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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 1087).

CONSTITUTION D'UNE ÉPARGNE SALARIALE (p. 1087)

MM. Renaud Dutreil, Lionel Jospin, Premier ministre.

MASSACRES EN

TCHÉTCHÉNIE (p. 1088)

MM. Jean Pontier, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

NOCIVITÉ DE LA MARÉE

NOIRE (p. 1089)

M. François Fillon, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

RETRAITES (p. 1089)

M. Hervé Gaymard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PROGRESSION

DES PRÉLÈVEMENTS

FISCAUX (p. 1090)

MM. Patrick Delnatte, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

COTISATION DE

RENTE

SURVIE

POUR

LES HANDICAPÉS (p. 1091)

M. Patrice Carvalho, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

TRAVAILLEURS SAISONNIERS DU

TOURISME (p. 1092)

M. François Liberti, Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

SITUATION AU

KOSOVO (p. 1093)

MM. Paul Quilès, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

EXACTIONS

COMMISES PAR

LES

RUSSES EN

TCHÉTCHÉNIE (p. 1093)

MM. Joseph Tyrode, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

EXTENSION DE

LISTÉRIOSE (p. 1094)

M. Jean-Paul Bacquet, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

FONCTIONNAIRES DE

POLICE

POUR MITROVICA (p. 1095)

MM. Marc Laffineur, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

RÉDUCTION DU

TEMPS DE TRAVAIL

DES SALARIÉS DE L'AGRICULTURE (p. 1096)

MM. Jérôme Cahuzac, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 1096)

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

2. Cour pénale internationale. - Discussion d'un projet de loi (p. 1096).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Pierre Brana, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1100)

Mme Nicole Ameline,

MM. François Loncle, Jean-Luc Warsmann, François Asensi, Pierre-André Wiltzer.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre.

Article unique (p. 1107)

MM. Jacques Myard, Pierre Lellouche, Mme Nicole Catala.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

Rappel au règlement (p. 1110)

Mme Nicole Ameline, M. le président.

3. C onvention douanière France-Hongrie. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1110).

Article unique. - Adoption (p. 1111)

4. Convention douanière France-Fédération de Russie. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1111).

Article unique. - Adoption (p. 1111)

5. Convention douanière France-Macédoine. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1111).

Article unique. - Adoption (p. 1111)

6. Convention douanière France-Slovaquie. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1111).

Article unique. - Adoption (p. 1111)

7. Convention sur la sécurité du personnel des Nations unies. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1112).

Article unique. - Adoption (p. 1112)

8. Convention douanière France-Afrique du Sud. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1112).

Article unique. - Adoption (p. 1112)

9. Convention sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs. - Discussion, selonla procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1112).

Article unique. - Adoption (p. 1112)

10. C onvention d'entraide judiciaire France-Thaïlande. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1112).

Article unique. - Adoption (p. 1113)

11. Désignation d'un candidat à un organisme extraparlementaire (p. 1113).

12. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1113).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CONSTITUTION D'UNE ÉPARGNE SALARIALE

M. le président.

La parole est à M. Renaud Dutreil.

M. Renaud Dutreil.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La croissance, de retour en France, augmente substantiellement les résultats des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il serait juste, chacun le comprend, que ces résultats profitent aussi à ceux qui en sont les principaux artisans.

C'est-à-dire, non pas vous, monsieur le Premier ministre...

M. Jean-Pierre Brard.

Pas vous non plus !

M. Bernard Outin.

Les ouvriers !

M. Renaud Dutreil.

... ni votre majorité, car, vis-à-vis des entreprises, vous vous conduisez plus souvent comme la mouche du coche (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui va, vient, fait l'empressée, mais est partout importune, mais les salariés français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseA lliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Dans leur intérêt, vous auriez dû, tout d'abord, appliquer la loi Thomas que nous avons votée en 1997.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Eh oui ! Si vous l'aviez fait, les profits des entreprises de ce pays bénéficieraient aussi aux futurs retraités français et non, comme c'est le cas, par votre seule faute, exclusivement aux pensionnés des fonds de pension anglo-saxons.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Récemment encore, monsieur le Premier ministre, votre majorité a repoussé la proposition de loi de Philippe Douste-Blazy et des trois groupes unis de l'opposition, UDF-RPR-DL, relative à la participation et à la croissance pour tous.

M. Sautter, avec un embarras visible, qui aurait été comique si le sujet n'avait été aussi grave, s'est justifié par son intention d'inclure un volet sur l'épargne salariale dans le projet de loi sur la régulation économique, alors en préparation.

Or il semble que ce volet en soit absent ; ce qui renvoie aux calendes grecques des mesures justes et nécessaires et atteste votre immobilisme, à tout le moins, la division profonde de votre majorité sur ce sujet.

Ma question est simple : allez-vous vous ressaisir, corriger cette erreur et inclure dans le projet de loi sur la régulation économique le volet sur l'épargne salariale que vous nous avez annoncé, que nous vous avons rédigé et que les Français attendent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, effectivement la croissance est de retour en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Pas grâce à vous !

M. le Premier ministre.

Effectivement, le chômage recule dans notre pays et la hausse des prix reste contenue. Effectivement, notre excédent de balance commerciale et de balance des paiements est considérable.

M. Maurice Leroy.

Donc, tout va bien ?

M. le Premier ministre.

Effectivement, malgré ces progrès économiques, de grandes réformes sociales ont été réalisées dans notre pays...

M. Charles Cova.

Elles restent à faire plutôt !

M. le Premier ministre.

... car nous n'opposons pas la recherche de l'efficacité économique et le souci de la justice sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

La loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, les programmes d'emploi des jeunes qui ont redonné confiance à des dizaines de milliers de jeunes gens et de jeunes filles dans notre pays, la loi sur la réduction du temps de travail et les négociations engagées qui contribuent à la diminution du chômage : (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) tout cela constitue la tentative patiente d'allier la recherche de l'efficacité économique et le progrès social.

M. Maurice Leroy.

Et l'épargne salariale ?

M. le Premier ministre.

Et, pour ces raisons, il existe, désormais, en France parmi les acteurs de la vie économique, mais aussi parmi nos concitoyens un climat de


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confiance que vous n'aviez pas su établir (Protestations sur les mêmes bancs), ce qui vous a conduits à précipiter des échéances à l'occasion desquelles le peuple vous a sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Alors, nous continuons à avancer. Effectivement, le Gouvernement a soumis au Conseil d'Etat un projet de loi portant sur la régulation économique. Il sera présenté dans quelques semaines au conseil des ministres ; il sera ensuite débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Il va introduire en particulier des réformes essentielles dans le droit des sociétés. Il va mieux réguler l'économie en civilisant et en rendant plus équitables les rapports entre le monde de la production, notamment la production agricole française, celui de la grande distribution, dont nous soulignons l'efficacité mais qui ne doit pas imposer aux producteurs des contrats léonins, et celui de la consommation et des consommateurs.

Nous pensons que vous devriez vous intéresser à ce que nous proposons. Et effectivement, soit en accrochant un volet sur l'épargne salariale à un stade ultérieur de la discussion, soit en utilisant un projet de loi spécifique sur les questions de l'épargne salariale dans notre pays, c'està-dire fondamentalement de l'épargne à long terme, nous avancerons aussi sur ce sujet.

M. Dominique Dord.

Quand ?

M. le Premier ministre.

Mais lorsqu'il s'agit de maîtriser des instruments techniques complexes, de clarifier les concepts autour desquels on agit, nous préférons nous donner le temps d'arbitrer plutôt que de précipiter des décisions que nous ne maîtriserions pas ensuite.

Alors, dans ce domaine, à notre rythme, nous continuerons à avancer.

M. Maurice Leroy.

Et à surfer !

M. le Premier ministre.

Et quand j'entends un représentant éminent de l'opposition (« Ah ! sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), un ancien Premier ministre déclarer dans une grande émission, dimanche, je crois, que, depuis trois ans, l'opposition n'a pas été capable de formuler des propositions ou d'élaborer un programme, je me dis que la démarche qui est la nôtre est plus positive pour notre pays que celle que vous pourriez vous-mêmes introduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

MASSACRES EN TCHÉTCHÉNIE

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

(A ce moment, de nombreux députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent l'entrée de M. Henri Emmanuelli dans l'hémicycle. Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. -

« Voyou ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) (Sur quelques bancs, à droite : « On applaudit les repris de justice maintenant ? »).

M. le président.

Un peu de silence ! Monsieur Pontier, veuillez poursuivre votre question, s'il vous plaît.

M. Jean Pontier.

Si le mot « troublé » n'était pas connoté dans cette enceinte, je l'emploierais volontiers à propos des événements de Tchétchénie.

Certes, la France a exprimé, davantage et plus fort que les autres pays de l'Union européenne, son indignation, et appelé, à plusieurs reprises, les belligérants à négocier

Q ue peut-on faire d'autre, monsieur le Premier ministre, qui sorte du cadre formel de la réprobation internationale ? La « réalpolitik » condamne-t-elle notre pays à protester, sans agir, contre cette évidente violation des droits de l'homme ? Les banques du club de Londres étaient-elles obligées de remettre la dette russe, à hauteur de 10 milliards de dollards, ce qui est fêté à Moscou comme une grande victoire du « patriote » Vladimir Poutine ? Ainsi, désormais, le candidat président à la fédération n'aura plus d'inquiétude budgétaire pour ses deux mandats, comme l'a récemment indiqué le président de la Douma.

Alors, que l'on proteste, à juste titre, contre l'émergence en Autriche d'une coalition gouvernementale à laquelle a pris part, comme dans les années trente, l'extrême droite de sinistre mémoire, peut-on tolérer les

« camps de filtration » russes, néologisme évocateur de tortures, viols et privations quotidiennes de nourriture ? Trop, c'est trop, monsieur le Premier ministre ! La France devrait exiger que puissent pénétrer sur le territoire tchétchène les instances humanitaires internationales ainsi que la presse, et mobiliser ses partenaires pour renoncer à la distribution des crédits à tort et à travers, en fermant les yeux sur la corruption la plus effrénée de l'oligarchie au pouvoir.

Pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que votre gouvernement puisse s'engager fermement sur ce terrain peu complaisant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, vous l'avez dit, la France s'est exprimée depuis le début de cette épouvantable guerre en Tchétchénie, avec plus de force et plus de clarté que tous ses partenaires occidentaux, européens ou américains.

(Murmures sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons été les premiers à dire que la Russie se fourvoyait et à exiger une solution politique, non pas forcément par la négociation, parce qu'il est trop facile aux autorités russes de répondre qu'elles ne savent pas avec qui le faire, ce qui ne les empêche pas de dessiner pour la Tchétchénie un avenir à l'intérieur de la Fédération de Russie, avenir qui répondrait aux aspirations légitimes des Tchétchènes.

Nous avons été les premiers à parler de massacres. Ici même, j'ai été le premier, à parler des souffrances abominables des civils dans cette guerre, dont j'ai dit qu'elle avait un caractère colonial - ce que personne d'autre ailleurs n'a dit !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Depuis la fin septembre, nous exigeons, et je le répète a ujourd'hui devant vous, car c'est notre politique constante, le libre accès à cette région, martyrisée à bien des égards, des organisations humanitaires, de l'OSCE et des médias, ainsi que, de façon encore plus urgente, l'arrêt immédiat de la répression et des représailles, de tout ce qui semble s'être produit, et malheureusement semble se poursuivre depuis la reprise de contrôle de Grozny par l'armée russe.

Voilà ce que je réaffirme aujourd'hui solennellement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

NOCIVITÉ DE LA MARÉE NOIRE

M. le président.

La parole est à M. François Fillon.

M. François Fillon.

Monsieur le Premier ministre, cela fait deux mois que la marée noire de l' Erika a atteint les côtes de Bretagne et des Pays de la Loire. Depuis le 26 décembre, des milliers de bénévoles, mais aussi des agents des collectivités locales et de l'Etat, civils ou militaires, travaillent d'arrache-pied, souvent dans des conditions extrêmement difficiles, pour effacer les conséquences de cette catastrophe écologique et empêcher qu'elle ne se transforme pas en une catastrophe économique.

Mais, depuis plusieurs semaines, court, sur le littoral atlantique, une rumeur terrible : le produit échappé des cales de l' Erika serait dangereux pour la santé de ceux qui le ramassent.

Lorsque nous nous sommes rendus à votre invitation à Matignon, il y a quelques jours, la plupart des élus vous ont alerté sur ce sujet, et vous avez d'ailleurs tenu des propos plutôt rassurants. Votre ministre de l'environnement, Mme Voynet, a même ironisé sur la fiabilité du laboratoire privé qui est à l'origine de cette polémique.

Mais hier, à Vannes, elle a ravivé nos inquiétudes en déclarant qu'elle ne pouvait pas affirmer que ce produit n'était pas dangereux pour la santé de ceux qui le ramassent et qu'elle attendait encore un certain nombre d'analyses commandées par le Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, je vous le dis au nom de tous les élus du littoral, cette situation ne peut plus durer : vous devez nous dire si nous pouvons continuer à envoyer nos concitoyens nettoyer nos côtes souillées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, la position du Gouvernement et le discours des différents intervenants qui se sont exprimés au nom de l'Etat n'ont pas varié. Nous connaissons depuis les premiers jours du naufrage de l' Erika la composition précise du produit : il s'agit bien de fioul lourd no 2, un résidu de distillation du pétrole brut qui, comme tous les produits pétroliers, contient un certain nombre de composants dangereux pour la santé, je pense notamment aux hydrocarbures aromatiques polycycliques.

La composition de ce produit est connue. Les analyses de l'Institut français du pétrole, du centre antipoison et des différents instituts que nous avons sollicités sont convergentes : moyennant le respect des règles diffusées dès le mois de décembre sur les plages et dans tous les PC avancés, le risque reste limité.

Ces mesures de sécurité, vous les connaissez : porter des gants spéciaux pour hydrocarbures, des masques et des lunettes, si l'on doit manipuler des équipements projetant de l'eau sous pression.

Cela dit, nous avons voulu nous entourer du maximum de garanties. Et quand nous avons eu connaissance des résultats qui ont été colportés par un laboratoire indépendant à la fiabilité contestable, nous avons commandé des études et des contre-expertises de complément de sécurité : certaines à l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, d'autres à l'étranger. - aux Pays-Bas - afin de ne pas nous exposer à l'accusation de partialité. Des pré-résultats, encore précaires, sont disponibles. Ils semblent montrer que les mesures préconisées sont suffisantes et qu'il n'en est pas besoin de supplémentaires.

Cela étant, nous avons régulièrement rappelé ces consignes de sécurité. J'ai visité personnellement, à la fin de la semaine dernière, plusieurs chantiers. Sur chacun d'eux, j'ai constaté que les consignes étaient respectées de façon très aléatoire et très inégale.

Enfin, nous avons mis en place, à la demande des professionnels et des bénévoles, un suivi épidémiologique. Le dispositif de surveillance des sites de nettoyage n'a pas permis de déceler des hydrocarbures dans l'air. Nous avons analysé les urines des pompiers qui, jour après jour, ont travaillé sur le site. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

, sans déceler d'hydrocarbures aromatiques dans une proportion supérieure à la population. Si j'insiste sur ces précisions extrêmement concrètes, c'est pour montrer qu'on ne joue pas avec la santé des gens. Nous ne souhaitons pas avancer, de façon précipitée, des éléments qui pourraient permettre de faire revenir plus de bénévoles sur les plages au risque de mettre en danger leur santé sur le long terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard.

Monsieur le Premier ministre, le mandat que les Français nous ont confié exige à la fois que nous gérions les problèmes du quotidien et que nous anticipions ceux des générations futures.

Or il est un problème qui préoccupe tous les Français pour aujourd'hui et pour demain, c'est celui des retraites.

M. Didier Boulaud.

Celle de Chirac, par exemple !

M. Hervé Gaymard.

Il ne s'agit évidemment pas d'opposer les régimes les uns aux autres ni - encore moins ! les générations, mais tout simplement de traiter les Français en adultes, d'informer et de débattre dans la transparence et, surtout, de décider.

Il y a trois ans, dans votre discours de politique générale, vous nous disiez, à juste titre, que nos systèmes de retraite étaient fragiles et qu'il fallait les consolider.

Depuis, de rapport en rapport, vous dégagez en touche.

La semaine dernière encore, nous avons appris que, une fois de plus, vous refusiez l'obstacle, décommandant le rendez-vous que vous aviez vous-même fixé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Or, dans ce domaine, les Français ont davantage à c raindre de l'immobilisme que de la réforme. Ils attendent de vous le courage politique indispensable pour traiter les problèmes d'intérêt général qui engagent l'avenir.

Monsieur le Premier ministre, le 19 juin 1997, toujours dans votre discours de politique générale, vous disiez : « Ce que les Français attendent de nous, ce n'est pas le discours artificiel et lénifiant de la certitude, c'est l'explication sans faux-fuyant de nos actes. »

A lors, ne fuyez pas votre responsabilité qui est immense. Gardez-vous bien de compter sur la crédulité des Français qui, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, sont informés et lucides.

Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, quand donc annoncerez-vous à la nation vos décisions sur ce sujet majeur pour l'avenir de la France et des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, pour les retraites comme dans les autres domaines, le Gouvernement procède de la même façon. Il étudie les sujets en cause, les analyse, discute et fait part de ses décisions.

M. Bernard Accoyer.

Répondez à la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce qui lui a permis d'obtenir des résultats dans la lutte contre le chômage ; c'est ce qui lui permettra, cette année, de rétablir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale et de régler, comme le Premier ministre s'y est engagé, le problème des retraites.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a rien de réglé !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Certains, je le sais, auraient préféré, la précipitation. Nous connaissons malheureusement les réactions qu'a pu provoquer, par le passé, la brutalité de telle ou telle mesure, et nous avons privilégié une autre méthode, que le Premier ministre avait annoncée dès sa déclaration de politique générale. Nous avons posé des diagnostics, discuté avec les organisations syndicales et patronales et, dans quelques jours, le Premier ministre fera part de ses décisions. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Accoyer.

Ça fait trois ans que nous les attendons !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison, la question des retraites inquiète les Français, mais ils souhaitent - nous en sommes convaincus - que nous réfléchissions aussi à la place des personnes âgées dans la société, que nous abordions ce dossier desr etraites dans un esprit de justice. Ceux qui ont commencé à travailler jeunes et dans des conditions pénibles ne peuvent pas être traités comme ceux qui a rrivent aujourd'hui sur le marché du travail, qui jouissent de meilleures conditions et bénéficient d'une durée de travail moins longue.

Les problèmes de la dépendance, qui n'ont jusqu'à présent été traités par aucun gouvernement, sont au nombre des inquiétudes.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous avons pris du retard, en effet, dans la prise en compte scientifique et sociale des maladies de la sénilité précoce ou de la maladie d'Alzheimer.

Le Gouvernement étudie tous ces dossiers et c'est sur l'ensemble de ces questions que le Premier ministre fera part à la nation, comme il s'y est engagé, des décisions qu'il a prises. Dans ce domaine comme dans d'autres, le Gouvernement n'utilisera pas des faux-fuyants. Il prendra des décisions et les appliquera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PROGRESSION DES PRELEVEMENTS FISCAUX

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, en l'espace de quelques semaines, vous avez asséné deux contre-vérités fiscales. La méthode, en soi, choquante, traduit certainement le malaise que vous éprouvez lorsqu'il vous faut aborder le thème des impôts. Du reste, on peut le comprendre, après le record de prélèvements fiscaux que vous venez de pulvériser. Ce malaise, vous le ressentez vis-à-vis de la représentation nationale, vis-à-vis de votre propre majorité et vos amis politiques, vis-à-vis de tous nos concitoyens qui n'ont jamais payé autant d'impôts et de taxes que sous le gouvernement de M. Jospin.

M. Bernard Accoyer.

C'est du racket !

M. Patrick Delnatte.

Dans un premier temps, vous avez nié ici même, à plusieurs reprises, l'existence d'un surplus d'impôts encaissé par l'Etat l'année dernière. C'était la première contre-vérité.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Rendez l'argent !

M. Patrick Delnatte.

Dans un second temps, et sans doute pour atténuer cette première contre-vérité, vous nous avez expliqué que le surplus de recettes de 1999 provenait des entreprises. C'est la deuxième contre-vérité.

Or nous avons maintenant confirmation de ce que l'opposition avait dénoncé tout au long de l'examen du b udget : l'impôt sur le revenu a explosé, et 1 300 000 Français ont payé en 1999 un impôt qu'ils n'avaient pas acquitté l'année précédente. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Accoyer.

Bravo la gauche !

M. Patrick Delnatte.

La raison en est simple : bien entendu, c'est un effet de la croissance, mais c'est surtout le résultat de votre politique fiscale qui consiste à pénaliser les familles...

M. André Angot.

Voilà !

M. Patrick Delnatte....

en abaissant le quotient familial et à refuser avec obstination une baisse de l'impôt sur le revenu que plus de la moitié des Français attendent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma question est donc simple : allez-vous continuer à cacher à nos compatriotes la réalité de votre politique fiscale au détriment des Français eux-mêmes et au détriment des droits constitutionnels du Parlement ? (Applau-


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dissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, les recettes d'impôt sur le revenu ont effectivement progressé en 1999 et vous en avez vous-même donné l'explication.

M. Vincent Peillon.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Au lieu que la hausse du pouvoir d'achat des Français ait été confisquée, comme la hausse du pouvoir d'achat en 1996 (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), les Français ont connu une amélioration de leur niveau de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Dès lors que le pouvoir d'achat progresse, dès lors que chacun voit son salaire s'améliorer...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Dissimulateurs ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... dès lors que le nombre d'emplois progresse je vous rappelle que, en 1999, année record, 350 000 emplois ont été créés par les entreprises -, le produit de l'impôt sur le revenu augmente. C'est une première raison.

Il en est une deuxième, à laquelle vous avez fait référence : l'abaissement du quotient familial résulte d'un accord avec les associations familiales (Protestations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République), lesquelles demandaient le rétablissement des allocations familiales pour tous les revenus, y compris les plus élevés. Nous avons appliqué cet accord, car le Gouvernement a le sens du dialogue avec les associations familiales et avec l'Assemblée nationale. (Sourires.)

Pour la suite, j'ai pris, au nom du Gouvernement, l'engagement de revenir devant la commission des finances et de dire dans quelle mesure les recettes fiscales de l'année 2000 pourraient être réévaluées, l'année 1999 ayant été meilleure que prévu et la croissance, dont un de vos collègues a dit qu'elle était de retour, devant être plus forte en 2000 que nous ne le pensions à l'automne dernier. Cette annonce sera faite devant l'Assemblée nation ale et nous aurons l'occasion de discuter tous ensemble...

M. Jean-Jacques Jégou.

Ça changera ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... de l'affectation de ce surcroît de recettes pour l'an 2000 au sein d'un collectif budgétaire de printemps.

Le Gouvernement travaille donc dans la concertation, dans la transparence. Il s'est fixé pour objectif de créer le maximum d'emplois et d'assurer le maximum de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

COTISATIONS DE RENTE SURVIE

POUR LES HANDICAPÉS

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Les révélations de la presse concernant l'attitude du groupe AXA ont suscité une vive et légitime indignation.

La volonté de ce groupe de doubler les cotisations des contrats d'assurance souscrits pour assurer aux handicapés une rente après le décès de leurs parents est tout à fait intolérable. La même consternation domine à la suite de l'annonce d'une augmentation des cotisations pour le contrat d'assurance « perte d'emploi ». Il ne s'agit pas d'un simple dérapage. Le patron d'AXA le confirme quand il déclare que ce n'est pas à un assureur privé de jouer la solidarité.

Pourtant, AXA doit tenir ses engagements vis-à-vis des parents qui ont souscrit des contrats. Le premier assureur du monde a largement les moyens de le faire.

Cependant, l'attitude d'AXA préfigure le système de santé et de protection sociale que souhaitent imposer les assurances : une santé à deux vitesses, avec, comme leitmotiv, la rentabilité, la recherche de profits à réaliser sur la détresse des gens. Nous ne pouvons pas souscrire à cette conception de la protection sociale, qui accorderait aux assureurs privés la couverture santé des clients solvables et rentables, et, aux plus démunis, une protection minimale.

La démonstration est faite que le privé ne peut garantir le droit à la santé et à la protection sociale pour tous. Ce qui vient de se passer ne devrait-il d'ailleurs pas conduire à remettre en cause les filières de soins mises en place avec les assureurs privés ? L'affaire AXA dévoile avec insistance l'insuffisance des moyens de la protection sociale pour couvrir l'ensemble des besoins, l'insuffisance de l'allocation pour adulte handicapé pour vivre dignement. Se pose donc la question de leur financement. Des mesures courageuses et innovantes doivent être mises en oeuvre. Je pense, en particulier, à la taxation des revenus de placements financiers des grandes entreprises, ainsi qu'à la réforme des cotisations patronales. AXA peut contribuer au financement, avec 105 milliards de francs de chiffre d'affaires et 3,3 milliards de francs bénéfices. Il faut taxer ces profits et les réorienter vers la solidarité nationale.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour renforcer la solidarité en matière de prise en charge du handicap et faire participer ces revenus financiers à ce financ ement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, le Gouvernement partage l'émotion et l'indignation que vous avez rappelées et qu'a suscitées la décision d'AXA de doubler les primes versées par les parents soucieux de garantir une rente à leurs enfants handicapés. Cette mesure illustre bien le risque que fait peser sur les personnes les plus vulnérables la recherche d'une couverture sociale fondée sur la rentabilité des produits.

L a solidarité est l'affaire de tous. Aujourd'hui, 630 000 personnes touchent l'allocation pour adulte handicapé, et le Premier ministre a récemment annoncé un effort supplémentaire de 2,5 milliards de francs, dans les trois années qui viennent, pour faciliter l'intégration et l'insertion dans la société des personnes handicapées.

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez rien fait pour les handicapés vieillissants !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous avons pris acte de l'annonce du groupe AXA de renoncer à sa décision pour le moment. Mais nous ne pouvons nous en satisfaire. Il faut mettre à profit le moratoire pour faire progresser la réflexion. C'est pourquoi, avec Martine Aubry, nous avons décidé d'organiser une table ronde réunissant les principaux acteurs concernés.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Ah, les tables rondes !

M. Jacques Myard.

Ils tournent en rond ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Si l'Etat ne doit pas se substituer aux différentes parties, il peut tout de même faciliter le dialogue entre elles.

Cette réunion, que je rejoindrai à l'issue des questions d'actualité, se tient en ce moment même à mon cabinet.

Elle permettra de définir ce qui pose problème dans le contrat liant les usagers et le groupe d'assurance. Nous devrions également engager une véritable réflexion sur l'assurabilité, visant à garantir l'accès des personnes handicapées à un contrat d'assurance sans discrimination, dans le droit fil de la politique que le Gouvernement mène en faveur des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TRAVAILLEURS SAISONNIERS DU TOURISME

M. le président.

La parole est à M. François Liberti, pour une question courte.

M. François Liberti.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Madame la secrétaire d'Etat, depuis deux ans et demi que vous avez été nommée aux plus hautes responsabilités de l'Etat dans le secteur du tourisme, vous vous êtes efforcée de donner du sens à cette activité.

Le tourisme est une des premières activités économiques de notre pays. Il a permis de réaliser, en 1999, plus de 180 milliards de recettes. La France a d'ailleurs confirmé sa place de première destination mondiale en accueillant, cette année-là, 72 millions de touristes, dont 14 millions pour la seule région Languedoc-Roussillon, où je suis député d'une circonscription du littoral à fort potentiel touristique. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Cependant, personne ici n'oublie que, par définition, le tourisme est, d'abord et avant tout, affaire d'hommes et de femmes. Or, sur le million de salariés qui travaillent dans le secteur, 420 000 saisonniers connaissent une situation précaire et instable.

En présentant son rapport sur le travail saisonnier, Anicet Le Pors n'hésitait pas à qualifier cette catégorie de m ain-d'oeuvre de « véritables prolétaires des temps modernes » connaissant des conditions de travail et d'hébergement à la limite du supportable.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez présenté en conseil des ministres, le mercredi 9 février, un programme d'actions en faveur de l'amélioration de la situation sociale des saisonniers du tourisme. Il se décline en une série de mesures touchant à l'accès au logement et à l'élargissement des droits sociaux. Dans le LanguedocRoussillon, et plus généralement dans le Midi de la France, la saison touristique approche à grands pas.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que ces mesures, qui constituent une avancée sociale sans précédent dans ce secteur d'activité, puissent être effectives le plus rapidement possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le député, vous venez de le souligner, au-delà du pur aspect économique du tourisme, important pour notre pays, j'ai souhaité élargir l'action de l'Etat dans ce domaine en impulsant une politique sociale et une politique de l'emploi spécifiques.

Une part importante des emplois est occupée par des salariés saisonniers qui, depuis des années, demandent une réelle prise en considération. Le rapport d'Anicet Le Pors en a recensé, vous l'avez indiqué, 420 000. Ils connaissent une situation précaire et instable en matière de logement, de santé, de pérennité du contrat de travail ou de formation professionnelle, ce qui ne leur permet pas de s'inscrire durablement dans ces métiers.

Or, pour faire face à la croissance du tourisme et à son a daptation aux nouveaux besoins, ce secteur doit répondre à une exigence essentielle de qualité, celle du produit touristique dépendant de celle de l'emploi.

Il doit aussi répondre au manque d'attractivité qui entraîne - nous l'avons vu cette saison d'hiver - des difficultés de recrutement. En conséquence, la politique du Gouvernement vise à favoriser le développement d'une économie touristique plurisaisonnière et à améliorer, en même temps, la situation économique et sociale des saisonniers du tourisme.

Le 9 février dernier, vous l'avez rappelé, j'ai présenté au conseil des ministres un plan allant dans ce sens. Il s'articule autour de quinze mesures. Cinq concernent le logement : elle visent d'une part à adapter les règles d'accès aux aides personnalisées au logement aux durées de résidence en station touristique, et d'autre part à créer 6 000 logements publics en trois ans, avec les collectivités, par le déblocage des crédits PLUS et PLAI.

Dix autres mesures concernent les droits sociaux, en matière de formation, de reconduction du contrat de travail, d'accès à la médecine du travail, de représentation des personnels, par la création de délégués de site dans les stations, ou visent à améliorer l'accueil et à sortir ces salariés de leur isolement en développant des maisons de saisonniers.

Ce programme est le fruit d'un travail interministériel, réalisé notamment avec Louis Besson, Martine Aubry et Nicole Péry. Il traduit la volonté du Gouvernement de reconnaître les saisonniers du tourisme comme des salariés à part entière et constitue la première étape d'un processus visant à concilier développement économique et qualité de l'emploi. Enfin, il traduit la volonté de la France d'inscrire son économie touristique dans une logique de développement durable.

S'agissant de votre région, monsieur le député, comme dans neuf autres régions déjà, les services déconcentrés de l'Etat et les acteurs sur le terrain y sont mobilisés autour de dispositifs adaptés. Ainsi, une action engagée avec l'hôtellerie de plein air a permis de transformer des contrats saisonniers en contrats à durée indéterminée.

M. Edouard Landrain.

N'en jetez plus !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous le voyez, cette démarche s'appuie sur une impulsion forte du Gouvernement.

M. Bernard Accoyer.

Encore un peu, s'il vous plaît ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

... et sur une mobilisation de tous les acteurs au plus près du terrain.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Encore !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

C'est à ce prix, par le concret, que l'on pourra faire reculer l'idée selon laquelle la précarité des emplois saisonniers du tourisme est une fatalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

SITUATION AU

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Paul Quilès.

M. Paul Quilès.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, la situation au Kosovo s'est profondément dégradée au cours de ces derniers jours, au point que l'on peut craindre que les exactions et les affrontements de Mitrovica ne viennent remettre en cause l'objectif de faire vivre ensemble les différentes communautés.

L'apprentissage de cette cohabitation est pourtant un préalable au rétablissement de la paix dans la région et, plus largement, au retour de la sécurité dans les Balkans, aux frontières de l'Union européenne.

Aujourd'hui, certains s'interrogent sur la pertinence de la résolution 1244 de l'ONU, qui pose le principe d'un Kosovo multi-ethnique, se demandant même si elle ne serait pas à l'origine d'un malentendu. Nous avons toujours été conscients que la fin des bombardements de l'OTAN et le retrait des troupes serbes ne suffiraient pas à rétablir une vie normale au Kosovo. Pour la communauté internationale, il s'agissait moins, je crois qu'il faut le rappeler, de gagner une guerre que de réussir la paix civile.

Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, de quelle manière vous envisagez un règlement durable de la situation à Mitrovica et, plus généralement, au Kosovo.

On voit mal en particulier comment les élections à venir pourraient se dérouler, dans un climat où les tensions et les haines ne seraient pas apaisées, et où elles risqueraient de faire le jeu des extrémismes.

Le Kosovo ne suscite malheureusement pas, y compris dans cet hémicycle, le même intérêt, qu'il y a un an à pareille époque. Mais nous ne devons pas oublier - et jes uis sûr, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient - que c'est un dossier dont les enjeux sont essentiels pour l'avenir de l'Europe et pour sa crédibilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, l'engagement qu'avaient pris tous les membres de l'Alliance atlantique, tous les Européens membres de l'Alliance et tous les voisins de l'exYougoslavie favorables à la démarche était sérieux, réfléchi, et ne tenait pas simplement à la conjoncture.

Nous savions qu'il serait très difficile, d'abord sur le plan militaire, d'arrêter la machine de guerre serbo-yougoslave, et ensuite de construire la paix. Nous ne nourrissions pas d'illusions excessives, pas d'optimisme prématuré, mais étions animés d'une détermination politique et démocratique.

Nous savions ce qu'étaient les Balkans et quelle était la vie du Kosovo depuis longtemps. Nous savions qu'il ne s'agissait pas de rétablir un état de coexistence ou de démocratie qui n'avait jamais existé.

Nous sommes maintenant engagés durablement avec 4 000 soldats, mais aussi beaucoup de civils. Nous avons envoyé et des gendarmes et des policiers, ne l'oublions pas : il faut éviter de ne comparer la France qu'avec des pays qui ne peuvent envoyer que des policiers.

L'effort que nous menons est résumé par la résolution 1244, qui a exprimé, à un moment donné - fait très important pour nous tous ici - l'accord des membres permanents du Conseil de sécurité. Nous devons garder ce fil.

Dans un premier temps, il fallait rétablir les conditions d'une coexistence possible entre les uns et les autres. Il n'est pas étonnant qu'à Mitrovica, où se trouvent concentrés la moitié des Serbes restés au Kosovo - quelque 40 000 -, il y ait un maximum de tension et que les extrémistes des deux bords qui veulent faire capoter l'action de la communauté internationale s'attachent à faire jaillir un incident de cette poudrière. Nous voudrions justement en reprendre le contrôle. C'est ce à quoi s'emploient les hommes de la KFOR, les soldats français, dont les responsables de toutes nationalités ont salué le courage.

Il fallait s'attendre à ce que ce soit là que les tensions aient lieu. Il y a des provocations, il faut y résister. A ce stade, la priorité absolue, c'est de tenir bon et d'exprimer notre soutien, de toutes les façons, à la KFOR et à la Minuk.

M. Pierre Lellouche.

Mais que faites-vous ?

M. le ministre des affaires étrangères.

Dès que les conditions propices seront réunies, l'organisation d'élections locales constituera une étape nécessaire dans la préparation de l'avenir du Kosovo, un premier pas vers une démocratie qui devra se construire petit à petit.

Il appartiendra aux membres permanents du Conseil de sécurité d'indiquer quelle est la bonne marche à suivre pour les étapes suivantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Que dit la France ? Rien ! EXACTIONS COMMISES PAR LES RUSSES EN TCHÉTCHÉNIE

M. le président.

La parole est à M. Joseph Tyrode.

M. Joseph Tyrode.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne les exactions russes en Tchétchénie.

M. Pierre Lellouche.

Ah !

M. Joseph Tyrode.

Aucun mot ne peut résumer ce que vivent actuellement les Tchétchènes. Les témoignages sont intolérables : villages rasés, exécutions massives, arrestations de civils - hommes, femmes, enfants - sans discernement, mise en place des camps de filtration où les tortures, viols, pressions psychologiques sont le quotidien des prisonniers.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Ces images ne font qu'amplifier notre incompréhension face à la faiblesse des réactions de la communauté internationale. Ce n'est pas une simple guerre de combattants, c'est le massacre systématique d'une population que les Russes s'efforcent de soumettre depuis près d'un siècle.

Dans cinquante ans, les députés qui siégeront à notre place devront-ils voter une loi pour reconnaître le génocide tchétchène comme nous l'avons fait pour le génocide arménien ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La communauté européenne s'est mobilisée à juste titre contre l'extrême droite autrichienne. L'attitude de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité lors de la réunion des ministres des affaires sociales européens a été à cet égard exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais si nous devons être attentifs à toutes les poussées extrémistes, notre vigilance doit s'exercer au-delà des frontières européennes, contre toutes les violations des droits de l'homme.

Notre pays a su agir à l'occasion de faits tout aussi dramatiques au Timor-Oriental et au Kosovo. Ne doit-il pas, avec ses partenaires européens, condamner plus fermement les agissements russes et proposer la suspension des aides économiques que perçoit la Russie ?

Mme Muguette Jacquaint.

Très juste !

M. Joseph Tyrode.

En outre, le Gouvernement milit era-t-il pour la mise en place d'une commission d'enquête internationale sur les crimes commis en Tchétchénie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, vous vous étonnez de l'insuffisance des réactions internationales. Je dois dire que je partage votre étonnement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - « Ah ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Chaque fois que les autorités françaises se sont exprimées, chaque fois que le Gouvernement s'est exprimé, soit pour qualifier les massacres, soit pour exiger la solution politique, soit pour réclamer l'accès immédiat des organisations humanitaires, soit pour demander l'arrêt des exactions pendant et après la reprise de contrôle de Grozny, vous avez pu noter, vous l'avez dit vous-même, que la voix de la France s'était élevée dans un relatif isolement.

Je dois apporter à votre assemblée des éléments d'analyse sur la position de nos partenaires occidentaux.

Une partie d'entre eux reprend à son compte l'argumentation selon laquelle il est nécessaire d'empêcher l'afghanisation de l'ensemble de la région, considérant qu'audelà de la lutte du peuple tchéchène, se pose le problème du terrorisme international lié à l'Afghanistan.

Une autre partie considère qu'employer des moyens tels que les sanctions économiques n'aboutirait qu'à empêcher la Russie de rembourser les dettes qu'elle nous doit ou à aggraver la situation de la population (Exclamations sur divers bancs du groupe Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne fais que répéter ce qu'une grande partie de nos partenaires nous répondent lorsque nous avons ce type de discussion avec eux ! Ils estiment que cela n'aurait d'autre effet qu'accroître les difficultés de ce pays, sorti des ruines de l'Union soviétique, à devenir un grand pays moderne, démocratique et pacifique.

Cela n'a pas empêché la France de dire ce qu'elle a dit.

Cela ne l'a pas empêché d'être en pointe. Nous pensons avoir le devoir à la fois de mener une vraie politique franco-russe, euro-russe, de long terme - c'est notre intérêt - et d'exiger des Russes l'arrêt de ces comportements en Tchétchénie. Nous sommes, je crois, le seul pays qui arrive à faire les deux de cette façon. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ÉPIDÉMIE DE LISTÉRIOSE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, depuis la fin du mois de novembre, la France connaît plusieurs cas de listériose. Il s'agit d'une épidémie : le même germe a été identifié pour les vingt-quatre cas recensés. Elle a des conséquences dramatiques avec aujourd'hui sept morts. Et l'inquiétude grandit dans la population, inquiétude justifiée car, il y a huit ans, une épidémie similaire avait provoqué la mort de soixante-trois personnes.

D'après les dernières informations, le principal aliment responsable serait de la langue de porc en gelée. Les nouveaux outils d'alerte et de surveillance que sont l'Institut de veille sanitaire et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments semblent ici avoir parfaitement montré leur efficacité.

Mais, au-delà de la gestion d'une épidémie, il y a la prévention. Dans ce domaine, des mesures particulièrement sévères avaient été prises pour la fabrication des fromages au lait cru qui, ne l'oublions pas, avaient été injustement considérés comme les seuls responsables.

M. Bernard Accoyer.

Ce sont les charcuteries qui sont aujourd'hui en cause !

M. Jean-Paul Bacquet.

Aujourd'hui, ne faut-il pas préconiser aussi une véritable éducation sanitaire, s'appuyant sur les professionnels de santé ? Elle éviterait une angoisse excessive des consommateurs et permettrait une meilleure information des sujets à risques - immuno-déprimés -, jeunes enfants, femmes enceintes et vieillards. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, la France compte chaque année de nombreux cas de listériose. C'est encore une maladie mortelle.

Toutefois, depuis ces dix dernières années, le nombre de cas a diminué, pour plusieurs raisons. Le système des normes de sécurité des produits alimentaires et de contrôle s'est beaucoup renforcé. Les dispositifs de veille épidémiologique et d'alerte sanitaire sont devenus plus efficaces.

Chaque cas de listériose diagnostiqué fait l'objet, après différents tests en laboratoire, d'une déclaration obligatoire transmise au centre national de référence, à l'Institut Pasteur. Il procède de nouveau à des examens, compare les échantillons aux souches existantes et envoie les résultats à l'Institut de veille sanitaire. Quand plus de trois cas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

relèvent du même germe pathogène, l'alerte épidémique est lancée. Les habitudes alimentaires et les lieux d'approvisionnement des victimes sont examinés afin de retrouver le produit à l'origine de l'épidémie.

C'est exactement le cas de figure qui nous préoccupe aujourd'hui. L'épidémie actuelle, qui a fait sept morts et touche vingt-trois personnes, a été repérée le 2 février dernier grâce au système de déclaration obligatoire, après confrontation des résultats des différents laboratoires et mise en place des cultures biologiques. Des enquêtes alimentaires ont été ensuite lancées dans les dix-neuf départements où les cas ont été repérés.

La dispersion des cas a rendu très dificile le repérage du produit responsable. A la suite des deux cellules de crise qui ont réuni les 14 et 19 février derniers, des responsables des trois ministères concernés - l'agriculture, la santé et la consommation - et des agences de sécurité sanitaires, nous avons décidé d'alerter la population alors même que nous ne connaissions pas le produit en cause.

Comment agir pour mieux prévenir la population ? Vous l'avez dit, par l'information. C'est notre objectif principal, au-delà du renforcement des normes de sécurité sanitaire. Les professionnels de santé sont régulièrement informés par des circulaires. Et nous avons relancé une campagne par voie d'affichettes. Les médias jouent aussi un rôle. Ils nous ont d'ailleurs bien aidés, dans le cas de présente épidémie, à véhiculer les messages d'hygiène ali mentaire et de prévention en direction des personnes les plus vulnérables, les femmes enceintes, les personnes âgées et les immunodéprimés. En outre, les femmes enceintes sont informées, au moment de la déclaration de la grossesse, des précautions à prendre pour éviter la listériose, mais aussi la toxoplasmose et différentes intoxications alimentaires.

Aujourd'hui, nous sommes en mesure d'identifier le produit en cause dans l'épidémie actuelle. Il s'agit de la langue de porc en gelée. Le producteur et le distributeur seront connus dans les heures qui viennent. Ces résultats sont le fruit du travail de l'Institut de veille sanitaire et de son directeur, le professeur Drucker. Nous pouvons faire face et rassurer la population.

Informer, prévenir, renforcer le rôle des instituts et des agences de veille sanitaire et épidémiologique nous permettra d'améliorer encore la sécurité sanitaire en France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

FONCTIONNAIRES DE POLICE POUR MITROVICA

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le Premier ministre, des jeunes Français de vingt ans sont engagés à Mitrovica pour essayer d'éviter une guerre civile. Ils font avec abnégation un travail difficile, qui demande beaucoup de volonté et qui les oblige à prendre des risques. Je crois que, sur tous les bancs, nous pouvons leur rendre hommage (Applaudissements sur tous les bancs.)

D'autant qu'ils sont aussi obligés de faire un travail de policier pour lequel ils ne sont pas formés car le ministre de l'intérieur refuse d'envoyer des fonctionnaires de police volontaires. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) On sait d'ailleurs qu'il était opposé à l'intervention militaire. Dois-je rappeler que Bernard Kouchner, la semaine dernière encore, réclamait à la télévision ces policiers, se plaignant que seule la France refuse d'en envoyer ? (« Oh ! » sur les mêmes bancs.)

Monsieur le Premier ministre, les jeunes Français à Mitrovica vont-ils payer longtemps les divergences internes à votre Gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Allez-vous oui ou non envoyer des policiers à Mitrovica ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je voudrais tordre le cou à certaines rumeurs, car la situation à Mitrovica doit être évoquée avec beaucoup de circonspection compte tenu de la gravité des incidents qui s'y déroulent. Chacun comprend que lorsqu'il est fait usage d'armes à feu, seule la présence de militaires armés peut tenir en respect des foules pouvant atteindre 30 000 personnes, voire davantage, qui manifestent avec la volonté de déplacer les lignes qui séparent la communauté albanaise de la communauté serbe.

Vous faites allusion aux réticences que j'aurais manifestées quant à l'envoi de policiers au Kosovo.

(« C'est Kouchner ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je tiens à rappeler que le conseil de défense réuni au mois de juillet dernier sous l'autorité de M. le Président de la République a décidé que 80 gendarmes et 80 policiers seront mis à la disposition de l'administration de l'ONU, en plus des 4 500 soldats français déjà présents au Kosovo. Ce qui fait de la France l'un des principaux contributeurs à la force internationale.

Sur les 155 candidats qui ont été présentés - c'est-àdire bien plus que les 80 auxquels nous étions tenus par la décision du conseil de défense - 137 ont été retenus par l'OSCE et 37 seulement, dans l'état actuel des choses, par l'administration de l'ONU. Pour l'enssentiel, il s'agit de policiers qui exercent leurs fonctions à l'école de police de Vucitrn pour former la police kosovare, la CIFPOL, dans des conditions extraordinairement difficiles, qui suscitent à la fois mon admiration et ma préoccupation.

Il n'est pas raisonnable d'alimenter ce genre de rumeur (« C'est Kouchner ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Les soldats français sont mis en cause de manière extrêmement injuste dans certaines campagnes de presse - je n'en dirai pas plus, pour ne pas créer une polémique qui n'a pas lieu d'être. Il faut aller au fond des choses, la situation est difficile, de multiples questions se posent à propos de l'avenir du Kosovo.

Il est inutile de pointer l'absence de policiers. Chacun comprend bien que ce ne sont pas 30 ou 40 policiers de plus qui changeront quelque chose. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Kouchner ne comprend rien, alors ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je vous invite à faire preuve d'un peu plus d'esprit critique en vous rappelant les décisions prises par les autorités de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'AGRICULTURE

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la mécanisation, et par conséquent les gains de productivité, sont faibles ou inexistants dans le secteur de la cueillette et du ramassage des fruits et légumes. Dès lors, les entreprises concernées qui, comme les autres, vont passer aux 35 heures dans les deux ans qui viennent, devront bénéficier d'un régime d'exonération particulier concernant, notamment, les travailleurs occasionnels employés pour les différentes récoltes.

Un tel régime existe depuis quelques années, mais n'estimez-vous pas qu'il doit être complété, en particulier, par une majoration des taux d'exonération déjà existants ? Pouvez-vous nous indiquer, si telle est votre analyse, que telle est bien aussi votre intention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, la réduction du temps de travail s'applique bien évidemment aux travailleurs saisonniers de l'agriculture, qui doivent bénéficier des mêmes droits que les autres. Compte tenu de la concurrence échevelée d'autres pays de l'Union et des problèmes climatiques répétitifs, le Gouvernement a décidé de renforcer, je vous le confirme, le dispositif d'allégement des charges sociales patronales pour maintenir la compétitivité de notre agriculture dans le cadre de la réduction du temps de travail.

Pour cela, le décret du 9 mai 1995 sera modifié. Un nouveau décret en ce sens est actuellement à l'étude.

Mais l'accroissement des exonérations affectant l'équilibre du régime général, nous devrons saisir pour avis les conseils d'administration des organismes concernés, avant sa publication. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heure vingt-cinq, sous la présidence de M. Raymond Formi.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

COUR PÉNALE INTERNATIONALE Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale (nos 2065, 2141).

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangère.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée va se prononcer aujourd'hui sur ce qui constitue une vraie victoire de la lutte contre l'impunité au crépuscule d'un siècle marqué par des horreurs qui défient la conscience humaine. Chacun peut mesurer le caractère symbolique de cette entreprise, qui marque aussi le dépassement d'une vision abusive de la souveraineté des Etats face aux violations radicales des droits de l'Homme.

La Convention de Rome a été adoptée le 17 juillet 1998 : 120 pays, dont la France et les autres membres de l'Union européenne, se sont prononcés en faveur de ce texte. Cependant sept pays ont voté contre - les EtatsUnis, l'Inde, la Chine, Israël, Bahreïn, Qatar, le Vietnam - et vingt et un se sont abstenus.

La France a signé ce texte dès le 18 juillet 1998 et le Gouvernement entend que notre pays fasse partie des premiers à le ratifier. Le 24 décembre 1998, le Président de la République et le Premier ministre ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel de la conformité du statut de la Cour pénale internationale avec les dispositions de la Constitution. Le 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et, sur cette base, le congrès réuni à Versailles a procédé, le 28 juin 1999, à une révision constitutionnelle en ajoutant l'article 53-2 selon lequel « La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 » A la date du 22 février 2000, quatre-vingt-quatorze pays ont signé la Convention, dont les quinze membres de l'Union européenne. Sept pays seulement l'ont ratifiée pour le moment : le Sénégal, Trinité-et-Tobago, San Marin, l'Italie, Fidji, le Ghana et la Norvège. Comme vous le savez, pour entrer en vigueur la Convention doit avoir été ratifiée par soixante pays. Nous en sommes encore loin, mais la France y travaille. J'ai demandé à Robert Badinter, dont je salue l'engagement de toujours pour l'affirmation d'une justice pénale internationale, de se rendre dans un certain nombre de pays signataires pour convaincre leurs responsables de hâter les procédures de ratification.

L'idée d'une cour permanente vient de loin : un premier projet avait déjà été évoqué au sein de la Sociét é des Nations. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Commision du droit international des Nations unis avait été saisie de nouvelles propositions. Les vainqueurs de l'Allemagne nazie et du Japon militariste avaient alors mis en place les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.

La volonté que jamais ne se reproduise l'horreur avait conduit à l'adoption rapide de la Convention sur le génocide, le 9 décembre 1948, puis, le lendemain, de la Déclaration universelle des droits de l'homme.


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Tout semblait prêt pour une concrétisation rapide des idées exprimées, notamment par notre compatriote Donnedieu de Vabres, procureur à Nuremberg, en faveur d'une cour permanente. Hélas, la guerre froide et les blocages qui en ont résulté, ont brisé net cet élan. Quarante ans plus tard, la disparition de l'Union soviétique a réouvert cette perspective. C'est ainsi que le Conseil de sécurité, dans les années 90, a créé les tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie d'abord, d'ailleurs sur proposition française, puis pour le Rwanda. En 1994, les experts de la Commission du droit international ont enfin pu soumettre aux Etats membres, à la demande de l'Assemblée générale des Nation unies, un avant-projet de statut.

Les débats préparatoires à la création de la Cour se sont déroulés sur des bases et selon des méthodes novatrices. De nombreuses ONG ont pu faire valoir leurs observations et propositions à toutes les étapes. L'un des enjeux était de choisir entre l'adoption rapide d'une convention-cadre ou l'élaboration d'un statut complet.

Certains voulaient éluder les questions de fond. Une coalition de pays, auto-baptisée « Etats pilotes », s'était donné pour objectif l'aboutissement très rapide des travaux.

Notre tradition de droit écrit, le souci persistant que nous exprimons dans toutes les enceintes d'une meilleure régulation des rapports internationaux plaidaient plutôt pour l'élaboration sérieuse et méthodique d'un texte précis, garant d'une véritable sécurité juridique. Cette approche a prévalu.

C'est ainsi que le statut adopté à Rome doit beaucoup aux conceptions françaises : donner une vraie réponse aux aspirations à la justice et à la lutte contre l'impunité, tout en créant une institution qui s'insère harmonieusement dans le système international. Pour la France, la fin de l'impunité des grands criminels, c'est la dignité rendue aux victimes, dont le droit de savoir et le droit à la justice doivent être reconnus, et l'espoir d'un futur état de droit à construire ou à reconstruire dans les régions meurtries. La Cour, qui peut être saisie par le Conseil de sécurité, doit aussi participer à l'action multilatérale en faveur de la paix et de la sécurité en contribuant au dépassement des tragédies.

La France a oeuvré en faveur d'une Cour dont la composition serait la plus universelle possible, dont les procédures seraient adaptées au contexte international.

Tout au long des discussions, nous avons formulé de nombreuses propositions et contribué à promouvoir une synthèse des diverses traditions juridiques, plutôt que de laisser s'imposer un seul et même modèle sur la scène juridique internationale. La France a ainsi coordonné les travaux sur la complémentarité, le droit des victimes, le rôle d'une chambre préliminaire pendant l'instruction, l'obligation de coopération des Etats. Si le compromis final a pu se faire à Rome, c'est sur bien des points autour des positions françaises.

Nous avions tout particulièrement souligné qu'on ne rendrait pas la justice internationale en l'absence des victimes et nous avons défendu, avec le concours des experts des Etats et des ONG intéressés, au cours du séminaire organisé à Paris en avril 1999, « l'accès des victimes à la Cour pénale internationale ». Nos propositions visaient à mettre en place des solutions efficaces obligeant la Cour à prendre les mesures propres à protéger la sécurité, le bienêtre physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des témoins « en particulier lorsque le crime s'accompagne de violences sexuelles, de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants ». Elles tirent parti de l'expérience des tribunaux pour l'exYougoslavie et le Rwanda. Il est en effet regrettable qu'aujourd'hui encore ces deux tribunaux voient leur légitimité contestée par ceux-là mêmes en faveur desquels ils rendent la justice et que ni l'opinion rwandaise ni la société civile en ex-Yougoslavie ne se sentent encore tout à fait concernées par l'action des TPI.

Nous disposons donc maintenant d'un statut précis et équilibré. L'équilibre entre la Cour et les tribunaux nationaux est un élément important. N'oublions pas que la Cour est complémentaire des juridictions nationales, les

Etats gardant la responsabilité principale de la prévention et de la répression des crimes. En finir avec l'engrenage incessant des revanches qui répondent aux violences antérieures - engrenage nourri par l'impunité de ceux qui violent les droits de l'homme - et créer des conditions propices à la réconciliation : tel est le double défi que doivent relever toutes les régions déchirées par des atrocités. Il est essentiel que les Etats ne se croient pas déresponsabilisés de cette mission essentielle par la création de la Cour. C'est pourquoi les Etats sortant de crise doivent agir eux-mêmes pour s'efforcer de trouver, seuls ou avec la communauté internationale, les voies adaptées à la solution des tragédies et à la réconciliation. Outre les voies judiciaires nationales, et désormais internationales, il existe à cet égard des solutions diverses, comme en témoigne, parmi de nombreux autres exemples, celui de l'Afrique du Sud et de l'action du prix Nobel de la paix, Monseigneur Desmond Tutu, à la tête de la commission Vérité et Réconciliation. Le système de complémentarité réserve la compétence de la Cour aux cas de défaillance avérée de l'ordre interne. La Cour ne se substitue pas aux

Etats ; elle n'intervient que si les autorités nationales sont incapales de traduire en justice les responsables des grands crimes ou si elles s'y refusent.

Toutefois, en cas de contestation, il faut garder à l'esprit que la décision finale appartient à la Cour, qui est le juge ultime de sa propre compétence. A travers cette disposition, nous avons établi la primauté de la juridiction internationale.

Les débats ont permis également d'assurer un équilibre institutionnel au sein de la Cour. Ainsi, la France est à l'origine de la création de la chambre préliminaire, organe nouveau qui va superviser l'action du procureur et garantir les droits de la défense et des victimes pendant l'instruction. Cette chambre sera compétente pour confirmer les charges avant que ne s'ouvre un procès et devrait remédier à la lenteur des procédures constatées à La Haye et à Arusha.

La Cour sera saisie par un Etat partie, par le Conseil de sécurité ou pourra s'autosaisir. C'est parce qu'il y aura une chambre préliminaire que bien des Etats ont accepté l'autosaisine : celle-ci sera collégiale, décidée conjointement par les juges de la chambre préliminaire et par le procureur.

Les dispositions relatives à la compétence de la Cour sont naturellement déterminantes. En ratifiant la convention de Rome, les Etats acceptent la compétence obligatoire de la Cour pour les crimes contre l'humanité, les génocides et aussi les crimes de guerre. La Cour exerce sa compétence dès qu'un Etat concerné, l'Etat de la nationalité des auteurs présumés ou l'Etat sur le territoire duquel le crime a eu lieu, est partie au statut ou donne son accord exprès. Cette forme de compétence est très large.

Elle a le mérite d'écarter définitivement l'idée d'une compétence à la carte, d'un consentement au cas par cas.

Ce principe n'allait pas de soi. Des pays réticents à l'égard de toute intervention internationale dans les conflits internes s'opposaient à ce que les crimes de


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guerre fassent partie de la compétence de la Cour. Le mouvement des non-alignés avait adopté une déclaration en ce sens avant la conférence de Rome. L'abstention du groupe arabe, le vote négatif de la Chine et de l'Inde le 17 juillet sont aussi significatifs.

Comme je l'ai dit, le Conseil de sécurité pourra saisir la Cour, sur la base du chapitre VII de la charte, c'est-àdire dans des situations de menace ou d'atteinte à la paix, y compris à l'égard de pays qui n'auraient pas ratifié le statut. Cette faculté de saisine du Conseil est essentielle.

Elle permettra d'éviter dans le futur la multiplication de tribunaux ad hoc . Elle constituera également la forme la plus efficace de saisine de la Cour, car celle-ci n'a aucun moyen de contrainte à l'égard des Etats. La Cour, saisie par le Conseil, pourra en retour lui demander d'agir en cas de non-coopération d'un Etat.

Par ailleurs, l'article 16 du statut prévoit que le Conseil de sécurité, agissant toujours en vertu du chapitre VII, pourra, le cas échéant, demander à la Cour de ne pas engager ou de suspendre des enquêtes et des poursuites. Il faudra un vote positif de neuf membres du Conseil de sécurité, y compris celui de tous les membres permanents, pour suspendre l'intervention de la Cour.

Certes, il n'y a pas de raison a priori de penser que les logiques du Conseil et de la Cour puissent être contradictoires, mais on ne peut pas non plus complètement écarter cette éventualité. Les négociateurs ont pensé qu'on ne pouvait exclure qu'une pause soit nécessaire dans certaines situtations pour arracher en priorité une solution à un conflit inextricable et mettre fin aux violences.

L'article 16 répond à une telle éventualité.

Ce bref exposé des dispositions du statut permet de mesurer les bouleversements que représente pour l'ordre international la création de la Cour pénale. Ces bouleversements sont sans comparaison avec les quelques adaptations rendues nécessaires par la création des tribunaux pénaux internationaux, dont la compétence géographique et temporelle est limitée, mais dont le fonctionnement requiert malgré tout aujourd'hui 10 % du budget ordinaire de l'ONU. Il est trop tôt pour imaginer concrètement comment fonctionnera la Cour. Une fois le statut entré en vigueur, s'ouvrira une période au cours de laquelle s'établiront, sur la base des textes fondateurs, des pratiques et une jurisprudence.

Ainsi que vous le savez, la France a annoncé lors de la signature de la convention qu'elle entendait se prévaloir de l'article 124 du statut. La garde des sceaux l'avait confirmé devant votre assemblée au moment de la présentation du projet de loi constitutionnelle. Contrairement aux pays que j'ai cités il y a un moment, notre pays accepte la compétence de la Cour pour les crimes de guerre mais entend faire jouer la clause qui permet de reporter sa mise en oeuvre à une échéance de sept ans maximum après l'entrée en vigueur du statut. Cela n'exonère aucunement un Français qui commettrait un crime de guerre ; il pourra de toute façon être jugé par un tribunal français. Les autorités françaises ont demandé cette période transitoire pour pouvoir vérifier que toutes les garanties introduites dans le statut afin d'éviter les plaintes abusives sont appliquées avec efficacité.

M. Pierre Lellouche.

C'est une erreur politique !

M. le ministre des affaires étrangères.

De telles plaintes fallacieuses ne sont naturellement pas envisag eables pour des crimes contre l'humanité ou un génocide qui ont, par définition, un caractère massif et systématique. Au contraire, les crimes de guerre, dont la définition recouvre des actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Or, malgré la garantie qu'offre l'existence d'une chambre préliminaire, ces plaintes non fondées pourraient mettre injustement en cause des pays qui ont le mérite d'assumer plus que d'autres leurs responsabilités internationales en participant à de très délicates opérations de maintien de la paix - et vous savez que la France y prend plus que sa part. Elles nuiraient à ces

Etats, aux opérations dans lesquelles ils sont engagés, ainsi qu'à la Cour naissante, dévoyée comme instrument politique.

Cette crainte n'est pas théorique : de nombreuses critiques ou polémiques, ces dernières années, le prouvent.

L'expérience des tribunaux pénaux démontre que de tels dysfonctionnements ne peuvent être exclus.

Les Etats-Unis considèrent, eux, que la protection offerte par l'article 124 contre les plaintes abusives reste insuffisante. C'est même une des raisons pour lesquelles ils ont rejeté le statut - que nous, nous avons voté. Plusieurs autres pays ont la même position que les EtatsUnis. Pour ma part, j'ai la conviction que cette période transitoire permettra de vérifier la validité des garanties destinées à éviter les recours abusifs. Je suis même en mesure de vous dire, notamment à ceux qui au sein de cette Assemblée se sont interrogés sur l'opportunité de ce délai,...

M. Jacques Myard.

Et ils sont nombreux !

M. le ministre des affaires étrangères.

... que dès que cela sera le cas, dès que cette vérification sera assurée, et sans attendre sept ans, la France pourrait renoncer à cette disposition transitoire.

M. Pierre Lellouche.

Alors, faisons-le tout de suite, monsieur le ministre !

M. le ministre des affaires étrangères.

L'essentiel est le mouvement d'ensemble et la direction dans laquelle nous allons, direction qui est parfaitement claire.

Avant de conclure, je souhaite présenter trois observations.

La convention soumise aujourd'hui à votre assemblée n'est pas parfaite.

M. Jacques Myard.

Ah ça, non !

M. le ministre des affaires étrangères.

Quel texte l'est ? Il ne contient notamment aucune disposition permettant d'agir contre des pays qui commettraient des crimes sur leur propre territoire et contre leurs propres citoyens. Les dirigeants de ces pays peuvent se contenter de ne pas ratifier, espérant rester tranquilles et impunis à l'intérieur de leurs frontières - calcul illusoire, à mon sens, dans le monde où nous sommes. Le Conseil de sécurité pourra néanmoins tenter de les contraindre à répondre de leurs actes devant la Cour. Le statut constitue de toute façon une avancée historique et il faut le ratifier aujourd'hui, quitte à penser déjà à la conférence de révision qui se tiendra sept ans après son entrée en vigueur.

Ma deuxième observation concerne le chantier lancé par la ministre de la justice et par moi-même en vue d'assurer une meilleure promotion de notre droit au plan international. L'enjeu est d'envergure. Il est clair que les crises récentes - implosion de certains Etats, crises financières, difficultés croissantes à lutter par l'entraide judiciaire traditionnelle contre la criminalité organisée qui s'engouffre dans les failles de la modernisation - soulignent les risques d'une dérégulation excessive.

J'ai la conviction que le droit français, dans nombre de ses composantes, peut apporter des réponses adaptées.

Nous l'avons trop longtemps sous-estimé alors que, dans


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tel ou tel domaine, droit économique, droit financier ou droit pénal, la seule common law domine et s'étend inexorablement. Il ne faut pas accepter cette évolution.

Le contenu du statut de Rome démontre que la défense et la promotion du droit romano-germanique peuvent être assurées par un effort mené en amont, lors de la codification de textes internationaux. Grâce aux négociateurs français, la nouvelle juridiction fait une synthèse novatrice entre droit civil et common law, non par la voie d'un affrontement entre blocs juridiques, mais par celle d'un dialogue renforcé avec les grandes démocraties, particulièrement le Royaume-Uni et l'Australie, convaincues en définitive que cette synthèse serait, pour la Cour, porteuse d'efficacité.

Ma dernière observation concerne le rôle futur de la Cour dans le système international de prévention et de gestion des crises. Sans être chimérique, il faut espérer que l'existence même de la Cour jouera un rôle dissuasif et préventif, qu'elle pourra intervenir dès qu'il le faudra et que le procureur et les juges auront la sagesse et le courage de s'engager, aux côtés des pays en sortie de crise, pour que la justice rendue à La Haye contribue effectivement à la réconciliation.

Mais je voudrais redire solennellement - j'en ai dit un mot tout à l'heure - que la création de la Cour pénale internationale ne dispense ni la France ni les autres grands pays du monde de tout faire politiquement et diplomatiquement pour prévenir et résoudre les grandes crises internationales. Il faut ratifier le statut de la Cour pénale internationale. Mais cette Cour ne devra être l'alibi d'aucune défaillance de la volonté politique.

M. Jacques Myard.

Elle l'est.

M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, mesurons l'importance historique de la future Cour et poursuivons nos efforts partout dans le monde pour corriger les situations ou extirper les idéologies d'où naissent les grandes tragédies avec leur cortège d'atrocités ! Luttons pour un développement durable et moins inégal, renforçons les solutions pacifiques et politiques des conflits, préservons la diversité culturelle et linguistique du monde, consolidons pierre par pierre l'état de droit, oeuvrons partout à la coexistence pacifique des groupes ennemis ou antagonistes, et un jour à leur coopération puis à leur réconciliation ! Telles sont les priorités des autorités françaises et de ce gouvernement. Dans ce vaste mouvement de progrès et de civilisation de la vie internationale auquel nous participons, qui progresse sous nos yeux et aussi grâce à nous, l'adoption du statut de la Cour pénale internationale marquera une date historique. Hâtons ce moment par sa ratification !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Pierre Brana, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fruit d'une longue négociation et de compromis subtils, le statut de la Cour pénale internationale a été adopté le 17 juillet 1998 à Rome : 120 Etats, dont tous les pays membres de l'Union européenne, ont voté pour, 21 se sont abstenus et 7 ont voté contre. Actuellement, avec le Brésil depuis peu, 94 Etats ont signé le statut et 7 - avec la Norvège voici quelques jours - l'ont ratifié. Mais la Cour ne sera créée qu'après la soixantième ratification ; c'est dire que la bataille n'est pas terminée. L'approbation du statut de la CPI par n otre pays constitue donc un acte symbolique déterminant.

La création de cette Cour est l'aboutissement d'un long processus. Toutefois, ce sont l'ampleur et la gravité des crimes perpétrés pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont conduit à la création de deux juridictions : le tribunal de Nuremberg et le tribunal de Tokyo. Plus récemment, le génocide au Rwanda et les crimes commis en exYougoslavie ont conduit à créer deux tribunaux pénaux internationaux. S'ils ont révélé certaines carences, les TPI ont servi de catalyseurs pour la création de la Cour, qui sera la première juridiction pénale internationale à caractère permanent.

Elaborée pour lutter contre l'impunité, la convention de Rome rappelle clairement le caractère d'exceptionnelle gravité des crimes dont la répression doit être assurée par la CPI. Celle-ci, pourvu qu'elle soit dotée de moyens suffisants, pourra intervenir en temps réel. Menace permanente sur les responsables d'atrocités, instrument de justice pour les victimes, elle marque une rupture et constitue une avancée vers une reconnaissance universelle des droits humains et de l'Etat de droit.

M. Jacques Myard.

Moins la Chine, moins les EtatsUnis !

M. Pierre Brana, rapporteur.

Néanmoins, la CPI - contrairement aux tribunaux de Nuremberg, de Tokyo, de La Haye et d'Arusha n'exercera sa juridiction qu'à l'égard de faits postérieurs à l'entrée en vigueur du statut.

Il est donc urgent d'entraîner d'autres pays à poursuivre cette démarche.

Les règles de procédure sont détaillées dans le statut.

Contrairement aux deux TPI, la Cour pénale internationale n'a pas de pouvoir d'auto-organisation. L'accès des victimes devant la Cour et leur protection sont assurés grâce à une proposition française.

Composée de dix-huit juges et d'un procureur élus par les Etats parties, la Cour est financée par ceux-ci. Toutefois, l'article 116 permet à des particuliers ou à des entreprises de participer à son financement. Cela me paraît regrettable, car susceptible de jeter une ombre sur l'indépendance de la Cour.

La compétence de la CPI ne peut s'exercer que si l'Etat sur le territoire duquel le crime a eu lieu est partie au statut ou a accepté la compétence de la Cour par déclaration, ou si la personne accusée est ressortissante d'un Etat partie. L'Etat de la nationalité des victimes n'est donc pas pris en compte. Instance complémentaire des juridictions nationales, la Cour ne peut être saisie qu'en cas de défaillance avérée de ces dernières.

E lle doit également respecter les prérogatives du Conseil de sécurité qui peut déférer au procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis. Aucune poursuite ne peut être engagée pendant douze mois si le Conseil de sécurité vote une résolution en ce sens.

Le domaine de compétence de la Cour est limité à quatre catégories de crimes : le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression, qui sera défini ultérieurement.

L'article 8 relatif aux crimes de guerre a posé problème, notamment quant à l'extension de cette incrimination aux violations du droit humanitaire commis pendant les conflits armés non internationaux, actuellement les plus nombreux, et sur l'emploi d'armes de destruction massive, non interdit tant qu'une convention ne le pré-


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voit pas. A cet égard, la France s'apprête à déposer une déclaration interprétative rappelant son droit de légitime défense et le caractère dissuasif de son arme nucléaire.

La CPI, ne disposant pas de forces de police lui conférant une autonomie dans ses fonctions, sera soumise à la volonté de coopération des Etats. L'obligation générale de coopérer avec la Cour se traduira par une adaptation de la législation nationale des Etats.

En France, il faudra légiférer sur les modalités de coopération et prendre des mesures permettant l'exécution sur le territoire français des décisions de la Cour.

De nouvelles incriminations devront être introduites, car l'article 7 de la convention portant définition des crimes contre l'humanité contient des références explicites aux grossesses ou à la stérilisation forcées et à l'apartheid, qui ne sont pas spécifiquement incriminés dans le code français. En outre, le principe de l'imprescriptibilité des crimes de guerre devra être introduit dans notre code pénal.

Des négociations importantes concernant le règlement de procédure et les éléments des crimes se poursuivent au sein d'une commission préparatoire ouverte à tous les

Etats, même non signataires. J'en viens à un point important du statut, le régime optionnel accordé par l'article 124.

La compétence de la Cour risque d'être largement réduite par le recours à cette disposition introduite à l'initiative de la France à la fin de la négociation. L'article 124 permet à un Etat qui devient partie au statut de décliner pendant sept ans la compétence de la Cour pour les crimes de guerre lorsqu'il est allégué qu'un tel crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Cette déclaration peut être retirée à tout moment.

Dès la signature du statut, la France a annoncé qu'elle utiliserait cette faculté. Regrettée lors des débats de révision constitutionnelle par presque tous les intervenants, contestée par des juristes éminents, cette démarche est sévèrement critiquée par nombre d'ONG, de syndicats, d'associations professionnelles.

A l'appui de sa démarche, l'exécutif fait valoir que les crimes de guerre relevant de la compétence de la Cour peuvent être des actes isolés. La France, fortement engagée sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, souhaite éviter que les dispositions relatives aux crimes de guerre puissent faire l'objet de plaintes abusives teintées d'arrière-pensées politiques et craint que les garanties juridiques offertes par le statut ne prémunissent pas d'un harcèlement juridique.

M. Pierre Lellouche.

Sur ce point, il ne faut pas accepter le statut !

M. Pierre Brana, rapporteur.

Ce raisonnement me semble mal fondé...

Mme Yvette Roudy.

Tout à fait !

M. Pierre Brana, rapporteur.

... et il ne tient pas compte des conséquences néfastes, au plan politique et diplomatique, d'une telle démarche.

D'après nombre de juristes, et parmi les plus éminents, le risque que la CPI enquête sur des plaintes abusives et non fondées, classées sans suite par les juridictions françaises, est infinitésimal.

M. Jacques Myard.

Personne ne le sait, monsieur le rapporteur !

M. Pierre Brana, rapporteur.

La Cour aura, dans les premières années de son fonctionnement, le souci d'asseoir sa crédibilité et de ne pas empiéter sur la compétence des Etats en enquêtant sur ce type de plaintes. De plus, les règles de complémentarité réduisent considérablement le risque que la CPI se fourvoie dans de telles poursuites. En revanche, l'utilisation de l'article 124 jetterait la suspicion sur l'action de nos militaires dans les opérations de maintien de la paix.

Le retentissement politico-médiatique que susciterait une plainte, même abusive, pour crime de guerre contre des Français serait d'autant plus fort que la France aurait décliné la compétence de la CPI. Néfaste, l'utilisation de l'article 124 conférerait aux militaires français une protection illusoire qui pourrait se retourner contre eux et heurter leur sens de l'honneur.

Aucun de ses partenaires de l'Union européenne, ni aucun autre des signataires, n'a manifesté l'intention de se prévaloir de l'article 124. Si la France est seule à le faire, elle sera isolée. Si elle suscite quelques vocations, elle sera critiquée.

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

M. Pierre Brana, rapporteur.

Notre pays a joué et continue de jouer un rôle important dans la naissance de cette institution. Il va être parmi les premiers Etats à ratifier son statut. Mais s'il était le premier à exprimer une certaine défiance en déclinant la compétence de la Cour sur les crimes de guerre, le message qu'il délivrerait alors au monde serait brouillé. C'est la raison pour laquelle, ayant suivi ma proposition, la commission des affaires étrangères, tout en adoptant le projet de loi autorisant la ratification de la convention de Rome, a demandé un réexam en par la France de son intention d'utiliser la déclaration de l'article 124.

M. Jacques Myard.

Tenez bon, monsieur le ministre !

M. Pierre Brana, rapporteur.

Chers collègues, comme l'a fait la majorité des membres de la commission, je vous invite à voter ce texte avec cette demande de réexamen.

En n'utilisant pas la faculté ouverte par l'article 124, la France montrerait ainsi son attachement et sa confiance à une institution que des générations de défenseurs des droits de l'homme et de juristes ont appelée de leurs voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale et Indépendants a souhaité, dès la signature du traité, le 17 juillet 1998, sa ratification non seulement rapide mais exemplaire. C'était le sens de la proposition de loi déposée symboliquement par A lain Madelin et les membres du groupe le 14 décembre 1998.

Ce traité est significatif pour nous d'un nouvel état du monde, dans lequel nous espérons que la suprématie du droit sera reconnue et rendue de plus en plus effective.

Ce traité reconnaît enfin la supériorité des droits de l'homme sur le droit des Etats, et c'est à ce titre une double novation, politique et juridique.

Certes, on peut souligner les faiblesses de ce texte, insister sur ses lacunes, minimiser son importance. Audelà des imperfections de sa constitution, on peut également relever les absences notables, dans la liste des signataires, des Etats-Unis et de la Chine.


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Néanmoins, nous devons reconnaître que ce texte est une étape majeure dans l'élaboration d'un droit pénal international. Il réalise de ce point de vue une avancée de principe considérable. Sa force et sa nouveauté résident dans l'affirmation de la supériorité du droit.

L'idée d'une justice pénale internationale n'est pas neuve. On la retrouve tout au long de l'histoire du XXe siècle. Elle était présente lorsqu'on a voulu juger l'empereur Guillaume II, mais le cours des événements l'empêcha. Il a fallu attendre la Seconde Guerre mondiale pour que cette idée devienne enfin réalité et se développe.

Mais le droit pénal international est demeuré, à ces occasions, essentiellement un droit des vainqueurs.

Le tribunal de Nuremberg sanctionna de terribles manquements à la loi internationale, mais, pour y parvenir, il fallut poser le principe selon lequel l'excuse de réciprocité ne serait pas admise. En effet, l'ombre tragique du massacre des officiers polonais à Katyn, d'autres déportations, et d'autres génocides, planait sur ce procès.

Plus récemment, après les événements tragiques survenus dans les Balkans et dans la région des Grands Lacs en Afrique, la communauté internationale a mis en place les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Ces quatre tribunaux ont en commun d'avoir été créés postérieurement aux faits incriminés et de n'ê tre ni permanents ni, bien sûr, universels.

Pour la première fois dans l'histoire, un traité adopté par 120 Etats, dont les quinze Etats unanimes de l'Union européenne, institue un tribunal international permanent, doté d'une compétence en principe universelle et chargé de sanctionner, non plus seulement les Etats, mais les auteurs des crimes constitutifs des plus graves atteintes aux droits de l'homme que sont les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression. C'est précisément de cette permanence que peut naître la dissuasion.

Ce sont là des notions qui méritent que l'on s'y attarde car l'énumération et la définition précise de ces quatre types de crimes dans le texte du traité constituent un véritable code pénal international, nouveau code qui, comme toute règle de droit pénal, devra être interprété strictement.

Les crimes contre l'humanité sont définis comme une attaque systématique ou d'envergure dirigée contre la population civile. Les différentes formes qu'ils revêtent sont minutieusement passées en revue dans le traité : le meurtre, l'extermination, la déportation ou le transfert de force des populations, toutes exactions que l'on désigne h abituellement sous l'appellation de crimes contre l'humanité. Mais il me semble important de souligner que sont désormais également considérés comme tels la torture, le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, les stérilisations forcées, les disparitions forcées de personnes et l'apartheid. Si j'insiste sur ce point, c'est pour bien marquer que les femmes sont souvent les premières victimes des conflits. Leurs droits dans ce domaine ont longtemps été négligés. Il était temps que la communauté internationale se donne les moyens de punir les coupables.

Les crimes de guerre sont également définis de manière très précise, en tant que ruptures sérieuses des conventions de Genève du 12 août 1949. Il s'agit des tueries préméditées, des tortures ou traitements inhumains, des destructions massives et appropriations de biens non justifiées par des nécessités militaires. Ces crimes recouvrent également les violations sérieuses des lois et coutumes régissant les conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, ainsi que les violations du droit des personnes qui ne participent pas de manière active à un conflit de caractère non international. C'est reconnaître enfin que, dans les guerres modernes, ce sont souvent les civils qui paient le plus lourd tribut.

C ertes, le traité comporte des imperfections.

L'article 124 notamment, qui permet à un Etat signataire de ne pas reconnaître la compétence de la Cour en matière de crimes de guerre, est l'un des points les plus contestables. On peut s'interroger légitimement sur le sens d'un texte dont on peut, par avance, si largement et si aisément s'exonérer.

La mise en oeuvre du traité risque, en outre, d'être complexe. Il ouvre en effet la voie à de nombreuses restrictions de compétences et autorise quelques échappatoires.

Mais, sur le fond, ce traité a le mérite de poser le principe de la supériorité du droit sur la force. Il proclame que les droits de l'homme l'emportent en définitive sur le pouvoir souverain des Etats. Il s'agit d'une formidable avancée dans l'histoire des droits de l'homme.

A insi les atrocités, où qu'elles soient commises, n'échapperont plus à la sanction. La loi du plus fort ne pourra plus les effacer, ni la raison d'Etat les couvrir, ni l'impunité en estomper le souvenir. Il n'y aura plus ni abri ni repos pour leurs auteurs. Les tortionnaires vivront sous la menace d'une condamnation, les victimes dans l'espoir d'une réparation.

La France a joué un rôle moteur, important et précieux, tout au long de négociations qui furent difficiles, pour aboutir à l'élaboration des règles définitives. La Cour pénale internationale permanente se doit d'être un élément essentiel et la lutte contre l'impunité des grands criminels. Il fallait donner une réponse concrète, efficace et durable aux aspirations à la justice et au refus de l'impunité, tout en créant une institution qui s'insère harmonieusement dans le système international. Il ne peut, en effet, y avoir de processus de règlement viable sans que le droit des victimes à la mémoire, le droit de savoir et le droit à la justice soient reconnus.

La France s'est prononcée en faveur d'une juridiction crédible, qui résiste à l'épreuve du temps et dont la composition soit la plus universelle possible. Elle a proposé à cet effet que la Cour pénale internationale fonde son action sur des procédures précises et adaptées au contexte international, qu'elle s'insère de manière harmonieuse dans l'action multilatérale en faveur de la paix et de la sécurité internationale menée par le conseil de sécurité des Nations unies et qu'elle soit complémentaire des juridictions nationales. Ainsi, les Etats gardent la responsabilité principale de la prévention et de la répression des crimes.

Le monde à venir aura l'espoir d'être plus juste que le nôtre lorsque l'existence de la Cour pénale internationale sera effective. Encore faut-il - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - rassembler les soixante ratifications nécessaires pour son entrée en vigueur. Cela peut prendre du temps, beaucoup de temps. La France est le septième

Etat à ratifier ce traité. Or il n'y a pas de temps à perdre. Le temps perdu, c'est toujours du temps donné à de nouveaux criminels, pour de nouveaux génocides, de nouveaux crimes de guerre, voire de nouveaux crimes contre l'humanité. Le XXe siècle a vu les barbaries d'Auschwitz et du goulag, des stades de Santiago, des camps de la mort de Pol Pot, de Tiananmen, du Rwanda, de la Bosnie, du Kosovo, et plus récemment de la Tchétchenie. La création de la


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Cour pénale internationale nous offre l'opportunité que de tels crimes ne puissent se perpétrer de nouveau en toute impunité.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera bien entendu pour la ratification du traité créant la Cour pénale internationale.

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste s'apprête à autoriser la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale. Je ferai état en son nom d'une interrogation portant sur la nature de notre engagement à l'égard de la Cour. Mais cette préoccupation n'altère en rien la satisfaction qui est la nôtre.

Ce texte, la convention de Rome, en attente depuis si longtemps, constitue en effet une avancée fondamentale, pour le droit, pour le respect des droits humains, pour l'organisation de la vie internationale, enfin pour le renforcement de ce qu'on nomme volontiers aujourd'hui la

« bonne gouvernance ».

Notre rapporteur, Pierre Brana, a exposé avec rigueur l'historique du texte. Il a établi, avec une clarté saluée par la commission, un relevé exhaustif des différents éléments qui retracent les engagements pris par les signataires. Il a également, dans ses conclusions, fait état d'un double sentiment assez unanimement partagé et que résume la phrase suivante : « Votre rapporteur propose que, tout en ratifiant la convention de Rome, la commission demande solennellement un réexamen par la France de son intention d'utiliser la déclaration de l'article 124. »

Compte tenu de la clarté de son propos et de la qualité de son rapport, je ne vais pas alourdir inconsidérément nos travaux en répétant ce qui a été dit par Pierre Brana.

Je souhaite en revanche verser deux éléments de réflexion à nos débats et les soumettre à votre appréciation, monsieur le ministre, comme à celle du Gouvernement.

La fin de la guerre froide nous a contraints à repenser la société des Etats. Comment réduire les contradictions nationales, nouvelles et dévastatrices, surgies sur les cendres du monde d'hier ? Comment maintenir la paix ? C omment empêcher la guerre ? Les événements, reconnaissons-le, ont débordé notre aptitude à réagir, celle des Nations unies, celle de l'Union européenne, celle de l'Organisation de l'unité africaine. Les événements ont débordé notre capacité à empêcher hier le drame des Grands Lacs, ceux de la Bosnie, du Kosovo et aujourd'hui de la Tchétchénie. Il nous faut réfléchir sur tout cela, sur ce qui a été fait : les rendez-vous manqués comme ce qui a déjà eu des retombées positives.

Deux pistes méritent notre attention si nous voulons faciliter l'émergence d'une nouvelle civilité mondiale.

La première est préventive ; elle consiste à durcir la législation internationale fixant les droits et devoirs des

Etats envers leurs voisins comme envers eux-mêmes, envers leurs propres ressortissants. Il s'agit d'approfondir la réflexion ouverte avec la constitution des Nations unies en 1945 et malheureusement suspendue pendant plus de cinquante ans. Les Etats, en créant les Nations unies, en adoptant la convention internationale des droits de l'homme, se sont engagés volontairement à respecter un code de bonne conduite. Le droite d'ingérence, l'acceptation de limites à la souveraineté ont trouvé un champ d'expression nouveau avec la disparition des blocs. Plusieurs institutions pénales spécialisées ont été constitué es ces dernières années, pour juger les crimes particulièrement graves commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda.

D'autres pourraient être créées, sur le Timor par exemple.

La logique commandait la création d'une institution à vocation universelle, la Cour pénale internationale. Il convient aujourd'hui d'organiser sa cohabitation avec le respect des droits souverains, qui reste nécessaire à la convivialité internationale.

Mais, bien entendu, cela suppose des garanties. Le droit doit être le même pour tous, indépendamment de la puissance des uns et des autres. Dès lors, deux remarques s'imposent.

Un regret, tout d'abord, doit être exprimé avec une c ertaine force. Plusieurs grands Etats, et non des moindres, n'ont pas signé la convention de Rome. Cette absence n'est peut-être pas définitive. Dans la mesure où les Quinze européens ont tous pris l'engagement de ratifier, ne serait-il pas possible d'envisager une initiative forte auprès des Etats-Unis, d'Israël, de la Chine et de l'Inde ? Il est en effet difficile d'imaginer qu'une convention à prétention universelle, supposant un droit d'ingérence relativement agressif pour les souverainetés, puisse s'appliquer sans la participation de certains grands Etats.

L'autre point sur lequel il convient d'ouvrir une parenthèse concerne le passé, mais aussi le présent. Que faire pour les situations dramatiques antérieures à la mise en oeuvre de la convention ? Faut-il envisager la constitution d'une juridiction ah hoc ? La procédure suivie pour l'affaire Pinochet, contestée par le Chili, a-t-elle valeur de jurisprudence ? La seconde piste est complémentaire : il n'y aura pas d'avancée tangible, concrète, du droit international sans renforcement consensuellement négocié du système de l'Organisation des Nations unies. Il est de bon ton, ici ou là, d'en critiquer le fonctionnement et l'efficacité. Mais si les Nations unies, ce sont les autres Etats, c'est aussi le nôtre. Notre responsabilité est engagée : au même titre que celle des autres, mais elle l'est. Nous avons donc un devoir de proposition.

La France a pris, ces dernières années, un certain nombre d'initiatives destinées à renforcer les capacités d'initiative et d'action des Nations unies. Elle a été et reste présente sur le terrain : au Liban, à Timor, dans l'ex-Yougoslavie. Le secrétaire général des Nations unies était ces derniers jours à Dili. Il s'est félicité de la rapidi té avec laquelle les Nations unies ont su et pu réagir à la gravité de la situation à Timor. Il a lancé un appel, celui de pouvoir disposer d'une force de réaction rapide, mobilisable à tout moment. La réflexion et l'appel sont pertinents. Comment les membres du Conseil de sécurité, comment la France pensent-ils répondre, monsieur le ministre, au voeu du secrétaire général de l'ONU ? De façon tout aussi bienvenue, la France, dès 1991, en pleine crise bosniaque, avec le soutien de l'Allemagne, avait tiré la conclusion qu'au-delà de la diplomatie, audelà de la dissuasion privilégiant l'instrument des armes, il était nécessaire d'imaginer et de mettre en oeuvre une initiative forte d'ordre moral et pénal. A l'occasion de la conférence de Londres sur la Yougoslavie, le 26 août 1992, la France avait donc proposé la mise en place d'une Cour pénale internationale. Saisie, l'Organisation d es Nations unies avait désigné un rapporteur, M. Tadeusz Mazoviecki, qui avait remis des conclusions favorables le 13 février 1993. Le 22 février, toujours sur proposition française, le Conseil de sécurité approuvait la résolution 808 entérinant la décision de créer un tribunal international. Vous connaissez les suites qui ont été données à ces propositions : constitution d'un Tribunal pénal international sur les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie,


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puis d'un tribunal sur les crimes commis au Rwanda, et négociation d'une convention portant création d'une Cour pénale internationale.

Ce remarquable volontarisme français a donc porté des fruits qui honorent notre pays. Il serait regrettable, monsieur le ministre, qu'en fin de parcours, en quelque sorte, la France donne l'impression de ne pas vouloir sauter...

M. Jacques Myard.

Dans le vide !

M. François Loncle.

... le dernier obstacle. Il serait dommage que l'adhésion de la France à la convention portant statut de la Cour pénale internationale soit entachée d'une restriction, celle permise par le recours à l'article 124, même si vous avez laissé entendre, il y a un instant, que la France pourrait renoncer à cette disposition transitoire.

En définitive, soit nous sommes logiques avec nousmêmes, et la convention est ratifiée à 100 %, soit nous ne ratifions pas. Nous comprenons le cheminement qui vous a conduit à revendiquer pour la France le bénéfice de l'article 124. Il est nécessaire de protéger nos soldats qui, avec compétence et mérite - on le voit ces jours-ci encore à Mitrovica - sont confrontés à des situations limites. Il ne faut pas, et le Gouvernement a raison sur ce point, que le pompier soit assimilé parfois à l'incendiaire.

Mais doit-on, à cette fin, recourir à la protection d'un article dont la portée, si l'on en croit les réponses apportées aux nombreuses questions que se posent l'opinion, les associations et les élus, est très relative ? Comme le rapporteur, monsieur le ministre, le groupe socialiste souhaiterait que la France réexamine son intention d'utiliser la déclaration de l'article 124 et aille plus loin que l'intention énoncée dans votre intervention. Je souhaite par exemple qu'au bout de deux ou trois ans tout au plus, nous puissions faire ensemble le bilan de l'application de la convention et tirer les conséquences de l'utilisation ou de la non-utilisation de l'article 124.

Sous cette réserve, le groupe socialiste votera, avec une certaine solennité, en faveur de la convention de Rome portant création de la Cour pénale internationale.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1948-1998 : il aura fallu deux générations pour que l'humanité se donne les moyens de lutter contre l'impunité des crimes internationaux les plus graves. L'année 1948 fut celle de l'adoption par l'Organisation des Nations unies de la convention pour la prévention et la répression des crimes de génocide. L'année 1998 est celle de la conférence diplomatique de Rome, qui aboutit au traité instituant la Cour pénale internationale, une cour universelle qui ne juge pas les Etats, mais les individus. Il s'agit de sanctionner les criminels, mais aussi de les dissuader.

Le succès enregistré à Rome a naturellement été acquis au prix de négociations, de compromis et donc de limites apportées aux compétences de cette nouvelle cour. Mais c'est un premier pas important.

Le débat de ce jour, après celui du 28 juin dernier à Versailles, à l'occasion duquel nous avons voté la révision constitutionnelle insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 relatif à la Cour pénale internationale, appelle deux questions. Premièrement, la procédure de ratification de la convention portant création de la Cour p énale internationale mérite-t-elle d'être soutenue ? Deuxièmement - et c'est un point plus discuté - la mise en jeu de l'article 124 du statut de Rome est-elle de nature à empêcher notre adhésion ? A la première question, je tiens dès maintenant, au nom des députés de mon groupe, à répondre oui, en apportant un soutien ferme et résolu à la procédure de ratification.

La Cour aura compétence - je cite le statut - « à l'égard des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ». Il s'agit de quatre catégories de crimes : les crimes de génocide ; les crimes contre l'humanité ; les crimes de guerre, définis par une cinquantaine d'infractions, qu'ils soient commis dans le cadre de conflits internationaux ou dans le cadre de conflits internes ; les crimes d'agression, enfin, dont la répression est prévue mais dont la définition est renvoyée à plus tard et confiée à la commission préparatoire.

La cour est compétente si au moins l'un des deux Etats suivants est partie au statut : soit l'Etat sur le territoire duquel le crime s'est produit, soit l'Etat dont la personne accusée du crime est un ressortissant. Mais, en cas de saisine par le Conseil de sécurité des Nations unies, la cour sera compétente, quel que soit l'Etat sur le territoire duquel le crime aura été commis ou l'Etat de la nationalité de l'auteur présumé du crime.

La Cour pénale internationale pourra s'appuyer sur l'acquis constitué par l'émergence de principes reconnus s'imposant à tous les Etats. Il est possible de faire remonter cette émergence aux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo qui furent créés pour sanctionner les crimes les plus graves durant la Seconde Guerre mondiale.

Ces tribunaux ont ainsi permis la naissance d'un nouveau droit, droit que la Cour internationale de justice, dans un avis rendu en 1951, définissait en ces termes :

« Les principes qui sont à la base de la convention de répression des crimes de génocide sont des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les

Etats même en dehors de tout lien conventionnel. » La Cour pénale internationale peut également s'appuyer sur un autre acquis : la création par le Conseil de sécurité au titre du chapitre 7 de la charte des Nations unies de tribunaux ad hoc : le tribunal criminel international pour l'ex-Yougoslavie en 1993 et celui concernant les crimes au Rwanda en 1994.

Il est important, à ce stade du débat, de dresser un rapide bilan de l'action de ces tribunaux pour ce qu'elle a d'exemplaire ou de perfectible.

Leur première qualité a, sans aucun doute, été la rapidité de leur mise en oeuvre alors que la mise en oeuvre d'un traité international est toujours longue et s'étend habituellement sur plusieurs années. Nous sommes d'ailleurs en train d'illustrer cet état de fait.

La grande force de ces tribunaux réside dans le fait qu'ils disposent d'un pouvoir d'auto-saisine et de dessaisissement des autorités judiciaires nationales. Ils fonctionnent sans la participation et sans le contrôle des Etats directement intéressés.

Mais ils ont montré, sachons le reconnaître, quelques limites : limites géographiques et temporelles prévues et justifiées ; limites dans leur efficacité du fait de la difficulté d'appréhender les accusés. Seule une forte volonté politique des Etats peut permettre de résoudre ce handicap.

Quels enseignements tirer de ces éléments pour juger de l'efficacité présumée de la Cour pénale internationale ? Le statut proposé tire les leçons de plusieurs faiblesses : volonté de franchir les limites géographiques et temporelles, d'une part, et volonté de garantir une justice de qualité en appliquant rigoureusement le principe de légalité pénale, d'autre part.


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En revanche, la Cour pénale internationale a une compétence fondée sur le principe de complémentarité par rapport aux justices nationales ; une affaire est jugée irrecevable par la Cour pénale dès lors qu'elle fait ou a fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un

Etat ayant compétence en l'espèce. L'affirmation du principe du respect de la souveraineté des Etats était d'ailleurs la condition de l'obtention du soutien d'un grand nombre d'Etats à Rome.

Oui, cette convention portant statut de la Cour pénale internationale mérite tout notre soutien.

Quant à la question de l'opportunité du recours à l'article 124 du statut de Rome qui est posée par l'autorisation de ratification, celle-ci a fait l'objet de vives discussions en commission des affaires étrangères.

S'agissant des crimes de guerre, l'article 124 du statut, introduit à l'initiative de la France, permet à chaque Etat partie de décliner la compétence de la Cour, pour une période de sept ans, tout en lui laissant la possibilité - à tout moment pendant cette période - d'en accepter de nouveau la juridiction. Dès la signature du statut, le gouvernement français a annoncé que notre pays utiliserait cette faculté.

Plusieurs associations, de nombreux juristes et de très nombreux parlementaires des différents groupes ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l'homme ont regretté le recours à l'article 124. Pour leur part, les ministres de la justice, des affaires étrangères ou de la défense ont annoncé que la France utiliserait cette faculté.

Selon eux, les crimes de guerre relevant de la compétence de la Cour peuvent être des actes isolés, contrairement au génocide et aux crimes contre l'humanité. Or tout acte isolé, soutiennent ces ministères, constituant une violation des lois et coutumes applicables aux conflits armés pourrait faire l'objet d'une plainte, d'où la crainte de voir la France faire l'objet de plaintes abusives, sans fondement, et teintées d'arrière-pensées politiques.

D'après le ministère de la défense, certaines garanties juridiques offertes pourtant par le statut ne prémuniraient pas contre un harcèlement juridique dont pourraient être victimes des militaires français. Le système de complémentarité dans la logique du ministère de la défense pourrait se révéler insuffisamment protecteur en cas de plaintes non fondées.

Pour autant, la position du gouvernement français estelle justifiée et doit-elle nous conduire à rejeter le projet de ratification ? Je ne le pense pas.

S'il est vrai que l'on ne peut que regretter cette position, notamment la position des ministères des affaires étrangères et de la justice, on peut supposer que la déclaration aura permis d'obtenir l'adhésion de certains Etats réticents.

Par ailleurs, comme l'a souligné notre collègue Martine Aurillac en commission, la réserve de l'article 124 sera peut-être utile, en montrant aux sceptiques quel sera le fonctionnement concret de la cour. Rien n'interdira à la France de lever cette réserve aussi rapidement que possible, ce que je souhaite, et tout état de cause avant sa date d'expiration.

Quoi qu'il en soit, en dépit du recours à l'article 124 du statut par la France, si des Français civils ou militaires se rendaient coupables de crimes de guerre, ils seraient t raduits devant les tribunaux nationaux français, il n'existe donc aucune impunité.

Mes chers collègues, la création d'une cour pénale internationale permanente et universelle constitue un progrès considérable.

M. Jacques Myard.

Non !

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour que les criminels internationaux ne restent pas impunis, pour que les soldats de la paix de l'ONU, parmi lesquels les contingents français occupent une si grande part, voient leur action prolongée par une cour pénale internationale, pour que les victimes soient écoutées et voient leurs droits reconnus et leur mémoire défendue, je souhaite qu'un nombre le plus large possible de parlementaires, comme à Versailles, votent aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale et j'espère que la France entraînera dans la mobilisation les soixante Etats nécessaires à l'entrée en vigueur de cette Cour.

Une fois cette étape franchie nous n'en serons pas quittes pour autant. Nous aurons, nous parlementaires, à rester actifs et vigilants afin que la Cour pénale internationale acquière les moyens et la légitimité nécessaires, afin que le XXIe siècle ne reproduise pas les horreurs du siècle passé et que la justice progresse dans le monde.

M. Robert Lamy.

Très bien.

M. le président.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. Le XXe siècle aura été marq ué par la multiplication d'atrocités qui dépassent l'entendement humain et indignent profondément les consciences. Il fut celui de l'impunité de nombreux dictateurs et de criminels responsables d'actions inqualifiables.

Une impunité outrageante pour les victimes et injurieuse pour l'humanité tout entière.

Face à la multiplication des crimes de guerre, d'agression et de génocide, la communauté internationale a pris alors conscience de la nécessité d'une instance judiciaire internationale capable de mettre en oeuvre les exigences profondes de l'humanité.

Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, première expression de cette exigence de justice, puis la création des tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda ont constitué une indéniable avancée. Cependant, leurs propres limites ont mis en exergue l'urgence d'instituer une Cour pénale internationale permanente, dissuasive et préventive.

L'adoption du traité relatif au statut de la première juridiction pénale internationale à vocation universelle est la concrétisation d'un vieil idéal, jusque-là utopique, et ce, même si la convention en question est, du point vue formel, essentiellement un texte d'organisation et de procédures.

Dans le même temps, ce traité est porté par le réalisme. En effet, si ce succès ne peut ravir ceux qui auraient souhaité aller plus vite et plus loin, il faut reconnaître que l'esprit de compromis qui ressort du texte semble avoir été le prix à payer pour son adoption.

L'équilibre a été réalisé entre une conception moraliste favorable à une juridiction indépendante à l'égard des

Etats signataires et une vision plus réaliste militant en faveur de l'attribution de pouvoirs restreints exercés sous le contrôle des Nations.

Aujourd'hui, le statut de la Cour pénale internationale reste imparfait. En particulier, la saisine de la Cour met au premier plan le conseil de sécurité de l'ONU. Le statut de la Cour pénale internationale lui permet en effet


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d'enjoindre à un Etat non membre d'accepter la juridiction de la Cour, ou bien de renoncer à leur juridiction au profit de celle-ci, ou encore de suspendre indéfiniment l'instruction d'un procès.

Cette prépondérance consacre la sujétion de la Cour aux exigences de la raison d'Etat, et ce au détriment de la justice. Cette sorte d'inféodation de la Cour pénale internationale au conseil de sécurité nous amène à nous interroger sur les fonctions de cet organisme, résurgence de la guerre froide qui, aujourd'hui, ne représente plus la réalité de la communauté internationale et sert parfois plus les intérêts nationaux des grandes puissances que le bien commun de l'humanité.

Une autre limite tient à l'étendue de la compétence de la cour à l'égard des criminels, puisque, selon la lettre du traité, seuls peuvent être jugés par elle les ressortissants d'un Etat signataire ou les auteurs de crimes commis sur le territoire de l'un de ces Etats.

Il est frappant de remarquer que, même à l'égard des

Etats signataires, les pouvoirs de cette nouvelle juridiction internationale restent limités dans la mesure où elle ne détient qu'une compétence subsidiaire. L'engagement de poursuites par la Cour n'est prévu, en effet, que dans les hypothèses où les Etats concernés renoncent à ouvrir des poursuites ou ne sont pas en mesure de le faire.

En outre, la reconnaissance d'une compétence rétroactive à la Cour pénale internationale a été exclue. Si cette décision se fonde sur un principe classique du droit pénal, il n'en demeure pas moins vrai que celle-ci risque d'aboutir à des situations incohérentes, du moins en contradiction avec l'esprit animant la création de la Cour pénale internationale.

Qu'en sera-t-il, en effet, des dictateurs qui, sur la base du statut actuel de la Cour, ont toutes les chances d'échapper à cette nouvelle forme de justice internationale alors même qu'ils symbolisent l'arbitraire d'hier et d'aujourd'hui ? Ne bénifient-ils pas ainsi d'une impunité honteuse ? Malgré ces limites qui sont autant de précautions prises pour préserver les susceptibilités des Etats souverains, sept pays ont voté contre la convention portant statut de la Cour pénale internationale. Parmi ceux-ci se trouvent, notamment, la Chine, l'Inde, Israël et les Etats-Unis.

Paradoxalement, ces derniers n'hésitent pas à donner des leçons sur le nouvel ordre mondial qui doit s'affirmer sur la base de valeurs telles que le respect des droits de l'homme. Comment cette superpuissance mondiale peutelle s'exonérer de la justice universelle tout en s'affichant comme un modèle de démocratie ? La nécessité d'une justice internationale ne peut se concevoir à géométrie variable.

Plus près de nous, notre propre pays, tout aussi enclin à tenir un discours ambitieux en la matière, au titre de son héritage historique et de la référence qu'il constitue en tant que patrie des droits de l'homme, s'est lui-même distingué en déclarant qu'il utiliserait l'article 124 du statut de la Cour, clause déjà introduite à sa propre initiative.

Cette disposition prévoit que les Etats signataires disposent de la faculté de suspendre unilatéralement, pendant une durée de sept ans, l'application de la compétence de la Cour à l'égard des crimes de guerre. Elle constitue dès lors une immunité totale accordée pour tous les crimes de guerre commis pendant cette période.

Le recours à une telle disposition serait un véritable encouragement à l'impunité et jetterait, sans nul doute, un soupçon sur l'action des militaires français dans les opérations de maintien de la paix ou d'ingérence humanitaire dans lesquelles ils sont engagés.

De plus, cette clause risque de s'appliquer, à sa demande, à la Russie, notamment dans l'affaire tchètchène. A cet égard, la communauté internationale a tout lieu de s'inquiéter des manquements au respect des valeurs universelles, et de craindre que des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, aient été commis sur ce territoire.

Ainsi, cette clause introduite sous l'égide de la France peut mettre en cause la sincérité de la confiance que notre pays accorde à cette nouvelle institution.

Au-delà des questions qui viennent d'être soulevées sur le statut même de la Cour pénale internationale, les réserves des députés communistes à l'égard de l'idée de justice internationale se fondent sur la persistance du phénomène d'aliénation économique des populations. En effet, dans un contexte économique où mondialisation rime avec aggravation des inégalités, la conscience universelle ne peut se satisfaire de la simple affirmation, ô combien nécessaire, des libertés formelles. Il s'agit de l'un des enseignements essentiels du sommet de l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle, où s'est finalement exprimée la voix de l'opinion publique internationale.

« Un peu de justice sur cette terre nous aurait fait plaisir », s'exclamait Emile Zola à la fin du siècle dernier.

Bien que la Cour pénale internationale s'affirme dans un cadre limité, elle peut toutefois insuffler une dynamique qui nous ferait plaisir au début de ce XXIe siècle.

C'est la raison pour laquelle les députés communistes sont favorables à la ratification de cette convention.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-André Wiltzer.

M. Pierre-André Wiltzer.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la dernière étape du processus engagé lors de la signature par la France, le 18 juillet 1998, de la Convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale.

Les débats de fond sur ce sujet, qui est d'une grande importance, ont eu lieu devant notre Assemblée, puis lors de la réunion du Congrès du Parlement, le 28 juin de l'année dernière, à l'occasion de la révision constitut ionnelle qui conditionnait la ratification de cette Convention par la France.

Le groupe de l'UDF au nom duquel je m'exprime s'est prononcé en faveur de la révision constitutionnelle, parce qu'il était favorable à la création de cette nouvelle juridiction internationale chargée de poursuivre et de juger les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de crimes d'agression. Il est donc favorable à l'adoption du projet de loi qui autorise la ratification effective de la Convention de Rome.

Il considère, et je le redis en son nom, qu'il s'agit là d'un progrès déterminant du droit international, si imparfait encore, en matière de répression des crimes les plus odieux qui frappent tant de populations à l'occasion des conflits qui déchirent le monde.

A ce stade de nos discussions, je ne reprendrai pas l'analyse des dispositions du statut de la future Cour pénale internationale, à la fois des progrès qu'il représente, mais aussi de ses limites.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Le rapport très complet présenté au nom de la commission des affaires étrangères comporte à cet égard tous les éléments nécessaires.

Je me limiterai à trois aspects.

Tout d'abord, l'adaptation de notre droit interne, qui s'imposera après la ratification de la Convention de Rome. Celle-ci définit, dans son article 7, consacré aux crimes contre l'humanité, un certain nombre d'actes qui ne sont pas identifiés ni expressément incriminés dans les dispositions de notre code pénal actuel. Il conviendra donc d'harmoniser les incriminations contenues dans notre droit avec celles du statut de la Cour pénale internationale.

Dans le même esprit, il faudra prévoir par la loi les modalités selon lesquelles les individus faisant l'objet de poursuites engagées par la Cour seront remis à celle-ci, qu'ils soient de nationalité française ou pas. Des dispositions devront également être prises, toujours par la voie législative, afin d'assurer l'exécution sur le territoire franç ais des décisions de la Cour, que ces décisions concernent les individus poursuivis ou condamnés ou qu'elles concernent les réparations dues aux victimes.

Enfin, comme l'a très justement relevé M. le rapporteur, notre législation nationale concernant la prescription des crimes de guerre devra être modifiée, puisque, pour le moment, seuls les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles en droit français, mais pas les crimes de guerre.

Sur ces différents sujets, nous souhaitons que le Gouvernement nous informe de ses intentions et nous précise s'il compte engager, et dans quels délais, les modifications législatives nécessaires pour mettre notre droit interne en harmonie avec la Convention dont la ratification nous est proposée.

Le deuxième problème est celui de l'application effective de la convention, dont l'article 126 prévoit que le statut de la Cour entrera en vigueur lorsque soixante

Etats l'auront ratifiée. A ce jour, sept Etats seulement, nous a-t-il été précisé, ont procédé à la ratification . Quelques autres s'apprêtent à le faire à court terme, parmi lesquels la France si, comme on peut l'espérer, le Parlement vote le projet de loi dont nous délibérons.

A cet égard, le groupe de l'UDF se réjouit du rôle particulièrement actif que notre pays a joué dans l'élaboration du statut de la Cour pénale internationale et dans la signature par un grand nombre d'Etats - 94, peut-être 95 au 7 février 2000 - de la convention de Rome. Néanmoins, nous savons que l'objectif des soixante ratifications est ambitieux et difficile à atteindre.

Pour que la création de la Cour pénale internationale ne reste pas un voeu pieux, il faut donc que la France déploie une activité diplomatique particulièrement vigoureuse, afin d'inciter le plus grand nombre d'Etats avec lesquels elle entretient des relations privilégiées à engager et à mener à leur terme les procédures de ratification. J'ai bien noté, monsieur le ministre, les initiatives que vous avez prises à cet égard.

Si cette action doit viser nos partenaires de l'Union européenne, il faut qu'elle concerne aussi la cinquantaine de pays qui sont membres, comme nous, de l'organisation internationale de la francophonie.

J'avais déjà avancé cette proposition dans l'intervention que j'avais prononcée au nom du groupe de l'UDF devant le congrès du Parlement le 28 juin 1999. J'avais également indiqué que les parlements des pays membres de la communauté francophone pouvaient, à cet égard, jouer un rôle utile d'incitation auprès de leurs gouvernements respectifs.

Depuis le congrès, l'assemblée parlementaire de la francophonie a voté à l'unanimité, sur ma proposition et celle de la délégation de notre assemblée et du Sénat, lors de sa vingt-cinquième session plénière tenue à Ottawa en juillet 1999, une recommandation demandant aux gouvernements des pays de la francophonie d'engager rapidement les procédures de ratification de la convention de Rome.

Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, réuni à Moncton, au Canada, en septembre, a retenu cette proposition. Il a adopté une résolution appuyant la création de la Cour pénale internationale et « invitant tous les Etats membres à devenir partie au statut de Rome afin d'en accélérer l'entrée en vigueur », confirmant ainsi « l'engagement de la francophonie dans la défense des droits de l'homme, partout dans le monde. »

S'il convient de saluer cette démarche, il est surtout nécessaire de la poursuivre avec continuité et insistance, du moins auprès des pays dans lesquels la notion de respect des droits de l'homme a un sens, ce qui est heureusement le cas de la grande majorité des Etats membres de l'espace francophone.

Je me permets à cet égard, monsieur le ministre, de réitérer une suggestion que j'avais présentée devant le congrès du Parlement et que le secrétaire général de la francophonie, M. Boutros Ghali, semble prêt à mettre en pratique pour peu que les moyens lui en soient donnés.

En effet, la ratification de la convention de Rome va nécessiter, dans beaucoup de pays, des adaptations et des modifications d'ordre constitutionnel et d'ordre législatif, notamment en matière pénale. Tel a, d'ailleurs, été le cas pour la France. Il serait donc utile de proposer à ces pays le concours de juristes et d'experts chargés de les aider dans cette tâche délicate mais indispensable si l'on veut qu'ils soient eux-mêmes en mesure de ratifier la convention de Rome.

Nous comptons sur le Gouvernement, monsieur le ministre, pour mener cette action auprès de nos partenaires et faire en sorte que le bloc des francophones soit à la tête du mouvement de ratification de la convention de Rome, comme il l'a été pour celle d'Ottawa interdisant les mines anti-personnel.

Le troisième problème, enfin, concerne le recours à l'article 124 de la convention de Rome.

Cette question délicate a déjà été évoquée à plusie urs reprises et chacun en connaît les éléments. A ce propos, j'indique d'emblée que le groupe de l'UDF souhaite que le Gouvernement renonce à utiliser cette disposition...

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Pierre-André Wiltzer.

... qui permet d'écarter la compétence de la Cour en matière de crimes de guerre pendant une durée de sept ans, c'est-à-dire jusqu'à la convocation de la conférence de révision prévue au bout de ce délai.

Certes, nous avons bien entendu les arguments avancés en faveur de cette dérogation septennale. Nous savons notamment que la France est souvent engagée militairement, plus que d'autres, sur des théâtres extérieurs, dans le cadre d'opérations de maintien ou de rétablissement de la paix et d'opérations humanitaires sous l'égide de l'ONU ou d'autres organisations internationales.


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Nous savons aussi que, malgré le respect scrupuleux de la discipline et de la légalité dont nos unités font preuve, de l'avis général, dans l'exécution de leurs missions même les plus périlleuses, ces interventions les exposent à des actes d'intimidation, à des attaques et à des provocations parfois difficiles à maîtriser.

Nous comprenons, par conséquent, les craintes exprimées par certains responsables civils et militaires devant le risque d'utilisation systématique de la procédure des plaintes pour crimes de guerre contre des membres de nos forces armées comme moyen de discréditer politiquement notre action, même si ces plaintes sont ultérieurement rejetées parce qu'abusives et infondées.

Néanmoins nous pensons que les mécanismes qui déterminent la compétence de la Cour pénale internationale et qui organisent sa saisine permettront de faire échec à de tels dérapages.

N'oublions pas, en effet, que le statut de la Cour, dans ses articles 12 et 17, garantit la primauté des juridictions nationales pour juger leurs ressortissants, la compétence de la Cour n'étant que complémentaire et n'étant reconnue que dans des conditions très précises dont la principale est la volonté d'un Etat membre de soustraire la personne incriminée à toute investigation sur sa responsabilité. Dans un Etat de droit comme le nôtre, cette hypothèse ne peut qu'être écartée.

En outre, la Cour pénale internationale sera dotée d'une chambre préliminaire qui aura pour mission de contrôler les actes du procureur,...

M. Pierre Lellouche.

Voilà !

M. Pierre-André Wiltzer.

... en particulier les décisions d'ouvrir des enquêtes. Cette instance filtrera les plaintes pour éviter que la nouvelle juridiction ne soit détournée de son but et elle-même discréditée par des procédures abusives et infondées.

Voilà pour les arguments de procédure, du moins pour certains d'entre eux car il en existe d'autres, mais les arguments politiques, au sens le plus élevé du terme, sont plus déterminants encore. En gros, il ne faut pas faire les choses à moitié.

M. Pierre Lellouche.

Absolument !

M. Pierre-André Wiltzer.

Après avoir joué un rôle particulièrement actif dans la conception de la Cour pénale internationale et oeuvré avec le succès que l'on sait en faveur de sa création effective, la France ne peut et ne doit pas donner l'image de la réticence, de la réserve ou de la méfiance.

Au contraire, sa démarche doit être fidèle au message de promotion des droits de l'homme dans le monde qui est la plus belle part de son héritage historique.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous demandons au gouvernement de la République de déposer les instruments de ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale sans user de la faculté prévue à l'article 124 de ce statut.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Pierre-André Wiltzer.

C'est dans cet esprit et avec cet espoir que le groupe de l'UDF votera pour la ratification de cette convention.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai évidemment écouté avec beaucoup d'attention les propos qui ont été tenus et constaté à la fois une approbation générale de cette avancée et une interrogation sur la question de l'article 124.

Je tiens donc à souligner que cet article, qui fait partie du statut, est parfaitement légitime. Il est cohérent avec la nécessité d'instaurer une telle précaution. En effet le problème se posera à partir de l'entrée en vigueur de la cour.

A ce propos, je ne peux que confirmer la position des autorités françaises : nous demanderons à en bénéficier.

Néanmoins je vous rappelle, car je l'ai indiqué dans la conclusion de mon intervention, qu'il n'était pas exclu que nous renoncions ultérieurement au bénéfice de cet article qui permet de réserver pendant sept ans l'application du statut à la question particulière des crimes de guerre, pour les raisons que j'ai exposées et sur lesquelles je ne veux pas revenir, si la pratique démontrait que les garanties et la sécurité que nous souhaitons sont bien assurées.

Il faut conserver cela à l'esprit. C'est une façon de dire que le Gouvernement n'est pas insensible au message qui lui a été adressé sur ce point.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Est autorisée la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998 et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Sur l'article unique, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

M. le président, monsieur le ministre, au risque de choquer un peu, je ne partage pas tout à fait la béatitude ambiante qui prévaut cet aprèsmidi au sein de notre assemblée. Comprenons-nous bien.

Je suis, comme chacun d'entre nous, fortement attaché à la justice et à la liberté des peuples ; comme vous, je suis un fervent défenseur du respect des droits de l'homme, mais ne soyons pas naïfs : les droits de l'homme, disait Max Gallo, ne sont pas une explication du monde.

Ce texte, vous le savez, a nécessité la révision de la Constitution, puisqu'il était contraire à notre loi fondamentale sur plusieurs points. Je n'y reviendrai pas. Je n'ai pas approuvé cette réforme, mais je m'attacherai, ce soir, aux mécanismes de la cour qui sont, me semble-t-il, décalés par rapport au monde international tel que vous le connaissez parfaitement, monsieur le ministre.

Si je devais ne prononcer qu'une seule phrase pour qualifier la création de cette cour, je dirais qu'elle est l'objet d'un texte qui se veut parfait pour un monde parfait. Malheureusement, le monde est loin d'être parfait, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre.

La convention a pour objectif de châtier les méchants.

Nous sommes d'accord, mais garantit-elle que l'on pourra le faire correctement ? Rien n'est sans doute plus illusoire que de le croire. En effet, cette convention est décalée par rapport à la réalité du monde : un principe fondamental sous-tend son économie générale selon lequel il faut que les justes gagnent toujours et que les méchants perdent pour qu'elle puisse être mise en oeuvre. Autrement dit, tout procède d'une idée simple : les criminels, les « génocidaires », les coupables sont les perdants, et il ne pourrait qu'y avoir une complète adéquation entre la justice et les plus forts. Ce qui s'appelait jusqu'à présent le droit du plus fort franchit un pas, et devient la justice du plus


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fort. Sinon le système ne peut pas fonctionner. Malheureusement la réalité du monde, l'histoire de notre civilisation tout entière sont très éloignées de cette utopie.

Au-delà de cette illusion de base, la convention souffre de quelques coupables naïvetés qui rendent le texte dangereux dans un certain nombre de cas de figure. Les concepteurs du projet en ont certainement eu conscience et ils ont bien compris qu'on ne pouvait pas simplement rendre la justice internationale pénale au nom d'un groupe d'Etats vainqueurs contre un autre groupe d'Etats qui auraient perdu. Ils ont donc souhaité créer une cour, certes instituée par les Etats, puisqu'on ne peut pas faire autrement, mais qui les dépassera et sera totalement indépendante, au nom d'une conception du droit qui transcende les réalités politiques et impose une sorte de justice immanente définie par la Cour elle-même au nom de la conception qu'elle se fait des juges, de quelques grands principes de droit et d'une définition ô combien vague et extensible des crimes.

Tel est notamment le cas de l'article 8 dont l'interprétation, à elle seule, va susciter plus d'une guerre, mais entre juristes seulement, espérons-le ! L'institution d'un procureur indépendant, élu, peu contrôlé par la chambre préliminaire, et auquel sont conférés des pouvoir exorbitants et supranationaux, peut, elle aussi, donner lieu à quelques dérives. Il est d'ailleurs piquant de constater que celles et ceux qui combattent au niveau national, et à juste titre, l'indépendance du parquet, acceptent sans sourciller au niveau mondial, la création d'un procureur quasi indépendant et détenteur de tels pouvoirs.

M. Pierre Lellouche.

Très juste ! Il faudra en parler à Mme Guigou, monsieur le ministre !

M. Jacques Myard.

Ils se disent peut-être in petto , sans doute avec une totale hypocrisie, que la Cour ne fonctionnera jamais car on est très loin des soixante ratifications nécessaires. Il ne s'agirait donc que de mots et de rien d'autre ! En réalité, l'indépendance de la Cour ne sera que virtuelle.

En premier lieu, nous n'avons aucune garantie que les

Etats parties éliront des juges - ils seront dix-huit - audessus de tout soupçon ou totalement indépendants de leur pays, voire de leur idéologie. L'indépendance des juges n'est pas vraiment un principe universel intangible en ce bas monde.

Il ne s'agit pas d'un procès d'intention, monsieur le ministre, à l'égard de juristes dont la plupart sont effectivement de vrais magistrats. Malheureusement trop nombreux sont les exemples, dans les juridictions internationales ou dans les arbitrages internationaux, qui démontrent que tous ne sont pas au-dessus de tout soupçon.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Myard.

M. Jacques Myard.

Donnez-moi encore quelques minutes parce que, dans cette béatitude ambiante, il est bon, de temps en temps, d'aller à contre-courant. Nous devrions le faire plus souvent.

M. le président.

Faites-le rapidement, monsieur Myard.

M. Jacques Myard.

En deuxième lieu, le couple procureur-chambre préliminaire pourra être l'objet de campagnes d'intoxication médiatiques savamment orchestrées et entretenues par certains milieux quels qu'ils soient, prétendument indépendants, et qui, comme certaines ONG, accusent sans cesse mais sans jamais rendre de comptes.

Monsieur le rapporteur, vous qui avez été comme moi un scrutateur vigilant et attentif des événements du Rwanda, vous ne pouvez pas nier que cette affaire est exemplaire à ce titre.

En effet, qu'aurait fait un procureur indépendant lorsque des ONG d'une totale mauvaise foi ont mené sans vergogne une campagne incessante contre nos pays et porté des accusations graves contre les dirigeants de la France, de tous bords, quelle que soit leur pensée politique ? Il faut être, en effet, le défenseur aveugle de la pensée unique et d'une singulière naïveté pour croire benoîtement qu'il n'existera jamais d'idéaux utiles pour donner l'apparence du droit et de la justice aux manipulations politiques les plus grossières, comme le rappelait jadis Lucain dans la Pharsale

Le Gouvernement français, monsieur le ministre, s'est laissé piéger dans un processus intellectuel louable clamant les vertus et les béatitudes d'une convention qui se veut parfaite mais, en réalité, il a bien conscience qu'il est allé trop loin. Voilà pourquoi il veut user de la faculté ouverte par l'article 124, faisant enfin preuve d'un peu de lucidité dans un océan d'utopie ! A ce sujet, monsieur le ministre, je vous soutiens.

En réalité, loin de représenter une avancée réelle, la convention de Rome constitue d'abord l'aveu flagrant, le plus patent de l'échec des Etats dans la prévention des conflits. Cela revient à dire aux victimes : « Rasssurezvous, on s'occupe de vos bourreaux ! » Il serait préférable de s'attacher à améliorer effectivement les processus de prévention des conflits au lieu d'essayer d'occuper le tapis et la scène médiatique avec un texte qui peut être dangereux.

Oui au châtiment des criminels, qui est une nécessité, mais de grâce avec un peu de réalisme ! La réalité du monde commande, comme cela a été le cas pour le Rwanda et la Yougoslavie, que chaque cas soit traité sui generis sous le strict contrôle du Conseil de sécurité, afin d'éviter toute dérive et de faire en sorte que la France n'ait à s'en mordre les doigts à cause de ses soldats.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Vous vous êtes exprimé plus longuement que prévu, sans doute au titre de la pensée unique...

M. Jacques Myard.

Vous êtes bon prince, monsieur le

président

! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Lellouche, qui lui s'exprimera non pas au nom de la pensée unique mais au nom du groupe RPR.

M. Pierre Lellouche.

Peut-être même pas ! Je m'exprimerai en mon nom personnel. Je ne saurais engager des autorités qui me dépassent. (Sourires.)

Monsieur le ministre, nous nous connaissons depuis longtemps, et vous savez que, comme mon ami Jacques Myard, je n'appartiens pas à la tradition « rose » de la politique étrangère qu'illustrent le pacte Briand-Stresemann ou les idées de Jules Moch. Je suis plutôt un adepte de la Realpolitik.

Aussi est-ce sans aucune illusion que j'ai abordé le débat sur ce texte depuis un an qu'il en est question.

Fallait-il maximiser la liberté d'action de la France, de ses armées, et donc refuser toute saisine au nom de l'indépendance nationale, ou bien, au nom d'une certaine morale politique, soutenir un texte auquel nous avons


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beaucoup contribué et qui représente une avancée en permettant de poursuivre les auteurs de crimes graves contre l'humanité, de crimes de guerre, de crimes d'agression ? Bien que, je le répète, je ne sois pas franchement un idéaliste en ces matières, j'ai estimé qu'il allait dans la bonne direction, et je l'ai soutenu.

Sa discussion intervient alors que des massacres sont perpétrés en Tchétchénie, que le Kosovo connaît des troubles très graves, que des tueries ont lieu dans plusieurs pays du monde, au Soudan, notamment, ou dans le Caucase, et que l'affaire du Timor n'est toujours pas réglée. Tout cela montre qu'après cinquante ans de congélation géopolitique, le

XXIe siècle sera probablement une longue succession de crises de ce genre.

M. François Loncle.

Les cinquante dernières années n'ont pas été tristes non plus !

M. Pierre Lellouche.

Il n'est pas mauvais d'essayer de réveiller la conscience internationale. Je suis donc prêt à m'y employer mais sans aucune illusion, car je me doute bien qu'il sera très difficile d'obtenir les soixante ratifications, compte tenu, notamment, de la position des EtatsUnis, mais pas seulement car beaucoup de nations jouent un rôle assez hypocrite dans cette affaire. En tout cas je suis favorable à ce que la France soit le huitième pays àr atifier la convention, et j'espère que cela servira d'exemple à beaucoup d'autres.

C'est à ce niveau, monsieur le ministre, qu'il faut évoquer son article 124, sur lequel je veux m'exprimer après plusieurs collègues, dont M. Brana et M. Wiltzer.

A cet égard, j'ai beaucoup de mal à comprendre vos arguments, d'autant que certains sont contradictoires. En effet, alors que, d'un côté, vous nous expliquez qu'il subsiste un risque réel de voir la justice internationale instrumentalisée contre nous, ce qui justifie qu'il faut conserver la possibilité de refuser la saisine pendant sept ans pour les crimes de guerre, de l'autre, vous admettez que le danger n'existe pas vraiment et vous déclarez que le Gouvernement serait prêt à ne pas utiliser la faculté ouverte par l'article 124.

Si vous pensiez que, dans l'accomplissement des tâches de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU, la France s'expose à des accusations de crime de guerre, il fallait ne pas signer le traité, refuser la saisine et, comme les Américains, privilégier la liberté d'action et de manoeuvre en soustrayant nos actions et nos soldats à ce type d'instrumentalisation.

Dans le cas contraire, il convenait d'accepter complètement la logique du traité. Pas plus que l'on n'est jamais à moitié enceinte, on ne peut admettre que la moitié du droit, surtout quand on veut donner soi-même l'exemple et que l'on demande la ratification après une réforme constitutionnelle.

Si vous voulez vraiment que ce tribunal soit effectif et que la France entraîne derrière elle d'autres nations, vous devez accepter la saisine et ne pas vous retrancher derrière de mauvais arguments juridiques et politiques.

Cela est d'autant plus vrai que, sur le plan juridique comme sur le plan politique, votre analyse repose sur deux erreurs.

Sur le plan juridique d'abord - plusieurs collègues, de gauche et de droite d'ailleurs l'ont souligné avant moi -, la diplomatie française, dont vous avez aujourd'hui la charge, a fait en sorte, pendant des mois, de verrouiller la saisine de cette cour afin qu'elle n'intervienne qu'en complément des tribunaux nationaux. Mais surtout, en évitant l'auto-saisine du procureur, en inventant une chambre préliminaire, ont été mises en place toutes les garanties. Voilà d'ailleurs un bon exemple d'indépendance de la justice, que nous ferions bien d'introduire dans notre procédure pénale, monsieur le ministre ; il faudrait suggérer à votre collègue, Mme Guigou, de reprendre dans notre droit le système que nous avons inventé à Rome.

Dans ces conditions, où est le risque ? Certes, je connais l'argument : « On va utiliser cette cour entre nos soldats », me dira-t-on. En tant que membre de la commission de la défense, je suis un ami de nos soldats.

Mais où est le risque, puisque nos tribunaux restent compétents et qu'il n'y a pas de saisine automatique du procureur ? Sur le plan politique également, en faisant mine de vous réfugier derrière l'article 124, vous dénaturez notre engagement collectif. La République française s'est engagée depuis des années dans cette affaire. A droite comme à gauche, nous avons joué un rôle majeur dans la rédaction de ces statuts. Pourquoi chercher aujourd'hui à nous auto-protéger ? Ce serait prendre le risque - je reviens à ce que disait M. Brana -, d'une situation totalement contre-productive : demain, les adversaires de la France - car nous avons des adversaires - pourront en tirer argument en disant : « Voyez ce que les soldats français ont commis ! C'est pour cela que la France a introduit l'article 124. »

Monsieur le ministre, de grâce, ne vous fourvoyez pas dans une situation qui n'est ni juridiquement ni politiquement juste. Pour ma part, sans engager personne, vous l'avez compris, je souhaite que le Gouvernement déclare solennellement, au moment de la ratification de cette convention, ainsi que l'ont suggéré tout à l'heure M. Brana et M. Wiltzer, qu'il ne fera pas usage des dispositions de l'article 124.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

J'avoue que ce débat sur la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale m'inspire un réel malaise. Non que je sousestime l'importance symbolique qu'aurait la création de cette cour ; mais j'ai la conviction, et plus, la quasicertitude que sa compétence ne s'étendra pas aux plus puissants de la planète.

Mon malaise tient également à l'extrême imprécision des dispositions de cette convention. Je ne saurais dire aujourd'hui quelle en sera la portée au-delà de la période de sept ans. Je ne me sens pas donc en mesure d'apporter ma voix à un texte aussi lourd de conséquences pour le futur, étant incapable d'en apprécier la portée exacte.

Cette situation assez déplaisante, il faut le reconnaître, à quoi tient-elle ? Au fait que la définition des crimes de guerre à l'article 8 est extrêmement vague.

M. Jacques Myard.

Bien sûr !

Mme Christine Boutin.

Absolument !

Mme Nicole Catala.

La France avait demandé, à en croire l'excellent rapport de M. Brana je relis ce qu'il écrit à la page 13 - que la compétence matérielle de la Cour soit limitée à un « noyau dur » de crimes internationaux clairement définis, en exigeant l'intentionnalité de l'acte.

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas le cas !

Mme Nicole Catala.

Or que dit à ce propos l'article 8 sur les crimes de guerre ? Non seulement il n'est pas question d'intentionnalité de l'acte, mais de surcroît la


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liste des faits qui seront susceptibles d'être ainsi qualifiés est excessivement large. Prenons par exemple, dans le b,

« le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines ou des blessures parmi la population civile, des dommages aux biens de caractère civil ».

M. Jacques Myard.

Qu'avons-nous fait en Yougoslavie ? Crime de guerre !

Mme Nicole Catala.

C'est exactement ce que nous avons fait au Kosovo, monsieur le ministre ! N'y a-t-il pas d'élément intentionnel ? Les armées de l'OTAN ont-elles commis des crimes de guerre au Kosovo ?

M. Jacques Myard.

Eh oui !

Mme Nicole Catala.

A cette question, je ne trouve pas de réponse dans les documents que j'ai sous les yeux.

M. Jacques Myard.

Ce document ne vaut rien !

Mme Nicole Catala.

La portée de ce texte est d'une gravité considérable, que l'imprécision de sa rédaction ne me permet pas, je le répète, de mesurer.

Au demeurant, le ministère de la défense lui-même se montre excessivement réticent ; je regrette à ce propos que M. Richard ne soit pas là. Il estimerait, toujours d'après le rapport de M. Brana, que « certaines garanties juridiques offertes par le statut ne prémuniraient pas contre un harcèlement juridique dont pourraient être victimes des militaires français, car on ne peut préjuger des garanties procédurales offertes par une nouvelle institution. » Voilà le point de vue du ministère de la défense,

tel qu'exposé dans le rapport.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est clair !

Mme Nicole Catala.

« Le système de complémentarité pourrait se révéler insuffisamment protecteur pour nos militaires - en cas de plaintes non fondées. Ainsi, une décision de classement sans suite du Parquet français pourrait, au regard des dispositions vagues de l'article 17 du Statut fondant l'irrecevabilité d'une affaire, être insuffisante et assimilée à un manque de volonté de poursuivre de la part d'un Etat » ouvrant dès lors la possibilité d'une saisine de la Cour.

M. Jacques Myard.

Bien sûr !

Mme Nicole Catala.

M. Abraham, lui-même, directeur des affaires juridiques de votre propre ministère, a exprimé la même inquiétude. Devant ces avis extrêmement réservés, mon doute est profond. C'est pourquoi, sans pour autant méconnaître la force symbolique que revêtira la mise en place d'une telle institution, je ne me sens pour ma part pas en mesure d'apporter aujourd'hui mon vote à un tel projet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Loncle.

Quatre RPR, quatre discours différents !

M. Pierre Lellouche.

Nous aussi, nous sommes pluriels !

M. le président.

Il n'y a pas d'autre demande d'explication de vote ?...

Je mets aux voix l'article du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Rappel au règlement

Mme Nicole Ameline.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Ameline, Monsieur le président. Je voulais simplement appeler l'attention de notre assemblée sur la procédure d'adoption simplifiée sans débat retenue pour l'examen, dans un instant, du projet de convention franco-russe, qui ne me paraît pas adaptée à la gravité des événements survenus ce jour même en Russie. Nous avons, tout au long de l'après-midi, largement décrit le contexte de massacres et d'exactions qui sévit aujourd'hui en Tchétchénie que vous-même, monsieur le ministre, avez qualifiée de région martyrisée.

Au moment même où nos débats nous ont conduits à évoquer la nécessaire suprématie du droit sur la force, notre groupe Démocratie libérale ne souhaitait pas laisser passer sans réagir l'examen d'un texte, certes très technique et peut-être d'intérêt mineur, mais qui ne s'inscrit pas moins dans le cadre d'une intensification de nos relations économiques avec la Russie. Au-delà des protestations solennelles, il nous paraissait essentiel de rappeler la situation et d'appeler à des mesures concrètes. On ne saurait concevoir, cela a été souvent rappelé, d'indignation à géométrie variable, marquée par des actions et des gestes hautement symboliques vis-à-vis de l'Autriche alors que la Russie n'appellerait que de simples critiques, aussi déterminées fussent-elles.

M. le président.

Madame Ameline, vous avez parfaitement le droit de procéder à ce rappel au règlement en votre nom personnel, mais certainement pas au nom de votre groupe. En effet, je vous le rappelle, c'est la conférence des présidents qui fixe les conditions dans lesquelles les projets sont adoptés en séance publique. Or il est prévu que les conventions de ce genre sont adoptées sans débat. Nous devons donc considérer votre intervention comme un avis personnel dont vous aurez fait part à l'Assemblée nationale.

3

CONVENTION DOUANIÈRE FRANCE-HONGRIE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise (nos 1306, 1956).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la R épublique hongroise, signée à Budapest le 26 février 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

4

CONVENTION DOUANIÈRE FRANCE-FÉDÉRATION DE RUSSIE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (nos 1307, 1954).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières, signée à Moscou le 31 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

5

CONVENTION DOUANIÈRE FRANCE-MACÉDOINE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le G ouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (nos 1308, 1955).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, signée à Paris le 29 janvier 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

6

CONVENTION DOUANIÈRE FRANCE-SLOVAQUIE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (nos 1425, 2024).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières signée à Paris le 27 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

7 CONVENTION SUR LA SÉCURITÉ DU PERSONNEL DES NATIONS UNIES Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé (nos 1659, 2081).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé, adoptée à New York le 9 décembre 1994 et signée par la France le 12 janvier 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

8

CONVENTION DOUANIÈRE FRANCE-AFRIQUE DU SUD Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières (nos 1424, 2080).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières, signée à Midrand le 26 juin 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

9 CONVENTION SUR LA SÛRETÉ DE LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (nos 1432, 2111).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, signée à Vienne le 29 septembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

10

CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE FRANCE-THAÏLANDE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande (no s 1658, 2112).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande, signée à Paris le 11 septembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

11

DESIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée nationale au sein du Conseil supérieur de l'adoption.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La candidature devra être remise à la présidence avant le jeudi 2 mars, à dix-huit heures.

12

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique.

Discussion du projet de loi, no 1575, relatif à l'archéologie préventive : M. Marcel Rogemont, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2167).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT