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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 1416).

AVENIR DU

SERVICE

PUBLIC DU CADASTRE (p. 1416)

M. Gérard Saumade, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

CONTRIBUTION

DES

ENTREPRISES À LA

POLITIQUE

SOCIALE (p. 1416)

M M. Pierre Goldberg, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

RÉDUCTION DE LA

DURÉE DU TRAVAIL DANS LA

FONCTION

PUBLIQUE (p. 1417)

MM. Bernard Birsinger, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

POLITIQUE DE RÉDUCTION DU

TEMPS DE TRAVAIL DANS LE

SECTEUR

PUBLIC (p. 1418)

M. François Goulard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RUMEURS D'AMNISTIE EN

CORSE (p. 1419)

M me Anne-Marie Idrac, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

NÉGOCIATIONS

SUR LE

TEMPS DE TRAVAIL DANS LA

FONCTION

PUBLIQUE (p. 1420)

Mme Nicole Catala, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

LUTTE

CONTRE LE TRAFIC DE

DROGUE À LA MARTINIQUE (p. 1421)

MM. Pierre Petit, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

AGGRAVATION DE LA

VIOLENCE

QUOTIDIENNE (p. 1421)

MM. Christian Estrosi, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE (p. 1422)

M. Philippe Nauche, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

CENTRES DE

FORMATION

DES

JEUNES AU

FOOTBALL (p. 1424)

Mmes Odette Casanova, Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LA

GENDARMERIE (p. 1424)

MM. Georges Lemoine, M. Alain Richard, ministre de la défense.

SÉCURITÉ

DES

CYCLISTES

SUR LA

ROUTE (p. 1425)

MM. André Borel, le président, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Suspension et reprise de la séance (p. 1426)

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

2. Protection des trésors nationaux. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 1426).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

M. Jean Rouger, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1430)

MM. Michel Herbillon, Pascal Terrasse, Pierre Lellouche, Bernard Outin, Henri Plagnol.

Clôture de la discussion générale.

Mme la ministre.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 1440)

Article 1er (p. 1440)

A mendements nos 27 de M. Lellouche et 36 de M. Herbillon : MM. Pierre Lellouche, Michel Herbillon, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Adoption de l'article 1er

Article 2 (p. 1441)

Amendements nos 28 de M. Lellouche, 38 corrigé et 37 corrigé de M. Herbillon : MM. Pierre Lellouche, Michel Herbillon, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 4 de la commission des affaires culturelles :

M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 1442)

M. Pierre Lellouche.

Amendement de suppression no 5 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

L'article 3 est supprimé.

Article 4 (p. 1443)

A mendement no 29 de M. Lellouche : MM. Pierre Lellouche, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 6 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 7 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 (p. 1444)

A mendements nos 30 de M. Lellouche et 41 de M. Herbillon : MM. Pierre Lellouche, Michel Herbillon, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.


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Article 4 bis (p. 1446)

MM. Michel Herbillon, Alfred Recours.

Amendement de suppression no 8 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Pierre Lellouche. Adoption.

L'article 4 bis est supprimé.

Article 5 (p. 1448)

Amendement no 9 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 10 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. Pierre Lellouche. - Adoption.

Amendement no 11 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendements nos 12 de la commission, 31 de M. Lellouche et 39 de M. Herbillon : MM. le rapporteur, Pierre Lellouche, Michel Herbillon, Mme la ministre, M. le président.

Amendement no 42 du Gouvernement. - Adoption.

Les amendements nos 12, 31 et 39 n'ont plus d'objet.

Amendement no 13 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 14 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 15 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 16 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 17 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur, Pierre Lellouche, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 19 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 20 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

A mendement no 32 de M. Lellouche : MM. Pierre Lellouche, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 21 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 22 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 23 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Les amendements nos 33 de M. Lellouche et 40 de

M. Herbillon n'ont plus d'objet.

Amendement no 24 de la commission, avec les sousamendements nos 34 et 35 de M. Lellouche : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Pierre Lellouche. Rejet des sous-amendements ; adoption de l'amendement.

Amendement no 25 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6. - Adoption (p. 1454)

Après l'article 6 (p. 1454)

Amendement no 1 du Gouvernement : Mme la ministre, MM. le rapporteur, Pierre Lellouche, Michel Herbillon. Adoption.

Amendement no 2 du Gouvernement : Mme la ministre. Adoption.

Article 7 (p. 1455)

Amendement no 3 du Gouvernement : Mme la ministre,

M. le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 26 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 7 modifié.

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 1456)

MM. Michel Herbillon, Alfred Recours, Pierre Lellouche.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 1457)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Mme la ministre.

3. Lutte contre la corruption. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 1457).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1457).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Radical, Citoyen et Vert.

AVENIR DU SERVICE PUBLIC DU CADASTRE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concerne l'avenir du service public cadastral, qui remplit un rôle de service public fiscal et foncier indispensable aux collectivités locales comme aux particuliers. Ainsi le plan parcellaire, qui fait l'objet de mises à jour, est mis gratuitement à la disposition des communes et des usagers. Puis-je suggérer, monsieur le ministre, que c'est l'un des domaines où la coopération entre l'Etat et les communes est la plus confiante ?

M. François Goulard.

Oui, en effet !

M. Gérard Saumade.

Or un projet interne à la direction générale des impôts prévoit le transfert de ses tâches à l'Institut géographique national et propose l'abandon de toute activité topographique au sein du cadastre, ainsi que la dissolution du corps des géomètres de ce service.

En pratique, la DGI n'assumerait plus le remaniement des plans cadastraux, et les changements bâtis au plan cadastral feraient l'objet d'une déclaration de la part des administrés.

Ces orientations provoquent une grande émotion chez les personnels du cadastre et les élus locaux. Appliquées, elles se traduiraient immanquablement par la fin de la gratuité de ce service, et donc par un transfert des charges au détriment des communes et des particuliers.

Si la réforme de certains services publics s'avère nécessaire, nous sommes nombreux dans cette assemblée, audelà des clivages politiques, à penser qu'il n'est pas utile de bouleverser un service qui fonctionne à la satisfaction des usagers et des collectivités locales. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Monsieur le ministre, les missions topographiques, foncières et fiscales assurées par les services du cadastre pourraient-elles donc être remises en cause ? Quelle que soit la réponse à cette première question, pouvez-vous communiquer à la représentation nationale les mesures que vous entendez prendre pour garantir l'avenir du service public cadastral et de ses personnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, comme vous, je crois au service public et, comme vous, je crois que le service du cadastre doit toujours mieux servir les collectivités locales et nos concitoyens.

Le cadastre aujourd'hui, ce sont six mille agents de très grande qualité, répartis en 315 centres des impôts fonciers, qui exercent deux missions : une mission d'assiette et de recouvrement des impôts fonciers et une mission topographique.

M. Maurice Leroy.

Nous le savons déjà. Répondez plutôt à la question !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Ces deux missions sont indispensables pour l'Etat, et pour les collectivités locales, cela va de soi. Il n'est donc absolument pas question de les remettre en cause. (« Ah ! » sur divers bancs.) Il faut, au contraire, les conforter. C'est le sens de la réflexion actuellement conduite par la direction générale des impôts pour adapter les procédés actuels aux nouvelles technologies.

Je tiens à souligner qu'aucun projet n'a été arrêté à ce jour. Et je m'engage, monsieur le député, à ce que les décisions qui seront prises confortent la mission cadastrale et à ce que les élus soient précisément informés de la teneur et des conséquences de ces décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe communiste.

CONTRIBUTION DES ENTREPRISES À LA POLITIQUE SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. L'amélioration de la situation économique se traduit, nous l'avons vu, dans les rentrées fiscales mais aussi dans la situation financière des entreprises. La Bourse a progressé de quelque 51 % en 1999 et la cagnotte financière des grands groupes privés explose, c'est le moins que je puisse dire, au grand jour. (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces groupes ont donc les moyens de contribuer à la réussite de la réduction du temps de travail, ainsi qu'au développement de l'investissement et de l'emploi.

Pourtant, si rien n'est fait, les revenus financiers viendront surtout nourrir la spéculation, la croissance financière et renforcer l'exigence par les marchés financiers, de


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taux de rentabilité exorbitants, ce qui pousse les entreprises à écraser les salaires et à supprimer des postes de travail. (« Il se trompe de millénaire ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M ettre à contribution les revenus financiers des grandes entreprises, c'est se donner les moyens d'augmenter les salaires et les minima sociaux, de répondre aux besoins urgents de l'école, des services fiscaux et des hôpitaux - peut-être un pas a-t-il été fait pour ces derniers et d'aider par un crédit sélectif les PME et PMI.

Monsieur le Premier ministre, considérez-vous que l'on puisse encore prétendre aujourd'hui que les moyens financiers manquent pour prendre les mesures promises et tant attendues, notamment en faveur de ceux qui vivent de leur travail ? Quelles dispositions votre gouvernement envisage-t-il de prendre pour que les fruits de la croissance profitent réellement à tous et soient mobilisés, plus efficacement encore, notamment, et en priorité, dans la bataille pour le plein emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, depuis 1997, les grandes entreprises ont été mises à contribution - et le groupe communiste le sait puisqu'il y a poussé - pour participer à la solidarité nationale.

Je rappellerai les mesures qui ont été prises : les plusvalues financières des entreprises, qui étaient taxées à un taux réduit, le sont désormais au taux plein de l'impôt sur le bénéfice des sociétés ; l'avoir fiscal que les sociétés se versent entre elles a été ramené de 50 à 40 % dess ommes distribuées ; les dividendes entre sociétés

« mères » et « filles » - c'est le langage consacré - sont désormais imposés à 5 % ; et pour financer la réduction du temps de travail, les bénéfices sont désormais soumis à une contribution sociale de 1,1 % de l'impôt sur les sociétés.

Vous le voyez, les grandes entreprises ont été incitées, par des mesures concrètes, à développer leurs activités productives, à créer des emplois et des richesses en France plutôt qu'à amplifier des opérations financières. Le résultat tient en deux chiffres : l'impôt sur le bénéfice des sociétés est passé de 223 milliards de francs en 1998 à 268 milliards de francs en 1999. C'est cette heureuse surprise qui a donné lieu d'ailleurs à quelques débats.

En ce qui concerne le partage des fruits de la croissance en l'an 2000, la loi de finances qui a été votée comprend des dispositions importantes. Vous aurez, en outre, à examiner un collectif de printemps dans lequel des efforts importants seront consentis en faveur de l'emploi et de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Ma question s'adresse au ministre de la fonction publique.

Monsieur le ministre, le groupe communiste ne se satisfait pas de l'échec des négociations sur les 35 heures dans la fonction publique. Le Gouvernement ne peut se contenter de renvoyer chaque fonction publique à ses propres négociations et, dans la fonction publique territoriale, à chacune des collectivités et à leurs moyens financiers propres. Procéder ainsi, c'est entériner et accroître les disparités, vous l'avez vous-même déclaré, c'est risquer de remettre en cause l'unicité de la fonction publique et d'aggraver les inégalités entre les villes riches et celles qui cumulent chômage et pauvreté.

Il faut donc relancer la négociation pour conclure un accord-cadre. Le Gouvernement doit revoir sa copie et sortir de la logique qui voudrait que, dans la fonction publique, les 35 heures n'aient pas pour but de créer des emplois.

La situation est intenable. Notre société a besoin de plus de fonctionnaires (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et de services publics de qualité et de proximité dans les domaines de l'éducation, de la solidarité, de la santé, de la sécurité et de la culture, pour garantir la démocratie, en général. Nous avons vu leur efficacité au moment de la tempête. Il ne faut pas l'oublier lorsque les beaux jours reviennent.

Les usagers et les personnels font entendre une véritable urgence sociale. Il faut y répondre.

Après plusieurs semaines de grèves, les personnels hospitaliers ont obtenu une rallonge de 3,8 milliards pour l'année 2000, notamment pour les remplacements. C'est une étape importante mais je serais tenté de dire que l'on aurait gagné du temps si on avait écouté le groupe communiste au moment du vote du budget de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, votre gouvernement est-il prêt à rouvrir les négociations, à présenter de nouvelles propositions pour les cinq millions de fonctionnaires, pas des propositions a minima mais des propositions exemplaires, aptes à tirer tout le pays vers le plein emploi, comme le Gouvernement s'en est fixé l'objectif ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, une chose est claire : les 35 heures seront mises en oeuvre dans la fonction publique, ce qui se fera comme il se doit dans ce grand corps, par des négociations déconcentrées, service par service, hôpital par hôpital, collectivité par collectivité.

Il m'est apparu, en effet, que pour éviter d'aggraver les disparités soulignées entre autres par le rapport Roché, il était sinon indispensable du moins souhaitable de parvenir à une sorte d'accord-cadre permettant de préciser des règles générales communes, valables pour les trois fonctions publiques.

Nous nous sommes appliqués à rechercher cet accord, mais nous n'avons pas débouché malgré une bonne préparation et de longues discussions. Une organisation syndicale s'est déclarée prête à signer le projet de protocole en l'état mais la plupart des autres l'ont rejeté, je suis le premier à le regretter, tout en soulignant qu'il comportait des avancées significatives.

Il est exact que les organisations syndicales ont concentré leurs critiques sur le volet « emploi », bien qu'il fût déjà important : augmentation des recrutements liés aux départs à la retraite, création d'emplois dans les hôpitaux, transformation d'heures supplémentaires en emplois, plan de résorption de la précarité, entre autres.


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Après des mois de discussion, il a bien fallu prendre acte qu'on n'aboutissait pas à un accord : mais l'absence d'accord ne signifie pas que les organisations syndicales de la fonction publique ne seront pas partenaires dans la mise en oeuvre des 35 heures.

L'Etat employeur appliquera la réduction du temps de travail à ses propres agents, dans les délais convenus, mais il le fera avec une méthode différente, dans le cadre des procédures habituelles de concertation sur les textes législatifs et réglementaires. J'ajoute que ces textes auront vocation à s'appliquer le moment venu aux fonctionnaires territoriaux. Le dialogue social se poursuivra sur la plupart des thèmes figurant dans le projet d'accord, je pense en particulier au plan de résorption de la précarité sur lequel, j'en conviens, il reste beaucoup à faire. L'Etat veut être exemplaire en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

POLITIQUE DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le Premier ministre, en entendant le ministre de la fonction publique, on ne pouvait qu'être frappé de la différence d'attitude du Gouvernement s'agissant des 35 heures, selon qu'elles s'appliquent aux entreprises ou au secteur public.

Pour les 14 millions de salariés des entreprises privées, vous vous êtes évertué à nier les difficultés de mise en oeuvre d'une réduction uniforme et imposée du temps de travail. Encadrés par deux lois, les partenaires sociaux avaient peu d'espace pour négocier ; ils ont été néanmoins sommés de s'entendre, ce qui ne nous a d'ailleurs pas empêché, une fois les négociations conclues, de vider en partie les accords de leur portée. Aujourd'hui, les difficultés d'application des 35 heures, avec leur cortège de blocages salariaux et de modifications d'horaires plus ou moins bien acceptées, vous laissent totalement indifférent.

Dans le secteur public, au contraire, l'Etat, de législateur devient employeur et il prend subitement conscience des difficultés. Alors, il diffère : l'urgence qui prévalait pour l'entreprise disparaît pour le secteur public. Les créations d'emplois, grand prétexte des 35 heures dans l'entreprise, se heurtent - on le comprend - à l'impossibilité budgétaire. Quant à la négociation, elle échoue lamentablement, et les grèves se succèdent et vont se succéder, faute pour les syndicats du secteur public de trouver en face d'eux un employeur à la hauteur de ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Aussi ai-je voulu, monsieur le Premier ministre, à défaut de l'avoir entendu à l'instant dans la bouche du ministre de la fonction publique, vous demander de nous préciser quelle est la politique de réduction du temps de travail dans le secteur public. Qui est concerné ? Qui ne l'est pas ? Et en fonction de quels critères ? Les enseignants, par exemple, gros bataillon de la fonction publique, sont-ils exclus de la réduction du temps de travail ? (« Démago ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Avez-vous une règle pour dire si, oui ou non, dans telle ou telle administration, dans tel ou tel ministère, des créations de postes auront lieu (Même mouvement), et quelles en seront les conséquences financières ? (« Qui va payer ? » sur les bancs du groupe pour la Démocratie libérale et Indépendants.)

En d'autres termes, monsieur le Premier ministre, une réforme aussi importante, aussi lourde de conséquences (« Et aussi mal préparée ! » sur les mêmes bancs) est-elle pilotée ou obéit-elle à la logique du chien crevé au fil de l'eau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je retrouve bien là le sens de la nuance avec lequel vous avez discuté sur les 35 heures !

M. Pierre Lellouche. Seriez-vous, vous-même, un modèle de nuance ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais vous rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement s'est engagé, dans le secteur public comme dans le secteur privé, dans la réduction à 35 heures du temps de travail.

C'est en premier lieu parce que nous avons, les uns et les autres, échoué, pendant des années, à résorber le chô mage et que les Français n'auraient pas accepté que nous négligions une piste susceptible d'y contribuer.

Nous avons toujours dit que les 35 heures avaient d'abord pour objectif la création d'emplois, à la condition, dont vous conviendrez sans doute, monsieur Goulard, que ceux qui passent à 35 heures n'y soient pas déjà ! Vous reconnaîtrez avec moi que même s'il n'est pas très subtil, il faut bien tenir compte de ce fait.

Le bilan montre que près de 175 000 emplois ont déjà été créés ou préservés dans le secteur privé - 85 % de créations - grâce à la réduction de la durée du travail.

Nous avons dit que dans la fonction publique hospitalière, là où il y a des besoins, là où les hommes et les femmes travaillent beaucoup, il y aura des créations d'emplois en réduisant la durée du travail.

Pour nous, la réduction de la durée du travail est destinée aussi à changer profondément l'organisation du travail. Pourquoi 86 % des entreprises qui ont signé des accords déclarent-elles qu'elles fonctionnent mieux après qu'avant ? Parce que nous avons pensé à prendre en compte l'ensemble des éléments de compétitivité, à améliorer la qualité et les délais de livraison, par exemple.

(Sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République : « N'importe quoi ! ») Pour le service public - M. Zuccarelli, vient de le rappeler - notre ambition est la même, car nous croyons à l'Etat et au service public et nous pensons qu'ils doivent être sans cesse plus efficaces. Chaque franc versé au titre des impôts doit favoriser des services ouverts à tous. Le grand défi qui nous attend dans les fonctions publiques locales, d'Etat ou hospitalière, c'est de faire en sorte que la réduction du temps de travail se traduise par une amélioration du service rendu aux usagers. Cela fait aussi partie des propositions du Gouvernement.

Enfin, le troisième objectif est d'améliorer les conditions de vie au travail. Vous ne sauriez me reprocher de dire qu'il faut d'abord le faire pour ceux qui travaillent beaucoup ou dans des conditions pénibles.

Ces trois objectifs sont les mêmes pour les fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière que pour le secteur privé. Je ne parle même pas des entreprises


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publiques, EDF, la SNCF, ou des établissements publics qui sont d'ores et déjà passés aux 35 heures et qui ont créé des emplois.

J'ajoute, monsieur le député, qu'il est un peu paradoxal qu'un groupe qui défend sans arrêt le « moins d'Etat », le

« moins de fonctionnaires » (« Le mieux d'Etat ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et qui met en doute - vous l'avez fait au moment du rapport Roché -, la façon dont ceux-ci travaillent, nous reproche ces efforts.

Le Gouvernement est cohérent : la réduction de la durée du travail s'applique à ceux qui travaillent au-delà de 35 heures, nous créerons des emplois partout où cela est nécessaire, et nous tentons, dans tous les cas, d'améliorer les conditions de travail.

Gageons, comme le fait aujourd'hui la presse britannique, que, dans cinq ans, notre pays aura franchi une étape majeure dans la modernisation de nos entreprises et de nos services publics, grâce à ces débats qui s'engagent sur les 35 heures. C'est un vrai projet de société. Peutêtre est-ce pour cela que nous ne le partageons pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

RUMEURS D'AMNISTIE EN CORSE

M. le président.

La parole est à Mme Anne-Marie Idrac.

Mme Anne-Marie Idrac.

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, je voudrais relayer auprès de vous une émotion, une interrogation, que je sais largement partagées sur tous les bancs de cet hémicycle et, bien au-delà, dans l'opinion publique. Je veux parler de l'hypothèse d'une amnistie en Corse, sur laquelle Mme Erignac s'est exprimée avec une hauteur de vue et une dignité, qui ont, je crois, impressionné chacun d'entre nous.

Sur le plan humain, le respect dû aux victimes, à leur mémoire, à la douleur de leurs proches impose de ne pas dépasser certaines limites. Le sens de l'Etat interdit lui aussi de bouleverser les repères des citoyens. Il serait donc humainement et politiquement inadmissible d'en venir à amnistier des crimes, je parle de crimes de sang, d'assassinats.

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, pouvez-vous nous dire que le Gouvernement n'acceptera jamais, et j'insiste sur ce mot, de faire ce que Mme Erignac qualifie à juste titre d'inacceptable, c'est-àdire amnistier des assassins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen, et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Madame la députée, je répondrai à cette question précisément, mais je veux avoir une approche un peu plus large et rappeler quelques éléments de l'action du Gouvernement, compte tenu des rumeurs et des imputations que l'on entend parfois. Je ne serai pas long, néanmoins.

En décembre dernier, j'ai pris une initiative politique, parce que la situation de blocage, de tension, dans laquelle nous étions dans l'île, me paraissait dangereuse et qu'il convenait de bouger. J'ai pensé que la meilleure façon de le faire était de s'adresser aux élus de la Corse pour que, rassemblés tous, s'ils le voulaient, invités à Matignon, ils puissent faire part au Gouvernement de leurs préoccupations et surtout de leurs propositions.

Le 13 décembre, j'ai reçu à Matignon l'ensemble des élus de la Corse, les membres de l'assemblée de Corse, les parlementaires et les présidents de conseil général, tous les élus de Corse, dont les nationalistes, mais je n'ai pas, par là même, ouvert un dialogue avec les seuls nationalistes.

Depuis, les élus de la Corse discutent entre eux. Il est bon que l'on parle et il est bon que d'autres citoyens des deux départements de l'île participent à cette discussion.

J'ai, pour ouvrir ce dialogue politique, renoncé à poser comme préalable la renonciation à la violence.

Si j'ai fait ce geste, ce n'était naturellement pas pour marquer que le Gouvernement ne condamne pas la violence. Je l'ai dit dans mon intervention du 13 décembre devant les élus de la Corse, le Gouvernement condamnera et combattra cette violence toujours et en toutes circonstances.

Ce n'était pas non plus pour laisser penser qu'il peut y avoir une impunité pour la violence. Dans le même texte, mesdames, messieurs les députés, j'affirmais devant les élus : « le Gouvernement assume en Corse le rôle qui lui revient. L'Etat a la responsabilité du respect de la loi républicaine et de la sécurité publique. Il l'assurera avec une détermination qui ne faiblira pas. »

Si certains en doutaient, qu'ils regardent le travail opéré en Corse, sous l'autorité de la justice, par la police et la gendarmerie, qui a abouti, trois mois à peine après les attentats contre l'URSSAF et la direction départementale de l'équipement qui ont failli être meurtriers, à l'arrestation de leurs auteurs présumés.

C'est, je crois, une bonne démonstration. C'est un travail normal et légitime, nécessaire, qui sera poursuivi.

Dans ce contexte, a été à nouveau évoquée la question d'une amnistie. Pour le Gouvernement, la question n'est pas posée,...

M. Pierre Lellouche.

Tant mieux !

M. le Premier ministre.

... et, en tout état de cause, elle ne le sera jamais pour les assassins du préfet Claude Erignac. (Applaudissements sur tous les bancs. - Sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants : « Et les autres » ?) Cette position de principe était celle du Gouvernement. C'est encore plus le cas, bien sûr, après avoir entendu Mme Erignac s'exprimer, mais c'était de toute façon la position du Gouvernement et la mienne propre.

Reste, parce que l'on entend aussi quelques bruits, à préciser à nouveau, puisqu'il semble en être besoin, les conditions dans lesquelles ces discussions sont conduites par le Gouvernement.

Pour le moment, le débat a lieu entre les élus de la Corse. La discussion se nouera entre ces élus et le Gouvernement dès que leurs propositions nous auront été transmises. A cet effet, une deuxième réunion à Matignon avec les mêmes participants pourrait avoir lieu dans un délai qui sera convenu avec ceux que j'y ai déjà conviés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Toutes les discussions, tous les contacts à propos de la Corse ont lieu et auront lieu au grand jour. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Ueberschlag.

Et au Grand Orient !

M. le Premier ministre.

C'est pour moi une question de principe et de méthode. J'ajoute que j'ai en plus, à cet égard, tiré les leçons du passé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Et la réunion rue Cadet, c'était quand ?

M. le Premier ministre.

J'y viens ! Les contacts ou conciliabules dont nous avons entendu parler par la presse ne concernent en rien le Gouvernement, qui n'en a pas été informé.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Et le PS ?

M. Lucien Degauchy.

Cela me rappelle quelque chose !

M. le Premier ministre.

Je crois que ce qui a été dit par une personnalité socialiste, et vaut pour ce parti est clair, et ne contredit en rien l'affirmation précédente.

M. Jean Ueberschlag.

Si ce n'est pas lui, c'est mon frère ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le Premier ministre.

Le Gouvernement, qui poursuit son action quotidienne, est disponible et sera attentif aux propositions des élus de la Corse dans les conditions de clarté et de transparence que j'ai indiquées, et à l'exclusion de toute autre méthode.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.

NÉGOCIATIONS SUR LE TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le ministre de la fonction publique vient d'essuyer un échec cuisant. En effet, à l'exception d'une organisation, tous les syndicats de fonctionnaires ont refusé de signer le projet d'accord-cadre pour la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Ce gouvernement apparaît ainsi incapable de mettre en oeuvre pour ses propres agents une mesure qu'il a imposée aux entreprises privées et qu'il les oblige à appliquer à marche forcée.

M. Didier Boulaud.

Parlez-nous plutôt des emplois fictifs à la mairie de Paris !

Mme Nicole Catala.

Au moment où un certain nombre de rapports mettent gravement en cause la gestion des administrations publiques je songe au rapport Roché sur les temps de travail des fonctionnaires, à la question des rémunérations dans l'administration fiscale -,...

M. Christian Bataille.

Et à la mairie de Paris, le temps de travail, c'est zéro ! Heures ? Zéro ! Minutes ? Zéro !

Mme Nicole Catala.

... nous sommes en droit de nous interroger à notre tour sur votre capacité à diriger ces administrations publiques, à harmoniser les conditions de travail de leurs agents, à les moderniser, à faire en sorte qu'elles répondent mieux aux attentes des Français.

Monsieur le ministre de la fonction publique, quelles sont les orientations qui inspirent votre politique à l'égard de la fonction publique, et, plus précisément, à propos des 35 heures, comment allez-vous sortir de l'impasse dans laquelle vous vous trouvez aujourd'hui ?

Vous en sortirez d'autant plus difficilement que votre attitude a heurté les organisations syndicales.

M. Christian Bataille.

Faites-les travailler à la mairie de Paris et, après, vous nous expliquerez !

Mme Nicole Catala.

Vous avez, en effet, traité par le mépris une organisation ouverte au dialogue, la CFDT, en refusant de signer avec elle le protocole d'accord alors qu'elle représente un nombre important de fonctionnaires, et sans aucune justification juridique puisque, comme l'a dit Mme Notat, il n'est pas nécessaire qu'un accord soit majoritaire pour être valablement signé.

Comment allez-vous sortir de cette politique qui consiste à faire deux petits pas en avant et trois en arrière ? Qu'allez-vous faire pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le dialogue social entre le Gouvernement et la fonction publique ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Madame la députée, votre sollicitude ne touche beaucoup.

Il n'y a pas eu d'accord valant pour l'ensemble de la fonction publique parce que, peut-être, les partenaires n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur des mesures concrètes, valables pour tous, mais il y aura des accords par ministères, par établissements, par collectivités. Cela s'appelle le dialogue social et il me semble que, dans ce domaine, vous n'avez pas tellement de leçons à nous donner. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

C'est mauvais ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Nous allons donc continuer le dialogue social. Simplement, nous allons repartir de là où nous étions arrivés et avancer par la discussion directement au niveau des ministères, des hôpitaux, des collectivités.

M. Jean-Louis Debré.

Il fallait commencer par là ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Quant au fait que nous n'ayons pas abouti à un accord qu'une seule organisation manifestait l'intention de signer, je vous explique très simplement la situation. Il ne s'agit pas d'un accord normatif mais d'un accord de méthode, et un tel accord


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ne vaut que s'il illustre réellement un consensus sur la méthode. Voilà la raison pour laquelle nous n'avons pas cru devoir nous prévaloir de l'accord d'une seule organisation, même si je lui sais gré de son adhésion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUE À LA MARTINIQUE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Petit.

M. Pierre Petit.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. La Martinique, en ce moment, est en proie à une vague de violence liée à la montée de la toxicomanie. Il est avéré que le trafic de stupéfiants se fait dans les îles voisines, et voilà que les gens peuvent venir avec une facilité outrecuidante à la Martinique.

Parler à nouveau de drogue ici, ce serait évoquer un lieu commun et parler de violence. La Martinique, ce n'est que 80 kilomètres de long, 30 de large et 380 000 habitants, mais 30 % de chômage. La police ne dispose même pas d'une vedette pour lutter contre les trafiquants. C'est vous dire dans quel état d'indigence nous sommes ! M. le Premier ministre vient de parler de volonté politique. Les élus se parlent, ils ont une telle volonté. Malheureusement, les ordres viennent de 7 000 kilomètres et je vous assure que la surveillance est inconsistante.

Ma question est à deux volets. Quelles dispositions pensez-vous prendre pour nous aider à éradiquer ce fléau ? C'est possible dans une petite île comme la mienne.

En outre, quels moyens le Gouvernement peut-il nous donner pour surveiller les côtes ? Je pense qu'elles ne sont pas trop étendues et que, en un an ou deux, nous pourrions éradiquer totalement ce trafic de drogue.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le député, les Antilles sont effectivement sur l'un des axes du trafic de drogue à destination de l'Europe et de l'Amérique du Nord. Quels sont les moyens mis en oeuvre ? D'abord, est installé à Fort-de-France un centre ministériel de formation antidrogue.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ce centre, qui reçoit des policiers de tous les pays des Caraïbes, dispense des cours en français, en anglais, en espagnol et en néerlandais, ce qui montre bien notre volonté de coordination et de coopération. Il travaille aussi avec la Barbade et la Jamaïque.

Sur le plan des actions, il existe un programme européen, auquel participent les pays intéressés de la zone et également, outre la France, la Grande-Bretagne, les PaysBas et l'Espagne, avec la collaboration américaine, pour coordonner les moyens de coopération maritime.

Si la police nationale n'a effectivement pas de vedette, les douanes et la marine nationale, qui prête son concours de façon efficace pour lutter contre le trafic de drogue, interviennent activement dans ce secteur.

En 1999, par exemple, les saisies de cannabis en Martique ont augmenté de près de 50 % et celles d'héroïne ont augmenté de façon considérable. C'est également le cas à la Guadeloupe, qui est plus particulièrement touchée par le commerce du crack.

Bien évidemment, nous ne pouvons lutter qu'en coordonnant nos actions avec les pays voisins. Je crois d'ailleurs qu'une rencontre sera organisée prochainement en Martinique sur ce thème, parce qu'il est indispensable que tous les moyens d'information policiers soient mis en liaison et que nous puissions procéder à des patrouilles communes. C'est ce qui se fait contre ce qui est un fléau, qui touche évidemment nos îles mais qui, à travers ces trafics, concerne aussi l'Amérique du Nord, l'Europe et bien d'autres pays.

Soyez sûr de notre détermination, monsieur le député.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

AGGRAVATION DE LA VIOLENCE QUOTIDIENNE

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Ma question, qui devait s'adresser à M. le Premier ministre avait trait aux réactions très dignes de Mme Claude Erignac la semaine dernière, et je dois dire, monsieur le Premier ministre, que la réponse que vous avez apportée à ma collègue Anne-Marie Idrac, qui est beaucoup plus précise que celle que vous aviez apportée il y a quelques semaines ici même à notre collègue René André, ne peut que nous rassurer et nous satisfaire, bien que vous n'ayez pas pris d'engagement précis pour l'ensemble des actes de terrorisme en Corse.

Je poserai donc une question sur un autre sujet : elle s'adresse, cette fois, à M. le ministre de l'intérieur et concerne l'augmentation du nombre d'actes de violence dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les chiffres le montrent, nous devons faire face aujourd'hui, à une délinquance et à des actes de violence quotidiens, notamment dans les transports en commun. Cette situation préoccupe au plus haut point nos concitoyens.

Il n'est pas un jour sans que les responsables des transports ou les conducteurs de bus ne se mettent en grève, tant ils vivent dans l'inquiétude. Pas un jour sans que les enseignants ne se mettent en grève, tant ils sont lassés des actes de violence, de racket, ou de la présence de dealers à l'intérieur des établissements scolaires. Il n'est pas un jour sans que nos concitoyens ne soient agressés dans leur cage d'escalier, dans la rue, dans leur commerce, dans leurs entreprises. Nos enfants vivent sous une menace permanente lorsqu'ils se rendent à l'école ou au lycée.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Médecin à Nice, ce n'était pas bon, non plus, pour la sécurité publique ! C'était un danger !

M. Christian Estrosi.

Lors du conseil des ministres de ce matin, M. le ministre de l'intérieur a annoncé qu'il avait l'intention de mettre en oeuvre une véritable politique de police de proximité, de renforcer l'îlotage.

Hélas ! les déclarations que nous avons lues ne précisent pas de quels moyens ce choix politique est assorti.

Nous ne pouvons plus accepter que de nombreux délinquants, que nos policiers interpellent et arrêtent sur la voie publique, soient aussitôt relâchés par ceux qui sont chargés de la justice.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur ou à madame la garde des sceaux d'apporter des réponses précises aux Françaises et aux Français qui ne se sentent plus en liberté...

M. Didier Boulaud.

Arrêtez Médecin !

M. Christian Estrosi.

... dans un pays confronté à une telle vague d'insécurité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Que fait Médecin à Nice ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, pour une réponse courte.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Chevènement étant retenu au Sénat par la discussion d'un projet de loi, j'apporterai à M. Estrosi des précisions concernant la communication qui a été faite ce matin en conseil des ministres sur la mise en place de la police de proximité.

Vous le savez, cette action a été expérimentée sur plusieurs sites - cinq d'abord, une soixantaine ensuite - et va être généralisée à partir du 1er avril (« Poisson d'avril »,s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) dans trente-sept départements. Elle concernera dix millions d'habitants.

Il s'agit de faire en sorte que la police soit mieux organisée sur le terrain, plus proche de la population, qu'elle ait des responsabilités directes et reçoive une formation adaptée. C'est, pour la police nationale, une véritable mutation. Elle a déjà été engagée à la préfecture de p olice de Paris et va se prolonger sur le terrain.

M. Jean-Louis Debré.

Ce n'est pas nouveau !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Il s'agit de passer d'une police d'ordre - le maintien de l'ordre était en effet l a fonction traditionnelle de la police dans les années 60-70 - à une police de proximité. Monsieur Debré, c'est précisément ce que vous n'avez pas fait quand vous étiez ministre de l'intérieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il s'agit de déployer les effectifs sur le terrain, et votre véhémence, monsieur Debré, montre bien que, sur ce plan, vous avez échoué ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ?

M. Philippe Briand.

Qu'avez-vous fait depuis 1981 ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Cette mutation est en cours.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Incapables !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Les effectifs vont également évoluer, des départs en retraite auront lieu.

Dès aujourd'hui, 6 000 fonctionnaires de police sont en formation : c'est plus qu'aucun contingent des vingt dernières années. Le Premier ministre a, en outre, autorisé le recrutement de plus de 1 000 fonctionnaires supplémentaires, afin de pallier les départs en retraite.

Monsieur Debré, je suis élu d'un département et d'une agglomération où la présence de la police est considérée comme cruciale par les habitants. Pour ce qui touche à l'organisation de la police, vous n'avez vraiment aucune leçon à nous donner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Calmez-vous, mes chers collègues ! Attention aux extinctions de voix ! (Sourires.)

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Un mouvement social s'est développé dans le monde hospitalier, ces dernières semaines. Des négociations ont eu lieu. La politique de santé menée par le Gouvernement, depuis plus de deux ans, a permis de réduire en partie les inégalités interrégionales. Les SROS de deuxième génération permettent aujourd'hui aux acteurs hospitaliers d'avoir une meilleure vision de l'avenir. Ils ont eu pour préoccupation centrale de concilier proximité, sécurité et qualité des soins pour tous nos concitoyens.

Cependant, chacun le sait, toute transformation de l'outil hospitalier, pour mieux l'adapter à la démographie et aux problèmes d'aujourd'hui, est difficile. Des ajustements sont nécessaires, en particulier dans le domaine sensible de la disponibilité des professionnels auprès des malades - et donc en matière de remplacement des agents en congé maladie ou en formation -, et dans les secteurs stratégiques des urgences, de la gériatrie ou de la psychiatrie.

Le groupe socialiste se félicite de l'importance des moyens annoncés ce matin, qui montrent bien que le Gouvernement est attaché à l'hôpital public, pivot de notre système de soins.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Il était temps !

M. Philippe Nauche.

Madame la ministre, j'aimerais que vous exposiez devant la représentation nationale les mesures prévues à la suite des négociations avec les représentants des salariés - celles avec les représentants des praticiens hospitaliers se poursuivant -, en particulier la nature des mesures immédiates concernant les moyens nouveaux en personnel, l'amélioration des conditions de travail et les fonds de modernisation sociale et d'investissement.

Enfin, je souhaiterais savoir quelles sont, à plus long terme, les intentions du Gouvernement quant à des réformes plus globales, destinées à mieux adapter l'organisation hospitalière aux besoins de la population.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Lucien Degauchy.

Dites merci au monsieur ! Merci pour la question !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous venez de le dire, l'hôpital est au coeur de notre système de soins. Il y joue un rôle central, et les Français en sont convaincus, qui ont pu, à la fin de l'année dernière, à l'occasion des intempéries et de l'épidémie de grippe, vérifier une fois de plus le professionnalisme et la qualité du service public hospitalier.

Nous le savons aussi, l'hôpital a su évoluer pour mieux répondre aux besoins, pour s'adapter aux nouvelles thérapies, comme aux nouvelles pathologies, pour réduire les inégalités. Le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale nous permet aujourd'hui d'engager une nouvelle étape de la modernisation de l'hôpital public.

Le Gouvernement, vous l'avez dit, a entendu et compris les personnels hospitaliers. Dominique Gillot et moi-même nous sommes mises au travail et, depuis un mois, négocions : cinquante heures de discussion ont déjà eu lieu avec les organisations syndicales.

Permettez-moi de dire combien j'ai été impressionnée par la qualité de nos interlocuteurs et de leurs propositions, qui défendaient d'abord, non pas quelques éléments statutaires, mais le service public. Ils parlaient de l'avenir de l'hôpital, de la façon de mieux accueillir, de mieux soigner et de mieux accompagner les malades. Les agents hospitaliers peuvent être fiers de leurs organisations syndicales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka et M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ces discussions ont permis de consolider les priorités que le Gouvernement affiche depuis deux ans et demi : mieux répondre aux besoins de la population, améliorer la qualité et la sécurité, réduire les inégalités.

Elles nous ont également fourni l'occasion de définir et de mettre en évidence une double nécessité : nous devons d'abord résoudre certaines difficultés à très court terme ; nous devons ensuite engager en commun plusieurs mesures pérennes et structurelles.

Nous avons donc décidé ensemble - même si nous attendons encore les réponses des organisations syndicales - de mettre une enveloppe sur la table : il ne s'agit pas, ce faisant, de mettre fin à un conflit ou de soulever le couvercle de la marmite, mais d'accompagner l'évolution et la modernisation de l'hôpital en dégageant des moyens ciblés, qui tiennent compte des aspirations des agents hospitaliers et permettent de rendre ce service public chaque jour plus performant.

L'hôpital disposera donc de 5,1 milliards de francs supplémentaires, dont 3,8 milliards dès cette année, ce qui correspond à un montant cumulé de 10 milliards de francs en trois ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour marquer l'engagement résolu du Gouvernement en faveur du service public hospitalier, le Premier ministre a décidé que l'Etat participerait de manière significative au financement de ce plan. Ainsi, il prendra en charge 2 milliards de francs dès l'an 2000 dans le collectif budgétaire.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les Français attendaient une décision de cette importance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Des mesures ont d'ores et déjà été prises.

Premièrement, 2 milliards de francs sont dégagés pour mieux remplacer les personnels en congé de maternité, de maladie ou de formation. Il s'agit d'emplois supplémentaires, pour que les personnels hospitaliers apportent un meilleur service aux usagers et soient plus présents auprès des malades.

Deuxièmement, des crédits d'investissement, à hauteur de 800 millions cette année, s'ajoutent aux 17 milliards d'investissement pour l'hôpital, pour accompagner les services qui se modernisent, qui bougent, et eux seuls.

Enfin, 800 millions de francs seront consacrés à la modernisation sociale. Un projet social sera négocié dans chaque hôpital, pour accompagner le projet « santé publique », et des plans d'amélioration des conditions de travail seront signés avec les organisations syndicales, pour répondre aux besoins en personnels, en matériels et en locaux.

Enfin, des mesures structurelles seront prises pour traiter quelques problèmes statutaires : formation professionnelle, chantiers lourds de la psychiatrie et de l'urgence, qui seront prioritaires tant dans les mesures immédiates que dans les mesures à moyen terme.

M. Didier Boulaud.

Bravo !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Enfin, une profonde rénovation du dialogue social avec les organisations syndicales est entreprise, dans les établissements où des accords seront conclus sur les conditions de travail, sur l'accompagnement social des évolutions, mais aussi au niveau régional - où les directeurs d'agence régionale hospitalière devront faire preuve d'une plus grande transparence...

M. Lucien Degauchy.

C'est tout ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... afin qu'il soit possible de vérifier que les crédits ciblés, destinés aux urgences, aux remplacements d'absents, aux emplois, à l'amélioration des conditions de travail, soient utilisés comme il l'a été décidé - et au niveau national où nous ouvrons des chantiers avec les organisations syndicales.

Ce protocole, je le répète, est une nouvelle étape que nous allons parcourir ensemble, avec le personnel hospitalier. Celui-ci a été entendu. Nous lui donnons des moyens nouveaux et l'impliquons davantage dans les évolutions de l'hôpital. Chacun doit savoir où va son établissement, où va son service, où va son avenir. Chacun doit pouvoir évoluer au sein de l'hôpital public.

M. Lucien Degauchy.

Baratin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En même temps, nous répondons aussi aux attentes des Français, qui sont attachés à l'hôpital public et lui font confiance. Je suis convaincue que, grâce aux mesures que nous prenons et grâce à la deuxième étape que nous engageons, l'hôpital saura, une fois de plus, mériter cette confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

CENTRES DE FORMATION DES JEUNES AU FOOTBALL

M. le président.

La parole est à Mme Odette Casanova.

Mme Odette Casanova.

Madame la ministre de la jeunesse et des sports, le 14 septembre 1999, vous avez d emandé à l'inspection générale de votre ministère d'effectuer une enquête administrative sur les conditions de recrutement, d'accueil et d'encadrement dans les centres de formation de clubs de football français.

A cette occasion, vous avez souhaité que cette enquête porte tout particulièrement sur la situation des jeunes mineurs originaires de pays non membres de l'Union européenne. Je tiens à rendre hommage à votre initiative, qui fait suite à une série d'informations préoccupantes, révélées par les médias, sur la présence clandestine de mineurs dans les centres de formation français. En effet, dans un contexte de développement des structures de formation non labellisées et non contrôlées, on constate des dérives spécifiquement liées à la situation de jeunes mineurs étrangers, originaires pour l'essentiel de pays non membres de l'Union européenne, en particulier des pays de l'Afrique francophone.

Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous informiez sur les principales conclusions de cette enquête administrative et sur les mesures que vous entendez prendre prochainement, en étroite concertation avec les instances dirigeantes du football français, face aux tentatives de mise en place d'un trafic illégal de mineurs, afin que soit consolidé le dispositif de formation des jeunes dans le football français, dans le respect des droits, de la dignité et de l'intérêt de chacun d'eux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Madame la députée, vous l'avez noté, le 14 février, j'ai présenté, avec la Fédération française de football, les résultats d'une enquête d'inspection. Plusieurs enseignements s'en dégagent, et d'abord, il est important de le noter, le fait que les centres de formation sont un atout pour le développement du sport en général, et du sport de haut niveau en particulier. Raison de plus pour les défendre contre les dérives. Elles sont de deux ordres.

Premièrement, autour des centres de formation se sont construites des structures d'accueil périphériques. Les jeunes y sont souvent éloignés de leurs familles, sans bénéficier des garanties d'un centre de formation. Deuxièmement, ces centres périphériques accueillent des jeunes étrangers qui ont été amenés chez nous de manière scandaleuse par des intermédiaires qui, je crois, sont passibles de sanctions judiciaires, eu égard aux conditions dans lesquelles ils trafiquent sur le dos de mineurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Charles Ehrmann.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Face à cette situation, la loi que vous avez adoptée ici même, en d écembre 1999, va nous permettre : premièrement, d'agréer tous les centres de formation, et donc d'exercer un rôle de conseil et de contrôle ; deuxièmement, d'interdire toute transaction commerciale sur les mineurs sportifs ; troisièmement, d'assurer, à travers le code du travail, une protection pour les mineurs sportifs ; quatrièmement, de faire en sorte qu'une convention soit signée entre le centre de formation et le jeune, afin que celui-ci, s'il n'est pas retenu par son club, puisse retourner vers les études et vers l'emploi. La loi en discussion va nous permettre de légiférer sur les intermédiaires, en particulier de moraliser la profession d'agent de joueur. Je précise que l'ensemble de ces mesures seront mises en débat au sein de l'Union européenne, sous la présidence française.

Mme Odette Grzegrzulka et M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Enfin, en ce qui concerne spécifiquement le football - car ces mesures s'appliquent à l'ensemble des sports -, j'ai demandé à M. Aimé Jacquet, directeur technique national, de me présenter, d'ici au mois de juin, une série de propositions visant à améliorer encore la formation pour le plus populaire des sports.

Un éducateur de football me rappelait hier que, à l'origine des centres de formation, il y avait une devise : respect de l'enfant, de la famille, des études et du petit club.

Elle ne me paraît pas incompatible avec le développement du sport de haut niveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LA GENDARMERIE

M. le président.

La parole est à M. Georges Lemoine.

M. Georges Lemoine.

Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. Monsieur le ministre, vous avez présidé, il y a quelques jours, le conseil de la fonction militaire concernant plus particulièrement la gendarmerie.

Peu de temps avant ce conseil, les gendarmes vous avaient fait valoir, dans les médias, quelques revendications, touchant notamment à leurs conditions de travail.

Je voudrais rappeler à nos collègues que, pour 1998, le temps de travail journalier d'un gendarme était de neuf heures et douze minutes. Au moment où il est beaucoup question des 35 heures, les gendarmes sont en droit de se poser quelques questions.

Ils souhaitent donc avoir les moyens en hommes et en matériel pour faire face aux missions que leur a confiées la nation. Ils ont, je crois, grandement apprécié la présence de M. le Premier ministre, le 16 février, dans la cour des Invalides...

M. Lucien Degauchy.

Encore heureux !

M. Georges Lemoine.

... et les propos qu'il a tenus pour exprimer la gratitude de la nation et l'attachement du Gouvernement à la gendarmerie.

Mais nous attendons maintenant - et je m'exprime au nom des membres de la commission de la défense et des forces armées - des réponses concrètes, précises, concernant les conditions de travail et de vie des gendarmes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Ehrmann.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le député, la réunion qui s'est tenue lundi dernier participait en effet d'une démarche de concertation qui s'est développée, pendant trois mois, à la suite de demandes de l'organisme représentatif de la gendarmerie. En effet, en novembre dernier, devant le conseil de la fonction militaire, nous avions pris rendez-vous pour mener un travail


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

approfondi, réfléchi et concerté, en matière d'allégement de la charge de travail. Cette priorité avait été définie d'un commun accord.

Beaucoup ici se sont intéressés aux résultats du recensement, que nous connaissons depuis peu. Je rappelle que, dans les zones placées sous la responsabilité directe de la gendarmerie, la population s'est accrue en neuf ans d'un million sept cent mille personnes.

Nous avons donc adopté plusieurs mesures qui vont permettre d'améliorer nettement les conditions de vie personnelle et familiale : allégement des durées et des conditions d'astreinte, notamment grâce à l'emploi de téléphones portables ; instauration de deux quartiers libres d'une demi-journée par mois, aux heures normales de travail et d'ouverture des services, et octroi de trois semaines de congé durant la période des vacances scolaires pour les militaires de la gendarmerie mobile qui, on le sait, sont particulièrement sollicités à cette époque.

D'autres mesures tendant à alléger la charge de travail et à améliorer l'organisation du service seront déployées dans les départements et donneront lieu à concertation locale - j'y tiens.

Pour que tout cela soit réalisable sans baisse du niveau de service, le Gouvernement a consenti un effort d'équipement. Il est ajouté, pour les brigades les plus chargées, en plus du programme déjà voté, 1 500 véhicules, lesquels permettront d'améliorer la mobilité des brigades, 3 500 micro-ordinateurs, si bien qu'à la fin de cette année, nous aurons la dotation totale en micro-ordinateurs correspondant aux effectifs, 8 000 téléphones portables et de 650 fax. Nous augmentons aussi les crédits de consommation et fonctionnement, ainsi que ceux consacrés à l'entretien des logements, secteur qui avait enregistré des retards.

Enfin, pour parvenir à un équilibre parfait, le Gouvernement, tenant compte de cette charge de travail supplémentaire, a augmenté les effectifs, en décidant de créer en trois ans, et dès l'an 2000, 1 500 postes de sous-officiers de gendarmerie. Cela permettra de créer soixante pelotons de surveillance et d'intervention supplémentaires dans les zones où la charge de travail est la plus importante et de pourvoir 130 postes dans les centres opérationnels de la gendarmerie, lesquels assurent la permanence en dehors des heures d'ouverture et sont aujourd'hui débordés.

Ce bon résultat est le fruit d'une concertation qui a été conduite méthodiquement et sans tensions particulières, grâce non seulement à la maîtrise dont ont fait preuve les gendarmes, mais aussi, je tiens à le souligner, à l'attention portée au problème par des parlementaires, en particulier certains membres très actifs de la commission de la défense. Cela contribue à consolider la relation de confiance et de solidarité entre la représentation nationale et le Gouvernement et la gendarmerie, laquelle a encore montré son dévouement et sa disponibilité dans l'épisode récent des tempêtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

SÉCURITÉ DES CYCLISTES SUR LA ROUTE

M. le président.

La parole est à M. André Borel.

M. André Borel.

Monsieur le président, alors que des millions de téléspectateurs ont vu samedi des images désolantes d'un terrible accident, ils ne pourront malheureusement pas voir aujourd'hui un modeste député de base défendre les cyclistes, et j'en suis désolé.

M. le président.

Monsieur Borel, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté à ce sujet. Certes, la retransmission télévisée des questions au Gouvernement est terminée, mais vous savez sans doute, sinon je vous l'apprends, que toutes les images de tout ce qui se passe à l'Assemblée nationale sont diffusées sur le fil de toutes les télévisions. Comme j'en suis certain, votre question est importante, je ne doute pas qu'il y ait une reprise. Veuillez poursuivre.

M. André Borel.

C'est vrai, monsieur le président, que ma question est très importante, dans la mesure où elle nous concerne tous, car nous sommes tous parents ou grands-parents. Nous avons tous été traumatisés par les images que nous avons vues samedi de ce terrible accident survenu au coeur d'un peloton de cyclistes.

Ma question s'adresse à M. le ministre des transports.

Samedi matin, alors qu'une centaine de cyclistes se promenaient tranquillement, un chauffard, qui conduisait à une vitesse excessive, est rentré dans ce peloton, provoquant la mort de quatre personnes et en blessant une vingtaine d'autres dont quatre gravement et dont certaines resteront handicapées à vie.

Nous sommes tous concernés par la sécurité routière.

Et je voudrais d'ailleurs associer à ma question Pierre Goldberg, président de l'amicale des cyclistes parlementaires, Alain Fabre-Pujol, député de la circonscription du Gard où s'est produit cet accident, Armand Jung, qui s'est déjà penché sur le problème des cyclistes et a formulé de nombreuses propositions à ce sujet.

Monsieur le ministre, au-delà de ce drame, le problème demeure. Car que voyons-nous sur nos routes ? Non seulement des automobilistes qui ne prennent aucune précaution et qui frôlent les cyclistes, mais aussi des pistes aménagées non entretenues par les DDE et sur lesquelles on trouve des gravillons, de la boue à la suite des orages, des bris de glace, des déchets jetés par des automobilistes.

Que voyons-nous également sur les bordures de nos routes ? Nous y voyons des grilles de récupération des eaux de pluie posées trop souvent dans le sens de la route, des regards du tout-à-l'égout ou du téléphone, des plaques de fonte qui dépassent de la chaussée... Et que doit faire le cycliste pour éviter tous ces obstacles ? Eh bien, il doit faire un écart. Voilà le constat.

Aussi, je souhaiterais, monsieur le ministre, qu'à l'avenir des ordres soient donnés aux DDE pour qu'elles prennent contact avec les conseils généraux avant tout aménagement réalisé sur une route départementale.

Il faudrait également que toutes les organisations, que toutes les fédérations, qu'il s'agisse de la Fédération française de cyclisme, de la Fédération française de cyclotourisme, de l'UFOLEP ou de la FSGT soient consultées.

Car qui mieux qu'elles peuvent donner un avis sur ces aménagements ?

M. le président.

Posez votre question !

M. André Borel.

Voilà, monsieur le ministre, brièvement, succinctement énoncées quelques réflexions dont je souhaiterais que vous teniez compte.

Bref, quel est votre avis sur la question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, permettezmoi tout d'abord d'exprimer comme vous mon émotion et ma compassion devant ces vies gâchées, mutilées à la suite de ce terrible accident. Je suis sûr que, comme tous nos concitoyens, comme tous ceux qui ont vu ces images terribles, nous ne pouvons que nous révolter et, en tout


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cas, que refuser la fatalité glaciale du nombre des tués chaque année sur les routes de France : l'an dernier, plus de 300 cyclistes ont trouvé la mort sur nos routes.

Pour ce qui est du code de la route, des mesures destinées à améliorer la sécurité des cyclistes ont été pri ses par décret, le 14 septembre 1998. Ainsi, les automobilistes ont obligation de laisser un espace d'un mètre cinquante lorsqu'ils dépassent un cycliste en rase campagne. Par ailleurs, une nouvelle série de mesures allant dans le sens que vous souhaitez fera l'objet d'un prochain examen interministériel.

En ce qui concerne les infrastructures, une instruction avait été donnée en 1995 aux services techniques de la DDE pour qu'ils examinent, dans chaque département, les moyens propres à améliorer la sécurité. J'ai fait faire une expertise sur le suivi de cette instruction. Il en ressort qu'elle doit être mieux appliquée qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. Vous pouvez compter sur mon appui pour qu'il en soit ainsi dans mes services. En effet, je souhaite que les choses ne restent pas en l'état.

Par ailleurs, Marie-Georges Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, qui est également très sensible à ces questions, vient de prendre l'initiative d'organiser une rencontre sur la sécurité des activités de pleine nature, laquelle se tiendra dès le début du mois d'avril avec toutes les associations agréées. Je peux vous assurer que la question spécifique du cyclisme y sera traitée, et que j'accorderai la plus grande attention aux propositions qui me seront faites.

Je voudrais, pour terminer, vous dire que le Gouvernement est déterminé. Il n'y a aucune raison pour que la bataille que nous avons engagée en faveur d'une conduite plus apaisée, d'une vitesse adaptée, respectueuse de tous l es usagers de la route - automobilistes, motards, cyclistes, piétons - ne finisse pas par l'emporter. Il faut convaincre que le drame ne guette pas seulement les autres, mais aussi chacun d'entre nous.

Je dois, mesdames et messieurs les députés, vous pré-s enter très prochainement le bilan définitif de l'année 1999, et j'espère que, à cette occasion, je pourrais annoncer que plus de 400 vies auront pu être épargnées grâce aux mesures que nous avons prises. Toutefois, je sais comme vous, monsieur le député, que ce n'est pas suffisant. Vous pouvez compter sur notre détermination pour faire reculer plus fortement encore ce fléau que constitue l'insécurité routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Raymond Forni.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

PROTECTION DES TRÉSORS NATIONAUX Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (nos 2116, 2165).

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre des initiatives prises par le Parlement et le Gouvernement pour contribuer à la relance du marché de l'art, d'importantes réformes ont été engagées ces derniers mois. Je pense, bien sûr, au projet de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, mais aussi à l'aménagement de la loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

Chacun reconnaît l'urgence d'établir de nouvelles modalités pour la circulation des oeuvres d'art afin d'offrir plus de souplesse et de liberté aux collectionneurs et aux propriétaires d'objets d'art, tout en permettant à l'Etat d'acquérir des oeuvres majeures reconnues comme « trésors nationaux ».

La proposition de loi du sénateur Lagauche, adoptée par le Sénat, répond pour l'essentiel aux difficultés renc ontrées dans l'application de la loi du 31 décembre 1992.

Il me semble utile de rappeler les limites actuelles de notre dispositif législatif.

La loi du 31 décembre 1992 était destinée avant tout à rendre le droit interne compatible avec la législation communautaire. Assurer la libre circulation des marchandises tout en permettant à l'Etat de maintenir sur le territoire national les oeuvres les plus importantes du patrimoine, tels étaient les objectifs du législateur.

Le premier objectif, à savoir la libéralisation du contrôle de la circulation des biens culturels, a été incontestablement atteint. Le ministère de la culture et de la communication délivre désormais quelque cinq cents certificats par mois et ne refuse d'en délivrer un que pour une dizaine d'oeuvres ou d'objets d'art par an en moyenne.

Le second objectif n'a été que partiellement atteint.

C'est ainsi que, sur les quelque quatre-vingts « trésors nationaux » interdits de sortie, l'Etat et les collectivités territoriales ont pu acquérir trente oeuvres qui ont rejoint les musées et les bibliothèques de notre pays. Je rappellerai, entre autres chefs-d'oeuvre, Le Voyage de Pierre Bonnard, acquis par le musée d'Orsay ; le Saint Jean-Baptiste dans le désert de Georges de La Tour, acquis par le département de la Moselle ; le Psautier de Metz, acquis par la bibliothèque de Metz ; un meuble d'appui d'André Groult, pour le Musée des arts décoratifs ; la Crucifixion d e Giovanni Barrile, pour le musée du Louvre ;


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le Portrait de Berthe Morisot de Manet, pour le musée d'Orsay ; l'émouvant ensemble d'oeuvres, de photographiques et de souvenirs de Picasso acquis pour le musée Picasso lors de la vente de la succession Dora Maar.

Ces chefs-d'oeuvre, et je m'en réjouis, prouvent que l'enrichissement des collections publiques concerne aussi bien les musées nationaux que les musées des collectivités territoriales. Je souhaite que ce mouvement, amorcé et amplifié depuis ces dernières années, notamment sous mon impulsion, soit poursuivi.

L'arrivée d'oeuvres maîtresses dans un établissement muséal constitue l'un des moyens d'accroître sa fréquentation et marque notre volonté de reconnaître le travail de grande qualité engagé par les conservateurs territoriaux.

Même si la loi de 1992 a eu des effets bénéfiques pour maintenir sur le territoire national des oeuvres de grande valeur de notre patrimoine, nous constatons que la procédure comporte quelques faiblesses. Ce sont autant d'éléments qui n'ont pas permis à l'Etat d'assumer en toute plénitude ses missions de protection du patrimoine national.

L'une des carences soulignée par nos partenaires réside dans l'absence d'une réelle procédure de négociation entre l'Etat et les détenteurs de « trésors nationaux ». En effet, la protection de cette catégorie de biens culturels, souhaitée par le législateur français et communautaire, devient inopérante au terme de la durée de trois ans du refus de certificat de circulation.

Les effets induits de cette inadaptation sont aggravés par la difficulté à établir la valeur vénale du bien et les conditions de fixation d'un prix, par référence au marché international, accepté par les deux parties.

De nombreux désaccords ne nous ont pas permis de concrétiser l'acquisition de chefs-d'oeuvre de notre patrimoine. Même si nous avons pu obtenir une négociation favorable pour trente « trésors nationaux », ce chiffre reste à mettre en regard des quatre-vingts refus de certificats prononcés pour la même période.

Il est donc indispensable de concevoir d'autres modes d'acquisition. A cet égard, la proposition de loi adoptée par le Sénat est porteuse de progrès : elle instaure une nouvelle procédure d'acquisition, précédée d'une estimation contradictoire de l'oeuvre, présentant toutes les garanties d'objectivité, par référence aux seuls prix du marché international de l'art.

Cette solution a le mérite d'apporter une réponse respectueuse des droits des propriétaires aux questions restées pendantes depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992.

Le texte qui vous est soumis intègre d'autres mesures destinées à simplifier et à alléger les formalités administr atives nécessaires pour exporter les biens culturels. Les professionnels du marché de l'art ont souligné à plusieurs reprises la nécessité de procédures plus pragmatiques, en particulier quant à la durée du certificat. Celui-ci devient permanent pour les biens culturels de plus de cent ans d'âge et sa durée est portée à vingt ans pour ceux d'une ancienneté inférieure. Il s'agit là d'une simplification appréciable des démarches administratives pour les propriétaires de biens culturels.

Par ailleurs, l'importation et l'exportation à titre temporaire sur le territoire national de biens culturels seront libérées. Ces mesures devraient également favoriser le marché de l'art.

En vue d'une meilleure concertation avec nos partenaires, la composition de la commission consultative chargée d'émettre un avis sur les décisions de délivrance des certificats de circulation sera, je le précise, plus équilibrée puisqu'elle sera composée à parité de fonctionnaires et de représentants du marché de l'art.

Je souhaite m'exprimer sur l'opportunité d'inclure des mesures d'incitation fiscale en faveur des propriétaires privés, en référence à l'article 4 bis voté par le Sénat et rejeté par votre commission.

Je rappelle à votre assemblée que la proposition de loi a pour objet de permettre à l'Etat de favoriser l'acquisition des trésors nationaux par la puissance publique, sans entraver le libre jeu du marché de l'art.

M. Pascal Terrasse.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il s'agit d'améliorer le dispositif de la loi de 1992, mais en aucun cas de vouloir régler les difficultés rencontrées par le marché de l'art, notamment sur le plan fiscal.

M. Pascal Terrasse.

Exact !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Son objectif premier est la protection des « trésors nation aux » et l'enrichissement des collections publiques.

L'adjonction de mesures en faveur des propriétaires privés irait donc directement à l'encontre de la finalité du projet...

M. Pierre Lellouche.

Non !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... puisqu'elle inciterait les collectionneurs à conserver les oeuvres dans leur patrimoine au détriment de l'intérêt public.

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

M. Pierre Lellouche.

Non !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

De plus, une mesure d'exonération partielle des droits de mutation ôterait beaucoup de portée au dispositif de la dation en paiement, qui est le principal vecteur juridique d'enrichissement des collections publiques.

M. Pierre Lellouche.

Non !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La dation en paiement est, en effet, une procédure exceptionnelle qui permet, sur agrément, à tout héritier, donataire ou légataire, d'acquitter les droits d'enregistrement dus à raison de la donation ou du legs, par la remise d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de collection, de documents de haute valeur historique ou artistique.

Cette procédure de paiement en nature a montré son efficacité puisque, depuis 1972, près de trois cents offres de dation ont été acceptées pour une valeur totale libératoire de 2,3 milliards de francs environ.

En diminuant le montant des droits de mutation, unee xonération partielle diminuerait mathématiquement l'offre potentielle de dations et constituerait donc une mesure contreproductive pour les collections publiques.

D'autre part, la disposition proposée sort du champ l égislatif visé par la proposition de loi puisqu'elle concerne les mesures de classement déterminées par la loi du 31 décembre 1913.

Cette législation fait actuellement l'objet d'un projet de réforme destiné à moderniser le régime du classement des biens immobiliers et mobiliers. C'est dans ce cadre que je me suis engagée devant le Sénat, tout comme je le fais aujourd'hui devant votre assemblée, à étudier des mesures d'incitation fiscale appropriées.

Après avoir exprimé au Sénat ma reconnaissance pour l'initiative du présent texte proposé par le sénateur Serge Lagauche, je tiens à souligner l'excellent travail engagé


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par votre rapporteur, M. Jean Rouger, et l'ensemble des membres de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les améliorations qui ont été apportées tant au contenu de la proposition de loi adoptée par le Sénat qu'à certains articles de la loi de 1992.

Je vous exprime donc ma très vive reconnaissance en même temps que le plaisir que j'ai pu avoir à connaître les résultats du travail de votre commission ainsi que du rapporteur.

Je ne doute pas que les débats qui vont suivre nous permettront d'enrichir encore ce texte puisque plusieurs amendements ont été déposés, qui permettront d'avoir une rédaction encore plus claire dans certains cas et plus efficace dans d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Rouger, excellent rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, comme vient de le rappeler Mme la ministre. (Sourires.)

M. Pascal Terrasse.

Très compétent, surtout !

M. Jean Rouger, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,...

M. Pierre Lellouche.

Excellents collègues ! (Sourires.)

M. Jean Rouger, rapporteur.

Mes chers et excellents collègues, protéger notre patrimoine national et permettre aux citoyens de conserver la liberté d'échanger des biens culturels de grande valeur, tel est l'enjeu du texte que nous examinons.

Les biens culturels qui nous intéressent sont les « trésors nationaux ». La première difficulté consiste à définir un « trésor national ». Selon François Furet, il s'agit d'« une chose indispensable pour penser l'histoire de la nation, [...] un lieu de mémoire - qui témoigne de quelque chose d'abstrait et en même temps de profondément vécu - autour duquel s'est regroupée une collectivité ».

Belle définition que celle que nous propose François Furet. La réalité d'un trésor national est, en effet, très complexe : c'est une synthèse entre l'émotion, l'histoire, la connaissance, et c'est justement tout ce qui donne toute sa valeur à une oeuvre.

La loi du 31 décembre 1992, que nous sommes appelés à modifier aujourd'hui, a donné pour la première fois en droit français une définition des « trésors nationaux » :

« Il s'agit tout d'abord des biens appartenant aux collections publiques, ensuite des biens classés en application des lois du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ou de la loi no 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives. [...] "S'ajouteront à cette masse existante les biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'historien de l'art ou de l'archéologie". »

Le décret du 29 janvier 1993 précise quant à lui les biens qui sont potentiellement des « trésors nationaux » et qui doivent, du fait de cette incertitude, obtenir un certificat pour leur exportation. Ainsi, quatre catégories requièrent une autorisation quelle que soit la valeur du bien : les objets archéologiques ayant plus de cent ans d'âge, les éléments faisant partie intégrante des monum ents historiques ou religieux ou provenant d'un démembrement et ayant plus de cent ans d'âge, les incunables et manuscrits, les archives de plus de cent ans d'âge. Quant aux « tableaux et peintures entièrement faits à la main », ils sont soumis à autorisation au-delà d'une valeur d'environ « 150 000 écus », soit 950 000 francs.

L'intérêt, pour un bien, de déterminer s'il s'agit ou non d'un trésor national est de savoir s'il fait partie des biens si importants pour notre nation qu'il ne faut pas qu'il quitte notre territoire. C'est là tout l'enjeu de la réglementation. Il faut donc s'appliquer à trouver un juste équilibre entre le devoir pour l'Etat de conserver des oeuvres indissociables de son histoire et la nécessité de garantir aux propriétaires la capacité et le droit de commercer librement.

La première réglementation en ce domaine a été tardive, puisqu'elle ne date que de 1941. Elle prévoyait, d'une part, une obligation d'autorisation pour l'exportation des objets « présentant un intérêt national d'histoire ou d'art » et, d'autre part, un droit pour l'Etat d'acheter d'office les biens présentés à l'exportation au prix déclaré par le propriétaire.

Cette loi, certes rigoureuse, n'a pas fait naître d'abus dans son application. Sa réforme a été cependant rendue nécessaire dans la perspective d'une harmonisation avec le droit communautaire.

Comme vous le savez, les articles 30 et 34 du traité constitutif de la CEE prohibent les interdictions absolues d'importation et d'exportation de produits communautaires, les restrictions quantitatives ainsi que les mesures d'effet équivalent, à savoir toute réglementation ou pratique des Etats membres susceptibles d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les échanges intracommunautaires. En français : pas de favoritisme dans les échanges.

Cependant, l'article 36 du même texte a prévu un régime dérogatoire, qui autorise certaines restrictions de circulation pour les biens culturels qualifiés « trésors nationaux ».

C'est donc compte tenu de la nécessité de mise en conformité du droit français avec le droit communautaire que la loi de 1992 a repensé les mécanismes de retenue sur le territoire des biens culturels.

Les biens non soumis à certificat d'exportation, selon la définition que j'ai rappelée, peuvent circuler librement.

Les autres, lorsque le propriétaire désire les exporter, il doit demander une autorisation. Si le bien n'est pas considéré par le ministère de la culture comme un « trésor national », un certificat est accordé pour une durée de cinq ans, pendant laquelle le bien pourra librement circuler. Le bien peut en revanche être considéré comme un

« trésor national » à la suite de l'avis d'une commission composée de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées. Dans ce cas, le certificat est refusé, ce qui oblige le propriétaire à maintenir l'oeuvre sur le territoire pendant au moins trois ans. Pendant cette période, le

« trésor national » peut soit être acheté par l'Etat, si le propriétaire accepte de le lui vendre, soit être classé, même sans l'accord du propriétaire. Si, à l'issue des trois ans, aucune décision n'est intervenue dans l'un ou l'autre sens, le certificat ne pourra pas être refusé une seconde fois et le bien pourra alors circuler librement.

Avec un peu de recul, cette loi du 31 décembre 1992 a montré des faiblesses. L'arrêt Walter de 1994, confirmé en 1996, a condamné l'Etat à payer 145 millions de francs d'indemnité au propriétaire du tableau de Van Gogh Un jardin à Auvers, ce qui correspondait à une évaluation du prix du tableau selon les cours du marché international, pour le dédommager du préjudice subi par le classement d'office de l'oeuvre, qui empêchait toute exportation.


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Ainsi, le mécanisme de classement d'office était devenu par cette jurisprudence, extrêmement dommageable pour l'Etat, qui doit payer une indemnité correspondant au prix de l'oeuvre sur le marché alors qu'au bout du compte il ne possède pas l'oeuvre. La seule possibilité pour l'Etat reste donc son achat.

Cependant, d'une part, les crédits d'acquisition dégagés par le ministère de la culture sont faibles et demeurent toujours trop modestes. D'autre part, il n'existe aucune obligation pour le propriétaire de vendre à l'Etat l'oeuvre dont le certificat a été refusé.

Ainsi se retrouve-t-on dans une impasse. C'est à cela que la proposition de loi du sénateur Serge Lagauche, examinée le 26 janvier dernier, se propose de remédier.

Cette proposition de loi a deux grands objectifs : permettre des échanges commerciaux apaisés et confiants entre les différents acteurs du marché de l'art et faire bénéficier les biens culturels qualifiés de trésors nationaux d'une réglementation particulière, facilitant leur conservation sur le territoire et éventuellement leur entrée dans les collections publiques.

Ce texte prévoit ainsi, d'une part, un allongement de la durée du certificat d'exportation et, d'autre part, une procédure strictement encadrée pour l'acquisition éventuelle d'une oeuvre par l'Etat, procédure garantissant la sécurité juridique pour tous.

La durée initiale du certificat d'exportation, qui était de cinq ans dans la loi de 1992, passe à vingt ans pour les biens ayant moins de cent ans et devient permanente pour les biens ayant plus de cent ans. Cette mesure, estimée très positive par les acteurs du marché de l'art, permettra aux propriétaires de sortir de l'insécurité juridique.

De plus, il est désormais prévu, en cas de refus de certificat, une procédure qui permet à l'Etat et au propriétaire de trouver un terrain d'entente, sans léser l'un ou l'autre. Au cours de la période de refus de certificat, période ramenée de trois ans à trente mois, l'Etat pourra présenter une offre au propriétaire, en référence aux prix du marché international. A défaut d'accord amiable, deux expets pourront être désignés par l'Etat et par le propriétaire et, en cas de divergence, un tiers expert sera choisi.

La valeur du bien étant ainsi déterminée, si l'Etat fait une offre d'achat et que le propriétaire la décline, alors le refus de certificat d'exportation sera renouvelé automatiquement.

Le propriétaire d'un trésor national aura le choix, soit de vendre à l'Etat au prix du marché, soit de conserver son bien sur le territoire national. Pour ces oeuvres majeures de notre histoire, le préjudice relatif du propriétaire qui aura choisi de vendre ne résultera que de l'obligation de vendre à l'Etat. Il ne subira pas de préjudice pécuniaire.

Ainsi, cette proposition de loi, si elle ne règle pas tous les problèmes, est globalement positive. Plusieurs amendements ont été adoptés par la commission pour préciser le texte, éviter des approximations et des erreurs d'interprétation. Il est également proposé de supprimer les deux amendements adoptés par le Sénat à l'initiative de sa commission des finances.

M. Michel Herbillon.

C'est regrettable !

M. Jean Rouger, rapporteur.

Ces deux amendements soulèvent en effet des interrogations bien réelles, mais les solutions qu'ils proposent pour y répondre ne nous semblent pas adaptées.

En premier lieu, pour remédier au problème des indemnités que l'Etat doit verser en cas de classement d'office, M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances saisie pour avis, a proposé des mesures de défiscalisation pour les propriétaires acceptant le classement.

M. Pascal Terrasse.

Merci pour le grand capital !

M. Jean Rouger, rapporteur.

L'idée est d'inciter les propriétaires à demander le classement pour que ces oeuvres restent sur le territoire national. Il s'agit, en particulier, de les exonérer de certains droits de succession. Or les contraintes fiscales peuvent être résolues par la dation, sorte de règlement en nature des droits de succession. La dation est un mécanisme efficace d'enrichissement des collections publiques ; sa valeur libératoire, au cours des dix dernières années, a été légèrement supérieure au m ontant des crédits d'acquisition du budget de l'Etat. Le système proposé par la commission des finances du Sénat risquerait de minorer l'intérêt de la démarche de dation et produirait donc l'effet inverse de celui qui est recherché.

M. Pierre Lellouche.

Mais non !

M. Michel Herbillon.

Pas du tout !

M. Jean Rouger, rapporteur.

Il n'en est pas moins légitime de vouloir donner à l'Etat les moyens de classer des oeuvres sans devoir payer des indemnités exorbitantes. Il est urgent aussi de revoir les critères et les modalités du classement des biens culturels. Cela permettrait de proposer des avantages, y compris fiscaux, pour les propriétaires, en équilibre avec des obligations civiques et culturelles qui leur incomberaient vis-à-vis des citoyens. Ce n'est pas l'objet de cette proposition, mais il est certain qu'il faudra s'atteler à une réforme de la loi de 1913.

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

M. Jean Rouger, rapporteur.

En second lieu, l'Etat peut-il présenter des offres au nom d'une personne privée au cours de la procédure ? Cette deuxième proposition du Sénat me semble contraire à l'esprit de la loi...

M. Pierre Lellouche.

Vous préférez donc que les oeuvres sortent du territoire ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

... qui est de préserver également les intérêts des propriétaires. Si, au nom de la préservation du patrimoine national, on souhaite inciter le propriétaire à vendre, il est logique que ce soit en faveur de l'Etat ou d'une personne publique. Les oeuvres entrent alors dans les collections publiques et peuvent être exposées.

M. Pascal Terrasse.

Au lieu de rester dans les coffresforts !

M. Jean Rouger, rapporteur.

Elles deviennent un élément vivant de la culture. Il n'est est pas de même lorsque l'acquéreur est une personne privée. De plus, le commerce entre les personnes privées doit se faire librement par principe. Dans le cadre de la restriction territoriale qui est imposée, si la vente n'a pas lieu au bénéfice de l'Etat, le propriétaire de l'oeuvre doit pouvoir choisir librement son acquéreur privé. Enfin, l'Etat n'a pas à être l'intermédiaire officiel d'un échange commercial privé et à p rivilégier une demande plutôt qu'une autre. On peut penser que sa mission doive rester centrée sur la reconnaissance et sur la qualification du bien ainsi que sur la transparence des valeurs et sur l'accès à la connaissance.

Je souhaite rappeler les principes qui inspirent ce texte : la protection des trésors nationaux et le respect des acteurs du marché de l'art. Tout le monde gagnera à une meilleure entente entre le monde de l'art, le commerce et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

la puissance publique. La France doit redevenir un lieu où les collectionneurs n'ont plus peur de venir. Dans cet esprit, il est prévu que les oeuvres importées à titre temporaire n'aient pas besoin de certificat et que le certificat soit accordé systématiquement pour les biens importés en France depuis moins de cinquante ans.

L'Etat est concerné en premier lieu par la protection des trésors nationaux, mais ses moyens d'acquisition sont toujours insuffisants. On peut le regretter, on peut seulement le constater. En effet, le budget de l'Etat n'est pas extensible à l'infini et les sommes en jeu sont importantes. Il s'agit de faire des choix. L'acquisition des oeuvres d'art ne doit pas être une fin en soi.

Cependant, nous avons une obligation d'imagination pour organiser des partenariats et pour féconder des intérêts jusque-là divergents. Pour diffuser notre culture, il faut aussi que les expressions majeures de notre histoire culturelle puissent circuler, se faire connaître en dehors de nos frontières ; c'est ce qui valorise les oeuvres. Par là même, nos émotions, notre savoir-faire, notre histoire, notre patrimoine acquièrent, au fil de la connaissance et du retour des autres, la qualité de trésor national.

Notre commission a donc adopté cette proposition de loi, en y intégrant des amendements qui améliorent le respect de chacun des partenaires, pour permettre ce difficile compromis entre la nécessaire liberté d'échange des biens et la protection de notre patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Armand Jung.

Excellent rapport ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui s'inscrit, à n'en pas douter, dans une démarche salutaire.

Nous sommes un certain nombre, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, à nous préoccuper du fossé qui existe entre l'extrême richesse de notre pays en biens culturels et la faiblesse du dispositif actuel de protection des trésors nationaux.

Alors même que la préservation du patrimoine national constitue un des fondements essentiels de l'action culturelle de l'Etat, celui-ci est aujourd'hui quasi impuissant à endiguer l'exode des oeuvres d'art. Au-delà de ses conséquences financières - non négligeables, puisqu'elles sont évaluées à 2 milliards de francs par an -, ce phénomène prive petit à petit notre pays d'un élément constitutif de son identité nationale, le vide d'une substance héritée de son histoire, qui fait la richesse de son âme et de sa culture.

La modification, en 1992, de la loi du 23 juin 1941 sur l'exportation des oeuvres d'art, est en partie responsable de cette situation. D'un système fondé sur le c ontrôle extrêmement strict des exportations, nous sommes passés brusquement à une législation beaucoup plus souple, privant l'Etat de la plupart des instruments dont il disposait jusqu'alors : en cas de refus d'un certificat d'exportation, il n'a plus désormais pour choix que d'acquérir ou de classer le bien.

L'évolution jurisprudentielle - et plus précisément l'arrêt Walter qui contraint à indemniser les propriétaires d'un bien classé sans leur consentement à hauteur du prix d'oeuvres comparables sur le marché international - a supprimé de fait toute possibilité de classement. Comment, en effet, user de cette procédure, alors qu'elle oblige l'Etat à débourser une somme équivalente à celle de l'achat, sans pour autant devenir propriétaire du bien ? Comment a fortiori y recourir pour des oeuvres majeures, alors que le coût de certaines d'entre elle dépasse parfois à lui seul le montant des crédits annuels d'acquisition dégagés par l'Etat ? Je rappelle que le budget annuel d'acquisition est de 250 millions de francs, chiffre qu'il est intéressant de rapprocher des 2 milliards auxquels on estime le montant des exportations.

La carence des moyens accordés par Bercy, que nous dénonçons chaque année lors de l'examen du budget de la culture, aboutit à ce paradoxe ubuesque : plus une oeuvre d'art a de la valeur, plus elle a de chance de pouvoir quitter le territoire !

M. Henri Plagnol.

Absolument !

M. Michel Herbillon.

Notre système de protection des trésors nationaux est ainsi doublement déstabilisé, juridiquement et budgétairement.

M. Henri Plagnol.

C'est vrai !

M. Michel Herbillon.

C'est en gardant cette double contrainte à l'esprit que nous devons aborder l'examen de la proposition de loi que nos collègues sénateurs ont adoptée le 26 janvier dernier.

Soyons clairs, mes chers collègues, sur les enjeux du débat qui s'engage : cette proposition est intéressante en soi et les mesures qu'elle prévoit sont de nature à renforcer le dispositif de protection des trésors nationaux tout en préservant, voire en améliorant le fonctionnement du marché de l'art.

Ainsi, l'idée d'instaurer un système de double expertise et de recourir à un tiers expert, en cas de désaccord, pour évaluer le prix d'un bien considéré comme trésor national constitue un moyen juridique pertinent pour favoriser l'acquisition de trésors nationaux par la puissance publique, sans pour autant léser les droits du propriétaire.

De même, il faut rendre hommage au Sénat d'avoir assoupli certaines dispositions qui n'apportaient guère de garantie pour la préservation des trésors nationaux et pénalisaient le marché de l'art français. L'allongement de la durée de validité du certificat, le fait d'en être exonéré pour les biens importés à titre temporaire, ainsi que l'impossibilité de classer ceux importés depuis moins de cinquante ans s'inscrivent heureusement dans cette logique.

L'ouverture plus grande aux personnalités qualifiées de la commission d'avis sur les refus de certificat est également positive.

Je suis certain que nul ne s'opposera à ces mesures de bon sens. Et l'enjeu du débat est naturellement ailleurs. Il porte, en réalité, sur les amendements de la commission des finances du Sénat et, par là même, sur le degré d'efficacité que le législateur entend donner à la réforme du dispositif de protection de nos trésors nationaux.

M. Henri Plagnol.

Parfaitement !

M. Michel Herbillon.

Car si j'ai souligné combien le mécanisme juridique retenu dans la proposition initiale du Sénat était intéressant, chacun ici a néanmoins conscience - le rapporteur l'a souligné à l'instant - du caractère modeste de la réforme. A quoi sert-il de favoriser l'achat de trésors nationaux par l'Etat si celui-ci n'a pas ou ne veut pas consacrer les moyens nécessaires à ces acquisitions ?

M. Pierre Lellouche et M. Henri Plagnol.

Très bien !


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M. Michel Herbillon.

Je doute, madame la ministre, que vous soyez en mesure d'annoncer aujourd'hui une augmentation massive de ces crédits. D'ailleurs, même s'ils venaient à être doublés, cela ne suffirait pas, je le crains, à répondre aux besoins.

C'est pour contourner cet écueil budgétaire que notre collègue sénateur Yann Gaillard, auteur d'un rapport récent et remarqué sur le marché de l'art, a déposé des amendements qui ont le mérite d'offrir des perspectives nouvelles pour la protection de nos trésors nationaux.

Sa démarche s'inspire de l'idée largement partagée, parmi les professionnels de l'art notamment, que la France ne pourra conserver un grand nombre d'oeuvres d'art sur son sol et retrouver la place prépondérante qu'elle occupait il y a cinquante ans sur ce marché, hélas abandonnée à New York et à Londres, que si toute une série de mesures fiscales sont prises : baisse du taux de TVA à l'importation, réforme du droit de suite, mais aussi incitations pour les propriétaires d'oeuvres d'art à les conserver en France.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Michel Herbillon.

C'est pourquoi, à la différence du Gouvernement et du rapporteur, qui a obtenu en commission la suppression du volet fiscal de la proposition sénatoriale, nous considérons pour notre part qu'il doit être maintenu. Ne nous contentons pas d'une réformette, madame la ministre, ni d'une de ces lois pleines de bonnes intentions mais qui, faute de se donner les moyens nécessaires pour atteindre leurs objectifs, ne mènent à rien, si ce n'est à faire perdre toute crédibilité au travail du législateur.

M. Pierre Lellouche.

Tout à fait !

M. Michel Herbillon.

Si l'on ne veut pas que la protection de nos trésors nationaux reste un voeu pieux, une incantation, il faut une véritable volonté politique, assortie des moyens de cette ambition. Accepter l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour les objets mobiliers classés avec l'accord de leur propriétaire est l'un de ces moyens. Permettre le développement du mécenat en autorisant l'Etat à présenter l'offre d'achat d'une personne privée, qui s'engage à demander le classement du bien concerné, en constitue un autre.

J'ai entendu bien des interrogations et des critiques à propos de ces mesures. Aucune, pourtant, ne me paraît justifier leur suppression.

La crainte de voir les détenteurs de biens culturels demander leur classement dans le seul but de faire profiter leurs héritiers de l'avantage fiscal et de voir ainsi le système de la dation déstabilisé n'est pas sérieuse. Car, jusqu'à preuve du contraire, le classement n'est toujours pas de droit en France et relève encore de la seule responsabilité du ministre de la culture, après avis de la commission compétente.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Michel Herbillon.

Dire qu'il n'est pas convenable que l'Etat puisse présenter une offre émanant d'une personne privée, son rôle n'étant pas de servir d'intermédiaire entre deux personnes privées, n'est pas non plus un argument sérieux.

M. Bernard Outin.

Ah bon ?

M. Michel Herbillon.

Dois-je rappeler que si ce dispositif, inspiré de l'exemple britannique, est proposé, c'est pour remédier à la carence de l'Etat, aujourd'hui incapable de remplir efficacement une mission qu'il juge pourtant d'intérêt général ? Dois-je rappeler par ailleurs que l'une des tâches actuelles du directeur des musées de France est, en cas de refus de certificat d'exportation, de rechercher un acquéreur susceptible de maintenir le bien sur le territoire national ?

M. Pierre Lellouche.

C'est vrai !

M. Michel Herbillon.

Il serait hypocrite et regrettable de ne pas officialiser ce procédé, alors même que la proposition du Sénat offre des garanties en ce qui concerne l'accès du public aux oeuvres acquises par une personne privée.

Je ne vois en vérité aucun argument de fond qui puisse expliquer l'hostilité du Gouvernement et de notre rapporteur à ces mesures. Est-ce le résultat de l'influence tutélaire de Bercy sur la culture ou simplement le fruit d'un blocage idéologique du Gouvernement sur toute avancée fiscale ? Je ne sais. Peut-être y a-t-il des deux. Faut-il rappeler de nouveau, à cet instant, que le budget global de la RMN pour l'ensemble des acquisitions des musées n'est que de 250 millions de francs par an ? L'adoption de ces mesures, madame la ministre, constituerait un signal fort de notre volonté de préserver le patrimoine national, au moment où plusieurs chantiers législatifs doivent s'ouvrir en ce domaine. Vous avez notamment annoncé votre souhait de réformer la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

M. Pascal Terrasse.

C'est très important !

M. Michel Herbillon.

Bien sûr.

Nous serions heureux que vous prolongiez le débat d'aujourd'hui en nous précisant vos intentions. Le groupe Démocratie libérale y sera très attentif car il souhaite, dans le prolongement de la proposition de loi que mon c ollègue Pierre Lequiller et moi-même, ainsi que l'ensemble des collègues de notre groupe, avons récemment déposée sur la lutte contre le dépeçage des monuments historiques, faire des propositions fortes en ce domaine, notamment pour assurer le maintien in situ de t out ensemble ou objet immobilier constituant le complément artistique ou historique d'un immeuble classé ou inscrit.

C'est une réforme ambitieuse et non pas une réformette que le groupe Démocratie libérale entend promouvoir et soutenir. Dans ce cadre, il est souhaitable qu'à tout le moins, l'Assemblée adopte le texte du Sénat tel qu'il a été amélioré par sa commission des finances. Nous proposerons même, au cours de la discussion, des amendements visant à dégager des moyens complémentaires pour enrichir les collections publiques en créant un prélèvement sur les recettes de la Française des jeux, à l'instar de ce qui existe en Grande-Bretagne et en Italie.

Toutefois, si, par hypothèse, la majorité devait revenir à une version du texte sans réel impact sur la situation actuelle, nous serions contraints de nous abstenir pour sanctionner une occasion manquée. Occasion manquée, madame la ministre, car quelle serait la valeur d'une volonté politique si le Gouvernement et sa majorité refusaient de se donner les moyens de protéger réellement notre patrimoine national ?

M. Pierre Lellouche et M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi a pour objet d'améliorer la protection des trésors nationaux. Avec ce texte, les sénateurs ont voulu remédier aux lacunes du dispositif mis en place par la loi de 1992.


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La protection des trésors nationaux n'est pas une préoccupation récente. La réglementation s'est longtemps appuyée sur la loi de 1941, adoptée dans le contexte particulier du pillage de l'Europe par les armées de l'Allemagne nazie. Fruit d'un Etat autoritaire, elle dotait ce dernier de moyens exceptionnels qui entraînaient de réelles distorsions sur le marché. Cette relation très inégale entre l'Etat et les collectionneurs pouvait aller jusqu'à l'interdiction d'exporter une oeuvre classée monument historique, sans contrepartie. Elle a cependant réglementé le marché de l'art français pendant près de cinquante ans.

La réforme nécessaire de cette loi avait été quelque peu précitée pour répondre à l'ouverture du Marché unique.

Le texte adopté en 1992 a néanmoins eu le mérite de libérer le marché de l'art des contraintes fortes que faisait peser la loi de 1941, en limitant fortement les préorogatives de l'Etat. Mais l'équilibre recherché entre la nécessaire protection du patrimoine et la liberté du marché est difficile à trouver. Le dispositif mis en place a montré ses limites après qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris eut contraint l'Etat à verser des indemnités de classement aussi élevées que les prix du marché international, sans que le bien ne vienne pour autant enrichir le patrimoine commun.

Dans le cadre réglementaire actuel, le refus de délivrer un certificat de sortie, qui constitue le premier acte de protection à la disposition de l'Etat, ne garantit pas la conservation d'un bien d'intérêt national sur le territoire.

Au contraire, passé le délai de trois ans qui assortit le refus de certificat, l'Etat n'a aujourd'hui aucun moyen d'empêcher la fuite des biens concernés. Sans les moyens financiers qui lui permettraient de faire une offre, et sans dispositif incitant la vente du bien concerné à l'Etat, il suffit aux propriétaires d'attendre la fin du délai de trois ans pour que leur bien reçoive incidemment un droit de sortie. Des exemples récents, concernant des toiles de maîtres, prouvent l'inefficacité du système actuel.

D'autres exemples pourraient rapidement suivre, sans une réforme du texte de 1992. En libéralisant les exportations d'oeuvres d'art, la loi de 1992 a en effet créé un appel d'air qu'elle n'a pas compensé. Aujourd'hui, de nombreux biens d'intérêt national, objets artistiques, monuments architecturaux, sites naturels et archéologiques, sont menacés de quitter, parfois en morceaux, le territoire national. Elu du département où l'on a découvert la grotte Chauvet, j'accepterais mal, par exemple, de voir partir les peintures rupestres qui en ornent les murs.

(Sourires.)

Mme la ministre de la culture et de la communication.

N'ayez crainte !

M. Pascal Terrasse.

Permettez-moi, néanmoins, de le répéter ici une fois encore.

Cela étant, je ne souhaite pas, et de loin, revenir à un état coercitif de la loi. Je ne crois pas salutaire de se crisper sur une attitude défensive. Je souhaite, au contraire, que les propositions que nous ferons dans cet hémicycle sauront contribuer à dynamiser le marché de l'art, dans le sens de la proposition adoptée par le Sénat.

Comme le rappelait mon collègue sénateur Serge Lagauche, il est primordial de redonner confiance aux collectionneurs et d'assouplir les contraintes qui pèsent actuellement sur le marché de l'art national, afin de lui permettre de retrouver une dynamique d'échange digne des plus grandes places mondiales.

Comme lui, je crois que le renouvellement et l'accroissement du patrimoine national, détenu par les personnes privées autant que dans les collections publiques, n'est possible qu'avec un marché dynamique, reconnu au niveau international, et susceptible d'attirer des oeuvres majeures.

Briser la défiance des collectionneurs à l'égard de l'Etat est l'enjeu de deux mesures d'importance introduites dans la proposition de loi : d'une part, la dérégulation de l'importation ou de l'exportation de biens nationaux à titre temporaire, et, d'autre part, le rééquilibrage de la composition de la commission compétente pour donner son avis au ministre s'agissant de la délivrance du certificat de sortie.

Cette volonté d'assouplissement des procédures doit également, et au premier chef, concerner les biens qui ne sont pas retenus au titre des trésors nationaux - c'est la grande majorité. A cet égard, les dispositions qui ont été adoptées par le Sénat vont dans le bons sens. Je voudrais citer ici l'allongement de la durée des certificats délivrés à vingt ans renouvelables pour les biens âgés de moins de cent ans, ces certificats étant permanents pour les biens de plus de cent ans.

En revanche, je plaide pour que l'Etat se dote de moyens efficaces pour protéger le patrimoine historique et culturel d'intérêt national. Je souhaite que soit réaffirmé le caractère exceptionnel de ces biens, qui justifie la mise en place de moyens exceptionnels de protection.

Le marché unique et la libéralisation acquise des échanges constituent le cadre dans lequel doit se positionner notre action. L'Etat qui légifère aujourd'hui a abandonné ses habits de Père Fouettard : c'est un Etat moderne, pleinement conscient de ses devoirs à l'égard du marché, mais également soucieux de l'intérêt général.

La proposition de loi, telle qu'elle a été adoptée par le Sénat, prévoit dans un premier temps l'organisation de l'acquisition des trésors nationaux par l'Etat. Dans un second temps, à la faveur d'un amendement, la réflexion s'est portée sur l'ouverture de l'acquisition de ces oeuvres majeures aux personnes privées. Je reviendrai plus loin sur ce point.

Pour ce qui concerne l'organisation de l'acquisition des biens par l'Etat, il faut convenir que le refus d'accorder le certificat de sortie oblige en contrepartie l'Etat à proposer rapidement des solutions alternatives aux propriétaires.

L'acquisition me paraît être la plus appropriée. Il ne s'agit pas ici de spolier les propriétaires. J'ai pleinement conscience que la procédure mise en place prive ces derniers de la pleine jouissance de leur bien. Mais, je tiens à le réaffirmer, le fait que cette procédure concerne des trésors nationaux place les protagonistes devant une situation exceptionnelle, qui justifie des moyens exceptionnels pour l'Etat.

Par ailleurs, les propositions concernant la procédure contradictoire d'expertise sont de nature à apporter aux propriétaires les garanties que réclament leurs droits fondamentaux. Elles permettent également de prévenir l'Etat contre les risques de dérive de contentieux.

En organisant les moyens d'acquisition des trésors nationaux par l'Etat, la loi doit cependant envisager des moyens financiers en conséquence. En effet, et Michel Herbillon l'a rappelé, le budget annuel alloué aujourd'hui aux musées nationaux pour les acquisitions ne permettrait pas d'acheter le prix d'un Cézanne ou un Degas. Il faut donc que nous réfléchissions aux ressources à mobiliser pour que le budget annuel consacré à l'acquisition des musées nationaux soit porté à un niveau significatif au regard des enjeux. Pour ma part, je ne proposerai pas d'orientation.

M. Pierre Lellouche.

Pourquoi pas ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. Pascal Terrasse.

D'ailleurs, nous avons eu ce matin l'occasion d'en discuter en commission des affaires sociales. Certains ont envisagé une taxation sur les jeux, d'autres ont évoqué la possibilité de mettre en place un système de souscriptions défiscalisées ou une modification du système de l'impôt sur les grandes fortunes qui exonère aujourd'hui un certain nombre de tableaux.

Toutefois, ces dispositions n'apporteront pas à elles seules une solution définitive aux questions actuelles. J'ai conscience qu'à plus ou moins long terme elles pourraient être en butte au niveau des transactions du marché. On estime aujourd'hui à plusieurs millions de francs la valeur des oeuvres d'intérêt national qui, malheureusement, q uittent le territoire chaque année. Qu'en sera-t-il demain ? C'est pourquoi je suis favorable, monsieur Lellouche, à ce que la réflexion engagée envisage l'ouverture de la procédure d'acquisition de trésors nationaux aux offres privées. C'est l'objet de deux amendements adoptés en première lecture par le Sénat.

Permettez-moi ici de rappeler que le texte, dans sa première rédaction, prévoyait déjà la recherche de partenaires privés - acheteurs potentiels ou mécènes - dans le cadre de la procédure d'acquisition de gré à gré. Ce partenariat est souhaitable. Il faudra demeurer attentifs à ce qu'il n'occasionne pas de distorsion sur le marché. Mais il est rendu nécessaire par l'enjeu.

Les sénateurs ont jugé ce texte insuffisant, et ont souhaité l'élargir en introduisant un dispositif spécifique d'offre d'achat des trésors nationaux par les personnes privées.

M. Michel Herbillon.

Ils ont eu raison !

M. Pascal Terrasse.

L'article 4 bis, introduit à l'initiative de la commission des finances pour répondre à ce souhait, pose un problème délicat. En assortissant cette offre privée de l'exonération partielle des droits de mutation, la Chambre haute a mis en place, en effet, une mesure qui pourrait se retourner contre l'objectif que nous poursuivons.

Pour ma part, je ne suis pas particulièrement favorable à la mise en place d'un dispositif qui, dans le souci de préserver le patrimoine collectif, porterait atteinte à certains principes fondamentaux de notre République : l'équité et le libre accès de tous à la culture et donc au savoir. Il conviendrait d'éviter de créer artificiellement une valeur refuge qui permettrait aux plus belles fortunes de l'Hexagone de se dérober à l'impôt en toute légalité.

M. Henri Plagnol.

Mieux vaut les grandes fortunes françaises que les grandes fortunes américaines !

M. Pascal Terrasse.

Je vais vous répondre !

M. Michel Herbillon.

Ce genre de discours est un peu démodé, monsieur Terrasse !

M. Pascal Terrasse.

Je ne comprendrais pas que l'intérêt national se confonde ici avec l'intérêt financier de quelques-uns.

M. Henri Plagnol.

Et la dation ?

M. Pascal Terrasse.

Nous allons en reparler ! Il ne faut pas oublier que le marché de l'art est devenu spéculatif et que nous n'avons pas affaire à des philanthropes. C'est pourquoi, dans l'hypothèse où cette disposition serait maintenue, je demanderais à ce que des contreparties accompagnent les avantages consentis. On pourrait envisager, par exemple, que le bien acquis grâce à cette procédure soit placé à la disposition du public.

M. Henri Plagnol.

Pourquoi pas ?

M. Pascal Terrasse.

Je préfère que les tableaux soient exposés dans un musée public plutôt qu'enfermés dans un coffre-fort.

M. Pierre Lellouche.

Vous préférez les coffre-forts américains ?

M. Pascal Terrasse.

Mais dans son efficacité même, je doute des résultats de ce dispositif. Car si nous réduisons les droits de succession, nous pénalisons du même coup le système de la dation ! Or ce dernier, qui permet aux héritiers de payer leurs droits en valeurs, contribue aujourd'hui de manière significative à enrichir les collections publiques. L'incitation fiscale mise en place par le Sénat sera-t-elle, sans effet pervers, de nature à compenser l'altération du système de la dation ? Rien ne permet aujourd'hui de l'affirmer.

Pour conclure, la préservation de notre patrimoine national nous commande de définir un équilibre entre la recherche de moyens d'intervention accrus pour l'Etat et la liberté des échanges sur le marché. Le texte dont nous avons à débattre répond, je crois, à l'enjeu qui le motive.

Je souhaite cependant que l'Assemblée ne perde pas l'esprit de cette proposition de loi, et que les dispositions que nous serons amenés à prendre traduiront notre volonté d'enrichir les musées nationaux au profit de tous.

La semaine dernière, nous avons évoqué une réforme de la loi du 30 décembre 1913. J'espère, madame la ministre, que vous allez faire, à cet égard, un certain nombre d'annonces qui pourraient répondre, partiellement en tout cas, aux interrogations de nos collègues de l'opposition ainsi qu'à celles de la majorité.

M. Henri Plagnol.

Très bonne conclusion !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l'examen du projet de loi sur la réforme des ventes publiques ici même, il y a deux mois, nous voici saisis cet après-midi d'un texte du Sénat portant réforme de notre législation en matière de protection des trésors nationaux. Malgré sa technicité, ce texte est d'importance. Il est même politique, au sens noble du terme, puisqu'il vise à protéger notre patrimoine culturel, élément clé de notre identité nationale, au moment où, comme je l'ai rappelé à plusieurs reprises, la France subit une véritable hémorragie de son patrimoine artistique.

La fuite est due aux distorsions fiscales et réglementaires désormais bien connues. Je pense, bien sûr, au niveau de notre fiscalité générale - dix points au-dessus de la moyenne de l'OCDE, - à la TVA à l'importation et au droit de suite. La cause en est aussi une législation inadaptée en matière de ventes publiques et de protection des trésors nationaux, ainsi que l'insuffisance des dispositions fiscales et légales en faveur du mécénat. La France voit son patrimoine artistique fondre littéralement au rythme de 2 milliards de francs par an ces dernières années, et ce alors même que la place du marché de l'art français - le premier au monde il y a cinquante ans devenait quasi marginale par rapport au marché américain ! Pour le seul premier semestre 1999, Sotheby's à elle seule a exporté de France 900 millions de francs d'objets d'art...

Une telle situation, symptomatique de la véritable révolution que connaît le marché de l'art mondial à l'heure de la mondialisation aurait mérité une grande politique française, une vision d'ensemble réformant nos


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

structures législatives et fiscales, à la hauteur des défis que nous connaissons. Mais le gouvernement Jospin, comme dans bien d'autres domaines, a choisi au contraire de temporiser, préférant la réformette à la réforme. Surtout, il a refusé de doter l'Etat et les acteurs du marché de l'art des moyens fiscaux nécessaires.

Ainsi, la réforme des ventes publiques, imposée par l'ouverture du marché européen, est à la fois trop tardive, trop timide dans l'évolution des procédures de vente, totalement silencieuse sur le problème des ventes sur Internet - en tout cas au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale -, et financièrement inquiétante quant à la pérennité des maisons de ventes françaises et de Drouot face à la compétition anglo-saxonne.

M. Alfred Recours.

Sotheby's appartient à M. Arnault, un ami du Président de la République !

M. Pierre Lellouche.

Non, Sotheby's n'est pas français ! C'est Christie's qui appartient au groupe Pinault. Quant à M. Arnault, il est propriétaire d'une autre maison de ventes. Si cela vous intéresse, nous pourrons toujours reprendre cette discussion tout à l'heure...

Le volet fiscal - TVA et droit de suite - est inexistant, passé sous silence ou repoussé aux calendes, tandis que la

« majorité plurielle » continue à brandir périodiquement la menace de l'inclusion des objets d'art dans le calcul de ISF.

Malgré différents appels en ce sens, y compris dans vos propres rangs - je pense à l'excellente intervention de M. Estier au Sénat - vous n'avez pas pu ou su convaincre, madame le ministre, vos collègues de Bercy d'entreprendre la nécessaire réforme fiscale qu'attend tout le monde de l'art, ni même d'inscrire ces questions parmi les priorités de la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de cette année. Nous ferons donc des lois, mais sans argent...

J'en viens au dispositif législatif qui nous est présenté sur la protection des trésors nationaux. Certes, il représente un pas dans la bonne direction - à partir, rappelons-le, des travaux préparatoires et des consultations réalisées par M. Philippe Douste-Blazy, sous le précédent gouvernement. Mais, là encore, on note les mêmes faiblesses que précédemment : trop peu, trop tard ! Les m oyens financiers mis à la disposition de l'Etat demeurent inchangés, c'est-à-dire très en deçà de l'objectif de conservation sur notre sol des principaux trésors nationaux. Et, madame la ministre, vous aggravez encore cette pauvreté de moyens en faisant supprimer par la majorité à l'Assemblée des dispositions fiscales utiles - visant à encourager le mécénat - introduites par la commission des finances du Sénat.

Permettez-moi de revenir brièvement sur ces trois points.

Incontestablement, la réforme de la loi de 1992 sur les trésors nationaux s'imposait, et la proposition du Sénat constitue un progrès notable en ce sens. La loi de 1992, on le sait, succédait au système étatiste - voire arbitraire de la retenue en douane et de l'interdiction de sortie du territoire instaurée par le régime de Vichy en 1941.

Cinquante ans plus tard, en prévision du Marché unique au 1er janvier 1993, la loi du 30 décembre 1992, s'inspirant d'une philosophie d'orientation plus libérale, recherchait un équilibre entre la protection des droits légitimes des propriétaires et la liberté du marché, d'une part, et le rôle tout aussi légitime de l'Etat dans la conservation de la partie la plus précieuse du patrimoine artistique national, d'autre part.

Ainsi, la liberté d'exportation était posée en principe pour tous les objets dont la valeur n'excédait pas un certain seuil. Quatorze catégories de biens culturels furent définies par un décret de janvier 1993. Pour les biens dont la valeur dépassait ces seuils, un certificat de sortie devait être demandé par l'exportateur.

Dès lors, deux possibilités s'offraient : soit le bien n'était pas considéré comme trésor national, et le certificat était alors accordé pour cinq ans, soit, après avis motivé d'une commission ad hoc, le certificat était refusé, ce qui maintenait le bien sur le territoire pour une période de trois ans. Au cours de cette période, le bien pouvait soit être acquis par l'Etat, à condition que le propriétaire ait accepté de le lui vendre et que l'Etat ait pu réunir les fonds nécessaires, soit faire l'objet d'une mesure de classement auprès des Monuments historiques.

En huit ans, le système a rapidement montré ses limites. Tout d'abord, le risque de voir refuser des certificats d'exportation a fortement contribué au déclin du marché de l'art français, en dissuadant l'achat d'oeuvres en France, et surtout l'importation ou le retour d'objets d'art français détenus à l'étranger.

Ensuite, la jurisprudence Walter de 1994-1996, sur le détail de laquelle je ne reviendrai pas, a rendu de facto inapplicable la faculté de classement reconnue à l'Etat.

Ne restait donc à la disposition de la puissance publique que la seule possibilité d'acheter le bien en question à condition que le propriétaire veuille bien le lui vendre.

Enfin, l'absence de moyens financiers suffisants à la disposition de l'Etat - au maximum une centaine de millions de francs par an, c'est-à-dire moins de la moitié d'un tableau de Degas ! -, combinée au fait que la loi de 1992 interdisait à l'Etat de renouveler son refus d'exportation au cas où la vente n'aurait pu être réalisée dans le délai prévu de trois ans, aboutissait à des résultats pervers.

Je les rappelle : plus une oeuvre était chère, plus elle avait de chance de quitter le territoire après trois ans - M. Herbillon l'a bien montré -, plus cette oeuvre était importante et moins l'Etat était en mesure de l'acheter ; plus l'oeuvre était chère, moins le propriétaire était incité à la vendre à l'Etat français - à supposer que celui-ci ait pu réunir les fonds - le propriétaire étant sûr de pouvoir exporter l'oeuvre après trois ans. Résultat : de 1993 à 1999, moins de 1 % des objets d'art ayant fait l'objet d'une demande de certificats de sortie sont restés sur le territoire national !

M. Henri Plagnol.

Accablant !

M. Pierre Lellouche.

Vous-même, madame la ministre, avez rappelé que trente biens seulement avaient été acquis pendant cette période sur les quatre-vingts refus.

La proposition de loi du Sénat vient donc heureusement corriger certains de ces effets pervers. Inspirée - mais en partie seulement, hélas ! - du modèle britannique, le nouveau système introduit plusieurs mesures utiles de clarification des règles du marché : la permanence du certificat de sortie pour les objets de cent ans et plus ; l'allongement à vingt ans de la validité du certificat pour les objets de moins de cent ans ; l'automaticité d'attribution du certificat pour toutes les oeuvres importées en France depuis moins de cinquante ans ; l'invalidité du refus de sortie ramenée de trente-six mois à trente mois ; et, surtout, la fixation d'un prix de vente après une expertise contradictoire entre l'Etat et le vendeur, avec, comme référence légale, le niveau du marché international.

Tout cela crée une procédure équitable, qui justifie, en retour, que l'Etat, en cas de refus de vente par le vendeur au prix déterminé par les experts, puisse renouveler


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indéfiniment l'interdiction de sortie. L'Etat dispose donc non plus d'un fusil à un coup, mais d'une arme à répétition. Quant au vendeur, il peut revendiquer le prix réel du marché international.

Le système est donc simplifié, équitable et il donne à l'Etat le pouvoir d'utiliser un verrou efficace. Il n'en reste pas moins que la réforme proposée est, de l'aveu même de notre excellent rapporteur, modeste. Je dirais même très insuffisante sur de nombreux points.

Je relève d'abord, madame la ministre, que les seuils du décret de 1993 n'ont fait l'objet d'aucune réévaluation, ce qui pose problème, car la sous-évaluation redoutée par les conservateurs offre une possibilité de sortie licite, et désormais indéfinie, pour de très nombreux objets d'art importants.

Le deuxième handicap est que l'Etat demeure toujours aussi démuni. Certes, la vocation de l'Etat n'est pas de tout acheter, et les collections nationales méritent la diversification plus que l'accumulation. Néanmoins, les moyens disponibles sont ridiculement insuffisants.

Les travaux de notre excellent collègue Yann Gaillard montrent que la valeur totale des trésors nationaux acquis depuis 1993 s'est élevée à 272 millions de francs, dont 157,3 millions seulement de crédits d'acquisition de l'Etat, 8,1 millions provenant des collectivités territoriales et 106,4 millions d'autres financements, dont les dations et le mécénat.

De l'avis général, tout cela est très insuffisant compte tenu du prix atteint sur le marché international par les plus beaux objets, ceux que l'on s'efforce précisément de conserver ! Les Anglo-Saxons, surtout les Britanniques, ont trouvé la parade en recourant à deux moyens extérieurs.

Le premier, étatique, est le recours au produit de la Loterie nationale. Pour des raisons inexpliquées et sur lesquelles je ne vous ai pas entendue, madame, le gouvernement Jospin s'est refusé à examiner cette voie s'agissant des recettes de la Française des jeux, estimées pourtant à 11,4 milliards de francs.

L'autre moyen qu'utilisent les Britanniques consiste à encourager le mécénat. Dans le meilleur des cas l'apport du mécénat, dans notre pays, y compris celui de l'importante Société des amis du Louvre, se monte actuellement à 20 millions de francs. Ce seuil est évidemment très insuffisant.

A cela, plusieurs raisons : les habitudes et traditions sociétales en France, très différentes de celles du monde anglo-saxon ; le fait que les donateurs ne sont guère respectés ni honorés en France ; surtout les dispositions fiscales sont beaucoup trop contraignantes pour les particuliers et les entreprises.

A insi les conditions de déductibilité des achats d'oeuvres d'art données ultérieurement à l'Etat par les entreprises se trouvent enserrées dans des plafonds, des conditions d'acceptation, d'exportation et de comptabilité telles qu'elles sont pour le moins dissuasives.

J'ai en vain proposé l'élargissement de ces dispositions pour les entreprises, en leur ouvrant le bénéfice des articles 238 bis AB et 238 bis OA du code des impôts, comme aux particuliers. Le Gouvernement n'en a bien sûr rien fait.

Pis, il se propose de faire supprimer, à l'Assemblée, les propositions fort utiles introduites par la commission des finances du Sénat.

Or la Haute Assemblée a d'abord proposé que l'offre d'achat faite sur la base du prix du marché puisse être présentée non seulement par l'Etat ou par une personne publique, mais aussi par une personne privée, venant ainsi en relais de l'effort, on l'a vu insuffisant, du Trésor public. Faire faire plutôt que tenter de faire mal, et trop peu, tout seul, tel devrait être le principe qui devrait guider notre action dans la préservation de nos trésors nationaux.

Le rapport Aicardi de juillet 1995 développait fort justement cette idée : « Toute grande oeuvre détenue par un résident français reste dans le patrimoine national, et son maintien ne nécessite pas de la part de l'Etat une intervention toujours onéreuse pour les finances publiques.

On peut ajouter que la détention privée d'une oeuvre plutôt que publique décharge l'Etat du soin d'assurer son entretien et sa surveillance et la transfère au propriétaire qui participe ainsi à la politique de maintien du patrimoine. »

M. Pascal Terrasse.

L'oeuvre, il faut la mettre dans un coffre-fort !

M. Henri Plagnol.

On peut faciliter les donations !

M. Pierre Lellouche.

Las, l'idéologie l'a emporté ! Il n'était pas question, nous dit-on, de laisser l'Etat français se comporter à la britannique, c'est-à-dire, selon vous, comme un vulgaire intermédiaire envers des acquéreurs privés. On préférera donc laisser filer nos trésors à l'é tranger. Triste pureté étatique que celle qui consiste à préférer l'appauvrissement à l'action conjointe de toutes les énergies pour la protection du patrimoine ! Qui parle d'intermédiaire, d'ailleurs ? L'Etat fait-il autant la fine bouche quand il accepte les dations ou les dons, y compris étrangers, dans les musées nationaux, par exemple, le mobilier de la chambre du roi à Versailles ? La moitié de nos collections publiques proviennent d'ailleurs de propriétaires privés. Au demeurant, n'intervient-il pas - et combien de fois ! - comme intermédiaire, pour le coup, dans sa politique industrielle auprès de groupes privés ? J'avoue donc avoir du mal à comprendre votre argument.

La seconde novation utile du Sénat - vous voulez la supprimer - tend à permettre, dans le cas où le propriétaire accepte la vente à des personnes publiques ou privées, que celles-ci bénéficient soit d'une exonération partielle du droit de mutation à titre gratuit à concurrence de 50 % de la valeur du bien, soit de la garantie de l'obtention de l'agrément au titre de la dation sur la base de la valeur d'expertise contradictoire.

Par une série d'arguments spécieux, votre rapporteur a préféré écarter les mesures pourtant simples et incitatives que je viens de rappeler. Là encore, on préfère laisser sortir des trésors nationaux que l'on est incapable d'acheter, plutôt que d'inciter leurs propriétaires à les garder en France en leur accordant des avantages fiscaux, modestes au demeurant, en anticipant sur le règlement de la succession.

Enfin, le texte du Sénat me paraît susceptible d'être amélioré sur d'autres points, certes moins cruciaux que ceux que je viens d'évoquer, mais qui ont tous leur importance : le raccourcissement du délai de délivrance du certificat à deux mois au lieu de quatre, afin d'alléger le dispositif administratif ; la composition de la commission d'examen qui, du côté des représentants de l'Etat, devrait inclure des représentants non seulement du ministère de la culture, mais aussi des finances et de la justice ; le raccourcissement de la durée de validité du refus de certificat de trente à dix-huit mois, pour tenir compte de la longueur de la procédure d'expertise, laquelle peut


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atteindre un an : les conditions de règlement du prix de vente par l'Etat qui, en cas de non-paiement, devraient inclure non seulement la résolution de la vente, mais également l'octroi, de plein droit, du certificat de sortie.

Telles sont, mes chers collègues, madame la ministre, les observations, qu'au nom du groupe du Rassemblement pour la République, j'ai pensé utile d'apporter sur ce texte dont nous approuvons le principe, mais dont nous regrettons les insuffisances, tant en matière de moyens financiers qu'à l'égard du mécénat.

Une grande politique française de l'art reste à inventer et à faire. Il est dommage que vous vous soyiez arrêtée au milieu du gué et que cette occasion soit manquée.

M. Michel Herbillon et

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au début du

XIXe siècle, une prise de conscience a inspiré notre législation visant à développer des mécanismes pour permettre à notre patrimoine national de se constituer et d'être protégé.

A la fin du XXe siècle, le marché, devenu le fleuron d'une pensée unique,...

M. Pascal Terrasse.

Déjà !

M. Bernard Outin.

... questionne le législateur. Désormais les oeuvres d'art circulent librement, dans l'esprit même de l'Acte unique européen.

M. Henri Plagnol.

Les communistes sont cohérents !

M. Bernard Outin.

Nous passons petit à petit d'une idée spécifiquement française, selon laquelle l'Etat est le gardien du patrimoine national, à une ouverture toujours plus large du marché de l'art français.

Attendez la fin, monsieur Plagnol !

M. Henri Plagnol.

Je soulignais simplement votre cohérence ! (Sourires.)

M. Bernard Outin.

Je vous remercie ! Dans la même logique, le projet de loi relatif aux enchères publiques, madame la ministre, procède, sous couvert d'exigence européenne, d'une libéralisation du marché en entraînant la suppression du monopole traditionnel français de nos commissaires-priseurs.

Sans nier l'existence de ce marché, nous ne pouvons ignorer la position fragile de la France : le solde entre ses exportations et ses importations d'objets d'art se traduit par une hémorragie esitmée à 2 milliards de francs.

Cela étant, une question demeure : comment constituer un patrimoine national dans un monde où tout est flux en raison du marché ? En ouvrant le marché de l'art français afin de respecter les exigences européennes, il faut envisager de protéger notre patrimoine contre les agissements de monopoles privés, comme Sotheby's et Christie's qui détiennent près de 95 % du marché mondial.

Comment constituer et protéger ce patrimoine national public et privé, quand on sait avec quelle célérité, au gré des disparités fiscales, les oeuvres d'art se déplacent dans le monde aujourd'hui ? S'agit-il d'être pour ou contre le marché de l'art ? Faut-il le limiter ou l'encadrer ou s'agit-il de renforcer l'attitude protectionniste de l'Etat au nom de la défense du patrimoine ? Jusqu'en 1992 était en vigueur un système très régalien fondé sur l'interdiction d'exporter et la retenue en d ouane. Le dispositif de contrôle des exportations d'oeuvres d'art prévue dans la loi du 23 juin 1941 reposait sur un contrôle systématique. Il prévoyait l'octroi d'une autorisation pour toute exportation d'objet présentant un intérêt national d'histoire ou d'art.

L'Etat pouvait interdire la sortie d'une oeuvre sans être tenu de réparer le préjudice qu'il causait au propriétaire.

Or ce système a laissé la place à un régime libéral, la loi du 31 décembre 1992, qui lui a retiré cette faculté et, depuis, pour maintenir une oeuvre sur le territoire national, l'Etat doit y mettre le prix. Une telle situation ne peut que contribuer à l'exode de notre patrimoine. Notre collègue Pierre Lellouche parle même de pillage de notre patrimoine culturel.

Ce qui était gratuit est désormais tarifé et la défense du patrimoine est tributaire de la contrainte budgétaire. Il convient, cependant, de souligner que la création du marché unique donne la possibilité aux Etats membres de poser des limites au principe de libre circulation des biens culturels. Cette compétence résulte en particulier de l'article 30 du traité de Rome. Nous voyons bien qu'il est possible, qu'il est urgent même, d'intervenir, car cette loi de 1992 montre aujourd'hui des failles incontestables. Certes, la législation pour la protection des trésors nationaux n'a jamais eu pour objet de permettre à l'Etat de tout acheter. Il s'agit seulement de compléter les collections publiques et de conserver sur le territoire ce qui est du patrimoine de la nation.

Or les dispositions de 1992 se sont rapidement avérées inefficaces pour garantir le simple respect de cette fonction patrimoniale.

Désormais, l'Etat ne peut plus retarder la sortie d'un bien culturel considéré comme trésor national, car il ne possède ni les outils juridiques, ni les moyens financiers nécessaires aux acquisitions.

La coexistence des pouvoirs régaliens dont l'Etat dispose et qui doivent être exercés au nom de l'intérêt géné ral et des droits particuliers, autrement dit la question de l'équilibre qui doit être recherché entre le marché et la protection du patrimoine, se pose avec toujours plus d'acuité.

Nous adhérons à ce principe, énoncé par notre excellent collègue et rapporteur, Jean Rouger, ainsi qu'à cette proposition de loi qui tente de mettre un peu d'ordre dans les déréglementations anarchiques. Elle va dans le sens d'une meilleure protection du patrimoine et de la mise en oeuvre de relations plus claires entre l'Etat, les propriétaires et les acteurs du marchés de l'art français.

En 1992, le législateur estimait que le classement, dont l'un des effets est d'interdire l'exportation, devait permettre de limiter la sortie de notre territoire d'oeuvres auxquelles auraient été refusé le certificat. Or l'article 16 de la loi de 1913 dispose que le classement d'un objet mobilier effectué sans le consentement du propriétaire,

« peut donner lieu au paiement d'une indemnité représentative du préjudice... »

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

M. Bernard Outin.

En l'état, cette situation ne pouvait plus durer.

Comme nous l'indique notre rapporteur, depuis 1992, l'ensemble des biens nationaux considérés comme trésors nationaux a représenté une valeur d'environ 1 435 millions de francs. Sur ce montant, la valeur des oeuvres entrées dans les collections publiques à la suite d'un refus de certificat s'est élevée à 272 millions de francs. La part assumée par l'Etat ne représente donc que 11 % de la


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valeur des oeuvres considérées comme présentant « un intérêt majeur pour le patrimoine du point de vue de l'histoire de l'art ou de l'archéologie ».

La proposition de loi qui nous est soumise a pour premier objectif de permettre l'acquisition par l'Etat au prix du marché international des biens culturels qu'il considère comme des trésors nationaux. Tout l'intérêt de cette procédure est de faire en sorte que le propriétaire ne puisse plus opposer un refus systématique de vendre à la puissance publique comme cela peut être le cas actuellement.

Elle met en place, par une expertise contradictoire, la fixation d'un prix de marché. Dès lors que l'Etat fait une offre d'achat et que le propriétaire la récuse, s'instaure en quelque sorte un maintien indéfini du refus de délivrer le certificat de non-appartenance au trésor national. Je l'assimilerais presque à une mesure conservatoire.

Toutefois l'inquiétude demeure forte quant à la possibilité d'enrichir notre patrimoine d'oeuvres nouvelles.

Comme le souligne justement notre rapporteur, « l'efficacité de la nouvelle procédure sera conditionnée par la réalité des moyens financiers dont pourra bénéficier l'Etat et notamment par l'évolution des crédits d'acquisition ».

Enfin, la démarche qui consiste à prévenir ou à dissuader la sortie du territoire par le biais d'avantage fiscaux mérite un examen approfondi.

Ces oeuvres relèvent presque uniquement de la propriété privée et nous ne pouvons ignorer que nombre de collections publiques proviennent de dations à l'occasion de successions. C'est une procédure qui mérite d'être prise en considération. Mais, plus largement, la question n'est-elle pas celle de l'accès à la culture, c'est-à-dire la possibilité de faire connaître et de faire partager par le plus grand nombre ces trésors nationaux, réservés à quelques-uns, car enfermés dans une bulle privée, voire dans un coffre-fort ? De plus, comment assurer une parfaite conservation des oeuvres dans l'intérêt général ? Cela montre que des questions fondamentales soustendent cette proposition de loi. Y répondre, c'est c ommencer à construire une véritable politique de défense de notre patrimoine national.

Si cette proposition de loi améliore les relations entre

Etat et propriétaires, Etat et acteurs du marché de l'art, le moment n'est-il pas venu, pour l'Etat, d'initier de nouveaux rapports avec la sphère privée pour faire vivre autrement, en matière de patrimoine national, ce principe d'intérêt général et de partage d'un bien commun ? Cependant, comme dirait Rudyard Kipling : « C'est une autre histoire. » Il faudra donc une autre loi.

M. Alfred Recours.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, comme souvent dans notre assemblée, il y a un décalage entre le caractère presque confidentiel de notre débat et les enjeux qu'il recouvre.

L'importance de notre débat d'aujourd'hui tient d'abord au fait que la protection des trésors nationaux est une des missions éminentes de l'Etat - les trésors nationaux sont, par définition, constitutifs de notre identité - ensuite, au fait qu'il s'agit d'un sujet qui, à maintes reprises, a passionné l'opinion. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir les campagnes de presse suscitées, pour s'en réjouir, par le lancement, par exemple, d'une grande souscription des amis du Louvre pour permettre à un chef-d'oeuvre de rester dans nos collections - et l'on a pu juger à maintes occasions de la générosité des Français - ou, au contraire, pour s'en affliger, par la sortie du territoire d'un des grands chefs-d'oeuvre de notre culture, qui n'en manque pas.

Une dernière raison pour laquelle ce débat est plus important qu'il n'y paraît est, comme l'a dit l'orateur précédent, M. Outin, dont je salue une nouvelle fois la cohérence, qu'il pose la question fondamentale - et nous en avons tous bien conscience - de savoir quel poids a une politique de sauvegarde du patrimoine national sur un marché mondial, dominé par la règle du libre échange, les pouvoirs régaliens et financiers de l'Etat ne pouvant pas, bien entendu, à eux seuls suffire.

Comme tous les orateurs qui m'ont précédé l'ont excellemment dit, la législation actuelle est à la fois inapplicable et lourde d'effets pervers.

Elle est inapplicable parce que nous faisons désormais partie d'un grand marché unique. Ce fait a été à l'origine de la modification de la loi de 1992, première tentative pour répondre à la question de savoir ce que peut être une politique de protection des trésors nationaux sur un marché commandé par la libre circulation des biens, même si, comme l'a rappelé le rapporteur, les biens culturels relèvent, en fonction du droit communautaire, d'une législation spéciale.

Une autre raison pour laquelle la législation actuelle est inapplicable est, bien entendu, l'évolution jurisprudentielle, après, comme tout le monde l'a rappelé, l'affaire judiciaire du Jardin à Auvers de Van Gogh, obligation étant maintenant faite à l'Etat d'indemniser le propriétaire au prix estimé en fonction de l'évolution du marché de l'art. L'Etat français n'a donc pas les moyens de s'opposer à la sortie du territoire d'oeuvres majeures, d'autant, et tout le monde l'a rappelé, que plus une oeuvre est chère, plus il y a de risques qu'elle sorte du territoire.

La tentative législative de 1992 a échoué précisément parce qu'elle s'inscrivait encore dans l'illusion bien française selon laquelle un texte affichant un principe - en l'espèce le pouvoir de l'Etat de s'opposer à la sortie du territoire des trésors nationaux - suffirait à régler tous les problèmes. Bien entendu, il n'en est rien.

Pire, la loi de 1992 a eu des effets pervers importants.

Elle a aggravé les faiblesses françaises traditionnelles sur le marché de l'art international, en dissuadant des collectionneurs d'acheter et de domicilier leurs biens en France.

Elle a également attisé des mésententes entre certains propriétaires d'oeuvres d'art et les responsables des collections publiques. Or, pour être efficace dans ce domaine, une loi doit à l'évidence créer un climat de confiance entre ces deux catégories de personnes.

A partir de ce constat d'échec de la loi de 1992, nous nous accordons tous pour dire que les propositions du Sénat sont pleines de sagesse. Je ne m'y étendrai donc guère. L'instauration d'une procédure contradictoire pour l'estimation des oeuvres d'art ; l'allégement des obligations administratives - la durée du certificat étant portée à vingt ans, et devenant même permanente pour les biens de plus de cent ans d'âge ; ce qui me paraît très opportun ; la suppression du certificat pour les biens importés à titre temporaire, certificat qui ne peut pas être refusé pour les biens importés depuis moins de cinquante ans - ces deux dispositions sont essentielles pour éviter qu'une législation pragmatique ne jette une ombre sur l'image de la France sur le marché de l'art international et ne dissuade les collectionneurs étrangers d'acquérir des oeuvres en France et de les maintenir en France ; enfin, la création d'une commission consultative composée et de fonctionnaires et de représentants du marché de l'art sont


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autant de mesures qui vont dans le bon sens : elles adaptent la loi aux évolutions du marché tout en tenant compte de l'échec de la loi de 1992.

Je considère néanmoins, comme mes collègues Michel Herbillon et Pierre Lellouche, que, pour nécessaires qu'ils soient, ces progrès sont très insuffisants pour répondre à l'ampleur du problème et, a fortiori, redynamiser le marché de l'art en France. Et nombre des sujets abordés d ans le débat d'aujourd'hui rappellent, madame la ministre, celui que nous avons eu avec plus ou moins les mêmes protagonistes au sujet des commissaires-priseurs.

Il est très regrettable que le Gouvernement s'oppose à faciliter la démarche des personnes privées susceptibles de faire des offres pour venir en aide à l'Etat afin de conserver ceux de nos trésors nationaux qui peuvent l'être.

L'Etat ne peut tout faire. Il n'en a plus les moyens. Il ne les a d'ailleurs jamais eus. Il faut donc sortir de cette attitude bien française qui consiste à afficher une volonté politique sans pour autant se donner les moyens de sa réalisation. Il est bien évident qu'il vaut mieux que ce soit des personnes privées ayant leurs intérêts et leur patrimoine en France qui puissent acquérir nos trésors nationaux plutôt que les grands collectionneurs américains, japonais, britanniques ou allemands. La suggestion faite par le Sénat d'encourager cette offre privée en l'accompagnant d'une exonération partielle des droits de mutation est marquée au coin du bon sens et je ne vois pas, pour ma part, en quoi cela pourrait menacer les effets positifs de la loi sur la dation. J'y vois, au contraire, une mesure complémentaire car la loi sur la dation porte essentiellement sur les successions d'artistes ou de grands collectionneurs. Cela n'a rien à voir avec le fait de permettre à quelqu'un d'acquérir un patrimoine, à condition qu'il s'engage à le conserver en France, en le faisant bénéficier d'une exonération des droits de mutation. Cette amélioration de la législation s'inscrirait d'ailleurs dans la droite ligne des choix opérés par les gouvernements précédents de la gauche, et notamment par le ministère de Jack Lang. Je ne vois donc pas pourquoi il y aurait, sur ce point, un débat idéologique. Il ne pourrait qu'être artificiel.

J'ajoute, si cela peut rassurer notre collègue Pascal Terrasse, que, pour ma part, je ne serais pas du tout opposé - bien au contraire - à ce que les propriétaires s'engagent à montrer les trésors nationaux ainsi acquis, lors d'expositions organisées, par exemple, par les musées nationaux. On peut parfaitement imaginer qu'il soit fait obligation aux propriétaires privés acquérant des chefsd'oeuvre de la peinture ou de la sculpture française de les montrer au public lors d'expositions de grande ampleur présentant toutes les garanties de sécurité nécessaires.

Au lieu de tenir des discours manichéens et de réitérer, débat après débat, madame la ministre, votre refus de tout progrès en la matière, profitons de l'occasion exceptionnelle qui nous est offerte par cette proposition de loi pour faire un modeste pas en avant et rendre la fiscalité du marché de l'art plus incitative.

J'en viens à la raison fondamentale de notre désaccord, à savoir le refus de moderniser le marché de l'art français pour qu'il reprenne des couleurs et joue à nouveau le rôle qui a été le sien.

Il est grand temps, là aussi, d'en finir avec les fauxsemblants et les prétextes et d'obtenir de Bercy de mettre fin aux discriminations fiscales qui empêchent l'essor du marché de l'art français. Je pense notamment à l'adaptation du droit de suite et, bien entendu, à la TVA à l'importation. Nous avons abondamment évoqué ces quest ions, madame la ministre, lors du débat portant abrogation du monopole des commissaires-priseurs. J'y insiste à nouveau. Nous n'abandonnerons pas ce combat car il est vital, et vous le savez bien. S'il n'est pas réglé, toutes les propositions contenues dans le texte que nous examinons resteront lettre morte.

Cela étant dit, il reste à l'Etat à définir des priorités. Je me réjouis que la définition du trésor national reste raisonnable et suffisamment restrictive. Car, si l'on en venait à considérer comme trésors nationaux tous les fleurons de notre culture, on voit mal comment l'Etat pourrait s'opposer à leur départ. Il ne faut pas oublier non plus - et on ne l'a pas assez souligné durant ce débat - que la présence de chefs-d'oeuvre français à l'étranger, notamment dans les grands musées américains, japonais et européens est un élément essentiel, mes chers collègues,...

M. Alfred Recours.

De diffusion de la culture française.

M. Henri Plagnol.

... du rayonnement de notre pays.

M. Bernard Outin.

Bien sûr !

M. Henri Plagnol.

Il faut donc se garder des excès, et éviter de trop flatter les préjugés de nos concitoyens dans ce domaine en oubliant, encore une fois, que c'est l'image de notre pays dans le monde entier qui est en jeu. Je suis, pour ma part, favorable à une définition très sélective de la notion de trésor national, et je considère que, pour le classement du patrimoine, on a le plus souvent une conception trop extensive. A force de trop embrasser, on étreint de plus en plus mal.

M. Alfred Recours.

C'est exact.

M. Henri Plagnol.

Si l'Etat doit avoir une conception très sélective des trésors nationaux, il doit également se donner les moyens budgétaires nécessaires à sa politique.

Et, sur ce sujet, je vais prolonger la plainte qu'ont successivement entonnée tous les orateurs qui m'ont précédé.

Nous savons bien que vous avez quelques difficultés avec le ministère des finances. Tous vos prédécesseurs se sont heurtés au même problème. Les musées nationaux n'ont pas, actuellement, les moyens suffisants d'une vraie politique.

M. Alfred Recours.

Ça, c'est vrai.

M. Henri Plagnol.

Je rappelle, pour le déplorer, que leur budget global annuel, consacré à l'achat d'objets d'art, s'élève à une centaine de millions de francs, c'est-àdire qu'il n'atteint même pas le montant de la vente d'un seul "grand" tableau. Nous avons vivement regretté la baisse drastique en 1999 des subventions d'investissement a ccordées aux propriétaires de monuments classés.

Comme nous l'avons indiqué lors du débat budgétaire, elle n'est que très partiellement rattrapée cette année. Sur deux ans, la perte s'élève à près de 70 millions de francs, soit près de 17 %. Le budget d'acquisition de la direction des musées de France a augmenté de 7,8 millions de francs en trois ans. Cela reste insuffisant.

M. Bernard Outin.

Il faut prendre les sous là où ils sont !

M. Henri Plagnol.

Mais il faut également, madame le ministre, que votre ministère résiste - et ce n'est pas facile - à la tentation de créer des musées pout tout et n'importe quoi. Il y a lieu, là aussi, de réexaminer la politique d'ensemble des musées de France.

En matière d'art contemporain, par exemple, je serais, pour ma part, très favorable à ce que nous n'hésitions pas à remettre en circulation, quitte à revoir la législation très rigide sur la domanialité, les oeuvres dont on s'aperçoit,


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un certain nombre d'années après, qu'elles n'ont pas acquis une notoriété justifiant qu'elles figurent dans des collections publiques que très peu de personnes ont l'occasion de visiter.

A quand également, madame la ministre, une grande loi sur le mécénat qui favorise l'action des entreprises et des particuliers ? Mon collègue Pierre Lellouche l'a évoquée. Elle doit devenir une priorité de votre ministère dans les prochaines années car, quoi qu'il arrive, l'Etat ne pourra pas faire tout, tout seul.

Certains orateurs ont également évoqué, et je partage leur point de vue, la nécessité de revoir la loi de 1913 sur les monuments historiques pour poser le problème du dépeçage du mobilier et voir comment on peut s'y opposer.

Enfin, et je conclurai par là, la mondialisation et les nouvelles technologies affaiblissent les moyens de l'Etat qui, à lui seul, - nous en sommes tous bien conscients, même si certains le déplorent - ne peut pas tout faire.

Mais il y a aussi de grands avantages au développement des nouvelles technologies, lequel est passionnant. Il ne faut pas oublier que, dans une période encore récente, beaucoup de nos plus grands trésors étaient dans des collections publiques que très peu de Français avaient le privilège de voir dans leur vie. On a récemment redécouvert la peinture de Carpeaux qui, jusqu'alors, était plus connu comme sculpteur. Une exposition lui est actuellement consacrée au palais du Luxembourg. Certaines de ses oeuvres étaient au musée de Valenciennes. Combien de Français en avaient eu connaissance ? Les nouvelles technologies permettent aujourd'hui, potentiellement, à tous les Français de contempler les chefs-d'oeuvre du monde entier avec les cédéroms, Internet, les vidéos. Ceux d'entre nous qui hantent le Carrousel du Louvre savent que l'on y trouve des choses extraordinaires. Nous pouvons maintenant avoir accès, même si cela ne procure pas la même sensation que lorsque l'on a le chef-d'oeuvre devant soi, à l'ensemble des trésors nationaux et, au-delà, du patrimoine mondial.

M. le président.

Mon cher collègue, je vous demanderai de conclure.

M. Henri Plagnol.

Je termine. Il est donc essentiel, pour favoriser l'accès du plus grand nombre à tous ces trésors, de diffuser ces nouvelles technologies et d'investir beaucoup plus que ne le fait actuellement votre ministère - et je vous lance là un appel, madame la ministre - dans la modernisation de la conception des collections...

M. Pascal Terrasse.

Tout à fait !

M. Henri Plagnol.

... afin de faire en sorte que tous les enfants de notre pays aient accès par les cédéroms ou par Internet au patrimoine français, y compris à celui qu'ils n'auront jamais l'occasion de voir en vrai.

Voilà une belle ambition qui complétera une proposition qui, nous le savons bien, mes chers collègues, ne peut être qu'un garde-fou très limité sur un marché mondial qui, de toute façon, existe.

Ne retombons pas dans les illusions de 1992. Tenons compte des leçons du passé. Sans tourner le dos à ce qu'il y a de passionnant dans notre époque, trouvons la voie de la sagesse pour préserver tous les atouts de notre grand pays dans le domaine de la culture.

M. le président.

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons terminer l'examen de ce texte à dix-neuf heures trente.

J'ai laissé la discussion générale se dérouler assez librement. Je serai beaucoup plus directif désormais, car nous avons une quarantaine d'amendement à examiner en une heure et demie.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, ma réponse sera synthétique. Je remercie d'ailleurs l'ensemble des orateurs d'avoir bien voulu expliciter le sens des amendements qui vont maintenant être examinés. Je ne répondrai donc pas point par point à l'ensemble des remarques.

La plupart des orateurs ont bien voulu rappeler les quatre objectifs fondamentaux, qui en décrivent toute l'ambition.

Le premier est de respecter le devoir de protection de notre patrimoine national.

Le deuxième objectif est de favoriser la fluidité du marché de l'art en clarifiant les procédures et les responsabilités et les intérêts de chacun - intérêt génér al pour l'Etat, intérêts particuliers pour les collectionneurs et propriétaires d'oeuvres d'art - en facilitant et en clarifiant leurs relations.

Le troisième objectif est d'éviter que les oeuvres d'art ne deviennent des valeurs refuges - M. Terrasse et M. Outin ont évoqué ce point - et de permettre que les oeuvres acquises, sous quelque forme que ce soit - par simple acquisition, par donation ou par dation -, soient accessibles au plus grand nombre. Nous bouclons ainsi la boucle et l'accessibilité des oeuvres revient au fond à traduire la mise en pratique de ce devoir de protection. Rien ne servirait de simplement protéger s'il n'y avait pas enrichissement des collections et mise à la disposition du public.

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est pas obligatoire !

Mme la ministre de la culture et de communication.

S'agissant de la numérisation, monsieur Plagnol, voilà déjà plusieurs années que le Louvre a sorti des cédéroms.

Nous pouvons être fiers d'avoir les cédéroms parmi les plus vendus et les plus reconnus dans le monde...

M. Henri Plagnol.

Tout à fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... ceux du Louvre, de Versailles et bien d'autres. Et désormais, dans le réseau des musées de région aussi, on procède à la numérisation des collections. Nous sommes - j'en suis fière - l'un des pays les plus avancés sinon le plus avancé dans ce domaine. A la Bibliothèque nationale, nous avons l'un des trois sites mondiaux les plus consultés le site Gallica

M. Pascal Terrasse.

Excellent site !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Par conséquent, notre pays n'accuse, sur ce point, aucun retard. Le Premier ministre l'avait déploré s'agissant du passage à Internet. Pour ce qui concerne le ministère de la culture et de la communication, je puis affirmer qu'il s'est engagé, avant beaucoup d'autres, à numériser et à faciliter l'accès du public à ses fonds.

M. Terrasse a raison, nous donnons ainsi la vision d'un Etat moderne qui sait prendre ses responsabilités.

C'est aussi ce que disait votre rapporteur en soulignant que notre volonté est bien d'engager une série de réformes.

Messieurs Lellouche, Plagnol et Herbillon, était-ce donc à cause d'un surcroît d'ambition que mes prédécesseurs n'ont pas réussi à faire passer ces réformes alors


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

qu'un certain nombre d'éléments était connu et que la situation du marché de l'art se dégradait déjà ? Est-ce par excès d'ambition qu'ils ont laissé diminuer de 20 % le budget du ministère de la culture ?

M. Bernard Outin.

Et, oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je veux bien qu'on me reproche l'insuffisance des crédits d'acquisition. Mais si trop d'ambition conduit à l'inaction, je ne trouve pas que ce soit une bonne démarche.

M. Alfred Recours.

Trop d'ambition tue l'ambition !

M. Michel Herbillon.

Mais, madame la ministre, on vous fait confiance pour agir !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je préfère, et vous devriez y être sensible, notre démarche déterminée et pragmatique.

Quant à vos chiffres, monsieurs Lellouche, ils sont insuffisants. En 1995 et 1996, mes prédécesseurs n'ont pas réussi à doter le fonds du patrimoine de plus de 30 millions de francs !

M. Pierre Lellouche.

C'est vrai !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Maintenant que je suis en charge des affaires de ce ministère, nous l'avons doté de 105 millions de francs au titre du budget 2000. Je veux bien qu'on discute de chiffres, mais de chiffres réels.

M. Pierre Lellouche.

Nous sommes bien d'accord !

M. Henri Plagnol.

Et la fondation ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La totalité des crédits d'acquisition et des commandes de l'Etat s'élève à plus de 400 millions de francs, tout compris.

S'agissant de la fiscalité du marché de l'art, M. Luc Dejoie, sénateur, soulignait les avancées des négociations sur l'harmonisation fiscale européenne, en particulier pour le droit de suite.

M. Pierre Lellouche et M. Henri Plagnol.

Alors là !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ajoute que la loi de finances 2000 a uniformisé au taux de 4,5 % la taxation forfaitaire. Vous voyez bien que les choses avancent !

M. Pierre Lellouche.

Mais non !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Et je me suis engagée devant le Sénat - je l'ai répété à cette tribune -, que tant en ce qui concerne la loi de 1913 sur les objets mobiliers que les questions fiscales, il y aurait continuité de la démarche de réforme. Il ne s'agit donc pas d'une réforme en demi-teinte, mais d'un véritable plan de réforme, car nous examinons, point par point, chacun des sujets.

M. Henri Plagnol.

Nous prenons date !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous pouvez le faire ! Trois réformes sont déjà passées devant votre assemblée : la réforme des ventes aux enchères publiques, dite des commissaires-priseurs ; la réforme de l'archéologie que vous venez d'adopter en première lecture et qui était attendue depuis plus de vingt ans ; enfin, la présente réforme sur les trésors nationaux.

M. Michel Herbillon.

Eh bien, continuez !

M. Pierre Lellouche.

Mettez donc de l'argent làdedans !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

On peut prétendre que tout ce qui a été fait n'est pas assez ambitieux. Cela n'en permet pas moins de traiter, point par point, sérieusement, toutes les questions qui se posent à propos du marché de l'art et d'examiner les dispositions que nous devons modifier.

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je n'ai pas bien compris l'argumentation de M. Lellouche qui a évoqué, comme un moyen de protection plus efficace, l'augmentation des seuils du décret de 1993 relatif aux catégories de biens culturels, par exemple ceux des tableaux ou des sculptures. Mais plus on augmente les seuils, moins on protège !

M. Pierre Lellouche.

Eh bien, demandez aux conservateurs !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il y a sur ce point une incompréhension entre nous. La loi de 1992, qui était une bonne loi, répondait, en effet, monsieur le rapporteur, à la nécessité de faire circuler les biens en Europe, dans la perspective du Marché unique.

Nous la complétons et nous y apportons des modifications. Sur ce point, nous pouvons poursuivre la réflexion.

On a évoqué également une loi sur le mécénat. Le mécénat, comme les questions fiscales, relève des dispositifs économiques du marché de l'art. Mais la présente loi, en fixant le cadre juridique et en clarifiant les transactions, permet déjà de franchir une étape attendue.

Je souhaite donc que dans la suite de la discussion, l'esprit de la loi soit respecté et que les amendements lui gardent sa cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - L'article 5 de la loi no 921477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane est ainsi modifié :

« 1o Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Ce certificat atteste à titre permanent que le bien n'a pas le caractère de trésor national. Toutefois, pour les biens dont l'ancienneté n'excède pas cent ans, le certificat est délivré pour une durée de vingt ans renouvelable.

« 2o Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'exportation des biens culturels qui ont été importés à titre temporaire dans le territoire douanier n'est pas subordonnée à l'obtention du certificat prévu au premier alinéa. »

Je suis saisi de deux amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.


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L'amendement no 27, présenté par M. Lellouche, est ainsi rédigé :

« Compléter le troisième alinéa de l'article 1er par la phrase suivante : "Ce certificat doit être délivré dans un délai de deux mois à compter du dépôt de la demande par l'administration compétente". »

L'amendement no 36, présenté par M. Herbillon, est ainsi rédigé :

« Compléter le troisième alinéa de l'article 1er par la phrase suivante : "Ce certificat doit être délivré dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la demande par l'administration compétente". »

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l'amendement no

27.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le président, nous allons faire en sorte de finir ce débat dans les délais, mais si vous m'y autorisez, avant de défendre mon amendement, j'aimerais répondre à Mme la ministre.

Certes, plusieurs textes sont présentés - enfin ! car beaucoup sont en chantier depuis de nombreuses années à l'Assemblée. Mais cela devrait-il suffire à nous satisfaire alors que le financement n'en est pas prévu ? Je partage votre point de vue critique sur l'insuffisance des fonds consacrés aux achats dans les années 19951996. Mais je constate qu'aujourd'hui, ils demeurent insuffisants. Alors, ne prétendez pas qu'il s'agit d'une réforme globale et ambitieuse ! Il manque à ces textes l'armature financière et fiscale sans laquelle tout cela n'est que du laïus.

Mon amendement no 27 qui tend à abréger le délai de délivrance du certificat, je l'ai placé à cet article parce qu'un amendement du rapporteur tendra à la suppression de l'article 3. Le décret du 29 janvier 1993 prévoit un délai de quatre mois. Au dire d'un bon nombre d'acteurs du marché de l'art, c'est trop long lorsqu'il s'agit de faire sortir un bien, surtout pour une exposition à l'étranger.

Les trésors nationaux sont des oeuvres très connues, et un délai de deux mois ne paraît pas déraisonnable : il devrait suffire au ministère de la culture pour se prononcer.

M. le président.

Monsieur Herbillon, votre amendement no 36 raccourcit également le délai ?

M. Michel Herbillon.

Oui, mais je souhaiterais moi aussi répondre à certaines observations de Mme la ministre car je ne voudrais pas que notre position soit caricaturée.

D'abord, madame la ministre, je ne vous ai nullement reproché de manquer d'ambition et n'ai fait aucune référence à vos prédécesseurs.

Ce qui m'importe, c'est que nous regardions vers l'avenir. Ce qui est regrettable, c'est qu'en dépit de votre volonté politique, que je ne mets pas en doute, et d'un objectif louable, vous n'ayez pas les moyens financiers nécessaires.

Pour en venir à mon amendement, je propose de raccourcir le délai à trois mois - mon collègue Lellouche propose deux mois, nous devrions pouvoir nous entendre.

M. le président.

C'est ce qui fait la différence entre nous ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

La commission, qui a examiné ces amendements ce matin, a remarqué qu'ils ne relevaient pas de la loi mais plutôt du décret.

Par ailleurs, le délai de quatre mois est un maximum.

En cas de circonstances particulières, comme les expositions, la « jurisprudence » montre qu'il est raccourci.

M. le président.

Madame la ministre, votre argumentation est identique j'imagine ? Règlementaire ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En effet. Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

36. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. L'article 7 de la loi no 921477 du 31 décembre 1992 précitée est ainsi modifié :

« 1o Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Il est accordé aux biens culturels licitement importés dans le territoire douanier depuis moins de cinquante ans. »

;

« 2o Dans la première phrase du quatrième alinéa, après les mots : "par décret en Conseil d'Etat," sont insérés les mots : "à parité". »

Je suis saisi de trois amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 28, présenté par M. Lellouche, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 2 :

« 2o A la fin de la première phrase du quatrième alinéa, les mots : ", de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées.", sont remplacés par les mots : "à parité entre les représentants de l'Etat dont au moins un représentant du ministère des finances, un représentant du ministère de la justice, un représentant du ministère de la culture, et des personnalités qualifiées incluant des professionnels du marché de l'art.". »

Les amendements nos 38 corrigé et 37 corrigé sont présentés par M. Herbillon.

L'amendement no 38 corrigé est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :

« Dans la première phrase du quatrième alinéa, après les mots : "représentants de l'Etat", sont insérés les mots : "dont un du ministère de la culture". »

L'amendement no 37 corrigé est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :

« A la fin de la première phrase du quatrième alinéa, substituer aux mots : "de personnes qualifiées", les mots : "de représentants du marché de l'art : marchands, experts, commissaires-priseurs et représentants des sociétés de vente prévues par la loi no du portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques". »

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l'amendement no

28.

M. Pierre Lellouche.

Nous soutenons l'idée d'une commission composée, à parité, de représentants de l'Etat et de représentants qualifiés des professionnels ou experts du marché de l'art.

Je suggère, qu'outre le ministère de la culture, y soient représentés les ministères des finances et de la justice.

Cela se révélera utile à tous les ministres de la culture, à commencer par vous, madame.


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On voit bien que, dans cette matière, on ne cesse de se heurter à l'insuffisance des moyens. Il ne serait pas stupide d'inclure dans cette commission des représentants de Bercy afin qu'ils soient davantage en prise avec la réalité du marché de l'art et comprennent mieux la nécessité de financer des mesures de protection du patrimoine national.

M. le président.

Vous pensez que Bercy ne se rend pas compte de ce que cela coûte ? La parole est à M. Michel Herbillon pour soutenir les deux autres amendements.

M. Michel Herbillon.

Avec le premier, le no 38 corrigé, je veux m'assurer que le ministère de la culture est effectivement représenté.

Quant au second, le no 37 corrigé, il me paraît apporter une précision importante, même si l'on me répond que c'est du domaine réglementaire. Je souhaite qu'elle figure dans la loi, afin d'être assuré que sont réellement choisis des représentants du marché de l'art, c'est-à-dire des marchands, des experts, des commissaires-priseurs, des représentants des sociétés de vente au sens du texte que nous avons récemment adopté.

En effet, il importe qu'un véritable climat de confiance s'instaure entre l'administration et les professionnels de l'art, comme c'est le cas en Grande-Bretagne. Il nous reste beaucoup de progrès à faire pour y parvenir. Mon amendement a pour objectif d'y contribuer.

M. le président.

Vous vous distinguez de nouveau de votre collègue M. Lellouche. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

La commission les a repoussés, cette question relevant du domaine réglementaire.

S'agissant plus particulièrement de l'amendement de M. Lellouche, c'est la qualité intrinsèque des oeuvres, et non leur valeur marchande, qu'examine la commission. Il n'est donc pas sûr que la présence d'un représentant du ministère des finances y soit utile ni pertinente. On risque, au contraire, de rendre d'emblée la décision irrémédiable. En revanche, la présence du ministère de la culture semble déterminante.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je remercie M. le rapporteur d'avoir rappelé que le ministère de la culture avait une responsabilité particulière car il peut, mieux que d'autres, donner un avis artistique sur les oeuvres. Je ne crois pas qu'il faille, au moment de la sélection des oeuvres sur leur valeur artistique, anticiper sur les perspectives d'acquisition. Ce sont deux temps différents et deux responsabilités différentes. Ce n'est pas mépriser nos interlocuteurs de Bercy que de le dire. Nous tentons de les sensibiliser de plus en plus - et nous y parvenons déjà quant aux dations ou à la fiscalité - à des dispositions à venir.

Mais réduire la représentation du ministère de la culture à une personne, monsieur Herbillon, compromettrait l'efficacité de la commission.

Pour ce qui concerne l'amendement no 37 corrigé, la parité permet précisément la représentation la plus large des personnes qualifiées, des différents interlocuteurs compétents.

Je suis défavorable à ces trois amendements.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je ne souhaite pas engager de polémique, madame la ministre, mais sachez que ces amendements sont issus de consultations avec les acteurs du marché de l'art. Le sentiment général est que la parité est une bonne idée, mais que, pour aider le ministère de la culture, dans ses négociations avec Bercy, à trouver le financement de l'acquisition, il n'est pas inutile d'avoir des représentants d'autres ministères.

Cela dit, si vous choisissez de vous débrouiller toute seule, bravo ! Nous vous jugerons sur vos résultats : nous verrons bien de combien d'argent vous allez disposer.

M. le président.

Selon une expression consacrée, monsieur Lellouche, Mme Trautmann se méfie du baiser qui tue ! (Sourires.)

La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon.

J'espère que ce n'est pas une introduction à mon propos, monsieur le président ! Madame la ministre, dans le texte actuel, il est question de « personnes qualifiées ». Qu'est-ce qui interdit de préciser dans la loi qu'il s'agit des marchands, des experts, des commissaires-priseurs, et autres.

M. Pascal Terrasse.

Ce sera fait par voie réglementaire !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

28. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 38 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 37 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 2 par les deux alinéas suivants :

« 3o Au début de la première phrase du dernier alinéa de cet article, après le mot : "décision", sont insérés les mots : "de refus".

« 4o la dernière phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : "et publiée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat." » La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger.

Cet amendement tend préciser que seules seront notifiées les décisions de refus, et non pas d'octroi, d'une part, et à leur donner une certaine publicité, d'autre part, afin de permettre aux propriétaires de se faire une idée de la « jurisprudence ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que l'amendement est adopté à l'unanimité.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

4. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Article 3

M. le président.

« Art. 3. I. Le premier alinéa de l'article 8 de la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce décret fixe le délai à l'expiration duquel le certificat est réputé délivré. Il fixe également les conditions de publication des avis de la commission mentionnée au quatrième alinéa de l'article 7. »

« II. Le dernier alinéa de l'article 7 est supprimé. »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Un amendement a été déposé demandant la suppression de cet article. Je m'y oppose.

L'article 3 prévoit qu'un décret fixe le délai à l'expiration duquel le certificat est réputé délivré. Il fixe également les conditions de publication des avis de la commission.

Pour la publication, l'amendement de M. Rouget vient d'être adopté. Pour l'approbation implicite, un amendement, adopté à l'unanimité, précise qu'en réalité, seul le refus doit être explicité.

Reste la question du délai. Faut-il garder celui de quatre mois prévu par le décret de 1993 ou le réduire ? Je continue de croire qu'il faut un délai plus court. M. Herbillon et moi-même, membres de l'opposition, avons été désavoués par la majorité. Je ne peux donc que constater une fois de plus notre solitude.

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 55, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 3. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement permet de maintenir la motivation des décisions de refus et de supprimer la procédure d'accord implicite du certificat.

C'est la conséquence de l'amendement précédent, qui prévoit que seules les décisions négatives sont motivées et publiées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. L'article 9 de la loi no 921477 du 31 décembre 1992 précitée est ainsi modifié :

« 1o Dans le premier alinéa, les mots : "trois ans" sont remplacés par les mots : "trente mois" ;

« 2o Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Après ce délai, si le bien n'est pas classé en application des lois du 31 décembre 1913 ou no 79-18 du 3 janvier 1979 précitées ou revendiqué en application des lois du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et no 89-874 du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes, le refus de délivrance du certificat ne peut être renouvelé que dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article 9-1. »

M. Lellouche a présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'article 4, substituer au nombre : "trente", le nombre : "dix-huit". »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Cet amendement tend à réduire la durée de validité des décisions de refus de certificat. La loi de 1992 avait fixé un délai de trente-six mois. Le texte prévoit trente mois. Je propose de passer à dix-huit mois, pour une raison simple.

Si vous regardez dans le détail la procédure d'expertise prévue par le texte proposé pour l'article 9-1 de la loi de 1992, par l'article 5, vous verrez que plusieurs délais s'accumulent : un délai de trois mois pour accepter l'offre d'achat, un premier délai de trois mois pour l'expertise, un second délai de trois mois, un délai fixé à l'autorité administrative pour évaluer à nouveau le bien. Au total, si toute la procédure d'expertise était mise en oeuvre, on arriverait à treize mois supplémentaires, plus le délai de six mois dont dispose l'Etat pour payer, à supposer qu'on soit tombé d'accord sur un prix, soit, au total, dix-neuf mois supplémentaires. Par rapport à un délai de trente mois, cela fait beaucoup. C'est la raison pour laquelle je propose de réduire le délai de base des trois ans actuels à dix-huit mois, auxquels peut s'ajouter une année et demie en cas de mise en oeuvre d'une procédure contradictoire d'expertise sur le prix.

Cet amendement me paraît aller dans le sens de ce que souhaite la ministre, à savoir, d'une part, la fluidité du marché, d'autre part, un délai suffisant pour permettre à l'Etat d'exercer son autorité régalienne sur la définition du bien et aux parties de se mettre d'accord sur le prix et le règlement de la vente.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet excellent amendement ? (Sourires.)

M. Jean Rouger, rapporteur.

En réalité, monsieur Lellouche, les différents délais que vous avez donnés sont exacts mais ils ne s'ajoutent pas les uns aux autres. Parfois, ils se chevauchent, ce qui fait que la durée totale peut être plus courte.

M. Pierre Lellouche.

Parfois !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Souvent !

M. Pierre Lellouche.

On peut aussi arriver à dix-neuf mois supplémentaires !

M. Jean Rouger, rapporteur.

De toute façon, il s'agit souvent d'un échange commercial à caractère privé. Le temps fait partie de l'échange et du négoce.

Le texte propose de ramener le délai de trois ans à trente mois, ce qui représente un raccourcissement sensible. Il précise par ailleurs les différentes procédures. Il est vraisemblable que l'incertitude durera beaucoup moins longtemps lors de l'application du texte. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président.

Vous n'êtes pas persuadé par cette argumentation, monsieur Lellouche ? Si les délais se chevauchent, votre calcul est un peu cavalier ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 6 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 4 :

« Après ce délai, le refus de délivrance du certificat ne peut être renouvelé que dans le cas prévu au sixième alinéa de l'article 9-1, sans préjudice du clas-s ement du bien en application des lois du 31 décembre 1913 et no 79-18 du 3 janvier 1979


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

précitées ou de sa revendication par l'Etat en application des lois du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et no 89-874 du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Il s'agit de clarifier les procédures de protection et de classement, avec des références spécifiques pour chacune, chacune ayant sa loi : celle de 1913, celle 1979, celle de 1941 et celle de 1989, qui ont trait à des objets différents.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Compléter l'article 4 par les deux alinéas suivants :

« 3o Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les demandes de certificat sont également irrecevables en cas d'offre d'achat du bien par l'Etat dans les conditions prévues à l'article 9-1, jusqu'à l'expiration des délais prévus aux alinéas 5, 6 et 7 du même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Lorsqu'un bien fait l'objet d'une offre d'achat par l'Etat, il ne peut être présenté de demande de certificat d'exportation jusqu'à la fin de la procédure d'offre d'achat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune, malgré leur place.

L'amendement no 30, présenté par M. Lellouche, est ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Sont majorés de 200 millions de francs, les prélèvements effectués au profit du budget général sur le produit des jeux dans les casinos, le PMU et La Française des jeux. »

L'amendement no 41, présenté par M. Herbillon et M. Lequiller, est ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Il est institué un prélèvement à hauteur de 2 % sur l'ensemble des mises sur les jeux de la loterie nationale. »

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l'amendement no

30.

M. Pierre Lellouche.

Je remercie la commission des finances d'avoir accepté que cet amendement soit discuté.

Il tend en effet à donner à l'Etat des ressources supplémentaires pour acheter des biens, ce que, techniquement, un député ne saurait faire aux termes de la Constitution et de notre règlement. Je sais qu'il sera repoussé parce que j'ai écouté avec attention le Gouvernement tout à l'heure. Je voudrais tout de même expliquer la raison pour laquelle je l'ai déposé, et je pense que mon collègue Herbillon y reviendra.

La démarche de la proposition de loi est bonne. Le précédent gouvernement avait travaillé sur ce texte. Vous l'avez repris. Il va exister. Nous nous en réjouissons parce qu'un certain nombre d'effets pervers de l'ancien système vont être supprimés.

Il n'en reste pas moins que la maladie demeure, c'est-àdire le fait que l'Etat français n'a pas aujourd'hui à sa dispositions les ressources financières suffisantes pour préserver un certain nombre d'objets d'art essentiels à notre patrimoine national. Corrigez-moi si ces informations ne sont pas correctes, madame la ministre, mais j'ai entendu dire que, pour la seule année 1999, compte tenu de la fin du délai de trois ans de l'actuelle loi pour un certain nombre d'objets, c'est 700 millions de francs dont aurait eu besoin l'Etat français pour acheter les trésors nationaux pour lesquels on a demandé un certificat de sortie. Il est donc très important, si l'on veut que cette loi ait la moindre cohérence dans la réalité, de donner à l'Etat des moyens financiers suffisants.

Vous avez dénoncé à juste titre l'insuffisance des crédits sous les gouvernements précédents. Je vous rappelle tout de même que, au total, c'est la gauche qui a été au pouvoir pour l'essentiel depuis 1981, sauf six ans.

Aujourd'hui, les fonds dont vous disposez sont toujours insuffisants. Avec 100 millions de francs, vous ne pouvez pas assurer la protection du patrimoine. Il faudrait donc aller jusqu'au bout de la logique du modèle britannique envisagé dans ce texte, à savoir permettre à l'Etat de puiser dans les recettes de la Française des jeux.

C'est la raison pour laquelle il vous est proposé d'effectuer un prélèvement sur les 11,4 milliards de recettes de la Française des jeux et d'attribuer au ministère de la culture un fonds de 200 millions supplémentaires, ce qui vous permettrait d'intervenir à concurrence de 300 millions de francs par an.

Il faudrait probablement aussi, mais c'est une affaire de technique qui dépasse cette loi et relèverait d'un collectif, faire en sorte que la comptabilité publique vous permette...

M. Pascal Terrasse.

C'est ça le problème !

M. Pierre Lellouche.

... de disposer d'un fonds qui serait utilisé certaines années et abondé d'autres années.

On aurait ainsi un fonds variable qui pourrait être utilisé de façon efficace par le ministère de la culture.

Tel est l'esprit de cet amendement. Même si vous ne l'acceptez pas aujourd'hui, le monde de l'art attend que le G ouvernement prenne un engagement précis en la matière. Sinon, ce texte ne sera malheureusement qu'une série de voeux pieux.

M. le président.

La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l'amendement no

41.

M. Michel Herbillon.

Je tiens moi aussi à remercier la commission des finances de nous avoir permis de discuter de cet amendement, car affirmer la volonté politique de p réserver notre patrimoine sans l'accompagner des moyens financiers nécessaires n'aurait pas de sens. C'est la raison pour laquelle j'ai évoqué le risque que ce ne soit qu'une réformette puisqu'il n'y a pas les moyens financiers correspondants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

L'objectif de mon amendement est d'ouvrir le débat sur la façon de donner à l'Etat les moyens suffisants pour préserver et protéger notre patrimoine national.

Je propose, à l'instar de ce qui existe dans un grand pays voisin, qui est également une terre de culture - je veux parler de la Grande-Bretagne, qui affecte une partie des sommes recueillies par la loterie à l'achat d'oeuvres d'art - que l'on institue un prélèvement à hauteur de 2 % sur l'ensemble des mises sur les jeux de la loterie nationale.

Je rappelle, car c'est important d'avoir les chiffres en tête, que le total des mises pour le Loto et les jeux de grattage est de 35 milliards de francs par an. Que représentent les petits 250 millions de francs du budget des acquisitions pour l'Etat ? Sur ces 35 milliards, le Loto représente à lui seul 21 milliards. Un prélèvement à hauteur de 2 % sur l'ensemble des mises sur les jeux permettrait d'avoir des moyens supplémentaires pour protéger notre patrimoine.

L a valeur totale des trésors nationaux acquis depuis 1993 s'élève à 271 millions de francs,...

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est rien !

M. Michel Herbillon.

... les crédits d'acquisition de l'Etat représentant 150 millions de francs. On voit les ordres de grandeur.

Madame la ministre, vous avez dit que vous étiez prête ouvrir le débat sur le financement de l'achat des oeuvres d'art pour préserver notre patrimoine. C'est le moment de le faire. Il y a une grande attente dans ce domaine. Je m'étonne vraiment que vous ne profitiez pas de cette proposition sur les trésors nationaux pour que l'on en débatte vraiment et que l'on mette au point un certain nombre de mesures.

En commission, hélas ! et le rapporteur l'a rappelé, le texte qui nous arrive du Sénat a été totalement dépecé. Il n'y a pas que les trésors nationaux et les monuments historiques qui sont dépecés, cela arrive aussi aux textes parlementaires, monsieur le président ! Toutes les dispositions fiscales, toutes les mesures pour que l'Etat dispose de moyens financiers suffisants ont été supprimées ! Au-delà d'un prélèvement sur les mises du Loto, nous voulons créer une occasion d'ouvrir un débat sur le financement dont le ministère de la culture a besoin.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

Les questions sont incontournables, mais les réponses bien difficiles à apporter...

M. Pierre Lellouche.

Eh oui !

M. Jean Rouger, rapporteur.

... au détour d'une proposition de loi comme celle-ci.

M. Michel Herbillon.

C'est pourtant le vrai sujet !

M. le président.

Le débat est ouvert, mon cher collègue ! C'est déjà important !

M. Jean Rouger, rapporteur.

L'aspect financier de l'acquisition et de la protection des collections est important, mais ce n'est pas le seul point. On ne peut pas réduire le problème à la seule recette. Il faut l'englober dans un ensemble qui comprend les incidences fiscales et les partenariats, matériels, techniques et financiers.

Par ailleurs, on sera toujours confronté à la limite des moyens matériels. Le texte de cette proposition de loi n'aborde pas cet aspect. Ce n'est ni le lieu ni le moment de l'aborder de manière incidente.

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est jamais le lieu ni le moment !

M. Michel Herbillon.

En effet. Alors, ce sera où et quand ?

M. le président.

Jouer aux petits chevaux et avoir en plus la certitude d'acquérir une partie de l'oeuvre de Degas, cela peut mobiliser les foules ! Intéressant...

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ai déjà répondu aux sénateurs que, selon la volonté du sénateur Lagauche qui l'avait proposé, l'objet de ce texte n'était pas de traiter des questions fiscales. Nous en parlons seulement parce qu'un certain nombre d'amendements concernent ces questions ou le financement.

J'ai expliqué précédemment que je souhaitais que les chiffres des crédits d'acquisition soient correctement repris et je n'y reviens pas. Avons-nous aujourd'hui les moyens suffisants pour acquérir davantage de trésors nationaux ? Evidemment non, et j'ai donné moi-même les chiffres : trente sur quatre-vingts. Faut-il acheter quatre-vingts trésors nationaux pour autant ? Nous pouvons en discuter. Il faut aussi être sélectif, et ce n'est pas parce que l'on aurait beaucoup plus de moyens qu'il faudrait forcément tout dépenser.

Nous devons trouver des solutions, car il peut être extrêmement préjudiciable pour l'ensemble de la collectivité nationale que les trésors nationaux quittent le territoire. Les solutions doivent sans doute être adaptées et peut-être un petit peu moins systématiques. J'ai constaté, en prenant mes responsabilités, qu'on avait aussi pensé à la loterie nationale pour financer les opérations de l'an 2000, mais il n'y avait point de décision et point d'argent. Il a donc fallu dégager des crédits budgétaires pour arriver à financer ces opérations et avoir un budget réaliste.

M. Pierre Lellouche.

Que n'avez-vous pris la décision ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il faut être clair et j'ai compris que je pourrais avoir le soutien de l'ensemble de l'Assemblée nationale (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Absolument !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... ce qui sera très important pour moi lorsque j'irai négocier des crédits budgétaires supplémentaires.

M. Michel Herbillon.

On vous aide, madame le ministre !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Si nous pouvons trouver, avec des solutions mieux adaptées que celle-ci, à laquelle le Gouvernement n'est pas favorable, de meilleurs moyens pour avoir un fonds d'acquisition des trésors nationaux, je défendrai cette proposition avec enthousiasme. Dire que je n'y réfléchis pas serait mentir, mais je reviendrai, je l'espère, avec l'accord de mes collègues de Bercy, et des perspectives sonnantes et trébuchantes.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Là encore, sans esprit de polémique, il est vraiment dommage que nous n'ayons aucun engagement de la part du Gouvernement sur quelque chose d'aussi important. Effectivement, monsieur le président, jouer aux petits chevaux, au grattage ou au loto et défendre en même temps le patrimoine de son pays, l'idée est extrêmement simple et séduisante. C'est ce


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

qu'ont fait les Anglais, et cela marche très bien. Ils le font à concurrence de 400 millions de francs par an, et c'est utile.

M. Alfred Recours.

On pourrait aussi imprimer des toiles sur les billets de loterie ! (Sourires.)

M. Pierre Lellouche.

Il est écrit à la page 15 de votre rapport, monsieur le rapporteur : « Au total, depuis 1992, l'ensemble des biens culturels considérés comme des trésors nationaux a représenté une valeur de 1 435,75 millions de francs. » Ce sont les biens qui ont fait l'objet

d'un examen de la commission pour l'octroi d'un certificat de sortie. Ceux acquis par l'Etat ne représentent que 272 millions...

M. Bernard Outin.

Soit 11 % !

M. Pierre Lellouche.

... et c'est fort dommage. Nous proposons, M. Herbillon et moi-même, de doter l'Etat d'une force de frappe de cet ordre-là par an.

Il ne s'agit naturellement pas, madame la ministre, de tout acheter, il ne s'agit pas de nationaliser le patrimoine et de transformer le contribuable en vache à lait dans ce domaine. Il s'agit, pour une toute petite portion, de lui permettre de protéger l'identité nationale pour demain. Il faut tout de même avoir ces chiffres en tête : nous vous proposons simplement de passer de 100 à 300 millions de francs, et pas à plusieurs milliards de francs. Tout cela nous paraît extrêmement raisonnable et il est dommage que le Gouvernement ne se saisisse pas de ces propositions pour avancer sur ce dossier.

M. le président.

Je n'ai pas entendu Mme la ministre dire qu'elle ne se saisissait pas de cette opportunité.

M. Pascal Terrasse.

Bien au contraire !

M. le président.

Cela lui servira de base de départ.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Lellouche n'écoute pas.

M. le président.

C'est pour cela que j'ai répété. Apparemment, il n'avait pas entendu ! (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no

30. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4 bis

M. le président.

« Art. 4 bis I. L'article 793 du code général des impôts est complété par un 3 ainsi rédigé :

«

3. Les objets classés à la demande et avec le consentement de leur propriétaire en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, à concurrence de la moitié de leur valeur, sous réserve des dispositions de l'article 793 bis A. »

« II. Après l'article 793 bis du même code, il est inséré un article 793 bis A ainsi rédigé :

« Art. 793 bis A L'exonération partielle prévue au 3 de l'article 793 est subordonnée à la condition que le bien soit resté la propriété du défunt ou du donateur pendant cinq ans à la date de la transmission à titre gratuit. »

« III. Le présent article est applicable aux objets classés à compter du 1er janvier 2000. »

« IV. La perte de recettes résultant pour l'Etat des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Michel Herbillon, inscrit sur l'article.

M. Michel Herbillon.

Nous sommes là au coeur d'un dispositif extrêmement important, adopté par la commission des finances du Sénat : l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit des biens classés monuments historiques. Il s'agit d'un mécanisme fiscal d'exonération à 50 % de ces droits de mutation à titre gratuit.

L'Etat doit pouvoir se donner les moyens d'éviter que les biens qu'il ne peut pas acheter quittent la France.

M. le rapporteur nous a dit que ce n'était ni le lieu ni le moment de discuter de cela. Mais je lui pose la question : ce sera où et ce sera quand ? Se contentera-t-on des incantations, des voeux pieux, de déclarer qu'on veut préserver le patrimoine, les trésors nationaux, sans s'en donner les moyens ? Le Sénat, lui, avait proposé ce mécanisme très important de l'article 4 bis . C'était une façon - je le dis sincèrement - de vous aider vis-à-vis de Bercy, madame la ministre. Hélas, au fur et à mesure de la discussion, tous les amendements de l'opposition sont repoussés, et que va-t-il rester de ce mécanisme à la fin de l'après-midi ? Un texte qui, certes, améliore les choses, mais qui sera quand même une coquille vide. Quand on songe au texte du Sénat, on ne peut que trouver cela parfaitement regrettable. Pourquoi ne pas discuter de ce dispositif ? Il n'est pas contradictoire avec le système de la dation, mais complémentaire, et, en ce domaine, un débat idéologique n'a pas lieu d'être. On pourrait parfaitement imaginer que les propriétaires d'oeuvres d'art s'engagent à les montrer au public.

L'article 4 bis prévoit des incitations fiscales importantes pour l'acquisition et la transmission des oeuvres d'art. Sil ne comporte pas de mesures de défiscalisation, q uels avantages procurera ce texte ? Notre objectif commun est de préserver le patrimoine. On ne l'atteindra pas en privilégiant à l'excès les considérations idéologiques.

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours, inscrit également sur l'article.

M. Alfred Recours.

A mon tour, après un débat en commission des affaires culturelles, ce matin, sur le rapport d'étape sur les musées...

M. Pascal Terrasse.

Excellent rapport !

M. Alfred Recours.

... je voudrais intervenir, à la demande de la commission des affaires culturelles, sur le financement de l'achat d'oeuvres d'art.

Des dispositions fiscales existent déjà, je le rappelle, et s'avèrent très productives. Je pense aux mesures concernant les donations et les dations.

M. Michel Herbillon.

Les dations, oui !

M. Alfred Recours.

Ainsi, depuis 1972, près de 300 offres de dation ont été acceptées par l'Etat, pour une valeur libératoire totale d'environ 2,3 milliards de francs. On ne peut parler des capacités de l'Etat ou de la collectivité nationale à financer l'achat d'oeuvres d'art sans ajouter ce chiffre à ceux qui ont déjà été cités. Nous jouons là sur des ordres de grandeur très intéressants.

D'autres dispositions fiscales existent : l'exonération d'ISF pour les oeuvres d'art permet, ou a jusqu'ici permis, de conserver en France de nombreuses oeuvres.

M. Pierre Lellouche.

Vous la remettez chaque année en question !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. Alfred Recours.

Mais, contrairement aux donations ou aux dations, cette exonération ne permet pas au grand public d'accéder à ces oeuvres.

Cependant, je voudrais, au nom de la commission, explorer quelques pistes de réflexion sur les questions de financement qui, en effet, sont très importantes. Sur le fond, tous les groupes politiques de cette assemblée sont favorables à une augmentation des moyens permettant de conserver les trésors nationaux en France. Mais peut-être ne faut-il pas avoir une vision trop nationaliste - que, du reste, personne n'a eue jusqu'ici.

Je parlais à l'instant des oeuvres d'art que le public ne peut admirer, alors même que leurs propriétaires bénéficient d'une exonération de l'ISF. Or, a contrario , quand je vais à Bâle, à la Pinacothèque de Munich, à Londres ou à Amsterdam - et j'y vais d'ailleurs parfois avec Michel Herbillon (Sourires) , Michel Herbillon et quelques autres, bien entendu,...

M. Michel Herbillon.

Merci de la précision ! (Sourires.)

M. Alfred Recours.

... dans le cadre de la mission d'information sur les musées -, je constate que des oeuvres d'art françaises y sont accessibles à tous. Elles se trouvent à l'étranger, certes, mais dans des cités qui sont parfois plus proches de l'endroit où nous vivons que telle ou telle ville française située à l'extrémité du territoire. Par conséquent, si je suis, comme tout le monde, sensible à la nécessité de conserver le maximum d'oeuvres dans nos musées, ou, plus généralement, dans notre pays, je me dis aussi que point trop n'en faut, peut-être...

M. Bernard Outin.

Absolument !

M. Alfred Recours.

... et que, devant la fuite des oeuvres d'art françaises à l'étranger, nous devrions nous garder d'une vision trop étroitement nationaliste. Cela devait être dit, je me suis permis de le faire, même si mon intervention se voulait centrée sur la question du financement.

Nos collègues Pierre Lellouche et Michel Herbillon ont parlé d'enveloppes qui ne sont pas scandaleusement élevées, si l'on songe à la moyenne de ce que l'on observe sur le marché, et sans exagération, ni dans un sens ni dans l'autre. Mais peut-être faudrait-il envisager que les éventuels moyens supplémentaires puissent provoquer un effet de levier maximal. Or, quand on accroît une dotation de l'Etat, l'effet de levier est quasi nul. La capacité à acquérir des oeuvres d'art supplémentaires n'est pas plus élevée que le montant que l'on a attribué en supplément à la dotation de l'Etat. Il faudra donc que nous réfléchissions à des dispositions fiscales et budgétaires d'un certain ordre de grandeur, propres à obtenir un effet de levier et de mobiliser d'autres financements. Que l'on songe à l'exemple, qui peut être adapté à notre propos, des SOFICA, grâce auxquelles, par le biais de SICAV spécialisées, le grand public peut être associé au financement de l'industrie du cinéma. En l'occurrence, l'effet de levier joue à plein.

M. le président.

Monsieur Recours...

M. Alfred Recours.

J'interviens ici pour la première et la dernière fois, monsieur le président, et je le fais au nom de la commission.

M. le président.

Certes, monsieur Recours, mais une intervention sur l'article, au nom de la commission ou à titre personnel, ne peut dépasser cinq minutes. Je comprends que le sujet est important, mais puis-je vous inviter à ne donner qu'un seul exemple ?

M. Alfred Recours.

C'est, en effet, un sujet important, monsieur le président, et, du reste, il l'est également pour vous, qui, je le sais, vous y intéressez particulièrement.

M. le président.

C'est exact. Acheminez-vous lentement vers votre conclusion.

M. Alfred Recours.

Je m'y achemine, monsieur le président.

L'adaptation du système des SOFICA à l'achat d'oeuvres d'art me semble donc pouvoir être très productive. Elle doit bien sûr être discutée par la commission des affaires culturelles, de même que dans le cadre de l'examen du budget de l'Etat.

La deuxième piste est celle de la réactualisation de la législation sur les souscriptions. Après tout, à partir du moment où une oeuvre d'art est considérée comme devant rester sur le territoire national, on ne voit pas pourquoi ne pourrait être organisée une souscription nationale - il y en a déjà eu dans le passé - qui pourrait offrir des déductions fiscales, comme c'est le cas pour les organisations caritatives, ou pour telle ou telle association.

Une troisième piste, enfin, serait la création d'un outil de type fondation, qui réglerait les problèmes d'annualité qu'évoquait tout à l'heure notre collègue Lellouche. Il pourrait utilement être financé, comme on l'a suggéré ici ou là, à l'imitation des systèmes mis en place en GrandeBretagne ou en Italie.

Ces pistes étant ouvertes au nom de notre commission, je pense que nous aurons l'occasion d'en débattre très prochainement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances et d'un projet de loi « musées » qui nous a été annoncé par Mme la ministre.

M. le président.

M. Rouger, rapporteur a présenté un amendement no 8, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 4 bis »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement vise à supprimer l'article 4 bis

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je voudrais remercier M. Recours de ses propos. Il est un peu regrettable de constater que, si nous sommes tous d'accord pour donner à l'Etat les moyens de protéger notre patrimoine, on ne nous propose que l'inaction. Je ne comprends pas l'argument qui consiste à botter en touche vers un collectif, vers le projet de loi ultérieur ou vers un texte sur les musées alors que nous étions saisis de deux propositions du Sénat qui répondent au souci de donner à l'Etat des moyens suffisants. Ces propositions ont disparu et on ne nous explique pas pourquoi.

L'une d'elles visait à permettre à des personnes privées, résidant en France, d'acquérir une oeuvre lorsque l'Etat ne le pouvait pas. Autrement dit, on préfère que le bien quitte la France plutôt qu'il soit acheté par un résident.

Disparaît également la possibilité, pour les personnes privées, de bénéficier d'incitations à conserver le bien en France. Au nom de quoi ? Pourquoi ? M. Recours nous parle de l'effet de levier. Or nous avons tout à l'heure proposé d'augmenter les dotations publiques de 100 à 300 millions de francs, ce qui nous a été refusé. Cette disposition, venue du Sénat, visait, par effet de levier, à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

démultiplier l'effort consenti ; par le biais d'incitations fiscales, sans toucher à la dation, le bien en question pouvant ultérieurement faire l'objet d'une dation. Au nom de quoi ces dispositions fiscales sont-elles supprimées ? Le Gouvernement les a-t-il chiffrées ? Leur équilibre financier est-il impossible ? Tout cela se fait sans aucune explication. Je le regrette.

Enfin, tant que, sur la question de l'ISF, la gauche n'aura pas une position claire et définitive, une grave incertitude et d'importants risques continueront à peser sur le patrimoine national. M. Recours a fait à ce sujet des déclarations que je n'ai pas comprises. Peut-être est-ce l'heure tardive. En tout cas, pour l'instant, je ne connais pas encore la religion exacte de la gauche sur cette question.

M. Alfred Recours.

C'est une religion plurielle.

M. Bernard Outin.

Oui, tout à fait !

M. Pierre Lellouche.

C'est aussi une incertitude majeure pour l'avenir de notre patrimoine.

M. le président.

Monsieur Lellouche, vos propos me surprennent. J'ai assisté au débat sur l'ISF, et nous y avons entendu les mêmes déclarations concernant les oeuvres d'art. Ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais ce que j'ai entendu dans l'hémicycle me semblait clair.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 4 bis est supprimé.

Article 5

M. le président.

« Art. 5. Après l'article 9 de la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée, sont insérés les articles 9-1 à 9-4 ainsi rédigés :

« Art. 9-1. Dans le délai prévu au premier alinéa de l'article 9, l'autorité administrative peut, dans l'intérêt des collections publiques ou de celui de la protection du patrimoine national en application du dixième alinéa du présent article, présenter une offre d'achat. Cette offre tient compte des prix pratiqués pour des oeuvres comparables sur le marché international.

« Si le propriétaire du bien n'accepte pas l'offre d'achat dans un délai de trois mois, l'autorité administrative peut faire procéder à une expertise pour fixer le prix du bien dans les conditions fixées aux troisième et quatrième alinéas.

« L'autorité administrative et le propriétaire du bien désignent respectivement un expert. En cas de carence, le tribunal compétent de l'ordre judiciaire procède à la désignation. Ces experts rendent un rapport conjoint dans un délai de trois mois à compter de leur désignation.

« En cas de divergences entre ces experts, le prix du bien est fixé par un expert désigné conjointement par l'autorité administrative et le propriétaire du bien ou, à défaut d'accord, par le tribunal compétent de l'ordre judiciaire. Cet expert rend son rapport dans les conditions prévues au quatrième alinéa.

« L'autorité administrative peut adresser au propriétaire du bien une offre d'achat au prix d'expertise dans un délai de deux mois à compter de la notification du rapport d'expertise fixant le prix du bien.

« Si, dans un délai de deux mois à compter de l'offre d'achat, le propriétaire refuse cette offre ou n'a pas fait savoir qu'il l'acceptait, le refus de délivrance du certificat peut être renouvelé. Aucune indemnité n'est due à ce titre.

« Si le propriétaire du bien accepte l'offre d'achat, le paiement du bien doit intervenir dans un délai de six mois à compter de l'accord du propriétaire à peine de résolution de la vente.

« Si un bien a fait l'objet d'une offre d'achat, son propriétaire ne peut présenter de demande de certificat avant l'expiration du délai prévu au sixième alinéa ou, s'il accepte l'offre d'achat, avant l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent.

« En cas de renouvellement du refus de certificat, le propriétaire du bien peut faire procéder à une expertise dans les conditions prévues aux troisième et quatrième aliénas. Si l'autorité administrative refuse d'acquérir le bien au prix d'expertise, le refus de délivrance ne peut être renouvelé.

« L'autorité administrative peut également procéder à l'acquisition des biens visés au second alinéa de l'article 9 pour le compte de toute personne publique, ou présenter l'offre d'une personne privée qui s'engage à demander, en cas d'acceptation de son offre, le classement du bien au titre du troisième alinéa de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913 précitée et à le rendre accessible au public. Les offres faites en application du présent alinéa peuvent retarder la délivrance du certificat pour leur durée de validité, qui ne peut être inférieure à un an et supérieure à deux ans.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

« Art.

9-2 L'autorité administrative est informée de tout transfert de propriété d'un bien culturel présentant le caractère de trésor national qui n'est pas classé en application des lois du 31 décembre 1913 ou no 79-18 du 3 janvier 1979 précitées ou revendiqué en application des lois du 27 septembre 1941 ou no 89-874 du 1er décembre 1989 précitées par la personne à qui est transféré le bien dans un délai de trois mois à compter du transfert.

« Art.

9-3 Tout propriétaire qui aliène un bien culturel visé à l'article 9-2 est tenu de faire connaître à l'acquéreur l'existence du refus de délivrance du certificat mentionné à l'article 7 et, le cas échéant, les offres d'achat adressées dans les conditions prévues à l'article 9-1.

« Art.

9-4 Est nulle toute aliénation du bien consentie par le propriétaire ou ses ayants cause après avoir accepté une offre d'achat adressée par l'autorité administrative dans les conditions prévues à l'article 9-1.

« L'action en nullité se prescrit par six mois à compter du jour où l'autorité administrative a eu connaissance de la vente. Elle ne peut être exercée que par le ministre chargé de la culture. »

Le débat a été large, nous allons passer aux amendements.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, supprimer les mots : "ou de celui de la protection du patrimoine national en application du dixième alinéa du présent article,". »

La parole est à M. le rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. Jean Rouger, rapporteur.

Il s'agit de supprimer un membre de phrase afin d'être plus cohérent.

M. Pierre Lellouche.

Par rapport à la suppression !

M. Jean Rouger, rapporteur.

C'est logique !

M. Pierre Lellouche.

Atroce, mais logique !

M. le président.

Nous évitons ainsi la confusion des rôles !

M. Jean Rouger, rapporteur.

Absolument !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, supprimer les mots : "pour des oeuvres comparables". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

La référence aux prix pratiqués sur le marché international semble suffisante pour ne pas engendrer de confusion, de polémique et de confrontation inutiles, les valeurs des oeuvres étant à nulles autres pareilles.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. Pierre Lellouche.

Je souhaite une simple précision.

Nous laissons passer cet amendement, auquel de toute façon, d'un point de vue numérique, nous ne pouvons nous opposer, mais je tiens à préciser que le prix de référence reste bien celui du marché international. Nous sommes tous d'accord sur ce point.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Oui, c'est écrit dans le texte !

M. Pierre Lellouche.

Cela va mieux en le disant !

M. Alfred Recours.

Surtout dans l'hémicycle quand on légifère !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cela reste écrit dans le texte. Les seuls mots enlevés sont : « pour des oeuvres comparables », qui paraissent oiseux.

M. Pierre Lellouche.

Ce qui paraît oiseux, c'est de supprimer ces mots !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, présente un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer au mot : "respectivement", les mots : "chacun à leurs frais". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

C'est un amendement de précision. Chaque partie paie son expert.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 12, présenté par M. Rouger, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer aux mots : "le tribunal compétent de l'ordre", les mots : "l'autorité". »

Les deux autres amendements sont identiques. L'amendement no 31 est présenté par M. Lellouche, l'amendement no 39 par M. Herbillon.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer aux mots : "tribunal compétent de l'ordre judiciaire" les mots : "président du tribunal de grande instance statuant en forme des référés". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

12. M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement permet de préciser la nature de l'intervention de l'autorité judiciaire. La désignation de l'expert en première intention sera ainsi plus simple, alors que, pour le texte actuel, il est nécessaire, lorsque existe une expertise contradictoire, que la désignation puisse être aussi sur le fond.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour présenter l'amendement no

31.

M. Pierre Lellouche.

Je note, ici, une différence entre nous. Il est important de préciser, dans l'article 9-1, qui est un peu technique, de quelle autorité il s'agit. Le texte parle de « tribunal compétent de l'ordre judiciaire » et la commission fait référence au « président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. » Je pro-

pose d'harmoniser. Il me semble très important de savoir de quoi on parle, s'il s'agit d'une autorité administrative ou judiciaire, et de préciser que le tribunal compétent est le tribunal de grande instance statuant en référé, à l'exclusion d'autres tribunaux, notamment administratifs.

M. le président.

La parole est à M. Michel Herbillon, pour présenter l'amendement no

39.

M. Michel Herbillon.

Dans le même souci, j'ai déposé cet amendement de précision. Il est en effet important de savoir si nous sommes tous d'accord sur le fait que l'autorité dont on parle, c'est « le président du tribunal de grande instance statuant en forme de référés. » Je ne suis

pas sûr d'avoir bien compris notre rapporteur. J'ai le sentiment que son amendement rend le texte beaucoup moins précis que ce que nous proposons, mon collègue Pierre Lellouche et moi-même.

M. le président.

Mes chers collègues, je pense que les débats parlementaires servent à expliquer les intentions des uns et des autres. Nous savons bien que, dans ce domaine, quand il est fait référence à l'autorité compétente, il s'agit du juge des référés du tribunal de grande instance.

M. Pierre Lellouche.

Mieux vaut le dire !

M. Michel Herbillon.

En effet les choses vont mieux en les disant et des amendements de l'opposition pourraient ainsi être adoptés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. le président.

N'en faites pas une affaire de principe, m onsieur Herbillon, vous avez été très largement entendu ! Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 31 et 39 ? M. Jean Rouger, rapporteur.

Il me semble qu'ils compliquent un peu les choses. Or notre intention consiste tout de même à simplifier les procédures.

Concrétement, il est plus facile de désigner un expert sur une liste que de faire intervenir l'autorité judiciaire par l'intermédiaire du président du tribunal.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable à l'amendement no 12 et défavorable aux amendements nos 31 et 39.

A ce stade de la procédure, il n'existe pas de litige au sens judiciaire. Le juge des référés est le juge normalement compétent pour statuer sur les questions relatives à la nomination d'un expert. Voilà pourquoi j'estime que l'amendement proposé par M. le rapporteur offre suffisamment de garanties.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je pense que - dans son travail le législateur doit essayer d'être clair. Nous sommes dans un p ays où foisonnent les textes eux-mêmes souvent incompréhensibles. Il faut éviter d'introduire un doute dans une procédure déjà compliquée, celle de l'article 9-1.

Je ne comprends pas pourquoi une sorte de flou artistique est entretenu sur cette question.

Je rappelle le contexte. Nous sommes dans le cas où le propriétaire du bien n'accepte pas l'offre qui lui est faite par l'Etat dans un délai de trois mois. Il y a donc désaccord. A ce moment-là l'autorité administrative peut faire procéder à une expertise pour fixer le prix du bien dans les conditions fixées aux troisième et quatrième alinéas du t exte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992. Selon le texte voté par le Sénat, l'autorité administrative et le propriétaire désignent alors chacun leur expert - il vient d'être dit que chacun payera le sien - et, en cas de carence, le tribunal compétent de l'ordre judiciaire procède à la désignation des experts.

Or le rapporteur propose de supprimer la référence au tribunal compétent pour lui substituer celle de l'autorité judiciaire. Mais de quelle autorité judiciaire s'agit-il ? Comme le texte fait référence - sur proposition de la commission d'ailleurs - au président du tribunal de grande instance statuant en référé, la logique voudrait que l'on harmonise la procédure d'un bout à l'autre et que, en cas de désaccord entre le propriétaire et l'Etat, ce soit le président du tribunal qui tranche.

Si M. le rapporteur ou Mme la ministre voulaient bien avoir la gentillesse de nous expliquer qui tranche en cas de désaccord, cela permettrait de clarifier un peu le texte.

M. le président.

Monsieur Lellouche, vous êtes aussi bon juriste que tous ceux qui siègent ici et vous n'ignorez pas que si le tribunal est saisi au fond, il s'agit d'une autorité judiciaire et pas forcément du président du tribunal, juge des référés. Il peut donc y avoir à la fois conjonction d'une procédure de fond et d'une procédure de désignation d'experts.

M. Pierre Lellouche.

Compte tenu des délais, ce ne peut pas être au fond !

M. le président.

Cela dit, je donne la parole à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous ne sommes pas là, monsieur le président, dans le cas d'une saisine au fond.

M. Pierre Lellouche.

Vous voyez, monsieur le président !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La partie du texte qui traite de cette question est assez claire puisqu'elle n'a pas fait l'objet d'amendements tendant à la clarifier.

Pour répondre au souci du rapporteur et aux préoccupations de M. Lellouche et de M. Herbillon, et pour que tout soit clair, je propose de substituer, dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, aux mots « le tribunal compétent de l'ordre judiciaire », les mots « le juge des référés », puisque c'est le juge des référés qui serait saisi pour désigner un expert.

M. le président.

C'est du travail de commission.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Nous ne sommes pas au fond, nous sommes en référé. Dans ce cas, il conviendrait, madame la ministre, de modifier le quatrième alinéa qui, lui, traite d'un désaccord sur le prix, et prévoir, dans ce cas, la compétence du juge des référés et non celle du président du tribunal. Ce qui importe, c'est que ce soit la même autorité qui intervienne aux différents stades de la procédure.

M. le président.

Qu'il me soit permis de rappeler que si une difficulté de fond surgit devant le juge des référés, l'expert ne pourra pas être désigné par ce dernier. Il sera désigné par le juge du fond et donc par le tribunal. C'est une opinion que j'émets au passage pour éviter l'adoption d'un texte qui devra être modifié, même si la navette n'est pas terminée j'en conviens.

La proposition de Mme la ministre, qui correspond d'ailleurs à ce que vous souhaitez, pourrait, semble-t-il, recueillir l'agrément de tout un chacun ici.

L'amendement dont je viens d'être saisi par le Gouvernement portera le no 42. Il est ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer aux mots : "le tribunal compétent de l'ordre judiciaire", les mots : "le juge des référés". »

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 12, 31 et 39 deviennent sans objet.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer aux mots : "le tribunal compétent de l'ordre judiciaire", les mots : "le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés". »

Je crains une certaine confusion. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

En cas de désaccord sur le prix, l'amendement no 13 propose de donner compétence à un juge du fond, le président du TGI, tout en lui permettant de statuer rapidement en la forme des référés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En fait, cet amendement tend à revenir au texte initial de la proposition de loi, lequel comportait une précision utile sur la nature de la décision judiciaire relative à la nomination du troisième expert.

Il paraît important que, à ce stade de la procédure, un véritable débat judiciaire puisse s'instaurer sur la nomination de l'expert, qui n'aura vocation à intervenir que dans les dossiers particulièrement complexes et dont l'avis sera déterminant en cas de divergence entre les deux premiers experts désignés.

Dans le cas de tels litiges, les parties aborderont forcément des questions de fond qui dépassent le cadre de la simple mesure de nomination d'un expert. C'est la raison pour laquelle j'ai présenté l'amendement précédent et que je soutiens l'amendement no 13 défendu par le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, après le mot : "expert", insérer les mots : "rémunéré à parts égales par les deux parties". »

Amendement relatif aux modalités de prise en charge par les deux parties des frais d'expertise dans la deuxième phase de l'expertise, n'est-ce pas, monsieur Rouger ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

Absolument, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer au mot : "quatrième", le mot : "troisième". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement tend à corriger une erreur de décompte dans les alinéas.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte prop osé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992 :

« L'autorité administrative dispose d'un délai de deux mois à compter de la remise du rapport d'expertise fixant le prix du bien pour adresser au propriétaire une offre d'achat à la valeur d'expertise. A l'issue de ce délai, en l'absence d'offre d'achat présentée par l'Etat, le certificat ne peut plus être refusé. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement propose une autre rédaction du cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992 et rappelle qu'il est possible de classer les objets.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du sixième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer aux mots : "refuse cette offre", les mots : "la refuse". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Encore plus rédactionnel que le précédent. ( Sourires.

)

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Jean Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du sixième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, substituer aux mots : "peut être", le mot : "est". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Amendement de logique.

N'est-il pas logique que le refus de délivrance du certificat d'exportation, qui constitue la sanction normale du refus du propriétaire de vendre le bien à l'Etat au prix d'expertise, soit automatique et pas seulement possible ?

M. le président.

Il est vrai que l'usage de l'expression

« peut être » dans un texte de loi n'est pas si souhaitable...

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

J'ai vanté tout à l'heure les avantages du fusil à répétition par rapport au fusil à un coup.

Il est souhaitable, si le vendeur refuse de vendre, que l'Etat renouvelle automatiquement le refus d'exporter le bien, à la seule condition toutefois que l'Etat ait les moyens d'acquérir ledit bien. Sinon, cela ne sert à rien.

Je n'ai rien contre la logique de l'amendement, mais celui-ci ne peut se concevoir, je le répète, que si l'Etat a réuni dans l'intervalle les fonds nécessaires à l'acquisition du bien. Faute de quoi, cela risque même d'être une source de contentieux.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière phrase du sixième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement tend à supprimer la disposition qui précise qu'aucune indemnité n'est due au propriétaire lorsque l'Etat renouvelle le refus de certificat à la suite d'un rejet d'offre d'achat au prix d'expertise.

M. le président.

Cela vous paraît-il logique, madame la ministre ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le préjudice éventuel résultant, pour le propriétaire d'un trésor national, des restrictions à la circulation de son bien, peut faire l'objet d'une demande d'indemnisation dans les cas et conditions définies par la jurisprudence. Je suis favorable à cet amendement qui permet de maintenir sur ce point la législation de 1992. En cas de contentieux, l'Etat pourra examiner au cas par cas l'existence du préjudice dans son principe et dans son quantum. Bien évidemment, les juridictions prendront en considération le fait que les renouvellement du refus du certificat trouve sa cause dans le refus même du proriétaire de vendre son bien.

C'est pourquoi cette possibilité d'indemnisation pour les propriétaires de trésors nationaux nous semble ne pas devoir être écartée par la loi. C'est ce que j'avais expliqué au Sénat, qui n'avait cependant pas suivi mon argumentation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement no 20, ainsi rédigé :

« Dans le septième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992, après les mots : "le paiement", supprimer les mots : "du bien". »

Amendement rédactionnel.

M. Jean Rouger, rapporteur.

En effet, monsieur le président, cet amendement est rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Lellouche a présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Compléter le septième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992 par les mots : "qui entraîne la délivrance du certificat". »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Cet amendement vise à équilibrer les droits respectifs du propriétaire et de l'Etat.

Nous sommes dans le cas où l'Etat ne respecte pas le délai de six mois pour effectuer le règlement du prix du bien qu'il a acheté et où il y a donc résolution de la vente. Le texte n'offre pas au propriétaire la garantie que le bien sera alors libre à l'exportation. Certes, la vente cesse, mais quid du certificat de sortie ? Je demande, dans le cas où l'Etat ne respecte pas son obligation de payer le prix convenu dans le délai de six mois, que le certificat de sortie soit délivré de plein droit.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

La commission a refusé cet amendement, car elle souhaite le maintien des dispositions prévues par la proposition dans le cas visé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je comprends, monsieur Lellouche, votre souci de ne pas pénaliser les propriétaires d'oeuvres d'art. Votre proposition de délivrance automatique et sans délai du certificat de circulation d'un trésor national dans le cas très particulier, et rarissime, j'ose l'espérer, où l'Etat n'aurait pu réunir les fonds nécessaires à son acquisition, se heurte à plusieurs difficultés juridiques.

La sanction de la résolution de la vente, en cas de nonpaiement par l'Etat dans le délai de six mois, libère le propriétaire et l'Etat de leurs obligations juridiques et remet chacune des parties dans la situation juridique antérieure avant la conclusion de la vente.

Cette sanction civile ne peut avoir d'effet juridique sur le statut du trésor national, notamment sur la possibilité de l'exporter hors de l'Union européenne.

Deux situations peuvent se présenter.

Soit le défaut de paiement intervient après l'expiration de la durée de validité du refus de certificat. Le trésor national se verra alors délivrer un certificat de circulation en application du nouveau dispositif résultant de la future loi. Je ne crois donc pas utile de prévoir une procédure de délivrance implicite du certificat de circulation.

Soit la condition résolutoire de la vente se réalise avant le terme de la durée de validité du refus de certificat et dès lors le trésor national ne peut être exporté. Il m'apparaît difficile d'envisager dans ce cas précis, équivalent à une hypothèse peu probable, une dérogation à la durée de validité du certificat, par ailleurs réduite à trente mois par la présente proposition de loi.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je ne suis pas du tout convaincu par l'argumentation de Mme le ministre, car nous sommes dans un pays où l'Etat est notoirement un mauvais payeur.

Nous sommes dans l'hypothèse, non d'un litige sur le montant du prix, mais du non-paiement par l'Etat du prix convenu dans le délai de six mois qui lui est imparti.

Si la sanction du non-paiement est simplement le retour à la case départ, nous sommes repartis pour un tour et pour une nouvelle procédure qui pourra, elle aussi, durer entre trois et quatre ans. Dans ce cas de figure, le propriétaire est pénalisé de façon totalement injuste, puisque l'Etat n'a pas tenu son engagement.

Je demande donc, au nom de l'équité, que si l'Etat ne respecte pas sa parole il y ait résolution de la vente. Le propriétaire doit pouvoir exporter de plein droit son bien s'il le souhaite. Cela me paraît conforme à l'esprit de la loi.

Or vous introduisez là un déséquilibre majeur en permettant à l'Etat, à l'issue d'une longue procédure susceptible de durer jusqu'à trois ans et demi, compte tenu des délais votés précédemment, de contraindre le propriétaire dont il n'a pas payé le bien en temps voulu à subir une autre procédure d'une durée équivalente. Cela me paraît injuste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Par ailleurs, une telle disposition va entretenir une incertitude pour le marché de l'art, laquelle risque d'aller à l'encontre de l'objectif même que vous souhaitez atteindre. Je vous mets en garde.

M. le président.

Pour ma part, monsieur Lellouche, je serais tenté de vous mettre en garde contre une rédaction hasardeuse, qui ne me paraît pas très claire.

J'ajoute qu'une prescription sans sanction...

M. Pierre Lellouche.

Non, au contraire !

M. le président.

... est une mesure inefficace. Quelle sera la sanction en cas de non-délivrance du certificat ? Vous ne le précisez pas.

M. Pierre Lellouche.

Si !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Supprimer le huitième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992. »

Amendement de coordination.

M. Jean Rouger, rapporteur.

En effet, monsieur le président, c'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 22, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le neuvième alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992.

« En cas de renouvellement du refus de certificat, la procédure définie aux alinéas précédents demeure applicable. »

Amendement de cohérence.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement no 23, ainsi rédigé :

« Après les mots : "toute personne publique", supprimer la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992. »

Amendement de rédaction, de cohérence, de conséquence, tout cela est simple, monsieur le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement s'inscrit dans la logique de ce que l'Assemblée a voté précédemment.

M. le président.

La logique viendra peut-être après.

Pour le moment, nous en sommes à la conséquence, une conséquence logique.

(Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 33 et 40 tombent.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 24, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 9-2 de la loi du 31 décembre 1992 :

« Art. 9-2. - L'acquéreur, le donataire, le copartageant, l'héritier ou le légataire d'un bien culturel reconnu trésor national et non classé en application des lois du 31 décembre 1913 et no 79-18 du 3 janvier 1979 précitées doit, dans le délai de trois mois suivant la date de l'acte constatant la mutation, le partage ou la déclaration de succession, aviser l'Etat qu'il en est devenu propriétaire. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, présentés par M. Lellouche.

Le sous-amendement no 34 est, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 24, substituer aux mots : "et non classé", les mots : "ou qui fait l'objet d'un refus de certificat". »

Le sous-amendement no 35 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 24 par les mots : "sous peine de nullité de l'acte". »

Là, monsieur Rouger, il ne s'agit plus de cohérence mais de forme. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour présenter l'amendement no

24.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Il s'agit de décider que l'acquéreur d'un bien culturel reconnu trésor national et non classé en informe les services de l'Etat. Cet amendement de forme reprend la rédaction initiale de la proposition de loi, plus précise juridiquement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir les sous-amendements nos 34 et 35.

M. Pierre Lellouche.

Ce sont tout simplement des sous-amendements de clarification.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

Nous les avons repoussés, n'ayant pas la même conception que M. Lellouche de la clarification. Ce n'est pas « ou » mais « et ».

M. Pierre Lellouche.

L'argument est fondamental ! C'est un peu cryptique pour ceux qui nous écoutent !

M. Jean Rouger, rapporteur.

Dans la logique de l'amendement, il faudrait compléter par la phrase : « et qui fait l'objet d'un refus de certificat », et non par la phrase : « ou qui fait l'objet d'un refus de certificat ». Ce n'est pas une alternative.

M. le président.

Ce qui est bien, dans cette maison, c'est que nous avons parfois l'impression d'être à l'Académie française. Je ne sais d'ailleurs si les bancs y sont plus fournis qu'ici.

M. Michel Herbillon.

Nous avons davantage de femmes !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. le président.

C'est vrai ! Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même au Gouvernement, il y a plus de femmes qu'à l'Académie française ! (Sourires.)

L'obligation d'information de l'Etat par le propriétaire d'un trésor national du transfert de propriété survenu à la suite d'une mutation, à titre onéreux ou gratuit, n'est pas assortie de sanction en cas de non-respect.

M. Pierre Lellouche.

D'où mon sous-amendement no 35 !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais une sanction n'apparaît pas nécessaire pour assurer le respect d'une telle obligation, d'autant qu'elle risque d'être particulièrement sévère et lourde de conséquences, notamment en matière de partage successoral.

Je rappelle que la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et celle du 3 janvier 1979 sur les archives prévoient toutes deux une obligation d'information de l'Etat des projets d'aliénation ou des aliénations par le propriétaire des biens protégés. Or cette obligation n'est assortie d'aucune sanction et, à ma connaissance, elle n'a pas soulevé de difficultés particulières de mise en oeuvre.

Voilà pourquoi je suis défavorable aux sous-amendements.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

J'ai voulu, monsieur le président, respecter le principe de droit que vous avez rappelé et selon lequel toute prescription de droit sans sanction n'a aucune valeur : j'ai précisément proposé d'introduire comme sanction la nullité de l'acte. Mais Mme la ministre dit qu'elle ne veut pas de cette nullité. Il n'y en aura donc pas !

M. le président.

S'il vous plaît, monsieur Lellouche, ne m'utilisez pas ! (Sourires.)

Je mets aux voix le sous-amendement no

34. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

35. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 9-3 de la loi du 31 décembre 1992, après les mots : "est tenu", insérer les mots : ", à peine de nullité de la vente,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement précise que le non-respect de l'obligation d'information est sanctionné par l'annulation de la vente.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. A l'article 215 ter du code des douanes, après les mots : "soit des documents attestant que ces marchandises peuvent quitter le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d'exportation", sont insérés les mots : "soit tout document prouvant que ces biens ont été importés temporairement d'un autre Etat membre de la Communauté européenne". »

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Après l'article 6

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« I. L'article 19 du code de l'industrie cinématographique est ainsi rédigé : "La représentation cinématographique est subordonnée à l'obtention de visas délivrés par le ministre chargé du cinéma."

« II. Le troisième alinéa de l'article 22 du même code est supprimé. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L'article 19 du code de l'industrie cinématographique édicte l'obligation d'obtenir un visa d'exportation pour les films exportés hors de la Communauté européenne. Cette disposition, qui trouve son origine dans l'ordonnance du 3 juillet 1945, devait permettre de contrôler le contenu des oeuvres cinématographiques sortant de France afin de s'assurer de l'image de marque de notre pays à l'étranger.

Cette formalité apparaît de nos jours particulièrement inadaptée pour préserver les objectifs envisagés initialement. En réalité, les demandes de visas d'exportation ne servent plus qu'à fournir au CNC des éléments statistiques que celui-ci peut parfaitement obtenir autrement.

Il convient donc de supprimer cette obligation.

J'ajoute que la suppression des visas pour les exportations hors de la Communauté européenne permettra aussi de simplifier les formalités administratives, cette simplification étant l'un des objectifs du Gouvernement. Nous cherchons, en effet, à fluidifier le marché des oeuvres d'art, dont les films peuvent faire partie.

Dois-je défendre l'amendement suivant, monsieur le

président

?

M. le président.

Il est très différent, madame la ministre...

M. Michel Herbillon.

C'est le moins que l'on en puisse dire !

M. le président.

Dans certains domaines, on supprime des visas, c'est intéressant ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 1 ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement traite des oeuvres d'art, qui sont potentiellement des trésors : mais les oeuvres ne sont pas toutes comparables ! Avis favorable.

M. Pierre Lellouche.

Ben voyons !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Ecoutez-moi, monsieur le président...

M. le président.

Je ne fais que cela, monsieur Lellouche. (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

M. Pierre Lellouche.

... tous les gouvernements ont droit à l'erreur, mais tout de même ! Que viennent faire, alors que nous discutons d'un texte sur la protection des trésors nationaux, ces deux étranges « cavaliers » déposés à la dernière minute ?

M. le président.

C'est vous qui avez commencé avec un amendement concernant La Française des jeux !

M. Pierre Lellouche.

Je n'ai rien contre la suppression des visas à l'exportation pour les oeuvres cinématographiques. Mais ce « cavalier » a-t-il vraiment sa place ici ? Vous aviez raison, madame la ministre, de vouloir défendre ensemble vos deux amendements car, s'ils sont différents, ils n'ont absolument rien à voir avec la proposition de loi.

L'amendement no 2 tend à créer un conseil d'administration au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.

M. Alfred Recours.

C'est très important !

M. le président.

Il s'agit d'un établissement qui contient des trésors nationaux, monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche.

Je suis moi-même un grand amateur du Centre Georges-Pompidou. Je me félicite de sa réfection et de ses collections d'art contemporain. Mais que diable vient faire ici son conseil d'administration ? Madame la ministre, ne valait-il pas mieux, si vous vouliez absolument déposer des « cavaliers », nous proposer un peu d'argent pour acheter des trésors nationaux ?

M. Bernard Outin.

Vous êtes vraiment un marchand !

M. le président.

Monsieur Herbillon, vous me demandez la parole : est-ce pour enfourcher le même cheval que M. Lellouche ? (Sourires.)

Je vous donne la parole, cher collègue.

M. Michel Herbillon.

Madame la ministre, je suis d'autant plus attaché au conseil d'orientation du Centre Georges-Pompidou que j'ai l'honneur d'y siéger en tant que représentant du Parlement. C'est vous dire combien mon attachement est grand...

M. Alfred Recours.

Dorénavant, vous serez membre du conseil d'administration !

M. Michel Herbillon.

Probablement par homothétie avec d'autres établissements publics, vous voulez supprimer le conseil d'orientation ou, plus exactement, le transformer en conseil d'administration. C'est ce qui s'appelle un « cavalier » car, vous en conviendrez avec moi, cela n'a rien à voir avec le sujet qui nous occupe.

J'aimerais savoir pourquoi, en fin de discussion, nous sont proposés deux amendements qui n'ont vraiment rien à voir avec la proposition de loi.

M. le président.

Monsieur Herbillon, vous parlez de

« cavalier ». Je parlerais plutôt d'anticipation car nous n'en sommes qu'à l'amendement no 1, et pas encore à l'amendement no 2 ! Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« L'article 4 de la loi no 75-1 du 3 janvier 1975 portant création du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou est ainsi rédigé :

« Art. 4. L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un président nommé par décret en conseil des ministres.

« Le conseil d'administration comprend des représentants de l'Etat, des parlementaires, le maire de Paris ou son représentant, des personnalités qualifiées ainsi que des représentants élus du personnel.

« La composition du conseil d'administration est fixée par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En défendant cet amendement, je répondrai aux objections qui viennent d'être formulées.

Le Centre national d'art et de culture GeorgesPompidou est administré par un président nommé par décret en conseil des ministres et assisté de deux organismes distincts : un conseil de direction, d'une part, et un conseil d'orientation, organe consultatif, d'autre part.

Il a paru nécessaire de modifier l'organisation particulière de cet établissement public culturel - son pré-s ident lui-même le souhaite très vivement -, peu conforme aux règles générales de fonctionnement des établissements publics. C'est là une garantie apportée à l'un de nos établissements publics majeurs, alors que nous venons d'y ouvrir des espaces supplémentaires.

Il ne s'agit nullement d'un « cavalier » puisque ce sont 28 millions de francs qui sont consacrés aux acquisitions du centre Georges-Pompidou - ce n'est pas rien.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - Les dispositions de la présente loi sont applicables aux biens culturels auxquels a été délivré le certificat prévu par l'article 5 de la loi no 921477 du 31 décembre 1992 précitée ou qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi, font l'objet d'un refus de certificat. »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Dans l'article 7, après les mots : "Les dispositions", insérer les mots : "des articles 1 à 6". »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Rouger, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rouger, rapporteur, a présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 7 par les mots : ", à l'exception du délai prévu au premier alinéa de l'article 9 de cette même loi, qui demeure fixé à trois ans". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur.

Cet amendement vise la situation intermédiaire dans laquelle se trouveront les biens culturels qui auront fait l'objet d'un refus de certificat au moment de l'adoption de la loi. Il convient, enfin d'éviter tout vide juridique, de leur appliquer l'ensemble


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

des dispositions du texte à l'exception du délai d'irrecevabilité des demandes de certificat, qui doit demeurer fixé à trois ans et ne pas être ramené à trente mois.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon.

Inscrits sur l'article 5, nous ne sommes pas intervenus : aussi, à la fin de cette discussion, j e dirai simplement dire que mon collègue Pierre Lellouche et moi-même avons pas mal de regrets. Nous sommes, sur tous ces bancs, d'accord sur l'objectif et sur le fait que les moyens pour l'atteindre posent problème.

Or nous nous sentons frustrés de n'avoir pu en débattre.

Je trouve, pour ma part, que le débat a été quelque peu faussé. Il a été faussé dès le début, lorsque la mini stre a fait référence au passé et à ses prédécesseurs. Tel n'é tait pas l'objet du débat. Il a été faussé car on a, à certains moments, versé dans des considérations de nature idéologique, notamment à propos de l'ISF. Tel n'était pas non plus l'objet du débat.

Qu'est venu faire l'ISF dans notre discussion ? Peut-on y voir un aperçu de ce qui risquerait de se passer à l'avenir : un changement d'attitude de la majorité envers les engagements pris en faveur de l'exonération des oeuvres d'art ? Je pose la question. Je ne voudrais pas que notre débat d'aujourd'hui soit pollué, voire occulté par un autre qui, d'une nature différente, renvoie à d'autres clivages.

Notre débat a été un peu faussé aussi lorsqu'on a voulu opposer la dation à l'exonération des droits de mutation à titre gratuit des biens classés monuments historiques.

Le vrai sujet, c'est celui des moyens dont dispose l'Etat. Notre collègue Alfred Recours l'a abordé, mais la discussion a avorté. J'aurais souhaité que la ministre nous annonce le dispositif qu'elle entend retenir en ce qui concerne les mesures fiscales et le calendrier de sa mise en oeuvre.

Nous n'avons fait qu'aborder les problèmes du mécénat, alors que, on le sait très bien, le mécénat est tout à fait insuffisant dans notre pays.

Nous n'avons pas pu débattre des dispositions fiscales qui auraient pu être retenues.

En outre, notre débat a parfois été pollué par les problèmes d'accessibilité des oeuvres publiques, alors que nous sommes d'accord sur le fait que les oeuvres doivent ê tre accessibles, grâce non seulement aux moyens modernes de communication, mais aussi à un meilleur accès du public aux musées.

Au-delà de Pierre Lellouche et de moi-même, je crois que nous pouvons, sur tous les bancs, faire nôtre la définition que donnait, parmi d'autres, André Malraux de la c ulture : « La culture, c'est le plus grand nombre d'oeuvres accessibles au plus grand nombre d'hommes. »

Je ne vois pas pourquoi on a laissé entendre que, par un certain nombre de dispositifs que nous proposions, nous voulions restreindre l'accès du public aux oeuvres : c'est exactement le contraire que nous voulions ! En terminant, je poserai la question suivante : pourquoi attendre de mettre en regard de la volonté publique qui est affichée et qui fait l'unanimité les moyens dont doit disposer l'Etat pour préserver notre patrimoine et maintenir sur le territoire les trésors nationaux ? Je déplore, je le répète, que la ministre ne nous ait pas donné d'indications plus précises sur les différentes dispositions qu'elle entend retenir sur le plan fiscal, ni sur le calendrier. Je suis impatient que les discussions aient lieu à ce sujet.

Dans l'attente, nous nous abstiendrons.

M. le président.

Merci, mon cher collègue, pour votre concision et votre courtoisie.

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours.

Je vais expliquer le vote du groupe socialiste sur une proposition de loi qui nous vient du Sénat et dont l'initiative revient au groupe socialiste de cette assemblée. La proposition tend à remédier aux imperfections du dispositif de contrôle des exportations d'oeuvres d'art.

L'Etat et les professionnels du marché de l'art se sont accordés sur la nécessité d'offrir plus de souplesse et de liberté aux collectionneurs et aux propriétaires d'objets d'art tout en permettant à l'Etat d'accueillir des oeuvres majeures reconnues comme « trésors nationaux ».

La principale carence de la législation précédente résidait dans l'absence de procédure de négocation entre l'Etat et les propriétaires de trésors nationaux. Nous allons, avec la future loi, introduire une plus grande souplesse dans une procédure d'acquisition qui devient contradictoire et qui protège le droit des personnes concernées lors des acquisitions.

Mais cette loi n'est que cette loi : il ne s'agit pas d'une loi sur l'ensemble du patrimoine national, sur les musées, que sais-je encore ! J'espère, madame la ministre, que nous examinerons un projet de loi sur les musées. Notre commission a déjà, en amont, commencé à travailler sur le sujet. Nous voterons donc la proposition de loi, mais tout en reconnaissant que nous n'avons pas, aujourd'hui, voulu aborder tous les sujets.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

A l'issue de cette discussion, comme après d'autres depuis 1997, j'ai le sentiment d'un double déjà-vu.

D'abord, un déjà-vu de l'ignorance, de l'indifférence à l'égard des propositions de l'opposition. Comme lors de précédentes discussions, j'ai relevé que l'on nous avait aimablement écoutés - on en a eu aujourd'hui la patience grâce à vous, monsieur le président - mais que l'on n'en avait pas moins retoqué toutes nos propositions, même celles dont je pensais que nos collègues de gauche pouvaient les approuver sur le fond. Je n'en suis pas surpris car c'est systématique depuis le début de cette législature, en tout cas pour les textes sur lesquels j'ai pu travailler.

Ensuite, un déjà-vu du déclamatoire, des voeux pieux quant à l'amélioration d'une procédure qui était de toute façon en faillite depuis l'arrêt Walter de 1994-1996.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1er MARS 2000

Aucun moyen n'est prévu, ce qui fait que le groupe du Rassemblement pour la République s'abstiendra, tout en reconnaissant que le texte va dans la direction souhaitée : il améliore la procédure et l'équilibre entre les propriétaires de trésors nationaux et l'Etat. Mais il ne donne aucunement à l'Etat les moyens de remplir sa mission, ni directement, parce que les fonds ne sont pas là, ni indirectement par la reconnaissance du mécénat. La possibilité d'acquérir les biens n'est plus offerte aux personnes privées et les dispositions fiscales sont absentes.

Tout cela est tout à fait regrettable. Vous avez construit un édifice purement verbal, en ne prévoyant aucun moyen. C'est dans le style de ce gouvernement, et je le regrette.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

M. Philippe Herbillon.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants s'abstient !

M. Pierre Lellouche.

Il en est de même du groupe du Rassemblement pour la République ! (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, étant donné qu'ont été abordées ce matin en commission les différentes dispositions fiscales et financières et qu'ici même nous avons parlé à plusieurs reprises de la réforme de la loi de 1913, je souhaite informer la représentation nationale qu'un projet sera examiné en conseil des ministres avant la fin du premier semestre et que nous enchaînerons ensuite sur la réforme des musées, dont j'ai déjà annoncé qu'elle était à notre ordre du jour.

Il faut interpréter le vote positif sur les bancs de la majorité et l'abstention sur ceux de l'opposition comme un voeu fortement formulé - d'une façon parfois accentuée par M. Lellouche - de trouver ensemble des solutions qui permettront d'apporter, en relation avec l'engagement du Gouvernement, davantage de moyens pour nos trésors nationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Souhaitons-le !

M. le président.

Je pensais, madame la ministre, que vous alliez annoncer que les musées seraient ouverts gratuitement le dimanche !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je l'ai déjà dit, monsieur le président.

M. le président.

Voilà une bonne nouvelle pour M. Lellouche ! 3

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 1er mars 2000

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi, no 2067, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile : M. André Capet, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2159).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT