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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Solidarité et renouvellement urbains. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 1725).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 1725)

MM. Philippe Decaudin, Henry Chabert, Daniel Vachez, Jean-Claude Mignon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard,

M.

Pierre Cohen, Mme Odile Saugues.

Clôture de la discussion générale.

MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 1744)

Motion de renvoi en commission de M. José Rossi : MM. Francis Delattre, le ministre, André Lajoinie, président de la commission de la production ; Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production ; Marc-Philippe Daubresse, Gilbert Biessy, Gilles Carrez, Yves Dauge, Pierre Cardo. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 1753)

Article 1er (p. 1753)

MM. André Vauchez, Yves Dauge.

Amendement no 1139 corrigé de M. Marchand, amendements identiques nos 459 de M. Daubresse et 820 de M. Carrez, et amendements identiques nos 460 de M. Daubresse et 821 de M. Carrez : MM. Jean-Michel Marchand, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, MarcPhilippe Daubresse, Gilles Carrez. - Rejets.

ARTICLE L. 121-1 DU CODE DE L'URBANISME (p. 1756)

Amendement no 822 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amenendements nos 1414 et 1134 de M. Marchand : MM. Jean-Michel Marchand, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendements no 486 de M. Warhouver : MM. Jean-Michel Marchand, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 1070 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement identiques nos 491 de M. Deprez et 824 de M. Carrez, et amendement no 610 de M. Santini : MM. Marc-Philippe Daubresse, Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le ministre, Daniel Marcovitch. - Rejets.

Amendement no 1299 de M. Mariani : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 896 de Mme Perrin-Gaillard : Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Michel Marchand, Jean-Luc Warsmann. - Adoption de l'amendement no 896 rectifié.

Amendement no 135 de M. Marchand : MM. Jean-Michel Marchand, le rapporteur, le ministre, Pierre Cardo, Alain Cacheux, Daniel Marcovitch. - Rejet.

Amendement no 825 de M. Carrez : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 76 de la commission de la production et 826 de M. Carrez : MM. Michel Vaxès, Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no 76 ; adoption de l'amendement no 826.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1763).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131, 2229).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Decaudin.

M. Philippe Decaudin.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais vous apporter le témoignage d'un élu local qui a la charge des problèmes d'habitat dans sa ville depuis 1977.

En 1977, à Poitiers, il régnait une ségrégation totale à l'encontre du logement social : il n'y avait pas de HLM en centre-ville, ni dans les communes de la périphérie et l'accession « sociale » ne se faisait que dans des communes extérieures.

L'évolution sociologique de la ville qui en a résulté était catastrophique puisqu'on aboutissait à un monstre sociologique : une ville ne comprenant plus que les plus riches et les plus pauvres.

Face à cette situation la ville de Poitiers, avec son OPAC et sa SEM, a construit 700 logements en centreville, en secteur sauvegardé et dans les quartiers privilégiés, 1 200 logements sur trente communes autour de la ville centre, et 400 logements en accession à la propriété.

Ces chiffres traduisent l'importance que nous avons accordée à cette question et vous fait comprendre, monsieur le ministre, combien j'apprécie votre projet de loi qui permet d'aller plus loin, en particulier en matière de démolition-reconstruction.

L'accession à la propriété, réalisée en PAP à l'origine, a permis de répondre à une demande qui, sinon, se serait satisfaite en périphérie de la ville. Le PAP nous a permis de vendre sous plafond de ressources, mais également en prêts conventionnés.

Je souhaite que cette possibilité, largement utilisée par l'OPAC, soit maintenue, de telle sorte que nous puissions répondre, grâce à de petits programmes d'accession en ville, à une demande diversifiée.

Les SEM ont aujourd'hui un statut qui doit être amélioré. Si, comme je l'imagine, ce n'est pas dans le cadre de cette loi que l'on peut y pourvoir, je souhaite que, très prochainement, un projet de loi permette de régler cette question.

La péréquation de l'obligation des 20 % dans le cadre de la communauté d'agglomération me paraît souhaitable, dans la mesure où les maires ont « joué le jeu » - les 1 200 logements que nous avons construits dans les communes de la périphérie ont montré que, à Poitiers, les maires ont joué le jeu ! Voilà, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais vous présenter en vous renouvelant toutes mes félicitations car ce projet de loi devrait nous fournir des moyens nouveaux pour répondre aux besoins d'habitat dans notre ville.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nul ne conteste qu'un toilettage général des textes régissant l'aménagement et le développement urbain soit indispensable. Si l'on ne peut qu'être d'accord avec les objectifs affichés, on peut déplorer, en revanche, que vous préfériez, de nombreux articles en témoignent, une approche partisane quasi systématique et une politique punitive, qui vous est coutumière, il faut bien le dire - nous en avions déjà parlé à propos de la taxe d'inhabitation - à une politique incitative. Nousr egrettons également que soit recentralisées sur les technostructures, qu'elles soient nationales ou locales, des responsabilités qui, depuis la décentralisation, incombent aux élus.

L'objectif de mixité est fondamental. La ville ne peut pas, en effet, se limiter à une juxtaposition de fonctions.

Elle est même le contraire d'espaces sectorisés, séparant les fonctions de production, de formation, de commerce, d'habitat, et même espérant l'habitat des riches et celui des pauvres.

Une ville agréable, réussie, durable, enrichissante pour chacun de ses habitants, est une ville qui, au contraire, favorise les échanges entre tous et fait de leurs différences un atout au lieu d'en faire un obstacle. C'est une ville qui assure la convivialité, la tolérance, la promotion de tous.

C'est une ville qui fait confiance à ses acteurs, à leurs initiatives et à leur capacité à se prendre en charge.

Nous sommes donc totalement d'accord, naturellement, avec l'objectif de mixité, mais pas tout à fait avec la manière dont vous entendez le poursuivre.

Pourquoi cette vision restrictive, irréaliste et partisane du logement social qui vous fait réserver cette appellation aux logements issus des sociétés d'HLM ?

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je n'ai jamais dit cela !


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M. Henry Chabert.

C'est ce qui ressort de votre texte, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. Henry Chabert.

Je vais en citer un exemple. Nul ne conteste que les sociétés HLM aient un rôle important à jouer, mais elles ne sont pas les seules. Pourquoi ne pas prendre en compte tout le logement privé qui assure une fonction sociale ? En travaillant sur le PLH, nous avons constaté, à Lyon, qu'un logement privé sur deux offre des niveaux de loyer inférieurs à ceux des HLM. Le premier arrondissement de cette ville qui, du fait de son histoire, ne comporte qu'un nombre limité de logements au statut HLM abrite néanmoins, grâce aux logements privés, la population parmi la plus défavorisée de Lyon, à tel point que, situé au coeur de la ville, ce quartier n'en a pas moins été classé dans le cadre de la politique de développement social urbain. Pourtant, il ne répondrait pas aux normes que vous avez fixées ! Il en va d'ailleurs de même d'Oullins, autre exemple dans l'agglomération lyonnaise, qui ne répondrait pas à vos critères alors même que ce quartier abrite une population dont les revenus sont parmi les plus faibles de l'agglomération. C'est vrai aussi du quartier Moncey, que vous connaissez, monsieur le ministre, pour l'avoir visité l'année dernière.

Il est irréaliste d'ignorer l'apport des bailleurs privés à l'effort nécessaire au logement des plus défavorisés, alors même que le financement des sociétés HLM pose problème et que les collectivités locales sont souvent appelées à se substituer à l'Etat pour l'assurer.

A Lyon encore, nous avons su créer des formes originales de captation de l'épargne privée en faveur du logement social. Pourquoi ne pas vous inspirer de l'exemple donné par « Habitat et humanisme » ? Si j'en crois, d'ailleurs, le résultat du dernier recensement à Lyon où, c'est vrai, un gros effort a été entrepris, particulièrement au début des années 90, pour construire dans tous les quartiers des logements diversifiés, l'évolution du peuplement ne pose pas de problème dans le sens banlieue-centre-ville, mais dans l'autre sens. Le vrai problème n'est pas d'ajouter de la mixité dans la ville centre - encore que certains quartiers puissent en accueillir davantage -, mais surtout d'en introduire là où elle n'existe pas, où elle n'existe plus, c'est-à-dire dans les grands ensembles et dans les villes banlieues.

Notre effort d'aménagement dans l'agglomération lyonnaise a été considérable mais il ne suffit pas.

Or votre texte n'encourage que mollement la politique de régénération urbaine dans les banlieues : il ne figure que bien peu de chose dans votre texte au titre de la démolition-reconstruction, de la requalification sociale ou de l'incitation fiscale pour les nouveaux habitants.

La question fondamentale n'est pas de créer de nouveaux ghettos là où il n'y en a pas, mais de résoudre les problèmes liés à une grande concentration de logements sociaux là où elle existe. De ce point de vue, vous commettez une erreur de tir.

D'autres carences de votre texte seront discutées au cours des débats et, je l'espère, corrigées. L'une d'entre elles est fondamentale pour l'évolution urbaine : elle concerne le statut et la nature du foncier. Sur ce point, votre projet de loi manque de consistance, alors que le foncier, on le sait, est la « matière première » de l'urbanisme.

Nous avons, récemment, parlé de l'archéologie, et nous savons les difficultés que soulève le monopole dans ce domaine. Mais quid des problèmes de dépollution des terrains ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Bonne question !

M. Henry Chabert.

Quid d'une politique d'encouragement à la mutualisation des fonciers, si nécessaire aux grands projets ? Quid de la fixation des prix dans les secteurs à régénérer alors que votre texte ne prévoit pas de zones spéciales de renouvellement urbain, pourtant nécessaires.

Pourquoi vouloir supprimer le régime de la concession, qui rend d'immenses services en permettant d'identifier les responsabilités et en rendant transparents les procédures et les coûts ? La mutualisation qui pourrait être appliquée au foncier ne devrait-elle pas être étendue à la politique de déplacement ? Elle constituerait une réponse logique dans le cadre d'une approche globale.

Tels sont, messieurs les ministres, monsieur le président, mes chers collègues, les quelques mots d'introduction que je souhaitais apporter, en complément des propos déjà tenus par les orateurs de mon groupe. Il s'agit bien d'une loi nécessaire, mais nombre de ses dispositions sont à revoir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Vachez.

M. Daniel Vachez.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis juin 1997, le Gouvernement et la majorité cherchent à promouvoir une meilleure organisation urbaine et davantage de solidarité entre les villes.

Nous savons bien, en effet, que c'est au coeur de nos villes, où habitent huit Français sur dix, que s'inscrivent l'essentiel des inégalités dont souffre notre société.

Après la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire et la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, le projet de loi dont nous commençons l'examen se situe dans cette perspective.

Je n'évoquerai que son volet habitat, c'est-à-dire celui qui, à l'évidence, suscite les débats les plus vifs au sein de notre Assemblée. Il y a un peu moins de dix ans déjà, le Gouvernement et la majorité avaient constaté l'insuffisance de logements sociaux et la nécessité de mieux les répartir entre les différentes communes des agglomérations urbaines. De ce constat était née la loi d'orientation pour la ville.

Je me souviens qu'à l'époque, en Seine-et-Marne, deux organisations avaient lancé un vibrant appel à la construction de logements sociaux. Il s'agissait, d'une part, de l'évêché de Meaux, qui, fidèle à ses valeurs humanistes, interpellait les décideurs locaux pour qu'ils entendent la souffrance des sans-logis et des mal-logés et, d'autre part, ce qui peut apparaître a priori plus surprenant, de l'union patronale de Seine-et-Marne, qui exprimait ainsi les problèmes que rencontraient les chefs d'entreprises pour assurer le logement de leurs ouvriers et employés. En cette année 2000, ces deux appels restent plus que jamais d'actualité.

Certes, le souci d'oeuvrer à davantage de mixité sociale semble recueillir aujourd'hui l'assentiment de la grande majorité des élus. Mais cet assentiment reste encore trop souvent de principe, voire de façade.


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Presque dix ans après son adoption, le bilan de la loi d'orientation pour la ville est décevant. Revenue au pouvoir en 1993, la droite a largement vidé le texte de sa substance en donnant une définition extensive du logement social et en permettant aux communes de se dispenser de constructions sociales en s'acquittant de faibles pénalités financières.

En Ile-de-France, le constat est particulièrement accablant. Alors que près de 200 000 ménages sont demandeurs de logement social locatif, le nombre de PLA lancé chaque année ne cesse de diminuer. En 1998, moins de la moitié des crédits d'Etat ont été consommés : 8 400 sur 17 500 prévus.

M. Henry Chabert et M. Jean-Luc Warsmann.

Très juste !

M. Daniel Vachez.

En 1999, je crains qu'il n'en ait été de même. Vous pourrez sans doute, monsieur le ministre, nous le confirmer.

M. Jean-Luc Warsmann.

Voilà une vraie question !

M. Daniel Vachez.

En Ile-de-France, la ségrégation spatiale - et sociale - a été délibérément organisée d ans les années 60 par les transferts massifs des populations modestes de Paris vers les cités des banlieues.

M. Daniel Marcovitch.

Absolument !

M. Daniel Vachez.

Aujourd'hui, les méthodes sont moins voyantes, mais plus pernicieuses. Il suffit souvent de laisser faire les règles du marché. Le coût du foncier étant directement lié au statut plus ou moins résidentiel de la commune, sans volonté municipale, il est facile de s'abriter derrière cette difficulté pour ne rien faire. En l'absence d'intervention publique, la ségrégation alimente la ségrégation.

En Ile-de-France, sans doute à cause de la taille de l'agglomération, les responsables de la situation intolérable que vivent des dizaines de milliers de familles n'app araissent pas clairement. En effet, des communes peuvent impunément, sans que cela fasse scandale, rénover un quartier sans se préoccuper du relogement sur place de la population modeste, ou attirer des entreprises, tout en comptant sur les autres villes pour accueillir les salariés.

L'Ile-de-France accumule ainsi les inégalités ; elle se morcelle par de multiples fractures sociales. Ces difficultés sont renforcées par la faiblesse de la coopération intercommunale. Ce morcellement confine parfois à l'absurde lorsque seulement deux communes se regroupent pour former une communauté d'agglomération. La loi Chevènement, dont l'objectif est d'organiser les solidarités, est ainsi détournée et utilisée, au contraire, pour organiser et pérenniser les ségrégations spatiales.

Le logement social locatif est caricaturé pour s'en servir d'épouvantail. Certains vantent l'accession à la propriété comme une solution pour tous. Cette solution est, nous le savons bien, illusoire, démagogique et dangereuse. Les graves difficultés financières que rencontrent de nombreuses copropriétés, où les ménages les plus démunis croulent sous les charges, en témoignent.

Face à un tel constat, l'Etat républicain doit particulièrement agir en Ile-de-France pour faire respecter le droit fondamental à un logement décent pour toutes les catégories sociales.

Au-delà des dispositions indispensables que comporte ce projet de loi, je suis convaincu que la réussite d'une politique de renouvellement urbain et de mixité de l'habitat en Ile-de-France passe obligatoirement par la mise en oeuvre d'une politique foncière volontaire et ambitieuse.

Cette politique pourrait, à mon sens, utilement prendre appui sur le seul établissement public foncier régional existant, l'Agence foncière et technique de la région parisienne.

L'essentiel est que nous puissions disposer rapidement d'un opérateur foncier doté de véritables moyens et qui inscrive son action au niveau de l'ensemble de la région.

Une autre difficulté réside dans le champ d'application de la loi, limité au périmètre des agglomérations urbaines au sens de l'INSEE. Ce critère conduit à exclure un nombre important de communes qui pourtant relèvent bien, à l'évidence, de l'agglomération urbaine. Le découpage actuel des agglomérations, qui s'appuie sur le principe de la continuité de l'espace bâti sans qu'il soit interrompu par plus de deux cents mètres, ne correspond pas toujours aux réalités locales, notamment en grande banlieue où existent fort heureusement de nombreux espaces verts protégés. C'est pourquoi je suis partisan d'un élargissement du champ d'application de ces dispositions.

Ce nouveau projet de loi fait appel à la responsabilité de chacun d'entre nous. Les discours récusant la ségrégation urbaine et prônant la mixité sociale font certes aujourd'hui l'unanimité, mais la distance est souvent grande entre les discours et les actes.

M. Pierre Cardo.

Comme pour la parité, d'ailleurs.

M. Daniel Vachez.

Les Français, et notamment les plus modestes, auront tout loisir de constater, avec ce texte, qui se contente de l'énonciation gratuite de grands principes, et qui se donne les moyens de parvenir à une véritable solidarité urbaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon.

Messieurs les ministres, le projet de loi que vous nous soumettez suscite, légitimement, de vives réactions et inquiétudes chez les élus locaux parce que c'est un projet coercitif, lourd de conséquences pour les collectivités territoriales.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous ne m'avez pas écouté !

M. Jean-Claude Mignon.

Oh si, monsieur le ministre ! Je déplore par ailleurs que, alors même que votre projet de loi vise à « rendre les procédures d'urbanisme plus démocratiques » en permettant une participation accrue des citoyens, vous n'ayez pas appliqué ce noble principe de participation aux élus locaux que nous sommes. Je pense que ce projet aurait mérité une concertation plus approfondie de l'ensemble de ces acteurs locaux. Tel fut l'objet de ma requête de report de discussion qui, je le regrette, n'a pas abouti. Et je ne comprends toujours pas pourquoi vous avez décrété l'urgence, messieurs les ministres, car un tel texte aurait mérité une plus longue réflexion.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Jean-Claude Mignon.

Hier, vous nous avez expliqué beaucoup de choses sur la position de l'AMF, et sur celle d'autres organismes qui ont été consultés. Mais le calendrier est quand même assez surprenant : ce projet de loi est présenté en conseil des ministres le 2 février ; il est mis à la distribution le 7 février ; les vacances parlementaires ont lieu du 13 au 20 février ; et on commence la discussion le 8 mars ! C'est un petit peu court ! C'est dommage, car, je le répète, on aurait pu y réfléchir et en discuter beaucoup plus longuement.


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Vous entendez, monsieur le ministre, conforter la politique de la ville en développant la solidarité entre les communes en matière d'habitat. Une solidarité qui s'exprime par l'obligation pour un nombre important de communes - elles sont cinq fois plus nombreuses que pour la loi d'orientation sur la ville - de prévoir sur leur territoire 20 % de logements sociaux. Vous nous avez expliqué hier que c'était une moyenne, et qu'on était sous les 23 % de cette moyenne que vous avez calculée. Cette disposition aurait pour but d'aboutir, selon vous, à une réelle mixité sociale. Je souhaiterais intervenir sur ce volet.

Votre conception de la mixité sociale, monsieur le ministre, est autoritaire et méconnaît les réalités locales.

Premièrement, votre définition même du logement social est beaucoup trop restrictive. Tous les maires s'accordent à le dire. Pourquoi ne tenir compte que d'un certain type de logements sociaux ? Pourquoi ne pas avoir intégré les bénéficiaires des aides sociales au logement, comme le faisait la loi d'orientation pour la ville, pour définir le logement social ? Pourquoi écarter le parc privé social de fait : les logements occupés par les étudiants, par les personnages âgées et les jeunes ménages ? Le logement social n'est-il donc pour vous que du logement collectif et locatif ?

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Pas du tout !

M. Jean-Claude Mignon.

Le quota de 20 % de logement social que vous voulez imposer est complètement arbitraire.

Votre notion d'« économie de l'espace » aboutit à une densification urbaine insupportable qui va à contrecourant des aspirations des Françaises et des Français.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Jean-Claude Mignon.

Nos concitoyens, monsieur le ministre, ne rêvent pas d'habiter de grandes barres HLM sur le modèle de celles que j'ai héritées de mes prédécesseurs dans ma commune de Dammarie-lès-Lys, en Seineet-Marne. Ne rééditons pas les erreurs du passé. Voyez où cela nous a menés : aux zones de non-droit où les policiers et les pompiers n'osent plus se rendre, aux actes d'incivilité quotidiens, au vandalisme, et par voie de conséquence à l'exode des familles, qui, excédées par tant d'insécurité, fuient ces grands ensembles.

Avant d'imposer votre quota de 20 %, avez-vous envisagé des solutions pour faire face à l'augmentation de la vacance des logements sociaux de ces grands ensembles ? Et vous êtes-vous interrogés sur les raisons de cette vacance ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Jean-Claude Mignon.

Dammarie-lès-Lys était une ville de 22 000 habitants il y a encore peu de temps.

Nous avons perdu cinq cents habitants, uniquement dans le seul quartier dit de La Plaine du Lys, dont on a malheureusement beaucoup trop parlé, à tort.

M. Henry Chabert.

Voilà un vrai problème !

M. Jean-Luc Warsmann.

Eh oui !

M. Jean-Claude Mignon.

Autoritaire, votre projet l'est également car vous avez déjà dressé la liste des villes concernées par votre quota. Ainsi, j'ai été saisi par le maire d'une commune de ma circonscription que j'avais contacté afin de recueillir ses observations, puisque sa commune figurait sur la liste de celles redevables de votre taxe. La commune de Livry-sur-Seine s'est vu créditer dans votre étude d'impact de 1 % de logements sociaux, ce qui équivaut à neuf logements. Or, M. le maire de Livry-sur-Seine m'a fait parvenir un document de la préfecture de Seine-et-Marne datant de septembre 1995, que je tiens à votre disposition, et qui établit clairement que cette commune disposait de 107 logements sociaux.

M. Jean-Luc Warsmann.

Alors, monsieur le ministre ?

M. Jean-Claude Mignon.

Il me semble donc indispensable, monsieur le ministre, avant de dresser la liste des communes concernées, de mener une étude préalable, qui soit le reflet de la réalité.

M. le ministre délégué à la ville.

Nous avons déposé un amendement qui va vous rassurer.

M. Jean-Claude Mignon.

Je l'espère. J'espère également qu'il rassurera le maire socialiste de la commune de Livry-sur-Seine qui m'a transmis ces renseignements.

M. le ministre délégué à la ville.

Pas de problème !

M. Jean-Luc Warsmann.

En tout cas, ce maire a un bon député !

M. Jean-Claude Mignon.

Autoritaire, votre projet l'est toujours lorsqu'il impose aux maires de construire avant le 1er janvier 2002, c'est-à-dire demain, ces premiers logements sociaux. Pour construire, il faut des terrains constructibles et disponibles. Si tel n'est pas le cas, il faut réviser le plan d'occupation des sols, procéder à une étude de faisabilité, trouver un bailleur social, établir une convention, rechercher les financements, puis déposer le permis de construire. Il est impossible de faire tout cela dans un délai aussi court. Même si elles font preuve de bonne volonté, les communes échapperont difficilement à votre taxation.

Sans compter qu'elles risquent, à terme, de se voir confisquer leurs pouvoirs par le préfet. Vous prévoyez, en effet, qu'en cas de carence de la ville, le préfet pourra passer lui-même une convention pour construire ou acquérir les logements et que l'exercice du droit de préemption du maire sera ainsi totalement supprimé.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est dissuasif.

M. Jean-Claude Mignon.

Le préfet disposera même du pouvoir de délivrer le permis de construire. Sur ce point, votre projet de loi porte véritablement atteinte à la décentralisation et présente un caractère coercitif. On ne peut encourager une telle démarche.

Si ce projet présente des mesures coercitives fermes, il contient aussi de réelles incertitudes, qui sont susceptibles de porter atteinte aux pouvoirs des maires. Je n'en citerai que trois et très rapidement.

D'abord, votre projet prévoit d'affecter le produit de l'amende à l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune, à charge pour celui-ci de constituer des réserves foncières. Pour permettre aux EPCI de se constituer des réserves foncières, envisagez-vous de transférer ou d'étendre le droit de préemption urbain des maires aux EPCI, comme le craignent de nombreux élus locaux ? Ensuite, votre texte vise les communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants et qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant une commune centre de 15 000 habitants. Il s'agit en réalité de l'agglomération au sens du recensement général de la population, donc de l'INSEE. Vous ne visez en aucun cas le périmètre d'une


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agglomération au sens de la loi dite Chevènement. Alors, que se passera-t-il pour une commune qui ne fait pas partie de l'agglomération au sens de l'INSEE, mais qui d écide d'intégrer une communauté d'agglomération compétente en matière de plan local d'habitat ?

M. le président.

Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Mignon.

Je conclus, monsieur le président.

Ce PLH déterminera-t-il et fixera-t-il des objectifs qui ne lui seront pas opposables ? Va-t-on assister au développement de communautés d'agglomérations ayant des compétences à la carte pour les communes ? Enfin, troisième incertitude, vous envisagez une mixité en construisant uniquement de nouveaux logements sociaux. Mais il existe des villes dont le pourcentage de logements sociaux dépasse très largement celui que vous imposez. C'est le cas de ma commune, avec plus de 64 % de logements sociaux. Une réelle mixité ne suppose-t-elle pas de permettre à ces villes de « dédensifier » leurs logements sociaux, dans un souci d'harmonisation de l'espace urbain et de qualité de la vie ? En réalité, messieurs les ministres, votre projet contribue à augmenter le bétonnage et la densification de nos villes. En cela, il risque de nous ramener près de quarante ans en arrière. Vous proposez de revenir aux méthodes d'urbanisme des années 60, lorsque les préfets décidaient de tout. Est-ce l'expérience de la décentralisation qui vous conduit à douter de la compétence des maires en matière d'aménagement local ? J'ajouterai que, à quelques mois des élections municipales, votre projet n'est pas particulièrement incitatif à l'égard de ceux de nos concitoyens qui veulent s'engager dans la vie communale et devenir maire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Dumont.

Geneviève va nous démentir tout cela !

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la loi que vous nous proposez de discuter aujourd'hui, au-delà de sa complexité et de ses aspects techniques, est une loi importante, qui, outre la solidarité, affiche, dans son article 1er , l'ambition du développement durable pour notre société.

Je m'en réjouis, formant néanmoins le voeu que nous veillions, ensemble, à ce que le contenu des dispositions qui suivent cet article manifeste suffisamment la réelle volonté d'élever ce développement durable au rang d'un principe directeur, déclinable aux activités et aménagements qui seront admis à ce nouveau dispositif législatif.

Il m'apparaît en effet fondamental que ce texte, relatif à la « solidarité » et au renouvellement urbains, ne soit pas une simple allusion à un concept d'autant plus utilisé que son flou est entretenu, et qu'il ne reste pas un simple dédouanement non impliquant.

Au contraire, il doit être l'occasion de décliner ce grand principe, qui impose un devoir prospectif, selon lequel faire aujourd'hui, c'est penser demain.

Le texte dont nous allons doter notre pays doit contribuer à intégrer une gestion économe, tant des espaces que des ressources naturelles, de l'énergie et des matières premières. Une gestion des territoires respectueuse de l'environnement, mais aussi une politique du « mieuxvivre » pour les populations. L'ampleur du phénomène de l'expansion urbaine et de ses effets sur les hommes et sur les écosystèmes est manifeste. Il implique donc la nécessité de modifier le mode de développement actuel des villes, de leur gestion, de leur fonctionnement interne et externe et le mode de vie des habitants.

Le 7 mars, jour de l'audition, un sondage proposé aux Français à démontré à quel point ils vivaient difficilement la pollution sonore. Un texte qui régit transport et logement doit donc être imprégné de cette problématique.

Par ailleurs, à l'occasion d'un rapport présenté par M. Bailly, j'ai relevé un passage qui précisait : « L'enjeu du développement durable dépasse la préservation de la nature. Il pose le problème de la viabilité à long terme des modes de développement. Le développement durable suppose, d'une part, de prendre en compte des échelles territoriales à l'intérieur desquelles peuvent s'exercer des mécanismes de complémentarité et de solidarité et s'estomper les phénomènes de concurrence lourde en gaspillage et, d'autre part, de tirer parti des caractéristiques et des ressources propres de chaque territoire, différents d'un territoire à l'autre ». Nous devons donc non seulement tenir compte des spécificités des milieux naturels, mais aussi veiller à ce que tous les aménagements proposés par l e texte ne remettent pas en cause des équilibres complexes et les interactions fragiles qui prévalent sur le terrain. La prise en compte du développement durable doit nous permettre de promouvoir une autre idée de la politique urbaine, stimuler l'innovation, et contribuer aussi à l'amélioration de la qualité de vie des populations aujourd'hui les plus laissées-pour-compte.

Après la création d'une délégation interministérielle à la ville, d'un ministère de la ville, et dans la veine des récentes lois pour la ville, sur le droit au logement et la solidarité, nous devons avoir en complément d'une approche quantitative une approche qualitative du logement, donc du logement social. Ce qui en dépend, c'est tout simplement la qualité de la vie.

C'est le sens d'un certain nombre d'amendements que nous proposerons, en soulignant combien la lutte contre la pollution atmosphérique, la lutte contre les nuisances sonores, la promotion des énergies renouvelables et la haute qualité environnementale sont des paramètres indispensables à l'équilibre social des populations.

Il ne servirait à rien, en effet, messieurs les ministres, d'oublier que les plus fragiles de nos concitoyens, ceux pour lesquels est faite aujourd'hui cette loi, ont peut-être plus besoin que les autres de retrouver un cadre de vie accueillant et respectable.

Il ne servirait à rien d'oublier que les territoires les plus dépeuplés, les plus éloignés d'une agglomération, ont besoin pour vivre d'être complètement irrigués par cette dynamique qui inclut le respect de leur territoire et des équilibres qui y règnent.

Il ne servirait à rien non plus d'oublier que les élus, en l'absence d'outil capable de promouvoir ce développement sous toutes ses formes, ne peuvent facilement mettre en place les politiques publiques indispensables à ces exigences, synonymes de plus grande justice sociale.

Je pense en outre que ce texte doit pouvoir amener les populations à éviter toute ségrégation envers les différences. Et à ce titre, je pense que l'intégration des personnes handicapées - malgré sa place dans ce texte, qui s'en réclame - doit être renforcée.


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Je dirai, en conclusion, que les principes du développement durable obligent à aller plus loin dans le sens de l'intégration des politiques. Ils obligent à de nouvelles pratiques en matière de démocratie locale, de partenariat, d'équilibre de peuplement, d'organisation des territoires, d'urbanisme et de modes de déplacement.

Au-delà des textes réglementaires qui existent déjà, je pense qu'il est bon de le rappeler et j'espère, messieurs les ministres, que cette loi en sera l'occasion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis partagé entre la satisfaction de voter une loi importante pour ancrer la solidarité nécessaire en matière de logement social et la difficulté d'afficher une ambition politique dans le droitfil des lois Voynet et Chevènement pour mettre en oeuvre une grande politique de la ville.

Nous avons eu le courage de marquer une rupture par rapport à l'hypocrisie ambiante qui consiste à croire que les Français vivent encore comme dans la période de l'après-guerre.

Sans opposer les problèmes spécifiques du milieu rural aux graves dysfonctionnements urbains, il était temps de reconnaître qu'il y a urgence dans ce domaine, mais à condition que cela ne se fasse pas au détriment de l'autre.

Que l'on aime ou pas la ville, force est de constater qu'elle s'est développée. Elle continue de se construire avec l'espoir, l'ambition, la volonté de répondre aux besoins, voire au bonheur de ses habitants. Mais, sans pessimisme excessif, on peut aussi parfois faire un constat d'échec, d'injustice et même d'abandon.

Après avoir officialisé le concept d'agglomération, déterminé ses compétences pour réduire les inégalités par la redistribution de la taxe professionnelle, la mise en oeuvre collective des politiques de logements, de transport en commun, d'aménagement du territoire et de la ville, nous devrions, à ce stade, susciter une forte mobilisation nationale pour l'élaboration des projets d'agglomération.

Cette démarche doit permettre, sans tarder, de globaliser et de mettre en cohérence tous les documents d'aménagement que nous produisons de manière parfois un peu parcellaire, que ce soit les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains, la politique de la ville, sans compter les révisions des schémas directeurs, les schémas d'urbanisme commercial, les politiques de traitement des déchets et bien d'autres.

Il serait très judicieux d'ouvrir cet ambitieux et vaste chantier, d'autant plus que les contrats de plan territoriaux, nourris des projets d'agglomération, auraient pu apparaître, en 2003, comme l'aboutissement et la synthèse de politiques axées autour de l'accès au logement pour tous, de la mixité sociale en vue de l'épanouissement de chacun, de déplacements conçus dans l'intérêt général, du lien social, par les commerces de proximité, les services, les équipements, tout cela étant inspiré par le souci d'un urbanisme de qualité.

Si cette loi ne traduit pas un impératif susceptible de s'imposer en tant que priorité nationale, elle apparaît cependant comme une incitation à oeuvrer au chantier du renouvellement urbain avec de nouveaux outils.

Il faut citer, en premier lieu, les schémas de cohérence territoriale, qui permettront de définir de véritables proj ets territoriaux à l'échelle de l'agglomération, sans zonage, avec un réel suivi dans le temps, rendant prescriptifs le programme local de l'habitat et le plan de développement urbain ; cela contraste avec les schémas directeurs qui dérivaient trop souvent en « super-POS ».

Ensuite, je ne peux que soutenir une démarche qui consiste à favoriser la lisibilité en simplifiant la mise en oeuvre des procédures d'urbanisme. Les plans locaux d'urbanisme, avec des zones d'aménagement concerté, doivent être l'expression des projets de ville.

Tout ce qui incite en amont à mener une réflexion sur les objectifs et le contenu des zones à aménager comme sur les moyens pour y parvenir, paraît aller dans le bon sens.

On ne peut plus urbaniser en se référant à la seule logique du marché. Cependant, la maîtrise de l'espace ne doit pas être synonyme de complexification des procédures.

L'enjeu, c'est la définition d'un projet lisible et partagé par la population selon les procédures de dialogue et de concertation. Pour autant, il ne s'agit pas de favoriser l'expression de l'intérêt particulier au détriment de l'intérêt général.

Les contentieux d'urbanisme traduisent, malheureusement, le plus souvent des revendications sans rapport avec l'intérêt général. Mon expérience personnelle me conduit à dire à nos amis Verts qu'il ne faut pas confondre concertation, dialogue et intérêt général avec p articularismes, pratiques procédurières et blocages fussent-ils maquillés et portés par des associations de quartier.

Il serait intéressant de connaître les motifs de tous les contentieux d'urbanisme de ces dernières années et d'appréhender leur évolution. Messieurs les ministres, une étude serait certainement riche d'enseignement. Elle permettrait sûrement de constater que le recours aux procédures est de plus en plus répandu et qu'il se fait le plus souvent au détriment du véritable dialogue et du débat.

Enfin, si beaucoup d'autres points de la loi SRU méritent d'être soutenus, je m'attacherai plus particulièrement à saluer le courage politique du Gouvernement à mettre en exergue la nécessité de réaliser du logement social. Ce besoin ne peut plus être pris en charge par les seules communes volontaires. Ainsi, en fixant un seuil qui responsabilise toutes les communes, nous engageons-nous dans une démarche d'équilibre territorial.

Afin qu'il ne s'agisse que d'une déclaration d'intention, il est juste que les communes qui n'ont pas encore contribué à l'effort national participent au plan de rattrapage.

Quelles communes, à quelle hauteur et comment ? On peut aisément imaginer le débat passionné et mouvementé qui va en découler.

P our ma part, j'aurais maintenu l'obligation de construire des logements sociaux dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants et pour toutes les communes de plus de 1 500 habitants. Certes, seuls 10 % des logements sont concernés mais 40 % des communes sont touchées. A vouloir trop ménager les petites communes, on sacrifie en partie les objectifs de densification, de mixité et de cohérence. Ainsi, nous risquons de laisser trop de « dents creuses » dans les agglomérations, et parfois en première couronne ! Le projet de loi a choisi la contrainte de la contribution financière : j'y souscris.

Pour conforter l'engagement des communes dans la construction de logements sociaux et afin qu'il y ait réellement compatibilité avec le PLH, il me semble nécessaire d'afficher dans les PLU des emplacements réservés à cet


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effet. Ainsi, les communes seront conduites, en accord avec la population, à définir des projets où seront explicitement indiqués le nombre et l'emplacement des logements sociaux. Ce ne sera qu'à ce prix que les PLU pour-r ont être complètement en adéquation avec les déclarations généreuses des PLH.

Une fois encore, l'opposition fait un barrage à un projet légitime.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cessez de polémiquer !

M. Pierre Cohen.

Tous ensemble, nous aurions pu aller plus vite et plus loin. Comme pour la décentralisation, à n ous de convaincre qu'il s'agit d'une très bonne d émarche pour réduire les inégalités et l'injustice.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous recentralisez !

M. le président.

Au titre du groupe socialiste, la parole est à Mme Odile Saugues, dernière orateur inscrit dans la discussion générale.

Mme Odile Saugues.

Je m'exprime sur le titre III du projet de loi visant à mettre en oeuvre une politique de déplacements au service du développement durable, mais je veux d'emblée revenir sur l'annonce que vous avez faite hier, monsieur le ministre, devant la représentation nationale, d'un effort financier supplémentaire d'un milliard de francs à partir de 2001 en faveur des transports collectifs : cet effort sera donc consacré en partie à la mise en oeuvre des plans de déplacements urbains dans les agglomérations, et je vous en félicite.

M. Michel Bouvard.

Cela va dans le bon sens !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Bravo !

Mme Odile Saugues.

Nous sommes tous conscients de l'importance de cet engagement, il était bien nécessaire pour se donner les moyens d'une politique ambitieuse de la réorientation des modes de transport.

Les plans de déplacements urbains, créés avec la LOTI et devenus obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants à la suite du vote de la loi sur l'air, seront désormais prescriptifs. Le PDU devra préciser les zones où la durée de stationnement doit être réglementée.

Il améliorera la sécurité pour tous les déplacements en définissant un partage équilibré de la voirie pour les différentes catégories d'usagers.

A ce stade de la discussion, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de prolonger la réflexion engagée à propos du renforcement des plans de déplacements urbains. Je souhaite, par exemple, que ce projet permette de développer les parcs de rabattement à proximité des gares et aux entrées des villes, de mieux délimiter les emplacements réservés aux marchandises, de mieux organiser les flux des véhicules de livraison, d'encourager à modifier le « visage » des gares relevant en tout ou partie du service régional, de favoriser une reconnaissance expresse de la place devant être réservée aux personnes handicapées, tout cela conformément à la nouvelle idée de la ville portée par l'esprit du projet de loi.

Voilà, monsieur le ministre, quelques idées, qui, je l'espère, seront prises en compte dans ce débat.

On ne peut évoquer le volet « déplacements » du projet sans dire quelques mots sur la régionalisation des transports ferroviaires de voyageurs, prévue à l'article 51. Ce transfert de compétence constitue une réaffirmation de la pertinence du transport ferroviaire pour les déplacements de la vie quotidienne.

M. Michel Bouvard.

C'est la réforme de 1995 ! C'est nous qui l'avons faite !

Mme Odile Saugues.

Mes collègues de l'opposition qui crient au retour de la centralisation feraient mieux de lire le projet de loi, notamment cet article, plutôt que de jouer à se faire peur dans ce domaine comme dans d'autres.

M. Michel Bouvard.

Vous avez voté contre cette réforme en 1995 !

Mme Odile Saugues.

Et je pense tout particulièrement à la mixité sociale, monsieur Bouvard ! La volonté de faire en sorte que la région devienne l'autorité compétente en matière d'organisation des transports collectifs d'intérêt régional doit s'accompagner de la réaffirmation, sans aucune ambiguïté possible, de l'unicité du système ferroviaire dont l'Etat reste et restera le garant.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite également appeler votre attention sur un point qui ne vous a certainement pas échappé. Le 12 janvier dernier, vous avez, au nom du Gouvernement, signé un accord avec les transporteurs routiers : il prévoit notamment des mesures d'exonération et de remboursement de la TIPP pour compenser la forte augmentation du prix du gazole. Cet effort était sans doute nécessaire, mais je crois que la priorité que nous accordons à la limitation de l'usage des voitures en ville doit nous conduire à envisager d'accomplir un geste fort en direction des transports collectifs urbains. Je plaide, pour ma part, en faveur d'une exonération de la TIPP pour ces transports, qui, indiscutablement, participent à la lutte contre la pollution atmosphérique et qui, eux, sont en parfaite cohérence avec l'esprit du projet de loi.

Pour conclure, je veux souligner que ce projet de loi est éminemment politique.

Trop souvent, trop longtemps, les infrastructures ont été pensées après l'urbanisation. Elles ont produit des exclusions, coupé des quartiers, divisé des villes. Demain, après l'adoption de cette loi majeure, notre rôle sera de penser la ville autrement, de relier les hommes, de concilier enfin la liberté de circuler et la préservation d'un environnement de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Le Gouvernement ayant souhaité s'exprimer à ce stade de la discussion, la parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais remercier la commission de la production et des échanges, et plus particulièrement son président et son rapporteur, pour le travail qu'ils ont effectué, à la fois pour analyser les propositions du Gouvernement et pour améliorer ce texte dans un sens qui favorise le renouvellement urbain, tant sur le plan administratif que dans la vie de tous les jours.

Je tiens aussi à remercier l'ensemble des parlementaires qui sont intervenus - sur un ton plus ou moins critique dans la discussion générale.

Le premier point que j'aborderai est celui de l'urgence.

M esdames, messieurs de l'opposition, nous avons décidément beaucoup de mal à trouver un rythme qui vous convienne. Lorsque, comme c'est le cas pour les retraites, nous prenons le temps de rencontrer les interlocuteurs concernés et de négocier, nous sommes accusés


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d'immobilisme. Et lorsque, sur un texte comme celui-là, nous voulons, après d'ailleurs que Jean-Claude Gayssot et Louis Besson se sont rendus dans de nombreuses régions pour rencontrer les élus et l'ensemble des partenaires de la ville, « boucler rapidement » pour que les élus puissent justement connaître tous les éléments de la réforme, connaître les conditions dans lesquelles le débat doit se dérouler, pour les prochaines élections municipales par exemple, nous sommes accusés d'aller trop vite !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est l'inverse ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

L'opposition ne sait pas ce qu'elle veut !

M. le ministre délégué à la ville.

Trop lent d'un côté, trop vite de l'autre. Pourtant, il va falloir, mesdames, messieurs de l'opposition, que vous vous habituiez au rythme de ce gouvernement, lequel, après tout, obtient de bons résultats !

M. Francis Delattre.

Il est surtout sur un faux plat !

M. le ministre délégué à la ville.

J'ai le sentiment que nombre de gouvernements auraient aimé cheminer sur ce faux plat !

M. Jean-Louis Dumont.

Cela leur aurait peut-être permis d'éviter les faux pas !

M. Jean-Luc Warsmann.

Ne versez pas trop dans l'autosatisfaction, monsieur le ministre !

M. le président.

Mes chers collègues, n'interrompez pas le ministre !

M. le ministre délégué à la ville.

Avant de répondre plus précisément aux diverses interrogations, je voudrais revenir sur quelques éléments de base de la politique de la ville et du renouvellement urbain pour éviter - si c'est possible - que ne nous soient intentés de faux procès à propos de nos intentions.

Nombre de députés de l'opposition, lorsqu'ils évoquent le problème du logement social, se référent à la forme urbaine que celui-ci a pu prendre dans les années 60. Ils doivent savoir que plus personne sur ces bancs ne veut de nouveau donner à la ville l'aspect qui était le sien à cette époque-là. Toutefois, n'oublions pas que les constructions des années 60 répondaient à une nécessité : c'était l'aprèsguerre, il fallait en finir avec les bidonvilles, il fallait bâtir la ville industrielle pouvant accueillir de la main-d'oeuvre travaillant dans les entreprises monofonctionnelles qui s'y implantaient.

Essayons de ne pas inquiéter l'ensemble de nos compatriotes. Il n'est plus question pour chacune et chacun dans cet hémicycle de penser le logement social comme il était pensé et construit dans les années soixante. Le logement social en ce début du

XXIe siècle est un logement qui s'apparente à la ville. Qu'il se présente sous forme de maison individuelle ou sous forme de logement collectif, c'est un logement qui est bien dans la ville, un logement qui ressemble à la ville, un logement qui fait la ville, un logement qui, le cas échéant, permet de refaire la ville, un logement qui s'adresse à deux Français sur trois.

Le deuxième point sur lequel je voudrais revenir, pour tenter d'éviter tout faux débat au cours de la discussion qui va nous retenir pendant de nombreuses heures, concerne l'opposition qui est faite entre accession à la propriété et logement social.

M. Jean-Marc Nudant.

Ce n'est pas ce que nous cherchons !

M. le ministre délégué à la ville.

N'opposons pas l'un à l'autre, l'un a besoin de l'autre. La plupart de nos concitoyens doivent, avant de pouvoir prétendre à l'accession à la propriété, passer par le logement social...

M. Jean-Louis Dumont.

Il faut le reconnaître !

M. le ministre délégué à la ville.

... à un moment donné de leur parcours locatif.

Mais pour qu'il y ait un lien intelligent dans le parcours résidentiel entre le logement social, le logement locatif et l'accession à la propriété, il faut que l'offre soit équilibrée. Or ce n'est pas le cas actuellement.

Le troisième point sur lequel je voudrais m'arrêter quelques instants, pour, là aussi, essayer d'éviter tout faux débat, a trait aux opérations de reconstruction-démolition. La majorité et le Gouvernement y sont favorables car c'est une nécessité. Du reste, le Premier ministre luimême a eu l'occasion, au cours du conseil interministériel de la ville du mois de décembre, d'annoncer que 5 milliards de crédits seraient consacrés aux projets de renouvellement urbain et aux grands projets.

Comme Louis Besson et moi-même avons eu l'occasion de le dire, lorsque la forme urbaine est trop dégradée, lui consacrer des crédits de réhabilitation relèverait de l'acharnement thérapeutique. Il faut avoir le courage de dire que la démolition s'impose. Du reste, il est prévu dans le budget de Louis Besson des crédits pour faire procéder à 12 000 démolitions.

M. Francis Delattre.

Douze mille logements !

M. le ministre délégué à la ville.

A la démolition de 12 000 logements, en effet.

Soyons clairs. Nous sommes tous persuadés qu'une bonne gestion de la politique de la ville implique de reconnaître que, à un moment donné, la forme urbaine est tellement dégradée, tellement porteuse d'éléments de ségrégation, qu'elle ne peut que faire l'objet, dans le cadre d'un projet de ville ou dans celui d'un projet d'agglomération, d'une démolition-reconstruction.

Mais si nous voulons simultanément démolir et permettre à deux Français sur trois d'accéder dans de bonnes conditions au logement social, il faut être capable d'offrir du logement social.

M. Jean-Louis Dumont.

Du logement social de qualité !

M. le ministre délégué à la ville.

Pour cela, il faut - et je mets les points sur les i - construire des logements sociaux.

Nombre d'intervenants appartenant à la majorité ou à l'opposition ont reconnu que l'on ne peut pas construire du logement social dans les villes qui en ont déjà beaucoup et qui, pour quelques-unes d'entre elles, veulent changer l'image de certains quartiers, y compris de quartiers mono-fonctionnels. Cela passe par la construction de logements destinés à l'accession à la propriété - comme c'est le cas à Vaulx-en-Velin -, l'implantation de commerces, locaux d'artisans, d'activités. Ce n'est donc pas dans les villes qui veulent renouveler leur patrimoine urbain qu'il faut construire du logement social. Vous avez d'ailleurs vous-mêmes reconnu, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, que, dans ces villes qui ont trop de logements sociaux, il convient, au contraire, de démolir et de construire autre chose.

Mais à partir du moment où nous sommes d'accord sur le fait que le logement social ne doit plus être le même que celui des années 60, qu'il doit répondre à une


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architecture, et à une organisation de qualité, que deux Français sur trois doivent pouvoir y accéder et que, enfin, l'on ne peut plus construire des logements sociaux dans les villes qui en ont déjà trop, il faut bien déterminer les villes où l'on va en bâtir.

Certains députés de l'opposition, que j'ai trouvé très honnêtes et très lucides, disent qu'ils ne s'opposent pas à la mixité sociale, mais qu'ils critiquent la méthode employée.

M. Jean-Luc Wersmann.

Ce n'est pas « certains », mais tous !

M. le ministre délégué à la ville.

Dois-je rappeler que nous proposons aux communes qui n'ont pas encore atteint le seuil des 20 % d'y parvenir en vingt ans ? Alors, je pose la question : est-ce que les tenants du changement de méthode veulent que ce délai soit porté à trente, quarante ou même cinquante ans ? Sur ce point, il y a un véritable débat entre vous et nous. Si l'on veut à la fois démolir, construire et offrir du logement social aux jeunes, aux femmes et aux hommes qui en ont besoin, on ne peut pas leur dire : « Revenez dans cinquante ans, nous aurons fait votre bonheur. »

M. Jean-Luc Warsmann.

On n'a jamais construit aussi peu !

M. Michel Bouvard.

Il faut des crédits pour construire !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Pourquoi faire payer a priori ?

M. le ministre délégué à la ville.

Nous aurons ce débat ultérieurement.

Si déjà, au cours de ce débat démocratique, il est reconnu que le logement social n'a plus une forme dégradée, qu'il est ouvert à deux Français sur trois, qu'il n'est plus possible d'en construire obligatoirement dans des villes qui ont déjà 40, 50 ou 60 % de logements sociaux, de grandes avancées auront été faites.

Vous avez, monsieur Warsmann, regretté la chute de la construction des logements sociaux à l'échelon national, et vous avez considéré que cette situation devait nous conduire à nous interroger sur les raisons qui en sont la cause. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Mais pourquoi construit-on moins de logements sociaux en France ? Tout simplement, parce que, comme je viens de tenter de vous le démontrer, les élus des communes qui ont aujourd'hui un nombre largement suffisant de logements sociaux souhaitent faire respecter un minimum de mixité sociale...

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. le ministre délégué à la ville.

... et donc n'en construisent plus, ce qui est légitime. Vous demandez même, monsieur le député, qu'on en démolisse ! Parallèlement, les communes qui n'ont jamais construit de l ogement social continuent parfois à refuser d'en construire pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la réalité du logement social ou avec l'urbanisation.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. le ministre délégué à la ville.

Il nous a été fait un procès récurrent au cours de ce débat de vouloir de nouveau bétonner, multiplier les constructions dans nos villes. Or, il faut savoir - et nous reviendrons sur ce point dans la discussion des amendements - que dans 70 à 80 % des villes qui n'ont pas 20 % de logements sociaux, on construit aujourd'hui plus de logements privés...

Mme Janine Jambu.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

... que la loi n'imposera de construire de logements sociaux !

Mme Janine Jambu.

Très juste !

M. le ministre délégué à la ville.

Il n'est pas question de faire de la surdensification, mais d'amener les élus des communes qui n'ont pas de logements sociaux à s'interroger au moment où ils doivent délivrer un permis de construire pour savoir s'ils doivent construire du logement privé ou du logement social. Il n'est pas question d'imposer un supplément de logement social à ce qui doit être construit. Ce que nous voulons, c'est que, au moment où des terrains se libèrent, où des constructions sont proposées, les élus s'interrogent pour savoir si du logement social est prévu.

M. Morisset a insisté sur la nécessité de démolir. Je suis d'accord. D'ailleurs, je rappelle que, lors du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier, il a été décidé de lancer un programme national de renouvellement urbain qui prévoit 10 000 à 12 000 démolitions.

Cet objectif de redynamisation des quartiers les plus en difficulté ne s'oppose en rien au présent projet, bien au contraire. Ces quartiers ne pourront être renouvelés que si on peut compenser, ailleurs, ces démolitions par une offre de logements sociaux pour les plus modestes.

Comme l'a dit M. le président de la commission, il faut poursuivre la requalification des quartiers HLM où la vie est devenue dure. La politique de la ville de ce Gouvernement...

M. Jean-Marc Nudant.

Pourquoi ? Il y en a une !

M. le ministre délégué à la ville.

... repose ainsi sur une double ambition : la reconquête des quartiers difficiles, mais aussi la prise en compte des mécanismes de la ségrégation à l'échelle de l'agglomération. Prendre en compte qu'une seule de ces deux dimensions ne suffirait pas.

Oui, monsieur Cardo, nous devons, grâce au programme de renouvellement urbain, repenser et refaire nos quartiers. Mais nous devons aussi repenser la ville dans sa globalité et rééquilibrer le parc de logement social.

Comme vous l'avez dit, ce n'est pas seulement la pierre qui nous intéresse, même si elle est un élément du dossier : ce qui nous intéresse, c'est surtout les femmes, les hommes, les jeunes qui habitent dans ces quartiers. Nous ne pouvons pas leur dire simplement de ne pas s'en faire, car une fois que l'on aura démoli puis reconstruit, ils seront heureux : ils ont besoin de constater que leur vie s'améliore tout de suite.

M. Pierre Cardo.

Ils ont aussi besoin de se sentir appartenir à notre société !

M. le ministre délégué à la ville.

Tout cela relève des crédits de la politique de la ville, qui sont d'ailleurs venus, pour votre propre ville, vous donner le coup de main indispensable. Mais tout cela relève aussi des politiques traditionnelles de chacune de nos administrations.

En effet, les crédits de la politique de la ville ne peuvent être des crédits de substitution : ce sont les crédits de droit commun qui doivent permettre la reconquête sociale de ces quartiers ; ce sont eux qui peuvent permettre d'y améliorer la vie.

Vous nous avez demandé, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, pourquoi le texte de loi ne donne pas de définition du renouvellement urbain. La question est importante. Mais le renouvellement urbain


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n'est pas, et c'est heureux, une norme : c'est une ambition politique qui s'appuie sur de multiples outils - législatifs, réglementaires et financiers -, dont certains ont été annoncés lors du dernier conseil interministériel de la ville.

Que ne dirait-on si nous voulions imposer une définition du renouvellement urbain ? C'est bien aux élus de définir avec la population, dans chaque agglomération, un projet pour renouveler la ville. Il s'agit bien de donner un nouveau contenu, là aussi, à la décentralisation.

J'ai souvent entendu parler d'un « urbanisme de village ». Mais j'appelle votre attention sur le fait qu'on ne peut vouloir des transports en commun sur une ville qui s'étale sur cinquante kilomètres, une ville non polluée, c omposée de petits pavillons disposant chacun de cinq cents mètres carrés de terrain...

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous, vous voulez densifier !

M. le ministre délégué à la ville.

... sans augmenter considérablement la fiscalité...

M. Francis Delattre.

Cela, ce n'est pas la mixité !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est un aveu, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à la ville.

A moins d'être pour une ville congestionnée et polluée.

La mixité pensée, la ville pensée et non la ville subie : voilà toute la différence !

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous voulez bétonner et densifier !

M. le ministre délégué à la ville.

De nombreuses villes comme Versailles ont un taux de logements sociaux qui approche les 20 % sans pour autant les atteindre.

M. Pinte, pour ce qui concerne Versailles, fait partie de ces élus qui conduisent des politiques courageuses dans un contexte qui, je le reconnais, n'est pas facile. Ces villes donnent une preuve de plus que cela est possible lorsque la volonté politique existe.

M. Alain Cacheux.

Tout à fait !

M. le ministre délégué à la ville.

Donner une définition incontestable du logement social n'est pas simple. La loi d'orientation de la ville de 1991 était assez restrictive...

M. Francis Delattre.

Non !

M. le ministre délégué à la ville.

... mais elle instaurait un double système de décompte, qui prenait en considération les bénéficiaires des aides personnelles.

M. Francis Delattre.

Exact !

M. le ministre délégué à la ville.

Ce décompte existe indirectement dans le projet de loi qui vous est soumis, sous forme d'exonération des communes percevant la DSU.

En tout état de cause et quel que soit l'apport du Parlement dans l'enrichissement du concept de logement social - apport auquel nous sommes ouverts -, il faudra trouver un mode de calcul simple et stable.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Ce sera nécessaire à la clarté et à la continuité de la politique conduite par les communes.

Si, comme l'affirment M. Pinte et M. Deprez, le logement social doit accueillir les plus modestes, et notamment ceux qui travaillent dans nos communes, et si, comme l'estime M. Plagnol, le logement social doit aussi être considéré comme une première étape dans un parcours résidentiel, l'accession à la propriété ne peut cependant pas être incluse dans cette définition.

M. Francis Delattre.

Si !

M. le ministre délégué à la ville.

Le premier logement de 98 % des ménages français est un logement locatif.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

Le plafond de ressources correspondant aux opérations d'accession à la propriété est dépassé pour 85 % de la population française.

M. Alain Cacheux.

Absolument !

M. le ministre délégué à la ville.

Le seuil de 20 % devrait alors être fortement augmenté.

M. Alain Cacheux.

Assurément !

M. le ministre délégué à la ville.

Pour résumer le débat, je citerai des propos qu'a tenus hier M. Lajoinie.

M. Alain Cacheux.

Excellents propos !

M. le ministre délégué à la ville.

M. Lajoinie a déclaré : « Vouloir qu'un logement sur cinq puisse être accessible en location aux plus modestes, et plus largement aux familles disposant de revenus moyens, c'est être fidèle aux principes de justice, d'équité et de cohésion républicaine. »

M. Alain Cacheux.

M. Lajoinie est un excellent président de commission !

Mme Janine Jambu.

Tout à fait !

M. le ministre délégué à la ville.

Permettez-moi, quitte à vous lasser, de revenir sur la prétendue ponction financière sur les communes.

Les 1 000 francs par logement manquant resteront aux collectivités locales. Cette somme prévue devra être utilisée exclusivement pour la réalisation de logements sociaux par la commune.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

Ainsi que l'a très justement rappelé le rapporteur hier, « il ne s'agit pas de rechercher de l'argent. L'idéal, d'ailleurs, serait que l'on n e collecte pas d'argent : cela signifierait que les communes ont fait l'effort nécessaire. ».

Mme Janine Jambu.

Eh oui !

M. Alain Cacheux.

Absolument !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est très vraisemblablement le cas des communes engagées dans un projet de rééquilibrage de l'offre d'habitat. Elles consacrent au moins autant, et souvent plus, de moyens financiers au logement social que les 1 000 francs prévus dans le texte de la loi.

Mme Janine Jambu.

Très juste !

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. le ministre délégué à la ville.

Si les 1 000 francs par logement manquant n'étaient pas utilisés par la commune, ils tomberaient dans le budget de l'agglomération ou d'un établissement public foncier local ou, à défaut, dans un fonds affecté aux communes et aux structures intercommunales, pour des actions en faveur du logement social.

M. Alain Cacheux.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le ministre délégué à la ville.

Qui parle de taxes et de pénalités ? C'est vous, mesdames, messieurs les députés de l'opposition ! Mais je pense qu'il s'agit là d'une tactique visant à dénaturer le projet de loi.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cacheux.

Inconstestablement !

M. Jean-Luc Warsmann.

Cessez cette polémique !

M. le ministre délégué à la ville.

J'ai d'ailleurs remarqué que, sur ce point, M. Poujade et M. Carrez, quel que soit le sentiment que le discours de celui-ci ait pu donner, se sont déjà engagés dans ce processus d'intercommunalité.

M. Dauge a insisté sur la nécessité de crédits d'études.

M. Alain Cacheux.

Il a raison !

M. le ministre délégué à la ville.

J'estime que ces crédits sont très importants.

L'enveloppe prévue pour les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain pourra aussi être utilisée pour des études. Les études font partie intégrante du projet et la réflexion sur la ville, au niveau français comme au niveau européen, sera une étape importante dans les prochaines années si l'on veut réussir à faire fructifier ce « savoir faire la ville » qui doit être le nôtre et si l'on veut que chacune et chacun puisse éviter les erreurs et s'enrichir des opérations réussies ailleurs.

Mesdames, messieurs les députés, je voudrais, pour conclure, vous renvoyer à l'Antiquité.

(Exclamations et sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est loin !

M. le ministre délégué à la ville.

Soit ! Mais c'est parfois dans le passé que l'ont peut préparer notre avenir !

M. Christian Estrosi.

Eh oui, chacun sait que l'urbanisme dans l'Antiquité était bien meilleur que le vôtre !

M. le ministre délégué à la ville.

J'ai entendu bon nombre de députés dire qu'ils voulaient finalement rendre les villes hospitalières. Un personnage de la mythologie grecque essayait lui aussi de tenir un discours sur l'hospitalité, Procuste, un aubergiste, qui se voulait très doué pour offrir l'hospitalité qu'il avait une manière tout à fait particulière d'offrir : lorsqu'il accueillait le voyageur de passage, à celui qui était plus grand que le lit il coupait les extrémités qui dépassaient, et à celui qui était plus petit il les étirait pour qu'elles correspondent aux dimensions du lit.

Mesdames, messieurs les députés, je ne voudrais pas qu'alors que nous tenons, les uns et les autres, un discours sur l'hospitalité, nous voyions des élus ressembler à ce Procuste qui pourrait avoir au

XXIe siècle, la devise suivante : oui, je veux une ville accueillante mais, si tu n'es pas riche, si tu n'es pas chic, si tu n'es pas blanc, tu dois aller vivre ailleurs ! De ce point de vue, l'Antiquité aussi peut offrir un certain nombre de modèles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le débat a été riche de ceux qui l'ont nourri, même quand ce fut à partir de constats, d'analyses ou de conclusions que l'on peut ne pas partager. Le respect que nous devons à la représentation nationale nous invite à ne pas laisser sans écho tel ou tel propos que l'on a pu considérer comme s'adressant plus particulièrement au Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur chacun des points évoqués, m'en tenant à quelques-uns d'entre eux compte tenu de leur importance.

M. Vachez souhaite que je lui donne des indications sur le niveau de construction. En 1999, ce niveau a été très peu, trop peu différent de celui de 1998. La courbe s'est infléchie dans le mauvais sens d'une manière régulière depuis l'année 1995 incluse, et tous nos efforts n'ont pas réussi à l'inverser.

Ces efforts, vous les connaissez. Ils ont porté sur chacune des attentes exprimées par le mouvement HLM tant en ce qui concerne le niveau des taux d'intérêt, le réaménagement de la dette, et donc l'allégement des charges, que la révision des plafonds de ressources, l'actualisation régulière des barèmes de l'allocation logement, le retour de l'aide à la pierre dans le financement des nouveaux logements bénéficiant du PLUS, le prêt locatif à usage social. Il est vrai que les dernières mesures qui ont été prises remontent à l'été dernier. Mais comme les projets aboutissent généralement après un temps plus long que celui d'une année, nous ne pouvions apprécier dès la fin 1999 l'efficacité des mesures prises.

Il n'empêche que nous connaissons une situation de construction insuffisante. Que peut-on en penser, quand on sait que les organismes ont obtenu des réponses à la totalité des préoccupations qu'ils avaient exprimées ? Le problème ne peut résider que dans une insuffisance de dynamisme, susceptible d'exister ici ou là, ou dans des obstacles de terrain, là où il n'y a pas de mobilisation de la collectivité pour la maîtrise du foncier, ni donc pour la priorité à donner à un programme locatif par rapport à un programme en accession. Bref, c'est plutôt de ce côté-là qu'il faut aujourd'hui chercher à évaluer les obstacles. A cet égard, les mesures du projet de loi sont évidemment les bienvenues.

M. Cardo nous a fait grief - si je l'ai mal compris, il m'en excusera - d'avoir de la mixité une conception qui consisterait non pas à traiter le mal, mais à le répartir.

M. Pierre Cardo.

Ce peut être cela !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Pour nous, le mal n'est pas dans le logement social lui-même, mais dans sa concentration, qui est à l'origine d'une situation dans laquelle le travail social est, hélas ! à peu près assuré d'être mis en échec.

Ce sont cette concentration et cette mise en échec du travail social qui imposent d'engager résolument un processus de meilleure répartition des constructions de nouveaux logements...

M. Alain Cacheux.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat au logement. ... afin d'aller vers le renouvellement urbain et le démantèlement des secteurs d'ores et déjà ghettoïsés. Tel est le très grand enjeu du texte ! M. Jean-Luc Warsmann. Il ne faut pas densifier ! M. Jean-Yves Gateaud. Très bonne démonstration !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le secrétaire d'Etat du logement. Je ne vous prête pas, monsieur Cardo, l'appréciation selon laquelle le logement social serait le mal. Mais je ne voulais pas qu'il y ait de malentendu.

M. Pierre Cardo. Je vous ai bien entendu ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au logement. M. Morisset estime, quant à lui, que le projet de loi comporte trop peu de mesures intéressant le secteur rural. Des parlementaires d'horizons politiques très différents se préoccupent légitimement de ce secteur. Certes, le secteur rural n'est pas le thème central du texte, mais cela est annoncé par le titre du projet lui-même. Il n'y a donc pas lieu de nous reprocher de ne pas avoir intégré des dispositions qui ne sont pas directement annoncées par ce titre.

J'indique à M. Morisset et à tous les parlementaires qui portent une attention légitime aux problèmes du milieu rural que les moyens financiers de la politique de l'habitat privé, par le biais de l'ANAH ou de la PAH, profitent proportionnellement beaucoup plus au parc i mmobilier des zones rurales qu'à celui des zones urbaines. Cela témoigne d'une mobilisation autour du logement comme outil du développement local dans les zones rurales et d'une meilleure connaissance des mécanismes d'intervention de l'ANAH ou de la PAH.

Je précise en outre que, Jean-Claude Gayssot et moimême avons, il y a un mois, signé un décret qui rouvre la possibilité, pour les communes, de maîtrises d'ouvrage communales pour la mise en oeuvre du prêt locatif à usage social en acquisition-amélioration. Cela veut dire que toutes les communes rurales qui détectent des bâtiments vacants et adaptables à l'aménagement de logements sociaux peuvent d'ores et déjà, lorsque les maîtres d'ouvrage opérateurs du secteur HLM n'en ont pas la disponibilité, bénéficier d'un financement de ce type.

Enfin, je voudrais qu'on ne passe pas sous silence la faculté donnée par le projet de loi aux maires des petites communes qui souhaitent s'en tenir à une carte communale, après que celle-ci aura été soumise à l'enquête d'utilité publique pour être opposable aux tiers, de délivrer les permis de construire. Il ne s'agit pas d'une obligation, mais d'une faculté qui sera ouverte à tous.

Une telle mesure est incontestablement susceptible d'intéresser les communes rurales.

M. Deprez a dit qu'il fallait absolument substituer une politique sociale du logement à une politique du logement social. Nous l'avons entendu avec plaisir car nous tenons souvent de tels propos.

Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que nos actes sont allés dans ce sens : nous avons aujourd'hui une politique active, dynamique, du logement social, mais cette politique est une composante de la politique sociale du logement. En effet, nous avons, avec le statut du bailleur, promu l'investissement locatif privé et, avec la rebudgétisation du financement du prêt à taux zéro et sa sécurisation par la mobilisation du 1 %, donné à des couches supplémentaires de population la possibilité d'accéder à la propriété. Jamais la catégorie des bénéfici aires potentiels de ces financements n'a été aussi ouverte que depuis qu'il existe une sécurité en cas de chômage, qui profite à tous les salariés, quelle que soit l'entreprise dont ils relèvent, ou lorsque surviennent d'autres causes de perte de revenus du ménage, lorsqu'il s'agit de salariés d'entreprises cotisantes.

C 'est en quelque sorte une garantie universelle.

Comme l'a fort bien dit Claude Bartolone, nous n'avons pas du tout une vision réductrice. Nous avons simplement essayé d'identifier, dans la politique sociale du logement, le maillon qui posait le plus de problèmes pour nous y attaquer.

Plusieurs d'entre vous ont repris le thème de la densification. Nous pourrions sur ce point avoir un débat enrichissant, voire intelligent - pourquoi pas ? - ...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Un débat serein !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... plutôt que chercher à jeter l'anathème de façon artificielle. Je répondrai là à M. Chabert, qui est investi de responsabilités dans le secteur de l'urbanisme. L'agglomération lyonnaise a fait parler d'elle dernièrement parce qu'elle était la première communauté urbaine à avoir posé le principe que M. Chabert a qualifié de « rétrozonage », consistant àr endre inconstructibles des centaines d'hectares qui étaient constructibles dans les plans d'occupation des sols, afin de permettre de faire une ville plus équilibrée et d'instaurer plus de cohérence entre les capacités de transp ort et les développements de l'urbanisation. C'est l'objectif que nous souhaitons atteindre avec les outils que le projet de loi vise à créer. Un tel exemple ne peut être bon s'il est appliqué dans la région lyonnaise et à rejeter si la loi s'en inspire. Les deux démarches sont parallèles, mais vous nous avez précédé de quelques semaines, monsieur Chabert. Il n'y a donc pas lieu d'agiter là un épouvantail.

Par ailleurs, monsieur Chabert, vous n'avez rien à redouter de la prise en considération, au titre du logement très social, du patrimoine de telle ou telle association ou fondation. C'est la loi du 31 mai 1990 qui a donné l'accès aux financements HLM aux associations.

A l'époque cela n'avait pas fait l'objet d'un consensus général, non pas pour des raisons politiques, mais parce que les bénéficiaires traditionnels des financements HLM ne souhaitaient pas cet élargissement. Nous savions que tous ces organismes n'étaient pas mobilisés partout comme il l'aurait fallu et nous avons estimé que des opérateurs nouveaux pouvaient intervenir. C'est nous qui leur avons donné cette possibilité. Nous n'allons donc pas négliger ce patrimoine même si, pour la commodité de l'étude d'impact qui a été réalisée à l'occasion de la sa isine du Conseil d'Etat sur ce texte, nous avons fait au plus simple en ne retenant, au titre des logements sociaux, que le patrimoine des bailleurs sociaux.

Sachez néanmoins que les corrections à venir se feront à la marge, car, pour quatre millions de logements locatifs sociaux HLM, deux ou trois dizaines de milliers de prêts locatifs intermédiaires qui pourraient être écartés, o n dénombre tout au plus 12 000 à 15 000 logements d'insertion entrant dans le patrimoine d'associations. Quant au nombre des logements privés conventionnés ANAH, il n'est pas énorme non plus. Je veux dire par là que s'en tenir aux quatre millions du patrimoine HLM n'était pas déformer grossièrement la réalité. Quelques retouches à la marge sont possibles. Je crois que votre commission y a travaillé et le Gouvernement est bien sûr ouvert à ses propositions.

Vous avez regretté la mollesse des encouragements à la requalification du parc immobilier privé. Vous conviendrez avec moi que nous n'avons encore jamais connu un environnement fiscal et budgétaire aussi favorable que celui que nous avons créé, en particulier dans la dernière loi de finances. L'outil commun que va devenir l'ANAH pour les propriétaires occupants comme pour les propriétaires bailleurs permettra de renforcer l'efficacité de ces interventions dans le secteur privé.


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On a boosté les choses comme elles ne l'avaient jamais été et c'est maintenant à tous les acteurs de se saisir de ces moyens majeurs que nous créons et mettons à leur disposition.

Je remercie Mme Jambu, MM. Marcovitch, Dauge, Decaudin, et d'autres encore, dont les interventions, remarquables par la richesse de leur contenu, allaient tout à fait dans le sens du projet de loi. Ils ont complètement pris la mesure des enjeux de ce texte et ont exprimé un soutien qui nous est extrêmement précieux.

M. Cacheux a souhaité que l'on affiche clairement l'ambition du logement social et des organismes qui le mettent en oeuvre. Je lui confirme que ces organismes jouent un rôle essentiel à la fois comme opérateurs de logements - constructeurs, gestionnaires - et comme opérateurs urbains, notamment pour les projets de renouvellement urbain.

M. Jean-Louis Dumont.

Juste reconnaissance !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Certes, la vocation première des organismes du secteur locatif c'est bien sûr le secteur locatif, puisque c'est leur raison d'être. Mais la recherche de la diversité de l'offre d'habitat justifie parfaitement qu'ils puissent réaliser, de façon complémentaire, de l'accession à la propriété. Le projet de loi reconnaît donc cette possibilité et l'organise dans un cadre financièrement sécurisé. C'est un élément très important, car la disparition du PAP avait créé un vide juridique. Mais s'agissant d'une activité concurrentielle, monsieur Cacheux, il est difficile de parler de service d'intérêt général, ce qui n'enlève rien à l'intérêt qui s'attache à ce que les organismes HLM, y compris du secteur locatif, disposent, dans un cadre clair et sécurisé, de la capacité de faire de l'accession dans un souci de mixité sociale.

Mme Jambu a souhaité l'extension aux SEM et aux filiales de la SCIC - Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations - des mesures de pérennisation du patrimoine prévues pour les HLM.

C'est un sujet sur lequel nous reviendrons, mais qu'il convient d'aborder avec prudence. Certes, des logements sociaux des SEM ont été financés en PLA, mais s'il y a eu similitude de financement au moment de la production de ces logements, il y a des différences de traitement entre les SEM et les organismes HLM, notamment concernant la fiscalité, le régime des loyers et les aides que peuvent verser les collectivités locales. Dans le même patrimoine figurent des logements qui ont été construits sur les fonds propres de cette caisse et de ses filiales, sans aides publiques, et du même coup sans servitudes particulières. Nous devons donc examiner cette affaire de manière approfondie, car nous pourrions commettre des erreurs ou créer des difficultés, ce qui n'est ni votre souhait, ni le nôtre.

Vous avez aussi souhaité, madame Jambu, que la concertation avec les locataires tienne une plus grande place. Le projet de loi réalise des avancées concrètes sur ce point. Il rend obligatoire la négociation de plans de concertation locative entre organismes HLM et associations de locataires pour définir les règles de jeu de la concertation, son contenu, ses modalités, à l'échelle du patrimoine. Il donnera ainsi des points d'appui à une concertation décentralisée au plus près du terrain - le quartier, l'immeuble dans certains cas. Il permettra aussi de définir les moyens attribués aux représentants des locataires pour exercer leur mission.

Nous allons donc bien au-delà de cette concertation qui s'est très souvent limitée aux opérations de réhabilitation PALULOS, celles qui étaient visées par des circulaires ministérielles dans les années passées. Nous sommes dans une dynamique beaucoup plus forte.

Enfin, sans prolonger à l'excès ma réponse sur ce point, je voudrais vous redire l'importance que nous attachons aux missions nouvelles des commissions départementales de conciliation qui, elles, intéressent l'ensemble du secteur locatif dans ses deux composantes, privée et sociale, mais plus spécialement privée puisqu'il existe d'autres mécanismes pour le secteur social. Ces commissions seront, pour l'habitat, à peu près l'équivalent de ce que sont les prud'hommes pour les conflits du travail.

C'est là encore une avancée extrêmement inté-ressante.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Cacheux a abordé la question, essentielle, de l'insalubrité. J'attendrai sa présence pour évoquer ce problème à l'occasion de la discussion d'un amendement sur le logement décent.

M. Bouvard a évoqué le problème spécifique de l'urbanisme en montagne et il a bien voulu concéder que je le connaissais quelque peu. Je lui confirme que nous avons travaillé à ce que pourrait être un rétablissement des prescriptions de massif qui avait été conçues dès la loi montagne pour permettre des adaptations aux réalités des différents massifs. C'est sans doute ainsi que nous pourrons mieux nuancer les choses et coller à la réalité. C'est par erreur qu'il y avait eu une confusion entre la signification de ces prescriptions de massif et les directives territoriales d'aménagement créées par la loi de février 1995. Nous devrions trouver la voie d'une évolution consensuelle qui continue à conjuguer positivement développement et protection dans la mise en valeur de la montagne.

Dans sa juste colère et les propos quelque peu indignés qu'il a tenus, M. Dauge a déjà répondu à M. Poujade sur le problème des secteurs sauvegardés. Il avait parfaitement raison et, sur ce point, je n'ai rien à ajouter. Notre seul objectif est de raccourcir les délais, dès lors que toutes les instances devant s'exprimer ont émis un avis favorable. Il n'y a donc pas là de remise en cause des acquis de la loi Malraux.

Je veux évoquer également les documents d'urbanisme, notamment le schéma de cohérence territoriale et le PLU.

Le schéma de cohérence territoriale n'est pas un document supplémentaire qui s'ajouterait à l'empilement des dispositifs que nous connaissons. Il remplace un document qui a montré ses limites : l'ancien schéma directeur.

De nombreux schémas directeurs sont aujourd'hui obsolètes, difficiles à réviser. Bien souvent, l'établissement public chargé de leur élaboration n'ayant pas eu l'obligation d'assurer leur suivi, beaucoup sont dépourvus de structure de rattachement, en tout cas de structure de coopération intercommunale.

Le schéma de cohérence territoriale sera donc le cadre de référence de l'ensemble des potiliques sectorielles locales. C'est un outil au service des collectivités locales pour construire un projet d'agglomération. Quel doit en être le périmètre ? Cela, c'est une bonne question ! La simplicité serait de coller aux structures de coopération, mais l'objectif ne serait pas atteint. Si nous en restions au périmètre des communautés qui se sont constituées ou qui existent depuis longtemps, nous n'aurions pas la maîtrise de ces développements urbains en tache d'huile qui, dans la pratique, se révèlent ingérables et qui suscitent d'ailleurs très souvent des regrets de la part de ceux qui


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les ont constitués par leurs choix individuels. Certains demandent en effet aux élus que nous sommes d'engager des démarches pour leur obtenir un permis de construire dans une commune à vingt-cinq ou trente kilomètres de leur lieu de travail, puis souhaitent reconsidérer ce choix car les problèmes de déplacement leur rendent la vie infernale.

Il ne faut pas croire que ces urbanisations excessives et désordonnées suscitent une adhésion irréversible de la part de ceux à qui l'on en donne la possibilité. Très souvent, c'est même le contraire. Nous ne sommes donc pas à contre-courant et, c'est d'ailleurs tout à fait le raisonnement que vous avez tenu, monsieur le député Chabert, dans la région lyonnaise. Bien sûr, il est nécessaire que ce schéma de cohérence soit à la bonne échelle. Il doit en effet permettre de maîtriser de façon raisonnable cette urbanisation diffuse, ne serait-ce que pour que la fonction « transports », si importante pour la qualité de vie des gens, puisse être remplie convenablement. Enfin, le schéma de cohérence territoriale sera l'occasion de clarifier le rôle de l'Etat, et non de l'accroître.

S'agissant de la comparaison des plans locaux d'urbanisme et des plans d'occupation des sols, MM. Carrez, Daubresse et Marchand ont exprimé leurs préoccupations. Comme l'a relevé Jean-Michel Marchand, cette réforme vise à mettre en avant la notion de projet urbain dont le plan local d'urbanisme doit être l'expression. J'ai noté certains points d'accord entre les différents orateurs, même s'il reste des questions en débat. Autant donner une explication très complète à ce stade du débat, cela éclairera la discussion des articles.

Quels sont les objectifs sur lesquels il y a, semble-t-il, consensus ? Premier point d'accord : le plan d'occupation des sols est depuis longtemps critiqué pour son caractère réducteur visant essentiellement, sinon exclusivement, à définir l'occupation des sols. Le projet des élus pour leur ville est évidemment plus ambitieux. C'est un projet de développement, dont le plan local d'urbanisme doit être la traduction. Or les règles en vigueur empêchent largement, par leur caractère contraignant et parfois systématique, les élus qui le souhaitent d'exprimer ce projet urbain dans le plan d'occupation des sols. Il convient donc de supprimer des dispositions qui aboutissent à rendre obligatoire l'urbanisme que nous ne souhaitons pas prolonger, celui de la définition de zones monofonctionnelles, et qui interdisent d'introduire une pluralité d'usages au sein d'une même zone dans un plan d'occupation des sols.

Ainsi, le plan local d'urbanisme ne contraindra plus les élus à entrer, dans tous les cas et dans toutes les communes de France, dans le détail de l'affectation des sols selon leur usage. Si c'est utile dans de nombreux cas, ce ne l'est pas dans d'autres. Et on ne peut pas continuer à définir, comme il y a vingt ans, des zones d'habitat distinctes des zones d'activité ou de commerce, alors qu'on veut aller vers la mixité des fonctions urbaines, chaque fois que c'est possible, sur un même territoire. Il n'est pas question, naturellement, de mélanger de l'habitat avec des établissements classés, mais, parmi les formes nouvelles de l'économie contemporaine, beaucoup sont parfaitement compatibles avec les zones d'habitat.

L'objectif est bien de traduire dans le plan local d'urbanisme les orientations générales de la politique urbaine, bref le projet urbain, en prenant en compte ses perspectives d'évolution, de développement dans tous les domaines. Les règles d'affectation des sols ne sont que la traduction de ce projet dans l'espace. Toutefois, le Gouvernement, ayant compris qu'il y avait quelque difficultés d'interprétation, propose, dans un amendement dont vous avez déjà connaissance, de préciser le contenu du projet de développement urbain.

Deuxième point d'accord : le projet doit être débattu démocratiquement. C'est pourquoi l'enquête publique sera généralisée. C'est pourquoi la règle de l'application anticipée sera supprimée et remplacée par une procédure de modification rapide, mais soumise, elle aussi, à l'enquête publique.

C'est également ce souci de transparence et de démocratisation qui motive l'intégration du périmètre des plans d'aménagement de zone dans le plan local d'urbanisme, alors que ceux-ci constituaient des enclaves sur le territoire communal. Dans certaines communes, en effet, la surface couverte par les différentes ZAC atteint la même importance que celle couverte par le plan d'occupation des sols. Cela avait conduit certains à s'interroger sur l'utilité de créer un régime juridique particulier pour les zones frontières, aux limites entre les PAZ et le reste du POS. La réforme proposée répond à ces préoccupations.

Ce sont peu de mots dans le texte, mais c'est là que la réforme induit un changement de nature du document.

De ce point de vue, le projet de loi rejoint les expériences conduites par de nombreux maires sous des appellations très diverses - programme de référence, schéma de réfé rence, projet d'agglomération, projet urbain - pour définir un urbanisme de projet et non plus un urbanisme figé dans l'espace, qui ne prenait en compte ni la durée, ni la nécessaire évolution dans le temps des politiques urbaines sous le contrôle des citoyens.

Si l'on est en accord avec ce diagnostic, quelles conséquences convient-il d'en tirer dans la rédaction de la loi ? Première conséquence : il faut affirmer que les plans locaux d'urbanisme ont un caractère prescriptif et normatif. Le projet urbain exprimé par le PLU doit pouvoir être appliqué et s'appliquer pleinement sur le terrain.

C'est ce que fait le projet de loi : il affirme que les PLU fixent les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols, c'est-à-dire qu'ils déterminent les zones constructibles et celles qui ne le sont pas. Ils délimitent les « zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles, agricoles ou forestières ». C'est dans cet esprit que le Gouvernement soutiendra un amendement proposé par le rapporteur, qui rend clairement illégal le plan local d'urbanisme qui n'édicterait pas de règles suffisantes. Il s'agit de concilier la volonté d'enrichissement du document avec le souci de garantir la sûreté juridique de sa mise en oeuvre.

Deuxième conséquence : il faut poser dans la loi le fait que le plan local d'urbanisme devra, comme c'est le cas aujourd'hui, mettre en oeuvre au niveau local les objectifs assignés à l'ensemble des documents d'urbanisme, en particulier par les articles L. 110 et L. 121-1 du code de l'urbanisme.

C'est ainsi que la protection de l'environnement ou la mise en oeuvre de la mixité sociale constitueront demain des objectifs auxquels le PLU devra obligatoirement répondre. Il le fera sous le contrôle éventuel du juge, saisi le cas échéant par les citoyens qui estimeraient qu'un PLU méconnaît ces objectifs généraux ou les met insuffisamment en application.

Je veux y insister : c'est déjà le schéma dans lequel nous évoluons aujourd'hui avec les POS, s'agissant de la mise en oeuvre des objectifs généraux de l'urbanisme.

Il n'y a donc pas là déréglementation ou laxisme, mais application des principes de la décentralisation : la loi fixe des objectifs, les documents locaux doivent les mettre en oeuvre comme les élus le décident en fonction des


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situations locales, le cas échéant sous le contrôle du juge.

Il s'agit de s'assurer que le PLU met en oeuvre au plan local les objectifs généraux du droit de l'urbanisme.

Une fois posés ces principes, j'ai bien conscience qu'il demeure des points de débat et de discussion. Ils portent principalement sur les dispositions qui devront obligatoirement figurer dans tous les plans locaux d'urbanisme et sur celles qui, au contraire, n'y figureront que si les élus estiment qu'elles doivent y figurer, compte tenu de la réalité de chaque commune et du projet de développement qu'ils veulent mettre en oeuvre au moyen du PLU.

Actuellement, s'agissant des POS, seuls deux éléments sont obligatoires : la définition des « règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination et leur nature », et la détermination de l'« affectation des sols selon l'usage principal qui doit en être fait ou la nature des activités dominantes qui peuvent y être exercées », c'est-à-dire la disposition qui induit un zonage monofonctionnel quasi systématique. Les autres dispositions du POS sont facultatives, leur emploi est laissé à la libre appréciation des élus.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, quels sont les termes du débat. On voit bien qu'il est paradoxal de reprocher au texte son caractère autoritaire et contraire à la décentralisation, tout en affirmant qu'il est insuffisamment contraignant pour les élus qui élaborent leurs documents d'urbanisme locaux.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Prétendre que ce texte serait à la fois autoritaire et trop peu contraignant, ce sont deux propos difficiles à concilier.

Pourquoi ne pas considérer que les élus sont capables de définir, si nécessaire, des règles précises en utilisant les possibilités que leur ouvre la loi, même si elle ne les y contraint pas ? Le Gouvernement fait le choix de la décentralisation...

M. Jean-Luc Warsmann.

Ah non !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... c'est-à-dire le choix de la responsabilité des élus...

M. Francis Delattre.

Les préfets ne sont pas des élus !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... dans le cadre des objectifs définis aux articles L.

110 et L.

121-1 du code de l'urbanisme.

Notre texte, nous l'avons tous dit et je veux le redire, reste améliorable. Sur les conditions dans lesquelles le plan local d'urbanisme pourra définir un coefficient d'occupation du sol, sur le caractère obligatoire ou non de la définition de règles d'implantation des constructions, le débat est ouvert et je confirme le souhait exprimé hier par Jean-Claude Gayssot de voir le texte enrichi par les parlementaires.

M. Francis Delattre.

Il en a bien besoin !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il y a du travail !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Certains députés, tout particulièrement M. Mignon et M. Estrosi, nous ont fait le procès du retour aux années 60.

M. Francis Delattre.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Si c'est sur leurs bancs que ces années inspirent le cauchemar, j'en prends acte, mais qu'y puis-je ? En tout cas, ce n'est pas l'esprit dans lequel nous avons travaillé. Je tiens à les rassurer.

M. Estrosi nous a accusés de vouloir « bétonner ». Or je ne me méprends pas sur la localisation de sa circonscription. Dans le cadre d'une mission que m'avait confiée un précédent ministre des transports, j'avais eu à me rendre dans sa ville. J'avais observé que l'urbanisation avait été très mal maîtrisée, qu'il n'y avait pratiquement plus de voirie destinée au transit, que toutes les voies étaient devenues de desserte. Mais là, monsieur le député, les responsabilités locales sont largement engagées.

M. Christian Estrosi.

Non, c'est vous qui avez tout bloqué !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Alors, nous souhaitons plutôt donner le contre-exemple des choix opérés dans votre agglomération.

M. Christian Estrosi.

Votre politique politicienne de gel du développement est très lourde de conséquences.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

En définitive, mesdames et messieurs les députés, ce qui est en cause ici, c'est bien la place de la loi. Pour l'intérêt général, pour l'accueil de la population de notre pays dans toutes ses composantes, pour que prévale l'esprit républicain et de tolérance, il faut que la loi puisse s'appliquer partout.

Il y a quelques instants, mon ami Claude Bartolone, pour conclure, a puisé sa citation dans l'Antiquité.

M. Francis Delattre.

Citez-nous plutôt Mitterrand : « la force injuste de la loi » !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je m'en tiendrai à une maxime plus récente que nous faisons très largement nôtre, de ce côté-ci de l'hémicycle, mais peut-être aussi de l'autre : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Ainsi s'exprimait Lacor-

daire, le 16 avril 1846.

M. Christian Estrosi.

Quelle mauvaise référence !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Voilà une philosophie dans laquelle nous pouvons parfaitement nous reconnaître. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi à mon tour de saluer le travail de qualité que votre rapporteur, M. Rimbert, et votre président de commission, M. Lajoinie, ont accompli sur ce projet de loi très dense, très complexe et porteur de grandes ambitions pour, à la fois, simplifier et rendre plus cohérente et plus solidaire la politique des villes et des agglomérations.

Je ne sais pas si mes collègues ministres l'ont ressenti comme moi, mais j'ai trouvé, en règle générale, dans les interventions qui se sont succédé ce matin, de Pierre Cardo à Odile Saugues, une tonalité constructive, marquée par le souci de regarder les questions telles qu'elles se posent et la volonté partagée de participer à l'élaboration et à l'enrichissement d'une loi qui porte sur des enjeux de société.

M. Alain Cacheux.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Bien entendu, comme toujours - mais après tout, pourquoi pas ? -, quelques-uns se sont laissés aller à


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des extrémités. Ces excès, certains les craignent. Personnellement, j'y vois un double avantage. Ils me permettent d'abord de voir si certains sujets très importants m éritent d'être approfondis. Derrière la véhémence peuvent se cacher de vrais problèmes qu'il faut regarder de plus près. Et puis, quelquefois, ces propos sont tellement caricaturaux qu'ils conduisent par réaction les autres orateurs à relever le débat à la hauteur nécessaire et qu'ils invitent finalement à un jugement mesuré tous ceux qui nous regardent ou nous liront.

Ainsi ne manqueront-ils pas de constater que, quelles que soient les caricatures, le projet du Gouvernement est un projet équilibré,...

M. Alain Cacheux.

C'est vrai ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... avec un maître mot qui le traverse de part en part : l'harmonie.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie freançaise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les excès, j'y reviens, ont été le fait d'une petite, d'une toute petite minorité.

M. Francis Delattre.

6 %, comme le PC ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Et finalement, ils sont bien utiles pour montrer, par contraste, l'équilibre et l'harmonie qui traversent l'ensemble du projet de loi.

Quelques mots maintenant sur la concertation. Avant même que nous n'engagions les discussions avec les élus à tous les niveaux, nous avons lancé un débat public.

M. Alain Cacheux.

Absolument ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est sans doute une première. Je ne dis pas que ce soit la référence à imiter partout et en tous lieux, mais nous l'avons fait. Nous sommes allés sur le terrain pour rencontrer les citoyens et les élus. Nous les avons écoutés. Nous avons recensé tout ce qu'ils nous ont dit et, souvent, leurs réflexions se recoupaient d'une ville à l'autre, même distantes de plusieurs centaines de kilomètres.

Procédure innovante : ce projet de loi ne devait pas venir d'en haut, émerger de réunions de cabinet, être conçu en vase clos. Non, il a été le fruit du croisement des réflexions de vrais experts, ceux d'en haut et ceux du terrain.

Démarche participative : le débat à l'ordre du jour est de savoir comment mieux conjuguer démocratie représentative et démocratie participative. Eh bien, c'est cette conjugaison, cette meilleure association des deux termes de la démocratie que nous avons mise en avant. Je m'étonne d'ailleurs que certains, qui prônent avec conviction la démocratie participative, aient tenu, ici ou à l'extérieur, des propos violents contre notre démarche.

Quant à la démocratie représentative, elle s'exerce en particulier dans cette enceinte. Et malgré le gros travail sur les amendements déjà accompli par votre commission, le Gouvernement - Claude Bartolone et Louis Besson l'ont dit avant moi - est prêt à accepter tous les enrichissements qui s'inscriront dans la démarche qui est celle du projet de loi.

Pendant la concertation qui a présidé à l'élaboration de ce texte, il a souvent été fait référence à la procédure d'urgence. Oui, il est urgent de régler les problèmes concrets qui se posent. Beaucoup, parmi vous, sont maires et ils ont insisté sur les difficultés qu'ils rencontraient dans leur vie d'élu. Nous savons, par exemple, que pour les copropriétés dégradées et l'insalubrité des logements, il serait injuste de retarder les choses.

M. Daniel Marcovitch et M. Alain Cacheux.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Nous avons la volonté d'afficher en temps opportun les règles du jeu dans lesquelles les équipes municipales devront inscrire les actions qu'elles vont engager. La donne sera claire et chacun pourra se déterminer en pleine connaissance de cause. D'ailleurs, je m'engage à ce que les décrets d'application soient publiés dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi, c'est-à-dire avant même les échéances municipales.

M. Jean Michel et M. Alain Cacheux.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Tout le monde saura à quoi s'en tenir. On n'est plus sur des faux-semblants et l'on peut déjà travailler aux vrais projets urbains.

M. Alain Cacheux.

Vous êtes un pragmatique ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On nous a reproché une volonté de recentralisation. C'est le contraire de notre démarche. Louis Besson et Claude Bartolone ont déjà répondu sur ce point et je rappelle que, si l'article 72 de la Constitution pose le principe que « les collectivités s'administrent librement », il précise aussitôt...

M. Francis Delattre.

... « dans les conditions prévues par la loi. » Ce n'est pas beau, cela

? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Voilà : « dans les conditions prévues par la loi. ». C'est pourquoi nous légiférons.

Oui, l'Etat est et restera le garant de la solidarité. C'est là une valeur essentielle. Mais peut-être, après tout, n'estelle pas partagée par tous ? Dans sa très belle conclusion, Louis Besson a rappelé à quoi servait la loi. Et ce point aussi peut faire l'objet d'un désaccord. En tout cas, je crois que la représentation nationale dans son ensemble considère que la notion de solidarité doit être portée et protégée par l'Etat. Elle doit étre appliquée pour tous, par tous et partout sous peine de voir se développer la discrimination et la ségrégation.

M. Alain Cacheux et M. Daniel Marcovitch.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Alors, arrêtons les faux-fuyants. A cet égard, les interventions de M. Deprez et de M. Estrosi sont très intéressantes. M. Dreprez, même si je pourrais revenir sur plusieurs de ses observations, a montré sa volonté d'aller au fond des choses. J'ai notamment apprécié sa formule sur la politique sociale du logement. Son propos laissait a ugurer qu'on pouvait espérer trouver un terrain d'entente, même si ce n'est pas dans le cadre de cette loi.

Ce sujet véhicule encore trop de fantasmes.

Avec M. Estrosi, la différence est brutale.

(« Oh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre.

Comme entre vous et les Verts ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Au moins a-t-il été très clair.

M. Francis Delattre.

Les Verts aussi ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Oui, monsieur Estrosi, j'apprécie votre honnêteté.


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M. Alain Cacheux.

Caricaturale, comme d'habitude ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous ne voulez pas du logement social et vous l'avez dit. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Estrosi.

Oh, non ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Si, vous avez employé cette formule !

M. Alain Cacheux.

Exactement, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

La formule, je l'ai notée !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. Christian Estrosi.

Monsieur le ministre, puis-je vous interrompre ?

M. le président.

Monsieur le ministre, acceptez-vous d'accéder à la demande de M. Estrosi, qui souhaite vous interrompre ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Volontiers.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le ministre, vous saluez ma franchise, et je vous en remercie. Mais je n'ai pas le souvenir, et nous pouvons nous référer au compte rendu intégral de nos débats, de m'être opposé un seul instant au logement social.

Mme Odile Saugues.

Au logement social chez les autres !

M. Christian Estrosi.

C'est précisément parce que je suis l'élu d'une des circonscriptions de France qui compte le plus de logements sociaux que j'ai insisté sur la nécessité d'humaniser ce type d'habitat afin de le rendre plus agréable à vivre. Je ne voudrais pas que vous fassiez une autre interprétation de mes propos et je vous remercie de les intégrer comme tel, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur le ministre, veuillez poursuivre.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vous ai bien écouté, monsieur le député, et vous avez indiqué qu'il ne fallait pas davantage de logement social locatif.

M. Christian Estrosi.

Bien sûr, mais là où il y en a trop ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Certes. Mais chez vous il n'y en a pas assez !

M. Christian Estrosi.

C'est faux !

M. le président.

Messieurs, je vous suggère de ne pas engager de dialogue.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur Estrosi, tout le monde a entendu.

M. le président.

Monsieur le ministre, ne vous prêtez pas à ce jeu !

M. Christian Estrosi.

Il y a 35 % de logements sociaux dans ma circonscription !

M. Alain Cacheux et Mme Odile Saugues.

Il n'y en a pas à Nice !

M. Francis Delattre.

A Nice aussi, il y a des gens modestes !

M. Alain Cacheux.

Que vous cherchez à faire partir !

M. Christian Estrosi.

Et ces gens modestes votent pour moi !

M. le président.

Mes chers collègues, écoutons le ministre, s'il vous plaît.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

A Nice, comme partout en France, il y a des gens très modestes, des salariés, qui ont besoin, à un moment donné, de pouvoir accéder au logement social locatif. Or ce droit, vous le leur refusez ; vous l'avez dit très clairement. Personne ne s'y est trompé. Je vous ai d'ailleurs félicité pour l'honnêteté de votre propos.

Mesdames, messieurs, plus qu'un habitat subi, c'est un habitat choisi que nous voulons. Il ne s'agit pas d'enfermer à vie et sur un seul lieu les salariés, les citoyens dans tel ou tel type d'habitat. Bien sûr, nous sommes fiers du logement social. Notre société ne peut que s'en honorer car il a permis et permettra encore à une majorité de nos compatriotes de vivre dans des logements décents. A cet égard, n'oublions pas ce que nous entendons dans nos permanences. Combien d'audiences sur le thème de la demande de logement ! N'oublions pas surtout ce qui se fait d'ores et déjà, avant même le vote de cette loi, en matière de logement social. On ne construit plus de barres ni de tours. Et l'on évite la massification dont plus personne ne veut.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Bien sûr !

M. Francis Delattre.

Alors, il ne faut pas prendre les outils que vous prévoyez dans ce texte ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Aujourd'hui, dans le cadre de chaque opération, il se construit en moyenne une trentaine de logements en province et entre quarante et cinquante en région parisienne. Et nous nous sommes engagés dans une démarche de financement de reconstruction-démolition pour certains programmes. Le fait que nous ayons prévu le rattrapage en logement social sur vingt ans montre bien que nous sommes attachés à un certain type de construction et que nous ne voulons plus de tours et de barres. C'est ce qu'implique ce projet de loi.

M. Francis Delattre.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Dire le contraire, c'est tricher avec la réalité !

M. Alain Cacheux.

Très juste, monsieur le ministre !

Mme Odile Saugues.

La droite n'a rien compris à ce texte !

M. Daniel Vachez.

Cela fait si longtemps qu'ils n'ont pas construit de logements sociaux qu'ils ne savent plus ce que c'est ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mesdames, messieurs, nous ne pourrons pas travailler sérieusement sur ce projet si nous n'abandonnons pas les fantasmes dont certains se nourrissent pour éviter de dire la vérité. La vérité, c'est que certains ne veulent pas de « pauvres » chez eux. Eh bien moi, je suis


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contre l'identification que certains répètent avec délectation : logement social égale pauvres, égale immigrés, égale insécurité.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est votre texte qui va y conduire ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il faut en finir avec cette identification quand 75 % de la population française sont éligibles au logement social locatif.

Sur la densification, les choses sont claires. Nous disons non à la surconcentration, et oui, à une ville, à une vraie ville faite d'espaces publics, de rues, d'équipements publics de proximité. Nous disons donc également non au tout automobile et oui à la complémentarité des modes adaptés aux différentes situations. Là encore, il faut s'arrêter de jouer sur des fantasmes.

Le développement durable impose aussi une protection des espaces agricoles et naturels. La campagne doit vivre, et il faut s'atteler à son développement. L'effort du Gouvernement va dans ce sens. Le débat va permettre de le préciser.

Quelques mots sur les déplacements. Je note en ce domaine l'existence d'un très large consensus sur l'intérêt des propositions et leurs modalités, et sur la nécessité d'accorder une forte priorité aux transports collectifs. En fait, vous souhaitez tous développer la qualité de la vie en ville pour nos concitoyens. Bien sûr, certains voudraient encore plus de dispositifs financiers - je reviendrai sur la TIPP. Mais, globalement, vous avez salué les efforts consentis par le Gouvernement depuis maintenant plusieurs années. J'ai d'ores et déjà annoncé une mesure importante hier. Sachez qu'il y aura sûrement encore d'autres ajustements et je suis sûr que nous trouverons ensemble les propositions adéquates.

M. Alain Cacheux Vous faites preuve d'esprit d'ouverture : c'est bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Destot a évoqué la politique du stationnement et notamment la dépénalisation. La question est effectivement posée depuis plusieurs mois. Il s'agit là d'une réforme profonde. Nos objectifs visent à instaurer une meilleure gestion de l'espace public, notamment des places des stationnement, à inciter les automobilistes à payer réellement leurs redevances de voirie et à moduler ces redevances en fonction de l'agglomération. En un mot, nous recherchons une plus grande efficacité d'intervention des élus et une meilleure association des usagers à la politique de stationnement.

Mais une telle réforme introduirait une véritable rupture par rapport à nos pratiques et à notre droit administratif. De multiples questions se posent, en effet. Comment tenir compte du pouvoir de police des maires ? Quelles procédures mettre en place pour garantir un recouvrement efficace dès lors que n'interviendrait plus la procédure pénale ? Surtout, comment passer d'un système que chacun connaît à un nouveau dispositif qui afficherait clairement le changement de règles du jeu et la nécessité pour chacun de s'acquitter de ses droits de stationnement ? En définitive, à l'issue d'un débat très approfondi au sein du Gouvernement et entre ministres, il nous a semblé que l'ensemble des problèmes posés par cette réforme n'avait pas encore trouvé toutes leurs solutions et qu'il fallait poursuivre la réflexion. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Néanmoins, pour satisfaire un grand nombre d'entre vous, le Gouvernement a souhaité avancer sur le terrain de la gestion du stationnement et de l'utilisation du produit des amendes de police.

Ainsi, deux dispositions ont complété l'avant-projet de loi. D'abord un amendement du Gouvernement sur la gestion du stationnement payant sur voirie permettra de faire évoluer les pratiques. Dans le cadre des prescriptions du PDU, le stationnement sur voirie constituera un outil de gestion des déplacements dans le cadre de l'agglomération. Cette gestion pourra être transférée, dès lors que les communes en seront d'accord, à l'autorité organisatrice compétente pour les transports publics, à la communauté d'agglomération ou à la communauté urbaine. Par ailleurs, j'ai annoncé des mesures d'accompagnement financières qui seront intégrées au projet de loi de finances de l'an prochain : un milliard de francs supplémentaire pour les transports en commun. Il s'agit là d'une marge de souplesse sur le produit des amendes de police de voirie qui, par la voie budgétaire, peut ainsi retourner à la politique des déplacements. Bien entendu, le produit des amendes de police, actuellement redistribué entre les communes, les départements et le STP - soit deux milliards de francs environ - n'est pas touché par la mesure annoncée.

Je répondrai à M. Daubresse que je suis tout à fait d'accord pour prendre le pari de l'intelligence et faire preuve d'esprit de responsabilité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention son intervention et j'ai bien entendu que nous partageons le constat de la situation et les objectifs à atteindre. C'est déjà bien, même si M. Daubresse diverge sur la méthode proposée.

Cette attitude est d'ailleurs conforme à ce que j'ai retenu de toutes les conversations que j'ai eues à propos de ce texte avec des élus appartenant à la même sensibilité que M. Daubresse. Comme je l'ai dit hier, j'ai particulièrement apprécié les débats que j'ai menés sur ces thèmes à Lyon et Perpignan. Nous retrouvons là la même démarche. J'ai bien noté que l'UDF subordonne son vote final à la prise en compte de ses propositions. Toutes seront attentivement étudiées.

M. Jean-Marc Nudant.

Encore heureux !

M. Francis Delattre.

Cela va de soi ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Comme M. Bouvard et de nombreux autres orateurs, M. Daubresse a souligné le caractère consensuel de la généralisation de l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires régionaux de voyageurs.

Cette mesure s'inscrit dans une logique de continuité qui va dans le sens d'un aboutissement, puisque l'expérience est positive pour tout le monde : la SNCF, les régions concernées et, bien entendu, les usagers.

M. Alain Cacheux.

Absolument ! Nous l'avons constaté dans le Nord Pas-de-Calais ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

En proposant que l'expérience soit généralisée au 1er janvier 2002 pour toutes les régions, nous intégrons, je crois, la préoccupation exprimée par plusieurs d'entre vous - M. Filleul et M. Biessy, notamment. Ils sont aussi intervenus pour faire part de leur souci s'agissant de l'unicité de l'ensemble du réseau et du transfert des ressources et des compétences avec les nouvelles règles du jeu. Je me félicite d'ailleurs, monsieur Filleul, que le comité du service public ferroviaire ait pris position sur ce projet de loi dans les termes que vous avez cités.


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M. Alain Cacheux.

M. Filleul a enrichi le texte ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Pour en venir aux PDU, certains craignent qu'ils ne soient trop contraignants, intervenant trop dans le détail, privant le gestionnaire de la voirie de toute marge d'initiative. Je rappelle que c'est la loi sur l'air de 1996 qui a introduit cette subordination du gestionnaire de la voirie, ou de l'autorité de police aux plans de déplacements urbains, puisque leurs décisions doivent être

« compatibles ou rendues compatibles » avec le PDU.

Le projet de loi qui vous est proposé conforte de fait le rôle du PDU, mais d'abord en ce sens qu'il ajoute un contenu nouveau à celui-ci, principalement en matière de sécurité, de transport de marchandises et de stationnement. L'objectif du PDU n'est pas, sauf si nécessaire dans tel ou tel cas particulier, d'aller dans le détail. Ainsi, pour le stationnement payant le texte indique que le PDU fixe les « zones », laissant au gestionnaire le choix des voies et des emplacements.

A cet égard, je suis tout à fait d'accord avec l'idée avancée par Mme Saugues, et plusieurs intervenants, selon laquelle il fait aider à la création de parcs de stationnement de rabattement à proximité des gares et à l'entrée des villes, pour favoriser l'utilisation des transports en commun.

Enfin, M. Daubresse a indiqué que la déclaration d'urgence empêcherait que la discussion de ce texte soit un grand moment de démocratie. Je crois, quant à moi, que toutes les discussions qui ont précédé l'ouverture de ce débat, les différentes expérimentations menées et les dispositions existantes montrent que nous pouvons aujourd'hui avancer.

En tout état de cause, il n'est pas bon d'avoir une idée trop schématique de la question, car, si l'urgence également a été déclarée, c'est pour que les futures équipes municipales puissent disposer de bases législatives claires pour la réalisation de leurs projets. D'ailleurs, c'était aussi une demande des professionnels du transport - en particulier le GART -, qui souhaitaient que, sur ces questions, nous avançions vite.

Monsieur Marchand, il n'est pas nécessaire de faire durer indéfiniment les débats pour aboutir à des textes efficaces. Il s'agit plutôt d'aborder les débats dans une démarche de travail démocratique et constructif, que même la déclaration d'urgence permet. J'ai noté du reste avec satisfaction que vous partagiez les objectifs du Gouvernement en matière de déplacements.

M. Michel Bouvard a regretté l'absence de financements pour les transports collectifs urbains. Permettezmoi tout d'abord de rappeler que, depuis 1997, les crédits de l'Etat affectés aux transports de province ont progressé de 37 %. Et j'ai annoncé hier que je venais d'obtenir 1 milliard de francs supplémentaire par an pour les transports collectifs, ce qui correspond, depuis notre arrivée au gouvernement, à un quasi-doublement des crédits de l'Etat en faveur des transports collectifs.

M. Filleul, M. Poignant, M. Biessy, M. Daubresse, notamment ont évoqué la création d'un fonds alimenté par des centimes de TIPP.

En annonçant hier ce milliard de francs supplémentaire, j'ai indiqué que le Gouvernement était sensible au développement durable des transports collectifs.

Votre question est plus largement celle du financement des transports publics, qu'ils soient routiers ou ferroviaires, urbains ou non urbains. A cet égard, vous en conviendrez, le projet de loi apporte des solutions qui s'ajoutent à celles qui ont déjà été retenues : le versement transport additionnel pour les futurs syndicats mixtes qui interviendront sur des aides à dominante urbaine ; les moyens budgétaires supplémentaires qui seront dégagés pour la régionalisation du transport ferroviaire, l'année du transfert. La décision en a déjà été prise et elle n'est pas négligeable, puisqu'il a été décidé de combler le déficit du domaine des services régionaux de voyageurs de la SNCF et de doter les régions d'une enveloppe permettant de renouveler le matériel roulant.

Je rappelle également la décision par laquelle les fonds d'épargne pourront être mobilisés, à côté d'autres usages , dans le financement par les autorités organisatrices des transports urbains et régionaux.

Quant à la TIPP, elle revient de manière lancinante chaque fois que l'on parle de financement de transports collectifs et d'infrastructures. J'y suis moi-même sensible, mais reconnaissons que le Gouvernement a su apporter des réponses concrètes et opérationnelles.

M. Destot a évoqué la question du financement des grandes infrastructures. Les progrès accomplis depuis trois ans dans ce domaine ne sont pas négligeables. Ainsi, le montant des contrats de plan et des projets contractualisés représentera, dans le seul domaine ferroviaire et routier pour la durée du XIIe Plan, plus de 40 milliards de francs.

M. Michel Bouvard.

On va donc terminer l'A 51 ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Les ressources du FITTVN - j'ai entendu que l'on voulait encore élargir son intervention - seront mobilisées pour le financement des infrastructures, ce qui permettra de doubler les crédits affectés au ferroviaire. Il faut y ajouter toutes les mesures dont je viens de parler.

Je partage aussi le point de vue de M. Destot selon lequel, dans les grandes agglomérations, le financement d es infrastructures importantes n'est pas pleinement résolu. Les coûts y sont effectivement beaucoup plus élevés en raison de l'urbanisation et de la nécessité de lutter contre les nuisances. Je citerai en particulier les difficultés que nous rencontrons pour boucler certaines grandes rocades de la région parisienne, notamment.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Les exemples de villes étrangères qui ont été invoqués ouvrent des perspectives de régulation dans certaines zones, les centres-villes notamment, ou pour certaines voiries. On ne peut effectivement ignorer ce qui se passe ailleurs pour s'en inspirer, éventuellement, si les solutions retenues sont reproductibles dans notre pays.

Dans le projet de loi, nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de réguler la circulation automobile en agglomération. Certains estiment que l'on doit aller plus loin.

Sans doute, mais il ne faut pas croire que l'on pourra modifier tous les comportements du jour au lendemain.

Nous devons travailler sur la durée, en créant les conditions de la réussite.

M. Destot considère également qu'il faut rechercher des solutions qui permettent à la fois de mieux réguler la circulation automobile et de concourir au financement des grandes infrastructures. Il a évoqué un « financement mutualisé des grandes infrastructures », ce que l'on appelle plus communément une redevance d'usage ou une redevance de zone.


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Il propose d'ailleurs que de tels dispositifs puissent faire l'objet d'expérimentations dans de très grandes agglomérations, au moins 300 000 habitants. Une telle méthode me paraît intéressante.

M. Alain Cacheux.

Tout à fait ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Cela correspond à une pratique un peu nouvelle de la démocratie. Pourquoi pas une expérimentation, puisqu'il y a matière à expérimenter ?

M. Alain Cacheux.

Pourquoi pas, en effet ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Qu'il s'agisse de l'utilisation des titres multimodaux, de la monnaie électronique, de la question des déplacements entre le domicile et le lieu de travail, il va de soi que les salariés qui utiliseraient les voiries soumises à des redevances ne devraient pas être pénalisés. Il faudra également veiller à l'efficacité de telles dispositions sur la régulation de la circulation automobile et le développement du transport en commun.

Si des propositions concrètes sont faites en ce sens par voie d'amendement elles seront examinées dans un esprit positif.

M. Alain Cacheux.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les observations que je tenais à formuler sur les questions concernant les déplacements, mais la discussion sur les articles nous permettra, si nécessaire, de préciser encore les choses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Cacheux.

Intervention d'ouverture ! Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, suffirait-il d'un titre - « relatif à la solidarité et au renouvellement urbains » pour emporter la pertinence à plagier, à caricaturer la loi d'orientation sur la ville de M. Delebarre, et à mettre à bas l'esprit des lois de décentralisation de M. Defferre ? En matière urbaine, au temps où « l'Etat était le garant de la solidarité », comme l'indique l'exposé des motifs, il n'a jamais construit d'ensembles aussi harmonieux que les cités des 4 000 à la Courneuve, des Minguettes à Vénissieux, des Lochères à Sarcelles, du Franc-Moisin à SaintDenis, de Pissevin à Nîmes, entre autres.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je les connais presque aussi bien que M. Dauge.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce n'était pas nous !

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'était le maire de Paris, vous le savez bien !

M. Daniel Marcovitch.

Oui, c'était le maire de Paris !

M. Francis Delattre.

A l'époque, mes chers collègues, il n'y avait pas de maire à Paris. La décision relevait des préfets. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. André Lajoinie, président de la commission.

Le maire d e Paris de l'époque est l'actuel Président de la République !

M. Francis Delattre.

Pas du tout ! Il a été maire pendant dix-huit ans après la création du statut actuel de Paris. Or, vous le savez ces constructions remontent à plus de vingt ans et, à l'époque la capitale était gérée par les préfets, donc par l'Etat.

M. Daniel Marcovitch.

A l'époque, l'Etat a été dirigé par de Gaulle puis par Pompidou !

M. Francis Delattre.

Les besoins quantitatifs pouvaient justifier certaines erreurs.

M. le président.

Ne nous égarons pas, mes chers collègues.

M. Francis Delattre.

Aujourd'hui ces erreurs sont derrière nous. En tout cas les circonstances ne sont plus les mêmes. Or je dois vous dire, à regret, mes chers collègues de gauche, que ce texte est tout de même empreint d'une certaine nostalgie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Henri Plagnol.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

Pas du tout !

Mme Janine Jambu.

C'est vous le nostalgique !

M. Francis Delattre.

Il est marqué par la nostalgie des cités Gagarine, au fond de toutes les avenues Lénine,...

M. Jean-Louis Dumont.

Que grands hommes !

M. Francis Delattre.

... que nous avons vu fleurir à une certaine époque. Que vous le vouliez ou non, nombre d'entre vous étaient au coeur de ces réalisations puisqu'ils les ont gérées.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. André Lajoinie, président de la commission.

On ne les a pas gérées ! On en a hérité !

M. Francis Delattre.

Vous les avez bien gérées politiquement !

Mme Muguette Jacquaint.

On nous les a imposées !

Mme Janine Jambu.

Bien sûr !

M. Francis Delattre.

C'est ce que vous dites, bien sûr ; en réalité, vous les avez gérées !

Mme Janine Jambu.

Mais non !

M. André Lajoinie, président de la commission.

On n'allait tout de même pas les démolir !

Mme Muguette Jacquaint.

Ne mentez pas, monsieur Delattre !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler l'orateur.

M. Francis Delattre.

Quand on gère une ville depuis plus de quarante années, on a quand même quelques responsabilités dans le visage qu'elle a ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Provocateur !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues, s'il vous plaît ! Le débat n'est commencé que depuis dix ou onze heures. Vous aurez encore de nombreuses heures pour vous exprimer. Chacun en aura la possibilité, mais pour l'instant seul M. Delattre a la parole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. Francis Delattre.

C'est le projet qui est provocateur.

Il constitue surtout un texte d'une autre époque car, malgré toutes vos dénégations, la réalité est claire : nous assistons à un retour de la densification, de la recentralisation, des contraintes pour les élus, de l'arbitraire et des sanctions ! Voilà l'essentiel de ce que vous voulez gommer en essayant de faire croire qu'il y a un discours relativement unanime. Or tel n'est pas du tout le cas, messieurs les ministres.

Cet hymne au grand retour de l'Etat pour composer nos villes de demain, au nom bien sûr des grands principes de solidarité et de démocratie, vient encore un peu trop tôt pour que l'on ait oublié tous les efforts que les élus de terrain, quelle que soit leur tendance d'ailleurs, ont dû consentir au cours des vingt dernières années pour réparer les dégâts de l'ancien Etat, piètre architecte de nos banlieues.

Je suis maire d'une commune qui a été dirigée auparavant par vos amis et qui côtoie la Seine-Saint-Denis.

M. Daniel Marcovitch.

Quelle horreur ! (Sourires.)

M. Francis Delattre.

En vingt ou vingt-cinq années, des progrès considérables ont été réalisés grâce à la d écentralisation qui a permis de donner de véritables responsabilités à tous les élus.

M. Henri Plagnol.

Evidemment !

M. Daniel Marcovitch.

Grâce à Gaston Defferre que vous avez combattu à l'époque !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est vrai depuis que le département de la Seine-Saint-Denis existe ! Avant, c'était la ville de Paris qui construisait les grands ensembles !

M. Francis Delattre.

On peut même affirmer qu'ils ont été plus importants en région parisienne qu'ailleurs.

Dans ces conditions, vouloir instaurer un système qui revient sur la responsabilité des élus est un non-sens historique.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Francis Delattre.

L'idée forte de la première partie du projet serait de favoriser la mixité, mais je n'y ai trouvé aucune mesure concrète propre à l'assurer dans les villes qui sont vraiment en difficulté...

M. Daniel Marcovitch.

Des dispositions ont été votées dans la loi de finances !

M. Francis Delattre.

... dont l'habitat est aujourd'hui constitué pour plus de 50 % de HLM et dans lesquelles se manifeste surtout le malaise urbain engendré par la ségrégation. C'est là, en effet, que se situe l'apartheid social dont vous parlez. D'ailleurs le reconnaître revient à souligner vos responsabilités, souvent très anciennes.

L'actualité nous prouve que ce ne sont pas les habitants des villes visées par l'obligation de construire des HLM et par l'étude d'impact qui connaissent le « malvivre ». Il s'agit probablement d'une injustice que vous essayez de réparer en imposant un système compliqué qui est discriminant.

Il convient certes de s'occuper des villes qui ont effectivement un taux de logements sociaux inférieur à 20 % : mais que proposez-vous pour toutes les autres, qui connaissent vraiment de grandes difficultés, celles pour lesquelles votre propre diagnostic constate un approfondissement des inégalités sociales pouvant conduire à remettre en cause le lien social et les bases du contrat républicain ? Nous sommes d'accord avec le constat, mais quels moyens envisagez-vous de mettre en oeuvre ? Il ne s'agit pas de parler des problèmes à l'imparfait du subjonctif : ils sont là, au coeur de l'actualité. Que prévoit donc votre texte à cet égard, monsieur le ministre Gayssot, vous qui connaissez bien ces questions ? Rien ou plutôt, à vrai dire si : quelques mesures techniques, souvent sournoises, et qui, sous couvert d'économie de l'espace, vont, que vous le vouliez ou non, remettre à la mode tours et barres.

Il va d'ailleurs falloir que vous nous expliquiez pourquoi, alors que l'un des principes de votre texte serait, selon vous, de limiter l'espace urbain ou à urbaniser vous voulez supprimer tout ce qui était dissuasif, c'est-àdire le plafond légal de densité et le coefficient d'occupation des sols qui était la référence absolue. L'addition de ces trois décisions ne peut qu'engendrer dans les villes où l'on va limiter l'espace urbanisé le grand retour du vertical et de son pendant naturel, l'habitat collectif dense.

Vous avez beau affirmer que telles ne sont pas vos intentions, le dispositif que vous mettez en place aboutira malheureusement à ce résultat.

Le grand hiatus des orientations de votre texte est totalement à contre-courant de ce que souhaitent les Français, qui aspirent, très majoritairement, à un habitat individualisé et à la propriété de leurs logements. Le succès, que vous connaissez, du prêt à taux zéro l'avait parfaitement illustré.

Sur ces deux points, votre projet est un vrai contresens, mais cela est assez normal puisqu'il est largement l'expression d'une idéologie dans laquelle se reconnaissent de moins en moins de Français. Il semble même, au vu du début de la discussion qui a montré que nos collègues Verts s'en désintéressaient totalement et s'en désolidarisaient, que ce texte soit le prix à payer à l'ancienne union PC-PS.

Venons-en aux objectifs que vous affichez.

Le premier est de définir un meilleur équilibre des agglomérations. Pour ce faire, vous remplacez les SDAU par des schémas de cohérence territoriale porteurs d'une stratégie globale. Cependant, vous imposez en même t emps un contingent de logements sociaux aux communes, individuellement, et non à l'agglomération qui aura pourtant, souvent, dans les nouvelles structures que nous mettons en place, compétence en matière de logement. Sur ce point précis, je voudrais que vous m'expliquiez où est la cohérence ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Cela ne ressemble guère à une demande de renvoi en commission !

M. Francis Delattre.

Pensez-vous, en l'an 2000, messieurs les ministres, établir un meilleur équilibre des agglomérations - objectif que nous partageons - en imposant des quotas et en menaçant de sanctions financières ? Ne serait-il pas plus judicieux de s'interroger sur la réalité des blocages qui rendent difficile et parfois impossible l'implantation de logements sociaux dans certaines communes et, surtout, dans les centres-villes ? Tout élu, monsieur Gayssot, sait que le principal blocage en la matière n'est pas celui que vous avancez depuis le début de la discussion générale, mais le prix des terrains à bâtir. Or vous ne vous proposez rien dans ce texte pour contourner cette difficulté. Pourtant chacun sait que, pour le financement globalisé d'un logement HLM, le financeur demande un équilibre du plan de financement par les loyers. Comme la plupart des projets dans les villes concernées ou dans les centres-villes sont obérés par les surcoûts fonciers, ils n'aboutissent pas. Le bon outil serait celui qui lèverait les handicaps au lieu de taxer


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les habitants de certaines communes. En effet, vous avez beau dire que ces villes paieront, ce seront en fait leurs habitants qui seront pénalisés. Or quel tort ont-ils eu sinon celui de vivre et d'habiter là plutôt qu'ailleurs ? Il est vrai qu'établir des listes de villes mauvaises citoyennes, sinon ségrégationnistes, permet d'armer un bras idéologique et d'organiser des clivages souvent artificiels suivant une rhétorique bien connue et éprouvée. Il y aurait ainsi - si j'en crois la discussion d'hier - des ghettos de riches et des ghettos de pauvres, dirigés les uns par d'affreux conservateurs égoïstes - le mot a été prononcé hier - et les autres par des femmes et des hommes forcément touchés par la grâce et la lumière de la générosité.

M. Henri Plagnol.

Excellent !

M. Francis Delattre.

Pour nous, il n'y a ni villes de pauvres ni villes de riches ; il y a simplement des villes qui doivent être hospitalières pour tous.

Le deuxième objectif du texte est de réussir la mixité urbaine. Il est évidemment partagé sur tous ces bancs.

A ce sujet, vous affirmez qu'il n'y aurait ni mixité sociale et urbaine, ni équilibre social là où il y a peu ou pas de logements sociaux. Mais que faites-vous pour toutes ces agglomérations dotées de 50 à 85 % de logements sociaux, justement celles en crise aiguë de ségrégation ? Allez-vous prendre des mesures, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, pour imposer dans ces villes une offre différenciée de logements de façon à y établir, là aussi, la mixité ? C'est une tromperie d'écrire dans l'exposé des motifs que la référence à la loi d'orientation qui, elle, se situait dans une perspective pédagogique de persuasion et d'incitation, contrairement à celle d'aujourd'hui, est empreinte de contraintes étatiques. Pour avoir participé à sa discussion, il y a une dizaine d'années, avec M. Delebarre, je sais qu'il a accepté certains de nos amendements au point que ce texte est aujourd'hui une référence pour beaucoup d'entre nous. Je crains fort que celui-ci ne suive pas le même chemin.

C royez-vous sérieusement que l'on va pouvoir contraindre, d'un bureau parisien, la ville de Chamalières - 18 115 habitants - à construire 1 464 logements HLM en vingt ans soit 220 en trois ans. Est-ce réaliste ? Cela correspond-il à la réalité des besoins et au bonheur de ses habitants ? Dans la réalité, toutes les villes qui connaîtront cette situation seront frappées d'une nouvelle contribution annuelle, une sorte de sanction, pour ne pas avoir à connaître les émeutes du samedi soir, telles qu'on les c élèbre à Nanterre, à Vaux-en-Velin, à Epinay et ailleurs,...

M. le ministre délégué à la ville.

C'est honteux !

M. Francis Delattre.

... tous lieux qui ne sont pas concernés par votre projet et dont tout le monde sait quels exemples ils constituent en matière de mixité sociale.

En vérité, c'est dans ces villes, dans ces quartiers, qu'il conviendrait, en priorité, de rétablir la mixité en rendant possible le côtoiement de l'ensemble des couches sociales, en y introduisant une meilleure mixité entre emploi et logement, en y affectant, pour la sécurité, des policiers chevronnés plutôt que des ADS formés en six semaines, en instaurant une offre de scolarisation et de formation différenciée et mieux adaptée aux populations concernées.

Je souligne, puisque le ministre de la ville est présent, qu'il s'agit aussi d'une discussion sur la politique de la ville.

Un projet se limitant à déréguler des règles d'urbanisme reconnues pour mieux restreindre les libertés communales, et à imposer un quota de logements HLM à certaines villes est pour le moins réducteur, handicapant par rapport aux objectifs affichés, sur lesquels nous sommes d'accord, d'une rénovation du cadre juridique des politiques d'aménagement de l'espace.

Troisième objectif :...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Quel objectif ? Le renvoi ?

M. Francis Delattre.

... assurer une offre d'habitat diversifiée et de qualité. Là-dessus encore, nous sommes d'accord.

M. André Lajoinie, président de la commission.

Ce n'est pas une motion de renvoi en commission !

M. Francis Delattre.

Vous avez pourtant vu dans quelles conditions nous avons travaillé en commission !

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'est un détournement de procédure !

M. Francis Delattre.

Vous parlez en expert, monsieur le président de la commission !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est la première fois qu'on voit cela ! (Sourires.)

M. Pierre Cardo.

Il a suivi des exemples en la matière !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Vous n'avez même pas encore prononcé le mot renvoi !

M. le président.

Mes chers collègues, nous connaissons tous l'usage de ces motions de procédures...

M. Francis Delattre.

Vous êtes expert, monsieur le président Lajoinie, et dans l'utilisation des trois motions !

M. le président.

Mieux vaut donc laisser M. Delattre poursuivre son propos, sans engager de débat.

M. Francis Delattre.

Mais ce n'est pas fini ! Il y a près de 2 000 amendements sur ce texte, nous n'allons pas nous quitter comme ça ! J'ai tout de même l'impression que ce n'est pas inutile !

M. le président.

Monsieur Delattre, ne vous laissez pas entraîner dans ces débats individuels...

M. Pierre Cardo.

Restons sur le sujet !

M. le président.

... et terminez votre propos.

M. le ministre délégué à la ville.

Oui, terminez, ce serait pas mal !

M. Francis Delattre.

Je vantais le troisième objectif du projet de loi de M. Gayssot : assurer une offre d'habitat diversifiée et de qualité. Pourquoi pas ? Nous en sommes tous d'accord ! Il est pourtant regrettable que ce noble objectif ne soit assigné qu'aux villes disposant d'un parc HLM inférieur à 20 %. Il serait pour le moins opportun d'engager une politique vigoureuse de mixité de l'habitat dans les villes dont le parc immobilier est majoritairement constitué d'HLM. Là est le côté un peu hémiplégique (Sourires) de votre projet, que nous dénonçons et auquel nous proposons de remédier.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, êtesvous d'accord pour faire enfin sauter tous les verrous qui empêchent la loi Méhaignerie, qui devrait faciliter l'accession à la propriété par les occupants de logements locatifs, de devenir véritablement opérationnelle ? Si vous


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voulez réintroduire la mixité dans les villes qui comptent plus de 50 % de logements sociaux, il va vous falloir prendre des dispositions concrètes ; en voilà justement une que l'opposition vous propose. Entendez-vous la reprendre ? De même, êtes-vous prêt à imposer pour les nouvelles constructions une mixité entre la location et l'accession à la propriété dans les communes qui justement souffrent le plus du manque de mixité sociale ? Etes-vous prêt à donner aux communes qui sont plus à même de le faire de réels moyens pour modifier la conception même de certains grands ensembles urbains ? Vous osez écrire que ce projet va rendre les politiques d'urbanisme plus claires et démocratiques ! Outre le fait qu'il consiste à plus de 80 % en une mauvaise réécriture des textes existants, les innovations tendent pour l'essentiel, mes chers collègues maires, à vider le contenu des plans d'occupation des sols en inventant ce que l'on appellera désormais les PLU.

Après vingt ans d'utilisation, l'appellation POS et sa signification sont aujourd'hui bien établies. Les POS sont des documents opposables aux tiers et constituent de par leur règlement précis, détaillé, exposant les possiblités d'utilisation des sols, la meilleure garantie de transparence pour le citoyen.

En supprimant la notion essentielle de coefficient d'occupation des sols qui traduit les possibilités d'urbanisation d'une parcelle de terrain, au profit d'un concept plus flou, non normatif, sous prétexte de lever des rigidités urbanistiques, vous ouvrez, mon collègue Daubresse l'a fort bien démontré ce matin, la porte à l'insécurité juridique, tant pour les administrés que pour les maires qui délivreront les permis de construire.

Vous vous êtes flatté, monsieur le ministre, de toutes les concertations que vous avez menées avec les grandes associations d'élus. Pourtant, toutes celles que je connais, à commencer par l'AMF, se plaignent du manque de concertation sur ce projet. L'AMF justement demande avec insistance le maintien des prescriptions aujourd'hui obligatoires dans les POS concernant la détermination et l'affectation des sols, ainsi que la définition de règles régissant le droit d'implanter des constructions, leur destination et leur nature.

Si ces prescriptions n'étaient pas maintenues, sur quelles bases objectives pourraient se fonder la délivrance ou le refus d'octroyer un permis de construire ? Tous les responsables qui siègent ici devraient s'en préoccuper.

Cette matière, que nous savons tous, éminemment contentieuse, ne peut s'accommoder d'une quelconque subjectivité. Comme vous-même l'écrivez, le droit doit être lisible. En l'occurrence, vous faites l'inverse.

Pour ce qui concerne les schémas de cohérence territoriale qui devraient se substituer aux SDAU, personne ne conteste ici l'utilité d'un document harmonisant et planifiant les grands équipements, l'habitat, et les déplacements à l'intérieur d'une même agglomération. Faute d'un réel soutien politique, les SDAU ont souvent davantage végété, moins du fait de l'insuffisance de leur contenu virtuel que d'une mise en oeuvre minimale, sans oublier, point souvent crucial, l'absence de structures intercommunales. Nous sommes d'accord sur ce constat.

Inclure désormais les équipements commerciaux dans les schémas de cohérence relève du bon sens. Si toutes les agglomérations de France pouvaient enfin se doter de tels schémas, votre texte aurait au moins le mérite de supprimer la loi Royer. Conçue pour réguler l'implantation des grandes surfaces, celle-ci n'aura pas servi à grand-chose ; la France compte aujourd'hui de deux à trois fois plus de grandes surfaces que ses voisins européens, l'Allemagne, l'Italie et l'Angleterre. De ce point de vue au moins, votre projet de loi ne serait pas inutile.

Il le serait encore moins si vous acceptiez une définition plus ouverte du logement social que la simple projection d'un critère formel quant au statut d'organisme propriétaire ou gérant. La définition étriquée du logement social - strictement HLM -, que vous retenez, ignore des réalités que la loi d'orientation sur la ville avait mieux appréhendées en prenant également en considération le nombre de bénéficiaires des allocations logement - grâce, déjà à cette époque, à un amendement de l'opposition...

Pour nous, l'accession sociale à la propriété relève aussi de cette définition et il serait sage, dans la mesure où vos références aux seuls acteurs du logement locatif aidé seraient maintenues, de permettre à ces derniers de conduire des programmes mixtes - locatifs et accession sociale à la propriété - dans des programmes immobiliers facilitant la mixité sociale, afin d'éviter de répéter à l'i nfini les erreurs du passé. Il semble que cette mesure de bon sens recueille un consensus. Mais, siégeant comme probablement beaucoup d'entre vous les conseils d'administration d'organismes HLM, nous ne voyons pas encore poindre ce début de possibilité. Pouvez-vous me répondre sur ce point précis, monsieur le secrétaire d'Etat au logement ? Quels organismes vont pouvoir s'engager dans des projets immobiliers de mixité ? La dernière partie enfin de votre projet, relative aux transports en commun, devrait, de l'avis de beaucoup, faire l'objet, d'une loi distincte, il s'agit tout de même de modifier le régime existant des transports en commun en Ile-de-France et de transférer l'exploitation de certaines lignes SNCF aux régions.

Pour le moment, nos observations ne peuvent être que liminaires, en l'absence notamment d'un audit qui permettrait aux décideurs régionaux d'évaluer leurs futurs engagements, tant sur le plan des investissements que sur celui des déficits prévisibles des lignes transférées dont ils n'auraient pas la maîtrise tarifaire. Nous avons interrogé M. Gallois sur ce sujet en commission des finances voilà peu ; la fermeté avec laquelle il affirmait vouloir conserver, au nom de l'harmonie, la maîtrise des tarifs - ainsi que celle des sillons, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure - avait de quoi inquiéter... Mais nous voilà rassurés, monsieur le ministre, puisque c'est vous qui accorderez ou non des sillons. Tant que vous resterez ministre de la SNCF et des transports...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

De ce côté-là, c'est bon ! (Sourires.)

M. Francis Delattre.

... tout ira bien. Nous connaissons vos compétences, vous allez pouvoir agir. Mais le niveau ministériel est-il le lieu d'arbitrage idéal pour un problème aussi technique ? Qu'il s'agisse des transports en commun de la région Ile-de-France ou des services ferroviaires régionaux de voyageurs qui seront transférés aux régions, la réalité de ces responsabilités nouvelles dépendre de l'accompagnement financier. S'il s'agit d'un système de dotation de l'Etat, comme il est envisagé, les régions, fortes de l'expérience des lycées, savent désormais le processus qui les menace, puisque, à partir de 2002, la compensation sera constatée pour chaque région par arrêté conjoint des ministres de l'intérieur, du budget et des transports en fait, nous le savons tous, un arrêté du ministre du budget. Dès lors, il serait pour le moins sage de prévoir


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dès à présent indice de revalorisation à prendre en compte si nous voulons éviter aux régions de mauvaises surprises...

A nos yeux, si nous étions dans le cadre d'une réelle décentralisation, seule l'affectation d'une ressource nouvelle, calculée en points de TIPP par exemple, serait de nature à offrir des garanties sérieuses au transfert d'une compétence aussi lourde et à donner un sens à la décentralisation. Or, rappelons-le, nous sommes dans un processus de décentralisation des responsabilités, mais jamais des ressources. Chaque année voit une nouvelle négociation où chacun tend sa sébile à l'Etat, mais jamais celui-ci ne se défait d'aucune de ses ressources. Un transfert aussi consistant que celui des lignes régionales de la SNCF aux régions mériterait à mon sens une réflexion globale.

Il n'est pas non plus inutile de rappeler que l'article 53 de votre projet prévoit, en cas d'absence de convention ou de litige entre la région et la SNCF une procédure d'inscription d'office au budget de la région au profit cette dernière. La SNCF, s'apercevant que 70 % de son chiffre d'affaires se réalise en fait sur 4 000 kilomètres d'un réseau qui en compte 32 000, voit dans la conversion régionale l'opportunité de diversifier ses ressources et de répartir autrement la charge des déficits, car elle entend bien facturer ses prestations au strict prix de revient tout en gardant une totale autonomie de gestion.

C'est d'ailleurs une approche similaire - vous aussi êtes élu d'Ile-de-France, monsieur le ministre - qui bloque depuis vingt-quatre ans le transfert de la responsabilité des transports en commun à la région Ile-de-France.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est moi qui ai bloqué ?

M. Francis Delattre.

Non, pas vous...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ah, je préfère !

M. Francis Delattre.

Vous connaissez fort bien le projet, et encore mieux la revendication des élus d'Ile-deFrance toutes tendances confondues : c'est l'absence d'une véritable ressource propre à la hauteur des déficits qui a tout bloqué. C'est le point central : si le tranfert ne s'est pas fait, c'est parce qu'il supposait de pourvoir le budget des transports parisiens d'une dotation de l'Etat ; mais cela a justifié le maintien de la nomenklatura d'Etat, il n'y a pas d'autre mot, à tous les postes de décision du dispositif des transports en commun. Que demandent les élus de la région parisienne ? Non pas d'obtenir quelques postes minoritaires au conseil d'administration, mais bien d'exercer la pleine responsabilité. Et cela paraît d'autant plus urgent que, à entendre M. Gallois, l'état actuel du système de transports...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Pourquoi ne l'avez vous pas fait ?

M. Francis Delattre.

J'ai toujours lutté contre ! Mais vous savez bien ce que c'était que d'aller discuter au ministère des finances avec M. Fourcade à l'époque...

C'était assez difficile !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ça n'a pas changé !

M. Francis Delattre.

En effet, cela n'a pas changé.

Mais pourquoi persévérer dans l'erreur, monsieur le ministre ? Le résultat, mes collègues de province le savent moins, mais la SNCF elle-même le reconnaît, c'est que le fonctionnement des transports en commun de la région parisienne connaît un retard de plus de dix ans. Voilà ce à quoi a abouti le maintien de la responsabilité d'Etat dans la direction des transports en commun de la région parisienne.

La région Ile-de-France et l'ensemble des régions françaises, que l'on oppose trop souvent, et à tort, vont enfin de concert. Saurons-nous sur ce dossier des transports en commun régionaux débusquer les hypocrisies et exiger de l'Etat un réel transfert de ressources, à la hauteur des enjeux ? Une opération aussi lourde ne peut s'engager dans l'improvisation, en la raccordant artificiellement à un texte sur l'urbanisme et le logement. Un membre de votre majorité a dénoncé cette précipitation qui nuit à un travail sérieux. La séance publique se prête mal à de tels ajustements techniques qu'il conviendrait de travailler sereinement en commission - nous y voilà enfin ! Mon éminent collègue, M. Poujade, maire de Dijon, vous a indiqué que votre projet était à reconstruire pour avoir une chance de vivre. Vous auriez dû l'écouter. Nous vous proposons de le reconstruire en concertation ; à cet égard, le retour en commission nous paraît d'autant plus justifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le député Delattre, heureusement que vous avez eu cette dernière phrase, car j'en étais encore à me demander quel rapport avait votre intervention avec un renvoi en commission !

M. Pierre Cardo.

Il fallait suivre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je laisserai le soin, s'ils le souhaitent, au président de la commission ou au rapporteur de répondre sur le travail de la commission, mais puisque l'absence de concertation suffisante a été évoquée, je me contenterai, pour ne pas perdre de temps, d'énumérer tout ce que nous avons fait en la matière.

Il y a un an, nous étions à Orléans, dans le cadre des débats : « Habiter, se déplacer, vivre la ville », puis à Perpignan, à Lille, à Nîmes, à Dijon et à Lyon. Ces réunions se sont conclues par un débat de synthèse ouvert le 23 juin en présence du Premier ministre.

Après avoir été présenté au Conseil économique et social, le 1er juillet dernier, ce texte a été soumis à l'examen du Conseil d'Etat en décembre. Avec Louis Besson et Claude Bartolone, nous sommes allés devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale où nous avons répondu pendant plusieurs heures à toutes vos questions. Vous n'en faites pas partie, mais je crois savoir que cette réunion était ouverte à tous les députés. Par conséquent, monsieur Delattre, personne ne vous empêchait de vous y rendre.

Mme Janine Jambu.

C'est exact ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce projet de loi a également été présenté et discuté par Louis Besson et moi-même devant le Conseil national des transports, le Conseil supérieur du service public ferroviaire, l'association des régions de France, l'association des départements de France, les principales associations de locataires, les syndicats des salariés, le comité des finances locales.

M. Gilles Carrez.

La semaine dernière ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

J'ai du reste pu remarquer que vos liens avec l'ancien ministre, M. Fourcade, restaient assez distants !


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A diverses reprises, nous avons consulté bien entendu l'Association des maires de France, ses représentants ou collaborateurs.

Seuls ou ensemble, Louis Besson et moi-même avons encore consulté nombre d'associations et d'organismes. Le 2 septembre, nous avons rencontré la fédération nationale des sociétés coopératives HLM ; le 10 novembre, nous avons participé à la rencontre nationale des agences d'urbanisme.

Le 19 novembre, nous avons consulté les communautés urbaines de France à Dunkerque ; le 30 novembre, le Conseil national de l'habitat ; le 10 décembre, participé aux assises nationales du renouvellement urbain ; le 14 décembre, rencontré les associations des maires, des grandes villes de France, des villes moyennes de France et des villes de banlieues.

Nous avons également rencontré les représentants du GART, le bureau national de l'assemblée des districts et des communautés, le président de l'union nationale des fédérations d'office HLM et les présidents de ces fédérations, le président de la fédération nationale des promoteurs-constructeurs, l'assemblée des conseils économiques et sociaux régionaux de France, l'association des villes nouvelles, le président de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, l'Union nationale des associations familiales, la commission de décentralisation.

Je vous passe les rencontres que nous avons eues avec les architectes et les urbanistes,...

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et les préfets ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... et tout cela sur une période d'un an. Vous mesurez, mesdames, messieurs les députés, l'ampleur du travail de concertation et d'écoute dont je vous ai parlé tout à l'heure ; je vous demande par conséquent de rejeter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission.

L'article 91 de notre règlement prévoit en effet la possibilité d'un renvoi en commission d'un texte législatif dès lors que l'on considère que le travail sur le fond n'a pas été mené à son terme et dans de bonnes conditions.

M anifestement M. Delattre ignorait totalement cet article, puisqu'il n'y a fait aucune allusion dans son discours avant tout polémique. Il est du reste assez étrange qu'il ait défendu cette motion de renvoi alors qu'il n'est pas membre de la commission de la production et des échanges. De surcroît, comme l'a indiqué M. Gayssot, il aurait pu s'y exprimer à tout moment et y défendre des amendements ; or il ne l'a pas fait.

M. Pierre Cardo.

Il pouvait défendre la motion de renvoi, il l'a fait !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je parle du fond. Il s'agit manifestement d'une utilisation abusive du règlement.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ce que vous, vous n'avez jamais fait !

M. Francis Delattre.

Et vous parlez à un expert !

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'est, je le maintiens, une utilisation abusive. J'ajouterai que la c ommission a travaillé durant vingt-trois heures, y compris la nuit, puisque nous avons été contraints par le calendrier à accélérer nos travaux sur ce projet de loi.

M. Francis Delattre.

Mais que disent les Verts ?

M. André Lajoinie, président de la commission.

Nous avons examiné 1 400 amendements et nous continuerons à les étudier mardi prochain. On ne saurait prétendre que l'Assemblée nationale soit indifférente à ce projet de loi.

Nous avons retenu environ 300 amendements, dont quelques dizaines de l'opposition.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Un pour cent, quel effort !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Si vous aviez consulté vos collègues de l'opposition, monsieur Delattre, ils vous auraient au moins informé de ce qui s'était passé en commission.

C'est pourquoi je ne souhaite pas que l'Assemblée nationale adopte cette motion de renvoi parfaitement superfétatoire. Nous allons continuer à travailler et à examiner tous les amendements déposés avant la clôture de la discussion, et le rapporteur les présentera ici même, en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

J'ai été extrêmement surpris, et même choqué, que ce soit M. Delattre qui défende cette motion de renvoi en commission. Contrairement à lui, nombre de ses collègues de l'opposition ont participé au travail de celle-ci, pendant de longues heures, et ont déposé des amendements. M. Delattre n'a pourtant cité aucun d'entre eux, ignorant leur travail et ne faisant référence qu'à M. Poujade, qui lui-même n'a pas participé aux travaux de la commission. Je lui laisse la responsabilité de ce mépris envers ses collègues ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocrtie libérale et Indépendants.)

La commission m'a nommé rapporteur.

M. Francis Delattre.

Elle a eu tort ! Il y en avait sûrement de meilleurs !

M. Daniel Marcovitch.

Méprisable !

Mme Odile Saugues.

C'est petit !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Vous persistez dans le non-respect des personnes ! Au nom de la commission, j'ai remis un rapport dont le premier tome, de 370 pages, s'efforce d'éclairer l'Assemblée nationale sur le contenu de la loi. Le second tome, 320 pages, contient le tableau comparatif et se termine par une table des sigles destinée à ceux qui ne les connaîtraient pas. Je pense que ce travail - au total un rapport de 700 pages - ne peut être méprisé. Renvoyer le texte en commission, ce serait ignorer tout ce que nous avons fait et donc mépriser les députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, au nom du groupe UDF.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Moi qui ai participé aux travaux de la commission, je peux dire qu'on y a effectivement beaucoup travaillé mais moins de 2 % des amendements - mineurs, pourtant - de l'opposition ont été retenus.

Mme Janine Jambu.

C'est la démocratie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. Jean-Jacques Filleul.

Du temps du précédent gouvernement, c'était zéro !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous attendons donc beaucoup de l'appel de M. Gayssot à l'enrichissement du texte.

Monsieur le rapporteur, je reconnais et je salue votre travail mais vous avez une vision quantitative de la question. M. Delattre, lui, vous appelait à nouveau à un débat sur le fond.

Quand Léonce Deprez disait que nous préférions une politique sociale du logement à une politique du logement social, il voulait vous faire comprendre que dans notre conception du logement social nous privilégions la qualité sur la quantité, contrairement à vous.

Mme Janine Jambu.

Ce n'est pas vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Bartolone nous a fait une démonstration assez amusante - j'aime beaucoup ses démonstrations : il faut plus de logement social en France ; il y a trop de logements sociaux dans certaines communes ; donc, il faut en mettre plus dans les autres communes.

Mme Muguette Jacquaint.

Et alors ? Puisqu'il y a des besoins !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est ce qu'on appelle un sophisme, monsieur le ministre ! Un cheval bon marché est cher, un cheval bon marché est rare, tout ce qui est rare est cher...

Mme Nicole Bricq.

On connaît !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Selon nous, il faut plus de logement social de qualité en France.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est ce que nous disons aussi !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Donc il faut mettre en oeuvre non seulement une politique qui s'attaque à tous les problèmes de la densification dans les cités qui ont trop de logements sociaux...

M. Daniel Marcovitch.

Que fait-on des deux millions de mal-logés ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

... mais aussi une politique nouvelle, une politique du

XXIe siècle, avec de nouveaux outils, de nouveaux aménagements de l'espace, une nouvelle politique des équipements publics, toute une série de mesures coordonnées qui fassent en sorte que les nouveaux logements sociaux soient insérés harmonieusement, et en petit nombre, dans les quartiers de nos villes.

Mme Odile Saugues.

En petit nombre chez vous, en grand nombre chez les autres !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est ce que M. Plagnol a appelé la politique du village dans la ville, une ambition que les Français aiment bien et à laquelle M. Mitterrand, en son temps, faisait allusion sur ses affiches.

M. Daniel Marcovitch.

Quel rapport avec le renvoi en commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Delattre vous l'a dit, vous avez la phobie du logement privé. Pourtant, c'est vrai au Perreux - Gilles Carrez l'a dit -, c'est vrai à Lyon - Henry Chabert l'a dit -, c'est vrai dans l'agglomération de Lille et dans bien d'autres villes : des logements locatifs privés ont des loyers inférieurs à ceux des HLM et sont dans une situation beaucoup plus grave. Il faut prendre en considération le parc privé, en tirer la qualité vers le haut, et essayer d'avoir une politique d'accession à la petite propriété - ce que vous ne voulez toujours pas inscrire dans l'article 25 de cette loi.

M. le ministre a défendu sa méthode de concertation et c'est vrai qu'il s'est rendu dans plusieurs villes de France. Mais, à bien examiner le projet, on s'aperçoit qu'il va restreindre le pouvoir des maires et augmenter celui des juges et des préfets.

Une fois de plus, on a fait confiance à l'expertise plutôt qu'à l'expérience des acteurs de terrain.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Vous n'avez pas de leçon à nous donner !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que votre projet de loi, c'est moins d'habitat subi et plus d'habitat choisi. Le résultat sera l'inverse. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Muguette Jacquaint.

Et pour ceux qui n'ont pas d'habitat du tout ?

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe communiste.

M. Gilbert Biessy.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'ont déjà dit mes collègues Janine Jambu et Michel Vaxès en expliquant notre vote sur les motions précédentes. On a d'ailleurs surtout parlé du fond.

Nous souhaitons, pour notre part, débattre de ce projet de loi dont les orientations nous paraissent d'ores et déjà aller dans le bon sens. De riches et longs débats au sein de la commission de la production et des échanges ont permis de faire émerger le sens et la portée des dispositions de ce texte. Le renvoi en commission ne serait qu'un vain prétexte pour retarder leur mise en application.

Mme Janine Jambu. Très juste !

M. Gilbert Biessy.

Certes, c'est ce que vous recherchez, mesdames et messieurs de la droite, et faute de pouvoir empêcher la discussion d'un texte dont les objectifs ambitieux vous dérangent, vous usez de toutes les procédures à votre disposition. C'est votre droit.

Cela sera au moins l'occasion de mettre en relief une nouvelle fois votre réaction, dans tous les sens du terme d'ailleurs (Sourires) face à un texte dont l'ensemble de nos concitoyens ont déjà perçu la haute portée sociale (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui est loin d'être seulement symbolique, et c'est sûrement ce qui vous gêne le plus.

Aussi, monsieur Delattre, vous ne serez pas surpris, qu'après celles de vos collègues Plagnol et Carrez, nous fassions échouer votre procédure, de même que nous vous battrons à la fin du débat, sur le fond.

Les trois motions ont en commun une ligne directrice significative : la ségrégation par le rejet de l'implantation de logement social locatif - terme que vous n'employez jamais - dans les communes dont vous assurez la gestion.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est honteux de dire cela ! M. Gilbert Biessy. Et, vous l'aurez compris, nous voterons contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Gilles Carrez.

Notre collègue Francis Delattre, comme toujours, a fait une intervention pleine de sagesse, empreinte de l'expérience et du bon sens...

M. Daniel Marcovitch.

Si vous aviez été là pour l'entendre, vous ne diriez pas cela !

M. Gilles Carrez.

... de l'élu de terrain qu'il est. Il nous a dit que c'était dans les vieux pots qu'on faisait les bonnes mixtures et, en l'occurrence, la bonne mixité sociale ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ces vieux pots, ce sont la loi Besson et la loi d'orientation sur la ville du début des années quatrevingt-dix.

M. Christian Bataille.

Vous ne les aviez pas votées !

M. Gilles Carrez.

Ces textes, M. Francis Delattre y avait apporté sa contribution et les avait même votés. Ils portent donc votre empreinte, monsieur Besson, mais aussi la sienne. C'étaient de bons textes, qui visaient à mettre en place une véritable mixité sociale dans un cadre contractuel, respectueux des particularités locales. Aussi notre collègue a-t-il eu raison de souligner qu'il serait vraiment dommage de jeter par dessus bord une législation de qualité, pour la remplacer par un texte qui traite d'en haut, en les passant sous la même toise, les 36 000 communes de France.

M. Jean-Jacques Filleul.

Dans dix ans, vous lui trouverez les mêmes qualités qu'à la décentralisation, à la LOV et à la loi Besson !

M. Gilles Carrez.

La deuxième idée que notre collègue a développée, et elle est irréfutable, c'est que ce texte a pour philosophie la densification !

M. Henri Plagnol.

Voilà la vérité !

M. Gilles Carrez.

Et comme il fait partie - mais après tout, ce n'est pas une tare ! - comme moi, de la commission des finances, il vous en a apporté une démonstration éclatante par le biais des impôts.

Vous savez bien que les impôts sont souvent un signe révélateur. Or, à travers ce texte, vous bouleversez la fiscalité de l'urbanisme, en mettant à bas tout ce qui permettait de limiter la densification.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Qui plus est, vous favorisez de façon outrancière la construction de logements collectifs, en diminuant de 30 % l'assiette de la taxe locale d'équipement sur les logements collectifs.

M. Henri Plagnol.

Parfaitement ! Carrez parle d'or !

M. Gilles Carrez.

J'ai calculé que l'application du nouveau barème sur les cinq dernières années aurait fait perdre à ma propre commune du Perreux plus de 5 % de ses recettes de TLE ! Je vous invite à faire le même calcul pour vos communes. Or, le projet ne prévoit pas la compensation de cette perte de recettes fiscales locales.

Enfin, Francis Delattre a développé une troisième idée qui relève du simple bon sens. Pourquoi, dans les communes qui ont su garder un habitat à échelle humaine, apprécié de ses occupants, faudrait-il bouleverser les choses ? Ne vaudrait-il pas mieux porter toute notre énergie sur les communes qui ont des quartiers dégradés ?

M. Henri Plagnol.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

Ne serait-il pas préférable de mettre en place, avec une ambition qui malheureusement vous manque, tous les moyens du renouvellement urbain, en termes de politiques de la ville, de sécurité, d'écoles, d'équipements, de dessertes, de réhabilitation ?

M. le ministre délégué à la ville.

Attention aux prélèvements obligatoires !

M. Gilles Carrez.

Monsieur le ministre, je ne suis pas d'accord quand vous dites que la concertation a été approfondie. En tant que vice-président de l'Association des maires de France, je puis témoigner que l'Association n'a été consultée qu'au mois de janvier, alors que le texte était déjà au Conseil d'Etat. Quant au Comité des finances locales, il a été consulté la semaine dernière.

M. le ministre délégué à la ville.

Et alors ? Il a eu le temps de travailler !

M. Gilles Carrez.

Monsieur le ministre, vous nous dites que vous avez consulté l'ensemble des professionnels pendant un an. Vos citations était suffisamment éloquentes pour que je vous croie. Mais quel contraste entre cette année de consultations et l'urgence décrétée pour les députés lesquels, eux, n'auront droit qu'à quinze jours ! Monsieur Lajoinie, si la commission de la production et des échanges, que vous présidez, a dû travailler - je le sais pour avoir travaillé en relation étroite avec M. Serge Poignant qui en fait partie - de façon précipitée, à plusieurs reprises jusqu'à deux ou trois heures du matin, c'est parce que l'on nous impose l'urgence.

Le texte comporte de multiples lacunes et de nombreuses imperfections. Notre collègue Delattre est donc parfaitement fondé à en demander le renvoi en commission, et nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Dauge, pour le groupe socialiste.

M. Yves Dauge.

Nous entendons depuis ce matin des choses extraordinaires : on n'hésite pas devant les contrevérités, on ne recule pas devant la contradiction ; on parle de mission impossible ! Je voudrais vous lire une communication, toute simple, du maire de Rennes...

M. Alain Cacheux.

Excellent maire ! Encore un socialiste !

M. Yves Dauge.

... qui s'y connaît un peu sur les questions que certains ici évoquent parfois avec un peu de légèreté.

« La solidarité et le renouvellement urbains, dit-il, ne provoquent aucun émoi dans la capitale bretonne où la mixité est une réalité depuis des années. »

M. Francis Delattre.

Bravo !

M. Yves Dauge.

« Si Rennes compte aujourd'hui 25 % de logements sociaux répartis équitablement dans tous les quartiers, cela n'a pas toujours été le cas, et cela n'a pas toujours été facile. En 1977, lorsque l'équipe municipale actuelle a été élue, quatre quartiers seulement sur douze concentraient 82 % des logements sociaux. Aujourd'hui,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

ils n'en hébergent plus que 59 %. Il aura donc fallu à peu près vingt ans » - c'est à peu près la durée que nous nous fixons pour régler ces problèmes - « pour faire baisser sensiblement ce taux.

« Simultanément, ajoute-t-il, la communauté développe, avec des petites communes rurales... »

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

En effet, elles travaillent bien !

M. Yves Dauge.

« ... et avec d'autres, qui seront soumises au dispositif, une politique foncière très active qui permet à l'agglomération d'être exemplaire. »

Mais il y en a d'autres, je pourrais citer Nantes, Lyon.

M. Alain Cacheux.

Lille !

M. Yves Dauge.

Il existe de superbes réalisations. Malheureusement, monsieur Carrez, et notamment en région parisienne, on est loin du compte.

Si vous étiez maire d'une très grande ville, avec de grands quartiers d'habitat social, compte tenu de vos talents, je suis certain que vous auriez réalisé des performances exceptionnelles. Après tout, nous n'en serions pas là si beaucoup de maires, aussi compétents que vous, et placés dans des situations aussi critiques - et je rends hommage avec sincérité, entre autres, au maire de Chanteloup - en avaient fait autant.

En effet, c'est toujours à la suite d'échecs qu'on légifère. La faute à qui ? On peut en discuter, bien sûr. A l'Etat ? Je vous trouve un peu osé, monsieur Carrez, de vous en prendre à l'Etat comme vous le faites depuis ce matin. Il faut garder le sens de l'honneur et ne pas se retourner contre ce qu'on a longtemps incarné. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Où est votre explication de vote ?

M. Yves Dauge.

Soyez aussi un peu modeste. C'est facile de critiquer l'Etat. Et vous vous en donnez à coeur joie ! Mais, en agissant ainsi, vous ne sortirez pas grandi de ce débat.

Quant à celui qui a défendu, en faisant montre d'un mépris incroyable, sa motion de renvoi en commission, il m'a choqué.

Monsieur Delattre, je ne suis pas membre de la commission de la production mais je me suis arrangé pour pouvoir y participer pendant quinze jours. D'autres auraient pu le faire. Ceux que j'entends crier le plus ici, on ne les y a jamais vus ! Je veux bien reconnaître, monsieur Carrez, que le temps nous était compté ; pourquoi ne dirais-je pas la vérité ? Mais c'est justement pourquoi vous auriez dû changer de commission, et être avec M. Lajoinie et avec nous ! Il aurait été normal, en tout cas, que les trois députés qui ont défendu des motions de procédure aient participé aux travaux de la commission. On ne les y a pas vus. Et on nous demanderait, maintenant, de retourner en commission ? (Applaudissements sur les bancs groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pierre Cardo.

Tout d'abord, je voudrais préciser, en réponse à certaines attaques qui ont été formulées, que c'est M. Proriol qui aurait dû s'occuper de cette motion de procédure, mais qu'il est malade. Nous l'avons donc remplacé, si je puis dire, « au pied levé », si tant est que l'expression convienne pour une affaire de goutte.

M. Yves Dauge.

C'est vrai, il était avec nous.

M. Christian Bataille.

Bonne santé à monsieur Proriol !

M. Alain Cacheux.

Tous mes voeux de prompt rétablissement à M. Proriol !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues.

Et puis, si l'on pouvait éviter les mises en cause personnelles, ce serait préférable pour la dignité du débat...

M. Pierre Cardo.

M. Proriol ne vous a rien fait : il n'est pas là ! Alors, monsieur le ministre, vous vous êtes demandé en quoi l'exposé de M. Delattre concernait le renvoi en commission. M. Lajoinie a même laissé entendre que notre collègue abusait de la procédure...

M. André Lajoinie, président de la commission.

C'est évident ! M. Pierre Cardo ... ce qui aurait, avouez-le, constitué une première dans cette hémicycle. (Sourires.)

Il y a là des malentendus - à moins que ce ne soient des malentendants qu'il convient de dissiper. Quelles sont les raisons du renvoi en commission ? C'est tout simple, et notre collègue l'a dit : vous semblez avoir confondu l'urgence et la précipitation. Quant à la concertation dont vous avez parlé - et c'est vrai que des réunions ont eu lieu -, vous confondez peut-être visite et concertation, et parfois information et partenariat. J'ai lu la liste des maires que vous avez rencontrés. Ce sont des maires de grandes villes, mais il n'y a pas que les grandes villes qui soient concernées. Vous avez vu l'Association des maires des villes de banlieue, et je le sais, pour avoir participé à des discussions avec les services de M. Besson - car pendant que certains sont en commission, d'autres sont dans d'autres structures de concertation, et c'est heureux, car cela permet d'avoir différents sons de cloche, si je puis dire. Nous avons donc, en effet, travaillé collectivement, et nous continuons à le faire.

Mais ce texte est quand même relativement touffu, et le simple fait que plus de 2 000 amendements aient été déposés démontre, malgré les explications que nous avons reçues aujourd'hui et cette nuit, que nous sommes loin d'avoir obtenu des réponses à toutes nos questions.

C'est dans un esprit d'ouverture, avez-vous dit, messieurs les ministres, que vous abordez ce texte : dans ces c onditions, ne conviendrait-il pas de retourner en commission, afin que les interrogations manifestées par ces 2 000 amendements puissent trouver une réponse ? Sinon, automatiquement, ces questions seront posées en séance, pendant le débat, ce qui va le faire durer beaucoup plus longtemps que si elles étaient traitées en commission.

C'est pour ces simples raisons, messieurs les ministres, mes chers collègues, que le goupe Démocratie libérale votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

Discussion des articles

M. le président.

Nous allons aborder la discussion des articles.

J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

TITRE Ier

RENFORCER LA COHÉRENCE

DES POLITIQUES URBAINES Section 1 Les documents d'urbanisme et les opérations d'aménagement

« Art. 1er . - Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la p artie législative du code de l'urbanisme est ainsi modifié :

« I. - L'intitulé du chapitre est remplacé par les dispositions suivantes :

« C HAPITRE Ier

« Dispositions générales communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales

« II. Les articles L. 121-1 et L. 121-2 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 121-1 . - Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer :

« 1o Les équilibres entre le développement urbain, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, en respectant les objectifs du développement durable ;

« 2o La mixité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte notamment de l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ;

« 3o Une utilisation économe de l'espace urbain et de l'espace naturel, la maîtrise de la demande de déplacement, la limitation de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.

« Art. L. 121-2 . - Dans les conditions précisées par le présent titre, l'Etat veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à la prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations d'intérêt natio nal.

« Le préfet porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents toutes les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences, et notamment les incidences pour les documents d'urbanisme locaux des schémas nationaux de services collectifs prévus par l'article 2 de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, et les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation des sols. »

« III. L'article L. 121-4 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 121-4 . - L'Etat, les régions, les départements, les autorités compétentes en matière d'organisation des transports urbains et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux sont associés à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux chapitres 2 et 3 ciaprès.

« Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article 2 de la loi no 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées. »

« IV. L'article L. 121-5 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 121-5 . - Les associations locales d'usagers agréées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ainsi que les associations agréées mentionnées à l'article L. 160-1 du présent code et à l'article L. 252-1 du code rural sont consultées, à leur demande, pour l'élaboration des schémas de cohérence territoriale, des schémas de secteur et des plans locaux d'urbanisme. Elles ont accès au projet de schéma ou de plan dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »

« V. - L'article L. 121-6 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 121-6 . - Il est institué, dans chaque département, une commission de conciliation en matière d'élaboration de schémas de cohérence territoriale, de schémas de secteur, de plans locaux d'urbanisme et de cartes communales. Elle est composée à parts égales d'élus communaux désignés par les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de schémas de cohérence territoriale ou de plans locaux d'urbanisme du département et de personnes qualifiées désignées par le préfet. Elle élit e n son sein un président qui doit être un élu local.

« La commission peut être saisie par le préfet, les communes ou groupements de communes et les personnes publiques mentionnées à l'article L. 121-4. Elle entend les parties intéressées et, à leur demande, les représentants des associations mentionnées à l'article L. 121-5. Elle formule en tant que de besoin des propositions dans le délai de deux mois à compter de sa saisine.

Ces propositions sont publiques. »

« VI. L'article L. 121-7 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 121-7 . - Les dépenses entraînées par les études et l'établissement des documents d'urbanisme sont prises en charge par les communes ou groupements de c ommunes compétents pour leur élaboration. Ces


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

dépenses font l'objet d'une compensation par l'Etat dans les conditions définies à l'article 102 de la loi no 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et à l'article 94 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements et les régions.

« Toutefois, les services extérieurs de l'Etat peuvent être mis gratuitement et en tant que de besoin à la disposition d es communes ou des groupements de communes compétents, pour élaborer, modifier ou réviser les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteurs, les plans locaux d'urbanisme ou tout autre document d'urbanisme. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie. »

« VII. Les articles L. 121-8 et L. 121-9 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 121-8 . - L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur.

« Art. L. 121-9 . - Des décrets en Conseil d'Etat déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre. Ces décrets précisent notamment la nature des projets d'intérêt général, qui doivent présenter un caractère d'utilité publique, et arrêtent la liste des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2. »

M. le président.

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Cette loi, relative à la « solidarité et au renouvellement urbains », est évidemment une loi pour la ville. Mais, élu d'une circonscription rurale, qui s'organise autour d'une petite ville de 26 000 habitants, je dis que cette loi intéresse aussi les zones des petites villes, les zones périurbaines et aussi les zones rurales.

L'article 1er expose les principes et procédures s'imposant à tous les documents d'urbanisme. Cet article corrige la grande disparité existant dans l'élaboration des documents actuels. Ceux-ci sont bâtis sans harmonie - je crois que c'est M. le ministre Gayssot qui parlait tout à l'heure d'un manque d'harmonie, ou de la nécessité d'une future harmonie -, sans cohérence, et on ne sait lequel doit être conforme à l'autre dans la réalité, entre le schéma directeur, le SDAU, le POS, les cartes communales actuelles, le MARNU. D'où des zones d'aménagement commercial, industriel, résidentiel qui sont disséminées et souvent concurrentielles.

Les nouveaux documents d'urbanisme, et en particulier le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, les cartes communales de demain simplifient le système en place, mais surtout répondent à plusieurs cohérences.

Tous ces documents répondent d'abord aux mêmes principes d'équilibre entre les secteurs urbains, de mixité dans les quartiers résidentiels, et d'économie d'utilisation de l'espace. C'est là un point important, surtout quand on voit ce à quoi a pu aboutir la politique d'urbanisme ces dernières années, même dans les campagnes les plus reculées. Il sera dorénavant possible d'articuler les différents documents à l'intérieur du schéma de cohérence territoriale, qui tracera les grandes orientations d'aménagement foncier et qui sera revu périodiquement.

La cohérence se manifestera aussi dans l'établissement de ces documents, par la participation des associations d'usagers, de l'environnement, de cadre de vie, les usagers de la bicyclette. Cohérence aussi puisque tous les documents sont soumis à enquête publique et deviennent donc opposables aux tiers, ce qui est évidemment très important en matière d'urbanisme.

Cohérence, enfin, du point de vue du pouvoir, qui, dans cette affaire, est détenu par les élus locaux. Mes collègues de droite ont souvent attaqué ce point. Ce sont pourtant les élus locaux - parfois à majorité qualifiée, il est vrai, dans les assemblées - qui décident. Le préfet ne fait que reprendre les propositions des élus. Bien sûr, au nom de l'Etat, il arrête ensuite les périmètres.

Les dispositions prévues dans cet article doivent fonder une nouvelle politique durable de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, y compris au plus profond de nos campagnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Je ne serai pas long, mais il s'agit de l'article fondateur et si on l'a bien lu, si on l'a compris, on pourra alors, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, mieux comprendre, et peut-être mieux débattre, mieux s'expliquer sur un certain nombre de sujets.

Comme beaucoup l'ont dit - et les ministres en particulier -, cet article fondateur élève sensiblement l'ambition de la loi en matière de contenu. Si on a compris cela, l'éclairage jeté sur le reste des débats sera tout à fait différent. Je me permets d'insister sur ce point.

Une disposition a été évoquée ce matin, par certains, qui l'ont critiquée. Jadis, le préfet portait toutes les informations nécessaires à la connaissance des communes dans des délais donnés et dans des conditions tout à fait formalisées. Dorénavant, il ne le fera plus dans des conditions formalisées, et pourra donc le faire en continu. Certains diront que c'est un handicap, parce qu'il était plus clair d'avoir un délai précis. D'autres trouveront au contraire que c'est plus souple. Personnellement, je fais partie de ceux-ci. Je crois que c'est un progrès, qui va bien dans le sens de toute notre philosophie : plus de contenu, moins de formalisme. Dès le premier article, cela apparaît très nettement.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien !

M. le président.

Nous entrons donc dans l'examen de cet article. Ce sera une longue route, mes chers collègues.

(Sourires.)

Je suis saisi de cinq amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 1139 corrigé, présenté par MM. Marchand, Aschieri, Mme Aubert, MM. Cochet, Hascoët et Mamère, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de l'article 1er :

« Dispositions générales communes aux schémas directeurs, aux schémas de cohérence territoriale, aux plans d'occupation des sols, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales. »


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Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement no 459 est présenté par M. Daubresse et les membres du groupe Union pour la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 820 est présenté par MM. Carrez, Doligé et Estrosi.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "schémas de cohérence territoriale", les mots : "schémas directeurs".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le reste du présent projet de loi. »

Les deux derniers amendements sont également identiques.

L'amendement no 460 est présenté par M. Daubresse et les membres du groupe Union pour la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 821 est présenté par MM. Carrez, Doligé et Estrosi.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "plans locaux d'urbanisme", les mots : "plans d'occupation des sols".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le reste du projet de loi. »

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour soutenir l'amendement no 1139 corrigé.

M. Jean-Michel Marchand.

Cet amendement vise à établir le lien entre ce que nous allons mettre en place et ce qui existe. Car nous savons, les uns et les autres, que les nouveaux dispositifs ne pourront pas immédiatement succéder aux autres. Les dispositions relatives aux POS vont perdurer jusqu'à ce que les PLU puissent se mettre en place. Il en va de même pour les schémas directeurs.

Pour que les choses soient claires et sans ambiguïté, et pour qu'il y ait un lien très fort entre les deux séries de dispositifs, il convient donc d'intégrer les POS et les schémas directeurs dans l'intitulé du chapitre Ier

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Comme il a été dit, cet article est l'article fondateur pour tous les nouveaux documents d'urbanisme proposés. Plusieurs autres articles traiteront spécifiquement des mesures de transition. Ce serait introduire une confusion que de traiter dans un même chapitre les documents nouvellement créés et ceux pour lesquels seront prévues des dispositions transitoires. C'est donc par souci de clarté que la commission a repoussé cet amendement, comme elle a repoussé les autres, notamment pour cette raison.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je peux abréger les choses en disant que c'est le même que celui de la commission...

M. le président.

La parole est M. Marc-Philippe Daubresse, pour soutenir l'amendement no 459.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Mon argumentation est la même que celle défendue à l'instant par M. Marchand.

Les schémas directeurs vont continuer à fonctionner et auraient d'ailleurs pu être maintenus par cet « article fond ateur », pour reprendre une expression qui a été employée, qui les aurait alors enrichis.

Surtout, la pédagogie vis-à-vis du grand public s'est faite sur ces notions de schémas directeurs et de plans d'occupation des sols. Mon amendemet va donc dans le même sens que l'amendement précédent.

M. le président.

Monsieur Carrez, souhaitez-vous ajouter quelque chose au sujet de l'amendement no 820, qui est identique ?

M. Gilles Carrez.

Oui, monsieur le président, car ces amendements ne sont pas seulement motivés par le problème des mesures transitoires et par la déstabilisation sémantique dont on vient de parler. Ils ont aussi un objectif de fond, que je voudrais préciser, ce qui me donnera l'occasion de répondre à ce qu'a dit M. Dauge.

Nous, nous pensons que les schémas de cohérence territoriale seront des documents beaucoup plus rigides que les schémas directeurs. En même temps, ils seront beaucoup plus vulnérables au contentieux. Car en lisant attentivement cet article 1er , on s'aperçoit qu'il introduit des notions qui recevront ensuite une traduction juridique par le biais de la notion de compatibilité. Or ces notions sont floues. Mixité urbaine, mixité sociale : on ne voit pas très bien ce que recouvrent de telles notions.

Pour prendre un exemple concret, je crains qu'un permis de construire qui aurait été délivré sur la base d'un PLU ne puisse être attaqué au titre de l'exception d'illégalité au moyen d'une interprétation différente de la notion de mixité sociale telle qu'elle apparaît dans le schéma de cohérence territoriale. Je crains que, face à une notion aussi floue, le juge puisse avoir une interprétation complètement différente de ce que doit être la mixité sociale ou la mixité urbaine - définie par le schéma de cohérence territoriale, et qui peut recevoir une autre signification que celle que lui aurait donnée le PLU.

Le second point concerne les futurs PLU. Je l'ai dit hier, et je le crois sincèrement, il me semble dangereux de rendre facultatives des notions aussi essentielles et qui appellent une approche normative - que la destination des sols d'un côté, et les règles de construction de l'autre.

Nous risquons ainsi de déstabiliser ce type de documents.

Pour résumer, je dirai que le contenu des documents schémas directeurs ou plans d'occupation de sols - et les principes généraux auxquels ils doivent se conformer font l'objet, dans la rédaction actuelle du code de l'urbanisme, d'une définition qui est beaucoup plus protectrice par rapport aux éventuels contentieux.

Il y a donc, au total, trois aspects à prendre en compte. Le premier a été évoqué par M. Marchand : quatre notions différentes schémas directeurs, schémas de cohérence territoriale, POS, PLU - vont coexister, et ce dans une période transitoire qui va être très longue, car chacun sait qu'il faut beaucoup de temps pour élaborer un schéma de cohérence territoriale ou un plan local d'urbanisme.

Le deuxième aspect, évoqué par M. Daubresse, c'est la déstabilisation liée au changement de vocabulaire et les difficultés que nous aurons vis-à-vis de nos administrés.

Le troisième aspect, je viens de l'évoquer, qui tient au fond.

Voilà pourquoi nous préférons nous en tenir aux documents d'urbanisme tels qu'ils existent aujourd'hui : le schéma directeur et le plan d'occupation des sols.

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour défendre l'amendement no 460.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Même argumentation que pour l'amendement no 459. Elle est ici d'autant plus forte que les POS représentent plus de choses aux yeux du grand public.

M. le président.

Au sujet de l'amendement no 821, monsieur Carrez, j'imagine que votre argumentation est la même ?


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M. Gilles Carrez.

Oui. La même argumentation s'applique aux POS.

M. le président.

La commission a déjà donné son avis sur l'amendement no 1139 corrigé. Quel est son avis sur les quatre autres amendements ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Je conçois tout à fait les préoccupations de M. Carrez et de M. Daubresse. Les documents que nous allons examiner plus tard - dans l'article 2 et les articles suivants - vont permettre d'éclairer le débat que vous avez ouvert, puisqu'il s'agira de la transition entre les documents actuels et ceux qui sont définis dans cette loi.

Le schéma directeur n'est pas la même chose que le schéma de cohérence territoriale, dont la création est donc justifiée.

Quant aux PLU, ce sont en fait des POS auxquels on ajoute d'autres possibilités, dont celle, essentielle, de créer, pour cinq ans, des périmètres au sein desquels il sera possible de définir un projet urbain. Le POS peut donc être maintenu dans le PLU, mais celui-ci permettra en outre de définir un projet pour la ville, afin de la renouveler et en vue d'atteindre les objectifs de mixité sociale et de mixité urbaine.

Par ailleurs, je dois préciser que j'ai déposé un amendement tendant à éviter ce que vous semblez craindre, mes chers collègues, à savoir que le PLU ne soit une coquille vide.

De plus, l'ensemble de ces documents étant soumis à la concertation et à l'enquête publique, je ne doute pas que la population, ou les intéressés, soit associée et consultée.

Ce chapitre Ier concerne donc des documents nouveaux, avec des éléments nouveaux : c'est pour cela qu'il est nécessaire de conserver son intitulé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Cela étant, je ne souhaite pas que les auteurs de l'amendement puissent penser que le Gouvernement ne prend pas en considération leur raisonnement, et je l'indique en particulier à M. Carrez qui est soucieux de cohérence, comme en témoigne sa longue intervention sur ce thème. Toutefois, comme j'ai largement développé la position du Gouvernement dans ma réponse aux intervenants, que M. Carrez m'autorise à faire l'économie de la répéter, même s'il n'était pas dans l'hémicycle à ce moment-là. Il pourra toujours se reporter au compte rendu.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1139 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 459 et 820.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 460 et 821.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

ARTICLE L.

121-1 DU CODE DE L'URBANISME

M. le président.

MM. Carrez, Doligé et Estrosi ont présenté un amendement, no 822, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article

L. 121-1 du code de l'urbanisme. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement de suppression du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme se justifie par le fait que l'ensemble des règles que ce dernier prévoit d'appliquer aux documents d'urbanisme sont plus contraignantes, plus générales, plus nombreuses et plus floues que celles qui sont actuellement en vigueur.

La rédaction actuelle de l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme est relativement claire et elle fait l'objet d'une jurisprudence connue. Avec ce texte, de nouvelles notions sont ajoutées à celles qui existent déjà. On associe à l'uti lisation économe de l'espace urbain, par exemple, la maîtrise de la demande de déplacement, la limitation de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, la sauvegarde des ensembles urbains, la prévention des risques naturels.

Je crains que tous ces principes auxquels devront se conformer à la fois les schémas de cohérence et les plans locaux d'urbanisme ne produisent de nombreux contentieux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Défavorable. Comme l'ont dit plusieurs de nos collègues, cet article est fondateur.

M. Jean-Luc Warsmann.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

En outre, les risques de contentieux existeront toujours.

Un des grands objectifs du volet sur l'urbanisme est de faire en sorte que, grâce à la simplification qu'il prévoit, le contentieux porte sur le fond et non sur la forme.

La commission s'est prononcée contre tous les amendements de suppression d'article. Je ne répéterai pas les mêmes arguments à chaque fois. En fait, un amendement de suppression d'un article est une sorte d'amendement de repli par rapport à une demande de suppression de tout le texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Forcément défavorable. Non pas parce que le Gouvernement ne porte pas une grande attention aux amendements déposés par l'opposition, mais parce qu'il considère que, dans le cas présent, l'opposition n'a pas fait l'effort de s'inscrire dans une logique d'amélioration du texte proposé. En effet, s'il était voté, cet amendement mettrait en cause le principe même de la réforme.

M. Gilles Carrez.

Il a été présenté en tant que tel !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse pas l'approuver.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 822.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements nos 1414 et 1134, présentés par MM Marchand, Aschieri, Mme Aubert, MM. Cochet, Hascoët et Mamère, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 1414 est ainsi rédigé :

« Avant le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme, insérer l'alinéa suivant :

« Les prévisions et règles d'urbanisme s'expriment par des schémas de cohérence territoriale (SCT) et par des plans locaux d'urbanisme et d'utilisation des


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sols (PLUUS) ; ou par des schémas directeurs et plans d'occupation des sols (POS) : d'une part pour les communes ou ensemble de communes mettant en révision leur POS ou leur schéma directeur ulté-r ieurement à la date de publication de la loi no relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; d'autre part pour les communes ou ensemble de communes ayant un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou en cours de révision ou d'élaboration ou un schéma directeur en cours d'élaboration ou approuvé. »

L'amendement no 1134 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme :

« Les prévisions et règles d'urbanisme s'expriment par des schémas de cohérence territoriale (SCT) et par des plans locaux d'urbanisme et d'utilisation des sols (PLUUS) ; ou par des schémas directeurs et plan d'occupation des sols (POS) : d'une part pour les communes ou ensemble de communes mettant en révision leur POS ou leur schéma directeur ulté-r ieurement à la date de publication de la loi no relative à la solidarité et au renouvellement urbain ; d'autre part pour les communes ou ensemble de communes ayant un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou en cours de révision ou d'élaboration ou un schéma directeur en cours d'élaboration ou approuvé. L'ensemble de ces d ocuments détermine les conditions permettant d'assurer : » La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Je ne vais pas recommencer le débat - je n'en éprouve pas le plaisir et je n'en ai pas le vice -, mais je me permets d'appeler à nouveau l'attention sur la période transitoire qui va exister avant la mise en place de nouveaux schémas. Le rapporteur y a d'ailleurs fait allusion.

Ces amendements visent à prendre en compte cette période.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

La commission les a repoussés pour des raisons que j'ai déjà exposées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Défavorable. Les amendements sont évidemment peu compatibles avec l'objectif de simplification que l'on souhaite atteindre avec ce texte.

J'indique à M. Marchand et aux coauteurs de ces amendements que, pour ce qui est des dispositions transitoires, la commission a eu le souci de proposer des améliorations auxquelles le Gouvernement se montrera tout à fait ouvert. J'espère ainsi leur donner satisfaction, tout au moins en partie.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1414.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warhouver a présenté un amendement, no 486, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme :

« Les schémas de cohérence territoriale sont établis à l'intérieur des nouvelles structures administratives.

Ils déterminent avec les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales les conditions... (Le reste sans changement.) »

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 486.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vaxès, Mme Jambu, MM. Meï, Biessy, Billard et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 1070, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme, après les mots : "communales", insérer les mots : "figurent une représentation des éventuels aménagements des espaces publics et". »

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Nous souhaitions mettre l'accent sur l'importance du traitement et de l'aménagement des espaces publics. En commission, M. le rapporteur nous a fait remarquer, à juste titre d'ailleurs, que notre amendement n'avait pas sa place dans le texte proposé pour l'article L.

121-1 : mais je crois avoir compris qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'il soit déposé, au chapitre III, sur le texte proposé pour l'article L.

123-1 concernant les plans locaux d'urbanisme.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, président de la commission.

M. Vaxès a dit tout ce qu'il fallait dire, à savoir que cet amendement est mal placé puisque le texte proposé pour l'article L.

121-1 ne fait pas référence au contenu détaillé des documents d'urbanisme mais seulement aux principes fondamentaux. Il trouverait mieux sa place plus loin dans le texte, à l'article relatif aux PLU.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je suis défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que celles qu'a exposées le rapporteur.

M. le président.

Monsieur Vaxès, maintenez-vous cet amendement ?

M. Michel Vaxès.

Je le présenterai de nouveau au moment de l'examen du chapitre III. Pour le moment, je le retire.

M. le président.

L'amendement no 1070 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.


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Les deux premiers sont identiques.

L'amendement no 491 est présenté par M. Deprez ; l'amendement no 824 par MM. Carrez, Doligé et Estrosi.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme, substituer aux mots : "déterminent les conditions permettant d'assurer", les mots : "prennent en considération". »

L'amendement no 610, présenté par M. Santini et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme, substituer au mot : "déterminent", les mots : "prennent en considération". »

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour soutenir l'amendement no 491.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous avons toujours la même obsession : éviter la prolifération des contentieux que ne manquera pas d'entraîner un tel texte. Pour cela, nous proposons de substituer au lien de conformité prévu par le texte une simple prise en considération.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour présenter l'amendement no 824.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je reprends à mon compte l'argumentation développée par mon collègue Daubresse.

Nous sommes en train d'ouvrir la porte à de futurs contentieux, puisque, désormais, un citoyen qui voudra contester une décision en matière d'urbanisme pourra non seulement s'appuyer sur le plan d'occupation des sols, le plan local d'urbanisme ou la carte communale, mais aussi sur le schéma de cohérence territoriale.

J'ai eu la curiosité de rechercher tous les arrêts rendus par le Conseil d'Etat sur des problèmes de cohérence entre les plans d'occupation des sols et des schémas d'aménagement et d'urbanisme. Eh bien, la jurisprudence est déjà très abondante.

Ce texte offrira, à chaque fois qu'un permis de construire sera refusé, la possibilité d'intenter un recours en se fondant non seulement sur le document d'urbanisme immédiatement opposable, qui est aujourd'hui le POS, mais aussi sur le schéma de cohérence territoriale, qui est un échelon supérieur. En effet, ce qui peut être interdit par le POS peut être autorisé par le schéma.

On est en train de développer une sorte d'insécurité juridique qui risque de se traduire par des contentieux en cascade. Cela ne me semble pas positif. D'autant que, très souvent, ce type de requête est le fait de procéduriers dont la demande n'a pas grand-chose à voir avec l'intérêt général. La sécurité juridique y gagnerait si un seul document d'urbanisme était opposable, et si on ne pouvait pas faire des requêtes en annulation en cascade.

M. le président.

L'amendement no 610, très voisin, est-il défendu ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Il l'est, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Je comprends tout à fait le souci de nos collègues. Cependant je leur rappelle que le schéma de cohérence ne peut pas être considéré comme étant le document supérieur. De par sa définition même, il ne fait qu'assurer la cohérence de l'ensemble des documents : PLU, PLH, PLD. Bref, je ne vois pas comment un schéma de cohérence pourrait être approuvé s'il n'organisait pas la cohérence entre tous ces documents.

Le risque de contentieux en cascade est donc moins grand que vous ne le craigniez.

Par ailleurs, les documents sectoriels, les plans locaux de l'habitat ou les plans de déplacements urbains, doivent être pris en compte par le plan local de l'urbanisme. Par conséquent, le plan local de l'urbanisme, sur lequel s'appuient les permis de construire, doit, d'une certaine manière, être cohérent avec le schéma sectoriel.

On peut concevoir sur le plan intellectuel ces contentieux en cascade, mais, comme il y a une cohérence entre tous les documents, un tel risque est faible.

Par ailleurs, proposer de substituer aux mots : « déterminent les conditions » les mots : « prennent en considération » revient, en fait, à dire que le schéma de cohérence territoriale peut prendre en considération ou ne pas prendre en considération les plans locaux de l'urbanisme,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Non, c'est faux !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

... qui, eux-mêmes, peuvent prendre en compte ou ne pas prendre en compte les plans locaux de l'habitat. L'expression « prennent en considération » permet de vider de tout contenu les documents d'urbanisme que vous avez cités, ce qui est relativement dangereux.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté les trois amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

S'ils étaient adoptés, ces amendements aboutiraient en fait à vider de sa substance l'article sur le contenu des documents d'urbanisme. Vous avez souhaité qu'il n'y ait pas de flou, pas de vide juridique. Eh bien, le projet de loi précise que ce qui détermine les conditions permettant d'atteindre des objectifs fixés par la loi, ce sont des objectifs forts tels que le développement durable, la protection des espaces naturels, la satisfaction des besoins en logements de toutes les catégories sociales.

Ces amendements tendent à supprimer une telle obligation en proposant que les documents d'urbanisme se contentent de prendre en considération les principes en question. Cela rendrait malheureusement possible l'adoption de PLU qui seraient vides, ce qui n'est pas le but recherché par le Gouvernement avec ce projet de loi, quoi qu'il ait pu être dit à ce propos dans la discussion générale. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'adoption de ces trois amendements.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Selon M. le rapporteur, l'expression « prennent en considération » ne veut rien dire.

Or, tout comme l'expression « déterminent les conditions », elle s'explique d'elle-même. Chaque mot a un sens.

Sur le fond, qu'en est-il concrètement ? Si un plan d'occupation des sols, ou un plan d'urbanisme, dispose que, sur telle parcelle, il n'est possible d'urbaniser que dans le cadre d'opérations groupées d'au moins cinq lots de 700 mètres carrés au minimum il sera possible de contester une telle disposition en arguant que le POS ne répond pas à l'un des objectifs fixés par le SCT, par exemple l'utilisation économe de l'espace urbain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

La difficulté tient au fait que vous donnez une valeur normative à des principes extrêmement vagues. Etant donné l'embouteillage de nos juridictions administratives, il faudra des mois, voire des années, pour obtenir l'interprétation de telle ou telle notion.

Bref, il sera toujours possible de contester une disposition au motif qu'elle ne favorise pas la mixité urbaine et la mixité sociale. Pour en revenir à l'exemple que j'ai cité précédemment, ou peut estimer qu'un lot de 700 mètres carrés ne constituent pas une utilisation économe de l'espace et que 500 mètres carrés pourraient suffire. Le texte proposé par le Gouvernement risque donc de favoriser les contentieux, ce qui est extrêmement dommageable.

Cela dit, l'objectif des auteurs de l'amendement n'est pas de vider les documents d'urbanisme de leur substance, mais de dire qu'un seul document d'urbanisme est normatif et que les autres n'ont qu'une valeur indicative.

Si tous les documents d'urbanisme possèdent une valeur normative, toute personne mécontente d'une décision prise en matière d'urbanisme pourra s'appuyer tantôt sur un document, tantôt sur l'autre pour la contester.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

Il n'est pas possible de dire tout et son contraire. Vous ne pouvez pas à la fois accuser le Gouvernement de rédiger un texte qui n'est pas normatif et contester ce texte dès qu'il comporte la moindre norme...

M. Jean-Luc Warsmann.

Je n'ai jamais dit cela !

M. Daniel Marcovitch.

... au motif que celle-ci risque d'être une source de contentieux.

Le droit de contestation est un droit républicain, qui fait partie de la démocratie. Il donne à ceux qui ne sont pas d'accord avec une décision, notamment aux associations, la faculté de la contester devant le juge.

M. Jean-Luc Warsmann.

Oui, mais il faut des règles précises !

M. Daniel Marcovitch.

Quant à l'expression « prennent en considération », elle ne signifie pas autre chose que

« regardent. »

Le but de ce texte n'est pas de supprimer toute possibilité de recours. Si, malgré la concertation et les enquêtes publiques...

M. Jean-Luc Warsmann.

Hors sujet !

M. Daniel Marcovitch.

... des principes ne sont pas resp ectés, les représentants d'associations par exemple doivent pouvoir saisir la justice. Cela fait aussi partie du jeu démocratique.

M. Jean-Luc Warsmann.

Hors sujet !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 491 et 824. (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 610.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 1299, ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, supprimer les mots : "en respectant les objectifs du développement durable". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je n'ai jamais contesté le fait que l'on puisse ester en justice. C'est un principe républicain. Toute décision peut être attaquée. Mais la démocratie, la République, c'est aussi d'avoir des règles claires qui puissent s'appliquer.

Le rejet des amendements précédents fait que tous les plans d'urbanisme auront la même valeur. Il n'y aura pas de règles claires. Or la règle démocratique, c'est un juge qui applique des règles claires.

Quand un permis de construire sera annulé systématiquement parce qu'on ne saura pas exactement en vertu de quelle règle il aura été acordé, ce ne sera en rien quelque chose de positif.

L'amendement Mariani relève de la même philosophie que les amendements précédents, selon laquelle l'accumulation de grands principes dans un texte qui se veut normatif ne peut qu'ouvrir le champ à d'innombrables contestations. Il tend à supprimer la référence au développement durable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Défavorable. Les objectifs du développement durable ayant été suffisamment précisés dans d'autres textes, il n'y a pas possibilité d'interpréter au-delà du raisonnable.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce sont les juges qui interprètent !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Etant donné que l'action du Gouvernement en matière d'aménagement s'inscrit dans le cadre des objectifs du développement durable définis par la conférence de Rio, le Gouvernement est également défavorable à l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1299.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Perrin-Gaillard a présenté un amendement, no 896, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme par la phrase suivante : "Le respect du principe de développement durable dont les objectifs sont définis aux articles L. 200-1 du code rural et L. 110 du code de l'urbanisme". »

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

La référence au développement durable implique la nécessité de poursuivre les objectifs qui ont déjà été inscrits à l'article L. 200-1 du code rural et à l'article L. 110 du code de l'urbanisme. Il importe en conséquence de rappeler ces références.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

La commission, qui a longuement débattu de cet amendement, l'a repoussé.

Elle a considéré que l'article L. 110 du code de l'urbanisme ne définissait pas les objectifs de développement durable mais les principes généraux qui s'appliquent au droit de l'urbanisme, toutefois, elle s'est interrogée sur le point de savoir s'il était utile de préciser dans la loi leso bjectifs du développement durable définis à l'article L. 200-1 du code rural.

Le sujet est relativement sensible. Peut-être conviendrait-il d'améliorer la rédaction de l'amendement qui, en l'état, risquerait de poser des problèmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je n'ai a priori aucune objection de principe à formuler contre l'amendement, mais je crains qu'il n'ait un effet limitatif : il ne fait référence qu'aux articles L. 200-1 du code rural et L. 110 du code de l'urbanisme.

Mme Perrin-Gaillard accepterait-elle que l'on vise les objectifs définis « notamment » à ces deux articles ? Je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

J'interviendrai dans votre sens, monsieur le ministre. Il est essentiel que l'article 1er du projet de loi fasse référence à la notion de développement durable. Mais la seule référence aux articles L.

200-1 du code rural et L.

110 du code de l'urbanisme me semble non pas dangereuse, mais un peu restrictive. Dans ces conditions, il me semblerait judicieux ou bien d'insérer l'adverbe « notamment », ou bien de dresser la listee xhaustive des articles concernant le développement durable.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Je propose de rectifier l'amendement : les mots « Le respect du principe de dével oppement durable » seraient supprimés et l'adverbe

« notamment » serait ajouté après les mots « dont les objectifs sont ».

M. le président.

Le mot « objectifs » figure déjà dans le texte du projet de loi. La formule « tels que définis notamment aux articles L.

200-1 du code rural et L.

110 du code de l'urbanisme » serait peut-être préférable.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

D'accord, monsieur le président.

M. le président.

Madame Perrin-Gaillard, acceptezvous que votre amendement soit ainsi rectifié ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 896 rectifié se lit donc ainsi :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme par les mots : "tels que définis notamment aux articles L.

200-I du code rural et L.

110 du code de l'urbanisme". »

L'avis de la commission est maintenant favorable...

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Tout à fait, monsieur le président !

M. le président.

... comme celui du Gouvernement.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je reste quant à moi fidèle aux idées que je défends depuis un certain temps.

Mes chers collègues, vous venez de rejeter des amendements dans le but de garder au texte proposé une valeur

« normative » - je reprends le mot utilisé. Or vous vous apprêtez à affubler certaines de ces normes de l'adverbe

« notamment ». Cela signifie que nous, législateurs, sommes incapables de définir la notion que nous voulons rendre obligatoire pour tous les documents d'urbanisme de France. Autrement dit, vous exigez des juges qu'ils interprètent le texte.

M. Alain Cacheux.

Mais non !

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela revient au surplus à inviter tous les requérants potentiels de France à contester tous les documents d'urbanisme.

Chaque fois que l'on vote une loi qui n'est ni claire ni précise, on ouvre la porte aux contentieux. Et c'est bien ce qui est fait en l'occurrence. Il ne s'agit vraiment pas d'une bonne manière de légiférer !

M. Alain Cacheux.

Bien des lois que vous avez faites n'étaient franchement pas claires !

M. Daniel Marcovitch.

A l'époque, M. Warsmann était dans la majorité !

M. le président.

Chers collègues, restons-en au débat juridique, je vous prie.

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai raison et ce qui se passe est honteux !

M. Pierre Cardo.

C'est le « notamment » qui nous choque !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 896 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Marchand, Aschieri, Mme Aubert, MM. Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un amendement, no 1135, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme :

« 2o La mixité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat :

« - en initiant, dans le respect des fonctions et formes urbaines existantes des tissus urbains anciens antérieurs aux années 50, la réhabilitation de l'habitat existant en maintenant les populations en place, la restructuration et le partage des voiries en cohérence avec le plan de déplacement urbain (PDU), la restructuration et la mise en valeur des espaces publics ;

« - en initiant le renouvellement urbain et le cas échéant la réhabilitation dans les quartiers issus des plans de rénovations et construction de l'aprèsguerre afin de dégager des capacités de construction, des opérations d'aménagement urbain, de restructuration de l'habitat et des espaces publics ;

« - en prévoyant... (Le reste sans changement.) »

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre, nous devons avoir un vrai débat sur la définition de certains m ots : réhabilitation, restructuration, rénovation, ou renouvellement urbain. Il faudra bien que chacun de ces termes soit défini.

Puisque l'amendement porte sur la réhabilitation et la rénovation, je souhaite vous faire part des inquiétudes qui s'expriment lorsque l'on parle, sans plus de précisions, de

« reconstruire la ville sur la ville ».

« Reconstruire la ville sur la ville » : bien sûr, mais pas n'importe comment ni sur n'importe quel tissu urbain ! Il existe des tissus urbains anciens, considérés comme patrimoniaux. Ils ont subi des transformations et l'on doit se souvenir de ce qu'ont vécu leurs populations - je pense en particulier à ce qui s'est passé dans le quartier de Belleville, à Paris.

La défense de ces quartiers anciens est un fait majeur de la pratique citoyenne. C'est un phénomène collectif et populaire car ces quartiers sont la plupart du temps habités par des classes populaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

Il faudrait pouvoir définir cette notion de patrimoine, afin de pouvoir prendre des mesures adaptées de réhabilitation et de conservation. Les mesures factices, comme celle qui consiste à conserver une façade en faisant n'importe quoi derrière - cette façade n'étant plus, si j'ose dire, qu'un cache-sexe - doivent être évitées.

Il s'agit donc de préserver à la fois le droit au patrimoine urbain et le droit de vivre dans les quartiers.

Il ne s'agit pas d'empêcher toute opération dans ces quartiers, mais l'objectif numéro un doit être de faire en sorte que la démarche se fasse, d'un bout à l'autre, en concertation avec les citoyens et que les habitants puissent retrouver les logements rénovés, qu'ils n'auront quittés que le temps de la rénovation.

La plupart du temps, les quartiers concernés sont démolis, détruits, reconstruits, et les populations sont déplacées, et elles le sont parce qu'il s'agit de classes populaires, à la périphérie des villes.

Prendre en compte ces situations particulières, c'était possible avec les plans de référence, cet outil méthodologique créé par la loi du 13 juillet 1991 et supprimé par la loi Bosson de 1994. Ces plans de référence devraient être réintroduits.

Loin de moi l'idée de vouloir considérer comme faisant partie du tissu patrimonial tous les bâtis. On le sait, il y a une référence forte, le bâti qui va jusqu'à l'après-guerre, mais il en existe d'autres, qui méritent sans doute des traitement différents. Je pense à certains immeubles datant d'une époque où l'on a construit précipitamment, sans grande précaution ni grand souci, parce que c'était alors indispensable. Il en a été ainsi lors de la crise du logement de 1954, que l'on a évoquée ce matin.

Il faut travailler sur la notion de démolition-rénovation. Les tissus urbains sont très divers et ils doivent être pris en compte l'un après l'autre : il ne peut pas y avoir globalisation des situations. Il y a matière tantôt à rénover, tantôt à démolir, tantôt à récupérer des zones qu i, bien que bâties, le sont d'une façon un peu particulière : je veux parler des friches industrielles. Mais ne venez pas me dire que je soutiens que l'on peut faire des logements dans des friches industrielles enserrées entre deux bretelles d'autoroute ou deux voies de chemin de fer, car vous me feriez un mauvais procès. Il demeure que, sur l'ensemble d'un périmètre urbain, un certain nombre de zones peuvent être récupérées, retravaillées et ouvertes au logement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

L'amendement a été rejeté par la commission car il comporte des dispositions trop vagues, voire à la lumière de l'expérience, inadaptées au renouvellement urbain.

Je ne prendrai quelques exemples. En tant que maire adjoint chargé de l'urbanisme de la ville de Nantes, j'ai conduit un projet de construction d'une ligne de tramway. Afin de permettre un partage adéquat de la voirie et de disposer d'un outil concurrentiel avec les autres modes de déplacement tout en respectant l'ensemble de ces autres modes, j'ai été obligé d'intervenir sur plusieurs îlots, ce qui a modifié la configuration urbaine le long de la ligne de tramway.

Par ailleurs, dans une ZAC dont les bâtis étaient bien a ntérieurs aux années 1950, puisqu'ils dataient du

XIXe siècle, j'ai été obligé de recomposer des îlots : au fil du temps, l'activité économique s'était tellement imbriquée dans les îlots qu'elle avait modifié leur forme initiale et que la sédimentation qui en était résultée et qui donnait sa forme au quartier ne pouvait plus être conservée en l'état. Je crains donc de devoir réaliser un plan de sauvegarde de tout l'urbanisme datant d'avant 1950, et de créer ainsi un secteur sauvegardé, toutes ses formes étant bonnes par définition, ce qui m'interdira d'intervenir.

Je comprends l'intention de ne pas raser et de reconstruire : le renouvellement de la ville, ce n'est bien entendu pas cela. Je conçois également qu'il soit nécessaire de renouveler la ville et de maintenir les habitants là où ils sont, conformément à l'objectif de mixité sociale contenu dans l'article 1er du projet de loi.

Dans ces conditions, l'amendement me semble trop vague et, par certains de ses aspects, trop rigide pour mener à bien un projet urbain qui, je le rappelle, s'il est inscrit dans un plan local d'urbanisme et soumis à enquête publique, fera l'objet de concertation avec les habitants et avec la ville elle-même. Je rappelle que l'enquête publique offrira toutes les garanties quant à la qualité du projet de renouvellement urbain.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je comprends la préoccupation des auteurs de l'amendement. Mais quand nous discuterons de l'article 2, nous examinerons des dispositions concernant la défense des quartiers anciens.

L'amendement encadre à mon avis trop rigoureusement les conditions de réalisation des obligations de mixité urbaine et de mixité sociale dans l'habitat. Son adoption ne permettrait plus du tout d'adapter cette politique au contexte local.

Au surplus, ni les schémas de cohérence territoriale ni les cartes communales ne peuvent traiter de ces questions à ce niveau de détails.

L'avis du Gouvernement ne peut donc être que défavorable.

M. le président.

Mes chers collègues, deux d'entre vous m'ont demandé la parole et je vais la leur donner : qu'ils me permettent de leur recommander, s'agissant de sujets complexes, de ne pas revenir trop en profondeur sur le débat en commission.

M. Francis Delattre.

Il n'y a pas eu de débat en commission !

M. le président.

Je m'inquiète du rythme auquel nous examinons les amendements : nous n'en sommes qu'au seizième et il n'y en a pas mal d'autres, comme vous le savez.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Je serai bref, monsieur le président. Si j'ai bien compris, monsieur Marchand, vous craignez que la concertation que vous appelez de vos voeux ne soit pas toujours engagée. Mais d'après ce que j'ai retenu de la discussion générale et des exposés des ministres, il y aura de la concertation partout ! Vous êtes, me semble-t-il, plus ou moins dans la même mouvance que les membres du Gouvernement, et leurs affirmations sur cette concertation, à tous les niveaux de la conception des documents d'un urbanisme, devraient vous rassurer.

Vous avez posé un problème de fond : le maintien des populations en place. Pourquoi pas ? Mais il faut éviter de faire par la loi le bonheur des gens malgré eux. La réponse à vos craintes, vous la trouverez dans la concertation. Et cette concertation, elle existe et elle semble même renforcée par rapport à ce qu'on a connu. Il n'y a donc, à mon avis, pas de risque.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux.

Notre collègue Marchand a raison de poser certains problèmes et de vouloir préciser ce que l'on entend par « renouvellement urbain ». Il est en effet paradoxal qu'après avoir intégré cette notion dans le titre de la loi, nous n'en parlions plus ou quasiment plus ensuite.

M. Francis Delattre.

Ça, c'est juste !

M. Alain Cacheux.

On ne définit ni son contenu, ni le secteur auquel elle s'applique, ni les règles d'urbanisme dont il s'agit. On ne sait rien non plus des méthodes de maîtrise foncière, et donc d'estimation foncière, qui peuvent être spécifiques à ces zones particulièrement dégradées. Il nous faudra préciser les choses. Cela dit, ces précisions me sembleraient plus à leur place à l'article 3 relatif aux plans locaux d'urbanisme. Je me permets donc de suggérer à M. Marchand de retirer son amendement puisque nous aurons l'occasion d'examiner ses préoccupations lorsque nous discuterons de cet article.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Je répondrai d'abord à mon collègue Cardo que ses insinuations n'ont aucun fondement. Je sais dans quelle majorité je suis et je sais dans quelle majorité je souhaite rester !

M. Alain Cacheux.

Très belle majorité ! Très bien !

M. Jean-Michel Marchand.

Je ne suis là non pour faire plaisir à qui que ce soit, mais pour affirmer les opinions que j'entends défendre.

M. Jean-Luc Warsmann.

Attention au « tout autoroute » !

M. Jean-Michel Marchand.

Ensuite, je comprends les réserves que peuvent formuler sur cet amendement M. le ministre, M. le rapporteur ou d'autres, mais il nous faudra bien, au cours du grand débat qui va se dérouler dans les jours et les nuits à venir, définir ce que nous mettons tous sous l'expression « renouvellement urbain ». N'essayons pas de l'interpréter avec malice, de lui attribuer des sens qu'elle n'a pas. Le renouvellement urbain va recouvrir des situations, des conditions particulières et différentes. Certes, il faut privilégier la concertation, avoir la volonté de maintenir un tissu urbain patrimonial, de promouvoir la mixité sociale. Mais cette mixité sociale ne peut se faire contre la volonté des habitants. Du reste, vous le savez bien, lorsque l'on transforme un quartier, le plus souvent, c'est non pas d'aménagement qu'il s'agit pour les populations, mais de déménagement. J'aimerais que, sur tous ces points, nous puissions avoir un débat et affiner nos positions.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

Je voudrais dire à Jean-Michel Marchand que, s'il se reporte au 3e du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, il pourra y lire que l'« utilisation économe de l'espace urbain et de l'espace naturel », c'est « la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques », et j'en passe. Cela revient à prendre son exigence en considération, sans entrer dans le détail de l'année de construction, de l'adresse - surtout si elle est dans le 19e arrondissement -...

M. Alain Cacheux.

Très bel arrondissement, monsieur Marcovitch !

M. Daniel Marcovitch.

... et de la hauteur de l'immeuble, pour savoir s'il est un exemple d'architecture faubourienne de Paris. Ce paragraphe 3o est assez clair pour qu'il ne soit pas utile d'entrer dans le détail à l'article 1er

Nous pouvons peut-être le faire dans le cadre de l'article créant les PLU. Pour ma part, je considère qu'il est suffisant de parler du maintien du « patrimoine bâti » et des

« ensembles urbains remarquables ».

Cependant, maintenir cet habitat ne doit pas conduire à négliger les limites de la salubrité et de l'habitat décent que vous essayez également de fixer. Je l'ai constaté dans mon arrondissement, ce sont souvent les gens qui passent dans la rue, devant de tels immeubles, qui en demandent la préservation, pas ceux qui y habitent. Même quand on réhabilite ces immeubles - une telle opération est actuellement en cours au passage Goix, dans le 19e arrondissement -, les gens qui y vivent ne demandent qu'une c hose : quitter le quartier, être relogés dans des immeubles un peu plus spacieux, dans des appartements un peu plus aérés, peut-être un peu moins anciens, et laisser à d'autres poètes le soin d'habiter là. Mais, en général, ceux-ci s'en gardent bien.

MM. Jean-Luc Warsmann, Francis Delattre et Pierre Cardo.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Carrez, Doligé et Estrosi ont présenté un amendement, no 825, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, substituer aux mots : "mixité urbaine" les mots : "diversité des fonctions urbaines". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement devrait pouvoir être adopté à l'unanimité par notre assemblée. De quoi s'agit-il ? Dans l'avant-dernier alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, il est question de « mixité urbaine ». Or c'est une notion inconnue de notre droit. Mes collègues auteurs de l'amendement proposent donc de la remplacer par celle de « diversité des fonctions urbaines »...

M. Alain Cacheux.

Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Luc Warsmann.

... en visant les différentes fonctions que sont l'habitat, l'activité économique et l'équipement public notamment.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, car elle a considéré que le concept de mixité était différent de celui de diversité.

M. Jean-Luc Warsmann.

Et quel est-il ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Le principe de mixité urbaine s'oppose à l'urbanisme que j'appellerai de « zoning », composé de différentes zones : d'habitation, d'activité, de commerce, de loisirs, etc. La mixité urbaine implique la recherche d'une meilleure intégration dans les quartiers de l'ensemble des fonctions urbaines. Supprimer cette notion, maintenant bien connue, ne serait pas satisfaisant.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 825.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 76, présenté par M. Rimbert, rapporteur, et M. Vaxès, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme, substituer aux mots : "des capacités de construction suffisantes pour", les mots : ", dans le respect de la diversité des fonctions urbaines, des capacités de construction, des opérations d'aménagement urbain, de restructuration de l'habitat des espaces publics nécessaires à". »

L'amendement no 826, présenté par MM. Carrez, Doligé et Estrosi, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article L.

121-1 du code de l'urbanisme, après le mot : "construction", insérer les mots : "et de réhabilitation". »

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement no

76.

M. Michel Vaxès.

Cet amendement vise à préciser que les documents d'urbanisme destinés à assurer la mixité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat ne peuvent se contenter d'envisager des « capacités de construction ». En effet, la mixité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat exigent aussi le respect de la diversité des fonctions urbaines et des espaces publics de qualité.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement no 826.

M. Jean-Luc Warsmann.

Alors que l'on nous a expliqué que la notion de « diversité des fonctions urbaines » n'était pas précise, voilà que nous la retrouvons dans un amendement adopté par la commission ! Je crois que l'amendement de mon collègue Carrez avait surtout le défaut d'émaner d'un membre de l'opposition.

Sur le fond, je crois qu'il est nécessaire de ne pas se limiter à la notion de « construction » et d'introduire celle de « réhabilitation », qui est un élément nécessaire à la vie de l'urbanisme.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Pour éclairer le débat, je tiens à signaler que le rapporteur avait émis quelques d outes sur l'opportunité d'introduire ces notions à l'article 1er

Après avoir examiné quelque 1 400 amendements, il est normal d'oublier parfois la manière dont la décision a été prise.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est le Gouvernement qui a choisi l'urgence !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

La commission a accepté l'amendement no 826.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 76 qui, portant sur des sujets traités dans les plans locaux d'urbanisme, ne peuvent donc l'être dans les schémas de cohérence territoriale, sauf à être redondant ou à réduire l'intervention locale. Je souhaite donc le retrait de cet amendement, à défaut son rejet.

Quant à l'amendement no 826, j'y suis favorable.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ah !

M. le président.

Monsieur le rapporteur, après cette explication du Gouvernement, souhaitez-vous maintenir l'amendement no 76 ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

En accord avec

M. Vaxès, je le retire.

M. le président.

L'amendement no 76 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 826.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2131, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains : M. Patrick Rimbert, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2229).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT