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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PHILIPPE

HOUILLON

1. Liberté de communication. - Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 2389).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 2389)

MM. Christian Kert, Christian Cuvilliez, Laurent Dominati, Michel Françaix, Patrice Martin-Lalande, Noël Mamère, Rudy Salles, Mmes Catherine Tasca, Frédérique Bredin,

M.

Marcel Rogemont.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 2412)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteB lazy : MM. Pierre-Christophe Baguet, Jean-Marie Le Guen, Laurent Dominati, Rudy Salles. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion du projet de loi à la prochaine séance.

2. Dépôt de rapports (p. 2417).

3. Dépôt d'une proposition de loi adoptée, avec modifications, par le Sénat (p. 2417).

4. Dépôt d'un projet de loi organique rejeté par le Sénat (p. 2417).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 2417).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LIBERTÉ DE COMMUNICATION Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (nos 2119, 2238).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a entendu le premier orateur inscrit dans la discussion générale.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Kert, pour quinze minutes.

M. Christian Kert.

Madame la ministre de la culture, on a le sentiment que votre texte a une maladie boutonneuse. Chaque jour qui passe, vous nous faites des boutons sous forme d'amendements ou de sous-amendements.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

C'est le printemps ! C'est le signe des récoltes à venir ! (Sourires.)

M. Christian Cuvilliez.

C'est un texte bourgeonnant !

M. Christian Kert.

Nous avons donc bien fait d'examiner ce texte un 21 mars ! Dix mois après la première lecture, vous nous présentez un texte dont on se demande si c'est bien celui que nous avons étudié au mois de mai 1999 dans cet hémicycle. Les mesures phares de l'époque se sont éteintes et c'est avec difficulté que nous en retrouvons la trace dans le rapport de M. Mathus sur le tout numérique.

L'opposition, il est vrai, et M. Françaix nous le rappelait tout à l'heure, avait beaucoup sollicité des dispositions relatives au numérique terrestre, et le Gouvernement avec le Parlement se doit de préparer l'avenir et d'anticiper la télévision de ce nouveau siècle, mais est-ce encore vraiment une seconde lecture puisque les dispositions votées en mai 1999 ne retiennent plus guère l'attention et que celles qui monopolisent cette attention n'existaient pas en première lecture ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Et même il a quinze jours !

M. Christian Kert.

Dans ces dispositions phares, j'en ai retenu deux.

La constitution de la holding France Télévision reste d'actualité car de nombreuses questions demeurent sans réponse.

Cette nouvelle structure nous apparaît sous un jour différent puisque Arte, sous la pression de nos partenaires allemands, a été retiré de l'édifice. De plus, il semble que vous refusiez toujours d'y intégrer RFO.

Que va donc faire dans cette aventure la Cinquième, un peu isolé aux pieds des deux grandes que sont France 2 et France 3 ? Comment cette chaîne va-t-elle défendre sa spécificité, son budget ? A quoi sert réellement cette holding amputée de deux chaînes qui ont un caractère public ? Plus ponctuellement, quelle est la situation du président actuel, qui est aussi celui de Arte ? Comment ce président va-t-il continuer à exercer cette fonction double alors que les deux sociétés qu'il préside ne vont plus appartenir à la même structure ? Que va devenir la synergie qui s'était peu à peu mise en place entre les deux chaînes ? Je vous rappelle qu'elles se partagent le même écran et qu'il serait dommageable, surtout pour le téléspectateur, de ne pas maintenir une certaine cohérence dans la programmation. En tous les cas, nous sommes bien loin de la fusion à laquelle nous nous étions tous ralliés...

M. Christian Cuvilliez.

Pas le groupe communiste !

M. Christian Kert.

... et qui, dans la réalité quotidienne de ces deux chaînes, était déjà bien présente : « Beaucoup de bruit pour rien », selon l'expression shakespearienne.

Où sont, madame la ministre, les nouvelles définitions des missions du service public que nous avons longtemps évoquées en commission des affaires culturelles ? Celles-ci, vous le savez, doivent être adaptées à notre monde moderne et à ses dangers.

Certaines obligations déontologiques tournées essentiellement vers les jeunes devraient être insérées dans ce texte. Nous avons déposé, sans succès, des amendements dans lesquels nous demandons que les chaînes publiques s'abstiennent de diffuser des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. De même, elles doivent être des références en matière d'éthique - respect des droits de la personne -, de qualité et d'imagination dans la programmation et se placer en dehors de toute dérive commerciale.

Cela nous paraît essentiel de placer ces préoccupations dans une loi qui tente d'organiser le paysage audiovisuel français pour les vingt prochaines années.

Le second élément que j'ai retenu, c'est la baisse de la publicité, dont on a pour l'instant peu parlé.

M. Michel Françaix.

Ca marche !

M. Christian Kert.

Trop bien même ! La baisse de la publicité sur les chaînes publiques, qui constituait l'une des révolutions de votre texte initial, paraît, c'est vrai, déjà entrée dans les moeurs, tellement


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d'ailleurs qu'on nous chuchote çà et là qu'une forte baisse des ressources publicitaires se serait naturellement effectuée ces derniers mois, ce qui n'ira peut-être pas sans problèmes financiers en fin d'exercice.

Parallèlement, et le rapporteur y a fait référence tout à l'heure, le CSA a décidé d'autoriser la publicité à la télé vision pour les sites Internet des secteurs de la grande distribution, de la presse, de l'édition et du cinéma sur Internet. En dépit de la suspension « virtuelle » de cette disposition, n'est-ce-pas déjà la porte ouverte à un élargissement de cette publicité sur l'ensemble de l'audiovisuel ? Si oui, il faut que nous le disions, car il en va, nous le savons bien, du devenir de la presse écrite.

Voilà pour ce qui constituait deux des mesures phares de la première lecture.

Le phare de la deuxième lecture, bien sûr, c'est le numérique terrestre, auquel nous avons déjà consacré de larges instants depuis tout à l'heure.

Le numérique terrestre, dont vous avez fait l'oeuvre maîtresse de cette seconde lecture alors que seule, en première lecture, l'opposition réclamait ce débat, est à l'évidence l'une des rares possibilités de donner un souffle nouveau à notre audiovisuel.

Certes, il nous faut veiller à ce que sa montée en puissance se fasse graduellement afin de ne pas détruire le fragile équilibre auquel nous sommes parvenus entre les chaînes historiques analogiques, celles du câble et celles du satellite, mais, cette réserve étant admise, votre texte nous paraît laisser une zone d'ombre. Comment et dans quelle proportion allez-vous assurer cette sorte de renaissance de notre paysage en renouvelant l'offre télévisuelle et en faisant de la place aux nouveaux entrants ? L'octroi de multiplex aux chaînes historiques et la place qui paraît leur être accordée en deuxième rang d'attribution laissentelles une véritable chance à des entrants indépendants d'arriver sur ce marché du numérique terrestre ? Il ne faut pas que ce projet de loi mette fin à toute perspective d'ouverture du marché audiovisuel français.

Au contraire, il doit favoriser l'émergence de nouveaux diffuseurs ...

M. Michel Françaix.

Très bien !

M. Christian Kert.

... et je crois que, sur ce point, nous sommes d'accord.

M. Michel Françaix.

Voilà un progrès.

M. Christian Kert.

Lorsque vous nous dites votre volonté d'aider les télévisions locales, la faiblesse de cette préoccupation dans le texte et dans vos amendements nous laisse craindre que vous ne fassiez pas de la télévision de proximité l'un des enjeux de votre projet.

M. Michel Françaix.

Mais si !

M. Christian Kert.

Pourtant, et le rapporteur nous en a paru être d'accord, car il nous arrive d'être d'accord avec lui, le numérique hertzien peut constituer l'un des vecteurs du développement des télévisions locales. Il devrait permettre d'aider les chaînes existantes et susciter des initiatives dans les régions où, pour l'instant, rien n'existe dans ce domaine. On peut créer ainsi un second marché des programmes en France, dont les professionnels nous disent qu'il constitue une condition nécessaire à la survie de leurs entreprises de production.

J'ajoute que, si nous ne voulons pas attendre le développement du numérique hertzien, on pourrait envisager que le CSA puisse lancer des appels à candidature pour l'attribution de fréquences de télévisions locales en mode analogique partout où c'est possible techniquement - et il semble que cela soit souvent le cas.

Pour clore ce chapitre tout nouveau pour vous, il nous paraît indispensable de prendre exemple sur les autres pays européens en fixant une date butoir de basculement de l'analogie au numérique. Sans cela, quelle contrainte aurons-nous pour accélérer le processus de cette conversion ? Enfin, c'est sur le caractère incomplet de ce texte que je voudrais terminer. Ne fallait-il pas accrocher à ce projet tout le volet sur les nouvelles technologies de la communication ? Nous allons devoir examiner demain, c'est-à-dire lors de l'une de nos prochaines sessions, un autre texte, réservé celui-là, je l'imagine volontiers, à Inter net et à cet ensemble d'outils convergents qui constituent le second vecteur de la révolution audiovisuelle française.

Cette loi sur la société d'information n'aurait-elle pas dû trouver sa place dans votre loi sur la liberté de communic ation ? C'est ce que nous pensons et c'est pour l'ensemble de ces réserves que j'ai formulées au nom du groupe UDF que mon groupe ne votera pas ce texte.

M. Patrice Martin-Lalande et M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Michel Françaix.

Dommage !

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier, et plusieurs d'entre vous y ont fait allusion, se sont tenus les états généraux de la création au Théâtre national de Chaillot, auxquels ont participé plus de 500 producteurs, auteurs, comédiens, réalisateurs et techniciens.

Ils ont exprimé de façon unanime leur inquiétude et certains ont fait part de leur exaspération dans un secteur télévisuel qu'ils ont qualifié de sinistré avec une production en baisse de 21 % en 1999 et seulement 600 heures réalisées à mettre en regard des 2 000 heures produites en Allemagne et des 1 300 heures qui l'ont été au RoyaumeUni.

Une seule explication à la crise du secteur télévisuel selon les producteurs : un manque de 3 milliards de francs. Ils demandent des mesures rapides pour doper la production, notamment une véritable politique offensive sur le plan international pour gagner de nouveaux marchés, et la destruction de la séparation juridique entre cinéma et audiovisuel qualifiée de « mur de Berlin » par Christian Charret dans l'interview qu'il a accordée au Monde aujourd'hui.

Mon ami Jack Ralite, auteur d'un contre-projet de loi qui résulte de la longue marche des états généraux de la culture, dit qu'on ne peut construire une loi novatrice en gardant le socle des lois Léotard et Carignon, et, plutôt que de réduire la notion de service public au simple lien économique entre l'Etat et les acteurs de l'audiovisuel, il exhalte la nécessité d'un statut au service de l'esprit et du vivant. Nos propositions sont de la même veine.

En mai 1999, à l'issue de la discussion en première lecture, où nous soulignions l'urgence de dispositions complémentaires au texte, nous notions également, avant de manifester par notre vote notre soutien à un projet dont l'objectif était de renforcer le service public et de créer les conditions du développement de la production, que de nombreuses interrogations subsistaient.

Parmi ces interrogations, il y a celles relatives au financement de la holding France Télévision, celui-ci devant être assuré par une stratégie du Gouvernement pérenne et offensive, notamment en matière de remboursement des exonérations de redevance. Nous avons obtenu une pre-


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mière réponse lors du vote de la loi de finances pour l'an 2000, et vous nous avez assuré qu'il en irait ainsi dans l'avenir.

Lors du débat en première lecture, nous avions fortement exprimé notre volonté de voir maintenu à France 3 son caractère de chaîne généraliste avec une spécificité régionale marquée. Dans le même temps, nous nous étions opposés à la fusion de La Cinquième avec la SeptArte en souhaitant que soit clairement reconnue l'indépendance des deux lignes éditoriales. Aujourd'hui, le partenaire allemand d'Arte ayant souhaité que soit conservée l'indépendance de la chaîne par rapport à France Télévision, nous souhaitons que soient examinées les conditions du partenariat entre la chaîne franco-allemande et France Télévision.

Si, en mai, nous n'avions pas obtenu satisfaction sur notre souhait de voir la Société française de production intégrée dans le pôle public de diffusion, nous attendons toujours de voir préserver ses capacités.

Il en va de même pour l'INA. Nous souhaitons que notre amendement, supprimé par le Sénat, soit rétabli en seconde lecture et maintenu jusqu'au vote définitif de la loi.

Mais, vous l'aurez compris, au-delà de ces questions fondamentales, le caractère novateur du texte que vous soumettez, madame la ministre, à la représentation nationale en seconde lecture tient, tout le monde le dit, parce que c'est vrai, aux dispositions relatives au numérique hertzien. J'y consacrerai donc l'essentiel de mon intervention.

La technologie de numérisation de l'image et du son, après avoir pénétré la télévision par satellite et par câ ble, entre de plain-pied à la télévision diffusée par voie hertzienne. Les téléspectateurs s'acquittant de la redevance, et en premier lieu ceux qui ne sont pas raccordés au câble ou au satellite, seront concernés.

La France, forte de son expérience dans le numérique par satellite et par câble, doit généraliser cette technologie au plus grand nombre et sur l'ensemble du territoire. Tel est l'enjeu de ces prochains mois. La couverture totale du territoire est une mission d'intérêt général qui doit concerner tous les acteurs de l'audiovisuel, qu'ils soient publics ou privés.

Le projet de loi, enrichi par les propositions gouvernementales soumises à notre examen, pourrait marquer l'ouverture de ce processus, celui-ci devant s'effectuer avec cohérence pour impliquer tous les téléspectateurs, renforcer le service public de l'audiovisuel, réguler la concurrence, aider à l'arrivée de nouveaux entrants comme les télévisions de proximité, qui constituent un enjeu de citoyenneté.

Cet enjeu nécessite de travailler pour mettre en place des cadres juridiques évitant tout mouvement de monopolisation par des groupes privés de l'audiovisuel ou d'autres secteurs, ce qui conduirait à appauvrir l'offre.

Si la télévision franchit aujourd'hui une étape de son histoire, il apparaît évident que, pour réussir la révolution du numérique et garantir l'accès à cette nouvelle technologie par le plus grand nombre, le principe de gratuité et d'accès à des programmes en clair doit largement s'appliquer. L'idée de mettre des décodeurs gratuitement à disposition contribuerait à cette réussite, à condition qu'on ne multiplie pas trop leur nombre.

Dans le même esprit, les téléviseurs intégrés devront être accessibles à des prix à peu près égaux à ceux des équipements de réception analogique. Ils devront permettre la compatibilité de l'analogique avec le numérique, tant qu'il restera des territoires uniquement couverts par l'analogique, et pendant la durée de la migration de l'ensemble des services vers le numérique.

La réussite du passage au numérique implique également que l'on diminue les contraintes techniques pour les téléspectateurs, en travaillant à la solution industrielle du

« multicrypt », afin de produire des décodeurs capables d'intégrer plusieurs systèmes d'accès conditionnels, faute de quoi les téléspectateurs devront être de véritables artistes pour manipuler les appareils. La mise au point d'un système de décodage unique relèverait d'une mission d'intérêt général dans laquelle nous devons inciter nos industriels à s'engager.

Le choix du téléspectateur s'effectuerait alors en fonction des programmes proposés et non de critères techniques de facilité liés au type de décodeur acquis ou loué.

En clair, l'interopérabilité doit être un élément d'appré ciation lors de la délivrance des autorisations de diffusion.

Si la technologie du numérique est porteuse de progrès, elle peut cependant, selon les usages et les finalités recherchées, être créatrice d'inégalités sociales.

Par sa capacité à démultiplier et à diversifier les programmes, la télévision numérique hertzienne ouvrira de nouveaux horizons en termes de connaissances, d'information, de culture et de loisirs, à condition que les diffuseurs ne se contentent pas de puiser dans les catalogues existants, mais aient recours à de nouvelles productions a udiovisuelles. Ainsi, l'augmentation du nombre de chaînes pourra s'accompagner d'un accroissement des recettes. Cet enjeu nécessite l'établissement de mécanismes d'incitation, d'obligations de production et de contrôle.

Le numérique peut offrir une qualité supérieure de l'image et du son. Il peut aussi conduire à une qualité médiocre, puisque, pour une grande part, tout dépendra de la densité du débit choisi. CanalSat l'a bien compris, qui offre sur Kiosque des films de qualité très moyenne, de type VHS, mais qui répondent à une demande des téléspectateurs.

Grâce à des possibilités d'interactivité, la télévision numérique va changer le rapport du téléspectateur à l'image et à l'imaginaire, chacun pouvant choisir la fin d'une histoire ou d'un film parmi plusieurs propositions.

Au-delà, cette technologie n'appelle-t-elle pas, déjà, une réflexion éthique ? Ce sont les notions d'oeuvre et de relation entre le créateur et le public qui risquent d'être bouleversées, d'autant que les logiques commerciales peuvent détourner les technologies au détriment de l'épanouissement humain.

Avec l'interactivité, le numérique ouvre le champ de tous les possibles sur le plan de la quantité, mais en fonction des choix éditoriaux. Selon que le choix sera ou ne sera pas réel, la liberté offerte sera elle-même réelle ou illusoire.

Par ailleurs, avec l'interactivité, support possible à de nombreux services, notamment le commerce électronique, la télévision deviendrait un portail ouvert à des groupes industriels, dont le seul objectif pourrait être de capter les acheteurs potentiels que sont les téléspectateurs immédiatement solvables. Dans cette hypothèse, la télévision proprement dite deviendrait secondaire. C'est pourquoi nous soutenons l'idée que les services interactifs doivent être développés en lien permanent avec les programmes.

Ce critère doit être reconnu dans les procédures d'autorisation de diffusion.


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Une fois ces principes exprimés, il est intéressant de dégager les enjeux pour mieux appréhender les chances de réussite du numérique hertzien. Derrière des problématiques techniques fortes se dessinent très vite des enjeux économiques, où les tensions s'aiguisent en termes de domination et de pouvoir.

Avec le numérique, la gestion des fréquences doit devenir plus rationnelle, plus économe, parce que la ressource est rare, et des critères d'attribution doivent être précisément définis par le législateur.

M. Laurent Dominati.

Ce n'est plus vrai !

M. Christian Cuvilliez.

L'attribution n'est pas neutre, elle doit être encadrée. A ce titre, veiller dès l'origine à la mise en cohérence des territoires nous semble essentiel.

Faut-il, cependant, libérer un maximum de fréquences au profit de nouveaux services ou, à l'inverse, développer une offre élargie de programmes audiovisuels ? Pour notre part, nous pensons qu'un effort important est à réaliser sur la création de programmes et d'oeuvres audiovisuels. Il nous semble plus opportun d'attribuer la ressource de diffusion en priorité aux programmes.

La première étape de la planification des fréquences pour le passage au numérique de terre, élaboré par l'Agence nationale des fréquences en collaboration avec le CSA, a retenu l'hypothèse d'un plan à six réseaux ou six multiplex, eux-mêmes composés de six canaux, avec conservation des émissions analogiques durant la phase de migration des équipements des foyers vers les récepteurs numériques. C'est la proposition qui nous est faite dans le projet de loi et à laquelle nous adhérons.

Mais il faut bien noter que chacun des quatre premiers multiplex couvrira 80 % de la population, tandis que chacun des deux autres n'en touchera que 60 %. Une partie de la population ne serait donc pas concernée. Qui occupera ces multiplex et quelle sera la couverture totale du territoire ? La réponse n'est pas de nature technique, mais d'ordre politique et économique, les coûts étant plus élevés pour la desserte des derniers 15 à 20 % de population. Selon certains, cette couverture du territoire national pourrait se faire grâce à la complémentarité de la télévision numérique, du câble et du satellite.

Mais il me semble essentiel de rappeler que la couverture de l'ensemble du territoire est un objectif à atteindre, relevant d'une mission d'intérêt général.

Ne pas adopter cette attitude revient à imposer à 20 % des téléspectateurs de payer l'abonnement pour accéder au câble et au satellite. N'y aurait-il pas là une inégalité de traitement ? Une autre importante question se pose : lorsque la migration de l'analogique vers le numérique sera en passe d'être terminée, que fera-t-on des fréquences libérées ? Les grands groupes impliqués dans les télécommunications, l'Internet et l'audiovisuel préconisent leur attribution à la téléphonie mobile ou à l'audiovisuel. Pour notre part, nous proposons qu'elles ne soient pas attribuées immédiatement à la téléphonie mobile, celle de troisième géné ration notamment, mais qu'elles soient utilisées en priorité pour la couverture totale du territoire de la télévision numérique hertzienne. Nous souhaitons que la planification soit la plus transparente possible, et qu'elle ait pour objectif de servir en priorité l'audiovisuel public.

Je souhaiterais connaître, madame la ministre, la position du Gouvernement sur cette importante question.

Comme le montre le paysage actuel des télécommunications, de l'informatique et de l'audiovisuel à l'échelle internationale, les enjeux sont considérables.

Quelqu'un l'a dit, avant moi, mais dans un autre esprit, d'une manière un peu apocalyptique, si, depuis quatre mois, le paysage se transforme à une vitesse vertigineuse, les plus grosses fusions de l'histoire économique se produisent dans ce secteur : celle de WorldCommMCI Sprint, celle d'AOL-Time Warner rachetant dans la foulée la firme discographique britannique EMI, et la reprise du groupe allemand Mannesman par le groupe anglais de téléphonie mobile Vodafone-Air Touch qui venait de passer un accord avec Vivendi. Ces fusions constituent un véritable séisme culturel et économique, représentant un montant cumulé équivalent à deux fois le budget de la France.

Nous vivons à vitesse accélérée le rapprochement de deux industries, celle des oeuvres originales de l'esprit et celle qui gère des masses d'abonnés à des services payants de communication et d'information. AOL gère un parc de 22 millions d'abonnés à Internet, répartis dans le monde entier. Time Warner compte 13 millions d'abonnés à ses réseaux câblés aux Etats-Unis, des millions d'abonnés à ses chaînes thématiques comme CNN ou HBO, 120 millions de lecteurs de presse magazine au niveau mondial. Mais ce groupe est surtout propriétaire de portefeuilles de droits sur d'immenses bibliothèques d'oeuvres originales ; le catalogue Warner regroupe 5 700 films, 32 000 séries télévisuelles. Grâce à la fusion, le nouveau groupe possède donc de nombreuses oeuvres àr entabiliser à l'échelle mondiale et des populations d'abonnés prêts à payer l'accès aux services, via le portail pour l'Internet ou la télévision.

Dans ce contexte, et même si cela paraît un peu petit, un peu dérisoire, la question de l'accès de tous à une télévision gratuite, de la place du service public de l'audiovisuel, fédérateur des publics au sein d'une puissante télévision généraliste, se pose avec acuité. Il en va de la création et de l'accès aux oeuvres de l'esprit, de la culture des hommes de demain.

Nous adhérons au principe selon lequel l'attribution de la ressource de diffusion doit se fonder sur la diversification de l'offre, pour permettre l'arrivée de nouveaux entrants, notamment du secteur associatif, pour contribuer à rééquilibrer un paysage audiovisuel quelque peu oligopolistique.

Dans cet esprit, l'amendement du Gouvernement affirme que « nul ne peut être titulaire de plus de six autorisations, chacune relative à un service national de télévision diffusée exclusivement par voie hertzienne terrestre en mode numérique ».

Vous soulignez, madame la ministre, que l'attribution par multiplex conduit à conforter la place des diffuseurs historiques et que cette solution est néfaste au regard de l'objectif constitutionnel de préservation du pluralisme, plaçant de fait les nouveaux entrants dans une situation d'infériorité et diminuant les capacités de régulation du CSA. Mais, en fin de compte, le fait que les chaînes privées dites historiques ne peuvent être titulaires de plus de 6 autorisations signifiera que celles-ci occuperont chacune au maximum un multiplex.

Comment, madame la ministre, entendez-vous préserver l'indépendance éditoriale des nouveaux entrants, particulièrement ceux du tissu associatif, qui pourront faire le choix de vouloir côtoyer TF 1, M 6 ou Canal sur une même fréquence, surtout si celle-ci couvre 80 % de la population ?


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Le secteur public de l'audiovisuel peut constituer un modèle de développement, lui qui concilie sa mission généraliste de création de programmes, fédérateur de publics les plus larges, pris dans toutes leurs composantes, et leurs attentes spécifiques.

France Télévision doit renforcer ses programmes généralistes de base, même si elle développe des chaînes thématiques sur le concept « pour en savoir plus ». La démarche ne sera pas spontanée. Un travail de sensibilisation, de fidélisation sur les chaînes thématiques publiques sera sans doute nécessaire.

Le passage au numérique peut être une chance pour le secteur public, à condition d'asseoir durablement son financement sur les court, moyen et long termes. Or, face aux flux financiers qui ont sous-tendu les dernières fusions dans le monde de la communication, nous sommes relativement inquiets, d'autant plus qu'existent toujours des freins au remboursement des exonérations de redevance, ou à la nécessaire dotation en capital de France Télévision. L'attitude du ministère des finances n'est-elle pas, de ce point de vue, assez inacceptable ? Il en va de la responsabilité du Gouvernement : il doit faire appliquer le principe de compensation intégrale des exonérations que nous avons adopté en première lecture.

Comme je l'ai souligné, au-delà du financement, l'autre élément stratégique est l'attribution des fréquences.

Poser, comme le dit l'amendement du Gouvernement, que le service public sera prioritaire, est une condition nécessaire mais pas suffisante pour lui donner ses chances de réussite.

Nous pensons que deux fréquences sur les six sont nécessaires au service public de la télévision pour qu'il assure pleinement ses missions, d'autant que la reprise des chaînes publiques en simulcast occupera pratiquement la totalité d'un multiplex.

Parce que le lien entre le secteur public de la télévision et les téléspectateurs doit être renforcé et entretenu, parce que qui dit service public dit aussi continuité dudit service, nous pensons que l'attribution des fréquences doit se faire en priorité sur les réseaux couvrant 80 % de la population. En effet, la couverture numérique du territoire par le service public devra s'approcher de celle qui existe aujourd'hui en mode analogique.

L'attribution de deux fréquences va dans le bon sens, car elle permettrait d'assurer la continuité des missions de service public. En effet, comment peut-on imaginer qu'un gestionnaire gère, au sein d'un même multiplex, des chaînes publiques et des télévisions privées dont le critère essentiel est la rentabilité ? Quelle serait la nature de cet acteur et quelles seraient ses finalités commerciales ? Votre amendement, madame la ministre, qui stipule que « le CSA veille à regrouper sur une ou plusieurs fréquences le service public de l'audiovisuel », nous laisse perplexes. Sa rédaction est telle que le secteur public pourrait, sur une même fréquence, côtoyer des chaînes privées, et que le distributeur de services, opérateur de multiplex, pourrait avoir des finalités incompatibles avec celles du service public. Seul le CSA aura le pouvoir d'appréciation et de décision.

L'opérateur de multiplex aura une fonction éditoriale, une fonction, de régulation du débit, et pourra aller jusqu'à décider de la qualité de l'image et du son. A quelles logiques soumettra-t-il les chaînes publiques ? Comment imaginer, par ailleurs, que la fonction de commercialisation ne soit pas pilotée par le secteur public lui-même ? Le rôle de l'opérateur est crucial et stratégique : il n'est pas que technique.

La notion de regroupement est fondamentale. De même, l'ensemble des opérations, de l'éditeur au téléspectateur, doit être maîtrisé par la puissance publique. Si nous n'agissons pas dans ce sens, nous courons, nous semble-t-il, le risque de casser le lien entre le téléspectateur et le service public, et de ne pouvoir assurer le respect des missions définies à l'article 1er

Vous proposez, madame la ministre, que l'offre gratuite émerge très nettement sur le numérique. Nous partageons ce sentiment. C'est dans cet esprit qu'est intégré au texte du projet de loi le principe de gratuité pour les nouvelles chaînes thématiques que France Télévision pourra développer sur ses filiales. Mais nous nous interrogeons : faut-il pour autant placer les chaînes privées sur un plan d'égalité avec le service public, en leur octroyant prioritairement de la ressource de diffusion et donc des canaux au sein d'un multiplex, sous prétexte qu'elles vont, elles aussi, développer des services gratuits ? On en revient ici à la question fondamentale du financement du secteur public. Qui, des chaînes publiques ou des chaînes privées, aura le plus de facilités pour porter, voire amortir cette gratuité ? Si gratuité il y a sur les chaînes privées, ne conviendrait-il pas que soient respectées, aux termes d'un cahier des charges, qui, pour l'instant, n'existe pas, des missions d'intérêt général au sein de services gratuits ? Par ailleurs, je note que le passage au numérique apporte un volume supplémentaire de missions au CSA.

A cela s'ajoute le fait que les propositions du Gouvernement élargissent de manière très significative le champ d'initiatives et d'appréciation du CSA. Je m'interroge donc sur la tendance qui laisse de plus en plus de place au champ réglementaire - non pas au champ autonome et à des autorités indépendantes, au détriment du champ législatif.

Le développement du numérique, les enjeux nouveaux en termes de concentrations monopolistiques dans le cadre de la société de l'information, les dangers qui pèsent sur la culture et l'indépendance des esprits doivent nous interpeller sur le contenu même que nous voulons donner à la régulation, sur sa structure, sur son fonctionnement et sur les responsabilités dont elle est d'une certaine manière redevable devant la société civile et ses représentants au Parlement.

Le CSA doit être le garant des équilibres établis par la loi et veiller à ne pas appliquer des mécanismes schématiques de concurrence entre le secteur public et le secteur privé de la concurrence, tous ne l'affrontant pas à armes égales et la puissance financière de l'un étant sans commune mesure avec celle de l'autre.

Pour conclure, je dirai simplement qu'il faut oser un parti pris si nous voulons, demain, préserver un tant soit peu d'humanité dans le monde de l'information. Ce parti pris, nous l'adoptons en faveur du secteur public de l'audiovisuel.

Nous continuerons d'accompagner le Gouvernement dans les voies qu'il a proposées. Mais nous resterons attentifs à la question des moyens, à celle des critères qualificatifs du service public, à celle de la liberté de création, qui n'existe pas sans le soutien à la création.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati, pour vingt minutes.


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M. Marcel Rogemont.

Est-ce bien nécessaire ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Bis repetita...

M. Laurent Dominati.

Je vais tâcher d'examiner le projet de loi sans répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. A l'évidence, nous vivons une révolution du savoir, une révolution de la société de l'information. En ce qui concerne la télévision, nous en sommes en réalité à la préhistoire : bien malin qui peut dire ce qui se passera dans dix ans.

M. Michel Françaix.

Enfin un moment de clairvoyance !

M. Laurent Dominati.

Encore peut-on penser que, dans dix ans, la législation que bâtit Mme la ministre aura été balayée par les technologies nouvelles et par le développement naturel de l'accès à la connaissance...

M. Michel Françaix.

Et alors ?

M. Laurent Dominati.

... malgré tous les efforts du Gouvernement pour tenir le plus longtemps possible la réglementation actuelle dans l'orbite du pouvoir.

M. Michel Françaix.

Léotard a bien tenu six mois !

M. Laurent Dominati.

A l'évidence, en matière de communication, nous sommes engagés dans une bataille mondiale. Or, il est un phénomène dont vous négligez l'importance : nous allons passer de la pénurie de fréquences à l'abondance de fréquences et à la pénurie de programmes. L'action d'un gouvernement, qui devrait anticiper l'avenir, serait de se projeter dans cette situation pour tracer le cadre législatif.

Madame la ministre, depuis que vous êtes au Gouvernement, je vous fais régulièrement savoir que, sur ces questions assez techniques et qui demandent beaucoup d'humilité,...

M. Michel Françaix.

Enfin !

M. Laurent Dominati.

... vous auriez pu choisir un autre chemin que celui, finalement assez classique et idéologique, que vous suivez, et vous auriez pu rechercher, avec l'Assemblée nationale, et peut-être au-delà, un cadre législatif consensuel qui puisse être pérenne, pour de longues années. La loi Léotard de 1986, malgré tout ce qu'on en dit, en a été l'exemple, puisque nous n'en sommes jamais sortis. Pourtant, je vais être le premier à dire qu'il serait peut-être temps d'en sortir. Ce n'est pas qu'elle soit mauvaise : mais l'époque a changé, il faudrait s'en rendre compte.

Cette grande loi qu'il faudrait faire, ce serait une loi de confiance dans les différents acteurs de l'audiovisuel, c'est-à-dire le secteur public, mais aussi les chaînes privées, les investisseurs, les producteurs, les créateurs. En renforçant le socle réglementaire, en instituant des relations de pouvoir entre le politique et les différents opérateurs, vous prouvez que vous ne faites pas confiance aux différents acteurs de ce secteur stratégique pour la France et notre culture.

Commençons par le secteur public, qui devait être l'objet principal de votre loi. De quoi souffre-t-il ? D'abord d'un manque de cohérence dans ses structures.

Vous vouliez, à l'instar de votre prédécesseur, M. DousteB lazy, créer une holding. Finalement, en deuxième lecture, on ne sait plus tout à fait à quoi ressemble cette holding. Il y a bien sûr France 2 et France 3, il y a La Cinquième mais cette structure indépendante ne dispose que de la moitié d'un canal hertzien de jour, et le public est surtout disponible à l'heure où La Cinquième cède ses programmes à Arte. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas La Cinquième de faire plus d'audience qu'Arte, mais c'est un détail. Surtout, vous êtes obligée, parce que vous avez mal discuté avec vos partenaires allemands, d'exclure Arte.

Quant à RFO, vous ne savez pas s'il faut l'intégrer ou non. Il faut pourtant choisir : ou bien vous l'intégrez à la holding France Télévision, parce que vous considérez que c'est de la responsabilité du service public et du secteur public, ou bien vous constituez des RFO indépendantes dans les différents territoires d'outre-mer. Vous auriez ainsi l'embryon de télévisions d'outre-mer indépendantes et autonomes, mais toujours dans le secteur public, ce qui d'ailleurs pourrait préfigurer une évolution intéressante pour le service public et notamment pour France 3. Mais je vais peut-être au-delà de votre pensée, voire de la mienne, encore que cette proposition ait été faite il y a déjà près de dix ans.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais l'époque a changé, monsieur Dominati !

M. Laurent Dominati.

En effet. Et nous nous orientons sans doute vers une télévision de proximité, vers une télévision locale, madame la ministre.

M. Michel Françaix.

Enfin un moment de lucidité !

M. Laurent Dominati.

J'y viens, monsieur Françaix, je vais même vous défendre. Le Gouvernement ne m'écoutera pas plus qu'il ne vous écoute. Au moins aurez-vous le plaisir de savoir que l'opposition vous lit, vous comprend et, parfois, vous soutient.

M. Michel Françaix.

Je n'en reviens pas !

M. Laurent Dominati.

Vous prétendez renforcer le secteur public par le biais du financement. En fait, vous diminuez, cela a déjà commencé, ses ressources publicitaires. Celles-ci sont pourtant le gage de son indépendance, peut-être pas par rapport aux annonceurs mais visà-vis du Gouvernement.

Une loi était-elle nécessaire ? Non, une décision réglementaire aurait suffi. D'ailleurs, le processus est déjà en cours : l'année passée, alors que les investissements publicitaires ont augmenté globalement de plus de 8 % - les ressources publicitaires de TF 1 et M 6 ont explosé en dépassant les 10 % -, les ressources publicitaires de France 2 ont stagné et celles de France 3 ont baissé.

Dans un marché publicitaire en expansion, le service public a à peine conservé ses ressources, France 3 les a même vu diminuer. Etait-il bien nécessaire dans ces conditions de faire intervenir l'Assemblée nationale et le Sénat pour demander aux chaînes publiques de faire moins de publicité ? Non, il suffisait de le leur demander gentiment. Elles le font même toutes seules, sous la pression de l'audience.

La différence entre le secteur public audiovisuel et le secteur concurrentiel, c'est la mission assignée au service public.

Si la légitimité de France 2 était seulement de faire concurrence à TF 1...

M. Michel Françaix.

C'était il y a dix ans, du temps de Léotard !

M. Laurent Dominati.

... ce serait très intéressant mais le privé pourrait s'en charger.

En revanche, si le rôle de France 2 est d'assurer une véritable mission de service public, avec des émissions du service public qui se différencient du secteur privé...

M. Michel Françaix.

Voilà !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

M. Laurent Dominati.

... alors ce n'est pas de 2 % qu'il faut réduire les ressources publicitaires, comme le prévoit votre projet pour France 2 en faisant passer les recettes de 52 % à 48 %. Non, ce qu'il faut, c'est une réduction drastique de la publicité dans le service public. Mais ça, aujourd'hui, vous ne pouvez pas le faire. Il vous faudrait soit disposer de beaucoup plus d'argent, soit restreindre le périmètre de l'audiovisuel public, ce que je propose. Je suis en effet favorable à un secteur public à qui seraient confiées de véritables missions de service public, avec des émissions différentes de celles diffusées par le secteur privé.

A ce propos, nous serions tous incapables, je suis prêt à prendre le pari, de citer les animateurs, voire les animat eurs-producteurs, respectifs de TF 1, France 2 ou France 3. Les animateurs passent d'une chaîne à l'autre.

Et les téléspectateurs ne font pas de différence entre France 2 et TF

1. Le secteur public défend-il véritablement, comme vous le disiez, la culture et la création ? Si tel était le cas, pourquoi la proportion de fictions nationales serait-elle à ce point importante en Grande-Bretagne, en Allemagne alors que ces pays n'ont pas de quotas de diffusion et ne sont pas soumis à la même réglementation complexe que nous ? Vous avez avancé, madame la ministre, les chiffres de 80 % en Allemagne et 75 % en Grande-Bretagne - ou l'inverse, je ne sais plus - et de 50 % seulement en France, et la diffusion d'oeuvres de fiction françaises dans le secteur public est loin d'atteindre les 70 %. Je crois même que le secteur public a acheté plus de films américains que de films français.

Là encore, monsieur Cuvilliez, le secteur public ne joue pas son rôle de défenseur de la culture française.

Vous m'annonceriez finalement que le secteur public de l'audiovisuel n'achèterait plus de films américains, j'applaudirais tout de suite. Le secteur public de l'audiovisuel se différencierait vraiment du secteur privé.

Quelles sont les missions du service public ? Vous ne répondez pas à cette question, vous préférez maintenir le statu quo à travers un équilibre savant, qui consiste à exercer une certaine pression sur le secteur privé par le biais du pouvoir réglementaire du ministre et du CSA tout en tenant le secteur public par la bride en lui promettant le remboursement des exonérations de redevances ou différents cadeaux, des dotations budgétaires. Voilà la réalité des relations de pouvoir entre le Gouvernement et la télévision ! J'ajoute que la mainmise de l'Etat, que je condamne, a été accentuée par l'amendement Charasse, voté par le Sénat, en ce qui concerne les sociétés de droits d'auteur.

Ces sociétés sont normalement contrôlées par votre ministère. Qu'il les contrôle donc. Inutile de faire intervenir la Cour des comptes ! Ce débat sur les missions du service public, nous aurions dû l'engager à l'occasion de l'examen de ce projet. J'ai avancé une proposition, qui vous a beaucoup servi puisqu'elle vous a permis de dire que les libéraux voulaient privatiser. En effet, nous voulons privatiser France 2, pour sauver ce qui reste du secteur public, pour faire de France 2 non pas la chaîne publique d'Etat mais la chaîne du public. Mais la privatisation que je propose, ce n'est pas celle que vous devrez consentir dans cinq ou dix ans, quand vos mesures auront échoué et que vous serez contraints de vendre France 2 au plus offrant, à France Télécom, à Seydoux ou à un autre. Non, la privatisation que je souhaite consisterait à donner France 2 aux Français, aux contribuables, à ceux qui la paient et qui la regardent. Ce serait une privatisation populaire, qui permettrait à l'Etat de rester l'actionnaire de référence en gardant, pendant cinq ans au moins, plus s'il le souhaite, 30 % de la chaîne. En tout cas, une telle proposition mérite mieux que les caricatures que vous en faites.

En réalité, vous n'avez pas de solutions d'avenir pour le secteur public. Vous savez pourtant très bien que l'Etat ne pourra pas continuer à financer La Cinquième, Arte, France 3, France 2, compte tenu du besoin de développement des télévisions dans le monde actuel.

Quelles seraient les responsabilités, les missions de l'Etat ? Elles ne ressortent pas toutes du secteur public.

Responsabilité d'abord d'Etat, pour faire respecter la démocratie en empêchant par exemple l'uniformisation des programmes, provoquée d'ailleurs par le fait que la législation est la même pour tous. Je plaide, contrairement à vous, pour le renforcement des pouvoirs du CSA.

Le CSA pourrait peser en fonction de chaque chaîne, en fonction de l'équilibre audiovisuel et garantir la diversité des différentes chaînes.

Responsabilité ensuite de l'Etat en matière de pluralisme. Je ne trouve pas que le pluralisme soit bien garanti en France. J'ai d'ailleurs écrit, comme chaque année, au président du CSA ainsi qu'aux présidents des différentes chaînes pour protester contre la part d'antenne allouée à différents groupes politiques. Eu égard à la représentation parlementaire, certains groupes - notamment le mien sont sous-représentés, les statistiques du CSA le prouvent.

L'an passé, l'opposition n'a même pas eu le tiers qui lui revient selon la règle coutumière des trois tiers. Le pluralisme est donc mal assuré, notamment à la télévision publique. Pourquoi M. July dispense-t-il la bonne parole tous les dimanches soir ? Libération serait-elle la voix officielle ?

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est la voix du libéralisme qui s'exprime ! Ne vous plaignez pas ! (Sourires.)

M. Laurent Dominati.

Pourquoi d'autres éditorialistes ne s'expriment-ils pas ? Dans n'importe quel pays démocratique, on en viendrait à s'interroger sur ce qui finit par nous sembler naturel. Pourquoi le représentant d'un journ al est-il systématiquement invité à France Europe Express, une des rares émissions politiques de la télévision ? Mais je passe vite sur le pluralisme.

Mme Catherine Tasca.

Il relève de la responsabilité du CSA !

M. Laurent Dominati.

Oui, mais aussi du président de France Télévision, madame Tasca !

Mme Catherine Tasca.

C'est la liberté !

M. Laurent Dominati.

Vous qui êtes l'auteur d'une réglementation qui a conduit à la mort d'une chaîne, vous savez à quel point un membre du gouvernement peut faire pression sur un président de chaîne. Vous vous rappelez, M. Philippe Guillaume a été obligé de démissionner sous la pression du ministère et du gouvernement ! Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçons de pluralisme ! C'est inconvenant !

Mme Catherine Tasca.

Quelle salade !

M. Laurent Dominati.

Autre responsabilité de l'Etat et du service public : assurer la mission éducative de la télévision. Certes, c'est le rôle de La Cinquième. Mais le service public de la télévision tout entier devrait avoir des responsabilités en la matière.

Votre projet de loi contient-il des mesures de protection de la jeunesse et de développement de la télévision éducative ? Prévoit-il d'imposer aux chaînes, y compris


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

d'ailleurs aux chaînes privées, des obligations dans ce domaine essentiel ? Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, ce domaine dépend non seulement du secteur public mais également des produteurs privés et des chaînes privées.

Pourquoi ne fait-on rien en France dans ce domaine ? En ce qui concerne la protection de la jeunesse, un amendement a été déposé par Mme Frédérique Bredin et

M. Le Guen - plus symbolique sans doute qu'efficace.

J'ai proposé - j'ai été heureux de voir que mon idée avait été reprise par certains de mes collègues de la majorité - de donner au CSA la possibilité de sanctionner au moyen de l'écran noir. Ma proposition n'a finalement pas été retenue. J'espère que vous nous soutiendrez, pour les c haînes privées, mais également pour les chaînes publiques. Il n'y a pas de raison en effet d'exonérer les chaînes publiques de leur responsabilité, au contraire.

Elles doivent montrer l'exemple ! Elles doivent être différentes, et tirer le paysage audiovisuel vers le haut ! Toutes ces lacunes me conduisent à penser que vous n'avez ni compris la révolution actuelle de l'information et de la télévision ni voulu assumer le rôle de l'Etat dans le domaine du service public.

Autre secteur dans lequel vous devriez agir, celui de la concurrence. Pour renforcer les acteurs de la communication dans cette bataille mondiale, il faut laisser beaucoup plus de pouvoir au CSA, assouplir la réglementation, celle de Mme Tasca notamment, qui, je le rappelle, a été quand même assez meurtrière.

S'agissant de la publicité dans les émissions de fiction, ce n'est peut-être pas au législateur de décider, le CSA est peut-être plus à même de le faire que nous. Même chose en ce qui concerne les décrochements locaux, ou la séparation des producteurs et des diffuseurs, ou les seuils de participation des diffuseurs dans les émissions de production, ou les heures de grande écoute, etc. Tout cela est du domaine réglementaire, et donc du ressort de l'autorité de régulation.

Vous devriez abandonner ce moyen de pression sur les chaînes. C'est d'ailleurs ce qu'ont demandé les producteurs et les créateurs hier à Chaillot, monsieur Cuvilliez : simplification du droit de la communication, assouplissement des règles, conventionnement, et non plus ère réglementaire. J'ai été heureux d'entendre qu'ils reprenaient les mêmes termes que moi.

Mais ils l'ont fait non pour me faire plaisir ou pour vous faire plaisir ; ils l'ont fait parce qu'ils ont besoin d'air, d'espace, de créativité, de liberté. Ils n'ont pas besoin d'avoir constamment derrière leur épaule un juriste qui leur dise ce qu'ils ont le droit ou non de faire.

Enfin, en ce qui concerne le développement des télévisions locales, vous avez raison, monsieur Françaix, il faut encourager ce développement. Il faut notamment autoriser, inciter les entreprises de presse à investir, puisqu'elles y sont disposées, dans la télévision. Cela me semble une évidence, pour les entreprises de presse, pour la télévision de proximité, pour la télévision tout entiè re. Nous n'avons déjà que trop tardé.

Le deuxième volet de la loi porte sur la télévision numérique. Il faut l'ouvrir aux nouveaux acteurs. Il faut permettre à de nouveau investisseurs d'entrer dans les domaines de la communication et de la télévision. Mais, pour que la télévision numérique ne soit pas un échec, il faut inciter les opérateurs historiques, les opérateurs traditionnels à entrer dans ce champ. Ce n'est pas en leur réservant un canal, voire deux, qu'on les amènera à investir. Cela coûte cher. Si le privé n'y met pas d'argent, qui en débloquera ? Le public ? L'Etat ? Encore un plan ? Certainement pas. Non, je suis partisan que le législateur ouvre les fréquences, permette au privé d'investir, incite les chaînes actuelles à s'impliquer, en allant bien au-delà de deux canaux.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est ce qu'a dit la ministre.

M. Laurent Dominati.

Non, monsieur le président ! Vous confiez cette responsabilité au CSA mais le fatras réglementaire est tel et les moyens de pression, à la fois sur les chaînes privées comme sur les autres, tellement forts qu'en réalité les autorisations peuvent être modulées.

Or nous ne sommes pas naïfs, ni vous ni moi. Nous savons ce qu'est la vie, nous savons ce qu'est le pouvoir d'un gouvernement ! Vous autorisez les chaînes privées à avoir deux canaux, mais, en réalité, selon ce qu'elles en feront, selon que leur action correspondra ou non aux vues du Gouvernement, elles pourront aller plus loin ou non, monsieur Cuvilliez. C'est ce que j'appelle la pression de l'Etat et d'un gouvernement sur la liberté d'expression.

Il serait plus franc de dire à un opérateur privé : vous êtes un diffuseur, nous ouvrons un nouveau marché, personne ne sait ce qu'il en sera, mais si vous voulez y aller, faites-le et nous vous donnons un avantage comparatif - j'avais proposé moitié-moitié, on pouvait prévoir 40-60 ou 60-40. Là, vous les laissez dans l'incertitude. Ils ne se lanceront pas. Mais peut-être est-ce ce que vous souhaitez, finalement.

Enfin, troisième volet de cette loi, qui n'était pas prévu au départ, Internet. J'avais proposé des amendements qui allaient exactement dans le même sens que les amendements de M. Bloche. Légiférer pour quoi faire ? P our l'instant, modestement, pour sécuriser le commerce par Internet et pour démocratiser, M. Tony Blair, qui est un de vos amis politiques, a annoncé que tout Britannique aurait d'ici 2005 l'accès à Internet gratuit. Cet objectif, assez simple, suppose une modification de l'administration, du système scolaire, bref, un véritable pari sur les investisseurs et sur les utilisateurs de ces nouvelles technologies. C'est ce que vous ne faites pas.

Certes, M. Jospin se vante de l'augmentation du nombre des internautes. Mais, avouez qu'il n'y est absolument pour rien !

M. Rudy Salles.

Un peu de modestie !

M. Laurent Dominati.

Depuis ses grandes déclarations d'Hourtin, l'administration, qu'il est incapable de réformer, d'ailleurs, comme d'autres - ne lui jetons pas la pierre - n'a absolument rien engagé. La seule nouveauté introduite au Parlement a été prise à l'initiative de parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, puisque la proposition de loi que le groupe Démocratie libérale et Indépendant avait déposée reprend quasiment l'amendement de M. Bloche. Si vous aviez agi sans idéologie et sans a priori nous aurions pu arriver à un certain consensus. Sur la télévision numérique, sur Internet, sur la responsabilité des hébergeurs par exemple, je suis peut-être plus en accord avec tel ou tel collègue de la majorité qu'avec mes collègues de l'opposition. Ainsi, je partage plus la vision de M. Bloche que celle du Sénat sur ces questions complexes.

Les clivages politiques ne sont pas à ce point figés, il suffit d'être de bonne foi et d'essayer d'avoir une vision d'avance.

Demain, face aux techniques d'Internet à haut débit, face aux techniques d'ADSL, notre législation sera obsolète, à moins de hâter un peu les choses et de se montrer


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un peu plus volontaires dans l'ouverture des différents marchés à la concurrence. Si vous voulez une véritable démocratisation d'Internet, il faut ouvrir à la concurrence l'accès à la boucle locale, actuellement bloquée par France Télécom. Sinon, vous pourrez toujours faire de grands discours, il ne se passera rien et notre pays aura accumulé un retard catastrophique par rapport aux autres pays industrialisés.

J'ai donc déposé un amendement - je ne sais si c'est bien le lieu mais, à vrai dire, je commence à me demander ce qui trouve sa place dans ce texte - pour débloquer les choses et permettre un accès de tous à la connaissance et des investissements de qualité.

Mes chers collègues, dans dix ans, la législation actuelle sur la communication audiovisuelle sera obsolète. Vous aurez des télévisions sur l'ADSL, des télévisions sur Internet et un système déclaratif, comme pour la presse, pour diffuser des images et éditer des programmes.

Existera-t-il encore un secteur public ? Oui, si l'on arrive à en définir les missions et à montrer en quoi il est différent des investisseurs privés des chaînes privées ! Sinon, il sera balayé comme le reste, comme votre loi, madame, sera balayée par l'histoire, par la vie et par le monde qui avance sans vous puisque, finalement, vous n'avez pas compris que ce monde bougeait et qu'il fallait bouger avec lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Françaix, pour dix minutes.

M. Michel Françaix.

Madame la ministre, je vais essayer d'être un peu plus modeste. M. Dominati nous a parlé de ce qui se passerait dans les quinze années à venir dans un domaine où les choses bougent tous les six mois.

Je me contenterai de faire des projections sur les deux ou trois prochaines années.

M. Laurent Dominati.

A chacun son imagination !

M. Michel Françaix.

Oui ! Mais il est facile d'avoir de l'imagination quand on se trompe tout le temps !

M. le président.

Monsieur Dominati, laissez l'orateur s'exprimer.

M. Laurent Dominati.

Mais, monsieur le président, qui a changé six fois le projet de loi en six mois ?

M. le président.

Monsieur Dominati ! Pas de conversations particulières !

M. Michel Françaix.

M. Dominati ne pourra jamais empêcher l'homme de conviction que je suis de dire ce qu'il a à dire sur le problème de l'audiovisuel et du service public.

Madame la ministre, bien entendu, comme chacun d'entre nous, je souhaite pouvoir vous interroger en priorité sur les problèmes soulevés par le numérique hertzien terrestre. Mais avant, il me plaît à souligner que si l'on parle si peu du reste, c'est que vous avez largement convaincu cette assemblée du bienfait de vos projets.

Je dirai cependant un mot sur la holding car le premier choix majeur de cette nouvelle loi consiste à l'évidence dans la nouvelle structure qu'elle donne à l'audiovisuel public : la holding France Télévision.

Ce nouveau pôle désormais doté d'une unité de stratégie et de décision aura une taille critique pour aborder les marchés internationaux et disposera d'une assise économique et financière nouvelle qui permettra d'assurer la montée en charge des nouveaux marchés.

En outre, l'harmonisation des programmes appuyée sur une conception nette des rôles impartis à chaque chaîne, c'est l'assurance d'une croissance de l'audience, et cette fois-ci sans démagogie et sans racolage.

J'en viens aux enjeux du numérique hertzien terrestre.

La France, à travers la diffusion par satellite et par câble, est aujourd'hui l'un des pays européens où le plus grand nombre de ménages peut recevoir des programmes et des services de télévision numérique. On a toujours tendance à dire qu'on est en retard dans le domaine du numérique.

C'est faux ! Il faut considérer les choses avec exactitude. Nous sommes en avance en ce qui concerne le câble et le satellite mais, c'est vrai, nous ne sommes pas engagés dans la diffusion numérique hertzienne terrestre.

Or, dans la révolution numérique qui est en marche, la diffusion hertzienne terrestre est devenue inéluctable. Par ses spécificités, au-delà de la technique, elle constitue un enjeu majeur.

En effet, elle va entraîner des bouleversements multiples dans les contenus, les grilles de programme et les services ainsi que dans l'économie générale des médias et de l'audiovisuel : baisse des coûts de production et de diffusion ; démultiplications de l'offre ; régionalisation, localisation de la desserte ; possibilité de nouveaux services interactifs, vers les écrans mobiles, mais aussi et surtout dans les modes de loisirs, de travail, d'accès à l'information, de consommation des services contribuant ainsi à des profondes mutations culturelles et sociales.

L'efficacité de la migration vers le numérique terrestre dépend cependant de trois paramètres, le progrès ou le retard de l'un ayant des conséquences sur l'état d'avancement de l'autre. Je veux parler du taux de couverture du territoire par les émetteurs numériques associés au câble et au satellite, du niveau d'équipement des ménages en récepteurs ou en décodeurs numériques, et enfin de l'attractivité et de la qualité des programmes et des services offerts en diffusion numérique. L'orchestration de ces trois mouvements nécessite une politique d'incitation et de coordination. Il est donc nécessaire dans la phase de transaction de créer une dynamique pour que le taux de couverture du territoire par le signal numérique, l'offre de programme et le développement du parc de récepteurs numériques progressent à un rythme synchrone et soutenu.

Cette réforme est certainement inéluctable, mais estelle souhaitable ? Pour qu'il s'agisse d'autre chose que d'une « ébriété » technologique, pour que cette réforme aille dans le sens que nous souhaitons, il faut que trois objectifs soient atteints : le premier concerne la part du public par rapport au privé, le deuxième la part des entrants par rapport aux sortants, et le troisième la part du local par rapport au national.

La télévision de service public a un rôle moteur. La nouvelle offre de France Télévision reposera sur une diversité maximale des centres d'intérêt, en particulier dans le domaine de la fiction, de l'information, du régional, du local, grâce à l'interactivité et à la duplication en numérique de France 2, France 3, La Cinq, avec le canal d'informations, le canal sports, le canal régional et local, le canal arts et culture avec Arte, le canal à vocation éducative avec La Cinq, le canal société et vie quotidienne et la chaîne parlementaire.

A gauche, nous continuons de vivre avec l'idée qu'un grand service public de télévision est une chance pour la France : parce qu'il peut offrir un espace de liberté pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

l a création sans être obnubilé par les critères de l'audience ; parce qu'il peut offrir un espace de respiration et un accès au débat public pour toutes les sensibilités que compte ce pays en dehors de considérations purement marchandes ; parce qu'il peut refléter la richesse et la diversité de nos cultures régionales sans privilégier une gestion mercantile de l'antenne ; enfin parce qu'il peut aussi respecter les minorités et les sensibilités de toutes les catégories de population, à commencer par les enfants, en s'interdisant tout racolage à base de violence ou de voyeurisme.

Le service public doit ainsi être au service de cette majorité immense de Français que constituent les téléspectateurs. Bref, le service public doit être au service du public.

I l apparaît cependant difficile que la télévision publique puisse jouer ce rôle essentiel pour la réussite de la mutation numérique et bénéfique pour la qualité des programmes sans qu'elle bénéficie de moyens spécifiques pour lui permettre cette avancée.

Il faut que l'actionnaire, c'est-à-dire l'Etat, soutienne le développement de cette activité nouvelle, avant que la diminution des charges de diffusion ne découle mécaniquement de l'abandon de l'analogique. Le financement pourrait être assuré par trois moyens, vous l'avez dit, madame la ministre, une dotation en capital au moment de la création de la société holding qui permettrait de faire face aux investissements de départ et aux pertes des premiers exercices : un accès à la redevance pour l'exploitation courante ; enfin, des économies à réaliser par le groupe grâce aux synergies à trouver entre les chaînes.

Vient ensuite le problème des entrants et des sortants.

Il est logique que de grands groupes se constituent et réunissent les capitaux nécessaires pour investir dans ces nouveaux médias. Mais il est indispensable que ces groupes soient suffisamment nombreux pour que ni l'information ni l'offre de programmes ne soient monocolores. Il nous faut veiller à garantir la diversité de l'offre télévisuelle.

Or seule l'émergence de nouveaux diffuseurs - et non pas le simple clonage des chaînes analogiques actuelles pourra renouveler l'offre télévisuelle, sortir l'ensemble de l'industrie audiovisuelle française du modèle audiovisuel dominant et lui donner des débouchés qu'elle attend depuis trop longtemps déjà.

Pour finir, madame la ministre, j'aborderai l'offre des télévisions locales.

La France connaît un retard étonnant dans le domaine de la télévision de proximité. Des télévisions locales ont tenté de trouver leur place et de perdurer mais, après dix ans d'expérience, elles n'ont pas su trouver le modèle économique qui aurait pu leur assurer viabilité et indépendance. Au lieu de contribuer au pluralisme, ces chaînes locales se sont au contraire bien souvent trouvées prises au piège des conflits d'intérêts entre des fiefs locaux entièrement étrangers à leurs missions, d'une part, et à un déséquilibre structurel de leurs comptes, d'autre part.

Mais au-delà du fait qu'elle représente un marché nouveau et prometteur, la télévision locale renferme en ellemême, du point du vue du débat social et de l'aménagement du territoire, la possibilité de mettre fin à une longue série de rendez-vous manqués entre les citoyens et leurs télévisions.

Il est un fait notable : malgré ces errements et ces difficultés, le public, lui, a toujours répondu présent en très grand nombre aux rendez-vous des programmes de proximité comme en témoignent les résultats d'audience.

Ainsi, les informations régionales de France 3 avoisinent quotidiennement une part de marché proche de 50 %.

Derrière ces chiffres d'audience exceptionnels, on s'accorde à pressentir une profonde aspiration du public à voir émerger une authentique télévision alternative, un traitement différent de l'actualité fondé sur la proximité.

Sur le plan de la programmation, les télévisions locales se sont en outre enfermées dans un cycle manque de moyens - manque de programmes qui a fait d'elles des télévisions dépendantes et économiquement instables.

Dans ce domaine, le numérique hertzien arrive à point nommé pour relancer la télévision locale. En ouvrant de nouvelles possibilités, il fait naître un espoir, celui d'une télévision plus proche du citoyen. Il s'agira, madame la ministre, de lui en donner les moyens.

La France pourra connaître dans dix ans un paysage audiovisuel profondément remanié avec un réaménagement complet de l'affectation du bien rare que constitue le spectre des fréquences hertziennes, des offres nouvelles, assez largement régionales et locales, mieux adaptées aux modes de vie des Français, de nouveaux opérateurs dans une perspective entrepreneuriale et un groupe audiovisuel public renforcé, sécurisé dans ses missions, son devenir et son financement.

Voilà pourquoi la France doit s'engager dans cette mutation et veiller à occuper en Europe l'espace numérique hertzien qui doit être le sien.

La télévision, madame la ministre, vous le savez mieux que quiconque, n'est pas un instrument comme les autres. Elle informe mais elle suggère aussi, elle montre mais fait aussi rêver. Je souhaite que la télévision de d emain permette aux téléspectateurs de mieux c omprendre le monde dans lequel nous vivons.

Comprendre les différences, les faire accepter sans les nier ni chercher à les réduire, n'est-ce pas pour elle un véritable objectif éthique ? N'est-ce pas là une nécessité vitale, c'est-à-dire tout simplement un devoir civique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour vingt minutes.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, est-ce le domaine audiovisuel qui veut cela ? Force est de constater que nous avons à faire à un projet de loi sous forme de feuilleton.

Présenté à l'automne 1998, le texte du Gouvernement, critiqué à la fois par le CSA et le Conseil d'Etat, doit être réécrit. Il est ensuite reporté en catastrophe lors de l'audition de Mme la ministre par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 1er décembre 1998.

Examiné finalement en mai 1999, le texte reste muet sur le numérique terrestre alors que le Gouvernement dispose déjà du rapport Cottet-Eymery.

Quant à la fusion de La Cinquième et de La SeptArte, justifiée pour éviter les gaspillages et mieux utiliser l'argent de la redevance, le projet avait été interrompu à la suite du renouvellement de l'Assemblée nationale au printemps 1997.

Pourtant, le texte enfin arrivé au Sénat en janvier 2000 alors que la fusion La Cinquième-Arte était en marche depuis plusieurs années, un nouveau coup de théâtre se produit avec le retrait du groupe de télévisions publiques de La Sept-Arte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Le numérique terrestre, l'enjeu de demain, est encore absent du texte en janvier et ce n'est que deux semaines avant le débat à l'Assemblée nationale que le Gouvernement présente ses propositions, sans étude d'impact et sans présentation d'une véritable stratégie.

Quelle est l'ambition de ce projet de loi pour le secteur public de l'audiovisuel ? L'un des enjeux fondamentaux de cette discussion est d'inscrire le développement du secteur public dans la nouvelle perspective industrielle et culturelle.

Pour cela, il faut d'abord redéfinir les missions. Il est manifeste que le secteur public peine à trouver son identité et le retrait de La Sept-Arte, qui présente une réelle spécificité, ne va pas améliorer cette situation.

De plus, on peut se demander quelles assurances donner au maintien de l'identité de La Cinquième au sein de la holding. C'est l'identité du service public qui lui donne sa légitimité.

Il faut ensuite redéfinir le périmètre. Cette question est particulièrement d'actualité depuis l'échec de la fusion dont on vient de parler. On doit en outre s'interroger sur la place à donner à la chaîne européenne dans le paysage audiovisuel français alors que France 3 détient 45 % de son capital.

Il faut enfin redéfinir le financement. Commençons par rappeler quelques chiffres. Le budget de l'audiovisuel public est de 18 milliards en France, contre 25 milliards en Grande-Bretagne, et 40 milliards en Allemagne. En six ans, la part du financement publicitaire a augmenté de 54 % pour France 2 et de 58 % pour France 3. Dans le même temps, la durée de la publicité progressait de 81 % pour France 2 et de 138 % pour France 3.

Dans ces conditions, plusieurs questions se posent. Le milliard et demi par an qui correspond au remboursement des exonérations de redevance sera-t-il suffisant pour financer le passage au numérique ? Les efforts de rationalisation de la gestion ne vont-ils pas être remis en question du fait de la séparation de La Cinquième et d'Arte ? La baisse de quelques minutes de la durée de la publicité est-elle de nature à donner une véritable identité au service public ou n'est-ce qu'un gadget dont les conséquences financières ne seront, malheureusement, évaluées qu'un an après l'application de la loi, c'est-à-dire trop tard ? On ne voit pas dans ce projet du Gouvernement émerger de véritable stratégie industrielle pour l'audiovisuel public.

L'autre enjeu de l'audiovisuel, c'est le contenu.

Face au rouleau compresseur des géants américains de la production audiovisuelle, le pluralisme exige en France et en Europe une volonté politique de soutien à la création. Les besoins de contenus audiovisuels vont exploser avec la multiplication des chaînes numériques et la demande exponentielle d'images pour Internet.

Les créateurs et les producteurs de programmes audiovisuels affichent leur inquiétude face au projet de loi débattu aujourd'hui. Preuve en est qu'ils font front commun pour la première fois, notamment lors des Etats généraux de la création audiovisuelle qui ont eu lieu hier à Paris.

Les professionnels estiment que les sommes prévues pour compenser le manque à gagner d'une baisse de la publicité sur les chaînes publiques ne seront pas suffisantes pour assurer le développement de leur activité alors qu'ils sont déjà moins bien aidés que leurs collègues britanniques ou allemands.

Par ailleurs, avec le texte qui nous revient du Sénat, - et il a déjà été fait allusion à l'amendement de M. Cha rasse -, il est permis de s'interroger sur la constitutionnalité du contrôle des sociétés d'auteurs, sociétés privé es, par la Cour des comptes qui a pour mission de contrôler les services de l'Etat et des collectivités territoriales. Nous sommes nombreux à proposer la suppression de cet amendement inopportun.

Le volet le plus novateur du projet de loi concerne la télévision numérique terrestre.

Nous sommes tous d'accord sur l'objectif : la France doit s'engager dans la voie du numérique audiovisuel pour tous. Là où il y a divergence profonde, c'est sur la méthode car l'accès de tous au numérique audiovisuel peut revêtir plusieurs formes et les choix en la matière auront des conséquences multiples. Or, les choix du Gouvernement ont été à la fois tardifs et lacunaires.

Tardifs tout d'abord car ils n'étaient pas inclus dans le projet de loi présenté en 1999, ni même il y a deux mois au Sénat. Ils ont été introduits de manière improvisée, entre deux lectures, et sans audition de la ministre. Le Gouvernement n'a présenté ses propositions que sous forme d'amendements, quelques semaines avant le débat à l'Assemblée nationale.

Des choix tardifs aussi car nos partenaires étrangers, nos voisins européens notamment, se sont depuis longtemps déjà engagés dans le numérique terrestre. Ainsi, la Grande-Bretagne et la Suède ont adapté leur cadre juridique au numérique hertzien en 1996 et l'Espagne en 1998. La plupart de nos partenaires ont commencé leur phase d'expérimentation en 1998 et généralement le lancement commercial est prévu au plus tard en 2002. Il est donc grand temps que la France s'engage juridiquement, puis commercialement, sur la voie du numérique audiovisuel.

En outre, les choix du Gouvernement ont été doublement lacunaires.

D'une part, ces choix sont dépourvus de rationalité interne. Ils n'ont pas fait l'objet d'une étude d'impact économique et culturel. En effet, malgré quatre rapports publics demandés par le Gouvernement depuis 1996, aucune étude chiffrée n'a été fournie. TDF, qui sera le principal bénéficiaire de cette relance de l'activité, s'est toujours refusé à fournir les éléments nécessaires à l'é valuation de ces charges. A fortiori, aucun élément dans les propositions actuellement étudiées par le Gouvernement ne permet de préciser qui devra demain supporter la charge.

Notre rapporteur a précisé en commission que « la question du financement sera effectivement traitée en loi de finances, les arbitrages sur l'engagement du service public dans le numérique terrestre ayant été rendus par le Gouvernement en toute connaissance de cause. » Il est

dommage que le Parlement, qui n'est pas informé des arbitrages rendus en matière économique et financière, ne puisse voter en « connaissance de cause » l'adaptation du cadre juridique.

Une autre lacune mérite d'être soulignée dans le projet qui nous est présenté, c'est l'absence d'engagement en faveur de la valorisation de l'atout principal du numérique terrestre, c'est-à-dire la mobilité. Parce que le numérique terrestre affranchit de toute connexion filaire, il rend possible l'accès à des services dans des conditions beaucoup plus intéressantes. Il est plus proche de la demande des consommateurs qui ont adopté le nomadisme technologique dans déjà beaucoup de domaines.


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Dès son lancement, il faudrait que nous ayons l'engagement que seront mis en oeuvre les moyens pour valoriser cet atout qu'est la mobilité.

D'autre part, les choix du Gouvernement - du moins tels qu'on a pu les apprécier en l'absence d'auditions et d'étude d'impact - nous paraissent détachés d'une stratégie cohérente.

Il y a plusieurs moyens d'atteindre l'objectif du numérique pour tous. A côté de la numérisation de la télévision hertzienne, qui nécessite un téléviseur numérique ou un décodeur, il existe d'autres moyens comme l'équipement des foyers français en récepteurs satellites ou en réseaux câblés ou encore - et cela est très prometteur puisque la quasi-totalité des foyers français sont abonnés au téléphone filaire - la réception du multimédia par le téléphone grâce aux techniques ATM, ADSL et autres.

En Grande-Bretagne, les clients de l'opérateur de téléphone Kingston peuvent aujourd'hui recevoir par téléphone, pour 120 francs par mois, une trentaine de chaînes - plus s'ils s'abonnent à d'autres bouquets - et visionner des films à la demande. Ce n'est donc pas une utopie mais une réalité qui devrait être prise en considération dans les choix qui nous sont proposés.

Pour des raisons qui demandent à être explicitées mais qui ne le sont pas encore, le Gouvernement a choisi une voie plutôt qu'une autre. Il est dommage que ce choix nous soit proposé alors que certaines questions n'ont pas été étudiées jusqu'au bout sur la place publique et au sein du Gouvernement.

J'ajoute que ces moyens d'accès, par le téléphone, au multimédia et à l'Internet sont une raison supplémentaire d'opérer rapidement le dégroupage de la boucle locale filaire, ainsi que je l'ai proposé par amendement. J'y reviendrai lors de la discussion des articles.

La France a-t-elle intérêt à encourager le développement simultané des différents moyens d'accéder au numérique ou à focaliser son attention sur l'un d'eux ? Per-s onnellement, je n'ai pas de réponse à apporter aujourd'hui. J'aurais pourtant souhaité que le Parlement dispose de l'ensemble des informations pour savoir si la dispersion de nos interventions risque d'affaiblir les moyens de l'audiovisuel français ou s'il faut laisser jouer tous les moyens possibles d'atteindre l'objectif que nous partageons les uns et les autres, à savoir l'accès du numérique pour toute la population française.

La question de l'ouverture de la concurrence entre l'Internet et la télévision n'est pas non plus traitée dans le projet qui nous est présenté par le Gouvernement. Or, même si la télévision garde l'avantage en matière de consommation audiovisuelle, l'Internet est un rival sans précédent qui oblige déjà la télévision à être inte ractive et connectée à la toile.

Les choix du Gouvernement ne me semblent pas non plus répondre à la question essentielle de savoir comment l'Europe rééquilibrera l'économie numérique largement dominée par les Etats-Unis.

Comme le souligne Laurent Cohen-Tanugi, le « nouvel ordre numérique » ne se rééquilibrera que si l'Europe surmonte ses handicaps : « fragmentation du marché, incapacité des "champions nationaux" à s'unir, rigidité des marchés du travail et des capitaux, aversion à l'égard du risque et du changement », - on vient d'en voir des illustrations - « faiblesse de l'investissement en recherchedéveloppement, maintien tardif des industries concernées sous régime administré, voire sous monopole étatique, inefficacité de l'intervention publique, fiscalité pénalisante... ».

Vaste programme, que le projet de loi ne risque pas d'entamer sérieusement. Pourtant, il faut rééquilibrer sans attendre l'économie numérique au bénéfice de l'Europe.

Et la France a un rôle irremplaçable à jouer.

Autre volet important de ce projet : l'Internet. Puisqu'on ne peut plus attendre le projet de loi relatif à la société de l'information, continuellement repoussé, il est nécessaire de profiter de l'occasion offerte par la discussion de ce projet de loi pour régler certains problèmes urgents. Le Gouvernement nous a d'ailleurs donné l'exemple, puisqu'il a fait figurer dans un projet de loi séparé la signature électronique et la force probante des documents électroniques, montrant ainsi que certaines questions ne pouvaient pas attendre. Dans le même temps, il a accepté que le problème de la responsabilité des fournisseurs et des hébergeurs soit traité dans le projet de loi qui vient aujourd'hui en discussion.

Mais d'autres problèmes relatifs au développement de l'Internet appellent également un règlement urgent et ne sauraient attendre une loi hypothétique et sans cesse repoussée sur la société de l'information.

Premier problème : la responsabilité des fournisseurs d'accès.

La recherche d'un équilibre juste doit présider lors de l'édification du système de responsabilité : la responsabilité de l'éditeur de contenu doit être la règle, celle du fournisseur d'accès ou d'hébergement doit être strictement limitée à certains cas limitativement énumérés, et celle des plaignants de mauvaise foi doit pouvoir être engagée. C'est l'objet d'un amendement que j'ai déposé avec André Santini et qui reprend un amendement que j'avais déposé en mai 1999. Cet amendement va plus loin que le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Il vise à préciser davantage les cas où la responsabilité de ces intermédiaires techniques peut être engagée ; à prévoir des sanctions en cas de manquement aux obligations définies, parce que les obligations sans sanction n'ont pas beaucoup d'efficacité ; et à établir des mesures dissuasives afin d'éviter les recours intempestifs. Bref, il propose un système équilibré de responsabilité.

Deuxième problème urgent, que j'ai évoqué tout à l'heure : le dégroupage.

Le dégroupage est reconnu par les instances communautaires, par le Conseil de la concurrence, par l'Autorité de régulation des télécommunications, et par le Gouvernement depuis l'été dernier, comme le seul moyen d'accélérer en France, comme partout ailleurs, le développem ent sur tout le territoire d'offres innovantes et compétitives des services d'accès à l'Internet à haut débit.

L'extraordinaire développement de la téléphonie mobile montre que, là où la boucle locale peut être contournée, la concurrence se révèle très bénéfique pour le consommateur. Prix des télécommunications, prix des terminaux, taux de couverture, variétés des services : une nouvelle économie s'est ainsi développée.

Le câble et la boucle locale radio sont, entre autres, des moyens de s'affranchir de l'absence de concurrence sur la boucle locale filaire.

Mais le dégroupage permettra de développer la concurrence pour l'utilisation du téléphone, des techniques ATM, ADSL et autres, grâce auxquelles il est déjà possible de recevoir par téléphone, en Grande-Bretagne et dans d'autres pays, des films et la télévision.

Pourtant, le Gouvernement semble vouloir en rester aux intentions affichées sur ce dossier depuis l'été dernier alors même que de nombreux autres pays européens ont déjà mis en oeuvre le dégroupage. La loi sur la société de


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l'information, je l'ai rappelé, n'est pas inscrite à l'ordre du jour du Parlement. Il nous semble nécessaire de profiter de l'occasion de ce texte de loi pour passer aux actes, pour que la France ne reste pas à la traîne en matière d'accès à l'Internet à haut débit.

Troisième problème urgent : la place laissée à l'Internet dans le numérique terrestre.

Il est indispensable de ne pas le laisser à l'écart de l'offre des fréquences en numérique terrestre. En effet, il est important de préserver une partie de la bande pour l'Internet afin d'éviter que celle-ci ne soit éventuellement accaparée par la téléphonie mobile ou par d'autres services.

Etant donné par ailleurs que 20 % des lignes téléphoniques ne sont pas adaptées à l'ADSL et ne pourront donc pas bénéficier du haut débit sur le territoire français dans l'état actuel des techniques, la télévision numérique terrestre peut constituer une voie descendante à haut débit susceptible d'assurer une quasi-égalité de traitement en matière d'accès à l'Internet quel que soit l'endroit du territoire où l'on se trouve.

En conclusion, en raison des nombreuses questions que le Gouvernement a laissées sans réponse, le groupe du RPR ne votera pas ce projet de loi en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, pour dix minutes.

M. Noël Mamère.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la seconde lecture d'un texte est toujours l'occasion de faire un bilan des occasions manquées et de s'expliquer franchement sur les manques et sur les insuffisances de notre travail en cours.

C'est donc ce que je ferai. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ce texte n'est ni le pire ni le meilleur de ceux qui ses ont succédé depuis 1981 concernant l'audiovisuel public : la création du holding de France Télévision, le remboursement des exonérations de la redevance, la prise en compte du secteur associatif de la télévision, un projet relativement lisible concernant le numérique hertzien. Ce sont autant d'évolutions notables, et nous en convenons.

Je voudrais vous faire part ici, madame la ministre, mes chers collègues, de quelques doutes et peut-être de quelques déceptions.

Nous continuons à regretter que le Gouvernement ne soit pas allé jusqu'au bout de ses intentions proclamées dans le discours d'investiture du Premier ministre et qu'il n'ait pas annoncé la suppression de la publicité sur le service public pour permettre à celui-ci de rejoindre, par exemple, la BBC dans son rôle de pôle d'excellence à l'échelle européenne.

Dans sa déclaration de politique générale de juin 1997, le Premier ministre avait indiqué : « A la télévision, favoriser le pluralisme, c'est encourager et soutenir un service public fort et de qualité, ce qui impose de rééquilibrer le partage actuel entre les resssources publiques et les recettes publicitaires. »

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est ce que je fais !

M. Noël Mamère.

La crise du service public ne se résoudra pas par un changement d'hommes à sa tête, mais par la volonté de rompre structurellement avec la course folle à l'audimat.

Le rééquilibrage de la structure du financement par la mise en oeuvre anticipée de la réduction de la durée de la publicité sur les antennes de France 2 et de France 3 deviendra une réalité dès l'année 2000. Mais ce rééquilibrage se fait à doses si homéopathiques que la rupture avec l'ancien système ne se verra pas vraiment à l'écran.

En effet, la part du financement public passera de 69,4 % en 1999 à 74 % en 2000. Qu'est-ce que cela changera réellement aux pratiques de la chaîne et à celles des téléspectateurs ? Nous persistons à penser que le Gouvernement n'a pas eu le courage politique d'augmenter sur cinq ans, comme nous le proposions, la redevance pour la porter au niveau de l'Allemagne ou de l'Angleterre et donner ainsi au nouveau holding, dont nous soutenons la création, les moyens financiers et structurels de sa politique de programmes 1999.

Cette bataille pour la télévision publique n'est pas conservatrice. Elle est d'une importance décisive sur les plans culturel et politique. A partir du moment où elle domine sans partage le paysage audiovisuel français, la télévision commerciale uniformise les goûts des téléspectateurs. Par son existence même, le service public contribue à les diversifier. En ce sens, il est un facteur de pluralisme.

Une réforme de la redevance, qui, cette année, n'augmentera que de 0,9 %, s'impose. Il faut lutter contre la fraude en inscrivant par exemple la redevance dans le cadre de la taxe d'habitation, en organisant la transparence et en informant tous les téléspectateurs sur son utilisation. La redevance en France est notablement inférieure à la plupart des pays d'Europe. Il faut donc la relégitimer aux yeux des Français et lui donner un rôle de levier du financement de l'audiovisuel public.

Nous nous obstinons à déplorer que la France soit le seul pays d'Europe où une seule chaîne, TF 1, rafle plus de la moitié des recettes publicitaires, étouffe ses concurrents en fixant un prix de la publicité lui permettant de peser sur le marché à la manière d'un monopole.

M. Olivier de Chazeaux.

A qui la faute ?

M. Noël Mamère.

La France a des tarifs publicitaires pratiquement aussi bas que ceux de la Grèce.

Nous nous indignons qu'aucune proposition conséquente anticoncentration n'ait été faite pour s'opposer à la domination de ces nouveaux monopoles qui peuvent contrôler sans aucun contrepoids l'imaginaire collectif de nos concitoyens, qui « marchandisent » sans vergogne un espace-temps essentiel : 98 % des Français ont une télévision qu'ils regardent en moyenne trois heures trente par jour ! Nous nous entêtons à croire qu'il faut renforcer l'autorité de régulation, et que ce texte, en faisant l'impasse sur la réforme du CSA, délégitime cette instance comme l'a tristement montré le dernier épisode de la publicité des sites Internet à la télévision. L'Etat et le Parlement doivent choisir entre revenir au ministère de l'information des temps révolus ou instaurer des rapports normalisés avec une autorité indépendante qu'il conviendrait de renforcer, à l'instar de la FCC américaine ou de l'ITV anglaise.

Nous nous interrogeons sur les raisons qui amènent le décideur politique à s'occuper du contenant plus que du contenu, à réglementer plus qu'à réguler, à fragiliser une production audiovisuelle qui, à l'inverse de celle d'autres grands pays européens, connaît une véritable récession


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parce qu'elle est victime d'un système autarcique des chaînes de télévision, dommageable pour sa place sur le plan international.

Nous nous étonnons que l'on ne réfléchisse pas plus sur la place respective et complémentaire du câble, du satellite et du numérique, que l'on ne tienne pas plus compte du précédent constitué par le plan câble qui a été déstabilisé par le lancement de Canal Plus, que l'on parle du numérique hertzien sans tenir compte de la convergence des télécoms, de l'informatique et de l'audiovisuel, qui bouleversera dans peu de temps notre approche de la télévision.

Face au nouvel ordre numérique, cette accumulation de négligences est regrettable et ne permettra pas de faire de ce texte une grande loi. Nous resterons une fois de plus au milieu du gué, confinés entre les lobbies installés du bâtiment ou des eaux qui ne veulent pas de nouveaux entrants, et Bercy qui a peur de laisser la bride sur le cou à France Télévision. Une occasion de plus n'a pas été saisie. Et c'est dommage.

Vous n'êtes certainement pas, madame la ministre, la responsable de cet état de fait et je me garderais bien de vous transformer en bouc émissaire. Le paysage audiovisuel français subit l'héritage de décennies d'immobilisme et de décisions irresponsables comme celles de la première cohabitation où l'on avait bradé la chaîne amiral du service public en utilisant le prétexte du mieux-disant culturel. Mais vous auriez pu, nous aurions pu aller plus loin et profiter du passage au numérique pour nous ressaisir.

Et pourtant, parce que, dans ce cas, la bouteille est à moitié pleine, nous voterons ce texte, parce qu'il traduit quatre préoccupations que nous faisons nôtres : l'innovation technologique et l'adaptation du service public à la rapidité de cette évolution ; le renforcement des missions de service public par des choix de programmation moins soumis aux recettes publicitaires et la mise en cohérence du secteur public grâce au holding de France Télévision ; la légalisation des télévisions associatives, amendement du Gouvernement adopté à l'initiative des Verts ; les premiers pas d'une approche responsable de l'Internet grâce à un amendement de nos amis socialistes sur la responsabilité des hébergeurs.

Vous avez initié ces réformes, madame, un peu timidement à notre goût mais vous avez eu, et ce malgré les difficultés, le mérite de tenir bon le cap. Ce texte en est la traduction.

Nous voudrions cependant vous poser trois questions.

La première concerne la réalité du financement de France Télévision et de sa filiale numérique. Quel est le financement prévu dans la loi de finances rectificative ? Malgré la rupture introduite cette année dans le budget de l'audiovisuel par la rétrocession des exonérations de redevances, le déficit budgétaire risque de se retrouver, comme chaque année, à l'ordre du jour.

La deuxième question concerne la naissance d'un tierss ecteur de l'audiovisuel qui, à côté des télévisions publique et privée, autorise la naissance et le développement de télévisions citoyennes, associatives, régionales, locales ou thématiques et d'accès public en anologique, en numérique et sur le câble. Nous sommes heureux des avancées réalisées en ce domaine.

Il s'agit de créer, à côté du secteur public et du secteur commercial, un troisième secteur de la communication audiovisuelle, dit « tiers secteur ». Constitué par des chaînes de radios et de télévisions, locales, régionales ou nationales, issues du droit commun, diffusées par voies hertziennes terrestres, réseaux câblés et par satellites, il s'inscrit dans le champ de l'économie solidaire et sociale dont il respecte les principes, les objectifs et les modalités de fonctionnement. Ces principes, synthétisés par la charte de l'économie sociale adoptée en 1980, reposent sur l'indépendance par rapport à l'Etat et au marché, sur le fonctionnement démocratique et sur le but non lucratif.

Nous souhaitons que ces télévisions puissent avoir droit à une fenêtre nationale et à un transport gratuit financé par les distributeurs de service sur le numérique.

Mais nous vous demandons instamment, madame la ministre, de nous répondre au sujet du financement et de la reconnaissance d'un statut pour ces nouvelles télévisions. Rien ne serait plus dangereux que d'avoir créé l'illusion d'une liberté sans en donner les moyens effectifs.

M. Jean-Marie Le Guen.

Absolument !

M. Noël Mamère.

Nous avons proposé la création d'un fonds de soutien aux télévisions associatives, financé par les recettes publicitaires de la télévision, sur un modèle qui existe depuis dix-huit ans pour les radios associatives.

Les dizaines de projets citoyens qui attendent dans les starting-blocks de pouvoir émettre librement seront attentifs, madame la ministre, aux réponses que vous nous apporterez.

Le temps qui m'est imparti est terminé. Je voulais vous poser une troisième question sur les choix de la tutelle en matière de numérique. Mais puisque je dois laisser la parole à un autre de mes collègues, je dirai simplement que le pluralisme et la diversité doivent être les piliers de ce nouveau paysage audiovisuel.

Madame la ministre, les Verts veilleront au respect de ces vertus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour cinq minutes.

M. Rudy Salles.

En introduction de mon propos, permettez-moi, madame la ministre, de vous exprimer mes regrets pour la façon dont l'Assemblée nationale a été traitée à l'occasion de cette deuxième lecture.

En effet, il y a près d'un an, nous examinions ici même ce projet de loi qui avait eu d'ailleurs beaucoup de mal à prendre forme. Je ne vous rappellerai pas les moments douloureux que vous avez dû passer pour faire accepter à votre propre majorité un projet de loi fort mal perçu par l'ensemble des spécialistes de l'audiovisuel.

Il y a près d'un an, nous dénoncions avec force les insuffisances de votre texte, qui se caractérisait davantage par ses carences que par ses apports. Nous avions notamment insisté sur l'absence totale de référence au numérique terrestre, pourtant déjà opérationnel dans nombre de pays comme l'indique d'ailleurs le rapporteur en deuxième lecture. Vous aviez alors répondu que vous souhaitiez que le Gouvernement engage une réflexion approfondie et que nous aurions l'occasion d'en débattre le moment venu.

Il semble que ce moment soit arrivé puisque vous avez déposé des amendements tendant à introduire le numérique terrestre dans l'audiovisuel français.

Je remarquerai tout d'abord qu'il est tout à fait inhabituel qu'une réforme de cette importance se glisse subrepticement dans un débat parlementaire en seconde lecture et sous forme d'amendements. Vous privez ainsi le Parlement d'un examen en première lecture, c'est-à-dire de l'étude approfondie d'un texte dont les retombées tech-


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nologiques, industrielles, économiques, financières, et même au plan de la liberté de communication, seront considérables.

Pis encore, vous avez refusé, malgré nos demandes insistantes auprès du président de la commission des affaires culturelles familiales et sociales, de venir exposer ces nouvelles dispositions devant notre commission. Nous avons su, par ailleurs, que le rapporteur avait disposé de vos amendements la veille seulement de la réunion de notre commission.

M. Marcel Rogemont.

C'est un grand travailleur ! (Sourires.)

M. Rudy Salles.

Répondre à nos questions le lendemain est apparu pour lui comme un exercice de haute voltige.

M. Michel Françaix.

Il a été très bon !

M. Rudy Salles.

Tout à fait !

M. Michel Françaix.

Alors, passons à autre chose !

M. Rudy Salles.

Mais il eût été encore meilleur si, madame la ministre, vous étiez venue !

M. Marcel Rogemont.

Allez savoir ! (Sourires.)

M. Rudy Salles.

Enfin, pour clore sur la présentation de ce projet, il faut avoir lu Le Monde du mercredi 15 mars pour connaître les modalités d'installation du numérique hertzien. C'est désormais par voie de presse que les députés doivent être tenus informés des communications du Gouvernement ! Comment ne pas s'interroger sur le rôle des commissions parlementaires et sur la considération que vous avez pour les travaux du Parlement ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce propos n'est pas sérieux !

M. Michel Françaix.

Comment pouvez-vous en douter, monsieur Salles !

M. Rudy Salles.

Je noterai néanmoins au passage que vous avez présenté votre projet au groupe socialiste. Vous donnez ainsi la priorité à vos amis et non à la représentation nationale. C'est regrettable pour nous et surtout pour le Parlement.

Je n'insisterai pas davantage sur ce point qui a déjà été évoqué et qui le sera sans doute encore. Cela aura également pour conséquence d'allonger la durée de nos débats en séance publique, puisque nous serons amenés à vous poser les questions qui auraient dû être abordées avec vous en commission. Il ne faudra donc pas nous accuser de vouloir faire de l'obstruction quand notre seul souci est d'accomplir sérieusement notre travail de parlementaires.

Après ces quelques remarques sur la forme, je voudrais souligner l'improvisation de ce texte, qui ne jette en aucun cas les bases de l'audiovisuel de demain.

M. Marcel Rogemont.

Mais si !

M. Rudy Salles.

Le holding France Télévision est une sorte d'ORTF en pire. Vous créez une superstructure qui sera budgétivore et paralysante.

M. Michel Françaix.

Pessimiste !

M. Olivier de Chazeaux.

M. Salles a raison !

M. Rudy Salles.

Vous découragerez les PDG les mieux disposés et les personnels les plus motivés. De plus, l'absence de définition claire des missions des différentes chaînes rend cette construction encore plus hasardeuse. Et même si un effort a été entrepris pour essayer de définir ce que doit être le service public de l'audiovisuel, permettez-moi de vous dire que la confusion des genres continuera de régner dans ce domaine.

L'adjonction, dans un premier temps, de la chaîne Arte - et ce, malgré nos mises en garde -, puis son retrait de la holding aujourd'hui est une illustration de l'improvisation que j'évoquais précédemment. Ce retrait pose d'ailleurs désormais la question du rapprochement avec La Cinquième dont la mise en commun d'un certain nombre de moyens avait commencé. Les dirigeants et les personnels de La Cinquième s'inquiètent à juste titre de leur situation devenue précaire. Peut-on imaginer une situation pérenne pour cette société de programme de taille très modeste dans une structure qui comprend deux sociétés mammouths, France 2 et France 3, dont l'histoire, la taille et l'objet, et les budgets en font des sociétés incomparables et qui risquent rapidement de l'étouffer.

Incohérence aussi au niveau de RFO. Si vous décidez de créer une super-holding de l'audiovisuel public dans laquelle vous aviez l'intention d'intégrer une chaîne pour moitié étrangère, on peut se demader ce qui vous conduit à refuser d'y comprendre la présence d'une société bien française comme RFO qui rayonne sur les DOM-TOM.

C'est une demande exprimée par nombre d'élus des DOM-TOM à laquelle il doit être répondu clairement. A cet égard, je ne crois pas que l'accord privilégié entre RFO et France Télévision dont vous nous avez parlé précédemment réponde précisément à cette attente.

Je voudrais également revenir sur un sujet longuement évoqué en première lecture : la baisse du volume de la publicité sur France Télévision. Le souci affiché par le Gouvernement est de faire en sorte que la télévision publique soit moins contrainte par la publicité et privilégie ainsi la qualité et l'originalité des programmes. Or cette diminution en volume, et donc en temps de diffusion, sera assez peu perceptible par le téléspectateur. En outre, la publicité continuant d'avoir droit de cité sur les antennes publiques, celles-ci devront de toute évidence avoir des comportements s'apparentant à ceux des chaînes commerciales, comme c'est le cas actuellement. Seule la suppression totale de la publicité comme cela existe sur la BBC, société de référence mondiale, peut permettre la création d'une télévision de service public vraiment originale. Mais cela ne peut pas se faire, j'en conviens, avec un nombre de chaînes publiques aussi important. Là aussi, il eût fallu faire des choix.

Je pourrais également vous demander pourquoi votre projet de loi est muet sur la télévision locale alors que c'est une attente forte des téléspectateurs.

M. le président.

Monsieur Salles, il faudrait vous acheminer vers votre conclusion. J'ai déjà été très tolérant.

Alors que vous disposiez de cinq minutes, vous parlez déjà depuis sept minutes et demie.

M. Rudy Salles.

Je rattrape le temps perdu en commission, où je n'ai pas pu m'exprimer devant la ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Salles, c'est votre groupe qui a décidé de la répartition des temps de parole pour chacun de ses membres. Cinq minutes, c'est forcément court !

Mme Catherine Tasca.

C'est à la mesure de leur attachement au secteur public !

M. Rudy Salles.

L'arrivée du numérique hertzien aura des conséquences positives sur le développement des télévisions locales. Plusieurs projets existent, soit dans le


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cadre de la société M 6, qui demande à ce qu'une coupure publicitaire lui soit accordée pour produire des programmes locaux, soit dans le cadre de la presse quotid ienne régionale qui projette la réalisation d'une syndication. Je vous rappelle que cette presse est aujourd'hui en difficulté et cherche à diversifier son image.

M. Michel Françaix.

N'exagérons rien !

M. Rudy Salles.

Nous devons évidemment tout faire pour assurer le maintien d'une presse quotidienne régionale forte et élargie vers des supports complémentaires.

Votre présence en commission aurait permis de connaître votre point de vue sur cette importante question.

J'arrêterai là mon propos, madame la ministre. Sachez que nous attendons des éclaircissements sur les intentions du Gouvernement sur ces différents points car votre projet s'apparente davantage à du bricolage qu'à un grand chantier.

M. Michel Françaix.

Oh !

M. Rudy Salles.

Je vous demande de bien vouloir m'excuser pour la sévérité de mes propos, mais tant le fond que la forme de vos propositions nous paraissent inadaptés aux enjeux qui s'imposent en la matière. C'est pourquoi nous attendons de votre part des réponses claires. Surtout, nous souhaitons que le débat fasse l'objet d'une écoute attentive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Olivier de Chazeaux.

Excellente intervention !

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour dix minutes.

Mme Catherine Tasca.

Madame la ministre, la modification de loi sur la liberté de communication doit nous permettre aujourd'hui prioritairement deux choses : réaffirmer le rôle du service public audiovisuel et participer à l'émergence de la télévision numérique hertzienne. Je me contenterai d'aborder trois points : la mission propre du secteur public audiovisuel, la place de La Cinquième en son sein et le développement du numérique.

Depuis le commencement des débats sur ce texte, la géographie de la future holding France Télévision a considérablement évolué. On est passé du rêve de quelques-uns, heureusement très vite abandonné, d'y rassembler la totalité de l'audiovisuel public de Radio France à France 3 en passant par RFO, à une étape intermédiaire avec France 2, France 3, La Cinquième et La Sept-Arte.

A mon sens, la défection récente de cette dernière n'était ni juridiquement, ni diplomatiquement inévitable, et si elle a été voulue par ses dirigeants français et allemands, je ne suis pas sûre que cela soit profitable à l'avenir d'Arte. En tout cas, ce n'est guère compréhensible si cette chaîne se situe toujours dans le projet global de l'audiovisuel public.

Cela dit, c'est à partir de son nouveau périmètre qu'il faut refonder clairement les missions et les moyens de la nouvelle structure juridique publique. Pour ce faire, nous devons d'abord réaffirmer notre volonté, non pas de combattre frontalement le bloc audiovisuel privé ou de le concurrencer sur les mêmes terrains et avec les mêmes modèles, mais bien de rééquilibrer l'ensemble de l'offre télévisuelle française par un bloc public fort, c'est-à-dire dynamique et identifiable. Je trouve que nous ne sommes pas toujours assez clairs sur cet objectif.

M. Laurent Dominati.

C'est vrai !

M me Catherine Tasca.

Nous devons le rappeler aujourd'hui sans ambiguïté car c'est ce qui donne sens à ce texte. Les chaînes publiques et privées participent certes du même « marché » de la production, du même

« marché » des programmes, du même « marché » publicitaire, si bien que, d'un même élan, on mesure l'audience, on compare, et on peut être tenté d'oublier l'objectif spécifique du secteur public : offrir au téléspectateur une alternative au secteur commercial. Pour chacun, ce choix n'a pas besoin d'être exclusif ou dominant, il doit seulem ent rester constamment présent, aujourd'hui plus qu'hier, et demain plus encore. C'est bien en cela que votre projet de loi et notre vision de l'avenir se séparent radicalement de la perspective proposée par M. Dominati à grand renfort de libéralisme.

Dès lors, et c'est mon deuxième point, l'ancrage solide de La Cinquième dans le groupe audiovisuel public est indispensable. C'est un atout encore modeste mais qui mérite d'être renforcé. Sans bruit, sans communication excessive, cette chaîne a trouvé un ton, des publics, des thèmes qui manquaient à la palette du secteur public et dont on sent bien l'utilité. J'espère que son émancipation de sa brève liaison avec La Sept-Arte n'affaiblira pas La Cinquième et lui ouvrira des perspectives de développement au sein de la holding.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah, l'émancipation d'une liaison ! (Sourires.)

Mme Catherine Tasca.

Il y a plus de dix ans, la création de la présidence commune avait engagé entre France 2 et France 3 un mouvement que j'espère irréversible de rapprochement, de coordination et de mise en commun des intelligences et des projets. Nous ne devons pas oublier, en effet, combien elles s'ignoraient et se combattaient auparavant. L'avenir de La Cinquième devrait conforter cette cohérence et les synergies du secteur public.

A l'article 2 du projet de loi, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté un amendement faisant de La Cinquième une société de programmes à rang égal avec les autres sociétés de France Télévision.

J'espère que le Gouvernement souscrira à cette démarche.

Nous resterons vigilants sur l'avenir de cette chaîne au sein de France Télévision, parce qu'il est de la nature même du service public de s'adapter à l'évolution sociale et à la demande de « savoir » de nos concitoyens et qu'il n'existe aucune raison de laisser au seul secteur privé l'initiative de répondre à cette demande, l'initiative de l'innovation.

Je tiens à le souligner, l'audiovisuel public que nous défendons n'est pas celui d'hier, mais bien celui de l'avenir, et plus particulièrement celui des nouveaux espaces du numérique. Le numérique terrestre, beaucoup l'ont dit avant moi, doit faire partie intégrante du modèle de développement du service public que nous continuons ici de construire. Il doit être une chance à la fois pour les producteurs, les chaînes et les téléspectateurs. Grâce à lui , l'audiovisuel de demain pourra offrir à tous un accès à la société de l'information et aux chaînes thématiques, donc plus de liberté, plus d'égalité. France Télévision doit avoir un rôle d'impulsion dans le développement du numérique et d'une offre gratuite.

Le projet de loi et les derniers amendements, notamment à l'article 20 A du texte, apportent une réponse qui concilie le système d'attribution prioritaire des fréquences aux chaînes publiques avec la nécessité de faire une place


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aux opérateurs privés déjà installés ainsi qu'à ceux qu'o n appelle « les nouveaux entrants », parmi lesquels les télévisions locales et associatives.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme Catherine Tasca.

Entre la répartition fréquence par fréquence et celle par multiplexe, c'est une voie moyenne qui a été choisie, dont la mise en oeuvre peut s'avérer difficile. Votre texte laisse en effet toute latitude au CSA pour la répartition des fréquences numériques, sans poser de règles en ce qui concerne l'étendue géographique et le calendrier de ces attributions. Or, ces deux paramètres peuvent être décisifs pour le décollage ou le non-décollage de cette activité nouvelle. L'Etat ne peut-il dessiner plus précisément sa vision à long terme dans ce secteur ? Deux remarques encore en ce qui concerne l'avenir de l'audiovisuel public, notamment avec l'essor du numérique.

Tout d'abord, l'avenir de la télévision numérique passe par la diversité des contenus. Comme l'a fort justement souligné Michel Françaix, c'est par sa participation à la création, et donc à la production, que l'audiovisuel public remplira son rôle. Dans le contexte européen et mondial, la production est un enjeu essentiel. Sans elle, le service public n'aurait plus de raison d'être. Je constate avec plaisir que France Télévision s'est engagée activement dans ce défi.

Par ailleurs, la compétition des contenus passe par des moyens financiers conséquents. Afin que la production française puisse se hisser au niveau de celle de nos voisins anglais et allemands, le projet de loi apporte des réponses intéressantes. La possibilité qu'il offre à France Télévisio n, dans son article 2, de créer des filiales, pour financer de façon indépendante le développement et les programmes du numérique, est positive.

Il faudra, madame la ministre, que ce débat soit l'occasion pour l'Etat actionnaire de prendre des engagements forts sur le financement de l'audiovisuel public. La question du financement est cruciale, alors que vous avez justement restreint le recours à la publicité sur les chaînes publiques, après que le CSA a de son côté, accru les possibilités de publicité sur les chaînes privées.

Mme Frédérique Bredin.

Incroyable !

Mme Catherine Tasca.

Double aubaine pour celles-ci.

Cela éclaire d'un jour particulier le débat ressurgi tout récemment sur l'éventuelle suppression de la redevance.

Fort heureusement, l'idée semble abandonnée. Supprimer la redevance constituerait une double erreur - sans parler de l'incohérence avec l'article 6, qui prévoit enfin le remboursement intégral des exonérations. D'abord parce qu'il n'y a aucune chance de compenser durablement au budget cette perte de ressource. Ensuite parce que, symboliquement, c'est une part d'indépendance que les téléspectateurs assurent ainsi à l'audiovisuel public.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

Mme Catherine Tasca.

Pour celui-ci, l'ère du numérique est une chance. Il faut lui en donner les moyens et ce n'est assurément pas le moment de l'affaiblir face à l'opulence de l'audiovisuel privé,...

Mme Frédérique Bredin.

Très bien !

Mme Catherine Tasca.

... soit en réduisant ses ressources, soit en l'amputant d'une chaîne comme le suggère la droite. Il faudra plutôt lui assurer les dotations nouvelles à la hauteur de nos ambitions nouvelles. Souhaitons que cette deuxième lecture vous y aide, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin, pour dix minutes.

M me Frédérique Bredin.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, hier, au Théâtre national de Chaillot se tenaient les états généraux de l'audiovisuel, qui ont rassemblé l'ensemble des acteurs de la création télévisuelle. Ils nous ont envoyé un message que nous devons entendre car il est au centre de nos débats. Ils protestent contre l'état de l'audiovisuel français et avancent des propositions concrètes.

D'abord, l'unanimité s'est faite pour réaffirmer les missions de service public. C'est important et notre projet de loi essaie de le faire. Ensuite, ils demandent au Gouvernement de s'engager dès aujourd'hui à accroître massivement l'ensemble des ressources de la télévision, à permettre la création de nouvelles chaînes, à contribuer au règlement de l'ensemble des problèmes sociaux et, enfin, à assurer un financement normal par les chaînes de la production des oeuvres audiovisuelles.

Ces états généraux sont un véritable signal d'alarme pour les pouvoirs publics, à commencer par le Parlement.

Mais, et c'est là leur force, ils ne se veulent pas seulement un bureau de doléances : ils souhaitent surtout constituer une force de propositions économiques, sociales, politiques et culturelles. Il est aujourd'hui de notre responsabilité de leur répondre.

En première lecture, madame la ministre, vous avez déjà clarifié, et c'est important, les missions du service public.

M. Olivier de Chazeaux.

Pas vraiment !

Mme Frédérique Bredin.

Vous avez proposé de créer une structure de service public capable par ses synergies de tenir sa place dans le paysage audiovisuel, face à un secteur privé en pleine restructuration, en pleine croissance capitalistique et dans un univers où la mondialisation des enjeux se vérifie tous les jours.

M. Rudy Salles.

Une usine à gaz !

Mme Frédérique Bredin.

Vous avez surtout proposé de modifier les clés de financement du secteur public.

Derrière cet aspect financier, ce sont de vrais enjeux culturels qui se dessinent car réduire la publicité, ce n'est sûrement pas seulement réduire - même si c'est important - les tunnels publicitaires sur les chaînes publiques.

M. Rudy Salles.

Pas du tout ! Cela ne change rien !

Mme Frédérique Bredin.

C'est aussi abandonner la logique mercantile, l'obsédante course à l'audimat pour sauver la dimension créative et innovante de la télévision française et pour faire de la télévision publique un lieu privilégié de connaissance et de culture.

M. Olivier de Chazeaux.

Vous vous leurrez complètement, madame !

M. Rudy Salles.

Vous pouvez le dire mais vous savez que ce n'est pas vrai !

Mme Frédérique Bredin.

Les Français regardent la télévision quatre heures par jour en moyenne, et parmi eux beaucoup d'enfants. Il faut donc placer la dimension qualitative des programmes au coeur du service public audiovisuel.

Lorsque, en première lecture, nous nous sommes prononcés pour le renforcement du financement du secteur public, il ne s'agissait pas seulement de compenser la


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perte de recettes publicitaires par le remboursement normal des exonérations sociales de redevance. La télévision, en particulier les programmes de qualité, coûtent cher, il est important de le rappeler dans cette enceinte. La production audiovisuelle française, avec 600 heures de fiction par an, est sous-développée parce qu'elle est sousfinancée. La paupérisation progressive du service public par rapport au secteur privé dans un domaine en pleine évolution le conduit à une mort lente dont beaucoup à droite ici, et je pense particulièrement à M. Dominati, qui a au moins le courage de ses opinions, se réjouissent.

M. Laurent Dominati.

Vous m'avez mal entendu : je déplore, au contraire, la mort lente du service public !

Mme Frédérique Bredin.

Aujourd'hui, madame la ministre, vous souhaitez aller plus loin, incitée en cela par nombre de nos collègues. L'on ne peut que s'en réjouir.

La deuxième lecture ouvre, avec le numérique hertzien, que beaucoup d'entre nous souhaitaient voir pris en compte dans le débat, de nouvelles et considérables perspectives à l'audiovisuel français en général, et au service public en particulier.

Je ne vous cacherai pas mon optimisme devant une telle évolution. Je crois que c'est une chance historique pour peu que l'on sache s'y prendre. Plus de trente canaux hertziens supplémentaires, c'est une vraie opportunité pour la production et la création françaises. C'est aussi la possibilité de remettre en cause, dans de nouvelles conditions économiques, la situation trop figée, trop monolithique du paysage audiovisuel français. Et c'est l'occasion de donner un nouvel élan, un nouveau souffle au service public de notre pays qui, sans cela, n'aurait pas d'avenir.

Mais la réunion de plusieurs conditions semble aujourd'hui indispensable, ainsi que l'ont expliqué M. le rapporteur, M. Françaix et Mme Tasca, pour réussir l'ère du numérique hertzien, pour associer cette nouvelle logique technologique à celle de la création française, du pluralisme des programmes, de la qualité des émissions, des programmations offertes au public, du développement des é missions imaginatives, attractives pour les enfants.

Aujourd'hui, nous passons beaucoup de temps à réfléchir tous ensemble sur l'éducation. Encore faudrait-il savoir nous intéresser aussi à ce qui constitue la « deuxième école », quand il ne s'agit pas de la première, pour la plupart des enfants de ce pays.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

Pour ne pas insulter l'avenir - car qui saurait dire à quoi ressemblera l'audiovisuel dans ving ans -,...

M. Marcel Rogemont.

N'est-ce pas, monsieur Dominati ?

Mme Frédérique Bredin.

... nous devrions concentrer nos efforts sur quelques principes simples.

D'abord, le numérique hertzien doit signifier l'ouverture sur de nouveaux programmes, sur de nouveaux diffuseurs et sur de nouvelles formes de télévision.

S'agissant de l'ouverture sur de nouveaux programmes, le numérique hertzien doit être une vraie chance pour la création et la production françaises, qui doivent prendre le pas sur la multiprogrammation des mêmes émissions. Il s'agit de dépasser nos 600 heures de fiction par an, de multiplier les fictions françaises, les documentaires, les émissions culturelles et éducatives, les programmes pour les jeunes.

Le numérique hertzien nous offre également une vraie chance de diversifier les diffuseurs qui occupent aujourd'hui le réseau hertzien en permettant à de nouveaux entrants de prendre une place dans le paysage audiovisuel français.

Le numérique hertzien constitue encore, comme l'a expliqué notre ami Michel Françaix, une ouverture sur de nouvelles télévisions associatives, locales, des télévisions alternatives, donc différentes, qui offriront vraiment une autre forme de programmation et d'interactivité au spectateur.

Ensuite, le numérique doit être réservé en priorité au service public. Nous sommes là pour discuter de la place qu'il occupera sur ces trente canaux et plus, sur lesquels il devra savoir développer ses créations, ses propositions thématiques.

Mais, et enfin, tout cela a un coût. Mme Tasca l'a indiqué ; c'est un problème tout à fait essentiel. Pour le secteur privé, si nous voulons vraiment développer la production et introduire de nouveaux diffuseurs, il faudra sans doute ouvrir le numérique hertzien à de nouvelles sources publicitaires. Il ne pourra s'agir du livre ni du cinéma. Mais la question reste ouverte en ce qui concerne la distribution, à condition de la lier au développement du numérique hertzien.

M. Michel Françaix.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

En tout cas, madame la ministre, une chose est sûre, le CSA n'a aucun pouvoir en la matière, il s'agit bien là d'une de vos prérogatives réglementaires que vous devez exercer pleinement.

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

Quant au service public, si nous voulons vraiment qu'il se développe sur le numérique hertzien, il faut que l'Etat consente un effort sans précédent. C'est un enjeu de société qui le mérite. Notre télévision publique est pauvre comparée à celle des autres pays européens, contrairement à ce qu'affirment à l'envi les députés de droite.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, le temps n'est-il pas écoulé ? Cela nous paraît très long.

Mme Frédérique Bredin.

L'enjeu de société qui se présente à nous est de savoir si nous voulons vraiment donner une chance historique au service public français. Si tel est le cas, nous devons l'accompagner financièrement.

C'est pourquoi nous vous demandons, comme vous l'avez annoncé, de prévoir des moyens de financement du numérique hertzien pour le public, soit un milliard de francs à tout le moins.

M. Olivier de Chazeaux.

Un milliard et demi plutôt.

Mme Frédérique Bredin.

Il serait important que vous nous le précisiez ce soir ou demain, dans la suite de nos débats.

M. Olivier de Chazeaux.

La cagnotte !

Mme Frédérique Bredin.

En conclusion, je dirai que l'ère du numérique doit être une grande et belle date pour la création française, une des belles heures du service public français, le nôtre, le vôtre, celui des Français.

M. Rudy Salles.

Trois ans de retard !

Mme Frédérique Bredin.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, nous comptons sur un engagement clair, notamment financier, du Gouvernement pour que votre projet de loi reste comme un grand moment de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

télévision publique française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour cinq minutes.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette deuxième lecture se distingue par la présentation par le Gouvernement de son texte visant à relever le défi du numérique terrestre. Vous en aviez pris l'engagement, madame la ministre, vous l'avez tenu, et nous vous en savons gré.

Le temps qui m'est imparti me commande de resserrer mon propos sur quelques réflexions éparses et non d'embrasser l'ensemble des questions qu'englobe ce projet de loi qui a été fort bien présenté tant par la ministre que par notre rapporteur. Je n'aborderai donc que quelques aspects.

Le numérique terrestre représente un défi qui, si nous le relevons avec succès, aura comme conséquence économique industrielle lisible de dynamiser le marché de l'équipement audiovisuel à due concurrence de sa réussite.

Pour nos citoyens, la réussite prend des aspects matériels simples, mais importants, tels que l'utilisation des antennes de réception actuelles et le développement de la portabilité, mais aussi, et nous approuvons fortement ce point du texte, une offre télévisuelle gratuite forte. Chacun de nous, quels que soient ses moyens, pourra ainsi profiter du développement de l'audiovisuel sans qu'il soit nécessairement associé à plus de télévision payante.

Mme Catherine Tasca.

Très juste !

M. Marcel Rogemont.

Ces éléments importants ne doivent pas cacher que l'enjeu de cette offre supplémentaire est aussi celui des contenus.

Le numérique terrestre est aussi le moyen de promouvoir une télévision citoyenne en offrant plus de place à une télévision locale. Votre texte affirme ces deux nécessités sur lesquelles je voudrais revenir rapidement.

Sur les contenus, tout d'abord, deux actions importantes, nécessaires sont entreprises.

D'une part, la possibilité donnée à de nouveaux éditeurs de service d'entrer dans le paysage audiovisuel ; d'autre part, la réduction de la multiprogrammation des émissions d'une chaîne phare et la prévention d'une trop forte concentration des services dans de mêmes mains.

Bref, oui aux sortants historiques. Oui aux nouveaux entrants. Oui à une diversité de l'offre audiovisuelle.

Ensuite, la création audiovisuelle doit être encouragée.

A -t-on fait suffisamment en ce domaine ? Certains demandent des efforts supplémentaires. Leur voix doit être entendue. Le texte qui nous est présenté apporte une partie de la réponse à ces attentes.

Outre le renforcement du service public, qui est un facteur positif que Mme Tasca a rappelé avec force, vous avez, madame la ministre, fait plusieurs annonces qui confortent ce domaine essentiel. Plus de télévision doit aller de pair avec plus de création audiovisuelle, donc plus d'incitation et plus de crédits. Les 500 millions de francs que vous avez annoncés vont dans ce sens comme d'ailleurs les obligations renforcées de programme propre.

En ce qui concerne la télévision locale, j'appelle à une grande vigilance. Nous avons tous en mémoire la loi de 1982, qui, elle aussi, préconisait l'éclosion du local et que la loi de 1986 a, pour partie, entamée. Il faudra également veiller aux formes que prendra l'accompagnement du développement du service public local de télévision.

Pour ne prendre que les chaînes locales du câble, elles sont moins de soixante actuellement et sont conventionnées avec le CSA. Une petite dizaine d'entre elles seulement produit chaque jour un journal télévisé local. Permettons-leur, si elles le souhaitent, de venir sur le numérique sans mise en compétition mais sous le contrôle du CSA et sans coût de distribution. Cela permettra de renforcer les initiatives existantes de télévisions locales auxquelles viendront s'ajouter les télévisions associatives locales.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Ne peut-on aussi favoriser l'éclosion du local là où il existe et le conforter en examinant la question de son financement autrement que par la seule syndication publicitaire, qui peut certes aider mais ne répond pas à l'ensemble des besoins ? Peut-on envisager de permettre, sans pour autant le préconiser, un financement public local pour un service public local ? Le Sénat avait adopté en ce sens un amendement. Peut-être pourrions-nous y réfléchir avant d'arrêter notre position sur le sujet ? Sans faire le tour de toutes les conditions nécessaires au développement des télévisions locales, nous savons dès à présent que leur existence repose sur nos décisions d'aujourd'hui et notre vigilance demain.

Sur ces questions, madame la ministre, j'aimerais vous entendre de nouveau, persuadé que votre déclaration sur le local s'accompagne bel et bien des moyens pour son application.

Pour conclure, je veux vous remercier, madame la ministre, d'avoir tenu votre engagement. Merci à votre ténacité qui permet à la France de relever le défi du numérique terrestre. Après tout, il y a un an, certains que je vois ici m'écoutant, ne pensaient pas la chose faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Eh oui !

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je voudrais faire une mise au point sur une intervention erronée de M. Rudy Salles qui a succédé à des propos non moins erronés de M. Douste-Blazy : Mme Trautmann se tenait à la disposition de la commission.

M. Rudy Salles.

Vous ne nous l'aviez pas dit en commission !

M. Laurent Dominati.

Cachottier !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est ma responsabilité, monsieur Salles, et je l'assume totalement.

Si vous m'aviez posé la question,...

M. Rudy Salles.

Nous vous l'avons posée !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... je vous aurais répondu.

M. Olivier de Chazeaux.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Permettez-moi de m'expliquer. Je corrige une erreur.

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas « une erreur » !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'ai considéré que, après le travail remarquable fourni par notre rapporteur,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

M. Michel Françaix.

C'est vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... que je salue, après le travail en liaison permanente avec la ministre, après les auditions ouvertes à l'ensemble des membres de la commission et après un travail en commission qui a duré huit heures, où nous avons décortiqué le texte - et je me souviens que nous avons passé une heure et demie sur un seul amendement -,...

M. Michel Françaix.

Oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... toutes les conditions de préparation à ce débat étaient réunies.

M. Laurent Dominati.

Ce n'est pas vrai. Vous avez eu les amendements la veille !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Notre objectif était de faire en sorte...

M. Olivier de Chazeaux.

Le rapporteur en est gêné ! Vous vous égarez, monsieur le président !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voulezvous bien m'écouter ?

M. Olivier de Chazeaux.

Vous auriez pu vous passer de cette intervention maladroite !

M. le président.

Monsieur Le Garrec, poursuivez.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'ai l'habitude d'assumer mes responsabilités, vous le savez très bien. J'ai considéré que je devais faire cette mise au point ; je la fais en toute honnêteté.

M. Rudy Salles.

Nous aussi !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Après cette mise au point qui me paraissait indispensable, poursuivons le débat. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je félicite, une fois de plus, le rapporteur et le travail des services...

M. Olivier de Chazeaux.

C'est un mauvais dédouanement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... qui ont concouru à la réalisation de notre objectif de publier le rapport suffisamment à temps pour le bon déroulement du débat.

Cela dit, je ferai quelques brèves remarques, si vous voulez bien me permettre d'intervenir, car je n'ai pas abusé de la parole.

M. Dominati a indiqué, à juste titre, que nous vivons une véritable révolution. Lorsqu'il y a une mutation accélérée des technologies, comme c'est le cas avec des cycles de trois ans, nous devons faire preuve d'humilité - c'est le mot qu'il a employé - tout en mettant « un bonnet rouge au dictionnaire », c'est-à-dire opérer un retour au politique. C'est la seule réponse possible et elle doit s'appuyer sur trois mots : pluralisme, citoyenneté - au sens très fort donné par le rapporteur d'imaginaire social, de vulnérabilité sociale dont nous ne parlons jamais et de lutte contre les discriminations, qui est un aspect fondamental du retour au politique - et créativité.

Avec le passage au numérique dont nous débattons, nous entrons dans cet espace tout a fait renouvelé. Je ne reviens pas sur ce qui a été décidé en première lecture avec la création de la holding, le temps pour le président d'assumer sa tâche.

Ma première remarque, madame la ministre, porte sur le problème de l'affectation des canaux et l'allocation des ressources nécessaires à l'exercice des missions du service public - M. Dominati a posé un débat sur ce que l'on appelle les historiques : TF 1, M 6, Canal Plus -, et sur la probable affectation, comme vous l'avez exprimé dans votre discours, de quatre canaux supplémentaires après, bien entendu, offre d'un service et d'un projet, ce qui est le moins qu'on puisse demander. Sur ces points, nous aurons un débat qui soulignera le souci d'une certaine souplesse. Mais je sais que notre rapporteur posera le problème.

Ma deuxième remarque concerne les moyens du service public. Vous avez annoncé, madame la ministre, une dotation exceptionnelle. A l'instar de Mme Bredin, je souhaite vous entendre très clairement dire que cette dotation exceptionnelle sera affectée au capital de la holding dès que celle-ci sera créée.

M. Michel Françaix.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il faut que les choses soient clairement dites...

Mme Frédérique Bredin.

Un milliard !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... et que vous puissiez confirmer le chiffre que Mme Bredin a évoqué.

Sur cette question des moyens, je voudrais reprendre, en plein accord avec l'analyse de la présidente Tasca, le problème de la redevance. J'ai entendu ce qu'a dit, avec la sensibilité qui est la sienne, le président du groupe RCV mais, avec tout le respect que j'ai pour lui, je dois dire que ce serait une grosse erreur que de suivre la voie qu'il préconise. La redevance est une nécessité car elle est une condition fondamentale de pérennité et d'autonomie du service public.

Il est vrai que, pour un foyer modeste, 751 francs peut représenter une somme importante à débourser d'un seul coup. C'est pour cette raison, madame la ministre - et nous en débattrons - que j'ai déposé un amendement tendant à la mensualisation de la redevance.

M. Olivier de Chazeaux.

Il faut la supprimer !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je défends une position, monsieur le député. Libre à vous d'en défendre une contraire.

M. Rudy Salles.

Ayez le courage d'aller plus loin ! Supprimez la redevance puisque vous en avez les moyens.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On ne peut pas dire non plus que la mensualisation pose des problèmes techniques. Ce n'est pas sérieux.

J'ajoute que procéder ainsi c'est considérer chaque téléspectateur comme un citoyen de plein droit, disposant de la liberté de choix des programmes, de la possibilité, grâce au numérique, de recevoir quatorze ou quinze chaînes en clair ainsi que des chaînes de service, et du droit non plus de siffler (Sourires) mais de changer de chaîne et d'assumer pleinement sa responsabilité de citoyen et d'utilisateur d'un service public.

M. Rudy Salles.

Avec la mensualisation, la redevance sera plus indolore !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est une conception du service public. Vous avez parfaitement le droit de ne pas la partager. C'est un point sur lequel nous divergeons et nous aurons un débat à ce sujet.

Troisième remarque : l'offre de services. Il importe de bien nous entendre. Cette question nous invite à un décrochage car elle nous pousse à réfléchir à la définiti on


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d'un espace de proximité pertinent et crédible. C'est là une réflexion de fond qui concerne autant la citoyenneté, que l'aménagement du territoire et notre conception même du rôle de la ville dans les prochaines années.

Ce débat ne peut avoir lieu sans que ne soit examinée la nécessité de développer des chaînes de services. La région que je représente, le Nord Pas-de-Calais, est prête à négocier avec le service public la création d'une chaîne de services interactive sur les thèmes de la santé et de l'emploi, comportant des offres de services. C'est à la fois une ouverture sur Internet et un complément de celui-ci car cela élargit encore l'espace d'interactivité. Il y a là un débat de première importance, mais ne jouons pas sur les mots : quel est ce nouvel espace d'offre de services ? Le troisième maître mot après le pluralisme et la citoyenneté est la créativité et je terminerai là-dessus.

Les chiffres que vous avez donnés, madame la ministre, sont accablants : 600 heures de fiction ont été créées en France contre 1 300 en Grande-Bretagne et 2 000 en Allemagne.

M. Laurent Dominati.

Et voilà ! On a perdu !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Votre annonce de ne prendre en compte, dans le décompte des obligations des diffuseurs en faveur de la production indépendante, que les droits d'antenne est très importante. Cela leur donne - c'est du moins ce que j'ai cru comprendre - la possibilité d'avoir un catalogue, c'est-àdire de constituer un patrimoine - en copropriété, bien évidemment - et probablement d'ouvrir un espace de commercialisation sur un deuxième marché. Nous avons donc intérêt à mieux expliquer cette annonce qui peut paraître de prime abord un peu complexe.

C'est une étape importante. Est-elle suffisante ? Tout le débat est là. La question relève de la dialectique car nous avons à assumer la contradiction qui existe entre la nécessité d'une industrie audiovisuelle, avec le risque que la production soit tirée vers le bas, et la volonté d'un développement de programmes de qualité, respectueux du pluralisme et favorisant l'exercice de la citoyenneté. Cette contradiction est aussi vieille que le fait créatif. Et je ne connais pas de réponse toute faite à cela.

M. Laurent Dominati.

Si, la liberté !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Si c'était le seule réponse, cela se saurait, monsieur Dominati !

M. Laurent Dominati.

C'est pourtant le cas !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est une conception. Mais l'on voit dans d'autres pays que ce n'est pas la réponse toute faite au problème.

M. Marcel Rogemont.

La fraternité, ce n'est pas mal non plus !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je me méfie d'ailleurs, mon cher collègue, des réponses toutes faites.

M. Laurent Dominati.

La liberté fait peur !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En matière de créativité, nous devons assumer cette contradiction.

Je perçois une volonté de changer le mode de raisonnement, de trouver un autre espace d'approche de ces problèmes, de ne pas rester à une vision étroite et figée sur nous-mêmes. Par-delà la création même d'une chaîne de services, j'entrevois un espace de déconcentration de la créativité, qui m'apparaît fondamental. De nombreuses régions, dont la mienne, ont considéré que le dépassement des difficultés économiques se faisait aussi par la création culturelle. N'y a-t-il pas là un moyen de lier, par un dépassement dialectique - je vous prie de m'excuser d'employer ces mots qui peuvent choquer certains industrie audiovisuelle et créativité ? C'est une question de fond, que nous ne réglerons pas uniquement par des mots, mais aussi par la pratique.

Permettez-moi de terminer sur une note d'humour.

Après tout, à cette heure de la nuit, on peut se le permettre. Nous avons parfois des débats ésotériques, quand ils ne sont pas redondants. Un ami m'a fait remarquer que Claudel avait écrit dans son journal qu'en compagnie d'un saucisson à l'ail, on n'a jamais l'impression de solitude.

(Rires.)

M. Alain Néri.

Ça, c'est bien vrai !

M. Michel Françaix.

Il a réussi à placer sa citation !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

La phrase est jolie. Reconnaissez-le.

Je souhaite que, en matière de créativité, nous trouvions entre nous un espace de simplicité, d'ouverture et de compréhension. Cela permettrait sans aucun doute de faire avancer la réflexion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Je remercie tous les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. Celle-ci a permis à la fois de préciser, même si cela a été fait selon différent es interprétations, les grands enjeux de la loi et de montrer l'importance du passage au numérique hertzien terrestre.

M. Cuvilliez, M. Françaix, M. Mamère, Mme Tasca, Mme Bredin et M. Rogemont ont bien insisté sur l'ensemble des conditions qui permettent de réussir le franchissement de cette nouvelle frontière, sur les principes de répartition des fréquences et sur l'intérêt que présente la possibilité d'ouvrir le numérique hertzien terrestre aux nouvelles formes de télévision, c'est-à-dire les télévisions locales et les télévisions associatives.

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit. Je me contenterai de reprendre quelques points particulièrement importants.

Le premier, évoqué par le premier orateur qui s'est exprimé, M. Schwartzenberg, est la redevance.

A la suite de Mme Tasca et du président Le Garrec, j'insiste sur le fait qu'il s'agit là d'une ressource absolument indispensable. Représentant aujourd'hui 66 % des ressources de l'audiovisuel public, la redevance a permis à celui-ci de connaître une évolution positive puisque, je le rappelle, elle a enregistré une augmentation annuelle de 400 millions de francs. Le Gouvernement n'a de ce fait pas eu à recourir à une augmentation de celle-ci : il lui a simplement fait suivre l'indice du coût de la vie, ce qui lui a permis de préserver le porte-monnaie des Français.

La redevance n'est pas, en effet - certains orateurs l'ont rappelé à cette tribune - forfaitaire. Elle ne fait pas partie des prélèvements obligatoires. Comme l'a souligné le président Le Garrec, c'est une somme que les Français déboursent volontairement chaque année. Et ces derniers ne sont pas forcément prêts à payer, pour une télévision dont ils ressentent quelquefois les faiblesses, les sommes qui ont été évoquées par ceux qui voudraient voir le montant de la redevance française au même niveau que celles versées en Angleterre ou en Allemagne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Il est vrai que, dans ces pays-là, les ressources de l'audiovisuel public sont beaucoup plus importantes que chez nous. J'y reviendrai un peu plus tard dans mon propos. En tout cas, si la France supprimait la redevance, elle s'inscrirait à contre-courant de l'évolution des services publics audiovisuels les plus performants en Europe. Si l'on a comparé les niveaux de redevance en Angleterre et en Allemagne, c'est parce que ce sont des pays qui se distinguent par l'importance et la force de leur production audiovisuelle, notamment dans le domaine de la fiction.

Si l'on excepte l'Angleterre où la télévision publique ne dispose pas de ressources publicitaires, le système mixte tel qu'il est pratiqué en Allemagne donne véritablement à l'audiovisuel public une force tout à fait remarquable.

Si l'on veut garantir à l'audiovisuel public français force et santé et augmenter la capacité financière consacrée à la production, il faut à tout prix préserver la redevance. C'est l'épine dorsale de l'audiovisuel public.

M. Laurent Dominati.

Et l'Espagne ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Substituer à la redevance un financement par le budget de l'Etat mettrait en péril le financement mixte de l'audiovisuel public. Du temps où vous étiez au gouvernement, messieurs qui êtes maintenant dans l'opposition, vous n'avez cessé de réduire le budget des chaînes publiques, les obligeant à recourir de plus en plus aux recettes de publicité ...

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... si bien que nous avons dû, dans cette loi, précisément baisser la publicité pour rendre aux chaînes publiques leur identité et leur liberté et pour leur permettre de respecter leur mission de service public.

M. Olivier de Chazeaux.

Vous vous trompez vousmême !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La redevance représente aujourd'hui 13,2 milliards de francs. C'est beaucoup. Je plaide à la fois pour son maintien et pour la préservation d'un équilibre entre redevance, recettes budgétaires et recettes issues de la publicité, étant entendu que le niveau de ces dernières est abaissé par rapport à ce qu'il était précédemment.

M. Olivier de Chazeaux.

Il n'y aura donc pas d'augmentation de la redevance ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En prévoyant le remboursement intégral des exonérations par la progression des moyens budgétaires de redevance, cette loi assure un équilibre général qui sera positif pour les chaînes publiques dans leur ensemble et pour le groupe de télévision publique, en particulier.

M. Kert a prétendu que l'opposition avait été la seule à réclamer le passage au numérique de terre pour la télévision.

Je me permets de lui rappeler que, lors du débat en première lecture, le rapporteur a proposé un amendement à ce sujet, que le Gouvernement a soutenu. C'est sur cet amendement que le Sénat a « raccroché » un certain nombre de dispositions, qui nous permettent aujourd'hui de légiférer.

M. Olivier de Chazeaux.

Vous devriez au moins remercier le Sénat !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ce petit point d'histoire avait besoin d'être rappelé. La perspective d'un débat sur le numérique de terre n'était pas inexistante dans le texte adopté par l'Assemblée.

Comme M. Cuvilliez, je considère que cette ressource nouvelle que constitue le numérique terrestre doit non seulement s'inscrire en complémentarité avec le câble et le satellite, mais également offrir le plus grand nombre possible de chaînes gratuites et, évidemment, des programmes accessibles en clair à tous les Français, c'est-àdire à un public extrêmement large. En effet, si cette ressource permet une plus grande abondance de chaînes, elle reste relativement limitée. Il faut donc que l'ensemble des Français profitent et de la diversité des chaînes et de programmes, et de l'amélioration de la qualité. C'est ce que nous souhaitons. L'objectif des chaînes gratuites offrira la possibilité au téléspectateur de s'approprier ou, en tout cas, de juger ce qui lui sera offert.

Que fera-t-on des fréquences libérées, c'est-à-dire des fréquences dédiées aujourd'hui à la diffusion analogique ? Vous avez proposé, monsieur le député, que la priorité soit donnée à l'audiovisuel public. Nous verrons ce qu'il en sera. Pour l'instant puisque, comme vous le savez, il y a « simulcast », ces fréquences vont en quelque sorte rester occupées. Mais je ne peux que partager votre souci de voir ces fréquences continuer à servir notre objectif de communication, tel qu'il a été défini par les uns et par les autres.

M. Dominati, quant à lui, ne change pas ! (Sourires.)

Il faut lui reconnaître d'apporter une certaine...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Continuité !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... force à ses arguments, pour les répéter assez fréquemment. Il a dit au fond que le Gouvernement devrait proposer une loi de confiance. Je propose justement, monsieur Dominati, une loi qui fait confiance à la fois aux entreprises publiques de l'audiovisuel, ...

M. Olivier de Chazeaux.

Le mot est dit !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... au dynamisme des opérateurs privés, et à tous ceux qui sont porteurs de projets de télévision citoyenne. Si nous n'avions pas pris cet engagement à la fois financier et juridique en faveur du numérique hertzien, cela aurait été la marque que nous n'avions pas confiance dans tous les acteurs, y compris ceux de la production audiovisuelle et du cinéma, pour gagner le nouveau défi que représente la télévision numérique de terre.

J'ai l'impression que, pour vous, l'audiovisuel public est un cauchemar. Vous avez dit qu'il faudrait choisir la privatisation pour France 2 pour sauver ce qui reste. Cela signifie que, pour vous, le service public, c'est ce qui reste, déduction faite de tout ce qu'on a laissé faire pour le privé. Ce qui reste, c'est donc le minimum, le service public « sauve-qui-peut » ! Quand vous dites qu'il faut le conforter en définissant plus précisément et plus étroitement ses missions, je vois bien où vous voulez en venir. Premièrement, vous préconisez la privatisation de France 2. Deuxièmement, vous demandez que les missions du service public de l'audiovisuel soient déterminées avec le maximum de soin et de précision pour les encadrer et les délimiter le plus étroitement possible.

Je vous le dis tout de go : comme de nombreux députés ici présents, je ne partage pas cette vision. Vous cherchez à affaiblir l'audiovisuel public et ne répondez pas au constat de faiblesse que vous faites. Votre position est on ne peut plus paradoxale : vous affirmez que l'audiovisuel public est trop faible, mais, par rapport à ce constat de faiblesse, vous ne proposez pas véritablement la trans-


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formation ou la montée en puissance de cet audiovisuel public, mais, au contraire, encore un plus grand affaiblissement de celui-ci.

M. Laurent Dominati.

Nous verrons ce qu'il en sera dans cinq ans !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous ne nous n'avez pas encore convaincu de votre volonté de trouver une forme de consensus sur ce point.

Je suis prête à tous les consensus possibles à condition que les objectifs soient clairs et appuyés de propositions concrètes.

J'ai le sentiment que, lorsque vous dites vous intéresser au service public, c'est pour le réduire. Je vois là, pour le moins, une étonnante contradiction.

M. Françaix a présenté un plaidoyer vibrant en faveur des télévisions locales. Il l'avait déjà fait précédemmen t et je l'en remercie. Le développement des télévisions alternatives et des télévisions de proximité et de leur accessibilité par l'ensemble des publics représentera indéniablement un gain pour la démocratie. Le Gouvernement est en parfait accord avec cette analyse.

M. Michel Françaix a également dit que le fait de montrer à la télévision les différences de notre société, la diversité des populations, des traditions, des cultures - et j'ajouterai la diversité des territoires...

M. Rudy Salles.

Il n'y a rien de neuf !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... authentifiait le projet de service public.

Cette vision des choses est forte ; en effet, la télévision est un moyen de communication entre les hommes.

Ouvrir les fenêtres, comme le dit le rapporteur, c'est aussi une manière de permettre à davantage de Français de se reconnaître à l'image, et donc à la télévision de jouer le rôle dans la construction de la cohésion sociale.

On est loin du feuilleton qu'a évoqué M. Martin Lalande... Et je préfère que l'on débatte d'un texte aujourd'hui amélioré plutôt que de continuer à essuyer vos critiques de la première lecture, messieurs, lorsque vous exigiez de discuter immédiatement du numérique de terre ! Aujourd'hui, vous me dites que j'aurais dû raccrocher la future loi sur la société de l'information à ce texte... Et lorsque celle-ci viendra en discussion, vous trouverez encore une autre échéance !

M. Laurent Dominati.

La troisième lecture sera meilleure !

M. Rudy Salles.

Vous viendrez alors nous présenter la convergence en commission !

M. Olivier de Chazeaux.

La convergence, c'est pour la troisième lecture !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous me permettrez d'y voir des arguments dilatoires, en tout cas peu convaincants.

M. Mamère a cité le discours du Premier ministre. Je lui rappelle que si le Premier ministre a évoqué un rééquilibrage entre les recettes publiques et des recettes publicitaires, il n'a jamais parlé de suppression de la publicité. Je ne reviendrai pas sur des mesures que je juge positives, tant sur le plan de l'identité de service public que sur celui du respect des missions, du respect du public et d'une plus grande liberté de programmation.

A entendre M. Rudy Salles, ce texte serait de nature à décourager les P-DG les mieux disposés comme les personnels.

M. Rudy Salles.

Ils n'auront pas le temps de regarder la télévision avec un tel nombre de conseils d'administration !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Or le président de France Télévision, son équipe de direction et le personnel sont très motivés, vous pouvez vous en rendre compte, par le passage au numérique hertzien, dans la mesure où celui-ci se développe bien et offre des perspectives de création de nouvelles filiales.

M. Rudy Salles.

Je parlais de la holding.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Chacun mesure l'intérêt et l'importance de cette décision.

Je signale au passage que les animateurs de télévision ont décidé, c'est tout récent, de rester fidèles au service public, alors qu'ils ont aussi connu l'expérience des télévisions privées.

M. Laurent Dominati.

Ce qui prouve à quel point elles sont semblables !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

A bon entendeur, salut,...

M. Rudy Salles.

Il faudrait regarder avec un rétroviseur !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... voilà qui montre bien qu'il est possible de trouver un contexte professionnel favorable dans le cadre des chaînes publiques.

M. Cuvilliez a parlé de la compatibilité des décodeurs principe, je le rappelle, posé par la loi : avec le même décodeur, l'usager doit pouvoir recevoir l'ensemble des systèmes payants. C'est la transposition de la directive dite « normes et signaux ».

Mais nous allons plus loin. S'agissant du numérique, nous avons prévu, par un amendement tendant à insérer un nouvel article 30-3 dans la loi de 1986, que les programmes des services payants devront pouvoir être reçus par tout terminal de réception, numérique ou analogique, doté d'un seul décodeur. La vie des usagers en sera grandement facilitée. Voilà qui répond, monsieur Cuvilliez, très clairement à votre interrogation.

M. Martin-Lalande avait évoqué le lien entre la télévision numérique de terre et Internet. L'une et l'autre ont des usages très différents. Pour la télévision, nous sommes dans une logique de diffusion de masse, qui vise un large public, alors que la fréquentation du Net concerne une population nettement inférieure à celle que représente la télévision et à ce qu'elle représentera demain avec le numérique de terre.

M. Rudy Salles.

Jospin a pourtant dit que nous avions fait de gros progrès !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En tout et pour tout, on compte seulement quelques millions de personnes branchées sur la « toile ». L'offre de télévision continuera de représenter pour l'ensemble de la population le principal moyen de diffuser des images dans de bonnes conditions tout en permettant désormais d'introduire une part d'interactivité ; à ce titre, la télévision numérique de terre participera à la popularisation des nouvelles technologies de communication. Tous les usages seront désormais possibles et nous nous efforcerons, par les dispositions qui vous sont proposées, de rechercher une complémentarité entre le satellite, le câble et le numérique de terre. Mais nous tenons à préserver l'objectif de démocratisation d'une télévision qui informe, qui distrait et qui permet aussi de découvrir et, si elle est intéressante, de créer des fidélités, des rendez-vous importants pour les Français.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Plusieurs questions m'ont été posées sur les perspectives de financement.

Au président Le Garrec, au rapporteur M. Mathus, mais également à M. Françaix, Mme Tasca, Mme Bredin et M. Cuvilliez, je tiens à dire combien je partage la conviction que le service public doit être doté de moyens correspondant à l'ambition que nous plaçons en lui.

Le chiffre qui a été cité à propos de la dotation spécifique, dont j'ai parlé dans mon propos initial, correspond à l'évaluation faite par le Gouvernement et à l'effort qu'il est décidé à consentir en faveur du service public.

Mme Frédérique Bredin et

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous sommes bien dans un ordre de grandeur d'un milliard de francs ; naturellement, ce chiffre devra être affiné au vu des projets numériques qui seront arrêtés seulement dans quelques mois, après examen attentif des propositions des chaînes. Cet engagement se concrétisera avant la fin de l'année, au moment où le groupe sera constitué.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Olivier de Chazeaux.

Un milliard chaque année ? Et la redevance, va-t-elle augmenter ?

M. Michel Françaix.

Vous en restez baba, avouez !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Voilà une réponse qui devrait rassurer l'ensemble des députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Laurent Dominati.

Avec un milliard, on peut en faire des choses !

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour une durée qui n'excédera pas trente minutes.

M. Michel Françaix.

Il va annoncer qu'il la retire !

M. Rudy Salles.

Lavez mon honneur, monsieur Baguet !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Je vais le faire, mon cher collègue, ne vous inquiétez pas ! Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dix mois presque jour pour jour, ce projet de loi tant attendu, relatif à la liberté de communication, nous était présenté pour la première fois, qui devait faire entrer notre pays dans l'ère de l'audiovisuel du futur. D'ajournements en coups de théâtres, de rebondissements en lettres rectificatives, vous nous présentiez enfin, madame la ministre, un projet qui, s'il n'avait pas le mérite de nous convaincre, avait au moins celui d'exister. Certes, le temps estompe les souvenirs, mais nous n'oublions pas les valses hésitations du Gouvernement et les atermoiements incessants, jusque dans les rangs de la m ajorité, qui ont malheureusement transformé, par médias interposés, ce texte sur l'audiovisuel en feuilleton de série B. Je vais tenter de vous convaincre que ce texte doit retourner en commission pour être enfin étudié sérieusement au fond.

J'ai dénombré pas moins de huit motifs, huit raisons de voter cette motion.

Premier motif de renvoi en commission : il nous est demandé de débattre en deuxième lecture d'un projet de loi dont la vie a commencé il y a plusieurs mois, qui a été profondément modifié au Sénat en janvier dernier...

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est en effet scandaleux !

M. Pierre-Christophe Baguet.

... puis de nouveau en commission il y a quinze jours, faute de réelle préparation et d'objectifs suffisamment définis au départ,...

M. Olivier de Chazeaux.

Le manque de préparation est scandaleux !

M. Pierre-Christophe Baguet.

... à tel point qu'on peut légitimement se demander s'il s'agit bien du même texte.

Pour saugrenue qu'elle soit, la question mérite en effet d'être posée, tant les préoccupations d'alors, qui avaient à l'époque alimenté de longs débats, semblent être éloignées de celles d'aujourd'hui. Rappelez-vous : nous parlions de réduction du temps de publicité sur le service public et de ses conséquences - l'effet d'aubaine pour le secteur privé, par exemple -, de financement du service public, de remboursement des exonérations de redevance, de la construction d'un holding hétéroclite, de définition de missions de service public.

A ujourd'hui, nous parlons de développement du numérique terrestre, d'attribution de multiplexes, de simulcast et de must carry , de la responsabilité des hébergeurs de sites Internet, du contrôle des sociétés de droits d'auteur par la Cour des comptes.

M. Christian Cuvilliez.

C'est le catalogue de la Warner !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Un catalogue, tout à fait ! Autant de sujets nouveaux, non évoqués, ou si peu, lors de la première lecture en mai dernier.

Mme Frédérique Bredin.

C'est à cause du Sénat !

M. Olivier de Chazeaux.

Non, ce sont des amendements du Gouvernement !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il suffit, pour s'en persuader, de lire l'épais rapport rédigé par la commission : sur 272 pages, trois suffisent à résumer tout à la fois le projet de loi initial, les modifications introduites en première lecture par l'Assemblée nationale, celles apportées par le Sénat et les mesures ajoutées par ce dernier concernant le numérique terrestre hertzien.

M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est ça, l'esprit de synthèse ! (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet.

Fort esprit de synthèse, monsieur le rapporteur ! Viennent ensuite quatorze pages qui exposent les enjeux du numérique terrestre hertzien, sous le titre « L'innovation technologique au service du grand public » ; enfin, deux pages seulement présentent le dispositif proposé par le Gouvernement.

Mme Frédérique Bredin.

C'est pour ne pas vous lasser !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le reste du rapport reproduit les comptes-rendus de commission, le tableau des amendements, les amendements rejetés. Pratiquement rien sur tous les sujets évoqués en première lecture : France Télévision, la composition de la holding, la présence de RFO, le retrait d'Arte, les pouvoirs du CSA, la nomination du président de France Télévision, la diminution du temps de publicité. Rien, et c'est pire, sur tous ces nouveaux sujets dont je vous parlais tout à l'heure et qui mériteraient pourtant qu'on s'y attarde quelque peu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Force est de constater que nous devons débattre aujourd'hui d'un texte réécrit, et de la manière la plus autoritaire qui soit, à coup de dizaines d'amendements gouvernementaux, 52 exactement, techniques pour la plupart ; amendements pour le moins conséquents, mais découverts par notre rapporteur la veille même de leur passage en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et par l'opposition le jour même, « en direct » si je puis dire !

M. Rudy Salles.

Exactement !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Vous avez beaucoup de chance, madame la ministre, d'avoir trouvé avec notre collègue Didier Mathus un tel funambule ... Et en plus, il travaille la nuit !

Mme Frédérique Bredin.

Il est bien, notre rapporteur !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Plus sérieusement, madame la ministre, savez-vous que la commission n'a pu procéder officiellement qu'à trois auditions préalables ? Encore se sont-elles, faute d'orientations et d'informations suffisantes de la part du Gouvernement, révélées très frustrantes.

Deuxième motif de renvoi en commission : votre absence, madame la ministre, lors de la réunion de cette même commission, afin de nous présenter vous-même les propositions gouvernementales sur le numérique terrestre.

M. Rudy Salles.

Eh oui !

Mme Frédérique Bredin.

Le président de la commission a déjà répondu !

M. Rudy Salles.

Où est M. Le Garrec ?

M. Pierre-Christophe Baguet.

Absence d'autant moins pardonnable que vous êtes allée les présenter devant le groupe majoritaire de cette enceinte... Coup de grâce pour notre institution, c'est dans un récent entretien à un grand quotidien du soir que vous avez livré les raisons de vos choix !

M. Rudy Salles.

Où est M. Le Garrec ?

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le président Le Garrec n'est pas là, mais je reprends le rapport. A la page 32 :

« M. Pierre-Christophe Baguet s'est étonné de l'absence de la ministre de la culture et de la communication à la présente réunion, pour présenter et défendre les nombreux amendements relatifs au numérique hertzien que le Gouvernement venait de déposer. »

Un peu plus loin : « M. Rudy Salles s'est insurgé devant l'absence du Gouvernement à la réunion de la commission, alors qu'il fait présenter par le rapporteur un nombre considérable d'amendements ayant des conséquences économiques importantes. Ça n'est pas une façon sérieuse de travailler et il serait souhaitable que la ministre soit auditionnée. »

« Le président Jean Le Garrec a admis que le dépôt des amendements gouvernementaux avait été tardif, mais a fait observer que cette situation se voyait tempérée par le délai restant à courir jusqu'au jour de l'examen du texte en séance publique. »

M. Rudy Salles.

Voilà !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Notre président s'est tout à l'heure livré à un acte de contrition en nous avouant qu'il ne vous avait pas invitée, madame la ministre, devant la commission. Mais il semble avoir quelque peu changé d'avis entre-temps... Quoi qu'il en soit, c'est écrit dans le rapport, et je m'y fie davantage qu'à ses déclarations de tout à l'heure...

M. Jean-Marie Le Guen.

Il n'a jamais dit le contraire !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Mais c'était un geste très honorable de sa part ! Autant vous dire, madame la ministre, que nous aurions aimé connaître vos choix autrement que par personne interposée. Comment pouvons-nous être constructifs avec de telles méthodes ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Vous n'y parviendrez jamais, c'est sûr !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Est-ce pour ridiculiser le Parlement que vous agissez ainsi ? Je suis certain que non, madame la ministre.

En fait, je crains que vous ne nous ayez fait payer le prix de vos difficultés gouvernementales internes, de vos tergiversations, voire de vos combats avec vos collègues de l'industrie et des finances, qui se sont poursuivis jusqu'à la veille même de la réunion de notre commission. Là est, je le crois, la vraie raison.

Troisième motif de renvoi en commission : nous regrettons l'absence d'une étude d'impact. Pourquoi nous priver de cet outil, qui, lors de l'étude de textes techniques, aide le Parlement dans son travail et lui permet d'avoir une vue d'ensemble sur des dispositifs complexes ? Une étude d'impact avait pourtant tout lieu d'être, même en deuxième lecture, puisque vos dispositions sur le numérique terrestre entraîneront de profondes modifications du monde de l'audiovisuel.

Quatrième motif de renvoi en commission : force nous est de constater que la holding créée par votre projet de loi, disposition phare de la première lecture, se réduit comme peau de chagrin. Reconnaissez que le Gouvernement dans son ensemble a fort mal géré l'affaire Arte, au risque de déstabiliser l'ensemble de l'architecture du texte, sans parler des relations franco-allemandes elles-mêmes ! Par ailleurs, ce retrait précipité d'Arte de la holding inquiète les responsables de La Cinquième, qui craignent que leur chaîne devienne bien petite devant les deux poids lourds que sont France 2 et France 3.

Et RFO ? Entrera, entrera pas dans la holding ? Oui, sans doute, nous dit-on aujourd'hui. Hier, c'était non. Et demain ? En restera-t-on à un simple conventionnement, comme vous l'avez dit tout à l'heure ? Franchement, quel intérêt de mettre en place une structure aussi lourde, pour ne pas servir à l'ensemble des acteurs publics de l'audiovisuel de ce pays ? La question mérite sérieusement d'être posée, si l'on en croit nos longs débats en commission. L'heure est peut-être venue de demander aux élus de l'outre-mer d'exprimer leur opinion. C'est de leur compétence et cela permettrait de clarifier le débat. Afin de démêler les affirmations et les non-dits prêtés aux uns et aux autres, ne serait-il pas plus sage d'en parler tous ensemble, pour une fois ? Cinquième motif de renvoi en commission : votre texte tente de mieux cerner les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Certes, vous proposez de passer du stade de la réglementation à celui de la régulation. L'intention est louable ; mais l'importante décision que cette autorité administrative indépendante a prise en autorisant la publicité à la télévision pour les sites Internet des secteurs de la grande distribution, de la presse, de l'édition et du cinéma décision sur laquelle elle est d'ailleurs partiellement revenue depuis - incite à poser de nouveau la question. N'allons-nous pas au contraire passer directement du stade de la réglementation à celui de l'intervention ? Comment comptez-vous éviter cette dérive, madame la ministre ? Vous ne nous éclairez pas beaucoup sur ce point. Prendrez-vous toutes vos responsabilités ? De notre côté, nous sommes prêts à en parler.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Sixième motif de renvoi en commission : la responsabilité civile des fournisseurs d'accès et d'hébergement des sites Internet. Là encore, la méthode du Gouvernement est contestable et cacophonique ! Certes, il est souhaitable et sans doute urgent de fixer des règles dans ce domaine, mais la réflexion concernant ce sujet difficile n'est pas totalement aboutie.

Il est prématuré d'inscrire dès aujourd'hui dans la loi un dispositif qui ne pourra qu'être incomplet, voire inadapté. La France a pris des engagements à Bruxelles, en souscrivant à la proposition de directive sur le commerce électronique, qui ne sont pas ceux présentés par l'amendement de M. Bloche. Pourtant, vous semblez défendre sa position et l'amendement de notre collègue est devenu un amendement de la commission. Mais il reste très en deçà des besoins. Pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur la position réelle du Gouvernement dans ce dossier et mettre un terme à ces contradictions entre les décisions internes à notre pays et la position que le Gouvernement français prend à Bruxelles ? Le Gouvernement nous annonce un grand projet de loi sur la société de l'information. Pourquoi alors légiférer dans la précipitation et dans le cadre de la loi relative à la liberté de la communication ? Soit le projet de loi du Gouvernement est bientôt prêt, auquel cas il n'y a pas lieu de légiférer maintenant sur ces sujets, surtout de manière aussi incomplète, soit il n'y aura pas de projet de loi sur la société de l'information et dans ce cas, dites-lenous ! Notre rapporteur rappelle, dans son rapport, que

« l'Assemblée nationale a décidé de proposer un cadre juridique devant le vide juridique existant, mais que cela n'empêchera pas le législateur de réexaminer cette question dans le cadre du futur projet de loi définissant un système de régulation d'Internet ». Cette réflexion nous apparaît à tous aujourd'hui comme inachevée et mérite que l'on renvoie le texte en commission afin de travailler plus sérieusement à ce sujet essentiel.

Quelle place, par exemple, sera réservée à la protection de la propriété intellectuelle ? Pourquoi la commission devrait être privée du débat qui s'est tenu récemment par exemple au SJTI, regroupant l'AFA, l'AFTEL, la SNEP, la SACEM, l'ARP et d'autres ? Ne méritons-nous pas des informations complémentaires ? Septième motif de renvoi en commission : le contrôle de la Cour des comptes sur la gestion des sociétés de perception et de répartition des droits - certes introduit non de votre fait, mais par un amendement du sénateur Michel Charasse. Sans aller au fond, il nous apparaît que cette disposition, sans rapport avec le texte d'origine, si elle cherche à régler un véritable problème, semble bien mal adaptée.

En commission, notre rapporteur a proposé de ne pas supprimer ce texte afin de pouvoir le modifier. Il a également précisé que « des propositions de modification étaient en cours d'élaboration ». Mais lesquelles ? En septembre 1998, madame la ministre, vous avez pris l'engagement solennel devant le congrès national de la SACEM à Marseille de ne pas revenir sur cette question, à vos yeux tranchée. Aujourd'hui, quelle est votre dernière position ? Je propose de retourner devant la commission afin que nous puissions en discuter plus au fond ; les problèmes liés à la gestion des sociétés d'auteurs sont suffisamment graves pour que nous en débattions sérieusement et non au détour d'un simple amendement.

Huitième motif de renvoi en commission : rien n'est concrètement annoncé. Vous parlez de 1,6 milliard de francs pour le secteur public, mais par rapport à quoi ? Pourquoi faire précisément ? Pour combler le déficit de la publicité ? Pour compenser les exonérations de redevances ou pour financer le surcoût du numérique terrestre ? Il est inconcevable que le dispositif que vous proposez sur le numérique hertzien ne soit pas chiffré. Vous renvoyez la discussion à la loi de finances pour 2001, c'est-àdire dans huit mois... Que de temps perdu ! D'ici là, dans quelles conditions le service public devra-t-il travailler pour appréhender la passage au numérique de terre ? Comment pourra-t-il anticiper sur les recettes supplémentaires nécessaires, non encore précisément chiffrées et, pire encore, non encore votées ? Envisagez-vous, par exemple, d'augmenter la redevance ? Vous venez de nous dire non mais un amendement adopté en commission nous inquiète. Pavé de bonnes intentions, il permettra de la mensualiser. Ne risque-t-on pas de rendre toute augmentation indolore ? Nous resterons vigilants sur le respect de vos engagements.

Enfin, toujours sur le numérique, nous sommes particulièrement choqués par l'absence de référence au DAB pour la radio dans votre texte. Pourquoi cette impasse ? Voulez-vous vraiment orienter la France vers l'audiovisuel du futur ? Nous nous interrogeons sérieusement.

Voilà huit motifs parfaitement clairs et objectifs qui justifient que ce texte retourne en commission. Je suis persuadé, madame la ministre, que vous serez sensible à notre souci de la perfection et surtout à notre volonté de vous apporter notre contribution pour enrichir encore plus votre texte. Pour cela, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. JeanMarie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen.

Il est bien normal que l'opposition utilise l'ensemble des motions de procédure pour montrer son opposition à un texte. Il est normal aussi qu'elle saisisse cette occasion pour que l'ensemble de ses orateurs puissent pleinement s'exprimer sur le fond de ce texte. Nous avons peut-être nous-mêmes un petit peu trop l'habitude de ces procédures routinières, et nous oublions les propos qui ont pu être tenus ici où là, notamment lors d'une première lecture et notamment lors de ces fameuses motions de procédure.

Il se trouve que je me rappelle parfaitement l'un des principaux arguments qui avait été avancés pour justifier une demande de renvoi en commission en première lecture. Nos collègues de l'opposition avaient fondé l'essentiel de leur intervention sur l'extraordinaire regret qu'ils avaient de ne pas voir dans le texte du Gouvernement des dispositions sur le numérique hertzien.

Aujourd'hui, dans le processus normal du débat parlementaire, le Gouvernement a pour l'essentiel répondu à leurs préoccupations de l'époque en introduisant des éléments sur le numérique hertzien.

Il y avait une autre approche assez systématique lors de la première lecture. C'était la volonté de nos collègues que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui rassemble en son sein l'ensemble des questions se rapportant peu ou prou à l'ensemble de l'audiovisuel et, de façon plus générale, à la société de l'information.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

Je crois qu'il faut ne pas les suivre dans cette voie.

Nous continuons à avancer sur un projet de loi pragmatique, concret, qui s'attaque aux réalités que nous pouvons aujourd'hui traiter, sans avoir la prétention d'aborder toutes les questions relatives au développement de ce secteur et à un besoin social en pleine mutation, avec des révolutions technologiques considérables.

J'en veux pour preuve, par exemple, les discussions que nous avons et que nous aurons sans aucun doute sur la question de la redevance. Je fais partie de ceux, notamment en tant que rapporteur spécial du budget de la communication, qui pensent que la pérennisation de la redevance est quelque chose de fondamental.

M. Michel Françaix.

Ah !

M. Jean-Marie Le Guen.

Je pense aussi qu'elle ne peut sans doute pas se faire sous une forme traditionnelle, qu'il faudra mener une réflexion à ce sujet dans les mois qui viennent, notamment dans cette assemblée, et sans doute substituer au prélèvement actuel qui, M. Schwartzenberg le rappelait, est injuste socialement, politiquement difficile à assumer, et pèse sur un certain nombre de ménages, une ressource véritablement pérenne, car tous ceux qui souhaitent développer le service public de l'audiovisuel n'admettraient évidemment pas une fin de la pérennisation de la redevance.

Voilà donc un élément, sur lequel j'interviens à titre personnel, qui nous laisse à penser que nous aurons des débats sur ces questions qui ne sont pas toutes traitées dans ce texte.

Ce texte traite de façon parfaitement opportune des questions essentielles que nous pouvons traiter aujourd'hui, qui correspondent évidemment à la redéfinition d'un secteur audiovisuel, et singulièrement du secteur audiovisuel public. Il permet d'avancer sur ce qui sera une révolution considérable. Les débats que nous aurons demain et après-demain permettront d'ailleurs peut-être d'apprécier pleinement ce qu'est cette révolution du numérique hertzien et nous amèneront, j'en suis sûr, à légiférer dans des domaines essentiels. Je crois que le débat est ouvert. Il est, autour de ce texte, parfaitement opportun, et je propose donc que nous repoussions cette motion de procédure qui ne ferait que nous écarter du travail parlementaire que nous entendons conduire dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale, la parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Mon collègue Pierre-Christophe Baguet a eu parfaitement raison de proposer un renvoi en commission, mais c'est vous, mesdames, messieurs de la majorité, qui auriez dû le demander, notamment le président de la commission et le rapporteur, car c'est vous qui devriez défendre les droits du Parlement, pas l'opposition. C'est vous qui devriez expliquer au Gouvernement que, sur un sujet aussi important, on n'agit pas ainsi.

Comme Pierre-Christophe Baquet l'a rappelé, le Gouvernement a déposé cinquante-trois amendements en commission. Le président de la commission a essayé de protéger le Gouvernement. C'est à son honneur, encore que l'on puisse se demander quel honneur il y a à raconter une histoire pareille ! En réalité, si, comme cela a été dit plusieurs fois par les orateurs socialistes, le vrai sujet, c'est la télévision numérique, nous devrions avoir une première lecture sur le sujet ou, au moins, un travail approfondi en commission, et non le dépôt d'amendements du Gouvernement la veille du travail en commission. C'est tout à fait anormal. La demande de PierreChristophe Baguet aurait donc dû être reprise à son compte par la commission et par son président, si vous aviez eu le respect de l'indépendance du législatif par rapport à l'exécutif, et si vous aviez eu à coeur de défendre les droits du Parlement.

M. Michel Françaix.

Oui, c'est vrai.

M. Laurent Dominati.

J'ajoute qu'il n'y a aucune étude d'impact, cela a été dit par plusieurs orateurs.

Le financement, c'est merveilleux ! Lorsque vous avez déposé votre premier projet de loi, madame la ministre, ou plutôt la première version, le groupe socialiste a déclaré qu'il ne voterait pas un tel texte parce que c'était un cadeau aux chaînes privées et que l'on retirait des ressources aux chaînes publiques. A ce moment-là, vous avez inventé l'amendement Daladier-Trautmann. Il garantit le remboursement des exonérations de redevance dans la loi, mais il n'a aucune valeur puisque la seule loi qui compte, monsieur le rapporteur de la commission des finances, c'est la loi de finances.

M. Jean-Marie Le Guen.

Absolument. Je n'ai pas la possibilité de vous contredire !

M. Laurent Dominati.

Cet amendement qui a permis au groupe socialiste de dire qu'il n'avait pas compris et qu'il y aura quelques milliards en plus vous a permis de passer la première lecture.

L a deuxième lecture arrive, et je cherchais à comprendre l'attitude des personnalités éminentes du groupe socialiste. Ces gens-là savent lire les textes et voient bien le ridicule de la situation. J'ai entendu quelqu'un ici dire : « Votre loi est mauvaise, mais je la voterai. » Pourquoi la vote-t-il

? Parce qu'il y a le jeu du milliard ! (Rires.) Vous arrivez ici en disant : « Ne vous inquiétez pas, j'ai mon milliard ! » Vive la cagnotte. C'est le pactole, comme vous disiez si bien. Ne discutons donc pas. Allons tout de suite à la cinquième lecture, et on aura cinq milliards. (Rires et exclamations sur divers bancs.)

Ce sera beaucoup mieux pour tout le monde.

Mme Frédérique Bredin.

Ce n'est pas vous qui auriez donné 5 milliards pour le service public.

M. Laurent Dominati.

Je propose donc que l'on renvoie le texte en commission, ce qui permettra au Gouvernement de ramener un petit peu d'argent sur la table.

Vous serez encore plus contents, le service public aussi, les télévisions aussi. Tout ça, ce n'est pas un jeu législatif.

Cela ne me semble pas très sérieux. C'est pourtant ce que vous faites.

Enfin, vous parlez du numérique hertzien. On devrait à la limite faire une première lecture sur la télévision numérique hertzienne, voire sur Internet.

Mme Frédérique Bredin.

C'est vous qui réclamiez qu'on parle du numérique hertzien lors de la première lecture ! M. Laurent Dominati. Nous avions fait la liste de tout ce qui manquait dans le texte. Vos propositions sur les décodeurs, ce sont les amendements que nous avons déposés. L'amendement qui donne satisfaction aux producteurs, je l'avais proposé il y a déjà six mois. J'espère que c'est à peu près le même. En tout cas, il donne satisfaction.

M. Marcel Rogemont.

Vous voyez, on reprend vos amendements !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

M. Laurent Dominati.

Voilà cependant, madame la m inistre, ce que dit le président de l'USPA :

« Aujourd'hui, le fameux modèle français bardé de réglementations innombrables s'avère largement inefficace et asphyxiant tant pour les créateurs que pour les entrepreneurs. »

M. Jean-Marie Le Guen.

Ce n'est pas la Bible !

Mme Frédérique Bredin.

On a les citations qu'on peut ! M. Michel Françaix. Je préfère celle du saucisson à l'ail ! (Sourires.)

M. Laurent Dominati.

Qui dit ça ? C'est M. Christian Charret, président de l'union syndicale de la production audiovisuelle lors des assises auxquelles vous avez tous fait référence sans en tirer les conséquences parce que ce serait faire le pari de la liberté et abandonner le pouvoir réglementaire dont vous êtes si jaloux.

Quant à la fiction, si elle est en crise et si le secteur de la production est en crise, c'est parce que, depuis deux ans et demi, vous ne faites rien ! La production audiovisuelle française a chuté et, lorsque vous établissez une relation entre la redevance et la production, vous vous trompez. En Allemagne, on produit 2 000 heures et en France 550. La différence entre la redevance française et la redevance allemande est de 25 %.

Mme Frédérique Bredin.

C'est une mauvaise fiction étrangère !

M. Laurent Dominati.

C'est ça la réalité, madame Bredin. Ce n'est pas la peine d'aller à la tribune pour dire que les producteurs ont envoyé un message si vous n'écoutez pas ce qu'ils disent.

Voilà la véritable différence : 2 000 heures de production nationale en Allemagne, 550 heures en France.

Quant à l'Espagne, 850 heures de fiction et pas de redevance ! Alors, avant de faire des liens directs entre la redevance et la production audiovisuelle, il faudrait peut-être regarder de plus près. L'industrie de la création audiovisuelle en France est sous-développée, en tout cas par rapport à des pays comparables.

M. Marcel Rogemont.

On l'a déjà dit, on est d'accord avec vous !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Dominati, s'il vous plaît.

M. Laurent Dominati.

Dans la mesure où le Gouvernement a un tel pactole et où on vient d'inventer mille milliards pour 2020, on peut peut-être en inventer deux pour la télévision l'année prochaine, ou, en tout cas, pour la communication. Un milliard pour la télévision, c'est bien, madame la ministre, mais, maintenant, il faut penser à la radio et à la presse. Que faites-vous pour la presse ? C'est un bon domaine et il faut au moins un milliard.

Allons, mes chers collègues, ne freinez pas votre générosité à ce stade du débat et je vous encourage à retourner en commission pour avoir un peu plus accès à la cagnotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Madame la ministre, c'est une affaire que nous suivons les uns et les autres depuis l'hiver 1998 et je me souviens d'une réunion en commission. Le travail en commission est en effet important...

Mme Frédérique Bredin.

Encore ?

M. Rudy Salles.

Eh oui, c'est important. Contrairement à ce que pense M. Le Guen, c'est aussi du travail parlementaire, il n'y a pas que la séance publique ! Le travail le plus important se fait d'ailleurs en commission.

M. Michel Françaix.

Très bien.

M. Rudy Salles.

Vous étiez venue, madame la ministre, nous présenter votre premier texte. Nous sentions bien qu'il y avait un malaise au sein même de votre majorité...

M. Michel Françaix.

Non.

M. Rudy Salles.

... et vous nous avez annoncé que vous retiriez le texte. Le président de la séance, M. Le Garrec, qui n'est d'ailleurs plus dans l'hémicycle, a déclaré : il n'y a plus de débat, la séance est levée. Vous aviez d'ailleurs été un peu choquée par cette procédure...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Non.

M. Rudy Salles.

... car vous souhaitiez à l'époque débattre avec les parlementaires, ce qui était tout à votre honneur ! Et puis, il y a un an, nous avons eu à nouveau un débat en commission sur la première partie de votre texte, pendant deux heures.

M. Jean-Marie Le Guen.

Il est frustré. Il a besoin d'un débat avec Catherine Trautmann.

M. Rudy Salles.

C'était très intéressant parce que nous avons pu parler de la création de la holding, de la baisse de la publicité et de tout ce qui figurait dans le premier texte. Nous avions à l'époque attiré votre attention sur le numérique terrestre, sur lequel le texte était totalement muet.

Aujourd'hui, vous instaurez le numérique par voie d'amendements, à la dérobée. On ouvre un texte que l'on ne connaît pas. Le rapporteur lui-même a reçu les amendements la veille du débat en commission, et ça se voyait.

M. Marcel Rogemont.

Non.

M. Rudy Salles.

Nous avons d'ailleurs fait preuve de beaucoup de compréhension à son égard et essayé de ne pas être trop pénibles dans nos questions (Sourires) car il n'était pas à même de répondre. Il faisait son travail de rapporteur mais pas un travail de ministre, c'est bien normal ! Madame la ministre, nous avons tous une idée de l'audiovisuel et, au moment du vote, on sera contre ou on sera pour, mais, avant d'en arriver là, nous pouvons avoir un débat sérieux et approfondi. Vous avez refusé ce débat en commission. Ce n'est pas normal et ce n'est pas sérieux. C'est la raison pour laquelle il faut retourner en commission pour que nous puissions poser les questions que nous n'avons pas pu vous poser dans l'hémicycle. Il n'y a pas de débat ici. Vous répondez à qui vous voulez et comme vous voulez. En commission, vous le savez, les questions et les réponses sont beaucoup plus directes et on peut aller beaucoup plus au fond des choses.

M. Michel Françaix.

Oui.

M. Rudy Salles.

Encore une fois, il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions, et je remercie PierreChristophe Baguet d'avoir signalé qu'à aucun moment le président de la commission n'avait exprimé en commission ce qu'il a dit ce soir, et qui est une contrevérité.

D'ailleurs, le rapport en fait foi.

M. Christian Kert.

Tout à fait !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 MARS 2000

M. Rudy Salles.

C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi du texte en commission et nous votons bien évidemment la motion de M. Baguet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. Laurent Dominati.

C'est un refus du dialogue.

M. le président.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mars 2000, de M. JeanYves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport, no 2257, fait au nom de cet office, sur les conséquences des installations de stokage des déchets nucléaires sur la santé publique et l'environnement.

J'ai reçu, le 17 mars 2000, de M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport, no 2258, fait au nom de cet office, sur les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron et le rôle des très grands équipements dans la recherche publique ou privée, en France ou en Europe : Tome I : Les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron.

J'ai reçu, le 21 mars 2000, de M. Jacky Darne, un rapport, no 2260, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE, AVEC MODIFICATIONS, PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 21 mars 2000, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

Cette proposition de loi, no 2259, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE

REJETÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mars 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, rejeté par le Sénat, modifiant le nombre de sénateurs.

Ce projet de loi organique, no 2256, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2119, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2238).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 mars 2000, à zéro heure quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

PROCLAMATION DE DÉPUTÉS Par une communication du 20 mars 2000, faite en application de l'article L.O.

179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a informé M. le président de l'Assemblée nationale que, le 19 mars 2000, ont été élus députés : de la troisième circonscription du Pas-de-Calais : M. JeanClaude Leroy ; de la deuxième circonscription des Pyrénées-Atlantiques : M. Pierre Menjucq ; de la deuxième circonscription de la Sarthe : M. Jean-Marie Geveaux.

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et Décrets, du 21 mars 2000)

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (10 au lieu de 7) Ajouter les noms de MM. Jean-Claude Leroy, Pierre Menjucq et Jean-Marie Geveaux.

(Journal officiel, Lois et Décrets, du 22 mars 2000)

GROUPE SOCIALISTE (243 au lieu de 242) Ajouter le nom de M. Jean-Claude Leroy.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (9 au lieu de 10) Supprimer le nom de M. Jean-Claude Leroy.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :


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Communications du 16 mars 2000 No E 1424. Réforme de la commission Livre blanc : partie I (volume I) - partie II - Plan d'action (volume II) (COM [2000] 200 final).

No E 1425. Proposition de règlement du Conseil suspendant, pour une période de six mois, le règlement (CE) no 2151/1999 du Conseil concernant l'interdiction des vols entre les territoires de la Communauté et la République fédérale de Yougoslavie, à l'exception de la République du Monténégro et de la province du Kosovo, et modifiant les règlements (CE) no 1294/1999 et no 2111/1999 du Conseil en ce qui concerne les paiements et les fournitures effectués en relation avec les vols durant la période de suspension.

No E 1426. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1294/1999 du Conseil relatif à un gel des capitaux et à une interdiction des investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY) et abrogeant les règlements (CE) no 1295/98 et (CE) no 1607/98 (COM [2000] 150 final).