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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes. - Discussion d'une proposition de loi (p. 1509).

Mme Catherine Génisson, rapporteuse de la commission des affaires culturelles.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis de la commission des lois.

M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1520)

Mmes Odette Casanova, Marie-Thérèse Boisseau, Chantal Robin-Rodrigo,

MM. Bernard Deflesselles, Patrick Malavieille, Mmes Nicole Catala, Danielle Bousquet,

M.

Bernard Perrut, Mmes Huguette Bello, Janine Jambu, Marisol Touraine.

M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Egal accès aux mandats électoraux. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 1534).

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 1535).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1535).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (nos 2132, 2220).

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Catherine Génisson, rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, mes chers collègues, parce que rappeler l'histoire, l'histoire des femmes, est important pour penser notre avenir, je souhaiterais commencer mon propos en citant une historienne connue, respectée, Mme Michelle Perrot.

« Les femmes ont toujours travaillé, et leur travail quotidien, silencieux et non comptabilisé, a été et demeure aujourd'hui un apport considérable au développement économique. Mais elles n'ont pas toujours exercé des métiers et des professions reconnus. Elles ont éprouvé beaucoup de difficultés à faire reconnaître leur droit au travail, affaire du chef de famille, au salaire, considéré comme un appoint dans la théorie économique comme dans les ménages, voire à la perception directe de leur gain qu'une loi de 1907 a enfin admis comme justifiée pour les femmes mariées, arguant, du reste, de l'intérêt des enfants.

« Ces obstacles reposent sur une division sociale et sexuelle des rôles et des tâches qui vouaient les hommes, seuls créateurs de richesses, à la production, et les femmes, à la reproduction. Epouses, mères, ménagères ou maîtresses de maison : telles étaient leur fonction et leur destinée, à laquelle les préparait une éducation qui longtemps a exclu ou minoré l'instruction, générale ou professionnelle. Le savoir, la science, qu'il s'agisse des humanités - le latin, cristal de la virilité étant interdit aux fille s ou des sciences et techniques, ne sont pas l'affaire des filles et des femmes. « Le grand défaut d'un femme », disait Joseph de Maistre, « c'est d'être un homme. Et c'est vouloir être un homme que de vouloir être savant. »

D'où un déficit durable en matière de qualification et la persistance de filières féminines scolaires ou universitaires moins considérées.

« Toutefois, le marché du travail s'est progressivement ou par à-coups, souvent liés aux guerres, ouvert aux femmes et la France, démographiquement déficitaire, s'est montrée plus ouverte que d'autres pays. Les femmes ont su tirer parti de cette conjoncture. Le féminisme a fait du droit au travail et du droit à l'instruction, avant même les droits politiques, ses revendications majeures, voyant dans le travail salarié le fondement de l'autonomie des femmes, mais aussi de leur accès au monde, et une forme de lien social. Ainsi les femmes sont-elles devenues des travailleuses à part entière. Au début du siècle, le pourcentage de femmes actives, même mariées, était le plus élevé du monde occidental. La Grande Guerre l'accrut encore, installant définitivement les femmes dans l'espace de l'usine.

Entre les deux guerres, les femmes restèrent sourdes aux injonctions de l'Etat nataliste. Elles abandonnèrent le travail à domicile pour entrer dans les usines et, de plus en plus, dans les bureaux. Après un temps de latence, l'emploi reprit dans les années 1965-1970 et les sociologues ont montré comment, dans les trente dernières années, les femmes sont devenues des salariées à part entière, toute l'année et toute leur vie, avec des cycles d'activité identiques à ceux des hommes. »

Michelle Perrot termine son propos en rappelant que

« l'égalité professionnelle des deux sexes en France est loin d'être réalisée. Certes des mesures législatives ne peuvent seules suffire à corriger un écart qui réside dans des systèmes de valeurs et de représentation de très longue durée. Mais elles peuvent y inciter. L'idéal de la parité ne concerne pas uniquement la politique, mais aussi les autres domaines de la vie, sociale et domestique, économique et culturelle. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette perspective. »

La proposition de loi qui vous est aujourd'hui présentée au nom du groupe socialiste est le fruit d'un long travail de réflexion collective, mené depuis plusieurs mois.

Les fondements de cette proposition de loi doivent beaucoup à la richesse de la concertation engagée avec les partenaires sociaux auprès desquels le texte élaboré recueille un large soutien.

S'inscrivant dans un mouvement qui a concerné tous les Etats membres de la Communauté européenne, la France s'est dotée avec la loi du 13 juillet 1983, dit « loi Roudy », des éléments indispensables à la garantie de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Les principales dispositions de la loi Roudy sont les suivantes : un principe général de non-discrimination et des dispositions particulières en matière notamment de salaire et d'embauche, des garanties reconnues aux salariés pour faire appliquer ce principe, une obligation pour les entreprises de produire un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes, une possibilité de négocier un plan d'égalité et la création d'une aide financière de l'Etat pour aider les plans d'égalité innovants.

On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité qu'il y a à revenir sur ce dispositif.

En fait, sans qu'il soit utile d'adopter une législation totalement nouvelle, il est nécessaire d'adapter les normes en vigueur sur quelques points précis.


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Cette proposition de loi ne constitue donc pas une remise en cause du dispositif législatif actuel et notamment de la loi Roudy, fondement essentiel du droit de l'égalité professionnelle, mais son prolongement naturel.

Elle cherche en outre à favoriser un mouvement similaire dans la fonction publique. Enfin, elle se veut une invitation aux partenaires sociaux à progresser vers une réduction des inégalités persistantes.

La loi Roudy reste un outil pertinent. Elle reste aussi malheureusement d'une actualité brûlante au point que l'on peut se demander si la réduction des inégalités persistantes entre hommes et femmes ne doit pas également emprunter d'autres voies que celle de la loi. Une réflexion sur celle-ci s'impose néanmoins.

Les inégalités sont de plusieurs natures. Subsiste une forte inégalité en termes de rémunération, même si celle-ci tend à se réduire depuis le début des années 70.

En moyenne, on relève encore 25 % d'écart entre hommes et femmes et, parmi les salariés à temps complet, les femmes ne représentent qu'un peu moins du quart des salariés les mieux payés. A l'inégalité de salaires s'ajoutent d'autres inégalités : sous-emploi, temps partiels plus fréquents, souvent subis, accès plus difficile à la formation professionnelle.

Certaines de ces inégalités témoignent du fait que l'égalité professionnelle n'est toujours pas respectée, voire parfois purement et simplement ignorée. Pourtant, la revendication reste discrète, le mécontentement diffus. Ce décalage s'explique notamment par la difficulté qu'il y a à d iagnostiquer sur le terrain, dans l'entreprise, des exemples concrets de discrimination fondée sur le sexe.

Il importe que le Gouvernement et le Parlement mesurent chaque modification de la législation du travail à l'aune de l'égalité professionnelle.

On aurait tort de voir dans le calendrier d'examen de ce texte la volonté de s'inscrire dans un sujet à la mode.

Si le débat sur la parité politique et les réformes sur lesquelles il a débouché ont incontestablement créé une dynamique, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit s'emparer de cette occasion, comme de celle offerte par la relance du dialogue social. Initiée par le mouvement de réduction du temps de travail, relayée par le débat sur le paritarisme et la décision des partenaires sociaux de négocier sur huit thèmes majeurs, dont celui de l'égalité professionnelle, cette relance du dialogue social offre un terrain idéal pour faire progresser l'égalité professionnelle non plus simplement dans les textes, mais aussi dans les faits et dans les esprits.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Tout à fait !

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

Cette maturation du dialogue social a été mise à profit pour mener depuis plus d'un an de multiples consultations sur l'égalité professionnelle.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M me Catherine Génisson, rapporteuse.

Enfin, la réflexion s'est trouvée enrichie par l'arrivée d'un nouvel acteur, la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont les travaux sur la présente proposition ont permis d'enrichir le texte et la réflexion. Je tiens ici à en remercier sa présidente, Martine Lignières-Cassou, l'ensemble de ses membres, et, bien sûr, son rapporteur, André Vallini.

Les recommandations faites par la délégation, ainsi que les nombreux amendements proposés, ont permis de faire progresser notre discussion et le texte. Je pense notamment à un amendement d'André Vallini concernant le harcèlement moral ou psychologique, qui n'a pas été retenu par la commission, mais qui, je l'espère, pourra être à nouveau débattu aujourd'hui.

Il est proposé dans ce texte de modifier la loi, non pour régler par cette voie, de façon immédiate, toutes les inégalités, mais pour aider à la négociation sur l'égalité professionnelle, au plus près des réalités.

Ainsi, le rapport de situation comparée, mis en place par la loi Roudy, n'a pas produit tous les effets escomptés. Tantôt absent, tantôt rendu difficile à utiliser p ar la surabondance des chiffres et/ou l'absence d'exploitation, il ne constitue pas à l'heure actuelle une source d'information suffisamment cohérente, comparable d'une entreprise à l'autre.

L'article 1er du présent texte propose donc de le modifier en le resserrant autour de critères définis par décret, moins nombreux, mais élaborés grâce à des indicateurs pertinents, auxquels peuvent s'ajouter des critères spécifiques définis dans l'entreprise. Le rapport devra ainsi permettre une analyse dynamique de la situation entre les femmes et les hommes. Parce qu'une telle analyse ne doit pas être appréhendée différemment dans le secteur privé et dans le secteur public, un amendement adopté par la commission permettra d'étendre le principe de ce rapport aux trois fonctions publiques. Une analyse comparable sera ainsi possible, pour apprécier la situation respective des femmes et des hommes, qu'il s'agisse du secteur privé ou du secteur public.

L'objectif central du présent texte est de compléter et d'améliorer le dispositif de négociation.

Ainsi, au niveau de la branche, l'article 6 de la proposition, tel qu'il a été modifié par la commission des affaires sociales, renforce l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes puisqu'il fixe à ces négociations une périodicité de trois ans. Par ailleurs, la négociation devient moins désincarnée puisqu'elle s'engage sur la base d'un rapport de situation comparée adapté à chaque secteur d'activité. Enfin, l'article 7 prévoit la prise en compte dans l'ensemble des négociations obligatoires au niveau de la branche de l'objectif d'égalité professionnelle.

Au niveau de l'entreprise, est créée, par l'article 3, une obligation spécifique de négocier annuellement sur la question. Lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. Le non-respect de cette disposition est passible de sanctions pénales - article 4.

L'article 5 dispose, par ailleurs, que l'ensemble des négociations obligatoires doit intégrer l'objectif d'égalité professionnelle.

Mais le texte ne porte pas uniquement sur la dimension obligatoire de la négociation en matière d'égalité professionnelle. L'article 8 permet ainsi d'étendre le bénéfice du dispositif des contrats d'égalité à tout accord collectif quel qu'en soit l'objet ou le niveau.

Ce point illustre la démarche qui est au coeur du texte.

La négociation doit s'emparer du thème de l'égalité professionnelle. Dans ce but, sont créés des rendez-vous spécifiques et obligatoires. Mais le texte invite également les négociateurs à prendre en compte volontairement le thème de l'égalité professionnelle dans le plus grand nombre possible de négociations.


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La négociation sur les 35 heures a montré l'intérêt d'une telle approche. Réfléchir sur l'organisation du travail, sur sa durée, sa forme - le temps partiel, par exemple -, y compris en termes d'égalité professionnelle, modifie les termes du débat, la nature de la réflexion. La complémentarité de la négociation spécifique et des négociations intégrées permettra de donner à l'égalité professionnelle la place qui devrait être la sienne, celle d'un thème naturel de discussion. La proposition de loi que nous allons examiner a le mérite de faire de l'égalité professionnelle le thème de nos débats, lui conférant, de ce fait, une plus grande lisibilité politique, signe de notre réelle volonté.

Il s'agit avant tout d'amorcer une évolution, sinon une révolution, des mentalités. De ce point de vue, on ne peut que se réjouir que la rencontre entre les partenaires sociaux du 3 février dernier ait abouti à l'inscription de l'égalité professionnelle parmi les huit thèmes majeurs de négociation à aborder dans les prochains mois.

Néanmoins, il nous faut constater, et les premières négociations sur la réduction du temps de travail l'ont bien montré, que cette évolution existe lorsque les femmes sont associées au processus de négociation.

Souvent, elles sont plus attentives à l'organisation de modes de travail. Elles sont à l'origine de l'apparition de thèmes de réflexion trop rarement traités jusque-là : heures des réunions, caractère choisi du temps partiel, délais de prévenance et de nombreux autres critères.

Elles permettent un enrichissement de la négociation pour l'ensemble de la collectivité.

C'est pourquoi j'espère que l'évolution des syndicats permettra aux femmes d'être plus massivement présentes en leur sein, afin qu'elles s'expriment dans les lieux de négociation, de décision.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très bien !

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

En conclusion, les femmes continuent d'évoluer dans un univers professionnel construit, structuré par les hommes. La réussite éclatante de certaines d'entre elles ne saurait occulter le sentiment qu'ont la plupart de ne pas être reconnues à leur juste valeur, de ne pas être traitées de la même façon que les hommes, quels que soient leur niveau de qualification, leur catégorie professionnelle, notamment dans l'entreprise, l'artisanat, le commerce, les professions libérales.

La norme est désormais que les femmes et les hommes travaillent. Notre réflexion commune devra donc déboucher sur des sujets essentiels pour les femmes, mais aussi pour les hommes. Il nous faudra donc dans les prochains mois, cela me semble primordial, travailler à une plus grande articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.

Concernant la formation professionnelle, je me réjouis que le projet de loi de modernisation sociale, que nous examinerons prochainement, aborde le sujet de la validation des acquis.

Mais si l'ensemble des acteurs et partenaires doivent s'approprier le thème de l'égalité professionnelle, l'Etat doit aussi contribuer à cette égalité par des actions telles que la publication de statistiques sexuées, ou l'élargissement de l'éventail des filières de formation initiale proposées aux jeunes filles. Je me félicite de la convention qui vient d'être signée entre le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes. L'Etat doit également agir de façon plus directe, plus immédiate, par son pouvoir de nomination, en veillant à une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dans lesquelles il désigne des membres.

Enfin, et ce n'est pas le moindre de ses devoirs, l'Etat doit favoriser l'égalité professionnelle en tant qu'employeur. Sans entrer dans le détail de ces dispositions, qui seront présentées par Mme Nicole Feidt, rapporteuse au nom de la commission des lois saisie pour avis, et que je tiens à remercier chaleureusement pour la qualité de son travail, je me bornerai à indiquer qu'il s'agit de favoriser une représentation équilibrée des deux sexes au sein des jurys et des instances paritaires constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires.

Les débats menés par la commission et par la délégation parlementaire aux droits des femmes ont permis de proposer, par voie d'amendements, la suppression de dispositions jugées trop peu contraignantes pour l'Etat luimême, et qui étaient, dans leur formulation, j'ose le dire, provocatrices quant à la définition de la présence des femmes et des hommes. Je ne peux que m'en réjouir.

Je remercie les membres de la commission des affaires culturelles et de la commission des lois, avec une attention particulière pour leurs présidents, Mme Catherine Tasca et M. Jean Le Garrec, pour la qualité de leurs travaux.

Enfin, j'assure Mme Nicole Péry, qui considère l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comme l'un des piliers de la rénovation de notre vie publique, économique et sociale, et qui n'a cessé, depuis sa prise de fonctions, de travailler en ce sens, de notre chaleureux soutien et de notre détermination à défendre l'égalité des femmes et des hommes.

Le chemin reste long, dans le public comme dans le privé, pour que les mentalités évoluent et que l'égalité professionnelle soit non plus surtout le problème des femmes, mais tout autant celui des hommes. En amont, les travaux avec les partenaires sociaux ont été constructifs. Je souhaite un débat en séance serein, sans concession mais positif pour favoriser l'égalité d'accès des femmes et des hommes à tous les emplois, à tous les métiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de l a législation et de l'administration générale de la République.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre de la fonction publique, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie pour avis sur le titre II de la proposition de loi concernant la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

L es femmes sont majoritaires dans la fonction publique. Cependant, un examen approfondi des effectifs révèle une grande disparité suivant les administrations, les corps et les niveaux hiérarchiques. Ainsi, les femmes représentent, en 1998, 55,2 % des agents civils de l'Etat et 59,6 % des effectifs totaux de la fonction publique territoriale.

Les informations dont nous disposons sur les effectifs de la fonction publique territoriale et leur répartition sexuée manquent de fiabilité. Cela concerne 1,4 million d'agents répartis entre 50 000 employeurs locaux. Un décret du 9 février 2000 devrait cependant permettre de


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disposer d'éléments d'informations fiables sur la mixité dans la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat.

Les données disponibles nous indiquent une féminisation plus ou moins marquée selon les secteurs. Je citerai des ministères, comme celui chargé des affaires sociales, celui de l'économie et des finances, ou bien encore celui des anciens combattants, où la place des femmes dans les effectifs est restée majoritaire, même si elle connaît une légère régression. Elle est également majoritaire dans le secteur de l'enseignement scolaire ; elle a même progressé.

A l'inverse, les hommes sont majoritaires à plus de 70 % dans les ministères de la coopération, de l'équipement, et de l'intérieur - même si un effort important est réalisé depuis 1980, ce ministère ne compte que 27,6 % de femmes dans ses effectifs.

S'il apparaît que les femmes sont plus nombreuses dans les secteurs traditionnels comme l'éducation et le social, pour reprendre les termes employés par Mme Colmou dans son rapport, en revanche on constate une moindre féminisation de l'enseignement supérieur, les femmes n'y représentant, en 1998, que 45,1 % des effectifs.

Le taux de féminisation de la fonction publique territoriale ne peut faire l'objet que de remarques générales, compte tenu de l'insuffisance des données statistiques mais, selon nos informations recueillies lors des auditions que nous avons menées, il semble que les femmes se concentrent dans les emplois non titulaires, en particulier dans les petites communes et qu'elles sont affectées en majorité aux tâches d'exécution.

On constate, en effet, que 80,7 % des postes de la catégorie C de la fonction publique territoriale sont occupés par des femmes et qu'au sein de la fonction publique d'Etat, la catégorie B demeure la plus féminisée.

Au fil des années, la catégorie A, quant à elle, progresse.

Toutefois, le pourcentage de femmes dans les emplois de direction et d'inspection générale est faible : on en recense 13,1 % au 1er juin 1999. Entre 1998 et 1999, la proportion de femmes occupant un emploi de directeur d'administration centrale a augmenté malgré la réduction des postes de direction dans les ministères. Voilà qui constitue une amélioration.

Quant aux emplois supérieurs, laissés à la décision du Gouvernement et dont la liste est fixée pour chaque administration par un décret en Conseil d'Etat, ils ne comptent, en 1999, que 8,9 % de femmes.

On pourrait, à l'envi, utiliser les chiffres et relever des disparités de la représentation féminine dans les administrations en fonction des postes à pourvoir, mais, en raison de la situation statutaire des agents et du souci de transparence affiché par le ministère de la fonction publique, les avancées dans le domaine de l'égalité professionnelle dans la fonction publique ne peuvent avoir lieu que dans un cadre très précis.

Le projet de circulaire qui devrait être signé rapidement par le Premier ministre prévoit des plans pluriannuels d'amélioration de l'accès aux emplois et aux postes d'encadrement supérieur de la fonction publique.

Mais cette approche exclut le choix d'une solution radicale comme l'instauration de quotas, qui ne serait pas adaptée à notre fonction publique et qui serait fondée sur le principe de la promotion au mérite. Seuls les concours ouvrent aux carrières de la fonction publique. L'institution de quotas pose donc des problèmes, tant juridiques que d'opportunité.

Quelles sont les modifications notables ou formelles de la proposition de loi que nous examinons ? Elle instaure une représentation des deux sexes au sein des instances compétentes pour le recrutement, l'avancement, la gestion de carrière des fonctionnaires, les jurys, les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires.

La commission des lois a examiné l'article 13 concernant les discriminations en raison du sexe. Je rappelle à ce propos que l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 contient déjà l'ensemble des dispositions relatives à la non-discrimination entre les fonctionnaires en raison du sexe. Elle en propose cependant une nouvelle rédaction.

Reprises dans le rapport de Mme Anne-Marie Colmou, les propositions visent à l'article 6 un ordonnancement plus satisfaisant, de façon que ne soient pas mis sur le même plan la liberté d'opinion, la liberté syndicale, les handicaps physiques et le harcèlement sexuel.

Introduites dans le statut général des fonctionnaires par la loi du 2 novembre 1992, les dispositions relatives au harcèlement sexuel feront l'objet d'un article 6 ter dans le titre premier du statut. Ces dispositions sont identiques à celles figurant dans le code du travail de telle sorte qu'il n'y ait pas de disparité entre les législations applicables à la fonction publique et celles applicables au secteur privé.

Le troisième alinéa de l'article 13 de la proposition prévoit des recrutements distincts pour les femmes et pour les hommes lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions. Je l'indique dès maintenant, cette disposition n'a pas été retenue par la commission des lois.

Pourtant, ces recrutements dérogatoires ne peuvent conduire à exclure du recrutement l'un ou l'autre sexe, mais seulement à permettre un recrutement distinct. Leur organisation n'est pas laissée à la libre appréciation de l'administration puisque le principe même des recrutements est défini par la loi et leur liste établie par décret en Conseil d'Etat, après consultation du Conseil supérieur de la fonction publique compétent.

Le texte proposé pour le dernier alinéa de l'article 6 bis autorise l'administration à effectuer le distinguo entre les hommes et les femmes lors de la désignation des membres des jurys ou de comités de sélection.

Depuis quinze ans, les circulaires successives ont rappelé la nécessité de féminiser les jurys de concours, tant pour les concours de recrutement et pour les examens professionnels que pour ce qui concerne les membres des jurys et leurs présidents. Les directeurs du personnel, consultés dans le cadre des auditions, nous ont indiqué que les objectifs fixés par les circulaires n'avaient pas été atteints. L'ENA signale, quant à elle, que, depuis quelques années, la place des femmes dans les jurys progresse.

L'objectif poursuivi à travers la mise en place de cette dérogation au principe de non-discrimination entre les sexes est non pas de favoriser le recrutement et la promotion des femmes, mais de concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des jurys constitués pour le recrutement et l'avancement des agents. En sont exclus les membres des jurys élus, nommés ès qualités ou tirés au sort.

Si cet objectif doit prendre une forme législative, c'est en raison de l'opposition du Conseil d'Etat au décret init ialement envisagé par le ministère de la fonction publique.

De la même manière, est prévu le principe d'une représentation équilibrée au sein des organismes consultés, d'une part les CAP, commissions administratives paritaires, sur les décisions individuelles relatives à la carrière


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des fonctionnaires, d'autre part les CTP, comités techniques paritaires, pour les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services.

L a représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des commissions administratives paritaires relatives à la fonction publique de l'Etat est prévue dans chaque corps d'état. Ces commissions sont composées à parité de représentants de l'administration et du personnel, représentants renouvelés tous les trois ans.

Le souci de garantir une représentation équilibrée des hommes et des femmes impose à l'administration de désigner ses représentants en respectant une proportion d'hommes et de femmes fixée par décret en Conseil d'Etat, tout en sachant que nous courons toujours le risque de voir les femmes occuper les postes de suppléantes.

Il apparaît également qu'une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes n'implique pas la parité dans la fonction publique.

Le ministère de l'agriculture a fait valoir le peu de féminisation dans certains secteurs d'activité. Certains corps spécifiques tels que les corps techniques ont un très faible taux de mixité. A l'inverse, le ministère de l'éducation nationale, compte tenu de la faible proportion d'hommes dans les services déconcentrés, a souligné les difficultés que pourrait susciter l'application de ce dispositif.

Les comités techniques paritaires, institués dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics, sont composés à parité de représentants de l'administration et de représentants du personnel désignés par les syndicats. Pour la désignation de ses représentants, l'administration devra prévoir les mêmes dispositions que celles qui sont prévues pour les CAP, c'est-à-dire un meilleur équilibre entre les sexes.

De même, le principe d'une représentation équilibrée entre les sexes peut se heurter à des exigences de qualification, dans la mesure où, dans certains secteurs, le vivier de femmes fonctionnaires pourrait se révéler insuffisant, alors que, à l'inverse, dans d'autres corps, c'est le vivier des hommes qui pourrait accuser une certaine faiblesse.

Par ailleurs, la représentation du personnel désigné par les syndicats peut poser problème. En l'espèce, il semble difficile d'imposer une représentation équilibrée aux organisations syndicales représentatives.

Dans l'article 17, la représentation équilibrée des sexes au sein des jurys de concours de recrutement de la fonction publique autorise des statuts particuliers à déroger à la proportion fixée des hommes et des femmes. La mixité serait assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, ce que la commission des lois a rejeté. Il nous semble plus satisfaisant de nous en tenir à une représentation équilibrée des hommes et des femmes.

Au chapitre III portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, on relèvera que la proposition de loi ne prévoit pas ici de dispositions relatives aux CAP et aux CTP, qui comptent des élus en leur sein.

Ces élus y sont désignés par l'assemblée délibérante.

Les représentants du personnel sont, eux, élus au scrutin de liste à deux tours, avec représentation proportionnelle, ce qui a pour corollaire une absence de femmes très fortement dénoncée par nos collègues de la délégation parlementaire aux droits des femmes.

L'obligation de composer des jurys de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les sexes est imposée aux jurys dont les membres sont désignés par l'autorité organisatrice de concours compétente. Il s'agit, pour la fonction territoriale, du Centre national de la fonction publique territoriale pour les concours et les examens professionnels de la catégorie A et B, et des centres de gestion pour les concours et examens professionnels de la catégorie C.

Les dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière introduisent de la même façon une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des jurys et des commissions administratives paritaires.

Les comités techniques paritaires et les comités techniques d'établissement de la fonction publique hospitalière ne sont pas concernés. On verrait difficilement imposer, lors de la composition de ces instances, une représentation égalitaire en raison de la présence de membres de droit - président de l'assemblée délibérante, ainsi que ses représentants, et directeur d'établissement. Je rappellerai que les comités techniques ne comportent que des représentants du personnel élus par collège, conformément à l'article L. 714-17 du code de la santé publique.

L'application de certaines dispositions pourrait soulever plusieurs difficultés, compte tenu de l'hétérogénéité des structures hospitalières : on peut avoir 10 000 salariés dans 1 000 établissements publics de santé comme une cinquantaine de personnes dans de petits établissements locaux.

Afin de traduire le principe de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, il est proposé d'ajouter, en reprenant la même formule que celle retenue pour la fonction publique d'Etat, que le choix des représentants de l'administration respecte une proportion d'hommes et de femmes fixée par décret en Conseil d'Etat.

La commission des lois a rejeté des amendements qui tentaient d'accorder un peu plus d'espace aux femmes en matière de représentation égalitaire. Leur présence plus nombreuse dans les commissions administratives paritaires, dans les comités techniques paritaires, est considérée comme un objectif à atteindre. En l'état actuel, la présence des femmes dans la représentation syndicale est certes limitée, mais la commission des lois estime que le législateur ne doit pas se substituer aux syndicats pour la désignation des membres des CTP et encore moins pour l'élection du collège électoral des fonctionnaires des corps qui participent aux travaux des commissions administratives. Sinon, un recours permettrait à tout moment de rendre caduques toutes les décisions prises au sein de ces structures.

Nous le savons, se priver de la ressource que représente la présence des femmes est dommageable pour la fonction publique tout entière, et la volonté de s'inscrire, d'une part, dans la dynamique de la parité, qui voit la question de la place des femmes dans l'organisation sociale mise sur le devant de la scène, d'autre part, dans la réforme de l'Etat, a poussé la commission à voter la proposition de loi. Comme l'affirme Mme Colmou : « L'administration a besoin du génie féminin pour se moderniser. » Bien sûr,

nous apprécions les petits pas, mais j'ajouterai, à l'intention de M. le ministre de la fonction publique, que les femmes mériteraient mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.


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M. André Vallini.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, un demi-siècle après que le préambule de la Constitution de 1946 eut posé le principe selon lequel

« La loi garantit à la femme des droits égaux à ceux des hommes », et plus de quinze années après l'entrée en vigueur de la loi Roudy du 13 juillet 1983, force est de constater que le principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est loin d'être devenu réalité.

Le constat est connu, Catherine Génisson et Nicole Feidt l'ont retracé avant moi : salaires, formation, précarité, temps partiel subi, taux de chômage, partout les femmes sont en situation d'infériorité.

A cela, il faut ajouter le fameux « plafond de verre » ou

« plancher collant » comme disent les Canadiens, qui fait que, par exemple, on compte seulement sept femmes P-DG sur les 400 premières entreprises françaises. Dans la fonction publique, monsieur ministre, la situation n'est pas meilleure : un emploi de haut fonctionnaire sur huit est occupé par une femme, et on trouve, par exemple, cinq femmes sur cent neuf préfets, quatre femmes sur trente recteurs, neuf femmes sur cent cinquante-sept ambassadeurs, neuf femmes sur soixante-quatorze inspecteurs des finances, quarante femmes sur deux cent un membres du Conseil d'Etat, vingt-neuf femmes sur deux cent dix-sept membres de la Cour des comptes, une femme sur vingt-neuf directeurs de centre hospitalier universitaire.

La proposition de loi que Catherine Génisson présente au nom du groupe socialiste, après avoir remis au Premier ministre un excellent rapport sur l'égalité professionnelle, aborde en parallèle, et c'est très heureux, l'égalité professionnelle dans le secteur privé et dans la fonction publique.

Intervenant au nom de la délégation parlementaire aux droits des femmes, je souhaite vous présenter les principales recommandations que celle-ci a adoptées.

La délégation a souhaité d'abord réaffirmer la nécessité de favoriser l'égalité professionnelle dans toutes les politiques publiques concernant la formation initiale, la formation professionnelle et l'emploi.

Au titre d'une approche intégrée de l'égalité professionnelle, la délégation juge souhaitable d'exiger davantage d'informations sexuées sur la vie de l'entreprise, notamment dans le cadre du bilan social, du plan de formation ou de l'analyse des conditions de travail et des risques professionnels.

Dans le même esprit, le rapport déposé tous les deux ans par le Gouvernement sur les bureaux des assemblées parlementaires et qui ne fait que décrire la situation existante, devrait s'accompagner, pour chaque ministère, d'objectifs chiffrés et d'une définition précise des évolutions à mettre en oeuvre et à présenter chaque année aux instances paritaires de la fonction publique.

La délégation estime aussi qu'il est nécessaire de mieux faire connaître aux jeunes filles tous les métiers, toutes les carrières et toutes les filières du secteur privé comme du secteur public, notamment par de grandes campagnes d'information, par une formation et une sensibilisation des conseillers d'orientation, par une promotion des concours et des grandes écoles qui démontre leur accessibilité aux femmes comme aux hommes.

La délégation pense également que la désignation, par l'administration, de ses représentants dans tous les organismes gérant le recrutement et la carrière des fonctionnaires devrait prévoir une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

De même, il conviendrait de prévoir une représentation équilibrée des élus locaux au sein des organismes paritaires de la fonction publique territoriale, là aussi avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

Enfin, la délégation pense que l'Etat devrait inciter les syndicats, qui ne sont pas assez féminisés, tant s'en faut, à équilibrer leur représentation, notamment au sein des organismes paritaires des trois fonctions publiques - fonction publique d'Etat, fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale - là encore avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010. Les partis politiques font actuellement de grands efforts pour se féminiser ; les syndicats devraient faire de même.

S'agissant de la notion de « représentation équilibrée », qui se distingue de la notion, beaucoup plus restrictive, de « mixité », la délégation estime qu'elle devrait être précisée afin de limiter la marge d'appréciation du pouvoir réglementaire dans son application.

Concernant la lutte contre le harcèlement sexuel, la d élégation pense qu'elle devrait faire l'objet d'une réflexion, dans les entreprises comme dans la fonction publique, et qu'à cet égard le rapport de situation comparée et les négociations qui en découlent, de même que les débats au sein des instances paritaires dans l'administration, sont des cadres propices à une meilleure prise en compte de cette question.

Quant au fléau grandissant d'un autre harcèlement, qui est peut-être encore plus répandu, à savoir le harcèlement moral et psychologique dans les rapports de travail, la délégation pense qu'il est urgent d'établir un cadre juridique précis afin de permettre aux organes représentatifs des personnels d'en débattre, dans le secteur privé comme dans la fonction publique. Nous aurons l'occasion, lors de l'examen des amendements, de revenir sur le sujet.

L'inspection du travail, qui est en quelque sorte le bras armé du Gouvernement pour faire respecter l'égalité professionnelle dans le secteur privé, n'est pas dotée de moyens suffisants pour remplir toutes ses missions. Le constat est bien connu. La délégation souhaite donc, madame la secrétaire d'Etat, que l'inspection du travail dispose de moyens supplémentaires qui lui permettent de contrôler la mise en oeuvre de l'égalité professionnelle dans les entreprises comme au niveau des branches.

En effet, et nous le savons trop bien, mes chers collègues, voter une loi, c'est bien et ce n'est pas toujours facile. Mais la faire appliquer, c'est beaucoup mieux et c'est souvent bien plus difficile.

En terminant, mesdames, messieurs, je vous demande de méditer cette phrase d'un homme illustre qui aima passionnément les femmes : « L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et permettrait de doubler les capacités intellectuelles du genre humain. » Il était, comme moi, de l'Isère

et il s'appelait Stendhal.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Excellente référence !

Mme Nicole Bricq.

Très belle citation !

M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Deux siècles plus tard, son voeu est loin d'être réalisé, en dépit de progrès indéniables. Pour continuer de s'en rapprocher un peu, il faut voter la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux d'intervenir à cette tribune en tant que président de la commission des affaires culturelles pour soutenir les excellentes interventions de Catherine Génisson, Nicole Feidt et André Vallini, qui a fait une très belle citation de Stendhal, que j'ai beaucoup appréciée.

Je suis très heureux d'être président de cette commission car c'est elle qui comprend le plus de députés femmes, soit 18 %, alors que la moyenne est d'un peu moins de 10 %. On est encore loin de la parité, il est vrai. Mais je me flatte d'avoir souligné le rôle des femmes dans cette commission, leur volonté, leur permanence, leur continuité dans l'action et, souvent, leur courage.

De plus, notre commission travaille pour l'essentiel avec des ministres femmes : vous-même, madame la secrétaire d'Etat, mais également Martine Aubry, Catherine T rautmann, Marie-George Buffet, Dominique Gillot - qui en est issue -, et Michelle Demessine. De nombreux textes ont été travaillés avec des ministres femmes et, s'il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le rôle des femmes dans le gouvernement du Premier ministre Lionel Jospin, je peux témoigner que l'action permanente que nous menons avec vous au sein de notre commission est d'une très grande qualité.

Ce qui est vrai en politique, la marche vers la parité doit le devenir dans l'entreprise - mais, en ce domaine, il reste du chemin à parcourir - et dans les fonctions publiques, pour lesquelles, monsieur le ministre, le chemin sera encore plus long.

Madame Pelletier, qui a été ministre chargée de la condition féminine, a cité, ce matin, une estimation du Bureau international du travail selon laquelle il faudrait quatre cent soixante-dix années pour que l'égalité professionnelle soit réalisée dans les entreprises. On mesure bien la longueur du chemin qui reste à parcourir ! Madame Génisson, vous venez avec Mme Feidt de défendre avec talent ce texte, qui n'est que le prolongement, la continuité de l'action entreprise par Mme Roudy, que nous saluons tous et qui a eu, par le texte qu'elle a défendu avec brio en 1983, un rôle très important.

Deux questions sont posées depuis quelques jours. Je m'efforcerai non pas d'y répondre, mais d'apporter ma contribution à une réponse.

Première question : pourquoi voter une loi qui ne va pas assez loin et qui ne serait donc pas nécessaire ? Seconde question : pourquoi légiférer alors que les part enaires sociaux, comme vous l'avez souligné, madame Génisson, viennent de s'emparer du sujet dans un texte qu'ils ont adopté le 3 février ? La proposition de loi n'irait pas assez loin et elle ne serait donc pas nécessaire ? Je ferai d'abord une remarque de bon sens, qu'il faut répéter à l'infini : l'égalité n'est pas un mouvement naturel de la société.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

Très juste !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Il y a toujours un rapport du fort au faible, de celui qui est formé par rapport à celui qui ne l'est pas, et de l'homme par rapport à la femme.

Ce principe d'égalité inscrit sur tous nos bâtiments n'a progressé qu'à grands renforts de mouvements politiques et de coups d'épaule, si ce n'est de coups de gueule. La loi marque une nécessité permanente. Dire qu'il n'est pas nécessaire de légiférer est donc absurde car cette nécessité est totalement contenue dans le mouvement d'une démocratie.

Cela dit, cette loi n'a de sens que si elle ne fait qu'un pas en avant : elle perd tout intérêt si elle se projette trop loin vers l'avenir et si elle n'encadre pas le chemin qui peut être parcouru dans des conditions raisonnablement optimistes de réalisation. Or c'est exactement ce que vous faites : vous parcourez un bout du chemin et non la totalité - vous n'avez d'ailleurs jamais eu la prétention de le faire. Vous avancez d'un pas en renforçant, une fois de plus, ce qui est fondamental dans l'entreprise, à savoir l'obligation de négocier.

Cette obligation, je le rappelle, est inscrite précisément dans la loi sur les 35 heures et est liée à l'établissement d'un accord et à l'allégement structurel qui l'accompagne.

Dans cette obligation à négocier prévue par la loi sur les 35 heures, nous avons intégré tous les thèmes du débat d'aujourd'hui : la réduction du temps de travail, l'organisation du temps social, à propos de laquelle nous avons eu, monsieur le président, un débat avec vous-même.

Dieu sait si l'organisation du temps social est une priorité. Je n'oublierai pas le temps choisi ni l'accompagnement de la formation. Ainsi, tous les éléments essentiels rappelés dans la proposition de loi renforcent encore davantage ce que nous avons écrit dans le texte sur la réduction du temps de travail.

J'ajouterai qu'il faut aussi, madame la secrétaire d'Etat, bien montrer qu'il y a une transformation du rapport au travail, que nous sortons du « fordisme » vers une autre vision de l'organisation du travail. Mais rien n'est acquis et tout est à construire.

Un grand journal titrait hier, à propos des nouvelles techniques d'entreprise : « Les cybermachos sont parmi nous. » J'ai trouvé le titre extrêmement provocant mais

utile car on voit bien, là aussi, que ce n'est pas sous l'effet d'un mouvement naturel que les choses se mettent en place.

J'ajoute que nous allons débattre, au cours de la seconde quinzaine de juin, d'un texte sur la modernisation sociale. Ce texte comprendra un chapitre sur la formation professionnelle à laquelle nous attachons beaucoup d'importance, et un chapitre essentiel portant sur la validation des acquis laquelle, je crois, constituera également un moyen d'accompagner le mouvement vers l'égalité.

J'insisterai, madame, sur la situation des familles monoparentales. Dans 90 % des cas, elles ont à leur tête une femme qui assume toutes les réalités de cette situation. Les hommes « se sont tirés » - j'emploie à dessein une expression brutale - et ils ont tout laissé en plan. On rencontre nombre de situations de ce genre dans le NordPas-de-Calais.

La situation de ces femmes n'est pas suffisamment connue. Il faut essayer de la mettre davantage en évidence pour trouver des réponses, en renforçant peut-être les dispositifs de la loi contre les exclusions.

Pourquoi devrait-on légiférer alors que les partenaires sociaux ont décidé de s'emparer du problème ? D'abord, rien ne serait plus erroné que d'opposer démocratie sociale et démocratie politique. Ce serait une erreur capitale. La négociation doit s'appuyer sur la loi et le législateur doit prendre en compte le mouvement


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social. Il s'agit là d'un rapport dialectique de la société à la loi et de la loi au mouvement de la société. Or, jusqu'à ce jour, il faut bien reconnaître que, dans notre pays, la loi a le plus souvent été en avance sur le mouvement de la société.

S'il ressortait de cette négociation, que je salue et qui est très importante, des choses novatrices, il appartiendrait bien entendu au législateur, si cela était nécessaire, de les accompagner dans le mouvement de la loi pour mettre en place les dispositifs indispensables.

Il serait d'ailleurs temps que la situation s'inverse. En effet, il faut bien reconnaître que la représentation des femmes dans le mouvement syndical est relativement faible, même si quelques-unes y ont une grande importance. Celle des femmes dans les organismes représentatifs est quant à elle extrêmement faible.

Nous n'avons pas de leçon à donner et nous n'en donnons pas. Nous avons à gérer nos propres problèmes, et en particulier le débat sur le paritarisme en politique, mais nous devons aussi reconnaître que le mouvement de la société en la matière doit s'accélérer. Nous sommes év idemment très attentifs à son amplitude et à son organisation.

En ce qui concerne le titre II, monsieur le ministre, je voudrais vous dire ma relative déception.

Mme Nicole Bricq.

Vous pouvez supprimer le mot

« relative » !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

J'ai usé d'une formule de correction, madame.

L'Etat patron ne donne pas suffisamment l'exemple.

J'ajoute, monsieur le ministre, pour connaître un peu vos fonctions car j'ai eu moi-même à les assumer que, dans ce mouvement de réforme, l'Etat devrait pouvoir s'appuyer plus qu'il ne le fait sur les femmes. En la matière, je considère que les hommes sont extrêmement conservateurs. Je ne sais si, comme l'a dit Mme Feidt, les femmes ont du génie, mais elles ont au moins le sens du mouvement.

Je sais que votre tâche est difficile, mais en l'occurrence c'est le mouvement qui déplace les lignes qui nous manque le plus ! Il serait donc utile de faire bouger les choses. Mais cette remarque m'est très personnelle ; je n'ai pas à vous faire de recommandations.

Mme Nicole Bricq.

Nous partageons votre remarque !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Pour conclure mon intervention, je vous raconterai, mesdames, messieurs, car nous sommes ici entre nous, une petite anecdote personnelle.

Je suis le mari d'une femme qui a beaucoup milité et qui a contribué à un mouvement féministe. Un de ses premiers livres avait pour titre Les Messagères. Et pendant des années, au cours de réunions de militants sur le terrain, on m'a demandé si j'étais le « mari d'Evelyne » (Sourires) , ce que j'ai toujours considéré comme très flatteur.

Je trouve que Les Messagères, c'est non seulement un beau titre, mais aussi un beau message pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteuses, mesdames, messieurs, les femmes ont conquis au XXe siècle une égalité de droit qui marque un tournant historique dans leur marche vers l'égalité : l'égalité devant l'éducation, le droit de vote, l'émancipation juridique visà-vis du père et de l'époux, la maîtrise de la maternité, l'égalité professionnelle et, aujourd'hui, la parité politique.

Les jeunes femmes ne connaissent pas forcément très bien notre histoire commune, mais elle savent que leurs mères se sont battues. Elles veulent bénéficier de tous les droits acquis. Une enquête qualitative de la SOFRES réalisée à ma demande a confirmé ce que nos filles nous disent : elles veulent les moyens d'exercer leurs droits, une égalité dans les faits, et se retournent vers les pouvoirs publics tant les comportements tardent à évoluer. Il faudra des siècles, comme l'a dit M. le président de la commission des affaires sociales, si nous laissons les choses évoluer naturellement.

Aussi le Gouvernement a-t-il pris des mesures afin d'accélérer la marche vers l'égalité.

Le partage du pouvoir dans la vie politique - je le pense réellement - permettra de mettre davantage l'accent sur les autres inégalités, en particulier sur les inégalités professionnelles, de salaires, de carrière, de statut et de formation. Il les rendra encore plus inacceptables au regard de la loi d'Yvette Roudy de 1983.

De même, l'accès plus fréquent des femmes au pouvoir contribuera à légitimer leur accès aux responsabilités dans les entreprises, qui n'est toujours pas intégré dans les mentalités. Il n'y a que 7 % de femmes parmi les cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises, alors qu'elles occupent 80 % des emplois d'ouvriers et d'employés.

Quelle photographie pourrait-on faire de la situation des femmes de l'an 2000 dans le monde du travail ? Les femmes ont quasiment toutes la volonté d'avoir une activité professionnelle, même lorsqu'elles ont des enfants, pour assurer leur autonomie financière, valoriser leurs études et participer à la vie sociale. Aujourd'hui, 80 % d'entre elles, entre vingt-cinq et cinquante ans, sont actives. Elles ont conquis une place dans le monde du travail tout en assumant, comme par le passé, la responsabilité de la vie familiale. Les femmes ont aujourd'hui une vie quotidienne multiple - ce que d'autres appellent la

« galère » au quotidien -, qui les empêche souvent d'exercer des responsabilités plus importantes ou qui devient simplement insupportable, en particulier pour celles qui sont seules - on a rappelé ce matin l'importance des familles monoparentales - ou qui ont de faibles revenus.

Vous connaissez les chiffres clés de l'inégalité, j'en citerai quelques-uns. Le taux de chômage est de 12,5 % pour les femmes contre 9 % pour les hommes. La situation des jeunes filles notamment n'est pas toujours évoquée, mais 22 % d'entre elles sont au chômage, contre 17 % des garçons. En outre, un écart moyen de rémunération de 25 % subsiste. Les chances d'accéder à une formation professionnelle pour une femme de plus de trente-cinq ans sont deux fois moins importantes que pour un homme. Les femmes occupent l'essentiel des postes à temps partiel, le plus souvent subi, et des contrats précaires. L'organisation même du monde du travail s'est transformée, mais je n'hésite pas à dire que les femmes en subissent plus le contrecoup que les hommes. Parallèlement, leur entrée massive dans l'enseignement supérieur leur a permis d'accéder à des postes de cadres et de responsabilités intermédiaires. Elles aiment créer leur entreprise et prendre des risques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

Face à cette situation le Gouvernement a d'abord souhaité des expertises et une concertation. Les excellents rapports de Béatrice d'Intignano et de Catherine Génisson ont montré la nécessité d'une approche globale de l'égalité professionnelle. Les écarts de salaires s'expliquent non seulement par des discriminations, mais surtout par des inégalités structurelles d'orientation professionnelle et de déroulement de carrière. Seule une action globale, mobilisant l'éducation nationale, la politique de l'emploi et de la formation, la politique familiale et les partenaires sociaux, permettra de remédier aux origines de l'inégalité.

Cette orientation est celle du Gouvernement et rejoint ma conviction, forgée par l'expérience européenne, de la nécessité d'une approche globale.

Quelles sont les réponses du Gouvernement face à cette approche politique globale ? Je mène cette approche en partenariat avec plusieurs ministres et je n'en citerai que quelques exemples concrets.

Tout d'abord, j'ai la conviction qu'il faut dispenser en amont, et très tôt, une éducation non sexiste. J'ai signé une convention avec l'éducation nationale le 25 février dernier. Cinq ministres sont concernés. Cette convention vise à élargir les choix professionnels des filles. Je rappelle que 60 % des femmes se concentrent sur six groupes professionnels sur trente-cinq. Ces six groupes ne représentent que 30 % des emplois, ce qui explique le chômage structurel des femmes. De l'école primaire à l'enseignement supérieur, il est impératif de modifier la représentation des rôles des hommes et des femmes dans la société, des relations entre les sexes, ainsi que l'image des filières et des métiers.

Au-delà de cette approche de fond visant à privilégier une éducation non sexiste et non violente, une politique dynamique en matière d'orientation scolaire va être engagée. Mes chers collègues Claude Allègre et Ségolène Royal ont fait preuve d'une grande écoute sur ce sujet. Cette politique dynamique en matière d'orientation scolaire permettra de mieux accompagner les choix d'orientation des élèves, en partenariat avec les familles, le professeur principal, le conseiller d'orientation et l'ensemble de la communauté éducative. L'information sera développée tout au long de la scolarité sur les filières et les métiers, en partenariat avec les entreprises et les régions.

A ce titre d'exemple, l'orientation et l'insertion professionnelle des filles et des garçons dans sept filières et métiers feront l'objet d'un suivi et de propositions. En effet, les filles s'orientent vers trois filières qui connaissent des difficultés d'emploi, au moins pour les bas niveaux de qualification, par exemple dans le textile, alors que trois filières d'avenir, dont l'électronique, sont insuffisamment féminisées.

Un autre axe de la politique du Gouvernement consiste à favoriser l'insertion professionnelle des femmes.

Le plan national d'action pour l'emploi, que notre pays doit élaborer tous les ans depuis le sommet de Luxembourg, n'hésite pas à réserver aux femmes 55 % des dispositifs de lutte contre le chômage de longue durée et contre l'exclusion, avec une vigilance particulière pour les mesures qui conduisent à l'entreprise comme le contrat initiative-emploi ou les formations en alternance.

Je souhaiterais évoquer un troisième axe plus directement lié à mon autre compétence ministérielle : la formation tout au long de la vie.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce n'est pas dans la proposition ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. le président de la commission des affaires sociales a évoqué notre prochain rendez-vous de juin pour élargir les possibilités de validitation des acquis ouvertes en 1992. Cet élargissement bénéficiera en premier lieu aux femmes qui ont encore majoritairement aujourd'hui, un niveau de formation initiale plus faible que celui des hommes. La reconnaissance de l'expérience, tout au long de la vie, par un diplôme, un titre, une certification constitue une étape importante du projet de réforme que je conduis.

J'évoquerai un quatrième axe, prudemment car il ne relève pas directement de la compétence de l'Etat. Je pense au renforcement de la place des femmes dans les instances du dialogue social. La participation des femmes aux négociations dans les entreprises, dans les branches professionnelles, dans les organismes paritaires, permettra de mieux prendre en compte leurs préoccupations en matière d'égalité professionnelle, d'organisation du temps de travail et de garde des enfants. Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle a engagé, depuis décembre dernier, une réflexion pour améliorer la place des femmes dans les instances socio-économiques. Cette concertation avec les partenaires sociaux devra aboutir, d'ici à la fin de l'année, à des propositions de mesures permettant d'accélérer la marche vers l'égalité. Mais certains partenaires sociaux pensaient utile de conforter les dispositions d'égal ité en renforçant les obligations de négocier des employeurs. C'est pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui.

Cette initiative parlementaire vise à compléter de façon très positive la loi de 1983. Le renforcement des obligations des entreprises prévu dans la proposition de loi s'inscrit dans ce cadre global. La loi de 1983 est une excellente loi qui a substitué un cadre juridique égalitaire à des dispositions « faussement protectrices ». Cette loi, très en avance sur son temps, a imposé une égalité dans tous les domaines de la vie professionnelle. Ce cadre juridique est toujours d'actualité. En revanche, le cadre conventionnel, si déterminant pour les salariés, est resté en retrait depuis 1983. La négociation sur l'égalité professionnelle est très pauvre : trente-quatre plans d'égalité ont été signés depuis 1983. Les négociations sur la rémunération, la formation ou la réduction du temps de travail ne prennent pas non plus suffisamment en compte l'objectif d'égalité professionnelle.

Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, qui est saisi des textes législatifs et réglementaires relatifs à l'éga lité professionnelle, a étudié le projet de texte depuis septembre 1999. L'avis favorable des syndicats sur le texte est une condition nécessaire, car introduire une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle n'a de sens que si les syndicats s'en emparent. Ils ont conforté le texte en renforçant les obligations de négocier au niveau des branches professionnelles, de communiquer les informations aux salariés et ont souhaité que la loi prenne également en compte l'objectif d'égalité dans la fonction publique de façon spécifique et intégrée.

Depuis lors, les syndicats ont inscrit l'égalité professionnelle parmi les huit chantiers ouverts avec les représentants des entreprises dans le cadre du projet de

« refondation sociale », ce qui permet de penser que les nouvelles obligations de négocier ne resteront pas lettre morte. Les contrats d'égalité, élargis dans le présent texte, feront également l'objet prochainement d'un décret d'application. Ils permettront d'aider plus largement les accords d'entreprises les plus innovants, y compris par rapport à la garde des enfants, à une meilleure gestion des


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temps de vie et de carrière. Ces sujets sont d'ailleurs de c ompétence partagée. L'égalité professionnelle ne se construit pas seulement dans l'entreprise.

La mise en place d'une politique familiale plus féministe doit être prise en compte lors de la prochaine conférence de la famille dont l'un des thèmes est l'accueil de la petite enfance. Cette proposition de loi marquera une étape nouvelle dans la marche vers l'égalité professionnelle, en cohérence avec les mesures qui seront annoncées demain à l'issue d'un comité interministériel présidé par le Premier ministre, en cohérence également avec l'approche politique globale de l'égalité que je préconise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, l'Etat employeur se sent une responsabilité particulière. Il se doit d'être un exemple, à la fois parce qu'il occupe un rôle symbolique éminent et parce qu'il emploie un assez grand nombre d'agents pour avoir un rôle moteur important.

C'est avec cet objectif en tête que j'ai demandé à Anne-Marie Colmou, maître des requêtes au Conseil d'Etat, de se livrer à un travail dont elle m'a remis le résultat au début de l'année dernière. A la lecture de ce rapport, j'ai pu constater que si, globalement, les femmes sont en proportion équilibrée dans la fonction publique où elles représentent à peu près la moitié des agents, même un peu plus, je crois, elles sont beaucoup moins nombreuses dans l'encadrement, surtout dans l'encadrement supérieur, ainsi que dans certains corps techniques.

Je lisais, en effet, dans ce rapport que si 57 % des agents des trois fonctions publiques étaient des femmes, en décomposant ce nombre on en trouvait 71 % aux affaires sociales, 65 % à l'éducation nationale et seulement 26 % à l'intérieur. En outre si, parmi les cadres A de la fonction publique de l'Etat, les femmes représentent en tout 52 % des effectifs, hors éducation nationale, cette proportion tombe à 33,3 % et avec de fortes fluctuations selon les ministères, par exemple moins de 20 % à l'équipement.

Je lisais encore que si les femmes issues de l'ENA représentaient environ un tiers des promotions sortantes, par la suite on ne les retrouvait que pour 18 % en moyenne parmi les cadres de direction, 11 % dans des emplois de directeur, 18 % dans les inspections générales et 14 % dans les grands corps de l'Etat.

Un tel constat ne pouvait pas laisser le Gouvernement indifférent. Aussi a-t-il décidé de s'attaquer aux trois noeuds principaux de difficultés repérés par le rapport, à savoir le recrutement, la carrière et les modes d'organisation du travail. Les solutions proposées par AnneMarie Colmou permettaient d'avancer de façon progressive mais volontariste sur ces points. Elles ont donc été adoptées.

Nos premiers efforts ont commencé à porter des fruits encore limités, mais déjà sensibles. Le tout récent rapport élaboré à l'attention du Parlement par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique sur l'égalité entre les sexes dans la fonction publique apporte quelques satisfactions de ce point de vue. On constate à sa lecture qu'en un an seulement, entre 1998 et 1999, le pourcentage de femmes directeurs de services déconcentrés est passé de 6,3 à 7,1 %. C'est une satisfaction très limitée, j'en conviens, mais le mouvement est amorcé.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce n'est pas significatif du tout ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ce n'est pas grisant, madame Boisseau, je vous l'accorde.

M. Bernard Deflesselles.

C'est un euphémisme ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Mais nous sommes là pour changer les choses ! Le nombre de femmes directeurs d'administration centrale est passé de dix-neuf à vingt-et-un alors même que le nombre total de ces postes passait de 150 à 140.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est extraordinaire ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il est un peu facile de faire de l'ironie sur un passé dont nous sommes pas tous comptables à égalité ! On a ainsi assisté à la première nomination d'une femme directrice au ministère de la défense.

Pour les jurys de concours, la progression précède l'entrée en vigueur de mesures contraignantes. Ainsi, pour le jury de l'ENA, la part des femmes passe de 23 % en 1998, à 54 % pour le concours externe et à 31 % pour le concours interne en 1999. Pour les jurys des IRA, la proportion passe de 33 % en 1997 à 43 % en 1999.

Il reste à s'assurer que les efforts ne se relâcheront pas et à faire du souci d'égalité une partie intégrante du fonct ionnement des administrations. C'est pourquoi des mesures contraignantes restent nécessaires. Nous nous sommes attachés à les prendre et à réaliser un programme qui n'est, bien entendu, pas tout entier dans le texte en débat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Nous sommes rassurés ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je réponds par là même à l'expression d'une certaine déception dont a fait état Jean Le Garrec. En effet, vous ne voyez qu'une partie du programme engagé, car si nous sommes amenés à adopter des mesures législatives, il reste entendu que la contrainte ne passe pas toujours par la loi. Certes, celle-ci est nécessaire et il faut rendre hommage à ce qui a été fait par Yvette Roudy, il y a déjà un certain temps. Mais lorsqu'il s'agit, par exemple, d'engager des ministres dans des actions volontaristes qui sont de leur compétence, c'est la circulaire du Premier ministre qui vaut obligation.

S'il s'agit de préciser la composition d'organismes administratifs, il faut passer par le décret. Nous avons utilisé toutes ces voies. Vous n'êtes aujourd'hui appelés à débattre que des modifications législatives. J'ajoute que si le Conseil d'Etat n'avait pas, dans sa sagesse, décidé d'imposer le recours à la loi pour les dispositions envisagées en matière de composition des jurys et des commissions paritaires, je ne serais pas intervenu dans ce texte de loi.

Le programme que nous avons engagé n'en est pas moins ambitieux et concret. Avant de vous demander d'adopter ces quelques dispositions législatives, je souhaite les replacer dans le cadre de ce programme d'ensemble.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

Qu'en est-il, d'abord, du recrutement ? La fonction publique recrute par concours, et le Gouvernement n'envisage pas un instant de modifier ce système égalitaire qui a fait ses preuves en permettant le recrutement d'agents d'excellence « selon leur talent et leur mérite ».

Toutefois, l'analyse des résultats des concours de haut niveau a révélé de réelles disparités. Les femmes sont moins souvent candidates et, en moyenne, plus sévèrement sélectionnées que les hommes dans les concours de recrutement de cadres supérieurs : ENA, Polytechnique, Ponts et Chaussées, Mines. A l'issue des cursus scolaires dans les grandes écoles administratives, elles obtiennent en moyenne des places de sortie moins bonnes que celles des hommes. Pourtant, d'autres études montrent que les femmes ont d'excellents résultats dans les filières universitaires, surtout dans celles du droit et de l'économie, deux disciplines qui sont utiles aux concours de la fonction publique. La difficulté des femmes à franchir l'obstacle des concours administratifs de niveau supérieur pose donc une vraie question.

Partant de là, on peut émettre l'hypothèse que les concours sélectionnent un type de profil étroit, ce qui pénalise sans doute les femmes et sûrement les services, car notre administration a besoin d'agents de profils très divers.

C'est pour creuser cette question que je suis sur le point, en liaison avec le ministre chargé de l'enseignement supérieur, d'installer un comité de pilotage qui réunira des fonctionnaires, des enseignants et des chercheurs.

Ce comité, comme le suggère le rapport de Mme Colmou, examinera les programmes des concours et la scolarité dans les écoles de fonctionnaires, afin d'y déceler d'éventuels obstacles à un recrutement plus diversifié. Puis il fera des propositions au Gouvernement.

Dans le même esprit, il est souhaitable que la composition des jurys chargés de sélectionner les fonctionnaires se rapproche de celle de l'administration, qui recrute selon ses besoins en compétences. La proposition de loi de Mme Génisson impose donc aux administrations de désigner davantage de femmes dans les jurys, lorsque leur choix n'est pas contraint par un texte statutaire ou une situation particulière. Vous noterez que les articles rédigés à cet effet utilisent les mots « représentation équilibrée » : c'est une notion réaliste, qui a l'avantage de permettre de pondérer l'équilibre selon la composition des administrations qui doivent être représentées.

Le décret d'application de la proposition de loi précisera les proportions à atteindre. Pour l'instant, le taux de 30 % est accessible dans la plupart des cas, exception faite de certains corps très uniformes, par exemple parmi les sages-femmes et les enseignants, où il est plus facile de trouver des femmes, ou parmi les techniciens, où il est plus facile de trouver des hommes. Nous n'avons pas voulu afficher une obligation irréalisable, qui aurait en réalité pour effet d'empêcher la formation des jurys, donc le recrutement. Mais n'oublions pas que la situation est loin d'être statique : l'ensemble du programme en cours va faire évoluer la composition de l'encadrement supérieur, celle des grands corps. Cela se reflétera dans la composition des instances concernées. D'autres mesures que nous mettons en place, vous et nous, car nous le faisons ensemble, par exemple la parité en politique, vont aussi y contribuer.

Le nombre de femmes dans la fonction publique diminue à mesure que l'on monte dans la hiérarchie, au point que certains parlent d'un « plafond de verre » qui bloquerait l'ascension des femmes.

Vous l'avez vu, chiffres à l'appui : depuis que le Gouvernement a décidé de faire preuve de volontarisme en la matière, les progrès sont déjà sensibles, bien qu'ils soient encore très insuffisants. Nous allons les conforter par une combinaison de décisions qui, prises ensemble, produiront toute leur efficacité.

Les commissions administratives paritaires - les CAP sont les organes chargés de donner leur avis sur les carrières des fonctionnaires de chaque corps ; elles sont composées à parité de représentants des administrations et du personnel. En général, les administrations choisissent leurs représentants ; dans certains cas, au contraire, les dispositions statutaires contraignent les administrations dans leur choix, mais cela ne suffit pas à expliquer le déséquilibre que l'on constate dans la composition de la plupart des CAP au détriment des femmes.

Plusieurs dispositions de la proposition de loi obligent donc les administrations à désigner davantage de femmes dans les CAP, chaque fois qu'elles sont libres de leur choix, selon le même principe que pour les jurys. Je précise tout de suite que les représentants du personnel désignés par les syndicats dans ces commissions ne sont pas visés : le Gouvernement a choisi de les inciter par l'exemple et la concertation, et non de recourir à la contrainte. Nous n'avons pas souhaité non plus toucher à leur liberté d'association, qui est un principe de valeur constitutionnelle. D'ailleurs, il n'est pas certain qu'imposer des modes contraignants de désignation de leurs représentants aux seuls syndicats de la fonction publique soit conforme au principe d'égalité : en droit français, il y a des syndicats représentatifs définis par le code du travail, et les « syndicats de la fonction publique » n'en sont pas distincts.

Pour revenir aux mesures à prendre en ce qui concerne les commissions administratives paritaires, ce n'est bien sûr pas parce que leur composition sera mieux équilibrée que l'encadrement dans la fonction publique va se trouver par là même féminisé. Il reste aux ministres et aux administrations elles-mêmes à faire preuve de volonté dans les nominations, lorsqu'ils ont à désigner les cadres de leurs services, selon les profils des postes et les compétences des candidats.

Aussi a-t-il été décidé que les ministres devront arrêter des « plans d'objectifs » pluriannuels, par lesquels ils s'engageront à atteindre en quelques années - trois, en principe - des proportions de femmes et d'hommes correspondant mieux à celles des viviers où se trouvent les fonctionnaires susceptibles d'être désignés. Cette méthode progressive a été choisie pour ne pas imposer aux services des contraintes inapplicables, qui bloqueraient leur fonctionnement ou qui ne seraient pas conformes au principe de la carrière au mérite. Une circulaire du Premier ministre précisant tout cela est en cours de publication.

Pour que les plans d'objectifs soient réalisables et permettent de répondre aux besoins des services, un haut fonctionnaire dans chaque ministère sera chargé de tenir à jour une liste sexuée des agents susceptibles de pourvoir les postes d'encadrement, assortie de leur profil professionnel. Les responsables auront ainsi un réel choix lorsqu'ils rechercheront un bon candidat ou une bonne candidate.

Pour remplir leurs objectifs en la matière, les responsables font souvent état de difficultés à recruter des femmes cadres, et les observations des uns et des autres confirment que les horaires trop contraignants et les charges de travail trop lourdes qu'elles auraient alors à assumer rebutent les femmes davantage que les hommes.


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Cette question est au coeur de la réforme des administrations, qui ne va pas sans une organisation du travail plus efficiente. Elle sera aussi essentielle en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail, notamment pour les cadres. Le Gouvernement est attentif à cet aspect dans chacun de ces chantiers.

Enfin, les ministères mènent une réflexion qui va déboucher sur une charte de la gestion des ressources humaines. Il en résultera une meilleure gestion, utile à la carrière de tous les agents, mais qui favorisera tout particulièrement ceux dont la carrière risquerait, faute d'une telle gestion, de stagner - et parmi eux, les femmes.

Pour ce qui est des organismes chargés de ces questions, notre programme d'action prévoit de les rééquilibrer et des articles à cet effet sont inclus dans la proposition de Mme Génisson. Il s'agit des comités techniques paritaires, qui sont régulièrement consultés en matière d'organisation du travail. Je ne reprendrai pas à ce sujet les remarques déjà formulées à propos des deux autres instances concernées par la loi ; le principe du texte est le même dans les trois cas.

Je ne veux pas conclure sur le thème de l'organisation du travail sans signaler que certaines mesures d'ensemble appliquées dans l'administration sont d'ores et déjà favorables aux femmes, par exemple en matière de temps partiel. Ainsi, sur environ 150 000 agents qui ont choisi le temps partiel, 145 000 sont des femmes dont 80 000 ont choisi de travailler à 80 % pour avoir un jour libre, en général le mercredi. Dans ce dernier cas, l'abattement de salaire est inférieur au strict respect du temps travaillé.

Sans viser spécifiquement les femmes, cette mesure leur profite largement en avantageant les choix individuels qui, compte tenu de l'organisation actuelle de la société et de la famillie, sont plus souvent leur fait.

M esdames et messieurs les députés, vous l'avez compris, les questions qui ont justifié l'introduction, dans la proposition de Mme Génisson, d'un titre II consacré à la fonction publique, ne sont qu'un élément - important certes - de la politique du Gouvernement en la matière.

Si l'on s'en tenait à la lecture des articles, on pourrait avoir l'impression que nous prenons des mesures techniques concernant le fonctionnement des administrations.

J'espère vous avoir démontré que notre ambition va bien au-delà. Je ne doute pas que vous en serez encore pleinement convaincus à l'issue de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.).

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Odette Casanova.

M me Odette Casanova.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par une citation :

« L'activité professionnelle fait désormais partie de la vie des femmes. Elle répond à leur besoin légitime d'autonomie. Elle constitue un élément majeur de développement de notre économie. L'égalité professionnelle entre femmes et hommes doit devenir un des axes majeurs de la politique sociale et un élément important de la compétitivité des entreprises.

« Une rémunération à bas prix d'une main-d'oeuvre féminine insuffisamment qualifiée, ou mal employée, freine en effet les investissements nécessaires à la modernisation des entreprises et à l'introduction de technologies nouvelles.

« En présentant ce texte, nous voulons nous mettre en conformité avec la directive européenne de 1976. Mais, au-delà, procurer aux partenaires sociaux et aux femmes elles-mêmes, les moyens leur permettant d'agir pour réaliser l'égalité des chances entre les sexes, la mixité dans l'emploi, la qualification, les responsabilités professionnelles.

« A compter de la date de la publication de la loi, le principe de non-discrimination à raison du sexe est applicable au contenu des contrats de travail et des conventions collectives qui ne pourront contenir de clauses liées au sexe, exception faite de celles relatives à la grossesse, à la maternité et à l'allaitement. »

Je viens de vous lire quelques extraits de l'exposé des motifs de la loi Roudy du 13 juillet 1983.

1983-2000 : presque vingt ans après, ces réflexions n'ont rien perdu de leur actualité, au point qu'il m'est apparu légitime de les évoquer à nouveau devant vous. La loi Roudy est le cadre de référence incontournable du débat d'aujourd'hui. En effet, le terrain de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a largement été défriché dès 1983. Qu'on en juge par ces quelques dispositions : Nul ne peut mentionner ou faire mentionner dans une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille ; Nul ne peut refuser d'embaucher une personne ou résilier son contrat en fonction de son sexe ou de sa situation familiale ; Il est interdit de refuser une formation ou une promotion à un salarié en considération de son sexe ou de sa situation familiale ; Aucune clause réservant le bénéfice d'une mesure quelconque à un salarié ne doit être accordée en considération de son sexe ou de sa situation familiale ; Toute infraction aux dispositions de la loi sera punie d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 2 000 à 20 000 francs.

A la lecture de ces dispositions, on prend conscience du tournant historique qu'a constitué la loi Roudy.

Cependant, dans les faits, dix-sept ans après, la notion d'égalité professionnelle demeure une préoccupation majeure pour les femmes, à tous les niveaux. Catherine Génisson a fort bien rappelé la nécessité d'une actualisation législative : « Si le cadre juridique du code du travail est désormais égalitaire », nous devons maintenant veiller au renforcement des instruments « destinés à réaliser l'égalité dans les faits. »

Si l'on s'attache à dresser un état des lieux, on constate que l'on est loin d'avoir atteint les objectifs fixés. J'en veux pour preuve la problématique posée au plan de l'Union européenne. Malgré des directives européennes très précises, datant de 1976, on constate, vingt-cinq ans plus tard, qu'aucun pays membre de l'Union ne peut se prévaloir d'être un exemple en matière d'égalité professionnelle. Nous appliquons les directives européennes quand il s'agit d'EDF parce que, dans le cas contraire, nous subirions des pénalités ; en revanche, les directives concernant l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui ne sont malheureusement qu'incitatives, sont négligées de tous.

Cette situation est injuste, et ce d'autant plus que le nombre de femmes qui travaillent s'accroît sans cesse - 80 % des femmes âgées de vingt-cinq à cinquante-cinq ans occupent actuellement un emploi - et que les hommes s'accordent majoritairement à constater l'inégalité flagrante dont sont victimes leurs collègues féminines.


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Cet état d'inégalité s'observe d'abord dans le monde de l'entreprise, où les jeunes filles entrant sur le marché du travail en fin d'études sont généralement pénalisées du fait d'une mauvaise orientation ou d'une discrimination de leur employeur, où les diplômes détenus par les femmes sont moins valorisés que ceux de leurs homologues masculins, où l'inadéquation entre le niveau d'études des femmes et le type d'emploi qu'on leur propose est une évidence.

Plus globalement, les statistiques du chômage montrent l'état de fragilité de la situation professionnelle des femmes. Parmi les chiffres qui ont été cités, je reprendrai seulement celui qui me semble le plus grave : 18,6 % de femmes au chômage sont considérées au-dessous du seuil de pauvreté. Ce pourcentage alarmant est d'ailleurs en augmentation.

Cette situation est également paradoxale. En effet, alors que le processus de participation massive des femmes à la vie active devient irréversible, leur situation de précarité et de pauvreté tend à s'aggraver. Il nous faut donc travailler à inverser définitivement cette tendance inacceptable.

La proposition de loi de Catherine Génisson doit y contribuer en complétant et renforçant sur de nombreux points le dispositif de la loi Roudy : par la mise en place de mesures plus contraignantes et de pénalités plus fortes pour les entreprises qui se refuseraient à appliquer le principe de l'égalité professionnelle ; par la possibilité de négocier des plans d'égalité, par thème, par entreprise et par branche ; par l'application de dispositions spécifiques à la fonction publique, tant il est vrai, monsieur le ministre, que l'Etat doit donner l'exemple. J'avoue d'ailleurs que ce volet de la proposition de loi nous a paru insuffisant.

Toutefois, il est bien évident, j'y insiste, que ce texte ne pourra porter ses fruits qu'à certaines conditions. Son application doit s'accompagner de la mise en place définitive de tous les dispositifs permettant un encadrement rigoureux des nouvelles contraintes qu'il définit.

Au plan scolaire, à l'école, au lycée, il faut non seulement inclure dans le cursus des enseignants une formation sur l'égalité des chances entre les filles et les garçons, mais aussi et surtout être très directif et très vigilant au moment où sont décidés les choix d'orientation scolaire, déterminants pour l'avenir. A cet égard, les recommandations émises par la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes touchant à l'orientation sont importantes. Je pense en particulier aux campagnes publiques d'information auprès des jeunes filles, à l'adaptation des brochures d'information et d'orientation et à la sensibilisation des conseillers d'information et d'orientation.

Au niveau des directions départementales du travail et de l'emploi et des ANPE, des dispositifs de formation des personnels doivent être organisés, principalement dans les domaines de l'orientation et du conseil en formation.

Dans le même esprit, le rôle des inspecteurs du travail doit être soumis à des directives permanentes, comme l'a également rappelé la délégation dans ses recommandations.

Je veux insister sur le rôle des syndicats, qui est essentiel. La proposition de loi y fait justement référence, en affichant la volonté « de conforter la négociation dans les entreprises et dans les branches professionnelles ». C'est avec les syndicats que nous réussirons l'égalité professionnelle, par leur volonté de revendication et de négociation sur ce thème, par leux choix de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes à des postes de responsabilité syndicale dans l'entreprise, ainsi que dans les commissions paritaires et les comités d'entreprise.

Enfin, n'oublions pas que les Françaises veulent, dans leur grande majorité, pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle.

D'où l'importance d'inclure, dans le cadre des discussions salariales, autour de la réduction du temps de travail, l'aménagement de la journée, de la semaine voire de l'année de travail en fonction de cette volonté très affirmée.

D'où aussi l'importance de construire, dans les villes comme dans le monde rural, davantage de structures d'accueil pour les enfants : crèches, haltes-garderies, classes de maternelle, mais aussi centres de vacances et de loisirs, séjours et activités diverses lors des vacances scolaires. Cela implique un renforcement des missions de l'Etat et des collectivités locales en direction des familles et des jeunes, dans le cadre des contrats de ville et des projets d'agglomération et de pays.

Je ne voudrais pas achever mon propos sans rappeler le rôle éminent que peuvent jouer, dans chaque département, les chargées de mission aux droits des femmes, à condition de leur en donner les moyens. Cela nécessite certainement un renforcement de leur statut et de leurs prérogatives, afin qu'elles puissent accomplir au mieux leur travail de terrain, quotidien et permanent, dont elles s'acquittent avec beaucoup de conviction.

Cette proposition de loi traduit les engagements affichés par le Gouvernement et sa majorité pour le respect de la place des femmes dans notre société.

Trois priorités ont été annoncées : l'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités ; l'égalité professionnelle ; le renforcement des droits spécifiques.

Désormais, tous les chantiers sont lancés. La notion de parité qui semblait marginale, voire outrancière pour beaucoup, est devenue le « mot de passe » nécessaire et utilisé par tous, à gauche comme à droite de cet hémicycle et, au-delà, dans tout le pays.

La parité s'entend dans un sens large et généreux : elle vise à faire progresser la démocratie en imposant le principe d'égalité aux plans politique, social, professionnel, familial et culturel. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.

Il y a quelques semaines, nous avons légiféré sur la vie politique. Aujourd'hui, notre débat porte sur l'égalité des chances et des droits entre hommes et femmes dans la vie professionnelle et sociale. Il y a donc lieu, globalement, de se satisfaire de la qualité de cette proposition de loi, qui, tout en voulant conforter un dispositif ancien, entend donner aux acteurs publics et aux partenaires sociaux des moyens nouveaux et pertinents, afin de parvenir enfin à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne peut que se satisfaire de la démarche engagée et votera cette proposition de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai comme M. Vallini, a conclu, c'est-à-dire en reprenant la très belle citation de Stendhal que Mme Génisson, et je l'en remercie, a mise


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également en exergue de son rapport : « L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain. » Reste à faire passer cette conviction dans

les faits.

De ce point de vue, j'aboutis au même constat que les orateurs précédents. Toutefois, pour éviter les redites, je m'en tiendrai à des principes généraux en affirmant simplement, mais fermement, que l'égalité professionnelle est loin d'être réalisée dans le secteur public comme dans le secteur privé et que l'on assiste même, dans certains domaines, à une régression. Le « plafond de verre » ou le

« plancher collant », comme disent les Canadiens, a la peau dure.

Les femmes sont plus touchées par le chômage. Elles sont aussi moins payées et occupent moins de fonctions d'encadrement. Pourtant, elle sont généralement plus diplômées - cela a été dit et redit. Pourtant, une série impressionnante de textes visant à lutter contre la discrimination entre les hommes et les femmes a été adoptée, qu'il s'agisse de dispositions internationales - conventions 100 et 111 de l'Organisation internationale du travail, convention de l'ONU du 18 décembre 1979 -, européennes - article 119 du traité de Rome, directive du 9 février 1976, etc. - ou, enfin, françaises.

A ce dernier titre, je citerai entre autres la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, dans lequel sont garantis des droits égaux entre hommes et femmes dans tous les domaines, mais aussi les lois Auroux et la loi Roudy de 1983. Cette dernière, rompant avec une logique protectrice des femmes, introduit - et je lui en sais gré - un p rincipe de non-discrimination, d'égalité entre les hommes et les femmes. « On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité qu'il y a à revenir sur le dispositif normatif, d'autant que l'évolution de la jurisprudence ae ncore renforcé les garanties offertes », s'interroge Mme Génisson dans son rapport. Et en effet, en l'état actuel de la législation française, l'égalité professionnelle, si elle n'est pas de fait, est bien de droit.

Tout est prévu : les contrôles, les pénalités, les encouragements. Je cite de façon non exhaustive les principaux points du Lefebvre social à ce sujet :

« Les inspecteurs du travail sont compétents pour veiller à l'application des dispositions relatives à l'égalité professionnelle et à l'égalité de rémunération et pour constater les infractions à ces dispositions [...]. Le salarié engageant une action en justice fondée sur le respect du principe d'égalité de traitement bénéficie d'une protection contre le licenciement... »

« Toute infraction au principe d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ainsi que toute attitude discriminatoire liée au harcèlement sexuel constituent un délit passible d'une amende de 25 000 francs et (ou) d'un emprisonnement d'un an. »

« Toute infraction au principe d'égalité de rémunération proprement dit est passible de l'amende de cinquième classe prévue en première infraction et, le cas échéant, en récidive, appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs rémunérés dans des conditions illégales... »

A contrario, des aides financières de l'Etat sont prévues pour les entreprises menant des actions en faveur des femmes. Il s'agit des plans d'égalité professionnelle et des audits en matière d'égalité professionnelle, dans les entreprises de moins de 300 salariés et, dans les entreprises de plus de 600 salariés, des actions de formation ou d'aménagements matériels facilitant l'embauche, la mutation, la promotion et le changement de qualification des femmes.

L'arsenal législatif et réglementaire existe donc bien.

« Oui, mais il n'est pas utilisé ! » me répond-on. Est-ce une raison, selon un travers bien français, pour faire une nouvelle loi qui aura d'ailleurs d'autant moins de chance d'être plus appliquée que la précédente qu'elle n'apporte pas grand chose de nouveau ? Elle élude notamment le problème de la modernisation sociale dont vous avez parlé, madame Pery, et surtout celui de la formation professionnelle qui est peut-être le problème majeur en matière d'égalité professionnelle, aujourd'hui.

Les femmes ont souvent une meilleure formation professionnelle que les hommes au départ. Mais cette formation initiale, ce bon niveau d'études s'évanouissent, ne sont plus pris en compte dès lors que les femmes sont rentrées dans l'entreprise. Et par la suite, elles accèdent beaucoup moins et moins souvent aux formations internes que les hommes. Cela est particulièrement évident dans les très petites entreprises et les petites et moyennes où sont créés la plupart des emplois.

On me dit que ces sujets seront abordés dans des lois ultérieures. Soit. Mais que reste-t-il alors dans le présent texte ? Pas grand chose, décidément !

M. Patrick Delnatte.

Très juste !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En ce qui concerne le secteur privé, l'élément nouveau est l'obligation spécifique de négocier sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise tous les trois ans et de produire un rapport de situation comparée au niveau de la branche. Mais en quoi l'obligation de négocier constitue-t-elle une avancée, dans la mesure où nous avons déjà, de par des dispositions législatives antérieures, l'obligation de résultat ? Pour que la mise en oeuvre de l'égalité professionnelle devienne vraiment effective, il aurait suffi sans doute d'appliquer ces dispositions en les confortant par des points bien concrets qui n'existent pas dans cette proposition de loi.

Par exemple, il aurait fallu améliorer les sources d'information sur la situation des entreprises en terme d'égalité professionnelle. Le rapport sur la situation comparée est pour le moment la seule source d'information sexuée dans les entreprises. Il faudrait encourager ces dernières à sexuer, bien que je n'aime pas beaucoup cette formule, les informations qu'elles fournissent lors des autres négociations sur les salaires ou la formation.

Il aurait fallu également, quand c'est possible, nommer dans les entreprises des interlocuteurs délégués à l'égalité professionnelle.

Il aurait été bon aussi d'ouvrir les négociations au niveau interprofessionnel, car de nombreuses questions liées à la promotion de l'égalité des chances ne peuvent se régler qu'au niveau interprofessionnel.

Enfin, une fois n'est pas coutume, il aurait été judicieux de regrouper au sein d'un même chapitre les dispositions du code du travail relatives à l'égalité professionnelle afin d'éviter un saupoudrage préjudiciable à la connaissance et à l'accessibilité de la loi qui sera encore accentué par les présentes propositions.

Les articles 5 et 8, qui prévoient que l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit être pris en compte, sont parfaitement redondants avec les textes antérieurs cités plus haut. Quant à l'article 1er , il risque d'alourdir encore les charges administratives des entreprises. N'était-ce pas plutôt le moment de mettre à


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plat tous les rapports demandés trop souvent aux entreprises, petites ou grandes, et d'en faire une synthèse la plus simple et la plus claire possible ? Les propositions concernant le secteur public, monsieur le ministre, sont très insuffisantes. Il s'agit seulement de c oncourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les jurys de recrutement et de sélection, et dans les comités administratifs et techniques paritaires. Une fois de plus, après les 35 heures, l'Etat ne donne vraiment pas l'exemple et ne s'applique pas à lui-même ce qu'il impose au privé, en l'occurrence l'obligation de négocier une réelle égalité professionnelle, pourtant loin d'être acquise, tant au niveau de la fonction publique d'Etat que de la fonction publique territoriale ou hospitalière.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

C'est ce que j'appelle un amalgame !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Non, c'est la réalité !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Mais j'ai cru comprendre dans votre déclaration, monsieur le ministre, qu'il fallait lire entre les lignes et que beaucoup allait se faire en matière d'égalité professionnelle dans les fonctions publiques par décret et circulaire. Voilà une preuve de plus de l'inutilité de cette proposition de loi ! Peu convaincant sur le fond, ce texte est également très critiquable sur la forme. Je prends à témoin nos collègues de la commission des lois qui ont paru extrêmement réservés sur la rédaction la semaine dernière, lors de l'examen en commission.

Pour ne prendre qu'un exemple, les dispositions modifiant la loi du 11 janvier 1984 se résument en une formule, « sont composés ou sont choisis de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes », que l'on retrouve dans tous les articles. Or, cette formule peut à la fois tout dire ou rien dire. En d'autres termes, elle sera source de contentieux multiples qui alimenteront la jurisprudence pendant dix ans. Ce petit jeu est plus qu'inutile, il est dangereux car il crée un climat d'insécurité juridique.

Enfin, cette proposition arrive, à mes yeux, à un moment inopportun compte tenu de la dynamique des partenaires sociaux. En effet, et la situation est un peu ubuesque, avant même que la loi leur dise « il faut négocier », les partenaires sociaux ont déjà fait savoir qu'ils voulaient négocier.

Je le rappelle, le 3 février dernier, patronat et syndicats ont exprimé leur volonté commune de donner toute sa place au dialogue social et ont arrêté ensemble huit thèmes de travail et de négociation parmi lesquels, en sixième position, se trouve l'égalité professionnelle.

A ce stade d'avancement, nous ne devons préjuger ni de la volonté d'aboutir des partenaires sociaux ni des résultats. Nous devons tout au contraire penser a priori que le dialogue peut être fécond et qu'il aboutira.

En matière d'égalité professionnelle, nous sommes certes dans une situation d'urgence, mais non de crise et, pour une fois, nous aurions pu opérer à froid puisque nous disposons de deux ans pour nous retourner avant la fin de la législature. Travaillons donc avec les partenaires sociaux, nous n'en serons que plus efficaces.

« Tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », affirme l'alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946. Alors laissez respirer la société ! Laissez-la s'exprimer sur ce sujet et faire des suggestions qui pourraient vous étonner quant à leur richesse et à leur diversité ! Là où les lois ont manifestement échoué, vous voulez ajouter une autre loi, vous heurtant à la logique de l'échec...

Mme Odile Saugues A la logique du patronat aussi !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

... un peu comme l'abeille contre la vitre.

Abandonnant l'acharnement législatif, vous auriez pu privilégier le droit négocié dont la principale vertu, si l'on s'en réfère au rapport Robineau « tient à sa capacité d'adaptation dans l'espace - profession, entreprise, établissement, territoire - et dans le temps à condition que sa révision périodique ait lieu sur la base d'une véritable analyse de ses effets et de son efficacité. C'est aussi le degré d'adhésion présumé des destinataires de la norme négociée. La répartition des rôles entre la loi et la négociation collective doit prendre en compte ces deux caractéristiques ».

En effet, la question que vous n'avez pas voulu poser est bien celle d'un code de bonne conduite entre le législateur et les partenaires sociaux. Vous nous assurez que c ette proposition de loi est l'aboutissement d'une réflexion approfondie et d'échanges nourris avec ces derniers. D'après les contacts que j'ai eus, je crois pouvoir dire que c'est exact s'agissant de la plupart des organisations syndicales mais pas pour le patronat. Ce que vous oubliez de dire, c'est que, aujourd'hui, le consensus est loin d'être atteint. Si la CFDT et la CFTC adhèrent dans l'ensemble à vos propositions, il n'en est pas de même pour les autres syndicats. Ceux-ci sont très sévères et considèrent que ce texte ne va pas assez loin.

Vous faites donc presque cavalier seul, vous prenez des risques en ajoutant une couche supplémentaire à un millefeuille déjà bien indigeste avec cette nouvelle loi qui restera, comme les précédentes, lettre morte.

Mais nous ne sommes pas dupes. Nous savons que votre objectif premier est ailleurs. Soyons clairs : il s'agit d'un coup de pub politique à la veille de la journée des femmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Patrick Delnatte.

Très juste !

Mme Odile Saugues.

Quelle aigreur !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Vous abusez les Français qui ne retiendront que l'emballage - l'égalité professionnelle - sans être toujours à même d'apprécier le vide sidéral du contenu. J'ai bon espoir, pour ma part, que cette loi inutile ne bloquera pas les négociations des partenaires sociaux et que ceux-ci nous feront en leur temps - peut-être même, avant le vote définitif de ce texte - des propositions sérieuses qui permettront vraiment de faire progresser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ce que nous souhaitons tous. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant la discussion de la proposition de la loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, vous me permettrez de revenir un bref instant sur la portée de l'oeuvre législative qui vient d'être accomplie en matière de parité en politique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

Même si le dispositif du Gouvernement n'est pas parfait - je l'avais souligné à cette tribune - il va créer, dès les prochaines municipales, un rapport de force et un choc psychologique de nature à permettre des avancées dans d'autres domaines où l'égalité entre les hommes et les femmes reste à conquérir. La classe politique, si souvent vilipendée pour son conservatisme, son archaïsme et son retard sur les évolutions de la société, a pris là une longueur d'avance.

On peut le mesurer en se penchant sur quelques réalités vécues par les femmes dans le monde du travail. Leur entrée massive sur le marché du travail - qui en soi constitue une avancée - renouvelle les termes du débat sur l'égalité profesionnelle. Dans la plupart des cas, conciliant vie professionnelle et vie familiale, assumant très largement les tâches ménagères, l'immense majorité des femmes qui travaillent sont confrontées à des conditions de vie extrêmement dures : double journée de travail, précarité, faible rémunération, surreprésentation dans les fonctions d'exécution. Dans l'état actuel des choses, le travail n'est pas vécu par ces femmes comme une libération ou un moyen d'accéder à l'indépendance économique et à l'autonomie.

En effet, il apparaît plutôt comme une ardente obligation, vitale pour « faire bouillir la marmite », alors même que le conjoint est souvent lui-même touché ou menacé par la précarité ou le chômage. Avec 80 % des emplois à temps partiel - temps partiel rarement choisi - pour un salaire moyen de 3 650 francs qui place 10 % d'entre elles en dessous du seuil de pauvreté, l'immense majorité des femmes actives sont dans une situation préoccupante.

Elles sont aussi les premières victimes et les premières cibles des campagnes que l'on a vues se développer, lorsque la courbe du chômage est montée, et qui tendaient à demander un retour des femmes à la maison. La précarité et la pénibilité de leurs conditions de vie même ont pu rendre certaines ou certains sensibles à ces argumentations d'un autre âge.

Les femmes disposant d'une qualification élevée se voient, quant à elles, confrontées à toutes sortes de discrimination en termes d'embauche, de salaires - 25 % à 30 % inférieur à ceux de leurs collègues masculins -, de formation et de promotion. Une récente enquête du Nouvel Economiste est, à cet égard, fort éclairante sur la mentalité des grands dirigeants d'entreprise. Interrogés sur le fait de savoir s'ils étaient prêts, à qualification égale, à nommer 30 % de femmes à des postes de pouvoirs, sans discrimination salariale et dans un délai de trois ans, vingt-deux ont répondu non, quarante ont courageusement refusé de s'engager, et trois seulement ont dit oui.

Comment s'étonner, dans ces conditions, de constater q ue seulement 7 % des cadres dirigeants sont des femmes ? Dans la fonction publique, la situation n'est pas meilleure. A l'égalité en droit s'oppose une discrimination de fait. Alors que 56,9 % des fonctionnaires sont des femmes, ces dernières n'occupent qu'un emploi de haut fonctionnaire sur huit et 33 % des postes d'encadrement de catégorie A. Ce bilan démontre que la bataille est loin d'être gagnée, quinze ans après l'adoption de la loi Roudy.

La bataille doit se mener tous azimuts. Et d'abord, sur le terrain des idées. Il s'agit de faire reculer l'image traditionnelle, si profondément ancrée, des rôles respectifs des hommes et des femmes, et cela dès l'école, chez les plus jeunes. Trop souvent encore, les modèles de représentation demeurent traditionnels dans les livres scolaires et les publications destinées à la jeunesse, dans la publicité et à la télévision.

De ce point de vue, la sur-représentation des femmes dans l'enseignement, notamment en maternelle et en primaire, comme d'ailleurs dans le secteur socio-éducatif, n'aide pas à une évolution des mentalités. Une action spécifique dans le cadre de l'orientation des lycéens pour revaloriser ces fonctions aux yeux des garçons pourrait faire avancer la cause des femmes.

Il faut aussi affirmer que la question d'une meilleure répartition des tâches liées à l'éducation des enfants et à la vie domestique entre les hommes et les femmes ne saurait relever du seul cadre privé. S'il n'est pas question d'interférer dans les contrats que passent les individus qui choisissent de vivre ensemble ni de réglementer dans ce domaine, il est essentiel de porter ce débat sur la place publique.

Ce rééquilibrage nécessaire constitue une condition majeure pour assurer aux femmes une vie professionnelle pleine et entière et pour faire reculer la double journée de travail. On ne peut considérer comme une fatalité que, presque systématiquement, la carrière professionnelle du mari soit privilégiée au détriment de celle de la femme.

Je me permets, mes chers collègues, de rappeler au passage que si nous avons souhaité, la semaine dernière, mettre fin à quelques abus en matière de prestation compensatoire, nous aurions tort d'oublier que, dans la plupart des cas, la rente est à la charge de maris dont la réussite sociale et professionnelle s'est faite au prix du sacrifice de celle de leur ex-femme.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

Exactement !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

A côté de la bataille sur le terrain des idées, il faut se servir également de l'outil législatif. C'est le sens de la proposition de loi que nous présentent aujourd'hui, à la veille de la journée internationale de la femme, nos collègues socialistes. Elle est la bienvenue. D'abord, parce que la politique consiste à adresser des messages, des signes clairs à l'opinion publique. Ensuite, parce que la culture républicaine de notre pays fait de la loi, expression de la volonté générale, l'instrument central autour duquel s'organisent relations et négociations sociales.

Promouvoir l'égalité professionnelle au sein des entreprises en y favorisant le développement de la négociation, consolider les outils d'information des représentants dess alariés et les outils d'incitation en direction des employeurs, tels sont les objectifs du volet « secteur privé » de cette proposition de loi, auxquels je souscris pleinement.

La fonction publique a, de son côté, bien des progrès à faire pour que l'égalité en fait rejoigne l'égalité en droit.

La féminisation des jurys de concours, ainsi qu'une représentation équilibrée des deux sexes au sein des organisations paritaires devraient être de nature à y faire progresser l'égalité professionnelle.

La proposition de loi qui nous est présentée ne prétend pas résoudre tous les problèmes liés à l'inégalité entre les hommes et les femmes au travail. Il faudra poursuivre l'oeuvre législative, notamment dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle. Il faudra également s'appuyer sur l'Union européenne qui, d'ailleurs, sur la proposition d'Anna Diamantopoulou, commissaire aux affaires sociales, prépare actuellement un programme sur l'égalité des sexes prévoyant que chaque initiativee uropéenne devrait être étudiée dans la perspective


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d'aboutir à l'égalité. Des mesures de discrimination positive pourraient figurer dans ce programme qui devrait être présenté publiquement au printemps prochain. Inutile de vous dire que je m'en réjouis.

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, au regard du chemin qui reste à accomplir pour parvenir à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la présente proposition de loi peut sembler modeste. Elle n'en constitue pas moins un petit pas dans la bonne direction. C'est pourquoi les députés radicaux de gauche seront fiers de la voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a deux mois, nous avons dit oui à la parité en politique. C'était une première étape à l'occasion de laquelle nous avions souligné que l'égalité des chances et celles des salaires et des situations resteraient des pistes à explorer. C'est le débat que semble - je dis bien semble - ouvrir aujourd'hui la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Sur le principe, nous sommes d'accord : il faut plus d'égalité entre les femmes et les hommes. Il est temps de mettre un peu de justice dans la répartition des rôles entre les uns et les autres, nous en sommes convaincus.

L'égalité professionnelle, reconnue depuis 1945, est loin d'être un principe appliqué dans l'administration comme dans les entreprises. Pourtant les femmes jouent un rôle indéniable dans le développement économique de notre pays, nous l'avons toujours dit. Le travail et l'activité économique ne se partagent pas, ils se conquièrent et se développent.

Mais aujourd'hui, nous nous interrogeons sur la méthode employée. En légiférant de la sorte, on limite le champ laissé aux négociations sociales, on renforce une loi non applicable et non appliquée. La crainte est que nous nous retrouvions avec une seconde loi Roudy visant à garantir ce qui est déjà dans la Constitution depuis 1946 et 1958. Faut-il, une fois encore, intervenir, réglementer, alourdir notre droit sous prétexte de garantir l'égalité entre les hommes et les femmes ? Est-ce là la solution à un vrai problème de société ? Faut-il exclure du champ du paritarisme cet objectif ? Les moeurs vontelles faire l'objet d'une régulation systématique par l'Etat ? Il est vrai que les mentalités doivent évoluer, mais ce n'est pas par la multiplication des lois et des quotas que l'on y contribuera. Je crains que, en créant une réglementation spécifique, on n'entre de plain-pied dans une forme de communautarisation que nous refusons tous.

A l'aube du

XXIe siècle, les femmes ne peuvent-elles donc pas être considérées autrement que comme des quotas ? Le danger est qu'à force, elles s'imposent plus par la loi que par leurs compétences ou leur mérite, ce qui serait pour elles une vraie régression.

M me Odile Saugues.

Vous ne leur faites pas confiance !

M. Bernard Deflesselles.

Cette politique de discrimination a fait long feu. Ce que l'on a appelé la discrimination positive, qui s'est traduite par l' affirmative action aux

Etats-Unis, a échoué. Des exemples de ces dérives ont été dénoncés au Canada et dans tous les autres pays qui ont cherché à mettre en place de telles mesures. Le rôle des femmes dans la société doit être repensé et redéfini par elles et pour elles. La gestion des temps - familial, professionnel et associatif - est le grand chantier de demain.

Politique de la famille, congé formation, temps choisi sont des pistes de réflexion à explorer, pistes qui, malheureusement, il faut bien le dire, sont absentes du texte qui nous est proposé aujourd'hui.

L'aménagement du temps de travail et du temps de vie dans notre société ne permet pas, ou très difficilement, aux femmes de concilier une vie familiale et une vie professionnelle équilibrées. S'il y a peu de femmes hauts fonctionnaires, cadres dirigeants ou cadres supérieurs dans les entreprises, c'est bien sûr la résultante d'une rupture d'égalité et aussi de l'exigence d'une grande disponibilité difficilement gérable pour une femme qui veut aussi être mère.

Ne fallait-il pas plutôt s'interroger sur les raisons pour lesquelles la loi Roudy, loi pionnière dans le domaine professionnel, n'a pas été appliquée ? L'égalité de droit en la matière n'a pas été suivie d'une égalité de fait. C'est l à que se situe le vrai débat : pourquoi ne peut-on appliquer c onvenablement l'égalité entre les femmes et les hommes ?

Il est probable que, pour des contingences variées, pour des choix de vie aussi, certaines femmes privilégient souvent l'épanouissement de leur vie familiale. Néanmoins cette situation évolue. A la sortie des écoles et des facultés, l'égalité professionnelle est déjà instaurée. L'évolution des mentalités est en marche. Nous sommes sur la bonne voie, mais le processus, il est vrai, se développera lentement.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à se voir reconnaître leurs qualités professionnelles, se retrouvant a insi à la tête de grandes entreprises, comme en témoignent les exemples récents de la COGEMA ou de Hewlett-Packard. Plus nombreuses, certes, mais aussi très minoritaires. Pour autant, fallait-il aller jusqu'à une réglementation de la vie privée visant à assurer une meilleure répartition des tâches entre les femmes et les hommes ? N'évoluons pas, mes chers collègues, vers un excès de contraintes. La liberté et la responsabilité de chacun doivent être préservées. Il existe d'ailleurs tout un arsenal, chacune et chacun l'a indiqué, fruit des textes nationaux et communautaires, en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Je pensais aussi qu'en la matière on avait atteint une certaine limite.

Excès de contraintes aussi pour les entreprises. Prenons garde, là aussi, à ne pas trop alourdir la législation.

Aujourd'hui, les entreprises sont déjà suffisamment pénalisées par l'application des 35 heures pour ne pas se voir ajouter des contraintes administratives supplémentaires.

C'est la société qui engendre les inégalités entre les femmes et les hommes. Les femmes, je le crois sincèrement, doivent sortir et se libérer du rôle social bien limité dans lequel on les enfermait. C'est un enjeu de société et non un enjeu politique ou partisan.

Il faut, c'est vrai, bousculer un peu plus les us et coutumes. A travail égal, salaire inégal, ce n'est pas normal. Il est grand temps de changer cette tradition, cette mentalité plutôt latine qui consiste à ne pas considérer la femme comme l'égale de l'homme. Ainsi, dans bon nombre de pays, contrairement à la France, l'élection d'une femme, Mme Halonen, à la tête de l'Etat finlandais n'a pas suscité d'étonnement.

Pour ce qui concerne la fonction publique, nous avons convenu que la féminisation des jurys et des comités de sélection pourrait constituer une avancée, même si la


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parité est déjà appliquée et parfaitement respectée dans ces domaines, par exemple dans l'éducation nationale, sur recommandation du ministre qui n'a pas eu besoin du secours de la loi.

Qu'en est-il, enfin, des métiers ultra-féminisés comme le corps enseignant ? Faudra-t-il, pour la recherche d'une stricte égalité, masculiniser cette profession ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La magistrature aussi !

M. Bernard Deflesselles.

Nous regrettons aussi qu'il soit si souvent fait renvoi au domaine réglementaire. Une grande marge de manoeuvre est ainsi laissée au Gouvernement sans concertation avec les partenaires sociaux. Au moment où notre société tente de réinventer les rapports sociaux, où le paritarisme trop souvent mis à mal doit évoluer, nous aurions souhaité ne pas les laisser en dehors du débat. Nous aurions préféré ne pas nous en remettre à des décrets élaborés uniquement dans le secret des cabinets ministériels.

J'ai entendu tout à l'heure le président Le Garrec nous dire qu'il ne fallait pas opposer la démocratie sociale et la démocratie politique. Bien sûr, mais il ne faut pas faire de la loi la référence à toute avancée de la société.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Je n'ai pas dit cela !

M. Bernard Deflesselles.

Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le président, en matière de formation professionnelle, la grande loi qui a été instaurée en 1971 et qui a porté sur les fonts baptismaux les principes de la formation professionnelle, a été précédée, si mes souvenirs sont bons, d'un accord signé par les partenaires pendant l'été 1970.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M. Bernard Deflesselles.

Donc, n'opposons pas les deux et veillons à ce que le dialogue social soit aussi une priorité.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M. Bernard Deflesselles.

Enfin, avant de légiférer à nouveau, a-t-on mis en oeuvre les moyens nécessaires pour permettre aux femmes d'exercer pleinement leur vie professionnelle et familiale ? Une profonde réflexion sur l'aménagement du temps de vie doit être lancée. Elle est, et cela est dommage, je le repète, absente de ce texte. Il faut mettre en place des mesures facilitant la conciliation de la vie familiale, personnelle et, bien sûr, professionnelle. Il faut faciliter l'accès à la formation. Or les dispositions concernant la garde d'enfants, les emplois de proximité et autres sont malheureusement les grandes absentes de ce texte.

J'ai peur, mes chers collègues, que ce texte ne soit qu'une pétition de principe, une sorte de loi Roudy bis faisant de l'égalité professionnelle un vain mot. Mais si la loi Roudy, en 1983 - il y a déjà dix-sept ans -, constituait une vraie avancée pour les femmes, celle d'aujourd'hui ne marquera pas, c'est peu dire, notre temps.

En dépit de la méthode utilisée, l'objectif et la philosophie de ce texte sont louables et nous vous accorderons donc le bénéfice du doute en nous abstenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, longtemps considérées, par les économistes notamment, comme une maind'oeuvre d'appoint apportant un salaire d'appoint dans les foyers, les femmes ont fait voler en éclats ces concepts.

Les dernières décennies ont vu, sous leur impulsion, évoluer fortement leur place dans la société, en particulier dans le monde du travail.

Les femmes ont agi pour que le droit corrige et prohibe les discriminations dont elles sont l'objet. Outre l'ensemble des dispositions juridiques en vigueur, elles bénéficient de plusieurs dispositifs particuliers.

Ainsi, sont insérées dans le code du travail des mesures de protection, en matière notamment d'égalité salariale, de travail de nuit, de grossesse et de harcèlement sexuel.

Ces dispositions sont parfois très anciennes, parfois plus récentes, comme la loi du 13 juillet 1983 et la création de plans d'égalité. Elles s'appuient aussi sur des traités internationaux : l'article 119 du traité de Rome, la directive européenne 75/117 du 10 janvier 1975 sur l'égalité d e rémunération pour un travail de valeur égale, l'article 2.2 du traité d'Amsterdam par lequel l'Union européenne tend à éliminer les inégalités et à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes.

Or le simple énoncé des faits - inégalité salariale, préc arité, temps partiel contraint, promotion bloquée, thèmes que développera ma collègue Janine Jambu démontre les lacunes de cet arsenal juridique dont parfois les dispositifs s'entrechoquent les uns contre les autres.

L'interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie en est l'exemple.

L'action intentée contre la France par la Commission européenne dénote une conception étrange de la protection des femmes. La directive de 1976, utilisée d'une façon restrictive, entre en contradiction avec d'autres principes, notamment la possiblité d'actions positives pour améliorer la situation des femmes dans la vie professionnelle. Ce principe est aussi énoncé dans le traité d'Amsterdam. Cependant, la Cour de justice des Communautés européennes a confirmé la condamnation de la France pour discrimination directe et manquement au principe d'égalité de traitement en s'appuyant sur la directive 76/707 du 6 février 1976.

On ne peut que s'étonner de cette condamnation car le travail de nuit, dont on connaît les méfaits sur l'organisme humain et la vie familiale, ne peut être fondé, pour les femmes, sur le principe d'égalité. L'autorisation du t ravail de nuit dans l'industrie est non seulement contraire à la notion de protection, mais surtout elle constitue un obstacle quasi insurmontable pour la vie familiale, notamment pour les jeunes mamans. De ce fait, elle sera une barrière supplémentaire pour l'accès à l'emploi. Et certains employeurs pourraient même en faire une condition à la promotion, aggravant encore les inégalités.

Si elles sont efficaces quant au travail de nuit, les directives sont étrangement inefficaces dans le domaine de la lutte contre les discriminations salariales. Malgré l'existence de dispositions juridiques, l'égalité professionnelle butait, en matière salariale, sur l'interprétation de la Cour de cassation qui statuait en général sur l'absence de discrimination. En effet, le discours officiel des employeurs pour justifier les inégalités s'appuyait sur le fait que le travail était différent. La charge de la preuve incombait à l'employé, ce qui constituait une difficulté quasiment insurmontable pour celui-ci.


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Aujourd'hui, c'est une nouveauté, le raisonnement de discrimination indirecte permet le renversement de la charge de la preuve : à l'employeur de prouver l'absence ou la justification d'une inégalité, aux salariés de dénoncer le fait et la pratique discriminatoire.

Ce changement jurisprudentiel doit être intégré dans le code du travail, et c'est le sens de l'un de nos amendements. S'il était adopté, une grande avancée serait effectuée dans la lutte contre les discriminations salariales. Un nouvel instrument de lutte contre les inégalités serait créé et permettrait l'évolution progressiste attendue du droit social.

Pour terminer, je souhaiterais aborder une dernière question. Le code du travail offre une réelle protection de la femme enceinte. Les dispositions actuelles la protègent pendant sa grossesse et son congé de maternité. Elles permettent donc la non-rupture de l'activité professionnelle.

Si cette protection venait à diminuer, cela donnerait lieu à une régression indéniable du droit des femmes.

Or il apparaît que la convention 103 de l'Organisation internationale du travail concernant la protection de la maternité est en cours de révision par le Bureau international du travail. Celui-ci étudie le nombre de semaines de congé, le revenu, les autorisations de licenciement. Le gouvernement français a été saisi de ce projet de modification, et ses recommandations devraient être adressées à l'organisme international dans les prochains mois. Il est, madame la ministre, inenvisageable que ces droits soient réduits.

Pour conclure, si, dans le passé, du fait du contexte économique, des avancées ont été obtenues, sous l'impulsion des femmes, des mouvements féministes et des syndicats, dans la marche vers l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, l'établissement de celle-ci est devenu aujourd'hui, du fait du chômage et de la précarisation du travail, un enjeu primordial pour notre société.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M. Patrick Malavieille.

C'est pourquoi, à la veille du 8 mars, institué journée internationale des femmes, nous apprécions, sans y voir aucunement un coup de publicité, toutes les mesures qui pourront être prises pour permettre cette évolution vers l'égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Mme Génisson s'applique à réduire les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Nous savons, comme vous, que ces inégalités sont encore graves, et nous les tenons, nous aussi, pour inacceptables.

Néanmoins, elles se sont réduites.

Il y a quelques années encore, la disparité des salaires entre hommes et femmes atteignait 30 %. Elle est évaluée aujourd'hui à 25 %. Il y a donc un petit mieux.

Et les femmes ont malgré tout, au cours de la dernière période, accédé en plus grand nombre à des postes de responsabilité dans les entreprises.

Ce phénomène n'a pas toujours été observé dans l'administration cependant. Nous avons eu l'occasion d'évoquer dans cet hémicycle la rareté des nominations de femmes aux postes les plus éminents de la fonction publique. Permettez-nous de souhaiter que la politique du Gouvernement sur ce point s'infléchisse dans le bon sens ! La disparité des situations professionnelles est due pour une large part, on le sait bien, qu'il s'agisse du secteur privé ou du secteur public, à la différence des postes occupés. Si les femmes sont employées à des postes inférieurs en matière de responsabilités et de rémunération, c'est parce qu'au départ, elles ont souvent eu une formation moins poussée ou moins adaptée aux besoins de l'économie et du monde du travail. J'ajouterai, puisque c'est aussi une donnée de la situation actuelle - et elle est préoccupante - qu'elles sont malheureusement victimes d'un chômage plus élevé.

Qui ne souscrirait dès lors à l'objectif que vous affichez aujourd'hui de réduire de tels écarts et de rapprocher las ituation professionnelle des femmes de celle des hommes ? Nous le souhaitons comme vous.

Ce qui nous distingue de vous, c'est la méthode. Nous ne sommes pas d'accord sur le chemin que vous empruntez.

Vous nous proposez dans ce texte des dispositions législatives contraignantes, sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants, alors que nous considérons, pour notre part, que les progrès à accomplir sur un tel sujet dépendent principalement de la volonté des partenaires sociaux et du changement des mentalités.

En effet, il ne s'agit plus aujourd'hui d'instaurer l'égalité des droits. Celle-ci existe. Ce qu'il faut maintenant, c'est passer de l'égalité des droits à l'égalité réelle, à l'égalité effective.

Or, pour parvenir à cette dernière, il n'y a qu'un moyen : assurer l'égalité des chances. Et, sur cette question, nous avons adopté la doctrine du prédécesseur de Mme Aubry au ministère du travail : M. Barrot.

Dans une circulaire du 30 décembre 1996, celui-ci constatait que l'affirmation du principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes ne suffit pas à établir une égalité de fait - nous le savons - et que le principe d'égalité des chances - qui est en cause aujourd'hui, me semble-t-il, derrière ce texte - suppose l'adoption de mesures concrètes et temporaires au bénéfice des femmes, de mesures adaptées à la diversité de leurs situations dans les professions et dans les entreprises. Il reconnaissait enfin, et j'insiste sur ce point, que c'est principalement aux partenaires sociaux qu'il appartient, par la négociation collective menée au niveau d'une entreprise, d'une branche professionnelle, voire au niveau i nterprofessionnel, de s'efforcer d'analyser les écarts constatés en matière de rémunération, de fonction, de promotion, et de prendre des mesures pour rétablir l'égalité, y compris des mesures de rattrapage. En effet, il était et il est toujours possible d'établir des mesures de rattrapage pour s'approcher de l'égalité entre les hommes et les femmes.

La philosophie de la circulaire que je viens de rappeler est toujours la nôtre. Nous n'en avons pas changé. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi nous en changerions alors que les partenaires sociaux viennent, au niveau national, d'annoncer qu'ils avaient inscrit l'égalité professionnelle parmi les objectifs prioritaires des grandes négociations qu'ils engagent. Faisons-leur confiance ! Au lieu de légiférer aujourd'hui, attendons de voir les solutions qu'ils proposeront de mettre en oeuvre. Si celles-ci nous paraissent insuffisantes, il sera temps de remettre sur le chantier un texte législatif.

Notre préférence pour la négociation ne se limite d'ailleurs pas au seul sujet de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Elle a une portée beaucoup plus générale. Et, à cet égard, nous sommes en phase avec le


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droit européen, dans son état actuel. Dans le protocole social, annexé au traité de Maastricht, traité ardemment défendu par le précédent président de la République, M. Mitterrand, il est fait obligation à la Commissione uropéenne, avant d'envisager toute action dans le domaine de la politique sociale, de saisir les partenaires sociaux et, si ces derniers souhaitent engager des négociations sur le sujet, de leur laisser un délai suffisant pour aboutir à un accord. Si un accord est trouvé, il prend vigueur sous la forme d'une décision du Conseil et la Commission ne peut plus, quant à elle, proposer de dispositions normatives sur le sujet. Dès lors que les partenaires sociaux ont réglé par la négociation une question touchant à la politique sociale, c'est leur accord qui prévaut.

Je trouve que c'est une excellente méthode et nous devrions réfléchir aux sujets pour lesquels, en droit interne, dans le domaine des relations du travail en France, nous pourrions procéder de la même façon, au lieu de multiplier les textes qui rendent notre loi touffue, souvent inapplicable du fait de sa complexité, sans pour autant être adaptée aux réalités du monde économique.

Pour une fois, prenons notre inspiration dans les solutions européennes afin d'introduire plus de souplesse dans l'édiction des normes concernant les questions sociales.

Cette approche donne au dialogue social toutes ses chances et nous la préférons, je le répète, à la méthode autoritaire que vous avez choisie en nous proposant cette proposition de loi.

Quelques mots sur le texte.

Les contraintes supplémentaires qu'il institue ne vont pas, me semble-t-il, bouleverser véritablement la vie des entreprises.

Vous proposez de modifier sur un point la teneur du rapport que le chef d'entreprise doit communiquer chaque année au comité d'entreprise sur la situation comparée des hommes et des femmes. Cela n'a rien a priori de révolutionnaire.

Vous proposez de déplacer à l'intérieur du code du travail l'article L. 123-3-1 issu de la loi Roudy. Là encore, je ne discerne pas de véritable révolution.

Enfin, vous proposez d'ajouter à ce texte, qui concerne l es accords professionnels de branche, un nouvel article L. 132-12-1 pour obliger les signataires de ces accords à prendre en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. La formule est tellement floue qu'elle me semble inefficace et superfétatoire.

Les dispositions que vous consacrez à la négociation d'entreprise sont, à mes yeux, plus discutables. Elles sont tout aussi floues, mais assorties de sanctions pénales. Et c'est là que le bât blesse.

En effet, à l'obligation de négocier chaque année dans l'entreprise sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail, vous ajoutez celle de négocier « sur les objectifs d'amélioration de la situation de l'entreprise au regard de l'égalité professionnelle, entre les hommes et les femmes, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre ». Permettez-moi de souligner le caractère particulièrement lourd, et même, irai-je jusqu'à dire, lourdaud, de la rédaction. Il me semble qu'aurait été préférable de parler de l'amélioration de la situation des femmes plutôt que de l'amélioration de la situation de l'entreprise au regard de l'égalité entre les hommes et les femmes du point de vue des conditions professionnelles.

Je ne m'attarderai pas sur ce point. Je pourrais être encore plus sévère.

D'ailleurs, vous semblez craindre que cette formule ne soit pas suffisamment claire, puisque vous introduisez un article L.

132-27-1 qui, si je puis dire, en rajoute, puisqu'il y est écrit que les négociations prévues par l'article

L. 132-27, où figure la formule en cause, « prennent en c ompte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Sans doute souhaitez-vous que, de ce nouvel article, tombe une clarté comme celle qui vient des étoiles. Malheureusement, tel n'est pas le cas, et la brume subsiste, la nouvelle formule étant tout aussi floue que la précédente. Elle ne permet pas vraiment aux chefs d'entreprise de savoir sur quoi ils devront négocier.

Ce qui est grave, c'est que l'inobservation de cette nouvelle exigence sera constitutive d'un délit d'atteinte au droit syndical : à savoir du délit d'entrave, pour lequel, comme chacun le sait, une citation directe en correctionnelle est possible. Je m'insurge véhémentement contre une législation qui est assortie de sanctions pénales susceptibles d'être mises en oeuvre par voie de citation directe alors qu'elle est floue. De grâce, quand il s'agit de droit pénal, soyons précis. S'il faut énoncer une incrimination, qu'elle le soit, je vous en prie, de façon précise.

En fait, par la menace de sanctions pénales, vous espérez réaliser à marche forcée une égalité professionnelle qui, pour se concrétiser, impliquerait la réunion de plusieurs conditions dont nous savons qu'elles ne sont pas aujourd'hui remplies.

Il faudrait d'abord que les jeunes filles s'orientent vers les mêmes filières de formation que les garçons et qu'elles obtiennent les mêmes diplômes et les mêmes qualifications. Ce n'est pas encore le cas.

Il faudrait ensuite que la vie des femmes - et également, soyons optimiste, celle des hommes - soit appréhendée de manière globale, à la fois dans ses aspects professionnels et dans ses aspects privés et familiaux. Il serait certainement plus facile aux femmes d'exercer des responsabilités absorbantes, impliquant une grande disponibilité, à la fois en temps et en liberté d'esprit, si elles n'avaient pas, comme c'est encore souvent le cas, à mener de front plusieurs tâches, à se préoccuper, au milieu d'une réunion, d'aller chercher un enfant à la sortie de l'école ou à la crêche, de s'absenter s'il est malade ou de faire assurer ses devoirs. D'aucuns disent que ce sont là des schémas dépassés ou vieillots. Pas du tout. Interrogez les jeunes femmes qui travaillent, y compris les jeunes femmes cadres. Ce sont des soucis qu'elles ont toutes.

Or je constate que les comités d'entreprise qui pourraient aider les femmes, et en particulier les femmes isolées chargées de famille, à faire face à ces charges familiales s'en désintéressent.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Vous avez raison.

Mme Nicole Catala.

Ils sont composés majoritairement d'hommes.

Pour que les comités se préoccupent un peu des charges familiales des femmes, il faudrait que vous y imposiez la mixité.

Décidons, comme le prévoit une loi allemande de 1972, une représentation des femmes dans le comité d'entreprise proportionnelle à leur nombre au sein de l'entreprise. Une telle mesure mériterait d'être mise en oeuvre aujourd'hui car les comités disposent depuis cinq ou six ans d'un instrument très simple pour aider les familles à faire face à leurs charges familiales : le titre emploiservice, qui est l'équivalent du chèque-déjeuner pour financer une aide à domicile pour une garde d'enfant ou


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

un soutien scolaire. Or ces titres emploi-service sont très peu diffusés et très peu utilisés par les comités d'entreprise.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala.

Tâchons de faire avancer les choses dans ce domaine. Nous rendrons service aux familles et, en particulier, aux femmes.

J'évoquerai enfin brièvement l'autre volet du texte, qui concerne la fonction publique.

Il est proposé d'entériner les principes posés par la Cour de justice des Communautés, à savoir la possibilité, très étroitement admise, d'organiser des concours de recrutement séparés pour les hommes et pour les femmes.

La jurisprudence de la Cour est ce qu'elle est. Nous l'introduisons dans notre droit. Je n'ai aucun commentaire à faire.

En revanche, vous proposez d'instituer comme règle une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les jurys de recrutement. Cette règle me heurte profondément. En effet, elle jette une suspicion sur la neutralité, l'impartialité et l'objectivité des jurys qui, depuis un siècle, ont bâti la fonction publique de ce pays.

Nous avons une fonction publique de qualité. Je ne peux, pour ma part, accepter que l'on puisse soupçonner des membres de jurys de concours de s'être prononcés en considération du fait qu'un candidat est un homme ou une femme.

Permettez-moi de vous faire part de mon expérience.

J'ai été reçue à l'agrégation de droit par un jury exclusive ment masculin. J'ai siégé dans des jurys de l'ENA et je n'ai jamais constaté, ni ressenti, que le sexe d'un candidat avait une quelconque importance aux yeux de ceux-ci.

Je crois que, là, vous allez trop loin. Vous créez une suspicion inadmissible sur les jurys et, par ailleurs, vous faites courir le risque de voir resurgir des demandes communautaristes dont on ne parle plus en ce moment mais dont il a été beaucoup question lors du débat sur la parité en politique.

Je ne vois pas pourquoi les jeunes d'origine étrangère, les jeunes beurs, ne réclameraient pas eux aussi la présence de représentants de leurs groupes sociaux culturels dans les jurys.

Je crois sincèrement que vous allez au devant de revendications communautaristes, voire ethniques, qui mettraient en cause l'unité de la République.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon groupe ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Danièle Bousquet.

M me Danièle Bousquet.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, les f emmes ont toujours travaillé mais, aujourd'hui, le nombre de femmes salariées est bien plus important que par le passé. Cette évolution marque une étape décisive de leur émancipation, et de leur autonomie.

Mais, si le nombre des femmes cadres augmente, si les filles sont plus diplômées que les garçons, la population active féminine reste en majorité concentrée sur des emplois précaires, peu qualifiés et moins bien rémunérés que ceux des hommes. Si le travail féminin hors du domicile est dorénavant la norme, puisque huit femmes sur dix travaillent, il n'en reste pas moins que la croissance massive et continue du nombre des femmes sur le marché du travail s'accompagne d'une concentration non moins massive de l'emploi féminin dans certaines professions qui demeurent donc presque exclusivement féminines.

Face à cette réalité, pouvons-nous parler d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, alors que l'écart des rémunérations, dix-sept ans après le vote de la loi Roudy, reste de l'ordre de 27 %, que 10 % à peine des cadres de la fonction publique sont des femmes alors même que celles-ci, plusieurs orateurs l'ont remarqué et maintes études l'ont démontré, sont largement mieux formées que les hommes ? L'excellent rapport de Catherine Génisson dresse un bilan actualisé de la situation des femmes au travail. Il montre ce que nous dénonçons depuis des années : la persistance d'une inégalité criante entre les femmes et les hommes au travail, y compris dans la fonction publique.

On a considéré pendant longtemps, jusque dans les manuels scolaires à l'intention des lycéens, que le travail féminin prenait la place du travail des hommes. Tout récemment, grâce au rapport du conseil d'analyse économique, la démonstration a été faite que le travail des femmes représentait un apport considérable à la croissance économique et non un facteur de chômage pour les hommes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

Mme Danièle Bousquet.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la proposition de loi de Catherine Génisson, aujourd'hui soumise à notre discussion. Elle marque l'avènement d'une politique volontariste qui vise à renforcer les instruments mis en place par la loi Roudy pour réaliser l'égalité professionnelle dans les entreprises. Tous les ingrédients étaient déjà contenus dans cette loi ; il s'agit aujourd'hui de les réactiver, notamment en confortant la négociation dans les entreprises et les branches. Le rôle des partenaires sociaux sera à cet égard déterminant si l'on veut que l'enjeu de l'égalité professionnelle s'inscrive enfin dans un processus d'évolution de l'entreprise.

Il est par ailleurs essentiel - cela a déjà été rappelé de donner aux inspecteurs du travail des instructions claires et sans doute aussi une formation spécifique afin de les aider à comprendre l'importance de l'enjeu et d'éviter que la volonté que nous entendons inscrire dans la loi ne reste lettre morte.

D e son côté, monsieur le ministre, la fonction publique dont vous êtes responsable se devrait, à bien des égards, d'être exemplaire en matière d'égalité. Or, dans ce cadre également, les femmes se heurtent à ce que beaucoup ont appelé le « plafond de verre », qui les rend si rares dans certaines fonctions, en particulier dans les postes de décision.

Je ne m'attarderai pas sur des chiffres par trop cruels, que nous avons malheureusement en mémoire. Sans doute d'autres intervenants auront-ils à coeur de les commenter. Je veux seulement revenir sur le rapport de Mme Colmou, consacré à la fonction publique que vousmême avez cité. Le constat qu'il établit appelle plus qu'un sursaut, une réelle politique globale d'égalité prof essionnelle appliquée à l'intégralité de la fonction publique : fonction publique d'Etat, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière.


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Nous ne saurions comprendre que l'objectif, défini par Mme la rapporteure - je n'aime pas le terme de « rapporteuse » - comme une représentation équilibrée au sein de toutes les instances, jurys de concours ou instances paritaires, commissions et comités appelés à se prononcer sur la gestion des carrières, ne soit pas pris en compte dans la loi. Aussi avons-nous déposé plusieurs amendements qui visent à substituer le terme « d'égalité » à celui de

« mixité », démarche d'autant plus justifiée que ce dernier est parfois interprété comme « la présence d'au moins un membre de chaque sexe ». Je laisse à chacun le soin d'apprécier la portée d'une telle définition, si elle était inscrite dans le marbre de la loi ! Les mots, nous le savons bien, ne sont jamais neutres, en particulier dans ce domaine.

Si l'on veut que la réalité de la discrimination entre les femmes et les hommes devienne totalement visible, il faut assurer une véritable transparence dans les chiffres. Une fois seulement cette condition remplie, nous saurons comment est réalisé cet objectif de « représentation équilibrée », pour reprendre la formulation du texte.

Mes chers collègues, l'égalité professionnelle est un enjeu de justice sociale. C'est une question sensible sur laquelle les femmes attendent que nous prenions des engagements forts ; sachons ne pas les décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l'amour de la démocratie est celui de l'égalité », disait Montesquieu. Aussi chacun d'entre nous est-il particulièrement attaché à ce principe de l'égalité des droits, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le préambule de 1946, auquel renvoie notre actuelle constitution, garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. Un arsenal normatif spécifique décline ces grands principes dans le code du travail, qui couvre l'ensemble de la relation salariale - embauche, exécution du contrat, rupture, rémunération, formation.

Le contentieux sur la discrimination professionnelle entre hommes et femmes a du reste conduit la chambre sociale de la Cour de cassation à se montrer particulièrement protectrice des femmes salariées ; de son côté, le juge administratif veille de plus en plus sévèrement au respect du principe de non-discriminatoin au sein de la fonction publique.

On peut donc s'interroger sur le besoin de légiférer aujourd'hui alors qu'il conviendrait peut-être d'emprunter d'autres voies pour réduire les inégalités qui persistent entre hommes et femmes.

Votre démarche se limite à superposer de nouvelles obligations à celles déjà prévues ; beaucoup y verront sans doute une nouvelle immixtion de l'Etat dans le dialogue social. On peut en tout cas se demander si ce texte n'est pas prématuré, compte tenu de la volonté des partenaires sociaux de négocier sur le sujet de l'égalité professionnelle. Voilà pourtant le terrain idéal pour faire progresser l'égalité dans les faits et dans les esprits.

Vous avez voulu vous ériger en défenseurs des femmes.

Nous sommes tous d'accord pour considérer que le travail est aussi essentiel pour la femme que pour l'homme.

Mais, comme le disait Edouard Herriot, il est plus facile de proclamer l'égalité que de la réaliser.

Les mots, les grandes déclarations ne résoudront pas tout, vous le savez fort bien. Ne faudrait-il pas d'ailleurs commencer par promouvoir une éducation fondée sur le respect mutuel des deux sexes, qui commence dès l'école, et mettre un coup d'arrêt à certaines publicités qui font de la femme un bien de consommation ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

Absolument !

M. Bernard Perrut.

La place des femmes dans le monde du travail a fort heureusement évolué et la légitimité de leur présence sur le marché du travail est de plus en plus affirmée. Elles y réussissent d'ailleurs bien. Le pourcentage d'entreprises créées par des femmes est en forte progression et les professions qui se sont féminisées sont justement celles qui ont créé le plus d'emplois. Mais il faut faire évoluer encore les mentalités, et l'on ne peut occulter le sentiment qu'ont certaines femmes de ne pas être reconnues à leur juste valeur.

Mais plutôt que de discuter des nouvelles contraintes aujourd'hui, plutôt que de parler de répression pour nos entreprises qui subissent déjà les 35 heures, commençons par écouter les femmes et répondre à leurs attentes ! Ecoutons ces femmes qui, avec le passage aux 35 heures, déplorent une charge de travail inchangée qui engendre stress et fatigue liés à un rythme du travail proportionnellement plus soutenu. Ecoutons ces femmes qui veulent un aménagement du temps de travail et qui craignent que les formes de réduction de la durée de travail ne s'adaptent pas toujours aux changements de rythme de vie personnel et familial auxquels elles doivent se plier au fur et à mesure que les enfants grandissent.

Ecoutons encore ces femmes qui ont recours au service public pour la garde de leurs enfants...

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Et les papas ?

M. Bernard Perrut.

... et qui déplorent que les gardes collectives ne soient pas adaptées et demandent qu'elles s'ouvrent plus tôt et ferment plus tard. Incontestablement, notre politique d'aide à la petite enfance doit être repensée en termes d'organisation.

Quant à la formation, combien de femmes doivent y renoncer, faute de pouvoir se plier à l'obligation de mobilité liée aux stages ! La perturbation de la vie familiale est plus grave pour la femme que pour l'homme. La réforme d e la formation professionnelle doit être l'occasion d'engager une véritable réflexion sur ce point et de trouver des solutions adaptées.

Nous pourrions également rappeler les difficultés que rencontrent les femmes pour trouver un emploi après avoir consacré plusieurs années à élever leurs enfants et à assurer leur noble rôle de mère de famille.

Mme Hélène Mignon.

Arrêtez !

M. Bernard Perrut.

Nous connaissons aussi le désarroi des femmes seules ayant plusieurs enfants à charge - vous l'avez évoqué tout à l'heure - qui ne trouvent pas place sur le marché du travail.

Nous pourrions enfin évoquer - d'autres le feront sans doute - les menaces liées au harcèlement moral qui pèsent sur les femmes. Le harcèlement moral mérite d'être défini et pris en compte. Ne nous fermons pas les yeux. Il est temps de prendre des mesures qui s'imposent car de plus en plus de salariés en souffrent - les médecins du travail en témoignent chaque jour.

Dans la fonction publique, de réels efforts ont été entrepris pour remédier aux inégalités dont souffrent les femmes, tels que le report de limite d'âge pour l'accès aux concours ou encore le développement des temps partiels.


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Je ne suis pas convaincu que la représentation équilibrée dans les CAP, dans les CTP ou dans les jurys constitue un point prioritaire. Après tout, qu'importe si un jury est composé d'hommes ou de femmes ; les meilleurs candidats, me semble-t-il, réussiront toujours.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Perrut.

Reste que les efforts incontestables réalisés dans la fonction publique méritent d'être poursuivis.

Que dire enfin de la nécessité d'améliorer l'information des jeunes filles sur les carrières offertes par le secteur privé comme par la fonction publique ! Nombre de filières professionnelles restent encore trop peu ouvertes aux filles. Il faut leur permettre de découvrir qu'elles peuvent accéder à tous les métiers. Nous devons incontestablement changer les mentalités et la perception qu'ont les parents de certains emplois. L'information, l'orientation dans les collèges et lycées reste primordiale. Vous en êtes consciente, madame la secrétaire d'Etat. Nous attendons donc des mesures concrètes pour mettre en oeuvre des campagnes d'information, pour éditer des documents adaptés, pour sensibiliser les conseillers d'orientation, pour promouvoir les métiers et les grandes écoles.

Malgré tout cela, comment, chers collègues, pourrionsnous voir dans ce texte un grand projet ? Il se limite en fait à réglementer, à sanctionner au lieu de s'attaquer aux vraies causes, au lieu de proposer des mesures réellement capables d'améliorer la vie professionnelle des femmes.

Mme Odile Saugues.

Que ne l'avez-vous fait avant !

M. Bernard Perrut.

Ce texte ne répond pas à notre attente et c'est dommage. Les femmes méritaient mieux que cela.

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Informel, non reconnu, domestique, le travail des femmes existe depuis toujours. Evoquer l'augmentation de l'activité des femmes, c'est se référer en fait à celle du travail salarié féminin. En liaison notamment avec la croissance de l'économie tertiaire, le taux d'activité des femmes a beaucoup augmenté au cours de ce dernier demi-siècle.

A La Réunion, la population féminine active a quadruplé en l'espace de trente ans, tandis que la population masculine active doublait seulement. Les femmes y représentent désormais plus de 40 % de la population active.

Cette évolution n'est pas exempte des inégalités que le monde du travail sécrète entre les deux moitiés de l'humanité. Avec des rémunérations plus faibles, des emplois à temps partiel généralement subis et une précarisation de plus en plus poussée de leurs conditions de travail, de nombreuses femmes sont confrontées à une situation où les injustices du présent s'ajoutent à celles du passé.

Aux inégalités qui règnent entre les travailleurs salariés des deux sexes s'ajoutent celles qui sévissent dans le chôm age. Malgré des résultats scolaires supérieurs, les femmes en sont davantage frappées. Il n'est pas rare à La Réunion qu'une jeune femme de moins de vingtcinq ans soit considérée comme une chômeuse de longue durée.

Pour limiter les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes femmes, il est sans doute nécessaire de créer les conditions de l'égalité et en premier lieu de renforcer tout ce qui relève de l'orientation des filles vers des filières offrant des perspectives professionnelles non négligeables. Force est de constater que les filles sont très souvent dirigées vers des formations qui, même si elles semblent leur correspondre, débouchent sur des impasses.

Améliorer l'accès des femmes au travail suppose également que soient développés, en qualité et en nombre suffisants, les équipements qui leur permettront de concilier leur vie professionnelle et leurs obligations familiales : crèches, garderies, systèmes divers d'assistance aux mères de famille. Il est d'ailleurs important que les employeurs soient sensibilisés à ces réalités et les prennent en compte dans l'organisation de la vie de l'entreprise.

Si le principe de l'égalité professionnelle doit s'appliquer de plus en plus, nous devons rester attentifs aux conditions dans lesquelles il est mis en oeuvre et notamment éviter deux risques principaux.

Premièrement, le nombre d'emplois offerts aux jeunes restent hélas insuffisant, il faut prendre garde à ce que l'accroissement du nombre d'emplois féminins, pour capital qu'il soit, ne fasse pas oublier que l'objectif premier demeure évidemment l'accroissement global du travail des jeunes, filles et garçons. Nous ne pouvons oublier qu'à la Réunion, 58 % des moins de vingt-cinq ans sont privés d'emploi.

Le second risque serait de voir l'égalité des salaires entre les jeunes des deux sexes s'opérer par le bas, les salaires des garçons se trouvant progressivement ramenés, du fait de la crise de l'emploi, au niveau de ceux des filles. Dans de telles conditions, la discrimination sexuelle n'existera certes plus, mais son abolition se sera faite aux dépens de tous les jeunes.

Sans doute aussi faut-il réfléchir à la grande question de fond posée par le travail des femmes, surtout lorsqu'il s'agit de postes de responsabilité. Il ne m'apparaît pas nécessaire que les motivations des femmes épousent exactement celles qu'a imposées aux hommes le système managerial des entreprises privées, désormais répandu, pour leur plus grand dommage, dans les entreprises publiques et les administrations.

Il n'est certainement pas dans l'intérêt des femmes de reproduire le climat guerrier et parfois tueur dans lequel évolue aujourd'hui le monde du travail. En ce sens, un accès plus grand des femmes aux postes de responsabilité peut favoriser une réflexion critique sur tous les aspects de la vie de l'entreprise, et notamment sur la formation initiale et continue des cadres dirigeants. Cet aspect des choses peut souvent évoqué dans notre assemblée, est pourtant décisif pour la cohésion sociale et culturelle de la collectivité nationale. Ce serait une lourde erreur que d'accepter la mondialisation de la formation de nos élites.

M.

le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de loi, qui tend à rompre avec les inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, après le projet de loi relatif à la parité en politique, témoigne, s'il en était besoin, de l'intérêt que suscitent les questions féminines dans notre pays.

Si les idées progressistes ont considérablement avancé en France, c'est bien parce que les femmes ont su, au cours des dernières décennies, affirmer et manifester avec plus d'exigence leur volonté d'en finir avec les discriminations et les inégalités dont elles restent pourtant victimes dans leur vie professionnelle, familiale ou personnelle.

Ce mouvement vers l'égalité, la liberté, la responsabilité est un des phénomènes les plus marquants de ce XXe siècle.


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Ce que réclamaient déjà les casseuses de sucre qui se battaient pour l'égalité des salaires en 1892, tout comme les corsetières de Limoges, les tisseuses de Rouen, les sardinières de Douarnenez, les femmes du textile dans le Nord, des secteurs de l'alimentation, et bien d'autres encore, reste d'actualité : les « dames des PTT » ne se mobilisent-elles pas encore aujourd'hui autour de la revendication « à travail égal, salaire égal » ? Des luttes exemplaires ont été menées contre le travail du dimanche, contre les licenciements ou les fermetures d'entreprises, pour la santé, pour le droit de vivre et de travailler, pour les libertés, contre le travail de nuit.

Tout porte à croire que, sans cette détermination, les retards et les insuffisances que nous connaissons aujourd'hui seraient encore plus lourds.

En prenant toute leur place dans la lutte pour transformer le monde, abolir l'oppression et les inégalités, les femmes contribuent le plus efficacement qu'il soit à faire avancer et changer les réalités qui les concernent.

Demain d'ailleurs, comme chaque année depuis que Clara Zetkin, dirigeante révolutionnaire, lança un appel en 1910 pour faire du 8 mars une journée internationale des femmes, pour leur libération et pour la paix, des millions de femmes se rassembleront et feront de ce 8 mars 2000 une nouvelle étape dans leur lutte pour l'égalité. Plus jamais cette date ne devra tomber dans l'oubli ou l'ignorance.

Nous pouvons nous féliciter de nous voir aujourd'hui, à la veille de cet événement, appelés à débattre d'une pr oposition de loi qui pourrait contribuer à reconnaître aux femmes leur droit de citoyennes à part entière dans l'entreprise. Car si elles représentent presque la moitié du monde du travail, il faut bien mesurer tous les obstacles qui se dressent encore devant la conquête de l'égalité.

Il n'est pas question d'une égalité de principe, mais bien d'une égalité au sens d'un défi : résoudre les injustices, écarts des salaires, ségrégation sociale et profes-s ionnelle, améliorer l'orientation scolaire, obtenir la reconnaissance d'une spécificité féminine qui n'aboutisse pas pour autant à limiter la place des femmes dans le monde de demain.

Mais, on le sait bien, il ne suffit pas d'affirmer l'égalité pour qu'elle soit réalisée dans les faits quand tant de retards se sont accumulés.

Si la législation de ces dernières décennies a fait grandir l'espoir, elle n'a pas fait naître de révolutions spectaculaires. Dans combien d'entreprises, par exemple, a-t-on développé des plans d'égalité ?

La pratique patronale qui consiste à maintenir la maind'oeuvre féminine au bas de l'échelle pour peser sur les salaires et les qualifications inspire en effet toute une politique où les différences deviennent source d'inégalités.

Si l'on regarde le bilan dressé par Catherine Génisson, la réalité est incontournable.

Dans tous les domaines, les discriminations en termes d'embauche, de salaires, d'accès à la formation ou à la promotion n'ont pas disparu.

Le constat est hélas ! bien connu.

Pour le chômage : les femmes sont plus touchées que les hommes.

Pour les bas salaires : une majorité de femmes sont concernées, sans compter la différence moyenne de salaire entre les hommes et les femmes qui atteint aujourd'hui encore 27 %.

Or le code du travail, dans de très nombreux articles, prohibe les discriminations fondées sur l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe, que ce soit au niveau de l'embauche, de la rémunération, de la formation ou de la qualification.

Pour la précarité : une majorité de femmes. Le temps partiel « contraint », qui constitue la modalité d'aménagement du temps de travail, plus de 80 % des salariés qui le subissent sont des femmes : 31 % d'entre elles travaillent actuellement à temps partiel contre 52 % d'hommes, un tiers de celles qui effectuent moins de 32 heures souhaiteraient travailler davantage, 4,2 % des femmes actives travaillent moins de 15 heures par semaine. Ce temps partiel est largement subi puisque plus de 600 000 personnes en activité partielle sont désireuses d'exercer à temps plein. Il est intrinsèquement lié aux bas salaires.

Pour la double journée travail-foyer : une énorme majorité de femmes.

Prenons garde, en effet, de ne pas maintenir des inégalités entre les femmes et les hommes, sous prétexte de prendre en compte les spécificités féminines.

La loi doit avoir un rôle pédagogique et incitatif.

Aussi, il ne s'agit pas de donner aux femmes le privilège exclusif d'assumer les tâches domestiques et l'éducation des enfants tout en ayant une activité professionnelle. Les hommes et les femmes doivent disposer de moyens rendant compatible l'activité professionnelle avec la vie familiale. En un mot, ces préoccupations doivent faire partie intégrante de toutes les mesures prises concernant la vie professionnelle.

Par ailleurs, les difficultés pour la garde des enfants restent importantes. Des efforts doivent être faits en ce domaine. Les structures d'accueil doivent être développées et améliorées.

Les postes à haute responsabilité, tant dans la haute fonction publique que dans l'entreprise, les femmes ne les occupent que de façon très minoritaire, cela a été rappelé.

Le rapport laisse d'ailleurs apparaître que les femmes ne représentent que 7 % des cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises françaises.

Les atteintes à la dignité, le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, les femmes et les jeunes gens en sont les principales victimes.

Je ne développerai pas plus longuement cette énumération, mais je crois pouvoir dire que les faits démontrent que l'égalité concrète entre les femmes et les hommes reste à conquérir.

Il nous semble que des dispositions législatives peuvent conduire la France à s'engager dans la bonne direction et contribuer ainsi à modifier fondamentalement ce qui existe aujourd'hui.

La question qui se pose est de savoir si les dispositions contenues dans la proposition de loi qui est soumise à notre examen pourront permettre un changement rapide et en profondeur en faveur de l'égalité professionnelle et de la mixité professionnelle.

Il s'agit d'un enjeu de justice sociale pour les femmes, un enjeu de démocratie pour notre société.

Au regard de la proposition de loi, nous constatons une volonté d'agir sur la méthode pour parvenir à l'objectif d'égalité, et c'est très bien.

Tout d'abord, le titre Ier traite des modifications du code du travail.


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Il vise à l'élaboration d'un bilan permettant « une analyse sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur les éléments chiffrés, définis par décret et éventuellement complétés par des indicateurs qui tiennent compte de la situation de l'entreprise.

Cet outil serait articulé à des dispositions rendant obligatoire l'introduction dans les négociations, à tous les niveaux, de la recherche de l'égalité professionnelle. Les partenaires sociaux seraient contraints de négocier sur ce thème et l'employeur qui se soustrairait à ces obligations serait passible de sanctions.

Certes, la connaissance précise de la situation est une étape indispensable à condition que la périodicité des négociations permette une analyse dynamique de la réalité de l'entreprise. C'est pourquoi nous proposons de ramener le délai à deux ans, plutôt que les trois ans proposés par le texte.

Pour autant, cela ne saurait suffire. De l'avis des organisations syndicales qui ont été auditionnées, avis que nous partageons, il est nécessaire d'avoir plus d'ambition.

S'en remettre aux partenaires sociaux ne doit pas déresponsabiliser le législateur. En ce sens, nous proposons d'aller au-delà de ces obligations de moyens pour inscrire dans la loi une obligation de résultats, un accord engageant les parties devant être signé au terme des négociations.

L'application de la loi de juillet 1983, dite loi Roudy, n'a-t-elle pas montré ses limites du fait de l'absence de mesures suffisamment contraignantes ?

Par ailleurs, l'on peut améliorer sensiblement l'égalité entre les hommes et les femmes par la mise en conformité de notre droit interne en transposant la directive européenne sur la charge de la preuve en matière de discrimination.

Cette directive de décembre 1997 prévoit que, si « une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction... des faits qui permettent de présumer l'exist ence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ».

Elle précise que les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires au plus tard en janvier 2001. Ses dispositions constituent un progrès important pour les salariés.

Une des grandes difficultés concernant la discrimination est de la prouver. Actuellement c'est la ou le salarié, victime de discrimination qui doit apporter la preuve alors que c'est l'employeur qui détient à la fois le pouvoir de décision et la plupart des éléments de preuve. Nous proposons donc un amendement mettant, enfin, notre droit en conformité avec cette directive. Nous insistons beaucoup sur ce point car cela, incontestablement, rendrait la loi plus efficace.

Avant d'aborder le titre II de la loi, il y a un sujet qui touche tous les salariés, qu'ils exercent dans le privé ou dans la fonction publique, je veux parler du harcèlement moral au travail.

Les travaux préparatoires à la loi ont souligné la nécessité de prendre en considération ce phénomène. Le groupe communiste est traditionnellement très attaché à l'amélioration des conditions de travail. Pendant plusieurs mois, nous avons travaillé avec un collectif multidisciplinaire, animé par mon ami Georges Hage, et nous sommes parvenus à élaborer une proposition de loi relative au harcèlement moral au travail qui a été déposée par notre groupe en décembre dernier.

L'attente des salariés, des organisations syndicales, des associations contre le harcèlement, des médecins du travail et de tous ceux qui sont intéressés par ce phénomène est très grande. Dans la dernière émission d' Envoyé spécial et Le Nouvel Observateur, on a évoqué la proposition du groupe communiste pour mettre en exergue le vide législatif.

Notre proposition de loi mérite d'être examinée dans son ensemble, mais, dès à présent, nous pouvons montrer notre détermination à légiférer contre le harcèlement moral au travail en inscrivant, dans les deux titres de la loi sur l'égalité professionnelle, deux amendements qui en reprennent une partie.

Il y a réellement urgence à intervenir. La santé, la vie, de nombreux salariés sont en jeu.

Dès aujourd'hui, nous pouvons prendre des mesures législatives et nous sollicitons le Gouvernement pour qu'il inscrive notre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblé nationale cette année.

Dans son titre II, la proposition de loi traite de la fonction publique.

Tout d'abord, nous apportons notre plus grand soutien à la condamnation du harcèlement sexuel dans la fonction publique.

Les mesures proposées s'appuient en grande partie sur les données du rapport d'Anne-Marie Colmou. Les nombreux exemples chiffrés sont édifiants. Si les femmes sont majoritairement présentes dans la fonction publique, leur proportion décroît dès qu'il s'agit d'occuper des postes à hautes responsabilités.

Le rapport a aussi regretté le manque de données statistiques sexuées plus précises pour la fonction publique territoriale. L'amélioration des outils statistiques est donc une condition pour mieux cibler le type de mesures utiles pour réduire et éliminer à terme les inégalités entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.

La proposition de loi préconise une représentation plus importante des femmes dans les organismes paritaires de représentation du personnel et dans les jurys de concours ou commissions décidant des promotions et nominations.

Sans doute, une meilleure représentativité des femmes dans ces organismes et commissions peut favoriser une prise en compte de critères plus égalitaires, mais l'on ne peut s'empêcher d'interpeller les différents ministères. Il est indéniable, au vu de tous les bilans, qu'une réorientation plus importante en faveur des femmes est indispensable. Nommer plus de femmes aux postes de hauts fonctionnaires serait un pas pour rééquilibrer la situation actuelle mais aurait aussi une valeur d'exemple. La crédibilité des discours dépend des actes qui s'ensuivent.

Au regard de ces observations, il va sans dire que le groupe communiste est favorable aux dispositions proposées pour s'engager sur la voie de l'égalité professionnelle, dont il faut se féliciter.

Toutefois, nous pensons que les amendements que nous avons déposés peuvent rendre plus efficace encore la proposition de loi, notamment en ce qui concerne l'obligation de résultats et la charge de la preuve.

C'est dans cet état d'esprit que nous comptons continuer le travail de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

M me Marisol Touraine.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette veille du 8 mars, décidément,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

jamais, semble-t-il, l'intérêt et la sollicitude pour les femmes n'ont été aussi grands, mais, nous le savons bien, au-delà des discours de circonstance et des solidarités convenues, les bastions du conservatisme et de l'hypocrisie dans notre société restent solides.

Les faux-semblants pèsent encore lourd, et nombreux sont ceux qui, au fond, derrière leurs discours, s'accommodent assez bien des injustices que subissent les femmes. L'égalité, toujours promise, n'est jamais acquise.

Aujourd'hui, pourtant, peut-être, les choses changent.

En tout cas, elles peuvent changer puisque, au-delà des principes, c'est bien d'avancées concrètes que nous parlons, car les femmes n'ont besoin ni de sollicitude excessive, ni d'admiration faussement apitoyée pour les efforts quotidiens qu'elles doivent déployer pour affirmer leurs droits, revendiquer leur liberté, équilibrer leur temps, en clair, assumer leur vie multiple.

Que n'avons-nous entendu lorsque, il y a quelques semaines à peine, il s'est agi de voter la parité : la République était en danger ! Mais pis encore, voter la parité, nous disaient certains, c'était faire preuve de nombrilisme et oublier les obstacles sans cesse renouvelés que rencontrent au quotidien des millions de femmes.

Eh bien non ! car c'est bien toujours de démocratie qu'il s'agit. Notre démocratie ne peut se satisfaire du sort réservé aux femmes dans le monde du travail. La démocratie ne peut, ne doit s'arrêter aux portes de l'entreprise.

L'égalité professionnelle acquise en droit depuis la Libération, rendue possible depuis plus de quarante ans avec la suppression du « salaire féminin », réaffirmée avec force par la loi d'Yvette Roudy en 1983, reste aujourd'hui une « nouvelle frontière » à conquérir par les femmes.

Je serai rapide sur les chiffres, ils ont été rappelés à de nombreuses reprises.

Alors qu'elles représentent 47 % de la population active, elles sont loin d'avoir conquis l'égalité avec les hommes : des postes moins qualifiés, des salaires plus bas, une exposition plus grande à la précarité. Cette réalité aujourd'hui encore nous laisse un goût amer.

La différence des salaires est évaluée à plus de 25 % p arfois, le taux de chômage des femmes est de quatre points supérieur à celui des hommes. Et faut-il redire que plus d'une femme sur dix occupe un emploi précaire alors que 13 % seulement d'entre elles occupent des postes de responsabilité ? Dans la fonction publique, le paysage n'est guère plus réjouissant, en dépit des efforts engagés depuis deux ans qui, disons-le, n'aboutissent malheureusement pas à un résultat entièrement convaincant.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui traduit une volonté de réagir. Elle n'est pas seulement un acte symbolique. Elle donne les moyens de faire de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes la conquête sociale des années futures, car tel est bien l'enjeu.

Au moment où d'aucuns contestent la loi au nom du contrat, refusent au législateur ce qu'ils disent accepter du négociateur, nous disons que la loi seule ne garantit pas l'égalité professionnelle si les partenaires sociaux ne s'en saisissent pas.

Mais, sans la loi, les syndicats ne peuvent agir dans la constance et la durée. L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est bien un combat. Elle doit devenir une revendication sociale majeure dans la lignée de celles qui ont marqué le siècle qui s'achève, au même titre que la diminution du temps du travail, l'interdiction du travail des enfants, les congés payés et d'autres encore.

Les partenaires sociaux, qui n'ont su tirer parti de la loi Roudy, disposeront de nouveaux instruments : l'obligation, désormais triennale, de négocier dans l'entreprise ; l'institution d'une sanction pénale à l'encontre des entreprises qui ne mettraient pas tout en oeuvre pour instaurer l'égalité professionnelle ; des critères précis pour évaluer les progrès accomplis et ceux restant à accomplir.

Cette proposition de loi est bien un appel à la négociation lancé à tous les partenaires sociaux pour qu'ils fassent désormais dans leur action quotidienne, concrètement, de l'égalité professionnelle une priorité dans leurs revendications.

Elle est aussi, disons-le à nouveau clairement, un appel à l'Etat pour que celui-ci assume de manière exemplaire, en tout cas plus exemplaire qu'aujourd'hui, sa fonction d'employeur.

Alors que s'annonce un siècle nouveau, jamais les conditions économiques, sociales, d'opinion n'ont été aussi favorables.

La loi sur la parité hier, la révision de la loi Veil peutêtre demain, l'engagement pour l'égalité professionnelle aujourd'hui, sont autant de jalons posés pour rééquilibrer les rapports de force au sein de la société.

L'égalité des hommes et des femmes est une belle espérance. Ne laissons pas le

XXIe siècle se construire sans elle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales m'ayant fait savoir qu'elle désirait se réunir immédiatement pour examiner les amendements à la présente proposition de loi, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 ÉGAL ACCÈS AUX MANDATS ÉLECTORAUX Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 1er mars 2000

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 MARS 2000

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 23 mars 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la proposition de loi, no 2132, de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : Mme Catherine Génisson, rapporteuse au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2220) ; Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 2225) ; M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2226).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 7 mars 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 7 au jeudi 23 mars inclus a été ainsi fixé : Mardi 7 mars 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (nos 2132-2220-2225-2226).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à quinze heures : Question au Gouvernement.

A dix-sept heures quinze, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les fe mmes et les hommes (nos 2132-2220-2225-2226).

Mercredi 8 mars 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les question au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives (no 2231).

Discussion, en quatrième lecture, du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux (no 2232).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 3131-2229).

Jeudi 9 mars 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131-2229).

Mardi 14 mars 2000 : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131-2229).

Mercredi 15 mars 2000, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures, et jeudi 16 mars 2000, le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131-2229).

Mardi 21 mars 2000 : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (no 2119).

Mercredi 22 mars 2000, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures, et jeudi 23 mars 2000, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (no 2119).