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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Solidarité et renouvellement urbains. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 1645).

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 1652)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy ; MM. Henri Plagnol, le secrétaire d'Etat, Mme Odile Saugues, M. Christian Estrosi, Mme Janine Jambu,

M. Marc-Philippe Daubresse. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 1668)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Gilles Carrez, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Alain Cacheux, Serge Poignant, Michel Vaxès, Henri Plagnol. - Rejet.

Ouverture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de l'examen du projet de loi à la prochaine séance.

2. Activités physiques et sportives. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 1682).

3. Dépôt d'un projet de loi (p. 1682).

4. D épôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 1682).

5. Dépôt de rapports (p. 1682).

6. Dépôt d'un rapport d'information (p. 1682).

7. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 1682).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1682).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131, 2229).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'ambition, la philosophie générale du texte, sa dynamique d'ensemble, sa cohérence vous ont été présentées par Jean-Claude Gayssot. Les enjeux auxquels il répond en matière de mixité et de politique de la ville ont été développés par Claude Bartolone. Je souhaite simplement, pour ce qui me concerne, mettre en perspective les apports du projet de loi pour l'habitat, pour sa qualité, j'allais même dire pour sa dignité.

Donner à chacun la liberté de choix de son logement, c'est tout le sens de l'action en profondeur que nous menons, avec Jean-Claude Gayssot, depuis juin 1997. Et les mécanismes de marché ne peuvent à eux seuls assurer cette liberté de choix. Les difficultés de logement de trop nombreuses familles sont là pour en témoigner.

Pour permettre aux familles modestes de se loger dans de bonnes conditions, pour que d'autres puissent concrétiser leur projet d'accession à la propriété, pour que l'investissement locatif privé soit attractif, il faut une action publique cohérente, globale et déterminée.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très juste !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Constatons que tout au long des décennies passées, les trois quarts de la production de logements ont été aidés à un titre ou à un autre, qu'il s'agisse de l'accession sociale, de l'investissement locatif privé ou de la production locative sociale, la production HLM. Constatons aussi le rôle indispensable des aides au logement, attribuées chaque mois à six millions de familles, aides dont nous avons actualisé régulièrement les barèmes et revalorisé le pouvoir d'achat à hauteur de 4 et 5 milliards de francs.

Mais construire, réhabiliter, ce n'est pas seulement - même si c'est déjà beaucoup - répondre à des aspirations individuelles ou familiales fortes et à des besoins sociaux fondamentaux, c'est aussi fabriquer la ville. La matière première majeure de la ville, c'est le logement. La qualité du cadre de vie urbain, le dynamisme démographique de nos villes, la diversité sociale qui leur permet de refléter la réalité du pays - et donc de ne pas être des villes artificielles, mais des villes mélangées et généreuses -, tout cela dépend de l'habitat.

C'est pourquoi la liberté de choisir son logement devrait être aussi celle de choisir son quartier, sa commune. Or, en ce domaine, pour encore trop de nos concitoyens, les inégalités de choix restent de mise, inégalités creusées, amplifiées par la ségrégation urbaine.

Derrière le rejet du logement social, il y a tout ce qu'ont indiqué Jean-Claude Gayssot et Claude Bartolone, mais aussi le déni de cette liberté de choix dont souffrent nombre de familles modestes.

Ces principes fondamentaux de liberté de choix, de diversité de l'offre, d'aide renforcée aux familles en difficulté, sont rappelés, explicités dans l'article de principe du projet de loi consacré aux objectifs et aux outils de la politique du logement. Il s'agit, à travers cet article, de dépasser la logique de la loi de 1977, de prendre acte que pour atteindre les objectifs de droit au logement et de diversité de l'habitat, il faut agir à la fois sur le financement de l'offre et sur la solvabilisation de la demande.

Les deux termes ne sont pas à opposer, mais au contraire à additionner.

Faire en sorte que le parc public comme le parc privé, l'accession comme le locatif, contribuent au droit au logement, à la diversité de l'habitat et à un renouveau urbain, c'est le sens des mesures prises depuis juin 1997. C'est aussi le sens des principales dispositions de ce projet de loi.

En matière de logement social, un défi majeur se présente à nous : transformer son image et sa réalité pour que sa vocation sociale, qui est sa raison d'être, soit reconnue dans sa dimension la plus noble et ne soit plus synonyme de ségrégation ou de relégation.

A cet effet, les réformes profondes que nous avons mises en oeuvre, portant à la fois sur le patrimoine existant et sur celui à construire, sont complémentaires. Les plafonds de ressources ont été relevés pour permettre non plus seulement à la moitié de nos concitoyens, mais aux deux tiers d'entre eux, de pouvoir prétendre à ce type de logement.

D'une certaine façon, refuser de construire des logements sociaux dans sa commune, c'est donc considérer que les deux tiers de nos concitoyens ne sont pas dignes d'y habiter ; ce ratio montre combien certains discours procèdent davantage du fantasme que de la réalité.

Notre action a aussi porté sur la nature de l'offre. Le logement social que l'on construit aujourd'hui n'est plus celui d'hier.

Nous admettons que 10 % des ménages qui souscrivent un prêt locatif à usage social bénificient d'une dérogation au plafond de ressources ; le PLUS est ainsi


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ouvert à près des trois quarts de la population. Nous disposons donc désormais d'un outil pour mieux financer le logement social, pour garantir un niveau de loyer mieux solvabilisé par l'aide personnalisée au logement et pour pratiquer la mixité jusqu'à l'échelle de l'immeuble.

Diversifier une offre trop homogène, c'est ce qui nous a conduits à mettre en place des conditions financières sans prédécent pour l'acquisition et l'amélioration de logements et d'immeubles existants. Par ce recyclage dans le parc social de logements existants - au besoin réhabilités -, on peut tout à la fois produire du logement social là où le foncier est rare, contribuer à la requalification de quartiers anciens et garantir une excellente insertion urbaine à ce parc HLM parfaitement banalisé.

Améliorer l'image et la réalité du logement social, c'est aussi prendre à bras-le-corps le problème de la transformation en profondeur de certains quartiers HLM hors échelle, quartiers hérités des années 60 et 70.

Jean-Claude Gayssot, tout à l'heure, a dit ce que nous devions à nos prédécesseurs, qui furent confrontés à une demande forte. Mais il s'est très vite avéré que les modalités de financement n'étaient pas à la hauteur des ambitions des initiateurs de cette politique dynamique. Souven ez-vous des HLMO, habitations à loyer modéré ordinaires, souvenez-vous des PLR, programmes de logements à loyer réduit, souvenez-vous des PSR, programmes sociaux de relogement, souvenez-vous des ILM, i mmeuble à loyer moyen, souvenez-vous des ILN, immeuble à loyer normal. Je le dis à l'attention de ceux qui peuvent avoir quelque suspicion à notre endroit, tous ceux qui ont combattu - et nous en étions - l'insuffisance des financements, tous ceux qui n'ont pas accepté que la qualité soit hiérarchisée, qu'elle se dégrade avec le niveau des ressources, ne sont pas prêts à commettre de nouveau les mêmes erreurs. Ils savent trop pourquoi il est nécessaire aujourd'hui d'engager le renouvellement de cette offre devenue obsolète, génératrice, dans bien des cas, de vacance et d'exclusion.

M ais pour cela, il faut pouvoir construire ou reconstruire autrement, quitte à démolir lorsque cela s'avère nécessaire. Les prêts construction démolition, créés dès le 1er janvier 1998, ne peuvent bien sûr qu'y aider. Et il faut relancer la production, y compris dans des quartiers - et bien sûr des communes - jusqu'à présent insuffisamment ouverts au logement social.

M. Bernard Birsinger.

Les villes de droite !

M. Christophe Caresche.

Le Vésinet !

M. Bernard Birsinger.

Neuilly-sur-Seine !

M. Christophe Caresche.

Le maire de Neuilly n'est pas là...

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Sinon, la situation sera bloquée et la ségrégation ne fera que s'amplifier.

Il me semble que notre démarche d'appel à la mobilisation pour la mixité est d'autant plus légitime que notre politique est globale. Nous avons créé le statut du bailleur privé, de façon à encourager la constitution de nouvelles générations de bailleurs, nécessaire pour satisfaire la diversité des attentes de nos concitoyens. Contrairement à l'image que l'on veut donner de nous, nous avons aussi consolidé et sécurisé l'accession sociale à la propriété.

Tout à l'heure, il a été fait référence aux initiatives prises par d'autres gouvernements, et nous n'avons bien évidemment pas pratiqué la politique de terre brûlée. Au contraire, nous avons à consolider, à accentuer la reprise pour que l'activité du bâtiment se porte mieux. Je ne pense pas que nous ayons tellement échoué. Mais rappelez-vous, l'accession sociale à la propriété, c'était, pendant deux ans, un prélèvement de 7 milliards par an sur la collecte du 1 %...

M. Jean-Jacques Filleul.

Exactement !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... et personne ne savait ce qu'il adviendrait du financement au terme de cette période.

Jean-Claude Gayssot et moi-même, nous avons plaidé ce dossier auprès du Premier ministre et son arbitrage nous a été favorable, puisqu'il a pris la décision forte de réintégrer dans le budget de la nation le financement de l'accession sociale à la propriété.

M. Daniel Marcovitch.

C'est vrai !

Mme Janine Jambu.

Très juste !

M. Jean-Jacques Filleul.

Bravo !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Dans le même temps - je le rappelle pour éviter que l'on ne nous fasse un mauvais procès - étaient arrêtés le plan de modernisation du 1 % et les bases d'une convention quinquennale, que nous avons signée avec l'union d'économie sociale du logement, représentative de l'ensemble des collecteurs.

Dans le cadre de la modernisation de l'usage du 1 %, nous avons mis en place et financé le système de sécurisation des prêts d'accession sociale, les PAS, complétés ou non par les prêts à taux zéro.

Beaucoup de nos concitoyens, lorsqu'ils arrivent à l'âge adulte, sont aujourd'hui soumis à des aléas, dans leur vie personnelle ou dans leur vie professionnelle. Certains bailleurs ne souhaitent pas prendre de risques et font en sorte d'éviter les complications liées à l'accession des jeunes au logement. Nous avons aussi - et vous le savez cherché à prendre en compte cette réalité.

Dans le cadre de la modernisation du 1 %, nous avons mis en place un système de garanties locatives, d'avance de la caution pour tous les jeunes de moins de trente ans non titulaires d'un contrat à durée indéterminée. Le statut du bailleur privé comporte d'ailleurs également un système de garanties, à côté d'un système de réservation pour les entreprises cotisant au 1 %. Nous sommes donc fondés, me semble-t-il, à demander à la représentation nationale de bien vouloir resituer le renforcement de l'obligation de diversifier l'habitat dans cette politique globale. Nous sommes en effet dans un contexte de financement exceptionnel du logement social, des conditions de ressources ouvrant comme jamais son accès au plus grand nombre venant compléter ce qui a été fait pour l'accession à la propriété et pour le statut du bailleur privé.

Dans cet esprit, les dispositions du projet de loi consacrées aux organismes HLM visent à reconnaître et à renforcer le rôle de ces opérateurs urbains essentiels autour de trois points forts : affirmer leur mission d'intérêt général, leur permettre de mieux contribuer à la diversité de l'habitat et conforter les solidarités entre organismes pour que tous puissent assurer mieux leurs missions.

Consacrer la mission d'intérêt général des organismes et garantir la pérennité de la vocation sociale de leur patrimoine par-delà la fin du conventionnement et pardelà d'éventuelles cessions de patrimoine, c'est préserver le rôle déterminant en matière de droit au logement de ce parc qui a été construit avec l'aide de l'Etat. Et ce rôle, le plus élevé qui soit pour une mission sociale, est indispensable pour nombre de nos concitoyens.


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Renforcer la faculté des organismes HLM à oeuvrer en faveur de la diversité de l'habitat et du renouvellement urbain, c'est leur permettre de remplir pleinement cette mission d'opérateur urbain et social qui est la leur. En élargissant leurs interventions en matière d'accession sociale, l'objectif est non pas de faire concurrence aux opérateurs privés sur leurs champs d'intervention traditionnels, mais de diversifier l'offre de logements là où cela est nécessaire, et notamment pour assurer le renouvellement urbain.

Pour remplir ces missions ambitieuses, il faut permettre aux organismes HLM de s'organiser différemment, de dégager des moyens nouveaux en plus de ceux d'ores et déjà en place. C'est le sens de la réforme qui vous est proposée pour la Caisse de garantie du logement social CGLS -, réforme qui introduit davantage de solidarité financière vis-à-vis des organismes qui ont l'occupation sociale la plus marquée. C'est le sens aussi des mesures qui inciteront à une meilleure territorialisation de leur organisation.

Et là, nous devons appeler le mouvement HLM à repenser son évolution, appeler chacun de ses organismes à réfléchir aux adaptations nécessaires à ce qui bouge profondément : non seulement les modes de vie et les aspirations des habitants, mais aussi l'organisation des territ oires, à commencer par le développement de l'intercommunalité.

Mais la mission des organismes HLM, ce n'est pas seulement investir pour construire ou réhabiliter, c'est aussi gérer au quotidien, dans la proximité et avec des relations personnalisées. Et de cette gestion-là dépend beaucoup la qualité de vie dans un quartier. C'est pourquoi nous souh aitons développer la concertation entre organismes HLM et locataires, de la façon la plus décentralisée, la plus proche possible des problèmes et de leurs solutions.

C'est le sens des plans de concertation locative prévus par le projet de loi. C'est le sens aussi du renforcement que nous proposons pour le rôle des commissions départementales de conciliation. A tous les partenaires acteurs de terrain, collectivités publiques, Etat, de faire demain de ces commissions des « prud'hommes » de l'habitat.

Le renouvellement urbain, la mixité de l'habitat ne sont pas, bien sûr, l'apanage du parc HLM. Ils passent aussi par une politique active en faveur du parc privé, par une action de reconquête de tissus urbains anciens qui s'étiolent, se dégradent et se paupérisent alors qu'ils représentent un formidable potentiel urbain. Là encore, les préoccupations urbaines et sociales se rejoignent. Requalifier ce parc, c'est d'abord donner des conditions de logement décentes à des familles qui subissent parfois une situation d'un autre âge, proche du XIXe siècle, époque de laquelle datent nos législations de péril et d'insalubrité dont Jean-Claude Gayssot a expliqué comment nous entendions les moderniser à l'occasion de ce texte. Requalifier ce parc, c'est redonner aussi de la qualité urbaine, de l'attractivité, et donc de la diversité, à des quartiers qui n'en n'ont jamais eu comme certains que nous avons encore, hélas, parfois l'occasion de découvrir.

Depuis deux ans et demi, nous avons amélioré très sensiblement les aides financières à la réhabilitation du parc privé : augmentation des crédits de la PAH et de l'ANAH, TVA à 5,5 % pour les travaux des particuliers.

Toutes ces mesures prennent en compte le parc privé et, à elles seules, elles empêchent toute caricature dans la présentation de la politique d'ensemble que nous tenons à conduire. Je pourrais y ajouter les deux baisses successives des droits de mutation, la suppression, sur proposition de Jean-Claude Gayssot, du droit au bail en deux ans. Ces mesures fiscales, qui atteignent au total 30 milliards de francs, changent radicalement l'environnement financier et fiscal de l'activité immobilière. Je rappelle en effet que, même s'il a augmenté, le budget du logement n'est que de 48 milliards et que si l'on ajoute ces 30 milliards d'avancées fiscales aux crédits budgétaires, cela transforme fondamentalement la donne.

M. Daniel Marcovitch et M. Jean-Jacques Filleul.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Avec un environnement fiscal et financier considérablement amélioré au cours des deux dernières années, les dispositions prévues dans le projet de loi doivent nous permettre d'améliorer nos capacités d'action face à des spirales de dégradation qui s'accompagnent parfois d'une exploitation indigne de la misère. Il s'agit de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées, thème évoqué par Claude Bartolone, et de la réforme des procédures d'insalubrité et de péril présentée par Jean-Claude Gayssot.

Sur ces deux thèmes, le projet de loi améliore de façon sensible les dispositifs opérationnels à disposition des acteurs publics, et notamment des communes. Il permet aussi de responsabiliser, voire de neutraliser et même de sanctionner, certains profiteurs indélicats - ce ne sont ni des professsionnels honorables ni des bailleurs respectables - qui entretiennent cette spirale de dégradation parce qu'ils en tirent profit. Je pense bien sûr aux marchands de sommeil. La suspension du loyer tant que les travaux prescrits pour mettre fin à la situation d'insalubrité n'auront pas été réalisés sera un moyen fort de lutter contre ce marché de la misère, cette exploitation où le sordide le dispute à l'inacceptable, comme le dit souvent JeanC laude Gayssot. Voilà pourquoi nous trouverons ensemble une définition du logement décent qui aidera à ce qu'il soit assuré à tous les locataires.

L'action en faveur des copropriétés et du parc ancien dégradé trouvera un point d'appui solide dans la réforme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

Notre ambition est de créer un outil puissant, capable de soutenir une politique globale et efficace d'amélioration du parc privé, en faveur des propriétaires occupants comme des propriétaires bailleurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, quelles sont les ambitions de ce projet de loi en matière d'habitat.

Comme vous le voyez, elles sont en totale cohérence avec la politique menée par le Gouvernement depuis deux ans et demi et la prolongent. Nous avons suffisamment d'expérience dans ce domaine complexe pour savoir qu'il n'y a pas de solution miracle.

En tout cas, nous ne prétendons pas atteindre la perfection. Nous comptons donc sur le débat pour enrichir ce texte dans un esprit de responsabilité,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... sans démagogie ou faux prétextes, car seuls doivent compter les besoins et les attentes de nos concitoyens dans leur diversité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, Louis Besson vient de


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le rappeler : le logement est un élément central de la vie de nos concitoyens et de nos villes. De fait, c'est dans ce secteur que s'est opérée la plus grande révolution de ces cinquante dernières années dans la mesure où le nombre de logements a doublé pendant cette période. Durant la seconde moitié du XXe siècle, nous en avons en effet construit autant qu'il en existait auparavant. Cela ne pouvait pas être sans conséquence non seulement sur le territoire de nos villes, mais aussi sur les territoires ruraux et leurs communes.

Nous connaissons aujourd'hui une double crise, celle du territoire urbain et celle du territoire rural, conséquence des logiques qui ont organisé la croissance de l'un et, souvent, la dévitalisation de l'autre. Il en découle un double sentiment de rejet et de nostalgie, réaction courante et ancienne puisque les prophètes de la Bible vouaient déjà les grandes villes aux gémonies. Platon et Aristote condamnaient la grande métropole et, plus proche de nous, Baudelaire se chagrinait en écrivant : « Le vieux Paris n'est plus. La forme d'une ville change plus vite, hélas que le coeur d'un mortel. »

L'essentiel n'est sans doute pas là. Ce qui est en cause aujourd'hui, ce sont nos valeurs républicaines. La ségrégation spatiale accroît les inégalités sociales et fait courir le risque du communautarisme. Le droit au logement est remis en question. Le droit à la ville, lieu de culture, d'échange, de mixité, d'apprentissage de la coexistence et de la socialisation, se délite. C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains présenté au nom de M. Lionel Jospin par M. Jean-Claude Gayssot. Il vise à compléter la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Il concrétise et prolonge les réformes engagées par M. Louis Besson sur le logement et l'urbanisme, et par M. Claude Bartolone sur le renouvellement urbain.

Il s'agit bien de mettre en oeuvre un chantier de société autour d'un projet politique fort fondé sur la solidarité entre les territoires, la mixité sociale entre les habitants à travers le respect de notre environnement et le souci de la qualité de vie de nos concitoyens. Le projet de loi s'articule autour de trois volets : le volet urbanisme, le volet habitat, clé de voûte de ce texte et de nos villes, et le volet déplacements.

Le schéma de cohérence territoriale est un nouvel outil créé par ce texte et qui était devenu nécessaire. En effet, pour faire face à la croissance, à l'exode rural et aux besoins de main-d'oeuvre, le développement urbain s'est fondé sur l'extension simultanée des villes centres et des communes de leur périphérie, comblant de façon anarchique les espaces péri-urbains.

La ville a changé non seulement d'échelle, mais aussi de forme. La ville « héritée », chargée d'histoire, au rôle intégrateur et identitaire a perdu une partie de ses habitants « les plus mobiles » et certaines de ses activités économiques. En même temps, elle doit faire face aux coûts de centralité et au renouvellement urbain. Les communes avoisinantes ont joué de la concurrence pour attirer des activités nécessaires au financement des besoins de leur nouvelle population. L'usage de la voiture a permis l'accès à des territoires de plus en plus éloignés, en même temps qu'il a façonné l'espace public au détriment de ses anciens usages.

La ville éclatée, la ville étalée, la ville dispersée s'est construite sans cohérence d'aménagement. Nous pourrons à l'avenir, sur le périmètre le plus large possible, nous référer à un document unique, à vocation principalement stratégique, pour ordonner l'ensemble des politiques sectorielles et locales qui se sont construites pour faire face aux problèmes de la ville ces trente dernières années.

C'est la vocation du schéma de cohérence territorial. Il devra traduire à la fois la politique de l'agglomération, les relations entre les différents territoires qui la composent - urbain, périurbain, rural - et les documents locaux et sectoriels - plan local d'urbanisme, plan local de déplacements, plan local de l'habitat qui définissent les politiques de la ville, de l'habitat et des déplacements, en cohérence avec les objectifs de la nation définis à l'article 1er de ce projet de loi qui a été longuement développé dans les interventions de nos trois ministres.

L'échelon local n'en reste pas moins pertinent. C'est celui du projet urbain, de l'action sur la ville à l'échelle d'un quartier à renouveler, d'un autre à réinsérer dans la ville en y recherchant la mixité urbaine et sociale, d'un autre encore à requalifier à travers ses espaces urbains, ou bien tout à la fois. Le plan local d'urbanisme, qui remplacera le plan d'occupation des sols, permettra d'ajouter à la stratégie foncière traditionnelle l'action de la ville sur elle-même, le renouvellement pour tout dire. On pourra y définir, pour une période de cinq ans, des périmètres où la collectivité et ses habitants construiront un projet en commun et choisiront les outils les plus appropriés pour le mener à bien. Enfin, les cartes communales permettront au maire de délivrer des permis de construire, ce qui représente également, dans la droite ligne de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, la capacité des territoires là où ils se trouvent, quel que soit le lieu, à mener des projets et à disposer des instruments nécessaires pour cela.

Je voudrais évoquer un point qui a été longuement discuté en commission notamment, à savoir la question du commerce. On entend souvent dire que la manière dont le commerce s'est positionné dans des espaces monofonctionnels a défiguré l'entrée de nos villes. Il y aurait un paradoxe à ne pas parler de ce problème. L'incompréhension est née avec la loi Royer, où il a été question d'« urbanisme commercial ».

Or l'urbanisme commercial n'existe pas. Pourquoi un secteur particulier de l'activité économique aurait-il droit à sa propre organisation ? En fait, il faut dissocier, mais aussi rassembler, l'organisation de nos territoires et celle du commerce. Il faut évaluer les besoins en matière d'équipement commercial et faire en sorte que ces équipements s'intégrent dans l'organisation urbaine.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Voilà comment, selon moi, la loi doit évoluer. Il est temps de faire fi définitivement de cet urbanisme particulier qui n'a rien à voir avec la réalité. Après le vote de ce texte, il devra se cantonner à l'équipement commercial, et pour ce qui est de l'organisation urbaine, aux définitions de l'urbanisme.

Je tiens à présent à souligner deux points majeurs de ce projet de loi dans le domaine de l'urbanisme.

Tout d'abord, les pouvoirs des collectivités locales sont renforcés. La répartition de compétences entre les collectivités locales et l'Etat est clarifiée. Le rôle de l'Etat est strictement défini : il reste garant du respect des principes fondamentaux, sans empiéter, même à travers la procéd ure, dans la définition quotidienne des politiques d'urbanisme, sur les prérogatives des communes. Ainsi, les choses sont claires : l'Etat définit les politiques nationales et les communes, dans ce cadre, s'organisent comme elles le veulent.


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Ensuite, ce projet présente une avancée importante pour la démocratie locale. Le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, la carte communale sont désormais soumis au même régime de la concertation et de l'enquête publique. L'urbanisme devient l'affaire de tous. C'est désormais dans les villes que se feront les projets, avec ses acteurs - habitants, associations, élus -, et c'est sur des questions de fond et non plus de forme que s'évaluera la pertinence des documents d'urbanisme.

Le volet habitat représente la clé de voûte de cette loi.

Il s'organise autour de différents thèmes. M. Claude Bartolone, ministre de la ville, a bien montré l'enjeu et l'ambition des objectifs que nous nous fixons en matière de mixité sociale. C'est effectivement fondamental, mais cela n'épuise pas le sujet. Il y a également le problème des copropriétés dégradées qui constituent très souvent un parc social de fait. Elles représentent aujourd'hui un potentiel de risque de voir s'accentuer encore la spécialisation de nos villes.

La politique de l'habitat ne peut atteindre l'objectif de mixité sociale si les communes entre elles et dans leurs quartiers n'ont pas une politique volontariste en matière de logement social. C'est pourquoi la loi fixe à 20 % le nombre de logements locatifs sociaux par commune et institue un prélèvement sur les recettes des communes qui n'atteignent pas ce seuil. Chaque commune pourra déduire des dépenses engagées pour atteindre cet objectif le montant de ces prélèvements. Je précise ici qu'il ne s'agit ni d'instituer une nouvelle taxe ni de recueillir de l'argent. L'idéal serait d'ailleurs d'en prélever le moins possible, puisque cela signifierait que les communes ont rempli leurs objectifs.

Par ces mesures, il sera possible de créer 450 000 logements accessibles à des personnes ayant un revenu modeste et qui, aujourd'hui, sont mal logées ou logées trop loin de leur travail. Les plus jeunes cohabitent parfois avec leurs parents. Ces mesures permettront aussi d'accompagner une nouvelle dynamique de la politique du logement tout en participant à une mixité sociale nécessaire aux communes et aux quartiers trop souvent monosociaux. Bien entendu, ce seuil n'épuise pas la politique sociale du logement, qui comprend également l'accession sociale.

Personne sur ces bancs refuse la nécessaire mixité sociale et chacun dénonce l'absurdité de ces quartiers voire des communes entières - habités par une seule catégorie de notre population.

Par ailleurs, nul ne peut ignorer que beaucoup de nos compatriotes n'ont pas accès aujourd'hui à des conditions décentes de logement. Voici quelques données qu'il faut avoir en tête : plus de 1,6 million de personnes vivent dans des logements sans confort sanitaire de base.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Un million sont en situation de surpeuplement, c'est-à-dire qu'il existe un écart de deux pièces par rapport à ce qu'ils devraient avoir compte tenu de la composition du ménage et de la taille du logement.

Quelque 550 000 personnes, dont 50 000 enfants, habitent dans des hôtels, des meublés ou sont souslocataires de leurs logements.

Parmi les 12 % de notre population considérée comme pauvre au regard des normes internationales, 27 % consacrent plus du quart de leurs ressources au paiement de leur logement après la prise en compte de l'aide et sans compter les charges.

Les délais d'attente pour trouver un logement lorsqu'un jeune veut s'installer, lorsqu'une personne change de lieu de travail, lorsqu'un ménage veut trouver un logement plus décent illustrent, tout autant que les bulletins matinaux sur l'état de la circulation, l'inadaptation de l'organisation de nos villes, tant en matière d'habitat que de localisation des activités économiques.

Pourtant, cet objectif de 20 % par communes, qui représente 450 000 logements en vingt ans et qui peut paraître modeste au regard des besoins évoqués, fait l'objet, de polémiques M. Bartolone l'a rappelé. J'ai lu et entendu qu'une telle disposition allait conduire aux barres de Montfermeil, à l'urbanisme des années 60, à la densification, à l'arrivée d'étrangers. Car derrière tous ces discours,...

M. Jean-Pierre Blazy.

Que nous avons entendus cet après-midi encore !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

... il y a des sousentendus qui portent sur des problèmes de racisme.

M. Christian Estrosi.

Vous entendez les sous-entendus ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Puisque vous y tenez, je vais expliciter mon propos. Par la campagne que vous menez contre ce texte, vous conduisez les habitants de vos villes,...

M. Christian Estrosi.

C'est vous qui allez perdre les vôtres avec cette loi !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

... à s'inquiéter de l'arrivée « des gens de l'autre côté » !

M. Christian Estrosi.

Les villes n'appartiennent à personne ! Elles sont aux citoyens !

M. le président.

Messieurs, évitez de vous interpeller !

M. Christian Estrosi.

On m'a provoqué, monsieur le

président

!

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Or la dramatisation n'est pas de mise. Elle démontre tout simplement que, entre la parole - tout le monde est d'accord sur la nécessaire mixité sociale - et l'acte, il y a plus qu'une fracture.

Comme le disait M. le ministre Louis Besson, je dois toutefois reconnaître que le logement social a une connotation péjorative, aujourd'hui - bien aidée d'ailleurs par ce que nous entendons -, faute d'avoir mis en valeur la qualité architecturale réelle des logements sociaux qui ont été fabriqués ces dix dernières années. Quel architecte de renom n'a pas reçu, qui une équerre d'argent, qui une citation au niveau international, ou n'a pas agi dans le domaine social ? Je dirai aussi que les efforts d'insertion dans les quartiers de nos communes sont méritoires.

Ainsi, en passant dans nos rues, les gens sont souvent surpris d'apprendre que tel ou tel immeuble relève du logement locatif social, ces fameux 20 % qui font si peur à quelques-uns.

Je dois reconnaître également que, pour certaines communes, cela posera plus de problèmes que pour d'autres et que les contraintes imposées par ailleurs aux communes doivent être prises en compte. En tout état de cause, vingt ans pour atteindre cet objectif, c'est le temps nécessaire et suffisant pour trouver les moyens de surmonter les obstacles de ce qui doit être pour nous une ardente obligation.

Je ne reviendrai pas sur les copropriétés dégradées et l'insalubrité. J'invite simplement mes collègues à lire le rapport d'information de Daniel Marcovitch...

M. Jean-Pierre Blazy.

Excellent rapport !


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M. Patrick Rimbert, rapporteur.

... qui dresse un premier bilan, un an et demi après son adoption, de la loi contre les exclusions. Il y fait également un certain nombre de propositions qui sont reprises par des amendements à ce texte.

M. Alain Cacheux.

Ces propositions sont excellentes !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

A cet égard, la synergie entre le travail parlementaire et le travail du Gouvernement me semble excellente.

Le troisième volet porte sur les déplacements. Le droit aux déplacements et à ses différents modes fait partie du droit à la ville. Force est de constater que l'urbanisation des cinquante dernières années a privilégié les déplacements en voiture au détriment des transports urbains, du vélo et des piétons. L'espace public lui a été complètement dédié au détriment de sa qualité et de sa sécurité.

Ce phénomène, en outre, a été accentué par les villes elles-mêmes qui ont voulu lutter contre la dévitalisation des centres-villes.

La stratégie des « pénétrantes » au coeur des villes voulait concurrencer les voies rapides, qui maillaient souvent sans souci de la qualité des espaces péri-urbains, ni de celle des banlieues qui étaient ainsi défigurées. Je ne peux m'empêcher de citer le maire de Philadelphie, qui disait à la fin des années soixante : « Nous avons amené l'autoroute jusqu'au coeur de la ville et le coeur est parti par l'autoroute. »

M. Aloyse Warhouver.

Ce propos est très juste !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Je ne peux que rappeler que le comté de Los Angeles - sept millions d'habitants a pratiquement cessé de construire des autoroutes en 1960. Depuis, les seules infrastructures nouvelles de transport construites se sont limitées à quatre-vingt kilomètres de métro, tandis que la Century Freeway a allongé le réseau routier de 2 %. L'essentiel de la croissance de l'agglomération s'est faite, malheureusement, en dehors du comté, là où les autoroutes n'étaient pas saturées.

La leçon de ces exemples impose la modestie. Elle met en valeur la nécessité d'avoir, d'une part, une cohérence à une échelle pertinente pour les schémas de cohérence territoriale et, d'autre part, une bonne coordination des autorités de transport dans le cadre du syndicat mixte qu'il sera possible de créer dans le cadre de ce projet de loi.

Les plans de déplacements urbains - PDU - ont essayé de prendre en compte ces problèmes sans y intégrer le stationnement et les difficultés des centres-villes à être approvisionnés dans leurs fonctions vitales. La mixité urbaine y est remise en question et certains d'entre eux se transforment en quartiers-musées. La loi remédie à ces absences en ajoutant de nouveaux objectifs aux PDU et en renforçant leur rôle puisque les différents outils de planification urbaine devront être compatibles avec eux.

Désormais, ce sera un outil normatif.

La régionalisation des transports passe du stade expérimental au stade du droit commun et la coopération entre les différentes autorités organisatrices de transport est rendue possible et encouragée.

Votre rapporteur s'est efforcé de rendre les PDU plus complémentaires avec les deux autres volets. Il a, en outre, dit la nécessité de trouver les moyens financiers adaptés à la volonté exprimée par la loi de mieux prendre en compte les déplacements. A cet égard, j'ai écouté, avec plaisir, les propos de M. Jean-Claude Gayssot. Il a répondu très clairement aux préoccupations des députés.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Comme toujours ! (Sourires.)

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Le texte, qui renforce la décentralisation en province, est relativement timide à propos de l'Ile-de-France. Si nous comprenons l'enjeu de cette région pour l'Etat, nous pensons toutefois que les territoires urbains doivent faire l'objet d'une maîtrise d'ouvrage partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, même en matière de transport.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, je vous invite à conclure. En dépit des interruptions, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Merci de me le rappeler, monsieur le président.

En région parisienne, les opérateurs ont besoin de se confronter aux élus qui portent les aspirations de leurs concitoyens. Le bilan de la régionalisation mérite d'être méditée. L'augmentation des trafics liée à ces décentralisations me paraît extrêmement intéressante.

Maîtrise de l'espace, politique de l'habitat garantissant la mixité de la ville, « matrice chaude et créatrice » comme le disait Fernand Braudel - et politique des déplacements : ces trois volets mis en cohérence constituent la nouvelle chance offerte par ce projet de loi pour préserver l'identité de nos villes européennes et assurer le droit à la ville que nous devons à tous nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la vague d'urbanisation qui façonne notre pays depuis le début du XXe siècle s'est poursuivie durant ces dernières années et ne semble pas connaître de répit. Les villes, principalement les métropoles, drainent vers elles une part essentielle de la population active. Elles continuent, pour beaucoup, de croître.

Elles s'étalent jusqu'à étendre leur périphérie à des dizaines de kilomètres parfois, comme on peut le constat er en Ile-de-France. Malheureusement, chacun en convient, cette expansion ne s'accompagne pas d'un développement social et économique harmonieux.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, vous l'avez vous-même souligné lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges, en déclarant : « Notre univers urbain est trop souvent miné par la ségrégation, la montée des inégalités, les difficultés de transport, la stigmatisation et la dégradation de certains quartiers, la détérioration du cadre de vie, sous l'effet de la pollution et du bruit notamment... ». Sans vouloir noircir le tableau, le moins

que l'on puisse dire c'est que ce paysage mérite d'être modifié en profondeur pour offrir un visage moins d écomposé, une figure plus humaine. Aussi, notre commission a accueilli avec satisfaction le projet de loi du Gouvernement relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Nous en partageons pleinement les principaux objectifs, qu'il s'agisse d'améliorer la cohérence de l'aménagement dans une utilisation économe de l'espace, de simplifier les codes et les procédures pour les rendre plus lisibles, de promouvoir partout une véritable mixité de l'habitat, de lutter contre les phénomènes d'insalubrité et les pratiques intolérables des marchands de sommeil, ou encore de favoriser les déplacements dans le respect de l'environnement et dans l'intérêt du plus grand nombre.


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Ce texte doit donc permettre la prise en compte de nombreux amendements constructifs - en tout cas, je l'espère.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Notre commission a examiné plus de mille amendements et en a adopté près de 300. Il s'agit de redonner du sens à une éclosion urbaine débridée, aveugle la plupart du temps aux besoins et aux aspirations de la majorité des citoyens.

C'est dans cet état d'esprit que la commission de la production et des échanges a examiné les quatre-vingtsept articles qui lui ont été soumis, consacrant vingt-deux heures à ce travail.

Je souhaiterais, pour ma part, insister sur deux dimensions qui sont au coeur des préoccupations des députés de la majorité et qui, me semble-t-il, en étant davantage encore prises en compte, renforceraient l'efficacité des réformes proposées.

Il s'agit, en premier lieu, d'impulser et de favoriser au mieux l'expression démocratique. Cette préoccupation doit guider la conception de ce nouveau document fédérateur qu'est le schéma de cohérence territoriale. En effet, s'il est heureux de simplifier les procédures administratives, par souci de transparence et pour limiter les recours chicaniers et les contentieux catégoriels, il faut, dans le processus d'élaboration, veiller à associer plus étroitement et, autant que faire se peut, directement tous les acteurs locaux.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. André Lajoinie, président de la commission.

De même, la concertation doit prévaloir lors de la définition et de la mise en oeuvre des politiques de déplacement ou de promotion d'un logement social de qualité. En l'occurrence, favoriser la participation et l'implication des é lus, des responsables associatifs ou syndicaux, de l'ensemble des populations, ce n'est pas un supplément d'âme, mais plus sûrement l'une des conditions premières si l'on veut, comme l'affirme le Gouvernement, « transformer la vie quotidienne en ville ». Des mesures positives en ce sens figurent dans le texte. Elles méritent d'être enrichies.

Ma seconde remarque concerne les moyens à mobiliser pour redessiner l'espace et rénover les relations urbaines.

Le dispositif instaurant une solidarité effective entre les communes en matière d'habitat social témoigne d'une volonté réelle de concrétiser les intentions en actes. Je m'en félicite. Je sais que la seule annonce de ce plan incitatif suscite une levée de boucliers parmi les parlementaires de l'opposition.

Je sais que tous ne partagent pas ce point de vue, ce ne sont que quelques excités qui feraient bien de revenir à plus de raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.) Certains n'ont pas hésité à lancer des campagnes de pétition, dans les beaux quartiers évidemment,...

M. Henri Plagnol.

On n'en aurait plus le droit ?

M. André Lajoinie, président de la commission.

... et à prôner la révolte contre une loi qualifiée d'autoritaire.

Pourtant, il ne s'agit que de fixer un objectif des plus raisonnables et mesurés puisqu'il invite les communes de plus de 1 500 habitants faisant partie d'agglomérations d'au moins 50 000 habitants à respecter un taux minimum de 20 % d'habitat à caractère social sur leur territoire sur un délai de vingt ans ! Vouloir qu'un logement sur cinq puisse être accessible en location aux plus modestes, mais aussi, M. le secrétaire d'Etat au logement l'a indiqué, plus largement aux familles disposant de revenus moyens, c'est être fidèle au principe de justice, d'équité et de cohésion républicaine.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Dès lors, comment ne pas s'indigner, je le dis avec tristesse, des propos outranciers tenus ce matin dans la presse par le maire RPR du Raincy, M. Eric Raoult. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Henri Plagnol.

Ça vous chagrine !

M. Christian Estrosi.

C'est une attaque personnelle !

M. André Lajoinie, président de la commission.

J'en parle parce que c'est public. Je le regrette, d'ailleurs.

M. Christian Estrosi.

Il n'est pas là !

M. Bernard Birsinger.

L'ancien ministre de la ville a été battu en juin 1997 ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. André Lajoinie, président de la commission.

Il n'est pas là puisqu'il n'est pas élu. Il a été battu.

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie !

M. André Lajoinie, président de la commission.

J'ai déjà eu un débat avec lui, monsieur Estrosi, je le lui ai dit en face. Il ne sera donc pas surpris de mes propos.

M. Christian Estrosi.

Vous lui avez fait gagner 20 % dans les sondages !

Mme Janine Jambu.

Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. André Lajoinie, président de la commission.

M. Raoult, non content de manier l'anathème et la caricature, assure, entendez bien, d'emblée qu'il se fera un point d'honneur à ne pas appliquer la loi.

M. Christian Bataille.

C'est scandaleux !

M. Christian Estrosi.

Le Conseil constitutionnel se chargera de cette loi avant lui !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Il est vraiment consternant de voir un ancien ministre mépriser de la sorte les principes les plus élémentaires de la République. D'autant que M. Raoult avoue lui-même que, dans sa commune, 235 ménages attendent toujours vainement un logement social. Il est vrai qu'au Raincy, où l'habitat à loyer modéré ne représente que 4,6 %, l'offre est réduite à une peau de chagrin.

M. Christian Bataille.

Après, il va faire le populiste à moto !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Dans un récent rapport, le professeur Michel Mouillart relève qu'en l'absence de « coordination » du marché du logement, « se développent les exclusions, se réduit la mobilité résidentielle, se constituent les mécanismes de la ségrégation ». Il estime - écoutez bien - que la demande globale de logements, au regard des besoins, devrait rester durablement élevée, de l'ordre de 325 000 unités chaque année. Aussi, loin d'être une « aberration », l'obligation de construction de logements sociaux créée par ce projet de loi répond non seulement à la nécessité de décloisonner notre société mais aussi à une exigence sociale forte.

Car nombreux sont les gens qui attendent un logement à leur portée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est vrai !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Toutefois, il faut, dans le même mouvement, intervenir davantage sur le parc social existant - vous l'avez d'ailleurs dit, messieurs Besson et Bartolone - en poursuivant des actions résolues de requalification de quartiers HLM où la vie est devenue dure. Sinon, nous le savons bien, nous pourrions avoir à subir des effets pervers de cet effort en faveur de la mixité sociale, qu'il faut réussir à atteindre, en voyant se produire des phénomènes d'aspiration des couches les plus solvables, aggravant la situation de ces quartiers. Nous devons y veiller.

Mme Janine Jambu.

Très juste !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Les bailleurs sociaux doivent pouvoir ainsi renforcer la présence de personnels de proximité dans les immeubles et les cités. Cela implique que ces organismes bénéficient de moyens nouveaux pour remplir leur mission.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Il va en falloir !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Oui, monsieur ! Il en faut plus car les gens des quartiers HLM ont droit à avoir des gardiens et des concierges dans la même proportion que les quartiers riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi.

Vous ne leur en avez jamais donné chez vous !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Au lieu de vous égosiller, vous devriez aller faire un tour dans ces quartiers !

M. Christian Estrosi.

Combien y a-t-il de gardiens à La Courneuve !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Vous verriez que, dans une République où ces personnes ont des droits, elles ont encore à les obtenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi.

Combien à La Courneuve ? Qu'avez-vous fait en quatorze ans ?

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je parle de questions de démocratie, monsieur Estrosi. Je ne me livre pas à des polémiques stériles ! Il en va de même, par ailleurs, du développement des transports collectifs. Cette loi entend leur donner la priorité. Je m'en réjouis. Je souscris pleinement aux dispositions tendant à encourager la création de syndicats mixtes entre région, département et autorité organisatrice de transports et de déplacements, tout en généralisant la décentralisation des transports ferrés de voyageurs. Ces deux orientations sont de nature à améliorer sensiblement les réseaux de communication tant à l'échelle urbaine, péri-urbaine que régionale.

Cependant, pour se hisser à la hauteur de tels enjeux, les responsables des transports collectifs publics, unanimes, demandent des ressources financières complémentaires. Lors des travaux en commission, plusieurs propositions, portant notamment sur un allégement de la fiscalité sur les carburants ont été débattues. Il en sera de nouveau question dans cet hémicycle.

Vous avez, monsieur le ministre de l'équipement, apporté des premières réponses à ces demandes.

Mme Janine Jambu.

C'est vrai !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je vous en remercie et je souhaite que la discussion qui s'engage soit fructueuse.

M. Alain Cacheux.

Elle va l'être !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je forme le voeu que, ensemble, nous irriguions ce projet de loi de toute la solidarité et de toutes les novations propres à bâtir une civilisation urbaine à dimension humaine. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est l'Eugène Sue du XXe siècle ! Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, après un tel flot de paroles généreuses, incantatoires,...

M. Christian Bataille.

Vous n'êtes pas généreux, vous !

M. Henri Plagnol.

... d'admonestation vis-à-vis de ces esprits chagrins qui ne se retrouvent pas totalement dans la loi Gayssot, il est bien difficile de prendre la parole pour s'y opposer.

On sent, ce soir, comme une nostalgie du bon temps de l'Union de la gauche,...

M. Christian Bataille.

Vous manquez de générosité ! Ayez un peu plus de coeur !

M. Henri Plagnol.

... composée de deux partenaires traditionnels, le parti communiste et le parti socialiste.

Bizarrement, on voit moins les Verts, comme s'ils étaient orphelins de l'écologie dans cette loi.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Il y en a un qui arrive ! (Rires.)

M. Henri Plagnol.

Le bon temps de l'Union de la gauche : enfin un drapeau à tendre aux militants, à quelques semaines d'un congrès du parti communiste ! P lusieurs députés du groupe communiste et du groupe socialiste.

Un grand congrès !

M. Henri Plagnol.

Et le « tout-logement social », et ce nouveau concept merveilleux qui va sauver la ville, la République, la cohésion sociale : la mixité sociale !

M. Christian Bataille.

Vous n'êtes pas pour !

M. Henri Plagnol.

Quelle merveilleuse invention qui redore un peu le blason de l'Union de la gauche, qui en a tant besoin ! Et il n'y a que les esprits chagrins...

M. Christian Bataille.

Vous parlez comme un bourgeois méprisant !

M. Henri Plagnol.

On vous a écouté pendant très longtemps !

M. Christian Bataille.

Vous êtes un bourgeois méprisant !

M. Henri Plagnol.

Revoilà, comme avant 1981, le bon vieux couplet contre les bourgeois !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Christian Bataille.

Comme en 1936 !

M. Henri Plagnol.

Il y a beaucoup de bourgeois en France ! On dit même qu'ils constituent maintenant le parti majoritaire, celui de la classe moyenne. Il ne faudrait pas trop leur taper sur le dos !

M. Christian Bataille.

Ce n'est pas votre parti ! Vous, c'est plutôt vers les extrêmes !

M. le président.

Monsieur Bataille, du calme, s'il vous plaît !

M. Christian Estrosi.

Il y a surtout la gauche caviar ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Plagnol.

Le discours antibourgeois a nourri l es pires extrémismes. Tous les totalitarismes ont commencé par là.

(Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie ! Revenons-en à l'exception d'irrecevabilité.

Je vous rappelle que M. Plagnol dispose d'un temps de parole qui ne peut excéder, certes, un temps fixé par le règlement, mais qui est quand même d'une heure et demie. D'interruption en interruption, on finira par y arriver ! Je souhaite que l'on abrège, même si le propos est intéressant, autant que faire se peut, ce débat préalable.

M. Alain Cacheux.

Il ne va quand même pas parler pendant une heure et demie !

M. Laurent Cathala.

C'est M. Estrosi qui nous provoque !

M. le président.

Je me tourne aussi bien vers vous que vers M. Estrosi !

M. Henri Plagnol.

Merci, monsieur le président.

L'histoire du XXe siècle est suffisamment marquée par les conséquences tragiques du discours antibourgeois. Il serait souhaitable de revenir à un peu de sérénité.

Vous commencez par un titre ronflant, comme seule la gauche peut avoir l'audace d'en mettre sur un texte :

« Projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Janine Jambu.

C'est vrai !

M. Henri Plagnol.

Un bien beau titre, généreux, presque une invitation à l'utopie, à la poésie. D'ailleurs, on nous a cité de grands philosophes, ce soir.

M. Christian Bataille.

Le poète, ce n'est pas vous !

M. Henri Plagnol.

Vous permettrez néanmoins au modeste législateur de faire quelques remarques sur ce titre.

Peut-on dans un même texte, sans risque de confusion, traiter de la solidarité et de l'urbanité ? Si oui, comment ? Ce n'est pas si simple.

Quel sens faut-il donner au mot de renouvellement ? Cela veut-il dire qu'on fait, une fois de plus, table rase du passé ? N'est-ce pas une manière insidieuse d'opposer les conservateurs et les progressistes,...

M. Alain Cacheux.

C'est le cas !

M. Henri Plagnol.

... les méchants et les bons ?

M. Christian Bataille.

Vous n'êtes pas dans les bons, vous !

M. Henri Plagnol.

La ville, mes chers collègues, s'inscrit dans une géographie, une longue histoire, des sociologies lourdes. Il faut de longues années et beaucoup de persévérance pour renouveler la ville. Vous devriez faire monter d'un tout petit peu de modestie, d'un peu moins d'arrogance.

Surtout, est-ce vraiment la bonne démarche que d'entretenir, encore une fois, à travers un titre - et les titres sont importants -,...

Mme Janine Jambu.

Ah oui !

M. Jean-Pierre Blazy.

Il n'a vraiment rien à dire !

M. Henri Plagnol.

... l'illusion qu'une loi peut définir la politique de la ville...

M. Daniel Marcovitch.

C'est vraiment creux !

M. Henri Plagnol.

... applicable partout, indépendamment de la diversité des situations concrètes des territoires et des villes. Il n'y a pas une ville mais des villes ? (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille.

Première partie de l'exposé : grand A !

M. Henri Plagnol.

Pour revenir à une approche plus pragmatique et dépassionnée, nous sommes d'accord sur le diagnostic : ...

M. Christian Bataille.

Grand A ; petit a !

M. Henri Plagnol.

... les villes sont en crise, avec l'échec des grands choix d'urbanisme des années 60 et 70...

M. Jean-Pierre Blazy.

60 surtout !

M. Henri Plagnol.

... qui avaient la tâche ingrate de répondre aux besoins suscités par une croissance démographique et économique rapide.

Nous en sommes encore à panser les plaies de cette croissance désordonnée et trop rapide,...

M. Christophe Caresche.

Pompidou !

M. Henri Plagnol.

... avec les effets pervers que vous connaissez bien : création de villes-dortoirs sans âme, dépourvues de véritable centre urbain, où les hommes et les femmes ne trouvent pas l'espace nécessaire au travail, au repos, à la distraction ;...

M. Daniel Marcovitch.

Comme au Raincy !

M. Henri Plagnol.

... concentration de populations cumulant les difficultés dans des grands ensembles qui sont devenus de véritables ghettos,...

M. Laurent Cathala.

A l'époque, ce n'était pas vrai !

M. Henri Plagnol.

... avec toutes les conséquences que cette situation entraîne en matière de délinquance ; appauvrissement de la diversité sociale des centres-villes et développement d'un urbanisme de plus en plus ségrégatif ;...

M. Daniel Marcovitch.

Pour remplacer les bidonvilles !

M. Henri Plagnol.

... échec de la planification par zone, qui est à l'origine de migrations quotidiennes entre les lieux d'habitat et de travail, toujours plus longues et toujours plus pénibles ; aggravation des problèmes d'embouteillages en centre-ville et de circulation à l'échelle des grandes agglomérations ; détérioration de l'environnement esthétique, sonore et naturel.

Vous me permettrez de dire que tous ces problèmess ont hypertrophiés dans l'agglomération francilienne.

Jugez-en avec ces quelques chiffres : plus de 20 millions de déplacements sont effectués chaque jour ; dans Paris intra-muros, les deux tiers de ces déplacements se font


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par des transports collectifs. Ce chiffre, malheureusement, tombe à 40 % pour les déplacements Paris-banlieue et à 15 % pour les déplacements de banlieue à banlieue.

Se pose là tout le problème d'une politique différente des transports en commun. Il est vrai que la ville est malade de la voiture. Plusieurs orateurs ont eu l'honnêteté de reconnaître qu'on n'avait pas attendu le présent projet de loi pour le soulever et que, déjà en 1996,

Mme Lepage dressait ce constat et proposait des mesures, telles que les alertes à la pollution. Il n'y a pas de solution miracle pour remédier à ses effets néfastes sur la santé et l'équilibre des familles.

M. Daniel Marcovitch.

Mme Lepage n'a pas été très écoutée !

M. Henri Plagnol.

Toujours en Ile-de-France, la ségrégation est aggravée avec le cumul des handicaps dans les quartiers dits sensibles.

M. Daniel Marcovitch.

Le Raincy, Le Perreux ! Ségrégation de riches !

M. Henri Plagnol.

Sauf erreur de ma part, il y a près d'une quarantaine de quartiers sensibles dans la région parisienne, où s'ajoute encore le problème de l'intégration des étrangers. Un étranger sur trois vivant en France réside en région parisienne.

Cette accumulation des difficultés et la complexité propre à une hyper-agglomération donnent aux habitants le sentiment que les élus ne jouent pas leur rôle et nourrissent le scepticisme vis-à-vis des politiques que nous sommes, l'impression d'une complexité devenue impossible à maîtriser avec une telle addition de mesures sectorielles et d'échelons de décision différents que plus personne ne sait qui fait quoi. C'est la raison pour laquelle la démocratie locale est malade.

M. Daniel Marcovitch.

Quel réquisitoire contre votre politique, monsieur Plagnol !

M. Henri Plagnol.

Je crois savoir que, depuis une vingtaine d'années, la gauche a été plus longtemps au pouvoir que la droite.

M. Daniel Marcovitch.

Vous relevez là les méfaits d'il y a trente ans !

M. Henri Plagnol.

Je veux bien que nous entamions un dialogue, si M. le président nous y autorise et à condition qu'il soit décompté sur le temps de ma motion.

J'ai entendu, ce soir, le ministre de la ville nous dire que nous n'avions pas bien compris les lois de la décentralisation, mes chers collègues,...

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

J'ai dit que vous y étiez opposés !

M. Henri Plagnol.

... et qu'il était tout à fait compatible avec leur esprit...

M. Jean-Noël Kerdraon.

Vous ne les avez pas votées !

M. Henri Plagnol.

... que l'Etat impose aux maires des décisions en matière d'urbanisme. Donc, pourquoi ne pas reprocher à la droite le bilan des vingt dernières années ? Il vaut mieux sortir de ce schéma manichéen et admettre que nous sommes confrontés à des problèmes d'une complexité telle qu'il est bien difficile de prétendre les résoudre tous dans une seule loi qui aurait valeur universelle.

Face à ce diagnostic sur lequel nous sommes, je crois, à peu près d'accord, votre loi affiche trois ambitions majeures. Vous voyez, je l'ai lue.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Heureusement !

M. Henri Plagnol.

Assurer une meilleure qualité de vie par le développement durable, soutenir l'exigence de solidarité autour du concept de mixité sociale et renforcer la démocratie et l'approfondissement de la décentralisation.

Par rapport à ces trois objectifs, qui sont les vôtres - et qui sont aussi les nôtres -, je vais tenter de démontrer, si vous m'y autorisez, que votre loi marque non pas un progrès, mais une régression. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche.

Voilà une démonstration qui va prendre du temps !

M. Henri Plagnol.

D'abord, commençons par le plus facile : votre projet de loi permettra-t-il d'améliorer réellement la qualité de la vie (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) et de résoudre le mal-vivre dans les agglomérations ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Incontestablement, il comporte d'excellentes dispositions sur le développement durable (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), notamment sur le problème majeur des transports. Il traduit un effort réel pour promouvoir une autre logique privilégiant les transports en commun, qui deviennent une priorité absolue.

A cet égard, je salue en particulier, au nom de mon groupe, la régionalisation du transport ferroviaire. Cela démontre que les seules réformes qui marchent sont celles qui sont fondées sur une approche pragmatique, expérimentale et sur la proximité. Tels sont d'ailleurs les termes employés par M. Gayssot.

Je me réjouis tout particulièrement que la région Ilede-France puisse enfin participer au syndicat des transports parisiens. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous me permettrez d'ailleurs de rappeler à mon tour, puisque M. Gayssot l'a déjà fait avec beaucoup d'honnêteté, que cette réforme a été initiée par Mme Idrac quand elle était secrétaire d'Etat aux transports, avec des régions pilotes, notamment l'Alsace.

Un deuxième élément positif est constitué par la création des syndicats mixtes de transports urbains, car cela donnera la possibilité aux régions, aux départements et aux autorités organisatrices de transports urbains, de coopérer dans les aires urbaines de plus de 50 000 habitants.

Ces dispositions ouvrent la voie à une réforme en profondeur des établissements publics, surtout du premier d'entre eux, la SNCF, afin que l'on puisse enfin donner la priorité au transport régional. Cela représente une victoire de l'ensemble des élus sur la technocratie et les grands appareils.

M. Bernard Birsinger. Et sur la droite !

M. Henri Plagnol.

Nous ne pouvons que nous en réjouir, et tant mieux si c'est un ministre communiste qui arrive à faire accepter cela par des syndicats qui n'ont pas toujours été ouverts à ce type de réforme.

Un autre aspect positif du texte réside dans la volonté de situer la question du stationnement dans une logique globale, en s'intéressant à tous les problèmes du transport des hommes et des marchandises jusqu'au centre-ville, et en reconnaissant la nécessité d'une différenciation des tarifs entre les résidents et les visiteurs afin qu'il y ait une forte incitation à ne pas utiliser sa voiture quand on peut faire autrement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

Notre désaccord ne porte donc pas du tout sur le choix de donner la priorité à d'autres modes de transport et de commencer à sortir de la logique du tout-voiture, notamment en incitant à un meilleur partage de la voirie publique entre les piétons, les cyclistes et les voitures. Il y a d'ailleurs bien longtemps que les maires, tous les maires, s'efforcent de trouver des solutions en la matière, au travers d'innombrables réunions de quartiers, souvent ô combien difficiles, car vous savez bien que l'on ne peut résoudre la question d'un coup de baguette magique.

L'espace est ce qu'il est et il n'est pas de partage idéal qui permettrait de faire plaisir à tout le monde. Nous n'avons pas attendu cette loi pour agir sur le terrain et essayer de gérer les contradictions, qui dureront longtemps.

La sortie du tout-voiture ne résultera pas seulement d'objectifs généreux énoncés dans un texte de loi. Cela nécessite une politique d'aménagement du territoire établie dans la durée et comprenant des éléments qui ne figurent pas dans le texte. Je pense en particulier aux moyens financiers, notamment pour le développement des transports en commun.

Lorsque j'avais réfléchi à la question, je ne connaissais pas encore le cadeau du ministre, qui nous a annoncé un nouvel exemple de saupoudrage de la cagnotte, décidément inépuisable, avec 1 milliard de francs pour les transports en commun.

M. Daniel Vachez.

Vous appelez saupoudrage un doublement des crédits !

M. Jean-Jacques Filleul.

Une volonté politique n'est pas un saupoudrage !

M. Henri Plagnol.

Après tout, tant mieux ! Cela permettra peut-être d'apaiser quelques voix réticentes, chez les Verts, par exemple ! En revanche, nous n'avons aucune garantie sérieuse, malgré les propos de M. le ministre, quant au financement du transport ferroviaire régional. A ce sujet, les régions demandent unanimement que soit prévue une indexation de la dotation spécifique et que l'Etat n'utilise pas, une nouvelle fois, le fourre-tout de la dotation globale de la décentralisation, dont tout le monde sait qu'il l'utilise pour recentraliser les choix politiques et que cela aboutit généralement, à long terme, à un alourdissement des dépenses des collectivités locales.

En la matière le texte innove très peu. Pourquoi ne pas imaginer un fonds spécial qui pourrait être alimenté par l'Etat et par les collectivités locales ? Pourquoi même, ne pas instaurer une taxe spécifique ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Encore des taxes !

M. Daniel Marcovitch.

Cette droite est insatiable avec les prélèvements obligatoires !

M. Bernard Accoyer.

Vous avez déjà créé quinze taxes ! Vous n'êtes plus à une près !

M. Henri Plagnol.

Au cours du débat, nous formulerons des propositions précises sur ce sujet. La gauche a créé suffisamment de taxes pour ne pas hésiter à utiliser ce moyen afin d'assurer un financement sûr du transport ferroviaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Cathala.

Nous sommes pour l'allégement des charges !

M. Henri Plagnol.

J'en viens au point de désaccord essentiel (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) sur cette première partie. (Sourires.)

On ne fait pas une bonne politique d'aménagement du territoire sans déterminer des échelons de décision pertinents.

M. Laurent Cathala.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

Ce n'est pas moi qui le dis...

M. Laurent Cathala.

C'est pourquoi c'est bien !

M. Henri Plagnol.

... et tous les ministres l'ont exprimé à leur façon. Or, au regard de cet objectif, les deux novations essentielles du texte que sont la création du schéma de cohérence territoriale et le développement du plan de déplacement urbain me paraissent profondément inadaptées.

D'abord, le schéma de cohérence territoriale n'est qu'une actualisation du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme, avec une procédure tout à fait comparable : la création d'un établissement public intercommunal.

M. Laurent Cathala.

L'agglomération Nogent-Le Perreux, par exemple, avec la bénédiction de M. Idrac !

M. Gilles Carrez.

Elle est parfaite ! C'est M. Chevènement qui l'a approuvée !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Je ne peux pas refuser la parole à Laurent Cathala, puisque je suis député d'un petit bout de Créteil ! (Rires.)

M. Laurent Cathala.

Vous ne perdez rien pour attendre !

M. Henri Plagnol.

Les schémas de cohérence territoriale soulèvent trois difficultés sérieuses.

D'abord, comme cela a déjà été le cas dans la loi Chevènement pour la constitution des communautés de communes, on pourra forcer celles qui ne le souhaitent pas à intégrer un schéma de cohérence territoriale.

M. Jean-Pierre Blazy.

Eh oui !

M. Henri Plagnol.

Pris dans un engrenage qui va toujours plus loin, les maîtres qui voudront, pour des raisons essentielles, s'opposer à cette marche forcée vers l'intégration, ne disposeront d'aucune possibilité. Cela constitue, à l'évidence, une atteinte à l'esprit de la Constitution et aux lois de décentralisation.

Ensuite, les objectifs des schémas de cohérence territoriale sont beaucoup trop vastes et généreux pour ne pas être contradictoires. Je ne vais pas vous infliger la lecture de l'article qui les définit. Je souligne simplement qu'il propose des solutions à tous les problèmes que j'ai évoqués dans le diagnostic. Cela n'est pas sérieux ! En effet, il est des questions qui ne peuvent être résolues qu'à l'échelon régional. Tel est le cas, par exemple, des problèmes d'aménagement du territoire ou de la définition des grandes options en matière de transports, notamment en Ile-de-France pour le RER et le métro. Le maire de Créteil ne me contredira certainement pas si j'affirme que, pour obtenir une station de métro supplémentaire dans un quartier où cela est indispensable à un développement harmonieux, parce que des élus dynamiques veulent forcer l'histoire, la réponse ne réside évidemment pas dans un schéma de cohérence territoriale à l'échelle du bassin de vie !

M. Laurent Cathala.

Vous ne connaissez pas Créteil !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Henri Plagnol.

La réponse se trouve à l'échelon de la région. D'ailleurs, c'est le contrat de plan Etat-région qui vient de donner satisfaction au maire de Créteil sur ce point, au terme d'un combat dans lequel il a été soutenu par les élus de l'opposition.

M. André Lajoinie, président de la commission.

Quel succès !

M. Pierre Cardo.

Heureusement qu'ils étaient là !

M. Henri Plagnol.

Elaborer un schéma de cohérence territoriale qui ne soit pas à l'échelle de la région n'a aucun sens.

M. Laurent Cathala.

Pour la région Ile-de-France, c'est le cas !

M. Henri Plagnol.

En fait, vous allez aggraver encore la confusion actuelle, d'autant plus que, dans les schémas de cohérence territoriale des dispositions pourront concerner d es communes, des quartiers, voire des pâtés d'immeubles ! Il sera possible d'y traiter de la largeur des trottoirs ou des problèmes de stationnement, pour savoir s'il sera payant ou non pour les résidents ! Qui peut croire une seconde que l'on pourra mêler, dans un même document d'urbanisme, la définition des grandes options d'aménagement du territoire, et des détails relevant de la concertation, dans les quartiers, avec les habitants et les commerçants ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il n'a pas lu le texte !

M. Gilles Carrez.

Et les communes dans tout ça ? A quoi serviront-elles ?

M. Henri Plagnol.

Se pose donc un très grave problème de définition du périmètre des schémas de cohérence territoriale. Cependant, nous pourrons en débattre sereinement puisqu'il n'a rien d'idéologique.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il faut lire le texte !

M. Henri Plagnol.

Bien que je l'aie lu, je n'ai pas réussi à comprendre ce que signifiait l'expression « bassin de vie ». Cet espace est-il lié aux agglomérations de M. Chevènement ? Cela signifierait alors que l'on abandonne les pays de Mme Voynet. Recouvre-t-il les agglomérations au sens donné par l'INSEE ou les agglomérations telles qu'elles sont définies par la loi que nous venons de voter ?

S'agit-il d'un bassin d'habitat ? Il serait alors absurde d'y introduire des dispositions concernant les transports en commun qui relèvent de la région.

M. Laurent Cathala.

Il déraille !

M. Henri Plagnol.

Cette expression recouvrira-t-elle des quartiers qui seront des morceaux de villes ? Il conviendrait alors d'en laisser la responsabilité pleine et entière aux maires !

M. Laurent Cathala.

Ce n'est pas sérieux !

M. Henri Plagnol.

Nous n'avons aucune réponse à ces questions qui sont pourtant déterminantes pour l'élaboration d'une politique d'aménagement du territoire cohérente.

Au lieu de simplifier, on va encore compliquer le processus de décision alors que tous les élus s'épuisent déjà à aller de réunion en réunion pour plaider leurs dossiers devant une multitude d'instances et d'échelons différents, plus personne ne sachant qui fait quoi. Le projet va donc aggraver la situation.

Il est une autre contradiction flagrante. Vous voulez revaloriser les commerces en centre-ville et tous les maires, tous les élus locaux sont d'accord sur ce point. En effet, il n'est rien de plus triste qu'une ville qui n'a plus de commerces, avec toutes les conséquences que cela entraîne en matière d'animation, de sécurité, de vie sociale.

M. Laurent Cathala.

Absolument !

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est exact !

M. Henri Plagnol.

Dans ces conditions, pourquoi la manière dont est prôné le transport des marchandises dans cet article permettra-t-elle d'intégrer dans un schéma de cohérence territoriale l'approvisionnement, par route d'ailleurs, des grandes surfaces ? On ne peut pas, dans le même document, mentionner le développement des grands équipements indispensables pour structurer l'activité économique et industrielle et essayer de défendre le commerce de proximité.

Malgré ces observations, je vous crédite, sur cette première partie relative au développement durable, d'une certaine bonne foi. Dans ce domaine, nous pourrons probablement aboutir, sinon à un accord total, du moins à un début de rationalisation, à condition que vous renonciez à revendiquer le monopole de la lutte contre la pollution de l'air et de l'eau ou contre le bruit, comme si les maires de ce pays vous avaient attendu pour agir comme ils le pouvaient, modestement, à l'échelle de leur territoire.

J'en viens au deuxième objectif affiché de la loi : renforcer les solidarités urbaines en développant avec la mixité sociale.

Sur le principe de la mixité sociale, au rique de chagriner M. Lajoinie, nous sommes tous d'accord.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ah !

M. Daniel Marcovitch.

Nous ne l'avions pas remarqué !

M. Christophe Caresche.

Alors, retirez l'exception d'irrecevabilité !

M. Henri Plagnol.

Nous avons tous la convition qu'une ville vivante est faite de quartiers dans lesquels se rencontrent des personnes issues de milieux socioprofessionnels et de générations différents.

M. Laurent Cathala.

Tout à fait !

M. Henri Plagnol.

C'était d'ailleurs une richesse de la tradition urbaine française...

M. Laurent Cathala.

C'est toujours !

M. Henri Plagnol.

... que le monde entier nous enviait...

M. Laurent Cathala.

Nous envie !

M. Henri Plagnol.

... avec des centres-villes qui, contrairement au modèle américain, ont su garder leurs habitants et une vraie diversité.

M. Laurent Cathala.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

Nous ne voulons pas d'un urbanisme livré à la loi de l'offre et de la demande je peux vous rassurer sur ce point -, qui se traduirait par une séparation dans l'espace entre les riches et les pauvres.

M. Laurent Cathala.

Très bien !

M. Christophe Caresche.

Comme au Perreux !

M. Henri Plagnol.

Il est légitime que la puissance publique intervienne pour corriger les excès du marché.

D'ailleurs, on ne saurait fonder une politique du logement et de l'urbanisme uniquement sur le jeu de l'offre et de la demande.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

Cela étant, nous ne voulons pas non plus là commence notre désaccord - d'un retour à une politique d'aménagement autoritaire, centralisée, dans laquelle l'Etat impose aux communes le choix des zones et le choix de l'urbanisme, notamment les modalités selon lesquelles on construira des logements sociaux.

M. Jean-Jacques Filleul.

Ce n'est pas le cas. Où avezvous vu cela ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Chaque maire fait ce qu'il veut !

M. Christophe Caresche.

Il n'a pas lu le texte !

M. Henri Plagnol.

Nous croyons aux bienfaits de la diversité et de l'équilibre et nous souhaitons que chaque quartier ressemble le plus possible à nos bons vieux villages.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Gilles Carrez.

Il a raison !

M. René Mangin.

Avec un four à pain et un lavoir en centre-ville ! Voilà le nouvel urbanisme !

M. Gilles Carrez.

L'âge d'or de l'urbanisme, c'est le village !

M. le président.

Mes chers collègues, voulez-vous laissez M. Plagnol poursuivre.

M. Henri Plagnol.

Ce texte fait le choix du toutlogement social, choix idéologique résumé par l'article 25, sur lequel se sont concentrés les commentaires médiatiques en stigmatisant l'attitude des communes résistantes qui persisteraient à refuser l'obligation de construire 20 % de logements sociaux. Nous contestons ce choix pour plusieurs raisons.

D'abord, si la diversification est souhaitable, elle l'est aussi dans les communes qui se caractérisent aujourd'hui par une concentration excessive de logements sociaux.

M. Gilles Carrez.

Absolument !

M. Henri Plagnol.

Le rééquilibrage, pour être crédible, doit n'être effectué dans les deux sens !

M. Alain Cacheux.

Oui !

M. Henri Plagnol.

Mes chers collègues, je suis député et de Bonneuil, commune qui a 67 % de logements sociaux, et de Saint-Maur, commune qui n'en a que 5 % à 6 %.

M. Jean-Jacques Filleul.

Ce sont les maires qui construisent !

M. Henri Plagnol.

Je sais, pour les recevoir à ma permanence, que de nombreux habitants de Bonneuil souhaiteraient s'installer à Saint-Maur. Pour autant ils n'ont pas du tout envie de voir le visage de cette commune bouleversé par une conception perverse du principe d'égalité.

Il existe d'ailleurs d'ores et déjà un instrument efficace qui fonctionne très bien dans le Val-de-Marne, y compris dans certaines communes communistes comme à Ivry. Il s'agit de la convention de diversification, qui permet, d'une façon contractuelle et pragmatique, aux préfets, quand ils estiment qu'il y a des désiquilibres inacceptables, d'imposer, en accordant des aides financières conséquentes aux communes concernées, une vraie diversification et un rééquilibrage à celles dans lesquelles prédomine le mono-locatif social.

Vous n'aurez aucune chance de résoudre les problèmes dans les quartiers sensibles, que vous avez longuement évoqués, si vous vous contentez de contrats de villes généreux et si vous vous bornez - même s'il faut le faire, et nous vous soutenons à cet égard - à restaurer les copropriétés dégradées, à régler les questions de logement ins alubre et à traiter les questions qu'a évoquées, en des termes d'ailleurs beaucoup plus modérés, M. Besson.

Mais cela ne suffira pas, et vous le savez bien, si vous ne remettez pas en cause les conséquences des erreurs d'urbanisme commises depuis de longues années dans ce pays.

Mme Odette Grzegrzulka.

Dites-le à ceux qui étaient au gouvernement dans les années 60 !

M. René Dosière.

Vous parlez de l'urbanisme Pompidou !

M. Henri Plagnol.

Il n'y a de solutions durables aux problèmes d'intégration dans les quartiers que celles susceptibles d'engendrer une diversification authentique. Et il ne sert à rien, monsieur Bartolone,...

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Bartolone est ministre.

Un peu de respect !

M. Henri Plagnol.

... de nous faire le coup du mépris et d'opposer, avec des accents d'avant-guerre, la France populaire et la France bourgeoise !

M. Daniel Marcovitch.

Vous le veillissez !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous ne connaissez pas son âge !

M. le ministre délégué à la ville.

Puis-je vous faire remarquer, monsieur Plagnol, qu'avant-guerre, je n'étais point encore né !

M. Henri Plagnol.

Pourquoi les gens qui rêvent de devenir propriétaires et qui travaillent pour épargner ne pourraient-ils avoir d'autre avenir que de rester toute leur vie dans les logements sociaux que vous avez la bonté de leur proposer ?

Mme Odile Saugues.

Savez-vous que cela existe ?

M. Jean-Jacques Filleul.

Vous caricaturez, monsieur Plagnol !

M. Henri Plagnol.

Nombreuses sont les personnes qui espèrent devenir propriétaires. Nous en connaissons tous.

Pourquoi ne le seraient-elles pas, d'ailleurs, d'un de ces beaux pavillons dont vous parlez sans cesse pour exacerber les antagonismes et les passions.

M. Daniel Marcovitch.

Arrêtez de caricaturer !

M. Henri Plagnol.

Vous avez parlé de fantasme, mais c'est vous qui exacerbez les passions. C'est vous qui êtes à l'origine directe du mouvement de protestation accompagné de signatures de pétitions d'habitants que nous avons vu se lever spontanément.

Mme Odette Grzegrzulka.

« Spontanément » !

M. Henri Plagnol.

C'est vous qui l'avez suscité en agitant le drapeau rouge du « tout HLM » ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Caricature !

M. Henri Plagnol.

Vous n'ignoriez pas que cela allait susciter des inquiétudes dans les communes qui, parce qu'elles n'ont pas commis les mêmes erreurs, devraient aujourd'hui être sanctionnées.

M. René Mangin.

Cachez ces HLM que je ne saurais voir !

M. Jean-Jacques Filleul.

Ses arguments sont encore plus ringards que pour le PACS !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Henri Plagnol.

Vous nous tenez le raisonnement suivant : 36 % des actifs résidant dans des logements sociaux, pourquoi refuser d'en construire davantage ? Une politique urbaine tirant le logement vers le haut auraitelle pour seul objectif qu'il y ait bientôt plus d'un actif sur deux résidant en HLM ? Ne vaudrait-il pas mieux avoir une conception dynamique du logement social...

M. le ministre délégué à la ville.

Nous l'avons !

M. Henri Pagnol.

... et faire en sorte que ce soit une étape dans un parcours d'intégration,...

M. le ministre délégué à la ville.

C'est bien ce que nous avons dit !

M. Henri Plagnol.

... que cela permette à de jeunes ménages de s'installer sans que ceux-ci soient contraints d'y rester pour toujours ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est ce que nous proposons !

M. Daniel Marcovitch.

Il faut lire la loi, notamment les articles 70 et 71 !

M. René Dosière.

Les HLM ne sont pas des centres de rétention.

M. Henri Plagnol.

Pour vous, il n'y a de logement social que dans le cadre des offices publics d'HLM,...

M. le ministre délégué à la ville.

Mais non !

M. Henri Plagnol.

... à tel point que vous refusez d'intégrer dans la notion de logement social les logements conventionnés de la « loi Besson », alors que celle-ci prévoit pourtant des plafonds de ressources qui légitimeraient qu'ils soient pris en compte comme tels.

M. Gilles Carrez.

C'est dommage, monsieur Besson.

Quel gâchis !

M. Jean-Claude Daniel.

Vous n'avez pas lu le projet de loi, monsieur Plagnol !

M. Daniel Marcovitch.

20 %, ce n'est pas 60 %.

M. Henri Plagnol.

Pourquoi ne pas considérer comme ressortissant du logement social toute personne qui bénéficie d'aides personnalisées au logement ?

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Daniel Marcovitch.

Ça ne sera plus 20 % mais 50 % !

M. Henri Plagnol.

Pourquoi ne pas encourager l'accession sociale à la propriété,...

M. Bernard Accoyer.

Evidemment !

M. Henri Plagnol.

... non pas seulement en en laissant l'initiative aux offices publics d'HLM mais en l'intégrant dans le cadre d'une grande politique tenant compte de l'aspiration majeure des Français aujourd'hui : devenir propriétaire.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

La gauche n'aime pas la propriété privée.

M. Daniel Marcovitch.

Allez Guizot !

M. Henri Plagnol.

Comme je l'ai souvent dit au maire de Créteil quand je siégeais au sein de son conseil municipal sur les bancs de l'opposition,...

M. Bernard Accoyer.

Ça ne devait pas être facile avec lui !

M. Henri Plagnol.

... vous aurez résolu une bonne partie des problèmes de sécurité et d'intégration dans les quartiers sensibles quand vous mènerez une politique résolue pour favoriser l'accès à la propriété et faire en sorte que, dans un même immeuble, il y ait des locataires et des propriétaires.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est ingérable !

M. Henri Plagnol.

Pourquoi ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Demandez à Yves Dauge. Il a essayé.

M. Henri Plagnol.

Pourquoi les pays d'Europe du Nord, et notamment l'Angleterre, réussissent là où nous échouons ?

M. Daniel Marcovitch.

Croyez-vous que l'Angleterre soit un bon exemple pour la France ? Il n'y a pas de minima sociaux là-bas. On y crève de faim. C'est un scandale d'entendre des choses pareilles.

M. Henri Plagnol.

Nous ne voulons pas un logement social tiré vers le bas. Nous voulons un logement social tiré vers le haut qui soit de qualité.

P ourquoi refusez-vous également de comptabiliser comme logement social le logement intermédiaire adapté aux classes moyennes, notamment en Ile-de-France ?

Mme Janine Jambu.

Ce n'est pas du logement social !

M. Henri Plagnol.

Qui dit égalité dit qualité pour tous.

Mais cela suppose des projets intégrés dans une logique de quartiers avec un souci du bâti. Nous devons avoir l'ambition de faire des logements sociaux qui se confondent avec leur environnement. Le meilleur logement social est celui qui ne se distingue plus des autres.

Or, vous, vous agitez le drapeau rouge des HLM pour que tout le monde sache bien où on va en construire et en quelle quantité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Mais non ! Votre discours a trente ans de retard ! Vous êtes ringard.

M. Henri Plagnol.

Vous vous réjouissez de l'inquiétude qui s'exprime dans les communes résidentielles. C'est vous qui alimentez ces fantasmes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Daniel Marcovitch.

A Neuilly, ils peuvent paniquer !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous êtes un mauvais psychiatre, monsieur Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Nous voulons une société de liberté dans laquelle les familles puissent choisir le type de logement qu'elles souhaitent. Au nom de quel a priori idéologique interdiriez-vous à une famille disposant d'un revenu de 13 000 francs par mois et ayant deux enfants de choisir entre le locatif HLM et l'accession sociale à la priorité ?

M. Bernard Accoyer.

Très bonne question !

M. Henri Plagnol.

Il est aberrant d'exclure a priori de votre définition du logement social les logements des personnes qui bénéficient de prêts à taux zéro. Pourquoi ce parti-pris contre la propriété ? Serait-ce parce que vous préférez entretenir une clientèle dépendante et assistée ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Oh là, là !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Henri Plagnol.

La ville que nous voulons, c'est celle dans laquelle il y aurait, dans les mêmes ensembles, des locataires et des propriétaires.

M. Daniel Marcovitch.

Pour des loyers de quel montant ?

M. Henri Plagnol.

Cela permettrait aussi de résoudre le vrai problème du logement social, à savoir celui du logement très social. Vous savez bien qu'aujourd'hui le financement du logement social rend presque impossible son accès à ceux qui ont de très faibles revenus et qui se trouvent réellement dans des situations de détresse. Je pense notamment aux Rmistes...

Mme Odile Saugues.

Ce n'est pas vrai !

M. Daniel Marcovitch.

Pas vous, pas ça !

M. Henri Plagnol.

Pour y parvenir, il faut permettre que, dans un même ensemble, se côtoient des propriétaires et des personnes en situation réellement difficile.

M. Daniel Marcovitch.

Faites-le !

M. Henri Plagnol.

Mais voulez-vous vraiment d'une société de gens libres et responsables ? En l'absence de réponse positive aux amendements que nous vous proposons sur tous ces points, la réponse est hélas, à la lecture de votre texte, négative.

M. Daniel Marcovitch.

C'est le Gosplan !

M. Henri Plagnol.

Autre contresens historique : vous faites explicitement le choix, dans votre texte, de la densification.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est faux !

M. Henri Plagnol.

Et, pis encore, de la densification dans la contrainte.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. Henri Plagnol.

Vous contredisez par là même votre discours écologique.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce n'est pas juste de dire ça !

M. Henri Plagnol.

C'est en quelque sorte la revanche du parti communiste sur les Verts de Mme Voynet.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui ! C'est tout à fait ça ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais non !

M. Daniel Vachez.

C'est la préservation des espèces naturelles ! (Sourires.)

M. Henri Plagnol.

C'est ainsi, par exemple, que vous supprimez dans votre texte le plafond légal de densité, pourtant l'un des rares garde-fous solides.

M. Laurent Cathala.

Par rapport à quoi ?

M. Henri Plagnol.

Beaucoup plus grave, parmi les objectifs communs aux schémas de cohérence territorialee t aux plans locaux d'urbanisme énumérés à l'article L. 121-1, dont vous êtes si fiers et qui contient le coeur même de ce concept révolutionnaire de mixité sociale, figure « la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat ».

M. René Dosière.

Eh oui ! il faut penser à l'avenir !

M. Daniel Marcovitch.

Monsieur Plagnol, voudriezvous que les générations futures n'aient pas de logements ?

M. Henri Plagnol.

Cela signifie que, désormais, les documents d'urbanisme obéiront, avant tout, à des considérations sociales et perdront leur vocation première, qui est de garantir une urbanisation harmonieuse et protectrice de l'environnement.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Cela va de pair !

M. Henri Plagnol.

J'en veux pour preuve le fait que vous remplacez le plan d'occupation des sols - document normatif essentiel puisque c'est à partir de lui, tous les Français le savent bien, que sont attribués les permis de construire - par le plan local d'urbanisme que vous considérez plus souple. Vous avez même écrit, dans l'exposé sommaire du projet de loi, que l'existence des articles obligatoires imposés par la loi aux plans d'occupation des sols nuit aux objectifs de mixité urbaine.

M. Robert Poujade.

C'est insensé !

M. Henri Plagnol.

Vous poursuivez en disant : « Les communes pourront à l'avenir choisir librement, parmi les quinze articles des plans locaux d'urbanisme, ceux qui apparaissent nécessaires,...

M. Daniel Marcovitch.

Vous êtes contre la liberté des communes ?

M. Henri Plagnol.

... le plan local d'urbanisme devant en tout état de cause justifier que les règles retenues permettent de répondre aux exigences de l'article L. 121-1 qui fixe les obligations générales des documents d'urbanisme. »

Donc, par un mauvais mélange des genres, le document d'urbanisme majeur, celui qui conditionne la délivrance des permis de construire et qui, par conséquent, est la seule possibilité de contrôle des habitants - lesquels connaissent très bien les POS et savent très bien de quoi il s'agit - va perdre toute portée normative.

M. Robert Poujade.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Très juste !

M. Henri Plagnol.

C'est la voie ouverte aux pires formes de densification et à la multiplication des recours contentieux.

Comment, d'ailleurs, le juge va-t-il pouvoir se prononcer sur la conformité d'un permis de construire à un plan local d'urbanisme si celui-ci obéit à des principes aussi vagues que contradictoires ?

M. Robert Poujade.

Eh oui ! Il ne le pourra pas !

M. Henri Plagnol.

J'aimerais avoir une réponse à cette question. Trois ministres ne seront pas de trop pour me la donner !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Relisez l'article 1er du projet de loi !

M. Henri Plagnol.

Il est indispensable de maintenir, comme le demande l'Association des maires de France, des règles normatives claires en conservant les deux prescriptions obligatoires qui figurent actuellement dans les plans d'occupations des sols : celle relative à la détermination de l'affectation des sols et celle relative à la définition des règles concernant le droit d'implantation des constructions, leur destination et leur nature.

Imaginez l'embarras du juge pour statuer sur un permis de construire conforme au plan local d'urbanisme mais attaqué par le préfet pour non-conformité à l'impératif de mixité sociale figurant dans les schémas de cohérence territoriale ou dans les plans locaux d'habitat ou encore dans d'autres documents... Il y en a tellement que plus personne n'y retrouve son latin. Devant un tel empilement de normes législatives et réglementaires,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Daniel Marcovitch.

Alors, il y a des normes ou il n'y en a pas ? C'est énorme ! (Sourires.)

M. Henri Plagnol.

... c'est, en définitive, mes chers collègues, le juge qui va déterminer le droit.

M. Christian Bataille.

Votre démonstration n'est pas claire.

M. Henri Plagnol.

Quand le législateur refuse de clarifier et de prendre ses responsabilités, c'est le juge qui écrit la loi, ce qui n'est certainement pas souhaitable pour définir la ville à laquelle nous aspirons.

M. Daniel Marcovitch.

C'est très confus !

M. Henri Plagnol.

J'en viens au dernier objectif, qui est celui de la démocratie locale. Il figure pratiquement à chaque page de l'exposé des motifs et dans beaucoup d'articles.

M. Laurent Cathala.

C'est important !

M. Henri Plagnol.

Sur ce point essentiel, le projet est un contresens très grave.

M. Christian Bataille.

Nous attendions un peu d'indulgence de votre part ! (Sourires.)

M. Henri Plagnol.

L'aménagement du territoire et l'urbanisme dans notre pays ont avant tout besoin de simplification et d'incitation à la responsabilité des élus locaux, qui sont en prise directe avec les préoccupations des habitants. Or, avec votre projet, vous faites exactement l'inverse. En refusant d'arbitrer entre les différentes familles de la majorité plurielle et en voulant concilier l'inconciliable, vous aboutissez à la pagaille administrative et institutionnelle.

La situation est pourtant déjà suffisamment complexe du fait de l'addition des lois Voynet et Chevènement,...

M. Bernard Accoyer.

Ah là là !

M. Henri Plagnol.

... qui instituent, en l'état annuel de la législation, au moins cinq échelons de décision en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire :...

M. Bernard Accoyer.

Pauvres contribuables !

M. Henri Plagnol.

... à savoir la commune, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération, le pays, cher à Mme Voynet...

M. Daniel Marcovitch.

Et à M. Pasqua !

M. Henri Plagnol.

... et à M. Pasqua - le département et la région.

La vraie simplification, celle qu'attendaient les élus, aurait consisté à transférer à la région tout ce qui relè ve de l'aménagement du territoire. Dans la même loi, Mme Voynet prévoit les schémas de services collectifs, le schéma régional d'aménagement territorial et des documents différents pour la gestion des eaux, le contrôle de la qualité de l'air et de l'eau, la prévention des risques naturels et des risques technologiques, la prise en compte des équipements commerciaux et, dans une large mesure, la protection des sites naturels et urbains, autant de catégories qui relèvent de documents spécifiques à caractère dérogatoire. Au lieu de simplifier et d'aller au bout de cette logique « Pasqua-Voynet » en faisant de la région la collectivité qui décide pour tout ce qui concerne l'aménagement du territoire et les grandes options, notamment pour les transports, vous créez un nouvel échelon avec le schéma de cohérence territoriale et le bassin de vie.

On aurait pu espérer que, pour ce qui concerne les déplacements urbains et les compétences directement liées à la vie quotidienne comme la délivrance des permis de construire, vous vous seriez appuyé sur les agglomérations voulues par M. Chevènement et que vous auriez valorisé cet échelon. Il n'en est rien. Le bassin de vie ne se confondra pas avec l'agglomération. Il sera ce qu'en décideront les communes. Il pourra réunir un bout d'agglomération et un bout de pays ou plusieurs agglomérations ou, au contraire, se situer à un échelon inférieur.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Ce sera aux élus d'en décider !

M. Henri Plagnol.

Vous n'aidez en rien les communes qui font le choix difficile d'adhérer à des communautés d'agglomération dans l'espoir d'établir une politique de l'habitat équilibrée sur l'ensemble de leur ressort puisque vous continuerez de sanctionner celles d'entre elles qui n'auront pas une politique du territoire conforme à la logique de la mixité sociale sans étendre cette logique à l'échelle de l'agglomération.

M. Christian Bataille.

Vous vous écartez du sujet !

M. Henri Plagnol.

Pas du tout ! Ces communes seront quand même pénalisées financièrement.

M. Laurent Cathala.

Pour Nogent et Le Perreux, par exemple, cinq et cinq, ça fait toujours cinq !

M. Gilles Carrez.

Il ne faut pas que cela devienne une obsession, monsieur Cathala.

M. Laurent Cathala.

Un peu de décence, monsieur Carrez ! Vous ne devriez pas participer à ce débat.

M. Henri Plagnol.

On ne peut pas continuer, à chaque fois que se pose un problème, à créer un nouvel échelon.

Pour reprendre une formule qui était chère à notre collègue Mazeaud, je dirai que la création d'une structure supplémentaire est l'éternelle tentation du législateur.

Mais elle ne peut pas tenir lieu de réponse. Les empilements de structures nourissent l'opacité...

M. Christian Bataille.

C'est la logique du préfet Idrac.

M. Henri Plagnol.

... et même les possibilités de corruption. Celle-ci fait son miel de toutes ces instances puisque plus personne ne sait qui prend les décisions ! Avec la montagne de textes que vous nous proposez, il faudra au moins dix ans entre le moment où seront adoptés les schémas de cohérence territoriale et celui où seront adoptés les plans locaux d'urbanisme, pour que votre loi puisse simplement entrer en vigueur.

Mme Janine Jambu.

Quel pessimisme !

M. Daniel Marcovitch.

Depuis vingt ans, ont été créés les logements sociaux. Vous n'en dites rien ?

M. Christian Bataille.

En géologie, dix ans, ce n'est rien du tout !

Mme Odette Grzegrzulka.

Pour un fossile, c'est dérisoire !

M. Henri Plagnol.

Qu'est-ce que la démocratie locale va gagner à tout ça ? Il ne suffit pas d'encourager la création d'associations locales d'usagers. Elles existent d'ailleurs déjà dans la plupart des communes. Les maires savent bien à quel point les associations de riverains sont vigilantes dès qu'il y a un projet d'urbanisme.

Fallait-il, pour clarifier la démocratie locale, inventer de nouveaux sigles ? En dehors de quelques spécialistes, personne ne peut s'y retrouver...

Mme Janine Jambu.

Quel mépris pour les citoyens !

M. Henri Plagnol.

... entre les SCT, les schémas de cohérence territoriale ; les PLU, les plans locaux d'urbanisme ; les PDD, les plans de développement durable -, les PLH, les programmes locaux pour l'habitat !


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Mme Odette Grzegrzulka.

Vous mélangez tout !

M. Henri Plagnol.

Qui plus est, vous remettez en cause le seul document qui permettait une vraie démocratie locale, avec des enquêtes publiques sérieuses, un contrôle vigilant des citoyens : le plan d'occupation des sols !

M. Gilles Carrez.

C'est vrai !

M. Henri Plagnol.

C'est le seul document que vous remettez en cause.

M. Henri Cuq.

C'est parce qu'il les gêne !

M. Gilles Carrez.

Et parce que la commune n'existe plus.

M. Henri Plagnol.

Comme M. Gilles Carrez le souligne, vous allez jusqu'au bout de l'engrenage qui conduit à l'effacement de l'échelon communal.

M. Daniel Marcovitch.

C'est vous qui voulez donner à la région la responsabilité de l'aménagement du territoire !

Mme Odette Grzegrzulka.

Soyez cohérent !

M. Henri Plagnol.

Le bon choix eût été de valoriser à la fois l'échelon régional et l'échelon communal, c'est-à-dire l'aménagement du territoire d'un côté, et la proximité de l'autre. Mais de cela, vous n'en voulez pas, parce que le désordre administratif et institutionnel vous permet de restaurer les prérogatives de l'Etat jacobin, dirigiste, centralisé,...

M. Bernard Accoyer.

Et totalitaire !

M. Henri Plagnol.

... cher au coeur de l'union de gauche !

M. Jean-Pierre Blazy.

N'oubliez pas que c'est nous qui avons fait la décentralisation !

M. Henri Plagnol.

J'en viens à un autre point qui, à lui seul, est un motif d'irrecevabilité sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Janine Jambu.

Il était temps.

M. Daniel Marcovitch.

Jusqu'à présent, les motifs avancés n'étaient pas très sérieux, en effet.

M. Henri Plagnol.

Les dispositions de votre texte portent une atteinte directe à l'autonomie des collectivités locales et à l'article 72 de la Constitution, aux termes duquel les collectivités territoriales de la République s'administrent librement par des conseils élus - ce qui n'est pas le cas de toutes vos instances - et dans les conditions prévues par la loi.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est bien pourquoi nous avons fait une loi !

M. Henri Plagnol.

Le retour en force de l'Etat jacobin a déjà commencé avec les lois votées par votre majorité, notamment celle sur l'exclusion dont on vient de dresser un bilan qui est plutôt un constat d'échec, tout particulièrement pour le volet logement parce qu'on n'a pas fait confiance aux élus...

Mme Odette Grzegrzulka.

Les lois Defferre, c'est nous, pas vous !

M. Henri Plagnol.

... et qu'on a préféré recentraliser et priver les maires de tout moyen de contrôle sur l'affectation des logements.

Mme Odette Grzegrzulka.

Démagogue !

M. Henri Plagnol.

La magouille vient de l'opacité des processus de décision et votre loi risque, je le crains, de l'encourager fortement.

M. Christian Bataille.

Vous devenez grossier !

M. Henri Cuq.

Il fallait le dire !

M. Gilles Carrez.

Il a raison !

M. Henri Plagnol.

Quant à la loi Chevènement, elle allait jusqu'à - ce qui est déjà très fort - autoriser la création de communautés de communes, éventuellement en incluant dans leur périmètre, des communes qui ne seraient pas d'accord.

M. Christian Bataille.

Avec les amis préfets de M. Carrez !

M. Henri Plagnol.

Nous avons tous, dans nos départem ents et nos régions, des communautés qui sont confrontées à de vrais problèmes de démocratie, en raison de ces lois, et aux vifs ressentiments des citoyens. Je donnerai l'exemple de Bonneuil, qui est dans ma circonscription, commune communiste dont le maire a refusé l'intégration forcée dans la communauté de communes voulues par le député-maire de Créteil.

Il ne faut pas mépriser l'identité communale et le lien irremplaçable qui existe entre le maire et les habitants d'une ville. Au lieu de décourager les maires, il faut les encourager.

M. Daniel Marcovitch.

Vive la fête des maires !

M. Henri Plagnol.

Or que faites-vous pour les encourager ? Vous instituez un dispositif autoritaire de sanctions financières contre les communes qui ne construiraient pas assez de logements sociaux. Et vous allez, ce qui est sans précédent - du moins si l'on ne remonte pas à avant 1981 -, jusqu'à organiser le dessaisissement du maire par le préfet !

Mme Odette Grzegrzulka.

Apocalypse now !

M. Henri Plagnol.

Il est pourtant inquiétant que l'on puisse encore prétendre, aujourd'hui, après tous les beaux discours que nous avons entendus, redonner la responsabilité de la conception et de la maîtrise des programmes de logements sociaux aux ingénieurs de l'équipement, en passant par-dessus la tête des élus locaux. C'est pourtant cela l'effet concret du ressaisissement par le préfet. Et c'est nous qui agiterions le fantasme du retour aux errements des années soixante et soixante-dix ! C'est votre texte, ce n'est pas le nôtre ! Vous prenez le risque formidable de ressusciter la bonne vieille logique : préemption par la puissance publique, viabilisation et construction d'ensembles massifs, sans qu'ils soient intégrés dans les quartiers en concertation avec les élus et les habitants. Tel est le sens de votre dispositif contraignant.

Il suscite, d'ailleurs, la révolte de beaucoup de maires, y compris de gauche. Je pense à la déclaration de M. Alain Calmat, dont la commune, Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis, est en dessous du seuil fatidique et qui n'a pas du tout envie qu'elle tombe dans les mêmes erreurs que les communes voisines qui mettront des années avant de résoudre les difficultés liées à l'excessive concentration de logements sociaux.

J'ai lu que le maire socialiste d'Allauch, une commune de l'agglomération marseillaise, M. Roland Povinelli, est révolté contre votre loi.

De toute évidence, il s'agit de dispositions anticonstitutionnelles puisque votre sanction financière va jusqu'à instituer une retenue à la source qui ne tient même pas compte de la diversité des potentiels fiscaux ni du coût du foncier.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Gilles Carrez.

Exactement !

M. Henri Plagnol.

Or une décision du Conseil constitutionnel oblige le législateur, quand il crée une sanction à l'encontre des collectivités, à tenir compte de la diversité des situations concrètes.

M. Daniel Marcovitch.

Un amendement sera déposé à ce sujet.

M. Laurent Cathala ... qui va améliorer le texte !

M. le président.

Mes chers collègues, nous en arrivons - enfin ! - au coeur du problème. Alors, laissez donc M. Plagnol poursuivre !

M. Christian Bataille.

Nous retenons son amendement, monsieur le président !

M. Henri Plagnol.

Vous prévoyez l'inscription autoritaire, dans le budget des communes, du montant des dépenses générées par les logements, dont la décision échappe aux maires. Ce seront des inscriptions obligatoires : c'est dans votre texte ! Comment peut-on penser qu'il est compatible avec l'esprit de la décentralisation et de la Constitution que le préfet inscrive comme dépenses obligatoires des dépenses générées par des choix d'urbanisme imposés par le préfet aux maires ? Tout cela n'est pas sérieux et suscite une révolte légitime.

Une telle disposition est, au demeurant, absurde parce que inapplicable. Comment peut-on fixer un seuil général de 20 % sans s'interroger sur les réserves foncières existantes ? Est-ce ma faute si je suis l'élu d'une commune, SaintMaur,...

M. Daniel Marcovitch.

Le pauvre !

M. Henri Plagnol.

... qui est entièrement construite et dans laquelle il n'y a plus de grands terrains disponibles ?

M. Daniel Marcovitch.

Saint-Maur, ville de pauvres !

M. Henri Plagnol.

Les habitants qui s'y sont installés l'ont choisie précisément parce qu'elle a conservé son caractère attractif. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Et ceux qui habitent des pavillons les ont payés en travaillant...

M. Jean-Claude Lefort.

Durement !

M. Henri Plagnol.

... beaucoup, en épargnant et en s'endettant lourdement, et en continuant de rembourser des charges.

M. Christian Bataille.

Misérabilisme !

M. Henri Plagnol.

C'est le cas de M. Gayssot, il me le dit !

M. Jean-Claude Lefort.

Et combien valent ces pavillons ?

M. Henri Plagnol.

Il n'y a rien là de méprisable.

Comment voulez-vous que les Saint-Mauriens...

M. Christian Bataille.

Pauvres Saint-Mauriens !

M. Henri Plagnol.

... ou tous ceux qui sont concernés par cette disposition autoritaire acceptent, du jour au lendemain, des programmes massifs, pour lesquels ils ne seront même pas consultés ?

M. Christian Bataille.

Saint-Maur fait pitié !

M. Henri Plagnol.

Vous ne tenez absolument pas compte des problèmes posés par le prix du foncier. Dans les communes qui jouissent d'une certaine qualité de vie et d'un cadre de vie agréable, le foncier, par définition, est plus cher. Donc, il est plus difficile d'y réaliser des programmes de logements sociaux à des prix permettant à des populations modestes d'y acccéder.

Ce qu'il faut, ce n'est donc pas un dispositif autoritaire, mais un dispositif contractuel, avec un abondement quand c'est nécessaire pour le foncier. C'est d'ailleurs ce qui existe avec la LOV. Et cela marche, mes chers collègues ! Les plans locaux pour l'habitat ont eu des effets ! On a construit des logements sociaux dans les communes résidentielles du Val-de-Marne. De même, on commence à construire un peu de propriétés dans les communes caractérisées par des concentrations excessives de logements sociaux.

On pouvait s'interroger, faire un bilan de la LOV, un bilan sérieux et contradictoire. On pouvait examiner s'il était possible d'aller plus loin, éventuellement en donnant davantage d'incitations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Cathala.

Carrez, un vendredi matin, à neuf heures, a vidé la LOV de son contenu ! Carrez est un multirécidiviste !

M. Henri Plagnol.

A Saint-Maur, on a construit plus de 300 logements sociaux ! Ce n'est pas rien ! Car il n'est pas si facile pour les maires de faire accepter ces évolutions en douceur dans les quartiers.

M. Laurent Cathala.

Carrez, multirécidiviste !

M. Christian Bataille.

Serial killer !

M. Henri Plagnol.

En réalité, votre projet, sur ce point, c'est la restauration inattendue et inespérée, à quelques semaines du congrès du parti communiste, du Gosplan de l'urbanisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Alain Cacheux.

On l'attendait, celle-là !

M. Christian Bataille.

Elle était bonne la première fois, mais vous nous la servez un peu trop souvent !

M. le président.

Seul M. Plagnol a la parole, même si l'on pouvait penser qu'il terminait comme il a commencé : sur le congrès du Parti communiste !

M. Henri Plagnol.

Je comprends que la formule suscite des réactions,...

M. Daniel Markovitch.

Elle fait rire, en effet !

M. Henri Plagnol.

... mais il est difficile de croire que c'est un hasard. Ce serait sous-estimer l'habileté du Premier ministre ! En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), le plus grave, dans cette loi, c'est la division artificielle de la France en deux camps. Il y aurait, d'un côté, ceux qui sont contre le logement social,...

M. Jean-Claude Lefort.

C'est votre cas !

M. Henri Plagnol.

... les méchants, les conservateurs rétrogrades, les bourgeois...

M. Christian Bataille.

Les koulaks !

M. Henri Plagnol.

... et de l'autre, ceux qui sont pour.

Il ne sortira rien de bon de cet affrontement, et certainement pas la politique pragmatique, modeste, inscrite dans la durée,...

M. Christian Bataille.

C'est vous, cela ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Henri Plagnol.

... respectueuse de la décentralisation, dont ont besoin nos villes et leurs habitants. Ne rééditons pas les erreurs du passé.

M. Christian Bataille.

Voilà un homme intelligent !

M. Henri Plagnol.

Il est vain de vouloir restaurer les vieilles lunes idéologiques fondées sur le retour de l'Etat jacobin.

M. Christian Bataille.

Enfin, un grand esprit !

M. Henri Plagnol.

Allons vers une société fondée sur la responsabilité et le libre choix. Prenons exemple sur ce que nous avons réussi, en dépassant les clivages idéologiques, pour la régionalisation du transport ferroviaire : l'exemple même d'une réforme qui permet de faire évoluer un grand établissement public, la SNCF, avec l'accord des personnels, à l'instigation des élus locaux, à partir d'une démarche expérimentale et de proximité.

Plutôt que d'introduire des dispositions dirigistes et contraignantes, pourquoi ne pas ajouter à l'article 72 de la Constitution - celui-là même que je vous lisais sur ces collectivités administrées par des conseils librement élus une disposition autorisant des expérimentations par des collectivités locales, maintenant arrivées à maturité : les régions en matière d'aménagement du territoire et les communautés de communes pour ce qui relève de la vie quotidienne des habitants et de l'urbanisme ? Voilà qui constituerait une véritable innovation. Nous irions vers une ville qui serait fondée sur l'équilibre, sur la diversité, une ville dans laquelle chaque quartier ressemblerait à un village, car c'est là l'aspiration profonde de tous les Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Bataille.

Propos de paroissien !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le pré-s ident, mesdames, messieurs les députés, avant de répondre à M. Plagnol,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Son propos ne mérite pas de réponse !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... je tiens à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission, non seulement pour leurs interventions liminaires, mais pour l'importance et la qualité du travail qu'ils ont accompli ces derniers mois. Ils ont abordé ce texte avec conviction, détermination, souci de concertation et avec la volonté de l'enrichir. Ils ont été aidés en cela par les membres de leur commission. Qu'ils sachent combien les ministres présents ici ce soir leur sont reconnaissants.

Monsieur Plagnol, vous avez commencé en affirmant que vous aviez porté quelque intérêt à mon intervention.

Je suis dans l'obligation de vous inviter à bien la relire, car, si vous l'aviez écoutée avec attention, vous vous seriez dispensé de certaines de vos remarques. En tout cas, vous y trouverez des réponses à certains points...

M. Jean-Claude Lefort.

Non, il est de mauvaise foi !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... que vous avez développés et que je ne reprendrai pas, car ma réponse ne saurait être aussi longue que votre intervention.

J'ai noté néanmoins que vous étiez d'accord avec le diagnostic du Gouvernement et avec les objectifs qu'il s'est fixés. Vous avez également approuvé le volet transports, hormis une hésitation sur les garanties de financement des services régionaux de voyageurs. M. Jean-Claude Gayssot ajoutera votre suggestion d'une éventuelle taxes pécifique à l'éventail des moyens susceptibles de conduire à son terme cette importante réforme.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il veut augmenter les impôts ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Vous avez aussi exprimé votre accord avec la mixité sociale, mais c'était pour nous faire comprendre aussitôt que ce n'était pas du tout celle dont nous parlons. Et c'est à ce propos que je souhaite que nous nous expliquions, parce que c'est un point fort du débat : le taux de 20 %.

Comment, à partir de ce taux, pouvez-vous prétendre que notre choix est celui du tout locatif social ? C'est une profonde erreur. Vous savez très bien que nous encourageons l'investissement locatif privé, puisque nous avons créé un statut du bailleur. Vous savez aussi, j'en ai déjà parlé tout à l'heure, que nous avons consolidé l'accession sociale à la propriété et que nous l'avons sécurisée pour que des couches supplémentaires puissent y accéder.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Mettez-le dans la loi !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je veux appeler votre attention sur le fait que le logement aidé, aujourd'hui, dans notre pays et s'il est aidé, il peut être considéré comme logement social, pourquoi pas ? - c'est l'accession sociale à la propriété, avec 110 000 à 115 000 prêts par an.

M. Henri Plagnol et M. Marc-Philippe Daubresse.

Ecrivez-le donc dans la loi !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Ce sont aussi quelque 50 000 logements de la production HLM et 40 000 - du moins nous l'espérons -, en rythme normal, acquisitions pour une mise en location dans le secteur privé.

En clair, les logements aidés représentent 75 % de la production de logements. Ce qui vent dire que, si l'on voulait demander aux communes d'être en phase avec la politique nationale du logement, laquelle s'efforce d'être au plus près des besoins, il faudrait dire aux maires comment répartir 75 % des logements construits !

M. Daniel Marcovitch.

CQFD ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Daniel Marcovitch.

Ils veulent le beurre et l'argent du beure !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Faites-le à Chambéry !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Nous n'allons pas jusque-là. Nous savons bien qu'aucune commune, quelle qu'elle soit, ne fait obstacle à l'accueil de l'accession à la propriété, pas plus qu'à la création de logements par investissement locatif privé. Mais, malheureusement, force est bien de constater que là où le bât blesse, là où il y a des refus, ou des blocages, c'est pour cette étape du parcours résidentiel, qui est souvent, d'ailleurs, celle du premier logement quand on accède à l'autonomie,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Eh oui, les jeunes !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... c'est pour le logement social. C'est là que l'on constate des écarts de répartition intolérables.

Si nous voulons que toutes les communes s'y mettent, si nous voulons que cet objectif de 20 % pour le logement locatif social soit atteint, c'est parce que c'est le seul


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

maillon défaillant. C'est aussi parce que, aujourd'hui, la moyenne du logement social, dans l'ensemble des agglomérations urbaines de notre pays, est de 23 %. C'est dire que le taux proposé est en dessous de la moyenne.

Vous nous avez dit, monsieur Plagnol : « Avant de passer à un autre texte, faites donc une évaluation de la

LOV ! ».

Mais nous en avons une ! Elle a été commandée par le Gouvernement précédent à une inspectrice générale de l'équipement, dont j'ai lu le rapport. Que ressort-il de cette évaluation et de ce bilan ? Que, en neuf ans, environ 30 000 logements locatifs sociaux, imputables à la LOV, ont été construits.

Certes, la LOV a eu des mérites. Elle a fait admettre conceptuellement le principe de la mixité sociale. Mais.

en termes de rapidité de mise en oeuvre, d'efficacité concrète sur le terrain, il faudrait faire dix fois plus.

M. Patrick Delnatte.

Il faut actualiser les chiffres !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Aujourd'hui, le déficit cumulé est de 450 000 logements, ce qui veut dire que, sur vingt ans, il faudrait faire au moins cinq fois plus.

Vous critiquez l'article 25, qui serait la confirmation d'un choix exclusif pour le logement locatif social, et proposez d'inclure dans les 20 % d'autres catégories de logement. Descendre en deçà de 20 % alors que la moyenne est de 23 % et alors qu'il y a tant de listes d'attente et tant de déséquilibre entre les communes, c'est se refuser à progresser de manière satisfaisante. Sur ce point, il ne peut pas y avoir d'ambiguïté et je souhaitais que les choses soient clairement dites.

L'objet de ce projet de loi n'est en aucun cas de mettre en chantier une nouvelle politique faite de contraintes et de densification.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Supprimez le rôle du préfet !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Nous avons aujourd'hui une multiplicité de documents sans aucune mise en cohérence.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous en rajoutez !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Nous avons des démarches sectorielles avec le PLH, avec le PDU, les schémas de développement commercial. Tous ces documents traduisent les efforts accomplis par des gouvernements successifs. Le problème, c'est qu'il n'est jamais prévu de les mettre en cohérence avec un document fédérateur.

M. Henri Plagnol.

Si !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

C'est l'objectif que nous poursuivons avec le schéma de cohérence territoriale. Sur ce point, il sera tellement différent des schémas directeurs que nous avons connus et qui, pour la plupart d'entre eux, n'ont pas été des documents vivants, servant de référence durable au développement urbain, que nous avons éprouvé le besoin de marquer ce changement de logique par un changement de dénomination.

Quelque part, cela ne pourra qu'aider à la compréhension des objectifs poursuivis.

Vous avez émis des craintes à propos du remplacement du plan d'occupation des sols par le plan local d'urbanisme. Sur ce point, permettez-moi de vous le dire, les éléments dont vous disposez ne sont sûrement pas complets. En tout cas, nous ne faisons pas disparaître les références normatives, nous voulons simplement introduire plus de souplesse, car, aujourd'hui, nous avons des documents établis sur une base unique et très complexe, ce qui peut engendrer des contradictions, y compris dans le travail conduit sous l'appellation de plan d'occupation des sols. En plus, vous ne l'ignorez pas, les professionnels ont toujours regretté que ces documents d'urbanisme, qui engagent l'avenir d'une collectivité, qui prévoient son développement, se limitent à la simple notion d'occupation des sols. Il est vrai qu'aujourd'hui nous avons des documents qui ne font apparaître que des lettres et des chiffres, qui renvoient à des règlements pour déterminer des COS. Très franchement, pour la lisibilité du projet urbain porté par la collectivité concernée, ce n'est pas un document satisfaisant. Ce que nous souhaitons, c'est améliorer la lisibilité.

L'enquête publique, rassurez-vous, aura lieu dans la procédure du PLU, mais aussi pour le schéma de cohérence territoriale, ce qui est nouveau, vous en conviend rez. Cela permettra d'instaurer cette participation citoyenne et ce contrôle démocratique auxquels vous aspirez et auxquels nous aspirons nous aussi.

Simplement, la démarche suivie vise à alléger un certain nombre de procédures qui se sont révélées être à l'origine de la majorité des contentieux dans le domaine de l'urbanisme. La plupart des décisions annulées l'ont été pour des questions de forme et non de fond, c'est-àdire qu'il y a là une entrave à un débat sur le fond, un retard dans la réalisation de certaines opérations et un gaspillage qu'un grand nombre d'élus et de professionnels déplorent.

Bien évidemment, pour le schéma de cohérence territoriale et le PLU, soumis à enquête publique, c'est toute la procédure d'élaboration qui doit s'inscrire dans une démarche de concertation, avec un débat sur le fond, et non des querelles sur la procédure.

C'est un point qui me paraît fondamental, mais cette disposition, comme beaucoup d'autres, pourra être améliorée et précisée au cours des débats. Au niveau des intentions en tout cas, vous ne pouvez nous faire le procès que vous instruisez.

Vous avez centré l'essentiel de ce qui pouvait justifier la procédure de l'exception d'irrecevabilité à la fin de votre propos, en évoquant l'autonomie locale et le respect de l'article 72 de la Constitution.

J'ai été élu local avant d'exercer d'autres tâches. Dans notre conception, les élus doivent d'abord se soucier de respecter l'intérêt général et veiller à ce que les lois soi ent appliquées, et, autant que faire se peut, avoir le courage d'éviter toute soumission aux manifestations d'égoïsme local. Nous savons tous que notre société est fragile et que, dans la diversité de ses composantes, il peut y avoir des tensions. A cet égard, nous avons un rôle à tenir.

Comme les valeurs de la République nous y incitent, nous devons essentiellement favoriser l'émergence d'une société de partage, d'un climat de solidarité, le développement de la fraternité, sans agiter l'opposition à telle ou telle composante de la société, à moins de penser qu'elle serait beaucoup mieux chez les autres.

C'est vrai que nous sommes pour une démarche de décentralisation citoyenne. Nous ne pouvons donc avoir une conception « mistigri » de la décentralisation. Or je crains que, dans telle ou telle initiative, ce ne soit tout de même un peu de cela qu'il s'agisse.

En tout cas, le texte qui vous est présenté, mesdames et messieurs les députés, n'est en aucun cas inspiré par une logique de recentralisation ou de retour de l'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Marc-Philippe Daubresse.

Alors, supprimez l'intervention des préfets !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Rappelez-vous ce qu'avait répondu le Conseil constitutionnel à ceux d'entre vous qui aviez contesté les lois de décentralisation en 1981. Vous ne lui ferez pas de procès quant à sa composition. Je parle bien du recours qui a été introduit en 1982. Le Conseil constitutionnel a explicitement indiqué, pour rassurer vos prédécesseurs, qu'en aucun cas la décentralisation ne voulait dire absence de l'Etat, absence de contrôle de légalité des décisions des collectivités locales

Une autre décision du Conseil constitutionnel, à propos de la loi du 31 mai 1990, est venue conforter cette jurisprudence. Là encore, en effet, de vos rangs, il est vrai au Sénat, était né un recours pour contester le fait que le plan départemental pour le logement des défavorisés puisse être publié par l'Etat dans l'hypothèse où le président du conseil général refuserait d'en être cosignataire.

Le Conseil constitutionnel a répondu : « Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, chacune d'elles le fait dans des conditions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ».

Cela veut dire que, dans ce pays, le législateur a le droit d'adopter des lois qui peuvent être d'application générale sur l'ensemble du territoire, et accordez-nous que, s'il n'en était rien, la fonction parlementaire serait très largement écornée.

Il n'y a donc pas, dans notre texte, d'inconstitutionnalité à ce titre. Simplement, il y a des dispositions pour ne pas permettre que telle ou telle commune considère le droit comme une sorte de libre service à l'intérieur duquel on ferait des choix en disant : je suis élu par la volonté de mes compatriotes, j'applique telle loi parce qu'elle me plaît, je refuse telle autre sur le territoire de ma commune parce qu'elle me déplaît. Admettez qu'il n'est pas possible de concevoir l'avenir de notre pays en ces termes, et vous comprendrez qu'il ne peut y avoir, sur ce point, inconstitutionnalité.

Sur les documents d'urbanisme, il n'y a pas non plus de retour de l'Etat puisque, dans l'élaboration et le contrôle de légalité des nouveaux documents, les mêmes missions que pour les documents existants sont données aux représentants de l'Etat. Simplement, les préfets devront régulièrement porter à la connaissance des élus les éléments d'information qui peuvent leur être utiles.

De la manière, les préfets pourront bien sûr, comme aujourd'hui, déférer les documents d'urbanisme approuvés si ceux-ci présentent des illégalités de fond ou de procédure.

La seule chose qui vous autorise à dire que l'Etat est évoqué dans ces textes, c'est qu'en la simplifiant - vous avez vu l'importance des abrogations que la loi vous propose -, on évoque à nouveau cette procédure, mais elle n'est en rien changée.

S'agissant de la carte communale, vous savez très bien qu'elle prolonge la décentralisation puisque les maires qui le voudront pourront, après que ce document aura luimême été soumis à l'enquête publique, obtenir la prérogative de la délivrance du permis de construire. Il n'y aura donc plus, à l'avenir, pour les maires qui le souhaiteront, de distinctions entre ceux qui seraient émancipés par la loi de 1983 et ceux qui ne le seraient pas, ayant gardé une tutelle.

En clair, monsieur le député, et après vous avoir écouté a vec beaucoup d'attention, je souhaite vous avoir convaincu. Bien évidemment, tout est perfectible. Vous a vez évoqué la possibilité que la contribution des communes ne soit pas uniforme mais prenne en compte éventuellement le potentiel fiscal. C'est une idée sur laquelle le Gouvernement ne sera pas fermé a priori.

Bref, il est possible que le débat permette de rapprocher des points de vue. En tout état de cause, ce texte va, pour la première fois, permettre une mise en cohérence dans les démarches urbaines, de plus grandes adaptations et innovations locales, un travail à meilleure échelle pour des villes plus équilibrées, plus harmonieuses, et, si les objectifs d'équilibre de l'habitat sont atteints, des villes également plus solidaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste.

Mme Odile Saugues.

Monsieur Plagnol, je vous ai écouté avec attention et je n'ai à aucun moment vu la démonstration de l'inconstitutionnalité de ce texte de loi.

Vous fondez votre seul argument sur un hypothétique effacement du pouvoir des maires, et ce en fin de parcours, après un exposé général d'opposition au texte, ce que je comprends, et à bout de souffle.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Christophe Caresche.

Laborieusement !

Mme Odile Saugues.

Pour moi, ce qui est irrecevable, ce n'est pas le projet de loi gouvernemental, mais c'est la situation que vivent des millions de nos concitoyens, que vous avez d'ailleurs reconnue.

Ce qui est irrecevable, c'est la pauvreté qu'on a laissée s'accumuler dans les mêmes quartiers, c'est l'urbanisme délirant des années 50 que vous connaissez bien, avec des quartiers coupés du reste de la ville par des infrastructures qui séparent, excluent, avec des nuisances qui s'accumulent ici et là.

Ce qui est à mes yeux irrecevable, c'est la ségrégation urbaine qui s'est développée et dont vous attendez qu'elle perdure puisque vous vous opposez à la mixité sociale, qui a l'air de vous faire très peur,...

M. Marc-Philippe Daubresse.

On n'a pas dit ça !

Mme Odile Saugues.

... et à la possibilité d'évolution à l'intérieur du parcours résidentiel dans le logement social qui est proposée dans ce texte.

M. Gilles Carrez.

Il a dit le contraire !

Mme Odile Saugues.

Ce qui serait irrecevable, ce serait de ne pas présenter ce texte de loi, ce serait de se satisfaire de la situation actuelle.

Ce qui est irrecevable, c'est l'image que vous tentez de donner du logement social. C'est ce mépris à l'encontre de ceux qui y vivent, parfois par nécessité, parfois aussi par choix de vie, et qui ne méritent pas les propos caricaturaux que nous avons entendus.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

Mme Odile Saugues.

Le logement social, vous semblez le méconnaître totalement ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ce qui est irrecevable, c'est que certains offices publics n'ont pas toujours accepté de mettre en oeuvre une véritable mixité sociale, et vous les connaissez. Ils ont même


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

servi à tout autre chose dans certaines villes, et je ne donnerai pas de noms ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Tout le monde a compris !

M. Daniel Marcovitch.

Des noms !

Mme Odile Saugues.

Ce qui est irrecevable, c'est de faire croire que le logement social, ce ne sont et ce ne seront toujours que des tours et des barres, mais cela est dépassé.

Je tiens à vous rassurer : le logement social a évolué depuis les années Pompidou. Sans doute n'en avez-vous pas assez dans votre commune pour vous en rendre compte par vous-même !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et les années Mitterrand ?

Mme Odile Saugues.

Vous nous dites que ce projet est une atteinte à la décentralisation. Sans doute n'avonsnous pas lu le même texte. Lorsqu'un projet prévoit de rendre les plans de déplacements urbains prescriptibles, quand il instaure dans son article 51 la régionalisation du transport ferroviaire, dont vous vous félicitez par ailleurs, cette régionalisation qui permettra aux régions de décider des dessertes, de la tarification,...

M. Henri Plagnol.

Très bon exemple !

Mme Odile Saugues.

... de la qualité du service, de l'information des usagers, quand il tend vers une simplification des documents d'urbanisme - et M. le ministre a insisté sur ce point - pour mieux informer les citoyens et mieux les associer aux décisions prises, cela n'est pas un retour à la centralisation. Bien au contraire ! C'est une décentralisation mature, aboutie, assumée, qui rapproche le service public des citoyens. C'est un effort de cohérence et de simplification.

Pour toutes ces raisons, monsieur Plagnol, votre argumentation est irrecevable, et le groupe socialiste, bien naturellement, votera contre cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe RPR.

M. Christian Estrosi.

Voyez-vous, madame Saugues, le mépris qui serait le nôtre, selon vous, vis-à-vis des populations qui vivent dans des logements sociaux, ce mépris, les électeurs de ma circonscription, où le logement social est majoritaire, ne l'ont jamais ressenti : depuis douze ans, ils m'ont toujours reconduit leur confiance.

M. Alain Cacheux.

Il va nous faire pleurer !

M. Christian Estrosi.

Mais voilà, c'est parce que je connais trop leurs difficultés, c'est parce que je connais trop leur misère,...

M. Alain Cacheux.

Oh là !

M. Christian Estrosi.

... c'est parce que je connais trop les ghettos dans lesquels on a cherché à les enfermer au cours des cinquante dernières années que ce texte, aujourd'hui, m'effraie. Il se caractérise par l'incohérence entre les objectifs qu'il se fixe - à savoir améliorer la qualité de la vie, aboutir à une plus grande cohésion sociale, renforcer la décentralisation - et les dispositions qu'il contient.

Mon collègue Plagnol avait commencé par la fin du texte...

M. Daniel Marcovitch.

Il s'est arrêté à l'article 51. Ce n'est pas la fin, c'est le milieu !

M. Christian Estrosi.

... à savoir la régionalisation des transports ferroviaires. Nous ne pouvons qu'y être favorables, bien sûr. Mais permettez-moi de vous faire part de nos craintes sur ce sujet, et notamment en ce qui concerne les dotations de l'Etat, car aucune garantie ne nous est apportée.

Dans ma région, j'ai participé pleinement au choix de l'expérimentation de la régionalisation. En 1997, nous a vons signé, en Provence-Alpes Côte d'Azur, une convention avec l'Etat d'un côté et avec la SNCF de l'autre : la dotation de l'Etat était de 420 millions de francs par an, celle de la région à la SNCF de 380 millions de francs par an.

M. Daniel Marcovitch.

Quel rapport avec l'exception d'irrecevabilité ?

M. Christian Estrosi.

Et alors que nous arrivons au terme des trois années d'expérimentation,...

M. Daniel Marcovitch.

Mais où est la Constitution làdedans ?

M. Christian Estrosi.

... écoutez bien cela, mes chers collègues, alors que nous arrivons au terme des trois années d'expérimentation et que la région souhaiterait signer une convention pour deux ans, jusqu'au 1er janvier 2002 - c'est-à-dire pour une période intermédiaire, dans l'attente de l'application de la loi - la dotation de l'Etat qui nous est proposée aujourd'hui resterait à 420 millions de francs, tandis que la dotation de la région à la SNCF passerait à 460 millions de francs !

M. Daniel Marcovitch.

C'est anticonstitutionnel, ça ?

M. Christian Estrosi.

Entre 1997 et 2000, la dépense de la région passerait donc de 380 à 460 millions, alors que celle de l'Etat resterait inchangée !

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est anticonstitutionnel ?

M. André Lajoinie, président de la commission.

Où est l'inconstitutionnalité ?

M. Christian Estrosi.

Telles sont les craintes que nous avons à l'égard de ce texte, alors même qu'il n'est pas encore appliqué, quant aux dérives qui risquent d'intervenir dans les dotations de l'Etat et de déséquilibrer les finances régionales.

Mme Nicole Bricq.

Il est mauvais, en plus !

M. Christian Estrosi.

Quant aux schémas de cohérence territoriale, ils intégreraient malgré elles les communes qui ne le souhaitent pas, et traiteraient un problème aussi vaste que celui de l'aménagement du territoire jusque dans les plus petits détails. Voilà qui, là encore, manifeste l'incohérence totale de ce texte, et notamment par rapport aux contrats de plan Etat-région, aux schémas régionaux d'aménagement, aux schémas régionaux de transports. Surtout, nous nous demandons ce que deviennent les communes dans tout cela et ce que devient leur libre arbitre.

M. Alain Cacheux.

Il parle depuis cinq minutes, monsieur le président, il allonge le débat !

M. Christian Estrosi.

Quant à la mixité sociale, oh non, nous ne voulons pas une politique qui place les riches d'un côté et les pauvres de l'autre.

M. Gilles Carrez.

Bien sûr ! C'est une caricature !

M. Christian Estrosi.

Mais voyez-vous, je suis surpris de constater qu'avec ce texte, vous affirmez tout à coup votre volonté de régler un certain nombre de problèmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

Depuis trois ans, ce n'est pas l'impression que vous m'avez donnée ! Chaque fois que, dans une grande cité HLM de ma circonscription, une cité de 15 000 habitants, j'ai demandé que l'on démolisse tel immeuble insalubre, chaque fois que j'ai demandé que l'on m'aide à financer un équipement sportif ou culturel pour apporter un peu de mieux-être aux jeunes et aux familles de ce quartier, chaque fois que j'ai demandé à votre gouvernement d'amener une meilleure qualité de vie ou d'environnement dans cette cité, j'ai systématiquement reçu une réponse négative.

M. Christian Bataille.

Vous attendez tout de l'Etat ! Ce n'est pas très libéral comme raisonnement !

M. Michel Bouvard.

On n'est pas libéral, au RPR !

M. Christian Estrosi.

Et d'un coup d'un seul, par un texte de loi, vous chercheriez aujourd'hui à inverser le cours des choses dans l'ensemble des cités difficiles de ce pays ? Je ne crois pas à votre volonté de mixité sociale, surtout quand, par l'article 25, vous voulez nous imposer des choix autoritaires.

Imposer 20 % de logements sociaux, c'est ne pas prendre en compte...

M. le président.

Concluez, monsieur Estrosi. Vous êtes arrivé au terme de votre temps de parole.

M. Christian Bataille.

Il est confus !

M. Christian Estrosi.

Je vais conclure, monsieur le président.

Imposer 20 % de logements sociaux, c'est ne pas prendre en compte la diversité des villes. Il y aurait pour vous des villes identiques partout, qu'elles soient en bord de mer ou en montagne, qu'elles soient en fond de vallée ou adossées à une colline, qu'elles soient encaissées ou non, que leur territoire soit restreint ou vaste ! Toutes les villes auraient la même configuration ! Pourquoi, en outre, ne pas prendre en compte la dimension humaine et les diverses formes possibles d'accession à un logement ? Chacun doit pouvoir choisir le type de logement qu'il souhaite. Ne pas prendre en compte cela est une profonde attente aux libertés.

M. le président.

Monsieur Estrosi, voulez-vous conclure ?

M. Christian Estrosi.

Je conclus, monsieur le président.

M. Christian Bataille.

Il va nous expliquer que Nice est une ville de pauvres ! Il y en a beaucoup sur la promenade des Anglais !

M. Christian Estrosi.

C'est parce que tout cela est une atteinte à la démocratie locale, c'est parce que vous voulez retirer au maire ses pouvoirs en matière d'urbanisme et les donner au préfet, c'est parce que vous ne voulez pas prendre en compte la volonté des citoyens - et notre collègue Henri Plagnol s'est appuyé sur l'article 72 de la Constitution pour le démontrer -, que nous voterons l'exception d'irrecevabilité présentée par le groupe UDF.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Daniel Marcovitch.

Equilibriste !

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, l'opposition se fait fort de nous accuser de revenir sur la politique de décentralisation menée depuis bientôt vingt ans. Pourtant, ce n'est pas elle qui a initié en 1982 ce large mouvement de développement de la démocratie locale.

Mme Nicole Bricq.

Bien sûr que non ! Ils étaient contre !

Mme Janine Jambu.

En revanche, lorsqu'elle s'égosille à dénoncer un prétendu retour en force de l'Etat qui s'accompagnerait d'un bétonnage à outrance dans les banlieues, il ne faudrait pas se méprendre. Car cet aménagement inhumain, c'est bien vous, mesdames et messieurs les députés de la droite, qui l'avez initié dans les années soixante...

Mme Odette Grzegrzulka.

Eh oui ! Mais ils sont amnésiques !

Mme Janine Jambu.

... lorsque vous pensiez encore que rien ni personne ne viendrait remettre en cause les îlots de tranquillité, dont vous vouliez vous réserver le privilège.

M. Alain Cacheux.

Exactement !

Mme Janine Jambu.

Désormais, ce sont vos propres créatures - tours, barres - qui nourrissent vos fantasmes les plus fous.

Mme Odette Grzegrzulka.

Exactement !

Mme Janine Jambu.

Vous les agitez comme des épouvantails pour vous effrayer vous-mêmes.

La mixité sociale, nous, nous la concevons comme un objectif de qualité tendant à améliorer la vie de toutes et de tous, quel que soit l'endroit où ils vivent.

M. Daniel Marcovitch.

Bravo !

Mme Janine Jambu.

La tranquillité et le bien-être sont pour nous des droits fondamentaux et c'est précisément ce que nous entendons réaliser au travers de la mixité sociale.

D'ailleurs, la planification que vous redoutez n'est pas autre chose qu'un simple prétexte pour vous défausser.

C'est bien à vous, qui êtes aussi des élus locaux, de percevoir la nécessité d'une solidarité à laquelle aspirent l'ensemble de nos concitoyens, qui souffrent du mal-vivre dans un environnement qu'ils subissent cruellement à l'heure actuelle.

Cette exception d'irrecevabilité que vous soulevez est absurde. Le présent projet de loi s'inscrit à la suite de la loi d'orientation sur la ville votée en 1991 et tend justement à en renforcer l'esprit face à l'égoïsme de certains, qui ne se sont pas empressés d'agir dans le domaine du logement social.

Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, ce projet de loi vise à réparer les insuffisances qui se font jour dans nos villes et non à les bouleverser. Parce qu'il va contribuer à améliorer l'existence de nos concitoyens dans les villes, nous voterons contre cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. MarcPhilippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le président, mes chers collègues, finalement, dans le débat autour de cette première motion de procédure, nous avons entendu deux types d'arguments. D'un côté, la lutte des classes qui ressuscite,...

Mme Nicole Bricq.

Elle n'a jamais été morte !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Marc-Philippe Daubresse.

... comme s'il n'y avait en France que la version Neuilly et la version La Courneuve. Dans ce registre, M. Bartolone nous a fait tout à l'heure un beau numéro de démagogie.

De l'autre côté, on a entendu, je le reconnais, une série d'arguments de fond, intéressants, qui ont alimenté ce débat, que nous voulions, nous, aborder dans une perspective constructive (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , concernant l'ensemble des problèmes qui ont été soulevés par l'exception d'irrecevabilité présentée p ar Henri Plagnol.

M. Christian Bataille.

Il n'est pas constructif, Plagnol !

M. Marc-Philippe Daubresse.

La mixité sociale est un objectif largement partagé, je le redis ici, sur ces bancs.

De même, la construction des logements sociaux, nous la souhaitons ardemment...

M. Daniel Marcovitch.

Prouvez-le !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... et il y a dans nos rangs un certain nombre d'anciens ministres du logement qui, quand ils étaient au gouvernement, l'ont amplement démontré.

Par quelle méthode peut-on atteindre ces objectifs ? Par la coercition et la contrainte, comme ce texte nous le propose, ou par une méthode fondée sur l'initiative, sur la responsabilité, sur le respect de l'initiative locale,...

M. Gilles Carrez.

Sur le contrat !

M. Daniel Marcovitch.

Qu'avez vous fait en neuf ans ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

... sur la confiance qu'un gouvernement peut accorder à la décentralisation et à l'autonomie des élus locaux ? C'est bien cette question-là qui nous est posée. Ce sont bien des arguments de ce type que Henri Plagnol a soulevés dans son exception d'irrecevabilité.

M. Daniel Marcovitch.

Trente mille logements en neuf ans !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous verrons donc, messieurs les ministres, comment vous réagirez face à nos différents amendements. Car vous nous avez fait une série de déclarations d'intentions. Par exemple, vous nous avez dit : « Non ! Ce texte n'est pas un recul de la décentralisation ! » Dans ce cas, acceptez les amendements que nous allons présenter pour empêcher l'intervention du préfet : vous manifesterez ainsi votre confiance aux élus locaux.

Vous nous avez dit aussi : « Nous sommes tout à fait favorables à ce qu'il y ait répartition entre plusieurs types de logements. » Nous allons présenter des amendements

visant à ce qu'il puisse y avoir dans les logements sociaux des logements qui soient d'accession à la petite propriété.

M. Daniel Marcovitch.

50 % !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Car une large majorité de Français souhaitent justement prendre cet ascenseur social et éviter les cicatrices que nous ont laissées les urbanistes, non seulement ceux des années Pompidou, mais aussi ceux des années Mitterrand qui ont largement amplifié les phénomènes de marginalisation et d'exclusion.

M. Patrick Delnatte.

Tout à fait !

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas un argument !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous verrons donc comment vous traitez ces amendements, et si vous êtes pour une méthode d'initiative, de responsabilité et de respect de l'autonomie communale ou au contraire pour une méthode de coercition et de contrainte.

C'est parce qu'il se doute, hélas, de ce que sera votre position que le groupe UDF votera, bien évidemment, cette exception d'irrecevabilité.

M. Christian Bataille.

Il faut pourtant des HLM à Lambersart !

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quatre-vingt-sept articles, quatre titres consacrés à l'urbanisme, à la mixité sociale, aux transports, au logement ! C'est dire l'ambition affichée, messieurs les ministres, par votre projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Mais la déception est à la hauteur de cette ambition.

Ce texte devait être porteur d'un souffle nouveau pour la ville et l'habitat dont les Français rêvent pour demain.

Et ce souffle se pervertit en un vent mauvais, annonciateur de sanctions. Il s'agit de clouer au pilori certains, pour mieux dissimuler ses propres échecs.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. Gilles Carrez.

Car, dans le domaine de la politique de la ville, l'échec du Gouvernement est patent. Rien depuis 1997, aucune mesure forte de reconquête de ces grands ensembles devenus ghettos. Des discours, toujours des discours, alors que le précédent gouvernement, avec le pacte de relance de la ville de 1995, avait su, lui, insuffler la priorité de l'économie et de l'emploi dans ces quartiers difficiles.

M. le ministre délégué à la ville.

On a vu le résultat !

M. Jean-Jacques Filleul.

Ça a fait flop !

M. Laurent Cathala.

Lui-même ne croit pas à ce qu'il dit.

M. Gilles Carrez.

Or, le texte que vous nous proposez est muet sur la nécessité d'un profond renouvellement urbain dans notre pays, un renouvellement urbain qui prenne en compte l'exigence de démolition-reconstruction des grands ensembles les plus dégradés, qui s'appuie sur un aménagement du territoire en réseaux de villes, notamment petites et moyennes, un renouvellement urbain qui desserre le carcan que subissent les grandes agglomérations, asphyxiées par les difficultés de transport et les nuisances d'environnement.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais on s'en occupe !

M. Gilles Carrez.

Et face à cette belle ambition, monsieur le ministre, votre projet se borne à un ensemble de dispositions juridiques disparates, mais unies toutefois par la même volonté de recentraliser, de densifier, de bétonner les agglomérations,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

De « soviétiser » !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Gilles Carrez.

... de confiner nos concitoyens dans l'habitat collectif social, et, enfin, de punir les communes qui, à juste titre, seront récalcitrantes.

Avant d'aborder les deux premiers titres, urbanisme et mixité sociale, j'évoquerai rapidement les dispositions relatives aux transports et au logement.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce sont les meilleures.

M. Gilles Carrez.

Le volet transports, vous le dites, monsieur le ministre, n'appelle pas de critiques fondamentales.

M. Alain Cacheux.

Ah ! C'est bien de le reconnaître !

M. Gilles Carrez.

La régionalisation des transports collectifs de ce ressort, déjà engagée par la loi Pons, est une nécessité. Peut-être faudra-t-il adapter les transitions.

Mais surtout, monsieur le ministre, votre texte manque d'ambition, à la fois sur le renforcement des autorités régionales dans l'organisation des transports à l'intérieur des périmètres de leur compétence...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est le souci des communes.

M. Gilles Carrez.

... et sur les moyens de financement, qui ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Un milliard de francs !

M. Gilles Carrez.

Tout à l'heure, vous nous avez en effet annoncé un financement supplémentaire de un milliard, et nous nous en réjouissons. Mais vous avez oublié les trois ou quatre milliards de francs qui manquent au contrat de plan de la seule région d'Ile-de-France, dont vous êtes l'élu.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Jamais il n'y a eu autant de moyens, en Ile-deFrance, pour les transports collectifs ! Jamais, dans toute l'histoire de la France !

M. Alain Cacheux.

Le ministre a raison !

M. Gilles Carrez.

Dans le département du Val-deMarne, par exemple, monsieur le ministre, le bouclage de l'A 86 et de l'A 4 n'est pas assuré. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche.

Ce n'est pas les transports collectifs, cela !

M. Gilles Carrez.

L'entrée de la région Ile-de-France dans le Syndicat des transports parisiens - aujourd'hui Syndicat des transports d'Ile-de-France - était attendue depuis longtemps. Mais force est de constater que cela ne modifiera guère l'organisation et le financement des transports. L'Etat y gardera un rôle déterminant, vous l'avez vous-même dit tout à l'heure, monsieur Gayssot.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est vrai.

M. Gilles Carrez.

Les dispositions diverses en matière d'habitat appellent de ma part deux observations générales.

Tout d'abord, il est regrettable de restreindre le rôle et l'activité des organismes HLM aux seuls logements locatifs sociaux, comme le fait l'article 61 de votre projet de loi. Le logement des familles modestes peut et doit prendre bien d'autres formes, qu'il s'agisse du parc privé locatif ou de l'accession sociale à la propriété. M. Besson l'a dit tout à l'heure, il a tout à fait raison. Mais ce qu'il a dit ne figure pas dans votre texte ! Par ailleurs, les missions des organismes HLM ne doivent pas être cantonnées, comme la loi en donne l'impression, aux seuls grands ensembles. Dans ma commune, p ar exemple, de nombreuses petites opérations de construction ou de réhabilitation sociale ont été conduites avec succès par les organismes HLM et elles contribuent fortement à revaloriser une image qui, force est de le constater, s'était dégradée dans l'esprit de nombreux habitants.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

La qualité, messieurs les ministres, doit être une priorité absolue, même si - et c'est une réalité, vous en conviendrez - elle s'accorde mal avec la production de masse de HLM dont rêve votre projet de loi.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est faux !

M. Gilles Carrez.

J'ajoute que les organismes HLM peuvent avoir un rôle éminent dans la politique de renouvellement urbain : démolition-reconstruction, restructuration de certains quartiers dégradés. Or, votre texte ne semble pas faire confiance, dans ce domaine, aux bailleurs sociaux.

Je regrette aussi, s'agissant des locataires bénéficiant d'aides de l'Etat, que vous ayez cru bon de supprimer la disposition du code de la construction selon laquelle ces aides doivent « laisser subsister un effort de la part des locataires ». L'assistanat généralisé, dans une société où il n'y a plus que des droits et jamais de devoirs, ne constitue pas un progrès mais une régression de la cohésion sociale.

Je suis profondément pour le droit au logement, mais je suis aussi pour le devoir de le mériter et de le respecter.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est vrai pour les villes qui refusent de construire du logement social !

M. Gilles Carrez.

J'en viens aux deux premiers titres, relatifs à l'urbanisme et à la mixité sociale.

Jamais depuis les lois de décentralisation de 1982, un texte n'aura été aussi centralisateur, en se dissimulant derrière des dispositions hermétiques ; je m'y attarderai un moment.

M. Alain Cacheux.

Pas trop longtemps non plus !

M. Gilles Carrez.

Jamais un texte n'aura été aussi contraire à la politique d'aménagement équilibré du territoire national que tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont portée depuis des décennies. Ce texte projette une image de la ville densifiée, bétonnée sur elle-même, au sein de laquelle tout espace libre ou peu bâti doit impérativement être occupé. Et pourtant, cette ville compactée, concentrant les nuisances, nous savons tous que les Français n'en veulent pas, eux qui ont la chance d'habiter un pays riche d'espaces. Je m'attarderai aussi sur ce point essentiel.

M. Alain Cacheux.

Pas trop longtemps !

M. Jean-Claude Mignon.

Laissez parler M. Carrez !

M. Gilles Carrez.

Centralisation, densification, mais aussi complexification - au lieu de simplification - et, en conséquence, risque de prolifération des contentieux. J'essaierai, messieurs les ministres, d'attirer votre attention sur ce point, car je crois que vous n'en êtes pas totalement conscients. Nous en parlions hier, monsieur le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

secrétaire d'Etat : en supprimant cinquante pages du code de l'urbanisme, on ne simplifie pas forcément la législation.

Et enfin, en défendant la juste cause de la mixité sociale, j'évoquerai le caractère incroyablement réducteur de votre conception du logement social et les injustices criantes qui vont en résulter.

Avant d'en venir au fond, il faut rappeler que ce projet de loi comprend une grave insuffisance, compte tenu d'une préparation hâtive et d'une concertation croupion.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est faux !

M. Bernard Birsinger.

Caricature !

M. Gilles Carrez.

La préparation hâtive apparaît à la lecture du projet. De nombreux amendements vont devoir corriger des erreurs manifestes de traitement de texte, de transposition-collage qui vous ont échappé.

Nous les examinerons pendant la discussion.

Mais il est aussi frappant de constater à quel point ce texte diverge de l'étude d'impact qui l'accompagne, comme si elle avait été oubliée au milieu du gué, au fil de votre travail approximatif et de l'adoption de nombreuses moutures successives du projet de loi.

Texte approximatif, concertation escamotée.

Est-il normal que l'Association des maires de France n'ait été saisie que courant janvier, alors que le texte avait déjà été transmis depuis plusieurs semaines au Conseil d'Etat ? Seul privilégié, semble-t-il, qui aura été quelque peu associé en amont, c'est le président de l'Association des maires de grandes villes de France - mais on ne peut pas dire que sa vision de l'urbanisme de demain et de la mixité sociale engage la majorité de l'Association des maires de grandes villes, et encore moins ceux des autres villes.

Quant au comité des finances locales, vous l'avez reçu, messieurs les ministres, et je vous en rends hommage, mais vous avez attendu la semaine dernière pour le faire, alors que de nombreuses dispositions remettent en cause la fiscalité locale, et - j'appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues - sans acune compensation de la part de l'Etat ! Et la commission de la décentralisation ne vous a entendus, messieurs les ministres, qu'hier matin,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Elle nous a entendus quand elle l'a voulu !

M. Gilles Carrez.

... alors que ce texte risque de démontrer, à travers ses multiples mesures de recentralisation, que M. Mauroy ne préside qu'un théâtre d'ombres ou une commission poudre aux yeux ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Oh !

M. Gilles Carrez.

Enfin, le Parlement. Adopté par le conseil des ministres le 2 février dernier, le texte a été transmis le jour même à l'Assemblée nationale et sa discussion démarre à peine un mois après. Et non content d e cette précipitation extrême, le Gouvernement a demandé l'urgence. J'espère sincèrement, messieurs les ministes, que vous reviendrez sur cette décision hâtive.

Car il ne sera pas étonnant, dans ces conditions, que le désordre le plus grand règne dans nos débats, comme il a régné en commission de la production et des échanges,...

M. Jean-Jacques Filleul.

On ne vous y a jamais vu !

M. Michel Bouvard.

M. Carrez siège à la commission des finances.

M. Gilles Carrez.

... y compris parmi les rangs de la majorité plurielle.

Car les dispositions techniques absconses de ce texte sont loin d'être innocentes, et ce n'est pas en pratiquant le blitzkrieg que le Gouvernement va dissimuler que cette loi nous fait revenir, en matière d'urbanisme, aux bonnes vieilles méthodes centralistes d'il y a quarante ans , celles qui ont permis à l'Etat d'imposer aux élus communaux les ZUP et les grands ensembles.

La recentralisation est omniprésente, avec la mise en oeuvre d'un véritable Gosplan - j'ai beaucoup hésité à prononcer ce terme, puis je m'y suis résolu, parce que des juristes éminents l'ont employé -, un Gosplan de l'urbanisme, qui va dicter à chaque commune, dans le moindre détail, ce que doit être son développement.

Premier élément de cette planification systématique, ce sont les schémas de cohérence territoriale. Ceux-ci vont s'appliquer à tout le territoire national, à moins, messieurs les ministres, que vous n'acceptiez, au cours du débat, de revenir à une conception moins déraisonnable, mais il faudrait que votre projet de loi soit amendé.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous le souhaitez ?

M. Gilles Carrez.

Sur ce point, oui ; et je vous proposerai des amendements, parce que j'estime que les schémas de cohérence territoriale doivent s'appliquer d'abord aux zones agglomérées.

M. le ministre délégué à la ville.

Si vous comptez amender le texte, il ne fallait pas déposer une question préalable !

M. Gilles Carrez.

Cette technique ne trompe personne, monsieur le ministre délégué...

M. Henri Cuq.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Comme ces schémas de cohérence devront intégrer les plans de déplacement urbain, les programmes locaux de l'habitat, les projets d'intérêt général, les schémas nationaux de services collectifs, les servitudes d'utilité publique, à partir d'un principe renforcé de compatibilité, tel un emboîtage inexorable de poupées gigognes,...

M. Michel Bouvard.

Des matriochkas !

M. Gilles Carrez.

... ils ne laisseront plus le moindre espace de liberté à l'urbanisme communal.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est un texte d'inspiration soviétique.

M. Gilles Carrez.

Et, monsieur le secrétaire d'Etat, hier matin, vous me disiez que le code contenait d'ores et déjà une notion de compatibilité, par exemple pour les programmes locaux de l'habitat.

Je vous ai répondu que ce n'était pas exact ; je n'étais pas sûr de moi, mais, en me référant au texte en vigueur actuellement, j'ai constaté qu'il ne parle pas de compatibilité, mais de « prise en considération », ce qui est parfaitement différent.

Si vous adoptez la notion de compatibilité, c'est à dessein, afin de créer un engrenage généralisé, dans la logique de la loi Chevènement : le pouvoir d'Etat, conjugué au pouvoir d'agglomération, a pour but d'anéantir le pouvoir communal.


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Ce danger apparaît à l'évidence à travers cette disposition inacceptable : le nouvel article L. 122-2 du code de l'urbanisme, qui interdira à une commune d'ouvrir une zone d'urbanisation future, à moins que le préfet ne donne son accord. Application dès le 1er janvier 2002.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Recentralisation !

M. Gilles Carrez.

C'est dire que les deux tiers du territoire national qui ne sont pas couverts par des schémas directeurs approuvés vont être soumis au bon vouloir des préfets. Oui, c'est le mot « applicable » que vous avez utilisé dans votre projet de loi, et pour le juge, cela signifiera « approuvé ». Or il sera matériellement impossible d'approuver des schémas de cohérence territoriale entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2002.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Bien sûr que non !

M. Gilles Carrez.

Il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école. Pour bien me faire comprendre, je vais prendre un exemple. Soit une petite ville de province qui a la chance de pouvoir accueillir une entreprise venant, par exemple, d'Ile-de-France, et recherchant un terrain de dix hectares. Ces dix hectares n'étant pas disponibles dans la zone urbaine de la commune, ils ne peuvent être trouvés que dans la zone urbanisable. Comme il n'existe pas de schéma de cohérence territoriale, la commune sera obligée de mendier, de solliciter l'accord du préfet pour obtenir le droit d'accueillir la petite entreprise ! Cela pourrait arriver à Chinon, monsieur Dauge.

M. Yves Dauge.

Les choses ne se passent pas exactement ainsi.

M. Gilles Carrez.

Si ! Vous êtes tellement conscients de la gravité du problème, messieurs les ministres, que votre loi accorde un régime dérogatoire à l'Ile-de-France et à la Corse, dont les schémas directeurs vaudront schémas de cohérence territoriale dès la loi votée. Et dans les autres zones, là où il n'y a pas de schéma, que va-t-on faire ? Voilà la question que je vous poserai au cours de ce débat.

Autre exemple de recentralisation : en cas d'annulation d'un plan d'occupation des sols ou, désormais, d'un plan local d'urbanisme, le retour au document d'urbanisme antérieur est assorti de l'exigence d'un avis conforme du préfet pour la délivrance des permis de construire.

N'est-ce pas de la recentralisation ? Je citerai encore la substitution du préfet aux pouvoirs du maire, pour ce qui concerne le droit de préemption et la signature des conventions avec les bailleurs sociaux lorsque les quotas autoritaires de logements n'auront pas été remplis.

Même volonté recentralisatrice - j'appelle votre attention sur ce point, qui est très important - avec le « porter à connaissance », qui ne sera plus enserré dans un délai strict obligeant les préfets et leurs services à signifier clairement ce qu'ils veulent dans les trois mois. Il sera dorénavant étalé sur toute la durée de la procédure, de telle sorte que les maires seront totalement dépendants - pas du préfet, avec lequel on arrive toujours à discuter - mais du bon vouloir des différents services de l'Etat, dont chacun sait, malheureusement, qu'ils ont beaucoup de mal à se coordonner entre eux.

De même, seul le préfet pourra apprécier si l'intérêt essentiel d'une commune sera lésé par l'élaboration d'un schéma de cohérence territoriale - je reprends les termes exacts du texte. Sans l'avis favorable du préfet - autant dire sans son accord - la commune lésée n'aura pas le droit de se retirer du schéma. Voilà ce que vous nous proposez.

Je pourrais multiplier les exemples de cette recentralisation sournoise qui remet en cause le pouvoir communal.

Alors peut-être, sur les bancs de la gauche, vous réjouissez-vous des dispositions punitives inventées contre les communes où il y a moins de 20 % de logements sociaux, parce que les trois quarts d'entre elles sont administrées par la droite.

M. Jean-Claude Lefort et M. Michel Vaxès.

Tiens donc !

M. Daniel Marcovitch.

C'est intéressant. Pourquoi la droite ne construit-elle pas de logements sociaux ?

M. Gilles Carrez.

Mais votre plaisir va être de courte durée car les risques dont je viens de vous parler, eux, concernent 36 000 communes de France.

Et je regrette profondément que le manque évident de concertation et le fait que le projecteur ait été braqué exclusivement sur la mixité sociale...

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Par qui ?

M. Daniel Marcovitch.

C'est l'opposition qui en porte la responsabilité.

M. Gilles Carrez.

... aient dissimulé les enjeux stratégiques de ce projet de loi liberticide pour nos communes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ne vous laissez pas non plus tromper, mes chers collègues, par la simplification du code de l'urbanisme dont se flattent les ministres. Elle n'est qu'illusoire. En réalité, les procédures vont être plus complexes qu'il n'y paraît.

M. Henri Plagnol.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

Rendu de fait obligatoire, le schéma de cohérence territorial sera encore plus compliqué à élaborer que le schéma directeur, tant seront nombreuses et contradictoires les contraintes qu'il aura à intégrer.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

La simplification des plans locaux d'urbanisme ne donnera qu'une liberté fictive. Est-il d'ailleurs raisonnable - ce point a été évoqué tout à l'heure par M. Plagnol et par M. le secrétaire d'Etat - de rendre facultatifs les deux principes fondamentaux du plan d'occupation des sols, à savoir la détermination de la destination des sols et la fixation des règles de construction ?

M. Serge Poignant.

Bonne question !

M. Gilles Carrez.

Cette liberté déstabilisera profondément les règles de délivrance des permis de construire et, avec elles, les maires qui les délivrent.

M. Henri Plagnol.

C'est l'évidence.

M. Gilles Carrez.

Les documents locaux d'urbanisme exigent un minimum de normes. Il me paraît très dangereux de supprimer ces normes.

M. Serge Poignant.

C'est l'anarchie.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Vous êtes donc partisan du Gosplan, monsieur Carrez ?...

M. Gilles Carrez.

A moins, messieurs les ministres, que dans une démarche parfaitement cynique, vous nous octroyiez à nous, les maires, la liberté totale sur les POS devenus PLU, tout simplement parce que cette liberté n'existe plus ?


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M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est tordu ! C'est pervers ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Nous ne sommes pas ainsi !

M. Gilles Carrez.

De même, la suppression des PAZ - les plans d'aménagement de zone dans les ZAC et leur remplacement par la révision des plans locaux d'urbanisme est une source infinie de complexité. Par exemple, comment quantifier plusieurs années à l'avance, dans un PLU, la surface hors oeuvre nette qui devra être dévolue à un îlot particulier dans un projet de zone d'aménagement concerté ? Comme ce sera impossible, il faudra réviser l'ensemble du plan local d'urbanisme. Vaste programme, comme on aurait dit autrefois...

M. Alain Cacheux.

Vous n'avez rien compris !

M. Daniel Marcovitch.

Encore un qui n'a pas lu le texte !

M. Gilles Carrez.

J'ai trop bien compris, au contraire.

Et l'enquête publique ajoutée aux cartes communales sera-t-elle source de simplification ou, au contraire, de complexification ? Et la concertation préalable désormais imposée - vous l'avez évoquée tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - en amont des procédures d'élaboration et de révision des documents d'urbanisme, en plus de l'enquête publique, ne va-t-elle pas rendre encore plus compliquées et plus fragiles les procédures d'urbanisme ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

La concertation imposée ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous avez peur de la démocratie, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez.

Quant à la suppression de la déclaration de travaux, qui consistuait une sorte de permis de construire simplifié, elle risque de rendre plus vulnérables à la fois les maires et les pétitionnaires. Par exemple, en toute bonne foi, beaucoup de nos concitoyens qui entreprennent des travaux ignorent les règles du code civil, et quand ils percent une fenêtre ou construisent une véranda, c'est grâce à la déclaration de travaux que nous leur rappelons qu'ils ne doivent pas créer d'ouverture à moins de huit mètres de chez leurs voisins. Quand la déclaration de travaux aura été supprimée, comment traiterons-nous ces problèmes ? Vous verrez bien qu'il y aura un foisonnement de contentieux civils.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Gilles Carrez.

Là encore, je pourrais multiplier les exemples, mais je veux surtout appeler votre attention sur les risques de prolifération du contentieux de l'urbanisme que va générer ce texte. Je ne partage absolument pas votre optimisme. Quand vous multipliez les contraintes contradictoires à intégrer dans les schémas et les PLU, quand vous imposez le principe de compatibilité - qui, dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, s'interprète très strictement - en le fondant sur des notions aussi floues et générales que la mixité urbaine, la limitation de la circulation automobile, l'économie d'espace,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Cela découle de la loi de 1996 !

M. Gilles Carrez.

... vous ouvrez grandes les portes au contentieux. M. Plagnol, juriste éminent (Rires sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Daniel Marcovitch.

C'est vous qui le dites !

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Plagnol vous a payé ? (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

... l'a déjà souligné.

De surcroît, si ce texte développe la participation du public, des différentes parties prenantes, des associations, au déroulement de la procédure - ce qui est une bonne chose, monsieur Gayssot -, en contrepartie, il ne prévoit aucune disposition de nature à restreindre les recours au contentieux en aval de la concertation généralisée. Dans les pays européens voisins, on pratique le plus possible la concertation et l'association en amont, mais en contrepartie, une fois le projet défini, on limite les recours contentieux. En France, nous allons devoir supporter tous les inconvénients.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

J'en appelle à la sagesse des maires présents dans cet hémicycle : soumis à la tutelle de l'Etat, écartelés entre les aspirations contradictoires des groupes de pression,...

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est la mort des maires !

M. Gilles Carrez.

... exposés au risque contentieux, les élus locaux, en premier lieu les maires, ne pourront que se trouver déstabilisés par ce projet de loi.

De plus, et ce point est loin d'être négligeable, le changement de vocabulaire imposé par la loi va compliquer encore davantage les relations avec les administrés. Il a fallu plus de trente ans, après la loi foncière de 1967, pour faire entrer le POS dans le langage presque courant, pour expliquer à nos concitoyens à quoi sert un COS, pourquoi un permis de construire peut être accordé ou refusé, le cas échéant modifié.

M. Henri Plagnol.

C'est vrai !

M. Gilles Carrez.

Or ces notions sont jetées par-dessus bord par un apprenti sorcier dont on se demande s'il a jamais tenu la moindre permanence dans une mairie.

(Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Même les COS vont disparaître des PLU dans les zones urbaines, dès lors qu'elles ne comporteront pas plusieurs destinations.

M. Robert Poujade.

Tout à fait.

M. Gilles Carrez.

Comment donc vous y prendrez-vous pour justifier le refus d'une autorisation de construire sur la base d'un PLU dépourvu de COS ? MM. les ministres nous répondront certainement dans les quinze jours qui viennent.

M. Alain Cacheux.

Evidemment !

M. Daniel Marcovitch.

Et nous aussi !

M. Gilles Carrez.

Plus sérieusement, notre métier de maire n'est-il pas devenu suffisamment difficile pour que nous n'y ajoutions pas de nouveaux facteurs de déstabilisation ? Nous connaissons le précédent inquiétant de la responsabilité pénale. N'acceptons pas les verges que nous tend le Gouvernement pour nous faire encore fouetter ! Quand les règles d'urbanisme nous auront complètement échappé, il sera trop tard pour venir nous plaindre ! Alors, mes chers collègues, ressaisissons-nous tant qu'il est encore temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

La recentralisation de l'urbanisme proposée par ce texte s'inspire d'une volonté délibérée de densification.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Non !

M. Gilles Carrez.

Si, monsieur le ministre, et je vais le prouvez par le détail en me reportant article par article à votre texte.

M. Alain Cacheux.

Pas trop longuement quand même !

M. Gilles Carrez.

L'image de la ville qui nous est proposée est celle d'une ville dense, compacte, qui ne doit se développer que sur elle-même, en priorité à toute extension ou à toute urbanisation nouvelle. Est-ce vraiment ce que souhaitent nos compatriotes ? Sincèrement, je ne le pense pas.

Le bétonnage de nos villes, la densification de nos agglomérations générent des nuisances : bruit, pollution, encombrements. Qui, sur ces bancs, n'est pas d'accord pour dénoncer le fait qu'à peine 5 % du territoire national abrite plus des trois-quarts de la population ?

M. Henri Plagnol.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Jusqu'à présent, la philosophie de l'aménagement du territoire nous avait paru porter sur le desserrement des grandes agglomérations, sur un dével oppement équilibré en termes d'habitat, d'emplois, d'équipement, qui s'appuie notamment sur le maillage en réseaux des villes petites et moyennes.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Où est la démonstration ?

M. Gilles Carrez.

Ce projet de loi, de façon insidieuse et qui mérite qu'on s'y attarde, prend le contre-pied de ces orientations.

D'abord, au nom de l'utilisation économe de l'espace, de la rationalisation des réseaux de transports collectifs, dont nous parlait tout à l'heure M. Gayssot, et des déplacements, la priorité est réservée, s'agissant des principes à intégrer dans les documents d'urbanisme, à l'utilisation maximale des secteurs urbanisés. Sans schéma de cohérence, on l'a vu tout à l'heure, de nouveaux secteurs ne peuvent être ouverts à l'urbanisation qu'avec l'accord du préfet. Les schémas doivent intégrer le fait qu'avant d'ouvrir de nouveaux secteurs, il convient de densifier les terrains libres ou peu construits situés en zone déjà urbanisée. Et comme la plupart de ces terrains sont propriété de l'Etat ou de ses établissements publics, il faudra essayer de le convaincre non seulement d'y construire, mais d'y construire des logements sociaux.

L'Etat est vraiment mal placé pour nous donner des leçons. En effet, il a vendu les terrains du ministère de l'équipement où j'ai travaillé, quai de Passy, à un promoteur immobilier pour faire du logement de luxe à 50 000 francs le mètre carré, alors que, selon le POS de la ville de Paris, ces terrains devaient être consacrés à des espaces verts. Voilà quel est la plupart du temps le comportement de l'Etat ! Alors ne nous donnez pas de leçons, à nous, les élus locaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement et M. le ministre délégué à la ville.

Qui était le ministre à l'époque ?

M. Laurent Cathala.

C'était Périssol !

M. Gilles Carrez.

L'Etat est permanent, vous le savez bien, mes chers collègues ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Faute de donner un nom, c'est moi que vous accusez ! Qui a vendu ?

M. Gilles Carrez.

Depuis 1986, les ministres en charge de ce problème ont été d'abord M. Méhaignerie, puis MM. Maurice Faure, Louis Besson, Michel Delebarre et Paul Quilès, je crois. La responsabilité est donc parfaitement partagée, vous le voyez bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Mais qui a vendu ?

M. Gilles Carrez.

Je vous mets en garde : il y a eu une totale continuité dans la décision !

M. Alain Cacheux.

C'est Périssol qui a vendu !

M. Gilles Carrez.

D'ailleurs, les ministres de l'équipement n'avaient aucune liberté de manoeuvre, parce que Bercy voulait que ses terrains rapportent un maximum d'argent.

M. Henri Cuq.

Eh oui !

M. le ministre délégué à la ville.

On ne sait toujours pas qui a vendu !

M. Gilles Carrez.

Je n'arrive pas à me souvenir du nom du ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Mais vous allez m'aider.

Qui était ministre de l'équipement en 1984 ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Reconnaissez du moins que ce n'était pas moi !

M. Gilles Carrez.

Il ne faut pas douter que l'interprétation par le juge de principes de densification aussi fortement affirmés dans la loi contribuera, à son tour, à limiter l'urbanisation nouvelle. Le rapporteur demandait des éléments de démonstration. Je vais donc parler de la fiscalité. Dans ce projet de loi, la fiscalité est, elle aussi, mise au service de la densification. Le versement pour dépassement du PLD, qui venait sanctionner l'excessive densification, est interdit à compter du 1er janvier 2000 dans les communes qui ne l'ont pas institué. La taxe pour dépassement de COS est supprimée. La taxe locale d'équipement subit un abattement de 30 % pour les immeubles collectifs alors qu'au contraire la base de taxation du logement individuel est majorée. N'est-ce pas là encourager la densification ?

M. le ministre délégué à la ville.

C'est une erreur d'interprétation !

M. Gilles Carrez.

La fiscalité au service du béton, voilà une novation qui devrait satisfaire les écologistes de la majorité plurielle ! Mais, apparemment, ce soir, ils ont préféré fuir !

M. Michel Bouvard.

Ils s'en moquent ! Ils veulent vider les campagnes !

M. Gilles Carrez.

Et tout cela se fait au mépris des principes de base de la décentralisation ! Mes chers collègues, avez-vous trouvé dans ce texte de loi l'ombre d'une compensation à la suppression de toutes ces recettes fiscales communales ? Mieux encore, l'étude d'impact, censée analyser les incidences sur les finances locales et à laquelle je vous invite à vous reporter, indique cyniquement « néant » sur ce chapitre, comme si la TLE, le PLD, le sur-COS étaient des impôts d'Etat ! Quel mépris pour les parlementaires, dont les technocrates qui ont conçu ce texte doivent penser qu'ils sont bien incapables de comprendre ce qu'on veut leur faire voter !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Gilles Carrez.

On veut leur faire voter justement ce que rejettent en bloc nos compatriotes : l'urbanisme d'Etat, l'urbanisme des années 60 qui a imposé la densification par les ZUP et les grands ensembles et qui a défiguré nos banlieues !

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'est vous !

M. Alain Cacheux.

Les années 60, ce n'est pas nous !

M. Gilles Carrez.

Mais, cher collègue, ce qui m'intéresse, moi, c'est l'avenir, ce n'est pas ce qui c'est passé il y a quarante ans ! Nous travaillons là sur les villes et sur l'habitat de nos compatriotes pour les prochaines décennies.

M. Henri Cuq.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Ce projet de loi exprime une sorte de rancoeur, de dépit à l'égard des quelques communes qui ont pu, qui ont su - cela a parfois été le fruit du hasard tout simplement - éviter les erreurs de l'urbanisme d'Etat et qui ont gardé un habitat à visage humain, un habitat divers, aéré, mélangeant les immeubles collectifs de petite taille et les logements individuels. Ces communes vont être sanctionnées pour leur bonne gestion par une stratégie de la densification en masse de leur tissu urbain pour qu'à leur tour, elles en viennent à ressembler à leurs voisines repoussoirs. C'est le nivellement par le bas, une loi anti ghettos pour créer de nouveaux ghettos ! Est-ce bien raisonnable, mes chers collègues ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Croyez-vous un mot de ce que vous dites ?

M. Gilles Carrez.

Oui, je le crois ! A quoi ressemblera, par exemple, la commune du Perreux dont je suis le maire, et des centaines d'autres villes quand on y aura implanté de force 2 000 logements collectifs sociaux sur l'emprise de plusieurs centaines de pavillons et des trop rares espaces verts qui y subsistent encore ?

M. Daniel Marcovitch.

Qui a parlé de logements collectifs ? C'est vous le collectiviste !

M. Gilles Carrez.

Quand on a 30 000 habitants sur 3 95 hectares complètement construits, on ne peut construire 2 000 logements sociaux qu'en bétonnant, mon cher collègue, qu'en construisant des immeubles collectifs de grande taille !

M. Daniel Marcovitch.

Non, monsieur !

M. Gilles Carrez.

Alors, je vous le demande, pourquoi cette volonté du Gouvernement de détruire un cadre de vie apprécié de ses habitants, sous prétexte qu'à quelques kilomètres de là, des grands ensembles inhumains partent à la dérive ? Le bon sens ne commanderait-il pas plutôt de protéger l'urbanisme de qualité, quitte à s'en inspirer pour repenser et reconstruire l'urbanisme raté ? Or, le texte est muet sur cet aspect pourtant fondamental. A l'heure où chacun commence à admettre qu'il faudra détruire certains grands ensembles ghettoïsés et construire à neuf de nouveaux quartiers, de nouvelles villes équilibrées en habitant, en emploi, en équipements, votre projet de loi, messieurs les ministres, tourne le dos à cette belle ambition et même la contrecarre puisque le principe d'urbanisation nouvelle est rejeté.

En guise de solution face au défi majeur de l'urbanisme du

XXIe siècle vous ne proposez que quelques pitoyables mesures punitives à l'égard d'un millier de communes dont les habitants, pour la plupart modestes, ne demandent qu'une chose : vivre en paix.

Bien sûr, quand on est dépourvu d'ambition et d'imagination, il est beaucoup plus facile d'accuser les autres.

La manière quasi dogmatique dont le titre II de votre projet de loi aborde la mixité sociale démontre que, pour vous, il s'agit d'abord d'une parade, d'une diversion pour masquer l'échec de la politique de la ville, qui est au moint mort depuis 1997, et l'effondement de la construction locative sociale, que je constate avec regret, monsieur le secrétaire d'Etat au logement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec la loi d'orientation sur la ville de 1991 - vous allez voir là ma grande objectivité - vos prédécesseurs et la majorité de l'époque avaient pourtant mis en oeuvre un texte important. Bien sûr, il souffrait d'imperfections techniques qui firent que, par deux fois, les gouvernements socialistes d'avant 1993 durent en repousser l'application. Et la loi d'orientation sur la ville, dans son volet relatif à la mixité sociale, n'a pu enter en vigueur qu'en 1995, grâce à la majorité de l'époque.

M. Patrick Delnatte.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Le dispositif a été simplifié et surtout amélioré dans la mesure où furent pris en compte, aux côtés des constructions nouvelles de HLM, également les réhabilitations de logements du parc privé dès lors qu'elles faisaient l'objet d'un conventionnement en loyers HLM. Si j'ai bien compris, c'est d'ailleurs très exactement ce que va proposer M. le rapporteur dans quelques jours qui trouve, lui aussi, votre définition du logement social beaucoup trop restrictive et dogmatique.

Mais avec une certaine mauvaise foi - j'ai regret à le dire -, vous préférez balayer, à peine cinq ans après leur entrée en vigueur, les dispositions intelligentes de la loi d'orientation sur la ville. C'est qu'elles ne servent pas votre travail de procureur décidé à instruire, quoi qu'il arrive, le procès de plus 1 000 communes sanctionnées alors qu'elles n'ont pas commis de faute, au prétexte qu'elles possèdent moins de 20 % de logements locatifs sociaux propriétés d'organismes HLM.

Mme Odile Saugues.

C'est une faute !

M. Gilles Carrez.

On cherche en vain dans l'étude d'impact de ce texte un bilan sérieux de la loi d'orientation sur la ville, cinq ans après. Pourtant, messieurs les ministres, la presque totalité des quelque 200 communes concernées par l'obligation de mixité sociale se sont engagées dans l'élaboration de programmes locaux de l'habitat, ont contracté et tenu des engagements de réalisation de logements sociaux, qu'elles ont même souvent dépassés - c'est le cas de ma propre commune.

M. Daniel Marcovitch.

Combien y en a-t-il dans votre commune ?

M. Gilles Carrez.

Je vous ferai remarquer, monsieur le secrétaire d'Etat, que le rapport de l'inspectrice de l'équipement, Mme Agnès de Fleurieu, dont vous avez fait état tout à l'heure en réponse à M. Plagnol, a été réalisé en 1997, c'est-à-dire à peine deux ans après l'entrée effective en vigueur de la partie mixité sociale de la loi d'orientation sur la ville !

M. Henri Plagnol.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Ce rapport était donc prématuré et j'aimerais que vous nous communiquiez au cours du débat les chiffres de réalisation de logements sociaux au 31 décembre 1999. Si vous ne les avez pas, je vous les donnerai pour les treize communes du Val-de-Marne qui, elles, ont fait des PLH, ont tenu leurs engagements. Ces chiffres ne correspondent pas du tout à ce que vous disiez tout à l'heure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Daniel Marcovitch.

Combien y a-t-il de logements sociaux dans votre commune ?

M. Gilles Carrez.

Dans ma commune - j'y viendrai tout à l'heure - la loi d'orientation sur la ville imposait 120 logements sociaux, nous en avons construit 160 en PLA et PLATS exclusivement !

M. Daniel Marcovitch.

En dix ans !

M. Gilles Carrez.

En trois ans !

M. Daniel Marcovitch.

Depuis il n'y en a pas eu !

M. Gilles Carrez.

Je vous parle de la loi d'orientation sur la ville applicable depuis 1995, pas de l'urbanisme de ces trente dernières années !

M. Daniel Marcovitch.

La loi d'orientation date de 1991 et a été modifiée par vous en 1995 ! Neuf ans se sont écoulés depuis !

M. Gilles Carrez.

Comme ces données d'application de la loi d'orientation sur la ville sont très favorables à la défense, vous préférez ne pas les verser à l'instruction du dossier. Le Perreux s'honore de ce que le premier programme triennal 1996-1997-1998 ait permis de réaliser 160 logements sociaux et très sociaux, alors que la comptabilité de la loi d'orientation sur la ville n'en imposait que 120. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai ici l'invitation que vous m'avez adressée : demain, à dix-sept heures, vous allez remettre à ma commune le Prisme d'or de la plus remarquable opération de réhabilitation en PLATS réalisée en 1999. Je vous invite à venir la visiter.

Ce prix est, pour moi, un grand honneur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est très bien ! Continuez !

M. Daniel Marcovitch.

C'est donc qu'on peut faire du logement social au Perreux en construisant autre chose que des barres !

M. Gilles Carrez.

Vous nous proposez donc un dispositif punitif qui, non content de ponctionner les habitants des communes concernées, risque de détruire les fragiles équilibres d'un urbanisme à échelle humaine. Avoir ou ne pas avoir 20 % de logements locatifs sociaux, telle est la question. (Sourires.)

La définition du logement social donnée par ce texte commence par ignorer l'accession sociale à la propriété, comme si les familles modestes - je le disais à M. Gayssot cet après-midi - n'avaient pas le droit de devenir propriétaires. Cette définition rejette également le parc locatif privé, qu'il soit conventionné, encadré - loi de 1948 ou même « Bessonnisé » à partir de votre excellente loi, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous savons pourtant que le parc locatif privé accueille près de 60 % des ménages du quartile le plus défavorisé, contre seulement un peu plus de 40 % dans les HLM.

M. Daniel Vachez.

Et dans quelles conditions ?

M. Gilles Carrez.

Enfin, je formulerai une réflexion plus générale : la mesure de la mixité sociale doit-elle se faire au travers de la typologie des logements, de la typologie du béton ? Est-ce qu'elle ne doit pas plutôt reposer sur l'appréciation de la situation des familles, des hommes et des femmes qui habitent les communes ?

M. Serge Poignant.

Très juste !

M. Gilles Carrez.

Pour illustrer ce propos, je vais prendre l'exemple du Perreux, commune de 30 000 habitants de la banlieue Est de Paris. Au Perreux, 37 % des ménages bénéficient d'exonérations ou d'abattements à la taxe d'habitation, soit pratiquement la même proportion qu'à Créteil, cher collègue Cathala. Pourtant, seulement 6 % des résidences principales sont décomptées en logements sociaux officiels au sens du projet de loi. Les centaines de logements HLM qui ont été vendus à leurs occupants à la fin des années 60 ont disparu de la comptabilité. C'étaient des HLM remarquables. Dans les années 50 et 60, époque où le maire du Perreux, auquel je rends hommage, était SFIO, on a en effet réalisé de petits immeubles HLM en brique, avec des toits et des b alcons. Quand la loi a permis de proposer aux occupants de leur vendre leur logement, c'est un des rares endroits en France où ils ont acheté en masse. Ce fut une remarquable réussite. Est-il juste que ces logements aient disparu de la comptabilité ? A l'évidence, non.

De même, les milliers de petits pavillons loi Loucheur, que nous connaissons tous dans la banlieue est, sont ignorés. Pourquoi ? Quant aux mille logements encore soumis à la loi de 1948 et habités par des personnes âgées modestes, ils sont eux aussi passés par pertes et profits.

M. Bernard Birsinger.

Et les grottes ?

M. Gilles Carrez.

Où est la justice ? Où est le bon sens dans tout cela ? Est-ce la typologie du béton qui doit l'emporter ? Ou le fait qu'une commune se montre capable de conserver ses ménages modestes, y compris parce qu'ils ont pu devenir propriétaires de leur logement. Quand une famille arrive, par exemple, à quitter le seizième étage d'une tour de la cité du Bois-l'Abbé pour accéder à la propriété dans un petit pavillon du Perreux, grâce à un prêt à taux zéro, au nom de quel justice devrait-elle être comptée à Champigny comme locataire et exclue au Perreux comme propriétaire ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odile Saugues.

Cela ne veut rien dire !

M. Gilles Carrez.

Et quelle absurdité, quels traumatismes que d'imposer au nom de cette comptabilité spécieuse la construction de 2 000 logements sociaux collectifs au lieu et place de centaine de pavillons modestes ! Même le préfet, substitué au maire, qui, croyez-moi, s'y opposera de toutes ses forces, sera incapable de réaliser une telle performance.

Aussi, si votre texte est voté en l'état, les habitants paieront le droit de conserver leur habitat à visage humain, le cadre de vie auquel ils sont attachés. Et ils paieront de plus en plus cher car la ville, qui est dépourvue de taxe professionnelle, est pauvre. Les ménages verront donc la taxe d'habitation ou l'impôt sur le foncier bâti augmenter de 5 ou 6 % à cause de cette sanction.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Si c'est cela la justice de gauche, eh bien moi, je la refuse, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De telles constructions technocratiques, aussi éloignées des réalités locales que du souci d'équité, m'incitent à me demander ce que je fais au sein de la commission Mauroy sur la décentralisation, où le Premier ministre,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Jospin, m'a nommé, voilà quelques mois. D'autant que l'amende que vous imposez est un prélèvement à la source sur les impôts locaux, au mépris de l'article 72 de la Constitution. Comme Henri Plagnol l'a dit excellemment tout à l'heure, elle ignore, en effet, totalement la situation financière des collectivités.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Riche ou pauvre, le tarif sera le même. Mais le Conseil cosntitutionnel n'admettra sûrement pas une telle disposition.

En outre, vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur Bartolone, qu'il s'agissait d'une provision. Or ce n'est pas exact.

M. le ministre délégué à la ville.

Mais si !

M. Gilles Carrez.

Je proposerai, en cours de discussion, un amendement qui en fera véritablement une,...

M. le ministre délégué à la ville.

Nous en reparlerons à ce moment-là !

M. Gilles Carrez.

... inscrite dans les comptes du comptable local. Là, vous prélevez d'abord, ce qui nous conduit à augmenter les impôts, et vous rendrez, éventuellement plus tard cet argent, selon votre bon vouloir.

M. le ministre délégué à la ville.

Non ! Ce sera selon le bon vouloir des communes. Tout dépendra de leur action en faveur du logement social !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ce n'est pas dans le texte !

M. le ministre délégué à la ville.

Mais si, vous l'avez mal lu !

M. Gilles Carrez.

Ce système n'est pas acceptable.

Messieurs les ministres, vous avez indiqué dans vos interventions que vous seriez ouverts à la discussion.

Aussi, permettez-moi de formuler quelques propositions.

La bonne démarche pour favoriser la mixité sociale devrait être une démarche contractuelle, fondée sur les flux de constructions et non pas sur les stocks, et qui tienne compte des réalités locales, notamment des disponibilités foncières et des coûts de réalisation des logements sociaux.

Lorsque dans une ville peu dotée de tels logements, la construction est de cent, deux cents, mille logements par an, il est parfaitement légitime, mes chers collègues, qu'une fraction importante, le quart, voire le tiers, soit consacrée au logement social. Encore faut-il pouvoir en assurer le financement. Or, la couverture de la surcharge foncière laisse beaucoup à désirer, monsieur le ministre.

Pour une ville pauvre, le financement de la part communale de 20 % est hors de portée, car l'incidence sur les impôts-ménages est trop forte.

J'ai fait les calculs pour ma propre commune. Une résidence de cinquante logements PLA, compte tenu du prix du terrain, de la surcharge foncière et des 20 % qui restent à financer par la commune, représente environ 1 % d'augmentation de l'impôt. On voit bien que le système ne tiendra pas longtemps.

M. Laurent Cathala.

Qu'allez-vous faire avec la communauté d'agglomération ?

M. le ministre délégué à la ville.

D'autant que la deuxième ville construit cinquante logements de plus !

M. Henri Cuq.

Monsieur le président, M. Cathala n'a pas la parole !

M. le président.

Messieurs, je vous prierais d'éviter ces discussions particulières !

M. Gilles Carrez.

M. Cathala, qui n'a pas réussi à créer une communauté d'agglomération, envie le maire du Perreux, qui, lui, y est parvenu ! Mais, moi, mon cher collègue, j'ai suivi la loi Chevènement d'un bout à l'autre, je l'ai approuvée et j'ai même contribué à son élaboration en commission mixte paritaire. Je connaissais donc parfaitement la direction dans laquelle je souhaitais aller.

M. Laurent Cathala.

L'habitat en fait partie !

M. Gilles Carrez.

De même, il faudrait encourager la réhabilitation-conventionnement du parc privé dégradé et souvent vacant, qui, lui, a l'avantage d'être situé en ville et bien desservi par les équipements. Mais, là aussi, les financements et les procédures sont défectueux, et le projet de loi est, hélas ! muet à ce sujet.

Contractualisation, aides financières, décentralisation qui tienne compte des particularités locales, telle devrait ê tre votre démarche, messieurs les ministres, une démarche moderne et efficace pour favoriser la légitime préoccupation de mixité sociale.

Je crains, au contraire, que votre approche autoritaire, uniforme, où la sanction l'emporte sur l'incitation ne finisse par desservir cet objectif de mixité sociale, car vous allez provoquer d'inévitables conflits qui durciront les positions, inquiéteront les habitants et bloqueront les opérations sociales.

Pour terminer, je souhaiterais vous faire deux propositions qui, je l'espère, finiront par trouver place au cours de la discussion de ce texte.

La première concerne plus particulièrement M. Besson.

Souvenez-vous, monsieur le ministre, des textes que vous avez conçus au début des années 90 : la loi Besson, la loi d'orientation sur la ville. Ils étaient sages, équilibrés, correctement rédigés.

Mme Odile Saugues.

C'est ce que vous direz de celui-là dans dix ans !

M. Gilles Carrez.

Ils avaient été élaborés en concertation avec les maires et respectaient la décentralisation.

M. Daubresse l'a rappelé tout à l'heure, l'opposition d'alors avait souscrit à ces textes.

Mme Odile Saugues.

Il y a de l'espoir !

M. Gilles Carrez.

Moi, je n'étais pas parlementaire à l'époque, mais, comme fonctionnaire, je les approuvais largement.

En 1993 - et j'étais alors devenu député -, nous les avons fait nôtres en les améliorant sur quelques aspects techniques,...

M. Laurent Cathala.

En les dénaturant plutôt !

M. Gilles Carrez.

... par exemple en élargissant la notion de logement social au parc privé réhabilité et conventionné. Ces textes, messieurs les ministres, qui n'ont en fait que quelques années d'existence réelle, sont aujourd'hui compris et acceptés.

Alors, monsieur Besson, ce n'est pas parce que vous êtes à présent le ministre délégué de M. Gayssot que vous devez renier votre oeuvre. Appliquons les lois Besson, appliquons la loi d'orientation sur la ville dans un cadre concerté, respectueux de chacune des parties.

M. Alain Cacheux.

Dix ans après, il serait temps !

M. Gilles Carrez.

Vous verrez que la mixité sociale progressera beaucoup plus vite qu'avec la méthode centralisation-sanction que vous propose votre tutelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Daniel Marcovitch.

Vous êtes en retard d'un train !

M. Gilles Carrez.

J'en viens à ma seconde proposition.

Plutôt que de vous occuper des communes où les habitants vivent en harmonie, penchez-vous donc sur les villes aux quartiers dégradés, qui attendent en vain le moindre espoir de la part du Gouvernement.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Ils attendent des logements !

M. Gilles Carrez.

Et demandez-vous, mes chers collègues, pourquoi ces villes aux quartiers dégradés ont perdu des habitants, comme le montre le recensement, alors que celles où il fait bon vivre en ont, au contraire, gagné, comme si les habitants votaient en quelques sorte avec leurs pieds pour l'urbanisme qu'ils souhaitent.

Qu'avez-vous fait depuis 1997 pour la sécurité dans les quartiers difficiles (« Ah ! », sur les bancs du groupe socialiste) pour le renforcement des écoles, pour le retour des commerces et de l'emploi, pour l'amélioration des transports ? Et que comptez-vous faire pour les grands ensembles dégradés à un point tel qu'il faudrait à la fois démolir et reconstruire ? Il y a là un immense défi, comme celui qui a été relevé au début des années 70, quand la politique des villes nouvelles s'inscrivait déjà en réaction contre les grands ensembles.

Construire des villes, des quartiers à l'habitat diversifiées, associant les activités économiques et donc l'emploi, bien desservis, bien dotés en équipements, où chacun puisse trouver le logement de son choix et à sa portée financière, voilà l'ambition que je vous propose.

Or vous avez complètement oublié la notion de renouvellement urbain dans ce projet de loi. Il s'agit non pas d'une loi SRU, mais d'une loi SSU - solidarité et sanction urbaines. Il n'y a donc pas lieu de délibérer, et, au nom du groupe RPR, je vous propose de voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

D'abord, je tiens à faire observer, monsieur Carrez, qu'il ne s'agissait pas là d'une question préalable. Celle-ci, en effet, a pour objectif de montrer qu'il n'y a pas lieu de débattre.

Or vous avez passé votre temps à expliquer que non seulement vous vouliez débattre mais que vous aviez des propositions et que vous aimeriez qu'on les prenne en compte. Surtout, vous avez reconnu que le texte pose de véritables questions de société, qui concernent tous les élus, quelle que soit leur sensibilité, qu'ils soient députés, conseillers généraux, maires en exercice ou anciens maires, comme c'est le cas de certains membres du Gouvernement.

Chacun a conscience que la solidarité et le renouvellement urbain constituent une vraie question. Plutôt que de vouloir l'éliminer, mieux vaut donc en discuter.

Sur le fond, je vous reconnais une certaine constance, monsieur Carrez. Vous avez de la suite dans les idées : vous ne changez pas et vous ne changerez sans doute jamais. On peut parler, on peut avoir des discussions, répondre à vos questions, vous ne bougerez pas d'un pouce. Je vous reconnais aussi une certaine qualité dans l'argumentation. Mais pourquoi faites-vous comme si nous ne nous étions jamais rencontrés, comme si nous n'avions jamais discuté de tout cela ? Tout à l'heure, Louis Besson a répondu à des problèmes que vous venez à nouveau de poser comme s'il ne les avait pas évoqués.

Si vous voulez que nous reprenions une fois encore tous ces points, nous le ferons. D'ailleurs, nous aurons largement l'occasion de le faire, tant dans la dicussion générale qu'au cours de l'examen des amendements. En tout état de cause, je souhaite qu'on aille au fond des choses, et je n'arrive pas avec un texte déjà ficelé et peaufiné, comme si nous n'avions rien à apprendre, rien à attendre.

Comme je l'ai dit dans mon intervention avant Claude Bartolone et Louis Besson, nous serons attentifs à tous les propos et ouverts à la discussion. D'ailleurs, celle-ci a commencé non pas cet après-midi, mais il y a maintenant plusieurs mois. Peut-être M. Poujade le dira-t-il dans son intervention...

M. Jean-Marc Nudant.

J'étais présent, moi aussi, lors de ces rencontres, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je le sais, monsieur le député. Nous n'avons donc pas attendu pour poser les problèmes et pour écouter. Non seulement nous sommes décidés à écouter tout ce qui va se dire, mais nous sommes prêts à prendre en compte tous les enrichissements, à condition, bien sûr, qu'ils s'inscrivent dans les principes définis par ce projet.

En tout cas, je note d'ores et déjà que je n'ai pas entendu, sauf ici ou là, de remises en cause des notions de mixité sociale ou d'impératif de cohérence - tout le monde les appelle de ses voeux. Je n'ai pas entendu non plus de remises en cause de la décentralisation, qui est aussi à l'ordre du jour dans ce texte.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est la méthode qui est mauvaise ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est si vrai que vous avez même été amené à dire que la généralisation de la régionalisation en matière de transports ferroviaires voyageurs était une bonne chose.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est nous qui l'avons faite ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Soit ! Alors, vous applaudirez des deux mains ! Mais même ce point sera sans doute amélioré, nous sommes ouverts à tout dès lors que le texte peut être enrichi.

Telle a donc été et telle sera notre attitude. Non, monsieur Carrez, rien n'a été bâclé. Nous avons bien conscience que le problème est complexe. A cet égard, c'est bien gentil de dire dix ans plus tard et après l'avoir combattu des années et des années que la LOV est une belle loi. C'est bien gentil de féliciter aujourd'hui M. Besson pour sa loi, alors que vous avez voté contre lorsqu'il l'a présentée ! Vous étiez déjà député...

M. Gilles Carrez.

Non, monsieur le ministre ! Je ne suis député que depuis 1993 ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

J'ai bien entendu. Mais lorsqu'il s'agissait de réformes qui sont entrées dans le cadre de la loi de finances, vous étiez député et vous avez voté contre.

M. Gilles Carrez.

Je n'allais tout de même pas voter le budget !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Eh bien voilà ! Vous avez donc schématisé et globalisé, alors que vous étiez favorable à une partie des dispositions qui étaient proposées.

Il faut savoir raison garder, monsieur Carrez. Vous avez fini votre intervention par une attaque contre le Gouvernement à propos de la sécurité, de la politique de la ville, et de l'emploi. Mais franchement, d'après vous, pourquoi les Français ont-ils voulu changer de majorité en 1997 ?

M. Alain Cacheux.

Très bonne question ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est à cause de vous qu'ils ont voulu changer ! Pas à cause de nous !

M. Alain Cacheux.

Grâce au Président de la République, d'ailleurs !

M. Marc-Philippe Daubresse.

La prochaine fois, ce sera à cause de vous ! Chacun son tour ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On verra demain. Pour l'instant, eu égard à tout ce que vous avez laissé problèmes dans les quartiers difficiles, chômage, absence de réformes -, soyez donc plus mesuré dans vos propos !

M. Patrick Delnatte.

Il fallait réparer les dégâts des années Mitterrand ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Et cet appel s'adresse à tous. Un ancien ministre de la ville qui, après avoir critiqué la politique menée en la matière, avait ensuite publiquement reconnu que, finalement, c'était une bonne chose a annoncé, en effet, aujourd'hui que, même si la loi est votée, il ne l'appliquerait pas. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Cardo.

Il n'a pas dit cela ! La presse a interprété ses propos ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Soit ! Honnêtement, qu'il s'agisse des transports collectifs, de la politique du logement ou de celle de la ville, un effort important est indiscutablement consenti. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit par Claude Bartolone, Louis Besson et moi-même. Cet effort, nous ne le faisons pas pour en tirer quelque gloire que ce soit, mais tout simplement parce que la situation appelle des changements. Non seulement nous ne voulons pas ralentir ce mouvement, mais nous voulons lui imprimer une cohérence qui permette une plus grande efficacité. Loin de nous, loin de moi l'idée de ce Gosplan dont vous parlez ! D'ailleurs, je vous avoue que ce que vous critiquez dans votre intervention m'a fait davantage penser à la période de Paul Delouvrier et du général de Gaulle...

M. Alain Cacheux.

C'est vrai ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... qu'à une quelconque évocation de l'Est à propos de je ne sais quoi.

Il s'est fait des choses sûrement au nom de principes de l'époque. Cette expression que vous avez utilisée me rappelle mon petit-fils qui me demande, chaque fois que je lui raconte quelque chose : « C'était à l'époque, Papy ? » (Sourires.)

Eh bien, vous avez eu la même démarche.

Au nom de principes de l'époque, donc, il s'est fait des choses qui ont permis de répondre à des besoins. Mais les temps ont changé. Les propositions que nous faisons reflètent les conditions difficiles et aussi la crise qui s'est développée, et qu'il ne faut pas oublier. Je ne cherche pas là à désigner les gouvernements responsables, je dis seulement que, à partir des années 70-75, des millions de personnes dans notre pays ont été touchées par le chômage et les conséquences dramatiques qu'il engendre, y compris dans la ville elle-même.

Différents domaines ont été évoqués, dans lesquels des changements doivent intervenir, notamment une plus forte intervention des élus et des citoyens dans la démocratie et une réelle mise en cohérence du droit. Que l'élu qui n'a jamais éprouvé de difficulté avec les codes qui, soit s'empilent, soit marchent les uns à côté des autres, ose le dire ! Nous avons tous eu à connaître, comme maire ou comme élu, un projet qui a mis dix ans à se mettre en place à cause de tels embarras. C'est ce que nous voulons éviter, par la simplication et la mise en cohérence des textes.

Sachez que nous en avons discuté avec des élus de tous les bords. Vous parliez de l'Association des maires de France. Nous l'avons vue ! Vous dites qu'il n'y a que deux mois.

M. Gilles Carrez.

En janvier ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais nous avons des contacts réguliers avec les élus et, il y a plus d'un an, nous avons discuté avec le maire de Perpignan et tous les élus de Perpignan, et avec...

M. Pierre Cardo.

Seulement les élus des grandes villes ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... le maire de Lyon, M. Barre,...

M. Alain Cacheux.

Très bon maire ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... qui a participé au débat sur ces questions, M. Poujade, qui était là tout à l'heure, M. Pierre Mauroy,...

M. Alain Cacheux.

Très bon maire aussi ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... M. Clary, de Nîmes, M. Sueur, d'Orléans.

Et nous ne nous sommes pas contentés de parler. Nous avons tenté de croiser l'avis des experts qu'on dit d'« en haut » de préférence à ceux des bureaux, comme vous les avez désignés de façon péjorative -, avec celui des experts de terrain que sont les élus, les responsables d'associations et les citoyens. Nous avons aussi rencontré l'association des régions de France, ainsi que celle des maires des grandes villes, celle des maires de banlieues et bien d'autres. Que le résultat puisse toujours être meilleur, ce n'est pas moi qui vous dirai le contraire. Quoi qu'il en soit, cela fait plus d'un an que ces questions sont l'objet de multiples débats.

Il est vrai que nous avons attendu de connaître l'avis du Conseil d'Etat pour entamer plus précisément certaines consultations. Mais avec l'Association des maires de France, je n'ai pas rencontré l'attitude que vous avez adoptée. Pourtant, vous connaissez bien ses membres et son président. Ils se sont engagés à examiner les propositions, à soutenir celles qui permettraient d'avancer et à combattre celles qui ne leur conviendraient pas. Il ne s'agit pas là du dénigrement systématique global que vous avez développé, notamment dans la deuxième partie de votre discours.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Gilles Carrez.

J'ai fait des propositions ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ils n'ont pas eu votre démarche parce qu'ils font le même constat que tout le monde.

Puisque vous avez fait deux fois référence à la sagesse des députés, mesdames, messieurs, je m'en remets à votre sagesse pour repousser cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Alain Cacheux.

Nous nous y emploierons, monsieur le ministre !

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Alain Cacheux, pour le groupe socialiste.

M. Alain Cacheux.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, défendre la question préalable, c'est affirmer qu'il n'y a pas lieu de débattre. Quand, après plus de vingt-cinq ans de crise, les villes sont souvent à deux vitesses, et les agglomérations destructurées avec des communes qui accumulent les richesses et d'autres les difficultés, quand nombre de nos concitoyens qui vivent dans les quartiers difficiles voient seulement passer le train de la reprise et des créations d'emplois, qui s'élèvent aujourd'hui à un million, quand ils connaissent la souffrance et même la désespérance, auxquelles pourtant nous essayons de remédier, en particulier par la loi de lutte et de prévention contre les exclusions que Martine Aubry avait défendue et fait adopter à l'Assemblée nationale, quand ces réalités sociales sont celles de notre pays, nous pensons, nous, socialistes, qu'il y a lieu de débattre.

Monsieur Carrez, vous avez débuté votre propos par un plaidoyer en faveur des organismes de HLM. Présidant moi-même un tel organisme, votre discours - mais seulement le discours - m'est allé droit au coeur. Vous dites que le projet de loi restreint le rôle des organismes de HLM, que nous avons une conception réductrice du logement social. Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas nous, en tout cas, qui avons instauré des surloyers et taxé ces surloyers. C'est M. Périssol.

M. Gilles Carrez.

Dans certains endroits, il faut des surloyers !

M. Alain Cacheux.

Ce n'est pas nous qui défendions une conception cantonnant les organismes de HLM au logement des seuls pauvres, démunis et exclus, laissant au marché privé le soin de régler tout le reste. C'était

M. Périssol.

Ce n'est pas nous qui avons proposé, pour l'aide à l'investissement privé, un amendement accordant des avantages exorbitants, notamment par le biais de l'exonération fiscale, que nous avons heureusement corrigés. C'était M. Périssol. Le logement social est censé être aidé par l'Etat. Avec M. Périssol, nous avions vraiment le sentiment que le logement aidé par l'Etat, sous le gouvernement de M. Juppé, c'était le logement privé ! D'ailleurs, M. Périssol avait été accueilli, au congrès de l'Union nationale des HLM à Montpellier de la façon que vous savez et que n'ont pas eu à connaître le ministre actuel et ceux qui ont assisté aux différents congrès de l'Union.

C'est au gouvernement de Lionel Jospin que nous devons la généralisation de taux réduit de TVA et le relèvement du plafond de ressources pour faire en sorte que les résidences HLM ne soient pas des ghettos. C'est lui qui a relevé systématiquement les aides personnelles au logement, que vous aviez bloquées pendant quatre ans, donnant des moyens supplémentaires aux personnes qui vivent dans ces résidences. Quant à la relance de la construction des logements sociaux, reconnaissez que c'est ce gouvernement qui a mis en place le PLU alors que le PLA était complètement déséquilibré.

Vous parlez, par ailleurs, d'échec de la politique de la ville. Or, monsieur Carrez, jamais autant de moyens n'ont été consacrés à la ville, qu'il s'agisse de la politique de la ville en général, qui est contenue dans les contrats de plan, ou qu'il s'agisse des GPV. A cet égard, je veux souligner la remarquable réussite politique de Claude Bartolone, qui connaît bien les problèmes des banlieues difficiles.

Et, monsieur Carrez, en matière d'échec de la politique de la ville, vous parlez d'or, car c'est vous qui avez fait échouer la loi Delebarre. D'abord en différant la date de sa réalisation.

M. Gilles Carrez.

C'est le contraire !

M. Alain Cacheux.

Ensuite en la vidant de son contenu avec des amendements qui définissaient les logements sociaux de manière si large que toute les villes ou presque pouvaient satisfaire à ces obligations.

M. Gilles Carrez.

C'est une contrevérité !

M. Henri Plagnol.

C'est faux !

M. Alain Cacheux.

A propos de l'accession sociale et de la nécessité de l'intégrer, je vous fais remarquer à nouveau que c'est M. Périssol qui a supprimé le produit PAP, à un point tel, d'ailleurs, qu'il a banalisé la distribution du PTZ - prêt à taux zéro. L'accession sociale que vous semblez défendre, c'est vous qui l'avez liquidée !

M. Gilles Carrez.

Et le prêt à taux zéro, c'est quoi ?

M. Laurent Cathala.

Ce n'est pas un bilan, c'est une faillite !

M. Alain Cacheux.

Vous parlez des dispositions relatives à l'urbanisme. Il faut favoriser le développement cohérent des agglomérations, monsieur Carrez. Et de ce point de vue, il faut tenir compte du succès de la loi Chevènement. De très nombreux amendements ont été adoptés par la commission de la production et des échanges, souvent d'ailleurs à l'initiative du rapporteur, pour améliorer le texte. M. Gayssot a indiqué qu'il était ouvert au dialogue sur ce point, qu'il était prêt à enrichir le texte. Et nous allons l'enrichir.

Enfin, vous avez critiqué le rôle de l'Etat et ce que vous appelez la recentralisation. Vous voilà désormais des défenseurs de la décentralisation, que vous n'avez pourtant pas votée en 1982 et que vous avez bloquée pendant des années. Manifestement, vous avez en la matière l'ardeur des récents convertis ! Vous semblez défendre à tout prix la décentralisation, alors que le texte pose un certain nombre de problèmes.

Vous défendez la décentralisation mais vous ne l'avez toujours pas comprise. Décentralisation ne signifie pas négation du rôle de l'Etat, de la nécessité de respecter les lois, d'assurer la solidarité nationale dont nous examinons le volet territorial aujourd'hui.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Excellent !

M. Alain Cacheux.

Vous êtes des défenseurs de la décentralisation, prétendez-vous. Vous avez démontré ici que, en réalité, vous défendiez un certain égoïsme communal.

D'ailleurs, monsieur Carrez, vous critiquez le rôle des préfets, mais je vous trouve franchement injuste : celui du Val-de-Marne n'a pas été trop « chien » avec vous lors-


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qu'il a accepté, contrairement à toute la logique de la loi Chevènement, la communauté d'agglomérations du Perreux et de Nogent. Soyez donc plus mesuré.

M. Yves Dauge.

Eh oui !

M. Alain Cacheux.

En réalité, M. Carrez n'a pas développé d'arguments, mais plutôt des traits caricaturaux.

On voit bien l'objectif politique : essayer d'effrayer à la fois nos concitoyens et certains élus. Pour ce qui nous concerne, nous ne tomberons pas dans ce piège. Nous aurons un débat sérieux, celui que méritent les problèmes actuels de la ville, et nous repousserons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Bravo, c'est remarquable !

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Serge Poignant.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, Gilles Carrez a fait un exposé tout à fait remarquable, démontrant tout à la fois sa connaissance et sa pratique du terrain,...

M. Daniel Marcovitch.

Cacheux était bien meilleur !

M. Serge Poignant.

... et les divergences que nous avons sur les méthodes pour arriver à la mixité sociale.

Mme Odile Saugues.

Ça, c'est clair !

M. Serge Poignant.

Eh oui ! Il vous a interrogé, monsieur le ministre, sur les mesures fortes que vous entendiez prendre pour lar econquête des grands ensembles. Vous n'avez pas répondu - et pour cause - puisque vous diluez les problèmes en les déplaçant, ce qui ne manquera pas de les multiplier.

Il vous a interrogé sur les moyens de financement, qui ne sont pas à la hauteur des objectifs en matière de transports.

Il vous a démontré très clairement, quoi que vous en d isiez, chers collègues, comment vous reveniez aux méthodes centralisées.

Il a aussi montré que l'établissement des schémas et des plans conduisait à retirer des libertés à l'urbanisme communal et en même temps - et c'est paradoxal - que la suppression du côté normatif des POS faisait perdre aux maires la possibilité de s'appuyer sur quelque chose de solide. Je vous assure que ce sera une source de contentieux...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il y en aura moins !

M. Serge Poignant.

... à tout propos : une construction sur un terrain donné, des problèmes de voisinage, d'atteinte à l'environnement - et j'en passe. En supprimant cette dimension normative, vous allez très loin dans la déstructuration de ce qui avait demandé des années pour être compris de mes concitoyens, c'est-à-dire les plans d'occupation des sols.

Gilles Carrez vous a aussi montré combien vos objectifs de densification étaient contraires à l'aménagement du territoire. Nous pourrions en parler longuement.

D'ailleurs, certains de vos collègues qui ne sont pas présents ce soir ont bien compris que ce n'était pas opportun pour les problèmes d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement et du cadre de vie.

Enfin, il vous a parlé de l'absurdité de la pénalité fiscale généralisée pour les communes qui n'auraient pas 20 % de logements sociaux.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, comme M. Carrez, je crois que vos options sont définitivement en contradiction avec l'habitat dont rêvent les Français pour demain.

M. Alain Cacheux.

Et vous en contradiction avec ce que vous avez fait !

M. Serge Poignant.

Vous ne mesurez pas les conséquences pratiques d'un tel texte.

M. Alain Cacheux.

Mais si ! On va l'améliorer !

M. Serge Poignant.

Enfin, s'agissant d'un texte qui modifie en profondeur l'urbanisme, l'habitat et les transports, d'un texte épais comportant 87 articles, la procédure d'urgence est totalement absurde et inadmissible.

C'est pourquoi le groupe RPR votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Vous nous avez rassurés, monsieur Poignant, puisque c'est le groupe RPR qui a déposé cette motion de procédure.

(Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alain Cacheux.

Ils ne sont pas à une contradiction près !

M. le président.

C'était une boutade ! La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe communiste.

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, M. Jean-Louis Debré, auteur de cette question préalable, ne souhaitait pas débattre de ce texte. M. Carrez, en son nom, vient, une heure durant, d'ouvrir le débat.

M. Alain Cacheux.

Interminable !

M. Michel Vaxès.

Nous n'en sommes pas étonnés.

Les arguments qu'a très longuement, très minutieusement, développés M. Carrez - et auxquels M. Poignant a rajouté une louche - ne sont en vérité que de mauvais et fallacieux prétextes. Mais les différentes déclarations que la droite a déjà pu faire à ce sujet présentent au moins l'avantage, reconnaissons-le, d'être en cohérence avec sa position constante : le conservatisme.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Absolument !

M. Michel Vaxès.

Elles révèlent ses véritables motivations : elle ne veut pas de pauvres dans ses villes, allant même jusqu'à refuser aujourd'hui de débattre de leurs difficultés.

M. Alain Cacheux.

Voilà !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Hector Malot et Eugène Sue ! Le

XIXe siècle est de retour !

M. Michel Vaxès.

Pourquoi ce projet de loi lui fait-il si peur ? Pourquoi la mixité serait-elle si dangereuse à ses yeux ?

M. Alain Cacheux.

Bonne question !

M. Michel Vaxès.

Au-delà des mots, c'est bien cette mixité qui inquiète une partie de ses membres. Ceux-là, en allant à l'encontre du respect dû à la dignité de chaque être humain, fantasment sur le déferlement dans leurs villes « de citoyens venus d'ailleurs », venant bénéfi-


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cier de prestations sociales plutôt que contribuer au fonctionnement de la commune. Lorsque ces propos viennent d'un ancien ministre de la ville, celui-là même dont

M. Carrez rappelait le souvenir, on en frémit.

M. Alain Cacheux.

Triste souvenir !

M. Michel Vaxès.

Fort heureusement, il y a eu les élections de 1997 !

M. Alain Cacheux.

Grâce au Président !

M. Michel Vaxès.

Mesdames, messieurs les députés de droite, il faut cesser de faire croire que, dans leur immense majorité, les habitants des logements sociaux sont à l'origine des grands méfaits qui meurtrissent notre société.

M. Alain Cacheux.

Ils en sont les victimes !

M. Michel Vaxès.

Les vrais prédateurs sont ailleurs, beaucoup plus proches d'ailleurs de vos convictions que des nôtres.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Jean-Marc Nudant.

Ce sont les « riches », bien sûr !

M. Michel Vaxès.

Votre chant nous rappelle étrangement un air déjà bien connu outre-Atlantique. Il a abouti, là-bas, à la pénalisation de la misère. Ce refrain dit que les pauvres encombrent les villes, altèrent leur cadre de vie ; il faudrait les en chasser et, pour vivre paisiblement, ne pas hésiter à les emprisonner.

Nous refusons et nous refuserons toujours cette dérive dangereuse que votre discours contribue à légitimer. La pauvreté n'est pas un délit ou un crime ; elle ne le deviendra pas dans notre pays. Là est l'honneur de notre République.

Mme Janine Jambu et M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Michel Vaxès.

Pour ce qui nous concerne, nous continuerons de lutter par tous les moyens contre la pauvreté quand vous persistez à lutter contre les pauvres.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Patrick Delnatte.

Scandaleux !

M. Michel Vaxès.

Votre refus de vous associer aux objectifs de cette loi ne fait que traduire votre volonté de voir cohabiter ou, à vrai dire, s'affronter des ghettos de riches et des ghettos de pauvres.

M. Gilles Carrez.

Caricature !

M. Michel Vaxès.

Vous l'avez compris, nous voterons contre cette question préalable et aborderons sereinement le débat qui s'ouvre et continuera à démasquer vos dangereuses motivations. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe UDF.

M. Henri Plagnol.

S'il en était besoin, la remarquable motion soutenue par Gilles Carrez démontrerait à quel point la présence de maires est utile pour enrichir les débats de notre assemblée...

M. Jean-Marc Nudant.

Tout à fait !

M. Henri Plagnol.

... et à quel point il faut se méfier des excès sur le thème de la suppression du cumul des mandats,...

M. Alain Cacheux.

Vous retardez ! Le débat a eu lieu cet après-midi !

M. Henri Plagnol.

... comme il faut se méfier des excès en matière d'urbanisme.

Mes chers collègues, que restera-t-il de la voix du bon sens si l'on interdit aux maires d'être présents dans notre assemblée sur des sujets comme celui dont nous débattons ?

M. le ministre délégué à la ville.

Et quand on parle de santé, il faut des médecins !

M. Henri Plagnol.

On peut être d'accord ou non avec Gilles Carrez...

M. Alain Cacheux.

Nous, nous n'étions pas d'accord !

M. Henri Plagnol.

... mais personne ne peut contester le sérieux de son argumentation fondée sur l'expérience quotidienne.

M. Alain Cacheux.

C'était caricatural !

M. Henri Plagnol.

Il a souligné à juste titre le double recul pour la démocratie locale que constitue votre projet de loi.

Il constitue un recul d'abord parce que les procédures et les documents d'urbanisme vont devenir illisibles pour les habitants, notamment parce que vous abandonnez le POS au profit du PLU, alors qu'il a fallu vingt ans pour habituer les Français aux plans d'occupation des sols.

Il s'agit aussi d'un recul parce que les maires, dont le travail est déjà difficile, vont être confrontés à des procé dures d'une complexité telle qu'elle les dépassera et provoquera une inflation de recours contentieux. Or vous savez bien que leur multiplication est déjà ce qui paralyse le plus les projets de construction et d'urbanisme.

A ce propros, aucun des trois ministres n'a répondu à la charade posée par notre collègue avec humour sur le point de savoir ce que pourra faire un juge pour se dépêt rer du recours d'un préfet contre un permis de construire conforme à un plan local d'urbanisme et accordé par un maire mais que l'Etat n'estimerait pas conforme à l'impératif catégorique de mixité sociale tel que le définit votre loi. Ce problème est pourtant vital pour la cohérence de la politique d'urbanisme.

Gilles Carrez a également démontré d'une façon implacable que, à rebours des aspirations des populations dans les agglomérations, notamment en Ile-de-France, vous faites le choix systématique de la densification dans les zones déjà urbanisées, ce qui est évidemment le contraire de ce qu'il faut faire.

Plus généralement, votre projet signifie la mort de ce qu'il reste de liberté à la collectivité municipale. Cela constitue une erreur fondamentale, car seul le maire peut, dans un dialogue quotidien avec la population, faire évoluer en douceur la sociologie de sa ville, qu'elle soit caractérisée par un trop grand nombre de logements sociaux ou que, au contraire, elle n'en ait presque pas, en raison de l'histoire dont les élus locaux héritent en même temps qu'ils prennent leur responsabilité.

Enfin, en contradiction flagrante avec les objectifs énumérés dans l'exposé des motifs, vous choisissez des méthodes qui ont déjà échoué : celles d'un urbanisme d'Etat, comme dans les années 60 -, pénalisant ainsi abusivement les communes qui n'étaient pas tombées dans ces errements. Tel est notamment le cas - puisque l'on a beaucoup parlé du Val-de-Marne - du Perreux et de Saint-Maur - qui ont fait le choix d'un urbanisme à taille humaine et permis à des ménages modestes de devenir propriétaires de leur logement social.

M. Alain Cacheux.

Avec 5 % de logements sociaux !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

M. Henri Plagnol.

Au nom de quoi voudriez-vous maintenant les pénaliser en refusant de comptabiliser ces derniers dans vos catégories idéologiques de logement social ? Un projet de loi réaliste aurait dû tendre, d'une part, à simplifier et à rationaliser l'aménagement du territoire et l'urbanisme et, d'autre part, à permettre à tous ceux qui le souhaitent de vivre dans des quartiers caractérisés par un urbanisme à taille humaine, en réhabilitant l'accession à la propriété.

Parce que vous refusez cela, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de délibérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

Je vais, mes chers collègues, ouvrir la discussion générale.

Mais, après l'avoir ouverte, je vais immédiatement, si vous le voulez bien, renvoyer à la prochaine séance la suite de l'examen du projet de loi.

2 ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

3 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 8 mars 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs.

Ce projet de loi, no 2236, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 8 mars 2000, de M. Dominique Paillé, une proposition de loi constitutionnelle relative au statut des députés européens.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2235, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 8 mars 2000, de M. Bernard Roman, un rapport, no 2234, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur :

I. Le projet de loi organique, modifié par le Sénat en troisième lecture, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux (no 2232) ;

II. Le projet de loi, rejeté par le Sénat en nouvelle lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (no 2231).

J'ai reçu, le 8 mars 2000, de M. Didier Mathus, un rapport, no 2238, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

6 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 8 mars 2000, de M. François Lamy, un rapport d'information, no 2237, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures.

7 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 8 mars 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Ce projet de loi, no 2239, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2131, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains : M. Patrick Rimbert, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2229).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 MARS 2000

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 9 mars 2000, à une heure trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale le texte suivant : Communication du 7 mars 2000 No E 1418. Décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget pour l'exercice 1998 (6238/2000 LIMITE FIN 50).