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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

1. Questions au Gouvernement (p. 2345).

INDEMNISATION DU CHÔMAGE (p. 2345)

M. Jean-Claude Sandrier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RÔLE DU PARLEMENT (p. 2346)

M M. Philippe Douste-Blazy, Lionel Jospin, Premier ministre.

LUTTE CONTRE LE RACISME (p. 2347)

M. Georges Frêche, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

SECTES (p. 2348)

Mmes Martine David, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

OTAGE FRANÇAIS EN TCHÉTCHÉNIE (p. 2349)

M me Martine Lignières-Cassou, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS (p. 2349)

MM. François Brottes, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

OMC (p. 2350)

MM. Yves Cochet, François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

FUSION DES COMMUNES DE LILLE ET DE LOMME (p. 2351)

MM. Franck Dhersin, Lionel Jospin, Premier ministre.

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE (p. 2352)

M. Jean-Marie Geveaux, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ÉDUCATION NATIONALE (p. 2353)

M. Bruno Bourg-Broc, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

SYNCHROTRON DE TROISIÈME GÉNÉRATION (p. 2354)

MM. Pierre Lasbordes, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

DROIT DE VOTE DES ÉTRANGERS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES (p. 2355)

MM. Bernard Birsinger, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

2. Solidarité et renouvellement urbains. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 2356).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

EXPLICATIONS DE VOTE

MM. Jean Proriol, Daniel Marcovitch, Serge Poignant, Michel Vaxès, Germain Gengenwin, Jean-Michel Marchand.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 2362)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 2362)

3. Saisine pour avis d'une commission (p. 2362).

4. Liberté de communication. Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 2363).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Rappel au règlement (p. 2368)

MM. Laurent Dominati, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 2368)

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 2371)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : MM. Laurent Dominati, Patrick Bloche, Olivier de Chazeaux, Christian Kert, Mme la ministre. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 2376)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Olivier de Chazeaux, Michel Françaix, Laurent Dominati, Patrice Martin-Lalande, Christian Kert. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 2381)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2383).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos trois nouveaux collègues M. Jean-Claude Leroy, M. Pierre Menjucq et M. JeanMarie Geveaux.

(Applaudissements.)

A ce moment, M. Jean-Marie Geveaux et M. Pierre Menjucq entrent dans l'hémicycle. - Mmes et MM. les députés des groupes du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants se lèvent et applaudissent.)

Je vous indique dès à présent que la séance ne sera pas suspendue à la fin des questions au Gouvernement.

Nous passerons directement aux explications de vote et au vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

INDEMNISATION DU CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les négociations entre les partenaires sociaux se sont engagées sur l'avenir de l'UNEDIC. Les intentions du MEDEF sont claires : il s'agit d'utiliser le système d'indemnisation du chômage comme outil de flexibilité, de baisse du coût du travail et de précarité.

Le MEDEF n'a avancé aucune proposition concernant une revalorisation des indemnités ou un élargissement du nombre des bénéficiaires, alors que l'UNEDIC serait excédentaire de six milliards de francs et que quatre chômeurs sur dix seulement sont indemnisés.

Le MEDEF déciderait des conditions de retour à l'emploi des chômeurs et, par là même, d'une baisse des indemnisations, transférant un peu plus encore le coût social du chômage vers la collectivité nationale et donc sur l'Etat.

Dans tous les domaines, le MEDEF veut remettre en cause l'ensemble des avancées sociales dans notre pays. Il s'en prend au SMIC, à la sécurité sociale, aux retraites, aux contrats de travail.

M. Charles Cova.

Oh ! Le vilain !

M. Jean-Claude Sandrier.

En fait, il veut avoir les mains libres pour rendre les salariés taillables et corvéables à merci.

L'intérêt général commande d'exiger que le MEDEF a ssume ses responsabilités en matière de création d'emplois stables et correctement rémunérés. La croissance et le passage aux trente-cinq heures notamment en ouvrent la possibilité.

Aujourd'hui, les entreprises doivent être rendues collectivement responsables de la capacité des salariés à être embauchés, comme aussi des revenus des salariés qu'elles mobilisent et qu'elles démobilisent.

Parce qu'il s'agit d'un problème d'emploi, parce qu'il s'agit d'une implication des dépenses de l'Etat pour les chômeurs peu ou pas indemnisés, parce que les problèmes du chômage et de l'emploi ne concernent pas uniquement les partenaires sociaux, ne pensez-vous pas, madame la ministre, que le Gouvernement devrait faire entendre l'expression de l'intérêt général face à l'attitude rétrograde du MEDEF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le MEDEF, ainsi que les autres organisations patronales, ont décidé d'engager des négociations interprofessionnelles avec les organisations syndicales.

Après le Premier ministre, au comité du dialogue social, je ne peux que me réjouir qu'enfin la négociation s'ouvre en France au niveau interprofessionnel, après cinq années où il ne s'est quasiment rien passé. Mais, pour nous comme pour vous, la négociation doit aboutir à des accords qui constituent, pour les salariés, autant de progrès sociaux et d'éléments de protection et, pour les entreprises, de meilleurs moyens de fonctionner.

Le problème de l'indemnisation du chômage est très important. Il n'a pas été réexaminé depuis des années alors même que le marché du travail a beaucoup évolué.

Par exemple, le nombre de licenciements qui ont donné lieu à une inscription à l'ANPE a diminué de quelque dix points - il est passé de 39 % à 28 % -, mais les contrats à durée déterminé et les missions d'intérim marquent quant à eux une progression de près de 12 %. Il convient que les partenaires prennent en compte cette nouvelle réalité pour éviter que ne se poursuive ce mouvement tout à fait néfaste, qui fait qu'aujourd'hui 42 % seulement de chômeurs sont indemnisés contre 52 % il y a dix ans.

L'UNEDIC, organisme paritaire, doit comprendre que, lorsqu'on est en excédent, on ne doit pas toujours se retourner vers l'Etat pour demander à la solidarité nationale d'intervenir, comme en 1992 alors que l'indemnisation du chômage était en déficit.

Il n'y a eu pour l'instant que des déclarations et une première réunion. Mais croyez bien que le Gouvernement sera extrêmement attentif aux discussions, notamment


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quant à deux points essentiels : la prise en compte de la précarité pour l'ouverture à indemnisation et l'indemnisation du chômage des jeunes, dont le nombre a diminué de dix points par rapport au nombre de chômeurs couverts par une indemnisation ces dix dernières années.

La négociation ne fait que commencer. Les rapports entre l'UNEDIC et l'Etat font partie du jeu. Nous les utiliserons pour faire en sorte que les problèmes des chômeurs français soient bien pris en compte. Je fais, pour l'instant, confiance aux négociateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous reviendrons plus tard au groupe communiste.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

RO LE DU PARLEMENT

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, je vais poser ma question au nom du groupe UDF, mais également au nom des présidents des groupes RPR et Démocratie libérale, M. Debré et M. Rossi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Albert Facon.

Au nom de Tiberi ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

A la grotte, Douste !

M. Philippe Douste-Blazy.

Notre question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le bon fonctionnement de nos institutions.

Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, vous avez choisi le journal télévisé de vingt heures pour annoncer le détail de vos mesures fiscales.

Quarante-huit heures auparavant, ni votre ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ni son secrétaire d'Etat au budget n'avaient daigné en informer la commission des finances. (« Hou ! hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est scandaleux !

M. Philippe Douste-Blazy.

Tout à l'heure, immédiatement après les questions au Gouvernement, vous annoncerez le détail de vos mesures concernant les retraites à l'occasion d'une conférence de presse.

Demain, nous discuterons des articles du projet de loi sur la liberté de communication, dans lequel sont mises en place les chaînes thématiques numériques hertziennes terrestres. Or votre ministre de la culture et de la communication n'est même pas venue s'exprimer sur ce point devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la semaine dernière. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe des Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Notre question, monsieur le Premier ministre, est double.

D'une part, pouvez-vous exposer ici à la représentation nationale, en primeur - nous ne demandons pas l'exclusivité -, vos propositions concernant l'avenir des retraites ? D'autre part et plus largement, quel est, d'après vous, le rôle que doit jouer un parlement dans une démocratie comme la nôtre ? Est-ce celui d'une simple chambre d'enregistrement, ... Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Eh oui !

M. Philippe Douste-Blazy.

... comme ce fut le cas en d'autres temps ?

M. Jean-Pierre Michel.

Avec le général de Gaulle, par exemple !

M. Philippe Douste-Blazy.

S'il en est ainsi, monsieur le Premier ministre, nous aimerions vous rappeler, puisque, dans cet hémicycle, vous invoquez en toute occasion l'histoire, que, depuis les débuts de la République, c'est le Parlement, notamment l'Assemblée nationale qui consent l'impôt et qui contrôle les dépenses de l'Etat.

Ou bien alors pensez-vous, comme nous tous ici - je dis bien : tous -, que le Parlement est un lieu ou après débat, et uniquement après débat, ce sont les députés, et uniquement les députés, qui donnent aux choix du Gouvernement force de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, depuis juin 1997 et ma déclaration de politique générale, sur toutes les grandes questions et dès qu'il avait à voter des textes, le Parlement, et particulièrement cette assemblée, a été parfaitement respecté par ce gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il n'y a eu aucune grande question qui n'ait été débattue ici quand vous l'avez souhaité. Je pense aux nombreux débats que nous avons eus à l'occasion du conflit du Kosovo, je pense au débat que nous avons eu sur l'euro et l'engagement européen,...

M. Rudy Salles.

Zéro !

M. le Premier ministre.

... je pense aussi aux discussions que nous avons eues sur les conséquences des tempêtes et de la marée noire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A l'occasion de ces débats, nous avons indiqué ce que nous faisions. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Je vous en prie, chers collègues ! Un peu de silence !

M. le Premier ministre.

Le Gouvernement et ses ministres sont totalement disponibles pour l'Assemblée nationale,...

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre.

... que ce soit dans vos commissions ou dans l'hémicycle.

Il vous est même arrivé, mesdames, messieurs les députés, de nous reprocher de trop légiférer.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais il est vrai que nous avions une politique de réformes, et que nous allons continuer de réformer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Briand.

Parlez-nous de la réforme de Christian Sautter ?

M. le Premier ministre.

Respecter le Parlement, ce n'est pas simplement respecter scrupuleusement les droits de l'opposition comme nous le faisons ; c'est aussi respecter sa propre majorité. En trente-trois mois, ce gouvernement n'a jamais recouru une seule fois à l'article 49-3, contrairement aux gouvernements soutenus par l'actuelle opposition. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous avez souhaité que le débat sur la « cagnotte » ait lieu ouvertement. C'est pour cela, et aussi en raison des demandes qui sont venues de notre majorité, que nous avons décidé, ce qui est assez exceptionnel, d'ouvrir un collectif de printemps. Ainsi, la question des dépenses et du surplus de recettes, fiscales et non fiscales, pourra être traitée ouvertement.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il va de soi qu'en ce qui concerne le collectif budgétaire les décisions seront prises par l'Assemblée car c'est à elle qu'il revient de voter l'impôt et d'autoriser les dépenses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il en ira de même en ce qui concerne la question des retraites si des dispositions législatives doivent être arrêtées.

M. Jean-Michel Ferrand.

Démagogie !

M. le Premier ministre.

Mais, mesdames, messieurs les députés, il ne faut pas, malgré les responsabilités qui sont les nôtres, nous abstraire de la démocratie telle qu'elle fonctionne aujourd'hui.

M. Jean-Michel Ferrand.

Démagogie !

M. le Premier ministre.

C'est une démocratie de masse.

(Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est une démocratie dans laquelle chacun de nos concitoyens et concitoyennes exige d'être informé à chaque moment des décisions que nous prenons.

(Mêmes mouvements.)

Nous veillons à informer largement les Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.) Quand il s'agit de l'impôt, quand il s'agit des dépenses, quand il s'agit des retraites, ce sont les Français, dans leur ensemble, qui sont concernés, et ils méritent, eux aussi, d'être informés en direct, du moment que vos prérogatives sont respectées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais dire.

Je me souviens d'un plan de sécurité sociale qui a été présenté devant l'Assemblée. Personne n'en a gardé un très bon souvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Devedjian.

La démocratie populaire !

M. le président.

Calmez-vous, je vous en prie ! Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

LUTTE CONTRE LE RACISME

M. le président.

La parole est à M. Georges Frêche.

M. Georges Frêche.

Monsieur le président, permettezmoi tout d'abord, après vous, de saluer nos nouveaux collègues, et particulièrement notre ami Jean-Claude Leroy, nouveau député du Pas-de-Calais.

(M. Jean-Claude Leroy se lève. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent à leur tour et applaudissent. - Plusieurs députés du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert applaudissent également.)

M. Philippe Briand.

Deux à un ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît ! Je voudrais qu'on en revienne à la tradition de notre assemblée ! Monsieur Frêche, vous avez seul la parole.

M. Georges Frêche.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice, garde des sceaux.

La commission consultative des droits de l'homme a commandé, à l'occasion de la présentation du rapport annuel sur la lutte contre le racisme remis à M. le Premier ministre le 15 mars, un sondage auprès de la popul ation française. Les résultats en sont partiellement consternants. En effet, il apparaît notamment que 69 % des Français se déclarent plutôt racistes, un peu racistes ou un tout petit peu racistes, que 63 % jugent qu'il y a trop d'Arabes en France, que 21 % estiment qu'il y a trop de Juifs, pendant que 31 % pensent que ces derniers ont trop de pouvoirs.

Ce sondage permet de mettre en évidence une tendance au durcissement de la société française à l'égard des questions liées à l'immigration.

Personne aujourd'hui ne peut nier qu'il existe des attitudes et des actes toujours plus nombreux de discrimination raciale et d'antisémitisme dans notre vie quotidienne : accès à l'emploi, accès au logement, accès aux loisirs, contrôles sélectifs dans nombre d'établissements de loisirs, en particulier dans les discothèques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Tout le monde dans cette assemblée s'accordera à dire que la France se doit de faire respecter les droits des étrangers en situation régulière dans notre pays, a fortiori ceux des Français issus de l'immigration. Il y va de la dignité de la France, depuis toujours terre d'asile et pays des droits de l'homme.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a mis en place au niveau préfectoral des commissions départementales d'accès à la citoyenneté, les CODAC. Hélas ! beaucoup reste encore à faire. Ainsi, de nombreuses associations se sont fait l'écho du manque de sanctions devant être appliquées aux auteurs de ces actes condamnables par la loi. En effet, le parquet hésite fréquemment à engager des poursuites...

M. Francis Delattre.

La question !

M. Georges Frêche.

... du fait que la preuve est souvent difficile à apporter dans ce type d'affaire, contribuant par là même à la banalisation du phénomène.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

La question !

M. Bernard Accoyer.

Assez ! Posez votre question !

M. Georges Frêche.

Messieurs, vous n'êtes pas obligés de vous faire les porte-parole de M. Le Pen ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Autre mesure essentielle : la question de la charge de la preuve a fait l'objet d'une réforme structurelle importante proposée samedi par M. le Premier ministre aux assises de la citoyenneté. Il appartiendra désormais au juge d'apprécier la discrimination au vu du dossier, et non plus à la victime d'en apporter la preuve.

Madame la ministre, vous sachant attachée à la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme comme contre toutes les discriminations sociales ou sexistes, je me permets de vous demander si toutes ces mesures seront rapidement mises en place sur le plan juridique et si les instructions visant à traiter avec fermeté et intransigeance ces actes délictueux pourront être données au parquet ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, vous venez de rappeler l'analyse de la commission consultative des droits de l'homme sur le racisme.

Il est vrai que le constat est inquiétant. En effet, chaque acte discriminatoire est un déni de droit, une insulte au principe d'égalité qui fonde toute justice et aussi une violence qui mine le contrat social.

Le Gouvernement est bien décidé à prendre à bras-lecorps ce difficile problème. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a organisé samedi dernier les assises de la citoyenneté et qu'il a annoncé, à cette occasion, que les commissions départementales d'accès à la citoyenneté deviendront interministérielles afin que tous les services de l'Etat, dans chaque département, soient mobilisés sur la question.

M. le Premier ministre a, en outre, présenté un plan d e lutte contre les discriminations dans tous les domaines : l'accès au logement, le droit au travail, l'accès aux loisirs et à la culture. Plus généralement, il a appelé à la mobilisation contre toutes les formes de discriminations ou de comportements racistes et xénophobes. La mise en oeuvre d'un « numéro vert » permettra de venir en aide à toute victime.

Quant à l'action de la justice, sur laquelle porte plus précisément votre question, je voudrais rappeler que j'ai adressé, le 16 juillet 1998, une circulaire aux magistrats du parquet les invitant à intensifier leur action dans le domaine de la lutte antiraciste et à coopérer plus étroitement avec tous les acteurs de la société.

A l'heure actuelle, il est difficile, c'est vrai, d'apporter la preuve de ces discriminations devant la justice, et c'est là tout le problème. Nos lois sont bonnes, mais leur application n'est pas satisfaisante compte tenu de la difficulté d'apporter cette preuve.

Que faire ? Le Gouvernement a pris des décisions que le Premier ministre a annoncées samedi dernier.

D'abord, il faut que les associations se mobilisent elles le font déjà - pour organiser ce que l'on appelle des opérations de testing , c'est-à-dire des opérations où les témoins puissent apporter la preuve d'une discrimination devant un tribunal.

Ensuite, s'agissant des discriminations à l'embauche et sur le lieu de travail, il convient d'aménager la charge de la preuve pour permettre aux victimes d'obtenir plus facilement réparation devant les juridictions civiles. D'ailleurs, les directives européennes nous y invitent.

Au mois de juin prochain, le projet de loi de modernisation sociale, présenté par Mme Martine Aubry, contiendra les dispositions dont je viens de parler : aménagement de la charge de la preuve, possibilité pour les organisations syndicales d'ester en justice, en lieu et place de leurs adhérents, et possibilité donnée aux inspecteurs du travail de dresser des procès-verbaux d'infractions.

Tout le monde est interpellé par le constat de la Commission consultative des droits de l'homme, la justice, bien sûr, mais aussi toute la société. Les jeunes, les moins jeunes aussi, qui sont victimes de discriminations - et qui, bien souvent sont Français - ne demandent pas l'intégration mais simplement l'égalité. Nous la leur devons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SECTES

M. le président.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Ma question s'adresse également à Mme la garde des sceaux. Le procès de responsables de l'église de scientologie à Marseille en septembre dernier avait été marqué par la destruction d'une quantité importante de scellés judiciaires. Ces incidents fâcheux intervenant un an après la disparition au palais de justice de Paris d'une partie d'un autre dossier lié à cette même organisation, il y avait tout lieu de diligenter une enquête, ce qu'a évidemment fait la Chancellerie. Dès lors, madame la ministre, pourriez-vous informer l'Assemblée nationale de l'état d'avancement de cette enquête et, le cas échéant, lui donner quelques indications sur les premières conclusions qui en résultent ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Plus généralement, quelles dispositions avez-vous d'ores et déjà mises en oeuvre pour garantir la confidentialité et l'impartialité indispensables à la bonne marche de la justice française et prévenir le risque d'une instruction sectaire dans le domaine particulièrement sensible qui touche à la protection des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la députée, vous avez rappelé l'incident grave qui s'est produit au tribunal de grande instance de Marseille. L'inspection des greffes s'est rendue immédiatement à ma demande à Marseille et a confirmé l'origine accidentelle de la destruction des scellés dans son rapport.

Il s'agissait d'une erreur du greffe concernant l'interprétation d'une décision rendue par le tribunal de grande instance de Marseille.

Nous avons pris des mesures pour éviter que de telles erreurs se reproduisent. Les affaires méritant une attention particulière sont désormais signalées par le parquet par un moyen technique, l'apposition d'une pastille sur le dossier. Les connexions informatiques existant entre les services des scellés et le service des archives pénales ont été renforcées. Enfin, en cas de destruction de scellés, il a été demandé que les fonctionnaires procèdent à des vérifi cations systématiques.

Cette destruction accidentelle n'a heureusement pas empêché le tribunal de Marseille de rendre un jugement sur les affaires qui lui étaient soumises. Le tribunal a ainsi retenu la responsabilité pénale de cinq des sept personnes prévenues. Elles ont été condamnées en novembre 1999 à des peines d'emprisonnement pour escroquerie et tentatives d'escroquerie.

Je souhaite rappeler qu'il existe au sein du ministère de la justice une cellule spécialisée sur ces questions. Par ailleurs, nous examinons en ce moment même avec la plus grande attention les recommandations du rapport de la mission interministérielle de lutte contre les sectes qui a été remis dernièrement par M. Alain Vivien au Premier ministre. Nous avons pris une première mesure dans le projet de loi relatif à la présomption d'innocence pour favoriser l'action en justice des associations de lutte contre le phénomène sectaire. Nous examinons également la question de la dissolution judiciaire des personnes morales exerçant des activités sectaires. Ces questions feront l'objet d'une discussion devant votre assemblée à l'occasion de l'examen prochain d'une proposition de loi.

Enfin, j'ai adressé en décembre 1998 une circulaire aux parquets pour mettre en place, dans chaque cour d'appel, un magistrat chargé de coordonner l'action de lutte contre les phénomènes sectaires. D'ores et déjà, plusieurs groupes de travail fonctionnent en collaboration avec les associations de lutte contre les sectes. Nous avons dressé un premier bilan en septembre 1999 et je crois pouvoir dire que les parquets sont maintenant bien mobilisés.

Bien entendu, cet ensemble de mesures ne dispense pas d'une vigilance accrue contre les menaces qui pourraient être portées contre nos concitoyens. Madame la députée, je vous remercie de m'avoir permis de faire le point (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) sur les mesures que nous avions prises et que nous allons prendre dans les prochains jours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

OTAGE FRANÇAIS EN TCHE

TCHE

NIE

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 1er octobre dernier, un jeune reporter photographe, Brice Fleutiaux, a été enlevé en Tchétchénie, lors d'un reportage dans le Caucase qui devait être de courte durée. Depuis cette date, il est détenu dans des conditions difficiles, pour ne pas dire inhumaines, quelque part en Tchétchénie. Sa famille, ses proches, le comité de soutien ne veulent pas perdre espoir et attendent une libération imminente.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles démarches sont entreprises par le Gouvernement afin d'obtenir sans délai la libération de ce ressortissant français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, j'ai eu, hélas ! plusieurs fois l'occasion dans le passé d'avoir à suivre des affaires d'otages, et je sais le calvaire que cela représente pour la famille, pour les proches, pour les amis. Je peux vous dire que dans cette affaire, depuis la date de l'enlèvement, c'est-à-dire le 1er octobre, comme vous le rappeliez, les autorités françaises n'ont jamais cessé de s'en occuper un seul jour. Le président de la République, le Premier ministre et moimême avons saisi toute occasion de faire savoir aux autorités russes, en tout cas à toutes les autorités russes capables ou susceptibles d'avoir une influence utile sur sa libération, le prix que nous attachons à ce qu'il soit libéré sain et sauf, et le plus tôt possible. Nous avons tous reçu sa famille.

Je vous dirai simplement aujourd'hui, comme je le redis, à travers vous, à sa mère, à son père, à sa femme, à ses amis photographes, qui se sont mobilisés pour lui, que nous ferons tout ce qui dépend de nous pour qu'il soit libéré le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

A l'heure de l'effervescence autour d'Internet, l'escalade - parfois virtuelle, reconnaissons-le - du monde des nouvelles techniques de communication doit nous rendre encore plus vigilants pour garantir l'accès de tous, surtout des plus défavorisés, à l'utilisation sans discrimination des moyens plus classiques de communication, comme le téléphone fixe ou le courrier.

Sur cette question centrale de l'accès au service public des échanges et des communications, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous interroger sur deux points, auxquels, je le sais, vous accordez une grande importance.

Vous venez de confirmer le dispositif d'accès aux tarifs sociaux pour le téléphone fixe. Pouvez-vous nous préciser les modalités et les échéances de sa mise en oeuvre ? Par ailleurs, dans quelques semaines, vous allez évoquer avec vos collègues européens la fièvre de libéralisation qui s'empare encore une fois des commissaires européens à


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propos du secteur réservé à La Poste en matière de courrier. Quelle sera la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, un des axes forts de la politique du Gouvernement est en effet le renforcement du service public, notamment dans le domaine des communications et des télécommunications.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Et celui des finances ! A la première partie de votre question, je réponds de manière très précise. Il s'agit, pour les plus démunis, de favoriser un accès au service téléphonique à un coût abordable. Pour cela, les titulaires du RMI, de l'ASS, de l'allocation adulte handicapé et les invalides de guerre, sans qu'ils aient à faire de démarches, recevront un formulaire,...

(Exclamations sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lellouche.

Bravo ! Un formulaire !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... qui, une fois rempli, leur permettra de bénéficier automatiquement d'une réduction du prix de l'abonnement de 78 francs abonnement normal - à 45 francs par mois. C'est donc une procédure simple et immédiate.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Quant à La Poste, la Commission européenne semble v ouloir faire évoluer la directive actuelle, qui est conforme aux orientations défendues par la France, dans un sens ultralibéral, comme l'avez dit.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Briand.

Pas de gros mots !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je tiens, et je continuerai à tenir le langage de la fermeté vis-à-vis de la Commission,...

M. Pierre Lellouche.

Avec un formulaire ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... comme je l'ai exprimé au commissaire Bolkestein, dès le mois de novembre 1999.

Nous ne voulons pas de libéralisation programmée, même partielle, de la directive actuellement en vigueur dont l'application convient aux différents gouvernements européens.

Nous voulons le maintien du monopole dans la durée et nous ne voulons pas de possibilité de contournement.

M. Pierre Lellouche.

Voyez France Télécom, monsieur Pierret !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pourquoi ? Tout simplement pour financer le service public et garantir la péréquation des tarifs.

Mais nous voulons aussi imprimer une vision dynamique à ce service universel dont il faut enrichir le contenu, en termes d'accessibilité pour tous, notamment pour les plus défavorisés, et en termes de qualité de service, en réduisant les délais de transfert du courrier d'un pays à un autre ou d'une agglomération à une autre.

M. Pierre Lellouche.

Soyez donc sérieux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La France, à cet égard, mesdames et messieurs les députés, n'est pas du tout isolée.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Pierre Lellouche.

Plusieurs pays européens ont privatisé !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

L'Union postale universelle a en effet confirmé, dès l'année dernière, que c'était son orientation à la quasi-unanimité. Les syndicats européens membres de l'Internationale des communications abondent unanimement dans ce sens. En outre, nous avons reçu l'accord de dix postes européennes très récemment. Enfin, une résolution du Parlement européen a confirmé ces orientations en faveur du service public.

Je suis très heureux de pouvoir l'annoncer à l'Assemblée nationale : nous serons très fermes sur le maintien et le développement du service public des télécommunications et de La Poste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

OMC

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, ma question a trait à l'OMC.

Il y a quelques semaines s'est tenue à Bangkok une réunion de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement - la CNUCED - au cours de laquelle les déclarations d'intention furent d'autant plus généreuses qu'elles étaient moins contraignantes pour le commerce international. Par ailleurs, il y a quelques mois, à Montréal, a été adopté un protocole sur la biosécurité, protocole assez intéressant mais dont on peut se demander de quelle manière il sera pris en compte par l'OMC.

La légitimité est du côté de l'ONU, mais la puissance est du côté de l'OMC. Autrement dit, il y a une sorte d'étanchéité entre le droit international et le commerce mondial. Alors que les négociations sur les services puis sur l'agriculture vont reprendre, je vous poserai trois questions, monsieur le secrétaire d'Etat.

D'abord, la France et l'Europe vont-elles tenter d'exclure les services publics du champ d'application de l'OMC ? Ensuite, vont-elles défendre le principe de multifonctionnalité de l'agriculture, en cohérence avec le protocole de Montréal ? Enfin, comme le commissaire Lamy semble assez pressé de recommencer le cycle des négociations, savez-vous où, quand et sur quel ordre du jour il s'ouvrira ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Monsieur le député, je reviens précisément d'un conseil informel des ministres du commerce extérieur à Porto, où nous avons évalué la situation après Seattle et


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défini la stratégie que l'Union devait tenir dans les mois à venir. A cette occasion, j'ai réaffirmé la position de la France qui est en faveur d'un cycle large équilibrant libéralisation et régulation.

Dans cette perspective, il nous paraît difficile que le cycle puisse repartir cette année, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, les élections américaines pèsent, aujourd'hui comme hier, sur les circonstances. Ensuite, nous avons un vrai travail à faire en direction des pays en voie de développement, auxquels nous devons envoyer des signes clairs et proposer des mesures concrètes - je me félicite de ce point de vue que la CNUCED ait permis d'améliorer les choses. Il y a aussi un travail de légitimité, à faire pour l'OMC - vous en parliez. Enfin, il nous faut expliquer nos positions sur les questions de l'environnement et des normes sociales, qui sont parfois incomprises.

Au total, le sommet de Porto aura confirmé nos positions. Il faut s'en réjouir.

Je me félicite comme vous, monsieur le député, de ce que l'accord de Montréal ait reconnu le principe de précaution en le plaçant sur le même plan que les règles de l'OMC. Mais l'étanchéité entre le droit international et les règles de l'OMC que vous craignez ne me paraît pas du tout inéluctable.

S'agissant des négociations qui reprennent à Genève, je vous confirme que le gouvernement français n'entend en aucune façon négocier sur les services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

On l'a vu à Bercy !

M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Le système fonctionne par ordre positif ; il n'est pas question de le remettre en cause.

Sur l'agriculture, les négociations reprendront à leur rythme. Comme elles seront conduites sur la base de l'article 20, nous aurons la possibilité de débattre de la multifonctionnalité et de la spécificité de l'agriculture.

Enfin, s'agissant de l'information du Parlement, vous le savez, plusieurs réunions ont eu lieu. J'ai réuni, le 2 mars, à Bercy,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Où ça ? (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

... l'ensemble des représentants du Parlement et de la société civile concernés. J'ai l'intention de poursuivre ce dialogue dans les mois à venir autour de tables rondes spécifiques.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le dialogue a eu lieu avant et pendant Seattle ; il aura lieu après Seattle, ainsi que l'a souhaité le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

FUSION DES COMMUNES DE LILLE ET DE LOMME

M. le président.

La parole est à M. Franck Dhersin.

M. Franck Dhersin.

Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons qu'être désolés par la réponse que vous avez faite à M. Douste-Blazy au sujet de votre conférence de presse sur les retraites. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous nous confirmez que vous préférez les débats avec la presse plutôt qu'avec les députés, ce qui est consternant de la part d'un premier ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Dimanche dernier, malgré l'annonce, dans la semaine, du saupoudrage de la cagnotte en mesures électoralistes et clientélistes, la gauche a été battue dans deux circonscriptions qui lui semblaient pourtant acquises. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - « Et Vasseur ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Un peu de calme. Acheminez-vous vers votre conclusion, monsieur le député.

M. Franck Dhersin.

Le groupe Démocratie libérale se félicite de ces résultats. Ils prouvent que les Français, qui ont dû subir plus de 420 milliards de francs de prélèvements supplémentaires en deux ans et demi, n'ont pas été dupes du plan du Premier ministre qui ne porte que sur 40 milliards de francs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les effets d'annonce sur lesquels vous surfez depuis 1997 ne trompent plus personne. Votre méthode prend de plus en plus l'allure d'une spirale de l'échec : échec électoral ; échec à Bercy avec le retrait peu glorieux de la réforme de la direction des impôts ; échec à l'éducation nationale avec 200 000 manifestants dans les rues il y a quelques jours.

L'ampleur de cet échec est telle qu'elle a incité Pierre Mauroy, ancien premier ministre, à effectuer à la va-vite la fusion de sa commune, Lille, avec la commune de Lomme, réputée traditionnellement à gauche. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Face à la montée du mécontentement et pour accroître les chances de succès de Martine Aubry, le Gouvernement a oublié son prétendu sens de la morale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en acceptant, à moins d'un an des élections municipales, une fusion de communes qui pèsera sans aucun doute sur les résultats de mars 2001. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Cette année, les Lillois ont eu Lomme, ils auront la femme l'année prochaine.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Telle est certainement votre conception de la parité ! Cette fusion aux objectifs purement électoraux pose une série de questions. (Mêmes mouvements.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence. M. Dhersin va pouvoir achever rapidement de poser ses diverses questions.

M. Franck Dhersin.

Premièrement, ne conviendrait-il pas, dans un souci du respect du vote des électeurs, d'interdire toute fusion dans l'année qui précède des élections municipales ? D euxièmement, ne devrait-on pas prévoir qu'une fusion qui a d'importantes conséquences tant électorales qu'économiques et sociales donne lieu à un référendum ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Les habitants de Lomme voulaient ce référendum. Mais ils n'ont été entendus ni par Pierre Mauroy ni par votre ministre candidate, Mme Aubry ! Une nouvelle fois, vos amis et vous-même avez imposé la méthode au détriment de la concertation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Franck Dhersin.

Les citoyens n'ont pu s'exprimer face à cette nouvelle manipulation. Décidément, le Gouvernement « vire à l'aigre ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En tout cas, cela ne saurait tarder.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, j'ai pensé tout d'abord que vous m'interpelliez sur des questions concernant l'ensemble du pays. Puis, j'ai constaté que votre angle de vision s'était progressivement rétracté jusqu'à évoquer les problèmes d'une fusion entre Lille et Lomme ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) S'agissant du collectif budgétaire, qui constitue pour le Parlement l'occasion de débattre de la cagnotte et des choix budgétaires, il n'y a, contrairement à ce que vous indiquez, aucun saupoudrage.

M. Maurice Leroy.

C'est de l'arrosage !

M. le Premier ministre.

Les allégements d'impôt, que vous appeliez de nos voeux, sont massifs. Vous reprochiez au Gouvernement de ne pas trancher. Eh bien, nous avons décidé de réduire la taxe d'habitation et les tranches inférieures de l'impôt, disposition dont profiteront aussi, par report, les tranches supérieures, et de diminuer d'un point la TVA. Cette dernière mesure bénéficiera tant aux couches populaires qu'aux classes moyennes qui économisent et qui pourront acheter, par exemple, une automobile puisque les constructeurs ont annoncé qu'ils appliquaient d'ores et déjà cette baisse. Il n'y a donc pas eu saupoudrage, mais au contraire concentation d'un effet d'allégement d'impôt, socialement juste et économiquement bon. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

D e même, nos priorités concernant les dépenses induites par les tempêtes qui ont frappé la France, les problèmes de l'hôpital public et la question de l'éducation étaient fort bien adaptées.

M. Philippe Briand.

Les profs sont dans la rue ! Un député du groupe de l'Union pour la démocratie Français-Alliance.

Et Bercy ?

M. le Premier ministre.

La situation économique dans notre pays est caractérisée par une croissance forte, un investissement actif, une consommation soutenue, une baisse du chômage, une maîtrise des prix et un excédent commercial. Voilà des éléments dont les Français peuvent se réjouir et dont vous devez vous réjouir avec nous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant aux conflits, l'un est circonstanciel. Il est dû à une réforme souhaitable...

M. Jean-Michel Ferrand.

Alors, faites-la !

M. le Premier ministre.

... qui a fait pour l'instant l'objet d'un retrait, afin de rouvrir autrement la discussion.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et je me réjouis à cet égard que les responsables syndicaux continuent de dire qu'il est effectivement souhaitable de réformer pour mieux servir les contribuables et les Français.

(Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît !

M. le Premier ministre.

L'autre conflit, tout aussi ponctuel, concerne l'enseignement. Mais, monsieur le député, même avec les 200 000 manifestants auxquels vous avez fait allusion, nous sommes loin du million que M. Bayrou, alors ministre de l'éducation, avait rassemblé contre lui dans les rues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

D'une manière générale, nous constatons que le nombre des conflits sociaux est en recul dans notre pays aujourd'hui.

Enfin, s'agissant de la fusion entre Lomme et Lille, cette décision a été prise, à ma connaissance, conformément à la loi. Elle n'appelle donc pas d'observation particulière. Puisque M. Douste-Blazy m'interrogeait tout à l'heure, je note qu'il y a aussi ceux qui font fusionner Lourdes et Toulouse. Je ne sais s'ils en avaient informé les parlementaires mais, en tout cas, ils n'en avaient rien dit aux Lourdais.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Et la fusion Blois-Paris ?

M. le président.

Nous en venons aux questions de groupe du Rassemblement pour la République.

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. le président.

La parole est à Jean-Marie Geveaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Marie Geveaux.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, l'application de la CMU pose de graves problèmes, ce qui ne nous étonne pas. En effet, mes collègues de l'opposition vous avaient mis en garde, tout au long de la la discussion de cette loi. Aujourd'hui, les faits leur donnent raison. Les caisses d'assurance maladie sont submergées. Le personnel n'est pas préparé, et ce sont tous les assurés qui en subissent les conséquences.

Quant aux professionnels de santé, ils sont inquiets et démobilisés, n'arrivant pas à se faire rembourser.

Madame la ministre, que répondez-vous aux infirmières et aux généralistes installés dans des secteurs où vivent de nombreux bénéficiaires de la CMU alors que leur tiers-payant ne fonctionne pas ? Qu'allez-vous dire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

aux personnes exclues en raison des effets de seuil ? Qu'allez-vous faire de tous ceux qui bénéficiaient d'une aide médicale gratuite aussi avantageuse que la CMU et dont les ressources sont supérieures au plafond ? D'ici au mois de juillet, ils seront exclus du dispositif. Quant aux mutuelles, elles sont mises hors jeu du seul fait que les caisses primaires d'assurance maladie conservent 80 % de la couverture complémentaire. Elles participent pourtant au financement de la CMU.

Alors, madame la ministre, que comptez-vous faire pour remédier à ces dysfonctionnements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Rien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, les trois millions de personnes bénéficiant dès à présent de la couverture maladie universelle et les trois autres millions qui en profiteront dans les mois à venir, dès qu'ils auront décidé de s'inscrire, apprécieront comme il se doit les propos de l'opposition selon lesquels soigner gratuitement six millions de personnes dans notre pays constitue une erreur magistrale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.) Certes, vous n'étiez pas là au moment du vote de cette loi, mais vous êtes solidaire de vos amis qui, eux, ont voté contre.

La Caisse nationale d'assurance maladie qui, comme vous le rappelez souvent, est gérée par le patronat et les syndicats, nous avait demandé 1 400 emplois supplémentaires pour traiter les problèmes de la couverture maladie universelle. Elle a eu satisfaction. Mais comme les caisses sont aujourd'hui confrontées à un surcroît d'ordonnances à cause de l'épidémie de grippe (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne fais que rapporter les propos du président, qui est parfois votre référence, messieurs ! ... Comme leur nouveau système informatique leur c ause des difficultés, j'ai décidé de leur allouer 600 contrats à durée indéterminée complémentaires et 500 contrats à durée déterminée. Tout comme vous, je regrette que la caisse nationale, qui emploie aujourd'hui 90 000 salariés, ne soit pas à même de répartir ses ressources de façon à éviter les retards accumulés qui existent aujourd'hui en Ile-de-France.

Cela étant, monsieur le député, j'appelle l'opposition à un peu plus de cohérence. Elle ne peut pas être contre la loi de financement de la sécurité sociale, au prétexte que nous donnerions trop d'argent à l'hôpital, puis nous montrer du doigt trois semaines plus tard parce qu'un conflit se développait à l'hôpital.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Oui, le Gouvernement avance, et vous ne pouvez pas lui reprocher à la fois son immobilisme et son action.

Il propose des lois de progrès social, telle la couverture maladie universelle, ou des accords, tels ceux que nous venons de signer avec l'hôpital et qui lui permettront de mieux remplir sa mission de service public. Si l'on entend bien les critiques de l'opposition, on attend toujours ses propositions, et les Français avec nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Je commencerai par une citation : « La seule politique valable pour ce Gouvernement, c'est le dialogue. Et le dialogue suppose la compréhension. » Ainsi s'exprimait,

jeudi soir dernier, le professeur Jospin, réprimandant son mauvais élève Allègre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vendredi, ce fut au tour du premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, de tancer vertement le ministre de l'éducation nationale. Enfin, hier, le secrétaire national du parti socialiste en charge de l'éducation sonnait l'hallali en réclamant à mots couverts sa tête.

M. Didier Boulaud.

Et Tiberi ? Que dit-il ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Et Françoise de Panafieu, que dit-elle sur Tiberi ?

M. Bruno Bourg-Broc.

Mais toutes vos admonestations publiques n'y changeront rien. En effet, la situation est complètement bloquée par votre méthode et votre politique. Monsieur le Premier ministre, l'immobilisme électoraliste n'est pas vertu. Les élèves, les professeurs, les parents d'élèves demandent un projet éducatif répondant aux véritables enjeux du

XXIe siècle. Ce n'est pas une simple question d'argent. Votre milliard ne résoudra pas les problèmes posés. Alors, monsieur le Premier ministre, quelles réponses allez-vous apporter aux professeurs et aux parents d'élèves en colère ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie libérale et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Du calme ! Seule Mme Royal a la parole !

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l 'enseignement scolaire.

Merci, monsieur le président.

(« Allègre ! Allègre ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Cette attitude n'est pas admissible dans l'hémicycle ! Une question a été posée, la réponse doit être maintenant écoutée dans le silence. (« Allègre ! Allègre ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs)...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

M. le président.

Messieurs, je veux que la démonstration soit faite de vos méthodes. (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Blanc.

Allons, monsieur le président !

M. le président.

Je n'ai certainement pas de leçon à recevoir de vous, monsieur Blanc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je demande à tous, sur tous les bancs, de se taire, y compris à vous, monsieur Kucheida ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Dites quelque-chose, madame Alliot-Marie ! Bravo pour le respect dû aux femmes ! C'est vraiment lamentable !

M. le président.

Reprenez, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député, d'abord je suis heureuse que vous ayez retenu les excellentes leçons du Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il a, en effet, répondu aux attentes en acceptant une discussion sur l'augmentation des emplois et des moyens budgétaires consacrés à l'éducation sur plusieurs années.

En conséquence, une vraie négociation s'engagera dans les semaines à venir, dans le cadre d'une sérénité retrouvée dans les établissements scolaires afin de définir un plan pluriannuel d'amélioration de l'éducation nationale qui s'appliquera dès la rentrée scolaire prochaine. Ce plan sera défini à partir de l'analyse des besoins et des améliorations qualitatives tant au niveau national qu'au niveau de chaque académie, c'est-à-dire au plus près du terrain.

M. Philippe Briand et

M. Renaud Muselier.

Madame la ministre, c'est M. Bourg-Broc qui vous a posé la question. Pourquoi regardez-vous M. Allègre en répondant ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Sur la base de cet engagement, fondé sur la confiance de la parole donnée, enseignants, parents, élèves, responsables académiques à tous les niveaux, sans oublier les collectivités locales pour la qualité des locaux scolaires, se mobiliseront tous ensemble pour que les réformes et la transformation de l'éducation continuent au service de la réussite des élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

SYNCHROTRON DE TROISIÈME GÉNÉRATION

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes.

Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interpeller sur les conclusions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et scientifiques présenté le 15 mars dernier, et qui avait été commandé par notre assemblée à la suite de la décision de votre gouvernement, le 2 août dernier, d'abandonner la construction en France d'un synchrotron de troisième génération. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce rapport adopté à l'unanimité des membres de l'Office, donc de vos amis, est un désaveu grave pour votre ministre de l'éducation et votre Gouvernement.

(Huées sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, s'il confirme bien qu'une collaboration franco-britannique est une voie qu'il convient d'explorer, il conclut toutefois à la nécessité de construire dans les plus brefs délais une source de synchrotron en France dans une région bien desservie et à vocation scientifique affirmée pour couvrir la totalité des besoins. Ces propos confirment ce que disent l'opposition et la communauté scientifique depuis plusieurs mois.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous suivre les recommandations de ce rapport ? Allez-vous prendre la décision de construire dans les plus brefs délais un synchrotron de troisième génération en France ? Cela permettrait de remotiver la communauté scientifique qui en a bien besoin et de conserver à notre pays l'avance qu'il avait en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, j'ai bien reçu le rapport parlementaire sur le synchrotron.

Par-delà les remarques de forme, pourquoi n'a-t-on pas entendu le ministre avant de le rédiger ? Pourquoi avoir fait croire qu'on avait consulté l'Allemagne, la Suède et la Grande-Bretagne alors qu'on n'a interrogé que les directeurs de synchrotrons de ces pays ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas la question !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Pourquoi prétendre qu'il a été adopté à l'unanimité alors que Georges Charpak, Guy Ourisson et Jean-Pierre Changeux ne sont pas d'accord.

Cela dit, ce rapport est intéressant. J'ai noté qu'il approuvait le projet franco-britannique prévu à Oxford, mais qu'il demandait aussi plus de rayonnement synchrotron. (« Eh oui ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour l'heure, nous l'étudions. Nous le transmettrons ensuite au groupe européen des grands équipements.

J'ai noté également avec plaisir que vous souhaitiez que les grands équipements soient installés en France, et j'en suis d'accord. Mais faut-il un nouvel équipement en Ilede-France ? Ou un synchrotron associant la France, la Grande-Bretagne, la Belgique et la Hollande pour la biologie dans le Nord ? Ou bien un centre européen de laser de puissance en Aquitaine et dans les Landes ? Ou encore un centre de neutrons rapides pour étudier les déchets nucléaires en PACA ? A moins qu'il ne faille renouveler


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la flotte océanographique française et donner du même coup des moyens à la construction navale ? (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Faut-il aider l'Est ou la Bretagne ? Mesdames, messieurs, le Gouvernement se soucie de l'aménagement du territoire. Il étudiera ces problèmes dans un cadre général et associera bien entendu le Parlement à cette réflexion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en revenons à une question du groupe communiste.

DROIT DE VOTE DES ÉTRANGERS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le 21 mars est la journée internationale de lutte contre le racisme. De très nombreuses initiatives se tiennent dans le pays pour faire reculer ce fléau. Et nous nous félicitons que le Gouvernement ait annoncé samedi des mesures visant à lutter contre les actes racistes dans le travail et le logement.

Mais peut-être pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, aller plus loin en ce jour symbolique et en finir avec une discrimination majeure qui frappe les étrangers non communautaires. Je parle bien évidemment du droit de vote et d'éligibilité pour les élections municipales.

L'apport de ces hommes et de ces femmes à la société française est en effet considérable. Ce progrès démocratique vers l'égalité des droits permettra aux habitants de nos villes de mieux vivre ensemble. J'irai même plus loin : pour promouvoir une nouvelle démocratie, une citoyenneté qui associe chacune et chacun aux grands choix collectifs, nous avons besoin d'eux. C'était d'ailleurs un des grands engagements de 1981 et cela reste aussi un des grands rendez-vous manqué de cette période.

Aujourd'hui, cette exigence est majoritaire dans notre peuple. De nombreuses associations ont pris une part décisive dans cette évolution. Je pense particulièrement à celles qui se sont regroupées au sein du collectif « Même sol, mêmes droits, même vote ». En octobre dernier, le groupe communiste a déposé une proposition de loi qui a relancé le débat.

Tous les groupes de la majorité plurielle souhaitent une telle réforme à laquelle certains maires de grandes villes de l'opposition sont favorables. Des millions de citoyens, notamment les étrangers qui vivent ici depuis de nombreuses années et dont les enfants sont, pour la plupart, français, attendent de votre part une détermination comparable à celle qui fut la nôtre pour le PACS ou pour les 35 heures.

Une telle mesure ferait honneur à la gauche, à notre pays et serait un signal fort lancé à l'Europe, particulièrement aux démocrates autrichiens. Une volonté politique claire permettrait d'accorder le droit de vote aux étrangers dès les municipales de 2001. Le temps est compté, mais c'est encore possible. Monsieur le Premier ministre, êtesvous prêt à tout mettre en oeuvre pour que ce droit soit effectif dès les élections municipales de 2001 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme Frédérique Bredin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, en interrogeant le Gouvernement sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales, vous posez la question très vaste des liens entre citoyenneté et nationalité. Si les citoyens français ont la responsabilité de l'avenir de la France, de son influence, de son rayonnement, de sa cohésion, on ne peut demander la même chose à des étrangers qui ont préféré conserver la nationalité de leur pays d'origine, ce qui est d'ailleurs leur droit. Pour autant, en vertu du traité de Maastricht, les étrangers ressortissants de l'Union européenne peuvent voter aux élections municipales.

La question que vous posez, monsieur le député, a déjà été évoquée au sein de la majorité plurielle. Votre groupe a déposé une proposition de loi. Quant au groupe socialiste, il a également déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Le Mouvement des citoyens a adopté une attitude d'ouverture pour que le droit de vote puisse être accordé au moment du renouvellement de la carte de dix ans, mais seulement pour les élections locales et, à ma connaissance, les Verts ont réagi de la même façon. S'agissant des groupes de l'opposition, j'ai cru entendre M. Barre dire quelque chose d'analogue.

Sur un tel sujet, il faut éviter de lancer un brûlot qui aurait pour seul effet de ressusciter des passions malsaines.

Nous devons faire un effort de conviction, de rassemblement pour que de telles dispositions, concernant les élections locales seulement, n'interviennent que dans le cadre d'un large consensus.

Cela dit, monsieur le député, il faut garder le sens du relief et se rappeler que les quelque 2 millions de jeunes nés des dernières vagues de l'immigration et possédant la nationalité française connaissent un taux de chômage double, voire triple, de celui des autre jeunes. Le Gouvernement a donc organisé les Assises de la citoyenneté et le Premier ministre a annoncé toute une série de mesures, notamment l'octroi de 5 000 bourses de service public, de 10 000 bourses au mérite pour favoriser l'accès à la fonction publique, ainsi que des dispositions facilitant la naturalisation pour des jeunes arrivés avant l'âge de six ans sur le territoire national, institutionnalisant et donnant un nouvel élan aux commissions d'accès à la citoyenneté. Cette politique concerne près de 2 millions de jeunes et je voudrais que vous ayez cela à l'esprit lorsque vous évoquez la question du droit de vote des étrangers non communautaires. Pour ma part, je pense que les Algériens, les Marocains, les Tunisiens, les Sénégalais ou les étrangers appartenant à l'ancienne Communauté pourraient accéder au droit de vote aux élections locales dans les mêmes conditions que les étrangers communautaires. Mais c'est là un débat que nous devons avoir en toute sérénité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

(M. Philippe Houillon remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)


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PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

2

SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131, 2229).

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de dire en quelques mots, au nom de Louis Besson et de Claude Bartolone, combien nous avons apprécié le travail réalisé par votre commission de la production et des échanges et par son rapporteur, Patrick Rimbert. La qualité de ce travail - je ne parle pas de la quantité -, la clarté du rapport comme le contenu des interventions témoignent de l'intérêt porté par l'Assemblée nationale à ce texte traitan t d'un enjeu majeur de société.

La concertation, établie à la fois par la commission et par le Gouvernement en amont, tout comme l'apport des députés pour que le texte tire le meilleur parti des expériences concrètes vécues sur le terrain ont contribué à enrichir le débat. Bien sûr, il y a toujours des excès dans les propos de certains, mais je me félicite qu'aucun ici n'ait soutenu l'idée exprimée publiquement par un ancien ministre, disant qu'il n'appliquerait pas la loi. Outre la gravité du propos à l'encontre du pacte républicain, je voudrais souligner que le pire, en ce domaine, est le conservatisme et l'immobilisme.

En fait, tout le monde reconnaît publiquement le besoin de solidarité, de cohérence, de modernisation et de simplification de la politique urbaine sans l'opposer au monde rural. C'est le sens du projet de loi que nous avons présenté. C'est le sens de l'appel à l'enrichissement que nous avons souhaité et que j'ai exprimé dès le début de notre discussion.

Durant nos débats, qui ont duré près de cinquante heures sur cinq jours, 1 560 amendements ont été examinés et 426 ont été adoptés après avoir fait, pour la plupart, l'objet d'avis favorable du Gouvernement et, dans quelques cas, d'un appel à la sagesse de l'Assemblée. En fait, chacun sait bien qu'en termes d'aménagement, d'urbanisme, d'habitat, de déplacements on ne peut laisser les choses continuer en l'état. Faire évoluer la ville vers plus de mixité sociale et fonctionnelle, voilà une démarche rompant avec la facilité du laisser-faire qui, à terme plus ou moins rapproché, ne pourrait conduire qu'à une déchirure encore aggravée du lien social.

D'abord, parce que nous sommes tous confrontés aux mêmes questionnements générés par l'addition des effets conjugués du chômage massif depuis des décennies, des ségrégations sociales et spatiales, de l'empilement des textes et des procédures.

Ensuite, parce que la vie elle-même nous conduit - et nous en avons la volonté - à intégrer la dimension de l'urbain, du développement durable, de l'environnement et du droit à l'esthétique, à la beauté.

Je veux saluer ici les hommes et les femmes de gauche, de progrès, les humanistes - il s'en trouve d'ailleurs sur tous les bancs - qui font de la lutte contre les injustices, les inégalités et le mépris une dimension essentielle de leur engagement. C'est à ce prix que nous donnerons sens aux valeurs de la République. L'Etat doit être garant de cette dimension, sinon que vaudrait notre engagement fondateur pour la liberté, l'égalité et la fraternité ? Les dispositions du présent projet en faveur de la mixité sociale sont raisonnables puisqu'il s'agit de perm ettre aux communes qui comportent actuellement moins de 20 % de logements sociaux de rattraper progressivement leur retard, en vingt ans. Je répète que c'est réaliste et qu'il n'en coûtera rien à celles qui s'inscriront dans ce processus.

Comme vous le savez, nous avons accepté au cours des débats l'élargissement de la définition des logements sociaux pour tenir compte de la réalité des situations de chacune des agglomérations concernées et des efforts qu'elles ont produits durant les décennies passées.

Ce texte a permis d'engager le débat sur les questions récurrentes des logements insalubres et des copropriétés dégradées. Il a aussi permis de dégager des solutions en faveur de celles et ceux qui vivent dans ce type d'habitat, dans des conditions indignes de notre époque.

J'ajoute que ce projet de loi ne procède pas d'un mouvement de recentralisation mettant en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Les pouvoirs des préfets ne seront en réalité guère différents de ce qu'ils sont actuellement vis-à-vis des documents d'urbanisme. Tout le sens de notre réforme du code de l'urbanisme vise à simplifier celui-ci et à introduire plus de concertation et de démocratie dans l'élaboration et la mise en cohérence des projets urbains.

Mesdames, messieurs les députés, aucun d'entre nous ne peut être insensible aux problèmes de société auxquels nous sommes confrontés. Cette société de la civilisation urbaine, nous ne devons pas en avoir peur. Nous refusons d'assimiler la reconstruction de la ville sur la ville à la reproduction des pratiques abandonnées de construction des barres et des tours, insupportables aujourd'hui. C'est même exactement tout le contraire. C'est pourquoi d'ailleurs, comme vous l'avez décidé, il s'agit non seulement de demander aux villes qui n'ont pas assez de logements sociaux d'en faire plus, mais d'aider les villes qui en ont beaucoup à améliorer la situation.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais nous refusons également d'assimiler le logement social au ghetto, à la précarité et, au-delà, à l'insécurité, ce qui est injuste. Reprenant une formule heureuse de M. Léonce Deprez, je préfère parler de politique sociale du logement plutôt que de politique du logement social.

En rompant avec le cloisonnement fonctionnel de nos villes par une approche transversale des problèmes liant aménagement, urbanisme et déplacements ; En substituant aux procédures rigides, peu adaptables et souvent inefficaces, une démarche de projet plus démocratique, plus cohérente, plus lisible ; En permettant l'adaptation continue des espaces aménagés préservant les espaces agricoles et naturels ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

En assumant la mixité aux différentes échelles de la cité, en confortant la politique de la ville et en ne laissant pas imposer une logique marchande exclusive et dominatrice ; En garantissant à tous des conditions de logement décentes tout en rejetant l'exploitation insupportable de la misère ; Ce projet, désormais enrichi par vos travaux, soumis aujourd'hui à votre décision, veut répondre à la fois à des préoccupations de court terme de nombre de nos concitoyens et à une demande de sens pour l'évolution de nos cités urbaines vers plus de justice, plus de respect, plus d'égalité, bref plus d'urbanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean Proriol.

Quelle épreuve que la solidarité et le renouvellement urbains ! Entre le maquis des sigles SCT, PLH, PDU, PLU, CC, SDC, DTA et PC...

M. Guy-Michel Chauveau.

Ils existaient déjà avant ! Ce n'est pas nouveau !

M. Jean Proriol.

... et celui des périmètres sous-jacents, entre la densité des articles et leur complexité, entre la procédure d'urgence et 1 500 amendements de tous bords, entre les heures de discussions, de préférence entre deux heures et quatre heures du matin, moment choisi pour les débats gauche-gauche et même socialo-socialistes faits de surenchères et difficilement arbitrés par M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement ou par M. le rapporteur, ce fut un parcours à marche forcée, un laborieux travail de commission. Il est vrai que celle-ci avait bâclé son ouvrage !

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Oh !

M. Jean Proriol.

Il fallait que le Gouvernement tienne à l'adoption rapide du projet et veuille l'inscrire parmi les lois de gauche de son mandat, afin de masquer son échec et l'effondrement du logement social. Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat au logement : 44 300 mises en chantier sont intervenues en 1998, à peu près autant en 1999, contre 70 000 qui étaient effectivement prévues.

Ce projet de loi a deux défauts majeurs : ...

M. François Goulard.

Au moins !

M. Jean Proriol.

... il procède d'une vision collectiviste et rétrograde de l'habitat et c'est une occasion perdue pour le volet transports.

Tout d'abord, il correspond à une vision collectiviste de l'habitat. Vous faites pratiquement l'impasse sur la propriété privée dans le logement collectif ou dans les pavillons. Vous décrétez la mixité sociale et édictez des mesures coercitives à l'encontre des communes, au mépris des réalités locales.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Il ne croit pas lui-même à ce qu'il dit !

M. Jean Proriol.

La pénalisation financière approuvée par les uns, critiquée par les autres, doit être aussi appréciée au regard de la surcharge foncière supportée par les communes. Surtout, vous vous arrogez le privilège de la bonne action ou de la bonne conscience. Nous réfutons les diptyques dans lesquels vous tentez de nous enferm er : « gauche égale générosité », « droite égale égoïsme »...

(« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. André Lajoinie, président de la commission. C'est vrai ! On ne vous le fait pas dire !

M. Daniel Marcovitch.

Enfin un peu de lucidité !

M. Jean Proriol.

... ou bien encore : « ghettos de riches contre ghettos de pauvres ». Chacun ici adhère au principe de la mixité sociale, mais vous prenez le risque d'une densification, voire d'une redensification urbaine, ni souhaitable, ni attendue de nos compatriotes. C'est l'accession à la propriété qui introduira effectivement et durablement la mixité sociale. Que dit l' Union des HLM dans son dernier numéro daté du 30 janvier 2000 ? « La mixité sociale nécessite aussi une accession à la propriété, à dest ination des classes moyennes et modestes. »

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Nous sommes d'accord !

M. Jean Proriol.

Les élus de l'agglomération parisienne, n otamment mes collègues Pierre Cardo et Francis Delattre, mais aussi bien d'autres, déplorent que la mixité sociale ne soit envisagée que sous l'angle d'une offre plus importante des logements sociaux, et d'eux seuls, dans les communes qui n'en ont pas, ou pas assez. Il n'est en effet rien proposé pour favoriser l'implantation, dans les quartiers actuels d'habitat social, d'autres types de logements ! Ce texte pérennise la ghettoïsation des quartiers à forte concentration de logements de familles nombreuses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Pajon.

Quel culot !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Vous êtes pour la natalité, monsieur Proriol !

M. Jean Proriol.

Monsieur Lajoinie, vous ne vous êtes pas souvent exprimé dans le débat. N'allez pas commencer maintenant ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Avec d'autres sur nos bancs, et pour avoir présidé un OPAC pendant vingt ans, je peux sans prétention assurer n'avoir ni complexes ni sentiment de culpabilité.

M. Félix Leyzour.

C'est un peu opaque ! (Sourires.)

M. Jean Proriol.

Nous avons fait construire des logements sociaux en fonction des besoins et des moyens, y compris en centre-ville, et non en fonction de la couleur politique des communes.

Vous prétendez combattre le logement insalubre ; parallèlement, dans le budget 2000, en contradiction totale avec ces nobles objectifs, vous réduisez de 23 % les dotations prévues à cet effet ! Enfin, votre texte entretient un climat d'insécurité juridique et créera des nids de contentieux longs et coûteux, aussi bien pour les communes que dans les relations locataires et propriétaires. Avocats et juges auront du pain sur la planche ! Ce projet est enfin une occasion perdue pour le volet transport.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

En matière de déplacement urbain, pourquoi vouloir imposer toujours et partout la même organisation, avec les mêmes carcans ? Les autorités organisatrices de transport en commun vont se retrouver sans réel pouvoir d'action.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Enfin, monsieur Proriol ! Tout le monde était d'accord !

M. Jean Proriol.

Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, aux deux questions fondamentales que pose le transfert des lignes ferroviaires régionales aux conseils régionaux :...

M. François Goulard.

C'est le transfert des déficits qu'ils organisent !

M. Jean Proriol.

... celle du financement et celle de la responsabilité.

M. Dominique Bussereau.

Heureusement, le Sénat va corriger !

M. Bernard Outin.

La responsabilité, c'est bien le problème, monsieur Propriol !

M. Jean Proriol.

Vous avez lâché sur des points de détail, mais pas sur l'essentiel.

M. Jacques Blanc.

Eh oui !

M. Jean Proriol.

L'association des régions de France craint, à juste titre, un transfert et même un délestage des charges des transports des TER sur le budget des régions.

M. François Goulard.

C'est limpide !

M. Jean Proriol.

La président de la SNCF n'a-t-il pas reconnu en commission des finances le 1er mars dernier :

« L'activité des TGV est tout à fait rentable et l'on peut dire qu'elle finance le reste de l'activité SNCF » ? Jamais les conseils régionaux n'accepteront un transfert de déficit non gagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Blanc.

Bravo !

M. le président.

Monsieur Proriol, il faudrait conclure ! J'ai déjà été très tolérant !

M. Jacques Blanc.

Il dit de bonnes choses !

M. Jean Proriol.

Par ailleurs, les régions ne savent toujours pas dans quelle mesure ce transfert est susceptible d'engager la responsabilité pénale des présidents de conseils généraux.

J'arrive à ma conclusion, monsieur le président. Votre politique ... M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

La politique du président ?

M. Jean Proriol.

... est incontestablement plurielle : à l'heure où M. Mauroy est chargé d'une mission nu la décentralisation, vous nous soumettez un projet de loi dans lequel les préfets disposent de pouvoirs accrus dans l'élaboration des documents d'urbanisme, tandis que l'Etat s'implique de plus en plus dans le contenu des schémas.

M. Jacques Blanc.

Eh oui !

M. François Goulard.

Ce sont des centralisateurs !

M. Jean Proriol.

Vous ne vous êtes pas montré très ouvert aux amendements de l'opposition, sinon pour faire annuler, en reprenant notre proposition, ce dont je me réjouis, l'article L. 111-3 du code rural relatif à la réciprocité, imprudemment voté dans la loi d'orientation agricole...

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Voté à l'unanimité, rappelons-le !

M. Jean Proriol.

Je termine, monsieur le président...

M. le président.

Il faudrait maintenant vraiment terminer, monsieur Proriol, et tout de suite !

M. Jean Proriol.

Le grand architecte Le Corbusier, dans Le Monde urbain, nous donnait ce conseil : « Les matériaux de l'urbanisme sont le soleil, les arbres, le ciel, l'acier, le ciment,...

M. François Goulard.

Et le marteau et la faucille !

M. Jean Proriol.

... dans cet ordre hiérarchique et indissolublement ».

M. Jean-Paul Bret.

Citation détournée !

M. Jean Proriol.

Je n'ai rien trouvé d'approchant dans votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites et écrites sur cette loi de solidarité et d e renouvellement urbains. Les caricatures les plus outrancières - M. Proriol vient encore d'en donner un exemple - ont décrit l'avenir de nos villes sous la forme de tours et de barres criminogènes, zones de non-droit où seul le béton est roi.

M. François Goulard.

Cela existe !

M. Daniel Marcovitch.

Mes chers collègues, il s'agit là de la description des villes des décennies 60 et 70, époque où la droite au pouvoir préservait ses îlots de tranquillité en concentrant des ghettos de misère dans certaines banlieues et à la périphérie de l'est parisien.

(Approbations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Caricature !

M. Daniel Marcovitch.

C'est ce modèle de développement urbain que nous refusons aujourd'hui.

La France des droits de l'homme ne peut plus accepter que des millions de nos concitoyens soient relégués dans un habitat de seconde zone. La lutte contre la fracture sociale passe aussi par l'effort de tous et par une véritable solidarité entre les Français.

Mme Christine Boutin.

Nous sommes tous d'accord !

M. Daniel Marcovitch.

Mes chers collègues, nous voulons, c'est vrai, que les grandes agglomérations soient les lieux de la mixité sociale, condition indispensable à l'insertion de tous ceux qui sont en voie d'exclusion.

Certains élus de droite, nous le savons, s'opposent à la mixité. A Paris, l'union sacrée se refait lorsque M. Tiberi cosigne un amendement avec Mme de Panafieu et M. Balladur pour éviter de construire des logements sociaux.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ils n'ont pas entendu !

M. Daniel Marcovitch.

Et pourtant, à côté de ces égoïsmes non dénués d'arrière-pensées électorales, 78 % de nos concitoyens approuvent les mesures proposées par


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

le Gouvernement de Lionel Jospin. Le Président de la République n'en faisait-il pas de même lorsqu'il expliquait à Xavier Emmanuelli, en début d'année, que, s'il ne fallait pas légiférer dans tous les domaines de la vie de n os concitoyens, il en allait différemment dans le domaine du logement social ? La loi de solidarité et de renouvellement urbains ne se limite cependant pas à son article 25. A côté de la réforme du code de l'urbanisme, qui vise à rendre celui-ci plus cohérent, il y a tous ces articles qui vont permettre, pour les uns, de venir en aide aux plus démunis victimes des marchands de sommeil. Cette forme moderne de l'esclavagisme pourra être enfin combattue par la définition du logement décent. Pour d'autres, il s'agit de prévenir efficacement la dégradation des copropriétés en difficulté en créant le carnet de santé des immeubles, mais aussi de protéger les accédants à la copropriété en précé dant les divisions d'immeubles d'un état des lieux qui leur sera remis.

Pour en revenir à la mixité sociale, le parcours résidentiel de nos concitoyens les amène souvent à paser du locatif à l'accession à la propriété. Vous le notiez tout à l'heure et nous en sommes d'accord. A côté des mesures qui pérennisent le parc locatif, les bailleurs sociaux se voient autorisés à construire des logements afin de les mettre en vente à un prix permettant aux classes moyennes un accès plus aisé à la propriété, mais qui donne également aux organismes HLM un véritable statut d'aménageur urbain.

Il serait trop long d'énumérer les progrès contenus dans cette loi. Un mot cependant pour rappeler les nouveaux droits des locataires, la réforme tant attendue de l'ANAH ; et je ne saurai conclure mon intervention sans rappeler, dans le domaine du transport, la régionalisation du transport ferroviaire ou encore l'entrée de la région Ile-de-France au syndicat des transports parisiens.

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après des dizaines d'heures de travail en commission ou en séance, l'étude de plus de 1 500 amendements et l'adoption d'un grand nombre d'entre eux parmi lesquels beaucoup, je le rappelle, venaient de l'opposition, c'est une loi capitale pour la solidarité que nous allons voter. Et je veux m'adresser aux députés de l'opposition pour leur dire avec force qu'ils ne peuvent être absents d'une réalisation qui dessine aujourd'hui la vie future de nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Nous sommes déjà présents !

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Serge Poignant.

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme d'un long débat qui s'est souvent déroulé - je confirme les propos de mon collègue Proriol - en séance de nuit, faute de temps.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On n'a pas fait les 35 heures ! (Sourires.)

M. Serge Poignant.

Eh non, monsieur le ministre ! Sur la forme, vous le savez, nous regrettons vivement la procédure d'urgence à laquelle vous avez décidé de recourir pour examiner ce texte.

M. François Rochebloine.

C'est une habitude !

M. Serge Poignant.

Ce projet de loi n'a pas fait l'objet du débat sérieux qu'il nécessitait ni de la concertation q ue l'association des maires pouvait légitimement attendre.

Sur le fond, la discussion a été vive. Bien que quelques-uns de nos amendements aient été acceptés, nous avons maintenu notre opposition, affirmant et réaffirmant que nous étions pour la mixité sociale, mais avec une approche bien différente de la vôtre et beaucoup moins limitative. Les amendements que vous avez dû accepter ne sont finalement que des amendements de bon sens venus corriger un texte excessivement technocratique.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Mais non !

M. Serge Poignant.

Vous avez par exemple, dans la partie urbanisme, accepté de rétablir les déclarations de travaux, de redonner aux PLU une partie normative essentielle contenue dans les POS, prenant conscience du danger potentiel de multiplication des contentieux. Pour autant, vous n'avez accepté qu'un élargissement très limité dans la définition du logement, en ne rajoutant au texte de base que les logements réhabilités ANAH avec c onventionnement HLM ou encore les logements d'immigrés ; vous avez catégoriquement refusé de prendre en considération l'accession sociale à la propriété, comme si les familles modestes n'avaient pas le droit de devenir un jour propriétaires ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Au contraire !

M. Serge Poignant.

Vous ignorez encore le parc locatif privé. La bonne démarche pour favoriser la mixité sociale eût été de prendre en compte le quotidien, les réalités locales, les caractéristiques foncières, techniques ou environnementales de chaque commune. Jamais, depuis la loi de décentralisation - là encore, je ne puis qu'approuver les propos de mon collègue Proriol - un texte n'aura été aussi centralisateur et planifiateur, à commencer par vos schémas de cohérence territoriale, qui devront intégrer les plans de déplacement urbain, les programmes locaux de l'habitat, les projets d'intérêt général, les schémas nationaux de services collectifs, les servitudes d'utilité publique et j'en passe. Quant aux plans locaux d'urbanisme, prétendûment simplifiés par rapport aux POS, ils devront eux aussi être en cohérence avec ces schémas. Vous supprimez les plans d'aménagement de zone dans les ZAC.

Vous n'avez cesse de parler de plan et de planification, de répéter le même leitmotiv : « densification », encore et toujours « densification » ! Certains de vos collègues de la majorité plurielle l'ont semble-t-il compris et perçu le danger que cela représentait pour l'environnement.

Votre texte tente tout simplement de dissimuler l'échec du Gouvernement dans le domaine de la politique de la ville en présentant des mesures punitives excessives aux communes, sans consultation, bien évidemment, sans proposer un profond renouvellement urbain qui prenne en compte l'exigence de démolition-reconstruction des grands ensembles les plus dégradés et qui s'appuie sur un aménagement équilibré du territoire.

Vous privilégiez d'autorité la gestion économe de l'espace, avant la gestion équilibrée de l'espace. Pourquoi vouloir concentrer davantage encore dans les villes alors que les Français aspirent au calme et à l'environnement de qualité ? S'agissant des déplacements urbains, permettez-moi de regretter le manque d'ambition de votre texte en matière de renforcement des autorités régionales dans l'organisation des transports à l'intérieur des périmètres de leurs


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compétences, comme en matière de financements, qui ne sont pas à la hauteur des objectifs annoncés. La régionalisation des transports engagée par la loi Pons aurait dû atteindre une nouvelle étape, que nous ne retrouvons pas dans votre texte.

Madame, messieurs les ministres, pour toutes ces raisons et surtout, vous l'avez compris, à cause de votre dogmatisme en matière d'urbanisme et d'habitat - il suffit d'écouter notre collègue Marcovitch pour en être convaincu -, de votre conception restrictive et orientée de la mixité sociale, de la méthode enfin que vous avez choisie pour y parvenir, le groupe du Rassemblement pour la République votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe communiste.

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette loi était attendue par toutes celles et ceux qui vivent douloureusement une ville éclatée, ségrégative, blessée par les conséquences de l'u rbanisation des années 60-70, une ville et des territoires qui donnent à voir les injustices, les inégalités de la société tout entière.

Reconstruire une ville solidaire, renouveler l'urbanisme, aménager durablement le territoire et mettre à son service une politique de déplacement cohérente et efficace, tels sont les objectifs d'une ambition que le groupe communiste partage pleinement.

Nous nous sommes donc inscrits dans le débat avec la volonté de mieux traduire dans la loi les motivations généreuses qui la sous-tendaient.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé que ce texte reposait sur trois principes, trois valeurs : la solidarité et le partage ; le développement durable et la qualité de vie ; la démocratie enfin.

C'est bien en nous référant à ces trois principes que, avec mes amis du groupe communiste nous avons proposé de réduire partout où il nous paraissait exister l'écart entre des intentions partagées et leur traduction concrète dans le texte de ce projet de loi. Nous avons le sentiment que notre commission, puis notre assemblée auront contribué à cette amélioration.

Un certain nombre de nos amendements, qui visaient à renforcer la dimension démocratique et les pratiques partenariales dans l'élaboration des documents d'urbanisme, ont été retenus.

Vous-même, monsieur le ministre, avez convenu qu'améliorer la cité sans y impliquer les habitants ne pourrait conduire qu'à une impasse et qu'il était important

« d'acquérir le sens du diagnostic partagé ».

Nous en étions tellement convaincus que nous avons proposé de rendre obligatoire ce diagnostic, démocratiquement élaboré et préalable à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme.

Notre assemblée en a accepté la possibilité, sans pour autant en décider l'obligation.

Dans le même esprit, nous avons apprécié que soit retenue la proposition de mise en place des comités de ligne permettant aux usagers, aux représentants des salariés, aux élus d'être associés à la réflexion et aux prop ositions visant à améliorer l'offre de transport.

Plusieurs de nos amendements visant à la réalisation de la mixité sociale et à l'amélioration de la politique sociale d u logement ont été satisfaits. Citons, pour n'en reprendre que quelques-uns, le relèvement du plafond des ressources, l'augmentation du seuil du surloyer, la définition plus précise des normes minimales d'habitat décent, la possibilité de mettre en place des commissions d'attribution et de créer ou de redynamiser, là où elles existent, les conférences communales du logement, la progressivité des pénalités en fonction de la richesse fiscale des communes, le renforcement des sanctions visant les marchands de sommeil, l'amélioration des dispositions relatives à l'importance et à la qualité du traitement des espaces publics.

Avant de conclure, permettez-moi d'évoquer le coeur de la problématique qui traverse ce projet de loi : je veux parler de la possibilité pour toutes les familles qui vivent sur notre sol d'accéder à un logement de qualité en tout lieu de notre territoire.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui, nous le savons bien. Il est en effet intolérable que beaucoup trop de nos concitoyens soient encore aujourd'hui interdits de séjour dans de trop nombreux quartiers, villes et villages de France.

Les valeurs de notre République : liberté, égalité, fraternité, doivent s'imposer partout et particulièrement dans l'accès au logement dans la ville et le quartier de son choix.

Satisfaire cette exigence suppose d'avancer simultanément dans deux directions.

Premièrement, offrir en tout lieu toute la diversité de l'habitat afin de combattre partout la sélection par l'argent. Nous savons que c'est bien là votre volonté, monsieur le ministre. Mais la droite parlementaire s'en accommode mal, sous les prétextes les plus divers. Certes, sur tous les bancs de notre assemblée, nous avons entendu affirmer cette volonté, au moins dans les mots.

Encore faut-il qu'elle le soit dans les faits, afin que nulle part on en vienne à considérer avoir satisfait aux exigences de mixité au motif qu'on l'aurait permis aux seuls échelons les plus élevés de la hiérarchie sociale. Pour être satisfaite, la mixité exige que personne ne soit mis au ban, assigné à résidence, du fait de sa condition ou de sa naissance. De ce point de vue, l'objectif de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes apparaît tout à la fois réaliste et indispensable.

Deuxième condition, tout aussi indispensable : consentir simultanément un effort financier conséquent, allant bien au-delà de la dotation de solidarité urbaine et des crédits spécifiques de la politique de la ville, afin de réhabiliter, requalifier, démolir, reconstruire, rendre à la vie un parc de logements, des quartiers, des villes entières qui, pour avoir fait l'effort d'accueillir ceux que d'autres ont rejetés, se voient aujourd'hui confrontées aux effets cumulés de trente années de crise économique et sociale.

Cet effort de reconquête, de requalification urbaine, d'entretien du patrimoine existant, de service de proximité exige des moyens importants. Si l'on ne les mobilise pas, c'est l'économie générale de la loi qui pourrait être remise en cause. Vous en avez convenu, monsieur le ministre, et notre assemblée, en adoptant un amendement de notre groupe à ce sujet, a même tenu à souligner l'importance qu'elle portait à cette question.

Vous avez annoncé votre intention de prendre en compte cette préoccupation majeure ; nous attendons vos réponses.

Soyez en tout cas convaincu que notre vigilance à ce sujet ne faiblira pas jusqu'au terme de l'examen de cette loi, ni à l'occasion des dispositions que la loi de finances 2001 doit envisager à cet égard.


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Parce qu'il porte la volonté de nourrir le projet global et cohérent de développement des bassins de vie, parce qu'il s'inscrit dans la perspective de réduction des inégalités sociales et spatiales, parce qu'il vise un aménagement durable de la cité et de l'agglomération, parce qu'il est marqué des valeurs de solidarité et de partage, les députés communistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gengenwin, pour le groupe UDF.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous venons d'achever la première lecture repose sur des principes consensuels et les objectifs qu'il s'assigne ne sont pas, sur le fond, contestables. Mais notre mission est de faire la loi et non pas de nous prononcer sur des principes.

L'avenir des villes et des banlieues est l'un des problèmes de société les plus graves auxquels nous sommes confrontés. Nous en faisons tous quotidiennement le constat.

Le groupe UDF partage donc avec vous, messieurs les ministres, cette volonté de refonder des règles d'urbanisme parfois dépassées, d'améliorer la qualité de la vie en ville et de contribuer à l'objectif de mixité sociale par la réalisation de logements sociaux harmonieusement intégrés dans l'espace urbain.

C omme l'annonçait notre collègue, Marc-Philippe Daubresse, il y a deux semaines, lors de la discussion générale, nous étions prêts à faire avec vous, je cite M. Bartolone, « le pari de l'intelligence pour la mixité sociale ». Nous étions prêts à faire ce pari à la condition, toutefois, que quelques-unes de nos propositions sur quelques points majeurs soient retenues et acceptées par cette assemblée.

Il ne s'agissait pas de revenir sur les principes, et vous nous donnerez acte, que bien des élus de notre groupe ont déjà fait des efforts considérables dans les communes qu'ils ont la charge de gérer. Il s'agissait pour nous de revoir la méthode, de privilégier la simplification sur la complexification, la responsabilité sur la contrainte, l'initiative de terrain sur la recentralisation insidieuse.

Alors que vous mettez en place un dispositif contraignant qui soumet les communes à des pénalités financières, nous vous avons proposé un système plus incitatif et pas seulement pour les communautés d'agglomérations à partir de 50 000 habitants, mais aussi pour les communautés de communes de moindre importance ; mais vous l'avez refusé.

Alors que vous faites reposer l'ensemble de votre dispositif sur les communes, nous vous avons proposé une approche intercommunale, au niveau des agglomérations, en totale cohérence d'ailleurs avec la loi Chevènement ; mais vous l'avez également refusée.

Alors que vous imposez aux communes de réaliser 20 % de logements locatifs sociaux et que vous restreignez la liste des logements retenus pour l'application de la loi, nous vous avons proposé de l'étendre au parc privé et de l'ouvrir aux logements en accession à la propriété, afin que nos concitoyens puissent bénéficier d'une vraie possibilité de choix entre le locatif social et la propriété, mais vous ne nous avez pas suivis non plus sur ce point.

Enfin, au lieu de faire confiance aux élus locaux, en particulier aux maires qui, tous les jours, sur le terrain, se battent pour améliorer les conditions de vie de leur administrés, vous avez maintenu le droit de substitution du préfet en cas de carence de la commune, disposition particulièrement contestable et dangereuse en ce qu'elle met en cause la libre administration des collectivités locales, disposition inacceptable pour des élus attachés à la décentralisation.

Caricaturant nos arguments, vous avez cristallisé le débat autour d'un affrontement idéologique, d'une oppo-s ition sans nuances entre « communes riches » et

« communes pauvres », alors que vous savez pertinemment que la réalité est infiniment plus complexe.

Mais bien d'autres mesures de ce projet de loi ne laissent pas de nous inquiéter.

La réforme de l'urbanisme, telle que vous l'envisagez, est porteuse d'incohérences qui ne manqueront pas de susciter de multiples contentieux, comme n'ont d'ailleurs pas hésité à vous le laisser entendre certains députés de votre majorité.

La disparition du POS au profit du PLU, outre qu'elle supprime, tant pour les citoyens que pour les élus, un repère fondamental en matière d'aménagement urbain, comporte bien des risques, à commencer par le caractère moins normatif de ce nouveau document d'urbanisme.

La création d'un schéma de cohérence territoriale ne fait qu'aggraver l'actuel chevauchement de périmètres non identiques et introduit de la complexité là où il faudrait de la clarté.

Concernant enfin la régionalisation des transports ferroviaires, nous avons bien noté que vous reconnaissez le succès de l'expérimentation engagée par Mme Anne-Marie Idrac, en 1997, puisque vous proposez d'étendre ce transfert de compétence en matière ferroviaire à l'ensemble des régions françaises, et nous nous en félicitons. Nous craignons cependant, qu'il ne s'agisse que d'un faux-semblant car vous ne donnez pas aux régions les moyens nécessaires, notamment financiers, d'assumer cette nouvelle charge. Bien au contraire, par l'indexation que vous retenez, vous programmez à terme la réduction des moyens affectés au transport ferroviaire dans nos régions. Comment croire alors à vos discours sur le développement durable ? En fait de renouvellement urbain, nous regrettons, messieurs les ministres, de devoir faire le constat d'une

« occasion manquée » pour la ville, d'un ensemble de mesures dont nous craignons qu'elles n'aboutissent à reproduire les erreurs du passé. Alors que nous espérions une ouverture de votre part, nous nous sommes heurtés au rejet de nos principales propositions. Désormais, nous disposons d'un texte qui ne correspond pas aux attentes de nos concitoyens.

Plusieurs députés socialistes.

C'est trop long !

M. le président.

Monsieur Gengenwin a la parole. Je lui demande d'ailleurs de conclure.

M. Germain Gengenwin.

En conséquence, le groupe UDF, même s'il souscrit aux objectifs de mixité sociale et urbaine, votera contre le projet de loi tout en accordant la liberté de vote à chacun de ses membres et en souhaitant qu'une nouvelle lecture s'engage vraiment dans un esprit de conciliation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.


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Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

la parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Jean-Michel Marchand.

Il ne nous est pas possible d'avoir sur ce projet une analyse globale. Force est donc d'en examiner chacun de ses grands volets.

La volonté de certains aura été et sera, sans doute encore, de focaliser le débat et l'expression publique sur le volet social. C'est là un mauvais procès. Promouvoir la mixité sociale et prévoir 20 % de logements sociaux, à terme, dans les communes où il n'y en a pas, ou pas assez, voilà un bon objectif, que nous soutenons. Et se donner les moyens de réussir, voire en contraignant est une bonne chose.

Mais la mixité sociale, c'est aussi une meilleure répartition du logement social pour réduire les concentrations constatées dans certaines communes, certains quartiers, certains immeubles. La mixité sociale, si elle passe par l'accès d'un plus grand nombre aux logements sociaux, ne doit pas en exclure les plus démunis, en les cantonnant soit dans le logement privé dégradé, soit dans le logement public concentré, parfois en ghettos.

Les organismes sociaux, pour réussir la mixité sociale, doivent pouvoir acquérir des logements sur l'ensemble des tissus urbains et les mettre en location sociale. Ce doit être là le rôle spécifique des organismes HLM.

Dans le volet habitat, nous notons des mesures intéressantes. Certaines concernent plus particulièrement les logements insalubres ou déclarés en péril. L'instauration d'un carnet d'entretien aura pour conséquence de clarifier les relations entre copropriétaires et syndic. Et même si nous ne sommes pas allés jusqu'au permis de louer, est enfin inscrite dans la loi la notion de « logement décent ».

Nous avons donné des droits aux occupants des logements foyers, et les premiers bénéficiaires en seront les travailleurs migrants. Mais nous n'avons pas modifié le texte concernant le droit au relogement pour ceux qui tombent sous le coup d'un arrêté d'expulsion et qui, de fait, pourront être condamnés parce qu'ils n'auront pas d'autre choix que de rester dans leur logement, même insalubre, faute qu'on leur en propose un autre. C'est grave, au moment où les mesures d'expulsion vont être à nouveau effectives.

Les dispositions relatives aux transports urbains traduisent une volonté politique affirmée, celle de réduire la place de la voiture et de prendre en compte les différents modes de transport alternatif. Le texte prévoit la coordination des politiques de déplacements urbains avec les documents d'urbanisme et recherche une meilleure gestion des flux de marchandises au sein des zones urbaines.

Mais une telle politique demande des moyens importants.

Le milliard annoncé est une bonne chose, mais il faut aussi les outils financiers nécessaires sur la durée.

Enfin, la rénovation des politiques urbaines, même si elle permet de donner de la cohérence aux différents schémas d'urbanisme et leur octroie un caractère opérationnel, pose plus d'un problème.

Les POS sont abandonnés au profit des PLU. Nous référant à un rapport du Conseil d'Etat de 1992 L'Urbanisme, pour un droit plus efficace, nous attendions un document plus normatif car c'est toujours l'environnement qui sert de variable d'ajustement et qu'on oublie de prendre en compte. Or c'est un document plus souple, plus simple à élaborer que vous avez choisi avec, en arrière-pensée, la volonté de supprimer nombre de possibilités de recours pour les citoyens et les associations.

Le Gouvernement a donc choisi la simplification mais n'a pas voulu, pour équilibrer le texte, donner de moyens à ces contre-pouvoirs que sont les associations pour contester les décisions prises. Pire, le changement de dénomination des POS en PLU risque d'entraîner la disparition des acquis jurisprudentiels obtenus contentieux après contentieux.

Dernier point, la modification de la loi montagne. Une série d'amendements portant sur les dispositions d'urbanisme de cette loi a été adoptée, contre l'avis du Gouvernement pour la plupart. C'est inacceptable car on ne peut admettre que soit remise en cause l'économie générale d'un texte sans en faire un examen global. C'est inacceptable aussi car on ne peut admettre que des atteintes graves soient portées à l'équilibre d'un dispositif justifié par la fragilité du milieu montagnard, dans le seul but de régler des situations particulières ou des difficultés localisées d'application.

En conclusion, le groupe RCV, dans sa pluralité, émettra les votes suivants : les radicaux de gauche et le Mouvement des citoyens voteront pour, les Verts s'abstiend ront. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

546 Nombre de suffrages exprimés .................

521 Majorité absolue .......................................

261 Pour l'adoption .........................

303 Contre .......................................

218 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président.

La séance est reprise.

3 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission de la production et des échanges a décidé de se saisir pour avis des titres Ier et II de la deuxième partie (articles 27 à 47) du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (no 2250).


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LIBERTÉ DE COMMUNICATION Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (nos 2119, 2238).

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai plaisir à vous présenter les évolutions du projet de loi sur la liberté de communication présenté par le Gouvernement. Nous avions eu un débat riche en première lecture, et je pense que cette seconde lecture devrait nous donner l'occasion d'avoir de nouveaux échanges fructueux. Je ne reviendrai pas sur les grands axes de la réforme, pour me concentrer sur le dispositif, très attendu, je crois, proposé par le Gouvernement sur le numérique hertzien terrestre. Ce volet donne toute sa portée aux objectifs de fond de cette réforme, et notamment à deux priorités sur lesquelles je souhaite insister : la refondation du service public et la dynamisation de l'industrie des programmes.

Le projet de loi avait fait l'objet d'un examen attentif par le Sénat. A l'occasion de cette seconde lecture, je tiens à remercier le rapporteur, M. Didier Mathus, la commission et son président, M. Jean Le Garrec, pour le travail accompli, qui nous permet, je crois, d'aborder ce débat dans les meilleures conditions.

Je souhaite mentionner une évolution importante du texte par rapport au projet qui vous a été soumis initialement, concernant la situation de la Cinquième et de Arte. Le Gouvernement, sur ma proposition, a finalement préféré prévoir une organisation distincte pour ces deux chaînes, en choisissant de maintenir le pôle français d'Arte hors du futur groupe France Télévision. Le Sénat a voté cette disposition à l'unanimité.

S'agissant de la Sept-Arte, comme vous le savez, notre partenaire allemand s'était inquiété du fait que son intégration dans le groupe puisse remettre en cause directement l'indépendance d'Arte, garantie par le traité francoallemand. Si nous ne partagions pas ces inquiétudes, il est toutefois rapidement devenu manifeste que les conditions sollicitées pour l'intégration de la Sept-Arte dans le groupe risquaient d'en compromettre le bon fonctionnement.

Il m'a semblé dans ces conditions préférable de chercher à conforter séparément les deux chaînes dans leur mission et leur vocation.

La Cinquième, garantie dans le respect de la spécificité de ses missions par la loi, est érigée au rang de société nationale de programme, au même titre que France 2 et France 3. Chaîne de la connaissance, de la formation et de l'emploi, elle contribuera, à l'égal des deux autres chaînes, à conforter le groupe France Télévision dans sa vocation à satisfaire les plus larges publics par des programmes de qualité.

Pour ce qui concerne la Sept-Arte, dont les missions sont définies de manière distincte par la loi, elle n'est plus seulement chargée de « fournir les programmes et les moyens nécessaires à l'exercice des missions du GEIEArte », mais aussi de les « concevoir ». La loi conforte donc ce pôle d'excellence dans sa vocation européenne et culturelle. La composition du capital du pôle français d'Arte, aujourd'hui partagé entre l'Etat et les sociétés audiovisuelles publiques, est inchangée. Il appartiendra à Arte d'ouvrir une nouvelle phase de son développement, visant à élargir son audience, surtout en Allemagne, et son champ de coopération internationale à de nouveaux partenaires.

Je souhaite maintenant vous présenter plus en détail le dispositif relatif au numérique hertzien terrestre retenu par le Gouvernement, avant d'évoquer à nouveau un axe central de la réforme engagée, le renforcement de l'industrie des programmes, qui sera conforté par l'avènement d'une « nouvelle télévision ».

Le déploiement du numérique hertzien terrestre représente en effet une nouvelle frontière pour la télévision.

Compte tenu de l'importance et de la technicité du sujet, j'ai souhaité mener une large concertation auprès de l'ensemble des acteurs concernés afin de définir le meilleur cadre juridique, économique et technique de cette nouvelle modalité de diffusion. Eclairé par cette consultation et par le rapport de synthèse de M. Raphaël HadasLebel, le Gouvernement est en mesure de présenter cette réforme à votre assemblée en second lecture, conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le dispositif proposé diffère de celui adopté en première lecture par le Sénat, dont le travail très complet doit être salué, la Haute assemblée n'ayant disposé du rapport Hadas-Lebel que la veille du débat.

La réforme s'inscrit résolument dans le choix du Gouvernement de s'engager fortement en faveur d'une large diffusion des nouvelles technologies. Complémentaire au développement d'Internet, la « nouvelle télévision » permettra à un public beaucoup plus large que celui des internautes et des abonnés à la télévision payante de se familiariser avec de nouveaux moyens de communication.

M. Rudy Salles.

Vous n'avez que trois ans de retard !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Au-delà de puissantes nécessités d'ordre technique, audelà de l'avis de la plupart des experts présentant le déploiement du numérique hetzien comme inéluctable, le Gouvernement a choisi de s'engager dans cette voie, par une véritable loi de liberté de la communication,...

M. Rudy Salles.

Par amendements !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... qui permettra de développer et de diversifier l'offre télévisuelle pour le plus grand nombre, tout en refondant le service public et en dynamisant l'industrie des programmes.

Développer et diversifier l'offre télévisuelle pour tous les Français est, en effet, un objectif fort et premier pour le Gouvernement.

Le déploiement du numérique hertzien terrestre devrait permettre de donner satisfaction aux nombreux téléspectateurs désireux de se voir offrir des programmes enrichis et en plus grand nombre. Il permettra notamment le développement des télévisions locales, en particulier associatives, répondant à la forte attente de programmes de proximité de nos concitoyens.

En permettant aux télévisions associatives d'accéder aux fréquences numériques, mais aussi analogiques, pour celles qui souhaiteraient se préparer dans les meilleures


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conditions à la transition, le projet offre un socle au développement du « tiers secteur » cher à certains d'entre vous. Pour ma part, je retiendrai volontiers l'idée d'une

« télévision citoyenne », venant compléter la télévision de service public et la télévision commerciale. C'est bien là le signe qu'une nouvelle frontière est tracée pour la télévision.

M. Rudy Salles.

Il faut beaucoup d'imagination !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les conditions techniques et financières garantissant le développement de la « télévision citoyenne » seront précisément évaluées dans les prochains mois.

Le développement des nouvelles télévisions est rendu possible par les perspectives d'évolution du marché publicitaire, au-delà même des modifications éventuelles de la réglementation, notamment concernant les secteurs exclus de publicité ou le recours à la syndication. Il faudra y réfléchir en étroite concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Pour le téléspectateur, la « nouvelle télévision » est une révolution. N'oublions pas que 80 % des foyers ne sont pas raccordés au câble ou ne sont pas équipés pour recevoir les programmes du satellite. Pour eux, l'introduction de la nouvelle télévision permettra de recevoir plus de trente chaînes, pour l'essentiel en clair, gratuites et visant un large public. C'est le choix du Gouvernement.

M. Rudy Salles.

Vous avez trois ans de retard !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le dispositif qui vous est proposé cherche donc à concilier deux impératifs : d'une part, permettre l'arrivée de nouveaux acteurs dans la télévision hertzienne et contribuer, au-delà d'une plus grande variété de programmes, à diversifier le paysage audiovisuel ; d'autre part, inciter les opérateurs existants, dont l'implication sera essentielle pour un déploiement rapide du numérique de terre, à migrer rapidement vers ce nouveau mode de diffusion.

L'attribution des ressources numériques multiplexe par multiplexe, c'est-à-dire par bloc de canaux, n'a pas été retenue. Cette formule aurait été pénalisante pour les nouveaux entrants qui ne seraient pas en mesure de postuler pour un multiplexe entier. Elle n'aurait pas été la plus satisfaisante au regard de l'objectif de préservation du pluralisme des courants d'expression. Attribuer la ressource par multiplexe conduirait en effet à donner un blanc-seing à un opérateur pour constituer son offre, privant l'autorité de régulation, le CSA, d'une prérogative importante.

L'attribution canal par canal présenterait des inconvénients inverses si elle n'était pas assortie de mesures favorisant le regroupement des chaînes et la gestion cohérente des multiplexes. Elle favoriserait certes le pluralisme, mais au prix d'un éclatement de l'offre audiovisuelle, qui risquerait d'être préjudiciable à un déploiement rapide du numérique hertzien.

Le projet préparé par le Gouvernement vise à concilier l'objectif démocratique de pluralisme et celui d'efficacité, en prévoyant que l'attribution de la ressource relève du CSA dans le cadre de critères précis fixés par la loi, qui prévoit par ailleurs des mécanismes d'attribution prioritaires.

Dans un contexte de croissance retrouvée, qu'il permettra d'amplifier, notamment par son impact sur les industries de contenu et de matériels électroniques, ce projet offre des perspectives à de nombreux opérateurs, nouveaux diffuseurs, mais aussi opérateurs de télédiffusion.

Le régime retenu pour TDF, sur la proposition de Christian Pierret, favorisera le développement de cet opérateur, tout en ouvrant à la concurrence la diffusion en numérique, dont le coût sera beaucoup plus faible qu'en analogique.

L'autorité de régulation sera amenée à jouer un rôle éminent, légitime, car l'attribution prédéterminée de la ressource serait très rigide. Pour autant, les interventions du CSA sont très encadrées par la loi, qui prévoit notamment des régimes prioritaires d'affectation et des critères précis pour l'allocation de la ressource.

Le CSA devra en premier lieu veiller, afin d'optimiser la gestion de la ressource, à favoriser les regroupements techniques et commerciaux, et à rechercher la plus grande cohérence dans les regroupements, en se fondant sur les propositions des candidats. Il est par ailleurs tenu de regrouper les chaînes publiques numériques.

Sans l'implication forte et immédiate des chaînes publiques et des opérateurs privés existants, le déploiem ent rapide du numérique hertzien terrestre serait compromis. C'est pourquoi la loi prévoit tout d'abord une attribution prioritaire de la ressource au service public, qui bénéficie d'un traitement particulier.

Tout en faisant place à de nouveaux opérateurs, notamment locaux, il est indispensable que les chaînes publiques constituent un élément moteur de l'offre proposée au public, afin de garantir le pluralisme et la diversité des programmes offerts par la nouvelle télévision.

Il vous est proposé à cette fin d'étendre aux fréquences numériques le mécanisme d'attribution prioritaire des fréquences prévu au bénéfice des chaînes de service public par la loi de 1986. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel affectera par conséquent en priorité la ressource numérique nécessaire à la diffusion des chaînes numériques de service public, chaque fois que le Gouvernement en aura fait le choix.

En second lieu, le CSA devra attribuer deux canaux aux opérateurs privés existants.

Les opérateurs privés existants doivent, au moins dans un premier temps, diffuser leurs chaînes analogiques en numérique. A défaut, l'offre numérique sera peu attractive pour le public. Il est donc apparu opportun d'affecter une part de la ressource à ces opérateurs, en contrepartie des charges de diffusion simultanée de leurs programmes analogiques, dites de simulcast, qui pèsent sur eux.

Ces opérateurs disposent par conséquent d'un droit à l'attribution automatique d'un canal pour diffuser en simulcast leur chaîne analogique.

En outre, le CSA leur attribuera un canal supplémentaire, à condition bien sûr que le service proposé soit conforme aux critères posés par la loi. Pour le reste, et dans la limite du dispositif anti-concentration, qui permet l'attribution de six canaux au plus à un opérateur, les diffuseurs existants postuleront lors des appels à candidature en concurrence avec de nouveaux opérateurs. Une part importante de la ressource numérique reste donc disponible pour ces derniers.

Le dispositif offre des garanties importantes à ces nouveaux entrants, et devrait favoriser un développement rapide du numérique hertzien.

L'attribution multiplexe par multiplexe, pénalisante pour les nouveaux entrants, a été, je le rappelle, écartée.

Le CSA devra favoriser le pluralisme dans l'attribution de la ressource hertzienne, dans le cadre de critères législatifs qui donnent toute leur chance aux nouveaux entrants, notamment : l'intérêt du projet pour le public, critère


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essentiel pour favoriser le développement des télévisions locales ; les engagements du candidat en matière de couverture du territoire et de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique nationale ; la contribution à un développement rapide du numérique.

Le CSA veillera aussi à prévenir l'éventuel gel des autorisations par l'usage des prérogatives dont il est doté par la loi, qui vaudront aussi pour le numérique hertzien.

Le distributeur de service, que l'on appelle aussi opérateur de multiplexe, joue un rôle très important. Personne morale indépendante des éditeurs regroupés sur chaque multiplexe, il est désigné d'un commun accord par les chaînes regroupées sur ce multiplexe. Le CSA est chargé de veiller à ce que les relations entre chaînes et opérateur de multiplexe soient équitables et non discriminatoires. Il est doté, à cette fin, de pouvoirs d'arbitrage. Ce dispositif offre donc des garanties importantes aux nouveaux diffuseurs.

Un opérateur de télévision peut être à la fois actionnaire du distributeur de service et des chaînes regroupées sur le multiplexe géré par cet opérateur, afin de ne pas pénaliser ceux qui souhaitent pouvoir s'investir à la fois dans l'édition de chaînes et la gestion de multiplexes.

Le régime d'autorisation est incitatif. Il est prévu une durée de dix ans qui permet aux opérateurs d'amortir leurs investissements. En cas de simulcast, la durée de l'autorisation délivrée pour la diffusion analogique est portée jusqu'au terme de celle délivrée pour le simulcast, afin d'en harmoniser la date de reconduction par le CSA.

Deuxième priorité, la refondation du service public de l'audiovisuel.

Au-delà des préoccupations tenant au pluralisme de l'offre, il importe de souligner l'impact décisif du passage au numérique pour la réforme du groupe France Télévision autour d'un projet fédérateur qui représente une véritable chance pour lui.

La loi traduit sur le plan de l'organisation du groupe France Télévision le choix de l'ambition. France Télévision pourra créer des filiales...

M. Olivier de Chazeaux.

Avec quel argent ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... dédiées à l'édition de programmes en numérique de service public, dont les missions seront précisées par un cahier des charges, et qui pourront recevoir à ce titre une part de la redevance. Cette possibilité permettra à la holding de conduire le développement du groupe dans les meilleures conditions.

M. Rudy Salles.

C'est une usine à gaz !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les missions de la holding sont renforcées pour lui permettre de conduire le développement du groupe, animé par une véritable stratégie industrielle, et non seulement de le coordonner.

Cette capacité d'impulsion, conjuguée à la possibilité de créer une ou plusieurs filiales, permettra une conduite optimale des projets de développement des trois sociétés nationales de programmes que sont France 2, France 3 et La Cinquième. Placée au même rang que France 2 et France 3, La Cinquième trouvera donc à travers son intégration au groupe France Télévision les conditions d'un développement ambitieux en numérique.

M. Rudy Salles.

C'est du baratin !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le groupe aura par ailleurs vocation à développer ses liens avec RFO. La question s'est posée d'une éventuelle intégration de RFO dans le groupe France Télévision. J'ai préféré proposer la solution alternative d'une convention entre les deux structures, solution retenue par le Sénat. Je m'engage à ce que cette coopération étroite conforte RFO et prenne en compte dans ses modalités les spécificités de chacun des DOM ou des TOM, ce qui serait peut-être plus difficile dans le cadre d'une intégration dans le futur groupe public.

L'ensemble des chaînes publiques profiteront du déploiement du numérique. Arte bénéficiera notamment d'une opportunité pour conforter sa vocation de chaîne culturelle et européenne et pour accentuer son rayonnement international.

Le succès de la réforme du service public audiovisuel dépend naturellement aussi de la mise à disposition de moyens financiers adaptés dans leur montant et leurs modalités d'affectation.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Ah ! Quand même !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

D'une part, France Télévision pourra affecter une part des recettes de la redevance à l'édition de nouveaux programmes de service public gratuits en numérique, en particulier d'information, culturels, éducatifs, de proximité, et à la diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles nationales et européennes. Cette option garantit à la fois la présence du service public en numérique et l'affectation des ressources publiques à des programmes.

L'augmentation de la part des financements publics, au détriment des financements publicitaires, validée par le Sénat, garantira un financement pérenne libérant les chaînes publiques d'une dépendance excessive à l'égard des ressources publicitaires.

M. Laurent Dominati.

Mais pas à l'égard du Gouvernement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le principe du remboursement intégral, par le budget de l'Etat, des exonérations de redevance conduira, je le rappelle, à apporter 1,6 milliard de crédits budgétaires supplémentaires au financement de l'audiovisuel public, ce qui portera le montant total de la compensation à 2,5 milliards par an à compter de 2001.

M. Olivier de Chazeaux.

Vous nous l'avez déjà dit !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Une fois déduites les sommes correspondant au manque à gagner en ressources publicitaires, évaluées à ce jour à 1,2 milliard de francs, il restera 1 milliard de ressources financières supplémentaires aux chaînes publiques pour financer l'amélioration de leurs programmes et les premiers investissements liés au passage au numérique terrestre.

M. Olivier de Chazeaux et M. Laurent Dominati.

Non !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En invitant les chaînes publiques à jouer un rôle import ant dans la nouvelle télévision, le Gouvernement n'ignore donc pas les conséquences financières de son choix.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est Harpagon !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il lui appartiendra de se prononcer, après un examen attentif, sur les propositions des diffuseurs publics, en cours d'élaboration.

Il apparaît d'ores et déjà clairement qu'une montée en charge des besoins liés au numérique est prévisible pour l'année 2002. Ils devront néanmoins être pris en compte


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dès la loi de finances pour 2001, le calendrier prévisionnel permettant d'envisager un lancement du numérique au cours du deuxième semestre 2001.

Pour l'heure, ces besoins s'inscivent dans le contexte favorable de la mise en oeuvre de l'engagement gouvernemental du remboursement intégral par le budget de l'Etat des exonérations de redevance.

Le maintien de la redevance offre en outre des garanties essentielles. Ressource indépendante du budget de l'Etat et dont la progression spontanée est régulière - de l'ordre de 400 millions de francs par an -, la redevance garantit dans la durée l'autonomie de fonctionnement de l'audiovisuel public.

M. Laurent Dominati.

Et l'autonomie par rapport au Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous attendons de la mise en place du groupe la réalisation de gains de productivité, et donc des économies.

Cependant, le fruit des synergies résultant de la nouvelle stratégie, même s'il n'est pas négligeable, ne permettra sans doute pas de couvrir l'ensemble des besoins de financement de France Télévision.

Je crois par conséquent, comme le rapporteur et comme beaucoup d'entre vous, que des ressources financières complémentaires devront être recherchées.

M. Olivier de Chazeaux.

Ah !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le moment venu, une dotation spécifique significative, dont le montant dépendra des projets finalement retenus, sera attribuée....

M. Michel Françaix.

Et voilà !

M. Laurent Dominati.

La DSS ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... pour permettre le démarrage du groupe dans les meilleures conditions, son développement en numérique et un investissement complémentaire dans les programmes,...

M. Michel Françaix.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... rendu nécessaire par l'élargissement de l'offre de service public et le renforcement de ses missions.

En contrepartie des moyens juridiques et financiers mis en place dans le cadre de la réforme, il est important que soit amplifié à l'avenir l'effort accompli par la télévision publique en faveur de la création, de l'innovation et de la diversité.

En tant qu'actionnaire et responsable de la tutelle de France Télévision, le Gouvernement s'attachera à ce que soit assurée la satisfaction de l'ensemble des publics par des programmes variés, notamment lors de l'élaboration des cahiers des charges et des contrats d'objectifs et de moyens, en accordant une large place aux oeuvres originales, dans l'ensemble des genres, de la fiction au documentaire.

Cette réforme offrira au service public une formidable opportunité pour prendre des risques, tant dans les programmes proposés que dans le choix des horaires, des formats et des thèmes traités. Le public et les créateurs souhaitent voir des oeuvres françaises audacieuses, ou des émissions novatrices, présentées à des horaires variés en journée comme en soirée. Ces attentes sont légitimes. Je serai, pour ma part, très attentive à ce que le relâchement de la contrainte d'audience lié à la réduction de la durée de la publicité se traduise par une programmation ambitieuse, mettant notamment en valeur le patrimoine et l'actualité culturelle, sous toutes ses formes, qu'il s'agisse du livre, du théâtre, du cinéma, de la musique ou d'autres formes d'expression.

Cette exigence constitue la juste contrepartie des efforts accomplis pour que cette loi, et l'effort financier qui l'accompagne, permettent la refondation du service public. Le succès de la réforme dépend aussi en grande partie de la mobilisation des équipes de la télévision publique, qui m'apparaissent très motivées par les perspectives qu'offre la nouvelle télévision.

Le deuxième grand objectif du projet de loi est de dynamiser l'industrie des programmes. Le renforcement de notre industrie des programmes est en effet une nécessité.

Sous-financée, elle est en situation précaire au regard de celle de nos partenaires allemands, britanniques et espagnols. La situation de l'industrie cinématographique est certes meilleure chez nous, si l'on observe l'évolution de la part de marché du film français en salle - 30 % en 1999 -, mais elle doit être améliorée. Cette situation paradoxale, au moment où de nouvelles opportunités, notamment d'exportation, sont offertes par l'émergence d'une nouvelle économie, doit être corrigée.

La préservation et le développement d'une grande diversité dans la production d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques constituent un impératif, si nous voulons résister à une américanisation totale et permettre à nos industries de contenu de profiter d'une croissance retrouvée.

Une étape importante vient d'être franchie dans les relations entre cinéma et chaînes payantes par un accord négocié entre un grand opérateur et l'ensemble des organisations professionnelles du cinéma, que j'ai pu réunir autour d'une même table la semaine dernière. Négocié pour cinq ans, cet accord garantit un engagement à haut niveau en faveur de l'industrie cinématographique, tout en offrant de sérieuses garanties de fluidité du marché.

Les principes sur lesquels il repose me semblent devoir inspirer durablement les relations entre producteurs et chaînes payantes qui ont le privilège de diffuser des films en première exclusivité.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Si nous pouvons prévenir, par ces principes, tout risque de dérégulation du secteur du cinéma, qui serait fatal à la création, je souhaite vous faire part de ma préoccupation face à la dégradation de la situation de la création audiovisuelle.

Des Etats généraux de la création audiovisuelle se sont tenus hier. Une émotion qui ne peut nous laisser insensibles s'y est fortement exprimée.

M. Pierre-Christophe Baguet.

La cagnotte, la cagnotte !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Quelques chiffres cités me confortent dans ma détermination à remédier à une situation préoccupante : 600 heures de fictions sont produites chaque année en France, contre 1 300 en Grande-Bretagne et 2 000 en Allemagne ; les fictions nationales représentent 47 % des fictions diffusées en première partie de soirée, contre 70 % en Allemagne et 90 % en Grande-Bretagne, alors que nos fictions nationales réalisent d'excellentes audiences. Nos entreprises sont trop peu présentes sur les marchés étrangers, dégagent des marges bénéficiaires insuffisantes, sans


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commune mesure avec celles des diffuseurs privés, florissantes, et dont la capitalisation boursière connaît une croissance sans précédent.

Si nous ne pouvons que saluer cette bonne santé des diffuseurs, qui doit leur permettre de se développer au plan international et de mener une nécessaire diversification, je crois aussi indispensable d'infléchir une tendance qui conduirait à priver les créateurs de contenu, première richesse de la nouvelle économie, des fruits de sa croissance.

Sans même prendre en compte les effets du passage au numérique hertzien terrestre, la loi permettra une forte relance de la production audiovisuelle.

M. Laurent Dominati.

Comment ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La réforme du financement du service public aura un fort impact sur l'industrie des programmes : par l'apport de ressources publiques, d'une part, l'évolution des ressources publiques excédant la baisse des recettes provenant de la publicité, comme je viens de l'indiquer ; par les transferts d'une partie de ces recettes vers les autres diffuseurs, d'autre part.

En 2001, ce double effet permettra un financement complémentaire de l'ordre de 500 millions de francs au bénéfice de la production cinématographique et audiovisuelle, par le jeu des obligations de production et de la taxe alimentant le compte de soutien, à laquelle toutes les ressources publiques et privées, et toutes les chaînes, sont assujetties.

Plusieurs mesures nouvelles favoriseront le développement de la création : la soumission de l'ensemble des diffuseurs - hertziens, par câble et par satellite - à des obligations de contribution à la production ; la mise en place de dispositions favorisant la fluidité des droits et le renforcement de la production indépendante, que le texte qui vous est proposé dote d'un statut législatif.

La profession audiovisuelle réunie hier à l'occasion des

Etats généraux a insisté sur la nécessité absolue d'améli orer les conditions de financement du service public. A ce titre, j'ai annoncé des mesures importantes : crédits budgétaires de 2,5 milliards de francs en faveur de l'audiovisuel public, en sus du produit de la redevance, surc ompensant la baisse des recettes de publicité ; financement complémentaire sous forme d'une dotation spécifique substantielle pour conforter France Télévision.

Ces Etats généraux ont également exprimé une attente forte pour que soient prises des mesures permettant d'améliorer la situation de la production indépendante. Je vous propose par conséquent d'adopter, par la voie législative, une mesure dont la portée me semble cruciale pour tous les producteurs, qui, je pense, y verront plus qu'un signe : la suppression de la prise en compte des parts de coproduction dans le décompte des obligations des diffuseurs en faveur de la production indépendante.

M. Laurent Dominati.

Ce n'est pas nous qui avions proposé cela ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ainsi, les producteurs indépendants disposeront des droits correspondants qu'ils pourront valoriser au mieux. Ils retrouveront ainsi la jouissance d'une part importante de leur patrimoine.

Une seconde étape commencera dès l'issue de notre débat, notamment en prévision de l'élaboration des décrets d'application de la loi. Une large concertation sera engagée avec tous les acteurs concernés : elle prendra en compte l'ensemble des instruments disponibles pour stimuler la création.

La dynamisation de l'industrie des programmes a naturellement constitué aussi un axe prioritaire du dispositif relatif à la télévision numérique hertzienne, dont les effets à moyen terme sont, je crois, très stimulants pour la création audiovisuelle et cinématographique. Il nous faut en effet apporter des réponses à la mesure de l'enjeu : assurer la diversité, la qualité et le volume de notre création audiovisuelle nationale, à l'heure de la mondialisation qui nous menace d'uniformisation, et de la nouvelle économie dont l'industrie des contenus constitue la principale richesse.

Le déploiement du numérique hertzien constituera une opportunité nouvelle pour l'industrie des programmes.

M. Olivier de Chazeaux.

Ce n'est pas dans le texte !

M. Rudy Salles.

On brode !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le numérique hertzien terrestre ne devra pas conduire à la seule diffusion des chaînes existantes, même améliorée par l'offre d'horaires décalés ou de services associés. Il est de ce fait apparu primordial de prendre en compte la contribution à la production nationale et européenne dans les critères d'attribution de la ressource hertzienne.

De même, il est prévu, comme pour la diffusion analogique, un régime complet d'obligation pour les diffuseurs : quotas de diffusion, contribution à la production, notamment indépendante.

L'offre de nouvelles chaînes, accompagnée d'une limitation de la durée de détention des droits de diffusion, permettra le développement d'un nouveau marché favorisant l'amortissement des catalogues d'oeuvres existantes, et donc l'amélioration de la situation financière des producteurs. En outre, une audience élargie et la création de nouvelles chaînes conduiront à une augmentation globale des recettes publicitaires des diffuseurs, et donc des investissements dans la production de nouvelles oeuvres.

Au-delà de la relance de la production rendue possible par le jeu combiné de l'ensemble de ces dispositions, des aspects plus qualitatifs doivent être soulignés. Par la flexibilité de diffusion offerte, dans les horaires notamment, par le développement de nouvelles chaînes et l'arrivée de nouveaux diffuseurs, le passage au numérique permettra une plus grande diversité dans la programmation.

Mesdames et messieurs les députés, mon intervention pour cette deuxième lecture se devait d'être un peu longue.

M. Rudy Salles.

Par rapport à ce qu'elle a été en commission, oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En conclusion d'un propos qui se voulait aussi explicite et pédagogique que possible, je puis affirmer que le projet que je vous propose, ainsi amendé par le Gouvernement,...

M. Rudy Salles.

Très amendé !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... répond à une première ambition, celle d'un véritable progrès démocratique avec la nouvelle télévision.

M. Michel Françaix.

Mais bien sûr !

M. Marcel Rogemont.

Excellent !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La diversité des chaînes s'accompagnera de la diversité du choix pour tous les Français.


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M. Rudy Salles.

Avec trois ans de retard !

Mme Catherine Tasca.

C'est pour bien faire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En même temps, cette loi assure l'équilibre entre le secteur privé et le secteur public...

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il y en a pour tout le monde !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... est favorable à l'expression citoyenne par l'ouverture des fréquences analogiques et du numérique hertzien de terre aux chaînes locales, aux chaînes associatives.

M. Michel Françaix.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Enfin, l'industrie des programmes est renforcée, car c'est cela, le nerf de la guerre. Avec cette loi, nous devons non seulement redonner espoir à l'ensemble des producteurs, ...

M. Rudy Salles.

Que ne l'avez-vous fait il y a un an, madame ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... mais permettre à tous les Français de bénéficier de la capacité créatrice de ceux qui alimentent la filière de l'audiovisuel et du cinéma français.

M. Rudy Salles.

Que ne l'avez-vous fait en première lecture ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ai donc confiance dans l'examen attentif que votre assemblée fera de ces dispositions, et je me réjouis que, grâce au Gouvernement, soucieux de répondre à l'attente des Français par la refondation du service public, une télévision vraiment évolutive et proche des citoyens soit possible. Je vous propose de saisir cette occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Rudy Salles.

Les Français attendent la holding.

M. Olivier de Chazeaux.

Allez, on zappe ! Rappel au règlement

M. Laurent Dominati.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Dominati.

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 du règlement, monsieur le président.

En ce moment même, le Premier ministre expose un important plan sur les retraites. Cela intéresse notamment la représentation nationale. Comme tout citoyen, je souhaiterais être informé de ses déclarations. C'est pourquoi je demande soit une suspension de séance pour que nous puissions étudier les propositions du Premier ministre, soit un exposé de Mme la ministre, membre du Gouvernement, sur ces propositions.

M. Rudy Salles.

C'est intéressant !

M. Marcel Rogemont.

La retraite, c'est le Sénat !

M. Laurent Dominati.

Certes, le projet de loi dont nous discutons nous intéresse. Mais il me semblerait anormal que les journalistes et les citoyens soient tenus informés de la conférence de presse du Premier ministre, et que les députés ne le soient pas.

M. Marcel Rogemont.

Vous l'apprendrez par la presse !

Mme Nicole Feidt.

Il ne faut pas exagérer, tout de même !

M. Laurent Dominati.

Aussi, monsieur le président, je laisse le choix au Gouvernement : soit nous suspendons la séance, soit il nous expose, ici-même - et cela prendra le temps qu'il faudra - la réforme annoncée aux Français.

M. le président.

Monsieur Dominati, souhaitez-vous réunir votre groupe ?

M. Laurent Dominati.

Oui, monsieur le président.

M. Rudy Salles.

Nous souhaitons réunir notre groupe devant la télévision ! (Sourires.)

Mme Catherine Tasca.

C'est dérisoire !

M. Marcel Rogemont.

Et scandaleux !

M. le président.

La suspension est de droit, M. Dominati ayant délégation de son groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'évoquer les évolutions que comporte le texte qui nous est soumis en deuxième lecture, je voudrais rappeler les éléments essentiels du projet tel que nous l'avions amendé et adopté en première lecture, il y a près d'un an.

Le texte était composé de trois volets essentiels : Le premier portait sur la refondation de la télévision publique avec la création d'une holding, la baisse du recours à la publicité et l'attribution de moyens supplémentaires par le remboursement intégral des exonérations de redevance ; Le deuxième volet concernait sur la transcription de deux directives européennes dans notre droit ; Le troisième volet, enfin, établissait un dispositif pour favoriser et organiser la concurrence et le pluralisme dans de meilleures conditions de transparence.

Notre assemblée avait amendé ce texte sur des points importants pour en renforcer l'efficacité et avait, en particulier, établi le principe du développement de la télévision numérique dans son article 29 bis, par un amendement que je vous avais proposé.

Aujourd'hui, le Gouvernement, au travers des amendements qu'il nous propose, répond donc à l'attente de notre assemblée sur ce sujet et en particulier à l'impatience que l'opposition avait alors manifestée aux cris de :

« Le numérique ! Le numérique ! Le numérique ! » Eh bien, le numérique, le voilà !

M. Olivier de Chazeaux.

Grâce à nous !

M. Laurent Dominati.

Heureusement que nous sommes là ! Que feriez-vous sans nous !

M. le président.

Laissez parler le rapporteur !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Dans l'intervalle, le budget de 2000 a déjà permis au Gouvernement de tenir la première partie de ses engagements financiers en apportant un financement supplémentaire de 900 millions de francs à la télévision publique.


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Par ailleurs, les négociations avec nos partenaires allemands au sein d'Arte ont conduit le Gouvernement à modifier, lors de la lecture au Sénat, le dispositif de la holding en défusionnant Arte et La Cinquième pour maintenir Arte en dehors de la holding. On peut s'étonner de la vigueur de l'argumentation allemande, ..

M. Laurent Dominati.

Oui !

M. Didier Mathus.

... de cet attachement soudain à une cause prétendument menacée, alors que Arte est confinée en Allemagne à une distribution marginale sans que les mêmes ne s'en émeuvent.

M. Laurent Dominati.

C'est exact !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Mais prenons-en acte et faisons en sorte que les coopérations entre la future holding et Arte soient les plus fructueuses possible et que, par ailleurs, La Cinquième trouve toute sa place dans le holding et puisse y conforter ses missions spécifiques et son identité.

La nouveauté importante de cette deuxième lecture réside donc dans le dispositif que vous venez de nous exposer, madame la ministre, pour développer dans notre pays la télévision numérique terrestre.

Rappelons succinctement de quoi il s'agit : la diffusion numérique permet d'améliorer considérablement la qualité de l'image et du son transmis. Mais c'est surtout la multiplication des capacités de diffusion qui fait le grand intérêt du numérique. La compression des six fréquences aujourd'hui disponibles en analogique permettra, selon l'Agence nationale des fréquences, de disposer d'au moins trente-six canaux répartis en six multiplexes de chacun six canaux dont quatre couvriront 80 % du territoire nationale et deux, 60 %.

La diffusion numérique débute, selon des modalités variables, dans la plupart des pays développés. A l'exception des Etats-Unis, où le basculement total de l'analogique sur le numérique est prévu en 2006, compte tenu du dispositif très contraignant et d'ailleurs fort peu libéral mis en place par la FCC, la plupart des pays envisagent ce basculement à l'horizon 2010.

Depuis notre première lecture, le Gouvernement a procédé à de nombreuses consultations. Plusieurs rapports sont venus nourrir la réflexion collective en particulier le rapport Cottet-Eymery et le rapport Hadas-Lebel.

Le lancement d'une large consultation, en juin 1999, sur la base d'un Livre blanc, a permis au ministère de la culture et de la communication de solliciter l'avis de 300 membres et représentants du secteur audiovisuel, de la presse écrite, des télécommunications, des collectivités locales et du monde associatif sur le passage au numérique de terre. Les particuliers ont également pu intervenir via Internet.

Un large accord sur la nécessité de la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre s'est dégagé de cette consultation. Certes, les opérateurs du câble et du satellite ont fait montre d'une certaine réserve, craignant très certainement que cette nouvelle offre vienne concurrencer la leur, mais, globalement, la numérisation de la diffusion hertzienne est apparue comme inéluctable et génératrice de nombreux progrès, comme la diversification de l'offre de programmes, l'ouverture vers la portabilité des récepteurs, le développement des programmes locaux, une meilleure qualité de l'image et du son, un enrichissement global de l'offre télévisuelle.

En fait, le câble, le satellite et le hertzien terrestre ne sont pas contradictoires et ne doivent pas être en compétition. Je crois que chacun a ses atouts : le câble permet une grande diversité de services, comme l'accès à Internet et le téléphone ; le satellite offre une richesse de programmes qui restera vraisemblablement inégalée et quir épond à une logique thématique de ciblage de l'audience ; quant au numérique hertzien, il devrait bénéficier de sa simplicité de réception, des perspectives de portabilité et de son prix.

Ces modes de diffusion seront également complémentaires sur le plan géographique, les zones d'ombre de la diffusion hertzienne pouvant aisément être couvertes par le satellite, par exemple.

L'apparition du numérique hertzien peut être une révolution pour la télévision. C'est, d'une certaine façon, la fin de la télévision telle qu'elle a été fondée dans les années 50 et 60 qui s'amorce. Mais c'est aussi la rupture avec la tendance qui avait vu, ces dernières années, une montée en puissance des télévisions payantes apparemment inéluctable. Le numérique, d'une certaine façon, peut être la revanche de la télévision gratuite.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Multiplicité des chaînes, multiplicité des opérateurs, horaires décalés, interactivité : la façon de regarder la télévision ne sera plus jamais la même, et son rôle dans la société s'en trouvera profondément modifié.

Cela met, bien sûr, en cause des enjeux importants.

Enjeu citoyen : le morcellement de l'audience va accentuer l'affaiblissement du rôle fédérateur des grandes chaînes hertziennes, ce qui doit être un sujet de préoccupation. Leur fonction éminente dans la construction de l'imaginaire social et des représentations collectives s'amenuisera peu à peu au profit de modes de consommation télévisuelle plus segmentés et plus communautarisés. Il est donc légitime que la collectivité veille à donner au service public un rôle central dans la télévision numérique pour garantir un certain nombre de valeurs. Je salue le choix qui a été fait par le Gouvernement de donner à la télévision publique une place prépondérante, prioritaire et centrale dans le futur dispositif.

De la même façon, le progrès technologique et la baisse des coûts introduits par le numérique devraient faciliter l'éclosion de télévisions locales. Il y a indiscutablement un besoin très fort de télévision de proximité dans notre pays et le numérique doit être l'occasion d'y répondre.

Enjeu du pluralisme : le numérique est une chance pour le pluralisme. Plus de chaînes, c'est plus de contenus, plus de capacités d'enrichissement, plus d'opérateurs pour plus de démocratie. Il y a donc nécessité de faciliter l'émergence de nouveaux opérateurs nationaux et locaux.

La télévision française, on le sait, est dans une situation unique pour un pays démocratique. La faiblesse de la concurrence, la situation ultra dominante d'un seul et même opérateur qui capte à lui seul 55 % du marché publicitaire,...

M. Michel Françaix.

Eh oui !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... l'absence de préoccupation internationales pour la plupart des opérateurs, à l'exception de Canal Plus mais sur le créneau spécifique de la TV payante, tout cela nous mène à une sorte d'asphyxie dont les Etats généraux des producteurs, qui se sont tenus hier, ont été un témoignage tout à fait éclairant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

L'avènement du numérique est une occasion unique d'ouvrir les fenêtres, d'apporter de l'oxygène à la création télévisuelle et d'établir enfin un véritable pluralisme des opérateurs dans ce pays. Il n'est pas si fréquent d'être face à une telle opportunité de création brute de richesses.

Pour que ce basculement bénéfique sur le numérique se produise, il faut, bien sûr, « donner envie » aux consommateurs en leur assurant au minimum une transcription de la télévision analogique par simulcast, mais, au-delà, leur proposer une offre considérablement accrue.

Dans un domaine où la technologie progresse à très grande vitesse, nul ne peut avoir de certitudes sur les évolutions à venir. Mais personne ne peut mettre en doute la nécessité de convertir la distribution de télévision au numérique. Cela reste en effet aujourd'hui le dernier maillon de la chaîne de la production d'images à fonctionner en analogique. Sa mutation est irréversible.

Certains mettent en doute l'intérêt de cette « migration » de l'analogique au numérique au motif que les progrès fulgurants des hauts débits sur Internet condamneraient à terme la télévision. Certes, on voit se dessiner une zone de superposition entre l'interactivité de l'Internet et celle de la télévision numérique. Mais je crois que la prégnance des usages ne disparaîtra pas rapidement.

La consommation d'Internet ne revêt pas les mêmes formes et n'obéit pas aux mêmes motivations que celle de la télévision. Il y aura sûrement conflit d'usage entre une télévision interactive de plus en plus portable, de plus en plus mobile, et un Internet de plus en plus rapide, mais il serait irresponsable de geler aujourd'hui une mutation aussi essentielle en s'appuyant sur les incertitudes naturelles de l'avenir.

Le dispositif que nous propose le Gouvernement par une série d'amendements répond à une logique et à la nécessité d'« ouvrir les fenêtres ».

Une place centrale est réservée au service public avec une transcription pour le numérique du dispositif prioritaire dont bénéficie déjà le service public dans l'analogique.

Le service public aura les fréquences dont il a besoin. Il jouira de la souplesse de fonctionnement qui lui permettra de créer des filiales et d'assumer son développement numérique.

Pour ce qui concerne les services privés, le simulcast s'accompagnera d'un plafond d'un certain nombre de canaux.

Ainsi que nous le verrons à la faveur de notre discussion, il est essentiel de vérifier que l'équilibre entre service public, d'un côté, et opérateurs existants et nouveaux entrants de l'autre, permette une véritable fluidité du système. Le CSA doit être capable de répondre aux attentes qui sont les nôtres afin que le numérique constitue un vrai progrès pour la télévision dans notre pays. Le dispositif qui nous est proposé par les amendements du Gouvernement doit permettre de répondre à ce besoin.

Le dispositif donne un rôle majeur au CSA dans la mise en place du numérique. Beaucoup d'observateurs se sont interrogés et s'interrogent encore, au vu des états de service du CSA, sur sa capacité à être un véritable organisme de régulation. Ses récents atermoiements sur la question de la publicité Internet nourrissent cette interrogation. Il est pour le moins surprenant que, parfois, le CSA s'arroge des attributions réglementaires qu'il n'a pas, alors qu'il a usé avec tant de timidité de ses pouvoirs réels à l'égard des opérateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les discussions précédant l'examen de ce texte nous auront montré que la cohabitation est une période qui se prête mal à une réforme du CSA. Cela reste à mon sens une question non résolue, qu'il faudra bien un jour remettre sur le métier.

M. Laurent Dominati.

Eh bien ! Osez ! M. Didier Mathus, rapporteur.

Le dispositif proposé par le Gouvernement ne prétend donc pas tout régler par la loi. Il fait le pari d'un CSA intelligent et audacieux, et d'entreprises ambitieuses et innovantes.

M. Olivier de Chazeaux et M. Laurent Dominati.

C'est méchant !

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce n'est même pas une insinuation !

M. Jean-Michel Marchand.

De temps en temps, il faut bien revenir en arrière ! (Sourires.)

M. Didier Mathus.

Plusieurs opérateurs français ont commencé de réfléchir aux contenus de ces futurs canaux numériques. France Télévision, en particulier, a travaillé avec beaucoup de dynamisme sur différentes hypothèses.

J'ai le conviction que nous avons trop raisonné, au début de la réflexion sur le numérique hertzien, en imaginant une simple déclinaison du numérique satellitaire...

M. Michel Françaix.

Très juste !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... et selon une logique de niches thématiques. Je crois qu'il en sera dans l'avenir autrement : le numérique hertzien, ce sera d'abord de la télévision gratuite concernant la quasi-totalité de la population avec des réseaux couvrant 80 %...

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

Mme Catherine Tasca.

C'est important ! M. Didier Mathus, rapporteur.

On se trouvera dans une tout autre logique que celle des chaînes thématiques avec des satellites payants.

M. Marcel Rogemont.

Il ne faut pas qu'il n'y ait que de la télévision payante ! La télévision doit être pour tout le monde, même pour ceux qui n'ont pas d'argent ! M. Didier Mathus, rapporteur.

Bien sûr, de nombreuses questions se posent sur le financement, élevé, du basculement sur le système numérique.

J'ai noté avec beaucoup de satisfaction, madame la ministre, votre annonce d'une dotation spécifique en faveur de France Télévision...

M. Jean Le Garrec, président de la commission, et

M. Michel Françaix.

Très bien ! M. Didier Mathus, rapporteur.

... lui permettant d'assurer ses missions de service public dans le développement numérique.

M. Marcel Rogemont.

C'est essentiel ! M. Didier Mathus, rapporteur.

J'étais convaincu que le choix et les arbitrages du Gouvernement qui donnent une place centrale au service public étaient raisonnés. Le Gouvernement en a bien mesuré les implications, ce qui veut dire qu'il faut assurer un financement public. Nous devons alors poser de nouveau la question d'une nouvelle ressource pour l'audiovisuel public,...

M. Laurent Dominati.

Créez une taxe !

M. Patrice Martin-Lalande.

Oui, une taxe sur les télécommunications !


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M. Didier Mathus, rapporteur.

... sachant où nous en sommes avec la redevance, comme tous les pays européens.

M. Laurent Dominati.

Allez ! Instituez-nous donc une petite taxe ! M. Didier Mathus, rapporteur.

Il faut donc que l'Etat assume pleinement ses responsabilités et qu'il donne des missions importantes à la télévision publique.

Je suis intimement convaincu que la nation a le devoir d'imposer pour le service public une place prioritaire, centrale, sur le numérique hertzien. (M. Jean Le Garrec, président de la commission, et M. Marcel Rogemont applaudissent.) Réfléchissons aux conséquences qu'auront dans la société ces nouvelles formes de télévision, ces nouvelles façons de regarder la télévision, et considérons l'affaib lissement quasi inéluctable du rôle fédérateur des grandes chaînes hertziennes que nous avons connues depuis quarante ans ! Il y aura donc un changement profond. Le service public doit être au premier rang de cette mutation car il y va des valeurs collectives qu'incarne l'idée de la nation.

Je pourrais également parler de ce qu'avait fait le CSA concernant les nouvelles possibilités de financement par la publicité. Mais il me semble qu'il faut faire le contraire de ce qu'a fait le CSA : plutôt que de décréter, il faut discuter !

Mme Catherine Tasca.

Très bien ! M. Didier Mathus, rapporteur.

Il convient surtout de réfléchir à une chose essentielle : si l'on doit mobiliser de nouvelles sources de financement, y compris en dérégulant en partie les interdits concernant certains aspects de la publicité, ce doit être en produisant des richesses, et donc au profit soit d'opérateurs nouveaux, soit de nouvelles formes d'expression, soit de la création.

Il est impératif que l'on n'« égalise » pas cette ressource éventuelle en la distribuant inconsidérément : on doit veiller à ce qu'elle serve à la création de richesses supplémentaires.

La télévision numérique est sans doute un formidable progrès démocratique. C'est plus de contenu et plus d'opérateurs, c'est-à-dire plus de démocratie. C'est encore forcément plus de moyens d'expression, et donc plus de moyens tout court pour la création audiovisuelle dans ce pays. Il s'agit donc, au-delà du vocabulaire technique qui peut paraître un peu hermétique à nos concitoyens, d'un formidable enjeu.

Je suis très heureux que le Gouvernement ait pu honorer, dans un délai difficile à tenir, ...

M. Marcel Rogemont.

Exact ! Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. C'est de l'humour ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

... l'engagement, formulé il y a moins d'un an, d'une grande consultation sur le numérique hertzien.

Je salue la ténacité de Mme la ministre pour avoir conduit cette consultation et fait éditer les rapports.

Ainsi, nous disposons, pour cette deuxième lecture, de tous les éléments nous permettant de mettre en oeuvre une véritable révolution de la télévision.

M. Laurent Dominati.

Non ! Nous ne disposons pas de

« tous » les éléments ! M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est extrêmement positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Marcel Rogemont.

Excellent ! Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Laurent Dominati, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le président, j'avais demandé tout à l'heure une suspension de séance pour l'informer des propos du Premier ministre. Cela va me permettre d'informer l'Assemblée en donnant lecture de deux dépêches de l'AFP.

La première précise que « M. Lionel Jospin indique qu'il n'est pas nécessaire d'allonger la durée de cotisations du régime général » et la seconde que « M. Jospin plaide pour l'allongement de la durée de cotisations ».

O n appréciera la clarté des propos du Premier ministre. J'y vois, madame la ministre, une sorte de méthode de gouvernement, celle des effets d'annonce et d'une certaine confusion.

En ce qui concerne la télévision, le rapporteur a exposé vos choix et votre projet de loi, ainsi que vous l'aviez fait vous-même.

Compte tenu d'une longue habitude d'intervention du législateur et du Gouvernement dans le secteur de l'audiovisuel, il peut sembler étonnant qu'un parlementaire vienne défendre une exception d'irrecevabilité, c'est-à-dire d'expliquer que le texte est inconstitutionnel.

Avec près de sept cents textes réglementaires, on est habitué à ce que l'Etat intervienne dans ce secteur.

Mais pour assurer qu'un projet de loi soit constitutionnel ou inconstitutionnel, il faut savoir exactement de quel projet de loi il s'agit. J'en viens donc à votre texte.

M. Patrice Martin-Lalande.

Lequel ?

M. Laurent Dominati.

Oui, lequel ? Et cette question nous renvoie à la méthode Jospin.

Vous êtes arrivée au Gouvernement après une campagne électorale où vous avez annoncé un projet de loi qui aurait pour but de moraliser, en quelque sorte, la télévision en général, privée en particulier, notamment en ce qui concerne les grands groupes de communication qui possédaient des chaînes privées et qui étaient en relation avec l'Etat par le biais des marchés publics. C'était au mois de juin 1997.

Au mois de janvier 1998, déjà avec un peu de retard sur votre calendrier initial, vous annonciez, d'une part, que la télévision publique serait coiffée par une holding, France Télévision, et, d'autre part, qu'il y aurait un système de comité interne de surveillance ou de conseils de directoire pour les télévisions privées, un système d'autocontrôle, si je me souviens bien. Mais vous avez abandonné tout cela et vous avez bien fait. Finalement, les groupes privés ont fait valoir une certaine réalité de la télévision.

En juin 1998, le groupe socialiste venait à votre secours - était-ce vraiment à votre secours ? - et indiquait qu'il allait commettre un dispositif de loi anti-concentration pour contrer la pression que les chaînes exerçaient sur le Gouvernement.

En septembre 1998, il y eut un premier texte sur la télévision publique et vous annonciez qu'un autre texte sur la télévision privée viendrait plus tard. Le premier


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texte prévoyait la réduction de la publicité - on y est encore -, la holding - on y est encore un peu. Malheureusement, le Conseil d'Etat a qualifié ce texte d'attentatoire aux libertés publiques.

Au mois de décembre, sous la pression du groupe socialiste qui voyait dans votre première proposition un cadeau monumental fait aux chaînes privées, contrairement aux intentions affichées lors de votre campagne électorale, vous avez dû retirer ce texte.

L a nouvelle mouture que vous avez proposée à l'Assemblée nationale en mai 1999 n'a pas été, quant à elle, soumise au Conseil d'Etat. Dans ce texte, vous avez prévu un certain nombre de modifications, notamment le fameux amendement « redevance », qui assurait le remboursement des exonérations de redevance aux chaînes publiques mais qui, en réalité, n'était que virtuel, seule la loi de finances pouvant décider du montant de la redevance et de son affectation. Vous avez de plus intégré la directive européenne.

Enfin, vous confirmiez à l'Assemblée nationale que ce premier texte - le projet de loi dont nous débattons en deuxième lecture - ne concernait que le secteur public et qu'un autre texte concernant le secteur privé verrait le jour.

L'Assemblée a adopté plusieurs amendements, notamment à l'initiative de députés et de la majorité et de l'opposition, sur Internet.

Lors de la première lecture au Sénat, vous confirmiez à la fois l'abandon de la holding Arte et l'extension de cette législation au domaine de l'Internet. Le Sénat vous proposait quant à lui des amendements sur la télévision numérique.

A l'Assemblée, la veille de la réunion de la commission, vous déposiez cinquante-trois amendements nouveaux concernant la télévision numérique et Internet.

Cela signifie, madame la ministre, que le Conseil d'Etat n'a pas vu la moitié du texte ! Tout cela signifie pour moi que vous n'avez pas respecté les procédures qui sont les garanties, dans toute république qui est une démocratie, d'une véritable démocratie, d'une véritable discussion.

Vous pourriez m'objecter qu'après tout le Gouvernement est contumier du fait puisqu'il a l'habitude de changer ainsi les textes de loi. Je vous ferai cependant remarquer que ce sont beaucoup plus les parlementaires que le Gouvernement qui doivent changer les textes de loi.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est ce qu'ont fait les sénateurs !

M. Laurent Dominati.

Vous auriez dû élaborer votre texte de loi d'une façon globale et le présenter avec un exposé des motifs et une étude d'impact. Or cette étude est forcément absente puisque votre texte en est arrivé à une telle incohérence que vous n'êtes plus capable de dire q uels seraient ses effets financiers sur les chaînes publiques, sur les chaînes privées ou sur le secteur de la communication générale.

M. Olivier de Chazeaux.

Très bonne remarque !

M. Laurent Dominati.

Vous ne savez pas quel pourra être, madame la ministre, l'effet de votre texte. Ne venezvous pas d'annoncer une DSS, une dotation spécifique spéciale, une dotation spécifique pour le secteur public ? Bref, il s'agit d'un cadeau puisé dans la cagnotte du Gouvernement ! Vous avouez vous-même que vous ne savez pas quel sera l'effet du texte pour les chaînes publiques, ne serait-ce qu'en matière financière.

On pourrait dire que l'intérêt du texte est reconnu puisque celui-ci prévoit une réduction de la publicité, laquelle est déjà en oeuvre, ainsi que la fameuse obligation pour l'Etat de rembourser les exonérations de redevance.

Mais je vous ferai observer que la première de ces deux mesures est de nature réglementaire et que l'on n'a donc pas besoin d'un texte de loi pour réduire la publicité sur les chaînes publiques. Quant à la seconde, le remboursement des exonérations de redevance par l'Etat, c'est la loi de finances qui est concernée.

M. Michel Françaix.

Pendant vingt ans, on n'a rien eu !

M. Laurent Dominati.

D'ailleurs, la dernière loi de finances n'a pas acté le remboursement intégral des exonérations de la redevance au secteur public.

M. Michel Françaix.

On n'a rien eu pendant vingt ans et, en plus, il mégote !

M. Laurent Dominati.

On a là la preuve que c'est la loi de finances et elle seule qui décide du caractère principal de votre réforme et de votre texte.

Bien évidemment, le caractère incohérent, en réalité fort archaïque et même un peu hypocrite de votre texte, ne justifie pas à lui seul son caractère inconstitutionnel.

En effet, vous prétendez renforcer la télévision publique, mais les décisions que vous êtes en train de prendre, qui renforcent en fait un petit peu le secteur privé - c'est le fameux cadeau que dénonçait le groupe socialiste il y a à peu près un an de cela, mais il l'a oublié ! - ne renforceront pas le secteur public : elles l'affaibliront.

Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner les budgets de TF 1 et de France 2, à peu près équivalents au moment de la privatisation. Actuellement, celui de TF 1 représente presque le double de celui de France 2, et le pourcentage de l'augmentation du chiffre d'affaires de TF 1 est d'une année sur l'autre, de deux chiffres alors que l'augmentation du budget de France 2 se réduit généralement à 3 % ou 4 % par an au maximum, et encore faut-il que l'Etat lui consente des cadeaux.

Mes chers collègues, dans ce bras-de-fer, le secteur public sera incapable de faire face à la concurrence. Vous ne prévoyez rien de sérieux pour pallier ce caractère inéluctable de la faiblesse du secteur public,...

M. Marcel Rogemont.

Parce que le secteur public n'est pas dans le secteur concurrentiel, voilà tout !

M. Laurent Dominati.

... car vous n'osez pas remettre en cause le périmètre de ce secteur, et notamment pas la définition de ses missions.

Vous voyez, madame la ministre, que j'essaie de parler de votre texte, ou plutôt des différentes annonces successives aboutissant à un texte de loi qui sera évidemment une fois de plus amendé et qui risque encore d'être modifié à la suite des annonces que vous venez de faire. Je reconnais cependant que j'en approuve une, celle qui concerne les producteurs. Il était temps de la mettre à l'ordre du jour. Je vous rappelle que je vous l'avais proposée, il y a près d'un an.

Le caractère incohérent, archaïque que je dénonce n'est toutefois pas à lui seul inconstitutionnel. On verra cependant ce que dira le Conseil constitutionnel sur le fait que le Conseil d'Etat n'ait pas été une nouvelle fois consulté.

Ce qui me paraît le plus important, c'est de nous demander s'il y a bel et bien une révolution numérique, comme l'a dit le rapporteur, si nous en avons bel et bien


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fini avec la télévision des années 50 et 60 et si l'intervention de l'Etat et du législateur, telle que vous la concevez, est encore légitime.

Mes chers collègues, qu'est-ce qui fonde l'intervention du législateur dans le domaine de la communication ? Aux termes de l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

La liberté de la presse et celle de la communication sont fondées sur cet article, ainsi que l'a reconnu le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 27 juillet 1982 et des 10 et 11 octobre 1984.

Le Conseil constitutionnel ajoute que le principe ainsi proclamé - celui de la liberté d'expression - ne s'oppose point à ce que le législateur, compétent aux termes de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales a ccordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, édicte des règles concernant l'exercice du droit de la libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer. Vous pourriez donc me rétorquer que le Gouvernement est fondé à intervenir en ce qui concerne le secteur de la communication sans porter atteinte à l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme. Certes, mais pas n'importe comment car le Conseil constitutionnel a prévu que le Gouvernement ne pouvait intervenir que pour rendre l'exercice de cette liberté d'expression plus effectif.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est ce que nous faisons !

M. Laurent Dominati.

Vous n'avez donc le droit d'intervenir, madame la ministre, que si vous renforcez la liberté d'expression...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous le faisons !

M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est le cas !

M. Laurent Dominati.

... et que si, en ce qui concerne l'autorisation préalable de diffusion, par exemple - ce point me semble très important compte tenu de la révolution numérique que vous avez succinctement décrite les contraintes techniques imposent un régime d'autorisation préalable.

Mais il faut vérifier, mes chers collègues, que ces contraintes existeront encore dans les années à venir.

Est-il exact que nous allons rester dans un système de pénurie de fréquences ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Non !

M. Laurent Dominati.

Telle est la question essentielle que nous devons nous poser.

Si un Gouvernement intervient aujourd'hui en matière audiovisuelle, il doit s'interroger sur ce que sera la communication audiovisuelle demain. Il doit se demander si nous n'avons pas changé d'ère - d'après le rapporteur, nous en avons changé. Il doit aussi se demander si nous serons toujours dans un système de pénurie de fréquences ou si nous connaîtrons un système d'abondance de fréquences !

M. Michel Françaix.

Il a compris ! Bravo !

M. Laurent Dominati.

Si tel est le cas, la loi telle que nous l'avons écrite et modifiée, à plusieurs mains, au cours de nombreuses années, devrait prendre un tour complètement différent.

Ce qu'un gouvernement devrait faire aujourd'hui, ce n'est pas ce rafistolage auquel vous vous êtes livrés. Il faudrait une vraie loi sur la communication, une grande loi à l'image de la loi sur la presse de 1881, garantissant la liberté d'expression et éliminant les contraintes réglementaires qui aboutissent en réalité à l'uniformisation des programmes, à l'affaiblissement de la culture française dans le monde...

M. Michel Françaix.

Et le marché ?

M. Laurent Dominati.

... et à un mode de concentration qui, il est vrai, enrichit un certain nombre d'opérateurs, mais sur un marché appauvri. J'ai envie de dire

« Au royaume des aveugles les borgnes sont rois » !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Belle expression pour la télévision !

M. Laurent Dominati.

Une loi qui favorise la création française et un maximum de diversité dans l'audiovisuel.

Voilà pourquoi, madame la ministre, cette loi n'est pas légitime du point de vue constitutionnel car le Conseil constitutionnel indique bel et bien que le législateur ne doit intervenir que vers le plus et non vers le moins ou le statu quo.

Or qu'avez-vous fait concernant la télévision numérique hertzienne sinon simplement transposer les dispositions législatives relatives à l'analogique. Vous n'avez pas fait oeuvre d'imagination. Vous vous êtes contentée de faire du « copier-coller » ! Ce n'est pas un progrès.

Vous n'avez pas renoncé à un seul de vos pouvoirs alors que pour passer à une ère d'abondance et de liberté d'expression, il s'agit de sortir d'une relation de pouvoir avec les télévisions. Vous y êtes aujourd'hui, nous y serons peut-être demain.

M. Jean Vila.

Ça m'étonnerait !

M. Laurent Dominati.

Cela vient plus vite que vous le pensez, croyez-en mon expérience !

M. Christian Cuvilliez.

Nous ne sommes pas pressés !

M. Jean Vila.

Vous êtes mal partis !

M. Laurent Dominati.

Les dernières élections partielles ne semblent pas l'indiquer.

Je le répète, ce que devrait faire un gouvernement, c'est une véritable loi de liberté d'expression pour la communication audiovisuelle au

XXIe siècle en essayant de sortir d'une relation de pouvoir. Et vous ne le faites pas.

Le rapporteur indique que la télévision sort des années cinquante et soixante mais votre première mesure est de reconstituer une holding d'Etat. Drôle de holding d'ailleurs, car tout l'Etat ne s'y retrouve pas, avec un président commun à deux chaînes et demie seulement - France 2, France 3 et La Cinquième qui n'a qu'un demi canal. Vous avez été obligée de laisser Arte de côté car, en réalité, vous n'avez pas su discuter avec nos partenaires allemands. Et ce n'est pas une histoire de traité, les Allemands ont simplement été vexés.

D'un côté, vous n'arrivez pas à constituer de véritable holding, de l'autre, vous ne confiez pas au CSA de véritable pouvoir conventionnel. Si vous avez entendu les producteurs et les réalisateurs réunis hier aux assises de Chaillot, vous savez qu'ils ont demandé le passage d'une ère réglementaire, c'est-à-dire l'ère ministérielle - la vôtre, madame la ministre -, à une ère conventionnelle où l'on confierait des pouvoirs de convention et de contrat au CSA. Or M. le rapporteur met directement en cause le CSA : encore une pression exercée sur cette institution !


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Etes-vous vraiment capables de sortir d'une relation de pouvoir ? On se le demande quand votre astuce du remboursement des exonérations de redevance conduit tout simplement à rendre la télévision publique beaucoup plus dépendante du gouvernement du moment et notamment de Bercy.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est vrai !

M. Laurent Dominati.

Vous dites assurer l'indépendance de la télévision d'Etat, mais chaque mois, le président de France Télévision se demandera si le ministre du budget est content de lui, s'il obtiendra le remboursement d'exonération de redevance ou s'il aura le petit cadeau que vous avez annoncé.

Ouvrez-vous une ère nouvelle de liberté de communication et d'expression pour d'autres opérateurs ? Non.

Vous maintenez la totalité du pouvoir réglementaire entre vos mains : les opérateurs privés sont suspendus à l'humeur du ministre et du gouvernement.

Ils se demandent combien de canaux numériques hertziens le Gouvernement va leur octroyer car ils sont toujours sous votre dépendance. Votre projet de loi dit d'ailleurs en quelque sorte : si vous vous comportez bien, n ous vous attribuerons des canaux supplémentaires, sinon, nous gardons la priorité, notamment pour le service public.

En somme, qu'il s'agisse de télévision publique ou de télévision privée, vous maintenez une relation de pouvoir.

Or, on n'entre pas dans une ère de liberté de communication en maintenant la télévision sous tutelle, même de façon indirecte.

Voilà pourquoi cette loi est inconstitutionnelle : elle ne va pas dans le sens d'un renforcement des libertés. Vous êtes incapable de passer d'un régime réglementaire à un régime conventionnel qui ferait véritablement confiance au CSA et d'imaginer une véritable liberté des ondes pour l'avenir.

Je sais bien que nous ne sommes pas encore dans une ère d'abondance de fréquences, mais nous y arrivons grâce à Internet et au numérique. Et sans doute faudrait-il déjà imaginer - je vais plus loin que l'actualité un régime de déclaration préalable pour le plus grand nombre de domaines possibles. On pourrait concevoir un régime de concession comme c'est le cas dans d'autres pays et pour Canal Plus qui avait certes un statut dérogatoire. Ce sont des questions à se poser mais auxquelles je ne prétends pas apporter de réponse car elles sont complexes et délicates...

M. Michel Françaix.

Ah, quand même un peu d'honnêteté intellectuelle !

M. Laurent Dominati.

En réalité, aucun de nous ne sait ce que va devenir la télévision qu'elle soit publique ou privée...

M. Michel Françaix.

Pas de certitudes !

M. Laurent Dominati.

Loin d'avoir des certitudes, je fais confiance à la vie et à la liberté, alors que vous en restez à un cadre classique.

Quelle loi nous faut-il pour la liberté de communication du

XXIe siècle ? La logique de régulation devrait l'emporter sur une logique de réglementation. Si nous étions dans une république majeure, sérieuse et responsable, le Gouvernement aurait eu le temps, depuis deux ans et demi, de réunir parlementaires, professionnels de l'audiovisuel et juristes pour établir un cadre législatif qui fixerait les grands principes de la liberté de communication : instituer une grande autorité de communication - c'est inéluctable -, lui confier l'essentiel des pouvoirs, notamment la capacité de contracter des contrats avec les différents opérateurs publics et privés, enfin marquer les limites et les missions du service public de l'audiovisuel, comme le demande la Commission européenne.

Tant que l'on ne définira pas les missions du secteur public, celui-ci ne trouvera pas sa légitimité et personne ne voit aujourd'hui à l'antenne la différence entre TF 1 et France 2. Tant que vous ne justifierez pas la redevance par des missions spécifiques au secteur public, c'est-à-dire des programmes différents du secteur privé, vous vous heurterez à de perpétuelles mises en cause de la télévision publique.

Vous savez très bien que, dans une telle confusion, l'Etat ne sera plus à même d'assurer le financement de toutes ces chaînes sans qu'il y mette de l'ordre. C'est la raison pour laquelle il faut bien évidemment, comme je l'ai fait, se poser la question de l'étendue et du périmètre du secteur public.

Tant que vous ne direz pas si on doit garder France 2 - et dans ce cas, cette chaîne devra être d'une nature complètement différente de ce qu'elle est aujourd'hui -, vous resterez dans la confusion. Vous ferez la part belle non seulement au secteur privé français - encore qu'il soit extrêmement menacé par les grands groupes internationaux -, mais surtout à ces Américains que vous dénoncez tant. Car, madame la ministre, il faut quand même se demander pourquoi il y a si peu de fictions françaises, comme vous l'avez dit dans votre propos liminaire - moins, proportionnellement, que de fictions allemandes en Allemagne, britanniques en Grande-Bretagne ou espagnoles en Espagne -, et ce malgré les quotas de diffusion, et alors que nous avons un dispositif de protection de la création française. Pourquoi France 2, tous les dimanches soirs, diffuse-t-elle un film américain ? La télévision publique est-elle là pour acheter des films américains ? Certainement pas. Ce n'est pas votre intention, ce n'est pas l'intention du contribuable, ce n'est pas l'intention des parlementaires ici présents, qui répètent sans cesse qu'il faut défendre la création. Alors pourquoi ? Parce que la logique dans laquelle vous êtes enfermée, sans définir réellement la mission du service public, conduit à cette espèce de chaîne bâtarde, qui se sent mal dans sa peau, qui se sent également mal défendue.

Madame la ministre, vous ne faites pas progresser le service public faute de définir ses missions et de lui donner une véritable légitimité par rapport au secteur privé.

Vous ne garantissez pas plus qu'auparavant la liberté d'expression et vous ne sortez d'une logique de tutelle, ni visà-vis des chaînes publiques ni vis-à-vis des chaînes privées. Aussi ce texte n'est-il pas conforme aux intentions du Conseil constitutionnel. Dans le domaine de la communication, le législateur ne peut légitimement intervenir que s'il le fait pour accroître les libertés, et non pas pour maintenir les auditeurs, les téléspectateurs et les opérateurs sous tutelle.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, j'ai défendu devant vous cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indép endants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche.

M. Laurent Dominati a tenté de démontrer que ce texte serait contraire à la Constitution.


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Je me suis donc efforcé d'entrer dans sa logique. Il a commencé par un rappel historique, en nous disant, ce que nous savions déjà, que ce texte avait évolué. Mais heureusement qu'il a évolué Dieu sait si on nous reproche souvent de légiférer à retardement et, face au développement des technologies nouvelles, de voter la loi en décalage par rapport à ce que les techniques imposent comme possibilités nouvelles, tout particulièrement dans le domaine de la communication. Ce reproche nous est adressé pour l'audiovisuel, mais aussi, habituellement, pour l'Internet. Et en première lecture, nous avons suffisamment entendu de critiques selon lesquelles cette loi justement n'aurait visé qu'à solder les problèmes liés à l'analogique, sans s'inscrire dans l'avenir, c'est-à-dire le développement de ce que Mme la ministre a appelé avec juste raison la nouvelle télévision.

M. Dominati trouve embêtant que le texte ait évolué parce que le Conseil d'Etat en est resté à une version assez ancienne et n'a pas pu suivre ses évolutions. Sans revenir à un débat que nous avons eu dans cet hémicycle à l'occasion d'une proposition de loi - vous savez que les propositions de loi ne sont pas soumises à l'avis du Conseil d'Etat - je trouve étonnant que les législateurs que nous sommes, avec la légitimité que nous donne le suffrage universel, se réfèrent aux compétences du Conseil d'Etat, que je me remets évidemment pas en cause.

Certes, c'est parce que « ça arrange » certains mais finalement, cela revient à invoquer le gouvernement des experts comme en d'autres domaines est invoqué le gouvernement des juges.

M. Laurent Dominati.

Alors, supprimez le Conseil d'Etat !

M. Patrick Bloche.

Nous sommes responsables, en tant que législateurs, nous votons la loi et nous avons la légitimité pour cela.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est incroyable comme vous vous moquez des procédures !

M. Patrick Bloche.

Vous avez fait ensuite référence, monsieur Dominati, à l'article XI de la déclaration des droits de l'homme que nous connaissons tous par coeur.

Vous avez rappelé que le projet de loi vise à renforcer ce principe qui nous est cher : la communication est libre. A partir de là, j'ai eu quelques difficultés à vous suivre sur le fait qu'organiser la liberté pouvait être anticonstitutionnel.

En fait, sous prétexte d'anticonstitutionnalité, vous posez un vrai débat politique - et cela ne m'étonne pas que ce soit vous qui le posiez : dans un domaine comme l'audiovisuel, mais aussi les nouvelles technologies ou Internet, quelle est la part de la régulation publique et de la régulation par le marché ? J'ai cru comprendre que vous souhaitiez laisser sinon la totalité du moins la plus grande partie de la régulation aux lois du marché...

M. Laurent Dominati.

Non, j'ai parlé d'une autorité indépendante, le CSA.

M. Patrick Bloche.

... et ouvrir la possibilité pour les opérateurs de s'autoréguler, pour reprendre un terme qui est maintenant dans le langage courant, en toute liberté.

C'est un clivage politique fort, tout à fait légitime dans cet hémicycle, que vous avez voulu mettre en exergue. En effet, vous avez une vision de la régulation différente de la nôtre.

Pour notre part, nous estimons qu'en matière audiovisuelle, il est nécessaire de maintenir une régulation publique dans le cadre de lois ou de règlements suivant le domaine concerné. En tant que législateurs, avec la légitimité que nous donne le suffrage universel, il est de notre devoir, sinon de notre fonction, d'organiser la liberté.

Nous devons d'autant plus l'organiser que la télévision numérique offre des champs d'expression et de développement du pluralisme et de la démocratie.

Nous ne sommes pas encore, comme vous le disiez, à une ère d'abondance de fréquences puisque la télévision numérique dans le contexte technique qui est le nôtre, ce n'est encore que trente-six canaux et six multiplex. Nous n'en sommes donc pas encore à un système de déclarations préalables, nous sommes encore dans un système d'autorisations.

Nous sommes là pour fixer des règles qu'une autorité de régulation, qui s'appelle le CSA, sera amenée, à appliquer pour attribuer des canaux de diffusion. Nous faisons un choix politique que la majorité, ici dans cet hémicyle, portera. Il s'agit de la priorité donnée aux services publics, priorité qui nous paraît tout à fait indispensable pour structurer ce secteur nouveau de l'expression audiovisuelle.

J'ai été très sensible aux propos de notre rapporteur. Il y a, comme toujours, des risques liés aux nouvelles technologies, ici une plus grande segmentation fait craindre une « communautarisation » du paysage audiovisuel là où hier la télévision analogique jouait un rôle beaucoup plus fondateur de notre identité nationale.

J'en termine, car je crains d'arriver au bout de mes cinq minutes.

M. le président.

En fait, vous avez déjà dépassé votre temps de parole, monsieur Bloche, je vous rassure.

M. Patrick Bloche.

Merci, monsieur le président, de votre tolérance.

Je comprends la logique libérale, voire libérale libertaire dans laquelle s'inscrit M. Dominati...

M. Olivier de Chazeaux.

Quelle expression !

M. Patrick Bloche.

... mais s'il juge que la dérégulation et l'autorégulation sont seules constitutionnelles, je lui conseille d'abord de changer la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Olivier de Chazeaux.

Il est toujours agréable dans cette enceinte, lorsque l'on évoque les questions relatives à l'audiovisuel, d'écouter notre collègue Dominati.

M. Michel Françaix.

N'exagérons rien !

M. Marcel Rogemont.

Pas pour tout le monde !

M. Olivier de Chazeaux.

Lorsqu'il est question de réforme de l'audiovisuel, il y a toujours de la passion dans nos débats, et M. Dominati fait partie de ces rares parlementaires qui ont le talent de faire passer leur passion pour l'audiovisuel.

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est pas la nôtre !

M. Olivier de Chazeaux.

J'ai bien compris, à travers les propos de M. Bloche, que ce n'était pas la vôtre ! Au-delà de cette passion qu'il faut saluer, M. Dominati m'a particulièrement convaincu dans ses arguments, notamment à propos de la nouvelle régulation qui devait poindre avec la réforme de l'audiovisuel.

Madame la ministre, vous avez parlé de nouvelles frontières, de nouvelle ère audiovisuelle. A cela, il convient d'apporter de nouvelles règles de liberté de communica-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

tion. C'est bien ce que nous a parfaitement démontré aujourd'hui notre collègue Dominati, plus particulièrement en faisant référence à la holding d'Etat que vous voulez vous approprier et essayer de nous imposer à travers cette réforme de l'audiovisuel, holding d'Etat qui ne permettra justement pas à cette nouvelle liberté de communication de s'exprimer.

J'en viens aux dispositions nouvelles sur le numérique terrestre que vous nous présentez aujourd'hui. Comme l'a très bien rappelé Laurent Dominati, elles n'ont pas fait l'objet de débats au sein du Conseil d'Etat, dont l'intervention - dois-je le rappeler à M. Bloche - fait partie des règles procédurales que nous devons appliquer dans le cadre de la présentation d'un projet de loi.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est la République !

M. Olivier de Chazeaux.

En fait, monsieur Bloche, c'est vous qui souhaitez changer les règles de la Constitution. Comme l'a suggéré tout à l'heure M. Dominati, supprimez le Conseil d'Etat si celui-ci ne vous agrée pas ! Mais ce qui me choque plus particulièrement, madame la ministre, et Laurent Dominati l'a souligné, c'est que les opérateurs vont se retrouver dans une situation d'inégalité. Vous allez, en effet, faire la part belle aux opérateurs publics concernant le développement du numérique terrestre, puisque France Television va se retrouver titulaire de neuf canaux alors que les opérateurs privés n'en auront que deux, dont l'un dans le cadre du simulcast.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Non !

M. Olivier de Chazeaux.

A cet égard, il faudra que vous nous expliquiez pourquoi vous avez parlé « d'opérateurs existants » et non pas « d'opérateurs historiques », comme cela avait été décidé en commission. Chaque opérateur existant pourra donc prétendre à six services supplémentaires. Certes, vous vous êtes empressée de préciser que vous souhaitiez de nouveaux entrants. Mais pourquoi ? On en revient là à la régulation du marché évoquée par M. Bloche et à laquelle il est finalement opposé.

En fait, madame la ministre, vous nous proposez de favoriser le développement du secteur concurrentiel, mais sans donner les mêmes moyens à tous. Ainsi, France Télévision, qui doit entrer dans le secteur concurrentiel, aura des moyens largement supérieurs à ceux qui sont accordés aux opérateurs privés. Voilà qui pose aussi un problème de constitutionnalité. Il doit y avoir liberté de communication, mais il doit y avoir également égalité de traitement entre les opérateurs publics et privés, ce qui ne sera pas le cas avec votre projet de loi.

M. Gérard Terrier.

Quel libéralisme !

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe UDF.

M. Christian Kert.

Trois arguments de Laurent Dominati ont retenu plus particulièrement l'attention du groupe UDF.

Le premier me paraît avoir été mal compris par notre collègue Bloche. Laurent Dominati, en effet, a dit qu'il fallait aller vers plus de régulation au lieu de s'orienter vers davantage de réglementation. Il a appelé de ses voeux une grande autorité de régulation conférant l'essentiel des pouvoirs et qui marquerait bien la grande différence que nous voulons instituer entre le secteur public et le secteur privé de l'audiovisuel. Je m'étonne donc que notre Patrick Bloche n'adhère pas à ce qui me semble constituer une évidence.

Laurent Dominati a dénoncé également le rapport que vous établissez dans chacun de vos projets entre le pouvoir et la télévision, et votre conception de l'audiovisuel qui se caractérise par une absence de liberté. Nous partageons totalement ce sentiment. Comme lui, nous considérons qu'il faut passer d'une ère réglementaire à une ère conventionnelle.

Enfin, nous le rejoignons aussi lorsqu'il dit que, ce texte, qui ne va pas dans le sens d'un accroissement des libertés, n'est pas constitutionnel. Si ce projet porte la belle ambition de favoriser la liberté et la communication, rien dans le corps du texte ne permet de la retrouver. Il va en fait continuer à faire peser sur l'audiovisuel public un pouvoir étatique contre lequel nous nous insurgeons.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera avec c onviction l'exception d'irrecevabilité présentée par Laurent Dominati. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je précise à M. Dominati que le Conseil d'Etat a été saisi sur l'intégralité du texte présenté en première lecture et consulté par lettre modificative sur les mesures concernant la régulation. Je lui rappelle aussi que le Gouvernement, qui respecte entièrement le travail parlementaire, a amendé des dispositions votées par le Sénat.

M. Laurent Dominati.

Comment pouvez-vous dire cela ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Enfin, je répondrai à M. de Chazeaux que si nous avons remplacé « opérateurs historiques » par « opérateurs existants » c'est tout simplement parce que le terme « historiques » est beaucoup plus ambigu. Les opérateurs existants sont les chaînes qui disposent d'une autorisation d'émettre en analogique.

M. Didier Mathus, rapporteur.

En effet !

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Olivier de Chazeaux.

Madame la ministre, presque un an après la première lecture de cette prétendue réforme de l'audiovisuel, nous nous retrouvons donc pour évoquer enfin les vrais enjeux de l'audiovisuel français du

XXIe siècle.

M. Marcel Rogemont.

Merci de le relever !

M. Olivier de Chazeaux.

Le Sénat, dont on a encore peu parlé,...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Pourquoi M. Dominati l'a-t-il passé sous silence ?


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M. Olivier de Chazeaux.

... a sévèrement critiqué, après quelques-uns d'entre nous, votre projet et l'a amendé pour tenter de lui conférer l'aspect d'une vraie réforme de l'audiovisuel. A cet égard, je voudrais, en votre nom à tous, saluer la qualité du travail accompli par nos collègues sénateurs. Ils ont ainsi démontré, non pas leur archaïsme, mais leur modernité, et surtout leur souci d'être particulièrement au fait de l'actualité audiovisuelle.

M. Michel Françaix.

Allez donc au Sénat !

M. Olivier de Chazeaux.

Pourtant - et cela se perçoit déjà -, ce travail ne sera pas reconnu dans cette enceinte ni par la majorité ni par le Gouvernement.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais si !

M. Olivier de Chazeaux.

Du reste, le nombre des amendements qui nous sont proposés en témoigne. Mais ce n'est pas une surprise. Vous l'aviez déjà laissé entendre, en première lecture, madame la ministre. Aux termes de ce que nous avons appelé la jurisprudence seconde lecture, toutes nos propositions visant à améliorer votre texte avaient été repoussées. Ainsi, lorsque nous avons évoqué la question du numérique hertzien, vous nous aviez répondu que vous n'étiez pas prête mais que ce point serait examiné en seconde lecture. C'est dire le peu d'intérêt que vous marquiez déjà pour le travail à venir du Sénat ! Ce peu d'intérêt pour le travail parlementaire est particulièrement manifesté par votre absence en commission.

Vous nous avez cruellement manqué.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je n'ai pas été invitée par la commission !

M. Olivier de Chazeaux.

En effet, le texte que nous allons examiner n'a plus rien à voir avec celui de la première lecture.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Michel Françaix.

Cela montre que nous ne sommes pas immobiles !

M. Olivier de Chazeaux.

Vous l'avez vous-même reconnu de cette tribune, madame la ministre, en évoquant très longuement les dispositions concernant le numérique hertzien. A tout le moins, vous auriez pu venir présenter ces réformes importantes devant notre commission. La tâche du rapporteur en aurait été facilitée.

M. Michel Françaix.

Le rapporteur est remarquable !

M. Olivier de Chazeaux.

En effet. Nous avons d'ailleurs salué en commission la qualité de son travail, alors qu'il n'a disposé que de vingt-quatre heures pour analyser les amendements du Gouvernement et présenter un bon rapport. Les quelques lacunes qui ont été relevées sont non pas de son fait, mais du vôtre, madame le ministre.

M. Patrice Martin-Lalande.

Oui !

M. Olivier de Chazeaux.

Tout cela confirme en quelque sorte les critiques que l'on peut entendre ici ou là à votre encontre, madame la ministre. On ne peut ouvrir un quotidien ou un magazine sans y trouver une pique concernant votre réforme de l'audiovisuel. A en entendre certains, vous seriez même responsable de tous les maux de l'audiovisuel et, en tout cas, de la lenteur de cette réforme voulue par M. Lionel Jospin, dès 1997. Il l'a annoncée dans cette enceinte dans sa déclaration de politique générale, puis dans son discours d'Hourtin.

En fait, le Premier ministre est bien le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre de cette réforme de l'audiovisuel qui se caractérise aujourd'hui davantage par « son cyber-immobilisme ».

M. Laurent Dominati.

Comme pour la réforme des finances !

M. Olivier de Chazeaux.

Mais il ne perçoit pas l'enjeu majeur que représente pour notre pays l'entrée de la France dans la société de l'information. Tout cela a finalement conduit et conduit encore aux péripéties particulièrement navrantes de la préparation de ce débat parlementaire.

Effectivement, madame la ministre, votre tâche n'est pas aisée. Surtout lorsque le Premier ministre, par ses propres agissements, vient contredire votre position. Alors que vous vous arc-boutez pour défendre le service public de l'audiovisuel, dont vous ne cessez de vanter les mérites, M. Jospin, Premier ministre de notre pays, choisit, quant à lui, TF 1 pour venir répondre aux inquiétudes des Français sur la fameuse « cagnotte fiscale » ou sur la question de l'enseignement. Quel aveu symbolique ! Quelle peu de reconnaissance de la part du Gouvernement pour le service public de l'audiovisuel !

M. Christian Cuvilliez.

Ce n'est pas un argument !

M. Olivier de Chazeaux.

Aujourd'hui, la particularité du projet de loi que vous nous présentez porte sur le numérique hertzien. Le nouveau numérique hertzien est arrivé ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Françaix.

Vous voyez bien qu'il se passe des choses !

M. Olivier de Chazeaux.

La belle affaire ! Certes, cela montre que nous avons été entendus. Mais, madame la ministre, compte tenu du nombre de rapports rédigés sur cette question, bien avant 1997 d'ailleurs, vous auriez pu nous faire des propositions en la matière dès la première lecture.

Alors, ce nouveau numérique hertzien peut-il laisser supposer une modernité de votre texte ? La réponse est négative, du fait d'un manque d'audace et d'une carence importante sur la convergence des médias. Non, vous n'allez pas assez loin - M. le rapporteur l'a d'ailleurs souligné. Et ce n'est certainement pas l'amendement Bloche qui vous dédouanera. Il est, en effet, particulièrement insuffisant. C'est l'arbre qui cache la forêt.

Reprenons quelques points de ce projet de loi. S'agissant du secteur public de l'audiovisuel, votre définition des missions de service public me fait dire une nouvelle fois que vous avez le service public honteux. Au lieu de défendre le service public, vous faites plutôt de l'esthétisme. Finalement, ce texte sera pour vous l'occasion de mettre un terme à toute hypocrisie gouvernementale en la matière. A travers ce catalogue que vous nous présentez concernant ce que vous appelez les missions de service public, on note surtout que vous ébauchez une notion de service du public que tout opérateur privé ou public peut accomplir.

Pour nous, le service public de l'audiovisuel doit avant tout être citoyen. Il doit permettre la réalisation de ce lien social tellement indispensable à l'harmonie parfaite entre les générations au sein de notre société mais aussi de nos familles. La télévision publique a un rôle culturel et éducatif fondamental à jouer dans l'avenir.

M. Marcel Rogemont.

On est d'accord !

M. Olivier de Chazeaux.

Il doit être le lieu privilégié de la transmission du savoir et de la connaissance pour toute une génération qui peut avoir le sentiment d'avoir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

perdu tout repère familial et qui cherche sa place dans notre société toujours plus dure et toujours plus mouvante.

M. Marcel Rogemont.

On est d'accord !

M. Olivier de Chazeaux.

Cela n'apparaît pas dans vos votes, malheureusement !

M. Marcel Rogemont.

Nous n'avons pas encore voté !

M. Olivier de Chazeaux.

Nous verrons bien si vous adoptez nos amendements ! Telle serait la vraie mission du service public que chaque citoyen est en droit d'attendre. Or ce n'est pas la voie que vous avez choisie. J'en veux pour preuve la décision prise par le Premier ministre, le 18 janvier dernier, de retirer Arte de la holding que vous aviez si patiemment construite. Le cas d'Arte est révélateur du peu de rigueur du Gouvernement dans la préparation de ce texte.

Pourtant, nous avions dès la première lecture stigmatisé cette difficulté. Nous avions précisé que l'introduction d'Arte dans cette holding n'était pas possible compte tenu notamment des termes du protocole franco-allemand concernant Arte.

Une fois de plus, les faits nous donnent raison. Vous avez donc, sous la contrainte - et non pas librement -, renoncé à inclure Arte dans cette holding. Cet exemple devrait vous inciter à nous écouter davantage, madame la ministre. Vous feriez peut-être moins d'erreurs.

Or, avec le retrait d'Arte, vous vous retrouvez privés de la seule chaîne qui pouvait crédibiliser les missions de service public de type culturel. C'est pourquoi il faut se rendre à l'évidence : il s'agit non plus de service public de l'audiovisuel, mais de secteur public. Plus exactement, vous êtes en train de définir et de mettre en place des entreprises publiques de l'audiovisuel, ce qui n'a pas du tout le même sens. Certes, celles-ci ne sont pas condamnables en soi. On pourrait tout à fait accepter l'idée que l'Etat souhaite détenir le capital d'entreprises engagées dans un secteur économique nouveau. D'ailleurs, l'exposé des motifs de votre projet de loi montre bien votre volonté de doter France Télévision de moyens importants, afin de lui permettre de faire face à la concurrence importante des opérateurs privés. Dans ces conditions, il est important que l'Etat puisse agir en qualité d'actionnaire de cette entreprise publique. Mais si aujourd'hui, vous nous confirmez clairement le souhait du Gouvernement de défendre un secteur public de l'audiovisuel et d'encourager les participations de l'Etat dans les sociétés de programmes, alors il me paraît important de redéfinir les modes de financement et de se poser un certain nombre de questions.

La première porte sur la redevance. Si vous faites le choix que je viens d'exposer - et les dispositions portant sur le numérique de terre ou la possibilité, pour France Télévision, de créer un certain nombre de filiales le confirment -, il est temps de remettre en cause ce prélèvement fiscal devenu désuet à l'heure de la société de l'information. La redevance n'est plus adaptée. Nombre de nos concitoyens sont d'ailleurs exemptés de son paiement. Grâce à la fameuse cagnotte fiscale, le Gouvernement peut aujourd'hui prendre la courageuse décision de supprimer la redevance, qui n'est plus adaptée à l'ère audiovisuelle du

XXIe siècle.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

Cela signifie à terme la paupérisation du service public !

M. Olivier de Chazeaux.

Nous ne discutons pas du service public, madame Bredin. Ainsi que je viens de le montrer, la volonté du Gouvernement est de travailler sur une notion de secteur public de l'audiovisuel, donc en qualité d'actionnaire d'une entreprise publique. Or, que je sache, aucune autre entreprise publique, détenue majoritairement, voire totalement, par l'Etat, ne bénéficie d'une quelconque redevance. Il faut donc revoir les modes de financement et les moyens que l'actionnaire entend donner à la société dont il détient le capital.

A partir de là, il est temps de rediscuter de la mesure que vous nous avez proposée en première lecture et que je ne comprends pas très bien. Vous souhaitez, madame la ministre, que France Télévision soit dotée de tous les moyens permettant d'affronter la concurrence. Or celle-ci est aujourd'hui essentiellement le fait d'un important opérateur généraliste, à savoir TF 1, qui bénéficie d'une ressource financière importante avec la publicité. Comment peut-on imaginer que France Télévision serait capable de faire face à la concurrence de TF 1, puisqu'elle n'est pas dotée des mêmes moyens, n'ayant pas les mêmes ressources publicitaires ? Si vous voulez vraiment avoir une entreprise publique forte dans ce secteur audiovisuel, il faut revenir sur la réduction du temps de publicité que vous avez proposée en première lecture. Je sais bien que vous étiez alors motivée par l'idée d'affirmer l'identité du service public de l'audiovisuel, mais force est de constater aujourd'hui que tel n'a pas été le cas.

Par ailleurs, puisqu'il s'agit d'entreprises publiques, il f aut procéder à une remise en cause du système comptable. J'ai bien lu le texte. France Télévision sera soumise au droit des sociétés anonymes régies par la loi de 1966. Il s'agit donc bien de la loi de sociétés de droit privé dont l'Etat est un actionnaire. D'autres entreprises fonctionnent de la même manière, mais France 2 et France 3 présentent une particularité étonnante. En effet, elles reçoivent une dotation au titre de la redevance, mais si leur gestion est bonne et qu'elles dégagent des bénéfices, ceux-ci sont reversés à Bercy, ce qui va à l'encontre d u bon fonctionnement d'une entreprise publique, madame la ministre. C'est pénalisant. Il conviendrait donc à mon sens de revoir ce système comptable et de permettre à France 2 et France 3 de conserver leurs bénéfices pour pouvoir les réinvestir ou se constituer des réserves comptables intéressantes. Ce serait une démarche positive de nature à motiver les dirigeants de cette holding que vous nous proposez.

J'aborderai maintenant la question du numérique de terre.

M. Marcel Rogemont.

C'est la deuxième partie !

M. Olivier de Chazeaux.

Il est évident que c'est une mutation technologique importante et qu'il faut organiser le passage de la diffusion analogique vers le numérique hertzien.

M. Michel Françaix.

Très bien !

M. Olivier de Chazeaux.

C'est en tout cas ce qui résulte des rapports Lévrier, du rapport Cottet-Eymery et de celui de M. Hadas Lebel. Mais dans quelles conditions ce passage doit-il se réaliser ? Il importe, madame la ministre, que vous nous apportiez des réponses significatives sur le développement du numérique hertzien, d'autant qu'un rapport du Commissariat général du plan de février 2000 contredit les trois précédents. Notre interrogation est légitime, car c'est une décision importante que nous allons être amenés à prendre.


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L'expérience du passé doit malheureusement nous inciter à plus de mesure en matière audiovisuelle. N'oublions pas le plan câble, les normes TDF 1 et TDF 2 ! Etesvous certaine, madame la ministre, que la décision que vous allez nous demander de prendre est la bonne au regard d'une évolution technologique si fulgurante ? Il y a un an à peine dans cette enceinte, alors que nous parlions d'une tentative de rapprochement de Rupert Murdoch et de Canal Plus vous avez manifesté votre inquiétude. Mais cette situation est déjà totalement dépassée ! Lorsque je vois qu'AOL, société à peine constituée, qualifiée de start-up, a pu acquérir Time Warner, que Yahoo !, également nouvelle société qui ne passe pas pour être un opérateur important dans le monde de l'audiovisuel, a fait l'acquisition des droits de retransmission de la prochaine Coupe du monde, ou encore que Microsoft a fait l'acquisition de Web TV, je ne peux m'empêcher d'être inquiet quant à l'évolution de l'ère audiovisuelle et de relever une carence importante de votre projet de loi s'agissant de la convergence des médias. Une telle disposition va malheureusement nous manquer cruellement.

Pour en revenir au numérique hertzien, combien cela va-t-il coûter ? J'ai lu attentivement les déclarations du président de France Télévision qui a évalué à 1,5 milliar d de francs l'introduction de France Télévision sur le numérique hertzien. Comment allez-vous financer cet investissement ? Le Gouvernement a-t-il réalisé une étude d'impact économique qui puisse nous guider dans notre réflexion ? Non ! Nous n'avons aucun élément économique et financier de nature à nous permettre d'apprécier correctement la décision que vous allez nous demander de prendre. En fait, on voit bien que ce que vous souhaitez avec l'introduction du numérique de terre, c'est faciliter le développement de France Télévision.

M. Michel Françaix.

Il y a plus honteux !

M. Olivier de Chazeaux.

Il est d'ailleurs normal qu'un actionnaire souhaite favoriser le développement de la société qu'il contrôle. En l'espèce, il s'agit de privilégier France Télévision, notamment en facilitant l'attribution de services à cette société...

M. Marcel Rogemont.

Qui assure un service public !

M. Olivier de Chazeaux.

... au détriment des opérateurs privés.

Vous avez dit tout à l'heure, madame la ministre, qu'avec le numérique de terre vous espériez l'arrivée de nouveaux entrants sur le numérique hertzien.

Mais on peut s'interroger sur leur identité. S'agira-t-il d'opérateurs français déjà connus écartés des précé dentes attributions, ou plutôt des entrants américains, allemands ou paneuropéens ? Et l'on voit bien aujourd'hui que le secteur privé est peu enthousiaste face aux mesures que vous avez proposées.

En conclusion, je reviendrai sur la convergence des médias pour montrer à quel point il est plus raisonnable de débattre aujourd'hui de ce projet de loi. La convergence des médias, je l'ai dit tout à l'heure, c'est finalement l'interconnexion entre le monde de la télévision et celui de l'Internet. Lorsque j'ai évoqué cette question en commission, M. Françaix a insisté sur le fait que le numérique de terre allait permettre à un nombre plus important de Français de bénéficier d'une abondance de fréquences. Je partage son point de vue. Mais le rôle du législateur consiste aussi à anticiper les évolutions technologiques. Vous avez indiqué, madame le ministre, qu'Internet n'était pas connecté avec le monde de la télévision. C'est entièrement faux ! Aujourd'hui Internet n'est plus lié uniquement à l'ordinateur, il est caractérisé par sa mobilité, par l'image. C'est l'un des facteurs importants du développement de cette interactivité si nécessaire dans le cadre du développement de cette nouvelle ère industrielle de l'audiovisuel français. Pour ma part, je regrette que, dans ce projet de loi, vous ne soyez pas allée plus loin concernant la convergence des médias et que vous vous soyez contentée de l'amendement Bloche. Je le regrette d'autant plus que le Gouvernement nous fait miroiter une loi sur la société de l'information sans nous donner de date.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Elle arrive !

M. Olivier de Chazeaux.

Certes, elle arrivera, comme la réforme de l'audiovisuel, ... trois ans après ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est Le Désert des Tartares ! Attention, ça va arriver, et quand ça arrive, il est trop tard ! Mais vous viendrez nous parler de la convergence des médias, je n'en doute pas, lors la deuxième lecture du projet de loi sur la société de l'information ! Encore une fois, vous avez raté le coche, madame la ministre. C'est dommage ! A l'occasion de cette deuxième lecture, vous auriez pu coupler la réforme de l'audiovisuel avec la loi sur la société de l'information. Cela aurait permis à notre pays et à tous ceux qui travaillent autour de cette nouvelle économie de tirer pleinement profit d'une meilleure croissance de l'audiovisuel du

XXIe siècle.

Nous allons débattre d'un texte déjà dépassé, qui ne répond pas aux attentes des nombreux Français impliqués dans le développement de l'audiovisuel et de cette société de l'information. C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter cette question préalable.

M. Laurent Dominati et M. Christian Kert.

Très bien !

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.

M. Michel Françaix.

Je suis surpris par l'attitude de l'opposition que je trouve ambiguë et paradoxale. Il y a un an, elle voulait le numérique hertzien, tout de suite, prétextant que cela ne pouvait attendre et aujourd'hui

M. de Chazeaux nous dit qu'il n'y a pas lieu à débattre, qu'il vaudrait mieux attendre encore un an, que ce dossier n'est plus important parce que d'autres vont arriver ! Bien sûr, le monde bouge. Mais en ce qui vous concerne, messieurs de l'opposition, je dirais plutôt : l'immobilisme est en marche et rien ne l'arrêtera ! (Sourires.)

M. Laurent Dominati.

C'est Jospin, ça !

M. Patrice Martin-Lalande.

Quel aveu !

M. Michel Françaix.

Méfiez-vous car la pensée finit par tuer l'action ! Et je crains que nous ne soyons dans ce cas de figure.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est ce que nous ne cessons de vous dire !

M. Michel Françaix.

Il est difficile de se substituer aux futurs industriels, aux prochains responsables d'antennes et de programmes, aux auteurs ou réalisateurs à venir, aux millions de consommateurs potentiels pour tenter de dire ce que doit être, ou ce que sera exactement le programme numérique proposé sur le réseau hertzien numérique terrestre dans les années à venir.

Cependant, les programmes interactifs installés sur le câble, les stratégies de multidiffusion de Canal Plus,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 MARS 2000

l'accès à Internet à haut débit, les premières grilles de programmes et les premiers services proposés sur le réseau terrestre numérique par nos partenaires européens, ou encore les grilles de programmes des télévisions de proximité sont autant d'indications de directions vers lesquelles les programmes hertziens numérisés français doivent s'orienter. S'il est difficile d'appréhender ce futur proche, n'insultons pas l'avenir et ne restons pas immobiles ! Audelà des nécessités d'ordre technique qui la rendent inéluctable, cette réforme est-elle souhaitable ? Oui, parce que le texte de loi s'inscrit résolument dans le choix d'un engagement volontariste en faveur d'une large diffusion des nouvelles technologies auxquelles vous tenez tellement ! Oui, parce que l'introduction de la nouvelle télévision permettra aux 80 % de foyers non raccordés au câble ou non équipés pour recevoir des programmes du satellite de recevoir plus de trente chaînes, et cela pour la plupart gratuitement ! Vous ne pouvez y être opposés.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. Michel Françaix.

Oui, parce que complémentaire au développement d'Internet, comme vous le dites si bien, la

« nouvelle télévision » permettra à un public beaucoup plus large que celui des internautes et des abonnés à la télévision payante de se familiariser avec de nouveaux moyens de communication ! Et là aussi, vous êtes obligés de me suivre !

M. Marcel Rogemont.

Excellent !

M. Michel Françaix.

Oui, parce que cette réforme permettra d'affirmer le rôle moteur de la télévision du service public, en particulier sur la fiction, l'information, les programmes jeunesse et le régional ! Cela contribuera au développement de l'industrie des programmes et permettra une meilleure circulation des oeuvres. Cela facilitera l'arrivée de nouveaux entrants pour casser le modèle télévisuel dominant. Et je ne vois pas comment vous pouvez demander que l'on ne garde que TF 1, que l'on ne bouge plus, sous prétexte que l'on ne sait pas qui va entrer ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette réforme favorisera l'émergence d'un secteur de télévision locale et de proximité. Et j'espère que vous pouvez nous suivre sur ce terrain.

Bien loin de votre « ébriété » technologique de la première lecture, lorsque vous vouliez à tout prix le numérique hertzien sans savoir ce qu'il y avait derrière, vous demandez aujourd'hui à faire du surplace ! Je crois quant à moi qu'il faut légiférer pour casser le modèle télévisu el dominant qui conduit à la prédominance du marché sur la culture, de la technique sur le contenu et du commerce sur la pensée. Voilà pourquoi nous refuserons de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Je retiendrai surtout de l'intervention de mon collègue du groupe socialiste qu'il a parfaitement résumé le projet du Gouvernement, et même au-delà, sa politique, par cette phrase : « L'immobilisme est en marche et rien ne l'arrêtera ! » C'est tout à fait exact. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est actuellement la devise du Gouvernement et cela résume bien le projet de loi.

Vous parlez avec beaucoup de lyrisme du monde futur, mais ce projet de loi ne prévoit rien pour le développement des nouvelles technologies ! Et si l'intervention de mon collègue Olivier de Chazeaux vous a tant gênés, c'est qu'il a mis le doigt là où cela fait mal. Il a justement pointé toutes les carences du texte ! On part avec un projet sur la télévision publique et on arrive à Internet, cela dans la confusion la plus totale. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Olivier de Chazeaux a d'ailleurs posé les vraies questions. Qu'est-ce que le service public ?

M. Marcel Rogemont.

Bonne question !

M. Michel Françaix.

Ça, vous ne le savez pas, c'est sûr !

M. Laurent Dominati.

Vous n'y répondez jamais ! A quoi sert la redevance ? Y a-t-il une différence entre les programmes de France 2 et ceux de TF 1 ? Non, il n'y en a pas ! A ce moment-là, que fait-on ? Quel est l'avenir ? Quelles sont les missions du service public ? Vous ne répondez pas à ces questions parce que vous n'osez pas évoquer certains tabous qui procèdent d'une vision dépassée de la télévision, la vôtre, une vision gouvernementale de la télévision publique où vous avez vos amis et vos réseaux.

Enfin, Olivier de Chazeaux a posé la question de l'avenir, celle du numérique hertzien. Et là vous avez le culot de nous dire qu'heureusement vous êtes là pour parler de l'avenir. Mais si nous n'avions pas fait pression, notamment Olivier de Chazeaux, en première lecture, si le Sénat n'avait pas parlé de télévision numérique hertzienne, vous n'en parleriez pas non plus ! Et savez-vous pourquoi, mes chers collègues ? Parce que cela vous dérange ! D'ailleurs que propose le Gouvernement ? Quasiment rien !

M. Michel Françaix.

Ne jouez pas au méchant !

M. Laurent Dominati.

On se contente de dire que la télévision publique aura une priorité. En sous-main, on informe le président de cette télévision qu'il aura neuf canaux alors qu'il en demande douze, mais que s'il est gentil, il en aura plus. On dit aux télévisions privées qu'elles auront deux canaux, mais que si elles sont gentilles, elles en auront plus. Voilà comment cela se passe ! Voilà pourquoi ce texte n'est pas sain dans la vision de l'avenir qu'il porte. Il est même néfaste, parce qu'il aura pour effet de maintenir les différents opérateurs, publics et privés, dans une situation de dépendance.

Vous ne souhaitez pas définir les missions de service public, parce que vous voulez que France 2 puisse concurrencer TF 1 et jouer ainsi sur les rivalités ! Vous ne faites confiance ni au CSA, ni aux acteurs. En effet, si vous faisiez confiance aux acteurs de la télévision, vous feriez une loi de développement, d'internationalisation, une loi d'audace pour la télévision française, que ce soit celle du service public ou celle du service privé. Vous f eriez également une loi d'avant-garde sur Internet concernant les nouvelles technologies. Mais tout cela, vous ne le faites pas et Olivier de Chazeaux a parfaitement eu raison d'élargir le débat. Il vous a rappelé que le premier opérateur de télévision, la société la plus importante était une société Internet, AOL, avec 1 700 milliards - rendez-vous compte, mes chers collègues ! - alors que TF 1, la première télévision française, ne représente que 10 milliards ! Voilà l'ordre de grandeur. Voilà la menace qui pèse sur les sociétés privées ! C'est une menace étrangère ! Et c'est également la menace qui pèse sur le secteur public, car, loin de le renforcer, en réalité, vous le maintenez sous tutelle !


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Voilà pourquoi ce projet de loi n'est pas bon. Il est hypocrite, archaïque et confus. Olivier de Chazeaux a donc eu parfaitement raison de déposer cette question préalable, que nous voterons.

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Olivier de Chazeaux a rappelé, à juste titre, que le texte que nous examinons ce soir n'a plus grand chose à voir avec le texte i nitial. Et comme chacun d'entre nous, j'en suis convaincu, sur quelque banc que nous siégions, il a regretté que Mme la ministre ne soit pas venue nous présenter le nouveau texte en commission. Sur le plan technique, il nous a manqué les motivations du Gouvernement ; les amendements ne suffisent pas à donner un sens aux dispositions que vous nous proposez.

Olivier de Chazeaux a également rappelé l'insuffisance des perspectives proposées en matière de convergence des médias. Vous semblez animés d'une volonté de choisir une option technologique, le numérique terrestre, quitte à faire l'impasse sur les autres possibilités offertes par le numérique ; j'y reviendrai tout à l'heure dans mon intervention.

Olivier de Chazeaux a aussi montré combien les missions de service public de l'audiovisuel restaient encore à définir ; votre texte les caractérise assez peu et s'en tient à des définitions trop générales. Notre collègue a regretté la disparition d'Arte de la holding, en soulignant combien elle diminuait la crédibilité, en termes d'identité, du service public, et déploré que le Gouvernement n'aille pas jusqu'à supprimer la redevance afin de redonner à France 2 des moyens financiers comparables à ceux que TF 1 dégage en recettes publicitaires.

Enfin, Olivier de Chazeaux a montré tous les risques que pouvait comporter un engagement en faveur du terrestre numérique sans vision d'ensemble sur la convergence des médias et ni aucune étude d'impact économique et financière qui devrait normalement s'imposer pour tout projet de loi. Car ce volet du terrestre numérique constitue véritablement un projet de loi à lui seul.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera cette question préalable, à nos yeux pleinement justifiée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

M. Françaix m'a paru plongé dans le doute et je souhaite l'éclairer. Il s'est efforcé, avec un art consommé, je le reconnais, de rejeter sur l'opposition le fait que le débat sur le numérique hertzien n'était pas au niveau où l'on aurait pu le souhaiter. Or, ce débat, c'est tout de même nous qui l'avons réclamé. Vous semblez nous le reprocher,... c'est assez extraordinaire !

M. Michel Françaix.

Mais vous le refusez !

M. Christian Kert.

Maintenant que le débat arrive enfin, vous nous accusez de vouloir le freiner !

M. Michel Françaix.

C'est tout de même vous qui déposez une motion de renvoi !

M. Christian Kert.

Il n'est pas du tout dans nos intentions de freiner le débat sur le numérique hertzien. C'est vous qui n'étiez pas prêts à l'engager !

M. Michel Françaix.

C'était il y a un an !

M. Christian Kert.

C'est nous qui le souhaitions alors que vous n'y étiez pas prêts.

M. Marcel Rogemont.

Maintenant, nous sommes prêts !

M. Michel Françaix.

Alors débattons !

M. Christian Kert.

Voilà ce qu'a voulu dire Olivier de Chazeaux et il faut lui en rendre hommage. De la même façon, madame la ministre, lorsque notre collègue dit que nous ne sommes plus dans le même texte, avouez que c'est tout de même vrai ! Nous avons passé une première lecture à parler de la holding - dont on ne sait plus bien à quoi elle va servir - et de la publicité. Rappelons que c'est vous qui avez introduit, fort timidement, le débat sur le numérique hertzien en déposant hâtivement,...

M. Pierre-Christophe Baguet.

Nuitamment !

M. Christian Kert.

... nuitamment d'ailleurs, un amendement qui enfin évoquait ce problème majeur. Tout cela, monsieur Françaix, il fallait le rappeler.

Sur le service public enfin, j'ai trouvé heureuse la formule d'Olivier de Chazeaux : « Halte à l'hypocrisie gouvernementale ». En effet, dans un débat sur l'audiovisuel moderne, il faudra bien dire un jour ce que nous attendons du service public. De ce point de vue, Olivier de Chazeaux a eu raison.

M. Michel Françaix.

Attendez la discussion du texte au lieu de le refuser !

M. Christian Kert.

Enfin, Michel Françaix accuse l'opposition de rester immobile. De grâce, cher collègue, faites-vous cette critique, mais surtout pas à nous ! Oui, Olivier de Chazeaux a eu raison de défendre cette question préalable et nous la soutenons. (Applaudissements sur les bancs groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. Laurent Dominati.

Ils sont sectaires !

M. Bernard Outin.

Nous ne sommes pas sectaires, nous sommes majoritaires !

M. Olivier de Chazeaux.

Belle formule !

M. Patrice Martin-Lalande.

Qui nous en rappelle une autre ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l'avais déjà fait en novembre dernier, je voudrais profiter de ce débat pour poser de nouveau le problème de la redevance audiovisuelle.

M. Laurent Dominati.

Ah !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Le 18 novembre 1999, au cours de l'examen du budget de la communication, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement


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que j'avais déposé et qui était ainsi rédigé : « Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées avant le 30 juin 2000 un rapport sur la redevance des appareils récepteurs de télévision, actuellement réglementée par le décret no 92-304 du 30 mars 1992, notamment dans ses aspects relatifs à l'assiette, au recouvrement, au contrôle et aux exonérations. »

Vous connaissez l'objectif qui l'a inspiré : étendre les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour motifs sociaux.

En 1999, 3 475 000 personnes ont été exonérées du paiement de la redevance pour des raisons d'ordre social.

En 2000, elles devraient être environ 3 370 000, ce qui est peu par rapport au grand nombre des redevables.

Actuellement, mis à part les invalides ou les mutilés, seules sont exonérées les personnes âgées d'au moins soixante-cinq ans percevant l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse.

Il est certes très légitime d'exonérer de la redevance les personnes démunies âgées de soixante-cinq ans et plus : notre société a un devoir de solidarité envers ses anciens, d'autant plus que pour eux la télévision est souvent la seule fenêtre ouverte sur le monde extérieur. Mais, dans le même souci de justice sociale, il convient d'étendre cette exonération à d'autres personnes en difficulté même si elles sont âgées de moins de soixante-cinq ans, bref, à d'autres bénéficiaires des minima sociaux.

C'est le cas des chômeurs en fin de droits, qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique, ou des personnes en attente de réinsertion qui reçoivent l'allocation d'insertion. C'est aussi le cas des allocataires du RMI, des personnes qui perçoivent l'allocation pour adulte handicapé, des conjoints survivants bénéficiaires de l'allocation d'assurance veuvage et, enfin, des personnes isolées assumant seules la charge d'enfants et percevant l'allocation de parent isolé.

Fin 1997, on comptait en France métropolitaine 3 034 000 personnes bénéficiaires de ces minima sociaux.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 veille à préserver l'accès des personnes en difficulté à la fourniture d'électricité, de gaz, d'eau et de téléphone. Or, pour beaucoup de ces personnes en difficulté, qui se retrouvent isolées de par leur situation et coupées de la vie sociale, la télévision reste l'un des rares moyens de conserver un lien avec l'environnement extérieur, un contact avec la société.

Il serait donc très légitime de ne pas limiter l'exonération de la redevance aux seuls titulaires de l'allocation supplémentaire vieillesse et de faire bénéficier aussi les autres allocataires de minima sociaux d'une exonération partielle ou totale de cette redevance.

En effet, comment une personne en difficulté qui vit seulement avec l'allocation d'insertion - 59 francs par jour - ou un chômeur en fin de droits qui vit exclusivement avec l'ASS - 2 522 francs par mois - ou encore un RMIste - 2 552 francs par mois - auraient-ils les moyens d'acquitter effectivement une redevance annuelle fixée à 751 francs pour un récepteur couleur pour l'année 2000 ? Et en quoi leurs maigres ressources sont-elles essentiellement différentes de celles d'une personne de soixantecinq ans percevant l'allocation supplémentaire vieillesse, soit 2 106 francs par mois ? Le rapport qui devra être déposé par le Gouvernement avant le 30 juin 2000 devra porter en particulier sur l'extension des exonérations de redevance décidées pour motifs sociaux et sur le chiffrage de ce coût, étant entendu que le manque à gagner devrait être compensé à due concurrence par le budget général de l'Etat, pour ne pas pénaliser les radios et télévisions publiques, financées avant tout par la redevance.

La règle doit être, bien évidemment, le remboursement intégral par l'Etat des exonérations de redevance. C'est ce qui est expressément prévu à l'article 7, paragraphe IV, de votre projet de loi : « Les exonérations de redevance décidées pour motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l'Etat au compte d'emploi de la redevance audiovisuelle. »

Pour 2000, le montant des droits non émis en raison du régime des exonérations est évalué à environ 2,5 milliards de francs. C'est ce montant que l'Etat doit en principe rembourser aux chaînes.

S'il paraissait nécessaire, vu son coût, d'avancer progressivement, par étapes, dans cette extension des exonérations, la priorité serait sans doute d'exonérer dès l'année 2000 les bénéficiaires de l'allocation d'insertion, qui étaient 17 500 en 1997, et les chômeurs en fin de droits qui reçoivent l'ASS, au nombre de 475 000 cette même année.

Pour ces 492 500 personnes, le coût de cette exonération serait d'environ 370 millions de francs, ce qui, certes, n'est pas négligeable ; mais ce serait sans doute supportable, compte tenu des surplus de recettes fiscales dont Bercy dispose actuellement.

Il convient, par ailleurs, de moderniser et simplifier le mode de perception de la redevance.

Actuellement, tout détenteur d'un appareil récepteur de télévision doit en faire la déclaration dans le délai de trente jours à compter de l'entrée en possession. Il serait très souhaitable d'en finir avec cette obligation déclarative spécifique en l'insérant désormais dans le formulaire de déclaration des revenus. Celui-ci ne comporterait qu'une case à cocher où l'on déclarerait si l'on possède ou non un récepteur de télévision.

De la même façon, le contrôle de cette obligation reviendrait aux agents chargés de contrôler l'impôt sur le revenu et non plus aux agents du service de la redevance.

Ce service spécifique employait 1 470 agents en 1998 et son coût de gestion s'élevait déjà à environ 420 millions de francs en 1992, ce qui représente un coût élevé pour une efficacité réduite. La réforme proposée permettrait d'intégrer désormais les agents du service de la redevance aux services fiscaux généraux, où ils renforceraient utilement la lutte contre la vraie fraude fiscale.

Dans un second temps, il faudra aller au-delà et supprimer la redevance. Pour beaucoup de nos concitoyens aux revenus modestes, son montant est difficile à acquitter et représente une charge financière élevée. C'est d'ailleurs pourquoi la commission des affaires culturelles a adopté un amendement de son président, M. Le Garrec, permettant de mensualiser la redevance à la demande des assujettis.

En réalité, cette taxe parafiscale d'un montant uniforme constitue évidemment une charge beaucoup plus lourde pour les titulaires de faibles revenus que pour les personnes plus aisées. Cette charge uniforme qui frappe tout un chacun sans aucune prise en considération de ses revenus, est-elle conforme à la justice fiscale et sociale que le Gouvernement cherche à renforcer ? Je ne le crois pas.

La suppression de cette redevance, socialement injuste dans ses modalités, serait donc une manière équitable d'aider surtout les personnes les moins favorisées. Cette mesure compléterait très utilement les réformes fiscales annoncées par le Premier ministre, qui visent à alléger la charge fiscale de nos concitoyens aux revenus modestes.


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Certes, la redevance rapporte plusieurs milliards de francs et représente 66 % des ressources de l'audiovisuel public. Après déduction des frais de fonctionnement du service de la redevance et de la TVA, le montant hors taxe prévu pour 2000 s'élève à 12,85 milliards de francs.

La suppression de la redevance représenterait donc un coût élevé pour l'Etat, qui devrait compenser intégralement ce manque à gagner au profit des radios et télévisions publiques ; mais les surplus de recettes fiscales dont dispose actuellement l'Etat ainsi que le plan de baisse des impôts et des charges d'au moins 120 milliards de francs sur trois ans...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oh, monsieur Schwartzenberg !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

... annoncé par le Premier ministre devraient permettre de faire face à cette mesure, dont on peut penser qu'elle a été envisagée.

Je demande donc que cette mesure soit chiffrée et prévue dans le rapport sur la redevance que le Gouvernement nous remettra, je l'en remercie à l'avance, d'ici à trois mois, avant le 30 juin 2000.

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2119, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2238).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 21 mars 2000 SCRUTIN (no 227) sur l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité et au renouve llement urbains.

Nombre de votants .....................................

546 Nombre de suffrages exprimés ....................

521 Majorité absolue ..........................................

261 Pour l'adoption ...................

303 Contre ..................................

218 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 241. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie AndrieuxBacquet , MM. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , JeanMarc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , Jean-Pierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Beauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Maxime Bono , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre B ourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle B ousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Alain Cacheux , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mme Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , JeanYves Caullet , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteg uet , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , D aniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique D enise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. Dominique Dupilet , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Henri Emmanuelli , Jean Espilondo , Michel Etiévant , C laude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mme Catherine Génisson , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain G ouriou , Gérard Gouzes , Bernard Grasset , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunst ler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Serge Janquin , Jacky Jaulneau , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François L amy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern ,

M ichel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou ,

M M. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Guy Menut , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri ,

M ichel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , J ean-Pierre Pernot , Mmes Marie-Françoise PérolDumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette PeulvastBergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , R ené Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (136) : C ontre : 123. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard A ccoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mme Martine Aurillac , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin ,


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Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Alain Cousin , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , JeanMarie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas Dupont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , JeanPierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Gérard Hamel , Michel Hunault , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , J acques Lafleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Thierry Mariani , A lain Marleix , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , JeanClaude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

A bstentions : 6. - Mme Roselyne Bachelot-Narquin ,

M M. Michel Bouvard , François Cornut-Gentille , Michel Inchauspé , Franck Marlin et Etienne Pinte

Groupe U.D.F. (69) : Contre : 51. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Claude Birraux , Mme MarieThérèse Boisseau , M. Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe Daubresse , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes AnneMarie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry JeanBaptiste , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , JeanAntoine Leonetti , François Léotard , Roger Lestas , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Rudy Salles , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Abstentions : 9. - MM. Raymond Barre , Jean-Louis Bernard , Léonce Deprez , Jean-Jacques Jégou , Maurice Leroy , Maurice Ligot , Gilles de Robien , François Rochebloine et André Santini

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 39. - Mme Nicole Ameline , M. François d' A ubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , JeanClaude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier et Gérard Voisin

Abstentions : 3. - MM. Pierre Cardo , Michel Meylan et Jean-Pierre Soisson.

Groupe communiste (35) : Pour : 35. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , Claude B illard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Patrice Carvalho , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Georges Hage , Guy Hermier , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu , MM. André Lajoinie , JeanClaude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (32) : Pour : 25. - Mme Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Gérard Charasse , Bernard Charles , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Claude Hoarau , Elie Hoarau , Robert Honde , Guy Lengagne ,

M me Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebill ard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret , Emile Vernaudon et Aloyse Warhouver.

Abstentions : 7. - M. André Aschieri , Mme Marie-Hélène A ubert , MM. Yves Cochet , Guy Hascoët , Noël

M amère , Jean-Michel Marchand et Alfred MarieJeanne

Non inscrits (10).

Pour : 2. - MM. Marcel Cabiddu et Jean-Claude Leroy

Contre : 5. - MM. Marc Dumoulin , Jean-Jacques Guillet , Lionnel Luca , Charles Millon et Philippe de Villiers.