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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. Signature électronique. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 1391).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1394)

MM. Olivier de Chazeaux, Jean-Claude Lefort, Emile Blessig, Yves Cochet, Claude Goasguen, Alain Vidalies, Patrice Martin-Lalande, Pierre Carassus, Mme Christine Boutin.

Clôture de la discussion générale.

Mme la garde des sceaux.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 1406)

Article 1er (p. 1406)

Amendement no 6 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 1 de M. Blessig : MM. Emile Blessig, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 2 de M. Blessig : MM. Blessig, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 1er

Article 1er bis (p. 1408)

A mendement de suppression no 5 de Mme Catala : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 1er bis.

Article 2 (p. 1408)

Amendement no 3 rectifié de M. Blessig : MM. Emile Blessig, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 2.

Articles 3, 4 et 5. - Adoption (p. 1408)

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 1408)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

2. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 1409).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1409).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heure trente.)

1

SIGNATURE ÉLECTRONIQUE Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (nos 2158, 2197).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le 8 février dernier, le Sénat a adopté en première lecture, à l'unanimité, le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique.

Ce projet constitue l'un des volets de la politique ambitieuse menée par le Gouvernement pour adapter notre législation aux nouveaux enjeux de la société de l'information.

Le développement des réseaux électroniques est un phénomène majeur de ces dix dernières années.

La société de l'information est devenue une réalité pour beaucoup de Français, qui utilisent quotidiennement les nouvelles technologies dans leur vie professionnelle ou privée. Le nombre des internautes est passé de 3,7 millions en 1998 à plus de 5 millions en 1999.

Elle constitue un enjeu économique essentiel, facteur de croissance et d'emploi.

Mais elle représente aussi un enjeu juridique qui oblige les gouvernements à adapter leur réglementation à ces nouvelles formes d'activité. La France entend prendre toute sa place dans le débat international visant à proposer des solutions nouvelles et adaptées.

Comme l'a indiqué le Premier ministre, le 26 septembre 1999, à l'occasion de l'université d'été de la commmunication, le Gouvernement s'est, en particulier, fixé pour objectif d'assurer la sécurité des échanges sur la Toile. Nos concitoyens doivent pouvoir conclure des transactions et, si nécessaire, se servir des écrits électroniques comme preuve, sans contraintes ni difficultés particulières.

Comme vous le savez, les règles de preuve des actes juridiques contenues dans le code civil reposent sur la prééminence de l'écrit sur support papier. Elles ne permettent donc pas de répondre aux impératifs que je viens de mentionner et doivent être adaptées aux réalités économiques, sociales et techniques de notre époque.

C'est précisément l'objet du texte qui vous est présenté aujourd'hui et qui traduit trois préoccupations essentielles.

La première consiste à tenir compte des nouvelles normes internationales transfrontières qui se multiplient en matière de transactions électroniques. Il faut en particulier assurer la transposition de la directive communautaire du 13 décembre 1999 « sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques », qui prévoit la reconnaissance de la validité des signatures électroniques et l'encadrement de l'activité de certification. Il importe de prendre également en considération la proposition de d irective relative à certains aspects juridiques du commerce électronique. Celle-ci a fait l'objet d'un accord politique le 7 décembre dernier et oblige les Etats membres à reconnaître la validité des contrats électroniques.

La deuxième tient à la préservation du système de preuve issu du code civil, qui repose sur la preuve préconstituée et la prééminence de l'écrit. Il est essentiel d'assurer aux particuliers qui contractent la possibilité de se constituer à l'avance une preuve du contenu de leur engagement. Seule cette préconstitution permet aux parties de prendre la pleine mesure des obligations qu'elles souscrivent. Quant à la prééminence de l'écrit sur les témoignages ou autre mode de preuve, elle vaut quel que soit le type de support.

La troisième préoccupation vise à reconnaître à la preuve électronique un statut équivalent à celui qui est attribué à la preuve papier. Le projet de loi ne manifeste pas en cela une foi aveugle en la technique. Mais celle-ci permet maintenant l'utilisation de mécanismes de sécurisation des échanges qui offrent autant de garanties que le support papier ou la signature manuscrite. Aussi le projet rejette-t-il toute idée de hiérarchie, d'une part, entre le document électronique et l'écrit sur support papier, d'autre part, entre la signature électronique et la signature manuscrite.

Des solutions intermédiaires consistant à ériger la preuve électronique en exception à la preuve par écrit auraient pu être envisagées. Le document électronique aurait pu ainsi être qualifié de commencement de preuve par écrit. Mais cette solution aurait imposé aux parties de compléter cette preuve par d'autres éléments.

En rejetant toute solution de cet ordre, le projet de loi est conforme au principe dit de « non-discrimination » affirmé par les textes internationaux, notamment la directive européenne « sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques ».

J'en viens maintenant à la structure du projet de loi : il comporte deux volets essentiels.

Le premier a directement pour objet de consacrer la valeur probante de l'écrit électronique. Comme vous le savez, les règles de preuves contenues dans le code civil


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reposent sur la prééminence de la preuve par écrit qui, depuis l'ordonnance de Moulins de 1566, a supplanté le témoignage.

Dans la lecture qui est traditionnellement faite de ces règles, l'écrit est confondu avec le support papier sur lequel il est apposé, ce qui explique que les documents informatiques n'aient pu, jusqu'à présent, être considérés comme des actes sous seing privé.

Afin de lever cet obstacle, le projet de loi redéfinit, dans un nouvel article 1316-1 du code civil, la notion de preuve littérale, afin de la rendre indépendante de son support. Désormais, la nouvelle définition de l'écrit permettra d'englober le document sur papier et l'écrit sous forme électronique.

La sécurité juridique impose toutefois que soient précisées les conditions d'admissibilité de l'écrit électronique comme mode de preuve. Celui-ci ne pourra être admis en preuve qu'à la double condition que soit indentifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

Cela n'est aucunement une marque de défiance à son égard, puisque de telles conditions valent également pour le papier. Mais il importait de le préciser.

D'ailleurs, le projet de loi entend affirmer que la force probante de l'écrit sous forme électronique sera équivalente à celle de l'écrit sur support papier. Conformément aux dispositions de l'article 1341 du code civil, il ne sera donc pas possible de le contester par de simples témoignages ou présomptions. En cas de conflit entre deux écrits, dont l'un serait sur support papier et l'autre sous forme électronique, aucune préférence n'est donnée à l'un sur l'autre. Il appartiendra au juge de régler ce conflit en déterminant par tous les moyens le titre le plus vraisemblable.

Le second volet du projet concerne la signature électronique.

Bien que le droit impose souvent l'usage d'une signature, aucun texte ne la définissait tant cela paraissait évident lorsqu'elle se limitait à la signature manuscrite.

L'apparition de la signature électronique impose désormais de préciser les fonctions que doit remplir toute signature. Celle-ci doit permettre d'identifier l'auteur de l'acte mais également de manifester son consentement au contenu de l'acte. Définie fonctionnellement, la signature n'est plus cantonnée au procédé manuscrit.

L'article 1322-2 précise, par ailleurs, les conditions que doit remplir une signature électronique pour se voir reconnaître une valeur juridique, mais en des termes généraux de manière à pouvoir s'adapter aux évolutions techniques.

A ce même article, le projet de loi institue une présomption de fiabilité en faveur des signatures électroniques répondant à des exigences fixées par décret en Conseil d'Etat.

Il entend transposer l'article 5 de la directive européenne sur les signatures électroniques, qui institue un double niveau de reconnaissance juridique de la signature électronique. En effet, ce texte distingue la signature électronique ordinaire, qui ne peut être contestée au seul motif qu'elle est sous forme électronique, de la signature électronique dite avancée, répondant à certaines exigences de nature à en garantir la fiabilité, qui doit être considérée comme juridiquement équivalente à la signature manuscrite. Cette distinction est reprise dans le projet de loi sous la forme d'une présomption de fiabilité.

Votre rapporteur a souligné, à juste titre, l'importance du décret d'application qui devra intervenir sur ce point.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il sera décisif !

Mme la garde des sceaux.

Il est, je le sais, attendu avec impatience par les professionnels concernés car il définira les conditions dans lesquelles l'écrit et la signature électroniques pourront être sécurisés. L'enjeu est fondamental parce que le commerce en ligne ne connaîtra son véritable essor que lorsque les fournisseurs et les consommateurs se sentiront en confiance. A cet égard, les professionnels de la certification sont prêts à jouer leur rôle dès que les règles seront fixées avec précision.

Le décret est préparé conjointement par la chancellerie et le secrétariat d'Etat à l'industrie. Il mettra en oeuvre les disposition de la directive sur les signatures électroniques et de ses annexes I et II relatives à la nature des certificats et aux exigences concernant les prestataires de services.

Je comprends que votre rapporteur et la commission des lois soient particulièrement attentifs au développement de l'offre de services de certification. Ils joueront à l'évidence un rôle éminent dans les procédés de signature électronique puisqu'ils délivreront des certificats qui permettront à toute personne de s'assurer de l'identité du signataire. Les autorités de certification devront obéir, aux termes mêmes de la directive, à des exigences qui seront transposées dans le décret d'application. Ce décret organisera par ailleurs un système d'accréditation auquel les prestataires de service de certification pourront adhérer, s'ils le souhaitent.

Le projet de loi a été étendu aux actes authentiques par le Sénat. Je me suis montrée favorable à cette extension dont le principe peut, dès à présent, être affirmé même s i sa mise en oeuvre nécessite un examen technique approfondi. Il faut en effet veiller tout particulièrement à ce que la forme électronique ne remette pas en cause les garanties particulières dont l'acte authentique est revêtu.

Il faut trouver, pour cet acte, un nouveau formalisme électronique qui se substituera aux exigences actuelles liées au support papier et qui permettra à l'officier public de rester le témoin privilégié de l'opération constatée dans l'acte. Il faut également tenir compte de la diversité des actes authentiques, qui englobent, outre les actes notariés, les jugements et l'ensemble des actes de l'état civil, chaque catégorie obéissant à des règles formelles différentes.

Il est enfin une préoccupation essentielle : la conservation de l'acte authentique. Vous le comprenez, cette question dépasse les intérêts particuliers des parties à l'acte.

Ce qui est en cause, s'agissant d'actes aussi importants qu'un acte d'état civil ou un jugement, c'est la conservation de notre mémoire collective. Il faut garantir aux générations futures la possibilité d'avoir accès à des données non altérées par les ans.

Compte tenu de ces impératifs, il est apparu indispensable de renvoyer à un décret d'application le soin de préciser les conditions dans lesquelles sera dématérialisé l'acte authentique. J'ai même souligné devant le Sénat que l'élaboration de ce décret devra être précédée de travaux confiés à un groupe de réflexion.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, les traits essentiels d'une réforme dont, j'en suis convaincue, vous mesurez l'importance fondamentale. C'est la première étape des travaux que le Gouvernement a entrepris pour adapter notre cadre législatif à la société de l'information. Une autre étape, également prioritaire, complémentaire aux dispositions du présent projet est la libéralisation de la cryptologie. Votre commission des lois y est particulièrement attachée.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous aussi !


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Mme la garde des sceaux.

Cette libéralisation, annoncée lors du comité interministériel pour la société de l'information du 19 janvier 1999, ne peut que favoriser le développement de transactions électroniques sécurisées.

La commission, dans son rapport, a consacré à cette question des développements qui recoupent les préoccupations du Gouvernement de voir rapidement mener une réforme sur ce point.

Je ne voudrais pas conclure sans rendre hommage à la qualité du travail accompli par votre commission des lois et par son rapporteur, Christian Paul. Je sais l'intérêt tout particulier que vous portez à l'ensemble de ces questions, monsieur le rapporteur, puisque vous vous êtes vu confier par le Premier ministre une mission de préfiguration pour la création d'un organisme de corégulation de l'Internet.

Le 5 octobre dernier, lors des rencontres parlementaires sur la société de l'information et l'Internet, vous avez souligné qu'une mutation du droit était engagée et qu'Internet devait être un espace de liberté mais pas d'insécurité.

Ces propos s'appliquent tout particulièrement au débat d'aujourd'hui, car le présent projet contribue en même temps à réduire l'insécurité et à accroître la liberté

(Applaudissements sur les bancs de groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, c'est donc par l'article 1316 du code civil que la révolution numérique aura fait irruption dans notre droit.

En reconnaissant une valeur de preuve à l'écrit numérique au même titre qu'à l'écrit sur le papier, en donnant à la signature électronique une définition, le projet du Gouvernement constitue la première adaptation de notre système juridique au développement des technologies de l'information.

Pour la première fois, au Sénat en première lecture, puis ce soir à l'Assemblée nationale, l'on s'attache à rechercher comment réécrire notre droit, sans le bouleverser, sous la pression continue des technologies nouvelles, mais aussi des attentes et parfois des craintes qui naissent avec elles au sein de notre société et de notre économie.

Ce texte, très circonscrit, n'affecte au fond que quelques articles du code civil, et n'en bouleverse ni l'économie ni les concepts clés. Mais cela ne doit pas réduire la portée pratique mais aussi symbolique de l'adaptation qui nous est proposée. Elle est sans nul doute fondamentale.

Avec le développement spectaculaire des réseaux numériques et de l'Internet, nous entrons dans la société de l'information.

Je voudrais vous faire partager ma conviction que cette réforme du droit de la preuve, comme la reconnaissance de la signature électronique qui l'accompagne, offre un cadre juridique indispensable à la sécurité des transactions et des échanges qui, sans attendre, se sont d'ores et déjà généralisés à l'échelle de la planète.

Cette audace législative, dans un volet du code civil, celui relatif aux obligations, dont les grands équilibres, si fragiles, ne se modifient qu'exceptionnellement depuis deux siècles, s'explique aussi par le fait que la révolution numérique suscite des peurs, fausses ou fondées, et des risques, réels ou supposés, pour ceux qui passent contrat ou réalisent un acte juridique.

A travers ce projet de loi, on retrouve très clairement le double visage de la société de l'information. Porteuse de progrès et de croissance, elle réclame des mesures de confiance pour aller plus loin et plus vite. Porteuse d'inquiétudes, elle nécessite aussi des mesures protectrices qui puissent fonder une sécurité juridique incontestable.

C'est donc un besoin de sécurité et de confiance qui est à l'origine de ce texte. On n'en saisira pas la portée sans évoquer la croissance spectaculaire des échanges numériques sur des réseaux multiples. La croissance des échanges, des transactions et des contrats entraîne inévitablement celle des actes juridiques recourant à la signature électronique, ce qui rend nécessaire l'admission de l'écrit électronique en tant que preuve. Tous les jours s'échangent sur l'Internet des commandes, des factures, des paiements et des contrats. Exceptionnels il y a encore quelques années, ces flux sont aujourd'hui banalisés et leur volume est exponentiel.

Le commerce électronique réalisé en France en 1999 reste limité, comme il l'est encore au plan mondial. Ce qui est en revanche tout à fait spectaculaire, c'est le taux de progression qu'il enregistre et, plus encore, les perspect ives de progression des toutes prochaines années : 1 000 milliards de dollars en 2003, c'est aujourd'hui l'estimation du chiffre d'affaires du commerce électronique.

Devant cette mutation majeure qui affecte tous les secteurs de l'économie, une double question nous est posée avec force. Comment créer un environnement favorable aux échanges ? Comment protéger le consommateur ? Ces deux attentes sont indissociables et si une loi est aujourd'hui souhaitable, nécessaire, indispensable, c'est au fond pour deux raisons essentielles.

La première est que la sécurité juridique n'est pas suffisante, à ce jour, dans les échanges électroniques. Le commerce électronique doit offrir une réelle sécurité jurid ique, aux entreprises comme aux consommateurs.

Toutes les études convergent. La majorité des utilisateurs de l'Internet hésitent à s'engager dans des transactions.

Les entreprises, dans leur majorité, regrettent le flou juridique qui entoure leurs activités.

Les causes de la méfiance qui rend les consommateurs réticents, et parfois frileux, sont de trois ordres : l'émission de données personnelles dont la transparence n'est pas assurée, la sécurité des paiements qui n'est pas garantie, enfin, l'absence de preuve des actes accomplis, en tout cas la force probante insuffisante de l'écrit numérique.

Dans la bataille économique qui se joue aujourd'hui à l'échelle de la planète, il y a un enjeu concurrentiel majeur. La compétitivité de l'Europe se fondera sur sa capacité à créer un espace juridique cohérent et adapté au commerce électronique. D'ores et déjà, un débat mondial est engagé. Au sein de la commission des Nations unies pour le droit commercial international se discute la définition de la signature électronique, avec le souci de prévenir les éventuelles discordances entre les normes élaborées par les Etats. Une initiative européenne favorable est allée dans le même sens - vous l'avez évoquée, madame la garde des sceaux : la directive du 13 décembre 1999. Ce texte définit la signature électronique, précise sa recevabilité et sa force probante assortie d'une présomption de fiabilité.


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Une seconde raison rendait ce texte nécessaire. En effet, le droit actuel ne répond pas suffisamment aux attentes des consommateurs et des entreprises. Le système juridique français, dans son formalisme, repose sur un système séculaire d'écrit « papier ». S'il est vrai que l'exigence de l'écrit a déjà été nuancée dans notre droit, notamment par la jurisprudence et la loi de juillet 1980 qui prévoyait quelques exceptions à ce principe, ces évolutions restaient insuffisantes.

Je souhaiterais évoquer maintenant les deux avancées essentielles que permettra ce texte. Ce projet de loi assurera la valeur probante de l'écrit numérique et clarifiera la définition de la signature électronique.

S'agissant, tout d'abord, de la reconnaissance de l'écrit numérique, le texte définit la preuve par l'écrit dans des termes qui couvrent tant le document écrit sur papier que le document électronique. Ensuite, il reconnaît la valeur juridique du document numérique. Celui-ci est désormais admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier. Il a la même force probante. On peut parler d'une équivalence fonctionnelle des supports. En cas de conflit de preuve, c'est bien sûr le juge qui déterminera le support et le titre le plus vraisemblable.

S'agissant, ensuite, de la signature électronique, seconde avancée importante que permettra ce texte, il convient de reppeler qu'elle a deux fonctions : elle identifie celui qui l'appose ; elle manifeste son consentement.

Elle se définit par l'usage d'un « procédé » fiable d'identification garantissant son lien avec le document auquel elle s'attache. Le projet de loi adopte - il importe de le souligner - une approche neutre du point de vue des techniques employées, qui pourraient devenir rapidement obsolètes. La recherche de procédés fiables d'authentification est désormais bien engagée. Après avoir entendu plusieurs des entreprises qui sont engagées dans ce secteur, je crois pouvoir dire que la France n'est pas en retard dans le domaine de la certification.

Le texte de la loi devra être complété et approfondi par des décrets dont je veux, après vous, madame la garde des sceaux, souligner l'importance et l'urgence.

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce sont eux qui font tout !

M. Christian Paul, rapporteur.

En effet, il est essentiel de favoriser la mise en place en France et en Europe d'une offre de services de certification. Les pouvoirs publics auront à veiller à préciser le cadre juridique de ces services. C'est une obligation pour que le dispositif juridique que nous allons adopter ne reste pas lettre morte. Il y a là à la fois un enjeu pour l'application de ce texte et un enjeu industriel pour l'émergence de nouveaux services, déjà techniquement au point mais aujourd'hui encore économiquement embryonnaires.

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait !

M. Christian Paul, rapporteur.

Ces services de certification permettront l'identification fiable de l'émetteur et du destinataire, l'intégrité des données transmises, voire leur horodatage, qui sera la version numérique du « cachet de la Poste faisant foi ».

L'accréditation des organismes de certification est également un enjeu important qui permettra à l'Etat d'exiger le respect d'orientations précises, dans le respect de celles de la directive européenne. Ces nouveaux métiers doivent être incontestables.

Il en va de même pour la cryptologie. Le Gouvernement en a engagé la libéralisation dès 1999. La confidentialité des échanges électroniques, permise par le cryptage des contenus et celui des signatures, est également l'une des conditions de la sécurité des échanges électroniques.

Je voudrais rappeler que le projet initial du Gouvernement a été amendé par le Sénat et élargi aux actes authentiques.

M. Patrice Martin-Lalande.

A juste titre !

M. Christian Paul, rapporteur.

Ces actes sont multiples dans leur formalisme et dans leur importance. Il est ainsi précisé, dans le texte qui nous est soumis, que l'acte authentique peut être dressé sur un support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. C'est un choix que notre commission a approuvé, considérant qu'il importait non seulement de définir au plus vite les mesures techniques nécessaires, mais aussi de préciser le cadre formel des actes authentiques dématérialisés. Il s'agit là d'ouvrir un cadre légal pour l'avenir.

En guise de conclusion, je voudrais vous faire part de quelques brèves réflexions qui me paraissent importantes.

Ce projet de loi sur la signature électronique pose d'emblée quelques repères qui, n'en doutons pas, guideront le législateur dans la société de l'information.

La sécurité relève de protections techniques et de protections juridiques. Généralement, et c'est le cas dans le domaine qui nous occupe ce soir, les protections techniques sont mise en place avant les protections juridiques, car l'innovation technologique s'est accélérée. Mais les protections techniques ne suffisent pas. L'évolution du droit est nécessaire. A l'inverse, les protections juridiques appellent de nouvelles évolutions techniques - ici l'amélioration de la certification. Cette dialectique de la technologie et de la règle de droit sera l'un des traits marquants de la société de l'information.

Lorsque la loi est nécessaire, et nous en avons ici la preuve, il faut faire la loi. Celle-ci n'est pas une entrave.

Au contraire, comme dans le cas de la libéralisation de la cryptologie, c'est la loi qui facilitera et sécurisera les échanges. Pour le Gouvernement, vous l'avez souligné, madame le ministre, comme pour le législateur, plus qu'à une révolution juridique, il faut se préparer à intervenir, ni trop tôt ni trop tard, sur des priorités précises, en nombre limité et dont l'impact pratique et concret est évident pour tous.

L'entrée de la France dans la société de l'information appelle donc une vigilance législative permanente. Avec ce projet, nous inaugurons un chantier durable. En se déclarant à l'unanimité favorable au projet du Gouvernement qui a été voté par le Sénat, notre commission a voulu rendre hommage à l'architecture de ce texte et au choix courageux qu'il révèle en respectant les principes de notre droit pour mieux les adapter aux exigences de notre temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où le monde de l'Internet retentit encore des dernières attaques de piraterie sur le réseau, la question de la confiance et de la sécurité sur la Toile apparaît plus que jamais comme la clé de voûte de tout développement pérenne en matière de société de l'information. Cette confiance repose sur


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deux piliers. Le premier est d'ordre technologique et concerne tous les moyens de sécurisation qui garantissent la confidentialité et l'intégrité des échanges électroniques

Le second est d'ordre juridique et touche à la validité des actes réalisés sur Internet, notamment au regard du droit de la preuve.

Cette question de la confiance et de la sécurité juridique n'est pas nouvelle puisque le Conseil d'Etat, dans l'excellent rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin intitulé « Internet et les réseaux juridiques », admettait : « la nécessité de reconnaître la valeur juridique du document et de la signature électronique n'est qu'imparfaitement rendue possible par le droit civil ». Cette analyse devait conduire naturellement le législateur et le Gouvernement à se saisir de cette question et à travailler à l'adaptation du code civil afin de faire entrer notre droit dans la modernité de la nouvelle économie.

Nos collègues sénateurs ont ensuite amendé le texte du Gouvernement pour lui donner la solennité que requiert toute modification du code civil. Le projet qui nous est proposé aujourd'hui est donc un texte de qualité, concis et, à vrai dire, consensuel. Sa portée est importante puisqu'il met fin, d'une part, à la prépondérance du papier dans notre vie juridique et qu'il reconnaît, d'autre part, la validité de la signature électronique. Ainsi, l'écrit électronique fait désormais foi. Mais il est plus audacieux encore en ce qu'il admet la possibilité de dresser des actes authentiques sur support électronique, ce que le projet initial ne prévoyait pas.

Dans notre vie quotidienne, nous pourrons non seulement commander des DVD ou bien encore des places de concert sur Internet, mais aussi passer électroniquement d es actes solennels relevant d'un formalisme strict.

Cependant, si cette révolution des pratiques juridiques va dans le sens du développement de la nouvelle économie, il nous faut dès à présent poser clairement quelques questions qui sont tout autant des interrogations que des exigences.

J'évoquais tout à l'heure le rôle de chacun dans l'élaboration de ce projet de loi. Ici le rôle essentiel reviendra au Gouvernement. Il est en effet garant, avec le Conseil d'Etat, de la rédaction des décrets d'application de ce texte, que vous évoquiez tout à l'heure, madame la ministre. Voilà pourquoi nous souhaitons quelques éclaicissements sur certains points.

Le premier point, qui me paraît essentiel concerne la garantie que doit apporter le Gouvernement s'agissant du contenu des décrets d'application. Leur rédaction ne devrait pas poser trop de difficultés compte tenu du travail d'évaluation déjà réalisé par le Conseil d'Etat. Il s'a git cependant d'une entreprise fondamentale en égard aux modifications adoptées par le Sénat sur les actes authentiques. Il serait donc souhaitable, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions sur le rythme que vous comptez adopter quant à la publication et au contenu de ces décrets.

S'agissant plus spécialement des actes authentiques, je souhaiterais évoquer la question de la solennité requise pour leur adoption, dont il est fait état, à l'article 1317 du code civil. Comment le Gouvernement comprend-il cette solennité dans le cadre d'un acte qui serait pris sous une forme dématérialisée avec l'apport de signatures électroniques ? Plus largement, nous pourrions notamment nous poser la question de l'avenir des études notariales au regard de l'apparition des « tiers certificateurs ». Il serait bon de lever toute ambiguïté dès à présent pour que nous ne puissions pas craindre une réforme à venir de professions réglementées, comme celle des notaires, par le biais de ces tiers certificateurs.

Pour conclure sur les actes authentiques, il nous importe de connaître votre position sur une distinction fondamentale qui est apparue lors des débats au Sénat, à savoir la distinction que vous pourriez faire entre la notion d'« imputabilité » et celle d'« identification » adoptée dans le texte amendé par le Sénat. Comme vous le savez, les nouveaux articles 1316-1 du code civil, sur l'écrit sous forme électronique, et 1316-4, sur la signature, renvoient à la notion d'identification. Or un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 2 décembre 1997 recommandait d'utiliser le concept d'imputabilité. Pour la Haute juridiction, peu importe en effet que l'acte ou la signature électronique émane directement de son auteur si celui-ci a accepté que ces documents lui soient imputables. Telle est la logique qui préside notamment, depuis de nombreuses années, aux conventions sur la preuve utilisées en matière de cartes de paiement et reconnues licites par la jurisprudence.

D'une manière générale, il est parfaitement concevable qu'une personne confie à une autre le soin de signer électroniquement un document. Celui-ci lui deviendra alors imputable, sans qu'il soit nécessaire d'identifier la personne dont il émane. L'on voit bien ici la difficulté que nous pourrions rencontrer dans la mesure où la caractéristique essentielle de ces actes authentiques, c'est que les notaires identifient la qualité de la personne qui signe l'acte et non le contenu de l'acte qui est signé. Il importe donc, madame la ministre, que vous nous indiquiez clairement ce soir si vous entendez suivre la logique jurisprudentielle dont j'ai fait état ou vous conformer à la définition donnée par le Sénat.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne l'impact du texte sur les autres dispositions légales relatives à la preuve. Quel sera l'impact de la loi sur les domaines de la preuve libre ? Le projet de loi, même amendé par le Sénat, ne remet pas en cause l'article 1341 du code civil aux termes duquel « il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes c hoses excédant une somme ou une valeur » de 5 000 francs. Le schéma traditionnel de la preuve en matière contractuelle, à savoir la distinction entre la preuve libre et la preuve réglementée, ne sera donc pas remis en cause, néanmoins cette preuve sera réglementée non plus à raison de son support, mais en fonction de ses caractéristiques intrinsèques que sont l'identification et l'intégrité du document. La question se pose alors du maintien de l'article 1341 du code civil, sachant que, pour des actes inférieurs à 5 000 francs, les conditions d'identification et d'intégrité n'auront pas à être respectées, alors qu'elles ont vocation à s'appliquer de manière générale à tous les actes dématérialisés.

Il en est de même de l'article 109 du code du commerce aux termes duquel : « A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi .» Il en découle que les actes de commerce n'auront pas à respecter les conditions prévues par le nouvel article 1316-1 du code civil pour l'écrit sous forme électronique. Il me paraît, là encore, essentiel de connaître votre position sur l'impact éventuel du nouveau régime sur les domaines de la preuve libre.

Le troisième point qu'il nous faut, semble-t-il, aborder porte sur la prise en compte des tiers certificateurs et de leur régime de responsabilité. Comme vous le savez, la


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directive européenne sur la signature électronique évoque des « prestataires de service de certification », chargés de délivrer des certificats ou de fournir d'autres services liés aux signatures électroniques, dont le régime de responsabilité est détaillé au sein du texte communautaire. S'il est vraisemblable que ces tiers de certification pourront être évoqués dans le cadre du décret en Conseil d'Etat prévu par le nouvel article 1316-4 du code civil, il apparaît néanmoins souhaitable que le Parlement se saisisse de cette question et fixe les règles générales en la matière, à charge pour le Gouvernement de les préciser par voie réglementaire.

En effet, il convient de relever qu'à l'issue du comité interministériel sur la société de l'information du 19 janvier 1999 le Premier ministre a annoncé la suppression des « tiers de séquestre » qui avaient été mis en place en matière de cryptologie par la loi du 26 juillet 1996. Si les tiers de certification devaient se substituer aux tiers de séquestre, il reviendrait au pouvoir réglementaire de préciser les exigences concernant les prestataires de service de certification. C'est pourquoi il serait utile d'avoir des garanties sur la manière dont vous envisagez, madame la ministre, l'avenir de cette question.

Enfin, la question du prestataire doit aussi être examinée du point de vue de sa responsabilité. Le régime de la responsabilité du prestataire, peu débattu semble-t-il, est pourtant un point crucial du nouveau régime qui sera mis en place. Il y va en effet de la fiabilité de l'ensemble du système. Trois acteurs sont concernés par ce régime : les prestataires, les utilisateurs et les assureurs. Le régime de la directive est plutôt favorable aux utilisateurs : le prestataire sera responsable, sauf s'il prouve qu'il n'a commis aucune négligence. En d'autres termes, l'utilisateur n'aura pas à prouver une faute de la part du prestataire. Nous réservons le jeu des clauses contractuelles dans la limitation de la responsabilité éventuelle de ce dernier. Comment entendez-vous régler cette question, madame la ministre ? En conclusion, et sous réserve des questions de fond que je viens de vous poser, nous sommes en présence d'un texte clé pour le développement de la nouvelle économie et plus particulièrement du commerce électronique. En le votant, nous ferons oeuvre utile pour la société de l'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le développement considérable des moyens de communication d'électroniques, en particulier Internet, pose à la société, aux sociétés, des problèmes nouveaux et complexes qui constituent de véritables défis. Et ces donnent l'occasion de mettre en évidence l'existence de conceptions diverses pour les affronter, quand ce ne sont pas des oppositions caractérisées qui se manifestent. Ainsi en va-t-il du commerce électronique qui est en pleine explosion et qui draine, dans des transactions commerciales d'un type nouveau, des masses d'argent considérables.

J'avais eu l'occasion, dans un rapport consacré aux relations transatlantiques et publié en février 1999, d'attirer l'attention sur ces questions.

Le département américain du commerce estime que le volume des transactions financières réalisées par le biais d'Internet pourrait atteindre 300 milliards de dollars en 2002. L'OMC reprend ce chiffre pour le situer aux alentours de 2008. Quoi qu'il en soit, nous sommes face à un problème d'ampleur qui pose des questions nouvelles auxquelles nous ne pouvons nous soustraire.

A ce sujet, comment négliger de poser aujourd'hui la question du réseau Echelon dont j'avais indiqué l'existence dans le rapport déjà signalé il y a plus d'un an ?

M. Yves Cochet.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Jean-Claude Lefort.

La seule possibilité de dégager le ciel et de faire en sorte que le réseau ne soit pas une toile, c'est d'obtenir le démantèlement contrôlable de cet i nstrument qui participe, au mépris des droits de l'homme, à la volonté hégémonique des Etats-Unis, aussi i nsupportable que contraire à l'intérêt général bien compris.

J'en reviens plus directement au projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Le développement du commerce électronique s'accompagne d'incertitudes nombreuses, en particulier d'une incertitude sur la confidentialité et la validité des transactions.

Si ce projet de loi n'aborde pas la fiscalité ou la propriété intellectuelle, il s'en tient à une question, qui n'est pas mince, celle de la signature électronique, qui faisait déjà l'objet d'un contentieux important. Il était donc nécessaire de légiférer.

L'usage de la signature électronique s'est tellement diversifié qu'il était indispensable de toiletter le droit de la preuve tel qu'il s'applique en France. Madame la ministre, nous approuvons cette démarche d'ajustement.

En la matière, quel système prévaut dans notre pays ? La signature écrite sur support papier y tient, par sa force probante et indéniable, une place prééminente dans le régime de la preuve. Certes, il existe d'autres modes de preuve, mais ils ramènent tous à l'existence d'un écrit.

Actuellement, le message électronique n'est, pour ces raisons, qu'un commencement de preuve, au même titre qu'une photocopie ou une télécopie. Il est laissé à la libre appréciation du juge, dans les cas où la loi n'exige aucun formalisme particulier. Reste que, pour les engagements supérieurs à 5 000 francs, la force probante de l'écrit est obligatoire.

Il était donc temps de définir clairement ce que

« signature » veut dire et d'assimiler, sous certaines conditions, un message électronique à un écrit sur papier. Ce principe étant posé - auquel nous souscrivons -, des questions importantes touchant à la fiabilité demeurent pendantes.

La directive européenne sur le commerce électronique, en cours de discussion, est assez contraignante pour le législateur national puisque la volonté est d'imposer « un effet et une validité juridique aux contrats électroniques ».

Cet argument a été repris au Sénat pour justifier le choix d'une égalité de confiance entre la signature électronique et la signature sur papier. Il appartiendra au juge de trancher, au cas par cas, les conflits de preuve littérale.

Certains avancent que la technologie rendra la signat ure électronique moins falsifiable que la signature manuscrite. On nous dit également que ce projet de loi t ranscrit fidèlement la définition européenne de la

« signature électronique avancée ». Ainsi, cette signature doit être liée uniquement au signataire. Des moyens doivent permettre d'identifier précisément ce signataire.

Enfin, la signature électronique doit être créée par des moyens tels que le signataire peut la garder sous son contrôle exclusif et que toute modification peut être détectée.


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O bservons que les réserves inscrites au nouvel article 1316-1 du code civil ne reprennent pas entièrement toutes ces exigences, à la différence de ce qui s'est fait en Belgique ou bien encore au Danemark, qui, eux, ont retenu une référence plus explicite à des « conditions de sécurité optimales ».

Cela étant, mettre sur un pied d'égalité la signature électronique et l'écrit sur papier soulève d'autres problèmes qui ne peuvent pas ne pas être évoqués ici.

Premier problème, celui de la maîtrise démocratique des choix technologiques.

Le projet de loi renvoie les modalités techniques de la signature électronique à un décret. Sans mettre en cause ici les compétences du Conseil d'Etat, la présomption de fiabilité dont bénéficiera désormais la signature électronique mérite certainement une discussion plus large.

En tant que parlementaires, nos faibles moyens d'expertise nous placent aujourd'hui dans une situation qui est déjà très délicate. Nous souhaitons donc, madame la ministre, que le Parlement soit associé au suivi des décrets, à travers ses organes compétents.

Deuxième problème, celui de la certitude de l'identification.

Certes, une signature manuscrite peut facilement se falsifier, mais cet inconvénient est souvent compensé par la présence physique des deux parties liées par un contrat.

Avec Internet, la dématérialisation s'accélère et, avec elle, l'incertitude sur l'interlocuteur. Par ailleurs, une signature électronique peut être prêtée à une tierce personne. Et qu'en est-il de la signature électronique d'une personne morale ? Dans un article récent, un quotidien évoquait l'arrivée à terme d'une sorte de tatouage génétique du signataire : empreintes digitales, code ADN. Ces perspectives soulèvent des questions sérieuses sur le respect de la vie privée, principe auquel nous sommes attachés de ce côté-ci de l'Atlantique.

Troisième problème, celui de l'égalité technologique.

La signature électronique suppose un coût, un investissement personnel pour celui qui y aura recours. Et cela pose un problème éthique : peut-on accepter la « marchandisation » de la signature d'un être humain ? En cas de conflit, le particulier se trouvera sans doute démuni par manque de compétences. Il est incontestable que l'expertise sur des documents papier s'avère beaucoup mieux maîtrisable par la majorité de nos concitoyens.

Une expertise sur des codes électroniques est, à coup sûr, beaucoup plus complexe.

Quatrième problème, celui du libre marché de la certification.

La procédure d'accréditation telle qu'elle est prévue ne réglera pas une question fondamentale : qui aura la maîtrise des logiciels et de la gestion des clés ?

Mme Christine Boutin.

Bonne question !

M. Jean-Claude Lefort.

La signature électronique fait d'ores et déjà l'objet d'une bataille industrielle et l'on connaît la puissance de frappe de l'industrie américaine dans ce domaine. Quels moyens nous donnons-nous pour répondre à Microsoft ou à IBM ? L'enjeu de la démocratisation d'Internet justifierait pleinement à nos yeux le développement d'un nouveau type de service public qui pourrait passer par la mise en place d'une agence nationale de certification.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Plus généralement, il est difficile d'imaginer que ces questions puissent être traitées au seul niveau national. Le chemin de l'OMC étant bloqué,...

M. Yves Cochet.

Cela va redémarrer !

M. Jean-Claude Lefort.

... nous devons envisager, avec nos partenaires européens, une convention internationale définissant, dans la concertation, et sous la maîtrise des

Etats et non des intérêts privés, le statut et les moyens techniques des contrats électroniques.

Tout cela pour dire, madame la ministre, que ce projet de loi laisse encore bien des questions ouvertes - et personne ne pense le contraire ce soir.

Nous avons voulu en pointer quelques-unes sans nier, je le redis, que le texte permettra d'améliorer la sécurité juridique.

C'est d'ailleurs pourquoi les députés communistes émettront un vote positif, tout en mesurant l'ampleur du chantier qui reste à conduire pour garantir un développement des nouvelles technologies de l'information conciliant la sécurité et l'égal accès de tous à ces moyens nouveaux.

Nous souhaitons cependant que la France et l'Union européenne adoptent une position plus offensive sur tous ces sujets, qui renvoient à des modèles de société. Si nous prenons du retard, il sera comblé par d'autres. Personne ici ne le souhaite. C'est donc un vote d'incitation à poursuivre vite que nous émettons aujourd'hui, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est tout le problème de la société d'information qui transparaît dans ce texte. Et toutes les sociétés occidentales devront répondre à un certain nombre de difficultés.

Ce soir, nous cherchons à donner plus de sécurité juridique tout en protégeant le consommateur. Nous traitons plus particulièrement de la preuve, en posant le principe de l'équivalence fonctionnelle des supports de preuve.

Derrière cette règle technique, pointe la dialectique entre la technologie et la règle de droit, ainsi que l'a rappelé notre rapporteur.

Si, pendant deux siècles, nous n'avons pas eu besoin de modifier notre système de preuve, c'est principalement grâce à la souplesse et à la capacité d'adaptation de la jurisprudence. En précisant que les règles de preuve ne sont pas d'ordre public et qu'il peut y être dérogé par convention, elle a permis au droit de la preuve d'affronter le temps. Ainsi a-t-elle admis qu'il soit dérogé à l'exigence d'une signature manuscrite entre parties en reconnaissant la signature électronique.

Cela dit, le droit ne doit pas s'essouffler à vouloir rattraper la technologie. Car, dans cette course-poursuite, il est éternellement perdant. A peine a-t-il pris position que la solution technologique qu'il adapte est déjà obsolète.

Cette réflexion devrait nous permettre de mieux fixer les cadres en simplifiant les règles juridiques applicables.

A ce propos, je souhaiterais poser certaines questions qui sous-tendent l'évolution du droit de la preuve.

La première question concerne la validité de l'écrit électronique et l'identification de la personne dont il émane.


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L'emploi du verbe émaner est, à mon sens, source d'incertitude. Est-ce l'auteur du texte qui est visé ou celui qui maîtrise le support électronique ? Si c'est l'auteur, solution la plus probable, pourquoi ne pas employer le terme

« auteur », plus précis que « personne » puisqu'il renvoie à celui qui est à l'origine du document ? Le terme

« émane » autorise à soutenir que le document se rattache à celui qui le transmet et ce ne sera pas nécessairement son auteur.

La traçabilité de l'outil informatique est telle qu'un document n'est jamais totalement anonyme - il est toujours possible de retrouver d'où il émane -, mais il n'est d'aucun secours dès lors que, pour valoir preuve littérale opératoire, un document doit nécessairement se rattacher à la volonté d'une personne physique ou morale.

La deuxième question concerne l'élargissement des modes de preuve littérale.

Le texte, selon l'exposé des motifs, n'aurait pas vocation à s'appliquer aux actes ou titres pour lesquels la signature est exigée non simplement comme preuve, mais comme acte de validité. La signature requise ad validitat em serait donc nécessairement autographe. Il n'en demeure pas moins que la question de la portée exacte du nouvel article 1316 du code civil risque de susciter un débat pour certains contrats solennels.

J'en viens à l'équilibre du contrat, au coeur duquel se situe l'objectif de la protection du consommateur. Dans le contrat électronique, c'est plutôt le contrat d'adhésion qui prédomine ; par conséquent, la question de la preuve est fondamentale.

Le code de la consommation impose des règles particulières à la vente par démarchage à domicile, règles dont la violation est considérée comme un motif de nullité ; idem pour les stipulations contenues dans les contrats de crédit à la consommation et de crédits immobiliers.

Il est vraisemblable que, demain, le commerce électronique sera une sorte de démarchage ou de livraison des biens au domicile des consommateurs. Or comment matérialiser de tels contrats ? C'est toute la difficulté de la compatibilité entre de nouveaux modes de preuve et les nouvelles formes de commercialisation, qui remettent implicitement en cause tout un travail législatif. La protection du plus faible risque d'être remise en question dans la relation contractuelle. Par conséquent, la condition minimale de validité d'un contrat, c'est l'absence de déséquilibre entre les parties et, dans certains cas, la possibilité d'apporter la preuve contraire. La réponse résidait traditionnellement soit dans un formalisme soit dans des délais permettant de suspendre la réalisation du contrat. De ce point de vue, nous connaîtrons vraisemblablement un certain nombre de difficultés qu'il vaudrait mieux anticiper.

En ce qui concerne l'institution d'une présomption de fiabilité du procédé d'identification de la signature, le renvoi aux dispositions réglementaires pose aussi un certain nombre d'interrogations.

Ainsi, si le document est accompagné d'un certificat répondant à certaines exigences et délivré par une autorité de certification accréditée, avec toutes les difficultés que l'on a évoquées, cela ne pose pas de problème. Mais qu'en serait-il dans les autres cas, absence de certificat ou certificat délivré par un organisme non accrédité ? A mon sens, celui qui se prévaudrait du document informatique devrait convaincre le juge que les conditions de fiabilité et de conservation du document durable sont correctement remplies.

Manifestement, il y aura un certificat d'accréditation officiel ; dans certains cas aussi, ce certificat peut ne pas correspondre au règlement.

Tout en cherchant à clarifier le droit commun de la preuve littérale, le projet introduit une certaine incertitude sur la force probante respective des différents modes de preuves écrites sous l'apparence d'une égalité entre tous les écrits.

Entre microfilms, photocopies, télécopies, manuscrits, écrits électroniques, modes de preuves, tous désormais reconnus comme égaux, il risque d'apparaître des conflits.

Or l'avant-projet établi par le groupe de travail, mis en place par la chancellerie, prévoyait que l'écrit électronique ne permettait pas d'être admis en preuve contre et outre un écrit sur papier.

Il précisait, dans un esprit proche de la législation québécoise, qu'il était possible de rapporter la preuve contre un écrit électronique sur le fondement de présomptions graves, précises et concordantes.

Nous sommes toujours dans le domaine de l'égalité des parties et de la protection de l'un des contractants dans des contrats qui, dans la quasi-totalité des cas, seront des contrats d'adhésion. Dans l'attente des premières décisions jurisprudentielles, nous risquons une certaine insécurité juridique.

Enfin, à l'échelle mondiale, les questions juridiques multiples posées par la preuve, combinées à des règles de conflits de lois, risquent d'écarter du jeu le droit français.

C'est pourquoi la certification européenne est absolument indispensable.

Ces mesures sont-elles suffisantes ? Nous aurons nécessairement l'occasion d'y revenir parce que les choses évolueront dans des directions qui ne sont pas encore connues. A la commission des lois, nous avons eu droit à des démonstrations de moyens de reconnaissances biomét riques tout à fait exceptionnels : reconnaissances occulaire, vocale et demain il y aura l'empreinte digitale.

Le problème de la sécurité est donc déjà largement dépassé.

Aussi, essayons de faire un travail de juriste. Mettons en place des cadres, mais ne nous épuisons pas à courir après la technique.

Ce texte n'était-il pas l'occasion de mener une réflexion plus approfondie sur notre système probatoire et de lui donner à l'intérieur du code civil, une nouvelle pérennité indispensable dans tout système juridique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'adapter le droit de la preuve aux technologies de l'information. Même si j'approuve la nécessité de légiférer en la matière, je me demande s'il n'est pas précipité de traiter cette question avant le futur projet de loi sur la société de l'information...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Yves Cochet.

... dont le chapitre 3 est intitulé :

« Veiller à la sécurité et à la loyauté des transactions en ligne ».


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Je rappellerai également que la transposition de la directive européenne sur les données personnelles n'a pas encore eu lieu et que l'on ne sait pas non plus aujourd'hui quelle sera l'évolution de la directive portant sur le commerce électronique.

Par ailleurs, la directive européenne sur la signature électronique précise que cette signature devrait « être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif » et que les tiers certificateurs ne puissent conserver la clé privée de la signature.

Au vu de ces exigences, il est évident que l'examen de ce projet de loi, aujourd'hui, n'est pas adéquat d'un point de vue chronologique : il aurait fallu commencer par la question de la cryptologie puis examiner le projet de loi sur la signature électronique.

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

M. Yves Cochet.

Par exemple, si un pirate informatique avait les moyens de décrypter une signature et par conséquent de s'emparer de ce que l'on pourrait appeler l'original de la signature, on pourrait se demander s'il s'est bien emparé d'un original.

Il n'y a pas, à proprement parler d'original : une signature électronique dont le pirate - hacker informatique se serait emparé serait une copie exacte de la signature électronique - en fait « une matrice de bits » , bref, un double électronique absolu qui n'existe pas en matière de signature sur papier, des interprétations disons psychologiques, en tout cas cognitives entrant toujours en jeu dans l'authentification d'une signature sur papier.

Ceci dit, examinons ce projet de loi. Le texte qui nous est proposé lève les principaux obstacles juridiques au développement des échanges dématérialisés, en reconnaissant explicitement la valeur probante numérique et la signature électronique. Mais garantit-il pour autant la protection de la vie privée, les données personnelles et surtout l'accès au plus grand nombre à la signature électronique ? Pour l'instant, j'ai des doutes.

L'article 1er bis du projet prévoit que les conditions d'établissement et de conservation des écrits électroniques sont définies par décret - plusieurs orateurs, avant moi, ont souligné que de nombreux points seraient abordés dans le décret. De ce fait, la loi reste d'intention très générale, ce qui pose un problème. En effet, les conditions plus précises de la certification, de l'authentification, de l'intégrité auraient dû être définies dans le cadre mê me de la loi, tout comme le type d'opérateurs habilités à la certification des données électroniques.

Le ministre des relations avec le Parlement nous a fait parvenir les intentions du Gouvernement concernant les projets de loi qui seront discutés d'ici à la fin juin, et je n'y ai pas vu le projet de loi sur la société de l'information.

M. Olivier de Chazeaux.

Nous non plus !

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est virtuel !

M. Yves Cochet.

Je m'adresse donc à vous, monsieur le rapporteur et madame la garde des sceaux...

M. Christian Paul, rapporteur.

Il faut qu'il soit présenté au conseil des ministres !

M. Yves Cochet.

Certes, mais parmi les projets qui ont été prévus à l'ordre du jour certains ne sont pas encore présentés au conseil des ministres. Compte tenu du vide juridique concernant la protection de la vie privée et des données personnelles, et dans l'attente de ce projet de loi, il nous paraît un peu délicat de confier cette mission de certification à des opérateurs privés, même labellisés comme c'est le cas actuellement aux Etats-Unis, car l'on peut imaginer leur vulnérabilité, non seulement face à la technique - je pense au piratage - mais aussi et surtout face aux pressions commerciales, financières et politiques.

Les enjeux, en effet, sont énormes.

En outre, ce système coûteux sera davantage à la portée des grandes entreprises qu'à celle des particuliers.

M. Olivier de Chazeaux.

Non !

M. Yves Cochet.

Si, cela coûtera un peu cher. Dès lors, les citoyens, les associations ne risquent-ils pas d'être un peu à l'écart ?...

M. Christian Paul.

Cela coûtera quelques dizaines de francs par an !

M. Yves Cochet.

Pour la redevance ?

M. Christian Paul, rapporteur.

Pour la certification !

M. Yves Cochet.

Qu'il s'agisse du droit de la preuve, de la signature électronique ou de toute autre question relative à Internet, je persiste à défendre l'idée que l'accès à ces technologies, notamment à l'Internet, doit être considéré comme un service public,...

M. Jean-Claude Lefort et M. Pierre Carassus.

Très bien !

M. Olivier de Chazeaux.

On y vient !

M. Yves Cochet.

... au même titre que le téléphone, l'eau ou l'électricité, dont tout citoyen doit pouvoir bénéficier dans les mêmes conditions, quels que soient son statut social ou sa localisation géographique,...

M. Alain Vidalies.

Très bien !

M. Yves Cochet.

... à un prix raisonnable et égal pour tous. C'est pourquoi, au nom des principes démocratiques, défendus par le Conseil d'Etat lui-même dans son rapport intitulé « Internet et les réseaux numériques », remis au Premier ministre en juillet 1998, je propose que la certification relève obligatoirement du service public pour les actes authentiques ainsi que pour les actes sous seing privé.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

M. Yves Cochet.

Mon propos rejoint celui de M. Lefort. Les organismes susceptibles d'être retenus pour assurer cette mission de service public existent dejà - je pense à la Caisse des dépôts et consignations. Je vous pose donc la question, madame la ministre : le Gouvernement a-t-il l'intention de concéder la certification à quelques opérateurs privés ou bien a-t-il l'intention de la confier à un seul opérateur, par exemple, la Caisse des dépôts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte pose de réels problèmes politiques - il est peut-être un peu tard pour les aborder - qui sont autant de vraies questions.

Un constat s'impose : la France comptera dix millions d'internautes en 2001. L'industrie française des technologies de l'information est au quatrième rang mondial et représente, en termes de chiffre d'affaires, déjà 5 % du produit intérieur brut. Donc l'engouement qui provoque ce développement constitue un fait de société, sur le plan tant économique que culturel. On peut évidemment le


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regretter et le regarder avec suspicion et j'ai observé des attitudes de cet ordre. Mais, à mon sens, ce n'est pas une bonne manière d'aborder le sujet. Je comprends tout à fait les réserves qui ont été émises quant à l'absence d'un texte global sur la société de l'information, ce qui eût été effectivement plus cohérent. Mais des considérations pratiques - rapidité de l'évolution du commerce et résolution de problèmes qui se posent déjà dans certaines entreprises exigeaient, et le Gouvernement a eu raison de le faire, de proposer ce texte avant même l'examen d'un texte plus général sur la société de l'information.

M. Jean-Claude Lefort.

Money is money !

M. Patrice Martin-Lalande.

Si on attend, on n'est pas près de légiférer !

M. Claude Goasguen.

En effet, des procès, très gênants pour certaines entreprises françaises, sont en cours.

D'ailleurs ce texte a connu une maturation très lente.

Par conséquent, nous sommes loin de nous soumettre à une actualité immédiate, sous le coup de la précipitation.

En réalité, ce texte est en conformité avec la directive du 13 décembre 1999, que nous allons appliquer au niveau français.

Le Gouvernement a eu raison d'engager la réforme du droit de la preuve. C'était nécessaire. Le droit de la preuve, on l'a dit, consacre une place centrale à l'écrit sur un support papier. En réalité, nous n'avons pas envisagé que l'écrit se différencie du support papier. De ce point de vue, on constate une certaine régression. N'était-on pas plus imaginatif il y a vingt siècles dans le domaine de la preuve qu'au

XIXe siècle ? La plasticité du droit ancien devrait nous inciter à beaucoup de réserve.

A regarder les délibérations du code civil sur la preuve de près, on s'aperçoit que l'idée n'est pas venue aux rédacteurs du code civil que la preuve puisse un jour ne pas figurer sur un support papier. On a connu au cours de l'histoire toutes sortes de preuves, on brisait les lances dont on se partageait les morceaux, par exemple. La symbolique aussi constituait une preuve. Nous y reviendrons peut-être ! Toujours est-il que le droit en vigueur n'est absolument pas adapté aux échanges électroniques. Jusqu'à présent, l'écrit électronique était considéré comme un indice, un simple commencement de preuve laissé à l'appréciation du juge.

Je crois que, pour développer le commerce électronique, nécessité absolue puisqu'il s'agit d'emplois, de produit intérieur brut, il faut redonner aux internautes entreprises, particuliers ou associations -, la confiance qui les portera à aller vers des transactions effectuées en ligne, et, dans ce domaine, le besoin de sécurité juridique est essentiel. Ce texte, madame la garde des sceaux, apporte un début de sécurité juridique dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle nous y sommes favorables.

Nous nous félicitons aussi que le Sénat ait élargi le champ d'application de ce projet aux actes authentiques.

Mais une fois que l'on s'est mis d'accord sur les avantages juridiques de ce texte, alors se posent les problèmes politiques. En effet, la signature électronique ne peut s'envisager abstraction faite d'une certaine conception générale de notre évolution économique et juridique. Dès lors que ce texte concerne des actes publics - ainsi que le propose le Sénat -, pourquoi se limiter aux « actes authentiques » ? Pourquoi ne pas étendre la réflexion aux contrats, aus échanges, à l'adhésion en termes informatiques, notamment pour les collectivités publiques ? En effet, je ne vois pas pourquoi, si l'on accepte l'acte authentique, on éliminerait de facto tout ce qui concerne la relation juridique des collectivités publiques, d'autant que nous sommes très pauvres dans ce domaine. J'aurais donc préféré que ce texte serve aussi d'incitation à l'utilisation de la signature électronique pour les actes de droit public, car il n'y a aucune raison de la limiter au droit privé.

Pour ceux qui, comme moi, souhaitent une réforme de l'administration et de l'Etat, il aurait été utile d'élargir notre débat à bien d'autres actes. On ne voit pas pourquoi le contrôle de légalité, les appels d'offres, les actes de collectivités publiques ne seraient pas concernées par un texte sur ce sujet. D'ailleurs, notre ami Patrice MartinLalande l'a souligné avec beaucoup de brio en commission des lois. Je partage ce sentiment car je ne voudrais pas que l'on considère que nous soutenons une évolution vers la sécurité électronique en laissant les entreprises à part dans le monde du papier.

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait !

M. Claude Goasguen.

Acceptons donc le même moyen de preuve pour tout le monde.

En ce sens, mon cher collègue, vous avez eu raison de parler de société de l'information. Par commodité, adoptons le texte en l'état, mais utilisons la deuxième lecture pour étendre sa portée. Le Sénat y pense, et il serait judicieux de profiter de cette possibilité pour donner une nouvelle dimension à ce texte.

M. Christian Paul, rapporteur.

Cela relève du domaine règlementaire !

M. Claude Goasguen.

Cela étant, de nombreuses questions restent en suspens, madame la ministre.

Soit, il s'agit d'un texte de principe. Encore faudrait-il cependant connaître la teneur des décrets qui lui donneront réellement une substance.

En ce qui concerne d'abord le délai, je me méfie désormais des lois qui ne peuvent être mises en oeuvre qu'après l'intervention de décrets. Un récapitulatif récent montre que l'on attend toujours les décrets pour plusieurs lois essentielles. Même un texte sur un sujet fondamental que Mme Voynet a défendu avec beaucoup d'éloquence n'a toujours pas encore vu, dix mois après son adoption, le premier décret d'application. Combien de lois françaises partent-elles aux oubliettes parce que les décrets tardent ou sont carrément oubliés ? Du point de vue du délai, nous devons formuler des exigences auprès du Conseil d'Etat.

Il convient également de veiller à la qualité du décret.

Certes, je ne mets pas en cause la compétence des conseillers d'Etat, que nul ne saurait soupçonner à cet égard. Il est néanmoins évident qu'un décret peut être rédigé de plusieurs manières.

La première est celle qu'utilise classiquement notre administration, et même le Conseil d'Etat, dans certaines consultations : l'excès de sécurité pousse à l'excès de réglementation. Ainsi, on peut très bien, à partir d'un principe sainement posé dans la loi, se retrouver avec un texte qui multiplie les dispositions particulières, jusqu'à créer un carcan, lequel peut même rendre la loi pratiquement caduque.

Si je peux admettre que la mise en oeuvre d'une loi dépende d'un décret, je veux savoir quand et comment.

Je ne demande pas pour autant, comme notre collègue M. Lefort, un débat sur cette question, mais je souhaite que Mme la garde des sceaux s'attache à faire en sorte


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que le Conseil d'Etat n'annihile pas les éléments libéraux de ce texte par un excès de réglementation et de pointillisme.

Ainsi que cela a déjà été souligné, on voit bien que, dans ces textes à la fois techniques et juridiques que l'on élabore en tâtonnant, la tentation du juriste est non d'enfermer l'évolution, mais de l'accompagner. Je regrette d'ailleurs le

XIXe siècle où les rédacteurs du code civil arrivaient, sur la responsabilité civile ou sur la preuve, à régler en quatre lignes une évolution qui allait durer deux siècles. Je voudrais que l'on puisse, au sein de cette assemblée - peut-être ce texte le permettra-t-il - se dispenser d'avoir des décrets d'application et laisser faire la jurisprudence interprétative.

J'ai une conception libérale de la signature électronique. Elle consiste à ne pas limiter son utilisation aux seules entreprises, mais à l'étendre à toutes les collectivités publiques. Il faut laisser le minimum de place à la réglementation et garantir la sécurité, sans pour autant tuer la progression des technologies et s'opposer à leur caractère novateur.

Je souhaite que l'on en revienne à la plasticité des rédacteurs du code civil et que l'on ne s'oriente pas vers un excès de réglementation, lequel répond souvent, en France, au besoin de sécurité.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez indiqué, en commission des lois, que les Américains eux-mêmes recherchaient la sécurité des transactions.

M. Christian Paul, rapporteur.

Ce n'est pas un modèle !

M. Claude Goasguen.

J'en suis persuadé ! De ce point de vue, en effet, les Américains sont couverts de papiers.

Néanmoins, les transactions électroniques ont pris aux

Etats-Unis, dans le piratage comme dans l'utilisation qualitative, une ampleur qui n'a rien de comparable avec l'état de notre système économique informatique.

Lorsque j'entends le rapporteur de la commission des lois indiquer qu'il recherche la sécurité et que les Américains la cherchent aussi, je me dis que nous avons un goût excessif de la sécurité. Je préférerais qu'on laisse d'abord se développer le système, puis que l'on assure la sécurité nécessaire par une interprétation plastique de la loi, au lieu d'en enserrer d'emblée les dispositions par goût excessif de la sécurité et sous prétexte que les Américains cherchent aussi la sécurité.

En effet, mes chers collègues, notre système ne se développera que sur la base de la liberté. Au fronton de ce texte doit être inscrit que la signature est d'abord un acte libre, même si on lui accorde la sécurité.

En résumé, mes chers collègues, je souhaite que, lors de la prochaine lecture, le Gouvernement nous apporte la certitude que le Conseil d'Etat n'annihilera pas, par un excès de sécurité, le caractère profondément libéral de ce projet de loi dont nous nous félicitons, tant quant au choix du moment qu'en raison de ses dispositions qui laissent libre un commerce plein d'avenir pour la France, pour l'économie française, donc pour l'emploi en France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son rapport de juillet 1998 sur Internet et les réseaux numériques, le Conseil d'Etat soulignait la nécessité de reconnaître la valeur juridique des outils utilisés dans le nouveau monde virtuel pour réaliser les transactions électroniques. Le Parlement et le Conseil de L'Union européenne ont adopté, le 13 décembre 1999, la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques.

Le projet de loi présenté par le Gouvernement s'inscrit dans cette démarche avec l'objectif de permettre à la France d'être parmi les premiers pays dotés des outils juridiques adaptés aux nouvelles technologies. Il modifie la notion de preuve littérale ou par écrit, afin d'y inclure le document électronique, et précise la valeur juridique attribuée à cette preuve littérale sous forme électronique.

L'innovation majeure consiste en la redéfinition de la preuve littérale afin de la rendre indépendante de son support. Jusqu'à aujourd'hui, l'interprétation du code civil imposait une sorte de confusion de fait entre l'écrit et le support papier qui excluait la prise en compte des documents informatiques. Désormais, l'écrit sous forme électronique sera admis comme un moyen de preuve au même titre que l'écrit sur papier. Le projet de loi impose deux conditions à cette assimilation : que puisse être indentifié celui dont il émane ; que les conditions dans lesquelles il est établi et conservé en garantissent l'intégrité.

Le Gouvernement a fait un choix audacieux et déterminant en mettant sur un pied d'égalité la force probante de l'écrit électronique et celle de l'écrit sur support papier. Les premiers pays qui ont, à ce jour, tenté de traduire dans leur droit l'évolution technologique n'ont généralement pas eu cette audace. Ainsi, le Québec, tout en reconnaissant la validité des actes sur support électronique, a retenu néanmoins que, contrairement aux actes sur support papier, ils pourraient être contredits par tout moyen.

Le Gouvernement n'a pas choisi la voie de la demimesure qui aurait certes constitué en effet d'annonce mais aurait pu générer un désordre permanent dans notre vie juridique en permettant notamment la preuve par témoin contre les actes sur support électronique. Le choix du Gouvernement est celui de la cohérence et de la détermination. Il est pleinement approuvé par le groupe socialiste.

Le projet de loi tire les conséquences de cette absence de hiérarchie entre les preuves littérales électroniques ou t raditionnelles en donnant au juge, par le nouvel article 1316-2 la mission de régler les conflits de preuve sans prédominance préétablie.

La signature étant une condition d'existence de l'acte, la question de la reconnaissance d'un équivalent électronique à la signature manuscrite est à l'évidence déterminante. A cet égard, je veux d'abord souligner que la signature manuscrite ne présente pas aujourd'hui toutes les garanties qu'on veut bien lui reconnaître et que, dans la pratique, elle génère bien souvent des contentieux illustrés par une jurisprudence abondante.

M. Patrice Martin-Lalande.

Cela existe avec les faux en écriture !

M. Alain Vidalies.

En effet, nombre de signatures manuscrites sont parfaitement illisibles. Elles peuvent radicalement changer, notamment lorsque les femmes, après leur mariage, prennent une nouvelle signature en partant du nom du mari.

De plus, la loi ne donne aucune définition de la signature, et les tribunaux ont tenté de combler cette lacune.

Ainsi, dans un arrêt du 21 mai 1975, la cour d'appel de Paris a retenu que constitue une signature valable toute marque distinctive personnelle manuscrite permettant


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d'individualiser son auteur sans doute possible et traduisant la volonté non équivoque de celui-ci de consentir à l'acte.

Ce rappel m'a paru nécessaire car il révèle que les exigences pesant aujourd'hui sur la validité de la signature électronique sont les mêmes que celles qui pèsent déjà sur la signature manuscrite.

Le projet de loi, sans distinguer entre les deux formes, prévoit : « La signature nécessaire à la perfection d'un acte sous seing privé identifie celui qui l'appose. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. » Il ne s'agit en réalité que du rappel des principes

préalablement dégagés par la jurisprudence pour la signature manuscrite.

Je veux aussi insister sur l'importance de ce projet de loi au regard de l'objectif de l'égal accès des citoyens aux nouvelles technologies.

Au-delà des principes juridiques que nous inscrivons dans la loi, il reviendra aux décrets d'application de préciser les caractéristiques techniques déterminant la validité des engagements.

S'agissant des supports électroniques, plusieurs niveaux d'exigence technique sont envisageables, répondant à des niveaux de sécurité très différents. Je reviens sur ce sujet parce que le débat est effectivement politique, monsieur Goasguen.

Si la loi ne fixe pas des règles générales communes de validité applicables à tous,...

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est la jungle !

M. Alain Vidalies.

... non seulement c'est la jungle, mais, surtout, va se développer un marché de la sécurité des transactions électroniques dans lequel les opérateurs factureront leurs prestations en fonction du degré de sécurité qu'ils pourront apporter et des possibilités financières des uns et des autres. Certains pourront ainsi accéder à un niveau de sécurité plus performant, alors que le vulgum pecus n'aura accès qu'à un niveau de sécurité ordinaire.

Nous pourrions le constater si l'on examinait en détail ce qui est arrivé dans l'affaire qui a retenu notre attention au niveau des cartes bleues. L'action du pirate a été facilitée par le fait qu'il n'a détourné qu'une multitude de petites sommes, parce que, à ce niveau, la sécurité était bien moindre que pour des prélèvements plus élevés.

Telle est la réalité.

L'intérêt de ce projet de loi est non seulement de fixer les principes juridiques, mais aussi de renvoyer à un règlement et à des conditions de validité qui seront les mêmes pour l'ensemble des citoyens. En ce sens, ce projet s'inscrit dans un objectif de démocratisation de l'accès aux nouveaux moyens informatiques.

Ma dernière observation portera sur les actes authentiques que le Sénat a proposé d'inclure dans le champ d'application du texte. J'ai bien noté que le Gouvernement avait finalement donné son accord à cette initiative...

M. Patrice Martin-Lalande.

Il a raison !

M. Alain Vidalies.

... tout en précisant qu'il faudrait vraisemblablement un temps assez long pour la publication des décrets d'application.

Je tiens cependant à souligner que le champ d'application de cette extension va bien au-delà des seuls actes des notaires, dont j'ai cru comprendre qu'ils avaient largement inspiré cette initiative.

M. Claude Goasguen.

J'ai cru le comprendre aussi !

M. Alain Vidalies.

Faut-il rappeler qu'elle concerne également les officiers d'état civil, les agents diplomatiques et consulaires, les huissiers, les commissaires-priseurs, et même le service social de l'aide à l'enfance pour recevoir les consentements à l'adoption, sur le fondement de l'article 348-3 du code civil ? Elle pourra également jouer dans l'application des dispositions de l'article L.76 du code des domaines de l'Etat, qui dispose : « Les préfets reçoivent les actes intéressant le domaine privé immobilier de l'Etat, confèrent à ces actes l'authenticité et en assurent la conservation. »

M. Claude Goasguen.

C'est une vraie question !

M. Alain Vidalies.

Une telle énumération permet à chacun de mesurer le chemin qui reste à parcourir pour que le principe retenu par le Sénat s'applique dans les faits.

Au-delà de cette remarque personnelle, qui n'affecte pas le fond du droit, le groupe socialiste votera le projet de loi, qui traduit la volonté du Gouvernement d'inscrire notre pays dans une démarche de modernité et de développement économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même dans le travail législatif d'un député, le problème de l'authentification des documents mis en ligne se pose, comme je viens encore de le constater cet après-midi en déposant par courrier électronique un amendement sur ce projet de loi. En effet, la possibilité de déposer des amendements en ligne, qui est une excellente chose et constitue une modernisation importante du travail législatif, n'en est pas moins ouverte actuellement à quiconque aurait c onnaissance de l'adresse électronique du service compétent. Aucune clef, aucun mot de passe, aucune autre signature électronique permettant l'identification de l'auteur n'est exigé.

Heureusement, le goût de déposer des amendements n'est pas trop répandu en dehors du cercle des députés.

Les risques d'altération ou de fraude sont donc limités ! En revanche, tel n'est pas le cas de l'ensemble des échanges sur la Toile ou, plus généralement, sur support électronique, notamment en matière d'obligations.

C'est pourquoi je suis heureux de constater que le texte qui nous est proposé aujourd'hui constitue une avancée indispensable et significative. Il fait, en effet, tomber un monument juridique : celui de la preuve par l'écritpapier. Ce texte constitue donc une véritable refondation de la notion d'écrit, en mettant sur un pied d'égalité toutes les formes d'écrit, quel que soit leur support, électronique ou papier.

Il s'agit également d'une réforme large, grâce à l'extension, apportée par le Sénat, du champ d'application du texte aux actes authentiques, c'est-à-dire les actes dressés par un officier public.

Néanmoins, ce texte n'est qu'une étape incomplète sur la voie de la société de l'information laquelle en comporte beaucoup d'autres qu'il est urgent de franchir.

Elle est incomplète, d'abord, parce que le texte ne prend pas en compte de manière anticipée certaines dispositions du projet de directive du Parlement et du Conseil « sur certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur ». En effet, au sens communautaire, l'écrit n'est exigé que dans une seule


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perspective : faire preuve d'un acte. Or le droit français distingue entre l'écrit peuve d'un acte et l'écrit exigence de validité d'un acte à peine de nullité.

L'existence, en droit français, de nombreux contrats où un écrit papier est exigé comme condition de validité d'un contrat, notamment des contrats de consommation, crée ainsi un double risque : Le premier risque est de mettre la France en contradiction avec les exigences communautaires telles qu'elles sont posées par le projet de directive européenne sur le commerce électronique.

En effet, l'article 9 de ce projet de directive prévoit que « les Etats membres veillent à ce que leur système juridique rende possible les contrats par voie électronique », et à ce qu'ils « s'assurent notamment que le régime juridique applicable au processus contractuel ne fasse pas obstacle à l'utilisation des contrats électroniques ou ne conduise pas à priver d'effet et de validité juridique de tels contrats, pour le motif qu'ils sont passés par voie électronique ».

Ainsi, l'existence en droit français de contrats - de consommation notamment - où l'écrit est exigé à peine de nullité, constituerait bien un « obstacle » à l'usage du numérique, qui placerait la France en porte-à-faux par rapport aux très prochaines dispositions communautaires.

Le texte qui nous est proposé se situant en deçà des exigences européennes, comment, madame la ministre, le Gouvernement entend-il garantir durablement la conformité de la France aux dispositions de la future directive ? Le second risque est de créer une situation d'insécurité juridique dont les premières victimes seraient les consommateurs.

En effet, le droit français, comme je l'ai dit, exige un écrit-papier comme condition de validité de certains contrats de consommation, dans un souci de protection du consommateur, de manière à conserver les garanties essentielles prévues par le droit commun des transactions commerciales : par exemple l'exercice du droit de repentir.

Ainsi, dans le cas d'un contrat de bail d'habitation, où l'écrit est requis à peine de nullité, un bail conclu par voie électronique, par exemple sur un site Internet immobilier, ne pourra, en cas de contestation contentieuse, et en l'état actuel du texte, être déclaré comme valable par le juge.

De même, pour un contrat de prêt, le taux d'intérêt doit être indiqué par écrit à peine de nullité. Ainsi, à l'heure où les prestations bancaires en ligne sont en plein développement, un juge saisi d'un tel contentieux ne pourra, en l'état actuel du texte, admettre la validité d'un tel contrat de prêt.

Comment, madame la ministre, le Gouvernement entend-il concilier sur ce point les dispositions de son projet de loi et les exigences de protection du consommateur ? Le texte me semble être une étape incomplète dans la mesure également où il laisse de côté des pans importants de la sécurité des échanges en ligne.

La première question laissée sans réponse est l'archivage des documents. La durée obligatoire de conservation des actes peut varier, ou le sait, sauf prescription plus courte, de dix ans en matière commerciale à trente ans en matière civile. Or, ni les conditions de conservation de la preuve, ni la forme que doit prendre l'archivage ne sont définies par la loi. Il faut d'ailleurs bien constater qu'aujourd'hui nul ne peut, en l'état de la technique, dire quelle sera la durée de conservation d'un document électronique.

Le deuxième point délaissé par les auteurs du texte est la possibilité d'accréditer les notaires, les huissiers et les autres officiers ministériels comme prestataires de services de certification. En effet, cette possibilité n'est pas définie par la directive. La capacité de ces officiers ministériels à suivre individuellement l'évolution technologique n'étant pas assurée dans l'état actuel de l'économie, on peut s'interroger sur la possibilité de confier soit à l'ordre, soit à la profession dans son ensemble, le rôle de délivrer les certifications.

La troisième lacune de ce texte concerne les actes administratifs, dont Claude Goasguen a également parlé.

Le texte, dans son état actuel, semble laisser ces derniers à l'écart de l'évolution qu'il consacre en matière de sécurité

Le texte proposé par le Gouvernement prévoit que les actes authentiques puissent être établis et conservés sur support électronique. Si les actes émis par les officiers d'état civil font donc partie du champ d'application du texte, qu'en est-il des autres actes administratifs, tels que les délibérations des conseils municipaux, les arrêtés municipaux, les appels d'offres, les contrats administratifs ? Le Gouvernement se doit de préciser si ces actes administratifs entrent, ou n'entrent pas, dans le champ d'application du texte. C'est important pour nos collectivités territoriales.

Dans la négative, le Gouvernement doit nous préciser de quelle manière, et à quel moment, les actes administratifs en ligne seront dotés de la même sécurité juridique que les actes civils.

De la même manière que la sécurité des transactionse st une condition essentielle du développement du commerce électronique, la prise en compte des actes administratifs constituerait une étape décisive pour les collectivités et pour la modernisation des relations entre l'Etat et les citoyens. Quand aura-t-elle lieu ? Quatrième et dernier point qui appelle des précisions de la part du Gouvernement : la publication rapide du décret en Conseil d'Etat. Plusieurs orateurs en ont parlé.

Le problème de l'irréversibilité des manipulations informatiques, la question de l'intelligibilité de l'écrit électronique, de son intégrité et de sa durabilité, et surtout la certification sont autant de points essentiels que le décret en Conseil d'Etat devra régler.

Le Conseil d'Etat a réalisé un travail remarquable depuis 1996, sous la conduite notamment de Mme Falque-Pierrotin, pour analyser les problèmes et proposer des solutions juridiques rendues nécessaires par la révolution numérique. La compétence est donc immédiatement mobilisable.

Mais le texte qui nous est présenté ne saurait être satisfaisant sans un engagement ferme et clair du Gouvernement sur la date de publication de ce décret d'application.

M. le rapporteur a précisé en commission que le Gouvernement avait clairement et fermement affirmé son intention de publier rapidement ce décret. Mais vousmême, madame la ministre, avez annoncé, après le débat au Sénat, la constitution d'un groupe de travail composé de juristes spécialisés et d'experts et déclaré - je cite l'Agence France Presse - que le décret d'application « ne pourra intervenir dans un délai rapide ».


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Le Gouvernement peut-il nous préciser la date prévue pour la publication de ce décret d'application ? Celui-ci donne en effet toute sa signification au vote du présent texte. S'il ne doit pas paraître prochainement, nous aurions pu tout aussi bien attendre le débat sur la loi relative à la société de l'information qui aura lieu dans quelques mois.

Enfin, rappelons que les dispositions du présent projet de loi ne constituent qu'un premier pas, certes essentiel, mais somme toute limité au vu du programme d'action gouvernemental pour l'entrée de la France dans la société de l'information. Des progrès devront être réalisés sur d'autres chantiers législatifs : l'évolution du droit des contrats face à la dématérialisation des échanges, dont la signature électronique n'est qu'un des aspects ; la modernisation des systèmes de paiement ; l'adaptation des règles fiscales ; le rôle des services publics en tant qu'acteurs du commerce électronique ; ou encore le maintien de la protection du consommateur.

Sous réserve des réponses que le Gouvernement apportera à notre assemblée, je voterai ce texte, qui constitue une étape importante pour l'entrée de la France dans la société de l'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis, et qui a été adopté par le Sénat en première lecture, est une nouvelle étape dans le processus d'adaptation de la législation française au développement d'une nouvelle économie induite par Internet. Ce nouveau secteur en pleine expansion est dominé par des groupes multinationaux dont la cotation boursière atteint des sommets souvent artificiels.

Mais les enjeux ne doivent pas être que financiers. Ils sont d'abord pour nous démocratiques et de citoyenneté.

La France connaît encore quelques retards, mais ce nouveau secteur technologique est chez nous en plein essor : nous nous situons quatrième rang mondial pour le chiffre d'affaires, qui représente environ 5 % de notre produit intérieur brut, et près de 10 millions d'internautes sont attendus en France dans les deux ans à venir.

Il y a donc là des enjeux économiques capitaux que nous ne pouvons ignorer, d'autant plus qu'ils auront à coup sûr des répercussions dans les domaines social et de l'emploi.

Il est vrai que le développement du commerce électronique autour d'Internet favorise l'apparition de nouvelles formes d'échanges et de transactions qui structurent d'une façon nouvelle notre univers commercial en proie à la mondialisation et au tout virtuel. Une telle situation engendre le pire comme le meilleur.

Le Gouvernement a donc raison de vouloir accompagner sur le plan législatif la croissance de ces nouvelles activités économiques. Il eût été risqué de s'en remettre à une autorégulation. Elle serait pour le moins hasardeuse, pour ne pas dire dangereuse, pour la sécurité et donc les libertés des citoyens.

L'état actuel du droit ne reconnaît la recevabilité des documents électroniques en mode de preuve qu'au cas par cas, à l'appréciation des juges du fond. Il ne leur confère pas la même force probante qu'aux écrits sur support papier. Il fallait donc repenser notre système juridique pour l'adapter à des nouvelles pratiques commerciales qui le rendent caduc et qui peuvent être sources de litiges multiples.

Légiférer dans un tel domaine n'est pas, nous le savons, facile, d'autant que nous sommes loin d'en prévoir toutes les évolutions futures. C'est néanmoins ce que propose le présent projet de loi en rendant, dans un premier temps, juridiquement valable la signature électronique.

Ainsi, il est donc prévu d'admettre en mode de preuve les documents électroniques au même titre que le support papier. Evidemment, les modifications introduites dans le code civil pour rendre la signature électronique juridiquement valable ne sont pas sans poser quelques difficultés.

Il est évident qu'un écrit électronique n'aura la même force probante qu'un écrit papier que lorsque les mêmes droits et obligations seront reconnus pour les parties et qu'il sera signé.

En l'absence de trace manuscrite, en cas d'usage de codes secrets, de recours à l'IRIS, à l'empreinte morphologique numérisée, des conflits portant sur la preuve ne manqueront pas de surgir, que le juge, habilité par la loi, devra trancher dans le cas, par exemple, où un écrit électronique et un écrit papier seraient contradictoires.

Les sénateurs, approuvés en cela par notre commission des lois, ont étendu le champ d'application de la loi aux actes authentiques.

Voilà nos officiers ministériels transformés en « cyberhuissiers » et en « cybernotaires ». Des problèmes de confidentialité des données d'habilitation émergeront forcément du fait de cette évolution. Sur ce point, je crois qu'il faudra être très vigilant pour ne pas placer les officiers ministériels au centre de la tourmente.

C'est pourquoi il serait judicieux - mais je crois que c'est ce que vous avez dit, madame la ministre - d'exiger un certain niveau de compexité dans les signatures électroniques, comme le précise la directive européenne adoptée le 30 novembre dernier, pour crédibiliser et fiabiliser les transactions comme les actes sous seing privé.

Ces remarques étant faites, les élus du Mouvement des citoyens voteront le projet de loi, tout en considérant que d'autres textes législatifs devront accompagner les évolutions prévisibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, curieuse coïncidence que la condamnation de Serge Humpich pour piratage de cartes bancaires quelques jours avant la discussion à l'Assemblée du texte sur la signature électronique. M. Humpich a mis au grand jour les failles de notre système de cartes à puces. Et voilà que nous nous apprêtons à généraliser et à officialiser un système de contractualisation et de paiement par voie électronique en reconnaissant la force probante des signatures électroniques.

Nous voici quasiment devant un fait accompli. Nous acceptons la signature comme force de preuve, sans avoir au préalable réfléchi à la façon dont nous pouvons gérer et organiser un système dans lequel les conditions de sécurité restent précaires.

Dans la mesure où les échanges sur Internet prennent des proportions extraordinaires, nous devons trouver les moyens d'en garantir la fiabilité. Les entreprises ne peuvent pas ne pas utiliser Internet pour être compétitives. Aux Etats-Unis, par exemple, Internet porte la moi-


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tié de la croissance économique. Ce moyen de communic ation formidable facilite et simplifie les échanges commerciaux, mais il ne faudrait pas qu'il se développe au détriment de la sécurité des biens et des personnes.

Nous devons donc chercher les moyens d'éviter les fraudes.

Il est difficile de refuser que la cybersignature soit dotée, dans certaines conditions, d'une force probante.

Nous renonçons néanmoins, de fait, a ce qui caractérise notre tradition de droit écrit. Encore faut-il que la cybersignature soit fiable. Et, pour l'instant, elle ne l'est pas.

Le texte qui nous est proposé est suffisamment large pour pouvoir prendre en compte la modernisation et le perfectionnement des techniques de la signature électronique, ce qui est positif, et laisse une marge de manoeuvre importante à la jurisprudence, ce qui est sage.

Mais une question préalable s'impose cependant, avant même que nous ne discutions des modalités de la signature électronique : comment voulons-nous nous situer par rapport aux Etats-Unis quant à la liberté sur Internet ? Le Premier ministre, à Hourtin, s'était prononcé pour une libéralisation du Net, alors que les Etats-Unis en ont une vision plus répressive, bien qu'ils soient favorables à une réglementation du Net par le secteur privé. Mais le secteur privé américain ne dispose pas d'une cryptologie très élaborée. Le Pentagone tient à pouvoir contrôler les échanges en laissant des systèmes de cryptologies moins performants au domaine civil et en développant des sytèmes beaucoup plus fiables réservés aux services de défense.

Dans un article de La Tribune du 28 février dernier, le directeur de la société Ubizen, spécialiste de la sécurité sur Internet, explique que « la cryptologie est une technologie de base utilisée dans la plupart des produits de sécurité, mais qu'elle ne peut pas définir les droits d'accès, les systèmes d'autorisation ou les autres aspects d'une solution globale de sécurité. Elle ne suffira pas à établir un niveau de sécurité ». Il en conclut qu'il faut une police de sécurité parfaitement établie.

Quel va être notre choix en France ? Optons-nous pour une cryptologie plus élaborée et donc plus sécurisée que celle du domaine civil aux Etats-Unis ? Avons-nous les moyens de le faire ? Si nous ne le faisons pas, ne nous mettons-nous pas sous la tutelle des Etats-Unis ? Et si nous le faisons, aurons-nous la possibilité d'avoir une police de l'Internet qui pourra malgré cela agir efficacement ? Plus généralement, le fait que les nouvelles technologies de communication revienne régulièrement sur la sellette médiatique devrait nous faire nous interroger. La signature électronique fait partie des questions que le législateur doit traiter. Mais bien d'autres sont posées par ces nouvelles technologies et, en particulier, par le Net. Je voudrais en rappeler quelques-unes : la protection des droits d'auteur à l'heure où le ministère de l'éducation nationale lutte contre le photocopiage, le contenu de certains sites absolument inacceptables et attentatoires à la dignité des personnes ; l'activité des pirates, qu'ils soient destructeurs, voleurs ou seulement indiscrets ; l'utilisation des ces technologies dans les écoles, notamment primaires.

Nous sommes très loin de voir clair dans ces pratiques.

Nous n'avons pas pris la peine de réfléchir, autant qu'on puisse le faire, aux conséquences de ces évolutions sur notre vie sociale et sur notre droit. On a un peu l'impression ce soir d'avoir pris les choses à l'envers.

Cela justifie que le législateur débatte au fond afin d'estimer ce que pourrait être son action à propos des nouvelles technologies, non pas nécessairement pour réglementer, mais au moins pour savoir et anticiper.

Je vous demande donc, madame le ministre, de susciter au Parlement un débat de fond sur les tenants et aboutissants de ces nouvelles technologies. Elles sous-tendent l'organisation nouvelle de la société. En définitive, ces technologies nous posent la question de préciser la place que nous réservons à la personne humaine face à la technologie. Cela mérite donc une réflexion au fond qui serait un vrai débat de société.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je remercie tous les orateurs pour leurs remarques très intéressantes sur cet important sujet. Je souhaite répondre sur quelques points.

Le premier point a trait au décret relatif à la certification. Votre commission des lois et de nombreux orateurs qui se sont exprimés ce soir souhaitent voir élaborer dans les meilleurs délais le décret d'application qui permettra la mise en oeuvre de la présomption de fiabilité instituée par l'article 1316-4 du code civil. Je partage évidemment ces préoccupations. Je vous ai indiqué que mes services s'étaient d'ores et déjà rapprochés du secrétariat d'Etat à l'industrie pour élaborer conjointement le décret d'application.

Je suis comme vous soucieuse que ce texte soit publié dans les meilleurs délais possible. Il portera sur la question de la certification en transposant sur ce point les dispositions de la directive communautaire sur les signatures électroniques.

La certification joue un rôle fondamental pour créer la confiance dans les procédés de signature électronique. Le décret, par conséquent, précisera les exigences auxquelles sont soumises les autorités de certification qui souhaitent bénéficier de la présomption de fiabilité prévue par la loi.

Il prévoira aussi la possibilité pour les autorités de se faire accréditer auprès de certains organismes sans toutefois rendre cette accréditation obligatoire pour ne pas freiner l'offre de service de certification par des contraintes excessives.

Enfin, le décret précisera plus largement les autres conditions que les procédés de signature électronique devront remplir pour pouvoir être considérés comme fiables. Il faudra en particulier que ces procédés puissent garantir l'intégrité des données, c'est-à-dire leur nonaltération pendant leur transmission.

Les dispositions de ce décret d'application seront donc essentielles aussi bien pour les utilisateurs des nouvelles technologies que pour les prestataires. Le Gouvernement sera évidemment particulièrement attentif à ce qu'il puisse paraître dans les meilleurs délais.

S'il arrive que certains décrets prennent du retard, d'autres, en revanche, sont publiés très rapidement.

M. Claude Goasguen.

Trop rapidement !

M. Pierre Carassus.

Parfois, l'opposition le regrette !

Mme la garde des sceaux.

Nous ferons ce qu'il faut pour que ce soit le cas, sans, bien entendu, porter atteinte à la qualité du travail.

En second lieu, et puisque plusieurs d'entre vous ont abordé la question de l'extension de ces dispositions du texte à l'acte authentique, je veux vous apporter quelques précisions sur les conditions dans lesquelles le Gouvernement entend procéder à la dématérialisation de l'acte authentique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

J'appelle d'abord votre attention sur le fait que ce décret se distinguera évidemment de celui consacré à la certification. L'acte authentique se voit conférer une force probante toute particulière, liée à l'intervention d'un officier public et au respect de certaines exigences de forme.

Aussi le texte réglementaire devra-t-il prendre en compte de nombreux problèmes.

Pour commencer, il faut veiller à ce que la dématérialisation ne porte pas atteinte aux garanties qu'offre l'authenticité, en inventant un nouveau formalisme électronique propre à se substituer aux exigences actuelles attachées au support papier. Il faut notamment rechercher comment l'officier public pourra conserver son rôle de témoin privilégié dans un environnement dématérialisé.

Comment pourra-t-il, par exemple contrôler la réalité du consentement de la partie qui s'oblige ? La question est évidemment importante.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est le vrai problème.

M me la garde des sceaux.

Les conditions dans lesquelles pourra être apposée la signature électronique des parties et de l'officier public sur l'acte authentique devront être également précisées. De même, il faudra garantir la conservation de l'acte authentique.

Aussi, comme je l'ai indiqué lors de la discussion au Sénat, j'ai décidé de constituer un groupe de travail réunissant des juristes et des experts techniques chargés d'étudier les mesures qui devront être prises par voie réglementaire. Je souhaite évidemment que les parlementaires intéressés par cette question soient associés à ces travaux, répondant ainsi à une demande formulée par M. Lefort, qui, j'en suis sûre, se faisait l'interprète de beaucoup d'entre vous.

M. Jean-Claude Lefort.

Forcément !

Mme la garde des sceaux.

Vous comprendrez que, compte tenu de la complexité des problèmes qu'il devra s'attacher à résoudre, la publication de ce deuxième décret prendra évidemment plus de temps que celle du décret portant sur la certification.

Certains ont laissé entendre que le projet de loi s'éloignerait de la définition de la Cour de cassation en utilisant le terme « identification » et non « imputabilité ». Ce n'est pas exact. Le projet de loi s'inscrit dans la jurisprudence en exigeant que soit identifié celui dont émane l'écrit électronique. C'est cette émanation qui traduit l'exigence d'imputabilité.

Je dirai enfin quelques mots de la cryptologie, sujet abordé par plusieurs orateurs.

Les fonctions que remplit la cryptologie en font un facteur essentiel pour le développement des réseaux électroniques. Cette technique permet en effet de garantir la confidentialité des messages, mais aussi d'authentifier les parties et d'assurer l'intégrité des informations transmises.

Le Gouvernement a décidé, lors du comité interministériel sur la société de l'information du 19 janvier 1999, d'offrir toute liberté pour l'utilisation de la cryptologie en France. Une première étape a été accomplie en mars 1999 avec le relèvement du seuil de la cryptologie dont l'utilisation est libre. La seconde étape, qui vise à supprimer toute limitation ainsi que les contraintes pesant sur la gestion des clés, qui est d'ordre législatif constitue une des priorités du Gouvernement.

Toutefois, cette libéralisation devra s'accompagner d'un renforcement des moyens dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre l'utilisation des moyens de chiffrement à des fins délictueuses. Des crédits ont été dégagés pour faciliter la recherche dans ce domaine. Mes services travaillent à l'élaboration des dispositions propres à réaliser l'objectif visé, afin que le Parlement puisse être saisi de cette question dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - I. L'article 1316 du code civil devient l'article 1315-1.

« II. Les paragraphes 1er , 2, 3, 4 et 5 de la section I du chapitre VI du titre III du livre III du code civil deviennent respectivement les paragraphes 2, 3, 4, 5 et 6.

« III. Il est inséré, avant le paragraphe 2 de la section I du chapitre VI du titre III du livre III du code civil, un paragraphe 1er intitulé : "Dispositions générales", comprenant les articles 1316 à 1316-2 ainsi rédigés :

« Art. 1316 La preuve littérale ou preuve par écrit, résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission.

« Art. 1316-1 L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

« Art. 1316-2 Lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable quel qu'en soit le support. »

M. Martin-Lalande a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du III de l'article 1er , après les mots : "L'écrit sous forme électronique est admis en preuve", insérer les mots : "et pour la validité de l'acte". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il est nécessaire de mettre fin à la distinction traditionnelle qu'effectue le droit français entre l'exigence de l'écrit comme preuve d'un acte et l'exigence de l'écrit comme condition de validité de l'acte à peine de nullité : l'écrit ad validitatem . En premier lieu, la coexistence de cette distinction avec les dispositions du présent projet de loi est une grande source d'insécurité juridique pour les justiciables, puisqu'elle continue à exiger un écrit-papier pour certains contrats, alors même que l'objectif, on l'a dit, est d'assurer une égalité entre toutes les formes d'expression des contrats, qu'ils soient sous forme papier ou sous forme électronique.

En deuxième lieu, cette disctinction, en interdisant la conclusion par voie électronique de certains contrats, de consommation notamment, risquerait de mettre la France en contradiction avec les dispositions du futur projet de directive européenne.

Enfin, cette distinction constitue une exception juridique française, que la France aurait intérêt à supprimer pour éviter d'être victime de distorsions de concurrence pénalisantes.


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Les mesures de nature à garantir la protection des consommateurs devront naturellement être transposées au niveau du décret afin d'éviter tout vide sur ce plan.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement ; je me contenterai donc de vous donner mon sentiment personnel.

Je me dois d'abord de rappeler à M. Martin-Lalande que le projet de loi porte exclusivement sur le droit de la preuve et ne modifie pas les règles de validité des actes.

C'est un choix délibéré fait dès l'origine de ce projet ; peut-être conviendra-t-il, dans une autre étape, d'aller plus loin.

Cela dit, l'argumentation de M. Martin-Lalande me laisse perplexe dans la mesure où il considère que l'exigence d'un écrit-papier constituerait une source d'insécurité juridique pour les intéressés. Cela me paraît quelque peu paradoxal.

Je rappelle enfin que la directive sur le commerce électronique nous imposera d'introduire certaines adaptations dans notre droit, lesquelles iront bien au-delà de l'amendement proposé par notre collègue, qui pourrait être réexaminé à cette occasion.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable.

Le droit français opère une différence fondamentale à mes yeux justifiée, entre les règles de preuve qui ne préjugent pas la validité de l'acte et les formalités exigées pour son existence même.

En revanche, cet amendement opère un amalgame injustifié entre les règles de preuve et de validité qui remplissent des fonctions différentes : les premières ont pour seul objet de faciliter a posteriori , en cas de survenance d'un conflit, l'établissement du contenu d'un acte, tandis que les secondes sont destinées à faire prendre conscience à une partie, lors de la signature de l'acte, de la portée de son engagement.

S'il est vrai que le droit communautaire invite à réexaminer l'ensemble des règles qui empêchent la conclusion d'un contrat électronique, quel qu'il soit, il n'en reste pas moins que le raisonnement diffère selon le cas. En matière de preuve, et c'est l'objet du présent projet, il est possible d'appliquer les règles générales à tous les actes sans en distinguer la nature ; en revanche, s'agissant des formalités exigées à peine de validité, c'est au cas par cas qu'il faudra examiner les adaptations nécessaires lorsque la directive sur le commerce électronique sera adoptée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Blessig a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (art. 1316-1 du code civil) du III de l'article 1er , substituer aux mots : "la personne dont il émane" les mots : "son auteur". »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Subordonner la validité de l'écrit électronique à l'identification de la personne dont il é mane n'est guère satisfaisant. L'emploi du verbe

« émane » est source d'incertitude. Est-ce l'auteur du texte qui est visé, ou celui qui maîtrise le support électronique ? Si c'est l'auteur, solution la plus probable, pourquoi ne pas employer ce terme plus précis, puisqu'il renvoie à celui qui est à l'origine du document ? Le verbe

« émane » autorise à soutenir que le document se rattache à celui qui transmet ledit document, alors qu'il n'en sera pas nécessairement l'auteur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur.

Avis défavorable.

Je me suis reporté au dictionnaire Larousse, bonne lecture en pareil cas, pour vérifier s'il s'agissait d'un synonyme ou si la rédaction initiale n'était pas finalement plus satisfaisante que celle qui nous est proposée.

De fait, les termes retenus dans le projet permettent d'indiquer que ce document renvoie à celui qui est réellement à son origine, ce qui me paraît plus précis que la seule référence à l'auteur, lequel pourrait n'en être que l'inspirateur.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis également défavorable : ou bien cet amendement est inutile, car les deux notions évoquées peuvent être entendues comme synonymes, ou bien il peut être générateur d'une ambiguïté dans la mesure où la notion d'auteur de l'acte peut se rapporter tantôt à celui qui a matériellement rédigé le document, tantôt à celui qui, intellectuellement, en a établi la teneur. C'est la raison pour laquelle je souhaite que votre assemblée rejette cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Blessig a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa (art. 1316-2 du code civil) du III de l'article 1er par la phrase suivante :

« L'appréciation de la validité des conventions sur la preuve par le juge doit notamment s'assurer du respect de l'équilibre entre les parties et préserver la possibilité de rapporter la preuve contraire. »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

J'ai déjà eu l'occasion de m'interroger sur le respect de l'équilibre entre les parties. La protection des contractants était l'un des objectifs du présent texte.

Dans ces conditions, dès lors que l'on consacre la validité des conventions sur la preuve déjà mises en oeuvre par la jurisprudence, il serait opportun d'en préciser les conditions de validité minimales, telles qu'elles résultent de la loi du 1er janvier 1995 sur les clauses abusives et de la jurisprudence elle-même : absence de déséquilibre entre les parties et possibilité d'apporter la preuve contraire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, considérant que le juge opérait déjà, de fait, ce contrôle et apportait par conséquent toutes les garanties souhaitées.

De surcroît, sur un plan plus formel, une énumération non limitative ne nous paraît guère satisfaisante dans le cadre du code civil, notamment dans le volet en question.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Cet amendement ne m'apparaît pas utile. Sur le plan de l'équilibre entre les parties, la législation sur les clauses abusives a vocation à s'appliquer aux conventions en matière de preuve comme à tout autre contrat. Il serait même contraire au principe du contradictoire et au respect des droits de la défense de laisser entendre qu'une partie n'aurait pas le droit d'apporter la preuve contraire à un acte qu'on lui oppose.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Mon avis est donc défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 1er bis

M. le président.

« Art. 1er bis . - L'article 1317 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Mme Catala a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er bis »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour défendre cet amendement.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement sans hésiter, considérant que l'acte authentique ne saurait rester en dehors de l'évolution du droit ; c'est en effet un cadre légal que nous aurons pour l'avenir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er bis

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé :

« Art. 1316-3 . - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier. »

M. Blessig a présenté un amendement, no 3 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 1316-3 du code civil par les deux phrases suivantes : « Quel que soit son support, chaque écrit doit respecter l'ensemble des dispositions particulières que lui impose éventuellement la loi ou le règlement.

Lorsque la loi soumet la validité d'un acte à une forme spécifique, aucun équivalent électronique n'est recevable sauf là où la loi en a décidé autrement. »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

La question de la portée de l'article 1316-3 du code civil risque, je l'ai dit, de susciter débat et de poser problème pour certains contrats solennels, qui pourraient désormais, aux termes de ce projet de loi, être matérialisés et donc prouvés par tout support. Or rien n'est prévu pour satisfaire aux exigences particulières qui s'imposent à ces contrats, tels que les contrats de crédit.

C'est pourquoi mon amendement tend à préciser que la force probante de tout écrit, quel que soit son support, reste subordonnée au respect de l'ensemble des exigences particulières imposées par le cadre législatif et réglementaire. Lorsqu'un formalisme spécifique est exigé à titre de validité, aucun équivalent électronique ne serait recevable, sauf texte d'origine légale l'établissant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur.

Cet amendement se décompose en deux parties. La première a été examinée par la commission des lois qui l'a repoussée, considérant qu'elle allait finalement de soi. Quant à la seconde, ajoutée postérieurement, elle me paraît totalement contraire à l'esprit du projet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que le rapporteur.

Sur les règles de preuve, le projet pose très précisément le principe de l'équivalence entre le support papier et la forme électronique,...

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est clair !

Mme la garde des sceaux.

... sous réserve évidemment du respect des conditions éventuellement posées par les textes.

Sur les règles de forme exigées à peine de nullité de l'acte, aucune équivalence n'est opérée entre le support papier et la forme électronique, puisque le projet de loi ne concerne pas les conditions de validité de l'acte.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Articles 3, 4 et 5

M. le président.

« Art. 3. - Après l'article 1316-3 du code civil, il est inséré un article 1316-4 ainsi rédigé :

« Art. 1316-4 . - La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.

« Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

« Art. 4. - A l'article 1326 du code civil, les mots : "de sa main" sont remplacés par les mots : "par lui-même". »

- (Adopté.)

« Art. 5. - La présente loi est applicable en NouvelleCalédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte ». - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

2 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 28 février 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 23-4 de la loi no 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, un rapport sur les transferts transfrontaliers de déchets en 1997.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 1er mars 2000, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 2116, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane : M. Jean Rouger, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2165).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi, no 2067, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat et portant modification du code de l'aviation civile : M. André Capet, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2159).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 24 février 2000 No E 1414. - Livre blanc sur la responsabilité environnementale (COM [2000] 66 final).

No E 1415. - Projet d'initiative de la République de Portugal en vue de l'adoption d'un règlement du Conseil concernant la période dans laquelle les ressortissants de pays tiers, exemptés de l'obligation de visa, peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres (VISA 26 COMIX 134/00).