page 01344page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 1346).

PROCHE-ORIENT (p. 1346)

MM. Alain Bocquet, Lionel Jospin, Premier ministre.

PROCHE-ORIENT (p. 1348)

MM. Hervé de Charette, Lionel Jospin, Premier ministre.

POLITIQUE DE LA FRANCE AU PROCHE-ORIENT (p. 1350)

MM. François Loncle, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

BAISSE DU CHÔMAGE (p. 1351)

Mmes Hélène Mignon, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

GRÈVE DES PROFESSEURS DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p. 1352)

MM. Yves Cochet, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

VOYAGE DU PREMIER MINISTRE AU PROCHE-ORIENT (p. 1353)

MM. Pierre Lequiller, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

PROCHE-ORIENT (p. 1353)

MM. Alain Juppé, Lionel Jospin, Premier ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 1356)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

2. Volontariats civils. Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 1356).

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. André Vauchez, rapporteur de la commission de la défense.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1358)

MM. Bernard Outin, Nicolas Forissier, Yves Dauge, François Vannson, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Michel Voisin.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre délégué.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 1366)

Article 6. - Adoption (p. 1366)

Après l'article 10 (p. 1366)

L'amendement no 1 de M. Voisin a été retiré.

Articles 11 et 13. - Adoption (p. 1366)

Article 16 (p. 1367)

MM. René Dosière, le rapporteur.

Adoption de l'article 16.

Article 18 (p. 1368)

MM. Alain Richard, ministre de la défense ; le rapporteur.

Adoption de l'article 18.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 1369)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

3. Convention fiscale avec la Belgique. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1369).

Article unique. - Adoption (p. 1369)

4. Accord France - Ligue des Etats arabes. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1369).

Article unique. - Adoption (p. 1370)

5. Protocole en matière matrimoniale. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1370).

Article unique. - Adoption (p. 1370)

6. Convention en matière matrimoniale. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1370).

Article unique. - Adoption (p. 1370)

Suspension et reprise de la séance (p. 1370)

7. Lutte contre la corruption. Discussion, en deuxième lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 1370).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1373)

Mme Marie-Hélène Aubert,

MM. Jean-Antoine Leonetti, André Gerin, Michel Hunault, Jacques Floch, Dominique Bussereau.

Clôture de la discussion générale.

Mme la garde des sceaux.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 1378)

Article 1er A (p. 1378)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendement no 4 de la commission des lois : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 1er A est rétabli et se trouve ainsi rédigé.


page précédente page 01345page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Article 1er (p. 1378)

Amendement no 5 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 6 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 7 de la commission ; M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 9 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 10 de la commission ; M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 11 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 1380)

Amendement no 2 de M. de Courson : MM. Charles de Courson, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendements identiques nos 12 de la commission et 1 de M. Franzoni : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Charles de Courson. - Adoption.

L'amendement no 3 de M. de Courson n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 bis (p. 1382)

Amendement de suppression no 13 de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 3 bis est supprimé.

Article 4 (p. 1383)

Amendement no 14 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 4 bis (p. 1383)

Amendement no 15 de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Charles de Courson. Adoption.

L'article 4 bis est ainsi rédigé.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 1383)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

8. Validation législative. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'une proposition de loi (p. 1384).

M. André Gerin, rapporteur de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1386)

M.

Dominique Bussereau, Mme Nicole Feidt,

MM. Jean-Luc Warsmann, Emile Blessig.

Clôture de la discussion générale.

Mme la garde des sceaux, M. Jean-Luc Warsmann.

Article unique. - Adoption (p. 1388)

9. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1388).


page précédente page 01346page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

PROCHE-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Monsieur le Premier ministre, l'enjeu primordial aujourd'hui au Moyen-Orient, c'est la paix et le droit de chaque peuple à vivre dans des frontières sûres et garanties.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Alain Bocquet.

Les parlementaires communistes ont toujours été passionnément attachés à la construction de cette paix (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sans qu'aucun peuple ne soit lésé. Nous connaissons tous, ici, les deuils, les souffrances qu'ont générés des décennies de guerre et d'insécurité qu i continuent à frapper des innocents. Toute autre considération est subalterne.

Quand le Président de la République, quand le Premier ministre se rendent au Moyen-Orient, c'est d'abord la preuve que la France a, plus que jamais, un rôle à jouer, celui d'un partenaire actif et écouté prenant des initiatives pour des solutions négociées, à condition de respecter l'égalité de tous les interlocuteurs. C'est ainsi que notre pays fera le mieux acte de solidarité avec ces peuples.

La France peut et doit agir avec conviction pour un règlement durable sur la base des résolutions de l'ONU, en particulier la résolution 425 du Conseil de sécurité qui demande à Israël un retrait sans conditions des territoires occupés au Sud Liban. Nous souhaitons aussi qu'elle agisse en faveur du maintien du comité pour les accords d'avril 1996 qu'elle préside alternativement avec les EtatsUnis.

Dans une situation complexe, où règne une grande tension, des questions majeures restent en suspens, notamment entre Israéliens et Palestiniens. La clé est entre les mains des Israéliens qui doivent engager un effort urgent pour que la paix avance. A cet égard, on peut se féliciter de l'annonce faite par Ehud Barak d'un retrait, avant juillet 2000, du Sud Liban. Raison de plus pour éviter, d'ici là, les tensions inutiles.

Au nom de la France, monsieur le Premier ministre, vous avez proposé, pour le Liban, que notre pays offre une garantie en cas de retrait israélien. Cela est positif. La sécurité de tous passe en effet par le respect de la souveraineté de chacun avec comme objectifs simultanés la création d'un Etat palestinien digne de ce nom et l'instauration de garanties pour tous les Etats de la région y compris Israël.

Nous savons que les sensibilités sont particulièrement exacerbées s'agissant du Moyen-Orient. Cela explique que certaines de vos déclarations aient provoqué un émoi réel et troublé nombre de progressistes et partisans de la paix.

Cela dit, rien ne justifie les actes de violence dont vous avez été la cible et, à travers vous, la France. Ils sont inacceptables et nous les condamnons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les communistes sont convaincus, sans illusions sur les difficultés à surmonter, que l'enjeu est de rapprocher les protagonistes. Cela doit guider la France et l'Union européenne pour mener le processus de paix à son terme.

Toute récupération politicienne (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Jean-Claude Lefort.

Qui se sent visé ?

M. Alain Bocquet.

... toute polémique franco-française va à l'encontre de la paix et de l'intérêt des peuples du Moyen-Orient. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Très bien !

M. Alain Bocquet.

Cela affaiblirait aussi le rôle de la France.

Des éclaircissements de votre part sur votre voyage au Moyen-Orient sont évidemment très attendus par lar eprésentation nationale. Un débat exceptionnel à l'Assemblée nationale sur la politique étrangère de la France serait également le bienvenu. Nous vous le proposons.

Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement entend-il maintenant contribuer à lever les obstacles à la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre - le groupe communiste ayant épuisé tout son temps de parole.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, le voyage que j'ai effectué en Israël et dans les territoires palestiniens avait une double dimension bilatérale...


page précédente page 01347page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. André Santini.

Double seulement !

M. le Premier ministre.

... et une trame commune : le processus de paix. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. le Premier ministre.

Au plan bilatéral, j'ai tenu à rappeler avec force la relation avec Israël parce que ce pays est depuis toujours un pays ami et parce que nous partageons avec lui les valeurs de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Nous savons aussi qu'en Israël vivent un million de francophones...

M. Philippe Martin et M. Jean-Claude Mignon.

Au Liban aussi !

M. le Premier ministre.

... dont 500 000 à 700 000 parlent notre langue. Ils sont pour nous une expression et une forme de médium de la francophonie. (« Et le Liban ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'y viendrai à la fin, messieurs ! Enfin, Israël est un pays développé, avancé dans le domaine des hautes technologies. Nous avons ainsi examiné, avec les ministres qui m'accompagnaient, notamment celui des transports et celui de l'économie et des finances, comment nous pourrions encore développer nos projets et nos coopérations bilatérales. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Martin.

Et le Liban ?

M. le Premier ministre.

Nous avons aussi rappelé aux autorités palestiniennes, dans les territoires, l'engagement de la France pour améliorer les conditions de vie concrètes des Palestiniennes et des Palestiniens, dont on sait qu'elles sont extraordinairement contraintes et précaires. Cela constitue bien un témoignage de solidarité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous avons également marqué, par l'annonce de grands projets dans le domaine de l'eau ou à propos du développement du port de Gaza que la France serait aux côtés de cette société en train de naître et de cet Etat en gestation, car il y aura un Etat palestinien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous avons aussi, tant avec des intellectuels qu'avec des étudiants et des étudiantes, dans la première partie du séjour à Bir-Zeit, noué un dialogue sur une question considérée par eux comme essentielle : il faut que l'Etat palestinien soit un Etat de droit, un Etat démocratique.

Cela aussi est au coeur de la problématique du ProcheOrient. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) En ce qui concerne le processus de paix, j'ai pu engager des discussions avec M. Ehud Barak et avec la plupart des grandes personnalités israéliennes, notamment le Président de la République, ainsi qu'avec Yasser Arafat et les autorités palestiniennes.

Je dois dire que je reviens...

M. Maurice Leroy.

De loin !

M. le Premier ministre.

... comme les parlementaires, qui m'accompagnaient avec un sentiment de préoccupation quant au processus de paix.

M. Philippe Martin.

Il y a de quoi !

M. Patrick Ollier.

Avec raison !

M. le Premier ministre.

J'ai d'ailleurs fait part de cette préoccupation, qui est celle de la France, qui est celle aussi des Européens, à mes interlocuteurs, notamment à mes interlocuteurs israéliens auxquels j'ai dit que, dans la disproportion des forces, dans le contexte actuel, il leur revenait de consentir les efforts les plus grands pour que de nouveaux pas en avant soient accomplis afin de relancer le processus de paix et de rétablir la relation de confiance entre les acteurs israéliens et palestiniens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

J'ai rappelé le soutien de la France aux accords d'Oslo et de Charm-el-Cheikh et j'ai souligné que devrait être opérée la restitution des territoires contre la paix.

M. Maurice Leroy.

Merveilleux !

M. le Premier ministre.

J'ai également indiqué que l'arrêt de la colonisation était un préalable absolu à un climat de confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

J'ai appelé à l'initiative et au compromis.

M. Maurice Leroy.

Bref, tout va bien !

M. Jean-Claude Lenoir.

Bel exercice de yo-yo !

M. le Premier ministre.

En effet, si un accord entre la Syrie et Israël est nécessaire, je suis convaincu que c'est la relation entre les Palestiniens et Israël qui est au coeur de la problématique du Proche-Orient aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Israël doit être assuré de sa sécurité. Un Etat palestinien viable, pacifique, démocratique et prospère doit naître. Je l'ai dit en Israël et je l'ai bien évidemment répété à Ramallah et à Gaza.

M. Maurice Leroy.

Avec quel succès !

M. le Premier ministre.

En ce qui concerne le Liban, j'ai, au-delà d'un mot controversé, entendu dénoncer l'enchaînement délibéré de la violence, voulu comme un obstacle aux fragiles perspectives de paix d'aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le Liban, ami et partenaire de la France, a droit à la paix et à la sécurité. Les troupes israéliennes doivent se retirer du Liban Sud. J'ai la conviction qu'elles le feront.

J'ai souligné, auprès de mes interlocuteurs, qu'il vaudrait mieux que cela intervienne à la suite d'un accord négocié, auquel cas la France pourrait envisager d'apporter sa garantie. En tout état de cause, je sais que les Israéliens se retireront du Liban et je m'en réjouis parce que c'est ce que demande la communauté internationale depuis de nombreuses années.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 01348page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Le Liban doit redevenir un pays libre dans l'unité et dans le respect par tous de son intégrité. Cela est vrai aujourd'hui et, mesdames, messieurs, cela le sera aussi demain.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Préel.

Quelle belle formule !

M. le Premier ministre.

Oui, demain, quand les troupes israéliennes se seront retirées et que nous serons confrontés à de nouvelles réalités.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le Liban est peut-être, aujourd'hui, aux portes de la paix. Cet espoir ne reviendra pas par des actes de guerre, mais par un appui au processus de paix. C'est ce que j'ai dit en Israël comme dans les territoires palestiniens.

(« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

PROCHE-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Hervé de Charette.

Monsieur le Premier ministre, en vous interrogeant au nom du groupe UDF, je forme le voeu que vous poursuiviez cet échange que vous avez engagé avec l'Assemblée nationale et que vous me répondiez personnellement.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

- Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est peu dire, en effet, que votre voyage au ProcheOrient est assez éloigné du résumé idyllique que vous en avez fait à l'instant.

(Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les images reproduites par toutes les télévisions du monde nous ont montré un spectacle dont personne ici ne se réjouit et qui a d'ailleurs été condamné par tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

S'il ne nous réjouit pas, c'est parce que ces images sont celles de l'humiliation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est aussi l'image d'un travail conduit pendant des années qui, tout à coup, est réduit en poussière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, le groupe UDF est appelé aujourd'hui à vous demander des éclaircissements, des précisions, des clarifications que vous venez de commencer à apporter et que la France et, sans doute aussi, l'ensemble des chancelleries attendent.

J'ai entendu dire, et vous l'avez répété à l'instant, que vous vouliez répondre aux interrogations, aux doutes et aux critiques parfois exprimés en Israël, voire - pourquoi pas ? - dans la communauté juive de France à l'encontre de la politique française au Proche-Orient. Ces interrogations, ces critiques, nous les connaissons aussi bien que vous.

M. René Dosière.

Oh !

M. Hervé de Charette.

Elles sont aussi importantes à nos yeux qu'aux vôtres. Vous n'avez pas le monopole de la sensibilité et du coeur pour les intérêts d'Israël ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Bataille.

Giscard de pacotille !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. Hervé de Charette.

Ne vous excitez pas, nous essayons de dialoguer avec le Premier ministre ! Au cours des années écoulées et jusqu'à maintenant la réponse de la France s'était résumée ainsi : la sécurité d'Israël passe par la paix et la paix passe par une attitude de la France fondée sur l'impartialité et l'équilibre, telle qu'elle a été rappelée par le Président de la République à votre retour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Oui, bien sûr, la France se veut et est l'amie d'Israël.

Depuis toujours, avez-vous dit ; cela est vrai. Mais il n'est pas besoin de changer de politique pour autant ! La France partage les légitimes aspirations d'Israël à la sécurité, mais elle partage aussi les non moins légitimes aspirations de ses voisins à la souveraineté et à l'intégrité de leur territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous sommes les amis d'Israël, oui. Nous sommes les amis du Liban, oui. Nous avons des partenaires au Proche-Orient qui ont une grande importance pour les intérêts, pour le prestige et pour le rayonnement de la France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Cette politique a fait jusqu'à présent l'objet d'un certain consensus dans notre pays. Elle nous a valu une présence, une autorité, un prestige au Proche-Orient que le monde entier nous reconnaît. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, après tout ce qui s'est passé et après les corrections de tir que nous avons bien entendues, exprimées par votre ministre des affaires étrangères ou par vous-même, pouvez-vous nous confirmer que la politique de la France au Proche-Orient est bien toujours celle qui a été définie et établie par le Président de la République lors de ses différentes interventions, notamment lorsqu'il est allé en Israël et au ProcheOrient ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, monsieur le Premier ministre, ma dernière question concerne le fonctionnement global de l'exécutif français.


page précédente page 01349page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Nous ne vous contestons nullement non seulement le droit mais aussi le devoir d'agir, de travailler, de vous exprimer dans le domaine de la politique internationale de la France. Tous les Premiers ministres l'ont fait et cela est très bien ainsi. Mais ce dont nous avons besoin, alors que nous nous acheminons vers la présidence française de l'Union européenne, c'est d'être assurés que cette politique étrangère s'exprimera d'une seule voix sous l'autorité du Président de la République, qui en est l'inspirateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, je vous répondrai en évitant toute polémique liée à des considérations de politique intérieure et toute relance de controverse au plan extérieur, en m'efforçant d'éclairer, comme vous le demandez, les deux dimensions de votre interpellation : l'élaboration de notre politique extérieure dans la cohabitation et celle de la politique de la France au Proche-Orient.

En ce qui concerne la conduite de politique étrangère de la France dans le cadre de la cohabitation, si nous regardons depuis le début, le moins que nous puissions dire est qu'il y a peu de problèmes. Le Président de la République joue un rôle éminent. Il le tient de certaines prérogatives constitutionnelles (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Jean-Luc Warsmann.

Du peuple !

M. le Premier ministre.

... et aussi de la tradition de la Ve République. Jamais du reste le Gouvernement, ou le Premier ministre, au cours des mille jours qui viennent de s'écouler, n'a fait en politique extérieure la moindre critique à l'égard du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Le Gouvernement, ainsi que le dit l'article 20 de la Constitution, détermine et conduit la politique de la nation. Or la politique de la nation ne se réduit pas à la politique intérieure ; elle englobe la politique extérieure.

Nous agissons, nous participons à l'élaboration de cette politique que porte en particulier le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine.

M. Maurice Leroy.

Heureusement qu'il est là pour souffler !

M. le Premier ministre.

Au demeurant, les dialogues entre nous, c'est-à-dire entre vous, le législatif, et nous, l'exécutif, sont constants à cet égard.

Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

On l'a vu pour le Kosovo !

M. le Premier ministre.

Vos auditions des ministres des affaires étrangères ou de la défense, les débats que nous avons eus ici même sur des questions aussi difficiles que celle du Kosovo, la façon dont vous nous interpellez lors des questions d'actualité montrent que nous prenons à l'évidence notre part de l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique étrangère de la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Si vous prenez, mesdames et messieurs - je vous invite à faire cet exercice -, la chronique des deux cohabitations précédentes, particulièrement celle de 1986-1988, vous vous rendrez compte qu'il n'en était pas de même : le Premier ministre de l'époque avait multiplié les mises en cause (« Polémique ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) du Président de la République et des positions qu'il adoptait. Souvenez-vous notamment des affaires du missile mobile et de la guerre des étoiles, dans lesquelles le Président avait fixé une position, qui fut publiquement contestée par le Premier ministre de l'époque.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je me réjouis d'ailleurs de constater que, alors que les Etats-Unis s'efforcent de relancer cette politique dont nous pensions déjà - en tout cas le Président de la République à l'époque - qu'elle risquait de déstabiliser la dissuasion, le Président de la République d'aujourd'hui et le Gouvernement ont la même approche critique de cette relance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je suis convaincu que cette façon de fonctionner, sans écarts, sans éclats et sans troubles se produira jusqu'au terme de cette législature ou jusqu'à toute autre échéance, en particulier tout au long de la présidence française.

M. Maurice Leroy.

Et si l'on parlait du sujet ?

M. le Premier ministre.

Reste le fond de la politique au Proche-Orient.

M. Maurice Leroy.

Il est temps !

M. le Premier ministre.

La question n'est peut être pas tant celle que vous posez, c'est-à-dire celle de l'équilibre de la politique de la France au Proche-Orient. La politique française au Proche-Orient doit être équilibrée. Elle est fondée sur l'amitié historique avec Israël et le souci de sa sécurité. Elle est fondée sur l'amitié avec de nombreux pays arabes, notamment au Maghreb et au ProcheOrient, et je ne pense pas qu'il faille confondre cette politique avec une politique arabe globale, comme l'a dit à juste titre, tout récemment, le ministre des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Elle repose sur le soutien aux aspirations légitimes du peuple palestinien, à partir du moment où ses dirigeants ont choisi la stratégie de la paix. Elle est attachée au respect de l'indépendance et de l'intégrité du Liban aujourd'hui et demain.

Mme Françoise de Panafieu.

Et à la parole de la France !

M. Franck Borotra.

Il a déjà dit le contraire !

M. le Premier ministre.

Equilibre, oui. Impartialité, sans doute. Mais autour de quelles valeurs, autour de quels objectifs, pour quelle dynamique ? Voilà la question qu'il faut aussi se poser (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et à laquelle nous répondons. C'est cela qui doit effectivement conduire la politique de notre pays, et je ne doute pas que cela soit le cas.

Cette politique, elle doit nous rassembler autour de trois grands mots, de trois grandes valeurs, de trois grands objectifs : la paix, la démocratie et le développement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La paix et la sécurité contre la violence, la démocratie ou le pluralisme contre la haine de l'autre et l'intolérance, le développement contre les tendances autodestructrices qui existent dans cette région du monde.

M. Maurice Leroy.

Et cela a marché ?


page précédente page 01350page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. le Premier ministre.

C'est à la lumière de ces objectifs et de ces valeurs que nous devons agir, même si nous devons agir avec impartialité, car s'il est vrai que ces valeurs et ces objectifs doivent être respectés par tous, il existe aussi, c'est vrai, des ferments de violence et de haine en Israël même, où un Premier ministre a été assassiné par un fanatique. Donc, nous pouvons être équilibrés, nous pouvons être impartiaux, mais nous devons dire aussi quels sont les objectifs : la paix, la démocratie, le développement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Etre impartial ne doit pas nous conduire à rester aveugle face à des actes dangereux pour le processus de paix. Nous devons faire preuve d'équilibre, mais nous devons être sans indulgence pour ceux qui utilisent la violence, car cela ne renforce pas la position de la France que d'être faible par rapport à la violence ou au fanatisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy.

On l'a vu !

M. le Premier ministre.

Et si vous avez pensé - peutêtre auriez-vous pu l'éviter en tenant un propos différent - que la France a été humiliée par les scènes que vous avez vues à Bir-Zeit (« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), je peux vous dire que la France n'a pas été humiliée.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Non seulement parce que je me suis comporté de façon digne face à la violence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), mais ausi parce que supposer que la France soit humiliée, c'est supposer qu'avaient raison ceux qui, à la différence des étudiants et les professeurs qui venaient de dialoguer avec moi, m'ont effectivement caillassé à Bir-Zeit. Or je ne pense pas que ce soit votre approche, monsieur le député.

Ne soyez pas silencieux devant la violence, quelle qu'elle soit, car la violence, mesdames et messieurs les députés, est le pire ennemi de la paix.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

POLITIQUE DE LA FRANCE AU PROCHE-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi d'abord, au nom de tous les députés socialistes, mais également, j'en ai la conviction, bien au-delà de nos bancs (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), d'exprimer notre totale solidarité et notre soutien après les inadmissibles attaques dont vous avez fait l'objet à la sortie de l'université de Bir-Zeit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre des affaires étrangères, il est vrai qu'il existe, et depuis fort longtemps, un large accord dans notre pays pour la recherche de la paix, d'une paix juste et durable au Proche-Orient, fondée sur le nécessaire équilibre entre le droit à la sécurité et les moyens de la garantir pour Israël, et le droit pour les Palestiniens à disposer d'une terre, d'une patrie, d'un Etat démocratique. Cet objectif fondamental, le Président François Mitterrand, dans la lignée d'un homme politique que nous respections tous, le président Pierre Mendès France, l'avait remarquablement illustré.

Dès lors, il n'y a pas, il ne peut y avoir de politique arabe de la France, pas plus que nous n'aurions une politique israélienne ou libanaise, mais bien, vous l'avez dit, une politique de la France au Proche-Orient, une politique étrangère que le Président de la République et le Premier ministre expriment et mettent en oeuvre sous le regard du Parlement et de la nation tout entière.

C'est ainsi que nous avons perçu la démarche du Gouvernement et c'est pourquoi nous souhaitons connaître, monsieur le ministre des affaires étrangères, les perspectives de reprise du processus de paix, bloqué ces dernières semaines, et les priorités nécessaires à cette indispensable reprise, après les entretiens et les impressions que vous avez recueillies auprès de vos interlocuteurs palestiniens et israéliens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, le Premier ministre vous a dit à l'instant combien il était rentré, ainsi que sa délégation, préoccupé (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Maurice Leroy.

On le comprend !

M. Franck Borotra.

Nous aussi !

M. Henri Emmanuelli.

Ces réactions sont incroyables !

M. le ministre des affaires étrangères.

Mesdames, messieurs, le fond de la question de M. Loncle me paraît suffisamment important...

M. Yves Nicolin.

Et la réponse ?

M. le ministre des affaires étrangères.

... pour mériter un peu d'attention. L'examen de la situation du processus de paix est un sujet qui devrait tous nous réunir.

Cette préoccupation s'explique par le fait que l'on a connu ces derniers mois, après le départ de M. Nétanyahou, une immense espérance qui, force est de le constater, est en train de se transformer petit à petit en impatience, voire en déception, et dans certains cas en une tension qui s'exprime de multiples façons.

En ce qui concerne la relation israélo-parlestinienne, fondamentale pour ce processus - le Premier ministre a eu l'occasion de le dire clairement à M. Barak et l'a répété il y a quelques instants -, nous pensons que, compte tenu de la situation et du rapport de force, il appartient à nos amis israéliens de faire un certain nombre de gestes sur un certain nombre de points clés, tant sur les accords intermédiaires que sur la préparation du statut final, afin de relancer la discussion vers ce qui doit devenir demain, même si nous n'en connaissons pas encore le moment exact, un Etat palestinien viable et démocratique. Sur ce point, nous leur faisons confiance et nous attendons des encouragements de leur part.

En ce qui concerne le volet israélo-syrien, je serai très bref. Nous sommes malheureusement apparemment revenus à la situation de cet automne. De part et d'autre sont


page précédente page 01351page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

r éapparus des obstacles que, par notre engagement continu, avec les Etats-Unis, nous avions aidé à surmonter. Les raisons en sont diverses ; elles tiennent notamment à la façon dont se sont déroulées les conversations en janvier, les deux pays s'étant rétractés sur plusieurs points. J'ai bon espoir qu'elles puissent prochainement redémarrer et je pense que les échanges de cette semaine y auront contribué.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous savez que le redémarrage de cette discussion i sraélo-syrienne commande également la discussion israélo-libanaise et la place du Liban, auxquelles nous veillerons naturellement durant la suite de ce processus.

Voilà où nous en sommes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

BAISSE DU CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), depuis quelques semaines, la p resse dans ma région se fait l'écho de créations d'emplois par la mise en application de la loi sur la réduction du temps de travail.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mille créations d'emplois ont été annoncées, alors que sur les 5 000 entreprises de toutes tailles que nous comptons, un grand nombre n'a pas mis en oeuvre le passage aux 35 heures.

On nous dit également que des jeunes abandonnent les contrats emplois-jeunes pour rejoindre le monde économique.

M. Yves Nicolin.

Hors sujet !

Mme Hélène Mignon.

C'est là un signe encourageant, conforté par l'annonce aujourd'hui même d'une nouvelle baisse du chômage en janvier.

Dès lors, madame la ministre, on peut espérer que l'exclusion recule ; mais nos inquiétudes demeurent. Même si nous reconnaissons l'efficacité de la politique gouvernementale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), il reste encore dans notre pays beaucoup trop de chômeurs et de travailleurs précaires. On sait d'ailleurs que les femmes sont particulièrement confrontées à ce phénomène. Quels espoirs, quelles perspectives pouvons-nous donner à tous ces gens, notamment aux jeunes du programme TRACE ou aux chômeurs de longue durée, qui attendent avec impatience une entrée ou un retour dans la vie professionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, la réduction du temps de travail en effet crée bel et bien des emplois (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et je me réjouis qu'après l'avoir fait crier, cela fasse aujourd'hui rire ou sourire l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous avons eu ce matin même un dernier bilan : 2 7 500 accords ont été mis en place et plus de 170 000 emplois ont été créés, grâce à la réduction de la durée du travail. J'invite d'ailleurs tous ceux qui ne l'ont pas fait à se reporter à la presse américaine et britannique de ces derniers jours...

M. Philippe Briand.

Ils vont faire pareil !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui ne parviennent pas à expliquer la réduction du chômage en France autrement qu'en prenant en compte l'effet positif des 35 heures. Comme quoi chacun y vient ; peutêtre le jour viendra où tout le monde en fera autant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Tout comme vous, madame la députée, je me réjouis de cette baisse de 18 700 chômeurs en janvier (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), ce qui, après les deux mois exceptionnels de novembre et décembre où le chômage avait chuté de plus de 40 000, est un excellent résultat dans la mesure où la période qui suit les fêtes se caractérise normalement par une activité moins soutenue. Or force est de constater que la forte décrue du chômage se poursuit dans notre pays.

En un an, le nombre de chômeurs aura baissé de 370 000, ce qui est le meilleur chiffre jamais atteint, soit 570 000 depuis juin 1997. La France est, l'Espagne mise à part, le pays où le chômage recule le plus, bien que sa population active s'accroisse d'environ 200 000 personnes par an. Cela ne peut que nous inciter à persévérer dans toutes les pistes que nous avons ouvertes : la consolidation de la croissance, les emplois-jeunes qui, ainsi que vous l'avez indiqué, sont aujourd'hui au nombre de 250 000 et dont, chaque jour, une partie se professionnalise et se pérennise,...

M. Philippe Briand.

Et bientôt les 32 heures !

M. Lucien Degauchy.

Avec 30 heures, cela ira encore mieux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... la poursuite de la baisse des charges sociales applicable depuis le 1er février - je conclurai demain, avec Marylise Lebranchu, un important accord avec l'union professionnelle artisanale pour répondre aux pénuries de maind'oeuvre -, mais aussi, vous avez bien fait de le rappeler, la poursuite de la lutte contre le chômage de longue durée et l'emploi précaire.

A cet égard, je tiens à souligner que le mois de janvier apparaît comme un très bon mois, puisque l'emploi précaire a diminué et la catégorie des chômeurs les plus anciens a baissé de près de 60 000. Ce qui prouve bien que, grâce à une croissance qui continue à se consolider, un certain nombre d'emplois précaires se sont transformés en contrats à durée indéterminée.

De la même manière, et c'est pour moi l'occasion de rendre une fois de plus hommage à l'ANPE, l'action menée dans le cadre du nouveau départ, visant à accompagner dans la durée les chômeurs de longue durée jeunes, adultes, RMistes et titulaires de minima sociaux, aura entraîné depuis un an une baisse de ce type de chô-


page précédente page 01352page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

mage de l'ordre de 190 000 personnes. Mais, tout comme vous, je n'oublie pas qu'il reste dans notre pays plus de 2,5 millions de chômeurs et que nous devons poursuivre avec la même détermination et la même énergie ce que nous avons engagé en suivant toutes les pistes que le Gouvernement a mises en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

GRÈVE DES PROFESSEURS DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le ministre, un mouvement de grève se développe, notamment dans l'enseignement professionnel.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi, dans le département du Val-d'Oise, vingt des trente-deux lycées professionnels sont déjà mobilisés. Des manifestations sont prévues à l'approche des réunions, le 3 mars, du Conseil supérieur de l'éducation, et le 6 mars, du comité technique paritaire.

Les professeurs de l'enseignement professionnel sont inquiets à un double titre : à cause d'abord d'un projet de modification du décret du 6 novembre 1992 portant statut particulier des professeurs de l'enseignement professionnel ; ensuite, du volet « enseignement professionnel » intégré dans votre charte pour la réforme des lycées.

Ces professeurs estiment que leurs conditions de service sont menacées d'une dégradation par l'annualisation et l'augmentation de leur temps de travail. Ils considèrent aussi comme des menaces la diminution de la dotation horaire globale pour l'ensemble des établissements, car elle signifie des suppressions de postes qui toucheront notamment les travailleurs précaires de l'éducation nationale, l'absence ou la diminution du droit de formation sur le temps de service ou encore la possible remise en cause du caractère national des diplômes par un rapprochement un peu trop étroit avec le patronat. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M a question est donc très simple, monsieur le ministre : en quoi ces craintes et ces interrogations sontelles fondées, selon vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, l'enseignement professionnel est, dans notre pays, un enseignement de très grande qualité. A l'issue du collège, on lui confie des enfants qui, à tout ou à raison, ne sont pas jugés aptes à poursuivre les études dans l'enseignement général.

M. Christian Jacob.

Voilà qui va favoriser l'enseignement professionnel ! Bravo !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Pourtant, grâce au dévouement des équipes pédagogiques, ils offrent à ces jeunes une réussite professionnelle exceptionnelle : 92 % des 80 000 bacheliers professionnels trouvent un travail à la sortie du bac professionnel, les autres en moins d'un an.

Mais il faut que ce secteur, que je considère comme un secteur d'élite, soit plus reconnu, davantage aidé et mieux intégré dans le milieu économique. Une concertation vaste et approfondie (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), impliquant les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés, ainsi que celles des enseignants, a été conduite pendant deux ans.

Elle s'est conclue par le colloque de Lille (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), animé par les responsables les plus importants des syndicats ouvriers, enseignants et du patronat et s'est traduite par la charte de l'enseignement professionnel intégré - intégré dans l'éducation nationale, avec l'enseignement général et avec l'enseignement professionnel et en entreprise.

Désormais - et je pense que c'est un moment historique pour notre pays - tout l'enseignement professionnel se fera en partenariat avec les entreprises, pour le bénéfice de tous.

Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Ça existe déjà !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Des contrats, des conventions, des plates-formes technologiques se mettent en place. Dans ce vaste mouvement, il était normal que l'on revoie les horaires des élèves et des enseignants pour les adapter aux situations nouvelles.

A la prochaine rentrée, de nouveaux horaires seront applicables aux élèves, lesquels - je le rappelle - faisaient, dans nombre de lycées professionnels, 42 heures par semaines ! Ces horaires seront plus largement étalés sur l'année, en tenant compte du fait que, désormais, tous les élèves effectuent des stages en entreprise et doivent réaliser des projets professionnels.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de lar echerche et de la technologie.

La répartition des horaires des enseignants est également modifié. Ils passeront de 23 heures à 19 heures, comme les autres professeurs, mais ces heures seront mieux réparties sur l'année, en tenant compte des stages en entreprise et des fluctuations. Dans ce cadre, tout le monde sera gagnant.

(Exclamations sur les bancs du du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les diplômes nationaux seront garantis, les CAP et BEP étant revus par les procédures normales. Grâce à ce processus où, je le répète, tout le monde sera gagnant, notre enseignement professionnel aura les moyens d'augmenter son potentiel et de conduire encore plus de jeunes vers l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.


page précédente page 01353page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

VOYAGE DU PREMIER MINISTRE AU PROCHE-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le Premier ministre, votre voyage au Moyen-Orient (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste) s'est soldé par un immense faux pas diplomatique, qui a abouti à l'humiliation et à l'affaiblissement de la France dans cette région.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Outre l'humiliation, il est clairement apparu sur la scène internationale que, par votre faute, la France ne parlait pas d'une seule voix sur un sujet sensible qui requiert, pourtant, la plus grande finesse.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous, vous humiliez le président de votre groupe !

M. Pierre Lequiller.

Il faut arrêter l'hypocrisie : contrairement à l'esprit des institutions et à ce que vous avez dit tout à l'heure, vous avez, à l'évidence, fait cette déclaration improvisée, sans concertation ni avec le Président de la République ni avec le Parlement.

M. Lucien Degauchy.

On ne peut pas le laisser seul cinq minutes !

M. Pierre Lequiller.

Vous avez même, à en croire les commentaires dans les journaux, placé votre propre ministre des affaires étrangères en porte-à-faux par rapport à la politique d'équilibre menée par la France pour favoriser une solution de paix.

Un Premier ministre doit mesurer les conséquences de ses paroles comme de ses actes.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Pierre Lequiller.

Bien que vous vous refusiez à le reconnaître, vous avez fait le contraire, et quelles qu'aient pu être vos motivations, vous avez, en réalité, contribué à raviver les haines dans cette région du monde.

Ce faisant, vous avez, sur place, stupéfait votre ministre des affaires étrangères, et l'avez transformé, depuis, en équilibriste : il suffisait de voir, ce dimanche, les contorsions auxquelles il a dû se livrer pour expliquer l'inexplicable.

Vos déclarations, monsieur le Premier ministre - et je reviens sur les questions qui ont été posées mais auxquelles il n'a pas été répondu - constituent-elles un changement de la politique française au Moyen-Orient, ou bien sont-elles simplement un coup politique ? Ce serait une faute impardonnable et incompatible avec vos responsabilités de Premier ministre.

Comment comptez-vous clarifier la position de la France et regagner la confiance que les différents partenaires nous portaient, pour le bien de la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, bien que je vous aie écouté attentivement, je n'ai pas très bien compris quelle était la question ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Il est dépassé par les événements !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. le ministre des affaires étrangères.

Vous avez, en fait, exposé une présentation biaisée de ce qui s'est passé, au sujet de quoi le Premier ministre a répondu avec une très grande clarté et une extrême précision. Ce qui vous a peut-être gêné dans l'expression de votre question, c'est qu'au sein de votre propre groupe, vous avez du mal à parler d'une seule voix sur ce sujet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Gerin.

Madelin n'est pas là !

M. le ministre des affaires étrangères.

Quant au fond, je ne vais pas reprendre une argumentation qui est claire et nette, et qui a démontré que la France continuerait dans son engagement, lequel est non seulement équilibré mais dynamique, s'adaptant à chaque nouvelle étape de la vie au Proche-Orient. Et je ne la reprendrai pas point par point, parce que la suite le démontrera clairement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.

PROCHE-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. Alain Juppé.

M. Alain Juppé.

Je voudrais, monsieur le Premier ministre, vous interroger à nouveau sur votre voyage en Israël et dans les territoires palestiniens. Je sais que je risque de vous lasser (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais la question est d'une telle importance qu'on ne comprendrait pas que le groupe du Rassemblement pour la République...

M. Didier Boulaud.

Ce qu'il en reste !

M. Alain Juppé.

... reste silencieux.

Permettez-moi d'exprimer, d'abord, au nom de ce groupe, et en mon nom, notre vive réprobation devant les brutalités dont vous avez été la cible. Il est inacceptable qu'un Premier ministre français soit traité de la sorte.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Cela dit, il faut essayer de comprendre pourquoi on en est arrivé là.

On nous dit que vous avez voulu rompre avec la langue de bois et laissé parler tout à la fois votre coeur, vos émotions et vos convictions les plus anciennes. Soit ! Nous sommes ici nombreux à savoir, par expérience, qu'il est très difficile de résister au choc émotionnel qu'on éprouve quand on se rend au Proche-Orient, à Jérusalem, à Gaza ou à Beyrouth, pour ne citer que quelques lieux. Tout être humain est évidemment bouleversé...

Mme Odette Grzegrzulka.

A vos Kleenex !

M. Alain Juppé.

... quand il rencontre des familles israéliennes dont les jeunes gens et les jeunes filles ont payé de leur vie la défense de leur sol - et c'est une région du monde où le sol est peut-être plus sacré que partout ailleurs.


page précédente page 01354page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Bouleversé, je l'ai été moi-même lorsqu'il m'est arrivé de parler à des parents israéliens dont les enfants avaient é té déchiquetés par les bombes d'un terrorisme injustifiable.

Mais on ne m'en voudra pas, je pense, de dire que bouleversé, je l'ai été aussi quand j'ai visité, en 19931994, les rues misérables des faubourgs misérables de Gaza. Que je l'ai été aussi lorsque j'ai dialogué avec des Libanais dont les familles, également, avaient souffert, dans leur chair, des bombardements israéliens.

Mais l'émotion au Proche-Orient, la compassion pour les victimes de tant d'années d'affrontements ne sauraient être unilatérales. Tel est bien le message de la France depuis plusieurs décennies. Notre pays a choisi, dans le conflit israélo-arabe, de prendre de la hauteur plutôt que de prendre parti.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cela n'a pas été facile. Il y a fallu du courage, de la persévérance et de la clarté. Quand j'entends parler de langue de bois, je sais que dire à nos interlocuteurs successifs les mêmes vérités en même temps, ce n'est pas de la langue de bois.

A Israël, nous avons dit, depuis longtemps : « La France est votre amie. La sécurité d'Israël, dans des frontières "sûres et reconnues", pour reprendre la formule consacrée, est pour nous une exigence absolue, et notre engagement à vos côtés pour la garantir est total. Mais notre amitié vous autorise à vous dire qu'il n'y aura pas de paix durable au Proche-Orient si le fait palestinien n'est pas reconnu ; et cette reconnaissance aboutira forcément à la création d'un Etat palestinien. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault.

Mais le Premier ministre l'a dit !

M. Alain Juppé.

Eh oui ! il y a belle lurette que nous l'avons dit ! Ce qui faisait scandale il y a encore quelque temps au Proche-Orient y est aujourd'hui une évidence et ne constitue plus depuis longtemps une nouveauté. C'est peut-être ce qui avait échappé dans les propos récents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Simultanément, nous disions : « La France est aussi l'amie des Arabes, des Palestiniens,... » - je viens d'en

parler - « ... des Libanais, francophones ou non francophones » - car il y a beaucoup de francophones au Liban aussi. Et contre vents et marées, nous n'avons cessé de plaider pour un Liban dont l'indépendance et l'intégrité territoriale soient garanties, ce qui implique, monsieur le Premier ministre, le retrait de toutes les troupes étrangères qui occupent aujourd'hui son territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) des troupes israéliennes du Liban-Sud, mais également - je l'ai dit à plusieurs reprises à Hafez-el-Assad, je ne vous l'ai pas entendu dire, monsieur le Premier ministre -, des troupes syriennes, qui ne sauraient rester au Liban dans le cadre d'un accord global de paix.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

La France, amie de la Syrie, de la Jordanie, de l'Egypte - je ne veux pas allonger la liste -, voilà ce qui nous a permis d'être entendus en Israël et dans l'ensemble de la région et d'y jouer un rôle qu'aucun autre pays européen n'y joue, comme on l'a vu en 1996, au moment où le Sud-Liban était à feu et à sang et où a été constitué le groupe de surveillance dont nous assumons la coprésidence avec les Etats-Unis, et dont l'action a permis d'éviter l'escalade militaire et de diminuer le nombre d'innocentes victimes civiles, nombre qui a été divisé par quatre de 1996 à 1999.

Dans ce fragile équilibre, monsieur le Premier ministre, vos déclarations ont semé la confusion.

Est-il encore temps de réparer le dommage ? Il faudrait, pour cela, que vous nous disiez clairement quelle est l'interprétation qu'il faut donner à vos déclarations, et, jusqu'à présent, je dois vous le dire, depuis le début de cette séance, je n'ai pas entendu cette clarification.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Yvette Roudy.

C'était pourtant clair !

M. Alain Juppé.

Est-ce M. le ministre des affaires étrangères qui a raison lorsqu'il explique, avec une patience qui impressionne, depuis quelques jours, que la politique française au Proche-Orient n'a pas changé ? Mais alors, il faut que ce soit vous qui le disiez, monsieur le Premier ministre, pour que nos partenaires européens, américains, arabes et israéliens s'y retrouvent et sachent que la politique de la France est toujours celle que conduit, depuis 1995, le Président de la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Emmanuelli.

Pas de leçons !

M. Alain Juppé.

Ou bien la vérité est du côté de ceux qui constatent, pour s'en réjouir, ou pour le déplorer, que vous avez changé le message de la France. Et si tel est le cas, ce changement soulève plusieurs questions.

U ne question institutionnelle, d'abord. Dans ce domaine de la politique étrangère, qui n'est certes pas réservé mais qui est au minimum partagé, était-il concevable que vous preniez une telle initiative, sans concertation ni accord avec le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Une question de démocratie, ensuite. Est-il acceptable que l'Assemblée nationale débatte d'un tel retournement de notre politique étrangère a posteriori, quand le mal est déjà fait ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Une question de fond, surtout. Ce changement sert-il la France et sert-il la paix ? J'ai cru comprendre tout à l'heure que vous voyiez ce changement autour d'un certain nombre de valeurs : la paix, la démocratie et le développement. Ce discours est celui de la France depuis des décennies.

(« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

La paix : cela va de soi. La démocratie : combien de fois n'avons nous pas souhaité la constitution d'un Etat de droit palestinien ? Quant au développement, vous nous avez parlé du port de Gaza : ce sont des opérations engagées dès 1993.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


page précédente page 01355page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Je me demande si, en réalité, ce changement n'est pas pour la France un bond en arrière de quarante-cinq ans, un réalignement sur les thèses d'un seul des protagonistes de la région qui nous prive de toute crédibilité et de toute influence auprès des autres.

Et pour la paix, n'avez-vous pas fort imprudemment jeté de l'huile sur le feu qui, hélas !, n'était pas éteint...

M. Michel Herbillon.

Jospin pyromane !

M. Alain Juppé.

... porté atteinte au crédit de Yasser Arafat, radicalisé les extrémismes des deux bords, compliqué les chances d'un dialogue syro-israélien, en mettant tous les torts du côté de Damas et de Damas seul ? Rien de tout cela, monsieur le Premier ministre, ne devrait relever des préoccupations de politique intérieure, car il y va de la parole de la France et des chances de la paix. Je me doute que vous ne répondrez pas cet aprèsmidi, et je sais par expérience que quand on commet une maladresse, il est très difficile de la rectifier à chaud.

(Rires, exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs.)

Absolument ! Permettez-moi de vous suggérer d'y réfléchir pour l'avenir.

(Mmes et MM. les députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, qui, pour la plupart, se lèvent, applaudissent longuement l'orateur.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Non, monsieur le Premier ministre, vous ne me lassez pas, surtout quand vous parlez d'expérience ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous répondrai, bien sûr, comme vous l'avez souhaité. Mais le déroulement de notre séance et l'ordre d'intervention des groupes font que je dois vous répondre alors que je me suis déjà exprimé longuement tant sur la dimension institutionnelle que sur le fond de la problématique, des valeurs et des objectifs qui doivent être les nôtres au Proche-Orient.

(« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous comprendrez donc que je vous réponde de façon succincte.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Sur le plan institutionnel, je ne dirai qu'une chose, après vous avoir rappelé comment fonctionnait la cohabitation depuis juin 1997. Et je vous invite tous à vous reporter aux débats, aux interpellations, aux mises en cause publiques du Président de la République, François Mitterrand, par le Premier ministre, en 1986 et 1988.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Pas à l'étranger !

M. le Premier ministre.

C'était le cas sur les questions de défense, qui relèvent certainement davantage encore des prérogatives du Président de la République que de la politique étrangère, sur des questions aussi essentielles, je l'ai dit tout à l'heure, que la guerre des étoiles ou que le missile mobile.

M. Franck Borotra.

Jamais à l'étranger !

M. le Premier ministre.

C'est vrai, comme vous, monsieur le Premier ministre, j'ai été ému, que ce soit en Israël ou, plus encore, dans les territoires occupés, à Ramallah, à Gaza, lorsque j'ai vu les contraintes géographiques, les vexations multiples, qui ne seront dépassées que lorsque la restitution des territoires dans lesquels vivent les Palestiniens aura eu lieu.

Oui, j'ai été ému. Je suis allé suffisamment souvent en Israël, suffisamment souvent au Proche-Orient - je suis allé à Beyrouth il y a vingt ans et j'y avais rencontré à l'époque Yasser Arafat quand peu de personnes voulaient le rencontrer (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) - dans des conditions déjà assez difficiles, pour que je n'aie en rien été bouleversé. J'ai bien compris ce que vous souhaitiez suggérer dans l'esprit de ceux qui nous entendaient. Si j'ai manifesté une émotion légitime comme les événements l'ont montré, j'ai abordé toute cela avec sang-froid. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous rejoins sur un point, monsieur le Premier ministre. Comme vous, j'ai pu mesurer l'attente, l'impatience, la frustration qui existent, notamment dans les territoires palestiniens. Ce sont nos craintes à propos du processus de paix, alors que nous sommes conscients de la façon difficile dont vivent ces hommes et ces femmes, qui ont fondé le discours qu'avec le ministre des affaires étrangères et les autres ministres nous avons tenus à M. Ehud Barak mais aussi à d'autres autorités israéliennes : c'est à vous de faire des efforts ! Il y a aujourd'hui une différence entre un Etat constitué et un Etat en gestation et non reconnu. Israël est un pays certes inquiet pour sa sécurité, qui pose des exigences légitimes, veut être reconnu par ses voisins arabes, et veut normaliser ses relations, notamment avec la Syrie. J'espère et je crois que la Syrie, qui est un acteur majeur de la solution de la paix au Proche-Orient, a bien l'intention de s'engager dans cette négociation, qui aboutira, sans que je me mêle des frontières, à la restitution du Golan.

Mais là aussi, mesdames et messieurs les députés, notamment de l'opposition, restons dans la logique qui était celle de Yitzahk Rabin et de Shimon Peres...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le Premier ministre.

... quand ils ont changé la vision et l'approche des Israéliens : celle de l'échange des territoires contre la paix. Il est clair qu'Israël ne pourra concéder sur les territoires, et il faudra que, dans le respect des résolutions des Nations unies, Israël concède sur les territoires, que si les Israéliens ont une chance raisonnable de normaliser leurs relations avec leurs voisins.

Comme ils l'ont fait avec les Egyptiens il y a vingt ans, comme ils l'ont fait avec les Jordaniens plus récemment, ils doivent le faire avec les Syriens.

Notre rôle à nous n'est pas simplement d'être dans un équilibre comptable, il est de porter des valeurs, d'utiliser les liens utiles que nous avons dans différents pays du Proche-Orient pour les mettre au service de la paix, mais, pour cela, il faut être clair sur ce qui met la paix en danger et sur ce qui peut la favoriser. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est dans ces conditions que, dans la mesure où des négociations existent, même si elles sont aujourd'hui interrompues, entre la Syrie et Israël, je me suis situé dans la perspective où, en tout état de cause, les troupes israéliennes devront quitter et quitteront le territoire libanais au mois de juillet, et j'ai bien entendu M. Juppé. Je ne l'avais pas encore entendu dire par une autorité française, ce qui prouve que l'on peut innover, même à


page précédente page 01356page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

l'Assemblée nationale. (Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

C'est nul !

M. le Premier ministre.

J'ai bien entendu, monsieur Juppé, que, au-delà de ce que j'ai dit moi-même - respect de l'intégrité de la souveraineté du Liban, départ de toutes les troupes du Liban -, vous étiez plus précis.

(Vives protestations sur les mêmes bancs.) Je pense que cela aura été entendu avec intérêt dans la région. (Mêmes mouvements.)

En tout cas, notre politique au Proche-Orient doit rester une politique équilibrée, fondée sur la paix, la démocratie et le développement. Faisons avancer ces valeurs, ces objectifs, et nous aurons bien servi notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

VOLONTARIATS CIVILS Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national (nos 2176, 2196).

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous voici donc parvenus dans la phase finale du processus législatif consacré au projet de loi instaurant le volontariat civil. Je voudrais d'abord, en mon nom et en celui d'Hubert Védrine, saluer le travail très rigoureux effectué par votre assemblée, ainsi que l'esprit positif, soucieux d'efficacité, qui aura présidé à l'élaboration de ce texte de loi. Je voudrais, bien sûr, remercier plus particulièrement, pour la qualité de leurs travaux, MM. les rapporteurs de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères saisie pour avis, Mmes et MM. les députés membres de ces commissions, ainsi que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes.

Vous avez bien voulu partager notre volonté de poursuivre, sous une forme renouvelée et mieux affirmée encore, les missions civiles accomplies actuellement, tant en France qu'à l'étranger, dans le cadre du service national. Conjointement, nous avons eu pour ambition de satisfaire les exigences et les attentes très fortes, tant individuelles que collectives, qui se manifestent en faveur de la solidarité nationale et internationale.

Il fallait au volontariat civil un cadre juridique approprié et spécifique, capable non seulement de prendre en compte les organismes d'accueil dans leur diversité, mais aussi de répondre de façon précise au souhait de nombreux jeunes gens et jeunes filles de vivre une expérience sociale, humaine, voire préprofessionnelle, dans le cadre d'un engagement citoyen.

Mesdames, messieurs les députés, vos travaux ont permis incontestablement d'enrichir et d'améliorer sensiblement ce projet de loi. Hubert Védrine et moi-même avons, vous le savez, tenu compte de vos propositions.

M. le rapporteur André Vauchez souligne dans son rapport la convergence de vues entre les deux assemblées sur l'essentiel des dispositions concernant le volontariat civil. Sans revenir sur le détail des modifications et des discussions, autorisez-moi à citer quelques-uns des aménagements apportés parmi les plus significatifs.

Je pense d'abord à l'ouverture du volontariat aux jeunes ressortissants de l'Union européenne. Je songe aussi à la nécessité de veiller à un égal accès des hommese t des femmes, conformément aux exigences qui découlent du principe de parité. Je pense également à l'extension des missions de volontariat en faveur du développement de la démocratie et des droits de l'homme.

On a ainsi voulu reconnaître et consacrer l'action de nombreuses ONG fortement enracinées dans la société civile.

Je tiens à le dire de nouveau ici, le volontariat civil n'a pas d'autre ambition que de proposer aux associations un dispositif complémentaire de celui de droit privé relevant du décret du 30 janvier 1995 qui continuera, bien sûr, de constituer une alternative pour leur action.

J'évoquerai enfin quelques-unes des mesures qui améliorent le statut du volontaire. Certaines confèrent au volontariat une valeur en quelque sorte « diplômante » grâce à la délivrance d'un certificat d'accomplissement ou à la prise en compte du temps du volontariat pour la validation des acquis professionnels.

D'autres, plus techniques, tentent également à renforcer l'attractivité du dispositif telles que l'extension de la couverture sociale du volontaire à ses ayants droit ou l'exonération fiscale des indemnités qui lui sont versées.

Dans quelques instants, Alain Richard aura l'occasion de vous présenter une novation par rapport au texte initial concernant l'armée de réserve et qui a dû être rattachée à ce texte dans l'urgence.

Quant aux dispositions concernant les départements et territoires d'outre-mer, il s'agit d'aménagements techniques que nous aurons l'occasion d'examiner ensemble.


page précédente page 01357page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi, qui a fait l'objet d'un large accord devant chaque assemblée, est très attendu. Son besoin n'est plus à démontrer. Notre volonté commune est désormais d'aboutir à un achèvement rapide du processus législatif. Il importe que la transition entre le service national et le volontariat civil s'opère sans rupture et je veux vous assurer que l'adoption définitive du texte de loi débouchera très rapidement sur sa mise en oeuvre concrète.

Croyez en outre que je serai particulièrement attentif à ce que toute la publicité requise soit donnée à la connaissance de ce dispositif et des démarches à accomplir. Nous songeons en particulier à la formation qu'il faudra délivrer au sein des établissements scolaires et universitaires.

Le ministère des affaires étrangères, vous le savez, n'est guère habitué à porter des projets de loi, et je veux une fois de plus vous remercier pour la qualité du travail réalisé en commun. C'est avec confiance que nous soumettons ce texte à l'examen de votre assemblée en deuxième lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. André Vauchez, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen par le Sénat, en deuxième lecture, le 9 février dernier, du projet de loi sur les volontariats civils a confirmé la grande convergence de vues qui existe entre nos deux assemblées sur ce texte, convergence dont je rappellerai brièvement les principaux points.

Tel est tout d'abord le cas sur la codification du dispositif du projet de loi dans le code du service national, proposée par notre assemblée en première lecture.

De même, le Sénat et l'Assemblée nationale ont chacun contribué à élargir le champ d'application du dispositif initial : aux jeunes gens nés avant 1979 et aux jeunes femmes nées avant 1983, pour le Sénat ; aux ressortissants de pays européens, pour l'Assemblée.

En troisième lieu, le travail parlementaire a conduit à une amélioration du dispositif initial, qu'il s'agisse de prévoir les conséquences d'une interruption non voulue du contrat par le jeune volontaire, de préciser les limites géographiques du volontariat effectué en entreprise, ou encore de permettre aux jeunes volontaires de poursuivre des activités d'enseignement, comme le demandait en particulier la commission des affaires étrangères.

Enfin, il est indéniable que, après une lecture dans chaque chambre, le caractère attractif du volontariat a été renforcé tout comme, de manière corollaire, le statut du volontaire civil a été amélioré. Je citerai pour illustrer ce propos : l'exonération totale des indemnités du volontariat de l'impôt sur le revenu, de la CSG et de la CRDS ; la délivrance d'un certificat d'accomplissement à l'issue du volontariat, comme vient de le préciser M. le m inistre ; l'obligation de versement de prestations complémentaires lorsque le volontaire civil est affecté hors du territoire métropolitain ; l'extension de la couverture sociale du volontaire à ses ayants droit et, enfin, la prise en compte du volontariat pour la validation des acquis professionnels.

Un seul point reste en fait en débat : l'introduction d'une période probatoire qui permettrait au volontaire de rompre, unilatéralement et sans préavis, le contrat de volontariat un mois au plus tard après sa signature. Proposée par notre assemblée, cette disposition n'a pas été retenue par le Sénat qui a suivi, sur ce point, les arguments du Gouvernement, lequel s'était, dès la première lecture devant notre assemblée, opposé à l'introduction de cette disposition. Vous avez, monsieur le ministre, souligné le risque d'aubaine, de « tourisme administratif » que comportait un tel dispositif et assuré que ce risque ne pouvait être réduit de façon satisfaisante par le décret d'application auquel l'Assemblée souhaitait renvoyer la fixation des conditions de mise en oeuvre de cette nouvelle disposition. La commission de la défense nationale et des forces armées, soucieuse de prendre en compte les limites techniques que vous avez mises en avant, s'est rangée à votre analyse. Permettez-moi toutefois d'insister de nouveau sur la nécessité de rendre le volontariat civil aussi attractif que possible.

Je souhaiterais maintenant aborder l'examen des deux dispositions nouvelles qui ont été introduites par le Sénat en deuxième lecture, à la demande du Gouvernement.

L'introduction de ces dispositions nouvelles relève de deux logiques différentes.

D'une part, le texte qui nous est proposé modifie en profondeur les modalités d'application du projet de loi à la Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, à Saint-Pierre-Miquelon et aux territoires d'outre-mer. Je vous rappelle que, en première lecture, notre assemblée avait souligné les incertitudes existant dans ce domaine et proposé des améliorations notables. Il semble que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer n'ait pas pris la mesure de ces incertitudes malgré la longueur de la concertation interministérielle qui a précédé le dépôt du projet de loi et qu'il n'ait que récemment souhaité revenir sur le dispositif, non sur le fond, mais sur la forme.

La nouvelle rédaction qui nous est proposée comporte q uelques imprécisions. Les responsabilités financières quant à la prise en charge de la protection sociale du volontaire par l'organisme d'accueil ou par l'Etat, pour les volontaires affectés dans ses services, n'apparaissent plus aussi clairement qu'à l'article 11. De même, la mention des régimes locaux d'accidents du travail en NouvelleCalédonie ou en Polynésie française est absente.

Certes, M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer précise qu'une convention passée entre ces territoires et l'Etat français fixe les conditions d'application du chapitre II du titre II et nous ne doutons pas que cette convention prenne en compte l'ensemble des questions. Mais je serais heureux, monsieur le ministre, que, comme vous nous l'avez proposé, vous dissipiez les incertitudes qui subsitent sur ce point.

La deuxième série de dispositions nouvelles concerne l'introduction d'un article relatif à la création d'un statut d'officiers sous contrat en remplacement des officiers de réserve en situation d'activité, communément dénommés ORSA. Il s'agit là, vous en conviendrez, d'une mesure radicalement nouvelle et n'entretenant qu'un lointain rapport avec le texte initial.

Sur la forme, je crois que nous ne pouvons que regretter la brièveté des délais qui nous sont impartis pour examiner ces nouvelles dispositions, tout comme nous ne pouvons que déplorer qu'elles n'interviennent qu'à un stade déjà avancé de la procédure législative.

Toutefois, pour peu satisfaisantes qu'elles soient, ces conditions d'examen ne me semblent pas justifier, sur le fond, un rejet des dispositions nouvelles. Un impératif supérieur doit être pris en compte : celui de l'urgence.

Vous n'ignorez pas, mes chers collègues, l'ordre du jour


page précédente page 01358page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

très chargé qui est le nôtre. Or la professionnalisation en cours dans nos armées implique l'adaptation quasi continue des textes qui régissent notre défense.

Tel est aujourd'hui le cas pour les ORSA, dont le recrutement est intimement lié à la conscription. Or, avec la suspension de l'appel sous les drapeaux, tout service dans les armées implique dorénavant un acte de volontariat qui se traduit soit par un recrutement direct, prélude à une carrière, soit par un acte d'engagement pour servir en vertu d'un contrat.

Dans le cadre de l'armée mixte, une part non négligeable des officiers, notamment dans les grades d'officiers subalternes, servaient sous le régime des ORSA, après avoir été recrutés parmi les appelés ayant effectué un service militaire en qualité d'officier. Le nombre d'ORSA, qui n'a d'ailleurs cessé d'augmenter dans la période récente, atteint environ 5 500 et représente 13 % des officiers dans l'armée de terre, 22 % dans la marine et 28 % dans l'armée de l'air.

La question qui se pose aujourd'hui est celle du remplacement des ORSA par des officiers accomplissant les mêmes missions, notamment en matière d'encadrement des unités opérationnelles.

Pour ce faire, le ministère de la défense propose la création d'une nouvelle catégorie de personnels, les officiers sous contrat - les OSC -, dont le statut sera globalement calqué sur celui en vigueur pour les ORSA.

Ainsi, dès la promulgation de la présente loi, le statut d'ORSA disparaîtra pour être remplacé par celui d'officier sous contrat.

Dans ces conditions, peu de changements sont apportés au statut d'officier sous contrat par rapport à celui des ORSA, les modifications visant à renforcer le caractère attractif d'un dispositif qui devra permettre d'assurer un flux de recrutement annuel de 450 personnes.

J'ajoute que les OSC bénéficieront des mêmes rémunérations que les autres officiers titulaires du même grade, à l'exception de certaines primes liées à la profession.

Enfin, la mise en oeuvre du dispositif variera selon les armées concernées : alors que la marine privilégiera plutôt les engagements courts, l'armée de l'air choisira davantage les engagements longs. En tout état de cause, le principe retenu est celui d'un contrat initial de quatre ans, certains contrats initiaux pouvant, par exception, être portés à huit ans renouvelables en cas de formation initiale longue.

Quant à la limite de service, elle est fixée à vingt ans.

Comme à l'article 16, la commission de la défense a relevé quelques incertitudes dans le dispositif, notamment en ce qui concerne les modalités de recrutement des aspirants. Par conséquent, nous souhaiterions vivement avoir aujourd'hui des précisions sur ce point important.

Néanmoins, la commission de la défense nationale et des forces armées n'a pas souhaité modifier le dispositif, le vrai chantier étant celui de la refonte du statut général des militaires, laquelle ne pourra toutefois intervenir que lorsque la transition sera achevée et que nous disposerons d'un premier retour d'expérience sur les dispositifs mis en place actuellement.

Pour l'heure, la période de transition ne peut conduire qu'à l'adoption de dispositifs partiels.

Pour finir, j'insisterai sur la grande convergence de vues entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le dispositif du volontariat civil, qui a conduit à l'adoption d'un texte équilibré.

S'agissant des dispositions introduites par le Sénat en deuxième lecture, la commission de la défense, tout en regrettant les conditions d'examen peu satisfaisantes du projet de loi et tout en étant consciente des imperfections qu'il recèle, ne souhaite pas retarder le processus législatif.

Elle vous propose, mes chers collègues, d'adopter sans modifications le texte, dont le titre est ainsi rédigé :

« Projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s'impose du fait de la professionnalisation totale de nos forces armées d'ici à 2002. Si nous regrettons une telle décision, nous sommes toutefois conscients de la nécessité de légiférer afin de permettre la sauvegarde et la poursuite des activités d'intérêt général, couvertes jusqu'à présent par l es services civils actuels.

Le projet de loi a un mérite essentiel : il tend à permettre la mise en place d'une formule relativement simple, capable de relayer un grand nombre des activités actuellement assurées grâce aux formes civiles du service national.

Nous tenons particulièrement à la définition donnée aujourd'hui au volontariat civil, à savoir un concours personnel et temporaire à des missions de service public, soit en France, dans les domaines de la prévention, de la solidarité et de l'aide technique, soit à l'étranger, dans les domaines de la coopération internationale ou de l'aide humanitaire.

Le volontariat civil représente aussi l'occasion d'apporter une réponse, dans notre pays, à l'appétit de solidarité et d'engagement social de la jeunesse. Il doit être une façon concrète et riche d'affirmer sa citoyenneté ou d'apporter sa pierre au rayonnement de la France.

L'ambition du texte doit être sauvegardée en veillant, de manière stricte, au respect des principes directeurs posés à l'article 2 du projet de loi, qui constitue à nos yeux la véritable clé de voûte du dispositif dans la mesure où il garantit explicitement le caractère d'intérêt génér al des activités exercées dans le cadre du volontariat civil, quel que soit l'organisme ou la collectivité où il est accompli.

Par ailleurs, le volontariat civil a une dimension sociale qu'il ne faudra pas négliger. L'accomplissement du volontariat civil constitue sans nul doute une forme d'engagement citoyen au service de la nation, engagement d'autant plus louable qu'il n'aura pas été contraint.

C'est pourquoi une publicité, dont vous avez parlé, monsieur le ministre, sera indispensable pour promouvoir ce volontariat si l'on veut qu'il soit effectivement ouvert à tous.

Je veux saluer la possibilité pour les femmes d'accéder désormais à toutes les formes de volontariat civil. C'est là un apport non négligeable dont la mise en oeuvre devra être tout particulièrement suivie.

Cela dit, malgré les garanties apportées par le Gouvernement en la matière, nous demeurons inquiets quant à la possibilité de réunir le nombre nécessaire de jeunes à


page précédente page 01359page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

l'accomplissement des missions jusqu'à présent assurées, tant l'attractivité de la rémunération, notamment en France, reste faible.

De plus, les moyens d'une aide éventuelle pour la recherche d'un emploi à la sortie du volontariat ne sont pas prévus dans le projet de loi.

En dépit des propos rassurants tenus par le Gouvernement, je voudrais me faire l'écho de la perplexité, voire de l'inquiétude du secteur associatif, en particulier en matière de solidarité internationale. En effet, les organisations non gouvernementales, qui emploient actuellement quelque 440 coopérants, craignent de voir ce nombre diminuer un tant soit peu.

C'est sur la base de notre adhésion au principe même des volontariats civils et des remarques qu'il a formulées que le groupe communiste votera le texte. Il restera cependant vigilant quant à la totale conformité de la mise en oeuvre des volontariats civils à l'esprit et à la lettre de l'article 2 du projet de loi.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture est un des corollaires de la réforme du service national. Il doit permettre de faire perdurer, par-delà la suspension de la conscription, la plupart des formes civiles du service national qui s'étaient peu à peu développées depuis les années 60, en particulier la coopération, l'aide technique, le service de sécurité civile et le service « ville ».

Ces différentes formes civiles du service national ont apporté, au fil des ans, la preuve de leur efficacité et de leur utilité en termes de coopération internationale, de commerce extérieur et de fonctionnement des services publics. Il faut donc que ces formes de service civil puissent être prolongées et confortées.

Comme l'avait signalé en première lecture notre collègue Christian Martin au nom du groupe de l'UDF, qui nous avait associés à son propos, j'indique tout de suite que le groupe Démocratie libérale, au nom duquel je m'exprime, apporte son soutien au projet de loi modifié par le Sénat, même si ce texte appelle de notre part certaines réserves et nous conduit à formuler des propositions que j'évoquerai.

On peut en particulier s'interroger sur la mise en place d'un statut unique destiné à s'appliquer à des situations hétérogènes.

Cependant, l'adoption de ce projet de loi, très attendu par les entreprises et les acteurs concernés, ne doit plus être retardée afin de dissiper définitivement les doutes qui subsistent quant à l'avenir des formes civiles du service national et d'assurer la nécessaire continuité du service public.

La réussite du nouveau dispositif qui sera mis en oeuvre reposera en grande partie - j'insiste sur ce point sur la qualité de ses décrets d'application et sur la rapidité avec laquelle ceux-ci seront fournis aux différents acteurs.

En tant que rapporteur du budget du commerce extérieur, je concentrerai mon propos sur le volontariat civil à l'international, qui doit assurer sans rupture la continuité avec les CSN, et principalement avec les CSNE, destinés à soutenir l'exportation de nos entreprises.

La pérennisation des CSNE, sous une forme qui devra être attractive, est capitale pour l'ouverture des jeunes Français sur le monde, pour notre commerce extérieur et pour l'internationalisation de PME, comme pour le rayonnement de notre pays sur le plan international. La procédure des CSNE, qui existe depuis 1983, et à laquelle il faut ajouter celle des CSNA, affectés dans des postes d'expansion économique, a en effet largement participé à la promotion de notre commerce extérieur et a rencontré un succès grandissant tant auprès des jeunes appelés que des entreprises, qui y voient une excellente formule de présélection pour leurs futurs cadres expatriés.

Les jeunes ont été de plus en plus nombreux à partir et, en 1998, on en a dénombré 3 690. Ils ont pu acquérir une expérience professionnelle et une culture de l'expatriation qui les ont conduits généralement à rester travaill er à l'étranger. La procédure contribue ainsi significativement à l'insertion professionnelle et à l'emploi des jeunes : 70 % des CSN se sont vu proposer une embauche par l'entreprise d'accueil, sans compter les recrutements indirects.

J'ajoute qu'au fil des ans les CSNE ont été de plus en plus utilisés par les PME, en particulier grâce à des mesures d'assouplissement des contraintes de la procédure prises en application du plan PME de 1996, comme aux efforts d'organismes tels que le CFME-ACTIM, avec le concours des DREE.

Ainsi, des formules de tutorat ou de parrainage ont permis aux PME qui ne disposent pas encore d'implantation extérieure de bénéficier de la procédure en faisant accueillir leurs CSNE par des conseillers du commerce extérieur, par de grandes entreprises ou par certaines chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger.

De même, la mise en place de la formule du temps partagé et l'assouplissement des règles encadrant les missions des CSNE dans les pays voisins du pays de résidence ont permis d'accroître le nombre de PME bénéficiaires. En 1998, ce sont 666 PME qui ont bénéficié de CSNE, et 164 d'entre elles ont fait appel aux CSNE à coût et temps partagés, contre 112 en 1996. La progression est donc notable.

Néanmoins, d'importants progrès peuvent encore être faits pour ouvrir davantage la procédure aux PME.

Avec 1,7 million d'expatriés, la France reste en retard par rapport à ses partenaires alors que, dans le même temps, les étudiants et les jeunes diplômés paraissent aujourd'hui très largement disposés à effectuer des séjours à l'étranger dans le cadre de leur carrière professionnelle.

Une corrélation forte existe entre l'expatriation et nos performances à l'étranger. Il va de soi que les volontaires placés sous l'autorité du secrétariat du commerce extérieur contribueront au renforcement de la présence économique de la France à l'étranger. Or la procédure est encore principalement utilisée par un nombre restreint de grandes entreprises « abonnées », qui font appel à plusieurs dizaines, parfois à une centaine de CSNE par an dans leurs filiales à l'étranger. L'accessibilité de la procédure aux PME de taille modeste n'est pas toujours bien connue, pas plus que les aménagements relatifs aux formules de tutorat, d'hébergement et de temps partagé.

Beaucoup de responsables de PME ont encore une perception de la procédure qui correspond à ce qu'elle était il y a quelques années, lorsque les grandes entreprises étaient nettement privilégiées pour les placements des CSNE.

La présélection des jeunes, bien qu'elle soit de plus en plus ouverte, est encore élitiste et privilégie à mon sens d'une façon trop importante les diplômés des grandes é coles et, disons-le, les candidats appuyés par des recommandations.


page précédente page 01360page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Enfin, le prix de revient d'un CSNE est encore souvent prohibitif à nombre de petites entreprises. De ce point de vue, monsieur le ministre, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture doit non seulement être le moyen de prolonger le dispositif existant, mais il doit aussi être l'occasion de l'améliorer en le rendant plus attractif pour les petites et moyennes entreprises, et cela d'autant plus qu'il ne s'inscrit plus dans le cadre de la conscription, mais dans celui du volontariat. C'est une chance qu'il nous faut saisir.

Dans ce nouveau contexte, les jeunes seront beaucoup plus exigeants sur la qualité du travail qui leur sera proposé, alors qu'aujourd'hui, reconnaissons-le, ils peuvent se satisfaire d'un travail moins motivant, mais préférable à leurs yeux à un service militaire classique.

Il faut donc que le nouveau système soit moins élitiste, plus adapté aux préoccupations des entreprises et stimulant pour les jeunes diplômés.

Le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui, après deux lectures au Sénat et une à l'Assemblée, permettra d'élargir considérablement le vivier des candidats potentiels aux volontariats civils, ce qui est une bonne chose.

En revanche, nous sommes plus réservés quant à l'ouverture de l'engagement aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, même si cette ouverture présente un certain intérêt pour nombre d'entreprises.

Il a été souligné au Sénat que le statut de volontaire civil était inséparable, quoi qu'il arrive, de la notion de service national. Il faudra à tout le moins être vigilant lors de l'application de cette disposition, en particulier pour qu'elle s'articule au mieux avec les procédures régissant l'envoi de volontaires civils à l'étranger. Il semble évident qu'un Européen servant comme volontaire civil dans son pays d'origine ne doive pas bénéficier des dispositions attachées à l'expatriation - je pense en particulier à l'indemnité supplémentaire.

Concernant le niveau de qualification requis, rien n'est précisé dans le texte. Mais il serait bon que la nouvelle procédure soit ouverte à toutes les catégories de jeunes diplômés, de formation commerciale ou technique, de façon, dans l'esprit du plan PME de 1996, à donner les plus grandes chances aux intéressés et à favoriser un traitement équitable des différents diplômés.

J'ajoute qu'il faudra veiller à ce que le niveau de formation moyen soit à la hauteur des attentes des entreprises et à la mesure de l'excellence qui doit être celle des volontariats civils.

Par ailleurs, concernant le statut du volontaire civil, les améliorations apportées au cours de la procédure parlementaire - exonération d'impôt sur le revenu, de CSG et de CRDS sur les indemnités, extension de la couverture sociale aux ayants droit, délivrance d'un certificat d'accomplissement du volontariat et prise en compte du temps du volontariat pour la validation des acquis professionnels - sont de nature à le rendre attractif pour les jeunes, en le distinguant notamment d'un simple stage.

Enfin, la possibilité d'étendre l'engagement jusqu'à vingt-quatre mois est essentielle car elle permettra de valoriser pleinement la mission menée par les jeunes à l'étranger. C'est donc une bonne chose que de la voir retenue.

Sur tous ces points, la qualité des décrets d'application sera extrêmement importante, et cette qualité est attenduee n particulier par les entreprises tout comme par l'ensemble des acteurs du commerce extérieur.

Il faudra également veiller à ce que le coût reste acceptable, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Dans cette perspective, le Gouvernement doit amplifier, voire généraliser les aides au financement qui existent déjà dans certaines régions. A cet égard, le travail doit être poursuivi ainsi que je le rappelle tous les ans à l'occasion de la discussion du budget du commerce extérieur. Mais cela est du ressort de M. François Huwart. Il demeure, monsieur le ministre, que quelques millions supplémentaires peuvent avoir un effet de levier considérable sur l'évolution de notre commerce extérieur.

Mme Raymonde Le Texier.

Naturellement !

M. Nicolas Forissier.

J'avais proposé au secrétaire d'Etat au commerce extérieur d'étendre le bénéfice de la procédure des CSNE aux organisations professionnelles.

Celles-ci offrent très souvent à leurs adhérents des programmes d'action à l'export, qui constituent pour les PME un bon moyen de pénétrer les marchés étrangers.

M. Alain Clary.

Et les organisations humanitaires ?

M. Nicolas Forissier.

Pourquoi pas, cher collègue ? Mais je parle essentiellement des problèmes de commerce extérieur et de la procédure des CSNE.

Toutes ces propositions me paraissent constructives et j'aimerais que vous nous précisiez, monsieur le ministre, dans quelle mesure elles pourraient être intégrées dans le dispositif du volontariat civil et traduites dans les futurs décrets.

J'insisterai pour finir, au-delà des textes d'application, sur un élément essentiel évoqué par plusieurs d'entre nous, et encore à l'instant : je veux parler du dispositif d'information et, en amont, de sensibilisation des entreprises.

Les grandes entreprises connaissent le principe et le système. Mais il n'en est pas de même des petites et moyennes entreprises. Le volet d'information et de sensibilisation est absolument essentiel pour la réussite de la mise en oeuvre du nouveau dispositif. Mais ce point aussi est du ressort du Gouvernement, et des moyens sont nécessaires.

Au nom du groupe Démocratie libérale et, me semblet-il, de l'ensemble de mes collègues sur ces bancs, je souhaite que le projet de loi puisse entrer rapidement en application et de la meilleure façon qui soit. C'est une véritable mobilisation qu'il faut mettre en oeuvre, et de cette modification doit naître une vraie dynamique, susceptible de répondre aux attentes fortes des jeunes dans de nombreux domaines, notamment celui du commerce extérieur,...

M. Alain Clary.

Et dans les entreprises !

M. Nicolas Forissier.

... pour les entreprises et pour l'emploi.

Mme Raymonde Le Texier.

Ce n'est pas fait pour cela !

M. Nicolas Forissier.

Nous devons aujourd'hui donner le signal de départ et c'est pourquoi le groupe Démocratie libérale votera le projet de loi.

M. Jean-Marc Chavanne et M. Michel Voisin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en disant que ce qui nous a plu dans ce projet de loi, c'est qu'à travers lui nous nous adressons aux jeunes à qui


page précédente page 01361page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

nous essayons de proposer une dimension d'engagement, que l'on a qualifié de citoyen, mais en l'ouvrant sur des causes nationales et, surtout, sur le monde. C'est cet aspect-là qui nous motive le plus.

Si le projet a une dimension politique, c'est bien celle-là. S'il y a un défi politique à relever, c'est bien celui-là.

Il ne s'agit pas d'une loi pour les entreprises...

Mme Raymonde Le Texier et M. Alain Clary.

Très bien !

M. Nicolas Forissier.

Je n'ai jamais dit le contraire !

M. Yves Dauge.

Je dis cela pour que nous ayons une vision équilibrée du sujet.

Nous avons bien travaillé avec les commissions de la défense et des affaires étrangères. Je me réjouis que le Sénat ait repris les dispositions proposées, marquant ainsi que le champ qui nous préoccupe le plus est celui de la coopération au sens politique. Nous nous tournons vers les pays en développement, nous leur apportons notre jeunesse, avec tout ce que cela comporte, au-delà de la technique et de la compétence, de passion et de motivation.

Nous avons mis au point un amendement qui a été repris par le Sénat et qui prévoit que nous interviendrons dans différents domaines, contribuant en cela à l'action de la France en faveur du développement de la démocratie et des droits de l'homme, éléments indissociables d'une politique de la paix et du bon fonctionnement des institutions démocratiques.

Ce point était essentiel lors de notre première lecture.

Il était au coeur de notre discussion.

Le Sénat a accepté ces dispositions ; l'accord est donc total sur ce sujet. Je m'en réjouis beaucoup car, à nos yeux, c'est le point le plus important. Pour les jeunes, c'est là le défi qu'il faut relever.

Par ailleurs, la dimension européenne m'a beaucoup intéressé et a mobilisé nombre de mes collègues. En effet, comment faire ce travail sans prendre en compte l'ouverture sur l'Europe ? Il faut engager les jeunes dans une perspective s'articulant avec le grand projet européen.

C'est aussi un élément essentiel.

Je ne m'attarderai pas sur les problèmes de statut, qui ont été réglés. La suppression d'une disposition relative à l'instauration, au bénéfice des volontaires civils, d'une période probatoire d'un mois est une bonne chose.

Je suis également tout à fait d'accord avec la création d'un statut d'officier sous contrat, en remplacement des officiers de réserve en situation d'activité, bien que ce dispositif n'ait pas grand chose à voir avec celui des volontariats civils. On aurait pu envisager un autre cadre pour cela, mais il faut rendre service à tout le monde et faire vite ! (Sourires.)

Maintenant, il est temps de passer aux actes. Nous avions demandé au Gouvernement, qui l'a accepté, de bien vouloir présenter au Parlement, tous les ans, un rapport sur la mise en oeuvre du volontariat civil. Nous devrions avoir le premier lors de l'examen de la prochaine loi de finances. D'ici là, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à faire un gros travail d'explication. A cet égard, je souhaite que la ligne politique que j'ai rappelée motive nos jeunes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, laissez-moi avant toute chose souligner la qualité des débats qui ont eu lieu dans les deux assemblées à l'occasion de l'examen de ce texte.

Laissez-moi aussi vous rappeler l'approbation générale que suscite ce texte depuis le début de nos travaux.

En effet, ce dernier volet de la réforme de notre défense nationale, voulue et insufflée par le Président de la République, restera marqué du sceau de l'harmonie entre les différents groupes et entre les deux chambres du Parlement, ce qui, nous en conviendrons, n'est pas toujours le cas. La version que nous en transmet aujourd'hui le Sénat comporte de nouvelles modifications.

Nos collègues sénateurs ont décidé fort justement de ne pas intégrer la disposition instaurant une période probatoire. Ils ont considéré, en effet, que cette période pouvait être perçue par certaines personnes comme une espèce d'« invitation au voyage » et que cette invitation pouvait entraîner des frais bien trop importants pour l'organisme d'accueil ou l'Etat pour que ce genre de facilité soit permis.

Trois autres modifications ont été apportées : l'adaptation du texte aux nouvelles compétences de la NouvelleCalédonie et de la Polynésie du fait des lois du 19 mars 1999 et du 12 avril 1996, la rédaction d'un article additionnel visant à permettre le recrutement d'officiers sous contrat en remplacement des officiers de réserve en situation d'activité - ORSA -, enfin, l'adoption d'un nouvel intitulé, conséquence de la mesure précédente. Ces mesures vont dans le bon sens et il est temps, je crois, d'adopter ce texte.

En effet, le volontariat civil est une chance, une incroyable opportunité offerte à nos jeunes, filles et garçons, d'acquérir ce qui leur fait parfois douloureusement défaut : une première expérience ! Cette première expérience pourra être acquise dans quatre domaines.

Le domaine de la prévention, de la sécurité et de la défense civile : des jeunes volontaires pourront être affectés dans les services départementaux d'incendie et de secours, prenant ainsi la suite des actuels sapeurspompiers auxiliaires.

Dans le domaine de la cohésion sociale et de la solidarité, ce sont de véritables missions d'intérêt général et de soutien aux plus démunis qui seront ainsi proposées.

Le domaine de l'aide technique dans les départements, territoires et collectivités territoriales : les jeunes ayant une compétence technique pourront de la sorte en faire profiter les régions qui en ont besoin.

Enfin, avoir une expérience dans le domaine de la coopération internationale est aujourd'hui une nécessité, ce n'est pas l'auditeur de la cinquante et unième session de l'IHEDN que je suis qui dira le contraire. En effet, à l'heure de la mondialisation, il apparaît de plus en plus indispensable d'être capable de s'expatrier, d'être mobile, de s'adapter et de connaître les méthodes de travail pratiquées dans d'autres pays.

En recouvrant ces quatre domaines, ce texte aborde donc, outre le service rendu à la collectivité par nos jeunes, la question - ô combien fondamentale ! - de leur formation, une formation qui doit répondre aux nécessités du monde dans lequel nous vivons. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République est tout à fait favorable à l'adoption de ce texte, qui achèvera le processus de modernisation et d'adaptation de notre défense nationale aux grands défis du

XXIe siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 01362page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord rappeler l'espoir qu'a pu susciter ce projet de loi chez de nombreux jeunes et chez les associations qui veulent consacrer une partie de leur temps, ou qui le font déjà, dans des conditions parfois très difficiles, en France ou à l'étranger, à une cause d'intérêt général dans les domaines social, environnemental, humanitaire ou dans celui des droits de l'homme. Quelle occasion formidable d'instituer un statut clair et motivant pour cette démarche profondément citoyenne à laquelle aspirent nombre de jeunes ! Malheureusement, le projet de loi examiné en première lecture se situait dans la continuité du système précédent, dont il entérinait les dérives. L'orateur du groupe Démocratie libérale et Indépendants a d'ailleurs fort bien exprimé toute l'ambiguïté de ce texte en montrant à quel point il convenait aux grandes entreprises, qui sont les principales utilisatrices de ce dispositif.

M. Nicolas Forissier.

Dispositif qu'il faut étendre !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Je vous remercie, monsieur Forissier, d'avoir montré aussi clairement l'ambiguïté de ce texte. Cette dérive a d'ailleurs été dénoncée par le Conseil économique et social.

M. Alain Clary.

Tout à fait !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Un poids excessif est ainsi accordé aux intérêts des entreprises, notamment des plus grandes, qui sont loin d'être les plus pauvres, c'est le moins que l'on puisse dire, sans être équilibré par une politique réellement novatrice à l'égard de la société civile, comme le voudrait pourtant l'esprit de la loi insistant, à juste titre, sur la notion d'intérêt général, comme l'a souligné Yves Dauge. Nous avons pu néanmoins amender ce texte sur certains points en première lecture et je me réjouis que le Sénat ait en grande partie approuvé ces modifications.

Ce texte aurait également pu être l'occasion d'engager une vraie réflexion sur le concept de défense, sur la façon dont les jeunes peuvent s'investir dans la prévention des conflits et les modes d'action non violente, sur l'articulation pourtant indispensable entre diplomatie, action de la société civile et forces armées, dont il faudra bien redéfinir tôt ou tard le rôle précis, tant la nature des conflits, des situations et des interventions que nous connaissons aujourd'hui a évolué dans le monde du troisième millénaire.

Il n'en a pas vraiment été ainsi et l'urgence a été omniprésente dans cette discussion. Dont acte. Nous ne chercherons pas à ralentir l'adoption de ce texte de peu d'ambition en tentant vainement aujourd'hui d'en faire un texte global pour les générations futures. Cependant, nous attendons de vous, monsieur le ministre, un certain nombre de réponses sur son application et des engagements pour l'avenir s'agissant des grandes questions auxquelles il touche sans vraiment y répondre.

Bien sûr, tout au long des discussions, nous avons pu constater quelques avancées. Je pense notamment à l'ouverture aux ressortissants de l'Union européenne et de l'espace économique européen que nous avions fortement demandée, à l'articulation avec le service volontaire européen, dont ceux qui l'exercent ne sont pas pourvus d'un statut satisfaisant : ils n'ont même pas le titre de résident propre.

Par ailleurs, les deux chambres ont adopté la notion de volontariat « en faveur du développement de la démocratie et des droits de l'homme, éléments indissociables d'une politique de paix », et je m'en réjouis.

Le renforcement de l'égal accès des jeunes filles et des jeunes garçons à ce dispositif et une information dans les médias et les établissements scolaires sont aussi des avancées auxquelles nous tenions beaucoup afin que ce texte, si discret, soit connu par les premiers concernés, à savoir les jeunes eux-mêmes.

Enfin, un rapport annuel sera présenté lors de la loi de finances. Ce rapport qui, il est vrai, devient presque une formule d'usage est très important s'agissant d'un texte dont les objectifs réels et quantifiés restent pour l'instant un peu flous. Il permettra en effet d'en apprécier la nature exacte et l'adéquation aux besoins des organismes, ainsi qu'aux désirs des jeunes.

J'en viens aux questions que ce texte laisse en suspense t sur lesquelles je vous demanderai, monsieur le ministre, des réponses les plus précises possibles puisque nous ne pouvons plus déposer d'amendements.

La première découle de l'amendement du Gouvernement introduit en deuxième lecture au Sénat. En effet, si ce projet de loi a connu des avancées, il a aussi connu de petits reculs, ou plutôt des ajouts. Ainsi le cavalier législatif remplaçant le statut des officiers de réserve contribuet-il à le décrédibiliser en en faisant un fourre-tout. Je n'ai pas d' a priori sur cette disposition, je constate simplement qu'elle n'a rien à faire là - cela a d'ailleurs été dit par les orateurs précédents - et qu'elle crée de la confusion sur l'objet de ce texte, propre à décourager les volontaires civils qui pourraient se demander s'ils ne s'engagent pas dans une carrière militaire dès lors que le titre même du texte est modifié. Aussi, je me demande, et je vous demande, comment vous organiserez l'information auprès des jeunes. Prendrez-vous le parti d'occulter ce qui concerne les officiers de réserve ? Fera-t-on la publicité d'un « engagement civil » ou y ajoutera-t-on une promotion de l'officier sous contrat ? Ce brouillage ne contribuera-t-il pas à limiter le caractère « attractif » de ce texte ? Deuxième question : l'ouverture aux non-Français se limite aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen et s'articule avec le service volontaire européen. Pouvez-vous détailler cette articulation ? Son principe est bon, bien sûr - nous l'avons soutenu -, mais sa mise en oeuvre pratique est difficile à concevoir aujourd'hui étant donné que cette articulation est issue d'un amendement de l'Assemblée et que, visiblement, le texte n'avait pas été prévu pour cela en ce qui concerne la durée, les âges concernés, les organismes responsables, etc.

Une tout autre catégorie était celle visée par la seconde partie de l'amendement par lequel je demandais l'élargissement aux jeunes de nationalité étrangère ayant déposé une demande de naturalisation. Cette démarche d'intégration des jeunes issus de l'immigration, démarche citoyenne s'il en est, trouverait là un moyen de participation à un projet collectif dans une France qui prouverait ainsi sa volonté de les accueillir réellement. Je constate donc que ce projet de loi s'oriente très fortement vers les jeunes Français diplômés à l'étranger et qu'il ne laisse aucune place aux jeunes étrangers, diplômés ou non, en France ce qui est bien dommage. Je voudrais donc avoir quelques précisions, monsieur le ministre, sur cette question de l'élargissement aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen.


page précédente page 01363page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Troisième question - c'est d'ailleurs peut-être la plus importante : combien de jeunes sont-ils prévus dans chacune des catégories de volontariat civil ? Je sais que celle des entreprises est extensible, mais les autres ne le sont pas. Des moyens doivent absolument être prévus pour permettre aux ONG notamment d'accueillir ces jeunes.

Remplacera-t-on seulement les services-ville et les objecteurs de conscience ? Vous nous avez dit en première lecture qu'il y avait une discrimination positive pour les ONG. Je vous poserai donc une question simple : combien de volontaires sont-ils prévus dans les ONG en France et à l'étranger ? Je n'ai pas besoin de vous rappeler tout l'intérêt du travail de ces organisations ni la forte attractivité qu'elles exercent sur les jeunes.

Mon autre question s'adresse plutôt au ministre de la défense. Actuellement circule une pétition, qui a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures, pour anticiper la disparition du service national. L'urgence dans laquelle est discuté ce texte permettra une mise en place rapide des volontariats civils - je crois savoir que les décrets sont quasiment prêts - et cela pourrait peut-être justifier une anticipation pour une classe d'âge qui est déjà dans un esprit de suppression du service national et qui fera tout pour y échapper, d'autant plus que ce statut de volontariat civil existera. Pendant plus d'un an, il y aura superposition des deux statuts. Peut-être pourrions-nous racc ourcir un peu cette période, nous épargner les innombrables cas particuliers à venir et entrer plus directement dans la nouvelle ère.

J'en viens à la question des objecteurs de conscience.

Sur le plan matériel, il serait bon de préciser ce que deviennent les postes qu'ils occupaient. Sur le plan des principes, il serait également utile de rappeler le droit à l'objection de conscience. La situation de la France est déjà en porte à faux et la durée - deux fois plus longue du service militaire qui s'applique aux objecteurs a été condamnée comme « créant une discrimination », le 3 novembre dernier, par le comité des droits de l'homme d e l'ONU. Plus récemment, un objecteur a été condamné à un mois de prison pour avoir « déserté », après vingt-trois mois et demi de service civil, dans le cadre d'une action dénonçant la durée de ce service.

L'objection est-elle donc un délit ou un droit ? Comment, dans le cadre de la suspension du service national, pourra se faire une information sur l'objection de conscience ? Que devient-elle ? Pour conclure, je forme le voeu d'une grande loi sur le volontariat. Faisons de 2001, centenaire de la loi de 1901, autre chose qu'une simple célébration ! Avec le projet de loi sur les activités physiques et sportives nous avons voté un statut particulier pour le bénévolat dans le domaine sportif. Il faudrait éviter de multip lier les statuts particuliers, car cela serait source d'inégalité et de confusion. De même, il conviendrait à l'avenir - je me projette en 2001 - de toucher toutes les générations. En effet, les jeunes ne sont pas les seuls intéressés par des missions d'intérêt général. Des moins jeunes pourraient également mettre leurs compétences et leur disponibilité au service d'une cause d'intérêt général.

Profitons donc du centenaire de la loi de 1901 pour remettre sur le métier cette grande loi sur le volontariat qu'appellent de leurs voeux de nombreux organismes.

M. le président.

Veuillez conclure, madame Aubert, je vous prie !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ce serait particulièrement bienvenu pour l'ensemble des ONG qui, il faut bien le dire, sont assez décues par ce texte et cela permettrait à nos concitoyens de participer à des causes, petites et grandes, d'intérêt collectif.

Les Verts s'étaient abstenus sur ce texte en première lecture. J'espère, monsieur le ministre, que vos réponses précises leur permettront aujourd'hui de l'approuver.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à se prononcer aujourd'hui en deuxième lecture sur le projet de loi relatif aux volontariats civils, institués par l'article L. 111-2 du code du service national.

Comme l'a fort justement souligné notre collègue André Vauchez dans son excellent propos introductif, le texte que nous examinons se situe dans la continuité de la réforme du service national votée par le Parlement et qui a fait l'objet de la loi du 28 octobre 1997.

Beaucoup d'encre aura coulé et nombreux auront été les débats qui auront entouré cette réforme de fond de notre institution militaire, traduisant dans les faits les grands bouleversements stratégiques qui ont suivi la chute du mur de Berlin et l'implosion de l'ex-Union soviétique.

Sommes-nous pour autant entrés dans un monde plus sûr ? Il est encore prématuré d'en faire aujourd'hui le pari. L'existence de nombreux foyers de guerre et de conflits armés montre, s'il en était besoin, que nous ne pouvons en avoir la certitude.

Fidèle aux principes humanistes qui sont les siens, la France se devait de poursuivre les actions qu'elle a toujours su mener à travers le monde. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous féliciter de l'institution d'un régime de volontariats civils. Ceux-ci prennent le relais des différentes formes de service civil qui existaient dans le cadre précédent du service national. Il appartient à la représentation nationale de saluer ici avec force le dévouement des quelque 375 000 jeunes gens qui, depuis la mise en place des services civils, ont su donner en différents lieux du globe une image positive et généreuse de la France. Qu'ils en soient officiellement tous remerciés. Leur action aura largement contribué au rayonnement de notre pays.

La réforme du service national nous fait obligation de légiférer pour conserver la possibilité de pérenniser un système qui a fait les preuves de son efficacité et est unanimement apprécié.

Le projet de loi proposé par le Gouvernement s'efforce de gommer les imperfections, au regard du principe d'égalité, générées par la diversité de statuts des formes civiles de l'ancien service national. C'est sans doute l'un des points forts du texte. En effet, le système antérieur créait de fortes distorsions de traitement entre les jeunes gens, selon qu'ils effectuaient leurs obligations au titre de volontariat du service national en entreprise, par exemple, ou au titre du volontariat dans la police nationale. Le texte propose qu'à l'avenir, et quels que soient les domaines en faveur desquels ils opteront, les jeunes gens ou les jeunes filles perçoivent une indemnité de base i dentique et bénéficient d'une couverture sociale complète. Il vous appartiendra, monsieur le ministre, de veiller à ce que ne s'instituent pas progressivement de nouvelles disparités entre les volontaires, sous peine de réduire à néant ce qui a sous-tendu cette réforme.


page précédente page 01364page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Le projet respecte dans l'esprit la volonté affichée par le Parlement, puisqu'il sera ouvert aux jeunes filles. Reste à savoir s'il en respectera la lettre dans la mesure où aucune disposition instituant la parité, pourtant dans tous les discours gouvernementaux, n'est prévue. Peut-être y a-t-il là, monsieur le ministre, si ce n'est un manque de cohérence, à tout le moins la manifestation d'habitudes liées à la culture du ministère dont vous avez la charge...

En tout état de cause, ne viennent aujourd'hui en discussion devant notre assemblée que les dispositions sur lesquelles le Sénat a eu une position divergente de celle de l'Assemblée ou celles qui ont été introduites dans le texte par le Gouvernement.

L'instauration, au bénéfice des volontaires, d'une période probatoire d'un mois, qui avait été initialement retenue par l'Assemblée, était intellectuellement intéressante. Sa suppression, au Sénat, lors de l'examen en deuxième lecture, ne paraît pas en mesure de modifier substantiellement la portée du texte. Toutefois, je ne puis que regretter le motif « d'effet d'aubaine » évoqué pour justifier le retrait de cette disposition, dans la mesure où il traduit un état d'esprit suspicieux dont pourraient à juste titre s'émouvoir les futurs volontaires. Pour être menée à son terme avec le maximum de réussite, la réforme du volontariat civil se doit d'être attractive et l'attitude de défiance manifestée par le Gouvernement à cette occasion ne peut qu'être préjudiciable à la perception, par les jeunes, du dispositif mis en place.

S'agissant des mesures d'application introduites pour respecter le principe de spécialité législative dans les collectivités et territoires d'outre mer, je ne ferai pas de remarques particulières ; ce principe s'impose à nous.

Dans la mesure où l'application de cette loi nécessitera le recours au domaine conventionnel, il est toutefois regrettable que nous ne puissions annexer au texte une convention type, de façon à graver dans le marbre certaines dispositions qui, selon les propos du rapporteur devant la commission, pourraient ne pas être évoquées.

S'agissant du cavalier législatif concernant l'aménagement du statut des officiers de réserve en situation d'activité, il nous est dit que son introduction dans le projet de loi correspond à une situation d'urgence ; il convenait de régler temporairement les besoins occasionnés par la professionnalisation des forces. Nous ne pouvons que regretter que le temps imparti pour étudier ce dispositif ne permette pas d'en mesurer toutes les implications. Certes, la portée des mesures qu'il nous est demandé d'adopter ne devrait pas excéder les deux années couvrant l'achèvement du processus de mise en oeuvre de la professionnalisation mais nous ne pouvons que constater que le Gouvernement a découvert tardivement l'existence de ce problème.

Nous ne lui jetterons pas pour autant la pierre, tant la conduite de la professionnalisation des forces armées était une entreprise difficile et délicate.

Il n'en demeure pas moins, monsieur le ministre, que le dispositif que vous nous proposez comporte certaines zones d'ombre, qui, je l'espère, seront levées dans les textes d'application. C'est ainsi que l'on perçoit mal quel sort sera réservé aux anciens volontaires du service long qui bénéficiaient jusqu'alors de la position d'aspirant pendant la durée légale du service avant d'être promus au grade de sous-lieutenant. Le texte ne mentionnant que le grade d'aspirant, je voudrais avoir, monsieur le ministre, quelques éclaircissements sur la façon dont il sera appliqué.

Je ne suis pas persuadé que le contrat que vous envisagez de substituer à leur situation actuelle soit particulièrement attractif. Il conviendrait que vous nous précisiez la portée de ces mesures et leur impact réel sur la situation des aspirants actuellement présents dans les armées.

Vous le savez, l'une des pierres angulaires de la réussite de la professionnalisation est justement la capacité des armées de recruter des jeunes gens susceptibles d'apporter t emporairement un savoir-faire et des connaissances complémentaires à ceux des personnels de carrière. Il nous appartiendra, lors de la refonte ultérieure du statut général des militaires, qui devrait intervenir dans l'année suivant l'achèvement de la mise en place de la professionnalisation, d'être particulièrement attentifs aux dispositions concernant cette catégorie de personnels.

Ce texte est une contribution apportée par le Gouvernement non seulement à l'édification des forces armées de demain, mais aussi à la présence française dans le monde et il répond aux aspirations généreuses de la jeunesse française. Mais il doit également être mis à l'actif du Président de la République, qui a su prendre la décision de réformer notre outil de défense et de rénover le service national.

J'avais déposé un amendement destiné à corriger certaines lacunes ou certains oublis de la loi de professionnalisation. Compte tenu des assurances que vous m'avez données, monsieur le ministre, cet amendement sera retiré.

Enfin, le groupe UDF votera en faveur de ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Sans prolonger excessivement cet échange, parce que nous avons déjà eu l'occasion de débattre lors de la première lecture, je répondrai aux questions qui m'ont été posées.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la situation p articulière du volontariat civil dans les territoires d'outre-mer. J'en profiterai pour vous donner quelques informations que le secrétariat d'Etat aux DOM-TOM a souhaité vous faire connaître.

D ans les DOM-TOM, les organismes d'accueil peuvent être employeurs des secteurs privé, public ou parapublic. Ainsi qu'en métropole, quand l'Etat est à la fois employeur et utilisateur, il assure comme n'importe quel autre organisme d'accueil le paiement des cotisations sociales dues au titre du volontariat civil. Si le volontaire est mis à disposition de l'organisme d'accueil par l'Etat lequel reste employeur - c'est l'organisme utilisateur qui assure le paiement. En cas d'accident du travail, c'est l'organisme d'accueil qui prend en charge l'indemnisation, dans les mêmes conditions que pour les autres prestations sociales.

S'agissant des relations particulières entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, le Sénat a adopté à la demande du Gouvernement une nouvelle rédaction de l'article 16. Une telle adaptation était rendue nécessaire en raison des compétences attribuées à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française par les lois qui les régissent. Ainsi la loi organique du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie, confie-t-elle à cette der-


page précédente page 01365page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

nière une compétence pleine et entière en matière d'impositions, de protection sociale, de délivrance de certains titres ou diplômes professionnels et de fonction publique locale. Et la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française attribue à ce territoire les mêmes compétences.

Bien que le projet de loi intéresse une matière relevant de la compétence de l'Etat, certaines de ces dispositions interviennent dans des domaines réservés à la NouvelleCalédonie ou à la Polynésie française. La loi simple ne saurait intervenir dans une compétence locale en introduisant des charges et obligations supplémentaires dans des domaines administrés par les institutions propres de ces deux collectivités.

Il est possible de permettre aux volontaires civils servant en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de disposer de garanties minimales sans pour autant transgresser le partage de compétences établi par les lois statutaires précitées. Pour ce faire, il convient de procéder par voie de convention.

Monsieur le rapporteur, M. Queyranne et moi-même tenons à vous rassurer : l'affectation de volontaires civils en Nouvelle-Calédonie ne concurrence pas l'emploi local mais vise à pallier l'insuffisance de certains niveaux de qualification. Certes, il faut rester vigilant pour éviter des distorsions de concurrence. Le ministre compétent décide, pour ses propres services ou pour l'organisme d'accueil, par le biais des conventions, de l'engagement du volontaire. Il conviendra d'éviter l'effet de substitution que vous avez mis en évidence et que nous avons lieu de craindre.

Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a affecté, à la demande des organismes d'accueil, environ 607 volontaires civils outre-mer dont 115 en Nouvelle-Calédonie, 55 en Polynésie française et 13 à Wallis-et-Futuna. Il faut noter que 20 % de ces volontaires en Nouvelle-Calédonie, 10 % en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna sont des originaires résidents. En tout état de cause, aucun jeune ressortissant non français de l'Union européenne ne pourra bénéficier du dispositif.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les précisions que le Gouvernement souhaitait vous apporter sur le volet outre-mer du texte que vous examinez aujourd'hui.

Pour répondre à certains d'entre vous, je citerai quelques chiffres.

Sachez que, globalement, 2 000 CSN relèvent du ministère des affaires étrangères, dont : 90 en ambassade, 190 en service de coopération et d'action culturelle et 240 en établissement culturel, pour le titre III ; 320 pour l es ONG, 580 comme scientifiques-chercheurs et 600 assistants techniques, lecteurs, experts et coopérants pour le titre IV. La fin du service national va évidemment modifier la ressource. J'aurai l'occasion d'en dire un mot.

A ces 2 000 CSN qui relèvent du ministère des affaires étrangères, il faut en ajouter : 4 300 qui sont en entreprise, 250 dans les postes d'expansion économique et 350 qui dépendent de l'association de gestion d'établissements d'enseignement du français à l'étranger. Tel est aujourd'hui le tableau que l'on peut dresser.

S'agissant de demain, et pour répondre à Mme Aubert, nous ne saurions préjuger du nombre de contrats de volontaires civils qui aideront à l'étranger les OMG. Je ne peux raisonner que par rapport aux chiffres actuels. J'espère seulement que nous aurons les moyens d'augmenter la présence des volontaires auprès de ces ONG. Concernant la présence, en France, des futurs volontaires auprès des ONG, j'avoue ne pas disposer des éléments d'appréciation suffisants.

Mme Aubert, tout comme M. Outin, ont exprimé le regret des ONG concernant le niveau de rémunération des volontaires. J'observe qu'il ne faut pas confondre les tatut des volontaires avec celui des salariés. Les 3 500 francs - environ - qui sont alloués aux volontaires correspondent à une indemnisation à laquelle peuvent s'ajouter des frais représentatifs de difficultés de séjour, de transport, de fonctionnement. Evidemment, on peut craindre que ne s'instaure une certaine inégalité, liée aux moyens dont disposeront les organismes d'accueil. Mais la convention que nous allons passer avec ces organismes devra tenir compte de ces réalités. Dans les projets qui nous seront présentés, les charges apparaîtront et nous verrons dans quelle mesure nous pourrons aider les organismes à y faire face.

Je ne voudrais pas, à l'occasion de ce texte, opposer l'humanitaire et l'entreprise. On verra, à terme, ce qu'il en sera. Année après année, nous pourrons procéder à l'évaluation de ce dispositif, par lequel nous innovons. Le rapport adressé au Parlement par les ministres intéressés devrait y contribuer.

Ce texte nous est dicté par la professionnalisation des armées. Mais ce n'est pas qu'un texte de circonstance. Il modifiera le profil des coopérants ou des volontaires, dont les motivations seront différentes, et les missions renouvelées.

Parmi les fortes motivations, l'humanitaire, le social, la démocratie, la paix prendront sans doute une place plus importante qu'aujourd'hui, même si les entreprises qui le veulent pourront continuer à trouver des jeunes gens capables de les aider.

Tout à l'heure, l'accent a été mis sur le besoin qu'ont les PME, et pas seulement les grandes entreprises, de pouvoir disposer de cette forme de présence, qui sert aussi le développement des pays en question. Il n'est pas q uestion d'opposer les entreprises entre elles. Mais celles-ci ne seront pas aidées, elles devront apporter l'intégralité du financement.

Il ne devrait pas être trop difficile d'éviter que ce dispositif ne soit trop élitiste. Ce qu'il l'était en revanche, c'était de le rendre plus attractif.

Jusqu'à présent, la motivation première des volontaires était de faire un « autre » service militaire ou d'y « échapper ». Or la situation va nécessairement changer.

M. Dauge a insisté sur ce que pouvait représenter ce volontariat en termes d'élargissement du champ social et environnemental et a évoqué le rôle des collectivités qui, je l'espère, pourront saisir les opportunités que nous leur offrons.

Mme Aubert a exprimé la crainte que les dispositions concernant les officiers de réserve ne modifient la portée du texte, voire sa signification. Mais les décrets d'application que le ministère des affaires étrangères, ou les autres ministères, distingueront bien entre ce qui relevera du volontariat civil et ce qui concernera les officiers de réserve. N'ayez crainte, ils ne créeront pas de confusion ; ils auront même le mérite de l'éviter.

L'articulation entre volontariat civil et volontariat europ éen devra faire l'objet d'une convention avec la Commission européenne afin de permettre la complémentarité des deux services volontaires. Il conviendra d'organiser la coexistence de ces services pour créer une


page précédente page 01366page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

dynamique d'engagement et d'affirmation de la citoyenneté européenne et atteindre les objectifs d'intérêt géné ral fixés pour ces deux formes de volontariat.

Vous avez regretté, monsieur Voisin, le retrait des dispositions instituant une période probatoire. Ce choix peut néanmoins être compris. Ce n'est pas un procès d'intention que nous ferions aux candidats, mais leur offrir un voyage au long cours et un rapatriement gratuits sans aucun engagement de leur part est une tentation à laquelle nous-mêmes devons savoir résister. Compte tenu du coût du voyage, il nous a paru préférable de retirer ce dispositif sachant que l'intéressé pourra toujours démissionner - et nous y veillerons - avec l'accord de l'organisme d'accueil et du ministre qui aura signé la convention avec l'organisme.

J'ai parlé de l'élargissement du champ social et environnemental. Nous offrons aussi aux jeunes gens et jeunes filles volontaires une plus large ouverture à l'international, ce qui est très important pour leur enrichissement personnel, pour l'accomplissement de leur projet. Comme cela peut aussi servir la volonté de la France d'assurer une présence plus active et plus féconde sur le terrain dans certains pays, on comprend tout l'intérêt que ce projet de loi présente.

Cela ne vous a pas échappé, mesdames et messieurs les députés, puisque tous les orateurs nous ont dit leur intention de voter ce texte pour peu que l'on réponde à leurs principales questions. J'espère en particulier, madame Aubert, que mes réponses vous auront définitivement convaincue de le voter, ce qui permettrait une adoption à l'unanimité.

T elles sont, monsieur le président, les quelques réflexions que je souhaitais livrer à l'Assemblée. M. le ministre de la défense répondra, quant à lui, sur les dispositions qui l'intéressent, c'est-à-dire lorsque sera appelé l'article 18.

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 6

M. le président.

« Art. 6. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L.

122-8 ainsi rédigé :

« Art. L.

122-8. - Le ministre compétent peut mettre fin au volontariat civil en cours d'accomplissement :

« en cas de force majeure ;

« en cas de faute grave ;

« dans l'intérêt du service ou de l'activité agréée ;

« en cas de violation par la personne morale des clauses de la convention prévue à l'article L.

122-7 ;

« à la demande conjointe du volontaire civil et de la personne morale.

« Enfin, sur demande du volontaire et avec un préavis d'au moins un mois, le ministre compétent peut mettre fin au volontariat pour permettre au demandeur d'occuper une activité professionnelle.

« Par dérogation aux dispositions de l'article L.

122-3, lorsqu'il a été mis fin au volontariat civil en cas de force majeure ou en cas de violation par la personne morale des clauses de la convention prévue à l'article L.

122-7, l'intéressé peut demander à conclure un nouvel engagement de volontariat sans que la durée totale des périodes de volontariat civil n'excède vingt-quatre mois.

« Le volontaire civil dont la mission est suspendue pour cause de maladie, de maternité, d'adoption ou d'incapacité temporaire liée à un accident imputable au service, peut demander une prolongation de son volontariat d'une durée égale à celle de son indisponibilité, sans que la durée totale de son engagement ne puisse excéder vingt-quatre mois. »

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Après l'article 10

M. le président.

M. Michel Voisin a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article L. 5 bis A du libre II du code du service national, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les jeunes gens qui relèvent, trois mois au moins avant la date d'expiration d'un report d'incorporation qu'ils détiennent par application des dispositions des articles L. 5 (2o ) ou L. 5 bis, soit de l'org anisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales, soit de la Caisse nationale des barreaux français, telles que mentionnées aux articles L. 642-1 et L. 721-1 du code de la sécurité sociale, peuvent bénéficier, de même, d'un report d'incorporation d'une durée de deux ans pouvant être prolongé. Ce report cesse s'il est mis fin à l'affiliation à l'un des régimes spéciaux ci-dessus mentionnés. »

Cet amendement a été retiré par son auteur.

Articles 11 et 13

M. le président.

« Art. 11. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-14. - I. - Le volontaire civil affecté en métropole ou dans un département d'outre-mer bénéficie en cette qualité, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité et invalidité du régime général. Il relève, en cas de maladie ou d'accident survenu par le fait ou à l'occasion du volontariat civil, des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale. La couverture de ces risques est assurée moyennant le versement de cotisations forfaitaires à la charge de l'organisme d'accueil et dont le montant est fixé par décret.

« L'organisme d'accueil assure au volontaire affecté dans un département d'outre-mer une couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps. Le ministre chargé de l'outre-mer fixe par arrêté les modalités de cette couverture.

« II. - L'organisme d'accueil assure au volontaire civil affecté à l'étranger, pour lui-même et ses ayants droit et sous réserve des engagements européens et internationaux de la France et des dispositions de l'article L. 122-7, le bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie,


page précédente page 01367page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

maternité, invalidité et des prestations accidents du travail et maladies professionnelles, d'un niveau au moins égal à celui prévu au I.

« Il assure, en outre, le bénéfice d'une couverture complémentaire pour les risques précités, notamment en cas d'hospitalisation, ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps. Le ministre compétent arrête les conditions dans lesquelles cette couverture complémentaire est mise en place.

« En cas de maladie, d'accident, y compris de trajet, ou de décès survenant par le fait ou à l'occasion du volontariat, l'organisme d'accueil assure également des conditions d'indemnisation au moins équivalentes à celles prévues par la législation française sur les accidents du travail.

« III. - L'Etat assure lui-même la couverture des risques mentionnés au présent article pour les volontaires civils affectés dans ses services et pour leurs ayants droit.

« IV. - Le bénéfice des dispositions de l'article L. 122-12 est maintenu durant la période de volontariat au profit du volontaire en cas de congé de maladie, de maternité ou d'adoption ou d'incapacité temporaire liée à un accident imputable au service.

« V. - Un décret fixe les conditions et les domaines dans lesquels l'Etat contribue, dans le cadre de conventions établies avec les associations, à la protection sociale des volontaires lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'associations. »

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

« Art. 13. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-16 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-16. - Pour l'accès à un emploi de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, la limite d'âge est reculée d'un temps égal au temps effectif du volontariat civil.

« Ce temps effectif de volontariat est compté dans le calcul de l'ancienneté de service exigée dans les fonctions publiques de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers. » -

(Adopté.)

Article 16

M. le président.

« Art. 16. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Dispositions relatives à l'outre-mer

« Art. L. 122-21. - Sous réserve des adaptations prévues ci-après, le présent chapitre, à l'exception du dernier alinéa de l'article L. 122-1, du III de l'article L. 122-14 et du dernier alinéa de l'article L. 122-15, est applicable dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

« 1o Par dérogation aux dispositions des articles L. 122-12, L. 122-14, L. 122-15, L. 122-16, L. 122-17 et L. 122-20 du présent chapitre, une convention entre l'Etat d'une part, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française d'autre part, fixe les conditions d'application du présent chapitre dans ces deux collectivités. Elle précise obligatoirement :

« a) Les conditions d'exonération d'imposition et de versement des taxes fiscales et sociales attachées à la perception de l'indemnité mensuelle et de l'indemnité supplémentaire prévues à l'article L. 122-12 ;

« b) Les conditions dans lesquelles les volontaires civils affectés en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et leurs ayants droit bénéficient des prestations du régime local de sécurité sociale et de couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire et de rapatriement de corps lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'un service de l'Etat ou d'un organisme d'accueil public ou privé, y compris lorsqu'il s'agit d'une association ;

« c) La prise en compte du temps du service accompli au titre du volontariat civil par le régime de retraite de base ou spécial de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésire française auquel le volontaire civil est affilié à titre obligatoire ou volontaire postérieurement à son volontariat ;

« d) Les modalités d'adaptation du II de l'article L. 122-14 au regard des dispositions prévues par les b et c ci-dessus lorsqu'un volontaire civil engagé en NouvelleCalédonie ou en Polynésie française est affecté à l'étran ger ;

« e) Les conditions d'ancienneté et d'accès à un emploi relevant de la compétence de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie ou de ses provinces ainsi que de leurs établissements publics dont le personnel est soumis au statut réglementaire ;

« f) La prise en compte de l'expérience professionnelle acquise lors du volontariat civil pour la délivrance d'un diplôme ou d'un titre professionnel par la NouvelleCalédonie ou la Polynésie française ;

« g) Le cas échéant, les modalités de coordination lorsqu'un volontaire civil est affecté successivement en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et dans une autre collectivité territoriale de la République.

« 2o Dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que dans les territoires d'outre-mer des îles Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises :

« a) L'indemnité mensuelle et l'indemnité supplémentaire prévues à l'article L. 122-12 sont exonérées de toute imposition et taxes fiscales, parafiscales et sociales applicables localement ;

« b) La protection sociale prévue par l'article L. 122-14 est assurée dans les conditions prévues par la réglementation applicable localement lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'un service de l'Etat ou d'un organisme d'accueil public ou privé, y compris lorsqu'il s'agit d'une association. Lorsque l'organisme d'accueil assure au volontaire une couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps, le ministre chargé de l'outremer fixe par arrêté les modalités de cette couverture ainsi que les règles particulières lorsque le volontaire civil est affecté à l'étranger. La législation sur les accidents du travail est celle applicable localement. »

L a parole est à M. René Dosière, inscrit sur l'article 16.

M. René Dosière.

Ayant été rapporteur de la loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, je souhaite formuler quelques observations sur l'article 16, car on peut en faire une double lecture, s'agissant des volontaires civils qui seront affectés sur ce territoire.


page précédente page 01368page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Ou bien il s'agit de former des personnes originaires de Nouvelle-Calédonie, canaques ou européennes, pour leur permettre d'occuper ensuite les emplois requis par le territoire. C'est une interprétation qui ne soulève aucune difficulté.

Ou bien il s'agit de favoriser l'arrivée de métropolitains avec l'idée de peupler la Nouvelle-Calédonie, comme ce fut la tentation et parfois le cas dans le passé. Les précisions que vous venez de donner, monsieur le ministre, montrent très clairement, et je m'en réjouis, que, pour le Gouvernement, cette seconde interprétation est tout à fait exclue. Bien entendu, je n'en doutais pas, mais il est important que cela ait été dit, car les mots, en NouvelleCalédonie aussi, ont beaucoup d'importance.

Je souhaite simplement qu'à l'intérieur des chiffres que vous avez cités, la proportion des Calédoniens soit la plus forte possible.

S'agissant de l'emploi, je rappellerai la spécificité de la Nouvelle-Calédonie puisque nous avons modifié les règles constitutionnelles pour déroger au principe de l'égalité républicaine devant l'emploi, ce qui n'était pas une mince modification. L'article 24 de la loi organique dispose ainsi :

« Dans le but de soutenir ou de promouvoir l'emploi local, la Nouvelle-Calédonie prend au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie » - c'est-à-dire des gens qui y résident depuis 1988 - « et des personnes qui justifient d'une durée suffisante de résidence des mesures visant à favoriser l'exercice d'un emploi salarié, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont bénéficient les autres salariés.[...].

« La Nouvelle-Calédonie peut également prendre des mesures visant à restreindre l'accession à l'exercice d'une profession libérale à des personnes qui ne justifient pas d'une durée suffisante de résidence.

« La durée et les modalités de ces mesures sont définies par des lois du pays. »

Cela signifie, monsieur le ministre, que la convention prévue à l'article 16 pour régler les problèmes d'application de la loi - et notamment ses dispositions prévues aue ), relatives aux conditions d'ancienneté et d'accès à un emploi en Nouvelle-Calédonie pour les volontaires civils à l'issue de leur service - devra obligatoirement être en conformité avec les conditions de durée de séjour qui auront été fixées par la future loi de pays sur l'emploi.

On ne pourra y déroger.

J'ajoute, pour terminer, que les nouveaux arrivants d'origine métropolitaine ne pourront pas participer aux consultations provinciales ni aux référendums qui décideront de l'avenir du territoire, puisqu'il faut avoir résidé sur le territoire dès 1998 pour y participer, autre innovation constitutionnelle que nous avons prise pour la raison que ce territoire peut être appelé à l'indépendance si ses citoyens le décident.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vauchez, rapporteur.

S'agissant de l'application outre-mer, votre réponse, monsieur le ministre, et les précisions que vient d'ajouter René Dosière font que toute hypothèque est levée par la commission de la défense, y compris en ce qui concerne les indemnisations principale et complémentaire, et la protection contre les accidents du travail. La commission est donc très favorable à l'adoption de l'article 16.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 18

M. le président.

« Art. 18. La loi no 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est ainsi modifiée :

« 1o Dans le quatrième alinéa de l'article 38, les mots : "les officiers de réserve" sont remplacés par les mots : "les officiers sous contrat" ;

« 2o L'intitulé du chapitre Ier du titre III est ainsi rédigé : "Officiers sous contrat" ;

« 3o L'article 82 est ainsi rédigé :

« Art. 82 L'officier sous contrat est recruté dans les armées ou les formations rattachées parmi les aspirants, pour une durée déterminée et renouvelable. Il ne peut dans cette situation ni servir plus de vingt ans ni dépasser la limite d'âge du grade correspondant de l'officier de carrière du corps auquel il est rattaché. Les dispositions des articles 32, 35, 43, 51, 53 à 56, 57 (1o , 2o , 7o et 8o ), 60, 65-1, 65-2, 95, 96 et 97 lui sont applicables.

« Par dérogation aux articles L.

6 et L.

7 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'ensemble des dispositions prévues par ce code, au profit des officiers de carrière, s'appliquent aux officiers sous contrat. »

;

« 4o L'article 83 est ainsi rédigé :

« Art. 83 Il peut être mis fin au contrat de l'officier sous contrat, soit pour infirmités ou maladies, soit par mesure disciplinaire après avis d'un conseil d'enquête.

« Le non-renouvellement du contrat pour un motif a utre que disciplinaire fait l'objet d'un préavis de six mois. »

;

« 5o L'article 84 est ainsi rédigé :

« Art. 84 L'intéressé reçoit, à l'expiration de son contrat, dans les conditions définies par décret, une prime déterminée en fonction de la solde obtenue en fin de service et de la durée des services accomplis. »

;

« 6o Au début de l'article 85, les mots : "L'officier de réserve servant en situation d'activité" sont remplacés par les mots : "L'officier sous contrat" ;

« 7o L'article 86 est ainsi rédigé :

« Art. 86. L'officier sous contrat qui a effectué au moins quinze ans de services civils et militaires effectifs tels qu'ils sont définis par le code des pensions civiles et militaires de retraite, dont six au moins dans le personnel navigant militaire peut bénéficier d'un congé du personnel navigant d'une durée d'un an, qui entre en compte pour le calcul des droits à pension de retraite, à l'issue duquel il est mis en retraite avec le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate. »

;

« 8o Après l'article 86, sont insérés deux articles 86-1 et 86-2 ainsi rédigés :

« Art. 86-1. La qualité d'officier sous contrat se substitue à celle d'officier de réserve servant en situation d'activité. Les officiers sous contrat issus des officiers de réserve servant en situation d'activité conservent le grade, l'ancienneté de grade et l'ancienneté de service détenus.

Toutefois, à titre transitoire, ceux dont le contrat en cours arrive à échéance dans les deux années qui suivent la date de publication de la présente loi, s'ils le demandent, conservent le bénéfice des dispositions relatives à l'attribution d'un pécule ou au droit d'option entre le pécule et l'attribution d'une pension de retraite. »

« Art. 86-2 Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. le ministre de la défense.


page précédente page 01369page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Je serai bref, m onsieur le président, puisque les membres de la commission de la défense, qui connaissent bien la question des mesures d'accompagnement de la professionnalisation, ont donné leur approbation à l'article 18.

Je veux simplement souligner qu'il s'agit d'une mesure d'harmonisation qui ne pouvait être prise que postérieurement à la loi de 1997. Comme nous avions un nouveau statut d'officier à créer et qu'il devait en effet, monsieur Voisin, être suffisamment attractif, des négociations interministérielles étaient nécessaires. Elles se sont déroulées au cours de l'année 1999, c'est-à-dire trop tard pour que cet article pût être adjoint, comme il l'aurait dû, au texte sur les réserves adopté par les deux assemblées avec un large consensus.

Le statut d'officier sous contrat n'innove que fort peu ; en réalité, il est calqué sur l'ancien statut des officiers de réserve en situation d'activité. Je préciserai simplement les conditions de recrutement de ces nouveaux officiers.

Le recrutement sera précédé par une phase de formation, sous le statut d'engagé. Une vérification d'aptitude, après quelques mois, la durée variant selon les spécialités, donnera lieu à une première sélection : les jeunes gens retenus, toujours sous-officiers, acquerront alors la qualité d'aspirant. Ceux qui auront satisfait à une seconde phase de formation confirmant leurs capacités, elle aussi de durée variable - par exemple, les pilotes de l'armée de l'air devront accomplir la période la plus longue -, seront nommés au premier grade d'officier, sous-lieutenant.

La question particulière des jeunes volontaires du service long, évoquée par Michel Voisin, reçoit la même réponse : les VSL seront recrutés comme élèves officiers en vue de servir comme officiers sous contrat ; ils seront immédiatement nommés aspirants puis recrutés dès qu'ils auront accompli leur formation. Par rapport aux officiers de réserve en situation d'activité soumis au statut actuel, leur promotion sera un peu plus rapide : cela fait partie des mesures qui ont été étudiées pour rendre le dispositif attractif.

Je signale que les officiers de réserve en situation d'activité sont aujourd'hui au nombre de 5 500 et que, suivant les spécialités, ils représentent entre 10 % et 25 % du personnel officier ; c'est très important pour conserver un rythme de rotation suffisant et une proportion de jeunes et de spécialités rares suffisante dans les armées.

Le nouveau contrat doit remplir les mêmes objectifs. Il nous faut effectuer à peu près 500 recrutements par an dès l'année 2000, puisque les jeunes issus du service national vont commencer à se raréfier dans les mois qui viennent. C'est la raison pour laquelle - et je remercie la commission de la défense et l'Assemblée de bien vouloir examiner ces dispositions dès maintenant - il a paru judicieux de les adjoindre au texte relatif aux volontariats civils, ce qui a conduit à en compléter le titre par une référence à la réforme du service national.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vauchez, rapporteur.

Une simple précision, monsieur le ministre. C'est effectivement après s'être engagé que le jeune entre dans un centre de formation, où il acquiert le grade d'aspirant. Et ce n'est qu'à sa sortie, après un examen sanctionnant la formation, qu'il peut devenir officier. Cela signifie-til qu'un jeune volontaire militaire, qui s'engage par exemple pour deux ans, ou pour un an renouvelable, peut être détecté par ses supérieurs et suivre alors le cheminement que vous évoquez ?

M. le ministre de la défense.

Bien sûr.

M. André Vauchez, rapporteur.

Nous sommes ainsi pleinement informés.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

3

CONVENTION FISCALE AVEC LA BELGIQUE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (nos 1924, 2189).

La conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.

Je vais donc mettre directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signé à Bruxelles le 8 février 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

4 ACCORD FRANCE-LIGUE DES ÉTATS ARABES Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de l'accord entre le Gouvernement de la


page précédente page 01370page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un Bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (nos 1931, 2191).

La conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.

Je vais donc mettre directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un Bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire f rançais (ensemble une annexe), fait au Caire le 26 novembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

5

PROTOCOLE EN MATIÈRE MATRIMONIALE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (nos 1932, 2190).

La conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.

je vais donc mettre directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Est autorisée la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale, signé à Bruxelles le 28 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

6

CONVENTION EN MATIÈRE MATRIMONIALE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (nos 1933, 2190).

La conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.

Je vais donc mettre directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Est autorisée la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale faite à Bruxelles le 28 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président.

La séance est reprise.

7

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION Discussion, en deuxième lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (nos 2157, 2194).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi relatif à la lutte contre la corrup-


page précédente page 01371page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

tion revient devant vous en seconde lecture, après avoir été amendé par le Sénat. Avant d'en venir au texte, je tiens à rappeler que le Gouvernement mène une politique déterminée de prévention et de répression de tous les phénomènes de délinquance financière.

Notre action vise aussi bien à lutter contre le blanchiment de l'argent sale que contre la corruption de la vie publique à tous les niveaux. Je me borne à rappeler les éléments de cette politique. A l'échelon national, nous avons constitué des pôles économiques et financiers en leur donnant les moyens nécessaires.

Au plan européen, je peux citer les conclusions du sommet de Tampere, premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à définir des orientations précises en matière de lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment d'argent, ainsi que les travaux menés actuellement dans le cadre des Nations unies et au sein du GAFI dans lequel la France joue un rôle moteur en poursuivant des objectifs bien précis : faire condamner l'utilisation abusive du secret bancaire ; poser la question des formules juridiques telles que la fiducie ou les sociétés-écrans, qui favorisent tout aussi abusivement l'anonymat de l'argent militer en faveur d'une réglementation des paradis fiscaux, de façon à lutter contre la prolifération de l'argent sale.

Ces rappels effectués, je ne vous exposerai pas à nouveau l'économie générale du texte relatif à la lutte contre la corruption que votre commission a déjà examiné de façon approfondie. Je dois toutefois souligner que le projet dont nous débattons aujourd'hui revêt une importance particulière.

L'enjeu est en effet de taille : face à une corruption qui s'internationalise, qui génère des coûts financiers et sociaux croissants, il est de la responsabilité des Etats démocratiques, il est de la responsabilité de notre pays d'organiser, en concertation avec la communauté internationale, une réaction extrêmement ferme contre cette forme de délinquance financière.

L'objet de mon propos n'est pas de revenir en détail sur les différentes dispositions de ce projet de loi, que votre rapporteur, M. Jacky Darne, a soigneusement analysées dans son rapport. Je veux plutôt insister sur la double logique qui a présidé à la rédaction du texte gouvernemental : adapter notre droit à l'ensemble des engagements internationaux souscrits par la France et le faire dans le respect de ses principes fondamentaux.

Les amendements de votre commission des lois relatifs à la définition du délit de corruption, aussi bien nationale qu'internationale, ont pour but de permettre la répression d es versements faits à des fonctionnaires « à tout moment » selon les termes figurant dans l'un d'eux. Je relève que cela va au-delà de la simple transposition en droit interne des engagements pris par la France en signant la convention de l'OCDE, que nous sommes chargés de transposer aujourd'hui.

Ces amendements traduisent en effet une conception nouvelle, qui doit permettre au juge d'appréhender, au fur et à mesure du déroulement de cette infraction complexe, tous les éléments constitutifs de la corruption.

Je constate d'ailleurs que votre commission souhaite, dans un souci de cohérence, que cela vaille pour l'incrimination de faits se déroulant tant au plan national qu'à l'échelle internationale.

Je suis favorable à cette série d'amendements, comme à tous ceux qui démontreront encore plus nettement notre détermination à lutter contre la corruption.

Je relève par ailleurs que votre commission a entendu mes arguments de première lecture et renoncé à supprimer les termes « sans droit » dans la définition du délit de corruption sur le plan international. Cette suppression aurait pu, en effet, créer une confusion.

Sur le plan de la procédure, le même souci me conduit à approuver l'amendement de votre commission qui supprime la disposition sénatoriale visant à conférer à la jurid iction parisienne une compétence nationale pour connaître des faits de corruption commis dans le cadre du commerce international. Ainsi que je l'ai déjà expliqué devant vous, le Gouvernement mène une politique déterminée de professionnalisation et de renforcement des moyens des juridictions, notamment par la mise en place de pôles économiques et financiers dans les principaux tribunaux.

Dans ces conditions, il serait inopportun de dessaisir les juridictions de province de ces contentieux.

De même, je ne puis qu'approuver les amendements de votre commission rétablissant à dix ans la peine d'emprisonnement encourue par les personnes physiques, ainsi que l'éventail des peines prévues pour les personnes morales, en cas de corruption d'un agent public étranger dans le cadre des transactions commerciales internationales.

La convention de l'OCDE nous impose, en effet, de prévoir que l'éventail des sanctions applicables à la corruption internationale soit comparable à celui des sanctions applicables à la corruption des agents publics nationaux. Or nous ne souhaitons pas que notre pays soit de ceux qui, par un traitement différencié de la corruption interne et de la corruption internationale, laissent planer un doute sur leur volonté de lutter contre la corruption à l'échelle internationale.

Je veux également revenir sur le deuxième alinéa de l'article 2 du projet de loi, relatif à l'application de la loi dans le temps. Tel qu'il a été rétabli en seconde lecture par le Sénat, cet article explicite le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, en l'appliquant à des situations commerciales complexes. A cet égard, soyons clair : l'objet de cet article n'est pas de permettre aux entreprises françaises de s'affranchir des engagements internationaux souscrits par la France. La raison d'être de son insertion dans le projet de loi était de tracer une frontière entre ce qui est licite et ce qui est illicite, à l'intention des acteurs nationaux et étrangers de la vie économique.

Néanmoins, j'ai été sensible aux arguments avancés dans le rapport de votre commission en faveur de la suppression de cet alinéa. Il est vrai que cette disposition a donné prétexte à des critiques de certains de nos partenaires de l'OCDE, alors même que ces pays, nous le savons, ont, au sein même de leur loi d'adaptation, de nombreuses dispositions posant des problèmes dont est d'ailleurs saisie cette enceinte internationale.

Je ne souhaite pas que cette disposition, d'ordre purement didactique, puisse masquer le fait que la France, par l'adoption de ce projet de loi, sera l'un des pays les mieux armés pour lutter contre la corruption internationale. Je me prononcerai donc en faveur de l'amendement de la commission des lois de votre assemblée tendant à la suppression du deuxième alinéa de l'article 2, non sans réaffirmer nettement que les entreprises et les citoyens ont droit au respect du principe constitutionnel de nonrétroactivité du droit pénal plus sévère.


page précédente page 01372page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Il appartiendra aux juridictions souveraines d'assurer le respect de ce principe, que le souci légitime de répression des infractions de corruption internationale ne doit pas battre en brèche.

Enfin, j'approuve également l'amendement reprenant de la première lecture devant votre assemblée l'interdiction de toute déductibilité fiscale des commissions versées postérieurement à l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention de l'OCDE.

Notre future loi sera ainsi exemplaire et je tiens, une fois encore, à remercier votre commission et M. Jacky Darne, votre rapporteur, pour leur très utile contribution à l'élaboration de ce dispositif législatif.

Cette loi sera exemplaire, d'abord, par son effet dissuasif, car elle interdira aux entreprises, en raison du quantum des peines prévues, d'intégrer le bilan coût-avantage de la corruption dans leurs stratégies commerciales.

Elle sera exemplaire aussi parce qu'elle s'appliquera avec la même rigueur à l'encontre des entreprises françaises et des entreprises étrangères. Nul ne pourra trouver en son sein des clauses d'intérêt national. Enfin, elle sera exemplaire car, par sa cohérence avec le droit interne positif et par la clarté de ses incriminations, elle ne générera pas d'insécurité juridique.

Elle traduira ainsi le souci de la France de combattre sans relâche ce fléau économique et social que constitue la corruption nationale et internationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la garde des sceaux, monsieur le président, mes chers collègues, que nous n'ayons entendu, au cours de ces débats, aucune voix justifier la corruption ne nous étonne pas. Qu'il n'y ait pas tout à fait eu la même unanimité pour approuver le projet qui nous est soumis n'étonne pas davantage. Cela est sans doute dû au fait que cette question de la lutte contre la corruption peut être envisagée sous deux angles bien différents.

Le premier est celui du constat que la corruption n'est pas admissible, de deux points de vue.

D'abord, sur le plan d'une stricte analyse économique, elle perturbe l'allocation rationnelle des ressources, elle introduit, dans la concurrence et dans les négociations internationales, un élément de distorsion et de coûts ; elle ne peut donc que freiner le développement.

Du point de vue moral, elle constitue une atteinte aux droits de l'homme en mettant en cause la liberté et l'égalité, car elle ruine la confiance des peuples dans leurs gouvernants ; elle est donc un péril pour la démocratie.

Nombreux sont ceux qui le reconnaissent.

Le deuxième angle de lecture est celui du producteur de biens et de services, c'est-à-dire de l'entreprise.

Confronté à un marché, responsable de la rentabilité de l'entreprise et de l'emploi, le chef d'entreprise constate les faits et déclare qu'il doit s'y plier. Si ses concurrents peuvent légalement agir différemment de ce que luimême a le droit de faire, alors il estime être dans une situation désavantageuse. Il craint que le rappel à un comportement moral ne soit finalement qu'un moyen pour le rendre moins compétitif.

Ce débat sur la lutte contre la corruption n'est donc pas exempt d'arrière-pensées, voire de suspicions. Tel responsable politique d'un pays, comme telle entreprise importante, cherche d'abord à déceler chez l'autre la part d'hypocrisie qui se cache sous des discours vertueux. A aucun moment, cela n'a échappé au rapporteur que je suis. J'ai ainsi entendu le principe de réalité des entreprises comme l'absolue nécessité de réduire la corruption.

Que ce texte mette fin définitivement à la corruption, nul ne l'imagine. La convention de l'OCDE n'a d'ailleurs été signée que par un nombre limité de pays. De plus, si, dans l'Union européenne, sont poursuivies tant la corruption active que la corruption passive, seule la première l'est dans le reste du monde. Les poursuites et les peines sont loin d'être identiques d'un pays à l'autre et les entreprises qui veulent faire fi de toute morale peuvent mettre en place des systèmes de contournement des textes, chacun le sait.

Soit ! Malgré tout, quel immense pas constitue ce texte ! Pour la première fois, les pays qui représentent l'essentiel du commerce mondial déclarent que corrompre une autorité publique, c'est-à-dire un élu ou un fonctionnaire, est un délit, et que, pour cela, on peut aller en prison. Il s'agit d'un sacré changement, lequel aura déjà des effets dans le fonctionnement interne des entreprises.

Imaginez en effet ce qui pourra se passer dans la tête d'un cadre responsable d'un établissement étranger dans un pays en développement et auquel on assignait jusqu'à présent des objectifs de chiffre d'affaires et de rentabilité avec, dans sa délégation de pouvoir, le droit de corrompre puisque cela était légal. Désormais, il saura qu'il ne doit plus le faire et l'entreprise française agira comme toutes les entreprises importantes du monde - même si, bien sûr, il faudra élargir le champ des pays signataires.

Voilà en quoi ce texte est essentiel. Les discussions sur des modalités, sur des contrats transitoires, sur des déductibilités fiscales, ne pèsent pas grand-chose au regard du pas décisif qu'il constitue dans la lutte contre la corruption. Néanmoins, tout texte doit comporter des modalités d'application qui lui permettent d'être le plus efficace possible. C'est pourquoi je veux vous indiquer ce que, au nom de la commission des lois, je propose en cette seconde lecture.

Je serai assez bref, car, pour l'essentiel, ces dispositions reprennent celles que nous avons adoptées à l'unanimité en première lecture et que le Sénat a modifiées, sans que, sur de nombreux points, il y ait des divergences fondamentales entre nous. Je peux donc me borner à en rappeler les éléments, comme vient d'ailleurs de le faire Mme la garde des sceaux.

Nous proposons d'abord de modifier la définition du délit de corruption. Aujourd'hui, le pacte de corruption doit être prouvé préalablement à toute action, ce qui est une difficulté. Cela conduit même les juges à qualifier certaines infractions d'abus de biens sociaux au lieu de retenir l'incrimination de corruption. La qualification des faits poursuivis n'est donc pas exacte. Or il est toujours préférable que les poursuites correspondent à la réalité des infractions visées. Tel est l'objet de plusieurs amendements.

Nous reviendrons aussi au niveau des peines prévu dans le projet initial et après notre première lecture, tout simplement parce que le traité de l'OCDE prévoit que les peines visant les ressortissants étrangers doivent être identiques à celles prévues pour les fonctionnaires français. Il serait méprisant de poursuivre différemment la corruption d'étrangers et celle de nationaux. Certes, de ce point de


page précédente page 01373page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

vue, les Etats-Unis sont critiquables. Je souhaite d'ailleurs que, dans la phase 2 de la convention de l'OCDE, celle de l'évaluation, on sache le leur rappeler afin que ce pays prévoit des peines identiques pour les fonctionnaires étrangers et pour les siens. Il devra d'ailleurs corriger sa législation sur d'autres points. Toutefois, ce n'est pas parce qu'une amélioration doit être obtenue des EtatsUnis que nous ne devons pas, comme l'ont fait beaucoup d'autres pays, respecter ce que nous avons signé.

De la même façon, nous reviendrons, pour la juridiction compétente, à la décision que nous avions prise en première lecture, afin de ne pas centraliser toutes les procédures à Paris.

Le problème des déductibilités fiscales se pose moins qu'en première lecture, compte tenu de la position que nous allons prendre sur le deuxième alinéa de l'article 2.

Dès lors qu'il n'existera plus, il serait inconcevable d'introduire une distinction entre les contrats selon qu'ils prévoient ou non la déductibilité. Il faudra s'en tenir au principe de non-déductibilité.

Il en va un peu différemment pour le deuxième alinéa de l'article 2, qui a entraîné beaucoup plus de discussions, de réactions et d'interrogations. Les débats qui ont eu lieu ici même en première lecture, comme ceux qui se sont tenus au Sénat, ont mis en avant l'ambiguïté de la rédaction de cet alinéa dont le Gouvernement comme les sénateurs ont estimé qu'il ne s'agissait que d'une simple application du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Mais dès lors que c'est précisément un principe constitutionnel, force est de considérer que cet alinéa est inutile.

Les entreprises auraient cependant souhaité que les contrats antérieurs à la date d'entrée en application du texte puissent faire l'objet d'une déclaration notariée afin de donner date certaine à leurs conventions et de se voir appliquer dans de bonnes conditions ce principe de nonrétroactivité. Leur souhait de précaution est sage, mais il me paraît inutile de le prévoir dans la loi. En effet, les entreprises ont d'ores et déjà la possibilité, et je les incite à le faire, de donner date certaine à leurs contrats en déposant chez leur notaire les documents qui leur permettront ensuite de justifier de la réalité de leurs opérations.

En conclusion, nous devrions aboutir à un texte qui ne constituera certes qu'une étape, mais qui respectera scrupuleusement les conditions de la convention de l'OCDE et permettra à notre pays de se placer, comme il l'est sur d'autres sujets, à la pointe de la lutte contre la corruption et, plus généralement, contre la criminalité financière internationale. Je souhaite en conséquence que le Gouvernement, comme le garde des sceaux l'a fait à plusieurs reprises, et encore tout récemment, poursuive son action déterminée de coordination et joue un rôle moteur au sein des organisations internationales et tout particulièrement dans le cadre du comité de suivi de l'OCDE, afin de veiller à la cohérence des législations. Ainsi, la législation des Etats-Unis, dont on a évoqué les défauts, a fait l'objet d'une évaluation phase 1. Celle-ci sera bientôt suivie d'une phase 2 et les différents pays peuvent se porter candidats au groupe d'évaluation. Je souhaite évidemment que la France en fasse partie afin d'éviter toute suspicion entre nos pays. Je ne doute pas de la volonté des EtatsUnis à lutter contre la corruption, mais je suis tout aussi persuadé qu'ils ont un grand sens des affaires... Raison de plus pour travailler très sereinement sur cette législation.

Je vous remercie, madame le garde des sceaux, des propos que vous avez tenus tout à l'heure sur l'action de l'Assemblée nationale et de l'accord que vous avez exprimé sur plusieurs amendements qui, en reprenant certaines propositions de première lecture, nous permettront d'aboutir à un texte parfaitement opératoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cette convention était une nécessité et marque une grande avancée dans notre droit.

Sans revenir sur tous les propos que nous avons tenus en première lecture et sur les constats que vous avez faits, madame la garde des sceaux, rappelons que la corruption est un danger considérable. Danger pour les entreprises elles-mêmes, auxquelles les pots de vin coûtent de plus en plus cher, jusqu'à mettre parfois en péril leur équilibre même ; danger également pour la vie politique et la démocratie, puisque là où la corruption règne, c'est tout simplement l'Etat qui se délite ; danger enfin pour les relations internationales et pour une diplomatie trops ouvent ramenée à des préoccupations strictement commerciales.

Dès lors, il devient indispensable de rationaliser, voire de moraliser - nous revendiquons le mot - la passation des grands contrats dans le domaine économique. C'est aussi une exigence de la société civile, de plus en plus relayée par les médias. Les journalistes ont effectué dans ce domaine un travail considérable et permis de mettre en lumière toute une série de pratiques, voire de scandales qui ont, à juste titre, fait prendre conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de lutter contre la délinquance financière.

Dans le sens inverse, la concurrence mondiale exacerbée induite par un système ultralibéral en voie de mondialisation incite à recourir à tous les moyens pour emporter les marchés.

Nous connaissons tous l'argument avancé sitôt qu'on parle de corruption : « Si ce n'est pas moi, c'est l'autre qui le fera ». Mais nous ne saurions retenir cet argument et en rester au statu quo au seul motif que les voisins seraient animés des pires intentions. Pour avoir mené, l'an passé, avec deux de mes collègues une mission d'information sur les compagnies pétrolières, j'ai pu noter à quel point ces problèmes de corruption sont permanents et quelles conséquences, gravissimes, peuvent avoir ces pratiques dans les pays où elles s'exercent, le plus souvent dans le cadre de contrats pétroliers ou de commandes d'armement.

La position de la France gagne en clarté, en volonté, et je m'en réjouis. Elle avait été dans le passé parfois fluctuante et hésitante. L'anti-américanisme a parfois bon dos... Mais même si personne n'est naïf au point de croire que les proclamations de vertu des Américains sont toujours suivies d'effet, le fait que le concurrent désigné comme notre adversaire permanent s'autorise certaines pratiques ou contourne bon nombre de législations - la dernière condamnation de l'OMC montre effectivement que nos concurrents américains ont plus d'un tour dans leur sac - ne saurait être une raison pour ne rien faire.

A cet égard, j'avais souligné en première lecture à quel point le dernier alinéa de l'article 2 posait problème tant il risquait de faire peser la suspicion sur notre volonté réelle d'appliquer la convention. Du reste, comme c'était


page précédente page 01374page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

prévisible, cette disposition a soulevé d'énormes critiques - pas toujours de bonne foi, certes - et affaibli, sur ce sujet, notre position au sein de la communauté internationale. Je me réjouis donc que la commission ait finalement retenu notre position en proposant par un amendement la suppression de cet alinéa. Plutôt que de se perdre en arguties sur l'utilité de cette disposition ou sur la nécessité de rappeler le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, mieux valait clarifier les choses.

Je partage totalement l'avis du rapporteur qui souhaite voir la France jouer un rôle moteur dans le comité de suivi et dans l'application concrète de la convention, et examiner avec nos partenaires comment dissiper les points restant encore obscurs, notamment en ce qui concerne la question de la non-rétroactivité de la loi pénale, qu'il faudra bien trancher.

Il est vrai que beaucoup reste encore à faire. Personne n'imagine que la corruption disparaîtra du jour au lendemain grâce à ce texte. Néanmoins, il n'en marque pas moins une avancée considérable.

Le parcours est jalonné d'obstacles, comme le montre la mission que mènent nos collègues Montebourg et Peillon. Le Gouvernement, nous le savons, met tout en oeuvre pour avancer dans ce domaine. Mais force est de reconnaître que l'application effective de cette convention exigera encore des moyens considérables, en financements, en personnels qualifiés, en outils de coopération internationale.

Quoi qu'il en soit, au-delà de l'affichage et de la volonté que nous proclamons tous d'avancer dans ce domaine, il nous faut dès à présent assurer à cette convention une application concrète ainsi que les moyens nécessaires pour poursuivre dans cette lourde mais salubre tâche.

(Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, personne ne conteste l'utilité de lutter contre la corruption internationale, véritable fléau, comme l'a très justement dit M. le rapporteur, qui ruine la confiance des citoyens envers leur Etat, qui affaiblit les pays émergents, le plus soumis à la corruption, qui détourne les lois du marché et qui représente une force d'action de la criminalité organisée. Il est heureux que des organismes internationaux travaillent depuis longtemps déjà sur ce problème ; autant dire que nous allons dans le bons sens.

Le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture vise en fait à compléter notre code pénal et code de procédure pénale afin de donner à la France les moyens d'appliquer les conventions conclues dans le cadre de l'Union européenne et de l'OCDE, qui tentent de limiter les faits de corruption des agents publics et des fonctionnaires étrangers.

On ne peut pas, en étudiant ce texte, ne pas se poser la double question : premièrement, le texte va-t-il suffisamment loin ? Ne nous cantonnons-nous pas dans une certaine inaction et dans le seul effet d'affichage ? Deuxièmement, à supposer que ce texte ait une réelle efficacité, ne risquons-nous pas de déstabiliser les entreprises françaises et de les soumettre à la concurrence déloyale de pays étrangers qui, ou bien ne l'appliquent pas, ou bien, lorsqu'ils le font, trouvent, comme les Etats-Unis, le moyen de le contourner par une législation interne ? Rappelons en effet que seulement trente-quatre Etats sur près de deux cents ont signé cette convention. Et parmi les pays membres de l'OCDE qui s'y sont refusés, on trouve Israël, l'Afrique du Sud, la Chine, l'Inde, la Russie. Autant dire que la mondialisation de la lutte contre la corruption exigera encore bien du travail...

De surcroît, certains Etats, comme les Etats-Unis, ont une loi interne qui permet, grâce à un mode transactionnel de leur gestion pénale, d'échapper à un bon nombre de sanctions. Du côté des entreprises également, les possibilités de contourner la loi commune par le biais des sociétés écrans ou des paradis fiscaux sont nombreuses.

De fait, les divergences de vues entre l'Assemblée nationale et le Sénat ne portent pas tant sur le fond du texte lui-même que sur des problèmes somme toute mineurs : la compétence exclusive du tribunal correctionnel de Paris ou, à l'inverse, celle de tribunaux de province, ou encore l'application stricte des sanctions prévues par droit français plutôt que des peines de type européen. Ces éléments restent finalement secondaires au regard du problème posé par le deuxième alinéa de l'article 2, alinéa 2 : comment concilier l'éventuel caractère inconstitutionnel d'une limitation du principe de la non-rétroactivité des peines et notre souci de protéger les entreprises françaises qui auraient pris des engagements antérieurement à la loi ? L'arrêt de la Cour de cassation de 1997 précise que la corruption ne se limite pas au délit initial, mais se répète chaque fois qu'une commission est versée. Afin de ne pas pénaliser les entreprises françaises, diverses dispositions avaient été proposées, qui tendaient à limiter le temps durant lequel la « corruption » pouvait être envisagée, ou à avaliser le principe de la rétroactivité en prenant date par le biais d'une déclaration déposée devant notaire ou au tribunal. Tous ces éléments apparaissaient de nature à rassurer l'entreprise française et l'objectif du Gouvernement rejoignait la préoccupation exprimée par les élus de tous bancs.

Il nous est aujourd'hui proposé de supprimer, purement et simplement, cet alinéa au motif qu'il ne fait que reprendre un principe inscrit dans la Constitution. Mais même si les choses vont sans le dire, mieux vaut parfois les écrire dans la loi et apporter toutes les précisions nécessaires... Vous avez certes la sagesse, monsieur le rapporteur, de conseiller fortement aux entreprises de déposer chez un notaire les éléments du contrat afin de pouvoir prétendre, preuves à l'appui, au bénéfice de la non-rétroactivité.

Le problème de la corruption doit être abordé sans cynisme ni angélisme, en ayant bien conscience que si nous ne pouvons légiférer sous la pression des entreprises françaises - ce n'est pas notre objet -, nous ne saurions pas davantage le faire sous celle des Etats-Unis d'Amérique qui, en jouant avec la plus grande hypocrisie de leur droit interne et de toutes les manoeuvres dont nous les savons capables, s'acharneront à protéger les entreprises d'outre-Atlantique.

C'est la raison pour laquelle, si cette loi permet sans doute de franchir une étape, une étape positive, et va dans le bon sens, nous devrons poursuivre nos efforts afin de garantir une réelle harmonisation, au moins au sein des Etats qui ont signé les accords de l'OCDE, de permettre à ceux-ci d'être réellement appliqués dans la pratique et d'avancer plus loin encore. Le groupe UDF, vous l'aurez compris, ne s'opposera donc pas à ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.


page précédente page 01375page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. André Gerin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, ce projet de loi vise à transposer dans notre droit interne l'ensemble des engagements pris au niveau de l'Europe et de l'OCDE afin de lutter efficacement contre la corruption. C'est là un véritable défi de civilisation ; c'est l'ambition industrieuse et la grandeur de la France.

La France et l'Europe doivent se donner les moyens de combattre fermement la corruption, de frapper les délinquants en col blanc, mais aussi d'aider et d'encourager les industriels qui portent loyalement les intérêts de la France. On ne peut en effet tolérer que l'argent sale issu des trafics illicites et de la corruption puisse circuler en toute impunité et alimenter ainsi l'économie légale.

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas de l'argent sale qu'il est question !

M. André Gerin.

Ceux qui prônent l'anonymat et l'opacité visent en fait une politique à vocation totalitaire qui détruirait l'économie au profit de la spéculation.

Les députés communistes soutiennent la démarche du Gouvernement qui vise, à travers ces mesures, à se donner les moyens de lutter réellement contre la corruption internationale, et ainsi à contribuer à la transparence dans les transactions commerciales entre les pays.

Pour ce faire, il était proposé dans le texte initial que l'ensemble des incriminations créées, qu'elles soient le fait de fonctionnaires nationaux ou étrangers, soient punies de peines de dix ans d'emprisonnement et de 1 million de francs d'amende.

En première lecture, la majorité sénatoriale avait diminué de moitié les peines d'emprisonnement. C'est sans réserve aucune que le groupe communiste votera les amendements de la commission tendant à rétablir le texte initial.

Dans le même esprit, nous ne saurions partager la volonté de la majorité du Sénat de limiter la liste des peines applicables aux personnes morales. Le retour au texte initial sur cet article ne fera que respecter les dispositions de l'OCDE.

L'article 2, qui traite de l'applicabilité des mesures qui seront adoptées, pose un réel débat, que nous devrions pouvoir aborder sereinement.

Si nous sommes tous, à juste titre, attachés au principe de valeur constitutionnelle de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, chacun peut légitimement s'interroger sur le sort réservé aux commissions versées après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, mais qui n'en correspondent pas moins à l'exécution de contrats signés antérieurement.

En première lecture, notre assemblée n'a pas supprimé cette possibilité, mais a souhaité renforcer le dispositif en la soumettant à une déclaration des sommes versées à l'administration fiscale dans l'année suivant la mise en oeuvre des nouvelles incriminations.

Cette disposition n'est pas sans poser un problème de constitutionnalité dans la mesure où elle remet en cause partiellement le principe de non-rétroactivité. Son objectif est séduisant et louable, certes, mais elle risque de pénaliser les entreprises françaises face aux énormes intérêts, en p articulier américains. Non seulement, elles seraient conduites, contrairement aux entreprises étrangères qui ne seraient pas soumises à cette législation, à renier des engagements pris mais, surtout, elles risqueraient d'être traduites en justice, voire d'être stigmatisées au niveau international.

J'insiste car cela me paraît important : nous ne devons pas jeter l'opprobre sur les entreprises de notre pays. Cela les mettrait en difficulté car en situation de concurrence déloyale.

Le maintien des dispositions, que vous avez vous-même acceptées, madame la ministre, au Sénat, nous paraîtrait plus judicieux.

Afin d'éviter que les commissions versées après l'entrée en vigueur de la loi mais dans le cadre des contrats en cours soient à la fois illégales et fiscalement déductibles pendant un an, notre assemblée avait adopté un amendement tendant à supprimer le principe de la déductibilité à compter de l'entrée en vigueur de la convention OCDE.

J'aurais aimé que cette disposition soit maintenue. Je m'abstiendrai d'ailleurs quand on proposera de la supprimer.

Il faudrait aussi - et je soutiens notre rapporteur sur ce point - demander à l'OCDE la mise en place d'un groupe de suivi dans lequel la France devrait s'impliquer, et de rendre publiques les législations en vigueur.

Toutes les exportations devraient être soumises à ces mesures efficaces de lutte contre la corruption. Le Gouvernement français, via Bruxelles, devrait être encore plus incitatif et demander l'inscription de cette question à l'OMC. C'est en tous les cas d'actualité.

Compte tenu de ces observations sur les dispositions adoptées par le Sénat, je tiens à réaffirmer que les députés communistes adhèrent pleinement aux objectifs poursuivis par ce projet.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Je tiens d'abord, à l'occasion de l'examen en seconde lecture de ce projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption, à saluer la détermination du Gouvernement et de notre assemblée à lutter contre la corruption dans les affaires internationales et dans les échanges commerciaux internationaux.

Pour votre part, madame la garde des sceaux, vous avez voulu insister sur votre volonté personnelle et sur celle du Gouvernement de lutter contre toute forme de corruption et de blanchiment. Je me permets de vous rappeler que c'est le gouvernement précédent qui a fait ratifier, par cette assemblée, la convention tendant à lutter contre le blanchiment de l'argent sale et que, à plusieurs reprises, à cette tribune, je vous ai interrogée sur la volonté réelle de ce gouvernement d'inscrire à notre ordre du jour la ratification de la convention adoptée, voici trois ans, à l'unanimité par le Conseil de l'Europe visant à créer un espace judiciaire européen. Celui-ci permettrait aux juges d'instruction, dont les commissions rogatoires se heurtent, vous le savez, à l'inertie de leurs collègues de certains pays européens, d'être plus efficaces.

Mais je prends acte de vos déclarations, madame la ministre.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mme la garde des sceaux avait oublié !

M. Michel Hunaut.

A l'instar des autres pays signataires de la convention de l'OCDE, la France s'est engagée à modifier le droit interne pour le mettre en conformité a vec les dispositions de la convention OCDE du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Comme les orateurs qui m'ont pré-


page précédente page 01376page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

cédé à cette tribune, je ne peux qu'exprimer notre accord et le groupe du Rassemblement pour la République votera ce projet de loi.

Cependant, il convient de rappeler à cette tribune que les Etats-Unis ont joué un rôle moteur dans la négociation et l'aboutissement du projet de convention de l'OCDE, dont l'objet était précisément de contraindre tous les pays signataires à introduire, dans leur droit interne, des dispositions similaires à celles applicables aux

Etats-Unis depuis 1977, qui interdisaient, sous peine de sanctions pénales, la corruption de fonctionnaires étrangers en vue de l'obtention de marchés à l'exportation.

Mais comment ne pas penser aux déclarations de Mme Albright faisant, à Davos, un mauvais procès au Gouvernement et à l'Assemblée nationale française, les accusant d'inertie.

Or cette convention a déjà fait l'objet d'une discussion en première lecture dans les deux assemblées et en seconde lecture au Sénat, ce qui montre bien la volonté du Gouvernement, mais également du Parlement, de transposer, dans son droit interne, la convention de l'OCDE.

Par ailleurs, l'Organisation mondiale du commerce a considéré que le système de dégrèvement accordé aux filiales des grandes sociétés américaines implantées dans les paradis fiscaux équivalait à l'octroi de subventions à l'exportation, contraire aux engagements pris par les

Etats-Unis !

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Michel Hunault.

Il était bon de rappeler que les Américains ont ainsi été pris en défaut.

Je voudrais aussi souligner que ces accords internationaux, très contraignants, devraient s'appliquer également aux pays qui ne sont passignataires de la convention de l'OCDE. Deux orateurs l'ont dit avant moi, cette convention n'a été signée que par trente-quatre pays qui, s'ils représentent une certaine économie, ne représentent pas l'ensemble du commerce mondial.

M. Jean-Luc Warsmann.

Eh oui !

M. Michel Hunault.

La France est le quatrième exportateur du monde. Nous devons, lorsque nous discutons de ces textes, garder à l'esprit la nécessité de défendre nos grands groupes industriels.

Ce texte, nous l'avions dit en première lecture, est incomplet et limité dans son application. D'abord, il ne concerne que les agents publics et non le secteur privé.

Cela limite son application, en particulier dans certains pays où le secteur privé est prépondérant.

Par ailleurs, seule la corruption active est visée dans ce texte, laissant ainsi libre cours à la corruption passive.

C ela est d'autant plus inégal que certains pays contournent la législation par l'utilisation de sociétés écrans domiciliées dans des centres offshore ou des paradis fiscaux, usant alors d'une corruption passive à travers les avantages financiers qu'offrent ces mêmes centres.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est exact !

M. Michel Hunault.

Je voudrais insister sur deux points qui me semblent essentiels.

L'un concerne les éventuels conflits auxquels donnera lieu l'application de ce texte. Vous avez, madame la garde des sceaux, réaffirmé votre volonté de ne pas réserver cette compétence aux seules juridictions dotées d'un pôle économique. Je pense que c'eût été préférable.

Par ailleurs, je me réjouis que nous replacions l'application de cette loi dans le cadre du principe de nonrétroactivité de la loi pénale. Nous en avions discuté, en première lecture, et je constate que M. le rapporteur a modifié sa façon de voir les choses puisqu'il souhaitait, alors, que les contrats donnent lieu à des déclarations.

Enfin, cette convention n'est susceptible d'être efficace que si les lois nationales sont équivalentes en effectivité et en sévérité.

On sait qu'aux Etats-Unis l'engagement des poursuites relève d'un organe gouvernemental, que le quantum des sanctions est plafonné à cinq ans d'emprisonnement et qu'il existe - ce n'est pas le cas en France - la transaction pénale. Dans l'hypothèse où une entreprise française et une entreprise américaine se seraient livrées, conjointement, dans une opération commune, à des agissements susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la convention, les responsables de la première pourraient être poursuivis, condamnés et astreints à purger des peines de prison, tandis que leurs homologues américains pourraient bénéficier d'une transaction.

Je le répète, sur le principe, nous sommes unanimes à approuver cette convention et à nous réjouir qu'elle soit transposée dans le droit interne. Il ne faut pas néanmoins minimiser les contraintes qu'elle fera peser sur nos grands groupes industriels qui seront, demain, confrontés à une concurrence internationale telle qu'ils méritent que nous nous efforcions de les défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement de la République)

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la France se doit de préciser son droit dans ce domaine particulier qu'est le commerce international et la lutte contre la corruption.

Tous les grands pays, aujourd'hui, préconisent la liberté du commerce et des échanges. Mais en corrélation avec cette grande liberté, il faut qu'existent des règles i nternationalement reconnues et appliquées, qui ne faussent pas la libre concurrence. C'est loin d'être le cas aujourd'hui, d'autant que l'on sait jouer sur les mots.

Ainsi, j'ai lu dans un document que la « facilitation » n'est pas la corruption. Encore faut-il savoir ce qu'est la

« facilitation ».

La France, dont le commerce international est un des piliers de l'économie et de la vie sociale, se doit de montrer l'exemple, mais aussi de protéger ses entreprises contre toutes fausses actions concurrentielles. Elle ne saurait recevoir de leçon en particulier de ceux qui ont introduit dans leur législation quelques éléments qui simplif ient la vie de leurs entreprises. Par exemple, les

Etats-Unis d'Amérique ont, certes, adapté leur droit interne à la convention de l'OCDE, mais avec quelques bémols : Un citoyen américain, par exemple, coupable de cor-r uption de fonctionnaires américains risque jusqu'à quinze ans d'emprisonnement ; si le corrompu est étranger, la peine est limitée à cinq ans ! Une entreprise américaine peut inviter des fonctionnaires étrangers, prendre en charge les frais du voyage si l'entreprise y trouve un avantage de nature économique.

Une entreprise américaine qui a un contrat avec une agence fédérale ayant pour mission d'assurer la sécurité des Etats-Unis peut effectuer des paiements à l'étranger sans en justifier le pourquoi. Elle ne risque aucune sanction.

Cela dit, la France doit être loyale vis-à-vis de ses engagements internationaux, mais elle ne doit pas pénaliser ses entreprises. Si nous supprimons le deuxième alinéa de


page précédente page 01377page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

l'article 2 et si nous en modifions le troisième, il nous faut réaffirmer le grand principe constitutionnel de nonrétroactivité de la loi. Cela doit être dit très clairement, en s'appuyant sur l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et sur l'article 112-1 du code pénal, car notre souci constant est d'y être fidèle.

M. Michel Hunault.

Très bien !

M. Jacques Floch.

On doit également recommander aux entreprises, comme vous l'avez fait avec force, monsieur le rapporteur, de donner une date certaine aux contrats signés avant l'entrée en vigueur de la loi et de la faire authentifier auprès d'un officier ministériel, l'acte d'authentification devant préciser la date du contrat, le montant des sommes à verser et la date prévisible de leur versement.

Cette recommandation peut être faite, ici, dans le cadre du débat législatif, mais, ses conséquences étant d'ordre privé, elle ne peut apparaître dans la loi. Elle permettrait cependant aux entreprises de ne pas être piégées par la jurisprudence relative au délit de corruption, qui précise : « Le délit de corruption est une infraction instantanée, consommée dès la conclusion du pacte entre corrupteur et corrompu. Il se renouvelle à chaque acte d'exécution desdits pactes. »

E nfin, il apparaît de bonne logique que nous recommandions aux entreprises de prendre les devants et d'appliquer, avant même la promulgation de la loi, les mesures qu'elle propose.

Il serait bon aussi, madame la garde des sceaux, peutêtre dans une future directive générale, que vous précisiez l'esprit dans lequel la loi doit être appliquée, afin que les entreprises ne subissent nullement l'incertitude juridique et jurisprudentielle qui pourrait résulter d'interprétations diverses. Il en va de leur image. Car si les médias s'emparent d'une affaire de corruption, c'est l'image de marque d'une entreprise qui en souffre, même si les faits sont antérieurs à la loi que nous voulons voter aujourd'hui.

Le juste équilibre que vous avez trouvé, madame la garde des sceaux, avec M. le rapporteur, nous permet d'apporter notre vote positif à ce projet de loi et nous souhaitons très vivement qu'il soit adopté dans les meilleures conditions possibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, citoyen et vert.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons en deuxième lecture, qui vise à lutter contre la corruption, va évidemment dans le bon sens. Comme nous l'avons fait remarquer en première lecture, la lutte contre la corruption est un vrai devoir, compte tenu des menaces qu'elle constitue pour l'Etat, le droit et la démocratie en règle générale.

Pour lutter contre la corruption, ce projet de loi tend à transposer en droit français cinq conventions signées dans le cadre de l'Union européenne ainsi que celle signée le 17 décembre 1997, dans le cadre de l'OCDE, relative à la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

C'est vrai, il faut bien commencer par quelque chose ! La possibilité d'incriminer la corruption active, comme passive, d'agents publics ou de fonctionnaires étrangers est un bon début. Mais il ne faut pas se leurrer : il ne s'agit, hélas, que d'une goutte d'eau ! La volonté de bien faire est indéniable mais ne versons pas - ce que, d'ailleurs, n'a pas fait notre rapporteur - dans un quelconque angélisme, et ce pour des raisons multiples.

D'abord, s'agissant des dispositions principales du texte, la possibilité d'incriminer la corruption active et passive des fonctionnaires et autres agents publics étrangers n'a qu'une valeur symbolique. Ces dispositions, hélas, ne modifieront en rien les pratiques qui ont cours dans le commerce international. Cela est d'autant plus vrai que tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il existe des risques de contournement réels, notamment en raison de l'insuffisance du champ d'application de la convention OCDE, qui ne prévoit que l'incrimination de la corruption active d'agents publics étrangers et non la corruption passive. Il n'aura, enfin, échappé à personne que le trafic d'influence, infraction très proche de la corruption, n'est pas évoqué par ce texte.

Le texte que nous allons voter ne va donc pas provoquer d'opération « mains blanches » et il comporte bon nombre de mesures d'affichage.

Le commerce international, secteur particulièrement concurrentiel, ouvre une compétition acérée pour la conquête des marchés à l'exportation. Ce n'est pas un texte de cette nature qui poussera les entreprises à adopter des pratiques plus pures. Michel Hunault a évoqué tout à l'heure les centres offshore et les sociétés de droit local : il existe bien des moyens de tourner la loi.

Le risque réel, madame la garde des sceaux, c'est que certaines dispositions fragilisent les entreprises françaises.

Nous l'avons dit en première lecture, ce projet prévoit des peines qui nous apparaissent excessives et qui nient même le principe d'équivalence fonctionnelle, pourtant posé par la convention de l'OCDE. Il peut en résulter des distorsions de concurrence, notamment par rapport aux Etats-Unis d'Amérique, distorsions dont les entreprises françaises seraient les premières victimes.

A vouloir trop bien faire, on a inscrit dans ce texte nous le déplorons - des dispositions dont la cohérence n'est pas évidente. J'en veux pour preuve la nondéductibilité des commissions versées dans le cadre de contrats antérieurs à l'entrée en vigueur de la convention.

Comme en première lecture, nous contestons la cohérence de cette disposition, puisque ces commissions ne sont pas pénalement punissables et que, de ce fait, il y a distorsion entre la loi pénale et la loi fiscale.

Si nous reconnaissons le bon sens et la bonne volonté dont témoigne ce texte, nous nous interrogeons sur son applicabilité. Pour ces raisons, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne s'y opposera pas, mais s'abstiendra.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je me réjouis de la volonté unanime manifestée sur tous ces bancs de lutter plus efficacement contre la corruption dans la vie internationale.

Je tiens à apporter mon soutien à deux remarques, que je crois très importantes, du rapporteur.

D'abord, il convient, c'est vrai, d'inciter les entreprises à recourir à l'acte notarié, c'est une précaution essentielle.

Nous avons tous le souci de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Ensuite, votre rapporteur a tout à fait raison : nous devons insister pour que la France joue un rôle moteur dans le comité de suivi, notamment au cours de la phase 2 du suivi pour les Etats-Unis. Vous avez été nombreux à dénoncer la position de ce pays, ce que j'avais


page précédente page 01378page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

fait moi-même dans mon intervention au Sénat, car il y a d iverses façons d'appliquer les textes ! Nous ne méconnaissons pas les efforts à accomplir pour éviter que cette convention de l'OCDE ne soit contournée, et ce, bien entendu, au détriment de nos entreprises.

Monsieur Hunault, la convention de Strasbourg de 1990 sur la lutte contre le blanchiment de l'argent a été ratifiée en 1996. Il est vrai que le dispositif de transposition de cette convention mérite d'être renforcé, et j'y suis attentive, notamment dans le projet que présentera le Gouvernement sur la nouvelle régulation économique, mais cette convention a été ratifiée en 1996. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir s'il ne convient pas de renforcer notre droit interne.

Quant à la convention d'entraide pénale dont vous avez parlé, ce n'est actuellement qu'un projet, en cours d'élaboration depuis cinq ans, que je compte bien, avec mes collègues du conseil des ministres justice-affaires intérieures, mener à bien avant la fin de l'année.

Il n'y a donc pas, en matière d'entraide pénale, de convention qui aurait été adoptée et qui ne serait pas ratifiée parce que le Gouvernement aurait omis de l'inscrire à l'ordre du jour de votre assemblée.

Si vous aviez voulu souligner le fait que les gouvernements successifs se sont intéressés à la lutte contre la corruption, vous auriez été plus exacts en indiquant que la convention OCDE dont nous parlons aujourd'hui a été négociée par des gouvernements que vous avez soutenus, même si c'est nous qui l'avons conclue. Par conséquent, les critiques que vous avez apportées, ainsi que M. Bussereau, à son contenu, notamment concernant la lutte contre la corruption passive, s'adressent à tous les gouvernements qui ont participé à cette négociation.

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique et qui font l'objet d'amendements.

Article 1er A

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 1er A.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Rétablir l'article 1er A dans le texte suivant :

« I. Dans le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« II. Dans le premier alinéa de l'article 433-1 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« Dans le dernier alinéa de ce même article, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« III. Dans le premier alinéa de l'article 434-9 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« Dans le deuxième alinéa de ce même article, après les mots : "le fait", sont insérés les mots : ", à tout moment,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit de revenir au texte de première lecture et d'introduire dans la définition du déni de corruption l'expression « à tout moment ».

L'objectif de cette mention est d'éviter au juge d'instruction d'avoir à prouver l'antériorité d'un pacte de corruption, ce qui est difficile compte tenu de la nature occulte d'un tel pacte.

Cet amendement concerne à la fois la corruption telle qu'elle est visée par les articles actuels de notre code pénal et la corruption telle qu'elle est transposée des traités et accords.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Comme je l'ai dit dans mon discours introductif, je suis favorable à cet amendement qui doit être lu en liaison avec les amendements nos 5, 6, 8 et 10 et qui va au-delà de la simple transposition des engagements de la France dans la convention OCDE puisqu'il modifie la définition de la corruption, aussi bien nationale qu'internationale.

Je crois que ces amendements démontrent une détermination ferme de lutter contre la corruption. Il s'agit de pouvoir appréhender au fur et à mesure du déroulement de cette infraction complexe tous les éléments constitutifs de la corruption, et, par conséquent, le Gouvernement y est favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er A est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Il est créé, dans le titre III du livre IV du code pénal, un chapitre V intitulé : « Des atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats étrangers et des organisations internationales publiques » comprenant trois sections ainsi rédigées :

« Section 1

« De la corruption passive

« Art. 435-1. Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.


page précédente page 01379page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

« Section 2

« De la corruption active

« Sous-section 1

« De la corruption active des fonctionnaires des Communautés européennes, des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, des membres des institutions des Communautés européennes.

« Art. 435-2. Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire national d'un autre

Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« Sous-section 2

« De la corruption active des personnes relevant d'Etats étrangers autres que les Etats membres de l'Union européenne et d'organisations internationales publiques autres que les institutions des Communautés européennes.

« Art. 435-3. Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Art. 435-4. Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un magistrat, d'un juré ou de toute autre personne siégeant dans une fonction juridictionnelle, d'un arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction, soit par les parties, ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation, dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Section 3

« Peines complémentaires et responsabilité des personnes morales

« Art. 435-5. Non modifié.

« Art. 435-6. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 435-2, 435-3 et 435-4.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Pour une durée de cinq ans au plus, le placement sous surveillance judiciaire ;

« 3o La confiscation, suviant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;

« 4o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. »

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 435-1 du code pénal, après les mots : "sans droit," insérer les mots : "à tout moment,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

C'est un amendement de coordination avec ce que nous venons de voter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« I. Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-2 du code pénal après les mots : "sans droit,", insérer les mots : "à tout moment,".


page précédente page 01380page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

« II. En conséquence, procéder à la même insertion dans le dernier alinéa de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Même chose.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, substituer au mot : "cinq", le mot : "dix." » La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit de revenir à la peine prévue dans le projet initial, c'est-à-dire dix ans, et non pas cinq, et donc de prévoir une peine d'emprisonnement identique quel que soit le bénéficiaire de la corruption, qu'il s'agisse d'un fonctionnaire français ou d'un fonctionnaire étranger.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement ne peut qu'être favorable à cet amendement, qui rétablit son texte initial.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« I. Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, après les mots : "sans droit,", insérer les mots : "à tout moment,".

« II. En conséquence, procéder à la même insertion dans le deuxième alinéa de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal, substituer au mot : "cinq", le mot : "dix." » La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit là encore de revenir à une peine de dix ans.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« I. Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal, après les mots : "sans droit,", insérer les mots : "à tout moment,".

« II. En conséquence, procéder à la même insertion dans le deuxième alinéa de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Substituer au quatrième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 435-6 du code pénal les alinéas suivants :

« 2o Pour une durée de cinq ans au plus :

« l'interdiction d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« le placement sous surveillance judiciaire ;

« la fermeture des établissements ou de l'un des é tablissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

« l'exclusion des marchés publics ;

« l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;

« l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ; ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit de revenir à la version initiale pour les peines visant les personnes morales, puisque le Sénat avait supprimé certaines des sanctions prévues. L'OCDE prévoit l'assimilation des peines visant la corruption en France à celles visant la corruption à l'étranger.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui évite qu'il y ait un double régime de peines applicables aux personnes morales, selon que la personne corrompue exerce une fonction publique dans l'Union européenne ou dans un Etat qui n'en fait pas partie.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ainsi que l'article 689-8 du code de procédure pénale entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur sur le territoire de la République des conventions ou protocoles visés par ces articles.

« Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ne s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention visée par ces articles. »


page précédente page 01381page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. de Courson et M. Leonetti ont présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 2, insérer l'alinéa suivant :

« Les sommes ou avantages susceptibles d'être versés ou octroyés à l'occasion de contrats signés avant l'entrée en vigueur des articles 435-1 à 435-4 du code pénal, feront l'objet d'une déclaration, qui sera déposée auprès du tribunal de grande instance du lieu du siège social de la société, dans un délai de six mois à compter de cette entrée en vigueur, et qui pourra être remise au procureur de la République, au juge d'instruction ou au tribunal correctionnel compétents, en application des articles 43, 52, 382 et 704 du code de procédure pénale, qui en feraient la demande. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

J'avais déposé cet amendement de façon à clarifier le débat et à permettre aux entreprises de déclarer les contrats qui ont donné lieu à versement.

Nous avions eu un débat pour savoir si la déclaration devait avoir lieu, chez un notaire, au TGI, etc. Après avoir hésité, il me semble que le TGI aurait l'avantage d'une certaine solennité et permettrait d'éviter toute discussion. On ne sait jamais. Il peut toujours y avoir des brebis galeuses !

M. Jean-Luc Warsmann.

Oh !

M. Charles de Courson.

Cela peut arriver, mes chers collègues.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Au TGI aussi !

M. Charles de Courson.

Les notaires ont créé euxmêmes des instances disciplinaires et j'ai des amis notaires qui n'apprécient pas beaucoup d'avoir à payer des sommes parfois considérables parce que l'un des leurs a fauté.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il a parfaitement raison !

M. Charles de Courson.

Et quelle est la catégorie sociale qui n'a pas une brebis galeuse ? Il y en a même parmi les députés, disent certains ! Revenons à nos moutons ! L'objet de cet amendement est de clarifier le débat sur la date certaine. Les entreprises seront libres de faire une déclaration ou de ne pas en faire. Celles qui n'en feront pas prendront leurs risques !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacky Darne, rapporteur.

La commission n'a pas retenu cet amendement, d'abord parce que, dans l'amendement suivant, l'amendement no 12, nous proposons la suppression de l'alinéa. Ces deux amendements auraient d'ailleurs pu faire l'objet d'une discussion commune.

Nous avons eu une longue discussion sur ce point en première lecture. J'avais alors proposé une déclaration aux impôts. L'orientation générale était la même. Il s'agissait de savoir qui devait recevoir cette déclaration. En réalité, il y a trois possibilités : un tribunal, les services des impôts, un notaire. Mais le problème de fond - et c'est pourquoi j'ai renoncé à cette idée - c'est que, quelle que soit la forme, une disposition de ce genre introduirait dans le droit une dérogation à un principe général constitutionnel. Nous donnerions un signal qui pourrait être interprété comme une atténuation de notre détermination à lutter contre la corruption. Mieux vaut supprimer cet alinéa.

En revanche, il est bon de permettre aux entreprises de donner date certaine et, traditionnellement, c'est un officier ministériel, le notaire, qui donne date certaine aux actes.

Que les notaires en soient donc chargés, si les entreprises le souhaitent. Il est de la responsabilité des entreprises de fournir des documents suffisamment précis et complets, mais ce serait vrai dans tous les cas de figure : que ce soient les services des impôts, le notaire ou le tribunal de grande instance, les documents déposés doivent être probants, c'est-à-dire comporter les éléments de commission à verser.

Je propose donc le rejet de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis défavorable à cet amendement. En droit pénal, sauf exception rarissime, la preuve est libre et il n'appartient pas au législateur d'imposer un mode particulier de preuve.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Madame la ministre, vous dites, et c'est exact, que la preuve est libre, sauf dispositions exceptionnelles, mais avouez, mes chers collègues, que c'est le cas, s'agissant de la fin de contrats existants, et je reprendrai la parole tout à l'heure sur l'amendement suivant, qui pose un problème très difficile.

C'est donc parfaitement possible, madame la ministre, et cela aurait au moins l'avantage d'unifier les formes de la preuve. On sait ce qui se passe, en effet. Si nous repoussons l'amendement no 2 et si nous adoptons, en plus, l'amendement no 12, les conséquences seront graves, mes chers collègues.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 12 et 1.

L'amendement no 12 est présenté par M. Darne, rapporteur ; l'amendement no 1 est présenté par M. Franzoni et M. Hascoët.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 2. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Je viens de donner l'esprit général de ces amendements. Après les débats qui ont eu lieu en première lecture, la discussion au Sénat et les réactions de nos partenaires l'OCDE ont montré une image contraire à l'intention affichée ici. Ce qui est clairement affirmé, c'est notre détermination à lutter contre la corruption.

Le principe de non-rétroactivité existe dans notre droit.

C'est un principe constitutionnel. A quoi bon le réaffirmer si nous donnons une image contraire ? Il faut donc supprimer le dernier alinéa de l'article 2. Nous ne gênerons pas les entreprises si elles suivent les conseils que nous leurs avons donnés tout à l'heure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je suis favorable à cet amendement qui tend à supprimer l'alinéa 2 de l'article 2, parce que je crois, en effet, nécessaire de dissiper toute espèce de suspicion sur notre volonté de lutter contre la corruption.

Bien entendu, les entreprises et les citoyens ont droit au respect du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale. Il appartiendra aux juridictions


page précédente page 01382page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

souveraines d'assurer le respect de ce principe, que le souci légitime de répression de la corruption internationale ne doit pas battre en brèche.

M. Jacques Floch.

Excellent !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Je voudrais répondre aux arguments du rapporteur et de Mme la ministre et présenter l'amendement no 3 car il tombera si les amendements nos 12 et 1 sont adoptés.

Il y a deux thèses. Puisque l'on a beaucoup hésité entre différentes solutions en première lecture, certains suggèrent de prévoir un délai après la parution de la loi - on avait parlé de deux ans, éventuellement cinq ans, et on devait voir après le passage au Sénat -, sachant qu'après, c'est terminé. Il y a, en effet, tout le problème de la corruption liée aux livraisons étalées dans le temps. C'est le cas dans l'aéronautique civile, dans l'aéronautique militaire et pour de nombreux contrats qui ne sont pas exécutés en une fois.

Si nous adoptons l'amendement de notre rapporteur, appuyé par le Gouvernement, je crains fort qu'on ne contourne le dispositif avec une très grande facilité. Il suffira de verser une certaine somme sur un compte et d'en échelonner le versement. Une telle pratique sera-telle sanctionnable ? On expliquera que la somme a été versée antérieurement à la date de publication de la loi.

On verra donc apparaître des « châteaux d'eau » à partir desquels on répartira la somme les années suivantes. Le vote de l'amendement no 12 permettra-t-il de sanctionner ? Je ne le crois pas.

Par ailleurs, cela ne va-t-il pas entraîner des ruptures de contrat ?

M. René Dosière.

Vous n'avez que de mauvaises pensées ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

... Après tout, on ne peut pas dire que l'on passe l'éponge sur le passé mais que, pour les contrats progressifs, on arrête.

J'ai consulté un certain nombre de grandes entreprises pour savoir ce qui se passait. Selon elles, si l'on fixe un délai de cinq ans, comme le prévoit l'amendement suivant, grosso modo, l'essentiel passe, et après, c'est terminé. C'est cela notre responsabilité.

Pour résumer, attention au contournement du texte que nous serions susceptible de voter. Ne vaut-il pas mieux être pragmatique et ne pas nuire aux intérêts tels qu'ils sont aujourd'hui, à la date de publication de la loi ? C'est ce que je proposais dans mon amendement, et, en première lecture, mes chers collègues, il y avait un très large consensus autour de cette idée. On avait plutôt parlé de deux ou trois ans et dit qu'il fallait voir. S'il faut mettre trois ans, on mettra trois ans, ce n'est pas un problème, mais fixons un délai, et après, c'est terminé.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Monsieur de Courson, près de la moitié des pays ont déjà transposé cette convention de l'OCDE et aucun n'a introduit une clause comme celle-ci. C'est le cas, par exemple, de l'Allemagne, qui a transposé la convention bien avant nous puisque c'était en novembre 1998. Depuis, la convention est entrée en application, et les entreprises ne sont pas pour autant confrontées à des difficultés.

S'il en apparaissait, le comité de suivi de l'OCDE pourrait donner une indication générale sur la façon de traiter cette question, mais tous les signataires de la convention OCDE doivent avoir une approche la plus commune possible. Pour le moment, être les seuls à introduire une telle clause serait une erreur parce que nous avons tous les dispositifs nécessaires pour compenser l'absence de cet alinéa, avec la déclaration notariale dont nous avons parlé tout à l'heure.

M. Charles de Courson.

Et les châteaux d'eau ?

M. le président.

Je mets aux voix par une seul vote les amendements nos 12 et 1.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 3 de M. de Courson devient sans objet.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3 bis

M. le président.

« Art. 3 bis. - I. - L'article 706-1 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 706-1. - Pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes incriminés par les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République de Paris, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 282, du second alinéa de l'article 663 et de l'article 706-42.

« Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des infractions prévues aux articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l'étendue du territoire national. »

« II. - A la fin du premier alinéa de l'article 693 du même code, les mots : « et 706-17 » sont remplacés par les mots : « , 706-1 et 706-17 ».

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 3 bis. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit de revenir au texte adopté par l'Assemblée en première lecture, c'est-à-dire d'éviter la centralisation de l'instruction de ces affaires par les tribunaux parisiens. Les juridictions qui disposent d'un pôle économique et financier peuvent parfaitement instruire ce type de dossier.

M. Jacques Floch.

La province est aussi capable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à cet amendement, qui doit être mis en relation avec l'amendement no

14. Ces amendements ont pour objet de supprimer la compétence nationale de la juridiction parisienne qui avait été introduite par le Sénat.

J'indique à nouveau que le Gouvernement mène une politique résolue pour professionnaliser la lutte contre la délinquance financière et renforcer les moyens des juridictions spécialisées, notamment par la mise en place des pôles économiques et financiers.

Dans ces conditions, il est tout à fait inopportun de dessaisir les juridictions spécialisées de province de ce contentieux.


page précédente page 01383page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. Jacques Floch.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 bis est supprimé.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. Le deuxième alinéa (1o ) de l'article 704 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 1o Délits prévus par les articles 222-38, 313-1, 313-2, 313-4, 313-6, 314-1, 314-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 et 435-2 du code pénal. »

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa de l'article 4, substituer aux références : "435-1 et 435-2 du code pénal", les références : "435-1 à 435-4 du code pénal". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

14. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4 bis

M. le président.

« Art. 4 bis Le début du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé : "Pour les contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention ... (Le reste sans changement.)

". »

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 15, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 bis :

« Le début du 2 bis de l'article 39 du code général d es impôts est ainsi rédigé :

« A compter de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention sur la lutte contre la corruption ... (Le reste sans changement.)

" » La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

L'objet de cet amendement est de supprimer la déductibilité des pots-de-vin.

Je précise d'ailleurs à notre collègue Gerin qu'il s'agit bien d'un retour au texte adopté par l'Assemblée en première lecture, avec toutefois une petite différence puisque nous avons supprimé l'alinéa 2 de l'article 2. A cette différence près, c'est bien la même chose.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est M. Charles de Courson, contre l'amendement.

M. Charles de Courson.

Eventuellement contre, car je voudrais obtenir un explication avant de me prononcer.

Il est écrit dans l'exposé des motifs de l'amendement que ce dernier fait « coïncider la fin de la déductibilité fiscale avec l'entrée en vigueur de la convention pour les conventions illégales comme pour celles qui seraient légales ».

M. René Dosière.

Quelle idée perverse avez-vous donc encore derrière la tête ?

M. Charles de Courson.

Cela implique déjà de distinguer les commissions illégales de celles qui sont légales.

Pour les commissions illégales, je conçois mal que nous puissions accepter qu'elles soient déductibles.

M. Bernard Roman.

C'est pour cela que c'est écrit dans la loi !

M. Charles de Courson.

Mais pour les commissions légales, c'est tout de même un peu bizarre d'accepter leur existence et de refuser leur déductibilité ! Que les commissions illégales ne soient pas déductibles, soit ! Mais que les commissions légales soient traitées en matière fiscale comme celles qui sont illégales, cela me paraît un peu curieux !

M. Emile Blessig.

Il a raison !

M. Charles de Courson.

Comment ce qui est légal peut-il être répréhensible fiscalement ? Je ne comprends plus très bien. Pourriez-vous me donner une explication, monsieur le rapporteur ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

M. de Courson est trop bon et trop fin fiscaliste pour ignorer que, à l'heure actuelle, dans notre droit fiscal, quantité de charges légales ne sont pas déductibles. C'est le cas, par exemple, d e l'amortissement des voitures de plus de 120 000 francs.

M. Bernard Roman.

Excellent argument du rapporteur !

M. Jacques Floch.

Imparable !

M. Jacky Darne, rapporteur.

Bien entendu, les commissions illégales ne sont pas déductibles. Et quand bien même certains pots-de-vin liés à des contrats antérieurs seraient légaux, il n'y a aucune raison qu'ils soient déductibles dès lors que le présent texte entrera en vigueur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 4 bis est ansi rédigé.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)


page précédente page 01384page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

8 VALIDATION LÉGISLATIVE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de loi de M. André Gerin relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (nos 2046, 2187).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à M. André Gerin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. André Gerin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la garde des sceaux, mesdames et messieurs les députés, l'an dernier, j'ai été alerté par des représentants de syndicats de personnel de surveillance sur les conséquences sociales et humaines que n'allait pas manquer d'entraîner la décision des tribunaux d'annuler l'examen professionnel de 1992 pour le grade de premier surveillant. Aussi, le 21 juin dernier, je vous ai écrit pour appeler votre attention sur ce sujet.

Puis, le 22 décembre, j'ai déposé une proposition de loi destinée à valider cet examen. Je ne souhaite pas vous lire le contenu de ce texte, mais je vous indique qu'il s'agit avant tout de réparer un préjudice moral, social, et d'éviter des conséquences humaines disproportionnées par rapport aux faits incriminés. Cela concerne la carrière de 181 agents et, dans certains cas, les veuves de certains d'entre eux.

Il faut bien avoir présent à l'esprit que ce dossier est vieux de neuf ans. Il n'y a rien à redire sur le travail de la justice, laquelle a constaté des erreurs de forme dans l'organisation de l'examen. En revanche, la lenteur des procédures judiciaires peut être déplorée une nouvelle fois, ce que, même si ce n'est pas le propos principal, la Cour européenne des droits de l'homme pourrait faire remarquer une fois de plus à la France.

Bref, il s'agit de faire réparer une faute de l'administration pénitentiaire par le législateur, comme il a déjà été obligé de le faire récemment pour un examen de 1997 ! Chers collègues, je vous demande donc de valider, pour cause d'intérêt général, cet examen vieux de neuf ans. Il serait, en effet, surréaliste de faire passer de nouveau un concours aux personnels concernés : il faudrait alors procéder à des rétrogradations de ces personnels et de leurs remplaçants à leurs anciens postes, revoir les traitements, réviser les pensions de réversion versées aux conjoints des agents décédés depuis lors. Des situations totalement aberrantes risqueraient ainsi d'être créées.

Cette validation vise donc à prévenir des conséquences sociales inacceptables.

Madame la ministre, comment l'administration pénitentiaire peut-elle commettre de telles erreurs ? Il serait bon de tirer les enseignements de cette affaire. L'organisation, le contenu, tout doit être parfaitement au point. Il y a là des problèmes de technique administrative et de professionnalisme.

Je sais qu'un décret de 1993 a transformé les examens d'accès au grade de premier surveillant en concours pour en améliorer les modalités.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela n'a pas empêché un autre problème !

M. André Gerin, rapporteur.

Toutefois, ce n'est apparemment pas encore suffisant puisque les parlementaires ont dû valider un examen datant de 1997.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très juste !

M. André Gerin, rapporteur.

Je tiens à dire, au nom de la commission des lois unanimes qu'il est inadmissible, sur le plan des principes, que de tels faits se reproduisent.

Madame la ministre, je fais confiance à votre opiniâtreté pour remédier à ces problèmes. Selon la commission, il serait intéressant de savoir si les responsables de cette situation ont subi des sanctions disciplinaires. Une telle médiocratie nous fait perdre du temps, ce dont nous nous serions bien passés.

Au moment où une importante prise de conscience semble se faire jour dans notre pays au sujet de nos prisons, nous devons être justes envers les surveillants de prison en réparant cette erreur. Nous devons les soutenir et les valoriser dans leur profession, tout comme nous devons aider les détenus à se réinsérer.

Chers collègues, je vous remercie de voter en faveur de ce texte, au nom de l'intérêt général et de l'égalité pro fessionnelle pour les surveillants concernés.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier M. André Gerin d'avoir pris l'initiative d'une proposition de loi qui traduit une vigilante attention à l'égard des personnels pénitentiaires. Pour des raisons auxquelles a été sensible votre commission des lois et que je vais rappeler, ce texte apportera à un grand nombre d'agents l'apaisement auxquels ils aspirent après avoir craint de voir remettre en cause leur situation professionnelle.

J'aborderai successivement les événements se trouvant à l'origine de la proposition de loi, la situation qui en est résultée pour certains agents de l'administration pénitentiaire et les questions juridiques susceptibles de se poser.

D'abord, les événements se trouvant à l'origine de votre saisine.

La proposition de loi qui vous est soumise a pour objet de valider les promotions de 181 fonctionnaires au grade de premier surveillant de l'administration pénitentiaire.

Ces promotions prenaient respectivement effet au 1er juillet 1992 et au 1er mars 1993 et faisaient suite à l'arrêté ministériel du 10 avril 1992 fixant la liste d'aptitude à l'exercice des fonctions de premier surveillant, telle qu'elle avait été établie à l'issue de l'examen professionnel d'accès à ce grade organisé au titre de la session 1991-1992.

Ces promotions ont été annulées par deux jugements du tribunal administratif de Paris des 20 mai et 1er juillet 1997, confirmés en appel le 4 juin 1998. Ainsi, le déroulement de carrière des intéressés au cours des six années antérieures a été remis en cause.

Ces décisions étaient fondées sur deux motifs tirés d'irrégularités formelles dans l'organisation de l'examen.

Le premier de ces motifs tenait à la désignation de certains examinateurs en dehors des membres du jury. Je précise qu'un arrêté ministériel du 20 janvier 1978 auto-


page précédente page 01385page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

risait alors le président du jury à faire appel à d'autres examinateurs, participant aux épreuves de sélection dans les mêmes conditions que les membres du jury. L'objet de cette disposition était de permettre de recourir à des c ompétences extérieures pour la bonne organisation d'épreuves auxquelles se présentent un très grand nombre de candidats. Cet arrêté a naturellement été invalidé par les décisions que je viens d'évoquer, et mes services en ont tiré toutes les conséquences pour les examens et concours qu'ils continuent d'organiser.

Le second motif tenait à l'absence de mention au procès-verbal des délibérations d'une péréquation des notes entre les différents groupes d'examinateurs : c'était une erreur purement formelle, bien que particulièrement regrettable, car la péréquation a bien eu lieu.

Autrement dit, le concours n'a été entaché d'aucune fraude portant atteinte à l'égalité entre les candidats.

Pourtant, les conséquences susceptibles d'en découler pour les agents sont d'une gravité très disproportionnée au regard de l'erreur commise, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur.

J'examinerai maintenant la situation des agents.

Je rappelle que 181 agents sont directement concernés par l'invalidation de l'examen qui leur a permis d'accéder aux fonctions de premier surveillant. Certains ont, depuis leur promotion, pris des grades supplémentaires. D'autres ont été admis à la retraite et l'annulation de leur nomination en qualité de premier surveillant aurait pour effet de remettre en cause le montant de leur pension, calculée à partir du dernier indice de traitement d'activité perçu. Il faut aussi penser aux ayants droit de deux agents décédés.

Bref, toutes ces situations se trouveraient brusquement compromises, alors même, comme je l'ai déjà souligné, qu'aucun principe fondamental n'a été violé au moment de l'examen que les agents ont subi avec succès.

En outre, la promotion au grade de premier surveillant des agents concernés a induit de nouveaux recrutements et des mutations en vue de combler les vacances d'emplois de surveillant qu'ils occupaient précédemment.

Les personnels ainsi recrutés ou mutés pourraient également voir leur situation remise en cause si l'administration procédait aux rétrogradations des 181 agents.

Enfin, et ce n'est pas le moins important, certains des agents dont la promotion a ainsi été annulée ont siégé en qualité de représentants des premiers surveillants à la commission administrative paritaire du corps de gradés et surveillants chargée d'émettre des avis sur les mesures individuelles intéressant la carrière des membres de ce corps, qu'il s'agisse de mutations, d'avancement ou de discipline. Cette circonstance pourrait être la cause de contestations de la validité des avis émis par une commission paritaire irrégulièrement composée.

En définitive, c'est la régularité de plus de 3 000 décisions individuelles prononcées après avis de cette commission qui pourrait se trouver remise en cause du fait de ces annulations. La validation législative est ici non seulement le meilleur mais aussi l'unique moyen de ne pas s'engager dans un processus impossible.

Croyez bien que je comprends les interrogations exprimées par certains d'entre vous au cours des travaux de votre commission des lois, en particulier par sa présidente Catherine Tasca et vous-même, monsieur le rapporteur : la validation législative a pour objet de pallier les effets d'un dysfonctionnement,...

M. André Gerin, rapporteur.

De remédier aux conséquences d'une carence.

Mme la garde des sceaux.

... qu'il eût été infiniment préférable d'éviter, j'en suis moi aussi convaincue.

Mes services ont été, croyez-le bien, sensibilisés à l'obligation qui leur incombe d'éviter le renouvellement d'une telle situation dont je comprends que personne ne puisse la trouver satisfaisante.

Mais, pour autant, peut-on faire supporter les conséquences d'une erreur, aussi regrettable soit-elle, à des fonctionnaires qui lui sont totalement étrangers ? Votre commission des lois ne l'a pas voulu, et je l'en remercie.

Reste à examiner si cette validation législative est juridiquement possible. M. Gerin s'est déjà exprimé sur ce point, et vous avez compris que je le rejoins pleinement dans son analyse.

J'en viens aux questions juridiques, le juge constitutionnel subordonne la constitutionnalité d'une loi de validation d'actes administratifs, d'une part, à sa justification par des nécessités d'intérêt général et, d'autre part, à son caractère préventif. Ces deux critères sont ici réunis.

Il est évident que la proposition de loi a pour objet de satisfaire des nécessités d'intérêt général. Il est en ef fet conforme aux nécessités d'intérêt général de ne pas remettre en cause les 3 000 décisions individuelles que je viens d'évoquer.

Il serait en réalité non seulement contraire à l'intérêt g énéral, mais aussi incompréhensible, de dire aux 181 fonctionnaires qui ont été reçus à un examen il y a maintenant huit ans que l'on va les replacer, sans aucune faute de leur part, dans leur situation antérieure.

Il serait tout aussi contraire à l'intérêt général de dire à ceux, beaucoup plus nombreux, conduits à subir par ricochet les conséquences de l'invalidation du même examen, que leur parcours professionnel accompli depuis 1993 devrait être mis entre parenthèses.

Reste la question du caractère préventif.

Vous savez qu'une loi de validation ne peut, sans violer le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, remettre en cause une décision de justice passée en force de chose jugée. J'insiste sur le fait que la proposition de loi qui vous est soumise n'a pas pour objet, ni même pour effet, une telle remise en cause.

En effet, à la suite de la confirmation en appel des deux jugements du tribunal administratif de Paris, certains des agents dont la promotion était annulée ont formé tierce opposition aux arrêts confirmatifs les concernant et qui avaient été rendus dans des instances auxquelles ils n'avaient été ni présents ni représentés. Les arrêts n'ayant pas été signifiés à l'ensemble des agents, ceux qui n'ont pas formé tierce opposition à ce jour sont encore en droit de le faire.

De tels recours qui, à l'inverse des pourvois en cassation, ont pour objet de faire rejuger l'affaire au fond ont également pour conséquence que la décision de justice contre laquelle ils sont formés ne passe en force de chose jugée vis-à-vis des tiers opposants qu'à compter du rejet éventuel de la tierce opposition, laquelle n'a pas été purgée à ce jour.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'estime justifiée en opportunité et régulière en droit la proposition de validation qui vous est présentée, et je tiens une nouvelle fois à remercier M. André Gerin pour l'attention dont il fait preuve à l'égard des personnels de l'administration pénitentiaire en soutenant cette proposition de loi, ainsi que votre commission des lois qui l'a suivi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 01386page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à l'évidence, le rôle du Parlement a évolué. Nous venons de vivre les péripéties de la désormais célèbre « cagnotte » qui ont mis en évidence les faibles moyens dont nous disposons pour exercer notre mission : faire la loi et contrôler le Gouvernement. En la matière, la lumière a été faite du peu de cas qui est réservé à la représentation nationale. Il en va de même des projets de codification par ordonnance, textes que connaissent bien mes collègues membres de la commission des lois et qui, eux aussi, d'une certaine manière, sont symboliques du dessaisissement du Parlement.

On a donc trouvé dans une nouvelle mission pour le Parlement : la validation d'examens professionnels ou universitaires. Nous en avons un exemple tout récent : la validation de l'examen de médecine de première année de l'université de Montpellier.

Chers collègues, normalement, une validation législative n'est possible que si elle est motivée par un impératif d'intérêt général. Seulement, vous savez comme moi que la notion d'intérêt général n'est pas juridiquement définie en tant que telle. A partir de là, tout peut arriver.

On nous dit, et M. Gerin le dit avec beaucoup de sincérité, que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui remplit ce critère, puisque l'annulation du concours aurait des effets disproportionnés par rapport aux erreurs matérielles commises. C'est vrai, mais on passe finalement son temps à compromettre la séparation des pouvoirs et à remettre en cause, par le biais du législateur, la décision d'une juridiction souveraine.

Ce qui me frappe sur le fond, c'est que ce type de proposition de loi ne connaît pas de limite. Dès lors que l'on estime -, et Rousseau doit se retourner dans sa tombe -, que l'intérêt général se définit par l'addition d'intérê ts individuels, c'est ouvrir la porte en permanence à ce type de validation.

En tout cas, comme M. Gerin l'a rappelé au nom de la commission des lois et je m'associe bien sûr à ses propos -, cette validation législative ne doit être en aucun cas le prétexte à exonérer de responsabilités, et donc d'éventuelles sanctions, le directeur alors responsable de l'administration pénitentiaire et les fonctionnaires responsables de l'organisation de ce concours.

Vous le voyez, madame la garde des sceaux, nous sommes très partagés. Il y a d'un côté les intérêts des p ersonnels, que vous-même et le rapporteur avez rappelés, et de l'autre l'agacement créé par le dessaisissement du législateur, par la procédure suivie, par le non-respect des principes généraux du droit.

Il n'est évidemment pas question de voter contre cette proposition de loi, car ce serait aller contre les intérêts des fonctionnaires. Mais, au nom des principes, notre groupe s'abstiendra.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons à nous prononcer sur la validation par la voie législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire. C'est là une démarche assez exceptionnelle qui mérite naturellement une explication précise et motivée.

Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés à cette situation qui a conduit la justice à annuler en 1997 puis en 1998, des promotions à compter du 1er juillet 1992 et du 1er mars 1993, promotions que le rapporteur vous propose aujourd'hui de valider par la voie législative ? La réponse est assez simple et de celle-ci découle naturellement la justification de cette proposition de loi. Il s'agit du constat d'erreurs de l'administration qui n'en fait pas ? -, mais je m'empresse de souligner avec insistance qu'aucun principe fondamental n'a été violé. Seules des irrégularités formelles dans l'organisation de cet examen ont été retenues par le tribunal administratif de Paris, puis confirmées par la cour administrative d'appel de Paris.

Je relève tout d'abord dans la situation des agents en cause que l'annulation ne peut pas changer les états de service de ces fonctionnaires. Ce sont d'ailleurs, n'en doutons pas, des agents qui font leur travail de manière exemplaire ; j'ajouterai même « qui faisaient », car certains sont aujourd'hui en retraite, et d'autres, malheureusement, décédés.

N ous avons l'impérieuse mission d'apporter une réponse à cette situation à laquelle nous sommes confrontés, et ce dans le souci de l'intérêt général bien sûr ma is aussi dans celui de l'intérêt des agents. Pourquoi se le cacher ? Les agents ne sont pas, bien évidemment, responsables des dysfonctionnements soulignés par la justice. Et si je déplore, avec l'ensemble de la commission des lois, cette m auvaise organisation de notre administration c'est inacceptable -, il n'en demeure pas moins que 181 agents ont passé avec succès un examen professionnel important pour le déroulement de leur carrière, pour leur retraite et que, en l'absence de toute procédure exceptionnelle de validation législative, ces personnels pourraient se voir rétrogradés, avec l'ensemble des conséquences statutaires et financières que cela implique alors qu'ils ont une situation statutaire acquise depuis presque dix ans.

L'annulation ne pourrait qu'entraîner la nullité des décisions prises ès qualités par les premiers surveillants depuis 1991, ce qui créerait plus de désordre que la validation elle-même. En outre et ainsi que vous l'avez dit, madame la garde des sceaux, ce seraient 3 000 agents de l'administration pénitentiaire qui seraient concernés par la révision de la grille d'avancement.

Mesdames, messieurs, vous le comprendrez aisément, nous avons le devoir d'apporter une réponse adaptée et conforme à l'intérêt de ces personnels et la solution ne peut plus passer que par la voie législative.

Je vous remercie, pour eux et pour l'administration, d'adopter, avec le groupe socialiste, la proposition de loi de notre collègue André Gerin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Soyons très clairs : le groupe du RPR votera la proposition de loi relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, présentée par notre collègue André Gerin.

Le groupe du RPR votera cette proposition de loi parce qu'elle est entièrement justifiée en équité. J'aurais même tendance à dire qu'elle n'est justifiée qu'en équité.


page précédente page 01387page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Elle est justifiée en équité parce qu'il n'est pas admissible de remettre en cause la carrière des agents concernés, non plus que la situation des familles huit ans après l'examen...

Mais si j'ai dit qu'elle n'est justifiée qu'en équité, c'est parce qu'elle pose au moins deux problèmes de fond.

Le premier est évidemment celui de la responsabilité des fonctionnaires qui ont commis les fautes. Car il s'agit bien de fautes. A cet égard, je regrette, madame la garde des sceaux, que vous n'ayez pas répondu à l'interpellation que vous a adressée l'ensemble de la commission des lois.

La présidente de la commission cela figure dans le rapport - a d'ailleurs souhaité, commme le rapporteur, que cette interpellation soit au coeur du débat.

J e repose donc la question : quelles seront les recherches de responsabilité qui seront faites ? Le Gouvernement a tenu des discours sur la responsabilité des magistrats il y a quelques semaines. Eh bien ! nous avons là un exemple de responsabilité à la suite de fautes. Or les textes existent et je souhaiterais donc connaître les mesures qui seront décidées en la matière car le dommage causé à tous les agents concernés est réel.

J'oserais dire, mes chers collègues, que le coût de l'erreur est également lourd car amener l'Assemblée, puis le Sénat à travailler un certain temps sur un texte a un coût pour les finances publiques. S'il y a eu fautes, il ne me semble pas choquant que les personnes responsables en subissent les conséquences et soient sanctionnées.

Il serait inéquitable et amoral que les agents concernés par le concours mis en cause soient rétrogradés.

Le second problème que je veux évoquer renvoie à un problème général de droit.

Nous traitons d'une affaire où, comme cela a été reconnu par les orateurs qui se sont exprimés, par le rapporteur et par vous-même, madame la garde des sceaux, seuls des principes formels ont été violés, et cette violation n'a pas eu de conséquence sur la sincérité du concours. Mais elle pose un problème de droit qui doit tous nous interpeller.

Estimez-vous que, pour assurer la sécurité juridique, on doive admettre qu'un grand nombre de décisions puissent être fragilisées par la simple mise en cause de règles purement formelles, laquelle n'a pas de conséquence sur les droits des personnes ? Il existe une matière où des situations de ce genre surviennent tous les jours : la matière fiscale. Ainsi, on refuse des droits à des contribuables parce qu'ils n'ont pas accompli une démarche purement formelle, alors même que les délais sont respectés, ce manquement ne s'opposant absolument pas à l'octroi de ces droits.

Mme Nicole Feidt.

Ne mélangez pas tout !

M. Jean-Luc Warsmann.

Les personnes victimes de ces refus estiment, comme les agents de l'administration pénitentiaire dont nous parlons, se trouver dans une situation totalement inéquitable. Pour tout dire, je pense qu'ils ont raison.

Le problème doit nous interpeller en tant que législateurs. Un orateur a dit tout à l'heure que les députés pouvaient avoir l'impression que l'Assemblée était devenue une chambre de récupération d'erreurs d'un service de l'Etat. C'est vrai ! Mais ne nions pas notre propre responsabilité ! J'ai en effet souvent l'impression que nous votons des textes qui vont trop loin dans la précision et qui vont au-delà de la nature législative. Or, chaque fois que nous allons très loin dans la précision, nous fournissons des moyens d'annuler.

M. André Gerin, rapporteur.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann.

Au cours du débat sur l'accès des femmes aux fonctions politiques, nous avons renforcé les précisions dans les déclarations de candidature. J'avais dit à l'époque que j'étais contre, pour une raison très simple : chaque fois que nous renforçons des conditions formelles, nous ouvrons de nouvelles voies d'annulation.

Réfléchissez-y, mes chers collègues ! Demain, des élections seront annulées parce qu'un candidat aura oublié de satisfaire à toutes les obligations formelles. Sachons en tirer les leçons : lorsque nous légiférons, sachons nous arrêter au degré qui relève de la loi ! N'allons pas trop loin dans la précision ! N'entrons pas dans le domaine réglementaire ! N'oublions pas que, chaque fois que nous introduisons une nouvelle obligation, nous offrons aux juges la possibilité d'annuler, et parfois pas à bon escient.

M. Dominique Bussereau et M. Pierre Morange.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, au nom de l'UDF, je m'associe au sort des 181 fonctionnaires de la pénitentiaire dont la situation a été, pendant plusieurs années, suspendue du fait d'un certain nombre d'irrégularités formelles.

La loi se doit d'être simple. Cela dit, je voudrais rappeler à M. Jean-Luc Warsmann un adage cher aux juristes : la forme n'est rien, mais rien n'est sans la forme. (Sourires.) Si, demain, nous disons ici que la forme n'a plus d'importance, nous irons inévitablement au-devant d'autres difficultés.

Je m'associe aux observations qui ont été faites sur la nécessité que l'administration respecte les textes en vigueur. Que certains de ces textes soient complexes ne change rien : l'administration est là pour les respecter. La commission des lois a, de plus, insisté sur le fait que des sanctions doivent être prises lorsque des irrégularités qui ont des conséquences aussi graves que celles que nous avons évoquées sont constatées.

Ma dernière observation aura trait aux délais.

Alors que le concours date de 1992, les décisions de justice ont été rendues huit ans plus tard. Il y a sans doute une carence dans le fonctionnement de la justice administrative. Certes, il faut respecter les formes et la juridiction est là pour sanctionner les irrégularités de forme. Mais elle devrait être en mesure de le faire dans des délais acceptables pour tous.

Bien entendu, le groupe UDF votera le texte.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je veux répondre à la question qui a été posée sur les sanctions.

Je rappelle que l'erreur a été rendue possible par un arrêté ministériel de janvier 1978 et que le directeur de l'administration pénitentiaire de 1992 n'a fait qu'appliquer cet arrêté. Quant au directeur de l'administration pénitentiaire de 1978, il est mort.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, je tiens à ajouter quelques mots car il s'agit d'une question fondamentale. J'avoue que je n'ai vraiment pas envie de


page précédente page 01388

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

sourire lorsque Mme la ministre l'écarte comme d'un revers de main, en nous disant que la personne concernée est morte.

D'abord, il ne s'agit aucunement de viser une personne et je ne sais pas du tout si la responsabilité se situe au niveau du directeur de l'administration pénitentiaire ou non.

Ensuite, je suis d'accord sur le principe général qui veut qu'on ne peut rechercher la responsabilité d'une personne pour avoir appliqué un texte qui se révèle illégal.

Néanmoins, il existe en l'occurrence une deuxième cause d'annulation : le procès-verbal du jury national n'établit pas qu'il ait été procédé à une péréquation. A ce nive au, il y a donc bien eu faute.

Je me permets donc de vous dire, madame la ministre, que votre réponse ne nous satisfait pas et, à voir la réaction de mes collègues, je pense que nous avons tous le même sentiment.

Nous souhaiterions, je le répète, que les responsabilités soient recherchées et que vous nous informiez à ce sujet dans les temps à venir.

M. le président.

Le texte dont nous sommes saisis ne fait l'objet d'aucun amendement.

J'en donne lecture : Article unique

M. le président.

« Article unique. Sont validées rétroactivement les promotions au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire prononcées par le directeur de l'administration pénitentiaire en application de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 10 avril 1992 portant liste d'aptitude aux fonctions de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, établie à l'issue de la session 1991-1992 de l'examen professionnelo rganisé conformément au décret no 77-1540 du 31 décembre 1977 relatif au statut particulier du personnel de surveillance des services extérieurs de l'administration pénitentiaire et à l'arrêté ministériel du 20 janvier 1978. »

Je ne suis saisi d'aucune démarche d'explication de vote. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

M. Dominique Bussereau.

Abstention ! (L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

9

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2158, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique : M. Christian Paul, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2197).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT