innocence. - Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 870).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 877)

Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 879)

MM. Philippe Houillon, Alain Tourret, Patrick Devedjian, Mme Frédérique Bredin,

MM. Pierre Albertini, André Gerin, Mme Nicole Catala,

M.

Jean-Pierre Michel.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 892).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe du Rassemblement pour la République.

RECETTES FISCALES

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud. Il va nous parler de la cagnotte !

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, vous allez dévoiler tout à l'heure aux membres de la commission des finances les résultats des comptes de l'Etat pour l'année 1999. Pourquoi faire durer le suspense deux heures de plus ? N'êtes-vous pas en mesure d'annoncer dès maintenant les chiffres exacts à la France entière grâce à la télévision ? Au demeurant, ce qui intéresse le plus nos concitoyens, c'est de savoir quelles conséquences vous entendez en tirer pour l'année 2000, si vous allez réviser les prévisions de recettes inscrites dans le budget et comment vous allez utiliser ce surplus. Bref, allez-vous nous présenter, comme vous le demandent d'ailleurs plusieurs membres éminents de votre majorité, une loi de finances rectificative pour l'an 2000 ? Si oui, pouvez-vous nous dire dans quels délais, afin que nous puissions rapidement en débattre ? Il semblerait, parmi les allégements fiscaux envisageables, que votre préférence aille à une diminution de la taxe d'habitation.

M. Gérard Saumade. Très bien ! M. Philippe Auberger. Or, depuis deux ans et demi, ce n'est pas la fiscalité locale qui a le plus augmenté, mais bien celle de l'Etat, jusqu'à atteindre des sommets inégalés. L'impôt sur les ménages qui a le plus augmenté depuis deux ans, ce n'est pas la taxe d'habitation, mais l'impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il s'est alourdi de plus de 15 %, progressant à un rythme nettement plus rapide que les revenus. N'y a-t-il pas urgence à remettre dès cette année sur le métier la réforme de l'impôt sur le revenu, que vous aviez délibérément abandonnée lors du budget de 1998, en d'autres termes de rendre aux Français une partie du fruit de leurs efforts, comme l'avait si justement demandé, le Président de la République le 14 juillet dernier, et de suivre ainsi une voie dans laquelle l'Allemagne, vous le savez, vient de s'engager ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et le groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous m'interrogez sur les résultats fiscaux de l'année 1999, poursuivant ainsi une très belle opération de diversion (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dont le seul but est de masquer les excellents résultats, que j'annoncerai tout à l'heure, de l'économie française en général...

M. Jean-Michel Ferrand. Et des impôts en particulier ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et des finances publiques de l'Etat en particulier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En 1999, nous avons connu une croissance de 2,7 % ; vous n'y croyiez pas il y a un an.

M. Philippe Auberger.

Vous non plus ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En 1999, le chômage a baissé très fortement ; vous n'y croyiez pas davantage il y a un an.

En 1999, les dépenses de l'Etat ont été maîtrisées ; vous n'y croyiez pas non plus il y a un an ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) En 1999, le déficit a été réduit ; vous étiez sur ce point fort critique il y a un an.

En 1999 enfin, l'impôt sur le bénéfice des sociétés a rapporté plus que prévu.

M. Jean-Michel Ferrand.

Et que dire de l'impôt sur le revenu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est une bonne nouvelle et nous en parlerons tout à l'heure.

Pour l'an 2000, nous disposerons en effet de recettes fiscales supplémentaires. Nous débattrons de leur utilisation dans la plus grande transparence démocratique, comme c'est la tradition de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical Citoyen et Vert. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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CORSE

M. le président.

La parole est à M. Roland Francisci.

M. Roland Francisci.

Monsieur le Premier ministre, l'enseignement obligatoire de la langue corse est une vieille revendication des nationalistes. A ce sujet, le 6 septembre dernier, devant l'assemblée de Corse, vous avez déclaré : « Le Gouvernement est prêt à favoriser l'usage de la langue corse pour tous ceux qui le souhaitent, mais il n'est pas envisageable de l'imposer à tous. Ce serait une mesure contraire aux libertés individuelles. »

Cette déclaration, respectueuse des libertés de chacun et conforme au bon sens commun, avait été bien accueillie en Corse. Or, le 16 septembre, soit dix jours après votre déclaration, voici ce qu'a écrit le recteur de l'académie de Corse dans une lettre qu'il a adressée à Mmes et MM. les secrétaires d'académie :

« Pour la classe de sixième, l'enseignement de la langue corse doit être affiché à l'emploi du temps indiqué le jour de la rentrée, sans aucun commentaire. Aucune enquête générale touchant l'ensemble des élèves n'est à effectuer après la rentrée. Les familles qui demandent que leurs enfants ne suivent pas ces cours doivent l'indiquer explicitement au chef d'établissement. (Exclamations sur quelq ues bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

« Il pourrait être utile d'avoir une discussion avec elles et de comprendre ce qui motive leur refus. La période où cette démarche est possible s'étendra jusqu'au 15 octobre.

Après cette date, l'inscription sera définitive. »

Monsieur le Premier ministre, il est clair que cette pression va à l'encontre de l'esprit de vos déclarations.

Elle a pour objet de rendre obligatoire une langue qui ne l'est pas dans les écoles laïques de la République et d'obliger les parents qui ne souhaitent pas que leurs enfants apprennent le corse à se justifier. Ce n'est pas tolérable.

Ma question est simple : le ministre de l'éducation nationale vous a-t-il informé de l'existence de cette note ? Si oui, qu'a-t-il fait auprès du recteur de Corse pour faire respecter votre volonté et le libre choix des élèves et des parents, qui existent en Corse comme ailleurs ? Dans le cas contraire, ce qui signifierait que le ministre de l'éducation nationale n'est pas au courant des graves dysfonctionnements qui se produisent au sein de son ministère, comptez-vous lui demander d'interroger le recteur de l'académie de Corse sur les raisons et les motivations de sa surprenante initiative qui porte atteinte, comme vous l'avez vous-même dit le 6 septembre dernier, aux libertés individuelles ? (Applaudissements sur plusieursbancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie Française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, vous me pardonnerez si je souhaite situer la réponse à votre question dans un cadre moins étroit.

Quinconque a le souci de la responsabilité se doit en effet de se référer à un processus plus large.

Pour ma part en tout cas, je n'ai aucunement l'intention, sauf s'il s'agit de me replacer dans ce cadre général, de reprendre des mots lancés ici et là dans le débat pour en faire objet d'interpellations. Je n'ai pas même l'intention de prendre tel ou tel élément de dossiers dont les élus de Corse sont en train de discuter - et je crois savoir, monsieur le député, que vous-même participez à ces discussions. Tout simplement parce que des réponses sur ces points particuliers, alors qu'un processus est en cours, ne contribueraient pas à favoriser la discussion qui vient de s'engager.

Mesdames, messieurs les députés, l'Île de Beauté connaît depuis plusieurs décennies des difficultés très graves, auxquelles aucune majorité, aucun Gouvernement, quelle qu'ai été sa sensibilité, n'a pu apporter, malgré tous les efforts déployés, des réponses totalement satisfaisantes.

Mon gouvernement est engagé dans une démarche.

Celle-ci consiste à demander aux élus de la Corse, que j'ai invités à venir me voir à Matignon en décembre, à réfléchir sur la situation de leur île...

M. Jean Bardet.

La question portait sur la langue corse !

M. le Premier ministre.

... face à un gouvernement résolu à ne pas imputer aux seuls Corses, ce qui serait commode mais réducteur, les difficultés chroniques que celle-ci connaît, et prêt à regarder avec eux comment il est possible d'avancer.

Depuis, des discussions se sont engagées dans le cadre de l'assemblée de Corse, mais ouvertes aux présidents des conseils généraux et aux parlementaires de l'île. Le mieux que nous puissions faire est de laisser cette étape du processus se dérouler, de laisser les élus de la Corse, ainsi mis devant leurs responsabilités, qui ont accepté de réfléchire nsemble, qui peut-être esquisseront des réponses communes, à moins qu'ils ne manifestent tout simplement leurs divisions sur tel ou tel sujet, nous indiquer à n ous, gouvernement, à moi, Premier ministre, aux ministres qui m'entourent, les points sur lesquels ils souhaitent que nous avancions.

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est pas la question !

M. le Premier ministre.

J'ai rendez-vous en mars, s'ils y sont prêts, avec les élus de la Corse. Sur la base des propositions qu'ils présenteront, nous verrons alors quelle étape nouvelle nous pouvons franchir.

M. Roland Francisci et M. Jean Bardet.

Ce n'est pas la question !

M. le Premier ministre.

C'est dans ce cadre, monsieur le député, que le problème de la langue corse, langue obligatoire ou langue non obligatoire, sera posé. Mais vous ne me ferez pas détacher morceau après morceau des éléments de cette discussion globale qui apparaît indispensable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Bardet.

La question portait sur la langue corse !

M. le Premier ministre.

Diverses tribunes se sont ouvertes dans des organes de presse, peut-être plus pour certains que pour d'autres. Quoi qu'il en soit, soyons clairs sur la démarche : le dialogue que le Gouvernement a engagé est ouvert avec les élus de la Corse, y compris les nationalistes ; il ne s'agit pas d'un dialogue ouvert avec les nationalistes à travers les élus de la Corse. Ce qui m'intéresse, c'est l'ensemble des élus ; ce qui m'est utile, c'est leur capacité à proposer et à réunir. C'est dans cet esprit de responsabilité que vous devriez accompagner l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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SÉCURITÉ SANITAIRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le Premier ministre, si l'Europe a obtenu, il y a quelques jours, lors de la conférence de Montréal, la prise en compte du principe de précaution pour les organismes génétiquement modifiés, elle n'a en revanche reçu aucune garantie en matière de traçabilité et d'étiquetage.

On peut dire que la France joue un rôle pionnier dans le domaine de la sécurité sanitaire. Nous avons été les premiers à voter ici même, à l'unanimité, une loi de sécurité sanitaire, voilà maintenant plus d'un an.

Mais quatre éléments nouveaux sont survenus depuis.

Premièrement, il y a eu la crise de la vache folle, qui a conduit le Gouvernement à prendre des mesures de prudence, à mon sens totalement justifiées, mais cette position qui reste, c'est le moins que l'on puisse dire, minoritaire en Europe. Deuxièmement, la nécessité s'est fait sentir de la création rapide d'une agence de sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement. Troisièmement, la crise des OGM a mis en évidence le lien étroit entre la santé, l'alimentation et l'environnement. Quatrièmement et enfin, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a voté la semaine dernière, à la quasiunanimité, une recommandation dont j'ai été le rapporteur sur la sécurité sanitaire des populations européennes, non plus celles des qinze Etats de l'Union, mais celles des quarante et un Etats de la grande Europe.

Monsieur le Premier ministre, ma question sera triple.

Premièrement, pouvez-vous nous indiquer quelle est l'opinion du Gouvernement après les accords de la conférence de Montréal, notamment au regard de l'étiquetage et de la traçabilité qui ne sont toujours pas garantis ? Deuxièmement, le Gouvernement de la France est-il toujours fidèle à la ligne qui consiste à créer au plus vite une agence de sécurité sanitaire environnementale ? Etesvous également d'accord pour réunifier la sécurité sanitaire en prenant en compte tout à la fois la santé, l'alimentation et l'environnement ? Troisièmement, puisque notre pays va assurer la présidence de l'Union à partir du mois de juillet, la France se fixera-t-elle comme priorité essentielle d'oeuvrer pour la création d'une agence de sécurité sanitaire - et pas seulement alimentaire - européenne ? Autant de questions, monsieur le Premier ministre, qui préoccupent les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous avez bien voulu saluer l'aboutissement à Montréal d'un processus de négociation de plusieurs années, grâce à l'action de la France, qui a rallié autour d'elle l'Union européenne et les pays en voie de développement.

Deux avancées considérables ont été obtenues. Pour commencer, l'accord explicite du pays éventuellement importateur d'OGM sera désormais exigé. A ensuite été reconnu le principe de précaution, dont le rapport rendu par Geneviève Viney et Philippe Kourilsky a défini les contours pour ce qui concerne notre pays.

Mais, vous avez raison de le rappeler, le contenu de ce protocole international reste encore en deçà des exigences communautaires en matière d'étiquetage et de traçabilité.

La révision de la directive communautaire 90-220 sera l'occasion de réaffirmer ces exigences et d'aller au-delà du protocole international.

Plus largement, le rapport rendu par M. Aschieri et Mme Grzegrzulka a montré le besoin d'améliorer la veille sanitaire et veille environnementale dans notre pays et mis en avant le souci de croiser les informations collectées par l'Institut de veille sanitaire et l'Institut français de l'environnement, point focal de l'Agence européenne de l'environnement. Il a mis en avant la nécessité d'intensifier les efforts de recherche et d'expertise sur les facteurs d'environnement au sens large, dont l'impact sur la santé est avéré, et de nous doter d'outils complétant le dispositif mis en place en 1998.

Ainsi, que vous l'avez rappelé, c'est à l'unanimité que l'Assemblée avait voté la mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de l'Institut de veille sanitaire et de l'agence des produits de santé. Je pense également, bien sûr, à l'agence de santé-environnement dont le Premier ministre a rappelé la nécessité au mois de septembre à Strasbourg ; je reste également attachée à la coordination de nos efforts et de la collecte de données au niveau communautaire. Les efforts du Gouvernement, soutenu par ceux que vous avez vous-même déployés dans le cadre du Conseil de l'Europe, ont montré l'intérêt d'une agence européenne de sécurité sanitai re des aliments. Il est enfin un autre dossier que j'entends bien faire avancer durant la présidence française : c'est celui d'une agence européenne de sécurité environnementale au sens large. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

AVENIR D'ABB-ALSTOM

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Ma question s'adresse à M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ainsi que, vous le savez, le secteur énergie d'ABB et le groupe Alstom ont fusionné l'été dernier. Or, si le nouveau groupe se refuse à toute annonce, de nombreuses craintes se manifestent à propos de plusieurs sites dont, malheureusement, une fois de plus, celui qui intéresse le périmètre dont je suis l'élu, où 340 emplois sont désormais menacés.

Nous pouvons comprendre que certaines filières soumises à une concurrence internationale parfois très dure puissent être conduites à des fermetures d'établissements.

Mais tel n'est pas le cas de celui d'ABB-Alstom à Lys-lezLannoy, qui fabrique essentiellement des chaudières destinées à la filière de traitement de nos déchets et dont le carnet de commandes repose à 80 % sur les commandes publiques de nos grandes agglomérations.

Depuis dix-huit mois, avec Mme Derycke, M. Baert et d'autres, nous avons tenu sept réunions avec la direction locale, deux rencontres avec la direction nationale et les syndicats, pour réfléchir aux possibilités de diversification du site et lui donner un avenir en termes de filière industrielle. Un protocole a été signé en juin entre les syndicats et la direction nationale pour essayer de finaliser cette démarche. Je suis convaincu, pour y avoir travaillé


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

souvent, que nous sommes en mesure, avec la région, l'Etat, les partenaires industriels et l'ensemble des acteurs de terrain, de décrire l'avenir d'un pôle industriel dans ce secteur, en nous appuyant sur les métiers déjà maîtrisés, mais également sur de nouvelles filières industrielles, qu'elles soient d'ores et déjà en plein développement ou encore seulement pressenties.

Ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, sera tout à la fois simple et double. Pouvez-vous d'abord nous indiquer, d'après les contacts que vous-même ou d'autres ministres ont pu avoir avec ce groupe, comment vous entrevoyez l'avenir industriel de ce secteur et les perspectives envisageables ? Seriez-vous prêt, le cas échéant, à provoquer une table ronde réunissant tous les partenaires, afin de remettre à plat ce dossier et ensemble de regarder l'avenir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Comme le Premier ministre l'a rappelé à maintes reprises, les entreprises qui se trouvent dans des situations financières saines, en particulier les grands groupes multinationaux - et ABB-Alstom-Power est dans ce cas -, doivent assumer, même en cas de baisse de commandes - et il y en a pour les produits que vous venez de citer -, leurs responsabilités vis-à-vis de leurs salariés et des régions dans lesquelles elles sont implantées, et d'autant plus quand elles ont, comme la vôtre, monsieur le député, une tradition industrielle très forte.

Nous avons donc, avec M. Christian Sautter, reçu récemment le président du groupe ABB-Alstom-Power, afin de lui faire part de nos très vives préoccupations (Murmures et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) face à la réorganisation, pas encore annoncée mais, en effet, projetée de ce groupe. Nous avons, lors de cette réunion, pris acte de cinq engagements sur lesquels nous serons très fermes.

Tout d'abord, il faut revoir à la baisse le nombre de postes dont la suppression semble aujourd'hui prévue.

Ensuite, il faut éviter tout licenciement sec en France.

C'est le cas à Lys-lez-Lannoy. Ce doit être également le cas à Belfort, autre site de la même entreprise souvent concerné.

Il faut, en troisième lieu, offrir à chacun des salariés et en discuter avec eux - au moins deux vraies solutions concrètes de reclassement personnel.

Il faut, en quatrième lieu, veiller à ce que toute baisse d'activité de ces sites fasse l'objet de compensations et, vous en avez parlé à l'instant, d'une véritable réindustrialisation volontaire.

Pour ce faire, il faut que le groupe augmente de manière significative les crédits dévolus à la diversification et à la dynamisation économique des régions dans lesquelles il impose, malheureusement, des allégements d'effectifs.

Monsieur le député, nous en avons déjà discuté et nous en discuterons encore. Je suis prêt à vous recevoir, avec les élus concernés et les élus des autres sites en jeu chez ABB-Alstom-Power.

Croyez bien que le Gouvernement se montrera exigent et veillera avec fermeté au respect strict des cinq engagem ents que je viens d'énoncer devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

AGENCE DE PRÉVENTION

DES

RISQUES

MINIERS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Jean-Pierre Kucheida.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La loi qui fut adoptée à l'unanimité par les parlementaires, en mars dernier, témoignait d'une véritable prise en compte, par le Gouvernement, des insuffisances du précédent code minier. Cette loi a permis, en particulier, de préciser la responsabilité de l'exploitant vis-à-vis des dégâts miniers. Elle réduit la portée des clauses d'exonération de responsabilité et fixe les obligations des exploitants miniers lors des renonciations à concessions.

La prévention des risques miniers est la deuxième motivation de cette loi. Ces risques sont nombreux ; ils concernent des affaissements ou les effondrements, la sécurité des terrils ou des problèmes liés aux remontées de grisou, ou encore la sécurité des biens et des personnes directement menacés par les conséquences de l'exploitation sur l'eau.

L'objectif de la création de l'agence de prévention des risques miniers est d'assurer une gestion transparente de ces problèmes. Aux termes de la loi, cette agence met à disposition des collectivités et des personnes concernées par la réparation des dommages miniers tous les documents nécessaires. Elle participe à la préparation des mesures de prévention liées aux risques miniers. Les services de l'Etat et les collectivités locales y sont représentés à parité.

L'agence de prévention prévue par la loi concourra donc à une meilleure prise en compte de ces risques et à une meilleure information à leur sujet. Or le décret d'application, qui doit fixer les modalités de sa mise en place, tarde en dépit de son extrême intérêt. Ce retard n'est pas conforme à l'esprit qui a conduit à l'adoption, à l'unanimité, de la loi par l'Assemblée nationale et le Sénat, et il retarde l'application de la loi tout entière.

P ouvez-vous nous rassurer, monsieur le secrétaire d'Etat ? Après les concertations habituelles, quand sera publié ce décret ? Quand la loi pourra-t-elle être appliquée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, pour une réponse courte.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

En effet, monsieur le député, la loi que vous citez a été adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale. Elle affirme la solidarité et du Gouvernement et de la représentation nationale à l'égard des populations c oncernées par les affaissements miniers et des communes, fort bien représentées par l'association des communes minières que vous présidez.

Quatre décrets sont prévus.

Le premier traitera des modalités d'indemnisation en cas de sinistres, et fera en sorte qu'elles soient mise en oeuvre le plus rapidement possible.

La deuxième améliorera la prise en compte des risques miniers dans le cadre des décisions d'urbanisme et de construction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Le troisième concerne les demandes d'arrêt de travaux, dont un grand nombre sont en cours d'instruction, et doivent être traitées également avec célérité.

Ces trois décrets vont paraître très prochainement.

Reste le quatrième, qui concerne l'agence de prévention prévue par la loi et sur lequel vous m'interrogez.

C'est une priorité ; il est clair, par conséquent, que ce quatrième décret doit être publié très vite. En effet, cette agence est indispensable, vous l'avez souligné, pour compléter le dispositif de prévention et permettre une gestion transparente, vraiment transparente des problèmes liés aux risques miniers. Je vous assure donc de ma détermination à continuer à faire progresser ce dossier. Je souh aite que, en concertation avec l'association des communes minières, nous puissions mettre sur pied une rédaction définitive avant l'été.

Par ailleurs, sans attendre la création de l'agence, le Parlement a voté, sur la proposition du Gouvernement, une dotation de 10 millions de francs pour l'année 2000 sur le budget du secrétariat d'Etat à l'industrie, afin de renforcer la surveillance des zones considérées et d'assurer une prévention efficace des risques miniers qui peuvent, en effet, toucher des centaines de personnes et des dizaines de communes.

Monsieur le député, nous sommes vigilants et solidaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

RÉORGANISATION

DES

NMPP

M. le président.

La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

« La distribution de la presse exige l'acheminement vers un réseau de vente au public, dans une urgence chaque j our recommencée, de produits éminemment périssables », insiste Jean-Claude Hassan, dans le rapport qu'il vous a remis, madame la ministre, indiquant la voie étroite d'une réforme nécessaire pour la pérennisation d'un système de distribution basé sur une solidarité profitable à tous.

Hélas ! ce système est aujourd'hui en crise.

Je crois savoir, madame la ministre, que vous êtes favorable à un système de distribution solidaire, cumulant les avantages de considérables économies résultant du regroupement à vaste échelle et de l'égalité de traitement pour tous les titres.

La modernisation des Nouvelles Messageries de la presse parisienne en est la condition préalable. Il faut éviter toute tentation d'immobilisme, toute tarification excessive et tout abus de position dominante. Sinon de grands groupes de presse se doteront de leurs propres outils et causeront à l'entreprise solidaire une blessure mortelle et, à terme, entraîneront la disparition des journaux les plus fragiles de la presse nationale.

Les NMPP sont un outil indispensable pour la défense de l'écrit et pour garantir son pluralisme. Je n'ai pas besoin de plaider pour l'écrit, connaissant, madame la ministre, votre sentiment à cet égard.

N'oublions pas que moins d'un Français sur deux, aujourd'hui, lit un quotidien.

Pour surmonter la crise du système de distribution, le groupe Hachette a proposé un plan de modernisation.

Cependant, pouvez-vous nous rassurer madame la ministre sur la mise en place d'un plan qui nécessite à la fois d'importantes mesures d'économies et une volonté de négociation sur les conditions sociales avec les organisations syndicales ? Car, nous le savons bien, même s'il s'agit d'une entreprise privée, l'Etat ne peut se désintéresser de l'avenir de la distribution de la presse, qui est étroitement liée, vous le savez bien, à la vigueur de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, vous vous faites l'écho de préoccupations que partagent tant les acteurs de la presse - quotidiens et magazines - que de très nombreux parlementaires sur tous les bancs de votre assemblée.

En effet, les Nouvelles Messageries de la presse parisienne connaissent d'importantes difficultés depuis quelques mois. Prenant acte de ces préoccupations, j'ai demandé à M. Jean-Claude Hassan de me remettre un rapport qui permette de dresser l'état des lieux et de faire un certain nombre de propositions.

Son rapport réaffirme, comme vous venez de le rappeler ici, monsieur le député, la pertinence et l'utilité d'un système de distribution fondé sur la solidarité entre les titres, regroupés au sein de coopératives, ce qui fait du système français le plus équitable de tous. Je fais entièrement mienne cette affirmation.

Je suis heureuse aussi que le dialogue prévale aujourd'hui et que l'ensemble des acteurs essaient de parvenir au nécessaire consensus sur la mise en oeuvre d'un projet stratégique de modernisation des NMPP. D'ailleurs, les récentes déclarations de M. Jean-Luc Lagardère, confirmant son attachement au maintien d'Hachette comme opérateur des NMPP, sont encourageantes pour l'avenir.

Il semble toutefois qu'il reste des points de désaccord.

L'avenir des NMPP nécessite des transformations. Elles doivent intervenir au sein du système coopératif actuel afin de garantir un traitement équitable entre magazines et quotidiens. Enfin, il est important de ne pas perdre de vue que l'un des facteurs essentiels de réussite de cette évolution réside dans les conditions d'élaboration et de mise en oeuvre du volet social.

Je souhaite que les différents partenaires des NMPP l'opérateur lui-même, les éditeurs et la direction de l'entreprise - avancent sur la mise en oeuvre du meilleur plan possible dans un calandrier adapté. C'est à eux qu'il appartient de déterminer l'avenir d'une entreprise qui est une entreprise privée.

Lorsque le Gouvernement connaîtra les propositions de l'entreprise, il examinera les conséquences d'une modernisation destinée à pérenniser le système, auquel tout le monde ici, je crois, est attaché, et qui garantit la liberté d'accès au réseau de distribution, l'égalité de traitement pour chaque titre et le pluralisme, qui est une valeur constitutionnelle, grâce notamment à la mise en commun des moyens, qui fonde l'économie de ce système.

Pour ce qui le concerne, le Gouvernement ne manquera pas à ses devoirs pour faire prévaloir ces principes.

Il attend donc d'être saisi de ce plan.

Chacun le sait, et ceux qui nous écoutent aussi, acheter son journal ou son magazine près de chez soi, dans un kiosque ou à un marchand ambulant, est aussi une façon d'être correctement informé.

A l'heure où la presse connaît d'importantes difficultés, où tous les éditeurs essaient de regagner des lecteurs et des abonnés, le système de distribution est essentiel. Je vous remercie, monsieur le député, de l'avoir rappelé.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)


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DISCRIMINATIONS RACIALES DANS LE

MONDE DU TRAVAIL

M. le président.

La parole est à M. Damien Alary.

M. Damien Alary.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De nombreuses études, notamment celle de l'INSEE publiée en juin 1999, et surtout les faits que retranscrit régulièrement la presse nationale, font apparaître de lourdes inégalités et des pratiques discriminatoires à l'encontre des jeunes issus de l'immigration.

Ces inégalités sont constatées dans de nombreux secteurs de notre société et de l'activité économique. Elles sont manifestes dans le monde du travail et dans l'entreprise.

Les discriminations sont multiples et prennent des formes diverses. Fondées sur le sexe ou l'origine ethnique, elles se manifestent en amont pour les recrutements ou au cours de l'emploi par des différences de salaires ou de progression de carrière.

Le Gouvernement réfléchit sur ces questions importantes. Des assises de la citoyenneté sont prévues et les commissions d'accès à la citoyenneté qui ont été mises en place tentent d'analyser le contenu des pratiques discriminatoires et de trouver des solutions.

Des actions sont engagées plus particulièrement pour lutter contre les discriminations au sein du monde du travail.

Comme vous l'aviez annoncé en conseil des ministres, il s'agit d'une priorité pour votre ministère. A l'issue de la table ronde entre l'Etat et les partenaires sociaux, la déclaration de Grenelle, adoptée le 11 mai dernier, contenait des propositions d'action de lutte contre les discriminations raciales dans le monde du travail.

D evant ce phénomène inquiétant, pourriez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale sur l'état d'avancement de ces travaux, essentiels pour la continuité de la lutte contre les inégalités et toutes les formes de discrimination ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez raison, les discriminations raciales, notamment dans le monde du travail, font que des jeunes sont traités différemment en raison de leur nom, de leur adresse ou de la couleur de leur peau, ce qui est totalement inacceptable.

Ça l'est d'autant plus que leurs parents ou leurs grands-parents ont choisi notre pays, et que, très souvent, c'est lui qui les a fait venir pour l'aider à se reconstruire ou à se développer.

Ça l'est encore plus quand ces jeunes, aujourd'hui diplômés, après des études parfois menées dans des conditions difficiles, se sentent - la presse s'en est fait récemment l'écho - refoulés du seul fait de leur nom ou de leur origine.

Comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement a fait de la lutte contre les discriminations une de ses priorités. Au mois de mai dernier - je crois que c'est très important les entreprises et les syndicats ont accepté de reconnaître publiquement qu'il y avait des discriminations raciales dans le monde du travail.

Nous devons avoir une parole publique claire : il faut dire que le racisme existe dans notre pays et qu'il n'est pas acceptable.

C'est pourquoi j'ai mis en place un groupement d'intérêt public, qui est un véritable lieu de connaissance des discriminations, qui publiera chaque année un rapport dénonçant les discriminations raciales dans le monde du travail, afin que nous puissions, tous ensemble, réagir.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai demandé aux agents de l'ANPE et de l'AFPA de ne pas se faire, par inertie, les complices de ces discriminations, d'essayer de convaincre les employeurs et, s'ils n'y arrivent pas, d'aller devant les tribunaux et de saisir le juge.

Nous allons préparer une réforme du droit du travail, que je présenterai au Parlement dans le cadre de la loi de modernisation sociale, pour faciliter la charge de la preuve, permettre aux syndicats d'ester en justice et faire en sorte qu'il y ait un plus grand nombre de saisines en matière de lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, et vous le savez bien, des expériences sont tentées. Ainsi, 20 000 jeunes sont pris en charge par des chefs d'entreprise pour faciliter leur entrée dans l'entreprise. Ce sont les chiffres de 1999. Et le Gouvernement tout entier prépare les assises de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations qui se tiendront le 18 mars prochain.

N ous travaillons, notamment avec les CODAC - commissions départementales d'accès à la citoyenneté mises en place dans les départements et avec le groupement dont je viens de parler, à faire en sorte que les centaines de jeunes qui seront réunis autour du Premier ministre et du Gouvernement nous aident à mieux connaître et faire connaître ces discriminations et à trouver les moyens d'y remédier.

Les jeunes étrangers ou les jeunes Français issus de l'immigration doivent savoir que le Gouvernement s'engage à faire progresser la lutte contre les discriminations dans notre pays. S'ils ont les mêmes devoirs que les autres, ils ont des droits : ils doivent savoir que nous ferons en sorte qu'ils soient respectés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TCHÉTCHÉNIE

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez, vendredi dernier, rencontré, à Moscou, le président par intérim de la Russie, M. Vladimir Poutine, dans un contexte marqué par l'ampleur dramatique de la guerre en Tchétchénie.

Quels enseignements tirez-vous de cette rencontre ? Peut-on espérer la libération dans un bref délai du journaliste français Brice Fleutiaux, retenu en otage en Tchétchénie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, la position de la France sur la Tchétchénie est bien connue, spécialement dans cette enceinte.

Nous n'avons cessé, depuis des semaines, d'appeler à une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

solution politique et de dénoncer les souffrances considérables endurées par les populations civiles. Et nous le redisons aujourd'hui.

J'ai eu l'occasion, en effet, de dire, directement au président par intérim de la Russie, M. Poutine, quelle était notre position, tout en lui rappelant que nous n'avions pas contesté la souveraineté russe sur la Tchétchénie, ni le droit de tout gouvernement à combattre le terrorisme.

C'est d'ailleurs ce que M. Poutine met en avant, en disant que la Russie est engagée, contrairement à ce que l'on croit en Occident, dans une politique visant à empêcher « l'afghanisation » générale de la région.

Il n'empêche que nous ne pouvons que redire ici, solennellement, au moment où l'armée russe a repris le contrôle de Grozny, que nous appelons les autorités russes à faire preuve de la plus grande retenue, à tout faire pour éviter de nouvelles victimes civiles et pour empêcher l'engrenage de la vengeance, et à répondre au plus tôt à la demande qui monte de tous les pays de voir se dessiner un avenir politique pour la Tchétchénie, certes à l'intérieur de la Fédération de Russie, un avenir politique qui puisse répondre aux aspirations des populations tchétchènes.

Ces déclarations, je les ai faites au nom de notre pays, en notre nom à tous, car les positions des uns et des autres convergent sur ce point. J'espère que la France, soutenue par un certain nombre de pays européens, finira par être entendue.

Naturellement, j'ai également parlé de notre compatriote, M. Fleutiaux, pris en otage depuis le mois d'octobre. Les autorités russes sont parfaitement au courant de ce dossier et m'ont semblé conscientes du fait que la crédibilité de leur pays était engagée dans cette affaire.

J'ai redit que nous attendions que M. Fleutiaux soit libéré au plus tôt et en bonne santé, et leur motivation en aura sans doute été un peu accrue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

TEMPS DE TRAVAIL DANS LA

FONCTION

PUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, si toutefois il souhaite me répondre ! (Sourires. - Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il décidera tout seul, il nous l'a dit hier ! Monsieur le Premier ministre, après le vote de la loi sur les 35 heures, voilà que votre gouvernement est contraint d'entrer dans des négociations particulièrement difficiles avec les agents des trois fonctions publiques. Les responsables syndicaux ont clairement indiqué aux médias qu'ils souhaitaient une augmentation des effectifs. Pensezvous, que cela soit compatible avec la présentation qu'ont faite M. Sautter et Mme Parly de l'évolution triennale des dépenses publiques à la Commission européenne ? En outre, est-il convenable et admissible dans une grande démocratie européenne décentralisée que le Gouvernement décide seul de ce qui relève aussi de la responsabilité des communes, des départements et des régions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, vous me donnez l'occasion d'évoquer les négociations engagées avec les syndicats de la fonction publique à propos du passage aux 35 heures. Le Gouvernement a toujours considéré que cette avancée sociale doit bénéficier aux salariés du secteur public comme à ceux du secteur privé, même si la problématique de l'emploi n'est pas la même.

J'ai pour ma part toujours affirmé que l'aménagement et la réduction du temps de travail dans le secteur public devait avoir un double objectif. D'abord améliorer la qualité et l'offre de services en direction l'usager - c'est le fondement même du service public.

M. Maurice Leroy.

Ce n'est pas la question ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ne vociférez pas, je vous réponds ! Ensuite, maîtriser l'évolution des dépenses publiques, le Gouvernement ayant réaffirmé son souci de respecter les grands équilibres économiques.

Sur cette base j'ai soumis à mes interlocuteurs un projet d'accord qui comporte deux volets complémentaires et indissociables. Un premier volet, réglementaire, précise certaines notions comme celle de la notion de travail effectif, d'astreinte, de bornes quotidiennes et hebdomadaires et établit le mode de décompte du temps de travail sur une base annuelle de 1 600 heures.

M. Jacques Godfrain.

Il n'y a pas d'accord ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ensuite, un volet sur la politique des effectifs sur laquelle j'ai été amené à faire des propositions concrètes, précises et raisonnables.

J'ai ainsi réaffirmé les engagements du Gouvernement en matière d'évolution des effectifs, au regard notamment de la courbe démographique de la fonction publique.

Une augmentation des recrutements dans la fonction publique d'Etat permettra de garantir les renouvellements nécessaires et ma collègue Martine Aubry a déjà indiqué que le Gouvernement consentirait un effort particulier pour la création d'emplois dans les hôpitaux.

J'ai par ailleurs proposé que l'on s'attaque réellement à la question récurrente de l'emploi précaire. L'Etat et les collectivités locales doivent montrer l'exemple. Une série de dispositions devraient permettre d'avancer dans ce domaine. (« Ce n'est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le projet d'accord ainsi finalisé est un juste équilibre entre l'avancée sociale que constitue pour les fonctionnaires le passage aux 35 heures et l'amélioration du service rendu à nos concitoyens, dans le respect des équilibres économiques.

Quant au problème de l'équilibre budgétaire (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) je tiens à vous dire que, depuis 1997, nous avons parfaitement su réduire les déficits publics, conformément à nos engagements. Vous n'avez pas, dans ce domaine, de leçons à nous donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Nul ! », « Zéro », sur plusieurs bancs


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

RECETTES FISCALES

Mme la présidente.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous allez, cet après-midi, annoncer devant la commission des finances de notre assemblée le montant des recettes fiscales supplémentaires pour 1999.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous avons entendu votre premier élément de réponse mais le sujet est si important que personne ne s'étonnera que j'y revienne.

Les recettes fiscales supplémentaires sont le fruit de la croissance de l'activité et de la politique de relance. La question qui est posée à la représentation nationale, et qui intéresse l'opinion publique, est de savoir comment ce supplément de recettes va être utilisé. Pour notre part, nous considérons que cette nouvelle marge budgétaire ouvre des possibilités d'agir pour amender la loi de finances pour 2000 dans le sens d'une meilleure prise en compte de la priorité nationale pour l'emploi. Si les résultats de notre économie, qui marquent une différence avec la situation d'avant 1997 (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ont permis un surplus de recettes fiscales, il ne faut perdre de vue ni les fragilités de la conjoncture mondiale et nationale, ni le chemin restant à parcourir pour atteindre un véritable plein emploi.

L'heure est donc plus que jamais à la mobilisation efficace de tous les leviers de l'action publique. Faut-il, comme on l'entend, baisser les impôts et les charges ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est une question qui en appelle d'autres : (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quels impôts ?

M. Charles Ehrmann.

Tous !

M. Félix Leyzour.

Et au bénéfice de qui ? Quelles charges ? Le débat est ouvert et nous sommes prêts à y prendre part car il serait dommage qu'il n'ait lieu que dans la presse.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oui, il faut un débat ici !

M. Félix Leyzour.

Dès à présent, le groupe communiste propose que ces nouvelles recettes s'inscrivent dans un collectif budgétaire...

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il a raison !

M. Félix Leyzour.

... qui permettrait de financer des dépenses urgentes comme l'augmentation des minima sociaux et de débloquer des crédits pour répondre aux besoins qui se font sentir dans les hôpitaux, dans l'éducation nationale ou la recherche. Il serait également souhaitable de conforter la relance par la consommation populaire grâce à des mesures comme la baisse ciblée de la taxe d'habitation, l'allégement de l'impôt sur le revenu pour les tranches les plus basses ou le remboursement de la CSG aux familles modestes.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cela mérite un débat !

M. Félix Leyzour.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit votre volonté que l'utilisation du surplus de recettes se fasse dans la transparence. Devons-nous comprendre que le Gouvernement a l'intention de proposer au Parlement un projet de collectif budgétaire, dans les toutes prochaines semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, la croissance est bonne et la politique économique que vous soutenez produit de bons résultats.

Elle produit son plein effet : le chômage recule, l'emploi progresse et les Français consomment. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons l'intention de poursuivre dans cette voie, nous l'avons annoncé dans la programmation pluriannuelle des finances publiques qui constituera le cadre dans lequel les choix de politique économique du Gouvernement s'exerceront d'ici à 2003.

Le Gouvernement et la majorité croient à la transparence et au débat.

Cet après-midi, nous annoncerons les chiffres définitifs de l'exécution budgétaire pour 1999, soit moins de dix jours après la clôture de l'exercice budgétaire. C'est une performance qu'il faut saluer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans les prochains mois, nous débattrons. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants...)

M. Yves Nicolin.

Non ! Ici et maintenant !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... de la meilleure manière d'affecter les recettes supplémentaires liées à cette bonne politique.

Notre politique économique est tout entière tournée vers la croissance, vers l'emploi et vers la réduction des inégalités. Nous porterons une attention toute particulière, monsieur le député, à ces classes moyennes et défavorisées que vous avez signalées à notre attention.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin, pour une question rapide.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. Bernard Outin.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, la vie de la communauté éducative est traversée depuis ces dernières semaines par de nombreux mouvements de protestation et de revendication.

M. Christian Jacob.

Il y a de quoi !

M. Bernard Outin.

Les personnels enseignants et non enseignants, les parents d'élèves et les élèves expriment leurs inquiétudes et leurs attentes.

M. Michel Bouvard.

Il y a de quoi !

M. Bernard Outin.

Je retiendrai plus particulièrement deux problèmes. Le premier est relatif à l'enseignement scolaire et à l'enseignement primaire. La principale raison pour laquelle le groupe communiste a voté le budget de l'enseignement scolaire pour l'an 2000 tenait à votre engagement de maintenir l'effectif des enseignants...

M. Michel Bouvard.

Et les remplacements !

M. Bernard Outin.

... alors qu'une baisse démographique du nombre des élèves était prévue. Auriez-vous, monsieur le ministre, l'intention de revenir sur cette importante décision ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh oui !

M. Bernard Outin.

Le second problème porte sur la mise en place d'aides et de soutiens individualisés dans les collèges et dans les lycées. Cette mesure représente une avancée vers une plus grande égalité des chances. Pour faire assurer cette mission, envisagez-vous des créations d'emplois à la prochaine rentrée ou allez-vous poursuivre votre politique des heures supplémentaires en dépit des vives critiques qu'elle suscite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député, nous préparons la carte scolaire. C'est un exercice délicat, puisqu'il s'agit d'accompagner les mutations démographiques à la fois en augmentant les postes là où le nombre d'élèves augmente et en restructurant les écoles qui perdent beaucoup d'élèves. Nous le faisons dans un souci de justice scolaire et d'amélioration qualitative du système scolaire.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Aussi le Gouvernement a-t-il décidé, pour la prochaine rentrée, de maintenir le nombre d'enseignants alors qu'il y aura sans doute 20 000 élèves en moins.

M. Alain Barrau.

Très bien ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Grâce à ce potentiel, nous continuerons à améliorer la qualité du système scolaire, avec une attention particulière pour les zones d'éducation prioritaire, où les élèves ont le plus besoin d'enseignements, et les écoles rurales qui ont fait un effort de mise en réseau. Autrement dit, nous cherchons à allier efficacité et justice.

Par ailleurs, un crédit de 240 millions de francs a été inscrit pour l'aide individualisée aux élèves. Cet effort accompagne une mutation très importante du système scolaire : il s'agit aujourd'hui de prendre en compte les différences entre les élèves, de donner plus à ceux qui ont l e moins, de raccrocher les élèves qui décrochent, d'encourager ceux qui s'accrochent. Ce dispositif sera mis en place grâce à des heures supplémentaires mais aussi, bien entendu, grâce à des postes d'enseignants puisque le nombre d'élèves diminue dans le second degré alors que le nombre d'enseignants reste le même.

Soyez donc rassuré, monsieur le député, le Gouvernement, qui a remis le budget de l'éducation nationale au premier rang de ses priorités, est farouchement attaché au recul des inégalités scolaires et à une meilleure réussite pour tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République, pour une dernière question.

MISE EN UVRE DE LA PAC

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Monsieur le président, si vous le permettez, je ferai d'abord une remarque de pure forme. Le groupe RPR a posé deux questions en début de séance. A la question de M. Auberger qui était pourtant claire, M. Sautter a simplement répondu que la France affichait d'excellents résultats.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est vrai !

M. Eric Doligé.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, qu'un déficit de 220 milliards de francs n'est pas forcément un bon résultat en matière économique (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste. Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sans parler des 5 000 milliards de la dette publique ? Quant à la réponse de M. le Premier ministre, je ne me permettrai pas de la commenter. De toute façon, comme il n'a pas répondu, ce n'est pas nécessaire.

Et vous, monsieur Zuccarelli, vous n'avez pas répondu non plus. Nous sommes nombreux ici à être élus locaux et nous aurions aimé avoir des précisions - car il y aura encore beaucoup de problèmes à régler sur le terrain.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Nicole Bricq.

La question !

M. Eric Doligé.

Enfin, on peut être surpris qu'à propos de la transparence, Mme Parly se contente d'évoquer l'annonce qui va être faite à la commission des finances.

La transparence n'est pas réservée à la représentation nationale ! C'est extraordinaire ! J'en viens maintenant à ma question. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, au printemps dernier, grâce à la détermination de la France, plus particulièrement du Président de la République, les chefs d'Etat européens ont signé, lors du sommet de Berlin, un accord scellant la réforme de la PAC. Celui-ci est aujourd'hui insidieusement remis en cause par la Commission européenne. Les fonctionnaires de Bruxelles proposent en effet un durcissement des règles d'accès aux aides à l'intervention dans le secteur des céréales. Les nouveaux critères qualitatifs et quantitatifs proposés par les experts en technocratie conduiront, si vous ne réagissez pas, à exclure 60 % de nos producteurs de céréales des aides à l'intervention. C'est le principe même du dispositif d'intervention qui est menacé. En prônant l'application pure et simple des cours mondiaux, la Commission européenne démantèle elle-même la PAC. Les Américains n'en demandaient pas autant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Il n'est pas acceptable que, au détour de mesures techniques, la Commission revienne sur des décisions prises au niveau politique. Il n'est pas admissible que Bruxelles favorise ainsi nos concurrents américains à la veille des négociations sur l'OMC. Il n'est pas tolérable que la Commission puisse ainsi anéantir le secteur le plus exportateur de notre économie.

Monsieur le ministre, face à ce nouveau coup de force de la Commission, allez-vous vous contenter de dire non tout en laissant faire, comme c'est le cas aujourd'hui, ou allez-vous essayer de convaincre nos partenaires de refuser une telle réforme ? Qui décide au sein de l'Union en matière agricole : les politiques, les technocrates ou les Américains ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, puisque vous souhaitez poursuivre le débat sur le déficit budgétaire et la dette, parlons-en ! Je comprends que vous reprochiez à ce gouvernement un déficit d'un peu plus de 200 millions de francs, mais c'est beaucoup mieux que les 300 milliards de 1996 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les Français jugeront.

M. Georges Tron.

340 milliards en 1993 !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ajoute que quand on a doublé la dette publique par Français en la faisant passer de 100 000 à 200 000 francs entre 1993 et 1997...

M. Jean-Jacques Jégou.

Mauvaise foi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... on n'est pas forcément bien placés pour donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais parlons de la politique agricole commune. Vous avez raison, monsieur le député, de dire que les décisions politiques prises à Berlin doivent être appliquées et qu'il est hors de question que des fonctionnaires, qui rédigent les règlements européens, remettent en cause des décisions politiques. Cela arrive très souvent et s'ils essayent de le faire, il est de notre devoir de veiller à les en empêcher. Je peux vous assurer que, sur ce problème comme sur les autres, nous sommes très vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. Raymond Forni.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que je serai conduit à suspendre la séance pour permettre à plusieurs de nos collègues inscrits dans le débat qui va s'ouvrir de se rendre à la réunion constitutive de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons, qui a lieu à 17 heures.

2 PRÉSOMPTION D'INNOCENCE Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1743, 2136).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, lors de la première lecture de ce projet de loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes, j'ai pu constater, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, un très large accord sur l'objet principal de ce texte, qui est, je le rappelle, d'améliorer les droits des citoyens mis en cause par la justice.

Sur tous les bancs s'exprime en effet la volonté de permettre à toute personne mise en cause par la justice de faire valoir son point de vue et de se défendre en bénéficiant d'armes égales à celles de l'accusation. Cela dit, nous avons eu, et c'est bien normal, des discussions, quelquefois des divergences, sur les moyens de parvenir à cet objectif.

Pour clarifier notre débat, car la première lecture est déjà un peu loin, ...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

... pour éviter les malentendus, les faux-semblants et les non-dits, je voudrais vous rappeler le raisonnement qui m'a conduit à effectuer les grands choix qui structurent ce projet de loi.

Quel que soit le pays, quel que soit le système procédural, dans toutes les démocraties, les procédures pénales connaissent des temps identiques, des phases essentielles, je dirai même des points de passage obligés qui sont, dans l'ordre logique : la recherche et la connaissance des faits constitutifs d'une infraction pénale, la mise en cause d'une personne, la rétention de cette personne pour les besoins de l'enquête, les investigations, la notification des charges, l'éventualité de la détention avant le jugement, le procès et enfin le jugement.

Le jugement est l'aboutissement du processus. Il est le but pour lequel les autres phases préalables sont conçues.

Ces phases préalables n'ont de justification que parce qu'elles préparent le jugement qui est le résultat, la synthèse et la justification de la procédure.

L'objectif de toute procédure pénale est d'organiser et de mettre en oeuvre ces phases incontournables, dans le respect du nécessaire équilibre entre la protection des droits des personnes mises en cause et l'efficacité de l'enquête.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Je parlerai peu ici de la phase du procès. Le procès luimême fait, en fin de compte, l'objet de peu de critiques, en tout cas sur les dispositions législatives qui l'encadrent, même si la conduite de certains procès est parfois contestée. Je mentionnerai cependant une avancée considérable.

Cette deuxième lecture devrait, je l'espère, permettre un accord sur l'appel des verdicts des cours d'assises. En première lecture, beaucoup d'entre vous avaient défendu avec force cette idée, je me souviens de Raymond Forni, de Jacques Floch, de Christine Lazerges et bien sûr de Catherine Tasca. J'avais alors indiqué que j'y étais favorable et que je proposerai un appel de la cour d'assises dès lors que deux conditions seraient remplies : d'une part qu'émerge un accord sur un système d'appel tournant, moins coûteux en moyens humains que le système prévu par mon prédécesseur sur la base du rapport de M. Deniau, d'autre part que je puisse obtenir les postes supplémentaires en magistrats nécessaires à un tel projet.

Ces deux conditions me paraissent remplies. Je suis donc très heureuse de pouvoir proposer d'instaurer l'appel tournant du verdict des cours d'assises.

Ces remarques étant faites sur le procès lui-même, j'insisterai surtout sur l'enquête parce que c'est la phase la plus sensible, celle où tout se joue, et où beaucoup se décide. C'est cette phase qui a été au coeur de toutes les réformes récentes de la procédure pénale, aussi bien en France qu'à l'étranger. C'est ce moment, celui de l'investigation, qui est au centre du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.

Dans la phase d'investigation, trois principes fondamentaux m'ont guidée.

Premier principe : l'enquête doit être menée et contrôlée par un magistrat et non laissée à la seule initiative de la police. Ce choix majeur constitue une différence radicale avec la procédure anglo-saxonne de type accusatoire.

En effet, dans les pays de droit anglo-saxon, l'enquête est totalement confiée à la police, qui agit seule et dispose de larges pouvoirs d'initiative. C'est la police, par exemple, qui décide du placement en garde en vue, sans en référer à une autorité. C'est la police qui dirige et effectue seule l'enquête pendant toute la phase des investigations. C'est encore elle qui peut, sans contrôle du juge, contrairement à une idée fausse très répandue, décider d'une perquisition au domicile d'une personne qu'elle vient d'arrêter, même sans l'accord de cette personne.

Enfin, c'est la police qui décide, privilège déterminant pour la suite de la procédure, de l'opportunité de la poursuite de l'enquête. La police dispose ainsi d'un large pouvoir, celui de classer une affaire et de ne jamais en rendre compte à une autorité, judiciaire ou autre d'ailleurs.

C'est bien pour pallier ces défauts qu'a été institué, en 1985, au Royaume-Uni, le Crown Prosecution Service . Ce service, qui n'est saisi que des affaires que la police n'a pas classées, est composé de fonctionnaires. Il n'a rien à voir avec un parquet à la française. Il n'a pas le pouvoir initial de classement. En cela, il dépend de la police, ne la dirige pas et ne peut la dessaisir. Ces faiblesses sont d'ailleurs toujours soulignées en Grande-Bretagne, où le débat public sur ce point est, encore aujourd'hui, très ouvert.

En France, vous le savez, la mission de contrôle et de direction de la police judiciaire est confiée à un magistrat : soit le procureur de la République, comme le rappellent les articles 12 et suivants du code de procédure pénale, soit le juge d'instruction, comme le prévoient les articles 151 et suivants du même code.

En ce qui concerne le procureur de la République, la décision sur les suites des investigations, l'opportunité des poursuites, est exclusivement réservée à ce magistrat, en aucune manière à la police. Cette opportunité des poursuites s'exerce, bien évidemment, dans le cadre des directives de politique pénale adressées au parquet par le garde des sceaux.

C'est le magistrat, qu'il soit procureur ou juge d'instruction, qui dirige, chez nous, la police judiciaire et donne des instructions précises pendant les enquêtes sur le choix des investigations, sur les personnes à interpeller et celles à présenter. C'est le magistrat qui est avisé, dès le commencement, de la garde à vue, qu'il peut contrôler et à laquelle il peut mettre fin et dont il autorise la prolongation. Sans ce magistrat, la police ne peut voir aboutir ses investigations. C'est ce magistrat qui prend les décisions essentielles.

Je suis convaincue qu'au regard des libertés individuelles, des garanties personnelles, il est préférable que les orientations essentielles de l'enquête, dès son début et à tous ses stades, soient confiées à un magistrat. Pour une raison simple : son statut garantit au justiciable son impartialité.

Deuxième principe : le magistrat chargé de l'enquête doit être le juge d'instruction pour les affaires les plus importantes, les plus graves, les plus complexes.

Dans tous les pays, les affaires les plus délicates bénéficient d'une attention particulière. Nous n'échappons pas à cette règle. En France, le procureur est saisi, au départ, de l'ensemble des procédures, et c'est lui qui décide de confier les plus graves à un juge d'instruction.

On le voit, il existe une complémentarité forte, garantie essentielle des libertés, entre le parquet et le juge d'instruction. Cette dualité n'est pas source de confusion, comme je l'entends parfois dire. Au contraire, elle est une garantie supplémentaire pour les justiciables, puisqu'elle met en place une double clé, un double regard : l'un ne peut rien faire sans l'autre. Le procureur de la République saisit le juge d'instruction et, dès lors, ne conduit plus l'enquête. Le juge d'instruction conduit l'enquête sans pouvoir se saisir seul, ni étendre sa saisine sans acte du parquet.

Certains proposent de supprimer le juge d'instruction et de laisser au parquet, seul, la conduite de toutes les enquêtes, y compris dans les affaires les plus sensibles et les plus complexes. En quoi serait-ce une garantie supplémentaire ? J'estime qu'il serait moins protecteur des libertés individuelles de concentrer, dans les mêmes mains, le pouvoir de choisir les faits qui seront poursuivis et les modalités de cette poursuite, le pouvoir de déterminer le périmètre des investigations et celui de leur choix.

Une telle concentration des pouvoirs, de saisine et d'investigations, serait d'autant moins souhaitable que, en l'absence de vote de la réforme consitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature, les textes ne donnent pas aux procureurs les garanties de pouvoir mener leurs enquêtes sans pression du pouvoir politique.

Les magistrats du parquet demeurent, pour leur carrière, privés de garanties de nomination. Certes, la pratique que j'en ai montre, depuis deux ans et demi, que, dans les faits, ces garanties existent. Mais tant que les textes - la Constitution en particulier - ne consacreront pas cette pratique de non-intervention dans les affaires individuelles et de respect absolu des avis du Conseil supérieur de la magistrature, il est, à mes yeux, inconcevable de retirer la conduite des enquêtes graves ou complexes aux juges d'instruction pour la confier au parquet. Comment


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assurer les garanties dues aux justiciables quand la personne, qui décide des infractions retenues, des moyens de l'enquête et des suites qu'il convient de lui donner, n'a pas les garanties d'indépendance que requiert un tel pouvoir ? Mais, même si cette condition était remplie, même si la loi constitutionnelle était votée par le Congrès, le Gouvernement opterait résolument pour le maintien du juge d'instruction. Il s'agit d'un magistrat du siège indépendant. Il me semble sain pour notre démocratie que les procédures les plus lourdes soient confiées à un magistrat du siège, comme tel pleinement indépendant. Je le rappelle, il ne peut pas s'autosaisir, car il existe entre lui et le parquet un système de contrepoids et de double clé, qui est une garantie fondamentale pour le justiciable.

Mais quid des autres affaires, celles qui ne sont pas suivies par un juge d'instruction ? En France, comme ailleurs, une majorité d'enquêtes, en nombre sinon en importance, est conduite sans juge d'instruction. Dans ces affaires plus simples, où le suspect est renvoyé devant une juridiction de jugement, les garanties sont maintenues, car la mission du parquet est de saisir un magistrat du siège. Il ne peut jamais traiter une affaire seul. Pour conduire à son terme une affaire, le magistrat du parquet doit saisir une juridiction.

Dans les affaires simples, comme dans les affaires complexes, la dualité du parquet et des magistrats du siège présente une garantie pour le justiciable.

Je rappelle également que le projet de loi prévoit de nombreuses dispositions pour que, dans les affaires qui ne sont pas confiées au juge d'instruction, les droits des citoyens soient également améliorés : inscription dans un article préliminaire des principes fondamentaux de la procédure pénale, droit à la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue, contrôle de la durée des enquêtes préliminaires, égalité des armes à l'audience dans toutes les affaires, protection de l'image des personnes menottées. Voilà des garanties qui, juge d'instruction ou pas, sont offertes à tous les justiciables.

De surcroît, le parquet ne dispose pas, et cela me semble essentiel, contrairement à certaines procédures étrangères, du pouvoir de négocier la peine ou la qualification des faits. Ces deux éléments appartiennent, dans notre droit, aux seuls magistrats du siège. Ce sont eux qui décident librement de la peine et de la qualification retenue, sans marchandage préalable.

Certes, le parquet choisit les faits et le type de procédure, mais il ne choisit pas la peine. Cette séparation me semble fondamentale ; là aussi, les deux acteurs sont complémentaires et les garanties d'égalité de tous devant la justice plus fortes.

Cette dualité que je propose, loin d'être source de confusion, est, au contraire, une garantie supplémentaire, car ce dialogue entre les magistrats, parquet et siège, organise en fait des contre-pouvoirs qui s'équilibrent.

Troisième principe : l'enquête du juge d'instruction doit être encadrée par des règles très strictes qui, d'une part, donnent un plus grand rôle à la défense, d'autre part, confient à d'autres juges un pouvoir de contrôle des moments essentiels de l'enquête.

Le rôle de l'avocat est considérablement renforcé par le projet de loi. Certains auraient souhaité que l'avocat ait le même rôle que dans la procédure anglo-saxonne. Quel est ce rôle ? Le projet de loi augmente considérablement le rôle de l'avocat : présence accrue en garde à vue, possibilité de demander des actes au cours de la procédure.

Dans le système anglo-saxon, où l'enquête est confiée à la police qui établit l'accusation, il revient à la défense de mener une contre-enquête, les oppositions entre l'accusation et la défense se découvrant à l'audience. Ce système est - à mes yeux - trop inégalitaire : pour mener une contre-enquête de type privé, il faut d'importants moyens pour entrer en concurrence avec ceux de la police de l'Etat. Tous les justiciables ne disposent pas - loin de là de ces moyens.

Là encore, je crois que notre système procédural, à condition bien sûr de le perfectionner, est meilleur et plus protecteur des libertés que la procédure accusatoire.

En ce qui concerne la garde à vue par exemple, il convient de rappeler que, en Grande-Bretagne, la police doit permettre la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue. Mais, si elle estime que la présence de l'avocat est de nature à favoriser la destruction de preuves, elle peut la refuser quel que soit le type d'infraction. Je rappelle que notre projet de loi, au contraire, permet la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue et ne prévoit d'exceptions que dans un nombre limitativement énuméré de cas, prévus par la loi.

Le système que nous proposons est donc, là encore, - j'en suis pour ma part convaincue - plus protecteur en matière de garde à vue que d'autres systèmes pourtant souvent cités en exemple.

En ce qui concerne les investigations, deux options sont possibles : ou bien, dans la procédure accusatoire, accusation et défense s'affrontent devant un juge, qui doit les départager, ou bien, c'est notre système procédural, un magistrat instruit, au nom de l'Etat, à charge et à décharge.

Toute la question est évidemment de savoir si les juges d'instruction sont dans un système qui leur permet vraiment d'instruire à charge et à décharge. C'est pourquoi nous proposons de faire du juge d'instruction un juge arbitre impartial, en confrontant l'action de ce magistrat à d'autres juges, juge de la détention provisoire et chambre d'accusation, et en donnant aux avocats la possibilité de demander des actes d'instruction, ce qui n'est encore pas possible dans notre système actuel.

Une même personne peut-elle instruire à charge et à décharge ? Je comprends ceux qui se posent de telles questions.

Mais, personnellement, je crois que oui, c'est possible.

Les juges d'instruction peuvent le faire et les garanties que nous proposons les mettent en meilleure situation d'y parvenir. J'ai confiance dans la capacité des magistrats instructeurs à utiliser les nouvelles possibilités qui leur sont données pour instruire à charge et à décharge et se comporter en arbitres impartiaux.

Vous voyez donc les raisons pour lesquelles le Gouvernement a opté pour le maintien du cadre procédural français, tout en accroissant les garanties données aux citoyens tout au long de l'enquête, par un aménagement en profondeur de la procédure pénale. Je remarque d'ailleurs que le Parlement, en première lecture, dans ses deux chambres, a choisi de conforter notre système et je m'en réjouis.

Je viens de vous rappeler les choix essentiels qui m'ont conduite à élaborer ce projet de loi. Ces choix, je le répète découlent d'une réflexion sur les mérites respectifs des différentes procédures pénales, mais ils découlent aussi d'une analyse de la réalité du fonctionnement judiciaire et de la prise en compte de notre histoire, c'est-àdire de la possibilité pour les acteurs de s'impliquer dans


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la réussite et l'application de la réforme. Car je crois profondément qu'un texte, aussi bon soit-il, n'est rien sans l'adhésion de ceux qui ont vocation à l'appliquer.

Notre projet constitue donc une réforme profonde de la procédure pénale et conduira à des améliorations essentielles.

Je vais, après cette introduction, vous rappeler les grandes lignes du projet initial - que j'ai présenté en conseil des ministres le 16 septembre 1998 - en reprenant le déroulement logique de l'enquête, de l'arrestation jusqu'au jugement.

Les enquêtes préliminaires durent souvent trop longtemps. Par définition, elles sont conduites par la police sous le contrôle du parquet, sans les personnes en cause, de pouvoir accéder à la procédure ou d'intervenir sur sa durée. Il convenait donc de limiter la durée de ces enquêtes, dans lesquelles des personnes mises en cause et parfois livrées à l'opinion publique attendent des mois, quelquefois plus, avant de connaître les suites données à leur affaire. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité instaurer - c'est une première - un contrôle de la durée des enquêtes, assuré par le président du tribunal de grande instance, dans les mois qui suivent une mesure de garde à vue.

La garde à vue est une mesure grave qui est souvent la première atteinte à la présomption d'innocence. Je rappelle qu'elle concerne chaque année plus de 400 000 personnes. La loi du 4 janvier 1993 apportait déjà des améliorations en prévoyant la présence de l'avocat à la vingtième heure. Le Gouvernement a souhaité renforcer ce contrôle en autorisant l'avocat à prendre contact avec la personne retenue dès le début de la garde à vue.

S'agissant des droits des parties au cours de l'instruction, le déroulement de l'instruction est encore trop marqué par la procédure inquisitoire. En effet, les parties ne sont pas sur un pied d'égalité. Le parquet dispose du droit de demander au juge d'instruction tous les actes qu'il estime utiles. Le juge doit déférer à cette demande ou rendre une ordonnance susceptible d'appel. Les mis en examen et les victimes ne disposent pas des mêmes droits.

Il était nécessaire de donner l'égalité des armes à la défense et à l'accusation. C'est ainsi que le projet prévoit d'instaurer le droit, pour toutes les parties, de demander tous les actes utiles : perquisitions, auditions, reconstitutions, confrontations, expertises et transports sur les lieux.

Les règles de procédure en vigueur conduisent parfois le juge à prononcer une mise en examen alors qu'il pourrait entendre la personne sous un statut de témoin. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé la mise en place du statut de témoin assisté, c'est-à-dire accompagné de son avocat, qui aura accès au dossier, contrairement au simple témoin, pour permettre au juge de réserver la mise en examen aux cas où elle sera vraiment indispensable.

A propos de la détention provisoire, je rappellerai qu'il faut distinguer deux catégories de cas : d'une part, la détention provisoire procédant de la comparution immédiate, prononcée par une juridiction collégiale, pour une durée brève, de cinq jours en moyenne, concerne actuellement 600 détenus dans les prisons françaises ; d'autre part, la détention provisoire décidée par le juge d'instruction concerne vingt fois plus de personnes, 13 000, pour une durée moyenne vingt fois plus longue, un peu plus de quatre mois en moyenne. Le projet de loi initial traite de cette seconde détention provisoire. J'estime que la détention provisoire devrait être exceptionnelle - d'ailleurs, la loi le prévoit. En réalité, elle est prononcée trop souvent et elle dure trop longtemps. C'est pourquoi le projet initial propose la création d'un juge de la détention provisoire, qui décidera de celle-ci, sur proposition du juge d'instruction, mais aussi la réduction des cas permettant le placement en détention provisoire et la limitation de la durée de la détention provisoire, par des délais plus stricts en matière correctionnelle et par la mise en place de délais pour la détention criminelle, ce qui est nouveau.

Les dispositions relatives à la durée de l'instruction prévues dans le code de procédure pénale sont parcellaires et inefficaces. La durée moyenne actuelle, de seize mois, recouvre des réalités très différentes et certaines procédures peuvent durer plusieurs années, ce qui est d'autant plus choquant lorsque, au terme de ces années, certaines personnes se voient accorder un non-lieu. Le texte initial prévoit la mise en place d'un délai, fixé par le juge d'instruction lui-même, d'une durée maximale d'une année.

Passé ce délai, les parties pourront à tout moment saisir la chambre d'accusation pour qu'il soit statué sur la poursuite et la durée des investigations.

S'agissant de la publicité des procédures, le secret de l'instruction, prévu par l'article 11 du code de procédure pénale, a été instauré, à l'origine, pour protéger les pe rsonnes mises en cause. Je rappele ici qu'il s'agit d'un secret professionnel et non d'un secret absolu. Il s'applique uniquement aux magistrats et aux policiers pour garantir leur impartialité. En revanche, il n'est pas opposable aux parties ni aux journalistes. Dans une société de plus en plus médiatisée, il se heurte, à l'évidence, aux nécessités de l'information. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité permettre aux personnes mises en cause d'organiser, à leur initiative, la publicité autour de l'affaire qui les concerne. A cet effet, des « fenêtres » de publicité sont ouvertes à tous les stades de la procédure : au moment du contrôle de la durée de l'enquête préliminaire, au moment du placement en détention provisoire et dès que la chambre d'accusation est saisie, sur une détention, sur un délai ou sur une demande d'actes.

Pendant le déroulement de l'audience, les parties ne sont pas non plus à égalité. Alors que le parquet peut poser directement à tous les acteurs toutes les questions qui lui paraissent utiles, les prévenus et les victimes sont obligés de s'en remettre au président de la juridiction.

Désormais, les parties pourront poser leurs questions directement, sans l'intermédiaire du juge. Ces avancées, je le rappelle, concernent tous les justiciables, à tous les stades de la procédure. Elles démontrent la volonté d'une réforme profonde et globale.

Enfin, j'en viens au renforcement du droit des victimes. Le projet initial propose également, en la matière, des avancées importantes dans trois directions : faire une place plus large aux victimes dans le procès pénal, en facilitant notamment l'accès au procès et les modalités de représentation ; renforcer la dignité des victimes, par la c réation d'une infraction spécifique ; améliorer leur indemnisation.

Après avoir rappelé les dispositions du projet initial, je reviendrai sur les modifications intervenues au cours des débats parlementaires : les améliorations apportées en première lecture, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ; les amendements qui ont été adoptés en première lecture mais qui m'ont paru inacceptables ; enfin, les amendements déposés à l'occasion de cette deuxième lecture.

Quelles ont été les améliorations apportées en première lecture par les deux assemblées ?


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A l'Assemblée nationale, comme je l'ai indiqué, des dispositions essentielles ont été adoptées en faveur des victimes. Elles tendent à intégrer dans le projet de loi les propositions formulées dans le rapport Lienemann. Je pense qu'il s'agit là par rapport au projet initial de la principale innovation enregistrée en première lecture.

La première lecture à l'Assemblée nationale a permis également d'engager un débat fructueux sur la détention provisoire, notamment sur ses critères et sa durée, ainsi que sur l'appel en cour d'assises, que j'ai déjà évoqué tout à l'heure.

Pour ce qui concerne le Sénat, je retiens essentiellement les débats qui ont porté sur la mise en examen et sur le témoin assisté, ainsi que l'amendement sur le principe de l'appel tournant des verdicts des cours d'assises.

Sur beaucoup de points importants, un accord est d'ores et déjà intervenu entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

Les dispositions acquises concernent en premier lieu la garde à vue. Ont en effet été votés en termes conformes les articles qui prévoient l'intervention de l'avocat en garde à vue à la première puis à la vingtième heure apport de l'Assemblée nationale -, ceux qui prévoient la suppression de la garde à vue des simples témoins et ceux qui instituent la notification du droit au silence.

Les principales dispositions concernant les droits des parties ont également été votées conformes.

Un accord de principe est aussi intervenu sur ma proposition de création d'un juge de la détention provisoire, même si un différend mineur demeure entre les deux assemblées, à propos de sa dénomination.

La plupart des dispositions destinées à assurer le respect du principe du délai raisonnable, comme celles instituant le contrôle de la durée des enquêtes préliminaires, le calendrier prévisionnel de l'instruction, les délais d'audiencement en matière correctionnelle et criminelle, sont acquises dans leur principe.

En ce qui concerne les dispositions en matière de communication, sont votés conformes les articles qui obligent les escortes à prendre les précautions nécessaires pour éviter que des personnes menottées soient photographiées, qui prévoient l'appel suspensif des référés en matière de presse, qui réglementent les communiqués du parquet et qui - sous réserve de différences de détail instituent des fenêtres de publicité.

Enfin, quoi que des divergences d'ordre technique our édactionnel demeurent, les principales dispositions concernant les victimes, ajoutées au projet à l'initiative de votre rapporteur, ont fait l'objet d'un accord de fond.

Pour conclure sur ces points de consensus, je souligne l'ampleur des débats qui ont permis d'y parvenir.

En première lecture, à l'Assemblée nationale, quatrevingts amendements de votre commission des lois et de députés de la majorité ont été adoptés avec l'accord du G ouvernement, quinze amendements de l'opposition l'ont été dans les mêmes conditions ; par ailleurs, le Gouvernement a déposé trente amendements.

Au Sénat, ce sont quarante-sept amendements de la commission des lois et de sénateurs de droite qui ont été a doptés avec l'accord du Gouvernement, alors que quinze amendement de sénateurs de gauche étaient adoptés de la même manière ; dans le même temps, le Gouvernement déposait vingt amendements.

Ainsi, les premières lectures ont permis la discussion et l'adoption, avec l'accord du Gouvernement, de 207 amendements. Je veux y voir non seulement le signe de la qualité des débats, mais aussi celui de l'esprit d'ouverture de chacun.

Ces débats m'ont conduite à faire de nouvelles propositions en vue de la deuxième lecture. En revanche, certaines dispositions adoptées en première lecture, notamment au Sénat, me paraissent inacceptables. Je vais maintenant vous dire brièvement lesquelles. La commission propose d'ailleurs de les supprimer, et je l'approuve.

Je pense, en premier lieu, à plusieurs dispositions de nature à porter gravement atteinte à la liberté de la presse, comme celles qui aggravent les peines en cas de diffamation ou celles qui portent de trois mois à trois ans la prescription en matière de presse.

Je pense, en second lieu, aux dispositions dont l'objet est de créer des privilèges particuliers en faveur de certaines catégories de personnes, notamment des décideurs publics : celles qui rétablissent ou instituent une garantie personnelle des fonctionnaires ou des élus ; celles qui subordonnent les poursuites pénales engagées à l'encontre des élus à une autorisation du juge administratif ; celles qui rétablissent la délocalisation systématique des procès d'élus.

Evidemment, la question de la responsabilité pénale des décideurs publics, notamment pour des délits non intentionnels, soulève actuellement de vives discussions.

Celles-ci m'ont d'ailleurs conduite à demander, dès le mois de juillet 1999, à un groupe de travail présidé par M. Massot de me faire des propositions sur le sujet, et son rapport m'a été remis en décembre dernier.

Le Premier ministre a posé le principe que l'institution de règles de procédure spécifiques aux décideurs publics n'était pas acceptable, car elle porterait atteinte au principe d'égalité. Aussi le Gouvernement a-t-il accepté l'approche de la proposition de loi sénatoriale, déposée par M. Fauchon, qui porte sur la définition des infractions non intentionnelles. Cette proposition a été adoptée par le Sénat, en première lecture, il y a trois semaines. Il faudra certainement revenir sur certaines dispositions, mais en tout cas, cette proposition de loi présente le mérite de garantir l'égalité entre tous les justiciables.

J'en viens maintenant aux amendements déposés à l'occasion de cette seconde lecture et aux améliorations qui pourront ainsi être encore apportées au projet de loi.

Ces améliorations proviennent de trois séries d'initiatives conjointes et simultanées. La première série correspond aux initiatives que j'ai prises après avoir conduit une réflexion et une concertation depuis les premières lectures. La seconde correspond aux propositions de votre commission, qui sont les bienvenues, je l'ai déjà dit. La troisième, que je qualifierai de mixte, correspond à des p ropositions conjointes du Gouvernement et de la commission.

Je commencerai par les améliorations proposées par le Gouvernement.

C onformément aux engagements que j'avais pris, notamment dans la lettre que j'ai adressée à l'ensemble des parlementaires, le 13 décembre dernier, j'ai déposé plusieurs amendements, qui concernent essentiellement trois questions très importantes : la mise en examen, la protection de la dignité des personnes et la durée des instructions.

Actuellement, la mise en examen peut intervenir dès lors qu'il existe de simples indices laissant présumer la culpabilité d'une personne, et elle peut résulter du simple


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envoi d'une lettre recommandée. Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante ; sur tous les bancs, beaucoup se sont fait l'écho de ce point de vue.

Il faut limiter la mise en examen aux cas où elle est vraiment nécessaire et la faire précéder d'un débat contradictoire. Je propose par conséquent de poser les principes suivants, qui seront clairement exposés dans l'article 80-1 du code de procédure pénale.

Premier principe : il convient de prolonger la réflexion initiée par votre assemblée qui, en première lecture, a subordonné la mise en examen à la découverte d'indices

« précis », puis reprise par le Sénat, qui a exigé des indices

« graves ou concordants ». Le juge d'instruction ne pourra plus mettre en examen que les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants « rendant vraisemblable » la culpabilité de la personne. Cette formulation me paraît, à cet égard, préférable au texte actuel, qui parle d'indices « laissant présumer » cette culpabilité, ce qui est contradictoire avec le fait que la personne est

« présumée innocente ».

Deuxième principe : le juge d'instruction ne pourra procéder à une mise en examen sans organiser un débat contradictoire en présence de l'avocat de la personne mise en cause, qui aura pu accéder à la procédure. Le juge indiquera, à l'issue de ce débat s'il décide de mettre en examen la personne ou bien de l'entendre, soit comme témoin assisté, soit comme simple témoin.

Troisième principe : la mise en examen ne devra intervenir que si le recours à la procédure de témoin assisté n'est pas possible. Il en résulte que le juge d'instruction, après avoir entendu les observations de la personne et de son avocat, devra soit lui donner la qualité de témoin assisté, soit, s'il n'a pas été convaincu par ses observations, la mettre en examen.

Dans mon courrier du 13 décembre dernier, j'avais aussi indiqué que j'engageais une réflexion sur la mise en place d'un statut de « déclarant volontaire », qui permettrait à une personne autour de laquelle des investigations se multiplient de demander au juge d'instruction de l'entendre. J'ai préparé un amendement en ce sens. Je ne l'ai pas déposé, car je souhaite poursuivre les consultat ions. Je serai évidemment très intéressée par vos remarques à ce sujet.

Les dispositions du projet initial sanctionnant la diffusion de l'image d'une personne menottée ou de la représentation d'un crime ou d'un délit portant atteinte à la dignité de la victime, ont suscité, nous le savons, des inquiétudes parmi les journalistes, les photographes et les organes de presse.

Je rappelle à nouveau que je suis fermement opposée à tout forme d'atteinte à la liberté de la presse. C'est pourquoi, pour dissiper toute ambiguité et pour éviter de possibles abus, j'ai déposé plusieurs amendements qui définissent plus rigoureusement la portée des nouvelles incriminations.

En premier lieu, la diffusion de telles images ne constituera désormais un délit que si le consentement de l'intéressé n'a pas été obtenu. Si la personne menottée accepte ou souhaite la diffusion de son image - par exemple pour revendiquer la commission des actes qui lui sont reprochés - ou si la victime estime que la diffusion de l'image du crime permettra de témoigner de son malheur, aucun délit ne sera constitué.

En second lieu, et cette règle prolonge les modifications précédentes, les poursuites ne pourront être engagées que sur la plainte de la personne.

Ces garanties me paraissent ainsi mieux concilier la protection de la réputation ou de la dignité des personnes et la liberté de la presse.

Concernant la durée des instructions, j'ai déposé un amendement de nature à apporter des améliorations.

Votre assemblée a déjà voté un texte sur ce sujet. Il m'est apparu nécessaire de le renforcer. Aussi, je vous propose, au-delà de deux ans de durée de l'instruction, de rendre obligatoire pour le juge d'instruction, même en l'absence de demande des parties, la rédaction d'une ordonnance motivée au regard des conditions issues de la Convention européenne des droits de l'homme. Des amendements proches ont été déposés par votre commission sur ce point et je ne doute pas que les débats nous permettent d'aboutir.

Avant d'évoquer les améliorations proposées par votre commission, je souhaite vous dire que je partage le souci que certains d'entre vous ont manifesté, et dont je me suis entretenue avec Jack Lang, de voir la France traduire en droit interne les conséquences des condamnations prononcées à son encontre par la Cour de Strasbourg. Il est juste d'envisager par quels moyens une procédure entachée d'une violation de la Convention européenne des droits de l'homme pourrait être examinée à nouveau. Mes services travaillent à l'examen de cette importante question et je ferai prochainement des propositions tenant compte des préoccupations que je viens d'évoquer.

J'en viens maintenant aux améliorations résultant des propositions de la commission des lois.

J'approuve les amendements de votre commission qui visent à étendre et à préciser le statut du témoin assisté

Comme je l'ai précisé, ils vont dans le sens de mes préoccupations. En particulier, je crois très utile de donner au témoin assisté des droits étendus - assistance d'un avocat, accès au dossier, possibilité de demander d'être confronté avec ses accusateurs -, mais plus limités que ceux du mis en examen. Il convient en effet de distinguer clairement les deux statuts, sinon le recours à la procédure de témoin assisté risque de perdre de son intérêt.

Sur la question de la détention provisoire, votre commission propose de rétablir la dénomination du juge de la détention provisoire, qui avait été supprimée par le Sénat. J'approuve ce retour aux texte initial.

Votre commission améliore également le texte sur de nombreux points, qui reçoivent l'accord du Gouvernement, même si cet accord est parfois subordonné à certains aménagements.

Premier point, votre commission propose que le juge de la détention, s'il ne s'agit pas du président du tribunal, puisse également se voir confier par le président certaines prérogatives de ce dernier en matière de procédure pénale - contrôle des perquisitions et des enquêtes -, de procédure « para »-pénale - perquisitions douanières ou fiscales - ou en matière de contrôle de la rétention administrative des étrangers ou de l'internement des personnes atteintes de troubles mentaux. C'est, je crois, une précision qui sera très utile notamment dans les grosses juridictions. J'y suis favorable, car elle ne modifie pas les attributions des différents acteurs dans la procédure : président du tribunal, procureur de la République, juge d'instruction et juge de la détention provisoire.

Second point, votre commission précise très clairement les conditions dans lesquelles le juge de la détention doit ou non statuer après un débat contradictoire, et doit ou non rendre une ordonnance motivée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Troisième point, votre commission élève les seuils de peine au-dessus desquels le placement en détention est interdit. Elle les fixe à trois ans d'emprisonnement en matière correctionnelle, suivant en cela la proposition du Sénat qui avait mon accord. Elle élève ce seuil à cinq ans pour les délits contre les biens, ce qui recueille également mon accord dès lors que les infractions financières comme les abus de biens sociaux ne sont pas concernées et permettent toujours la détention provisoire.

Reste à préciser l'application de ces seuils aux mineurs dès lors que l'ordonnance de 1945 sur la délinquance juvénile prévoit de diviser par deux les peines encourues par les mineurs. Pour qu'il ne persiste aucun flou juridique sur ce sujet, le Gouvernement souhaite indiquer que, pour la détermination des seuils de placement en détention provisoire, la peine prise en compte doit être celle prévue par le code pénal et non celle qui peut être prononcée par les juridictions de jugement du fait de la minorité, cause légale de réduction de la peine. Ce point a fait l'objet de nombreuses discussions entre votre rapporteur et moi-même, mais il me paraissait essentiel de le préciser.

Quatrième point, votre commission propose de limiter la durée de la détention provisoire à deux ans en matière correctionnelle et à trois ou quatre ans en matière criminelle. Le Gouvernement accepte cette position.

Je m'expliquerai, lors des débats, sur la proposition de votre commission concernant l'utilisation du placement sous surveillance électronique pour les prévenus. Je considère que le bracelet électronique doit remplacer la prison et non pas constituer une mesure de contrainte supplémentaire pour une personne en liberté. J'avais donc envisagé jusqu'à présent l'utilisation du bracelet électronique seulement pour les détenus en fin de peine libérés de façon conditionnelle. Votre commission a posé la question du bracelet électronique pour les prévenus, c'est-àdire non pas pour ceux qui ont fini leur temps de prison, mais pour ceux qui vont y entrer, notamment du fait de la détention provisoire.

Au cours des discussions que nous avons eues, j'ai souhaité faire des remarques précises sur la rédaction envisagée initialement. Il convient, en effet, de s'assurer que cette disposition est bien une substitution à la détention provisoire...

M. Pierre Albertini.

C'est mieux comme ça !

Mme la garde des sceaux.

... et non une forme de privation de liberté venant mordre sur la liberté. Vous avez tenu compte de mes remarques sur ce point. Je m'expliquerai également sur la situation au regard de la détention des parents isolés en charge d'un enfant de moins de dix ans, point sur lequel des amendements sont proposés.

Votre commission propose, par ailleurs, d'instituer l'enregistrement sonore des interrogatoires des personnes gardées à vue. Je suis, bien évidemment, totalement favorable à toutes les dispositions qui pourront permettre un meilleur contrôle des gardes à vue. Chacun se rappelle que la France a été récemment condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour des faits de violence commis sur la personne d'un gardé à vue. Ces faits ne sont pas acceptables dans une démocratie.

L'amendement propose un enregistrement audio des interrogatoires en garde à vue et je souhaite attirer l'attention de l'Assemblée sur la nécessité de bien préciser l'objectif poursuivi : - ou l'objectif est la protection de la personne gardée à vue, et seul l'enregistrement continu, vidéo, de la garde à vue serait de nature à l'atteindre ; - ou l'objectif est de certifier les déclarations du gardé à vue, notamment par rapport au procès-verbal de son audition, et alors il convient de préciser le statut de cet enregistrement au regard de la procédure ultérieure et de bien mesurer les conséquences pour l'intéressé de la lecture à l'audience de l'aveu enregistré.

J'en viens maintenant aux améliorations proposées à la fois par la commission et le Gouvernement. Sur plusieurs points le Gouvernement et votre rapporteure, ainsi que les membres du groupe socialiste siégeant à la commission des lois, ont déposé des amendements identiques, ce qui montre, s'il en était besoin, la communauté de vues qui existe sur la réforme de la procédure pénale au sein de la majorité. Par ailleurs, des amendements ont été déposés par votre rapporteure, qui vont dans le sens de mes préoccupations et qui anticipent des réformes que j'ai engagées. Je veux notamment parler de la « juridictionalisation » de l'application des peines.

Je reviendrai d'abord brièvement sur l'amendement conjoint du Gouvernement et de la commission relatif au double examen des affaires d'assises. Dès octobre 1997, j'avais annoncé en conseil des ministres mon intention de procéder à une telle réforme. Je considère en effet que l'absence de recours des décisions des cours d'assises constitue aujourd'hui un véritable anachronisme et que notre droit doit être modifié sur ce point. Toutefois, une telle réforme ne s'improvise pas, en raison tant de sa complexité juridique que des moyens qu'elle exige. C'est pourquoi, depuis plus de deux ans, j'ai demandé à mes services de réfléchir de façon appronfondie aux différents scénarios envisageables et à leur coût respectif. J'ai d'ailleurs adressé aux parlementaires intéressés un document de synthèse sur cette question, proposant plusieurs voies.

Les trois budgets que vous avez adoptés et le renforcement des cours d'appel par cent magistrats recrutés grâce aux concours exceptionnels que vous avez votés, permettent d'affecter des postes de magistrats à cette réforme. Lors de l'examen du projet de loi, en juin dernier, le Sénat a voté un amendement instituant le principe d'un appel tournant des décisions des cours d'assises.

Aujourd'hui, je vous propose le dispositif complet de cet appel tournant. L'objectif de cette réforme se résume en une phrase : donner aux personnes condamnées pour crime le droit à une seconde chance.

Il faut aussi apporter des garanties aux décisions des juges de l'application des peines. C'est l'objet d'un amendement de la commission avec lequel je suis tout à fait d'accord. Aujourd'hui, les décisions du juge de l'application des peines prêtent à des controverses sur leur nature administrative ou judiciaire. Avec l'amendement que votre rapporteure a proposé, les décisions du juge seront entourées des trois garanties propres au procès judiciaire : le débat contradictoire, la motivation des décisions et l'appel devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel. Je reviendrai sur ce sujet en détail au moment de la discussion de cet amendement, car ces préoccupations m'avaient conduite à demander un rapport sur ce sujet à une commission présidée par M. Farge, conseiller à la Cour de cassation.

Avant de terminer mon intervention, je souhaite rappeler mon engagement de ne pas mettre en oeuvre de réforme sans moyens. Les trois budgets 1998, 1999, 2000 que vous avez votés, et je vous en remercie, ont permis de créer 422 postes de magistrat, soit autant que dans les dix années qui ont précédé 1997.


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Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Ça c'est un changement !

Mme la garde des sceaux.

Avant même que la loi soit votée, 100 postes ont été prévus pour les fonctions de juge de la détention provisoire. Ces créations de postes se sont accompagnées d'une augmentation de 14 % des crédits, soit 3,4 milliards de francs.

Je souhaite, à la fin de ce propos, remercier Christine Lazerges, votre rapporteure, qui a fourni un travail considérable, dans l'esprit du projet, pour apporter des améliorations significatives. Elle a su trouver, sur la plupart des sujets, un équilibre entre de nombreuses propositions parfois difficilement conciliables. Je remercie également la commission des lois, notamment sa présidente Catherine Tasca, dont l'investissement personnel a été l'une des clés essentielles, depuis plusieurs mois, des progrès obtenus au cours de vos travaux.

Nous instituons ensemble une grande réforme qui a pporte aux justiciables des protections jusqu'ici inconnues. Evidemment, nous sommes tous conscients qu'il n'existe pas de procédure pénale idéale, car chaque procédure pénale doit réaliser l'équilibre entre la protection des droits des justiciables et l'efficacité de l'enquête.

Comme toutes les grandes réformes, celle-ci dépendra d'abord et avant tout de l'implication des acteurs qui sont chargés de la faire fonctionner, des magistrats bien sûr, en particulier du juge d'instruction placé désormais par les textes en position d'arbitre impartial et qui devra réellement instruire à charge et à décharge, et tout autant des avocats sur qui pèsent des responsabilités accrues, notamment dans le déroulement de l'enquête et du contrôle de la garde à vue.

Avec ce texte, nous contribuons à l'élaboration d'un nouveau modèle européen qui résultera du rapprochement des procédures pénales de type accusatoire et inquisitoire, rapprochement qui est certain puisque nous savons qu'aucune de ces procédures n'existe à l'état pur.

Ce texte nous permet d'introduire les éléments positifs de la procédure accusatoire - plus de défense et de contradictoire - alors même que nous savons que dans les pays anglo-saxons et dans les grands textes internationaux - je pense à la Cour pénale internationale - sont introduits des éléments de notre procédure inquisitoire.

Je pense que nous pouvons nous féliciter du travail collectif accompli depuis maintenant un an et demi, qui a abouti à cette deuxième lecture et constitue une nouvelle étape pour l'amélioration de ce texte. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, comme je vous l'ai annoncé, je vais maintenant suspendre la séance pendant une demi-heure environ.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici revenus à la réforme de la justice, par-delà les récents aléas politiques, ou plutôt politiciens. Cette réforme mérite mieux que cela. Il est temps, pour l'ensemble des députés, de s'y attacher réellement, sans arrière-pensée, comme nous y invite aujourd'hui le Gouvernement et, en particulier, la garde des sceaux. Je salue la ténacité, le courage et la détermination de cette dernière et je tiens à lui dire ma reconnaissance pour la collaboration et le dialogue permanent qui ont pu s'instaurer depuis maintenant près de deux ans autour de cette réforme.

Cette réforme de la justice, qu'elle est-elle ? Elle a un premier volet qui s'est concrétisé par deux lois : la loi du 18 décembre 1998 sur l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits et la loi du 23 juin 1999 offrant des alternatives aux poursuites pénales proprement dites.

La procédure pénale, sa modernisation et son amélioration, et l'on peut dire sa transformation profonde, tel est précisément l'objet du deuxième volet de la réforme, du grand volet qui vient aujourd'hui en seconde lecture devant notre assemblée.

Après la justice au service des citoyens, c'est la justice au service des libertés qui est en jeu à travers ce projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Je ne vous rappellerai pas le calendrier qui, de bout en bout, a été tenu. Ce fut d'abord la première lecture à l'Assemblée nationale en mars 1999, et c'est aujourd'hui, comme prévu, la deuxième lecture.

On constate que la présomption d'innocence est trop souvent bafouée, la place des victimes trop souvent ignorée, la justice trop souvent critiquable par sa longueur et ses insuffisances. Traduction récente de cet état, avec les limites inhérentes à l'exercice, un récent sondage indique que 56 % des Français sont peu confiants dans leur justice. Faut-il se consoler en voyant que nos concitoyens sont encore moins confiants à l'égard du Parlement ? Sans doute pas.

Face à cela, il convient de restaurer la confiance, notamment en revenant avec force aux sources de la procédure pénale, comme l'indiquait tout à l'heure Mme la ministre, dans une perspective réaliste et pratique : la liberté est le principe, l'innocence est présumée, la justice est au service de tous les hommes. Ce sont bien ces impératifs qui sont à l'oeuvre dans le texte proposé, amendé en première lecture, puis en deuxième lecture, pour l'essentiel à l'unanimité, par notre commission.

Premièrement, du point de vue procédural, le texte qui nous est soumis fait clairement entrer dans la phase de l'enquête et dans celle de l'instruction le contradictoire - « l'égalité des armes », selon la Convention européenne des droits de l'homme. Oublions la vaine querelle « théologique » entre système accusatoire et système inquisitoire ; seul importe le fait de savoir si la pluralité des points de vue peut s'exprimer sans nuire à l'efficacité de la procédure. La réponse apportée par le texte est affirmative. Dans cette perspective, le renforcement du « témoin assisté » est déterminant.

Le statut de témoin assisté, c'est-à-dire le statut d'une personne qui fait l'objet d'une accusation de la part d'un tiers, doit devenir la norme lorsqu'il n'existe pas d'éléments suffisants pour procéder à une mise en examen. Le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat en sont d'accord. Pouvant être obtenu de droit, ce statut permet d'avoir accès à l'ensemble des éléments du dossier et de bénéficier de certains droits au cours de la procédure,


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comme celui d'être confronté à son accusateur. Cela a de nombreux avantages, sur lesquels nous insisterons lors du débat.

En outre, le contradictoire, introduit de façon plus sensible, plus forte pendant tout le déroulement du procès, se lit dans la place faite aux droits de la victime.

Informée systématiquement de ses droits à indemnisation, celle-ci pourra se constituer partie civile - cette disposition a déjà été adoptée en première lecture - de faç on radicalement simplifiée, par lettre recommandée ou par télécopie. De même avons-nous donné plus de force aux associations qui soutiennent et informent les victimes, et dont la France est maintenant maillée.

Deuxièmement, l'encadrement des atteintes à la liberté d'aller et venir s'est considérablement renforcé au fil de la navette parlementaire. Il faut enfin restituer à la privation de la liberté son caractère exceptionnel, sans nier pour autant son caractère parfois absolument nécessaire. Dans cette logique, la garde à vue sera limitée aux seuls suspects, à l'exclusion des témoins. C'est la concrétisation d'une échelle d'innocence simple et claire : le témoin et totalement, simplement innocent ; le suspect, le témoin assisté et le mis en examen sont présumés innocents. De plus, des garanties sont apportées au déroulement de la garde à vue. Vous les connaissez. C'est l'intervention d'un avocat à plusieurs reprises. C'est l'enregistrement des auditions, proposé à l'unanimité par la commission des lois à l'occasion de cette deuxième lecture.

Un autre aspect est fondamental : les mesures de détention provisoire seront doublement limitées. Elles ne pourront intervenir qu'à partir d'un certain seuil de peine : trois ans ou cinq ans pour les infractions contre les biens punies par le livre III du code pénal. La durée de la détention provisoire ne pourra, si vous l'acceptez, dépasser une limite préfixe de deux ans en matière correctionnelle et de quatre ans en matière criminelle. Il s'agit d'un progrès considérable, là encore acquis à l'unanimité en commission des lois.

Je ne reviens pas sur le placement en détention provisoire, qui a fait l'objet d'acquis considérables dès la première lecture, avec l'instauration du juge de la détention provisoire, distinct du juge chargé de l'instruction. Il est en outre proposé par notre commission, et cela me semble important, d'élargir la mission de ce juge de la détention au contrôle d'actes aujourd'hui confié au président du tribunal de grande instance : perquisition dans un cabinet d'avocat, prolongation de la garde à vue en matière de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, contrôle de la durée de l'enquête préliminaire, etc. Dans la plupart des tribunaux, le président même du tribunal de grande instance pourrait être ce juge. L'importance et le caractère sensible des mesures en cause sont bien la marque que le juge de la détention est destiné à devenir une pièce maîtresse dans la défense des libertés et dans la recherche de la vérité.

Par ailleurs, est posé le principe d'un détenu par cellule, en détention provisoire. Il va de soi que cela implique des moyens considérables. Nous veillerons à ce que ces moyens puissent être mis en place.

La reconnaissance est acquise du fait qu'un passage en prison est extrêmement grave, d'où l'indemnisation de la détention provisoire dite abusive en cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Une juridiction est créée à cet effet. En pratique, le premier président de la cour d'appel sera compétent - si vous en êtes d'accord - avec appel possible devant la Cour de cassation. Espérons que la jurisprudence sera généreuse en ce domaine. La dignité des personnes et la démocratie ne pourront qu'en sortir renforcées.

La « judiciarisation des peines », souhaitée par le Gouvernement et par le Parlement, parachève ce dispositif.

Ainsi, les décisions prises par le juge de l'application des peines sortent de la sphère administrative et deviennent des décisions de justice susceptibles d'appel. N'est-il pas normal que, lorsque l'on vous refuse une semi-liberté ou une libération conditionnelle, vous puissiez faire appel ? Troisièmement, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable marque un tournant majeur, rendu au surplus nécessaire par la Convention européenne des droits de l'homme. Pour les affaires ne faisant pas l'objet d'une instruction - soit la très grande majorité -, on doit relever que l'appel en matière de comparution immédiate devra être dorénavant jugé dans un délai de deux mois, que la détention provisoire ne pourra durer plus d'un mois et que l'appel devra être prononcé dans un délai de deux mois. Ce dispositif - ainsi que d'autres dispositifs sur lesquels je ne reviens pas - permet raisonnablement de lutter contre l'inertie aux effets dévastateurs en matière pénale, tout en conservant la souplesse nécessitée par la complexité et la lourdeur des instructions.

Quatrièmement, les rapports entre la présomption d'innocence et la liberté d'expression ont été clarifiés depuis la première lecture du texte. Le secret de l'instruction, en dépit de sa trop fréquente violation, doit demeurer comme une barrière symbolique. Mme la garde des sceaux a rappelé que le secret de l'instruction n'était ni plus ni moins, et nous en sommes tous d'accord, que le secret professionnel auquel sont astreints les magistrats et tous ceux qui concourent à la procédure. Il ne faut donc pas être étonné qu'en un temps où les médias, à juste titre d'ailleurs, ont un grand pouvoir, certains éléments de l'instruction transparaissent dans la presse. Nous avons pris soin de limiter la portée des nouvelles infractions créées en première lecture en subordonnant, dans un souci d'équilibre et de réalisme, les poursuites à la plainte des victimes elles-mêmes.

Cinquièmement, c'est le dernier aspect, et non des moindres, l'appel des décisions de cour d'assises, sur lequel nous reviendrons longuement au cours des débats, constitue une révolution. Maintenant, les cours d'assises entrent dans le droit commun. Depuis des décennies, lequel d'entre nous, praticien parlementaire ou universitaire n'a pas souhaité que toute personne condamnée puisse faire examiner sa condamnation par une autre juridiction, comme l'exige la Convention européenne des droits de l'homme ? Nous serions peu logiques de ne pas l'admettre puisque, dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, nous introduisons un tel droit.

A l'initiative du Parlement, du Sénat puis de l'Assemblée nationale, et du Gouvernement, la France va donc rejoindre la norme européenne. Elle est aujourd'hui un des seuls Etats membres de l'Union européenne à ignorer l'appel des décisions de cours d'assises. Dans le débat, nous reviendrons longuement sur cette réforme capitale introduite en deuxième lecture.

Un fort bon projet est donc devenu, madame la garde des sceaux, un excellent texte grâce à un dialogue permanent entre vous-même, les services de la Chancellerie et les députés impliqués. Notre travail marque aujourd'hui une avancée considérable dans le concept même de procès pénal avec les garanties qui l'accompagnent. En amont, le procès pénal commence aujourd'hui dès la garde à vue qui sort définitivement d'une zone d'ombre.

En aval, il ne s'achève qu'avec le terme de l'exécution des


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peines, si importante ; car, lors de cette ultime phase, qui d evient juridictionnelle, se joue la réinsertion du condamné.

C'est ce gouvernement, c'est ce Parlement qui aura non pas une nouvelle fois rapiécé la procédure pénale, mais l'aura revisitée de part en part. Il s'agit bien d'une étape essentielle dont les justiciables nous sauront gré, qu'ils soient témoin, suspect, témoin assisté, mis en examen, condamné, relaxé, acquitté ou victime. Il reste à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à sa réussite, comme c'est d'ailleurs prévu et comme nous nous y emploierons.

Sans désarmer la répression, les libertés sont garanties.

Sans nier les exigences de la procédure et la difficulté du travail des magistrats auxquels nous devons rendre hommage, le respect de la présomption d'innocence et le souci des victimes sont réaffirmés avec force.

Il s'agit bien d'un grand texte de procédure pénale, d'un grand texte pour les libertés, d'un très grand second volet de la réforme de la justice.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Nous abordons la discussion générale.

J'invite chacun des orateurs à respecter le temps de parole qui lui a été imparti.

La parole est à M. Philippe Houillon, premier orateur inscrit.

M. Philippe Houillon.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte sur la présomption d'innocence nous revient donc en deuxième lecture après avoir été considérablement modifié, non seulement, bien sûr, à la suite de son examen par le Sénat, mais surtout après l'adoption de nombreux amendements de parlementaires de la majorité.

Il est remarquable que ces nouvelles orientations, même si elles restent encore trop souvent à mi-chemin, aient été inspirées par les suggestions de l'opposition en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat. Son important travail de pédagogie en faveur de règles plus conformes à une conception moderne de la justice pénale et à la pratique européenne a porté ses fruits.

Je pense, par exemple, à l'emprisonnement individuel, dont vous nous disiez, madame le garde des sceaux, qu'il était inapplicable, à l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue auquel vous étiez défavorable sur le fond et en raison des moyens à mettre en oeuvre. A cet égard, et bien que vous ayant écouté très attentivement tout à l'heure, je n'ai pas très bien compris quelle était votre position actuelle sur ce point. J'ai cru comprendre qu'elle était un peu moins défavorable qu'on pouvait le supposer après vos déclarations en première lecture.

Je pense aussi au relèvement des seuils des peines encourues pour la mise en détention provisoire auquel vous vous opposiez, à l'abandon du critère de trouble à l'ordre public pour une prolongation de détention, à l'encadrement du délai raisonnable, à la création d'un recours contre les décisions de Cours d'assises, à l'encadrement de la détention provisoire ou encore à l'accélération de la durée des instructions que nous souhaitions.

S'agissant du coeur même du problème, c'est-à-dire l'atteinte à la présomption d'innocence en raison de mises en examen ressenties dans l'opinion comme une véritable déclaration de culpabilité avant un jugement souvent trop lointain, nous suggérions une solution concrète consistant à rapprocher autant que faire se peut le temps judiciaire du temps médiatique en rapprochant la mise en examen, la mise en accusation - soit le moment où des charges suffisantes sont réunies - de l'audience de jugement, publique et contradictoire.

Je constate que la majorité a été sensible à la pertinence de ce point de vue puisque, tout en restant encore timide sur cette logique moderne, elle a compris qu'il fallait privilégier le statut de témoin assisté et restreindre les conditions de mise en examen, ressentie maintenant comme correspondant à une phase plus terminale de la procédure d'instruction. Mais puisque ce système n'est pas encadré par des propositions de la commission, nous verrons quelle sera la pratique ; nous espérons qu'elle sera conforme à nos souhaits.

Au total, si le texte est voté en l'état des travaux de notre commission des lois, il constituera clairement à la fois un réel progrès par rapport au projet initial du Gouvernement, et donc pour la présomption d'innocence, une victoire du Parlement et du travail législatif - ce qui est suffisamment rare pour être souligné - et, ce qui n'est pas moins rare, une reconnaissance par la majorité de l'évidente pertinence des thèses que nous avions précédemment défendues.

M. Alain Tourret.

En effet !

M. Philippe Houillon.

Je vous remercie, monsieur Tourret, pour votre accord.

Je crains toutefois que des considérations d'ordre politique ne soient pas totalement étrangères à ce changement de pied radical de la majorité et du Gouvernement.

En première lecture, nombre d'intervenants de la majorité - j'ai repris leur déclaration - estimaient que le projet était trop timide et qu'il fallait aller plus loin, conscients sans doute d'être en retrait par rapport à l'opposition sur ces questions de liberté, de respect du contradictoire, de droits de la défense, de transparence et d'ajustement de notre procédure aux textes européens. Bref, ils étaient sans doute conscients d'être en retrait par rapport à une vision moderne de la justice pénale que nous voulons à la fois plus efficace et plus équilibrée.

Il fallait donc en quelque sorte rattraper le retard.

Voilà ce qui explique sans doute l'arbitrage rendu en faveur d'un texte profondément modifié.

Reste, au-delà de l'affichage, un problème de culture qui fait qu'une distance encore substantielle demeure entre l'affirmation du respect des principes de la Convention européenne des droits de l'homme et le respect même de ces principes. Je veux parler notamment de l'égalité des armes, de la séparation des fonctions ou du délai raisonnable.

Ce problème de culture se retrouve tout d'abord dans le vocabulaire : le juge de la détention, par exemple, aurait pu être le juge de la liberté, ainsi que le suggérait ce matin M. Jack Lang dans des amendements qui malheureusement ont été repoussés.

Mais surtout, ce juge de la détention est saisi par le juge d'instruction dans les seuls cas où celui-ci souhaite la mise en détention provisoire. En d'autres termes, le dossier arrive avec un préjugement de détention sur le bureau du juge de la détention, et le risque est grand, notamment dans les petits tribunaux, de le voir devenir le juge de la confirmation. C'est non pas un double regard, selon l'expression que j'ai entendue, mais un regard orienté. On a coutume de dire que la chambre d'accusa-


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tion est la chambre des confirmations. Cette fois, il n'y aura même pas la distance géographique entre le juge d'instruction et le juge de la détention, mais au contraire une communauté d'échange, au quotidien.

Vous devez donc, pour respecter les principes de droit européen qui constituent notre droit positif actuellement applicable, revenir sur ce dispositif et nous vous y invitons.

En vérité, sous des pressions corporatistes, vous refusez, malgré la recommandation de la commission Truche, qui rejoignait d'ailleurs celle de la commission Delmas-Marty, d'écarter totalement le juge d'instruction de la détention et du contrôle judiciaire. On voit bien pourtant se dessiner un nouveau statut de l'instruction auquel on n'échappera pas. Il s'agit non pas de supprimer la fonction de juge d'instruction, mais d'élaborer un nouveau statut lui permettant d'exercer plus clairement son métier, qui est d'instruire à charge et à décharge. Puisque nous n'y échapperons pas, autant achever ce qui a été sur ce point commencé.

Ce texte n'ose pas en effet séparer clairement les fonctions de juge et de procureur. Or les récents débats sur la réforme du CSM concernant l'accusation ont bien montré qu'il existait une confusion préjudiciable dans l'esprit du public entre ces deux fonctions différentes. Est-il normal, pour ne citer que ce petit exemple, que l'accusation participe avec les juges à la composition prévisionnelle des audiences pénales et puisse ainsi choisir son jour et son juge ? Bien des progrès restent encore à accomplir pour aboutir à l'égalité des armes prévue par la Convention européenne.

S'agissant du droit au délai raisonnable, il y a des améliorations, c'est vrai. Mais leur effet reste très aléatoire alors que la lenteur extrême porte gravement préjudice à la présomption d'innocence et que la France est régulièrement condamnée pour dépassement du délai - vous l'avez rappelé, madame la garde des sceaux.

D'ailleurs, parmi les affaires notoires qui font quotidiennement la une, combien sont terminées ? C'est bien de les commencer. Mais les terminer dans des délais raisonnables serait mieux encore.

Reste aussi toute la matière des enquêtes préliminaires, matière très majoritaire qui représente quelque 90 % des affaires pénales. Que le suspect ou le mis en cause soit gardé à vue ou non, il n'a pas accès à son dossier et le flou règne sur le déroulement de ces procédures, comme d'ailleurs sur la politique suivie en matière de classements sans suite.

Il est donc dommage, madame la garde des sceaux, que vous ne soyez pas venue devant la commission des lois pour nous faire part de votre position sur un texte largement remanié, sur les nombreuses questions demeurant en suspens ainsi que sur les moyens financiers que le Gouvernement va mettre à votre disposition pour appliquer toutes ces réformes - cellule individuelle, juge de la détention, enquêtes sociales, délai raisonnable, recours en matières criminelles, enregistrement des auditions, etc.

Celles-ci s'ajoutent à d'autres que vous avez mentionnées et dont, je suppose, nous reparlerons. Je pense, par exemple, à la réforme des tribunaux de commerce qui nécessitera aussi des moyens importants. Il est bien évident que, sans moyen, toutes ces mesures resteraient totalement lettre morte.

En première lecture, mon groupe avait voté contre ce texte. Toutefois et comme je l'ai dit tout à l'heure, celui-ci a considérablement évolué, retenant notamment l'esprit de nos suggestions. Malheureusement, vous le laissez encore dans un costume trop étroit par rapport à ce qu'il devrait être au regard des ambitions d'un pays comme le nôtre et d'une justice pénale moderne. Aussi, pour vous encourager à mieux faire pour satisfaire ces ambitions, mon groupe s'abstiendra et vous confirme, madame la garde des sceaux, sa totale disponibilité pour continuer le travail d'explication et de pédagogie qui, à l'évidence, a déjà partiellement porté ses fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, notre Constitution a contribué de manière significative à réduire le rôle du Parlement, à faire des députés des godillots, au mieux des faire-valoir.

Dès lors, comment pourrait-on, aujourd'hui, ne pas dire que nous avons le sentiment d'avoir contribué de manière significative, et le plus souvent en accord avec le Gouvernement, à présenter un texte novateur, protecteur des libertés ? Il serait vain et inexact de prétendre que le texte du Gouvernement n'apportait pas, dès la première lecture, de nombreuses avancées : le juge de la détention, le témoin assisté, les contrats de procédure en témoignent. Il serait également injuste de ne pas souligner l'apport du rapporteur, des députés et plus globalement de la commission des lois, souvent unanime dans ses choix.

Ce travail complémentaire et fructueux vient à un moment opportun, après le report du Congrès, qui a pu donner l'impression que la réforme de la justice était renvoyée à plus tard. Pourtant, nous revenions de loin, et depuis longtemps.

Avec 41 % de prévenus en détention provisoire, soit 21 366 personnes au 1er janvier 1997, la France avait, en effet, renoncé à faire de la présomption d'innocence l'un des principes fondateurs de la République. Et il suffit de comparer ces 41 % aux 26 % de la Belgique, aux 25 % de l'Italie, aux 24 % de l'Espagne, pour se convaincre que la France, régulièrement condamnée par les juridictionse uropéennes, n'était plus ce modèle des droits de l'homme qu'elle a si souvent voulu être.

D e même, comment ne pas souligner la durée moyenne de la détention provisoire, qui est passée en dix ans de 3,2 mois en moyenne à 3,9 mois ? Comment ne pas avoir en tête le nombre de libérations au motif d'acquittement, de relaxe et de non-lieu ? Près de 2 000, plus exactement 1 938 en 1994, pour 28 indemnisations seulement, d'un montant moyen de 42 000 francs. Une obole ! Comment ne pas rappeler aussi les atteintes à la dignité humaine, toutes plus inutiles les unes que les autres, quand elles n'avaient pas pour but d'avilir la personne humaine ? Menottes, entraves, fouilles à corps, avec manoeuvres, certes légales, mais pratiquement constitutives d'un viol de la personne.

Oui, il fallait rompre avec la culture de la détention, avec la religion de l'aveu, avec ces moyens modernes de torture. Car qu'est-ce que la détention provisoire si ce n'est le moyen le plus raffiné de la torture moderne ? Certes, on nous a souvent taxées de laxisme, voire d'angélisme. Mais enfin, nous sommes revenus aux principes fondateurs de la Déclaration des droits de l'homme.

Les radicaux y ont contribué tant il est vrai que, sur ces thèmes de liberté et de présomption d'innocence, ils se retrouveront toujours afin de rappeler que l'innocence


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

est le principe et que tout emprisonnement injustifié ou toute condamnation fautive est une tache indélébile pour chacun d'entre nous. Il est vrai aussi que nous retrouvons dans ce projet de loi nombre de thèmes qui nous sont chers.

Commençons par la garde à vue, avec la présence de l'avocat dès la première heure, principe adopté dès avril 1998, lors de l'examen de la proposition de loi tendant à limiter la détention provisoire. Cette période de garde à vue reste trop souvent une période de non-droit.

L'individu passe soudain de la liberté à la cellule, pratiquement du soleil à l'ombre. Tout s'effondrant autour de lui, il est indispensable d'interdire tout ce qui est contraire à la dignité humaine, notamment ces fouilles à corps qui ne devraient être effectuées, selon moi, qu'après autorisation du procureur de la République. A cet égard, il faut souligner que l'enregistrement des auditions restera, malgré tout, un moyen de preuve garantissant les libertés.

Par ailleurs, la mise en examen ne pourra être prononcée qu'après l'audition du suspect. Finies donc ces lettres recommandées aussitôt communiquées à la presse, prononçant une mise en examen conçue pour l'opinion, et façonnée quand il le faut par les médias comme une mise en accusation.

S'agissant de la détention provisoire, vous avez bien voulu, madame la garde des sceaux, nous présenter un texte retenant le principe des délais butoirs. Aujourd'hui, le présent projet va un peu plus loin, et nous nous en réjouissons. Le délai butoir, c'est désormais deux ans en matière correctionnelle et quatre en matière criminelle.

Les seuils en dessous desquels on ne pourra plus également être mis en détention provisoire sont de trois ans pour l'ensemble des délits, et cinq ans pour les délits contre les biens.

Sur ce point, je me félicite d'avoir été entendu.

Comme quoi la discussion peut favoriser un travail législatif constructif. Je suis intimement persuadé que, pour lutter efficacement contre la détention proivisoire abusive, il faut s'appuyer sur ces seuils et limiter le pouvoir du juge d'instruction. Certes, l'entretien contradictoire a déjà constitué une amélioration mais le seuil reste un élémente ssentiel. Rappelons-nous toujours ce que disait le Premier président Truche : « Le juge d'instruction est définitivement marqué en France par la culture de la détention. »

Comment ne pas souligner encore le progrès essentiel que constitue l'amendement, adopté à l'unanimité par la commission des lois, visant à prendre en compte la présence d'enfants âgés de moins de dix ans, après avis du juge des enfants ? Lors du vote de la loi en première lecture, Louis Mermaz avait réclamé avec force l'attribution pour les détenus p rovisoires d'une cellule individuelle. Là encore, la France, petit à petit, sans même s'en rendre compte, avait fini par sombrer dans la honte. Nous nous sommes donné trois ans pour que cette mesure soit appliquée. Et c'est une bonne chose. Après tout, pourquoi les surplus budgétaires, dont nous entendons tellement parler actuellement, ne seraient-ils pas utilisés à cette fin ? Si elles étaient votées, ces dispositions constitueraient déjà une modification essentielle de notre code de procédure pénale. Que dire alors de deux amendements, pratiquement révolutionnaires ? Le premier concerne la Cour d'assises, tant il était inique de ne pas prévoir d'appel en s'appuyant sur le concept invraisemblable d'infaillibilité du jury populaire. Le système proposé nous donne satisfaction. Mais comment ne pas avoir une pensée pour tous ceux, déjà condamnés, qui ne pourront bénéficier de cette nouvelle disposition, alors même qu'ils ont soutenu qu'ils étaient innocents et qu'ils ont été condamnés en dépit de ces déclarations ? Le second porte sur la judiciarisation du juge de l'application des peines et sur l'extension de ses pouvoirs, notamment dans le cadre des mesures qui pourront être prises en fonction de la situation des enfants.

Avec ces réformes essentielles, il n'est pas question de priver l'Etat de son droit de sanction. La répression est indissociable de la mission de l'Etat, sauf à croire à une cité idéale fortement teintée de rousseauisme. Cette mission est totalement préservée. Elle ne peut toutefois se concevoir qu'à condition que les droits des individus, qui pèsent si peu, notamment quand ils sont les plus faibles face à la machine étatique, soient préservés.

Nous protestons souvent contre les décisions des juges, car nous sommes, les uns et les autres, hommes et femmes politiques, capables d'indignation face aux décisions injustes. Mais que dire de l'exécutif et du législatif qui, peu à peu, sous la force de l'opinion, ont tout pénalisé dans le quotidien ? Plus de 10 000 textes prévoient actuellement des sanctions pénales. Des textes absurdes continuent de prévoir des peines extrêmement lourdes.

Cette situation kafkaïenne pour un pays qui rappelle sans cesse que nul ne doit ignorer la loi ne peut se perpétuer, sauf à affaiblir l'essentiel de notre édifice législatif et même répressif. Il faut donc procéder sans tarder à la dépénalisation de textes qui, le plus souvent, devraient être abrogés par désuétude. La dépénalisation sera, elle aussi, la preuve de la modernisation de la justice.

Si le texte proposé par le Gouvernement, une fois amendé par ce dernier, mais également par les députés, est adopté, nous nous en féliciterons grandement.

Les grandes réformes de la société ne sont durables que si elles sont portées par de nombreux députés, dépassant les clivages politiques traditionnels, portées par des majorités d'idées. Le débat en commission des lois a démontré que cette majorité d'idées existait ; je souhaite qu'il en soit de même dans nos débats d'aujourd'hui et de demain. Ce texte fondateur constituera dès lors un modèle français de l' Habeas corpus.

Nous autres, députés radicaux, l'approuverons sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Gerin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 6 octobre 1992, un autre gouvernement socialiste présentait devant cette assemblée une autre réforme de la procédure pénale.

J'en rappelle l'exposé des motifs : « De la garde à vue jusqu'au renvoi devant la juridiction de jugement, le code de procédure pénale suscite critiques et réserves. Le présent projet de loi a pour objet de remédier aux défauts et aux insuffisances qui apparaissent aujourd'hui. »

Le garde des sceaux de l'époque, notre collègue social iste Michel Vauzelle, s'exclamait avec ravissement :

« C'est une grande réforme qui vous est soumise. » Sur la

garde à vue, il précisait : « Ce dispositif constitue la plus profonde réforme depuis l'instauration du code de procédure pénale ! » Sur la présomption d'innocence : « Il y a là une avancée considérable pour la patrie des droits de l'homme et des libertés fondamentales ! » Pourquoi, dans ces conditions, madame la garde des sceaux revenir sept ans après,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Mme la garde des sceaux et plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais vous avez abrogé ce texte !

M. Patrick Devedjian.

Pas sur ce point, nous allons en parler.

... avec la même immodestie et les mêmes mots, nous assurer que vous allez nous guérir d'un mal que votre parti annonçait avoir définitivement combattu il y a déjà sept ans ?

M. Christophe Caresche.

Il s'en est passé des choses depuis !

M. Patrick Devedjian.

D'où vient cette assurance, alors que vous n'avez dans votre parapluie que les mêmes panacées et les mêmes expédients ? D'où vient que se poursuit encore ce que le professeur Delmas-Marty dénonce, dans Le Monde du 2 février 2000, comme « une dérive infernale » qui « complique encore une procédure devenue inapplicable par les praticiens et incompréhensible même aux juristes » ? Le projet est dénoncé par toutes les personnes averties, à commencer par M. Badinter, comme l'ultime rapiéçage d'un système à bout de souffle qui conduit le législateur à bégayer.

Le reproche essentiel est en définitive là. Vous ne voulez pas changer cette logique de l'inquisitoire qui nous vient de l'Ancien Régime et de l'Eglise et qui fait de l'Etat la valeur suprême, Là est la faute, là est le conservatisme profond, là est la démission devant les lobbies.

Comme dans la piteuse réforme de 1992, vous croyiez qu'il suffit de s'attaquer à ce qui est visible, à ce qui est publicitaire, aux mots plutôt qu'aux ressorts internes.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Qui a augmenté les moyens de la justice ?

M. Patrick Devedjian.

La fascination du vocabulaire reste décidément le grand avantage et la grande faiblesse du socialisme...

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Vous avez tout abrogé !

M. Patrick Devedjian.

Mais non ! Nous n'avons rien abrogé de ces dispositions particulières qui continuent à être en vigueur aujourd'hui, madame.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Si, en 1993 !

M. Patrick Devedjian.

Vous avez décidément perdu la mémoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie, pas de conversations particulières ! Poursuivez, monsieur Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

En 1992, on changeait donc le vocabulaire : l'inculpation devenait la mise en examen.

M. Vauzelle déclarait : « Le prononcé de l'inculpation, s'il est rendu public, porte gravement atteinte, souvent de façon irrémédiable, à l'honneur et à la réputation de per sonnes qui n'ont pas encore été jugées et qui, par la suite, peuvent bénéficier d'un non-lieu. Quelle injustice ! » protestait-il, et à juste raison. Mais en fait, qu'avez-vous changé ? Et que croyez-vous encore changer réellement en vous en prenant aux photographies ? L'obsession des apparences est la seule logique de votre projet.

Mme Frédérique Bredin.

N'importe quoi !

M. Patrick Devedjian.

Il faut beaucoup d'inconséquence pour affirmer comme vous l'avez fait, madame la garde des sceaux, le 23 mars 1999 : « Le Premier ministre s'est plusieurs fois refusé, notamment lors de ses voeux à la presse pour 1999, à toutes mesures conduisant à limiter la liberté d'expression » - comme c'est beau ! -, et annoncer dans le même discours, quelques minutes plus tard, la création de quatre nouveaux délits de presse ! Le malaise est tel que vous tentez de les édulcorer aujourd'hui en deuxième lecture, sans y parvenir réellement.

J'avais dénoncé en première lecture le grave danger que représentent ces nouvelles et aveugles interdictions. On ne m'a pas répondu. Le régime français de la presse fait désormais exception dans un monde médiatisé : il faudra regarder les télévisions étrangères pour voir des images désormais interdites sur nos chaînes !

M. Christophe Caresche.

C'est faux !

M. Patrick Devedjian.

Il n'est même pas prévu d'exception pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. On ne pourra plus confondre les négationnistes de la Shoah en leur montrant les cadavres décharnés d'Auschwitz. Je ne pourrai plus mettre sous les yeux de M. Védrine, qui le conteste, les photographies des alignements de victimes du génocide arménien.

M. Christophe Caresche.

Mais c'est faux !

M. Patrick Devedjian.

On ne pourra plus dénoncer les crimes de guerre de la Bosnie, du Kosovo ou de Grozny.

J'entends bien que ce n'est pas l'intention du Gouvernement, mais ce sera le résultat de sa démagogie compassionnelle !

M. Christophe Caresche.

C'est vous le démagogue !

M. Patrick Devedjian.

Sur la présomption d'innoncence, qui est l'intitulé même de votre loi, cette réforme évite soigneusement l'essentiel : la mise en détention provisoire. Chaque année, près de 2 000 personnes sont incarcérées alors que, par la suite, la justice les reconnaîtra innocentes. Il ne suffit pas de limiter le droit de mise en détention provisoire ; il faut, en réalité, entourer cette mesure des mêmes garanties que la condamnation ellemême.

Que l'on entre en prison par une ordonnance d'un juge, qui en fait est secrète, ou par une condamnation publique, c'est la même prison, c'est la même souffrance.

C'est un abus du code de procédure pénale de qualifier de simple mesure de sûreté la mise en détention provisoire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est de la pure démogogie !

M. Patrick Devedjian.

Je comprends que cela ne vous plaise pas ! Vous n'êtes habitués qu'à être encensés, d'abord par vous-mêmes et si possible aussi par l'opposition.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Ne soyez pas désagréable ! Vous valez mieux que cela !

M. Patrick Devedjian.

En fait, la mise en détention provisoire par le juge d'instruction, ou avec sa participation, est le dernier avatar de la lettre de cachet. A droite, nous pensons que la liberté est chose trop précieuse...

Mme Frédérique Bredin.

Tiens ! C'est nouveau !

M. Patrick Devedjian.

... pour être confiée à quelqu'un en particulier ; nous en sommes tous les garants. Ainsi, personne ne doit être privé de sa liberté sans que nous ne puissions tous contrôler les conditions de cette privatisation... (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)


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Mme Frédérique Bredin.

Quel lapsus !

M. Patrick Devedjian.

De cette privation, pardon ! Mais, après tout, pourquoi pas ? Qu'avez-vous contre le privé ?

M. Jean-Noël Kerdraon.

N'importe quoi !

M. Patrick Devedjian.

Votre projet laisse au juge d'instruction la saisine du juge de la détention tandis qu'il conservera seul le droit de mettre en liberté. On lui reprochait, dans le passé, de pouvoir dire : « Parlez ! ou je vous mets en prison. » Désormais, il pourra dire

: « Parlez ! et je vous mets en liberté. » Ce sont les deux faces de

la même médaille.

Je le répète, votre réforme est essentiellement celle du vocabulaire. Et pour ne rien changer au fond des choses, vous êtes arrivés à ce non-sens juridique qui consiste à confier au juge la réquisition de la détention, alors que celles-ci appartient normalement au parquet. Il en faut des contorsions pour ne rien changer, tandis qu'on veut se donner l'air de la modernité !

M. Christophe Caresche.

Ce n'est pas ce que dit M. Houillon !

M. Patrick Devedjian.

On me dira que les juges d'instruction ne font pas tous le chantage à la détention. J'en conviens. Mais il suffit qu'un seul le puisse pour que le système devienne dangereux.

Lorsque l'on peut lire sous la signature d'un premier président de la Cour de cassation que « le reproche fait au juge de détenir pour faire pression est parfois fondé », le citoyen moyen a de quoi frémir. Et, après avoir fait ce constat, le rapport Truche concluait : « La commission estime que le pouvoir de mettre en détention doit être séparé de celui d'enquêter, et c'est à l'unanimité qu'elle souhaite l'intervention d'une collégialité dont le juge d'instruction serait exclu. »

L'hypocrisie habituelle consiste à prendre prétexte des difficultés matérielles de la collégialité pour refuser l'exclusion du juge d'instruction de la procédure de mise en détention. Or il s'agit de deux principes différents. Si vous n'avez pas les moyens de l'un, c'est parce que vous n'avez toujours pas le courage d'aborder la réforme de la carte judiciaire. J'entends bien que les gouvernements précédents ne l'ont pas eu non plus. Mais ayez au moins le courage de l'autre, en résistant au lobby des juges d'instruction...

Mme Frédérique Bredin.

Qui parle de lobby ?

M. Patrick Devedjian.

... et acceptez de soustraire réellement le juge d'instruction de la procédure de mise en détention.

Tant que ce minimum ne sera pas fait, il n'y aura pas de véritable respect de la présomption d'innocence.

Personne ici ne demande la disparition du juge d'instruction, mais seulement la fin du mélange des genres entre l'enquêteur et le juge impartial. Le juge d'instruction est un enquêteur avec toute l'incertitude que le genre comporte ; sa situation est incompatible avec l'objectivité du juge impartial qui pèse les charges. La détention, même provisoire, ne peut être légitimée par les nécessités de l'enquête, car l'enquête est bien souvent à géométrie variable. Ce qui est vrai aujourd'hui ne l'est plus demain : comme le disait Baltasar Gracian, « la vérité arrive toujours la dernière, et fort tard, parce qu'elle a pour guide un boiteux qui est le temps ».

En réalité, sous prétexte du double regard, on revient au code d'instruction criminelle de 1808. Le juge d'instruction avait à l'époque été associé à une collégiali té afin d'instaurer un triple regard. Mais, dans les faits, le juge d'instruction, seul réel connaisseur du dossier dans sa profondeur, réussissait à faire prévaloir son point de vue auprès de ses deux autres collègues. Tout et si bien que, en 1856, on a considéré que leur présence était devenue inutile et coûteuse en emplois et on les a supprimés.

Nous reprenons le processus développé de 1808 à 1856.

Arriverons-nous un jour à ne plus bégayer ? Pour le reste, je conviens volontiers que votre ravaudage fera illusion quelques petites années, tout comme la réforme du 4 janvier 1993 dont la gauche s'est gargarisée.

Mme Frédérique Bredin.

Pour ce qui vous concerne, c'est du badinage !

M. Patrick Devedjian.

De 1993 à 2000, les réformes ont de moins en moins de longévité. Nous voudrions, nous, reconstruire pour plus longtemps ! Bien entendu, le Gouvernement et la majorité socialiste ont repris à leur compte, entre la première et la deuxième lecture, quelques-unes des propositions de l'opposition. Des députés socialistes ont même été jusqu'à dire que le Premier ministre leur aurait donné raison contre Mme le garde des sceaux et que celle-ci aurait été désavouée. Bien entendu, ces propositions apparaissent désormais sous la signature de la gauche, alors qu'elles viennent de nos rangs. Peu importe, nous ne réclamons pas de droit d'auteur ; seul compte l'intérêt de notre pays ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. André Gerin.

Vous êtes décidément débordés !

M. Patrick Devedjian.

Il faut donc croire que notre refus en première lecture aura été utile, alors que se répandait une vaine propagande selon laquelle l'opposition ne serait pas raisonnable.

L'indignation de la majorité, feinte ou réelle, devant notre opposition était telle que nous aurions pu nous demander, à l'extrême, si le Gouvernement n'allait pas nous envoyer les gendarmes ! Sans opposition, dois-je vous le rappeler, il n'y a pas de démocratie. Le consensus mou fait le lit des extrêmes ; ne comptez pas sur nous pour jouer à ce jeu-là. Vous voyez bien que lorsque nous nous opposons, le Gouvernement fait des efforts... Raison de plus pour continuer à nous opposer ! Oui, enfin, c'est bien d'accepter que l'avocat puisse venir à la première heure de garde à vue, comme c'est le cas dans tant de pays qui n'ont pas la prétention de donner des leçons au monde. Mais ce serait beaucoup mieux que l'avocat ne soit pas seulement là pour faire illusion ou pour remplacer une assistante sociale, mais qu'il puisse accomplir sa vraie mission : conseiller utilement en ayant connaissance des charges, contrôler réellement en assistant aux interrogatoires.

Vous le savez, la garde à vue est apparue en 1897, quand la loi a autorisé l'avocat à être présent devant le juge d'instruction. La garde à vue avait alors été inventée pour éloigner l'avocat pendant un moment, pour se réserver d'avoir le suspect à sa main. L'absence de l'avocat est une des formes de la raison d'Etat. Il aura fallu un siècle pour qu'il commence à revenir. Le travail n'est pas achevé.

Je peux comprendre, madame la garde des sceaux, votre hostilité à un système accusatoire ; je préfère, moi aussi, un système contradictoire. Mais je n'aime pas vos propos contre les avocats qui seraient, selon vous, l'instrument d'une inégalité entre riches et pauvres. Sachez tout de même que le système judiciaire anglais, accusatoire, consacre à l'aide juridictionnelle dix fois plus que la


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France. Pensez aussi à Gambetta, auquel se réfère parfois le Premier ministre, et qui disait que celui qui n'aime pas les avocats n'aime pas la liberté.

Alors que nous souhaitons tous que les pauvres soient aussi bien jugés que les riches, nous constatons tous, en fait, que les riches sont aussi mal jugés que les pauvres.

La voilà, votre triste égalité, celle qui abaisse ! Si je ne craignais le manque d'humour, je dirais que le socialisme c'est l'enfer, parce qu'il est pavé de bonnes intentions. Et ce texte, n'en manque pas, de bonnes intentions ! Mais le but, c'est de plaire à tout le monde, et tout de suite. Le résultat, c'est cette édification permanente d'usines à gaz, désormais les seules à s'installer sur le territoire français ! Prenons l'exemple de la limitation de la détention provisoire, intention louable s'il en est : celui qui encourt de dix à quinze ans de prison ne pourra rester en détention provisoire plus de deux ans. C'est le cas, par exemple, de celui qui tombera sous le coup de l'article 222-1 du nouveau code pénal : le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie est passible de quinze ans de réclusion criminelle. Celui-là ne pourra pas rester en détention provisoire plus de deux ans ! Or rappelons que la détention provisoire demeure jusqu'à ce qu'une condamnation définitive ait été prononcée, c'est-à-dire jusqu'à un arrêt de confirmation de la Cour de cassation quand un pourvoi a été interjeté. La durée moyenne d'une procédure d'instruction criminelle est aujourd'hui de l'ordre de dix-sept mois, et le caractère de plus en plus complexe des procédures ne saurait ralentir cette évolution. Restent sept mois pour passer devant la cour d'assises, puis devant la cour d'assises d'appel puisqu'elle est désormais prévue, et, enfin, devant la Cour de cassation. Sept mois au total pour passer devant ces trois juridictions, à supposer que la Cour de cassation ne casse pas ! C'est évidemment impossible.

Qui peut croire que tout cela puisse être enfermé dans ce délai de deux ans sans que de dangereux criminels ne soient remis automatiquement en liberté ? Prenons également l'exemple de la mise en examen. La mise en examen par lettre est supprimée. Et ce n'est pas de notre fait, mais bien du vôtre ! Elle avait un relatif avantage de discrétion ; mais elle avait l'inconvénient de ne pas s'expliquer suffisamment sur les charges reprochées. Au total, le remède apparaît pire que le mal, alors que celui-ci était réparable : il eût suffi de demander que la lettre de mise en examen fournisse toutes les explications nécessaires à la défense.

L'institution d'un débat préalable crée une lourdeur qui ralentit encore plus les procédures, sans pour autant offrir de garantie sérieuse à celui qui est poursuivi.

Quand le juge d'instruction convoque, son opinion est faite. Le débat préalable à la mise en examen ne changera pas plus les choses que l'instauration de celle-ci n'aura changé la mise en détention provisoire.

En revanche, alors que la mise en examen crée un véritable préjudice alors que l'accusation n'est pas encore établie et que parfois elle ne le sera jamais il n'est pas permis d'en faire appel et elle n'est pas considérée comme un acte juridictionnel, mais comme un simple acte administratif. Il n'y a donc pas de changement profond.

M. Balladur avait proposé deux réformes importantes, dont nous pouvions espérer qu'elles donneraient l'occasion d'une évolution qui aurait conduit l'opposition à changer d'attitude sur l'examen de ce texte : premièrement, la suppression de la mise en examen et la généralisation du témoin assisté ; deuxièmement, l'instauration du tribunal de liberté, qui aurait effectivement permis de donner la garantie de la juridiction à la mise en détention provisoire.

Ces deux réformes, sur la question essentielle de la présomption d'innocence, auraient apporté un véritable changement. Malheureusement, vous vous contentez de rustines qui ne dureront qu'une saison devant la situation intolérable que notre justice a atteint. Il nous faudra bâtir plus tard une justice nouvelle, dont les principes sont déjà dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, trop souvent oubliés dans ce texte.

La justice s'achemine en effet vers un modèle européen que vous n'apercevez pas. Ce projet est une fois de plus celui du discours immodeste et des occasions manquées.

Il reste à l'opposition, même si celle-ci, je l'admets, n'a pas toujours été à la hauteur de ce devoir, l'obligation de patience et d'humilité. Mais vos échecs réitérés et logiquement inévitables ont pour nous une vertu pédagogique certaine : ils nous aident à devenir meilleurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

M me Frédérique Bredin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les Français ont une très mauvaise image de leur justice. Ils la jugent trop complexe, trop lente, trop chère. Quant à la justice pénale, ils la trouvent insuffisamment respectueuse de la dignité humaine et de la présomption d'innocence auxquelles chacun a droit, comme principes essentiels de notre République.

En France, 21 000 personnes sont en détention provisoire, ce qui signifie que 21 000 personnes sont emprisonnées dans notre pays avant d'avoir été condamnées.

Telle est la situation de notre système judiciaire, cette situation qui explique sans doute largement le sentiment de défiance des citoyens envers leur justice.

Mais la défiance envers la justice n'est pas une fatalité.

Dans dix des quinze pays de l'Europe, les opinions publiques, qui ont été invitées à juger leur justice, éprouvent en majorité un sentiment de confiance à son égard. C'est le cas en Europe du nord, mais aussi en Allemagne et au Royaume-Uni. En revanche, la France se situe à l'avant-dernier rang, derrière l'Italie, pourtant si critique envers ses institutions, et juste avant la Belgique, encore traumatisée par les affaires judiciaires qui l'ont touchée.

A nous donc, députés, Gouvernement, de savoir agir pour rétablir la confiance des citoyens envers leur justice.

L'histoire de ce texte sur la présomption d'innocence est une belle histoire. Pour ceux qui croient au Parlement, d'abord, puisque de lecture en lecture, son rôle s'est affirmé. De réflexions en amendements, sa fonction législative s'est affirmée. Pour ceux qui croient à la justice de notre pays ensuite, puisque, de lecture en lecture, le projet est devenu plus soucieux de la dignité de chacun, du respect de la présomption d'innocence et de la qualité de la justice quotidienne, celle que connaissent les Français.

De réflexions en amendements, c'est une belle, une grande réforme de la justice que nous aurons élaborée ensemble.


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Bien sûr, les réactions de l'opposition seront mitigées.

Je ne parle pas des propos caricaturaux de M. Devedjian.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Elle trouvera le texte bon, mais sans doute insuffisant, inachevé. On la comprend, car la droite s'est vraiment « pris les pieds dans le tapis » sur la réforme de la justice.

M. Jean-Louis Debré.

Et vous, vous pédalez dans la choucroute !

Mme Frédérique Bredin.

Mais nos collègues de droite ont décidément du mal à se situer par rapport aux réformes de société.

La parité : ils étaient contre ; puis moyennement contre, puis ils étaient pour, bien que la présidente du RPR soit encore contre ! Les Français ont du mal à comprendre.

M. René André.

Caricature !

M. Jean-Louis Debré.

Et Jean-Pierre Michel, on ne l'a pas entendu !

Mme Frédérique Bredin.

La limitation du cumul des mandats : la droite fait semblant d'être pour, mais elle vote contre, tout en affirmant aux Français qu'elle est pour ! Les Français ont du mal à comprendre.

Sur la justice, les Français ne comprennent rien à la position de la droite, et on les comprend de ne pas comprendre puisque, alors qu'en juin 1998 la droite avait voté pour la réforme du CSM, en janvier 2000 elle s'apprêtait à voter contre le même texte alors que pas un mot n'y avait changé. Difficile à expliquer à nos concitoyens ! Il fallait, bien sûr, une raison à ce revirement. Comme il était délicat d'avouer aux Français qu'il s'agissait de politique politicienne à l'état pur, on a d'abord dit que les textes n'étaient pas connus - malheureusement, ils l'étaient depuis deux ans. On a dit ensuite que le texte sur la présomption d'innocence n'était pas suffisant.

Mme Nicole Catala.

Venez-en au sujet du jour !

Mme Frédérique Bredin.

Etait-ce vrai ou s'agissait-il d'un prétexte ? Nous allons le savoir, aujourd'hui, après plus d'un an de travail au Parlement.

Ce texte est-il parfait ? Sûrement pas. Qui oserait prétendre qu'un texte sur les libertés publiques est suffisant pour son époque ? Constitue-t-il un progrès ? Certainement. Il va mettre un terme aux archaïsmes de notre procédure pénale, indignes d'un pays qui se réclame des droits de l'homme.

Archaïsme des gardes à vue mal contrôlées et s'effectuant dans des conditions pratiques non conformes au respect de la dignité physique et morale à laquelle chacun a droit.

M. Alain Tourret.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

Archaïsme des détentions provisoires abusives et excessives - on l'a dit : il y a vingt mille personnes en détention provisoire en France.

Archaïsme de ces « présomptions de culpabilité » répétées alors qu'il n'existe dans nos textes que la présomption d'innocence.

Archaïsme des instructions interminables.

Archaïsme, enfin, de procédures criminelles sans possibilité d'appel.

Je voudrais, chers collègues, retracer l'histoire de ce texte et de ses améliorations progressives.

Pour ce qui concerne la garde à vue, le Gouvernement propose la présence de l'avocat en première heure. C'est une avancée considérable. Lors de la première lecture, le Parlement a décidé que l'avocat pourrait revenir en vingtième et en trente-sixième heure. Par ailleurs, il a décidé que les témoins ne pourraient plus être entendus en garde à vue, mais seulement les suspects. Lors de cette d euxième lecture, nous proposerons l'enregistrement sonore des gardes à vue comme élément concret à adjoindre à la procédure.

Pour la détention provisoire, le texte du Gouvernement propose - et c'est, là aussi, une avancée fondamentale la création d'un juge de la détention qui apporte un deuxième regard et ouvre, enfin, les voies de la collégialité que tant d'entre nous réclament. Deux regards pour mettre en détention, là où il ne suffit que d'un regard pour maintenir en liberté : le progrès est indéniable.

En première lecture, les députés proposent l'indemnisation systématique en cas de détention qui s'achève sur un non-lieu, une relaxe ou un acquittement ; et, à la demande de Jacques Floch, le principe du numerus clausus, qui signifie le droit de chaque détenu à avoir une cellule pour lui seul - ce qui n'est pas indifférent quand on sait les pratiques qui ont cours en prison - est adopté par notre assemblée.

Pour cette deuxième lecture, nous proposerons d'encadrer encore davantage la détention provisoire en instaurant des seuils de peine plus rigoureux, comme le proposait notre collègue Tourret, et des délais butoirs pour en limiter la durée maximale.

Avancée encore que de proposer le bracelet électronique comme une des modalités d'exercice de la détention provisoire. Avancée toujours, sur la proposition excellente de notre rapporteur, la comparution immédiate serait accélérée, de sorte qu'il y ait jugement en un mois, appel en deux mois, c'est-à-dire des délais rapides, ce qui est essentiel pour l'auteur présumé du délit, certes et, en tous les cas, sûrement pour la victime.

Sur la présomption d'innocence - présomption de culpabilité, hélas ! dans l'état actuel - le texte du Gouvernement proposait des dispositions importantes : d'une part, la création d'un témoin assisté, ce qui implique le droit d'avoir accès à son dossier sans être mis en examen et constitue une avancée considérable lorsque l'on connaît les pratiques actuelles ; d'autre part, l'idée d'un entretien préalable à toute mise en examen.

Le texte du Gouvernement proposait une surveillance des délais d'instruction. Grâce à notre rapporteur, c'est un vrai contrat de procédure qui sera mis en place pour enserrer l'instruction dans des délais plus stricts et pour qu'on en finisse avec ces instructions qui durent cinq ans ou sept ans, pendant lesquelles les personnes incarcérées n'ont pas la moindre idée de ce qu'il va leur arriver et de ce qu'il en est de l'enquête.

Enfin, dernier point, essentiel - et je parle sous le contrôle de notre président de séance -, la réforme des assises. Il y aurait tant à dire sur les assises et sur ce combat pour le double degré que mènent, depuis tant d'années, députés, avocats, citoyens, défenseurs des droits de l'homme, qui ne supportent pas l'injustice de notre système judiciaire,...

M. Alain Tourret.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

... qui ne veulent plus de cette situation où un droit d'appel est prévu pour les petits délits, mais aucun pour les condamnations les plus lourdes. Nous pourrions parler longuement des tentatives manquées, des belles déclarations jamais traduites dans la réalité. Enfin, aujourd'hui, nous y sommes, avec l'appel tournant, réforme indispensable et qui fera date.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Merci, madame la garde des sceaux, merci, chers collègues, pour cette belle réforme, qui nous donnera le sentiment précieux de ne pas être inutiles à la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est inutile de souligner combien la justice est au coeur du pacte social, combien l'irremplaçable fonction de régulation qu'elle joue, ou devrait jouer, doit nous inciter, tous, à aborder cette réforme avec sérénité et à la placer très au-dessus des intérêts partisans ou tactiques.

Les attentes des Français sont, en la matière, considérables. Depuis vingt ans que, par des études d'opinion, on suit l'évolution de leur perception de la justice, on constate une lente, mais hélas certaine, dégradation. Et la publication, il y a une huitaine de jours, d'un sondage d'opinion, montrait combien les attentes des Français et, plus encore, des justiciables, c'est-à-dire de ceux qui avaient eu affaire à la justice, étaient immenses : ils trouvent la justice trop lente, trop complexe, parfois trop coûteuse et trop souvent indifférente aux droits de la personne.

Sous le bénéfice de ces quelques observations générales, nous abordons, de manière constructive et vigilante, cette deuxième lecture d'un texte qui se présente lui-même comme devant renforcer la protection de la présomption d'innocence - vaste programme ! - et les droits des victimes.

En première lecture, nous avions trouvé ce texte très insuffisant. Je crois avoir parlé de propositions « cosmétiques » et nous nous étions prononcés, madame la ministre, contre votre première copie, contre la première version de ce travail.

Il se trouve qu'entre la première et la deuxième lecture, grâce notamment au travail en commission des lois de la semaine dernière, des avancées ont été réalisées et des améliorations incontestables apportées au texte initial.

M. Henri Plagnol.

Tout à fait !

M. Pierre Albertini.

Je tiens d'abord à saluer l'excellent climat dans lequel la commission des lois a travaillé...

M. Jacques Floch.

Comme toujours !

M. Pierre Albertini.

... ainsi que l'excellent travail de Mme le rapporteur qui nous a souvent convaincus de la justesse de ses propositions.

Cela étant, permettez-moi de dire au passage que cette amélioration justifiée a posteriori, si besoin en était, que l'on prenne un peu plus de temps et que l'on reporte donc le Congrès, comme nous le réclamions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je serais même tenté de vous dire, madame la garde des sceaux, non pas : « encore une minute, monsieur le bourreau », mais : « encore un petit effort ! » (Sourires.)

M. Henri Plagnol.

Bravo !

M. Pierre Albertini.

Encore un petit effort, et nous parviendrons à un équilibre beaucoup plus avantageux pour les droits du justiciable et de la personne en général.

Je voudrais souligner d'abord - rapidement car plusieurs de mes collègues l'ont fait avant moi avec précision et talent - ce que représentent ces améliorations apportées à la première mouture de la réforme. J'en vois quatre, essentielles.

La première concerne l'encadrement des pouvoirs du juge d'instruction. Je préfère le terme « encadrement » à celui de « limitation ». Car il s'agit bien de poser des bornes, des règles, à ces institutions qui font partie de notre culture juridique, qui viennent de loin, celles du juge d'instruction et du code d'instruction criminelle.

L'élargissement du statut de témoin assisté y concourt, et j'y reviendrai tout à l'heure car nous ne savons pas encore complètement quel usage sera fait de cette possibilité. Elle est en tous cas encourageante. L'audition préalable à la mise en examen, en présence d'un avocat et après accès au dossier, marque un incontestable progrès dans le sens de l'encadrement, souhaitable, du travail du juge d'instruction, qui est censé instruire à charge et à décharge. Mais les hommes étant ce qu'ils sont et les tentations quelquefois irrésistibles...

N'oublions pas d'ailleurs que plus de neuf affaires sur dix, 93 %, échappent à l'instruction. Il ne faudrait donc pas braquer le projecteur exclusivement sur le juge d'instruction et en faire un bouc émissaire.

La deuxième amélioration porte sur les conditions de la garde à vue. Nous avions, en première lecture, défendu f arouchement l'enregistrement sonore des interrogatoires...

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

... parce qu'il nous semblait très important, pour la compréhension de la situation de la personne mise en garde à vue, de connaître l'environnement auquel elle avait été soumise au cours de celle-ci : non seulement les questions, mais l'ordre dans lequel elles sont posées, leur teneur, les silences que la personne garde. Nous avons obtenu satisfaction sur ce point.

Même si le procédé ne présente pas que des avantages, il constitue une garantie supplémentaire pour les droits des justiciables.

J'observe, d'ailleurs, que vous avez également prévu que l'indication des questions posées figurerait dans le procès-verbal des interrogatoires. C'est aussi une avancée significative.

J'espère qu'au terme de cette discussion sur les conditions de la garde à vue, comme nous l'avons tous unanimement souhaité, la dignité de la personne mise en garde à vue et son intégrité physique - je pense notamment au procédé inqualifiable de la fouille à corps seront mieux respectées.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

La troisième amélioration a trait au placement en détention provisoire et aux tentatives pour en limiter le recours et la durée. Il faut rendre hommage à notre collègue Alain Tourret qui a été, sur ce plan, d'une exceptionnelle fermeté ; il y a longtemps qu'il se bat sur ce terrain et qu'il rencontre d'ailleurs un très large écho. Je l'invite à poursuivre ce juste et noble combat.

M. Alain Tourret.

Je vous remercie !

M. Pierre Albertini.

Dans cet objectif, est suggéré le recours à la surveillance électronique. Nous concevons le bracelet électronique - j'ai bien entendu, madame la garde des sceaux, ce que vous disiez tout à l'heure à ce sujet - comme une véritable solution alternative à la détention. Et c'est donc bien dans cet esprit qu'il faut l'envisager.

Les seuils de peine, la limitation de la durée de la détention provisoire, la suppression de la notion d'ordre public sont des éléments très positifs, d'autant plus que, indéniablement - Patrick Devedjian vient de le rappeler -


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

il y a des abus dans le placement en détention provisoire et que c'est une des raisons de la surpopulation carcérale.

C'est dire qu'en s'efforçant de limiter la détention provisoire on obtiendrait des résultats significatifs dans d'autres domaines.

Enfin, une amélioration était attendue depuis très longtemps : l'organisation d'un appel tournant en matière criminelle. C'est un vieux projet, que nous avions évoqué nous-mêmes en 1997, et que vous avez repris à votre compte, madame la garde des sceaux. Le Sénat l'a traduit dans son texte en première lecture. Il ne s'agit pas encore d'un véritable appel mais c'est une première étape, intéressante, qui nous permettra d'assumer, avec plus de sérénité, le jugement des pays voisins et nous évitera d'encourir les critiques que la Cour européenne de Strasbourg nous adressait, de façon récurrente, à ce sujet.

Si je souhaitais souligner les améliorations en commençant, je terminerai en évoquant ce sur quoi nous exprimons un doute et en émettant un jugement sur les insuffisances de ce texte.

Question centrale, la présomption d'innocence serat-elle significativement renforcée avec l'application de cette nouvelle loi ? La réponse reste incertaine, il faut avoir l'humilité de le reconnaître. Certes, nous avons adhéré à l'idée de recourir le plus fréquemment possible, outre au témoin, au « témoin assisté », pour rendre plus exceptionnelle la mise en examen, laquelle est d'ailleurs redéfinie, en des termes tels qu'elle pourrait être ressentie comme une forme de culpabilité reconnue avant le jugement. Soyons donc prudents dans les termes que nous employons.

Tout cela pose un problème de fond : quelle perception l'opinion aura-t-elle de cette palette - témoin, témoin assisté, mis en examen ? Où le curseur s'arrêterat-il, entre présomption d'innocence et vraisemblance de culpabilité ou culpabilité présumée ? Nous n'en savons rien.

En tout cas, il serait injuste de faire, sur ce plan, un procès aux médias en général et à la presse en particulier.

Car ce n'est pas la manière dont celle-ci relate les affaires qui est en cause mais, beaucoup plus fondamentalement, la manière dont l'opinion reçoit les informations. Il y a toute une déontologie professionnelle à mettre en place, pour une meilleure pédagogie. J'y reviendrai au cours de la discussion des amendements.

Le projet initial traduisait une fâcheuse tendance à restreindre le droit à l'information, à vider de sa substance la grande loi de 1881 sur la presse, qui est une loi de liberté. Il faut être extrêmement prudent dans ce domaine et essayer de respecter les droits d'expression de chacun sans brider le droit à l'information.

Le texte de première lecture - heureusement le dispositif a été allégé depuis - avait également tendance à r enforcer la pénalisation, ce qui était d'autant plus durement ressenti que nous ne cessons, les uns et les autres, sur l'ensemble de ces bancs, de dénoncer la pénalisation excessive qui gagne notre droit depuis quelques dizaines d'années.

Enfin, il reste des progrès notables à accomplir pour aller vers une justice pénale rénovée. Il appartient au Parlement de montrer le chemin. Car au fond, c'est à nous, législateurs, d'en dessiner petit à petit, avec humilité, les contours. Le Gouvernement nous éclairera par les projets de loi qu'il prépare. Il faudra faire un gros effort en matière de délais, d'équilibre des parties et, d'une manière générale, en matière de respect des droits de la personne.

La présence de l'avocat et l'accès au dossier sont encore conçus dans ce texte de manière restrictive. L'avocat risque d'être confiné dans un rôle d'assistant social alors que son véritable rôle est d'être un conseiller juridique.

On a trop tendance, en France, à considérer l'avocat avec méfiance. Il faut se débarrasser de cette représentation tout à fait funeste. C'est un problème de moyens, mais aussi de mentalités.

M. René André.

Très juste !

M. Pierre Albertini.

Il faut que les magistrats parviennent à se convaincre que tout le monde trouvera avantage à travailler dans un esprit de collaboration et que les avocats sont des éléments indispensables à l'oeuvre de justice.

Nous allons vers une harmonisation des procédures pénales au niveau européen. Il y a deux façons d'y parvenir : la première consiste à retenir le plus longtemps possible les textes que nous appliquons depuis des dizaines d'années, la seconde, plus dynamique, est d'admettre qu'il y a dans des textes comme la Convention européenne des droits de l'homme des valeurs qui nous sont essentielles.

C'est ce dernier chemin qu'il faut suivre.

M. le président.

Veuillez conclure, cher collègue.

M. Pierre Albertini.

Si l'on veut fixer un cap, madame la garde des sceaux, il faut reconnaître que la dissociation fonctionnelle entre le siège et le parquet sera un élément très important des réformes de la procédure pénale à venir.

C'est dans cet esprit que l'UDF abordera ce débat avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, la fameuse cagnotte me conduit à exprimer d'abord un souhait.

Si l'on pouvait attribuer un peu plus de moyens à la justice et à la police de proximité, peut-être rendrait-on un grand service à ce pays en matière d'éducation, de réinsertion, de prévention, de régression et de lutte contre les violences, notamment chez les mineurs.

Qu'il s'agisse de concilier droits de l'accusé et droits de la victime, efficacité de l'enquête et droits des parties ou encore liberté d'expression et respect de la présomption d'innocence, tout concourt à penser que ce projet de loi constitue une réforme d'importance dont personne d'ailleurs n'a contesté l'intérêt, même si certains, dont nous sommes, considèrent que c'est toute la procédure pénale qui est en cause.

Il est important de souligner que c'est le premier texte qui ose parler du droit des victimes.

Nous devons avoir pour objectif de faire de la justice un service public au service des justiciables, agissant selon les lois et valeurs de la République. C'est une question non politicienne qui transcende les clivages gauche-droite.

C'est la République et la nation qui l'emportent ici.

Rendre la justice plus proche des citoyens, plus respectueuse des libertés, garantir son impartialité en définissant les relations entre le parquet et la chancellerie et en procédant à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, tous ces sujets d'importance font l'objet de débats sérieux et riches, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Rien ne pouvait laisser présager un quelconque retard dans le déroulement de nos travaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Pourtant le 24 janvier, nous ne sommes pas allés à Versailles ratifier la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. L'opposition n'a pas joué son rôle de contre-pouvoir. Elle a au contraire contribué à stériliser les débats d'idées en donnant la primauté aux querelles partisanes. Cela n'a fait que renforcer la coupure entre le pouvoir et les citoyens.

Mesdames et messieurs de l'opposition, en obligeant le Président de la République à renoncer à réunir le Parlement en Congrès, vous avez pris une lourde responsabilité, d'autant plus lourde que c'est l'inverse de ce qu'attendait l'opinion.

Etre parlementaire, c'est représenter la nation tout entière, tout en constituant un contre-pouvoir constructif face au pouvoir exécutif. A trop vouloir mégoter, c'est l'utilité même de l'Assemblée nationale qui est mise en doute, alors que celle-ci apparaît déjà comme l'émanation d'une classe politique coupée des réalités.

Les résultats des sondages sont sans appel : 53 % des Français estiment que la justice n'est pas indépendante du pouvoir politique ; 76 % qu'elle n'est pas assez sévère pour les hommes politiques et les chefs d'entreprise impliqués dans les affaires financières ; s'ils avaient eu à se rendre à Versailles, 46 % d'entre eux auraient approuvé la réforme du CSM, 8 % seulement se seraient prononcés contre. Jamais l'aspiration à une institution judiciaire rénovée, alliant indépendance et efficacité, ne s'est manifestée avec autant de force dans l'opinion.

Il suffirait de peu de chose pour que le Parlement retrouve sa fonction première de législateur et transforme ce projet en une grande loi qui inscrive la procédure pénale dans le mouvement de l'histoire. Il faudrait unifier la phase d'enquête placée sous la direction du parquet et faire du juge un garant du respect des libertés individuelles à même de renvoyer en jugement, s'il estime les charges suffisantes.

Une telle loi apparaît plus que jamais nécessaire à un moment où la crise des institutions et l'opacité des circuits de décisions économiques conduisent les citoyens à s'en remettre de plus en plus au juge. Ils se sentent en effet dépourvus de moyens d'intervention devant le développement d'activités de plus en plus complexes et devant les inégalités.

P our prendre l'exemple des procès qui défraient aujourd'hui la chronique judiciaire, je veux parler des

« affaires » -, comment ne pas voir la carence, voire l'inexistence des institutions de contrôle ? Tout cela est révélateur d'une certaine culture monarchique qui se diffuse de haut en bas de la République et qui menace nos institutions.

L'exemplarité se joue à tous les niveaux : c'est le respect des lois par chacun d'entre nous, c'est notre engagement de législateur à améliorer la justice, c'est le respect de la présomption d'innocence pour les autres et pour nous-mêmes.

Depuis quelques années, il est à la mode de « licencier » ou de « démissionner » le personnel politique lorsqu'il y a mise en examen. Cela fait propre et occupe une bonne place dans les médias. Pour autant, est-ce que cela réhabilite la politique aux yeux des Français ? Non, et la grève des urnes se développe.

Le monde politique ressemble à un vieil arbre dont on couperait les branches gênantes pour continuer à faire vivre le vieux tronc des pouvoirs en place. A travers ce texte, apparaît la nécessité de renouveler la politique. Car contrairement à ce que l'on dit, les gens aiment la politique, seulement ils n'aiment pas la manière dont nous, les responsables politiques, la faisons et la manière dont nous les traitons. Ce projet de loi doit permettre la reconnaissance de nouveaux droits et de nouvelles institutions dans la cité et dans l'entreprise.

L'institution judiciaire a besoin aussi à ses côtés d'un Parlement réhabilité dans ses pouvoirs pour une meilleure lisibilité du politique. Ce projet de loi peut être l'occasion, par-delà les clivages idéologiques, de réunir la représentation nationale. Faire progresser l'Etat de droit, rendre à notre pays son rôle historique en matière de droits et libertés n'est ni le monopole de la droite, ni celui de la gauche. Personne ne peut accepter qu'il reste p armi les moins novateurs, à l'heure où l'Europe recherche un modèle commun.

La justice fonctionne mal, elle est lente, elle est coûteuse, elle est inégale : voilà ce que pensent et ressentent nos concitoyens. La question des moyens est au coeur des difficultés. En disant cela, madame la garde des sceaux, je n'ignore pas vos efforts en ce domaine. Depuis votre arrivée, vous avez voulu donner aux juridictions des dotations budgétaires susceptibles de leur permettre de faire face à l'ampleur des tâches qui leur sont confiées.

Hélas ! nous sommes encore loin du compte. Si cettes ituation devait perdurer, l'insuffisance des moyens humains et matériels s'avérerait à coup sûr le talon d'Achille de la réforme ambitieuse à laquelle nous aspirons tous.

L'objectif d'une justice efficace et plus rapide implique, à notre sens, des choix budgétaires volontaristes qui permettent à l'institution de fonctionner tout en évitant les injustices les plus criantes.

Mais nous restons optimistes et combatifs. Les députés communistes entendent contribuer pleinement à l'aboutissement de la réforme de la justice que vous avez entreprise, madame la garde des sceaux. En dépit du report du Congrès, celle-ci n'est pas avortée. C'est dans cet esprit que nous abordons la seconde lecture de ce projet de loi.

Nous le soutiendrons, même si nous considérons qu'il est encore trop raisonnable et qu'il faut aller plus loin.

D'emblée, je le dis, l'objectif de ce projet garantir les libertés individuelles et la présomption d'innocence - est positif.

Considérant la pratique aujourd'hui acquise, il était temps d'apporter quelques modifications au régime de la garde à vue et de la détention provisoire qui sont, qu'on le veuille ou non, les premières mesures privatives de liberté dont on ne se prive pas.

Toutes les détentions de personnes n'ayant pas encore été jugées ne sont pas condamnables, mais gardons à l'esprit la Déclaration des droits de l'homme.

La garde à vue ne doit durer que le temps nécessaire aux gendarmes et aux policiers pour conduire la personne appréhendée devant le juge. Il est temps de mettre un terme aux bavures qui défraient l'actualité.

Les dispositions du texte constituent de ce point de vue un changement très positif. L'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue est une réelle avancée.

Cette garantie que nous réclamions depuis plusieurs années sera enfin inscrite en toutes lettres et nous nous en félicitons.

Ne considérons pas l'avocat comme un intrus qui chercherait à gêner l'enquête. S'il est présent dans les locaux du commissariat, c'est pour conseiller la personne gardée à vue, lui parler, la soutenir, voire la rassurer. A ce stade de la procédure, la présomption d'innocence ne doit-elle pas être plus que jamais assurée ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Toutefois, madame la garde des sceaux, ce débat aurait dû être aussi l'occasion de s'interroger sur la garde à vue des mineurs de treize ans prévue par l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945. Car une telle mesure peut se révéler lourde de conséquences pour l'avenir d'un enfant et pour la société en général.

Quant à la détention provisoire, c'est un autre instrument de la procédure pénale attentatoire à la liberté d'aller et venir et au principe de la présomption d'innocence.

Nous en sommes à la douzième réforme en vingt ans ! On le voit, le sujet n'est pas nouveau. Mais les interrogations demeurent.

La principale innovation du projet est l'institution d'un juge de la détention provisoire, distinct du juge d'instruction. Mais qu'il s'agisse du juge d'instruction ou du juge de la détention, il n'en demeure pas moins que la décision reposera sur un juge unique, se déterminant seul.

Or nous sommes très attachés à la collégialité, notamment en matière pénale. C'est là un moyen non seulement de simplifier, de décloisonner, d'enrichir, mais aussi de garantir les décisions prises. La collégialité a été supprimée puis remise à l'ordre du jour, mais, hélas, elle n'est pas appliquée faute de moyens.

Madame la garde des sceaux, dans votre souci de mettre en place une réforme réaliste et applicable rapidement, vous ne souhaitez pas aller vers la collégialité. Cela ôte une partie de sa crédibilité à votre volonté de réforme.

Par ailleurs, si le projet limite les conditions de recours à la détention provisoire et sa durée, il nous semble timoré sur les seuils.

Il nous paraît indispensable de réduire le nombre de d étentions provisoires quand 40 % des prisonniers attendent d'être jugés. C'est une surcharge insupportable pour les prisons qui nuit aux conditions de vie des détenus et au travail des personnels. Je propose que, sauf affaire criminelle, la prison soit l'exception pour les mineurs et les jeunes majeurs jusqu'à vingt-cinq ans.

Nous devons nous obliger à réfléchir à des solutions alternatives pour endiguer la marée noire de la violence.

Il est urgent de cesser de se servir de la détention provisoire comme d'un mode normal de l'instruction, voire de l'utiliser pour faire pression sur la personne mise en examen.

J'en viens à présent à la difficile conciliation de la présomption d'innocence et de la liberté d'expression et d'information.

Le respect de la dignité de chacun est mal défendu en F rance. C'est un problème d'éducation civique et l'exemple doit d'abord venir des adultes.

Comme le stipule l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Dans les médias aussi, le respect de l'individu doit être de règle.

Or, aujourd'hui, on privilégie les rumeurs, les indiscrétions, la chasse au crime, les soupçons, le spectacle judiciaire. Face à la liberté de la presse, il y a le respect de la personne et de la vie privée, l'inaltérable dignité de la personne humaine.

Mais nous nous opposons à toute modification de l'article 9-1 du code civil sur le respect de la présomption d'innocence. Il faut accepter un espace public contradictoire où la presse ait toute son indépendance vis-à-vis des pouvoirs dans le respect des impératifs de la déontologie.

La responsabilité doit être notre repère pour exprimer avec courage cette dimension morale que la République nous donne.

Que resterait-il de la démocratie si la liberté d'expression était supprimée au profit de la seule présomption d'innocence ? Réfléchissons encore à la volonté de supprimer de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, certaines dispositions pour les intégrer dans le code pénal.

Cela n'aboutirait-il pas à soumettre les journalistes au régime de droit commun au même titre que les délinquants ordinaires ? Peut-être faut-il, dans la presse, accorder davantage de place au droit de réponse, au non-lieu, à la relaxe, à l'acquittement. Il est important de faire connaître de telles décisions, qui méritent autant de place que celle qu'on réserve à la « culpabilité présumée ».

Enfin, même si ce texte innove sur le droit des vict imes, je dois réitérer les observations que j'avais formulées en première lecture. Les dispositions proposées n'améliorent pas leur statut de façon significative, même si un certain nombre de droits nouveaux leur sont reconnus, qu'il s'agisse de l'obligation pour les policiers de recevoir les plaintes des victimes - c'est un minimum -, de l'obligation pour les procureurs de faire connaître la date de l'audience, ou encore de l'obligation pour les juridictions d'indiquer aux victimes l'existence de la commission d'aide aux victimes. Ce sont là des mesures très positives, mais qui ne suffisent pas encore à combler l'immense retard accumulé ces dernières décennies.

Si le texte consacre le rôle essentiel des associations d'aide aux victimes, beaucoup de choses restent encore à envisager pour le renforcer. Les victimes sont les premières personnes à venir faire état de leur agression. Leur dignité et leur innocence sont aussi concernées. C'est donc là une question tout à fait essentielle et sensible.

De même, il conviendrait de mettre en place des moyens beaucoup plus importants pour l'accompagnement et le soutien psychologique des victimes. Il conviendrait surtout de renforcer tout ce qui peut conduire à une réparation juste et rapide du préjudice qu'elles ont subi.

Avec la question du double degré de juridiction en matière criminelle ou du recours contre les décisions rendues par les cours d'assises, c'est le problème du rapport du citoyen avec la justice de son pays qui est clairement posé. C'est aussi celui du jugement qu'il porte sur elle, au vu de la manière dont elle juge les crimes, c'est-à-dire les infractions les plus graves qui sont commises contre les individus et la société.

Tout jugement doit être susceptible d'appel et il n'est pas nouveau que les communistes expriment leur attachement à ce principe, y compris pour les cours d'assises.

Un mot, avant de conclure mon propos, sur les dispositions que le Sénat a insérées dans ce texte concernant la responsabilité pénale des élus. Je partage ce qui a été dit par Mme le rapporteur, à savoir que ces mesures n'ont pas leur place dans ce projet, d'autant que cette question d'importance mérite mieux que de légiférer au coup par coup chaque fois qu'un problème est posé. Pour cette raison, je souscris pleinement à la proposition de la commission d'ôter ces dispositions du présent projet.

Le chantier qui s'est ouvert est immense. Il peut commencer à porter ses fruits. C'est ce qu'attendent la majorité de nos concitoyens.

Faisons cesser les paradoxes insupportables, tels que des coupables en liberté et des présumés innocents en détention provisoire ! Offrons une nouvelle chance à tous ceux qui veulent vraiment le progrès du droit dans notre pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Osons une réflexion d'ensemble qui relie la procédure pénale à la phase de préparation du procès, dont chacun sait qu'elle détermine pour l'essentiel le jugement qui suivra.

Les députés communistes voteront ce projet. Les Français ont besoin de sérénité. Mais voter ne nous dispensera pas de rester combatifs, car il faut aussi travailler à changer les mentalités. Nous devons tous être convaincus - dans la classe politique comme dans le pays - qu'il est essentiel que la justice dispose des moyens et du temps nécessaires pour accomplir sa tâche au service du justiciable, du citoyen ordinaire, du citoyen anonyme. Il faut mettre fin à l'hypocrisie et à l'incantation.

En l'an 2000, la représentation nationale, les partis politiques devraient être en mesure d'opérer une révolution dans l'histoire de la justice. Je trouve, madame la ministre, que le Gouvernement exprime avec ce projet de loi un certain courage en prenant la tête de ce mouvement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au fur et à mesure qu'avançaient les travaux de la commission des lois, je m'interrogeais de plus en plus sur la nature véritable de ce texte.

S'agit-il encore d'un projet de loi ou bien d'un projet de loi mâtiné de proposition de loi ? Car lorsqu'une réforme aussi importante que celle de la création d'un appel contre les arrêts des cours d'assises - réforme tout à fait nécessaire, nous en sommes tous convaincus - est imposée par le Parlement à un gouvernement, on peut considérer que le projet originaire de ce gouvernement était bien incomplet, bien imparfait. Nous sommes nombreux ici, en tout cas, à nous féliciter des progrès qui ont été réalisés au cours de la discussion.

Je ne m'attarderai pas à discuter de la paternité - ou de la maternité (Sourires) - de ce texte. Ses mérites ayant été longuement décrits par les orateurs précédents, je voudrais faire part, à l'inverse, des interrogations qu'il m'inspire sur deux points. D'une part, je me demande si certaines de ces dispositions n'entraîneront pas des effets pervers et, d'autre part, je me demande s'il pourra connaître une effectivité réelle.

Je crains des effets pervers sur deux points, au moins.

D'abord, à propos de la garde à vue. Le projet renforce, et ce sera un bien, les conditions posées au placement d'une personne en garde à vue. Il exige des indices laissant présumer que cette personne a participé à la réalisation d'une infraction. Très bien. Il en résultera par là même une diminution du nombre des personnes placées en garde à vue, cependant que le même texte accroît les garanties dont elles bénéficieront, garanties que nous avions déjà instituées en 1992 et 1993. Très bien. Mais du fait qu'il y aura moins de personnes placées en garde à vue, il y aura inévitablement davantage de personnes entendues à titre de simples témoins. Or, le code de procédure pénale dispose simplement que ceux-ci peuvent être retenus durant le temps nécessaire à leur audition, sans autre précision. A la différence des personnes placées en garde à vue, ils ne bénéficient, à ma connaissance, ni de la possibilité d'avertir un de leurs proches ni a fortiori de celle de réclamer la présence d'un avocat. Un nombre croissant de personnes seront donc entendues sans bénéficier des garanties instituées pour la garde à vue, ce qui risque, je le crains, d'entraîner certaines dérives. Mais j'espère me tromper.

Mon deuxième motif d'interrogation quant aux effets pervers que pourrait receler telle ou telle disposition du texte tient au fait qu'à l'avenir, si la mise en détention ne sera plus décidée par le juge d'instruction mais par le juge de la détention, le contrôle judiciaire, lui, restera du ressort du juge d'instruction. Ce dernier pourra donc imposer un contrôle judiciaire extrêmement strict et exigeant à l'égard de la personne qu'il voudra garder, si je puis dire, à portée de la main. Et, dès qu'elle l'aura enfreint, même sur un point mineur, le contrôle judiciaire sera transformé quasi automatiquement en mise en détention, par décision du juge d'instruction. On voit donc, là aussi, qu'il sera possible de s'affranchir des garanties prévues par ce texte. Mais c'est peut-être moi qui ai une vision trop pessimiste de la procédure pénale.

En revanche, je crois qu'il y a des motifs biens réels de douter de la mise en application effective de ce texte.

Celle-ci impliquera en effet des moyens humains et matériels dont l'institution judiciaire ne dispose pas actuellement. Nous n'aurons pas assez de magistrats, bien que vous ayez souligné, madame la ministre, votre volonté de parvenir à une augmentation des effectifs, notamment par la révision de la carte judiciaire. Cette dernière, j'en prend ici le pari, ne sera pas effectuée dans les deux ans.

Et même si elle l'était, elle ne suffirait pas, à mon avis, à dégager les effectifs supplémentaires nécessaires, alors que vous voulez simultanément réaliser la réforme des tribunaux de commerce. Vous n'arriverez pas à mettre en oeuvre réellement cette réforme, j'en ai la conviction.

On peut exprimer les mêmes craintes au sujet des moyens matériels nécessaires à l'application des dispositions concernant la détention provisoire. Ce texte vise à rendre effectif un principe qui existe déjà dans notre code, selon lequel les personnes en détention provisoire doivent être placées en cellules individuelles. Comme cela a été rappelé tout à l'heure, parmi les 53 000 personnes qui se trouvent actuellement dans les prisons françaises, 21 000 détenus sont en détention provisoire. Même si ce projet de loi fait baisser le nombre de personnes en détention provisoire - et il le fera baisser, indiscutablement, de manière significative - elles seront encore 10 000 ou 15 000, au moins. Et je doute fort que l'administration pénitentiaire dispose aujourd'hui - peut-être pourrez-vous nous informer sur ce point, madame la ministre - de 15 000 cellules individuelles. Il faudra donc modifier profondément l'organisation et la construction de nos établissements pénitentiaires, ce qui prendra du temps. En attendant, nous verrons sortir de prison, en application d'une disposition introduite par un amendement de notre collègue Jacques Floch, toutes les personnes en détention provisoire non placées dans une cellule individuelle. Cela concernera beaucoup de monde, y compris parfois des délinquants dangereux. C'est là un risque que l'on ne peut pas sous-estimer.

Je me félicite de voir enfin dans ce texte des dispositions tendant à encadrer la durée de la mise en examen et des instructions - je ne parle pas des mises en détention, mon collègue Patrick Devedjian ayant exprimé tout à l'heure des doutes tout à fait justifiés sur le bien-fondé des délais retenus. Mais si l'on veut que ces garanties nécessaires soient effectives, il faudrait décider, très concrètement, l'obligation pour chaque juge d'instruction de mettre en oeuvre un pilotage informatique de ses dossiers, avec rappel systématique des dates d'échéance des procédures. C'est tout à fait à la portée de l'institution


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judiciaire, et c'est le seul moyen de veiller à ce que les juges d'instruction ne laissent pas dormir indéfiniment des procédures.

M. Alain Cousin.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

Pour conclure, je dirai que si ce texte est appliqué - mais j'ai dit pourquoi il était permis d'avoir des doutes à ce sujet -, il permettra de mieux protéger les libertés des personnes mises en cause dans des affaires pénales. Mais il ne faudrait pas qu'on en vienne à oublier que nombre de nos concitoyens sont préoccupés, non pas par la liberté des personnes soupçonnées mais par la violence qui ne cesse de grandir dans notre société. Je voudrais exprimer le voeu que les dispositions dont nous allons débattre n'altèrent pas l'efficacité de la police et de la justice dans le combat qu'elles mènent chaque jour contre une délinquance dont trop de nos concitoyens sont aujourd'hui les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, non, la réforme de la justice n'est pas morte, comme je l'ai lu dans certains journaux, puisque nous discutons aujourd'hui - et en son temps, c'est-à-dire au début - du texte essentiel de cette réforme, celui qui concerne la procédure pénale et qui, à mon sens, conditionnera tout le reste.

Tel qu'il nous arrive en deuxième lecture, ce texte comporte, grâce à une conjugaison heureuse des efforts de la chancellerie et du Parlement, et notamment de notre commission des lois, de très bonnes choses, pour lesquelles un certain nombre d'entre nous militons d'ailleurs depuis très longtemps.

Tout d'abord, le juge d'application des peines devient enfin un vrai juge, puisque ses décisions seront soumises à la contestation judiciaire.

Il y a ensuite l'appel tournant pour les cours d'assises.

C'était à mon avis la seule façon de prévoir un recours contre les décisions de cours d'assises tout en évitant cette usine à gaz que nous proposait le texte de Jacques Toubon.

En ce qui concerne la détention, on impose enfin au juge d'instruction des mesures objectives, qui limiteront à la fois les possibilités de mise en détention provisoire et la durée de celle-ci.

Et puis, on crée le juge de la détention. Mais là, je regrette, comme j'ai eu l'occasion de le faire en première lecture, qu'on ne soit pas allé jusqu'au bout de la démarche en confiant au juge de la détention la responsabilité du contrôle judiciaire, ainsi que le pouvoir d'autoriser toutes les mesures attentatoires aux libertés individuelles, notamment les perquisitions - on sait par exemple que les perquisitions effectuées dans certains endroits particulièrement confidentiels posent toute une série de problèmes. Cela aurait été une bonne chose de le faire.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Jean-Pierre Michel.

Sur toutes ces mesures, les élus que nous sommes doivent être très conscients de leurs responsabilités. Car enfin, s'il y a trop de monde en prison, ce dont le Parlement semble aujourd'hui se préoccuper, c'est quand même parce que la nation le réclame, et les élus avec elle ! Il ne faudrait pas que les députés tiennent un discours ici, à l'Assemblée nationale, et en tiennent un autre dans les communes dont ils sont les maires, hurlant avec les loups lorsque tel ou tel délinquant de leur quartier est remis en liberté après qu'il a été présenté au commissariat de police ou au procureur de la République. Je pense qu'il y va de notre responsabilité et de notre crédibilité.

Christophe Caresche.

Très bien !

M. Jean-Pierre Michel.

Enfin, ce texte comporte des progrès notables dans le domaine de la conduite du procès pénal. De ce point de vue, je pense toutefois qu'on ne va pas assez loin. D'abord, il faut retarder au maximum, le plus longtemps possible, la mise en examen.

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. Jean Michel.

Au cours du colloque consacré à la responsabilité des élus qui s'est tenu le week-end dernier à Saintes, il a été dit à de nombreuses reprises que la période comprise entre la mise en examen et la condamnation était, au moins pour les personnes qui ont quelque notoriété, la période la plus difficile.

M. Patrick Devedjian.

Très juste !

M. Jean-Pierre Michel.

Je crois donc qu'il faut retarder au maximum la mise en examen. Il faut en outre qu'elle soit prononcée lors d'une audience publique - je dis bien une audience publique - et collégiale. Car il faut à tout prix renverser la vapeur et poser en principe que l'instruction est publique, et non secrète. C'est la seule manière d'éviter toutes ces fuites dans la presse dont on sait bien qu'elles sont organisées, orientées. C'est la seule manière également d'éviter que tel juge d'instruction se déplace à tel endroit, chez une personne connue, entouré d'une armada de journalistes et de caméras, ce qui est absolument intolérable et attentatoire à notre démocratie.

M. Michel Hunault.

Déposez un amendement, nous le voterons.

M. Jean-Pierre Michel.

Il ne faut donc pas ouvrir simplement des fenêtres, il faut ouvrir la porte, en prenant évidemment quelques précautions tout à fait au début de l'enquête. Et puis, pour certains délits, par exemple ceux qui touchent aux « bonnes moeurs », comme on dit, on peut peut-être prévoir certaines dispositions spécifiques.

Mais le principe doit être la publicité.

Nous allons dans le bon sens. Ce texte tend, on le voit bien, vers la procédure accusatoire, et c'est bien pourquoi je le voterai. Car le prochain stade sera la disparition du juge d'instruction, la publicité de l'enquête et l'égalité des preuves dans une audience publique. Mais je nourris cependant quelques craintes, madame la ministre. Car vous avez avancé tout à l'heure une série d'arguments, qui peuvent d'ailleurs être discutés, pour motiver votre hostilité à la procédure accusatoire. Pensant à celles et ceux qui vous entourent et qui vous ont fourni ces arguments - car je n'ose penser à vous-même, je me dis que la tradition de toutes les générations mortes doit peser encore très lourd sur leurs cerveaux, comme le disait fort justement Karl Marx. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 1743, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : Mme Christine Lazerges, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2136).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT