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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 2655).

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT (p. 2655)

MM. Jean-Marc Ayrault, Lionel Jospin, Premier ministre.

DÉPENDANCE (p. 2656)

M mes Paulette Guinchard-Kunstler, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT (p. 2657)

MM. Jean-Luc Warsmann, Lionel Jospin, Premier ministre.

RETRAITES (p. 2659)

M. Renaud Muselier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT (p. 2660)

MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Lionel Jospin, Premier ministre.

ÉDUCATION NATIONALE (p. 2660)

MM. Maurice Leroy, Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

CHASSE (p. 2661)

M. Antoine Carré, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

GYNÉCOLOGIE (p. 2661)

Mmes Muguette Jacquaint, Dominique Gillot, secrétaire à la santé et à aux handicapés.

SOMMET EUROPÉEN DE LISBONNE (p. 2662)

M me Chantal Robin-Rodrigo, M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

ÉCONOMIE SOLIDAIRE (p. 2663)

Mme Marie-Hélène Aubert, M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES (p. 2663)

MM. Jean-Claude Viollet, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 2664)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

2. Chasse. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 2664).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 2671)

MM. François Liberti, Charles de Courson, Jacques Desallangre, Antoine Carré, Christian Bataille, Jean-Claude Lemoine, Maxime Gremetz, Jacques Le Nay, Noël Mamère.

Rappel au règlement (p. 2689)

MM. Charles de Courson, le président.

Reprise de la discussion (p. 2690)

MM. Georges Colombier, Augustin Bonrepaux.

Rappels au règlement (p. 2692)

MM. Maxime Gremetz, le président.

M. Jean-Claude Lemoine.

Suspension et reprise de la séance (p. 2693)

Reprise de la discussion (p. 2693)

M. Didier Quentin.

3. Fait personnel (p. 2695).

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2695).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe socialiste.

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

(« Ah ? Lequel ? » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier les modifications intervenues dans la composition de votre gouvernement. Pour mener à bien la politique engagée depuis 1997, et qui réussit (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), vous avez choisi de rassembler et d'appeler à vos côtés des hommes et des femmes (« Une seule ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) de talent, d'expérience et de conviction.

C'est une équipe renouvelée et renforcée, mais aussi une équipe représentative de la majorité plurielle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) qui va mettre ses compétences au service des réformes que votre majorité soutient, et que les Français attendent.

Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous dire quel est le programme d'action de votre gouvernement pour les semaines et les mois qui viennent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Ehrmann.

Question téléphonée !

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président Ayrault, j'ai annoncé hier plusieurs modifications de mon gouvernement, et vous savez mieux que quiconque le sens et les raisons de cette décision. C'est une démarche normale et saine en démocratie, que lorsqu'un gouvernement - et ce n'était pas arrivé depuis longtemps - s'approche de la fin de sa troisième année, un remaniement puisse intervenir, un renouvellement de l'équipe gouvernementale puisse se produire. A moins de juger qu'un gouvernement doive se perpétuer à l'identique tout au long d'une législature...

Bien sûr, je me sépare avec regret (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) de ministres et d'amis qui, pendant trois années d'exercice, ont assumé leurs responsabilités. Mais il était de la mienne de faire ce choix.

Ce choix, mesdames et messieurs les députés, est d'abord celui du renforcement de la capacité d'action du Gouvernement.

M. Pierre Lellouche.

Parce que ces ministres étaient incapables ?

M. le Premier ministre.

Ecoutez, mesdames et messieurs les députés, il ne vous a pas fallu six mois dans le dernier gouvernement pour « débarquer » dix ministres, et essentiellement des femmes ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il s'agissait, dans un moment donné, face à la réalité sociale et politique de mon pays, de renforcer la capacité d'action du Gouvernement. La nomination d'hommes et de femmes que les responsabilités antérieures, l'expérience politique, le talent personnel et les convictions qualifient tout particulièrement pour entrer au Gouvernement sera, pour cette équipe, un appui et une source d'énergie et d'action supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ce choix, c'est aussi celui du rassemblement le plus large de la majorité. J'ai choisi d'inscrire plus profondément encore dans la majorité plurielle la légitimité de ce gouvernement devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) La majorité plurielle a inspiré notre action pendant trois ans. Elle est la légitimité parlementaire de ce gouvernement que je conduis. Elle a toujours été, à l'Assemblée, cohérente, rassemblée et solidaire. Elle continuera de l'être, car elle est rassemblée dans sa diversité par des valeurs et des convictions communes et elle a l'intention de continuer à agir au service du pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Ce choix s'inscrit dans l'approfondissement de la polit ique de réforme conduite par le Gouvernement depuis 1997. C'est sur cette ambition réformatrice que les Françaises et les Français nous ont fait confiance aux dernières élections législatives.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est pourquoi nous


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poursuivons la politique de réforme, respectant le contrat de confiance noué avec les Français.

N os orientations politiques, nos grandes priorités restent les mêmes.

(Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous voulons une croissance généreuse et solidaire.

C'est possible grâce à la baisse du chômage. Car la lutte pour l'emploi et contre le chômage reste et restera la première priorité de ce gouvernement. Le recul du chômage, qui se confirme de mois en mois, redonne confiance et énergie à notre peuple.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est possible grâce au progrès social. Car ce gouvernement et cette majorité n'ont jamais séparé l'effort de modernisation et d'efficacité économique de la justice sociale.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Schreiner.

Des mots, toujours des mots !

M. le Premier ministre.

Nous avons fait des réformes avec la loi contre les exclusions, avec la couverture maladie universelle, avec les mesures en faveur des chômeurs endettés. Et nous continuerons, par exemple en renouvelant la prestation spécifique dépendance, pour traiter un des grands problèmes du pays, et en apportant nos premières solutions à la question de l'équilibre des régimes de retraite fondés sur la répartition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est possible et ce sera possible grâce à la baisse des impôts (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui ne résume pas la pensée de la gauche mais qui, compte tenu du taux atteint par les prélèvements obligatoires, est nécessaire. Nous l'avons amorcée ensemble dans le budget 2000, avec une baisse de 40 milliards ; nous allons, j'imagine, décider ensemble de continuer dans le collectif budgétaire de printemps, grâce à une nouvelle baisse de 40 milliards. Et nous poursuivrons cette politique en veillant à répartir les bienfaits et les bénéfices de cet effort fiscal en faveur des différentes catégories de la population : en faveur de ceux qui ont le plus de mal à vivre, de ceux dont les salaires sont les plus faibles et de ceux, parmi les nouvelles couches salariées, qui contribuent à la modernisation, à l'innovation, à la création, que ce soit dans les petites et moyennes entreprises ou dans d'autres secteurs de l'économie.

Nous voulons une société réformée et modernisée et nous poursuivrons les réformes que nous avons engagées avec le PACS ou avec les lois sur la parité. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A cet égard, mesdames, messieurs les députés, je vous ferai remarquer que le taux de féminisation de ce gouvernement est plus élevé que celui de juin 1997.

M. Maurice Leroy.

Vous faites entrer une seule femme au gouvernement !

M. le Premier ministre.

Vérifiez : il était alors de 29 %, nous sommes à 33 %. Je reconnais que nous avons encore des progrès à faire ; nous les ferons.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Avec tous les ministres qui ont porté ce mouvement de réforme, avec les nouvelles personnalités qui ont rejoint cette équipe, nous allons continuer à travailler pour une société plus sûre.

Ce sera le travail sur la police de proximité conduit par le ministre de l'intérieur.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce sont les Assises de la citoyenneté pour la lutte contre les discriminations et l'intégration de notre jeunesse des quartiers avec Martine Aubry, Claude Bartol one, Jean-Pierre Chevènement, Marie-George Buffet (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

et les autres ! Ce sera une politique de modernisation économique, avec la loi sur les régulations économiques (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), avec le texte sur l'épargne salariale et Laurent Fabius y contribuera naturellement.

(Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Ce sera une action de modernisation de la société qui passe par l'affirmation du rôle des services publics, lesquels doivent évoluer et se réformer, au service de nos concitoyens.

Monsieur le président, mesdames les députés, les Français nous ont donné la durée. Avec ce gouvernement, avec cette majorité, nous entendons la faire fructifier ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Debout ! (Les députés du groupe socialiste se lèvent et continuent d'applaudir.)

M. le président.

Si vous voulez retrouver votre calme, mes chers collègues, cela nous permettra d'entendre la question suivante.

DÉPENDANCE

M. le président.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le vieillissement de la population préoccupe nos sociétés. Trois problèmes se posent : le financement et le niveau des retraites, la place des personnes âgées dans la société, mais aussi la prise en charge des personnes âgées que l'on appelle dépendantes.

Ces problèmes sont intimement liés, mais c'est sur le dernier que je souhaite vous interroger.

La dépendance est devenue un enjeu majeur de solidarité. 1,3 million de personnes âgées sont actuellement c oncernées par la perte d'autonomie, en dépit de


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l'investissement des professionnels et surtout des familles.

En effet, très nombreuses sont les familles qui sont confrontées à ces douloureuses situations et assurent seules l'accompagnement de leurs parents.

Les réponses apportées à ce problème sont aujourd'hui insatisfaisantes, tant au niveau financier qu'en termes de qualité de la prise en charge.

La prestation spécifique dépendance instaurée par le précédent gouvernement apparaît comme un échec. Elle ne bénéficie qu'à 120 000 personnes mais, surtout, elle est très inégalitaire. Fixé et servi par les conseils généra ux, son montant, très insuffisant, varie notablement d'un département à l'autre, pour des situations pourtant très souvent comparables. De même, les aides apportées par les différentes caisses de retraite sont hétérogènes.

Les politiques de maintien à domicile méritent d'être réorganisées et soutenues. Les maisons de retraite, les centres de séjour manquent cruellement de moyens.

Face à ce constat, nous ne pouvons que nous réjouir des annonces du Premier ministre, qui témoignent de la volonté du Gouvernement d'agir très fermement dans ce domaine.

Madame la ministre, pouvez-vous nous renseigner sur les grandes orientations de cette réforme et, surtout, nous indiquer dans quel délai elle sera mise en oeuvre ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, le Premier ministre vient de rappeler le défi que constitue, pour notre société, la prise en charge des personnes dépendantes.

Les décisions qu'il a été amené à prendre la semaine dernière ont été largement inspirées par le rapport que vous lui avez rendu sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes. De fait, vous connaissez bien le sujet.

Vous avez dit que la prestation spécifique dépendance était un échec. C'en est effectivement un. Aujourd'hui, 120 000 personnes âgées seulement bénéficient de cette allocation, alors que 1,3 million sont au moins moyennement dépendantes. Comme vous venez de le rappeler, les niveaux d'aides sont insuffisants et extrêmement variables suivant les départements, d'où une véritable rupture d'égalité.

M. le Premier ministre a dit quels étaient les grands axes de la réforme que nous voulons mettre en place. Il s'agit de reconnaître un nouveau droit aux personnes en fonction de leur dépendance physique, psychique, en fonction de leur environnement mais aussi de leur situation financière. Ce droit doit être égal sur tout le territoire, bénéficier à davantage de personnes, notamment les p ersonnes âgées moyennement dépendantes touchées aujourd'hui par le GIR 4. Bien évidemment, il doit s'étendre à toutes celles et tous ceux qui ont aujourd'hui des difficultés ; or c'est loin d'être le cas.

Jean-Pierre Sueur travaille à la mise en place de cette nouvelle prestation. Nous avons réuni hier le comité national de gérontologie, qui a unanimement approuvé ces propositions de réforme.

Il est possible, selon moi, d'instituer un dispositif national qui n'entraîne pas de rupture d'égalité mais qui gagne, grâce à une mise en place par les départements, en proximité, en qualité de services, en coordination. Car la vraie décentralisation, c'est la proximité et la qualité.

Nous allons entamer la négociation avec les départements et avec les caisses. Mais si j'en crois nos différents interlocuteurs, le débat est aujourd'hui bien engagé. Nous espérons que le projet de loi sera prêt dans les plus brefs délais. Le Gouvernement souhaite en tout cas qu'il en soit ainsi.

Nous devons aussi trouver les moyens de renforcer les soins aux personnes âgées, comme vous l'aviez d'ailleurs rappelé dans votre rapport, madame Guinchard-Kunstler.

Nous avons donc décidé de multiplier notre effort en faveur du maintien à domicile des personnes âgées avec 20 000 places de services de soins infirmiers, soit un doublement annuel pendant cinq ans.

Nous avons décidé de tripler l'effort fait sur la médicalisation des maisons de retraite pour passer, en cinq ans, de 160 000 à 200 000 lits. Cet effort représente 6 milliards de francs.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, madame la ministre, s'il vous plaît ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison ! Il faut respecter les délais. Mais c'est une question importante...

Enfin, nous allons mettre en place partout des comités de coordination gérontologique et des CLIC.

Monsieur le président, je rappellerai que c'est la semaine de la poésie. Cicéron disait, il y a déjà 2 000 ans, que le respect témoigné à la vieillesse était en proportion de la valeur morale propre à une nation. Tâchons, à cette occasion, d'élever encore la valeur morale de notre pays ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé hier de modifier la composition de votre gouvernement. Les questions que se posent aujourd'hui les Français sont simples. Pourquoi ce changement de gouvernement ? Voulez-vous changer de politique ? A l'éducation nationale, par exemple, les grèves et les m anifestations étaient, certes, dirigées contre votre ministre de l'éducation nationale, Claude Allègre, mais elles l'étaient surtout contre la politique décidée par votre gouvernement dans ce domaine.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous reprendre les réformes ou attendre que l'orage politique passe ? Car si vous ne voulez pas changer de politique dans l'éducation nationale, pourquoi avez-vous renvoyé votre ministre ? Aux finances, la réforme de Christian Sautter a été abandonnée. Votre ministre a été critiqué, mais c'est bien la réforme présentée par lui, en votre nom et avec votre accord qui a été abandonnée. Monsieur le Premier ministre, allez-vous reprendre cette réforme ? Pourquoi avez-vous renvoyé le ministre qui la présentait ? ou allezvous, une fois encore, attendre que l'orage passe ? Dans l'affaire de la cagnotte fiscale, c'est bien, là encore, votre méthode qui a été critiquée et qui a profondément choqué les Français. Qu'allez-vous faire en ce


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domaine ? Avez-vous nommé un nouveau ministre de l'économie pour gérer l'immobilisme, que vous choisissez pour on ne sait quelle raison, ou bien pour faire des réformes ? En un mot, monsieur le Premier ministre, ce changement de gouvernement, qui donne à bien des Français l'impression d'être revenus quinze ans en arrière, à quoi va-t-il servir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, il me paraît courtois que, après avoir répondu à une question de la majorité, je réponde au moins à une question de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vois le Premier ministre Raymond Barre, et cela me fait penser - comme à vous peut-être - que le dernier gouvernement de droite à avoir duré deux ans était celui qu'il dirigeait il y a dix-neuf ans.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et alors ? Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Le gouvernement de M. Barre a duré cinq ans !

M. le Premier ministre.

Nous sommes bien d'accord,

M. Barre a dirigé un gouvernement qui a duré cinq ans.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais depuis cette époque, nous n'avons pas eu de gouvernement de droite qui dure plus de deux ans. Et je comprends que, aujourd'hui, vous manquiez quelque peu de repères pour trouver normal qu'un gouvernement qui arrive à la fin de sa troisième année...

M. Jean-Michel Ferrand.

A bout de souffle !

M. le Premier ministre.

... puisse considérer qu'il est possible de procéder à un remaniement. C'est tout simplement ce que je fais.

M. Gilbert Meyer.

Ce n'est pas la question !

M. le Premier ministre.

Je ne veux pas revenir sur ce que j'indiquais tout à l'heure, mais le précédent gouvernement n'avait pas attendu six mois pour chasser, ou disons écarter, dix de ses ministres.

Après trois années de travail, des femmes et des hommes nouveaux...

M. Philippe Briand.

Pas nouveaux !

M. le Premier ministre.

... entrent au Gouvernement pour donner, je le répète, à notre équipe gouvernementale plus de force. Je vois bien en quoi l'arrivée à des postes importants de personnalités compétentes et affirmées vous préoccupe et vous agace.

M. André Santini.

Nous, on ne voit rien du tout !

M. le Premier ministre.

Dans votre for intérieur, je sais que vous jugez ce Gouvernement peut-être plus fort et plus compact aujourd'hui qu'il ne l'était hier dans les circonstances de la vie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Un ancien Premier ministre qui, il y a quelques jours, était encore président de votre assemblée,...

M. Jean-Michel Ferrand.

Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

M. le Premier ministre.

... trois anciens ministres dont deux présidaient deux de vos commissions les plus importantes, des personnalités de conviction : je pense que tout cela correspond à une respiration normale de la démocratie et à un renforcement dont vous aurez l'occasion de constater l'usage.

Ce matin, j'écoutais le président Debré s'exprimer au micro d'une radio. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il me semble qu'il a fait, dans une phrase que je lui suggère de réécouter, une sorte d'aveu sur la situation telle qu'elle est aujourd'hui.

M. Jean-Louis Debré.

Je n'avoue jamais ! (Rires.)

M. le Premier ministre.

Du point de vue freudien, vous avez avoué, monsieur le président Debré. Le journaliste qui vous interrogeait, après vous avoir entendu reprendre l'antienne et les litanies des critiques sur le nouveau gouvernement, vous a demandé : « Très bien, mais vous, l'opposition, qu'allez-vous faire ? »

M. Jean-Louis Debré.

Nous ne sommes pas au Gouvernement. Vous avez mal écouté !

M. le Premier ministre.

Vous avez répondu : « Nous regarderons le Gouvernement » ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Eh bien, mesdames, messieurs les députés, travaillez, proposez, suggérez au pays des orientations ! Nous, nous supporterons que vous nous regardiez, même de façon critique, mais nous aimerions que vous apportiez au débat national plus que vos querelles et vos divisions, plus que vos enjeux de pouvoir, que vous preniez exemple sur nous (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) qui savons nous rassembler autour de l'équipe gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai choisi pour ce Gouvernement, dans un remaniement ministériel normal après presque trois ans, des personnalités politiques capables de gérer des secteurs importants, des personnalités désireuses de réformer et ayant le désir et l'expérience du dialogue.

M. Jean Ueberschlag.

Les autres étaient des incapables ?

M. le Premier ministre.

Il n'y a donc pas de changement de gouvernement, mais un changement dans le Gouvernement. Il n'y a pas de changement de politique, mais l'approfondissement et l'affirmation de la politique...

M. Jean Ueberschlag.

Sophisme !

M. le Premier ministre.

... qui a été approuvée par les Français en juin 1997 et que je souhaite poursuivre avec l'équipe qui m'entoure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce que traduit ce gouvernement, c'est une volonté et une capacité de mener une politique de réforme dans le domaine de l'éducation comme dans le domaine des services publics, notamment des services publics du ministère des finances.

M. Jean-Michel Ferrand.

Baratin !

M. le Premier ministre.

C'est un gouvernement capable de moderniser le pays, capable de préserver chez les Français le sentiment de confiance qu'ils ont retrouvé en euxmêmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est pas sérieux !

M. le Premier ministre.

Oui, ce gouvernement continuera à agir avec une conviction ancrée en profondeur dans les valeurs de la gauche. Il continuera à agir, avec un souci constant : l'intérêt général du pays, le service des Français.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Renaud Muselier.

M. Renaud Muselier.

Monsieur le Premier ministre, je vous invite à réécouter l'intervention radiophonique de M. Debré ce matin. S'il a bien dit qu'il comptait regarder le Gouvernement travailler, ce qui est de sa responsabilité, il a précisé que nous le jugerions, parce que nous étions inquiets de son immobilisme. Il fallait aller jusqu'au bout de la citation, monsieur le Premier ministre.

M. Christian Bourquin.

Rigolo !

M. Renaud Muselier.

Et puisque vous nous invitez à un important débat sur les retraites, je suis sûr que vous allez répondre positivement à ma question - ce qui sera bien la première fois.

(Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Depuis 1997, vous avez multiplié les manoeuvres de diversion avec la publication de trois rapports successifs sur le dossier des retraites. La semaine passée, vous vous êtes adressé aux Français pour faire une série d'annonces, d'une part, et caricaturer les propositions de l'opposition sur l'épargne-retraite, d'autre part. Force est de constater qu'aucune véritable décision n'a été prise. Vous annoncez l'abondement d'un fonds de réserve à hauteur de 1 000 milliards de francs dont on ne sait ni quand ni surtout comment ils seront alloués. Vous vous contentez, pour justifier votre inaction, de rassurer en vous appuyant sur des hypothèses fondées sur le pari d'une croissance forte et d'une durée jusqu'alors inégalée. Contrairement à vos affirmations, les Français savent que l'avenir de leurs retraites n'est toujours pas assuré.

Vous annoncez l'ouverture d'une nouvelle concertation.

Monsieur le Premier ministre, cette question est trop importante pour que nous nous contentions de simples déclarations.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Renaud Muselier.

Vous ne pouvez pas continuer, comme l'a encore fait aujourd'hui votre ministre chargé des relations avec le Parlement, à maintenir la représentation nationale en dehors de ce débat. Vous êtes maître de l'ordre du jour du Parlement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mers chers collègues, un peu de calme, je vous en prie.

M. Renaud Muselier.

Je réitère donc, au nom des trois groupes de l'opposition, la demande solennelle d'un débat à l'Assemblée nationale consacré à l'avenir des Français, que vous ne pouvez pas refuser.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le Premier ministre s'est abondamment exprimé la semaine dernière pour expliquer, après ces annonces, comment le Gouvernement souhaitait assurer les retraites des Français en garantissant le pacte de solidarité entre les générations, c'est-à-dire la retraite par répartition à laquelle tous les Français sont attachés.

M. Jean-Louis Debré.

Y aura-t-il un débat ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous dites que nous n'avons rien annoncé. Les Français ne l'ont pas entendu comme vous,...

M. Jean-Louis Debré.

On vous a demandé un débat !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui, encore ce matin dans un sondage, se disaient à 75 % rassurés par l'annonce du Premier ministre, et prêts à suivre les grandes orientations qui ont été les siennes.

Le Premier ministre a très clairement dit que les déficits atteints à partir de 2020 ne pourraient pas être comblés par la seule croissance, par la seule réduction du chômage ni par la seule augmentation des cotisations.

M. Jean-Louis Debré.

Un débat pour quand ?

M. Renaud Muselier.

C'est oui ou c'est non ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il a avancé des principes de progressivité, d'équité, de justice, de souplesse par rapport aux demandes des individus, que nous allons négocier dans chacun des secteurs avec les organisations syndicales et patronales concernées.

Nous allons effectivement mettre en place l'évolution des retraites nécessaire pour un nouveau pacte de solidarité avec les Français dans chacun des régimes. Je suis entièrement convaincue que, dans les mois qui viennent, les décisions du Premier ministre prendront effet...

M. Renaud Muselier.

La question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et que nous aurons réglé, comme nous le faisons actuellement pour la sécurité sociale, pour le chômage, un des problèmes qui tient le plus à coeur aux Français.

Quant au fonds de réserve qui serait, selon vous, aujourd'hui extrêmement vague, nous avons dit comment nous financerions les 1 000 milliards pour 2020 : 500 milliards provenant des excédents cumulés de la CNAV, du FSV et de la CSSS, 150 milliards des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, 330 milliards d'intérêts et de revenus financiers.

Vous vous gaussiez, l'année dernière, de ce fonds de réserve. Il aura 20 milliards dès la fin de l'année et atteindra les sommes que le Premier ministre a annoncées pour l'an 2000. C'est un autre exemple de la solidarité puisque ce fonds de réserve permettra de faire la moitié du chemin nécessaire entre 2020 et 2040.

M. Renaud Muselier.

Je n'ai pas de réponse à ma question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous continuerons à suivre la méthode que le Premier ministre a définie et vous verrez que l'avenir des retraites sera ainsi garanti. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, au terme de l'inventaire, vous avez constitué une nouvelle équipe. Est-ce un attelage présidentiel, ce qui n'intéresse que la gauche ? Est-ce un nouveau gouvernement pour une nouvelle politique, ce qui intéresse les Français ? Dans ce cas, respecter les Français et la démocratie, c'est respecter les élus du suffrage universel, autrement dit le Parlement. Allez-vous, oui ou non, faire une déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale ? Allezvous y engager votre responsabilité ? Si vous ne le faites pas, c'est que vous vous bornez à commencer prématurément votre campagne présidentielle, faisant ainsi perdre deux ans à la France et aux Français ! Faudra-t-il que les Français attendent deux ans pour que les propositions de l'opposition voient le jour ? (« Lesquelles ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux.

Plus longtemps encore !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ces propositions, c'est la baisse des charges qui pénalisent l'emploi ; c'est la baisse des impôts que chacun attend ; ce sont de vraies décisions sur les retraites ; c'est de donner de vrais moyens aux grandes fonctions régaliennes de l'Etat.

Alors, monsieur le Premier ministre, allons-nous, oui ou non, avoir droit à une déclaration de politique générale et à un débat pour que les Français sachent exactement si vous avez mis au point votre dispositif électoral ou s'il s'agit d'une vraie politique pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, je ne comprends pas pourquoi vous êtes obsédé par des échéances que, pour ce qui me concerne, aussi bien ici que dans mes déclarations publiques, je n'aborde jamais, ma tâche étant de conduire ce gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je me bornerai donc à répondre très clairement à votre question que j'avais, d'une certaine façon, anticipée. S'il s'agissait aujourd'hui de venir à l'Assemblée nationale avec un nouveau gouvernement ou pour présenter une nouvelle politique, la question d'une déclaration de politique générale se poserait naturellement. J'ai indiqué clairement, il y a un instant, que je n'ai pas fait un changement de gouvernement, mais un changement dans le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Renaud Muselier.

Remaniement jospinien !

M. le Premier ministre.

... pour continuer, approfondir la politique que j'ai présentée aux Français et que la majorité plurielle soutient depuis juin 1997. C'est dans ce cadre que nous agissons et que vous vous opposez. Quant à vos rêveries, gardez-les, mesdames, messieurs, pour vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratiefrançaise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, attendez que M. Leroy ait posé sa question. Et si vous pouviez l'écouter dans le silence, ce serait encore mieux ! M. Maurice Leroy. On peut comprendre l'impatience de nos jeunes collègues de gauche qui sont restés sur leurs bancs et ne sont pas entrés au Gouvernement ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A propos d'intérêt général, ma question s'adresse à M. Jack Lang. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) A peine nommé ministre de l'éducation nationale, vous avez déclaré, monsieur Lang - je cite l'Agence France Presse - qu'en travaillant pour l'éducation nationale, vous alliez travailler pour la gauche, pour Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Bonjour, l'intérêt général ! A Pont-Audemer, à Vendôme, à Nîmes comme partout en France, les élèves, les parents et les enseignants, qui ne sont pas fatalement de gauche ni de Paris - et il y en a figurez-vous -, voudraient savoir quand et comment vous allez travailler pour eux et donc pour la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député Leroy, j'entends bien travailler (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Jean Ueberschlag. Moi, je n'entends rien ! M. le ministre de l'éducation nationale. Taisez-vous pour entendre.

J'entends bien travailler, à la demande de M. le Premier ministre, pour notre gouvernement, c'est-à-dire, en effet, pour la majorité de gauche dont je fais partie.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et j'entends bien, à ses côtés, contribuer à son succès, à notre succès.

J'entends bien aussi travailler...

M. Pierre Lellouche. Pour Delanoë !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... pour la capitale du pays, Paris. J'entends bien, enfin et surtout,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

travailler pour la France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen etVert. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Puis « Allègre ! Allègre ! » sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CHASSE

M. le président.

La parole est à M. Antoine Carré.

M. Antoine Carré. Madame la ministre de l'environnement, vous parcourez, depuis plusieurs semaines, une sorte de chemin de croix : après l' Erika , après une visite éclair au salon de l'agriculture, voici venir le texte sur la chasse.

Certes, vous avez survécu au remaniement ministériel (« Hélas ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) mais, avec la discussion du projet de loi sur la chasse cet après-midi, j'ai l'impression que rien ne vous sera épargné. En effet, ce projet a été considérablement modifié depuis deux mois, sous l'influence des membres du groupe chasse présidé par Henri Sicre, du rapporteur M. Patriat, et des opinions clairement affichées des divers groupes politiques tant de la majorité que de l'opposition.

Ces avancées, à petits pas, contre votre gré, ne permettent cependant pas d'apaiser le monde de la chasse. Il faut, en effet, légaliser les dates d'ouverture et de fermeture, en tenant compte, bien entendu, des directives européennes. Cette légalisation a été proposée par un amendement étudié par le groupe chasse de l'Assemblée nationale et qui avait recueilli l'avis favorable de tous les groupes politiques, tout au moins de leurs représentants.

Allez-vous enfin accepter que le Parlement légalise les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse avec la possibilité d'échelonnement selon les espèces, mesure essentielle et tant attendue par les chasseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ainsi que sur divers bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Monsieur Carré, c'est ce qui s'appelle brûler la politesse à ses collègues, puisqu'il me semble que vous êtes inscrit dans la discussion générale du projet sur la chasse qui commencera dans quelques instants. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il s'agissait d'une remarque purement objective.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

D'abord, monsieur le député, je vous remercie chaleureusement pour votre sollicitude.

En présentant, au nom du Gouvernement, un projet de loi sur la chasse, je souhaite répondre à une triple préoccupation, sans sacrifier aucune d'entre elles : mettre un terme au contentieux qui empoisonne les relations entre mon ministère et la Commission européenne depuis vingt ans ; instaurer les conditions d'une chasse durable au profit des chasseurs, (Exclamations et rires sur plusieursbancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ; assurer la gestion responsable des habitats et des espèces sauvages, « chassables » ou non, comme l'attendent une écrasante majorité de Français.

La tâche n'est pas aisée. C'est pourquoi le Premier ministre a confié à François Patriat le soin de dresser un état des lieux et de formuler des propositions, ce qu'il a fait après une très large concertation. Sur cette base, j'ai élaboré un projet de loi en poursuivant la concertation avec les députés, avec les chasseurs, avec les autres usagers des espaces naturels : pêcheurs, agriculteurs, forestiers, naturalistes, sportifs.

Ce projet est le projet du Gouvernement. Il sera, comme cela est normal, débattu par le Parlement. Je le crois équilibré et je défendrai ce point de vue.

Je tiens à vous rappeler, monsieur Carré, que si certains députés posent la question du statut de la chasse de nuit, il n'a jamais été question de légaliser les dates d'ouverture et de fermeture (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) mais de les fixer. Je considère que cela relève du domaine réglementaire. Ainsi on n'arrête pas les dates des moissons ou des vendanges par la loi.

C'est pourquoi j'ai proposé de vous présenter, dès l'ouverture du débat sur le projet de loi sur la chasse, le projet de décret que j'ai l'intention de déposer immédiatement après l'adoption de ce texte et qui porte les dates sur lesquelles est intervenu un consensus entre les chasseurs responsables et les protecteurs de l'environnement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste. - « Non ! Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

GYNÉCOLOGIE

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, plusieurs fois déjà, nous vous avons interrogée sur l'avenir de la profession de gynécologue. Aujourd'hui, cette question reste d'actualité, si j'en juge par les milliers de femmes qui ont manifesté ce week-end et par les 800 000 signatures recueillies par pétition qui réclament le retour de la formation en gynécologie médicale, ainsi que le libre accès à cette spécialité

En effet, ce diplôme ayant été supprimé en 1986, les futurs départs en retraite laissent présager un manque de professionnels pour les années à venir.

Alors qu'il reste actuellement deux mille spécialistes environ, ils ne devraient plus être que cinq cents en 2020.

En conséquence, le passage par un généraliste risque de devenir la règle, surtout si celui-ci est dit référent. En effet, les femmes se dirigeront vers lui pour bénéficier de la dispense d'avance de frais. Ce schéma introduit inévitablement un degré de liberté différent : celles qui n'auront pas les moyens rencontreront plus de difficultés pour accéder directement aux spécialistes.


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L'exercice de la gynécologie médicale tient une place prépondérante dans notre système de santé. La relation entre ce professionnel et la patiente instaure un climat de confiance dans un cadre d'intimité certain. Cette profession joue également un rôle particulier en matière d'information, de prévention, de contraception, de dépistage des cancers féminins ou de traitements médicaux comme celui de la ménopause.

Certes, vous créez un diplôme de gynécologie médicale obstétrique, mais nous doutons de l'opportunité d'une telle fusion qui risque d'entraîner un déséquilibre. Pourquoi ne pas remettre en place un diplôme pour la seule spécialité de gynécologie médicale ? Comment comptezvous permettre à toutes les femmes d'avoir un accès direct à un gynécologue ? (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Madame la députée, comme vous, je suis solidaire des femmes qui ont tenu à manifester samedi leur attachement à la gynécologie médicale et à l'avenir de cette spécialité. Je voudrais qu'elles comprennent, et vous aussi, que je partage leur conviction et que, personnellement, je suis très attachée à la gynécologie médicale. Je considère effectivement que les gynécologues médicaux oeuvrent excellemment en faveur de la santé des femmes. Tout le travail que j'ai mené en concertation ces derniers mois a été au service de cette conviction.

Il n'a jamais été question de supprimer la gynécologie médicale. Bien au contraire, mon objectif est de restaurer, de conforter, d'assurer et de garantir une formation spécifique en la matière sous la forme d'une filière optionnelle de deux ans et demi à l'intérieur du corpus de gynécologie. Cette réforme a été acceptée par l'ensemble des partenaires concernés.

Le nombre des internes formés à cette discipline sera progressivement augmenté, passant de 80 en 1998 à 200 en 2002 afin que toutes les femmes puissent bénéficier de cette médecine à laquelle elles sont attachées.

Décidée à garantir aux femmes le bénéfice de cette prestation de qualité adaptée à leurs besoins, je souhaite qu'elles puissent accéder à des praticiens auxquels elles pourront faire confiance. Je suis persuadée que la création d'une filière spécifique, telle que celle que vous me réclamez, ne garantirait pas cette qualité de formation. Au contraire, elle instaurerait une discrimination entre une filière noble, universitaire, dans laquelle s'engageraient des hommes, la filière obstétrique, et une autre, médicale, réputée plus facile, qui attirerait plutôt les femmes, contraintes par les réalités matérielles de la vie. Où serait le choix ? Où serait l'égalité des chances ? La réforme que nous proposons est la meilleure façon d'éviter cette discrimination, madame la députée, et de donner à la gynécologie médicale ses vraies lettres de noblesse et la reconnaissance qu'elle mérite dans le paysage médical.

J'ajoute que l'accès libre et direct aux gynécologues n'a jamais été mis en cause par la procédure conventionnelle du médecin référent. Le Premier ministre l'a assuré dans son discours du 8 mars dernier et le président de la CNAM l'a exprimé très clairement dans un communiqué de presse qu'il a rendu public le 24 mars dernier et dans lequel il a déclaré qu'une femme ayant choisi un médecin référent et s'adressant directement à son gynécologue continuera à être remboursée dans les mêmes conditions que toutes les autres femmes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Roudy.

A condition qu'elle s'adresse à un médecin référent !

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

SOMMET EUROPÉEN DE LISBONNE

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, ma question concerne le sommet européen de Lisbonne.

A l'issue de ce sommet les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze ont adopté d'importantes décisions visant notamment à faire du plein emploi l'un des objectifs majeurs de l'Union européenne. C'est au Luxembourg, et sous l'impulsion du gouvernement de Lionel Jospin, que l'Union européenne a fait de la lutte contre le chômage une de ses priorités. Donner toutes ses chances à l'Europe en tablant sur la nouvelle économie, la recherche, l'innovation, tels sont quelques-uns des objectifs fixés à Lisbonne et auxquels j'adhère.

Cependant l'Union européenne ne doit pas perdre de vue que beaucoup de ses citoyens vivent encore audessous du seuil de pauvreté ou sont frappés par le chômage. Nous devons donc moderniser tout en préservant nos outils de cohésion sociale. Je pense non seulement à notre protection sociale, à nos services publics mais aussi à tout ce qui concourt à l'aménagement du territoire et à l'égalité des citoyens : l'électricité, l'eau, la poste, les transports collectifs, le gaz.

Monsieur le ministre, quelles mesures entend prendre le Gouvernement, durant la présidence française de l'Union européenne, pour faire progresser une conception de l'Europe dans laquelle progrès économique et progrès social iraient de pair ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Madame la députée, le Conseil de Lisbonne a naturellement abordé l'ensemble des problèmes européens. Il a ainsi évoqué la situation dans les Balkans et en Russie, l'évolution de l'Europe de la défense. Il a également été marqué par la question autrichienne à propos de laquelle il a refusé la banalisation.

Cela étant, le point central de son ordre du jour était constitué par l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale dans le cadre de la société de la connaissance et de l'innovation. Ainsi que le Premier ministre l'a rappelé, ce sommet a été l'occasion de montrer le lien indissoluble entre la réforme économique et le progrès social.

Vous avez d'ailleurs eu raison de souligner que, d'une certaine façon, il avait été l'aboutissement de ce que nous avons entrepris depuis trois ans.

A Lisbonne, a été dégagée la perspective de reconquérir le plein emploi en Europe. Dans cette optique nous avons défini, ce qui n'avait pas été possible auparavant, un objectif de croissance d'au moins 3 % en Europe.

Nous avons également arrêté plusieurs mesures concrètes


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

qu'il conviendra de mettre en oeuvre : instauration d'un brevet communautaire, mise en place d'un tableau de bord de l'innovation, raccordement, avant 2001, de toutes les écoles européennes à Internet, dispositions relatives au financement de la Banque européenne d'investissement en faveur du capital risque.

Par ailleurs, ce Conseil européen a passé le relais à la présidence française dans au moins deux domaines que je veux mentionner : d'abord l'Europe de la connaissance avec l'affirmation de la nécessité de lever les obstacles à la mobilité des enseignants, des étudidants, des chercheurs en Europe ; ensuite l'agenda social européen qui dessinera, à cinq ans et à dix ans, des perspectives en matière de lutte contre les exclusions et les discriminations, de protection sociale, de droit du travail.

Enfin, on a beaucoup trop dit que ce sommet avait été celui du libéralisme. Or tel n'a pas du tout été le cas, car les Européens, sur l'insistance du Premier ministre et du Président de la République, ont refusé une démarche de libéralisation inadaptée pour des secteurs aussi importants que l'énergie, les transports et la poste. Certes des avancées et des adaptations ont été décidées mais sans qu'il soit fixé de date car nous tenons beaucoup à marquer l'importance du service public dans ces domaines.

Je considère donc que le Conseil européen de Lisbonne s'est penché sur nos soucis et sur les préoccupations que vous avez exprimées, notamment le lien entre la réforme, l a modernisation économique et le progrès social, lesquelles guideront l'action du Gouvernement durant la présidence française.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

ÉCONOMIE SOLIDAIRE

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, Guy Hascoët. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cet intitulé tendrait d'ailleurs à laisser croire que l'autre économie ne le serait pas. Nous ne manquerons pas d'interroger ultérieurement Laurent Fabius sur ce point ! (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous réjouissons d'abord de votre entrée au Gouvernement et de la création d'un secrétariat d'Etat à l'économie solidaire. En effet, depuis longtemps, cette dernière est au centre des propositions économiques et sociales des Verts. Elle correspond à la fois à un concept nouveau et à une pratique quotidienne impliquant un grand nombre de nos concitoyens.

Pour favoriser l'économie solidaire, il faut des réalisations concrètes. Or nous savons que vous avez été un pionnier en la matière aux niveaux local et régional, notamment quand vous étiez vice-président du conseil régional Nord Pas-de-Calais.

Cependant, une majorité de nos concitoyens, mais aussi des parlementaires qui les représentent, n'ont pas une idée très claire de ce qu'est l'économie solidaire.

(Sourires.)

Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que cette notion recouvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

Madame la députée, le secrétariat d'Etat qui m'a été confié et qui recouvre le champ de l'économie sociale et solidaire concerne trois grands secteurs.

Le premier est celui de l'innovation sociale apparue depuis quelques années pour lutter contre les difficultés socio-économiques. En la matière, il s'agira de mieux reconnaître les intervenants de ce secteur et de les aider à pérenniser des activités nouvelles.

Le deuxième est le champ traditionnel de l'économie sociale dans lequel on retrouve les grandes associations, les mutuelles, les coopératives. Dans ce domaine, il conviendra de favoriser le renouvellement de leur rôle, de rechercher les apports nouveaux qu'elles peuvent faire, tout en essayant de les préserver de certaines évolutions ou de dérégulations qui se font parfois jour dans les débats européens.

Le troisième secteur est celui des partenariats nouveaux. Il est, en effet, indéniable que l'association ou la mise en synergie de la volonté de citoyens, d'associations, parfois d'entreprises, souvent de collectivités permet de faire naître des activités nouvelles, qu'il s'agisse de service aux personnes, d'environnement, de culture ou de nouvelles technologies.

Ma tâche consistera donc à écouter tous ces acteurs et à chercher les meilleurs moyens - évolutions de statuts, dispositifs financiers... - d'accélérer leur émergence, d'as-s urer leur pérennisation et leur installation dans l'ensemble des pays ruraux ou des villes de France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous revenons au groupe socialiste pour une dernière question.

CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES

M. le président.

La parole est à Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet.

Monsieur le ministre, le 3 février dernier, M. le Premier ministre faisait, ici même, un premier point de la mise en oeuvre des dispositions retenues par le Gouvernement, en complément des mesures d'urgence, pour faire face aux conséquences des intempéries qu'a connues notre pays à la fin de 1999.

Nul ne peut contester l'effort de solidarité nationale consenti pour faciliter l'indemnisation et la solvabilité des particuliers, favoriser la reprise de l'activité économique, soutenir les collectivités, reconstruire et rénover la forêt.

Pour autant, des difficultés demeurent, en Charente ou dans la Dordogne voisine, comme dans beaucoup d'autres départements, nombre de situations particulières étant exclues des procédures d'indemnisation.

Ainsi, s'agissant de la forêt privée, si les 12 milliards de prêts bonifiés mis en place pour préfinancer la sortie, le stockage et la valorisation des bois ont pu répondre à l'attente des communes forestières et des gros exploitants forestiers, les propriétaires qui détiennent des petites parcelles de quelques hectares seulement ne pourront y avoir recours, car aucun n'est en mesure de s'endetter pour un capital irréalisable.

De même, seuls les artisans, les commerçants et les PME ayant subi des avaries matérielles pourraient, à ce jour, prétendre aux 200 millions du fonds d'intervention


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC, ce qui exclurait une bonne partie d'entre eux de toute indemnisation.

Enfin, nos communes rencontrent des difficultés pour la réparation des clôtures, mais aussi des monuments funéraires des cimetières. Rarement assurés par les propriétaires, ces derniers nécessitent parfois de lourds investissements.

Compte tenu des difficultés observées, ma question est triple.

Premièrement, le Gouvernement entend-il modifier le système d'intervention sur la forêt, par exemple en instituant une subvention à l'hectare pour le débardage, versée au propriétaire ou, si ce dernier est défaillant, à la collectivité qui pourrait s'y substituer dans l'intérêt public ? Deuxièmement, le Gouvernement entend-il assouplir les critères pour l'indemnisation des commerçants, des artisans et des PME ? Troisièmement, enfin, le Gouvernement entend-il aider les communes pour la reconstruction des cimetières et pour les travaux funéraires à la charge des administrés ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, M. le Premier ministre a rendu public le plan de sauvetage pour la forêt le 12 janvier, c'est-à-dire moins de quinze jours après les tempêtes. Ce plan a été enrichi à plusieurs reprises : les 3 et 17 février, puis le 29 à Nantes, lors du comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire où Lionel Jospin a annoncé 4 milliards de francs supplémentaires pour les avenants aux contrats de plan Etatrégion.

Nous n'avons cessé depuis d'enrichir ce dispositif et de le préciser. J'étais encore, hier et aujourd'hui, dans le Limousin, en Corrèze et en Haute-Vienne, pour participer à des réunions de travail avec les forestiers.

Puisque vous avez évoqué ce problème, sachez que les petits propriétaires forestiers, y compris ceux qui sont en dessous du seuil de quatre hectares, seuil un peu mythique et qui ne représente rien du point de vue fiscal, sont tous éligibles à l'ensemble des aides définies par le Gouvernement. Aucun ne peut être exclu en fonction de la taille des parcelles. Il est exact que, dans un certain nombre de centres régionaux de la propriété forestière, tous ne figurant pas sur des fichiers, n'avaient pas été atteints par l'information.

Je vous rassure donc : nous avons pris les dispositions nécessaires pour que tous les petits propriétaires forestiers bénéficient de ces aides.

Pour ce qui concerne la mise en place des prêts bonifiés, nous nous heurtons à un problème de cautionnement. Mais nous travaillons à y remédier et nous devrions aboutir, dans les tout prochains jours, à un système du type SOFARIS, sans doute avec l'aide des collectivités locales.

Je vous assure, monsieur le député, que, jour après jour, nous nous efforçons, comme c'est notre devoir, de régler les problèmes et nous continuerons de le faire tant que tous ne seront pas réglés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Brard.

Et les cimetières ?

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 CHASSE Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la chasse (nos 2182, 2273).

Le rapport de la commission de la production et des échanges porte également sur les proposition de loi de :

M. Jean-Pierre Michel et plusieurs de ses collègues, tendant à réprimer le fait de chasser sous l'emprise d'un état d'imprégnation alcoolique (no 1443) ;

M. Jean-Claude Lemoine et plusieurs de ses collègues, tendant à autoriser la chasse du gibier d'eau de nuit dans certains départements (no 1717) ; M. Didier Quentin et plusieurs de ses collègues, relative à la chasse de nuit (no 1763) ; M. Bernard Madrelle et plusieurs de ses collègues, portant modification des articles L.

224-4 et L.

228-5 du code rural concernant les chasses de nuit (no 1768) ;

M. Charles de Courson et plusieurs de ses collègues, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (no 1796) ;

M. Jean-Michel Ferrand et plusieurs de ses collègues, tendant à autoriser la chasse de nuit au gibier d'eau dans certains départements (no 1848) ; M. Didier Quentin, relative à la départementalisation de l'indemnisation des dégâts du gibier (no 2145).

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet que je vous présente aujourd'hui a été préparé par le Gouvernement au terme d'une concertation qui n'a pas cessé depuis l'été 1997 et qui a connu une forme et une intensité remarquables grâce au travail conduit par M. Patriat depuis le mois de juin 1999.

Je voudrais le remercier ici des efforts qu'il a accomplis pour écrire son rapport dans des délais extrêment brefs, tout en conduisant une véritable concertation dans des dizaines de départements afin de permettre aux points de vue de s'exprimer et de se rapprocher.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

Je salue également le travail réalisé par la commission de la production et des échanges et adresser tous mes voeux de rétablissement à André Lajoinie, son président, qui se remet d'un accident.

Le Gouvernement a donné suite à ce travail de concertation en préparant un projet de loi adopté en conseil des ministres deux mois après la remise du rapport de François Patriat.

Constitué de vingt-trois articles, le projet qui vous est proposé comporte six titres, qui traitent successivement de la chasse et de son organisation, des associations communales de chasse agréées, du permis de chasser, du temps de chasse, de la gestion du gibier et de dispositions administratives et pénales.

Le projet que le Gouvernement soumet à votre délibération représente un compromis, forcément plus ou moins satisfaisant pour tous les protagonistes, entre les chasseurs et ceux qui ne chassent pas, entre le souci de coller aux réalités du terrain et le respect des engagements internationaux de la France.

Ce compromis, nous vous proposons de le réaliser autour de trois grands objectifs : créer les conditions d'une coexistence pacifiée entre les chasseurs et les autres usagers des espaces naturels, en redéfinissant la place de la chasse dans la gestion des espaces et des espèces ; clarifier et moderniser les missions et le rôle des structures qui organisent le monde de la chasse ; moderniser notre droit interne pour mettre fin aux contentieux suscités par certaines pratiques de la chasse depuis de nombreuses années.

J'évoquerai tout d'abord la nécessité de permettre un accès partagé aux espaces naturels et ruraux, entre tous les usagers de la nature.

La société française, les modes de vie, les besoins de nos concitoyens ont connu des transformations importantes. L'accroissement du temps libre, la concentration urbaine, l'augmentation de la mobilité ont très sensiblement accru et diversifié les demandes en matière d'accès aux activités offertes par les espaces ruraux et naturels.

Il ne faut pas s'en plaindre. C'est sans aucun doute source de brassages sociaux et culturels, de développement économique et touristique et, plus prosaïquement, de flux financiers. L'heure est maintenant au partage de l'espace et à la combinaison des différentes manières d'en user ou d'en jouir.

Le souci de préserver l'environnement prend progressivement sa place dans les mentalités comme dans les comportements. Le processus est trop lent, à mon gré, mais personne ne peut contester que cette préoccupation se développe. L'afflux de bénévoles sur les côtes de l'Atlantique souillées par le fioul de l' Erika est en quelque sorte la preuve par le passage à l'acte de l'attention grandissante que portent nos concitoyens à l'environnement.

Simultanément, la société française fait l'apprentissage de la concertation, les débats publics ouverts aux citoyens et à leurs associations se multiplient, la démocratie participative se développe. Elle ne remet pas en cause la démocratie représentative mais la complète en permettant effectivement aux citoyens de prendre leurs affaires en m ain. L'impressionnante consultation que François Patriat a conduite sur le terrain dans le courant de l'été dernier et qui est à l'origine du débat que nous avons aujourd'hui se situe dans le droit-fil de cette tendance qui s'affirme.

Même si je regrette la faiblesse des soutiens qui sont d évolus aux disciplines touchant à l'environnement, l'avancée des connaissances scientifiques en matière d'écologie, de dynamique des populations et de fonctionnement des milieux a été sensible ces dernières dizaines d'années. Aux progrès acquis correspondent évidemment tout un lot de controverses et de lacunes, mais cela ne suffit pas pour se dispenser de prendre en compte ce qui est maintenant connu et ne l'était pas il y a quelques décennies.

Il est maintenant indéniable que les sociétés humaines ont une responsabilité déterminante dans la pérennité des espèces, dans le fonctionnement des milieux et le maintien des équilibres écologiques. La France a d'ailleurs pleinement assumé cette responsabilité en se dotant, en juillet 1976, de la loi relative à la protection de la nature, dont les dispositions ont été renforcées en 1995.

La même évolution s'est produite au plan européen et au plan international avec l'adoption, depuis la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de Rio de Janeiro en 1992, d'un projet de développement durable, malheureusement encore bien peu mis en oeuvre, mais auquel aucune activité humaine, pas même la chasse, ne peut se soustraire.

C'est dans ce contexte qu'il faut replacer les efforts que nous entreprenons pour redéfinir la place de la chasse dans la gestion des espaces naturels et des espèces sauvages.

L'article 1er du projet de loi indique que la gestion durable du patrimoine cynégétique et de ses habitats est d'intérêt général, que la protection de ce patrimoine implique une gestion équilibrée des ressources cynégétiques et que la pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, social et économique, participe à cette gestion.

Sans évidemment lui conférer une quelconque exclusivité, la part prise par une chasse raisonnée à la gestion des espèces est ainsi reconnue.

Cet article décline, pour la chasse, les dispositions plus générales qui figuraient dans la loi relative à la protection de la nature de 1976 et dans celle de 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Je vous rappelle que ces dispositions, qui figurent déjà dans le code rural, font des espèces animales des éléments du patrimoine commun de la nation, comme le sont les équilibres écologiques, les ressources naturelles ou les paysages, et que ces articles font de leur protection ou de leur gestion des responsabilités d'intérêt général.

Que le rôle de la chasse soit ainsi défini correspond à la reconnaissance de la part qu'elle prend souvent dans la gestion des espèces et des milieux, mais il impose, en retour, une responsabilité qui doit conduire à écarter celles des pratiques de chasse qui ne seraient pas compatibles avec les enjeux de la protection de la nature. Au travers de cette rédaction, le projet de loi qui vous est proposé consacre les évolutions positives constatées sur le terrain et les encourage.

Plus souvent qu'on ne le dit, la cohabitation entre les chasseurs et ceux qui ne chassent pas est parvenue à un équilibre local qui satisfait chasseurs, agriculteurs, protecteurs de la nature et de l'environnement et toute autre sorte d'usagers des espaces naturels, forestiers ou ruraux.

Nous souhaitons tous que ces situations d'exception deviennent la règle. Il faut, pour cela, parvenir à un accord explicite sur le partage de l'accès aux espaces naturels et ruraux dans des conditions qui respectent les intérêts de chacun.

Cet accord suppose que l'on reconnaisse la légitimité de certaines limitations à l'exercice du droit de chasse et que nous redéfinissions ensemble les fondements de ces


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restrictions. La liberté de chasser n'a, en effet, jamais été absolue depuis 1789. La loi de 1844, reprenant celle du 30 avril 1790, précisait, par exemple, que nul n'a la faculté de chasser sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit et que nul ne pourra chasser si la chasse n'est pas ouverte.

Les raisons de ces limites apportées à l'exercice du droit de chasser sont forcément différentes aujourd'hui de ce qu'elles étaient il y a un siècle et demi. A nous de les préciser. Il me semble qu'elles doivent s'inspirer de deux types de préoccupations : celles qui tiennent à la coexistence entre les usagers de la nature, d'une part ; celles qui tiennent à la préservation des espèces sauvages, d'autre part.

C'est en s'inspirant des premières que votre rapporteur a proposé l'instauration du « mercredi sans chasse », afin que, ce jour-là, chacun puisse profiter de la nature en toute sérénité.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Cette p roposition a été reprise par le Gouvernement à l'article 10 du projet.

Le souci de préserver la faune sauvage s'exprime notamment dans les articles relatifs à la transcription de la directive communautaire de 1979, dont nous reparlerons, mais aussi dans ceux qui précisent les objectifs des plans de chasse en les élargissant à la gestion des interactions entre les espèces.

Il vous est également proposé de créer un dispositif de gestion des espèces, le prélèvement maximal autorisé, qui sera dans certains cas un moyen plus souple et plus efficace de gestion de l'importance du prélèvement pratiqué.

En deuxième lieu, ce projet de loi propose de rénover l'organisation du monde de la chasse et de la rendre plus claire.

M. François Sauvadet.

Ce ne sera pas plus clair grâce à vous ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dans son article 2, pour tenir compte du développement des missions de l'Office national de la chasse, et notamment l'élargissement de son champ d'intervention à de nombreuses espèces de la faune sauvage qui ne sont pas chassables, il est proposé de modifier, en l'inscrivant dans la loi, la dénomination de l'établissement qui deviendrait l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. L'élargissement du champ d'intervention de l'Office n'est en rien artificiel.

M. François Sauvadet.

Ah ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les écosystèmes sont des ensembles cohérents et les objectifs de gestion de la faune sauvage chassable ou non sont souvent indissociables.

Les missions de l'Office sont donc redéfinies, en insistant sur ses rôles d'étude et d'appui technique en faveur de la chasse et de la conservation de la faune sauvage et des habitats. Pour les mêmes raisons, mais aussi pour marquer l'ouverture de l'Office, son conseil d'administration sera élargi à des représentants des usagers et des gestionnaires des espaces naturels.

Dans les articles 3 et 5, les missions des fédérations départementales de la chasse sont redéfinies, tout comme leurs relations avec leur nouvelle fédération nationale. Il est, en effet, important que la vitalité et la responsabilité du mouvement associatif que suscite la chasse soient consolidées, tant pour clarifier sa propre identité et son autonomie que pour faciliter un dialogue responsable avec les autres acteurs, notamment sociaux et professionnels, partie prenante à la protection de la nature.

Depuis quelques décennies et à côté d'autres acteurs du monde rural, voire en coopération avec eux, les fédérations de chasse mènent des actions en faveur du patrimoine naturel qui se sont développées et diversifiées. Elles constituent des réserves, se préoccupent de la protection et de la reproduction du gibier. Il fallait en prendre acte.

Leur responsabilité dans le domaine de la formation initiale et continue de leurs adhérents devait être simultanément reconnue et confortée pour être mieux assumée.

Leur rôle de coordination des associations communales de chasse agréée devait aussi être confirmé.

La police de la chasse est clairement confiée aux gardes de l'office et aux fonctionnaires de l'Etat habilités à l'exercer. Ainsi sera opérée une clarification nécessaire et attendue entre le rôle de l'office et celui des fédérations.

Les fédérations départementales qui le souhaitent pourront concourir à la prévention du braconnage.

M. Charles de Courson.

Comment ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Enfin, une fédération nationale regroupera les fédérations départementales de chasseurs, consolidant ainsi la représentativité générale et la cohésion du mouvement. Cette fédération aura notamment à constituer et à gérer un fonds de péréquation destiné à rédu ire les inégalités entre des fédérations dont les ressources, qui dépendent du nombre d'adhérents, ne sont pas toujours en rapport avec des charges qui sont fonction, elles, de la superficie des espaces naturels de leur département.

Je pense que ces propositions conduiront à clarifier le fonctionnement du mouvement associatif de la chasse et à développer la cohésion et la responsabilité. D'autres, de nature réglementaire, viendront les compléter plus tard.

Le rapport de François Patriat propose, par exemple, de modifier le régime électoral des fédérations en instaurant le principe « un homme, une voix » pour le processus électif. J'y suis favorable, mais il n'a pas semblé opportun au Gouvernement d'intégrer à la loi des dispositions qui relèvent du règlement, voire du statut des associations.

Evidemment, si les moyens sont donnés aux fédérations de renforcer leur action et leur représentativité, cela ira de pair avec un contrôle effectif des pouvoirs publics sur leur fonctionnement et sur la façon dont elles utilisent leurs fonds.

M. Michel Hunault.

C'est de la provocation ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il faut rappeler que ce qui justifie l'existence des fédérations de chasse et les prérogatives qui leur sont reconnues, c'est bien le rôle qu'elles doivent jouer dans la gestion des espèces sauvages et des espaces qu'elles gèrent, et uniquement cela. Un récent rapport de la Cour des comptes a mis en évidence que cela n'était pas toujours le cas. Il faudra naturellement y mettre bon ordre.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

C'est de la provocation !

M. René André.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Michel Hunault.

Soyez plus claire !


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Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sur un autre plan, il fallait mettre les règles de fonctionnement des associations communales de chasse agréées en conformité avec l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme.

Chacun ici connaît les ACCA. Je ne reviendrai donc pas sur le dispositif, sur son utilité ou sur les critiques qui lui ont été portées. Je note évidemment avec satisfaction que la Cour européenne des droits de l'homme a admis que la loi Verdeille poursuivait dans son ensemble des buts légitimes et qu'elle a été adoptée dans une perspective conforme à l'intérêt général. Il est cependant devenu nécessaire d'inscrire dans notre législation les dispositions qui permettront à ceux qui le désirent de faire valoir un droit de non-chasse, pour reprendre l'expression consacrée, dans des conditions raisonnables et simples. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) C'est l'objet des articles 6 et 7 du projet de loi.

Il me semble que nous sommes parvenus à des propositions qui, alliant simplicité et responsabilité, peuvent satisfaire les propriétaires qui, par conviction personnelle, refusent l'exercice de la chasse sur leurs biens, tout en garantissant la stabilité nécessaire à une bonne gestion des territoires de chasse. C'est un exemple de l'un de ces points d'équilibre dont je parlais il y a quelques instants.

Ces dispositions, comme d'ailleurs l'instauration d'un jour sans chasse, apaiseront sans aucun doute, pour peu qu'elles soient mises en oeuvre loyalement...

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas possible ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

...les relations entre chasseurs et nonchasseurs.

Je serai brève sur les améliorations apportées au permis de chasser. Qu'elles soient de nature réglementaire, comme l'instauration d'une épreuve pratique, ou de nature législative, comme le permis accompagné évoqué à l'article 8 du titre III, elles renforceront la crédibilité de cet examen. Ces dispositions sont essentielles pour améliorer la sécurité de la chasse, tant pour les pratiquants que pour les citoyens en général, et promouvoir une image de responsabilité.

Il s'agit, en troisième et dernier lieu, de moderniser notre législation nationale pour mettre fin aux contentieux qui empoisonnent le climat depuis des années.

M. Michel Hunault.

C'est vous qui l'empoisonnez ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Notre droit de la chasse est un droit ancien. Il n'est donc pas étonnant qu'il se révèle inadapté aux évolutions de la société et qu'il s'articule parfois fort mal avec la législation communautaire, de création plus récente.

La législation sur la chasse, codifiée au titre II, « Protection de la nature », du code rural, est pour l'essentiel issue d'une loi de 1844. Cette loi encadrait initialement le droit des propriétaires à s'approprier un gibier resnullius présent sur leur terre. Cette législation a été complétée ensuite par la création d'institutions spécialisées, les fédé rations de chasseurs et le Conseil supérieur de la chasse en 1941, par l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées, àl'occasion de la loi du 10 juillet 1964, la fameuse loi Verdeille, par l'instauration du plan de chasse en 1966 et d'un dispositif administratitf d'indemnisation des dégâts dus au grand gibier en 1969 et, enfin, par l'obligation de satisfaire à un examen préalable au permis de chasser en 1975.

Plus récemment, est apparu un droit international et communautaire consacré à la conservation de la faune sauvage, qui est venu contredire notre droit interne sur certains points. La directive communautaire 79/409, du 2 avril 1979, relative à la conservation des oiseaux sauvages, s'est, par exemple, révélée délicate à transposer. Le Parlement est d'ailleurs intervenu à deux reprises, en 1994 puis en 1998, sans pour autant aboutir à une transposition satisfaisante, comme l'a confirmé l'arrêt du Conseil d'Etat du 3 décembre 1999.

Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a récemment considéré que certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1964 - dite loi Verdeille - sont contraires à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elles contraignent les propriétaires, même s'ils sont opposés à la chasse pour des raisons éthiques, à apporter les droits de chasse attachés à leur propriété à une association communale de chasse agréée et à y adhérer.

Comme le préconise le rapport de François Patriat, il faut mettre notre droit national en accord avec le droit européen, notamment avec la directive « oiseaux » du 2 avril 1979 qui, soit dit en passant, a été adoptée en 1979 à l'unanimité, alors que la majorité politique de notre pays et le gouvernement qui le représentait alors à Bruxelles n'étaient pas ceux que nous connaissons aujourd'hui.

M. Maxime Gremetz.

Pas à l'unanimité ! Je ne l'ai pas votée.

M. Michel Hunault.

C'est la gauche « plurielle » ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est l'objet de l'article 10 du titre IV du projet de loi. qui traite de la fixation des périodes de chasse. Il prend en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat, notamment l'arrêt qu'il a rendu le 3 décembre 1999, et respecte la distinction qu'il a fréquemment rappelée entre matière législative et matière réglementaire.

La rédaction proposée établit donc le principe d'une fixation des périodes de chasse par l'autorité administrative, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Elle soumet par ailleurs la fixation des dates aux principes inscrits à l'article 7-4 de la directive « oiseaux », c'est-à-dire le respect des périodes de reproduction ou de dépendance, et l'absence de chasse durant le retour vers les lieux de nidification.

Chacun connaît déjà l'avant-projet de décret d'application que, par souci de transpanrence, j'ai fait préparer afin que vous puissiez l'étudier en même temps que vous examiniez ce projet de loi. Celui-ci prévoit que la chasse aux oiseaux migrateurs sera possible entre le 1er septembre et le 31 janvier. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

C'est scandaleux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Des dérogations à ces périodes de chasse, permettant une ouverture anticipée le 10 août et une fermeture le 10 février pour les espèces en bon état de conservation, pourront être négociées sur la base d'informations scientifiques. Les décisions seront prises par les préfets, après les consultations nécessaires.

M. Michel Hunault.

Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Maxime Gremetz.

Que de conflits en perspective !


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Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'article 11, très attendu lui aussi, indique que le permis de chasser donne le droit de chasser à la passée le seul gibier d'eau en des lieux et selon des conditions qui seront précisées par décret pris en Conseil d'Etat.

M. René André.

Vous dessaisissez le Parlement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La chasse à la passée s'exerce à l'aube ou au crépuscule. La loi préconise désormais les limites apportées à cette pratique : une heure avant le lever du soleil et une heure après son coucher.

M. René André.

Deux heures ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'article 12, quant à lui, prévoit la suspension expérimentale, pour une période de cinq ans, de la disposition du code rural qui interdit actuellement l'exercice de la chasse de nuit.

M. Charles de Courson.

Egalité ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cette suspension ne sera effective que lorsque les conditions en auront été définies par décret en Conseil d'Etat. Mais, comme pour d'autres dispositions déterminantes de ce projet de loi, un avant-projet de décret est prêt à être soumis aux discussions interministérielles puis au Conseil d'Etat, et vous en avez eu connaissance.

M. Charles de Courson.

Hélas !

Mme Christine Boutin.

Il n'est pas rassurant ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cette suspension ne concernerait que la chasse au gibier d'eau, et les départements où cette forme de chasse est traditionnelle et authentique, c'est-à-dire ceux recensés à l'occasion de la consultation organisée par François Patriat, la chasse y étant pratiquée à partir d'installations spécialisées existant au 1er janvier 2000. Il n'est en effet pas question de confirmer des traditions trop récentes pour ne pas être factices.

M. Didier Quentin.

Pourquoi ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dans ces départements, un nombre maximum d'animaux à prélever devra être fixé par chasseur, par espèce, sur un territoire et une période déterminés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Par chasseur ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Soucieux de mesurer exactement l'impact de ce type de chasse - c'est d'ailleurs pour cette raison que la procédure de suspension expérimentale a été retenue - le Gouvernement établira un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre de cette mesure.

M. René André.

Avec un observatoire !

M. Philippe Briand.

Et un comité ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je sais que cette façon de faire intrigue certains d'entre vous.

Ce n'est pas par opportunisme que nous avons choisi la voie de la dépénalisation expérimentale. La chasse de nuit est au centre d'âpres controverses entre certains chasseurs, les scientifiques, les environnementalistes. Il faut leur laisser le temps de mesurer ensemble et rigoureusement les impacts réels de cette pratique. Toute autre façon de faire serait source de contentieux.

M. René André.

C'est vous qui suscitez ces contentieux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il n'est ni dans les intentions du Gouvernement ni dans l'intérêt de la France de les multiplier à l'envi. Cela serait contraire à notre volonté, à votre volonté,...

M. Jean-Louis Bernard.

Non, la vôtre.

M. Michel Hunault.

C'est vous qui provoquez ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... d'apaiser le climat pour aboutir à un examen dépassionné et réaliste de ces questions.

Par ailleurs, l'ensemble des juristes consultés ont considéré que cette dépénalisation expérimentale et limitée à certaines zones géographiques particulières était la seule formule susceptible d'être compatible avec nos obligations communautaires, en particulier celles qui résultent de la directive de 1979.

Pour clore ce rapide exposé du contenu du projet de loi, je précise que les titres V et VI comportent des dispositions concernant des outils de gestion comme le plan de chasse, les battues administratives ou les prélèvements maxima autorisés, ou des dispositions administratives et pénales d'adaptation ou d'harmonisation.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère, à travers cet exposé qui, par certains côtés, était un peu technique, vous avoir conduits à percevoir l'équilibre (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance)...

Mme Christine Boutin.

Pas du tout !

M. Noël Mamère.

Oui, très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... que le Gouvernement a tenu à maintenir entre les préoccupations des chasseurs ou de leurs organisations,...

M. Patrice Martin-Lalande C'est raté ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... celles des autres usagers des espaces ruraux et naturels et les principes consacrés par le droit international et le droit communautaire auxquels notre pays a souscrit.

Ce compromis est fragile. Aucun des éléments qui le constituent ne saurait être remis en cause sans que l'édifice entier ne risque de s'effondrer.

M. René André.

Vous voulez dire que c'est à prendre ou à laisser ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est la quatrième fois, en moins de six ans, que le Parlement est appelé à légiférer sur les questions relatives à la chasse. Il l'a fait une première fois en adoptant la loi du 15 juillet 1994, qui prévoyait un échelonnement des dates de fermeture de la chasse jusqu'au 28 février.

Les contentieux qui ont suivi et la lettre de mise en demeure adressée par la Commission des Communautés européennes à la France, le 13 novembre 1997, pour défaut de transposition de la directive de 1979 ont montré que cette loi n'avait pas atteint son objectif.


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M. Jean Auclair.

Vous croyez que vous allez l'atteindre, vous ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est dans ce contexte que le Parlement a adopté la loi du 3 juillet 1998 qui fixait, département par département et espèce par espèce, les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Le Conseil d'Etat a considéré, dans un arrêt du 3 décembre 1999, que cette loi ne faisait pas obstacle à l'application du droit communautaire et que je ne pouvais pas refuser de fixer des dates de chasse compatibles avec la directive européenne, et donc contraires à celles qui figurent dans la loi en question.

Enfin, une proposition de loi d'origine sénatoriale vous a été soumise, il y a quelques semaines. Elle tentait d'apporter des réponses, que votre assemblée n'a pas jugé satisfaisantes, à certaines des questions que j'ai abordées dans mon introduction. Nul ne peut faire comme si tout cela n'avait pas existé.

Il incombe au Gouvernement de proposer à la représentation nationale un texte qui permette de trouver une solution au problème soulevé, et non des dispositions inopérantes qui ne feraient qu'entretenir les conflits que nous connaissons depuis trop longtemps.

M. René André.

C'est vous qui les attisez ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Tel est le but que je poursuis, aujourd'hui, en son nom.

Je souhaite que les travaux du Parlement préservent cet équilibre comme je m'attacherai à le faire lorsqu'il faudra mettre cette loi en oeuvre. En l'occurrence, la surenchère sera mauvaise conseillère.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il n'y a pas besoin de ça ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sans régler durablement les questions immédiates, elle ne ferait que justifier un immobilisme dangereux pour la chasse elle-même et encourager la poursuite d'affrontements qui, par certains côtés, apparaissent vains, inutiles et même dérisoires à toutes les parties.

M. François Sauvadet.

Vous y avez contribué !

M. Jean Auclair.

C'est vous qui allez faire la guerre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'enjeu dépasse largement les contentieux toujours évoqués ou l'organisation immédiate de la chasse. Il vous revient de briser la logique infernale des conflits...

M. Christian Jacob.

Ah oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qui ne profite ni à la chasse, ni à la nature, ni à la société.

J'ai, pour ma part, fait ce qu'il me revenait de faire.

M. Jean Auclair.

Merci Voynet ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sur le terrain, bien des protagonistes, tant du côté des associations de protection de la nature que du côté des chasseurs, sont prêts à faire quelques pas de plus, les uns vers les autres, pour peu que l'équilibre minutieux auquel le Gouvernement est parvenu soit confirmé.

M. François Sauvadet.

Minutieux ? Relisez les travaux de la commission ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les débats que le travail de François Patriat a développés ont montré que la chasse doit impérativement trouver une nouvelle légitimité. Celle-ci ne sera durablement acquise que si, parallèlement à vos travaux, s'établissent et se poursuivent un dialogue et une réflexion collective entre les chasseurs et le reste d'une société qui a profondément changé.

Il dépend de votre assemblée...

M. Gérard Hamel.

Non, des décrets ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... que les conditions de ce dialogue soient durablement établies. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous raconter ce qui m'est arrivé, cette semaine, dans la circonscription dont je suis momentanément l'élu.

M. Didier Quentin.

Quel réalisme ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

Un groupe de jeunes est venu me voir, à Nolay, en Côte-d'Or, pour me dire qu'ils voulaient rencontrer des chasseurs.

Mme Christine Boutin.

Beaucoup de jeunes aiment la chasse !

M. François Patriat, rapporteur.

Ils étaient lycéens, étudiants, et ne connaissaient rien à la chasse, mais ils auraient aimé déminer ce débat qui empoisonne la société et participer à une rencontre avec des chasseurs.

Cette invitation au dialogue devrait nous inciter à cesser de nous invectiver et à rechercher un compromis intéressant.

M. René André.

On ne s'invective pas !

M. François Patriat, rapporteur.

Il faut répondre aux accusations d'immobilisme et porter à l'actif du Gouvernement ce texte de loi, sensible s'il en est, qui tente de mettre fin à des années de conflits inutiles.

M. Christian Jacob.

Qui a créé ces conflits ?

M. François Patriat, rapporteur.

Il est le résultat de neuf mois de dialogue, de recherche, d'écoute, de propositions. Aussi, je souhaite que nous prenions un peu de hauteur et fassions preuve de courage, pour aboutir à ce compromis responsable et citoyen. Il y a ici ceux qui, pour des raisons tactiques ou politiciennes (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), souhaitent que le texte de loi échoue, mais il y a surtout une grande majorité de Français qui veulent qu'on en finisse avec ces guerres picrocholines.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En préambule à mon intervention, qui - rassurez-vous sera brève, je voudrais citer un poète, un grand défenseur de la nature, Jean Giono, qui, dans Un roi sans divertissement, écrivait : « Il me semble qu'il n'y a pas de raison pour nous, mais il y a une raison pour lui. Et s'il y a une


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raison pour lui, nous devons pouvoir le comprendre. Je ne crois pas, moi, qu'un homme puisse être différent des autres hommes au point d'avoir des raisons totalement incompréhensibles. »

M. Philippe Briand.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. François Patriat, rapporteur.

On chasse depuis la nuit des temps, et le sujet ne laisse personne indifférent.

A l'heure où la nature est devenue une question politique, il faut ouvrir une réflexion plus générale sur l'évolution des rapports que l'homme entretient avec elle.

A toutes les frontières qui, déjà, nous séparent, est-il souhaitable d'ajouter une ligne de démarcation partageant la France en deux : d'un côté, les partisans de la chasse, de l'autre, ses adversaires ?

M. Didier Quentin.

A qui la faute ?

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vous qui le faites !

M. François Patriat, rapporteur.

A vrai dire, les grands débats qui divisent l'opinion sur des sujets graves, engageant l'avenir, sont sans commune mesure avec cette querelle. Certains sont assurés de leurs choix...

Mme Christine Boutin.

Quoique...

M. François Patriat, rapporteur.

... fondés sur des cultures, des traditions, des usages dont personne ne nie la réalité. D'autres sont assurés du droit qui leur a été confirmé par les tribunaux et ils entendent s'y adosser pour réduire la chasse à la portion congrue.

La violence des répliques échangées entre ceux qui, la pratiquant, défendent la chasse et ceux qui, la condamnant, voudraient la voir interdire, montre bien à quel degré de passion et d'intolérance le débat est aujourd'hui parvenu.

Oublions donc un instant le cynisme et les arrièrepensées, et tentons de mettre ce dossier à plat, d'accomplir, tous ensemble, cette remise en cause que la société impose à chacun pour ouvrir un débat constructif, porteur d'avenir.

M. Philippe Briand.

C'est bien réglé ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

Cessons, mes chers collègues, d'exacerber les passions, de flatter les démagogies, de nier l'existence des directives européennes voulues, souhaitées et signées par la France, telle la directive 79/409 signée par Michel d'Ornano et Jean FrançoisPoncet.

M. Philippe Briand.

C'est bien réglé.

(Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

Et donnons ici l'exemple du dialogue à tous ceux qui doivent se réunir pour trouver les voies d'une coexistence pacifique, au lieu d'aviver les conflits qui se sont exacerbés de part et d'autre, pour autant de bonnes que de mauvaises raisons.

M. Jean Auclair.

Dis-moi ce que tu penses, Patriat...

M. François Patriat, rapporteur.

C'est l'intérêt de toute la société que de voir chacun participer à la restauration des habitats, à la sauvegarde des biotopes, au partage des espaces, à la survie des espèces.

Mme Christine Boutin.

Les chasseurs le savent !

M. François Patriat, rapporteur.

Ce projet de loi, ambitieux et courageux (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), tente d'apporter un ensemble de réponses qui sont un compromis entre les points de vue de tous les utilisateurs de la nature. Il légitime la chasse française dans sa diversité, en respectant ses traditions, en lui accordant une reconnaissance juridique et une organisation pyramidale représentative. Il permet, d'autre part, à tous les non-chasseurs une faculté plus grande d'utilisation de la nature. Il insiste sur l'impératif de dialogue, de partage et de sécurité.

Il appartient aux chasseurs de passer d'une politique de préservation à une politique de gestion, c'est-à-dire à une implication réelle dans tous les domaines de reconquête et d'entretien des territoires et de renouvellement des espèces. Je défends, moi aussi, la chasse responsable : personne ne peut prétendre que l'Etat doit agir seul pour réussir la gestion des ressources naturelles du territoire.

L'implication et la responsabilisation de tous les acteurs sont donc nécessaires.

La chasse n'appartient pas à ceux qui la pratiquent, pas plus qu'elle ne se réduit à l'image caricaturale qu'en développent émotivement ses détracteurs. Le projet de loi veut répondre aux attentes des uns et des autres. Il inclut des mesures de sagesse. Il vise à définir les contours d'une chasse citoyenne autour d'un ensemble d'articles complémentaires et synergiques, porteurs de principes essentiels.

Mme Sylvia Bassot.

Vive la Saint-Hubert !

M. François Patriat, rapporteur.

Ce projet de réforme positive s'inscrit dans une vision globale modernisée, renouvelée, de l'espace rural. Il tient compte de l'émergence d'un besoin et d'un droit à la nature et à son partage, en imposant des devoirs à tous ceux qui le revendiquent. Il se fixe, pour cela, quatre ou cinq objectifs principaux.

En premier lieu, il vise à garantir aux générations à venir la possibilité de connaître une faune sauvage riche, variée, naturelle et le droit d'exercer sur cette faune une activité légitime de prédation.

Mme Christine Boutin.

Nous sommes d'accord !

M. François Patriat, rapporteur.

En second lieu, il entend promouvoir les actions de sauvegarde et de gestion des habitats avec les autres usagers de la nature. En troisième lieu, il souhaite favoriser un exercice de la chasse conforme au contexte de la société moderne et aux réalités écologiques, conditions essentielles de l'activité cynégétique. En quatrième lieu, il incite à un changement de comportement du chasseur, pour que l'on passe de la chasse de cueillette à la chasse de gestion. Enfin, il contribue à restaurer l'image de la chasse dans l'opinion publique.

C'est donc un texte équilibré qui nous est soumis aujourd'hui, enrichi par les amendements de l'opposition et de la majorité.

M. Antoine Carré.

C'est vrai !

M. François Patriat, rapporteur.

Il permet, Mme la ministre l'a dit, d'aboutir à une véritable légitimation de la chasse, de définir enfin l'acte de chasser : le président Daillant - que je rencontrais récemment - évoquait ce problème devant moi. Ce texte conforte les missions élargies de l'office national de la chasse et de la faune sauvage, missions de police, régaliennes, mais aussi scientifiques, d'évaluation, d'appui aux fédérations, et donne à cette institution toute l'autorité et toutes les possibilités scientifiques dont elle doit disposer.

Ensuite, il instaure un respect mutuel avec les structures cynégétiques représentatives. On compte aujourd'hui, dans l'hémicycle, nombre de responsables de fédérations de chasse.


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Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Pas dans l'hémicycle ! Dans les tribunes !

M. François Patriat, rapporteur.

Dans les tribunes, certes, mais il y en a aussi dans l'hémicycle. Ces responsables de fédération souhaitent que la représentativité de la chasse soit réelle, démocratique et responsable,...

M. Michel Meylau.

Et laïque !

Mme Christine Boutin.

Et citoyenne ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

... que les missions qui leur sont confiées correspondent à leur savoir-faire et à leurs aspirations.

M. Jean Auclair.

C'est faux !

M. François Patriat, rapporteur.

Elles veulent en effet défendre l'intérêt des chasseurs, promouvoir des plans de gestion ou des contrats de service, assurer la gestion des dossiers des dégâts de gibier, former les chasseurs au permis de chasser, venir en appui aux ACCA, comme elles le font déjà aujourd'hui. Nous devons leur donner les moyens d'exercer ces missions à l'avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce projet de loi définit également l'objection de conscience cynégétique ou droit de non-chasse. Nous avons, sur ce point aussi, amendé le texte pour que chaque partie antagoniste prenne ses responsabilités.

Enfin, il assure la pérennité de la chasse de nuit, de la chasse à la passée, et transcrit la directive européenne en droit français. Le dialogue doit reprendre avec Bruxelles.

Tous - Mme la ministre, le Gouvernement, les élus, les chasseurs et les défenseurs de la nature -, nous devons parvenir à un consensus semblable à celui auquel ont abouti les pays voisins.

Le million et demi de chasseurs ne doit pas se sentir victimisé. Les non-chasseurs ne doivent pas se sentir agressés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

Vous faites de la provocation !

M. François Patriat, rapporteur.

Non, cher collègue.

La chasse n'est pas toujours idyllique, mais elle ne mérite pas la caricature qu'en ont faite certains, entre nous ou ailleurs.

Mme Christine Boutin.

Très juste !

M. François Patriat, rapporteur.

Nous avons amendé le texte en commission sur des points importants. Nous attendons de ces deux jours de discussion en séance publique une confrontation positive, et je suis persuadé que l'accord est possible sur les bases évoquées dans mon rapport.

Ainsi, nous avons amendé le texte sur la chasse à la passée pour vous rassurer, en proposant qu'elle soit deux heures avant le lever du soleil et jusqu'à deux heures après son coucher. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Nous avons également proposé de légaliser la chasse de nuit dans vingt départements français, où elle correspond aujourd'hui à une vraie tradition.

M. Edouard Landrain.

Vous avez entendu, madame la ministre ?

M. François Patriat, rapporteur.

Nous avons aussi proposé de responsabiliser ceux qui veulent faire valoir leur droit de non-chasse.

Nous avons encore évoqué les problèmes du traitement des dégâts de gibier, de la responsabilisation et des plans de gestion.

Mme Christine Boutin.

Et ce n'est pas fini !

M. François Patriat, rapporteur.

Je crois donc que vous aurez satisfaction.

M. François Sauvadet.

Que voilà de bonnes paroles !

M. Charles de Courson.

Encore un effort, monsieur le rapporteur !

M. François Patriat, rapporteur.

Après des années de contentieux, il est temps, par cette loi, d'assurer dans la ruralité la place et la liberté de chacun. La chasse n'est qu'une des spécificités de la ruralité, mais elle doit y garder sa place en sachant démontrer sa multi-fonctionnalité.

Si nous ne sommes pas capables de résoudre le problème, l'intolérance que suscite cette pratique mérite d'être considérée. Si la chasse peut faire l'objet d'une si vive polémique, réveiller de telles intransigeances, qu'en sera-t-il de nos débats de fond, de nos propositions essentielles, de nos discussions sur l'état de la société et sa transformation ?

M. Christian Jacob.

Ne nous faites pas pleurer !

M. Jean-Claude Lemoine.

Sortez vos mouchoirs !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans la sérénité et dans la responsabilité que votre commission a travaillé au cours des derniers jours. Nous avons travaillé en commun et, comme à l'habitude, nous avons tenté d'écouter les uns et les autres et de retenir des amendements venant de députés qui siègent de part et d'autre de cet hémicycle. Ces amendements répondent, pour la plupart, aux attentes des auteurs des différents textes de loi sur lesquels j'avais à rapporter aussi aujourd'hui. Il me semble qu'ils ont pour partie satisfaction.

En conséquence, mes chers collègues, je vous invite, au nom de la commission de la production et des échanges, à voter largement le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Le texte amendé ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Liberti, premier orateur inscrit.

M. François Liberti.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il était temps, grand temps, que le Gouvernement dépose, enfin, un projet de loi relatif à la chasse, fondé sur l'idée générale d'une chasse reconnue gestionnaire et sereine.

Si nous apprécions la démarche, nous déplorons qu'il ait fallu pour cela en arriver à un tel degré d'incompréhension, nourrissant de faux débats, source de contentieux préjudiciables opposant chasseurs et non-


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chasseurs, la chasse et l'environnement, pourtant liés dans un même souci de protection des espaces naturels et de gestion durable du territoire.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vrai !

M. François Liberti.

Dans notre pays, la chasse populaire fait intégralement partie de notre patrimoine culturel. Elle représente une pratique démocratique, héritage, comme on l'a dit souvent, de la Révolution de 1789.

(« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Pratiquée par un million et demi de chasseurs, la chasse « à la française » est un droit indéniable et déterminant car actif sur le principe de la préservation de l'espace rural. Elle participe à la conservation et à la gestion du patrimoine naturel, lequel, disons-le aussi, exige une attention accrue pour que l'accès à la nature, sous diverses formes, soit garanti pour tous, chasseurs et nonchasseurs, dans le respect des équilibres écologiques.

Depuis des décennies, les chasseurs ont appris à chasser selon des règles strictes, intégrant notamment une gestion raisonnable des espèces. Pour cela, ils ont consenti des efforts considérables tant du point de vue des mises en réserve de territoires que de celui de la protection d'espèces menacées et de la réduction du temps de chasse.

Pour les espèces chassables, un équilibre a fini par être trouvé tant en ce qui concerne les prélèvements que les périodes de chasse. Cela dit, chacun sait que, depuis l'adoption à Bruxelles de la directive du 2 avril 1979, a pprouvée et signée par M. Jean François-Poncet, ministre du gouvernement dirigé par M. Barre, sous la Présidence de la République de M. Giscard d'Estaing, et, je le précise, entérinée par tous les députés français du Parlement européen à l'exception des députés communistes, qui ont même demandé son abrogation pure et simple,...

M. Alain Clary.

Merci de le préciser, cher collègue !

M. François Liberti.

... les menaces pèsent.

Depuis les vingt dernières années, le droit de chasse a été malmené et faussement opposé au droit environnemental.

Faut-il rappeler qu'en 1986 les députés communistes furent les seuls parlementaires à ne pas voter l'Acte unique ? Le texte indiquait que, dès 1993, le droit européen primerait sur les lois françaises.

Faut-il rappeler aussi qu'en 1989 le seul vote à l'Assemblée nationale contre les conventions de Bonn et de Berne fut celui des députés communistes ? Rappelons encore le traité de Maastricht, avec ses risques pour la survie des chasses populaires et traditionnelles. D'ailleurs, chacun connaît le rôle moteur joué par notre parti pour le « non » à Maastricht.

Je ne passerai pas non plus sous silence le travail considérable des parlementaires communistes en 1974, qui ont déposé des textes de loi allant dans le bon sens pour la chasse mais qui, hélas ! n'ont pas à l'époque été suivis dans les faits par leurs collègues des autres groupes politiques.

M. Christian Jacob.

La majorité était déjà plurielle !

M. François Liberti.

Depuis le début de cette législature, les parlementaires communistes et apparentés ont déposé plusieurs propositions de loi tendant à légiférer sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs et à légaliser la chasse de nuit ou à la passée dans tous les départements où les modes de chasse traditionnelle sont pratiqués et reconnus.

Dès la fin du mois de janvier 2000, considérant qu'une fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs au 31 janvier rendrait des pratiques cynégétiques légitimes totalement illégales durant le mois de février, nous avons, dans un souci d'apaisement, demandé au Premier ministre, M. Lionel Jospin, et à Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, de mettre en place un moratoire sur les dates de fermeture de la chasse et d'entreprendre dans les meilleurs délais des négociations au niveau européen afin de clarifier la directive 79/409.

Le débat qui nous anime depuis plusieurs années apporte la preuve de l'impérieuse nécessité d'agir tous ensemble, chasseurs et non-chasseurs, pour une protection efficace des chasses populaires et traditionnelles, pour une protection de l'environnement et pour la reconnaissance du droit de non-chasse.

La nature n'appartient pas plus aux uns qu'aux autres ! Le texte de loi que nous devons élaborer doit légitimer la chasse et le droit de non-chasse, moderniser les structures publiques, renforcer le cadre associatif, garantir l'accès à la nature pour tous, protéger les espèces chassables et maintenir les milieux naturels en l'état.

Dans un rapport de 1997 sur les performances environnementales en France, l'OCDE exprimait la position suivante : « la chasse, grâce à une législation plus stricte et une meilleure formation des chasseurs, non seulement ne constitue, en général, plus une menace, mais contribue positivement à la gestion de nombre d'espèces. »

Si nous sommes tous responsables, nous avons les mêmes devoirs, mais nous avons aussi des droits. Il serait mal venu d'avoir une image sélective et négative du chasseur, qui est un utilisateur de la nature à part entière, au même titre que tant d'autres. Il faut donc en finir avec l'instrumentalisation politique des extrêmes, qui en font leur commerce électoral et qui n'ont aucun intérêt à voir promulguer un bon texte de loi. De ce point de vue, d'ailleurs, le travail de certains groupes politiques en commission est révélateur.

Pour leur part, les parlementaires communistes, au sein de la commission, se sont attachés à apporter leur contribution dans ce sens. Ils se sont attachés, sur la base des auditions tant des responsables du monde de la chasse que des scientifiques, des responsables d'associations ou des personnels, à élaborer des propositions pour aboutir à une bonne loi, c'est-à-dire à une loi pérenne et gestionnaire. Ils ont donc déposé de nombreux amendements, qui ont été acceptés par la commission.

Je pense plus particulièrement à la légalisation de la chasse de nuit, retenue cette semaine par la commission.

Je pense également à la chasse aux gibiers d'eau à la passée, deux heures avant le lever du soleil et jusqu'à deux heures après son coucher, retenue également par la commission. Ce sont là des acquis importants. Mais je pense aussi à la démocratisation des élections lors des assemblées générales des fédérations départementales, au renforcement des responsabilités de ces dernières, à la responsabilisation des personnes qui ont fait acte de leur opposition à la chasse, à la prise en compte par la loi des départements où se pratiquent les chasses traditionnelles, avec une possibilité d'ajustement par décret en Conseil d'Etat.

Néanmoins, il est encore nécessaire d'apporter de profondes améliorations, faute de quoi la chasse ne sera pas pacifiée. Il faut moderniser les structures publiques et le rôle de l'Office national de la chasse doit être concentré sur une mission nationale de recherche sur la faune, le


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gibier et la chasse. Il est temps de mettre un terme aux événements qui ont conduit à détourner cette structure de son but initial.

Il faut renforcer le cadre associatif. Les fédérations départementales des chasseurs constituent un outil privilégié de la gestion cynégétique, avec un personnel autrement qualifié. Ces structures accumulent un savoir-faire qu'il convient de mettre au service de l'intérêt général et du service public, avec des missions modernisées et ambitieuses pour la faune, le gibier, leurs habitats, la formation aux pratiques de la chasse et la formation au permis.

Les chasseurs eux-mêmes sont porteurs de projets intéressants pour plus de gestion : dans ce sens, des schémas départementaux de gestion et une responsabilité toujours accrue des fédérations départementales, pour un meilleur équilibre agro-sylvo-cynégétique, sont souhaitables.

Au-delà de ces grandes aspirations du monde de la chasse, qui, j'en suis sûr, sont partagées par beaucoup de non-chasseurs, nous devons répondre positivement aux attentes précises des chasseurs, et notamment des chasseurs de gibiers d'eau et d'oiseaux migrateurs, qui pratiquent une chasse traditionnelle et populaire.

C'est dans le texte de la directive européenne que se trouve l'origine du principal contentieux entre les tribunaux et les chasseurs, à savoir l'ouverture et la fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs.

La directive européenne fixe de grands principes que nous avons repris intégralement dans nos amendements à l'article 10 du projet de loi gouvernemental. Cette directive ne fixe pas de date d'ouverture ni de fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs : elle laisse la latitude aux Etats européens de fixer eux-mêmes les règles sur la base de rapports scientifiques.

Depuis des années, un calendrier des dates d'ouverture de la chasse est établi par le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage et fondé sur la précocité ou sur la tardivité de la reproduction. Il est désormais basé sur la date moyenne d'envol et sur l'indépendance globale des oiseaux.

Les principales espèces de canards chassés, qui constituent le fonds de la chasse aux gibiers d'eau, ont des effectifs stables, voire en hausse, sur les trente dernières années. Cela serait plutôt à porter au crédit d'une gestion intelligente de ce patrimoine par les chasseurs.

Dans ces conditions, il paraît de bon sens de mettre un terme aux querelles stériles sur la question. Les législateurs que nous sommes doivent s'employer à apaiser les esprits en permettant par voie législative d'établir le calendrier national des dates d'ouverture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs. Ce calendrier doit tenir compte de la biologie de reproduction des espèces comme de leur statut de conservation, et permettre une gestion durable de cette ressource naturelle.

C'est tout le sens de l'un de nos amendements à l'article 10 du projet de loi, que nous défendrons en rappelant que la décision du Conseil d'Etat à propos de la loi du 3 juillet 1998 ne portait pas tant sur les dates que sur le fait que les décrets d'application comprenant les plans de gestion n'ont jamais été publiés. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je rappellerai, en ce qui concerne l'ouverture de la chasse sur le domaine public maritime, que le Gouvernement français a précisé à la Cour de justice européenne le 25 octobre 1999 qu'« en l'absence de nidification dans le domaine public maritime, rien ne s'oppose à une ouverture de la chasse anticipée par rapport aux dates en vigueur dans les zones où se déroule la nidification des oiseaux. Le Gouvernement français relève d'ailleurs que la Commission n'apporte aucune preuve contraire sur ce point ».

Ce qui a été ainsi exprimé par le Gouvernement français il y a quelques mois ne diffère pas de ce que nous disons et justifie l'amendement que nous avons déposé à l'article 10.

Concernant les dates de fermeture, je me référerai, bien que je n'aie pas voté sa ratification, à la convention de Berne, qui n'interdit pas la chasse aux oiseaux migrateurs pendant leur trajet de retour vers les lieux de nidification.

Je me référerai aussi aux derniers travaux, qui datent de février 2000, de l'Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique, ainsi qu'aux études scientifiques effectuées par le Club national des bécassiers, du mois de novembre 1999. Les résultats de tous ces travaux, pour partiels qu'ils soient, conduisent à penser que les oiseaux migrateurs ne sont pas encore en période de reproduction active en février, ni même en mars.

On peut donc conclure qu'une fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs le dernier dimanche de février est conforme non seulement au principe de protection totale énoncé par la Cour de justice des Communautés européennes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), mais également à l'article 7, alinéa 4, de la directive du 2 avril 1979, qui dispose que l'on ne doit pas chasser les oiseaux migrateurs pendant la période de reproduction ni pendant le trajet de retour vers le lieu de nidification.

Elle est également conforme aux principes d'une utilisation raisonnée et d'une régulation équilibrée du point de vue écologique, lesquelles peuvent être améliorées par la mise en place de plans de gestion reposant sur un suivi scientifique des effectifs tant en période de reproduction qu'en période de migration ou d'hivernage.

Il est évident que les mesures législatives et réglementaires doivent être accompagnées de plus de gestion et soumises à l'avis de l'Office national de la chasse et du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage.

C'est pourquoi il est fort regrettable que nos amendements portant sur l'ouverture et la fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs aient été rejetés par la commission. Ils sont, en effet, les seuls qui peuvent permettre de sortir de cette impasse dans laquelle le débat sur la chasse, attisant tous les conflits, est englué depuis des années.

Quant au jour de non-chasse, bien qu'il existe déjà dans la pratique - souvent, il ne s'agit pas d'un seul jour -, on ne peut admettre que cela concerne aussi la nuit. On doit donc préciser les choses en fixant des horaires diurnes, tout en laissant la possibilité de choisir un autre jour que le mercredi.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

S'agissant, enfin, du nombre de départements concernés par la légalisation de la chasse de nuit, si l'on considère la prise en compte des deux heures pour la chasse à la passée, le nombre de quarante-deux, tel que nous l'avons défendu dans notre amendement présenté en


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commission, doit être revu à la baisse. Mais pour autant, les départements où la chasse de nuit est pratiquée depuis des décennies, doivent-ils être écartés sous le prétexte qu'il n'y a que trente, quarante ou cinquante postes fixes ? Pourquoi ne pas s'en tenir à l'existant et rien qu'à l'existant ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe c ommuniste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je pose la question en pensant particulièrement à des départements comme ceux du Finistère, de la Vendée, des Hautes-Pyrénées ou des Côtes-d'Armor, où se pratique une chasse de nuit traditionnelle.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. François Liberti.

Aujourd'hui, nous allons devoir continuer de travailler pour arriver à un bon texte de loi sur la chasse. C'est en tout cas notre principale préoccupation.

Si nous faisons cet effort, nous constaterons vite que le prélèvement opéré par les chasseurs sur les espèces d'oiseaux migrateurs et de gibiers d'eau est très faible, voire minime quand on le compare aux destructions massives dont les causes sont bien réelles et bien connues.

M. Gilles de Robien.

Très juste !

M. François Liberti.

Je pense notamment aux développements anarchiques, qu'ils soient industriels, agricoles, économiques ou urbains, qui ne répondent, pour la plupart, qu'à des logiques financières et de spéculation foncière.

M. Pascal Terrasse.

Très bonne remarque !

M. François Liberti.

Dans le dernier débat sur la chasse au sein de cet hémicycle ; le 22 février dernier, je disais que leurs répercussions sont parfois plus profondes dans le temps et l'espace que la simple activité cynégétique. Je prenais pour exemple la catastrophe écologique provoquée par le naufrage de l' Erika : plus de 500 000 oiseaux mazoutés, des kilomètres de plage souillés, des conséquences incommensurables sur les fonds marins, l'activité de pêche, la conchyliculture et le secteur du tourisme.

M. Jean-Claude Lemoine.

Il ne s'agit pas d'une catastrophe « naturelle » !

M. François Liberti.

Il faut agir sur les causes fondamentales qui engendrent les désastres écologiques. Il faut réglementer, protéger, encadrer et aider ceux qui oeuvrent sur le terrain en ce sens, et je crois que les chasseurs font partie de ceux-là.

Nous considérons, en l'état actuel des choses, que la principale faiblesse du texte réside, malgré les avancées obtenues en commission, qui ne sont pas négligeables, dans les restrictions et le dessaisissement de l'élu et du législateur au profit de l'autorité administrative.

M. René André.

Exact !

M. François Liberti.

Or la chasse a besoin de solutions pérennes et satisfaisantes, mises en place dans un esprit d'indépendance et de confiance. Le temps est venu de mettre un terme aux contreverses. C'est ce à quoi nous allons vivement nous employer. Je souhaite que notre débat ouvre, à cet égard, des perspectives prometteuses.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, activité aussi vieille que l'humanité elle-même, la chasse fait partie de l'héritage culturel de toute société.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Elle fut, dans l'exercice de son droit, une conquête de la Révolution française (Mêmes mouvements) et elle reste aujourd'hui un facteur important de cohésion sociale dans le monde rural.

Ceux qui ne connaissent pas l'ambiance des sociétés de chasse communales ne savent pas que c'est l'un des loisirs les plus populaires dans le monde rural.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sans doute y a-t-il certains citadins, ou plus exactement certains tenants de l'intégrisme écologique, pour lesquels la chasse est une hérésie, une pratique d'un autre âge qui n'a plus lieu d'exister. Mais il y a surtout en face d'eux plusieurs millions de Français qui défendent leur pratique et qui ont le sentiment qu'en s'attaquant à la chasse, c'est en fait à leur culture et à leurs valeurs que l'on s'en prend.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il en est, mes chers collègues, de la chasse comme de l'amour (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : pour bien en parler, il faut l'avoir connu ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Il faut avoir contemplé un vol de canards au crépuscule venant se poser sur un étang dans le soleil couchant, il faut avoir entendu les légers craquements d'un chevreuil dans les bois et les battements de son coeur à son approche, pour comprendre l'attachement viscéral de centaines de milliers de personnes à la chasse.

M. François Patriat, rapporteur.

Et le coeur du chevreuil ?

M. Charles de Courson.

Dans une société devenue majoritairement urbaine, les pratiques des chasseurs sont souvent mal connues et les idées fausses savamment entretenues et exploitées par leurs détracteurs abondent.

Il nous faut aujourd'hui, mes chers collègues, enterrer ces vieux clivages afin que la chasse trouve une nouvelle place dans notre société et s'affirme comme une activité de gestion harmonieuse de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

M. Edouard Landrain.

Très juste !

M. Charles de Courson.

L'activité cynégétique ne se réduit pas, madame la ministre, à la caricature qu'en font quelques intégristes de l'écologie contemporaine, d'ailleurs bien souvent citadins. Il faudrait enfin admettre que la chasse participe aussi et surtout à la préservation du patrimoine naturel et à une gestion durable et équilibrée de l'environnement et de la faune sauvage.

Permettez-moi, à cet égard, de rétablir quelques vérités simples. Les chasseurs sont les premiers gestionnaires du gibier, des espaces naturels, des zones humides et des habitats des oiseaux d'eau. Il est en effet dans leur intérêt bien compris, s'ils veulent s'adonner à leur loisir dans les meilleures conditions, de protéger les espèces qu'ils chassent et de veiller à l'intégrité des biotopes et à la conservation de leur environnement.

Outre qu'elle obéit à des plans stricts de prélèvements contrôlés pour une partie des espèces chassables, la chasse contribue également à prévenir et à réduire les dommages importants que certains grands animaux peuvent causer


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aux activités agricoles, à réguler des surpopulations de gibier pouvant compromettre l'équilibre d'un écosystème...

ou encore à indemniser les dégâts occasionnés par les grands gibiers, charge que les chasseurs supportent seuls, sans concours fiscal.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La chasse est donc l'un des éléments essentiels d'une gestion équilibrée de la faune sauvage et les chasseurs tout comme les agriculteurs jouent un rôle environnemental et social incontestable.

M. François Vannson.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

De cette conception de la chasse découlent un certain nombre d'idées et de propositions quant à son organisation et à son cadre législatif.

Les modalités d'exercice de la chasse font l'objet, depuis quelques années, d'un contentieux incessant. Des pratiques traditionnelles ou des institutions solidement établies sont ainsi soumises à la critique. Au cours de l'année 1999, deux décisions juridictionnelles ont eu pour conséquence l'interdiction de la chasse aux heures crépusculaires et la remise en cause du fonctionnement des ACCA, qui organisent l'activité cynégétique sur une grande partie de notre territoire. La chasse de nuit au gibier d'eau, traditionnellement admise dans de très nombreux départements, est menacée dans son existence même. Les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage ne sont toujours pas établies de façon incontestable et suscitent de multiples recours devant le juge. Enfin, de leur côté, les fédérations de c hasseurs ont été victimes d'attaques globalement injustifiées.

Le nouveau contexte juridique et la nécessité de moderniser le droit de la chasse imposent sans conteste une intervention du législateur. Il me semble, à cet égard, qu'une réforme d'ampleur visant à conférer une nouvelle légitimité à la chasse devrait s'articuler autour des objectifs suivants.

En premier lieu, la moderniser les structures, à travers le recentrage de l'ONC sur des missions plus réduites, et renforcer le cadre associatif, en s'appuyant sur les fédérations comme outil privilégié d'une gestion cynégétique de proximité ;

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Gilles de Robien.

Répétez vos propos, monsieur de Courson, Mme la ministre ne vous écoute pas.

M. Charles de Courson.

En deuxième lieu, droit de non-chasse, c'est-à-dire reconnaître le droit de propriété, par un ajustement du statut des ACCA, tout en veillant à ne pas déstabiliser le droit de chasse ; Excusez-moi, madame la ministre, d'interrompre votre conciliabule...

M. Jean Auclair.

Quelle sectaire !

M. Charles de Courson.

Enfin, reconnaître par voie législative des pratiques traditionnelles, comme la chasse crépusculaire et la chasse de nuit, et inscrire dans la loi des dates échelonnées d'ouverture et de fermeture de la chasse aux migrateurs, conformément au principe de subsidiarité énoncé par la directive européenne de 1979.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Patriat, rapporteur.

Ce n'est pas honnête !

M. Charles de Courson.

Or force est de constater, madame la ministre, que votre projet de loi ne répond pas à ces attentes. Il ne satisfait d'ailleurs personne, pas plus les écologistes intégristes que les chasseurs, et je présume que bien des espoirs doivent se trouver déçus dans les rangs de la gauche plurielle.

M. François Vannson.

Très certainement !

M. Charles de Courson.

M. le rapporteur vous l'a d'ailleurs rappelé tout à l'heure.

Alors qu'après la publication du rapport de notre collègue Patriat, nous attendions une loi ambitieuse, capable, pour reprendre les termes mêmes de notre rapporteur, de

« redonner à la chasse un statut et une image aujourd'hui brouillés par les clivages idéologiques », vous abordez les problèmes par le petit bout de la lorgnette, si je puis me permettre cette expression.

Aucun dessein, aucun souffle ne ressort d'un texte qui contraste sérieusement avec les ambitions affichées par M. le rapporteur dans son rapport. En clair, non seulement votre projet de loi n'apporte aucune réponse satisfaisante sur plusieurs points majeurs, mais bien des dispositions en sont également totalement inacceptables en l'état.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance.

Très juste !

M. Charles de Courson.

Le problème de la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs n'est aucunement tranché dans la loi. Il est renvoyé à un décret dont l'avant-projet est inacceptable :...

M. François Sauvadet.

Absolument !

M. Charles de Courson.

... 1er septembre fin janvier pour les dates générales, 10 août 10 février pour certaines espèces, absence d'échelonnement dans l'espace et très faible échelonnement dans le temps. Vous vous contentez de renvoyer à la réglementation communautaire, laquelle, tout le monde le sait, ne fixe pas de date, mais des principes.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Très juste !

M. Jean-Pierre Soisson.

Il a raison !

M. Charles de Courson.

Je vous le dis tout net, vous courez un risque grave : celui de multiplier les tensions et les contentieux sur le terrain et de laisser pourrir une situation déjà dégradée. En effet, votre avant-projet de décret ne respecte pas, certains principes de la directive communautaire, notament en ce qui concerne les périodes de nidification et de migration. C'est dans la loi qu'il faut mettre ces dates afin de supprimer les contentieux devant la juridiction nationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais, madame la ministre, les contentieux ne vous déplaisent pas.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Vos propositions sur la chasse de nuit ne sont pas plus admissibles. D'une part, vous refusez d'inscrire dans la loi les départements où elle sera provisoirement admise. D'autre part, vous décidez de suspendre pour cinq ans, l'interdiction de cette activité


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cynégétique pour mieux la supprimer, à terme. Vous gelez la mise en place des installations grâce auxquelles elle pourra être pratiquée, vous préparez en fait sa disparition totale.

Permettez-moi de vous rappeler trois choses, madame la ministre. Premièrement, il s'agit d'une chasse traditionnelle pratiquée dans de nombreux départements depuis la Révolution. Deuxièmement, le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 7 avril dernier, n'a jamais entendu condamner la chasse de nuit, mais a indiqué que, compte tenu de la hiérarchie des textes, une circulaire administrative ne pouvait instaurer des restrictions à l'application d'un principe défini au niveau législatif et a donc annulé pour excès de pouvoir l'instruction de l'ONC. Troisièmem ent, aucune directive communautaire n'interdit la chasse de nuit, qui est, en outre, pratiquée dans six autres

Etats de l'Union européenne. Vous proposez d'autoriser la chasse à la passée une heure avant le lever du soleil et une heure après son coucher. Mais, madame la ministre, cette proposition est très insuffisante et ne correspond pas à la réalité de cette pratique. Le rapport Patriat, lui-même, proposait de la maintenir dans les limites traditionnelles de deux heures par rapport au lever et au coucher du soleil. C'est aussi la position de l'UDF.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'instauration arbitraire d'un jour de non-chasse, en principe le mercredi, est une mesure particulièrement abusive qui, le je crains, vous posera quelques problèmes constitutionnels. En effet, soit son motif relève d'un souci de sécurité publique, et alors, elle ne répond pas au principe général de proportionnalité des atteintes aux libertés des mesures de police par rapport au but poursuivi ; soit, il ne s'agit pas d'une mesure de police ; alors elle est attentatoire au droit de propriété.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument !

M. Charles de Courson.

De plus, l'adoption de cette disposition impliquerait de prévoir un système d'indemnisation des preneurs ayant contracté des baux de chasse couvrant des jours de non-chasse, en vertu du principe de responsabilité du fait des lois.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Mais, madame la ministre, où trouverez-vous une ligne budgétaire pour procéder à cette indemnisation ?

M. François Patriat, rapporteur.

C'est ridicule !

M. Charles de Courson.

Plus fondamentalement, c'est aux fédérations que doit revenir le soin de déterminer le jour ou les jours de non-chasse et non à la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Beaucoup de fédérations interdisent déjà la chasse deux, voire trois jours, par semaine. Or une lecture littérale de votre texte risque de les empêcher d'aller au-delà d'une journée.

M. Pierre Ducout.

N'importe quoi !

M. Charles de Courson.

Votre approche de la réforme de la loi Verdeille laisse le groupe UDF quelque peu perplexe. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de légiférer pour reconnaître, conformément à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit de nonchasse qui est un aspect du droit de propriété. Et vous connaissez, mes chers collègues, l'attachement de notre groupe au droit de propriété et à la défense des libertés individuelles. Toutefois, nous estimons que les droits dont jouit le propriétaire sont indissociables de ses devoirs et de sa responsabilité, notamment pour les éventuels dégâts causés par le gibier issu de son fonds. Or nous n'en trouvons aucune trace dans votre texte. Je m'avoue surpris, madame la ministre, de découvrir votre conception « libérale libertaire », voire ultralibérale, du droit de propriété. Doublement surpris, car je vous trouve sur un autre aspect de cette question plus conservatrice qu'un hobereau d'Ancien Régime attaché à la défense de ses privilèges. (Sourires.) Vous proposez que l'opposition au droit de chasse, formée par le propriétaire bailleur, s'impose au fermier ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous supprimez ainsi un droit au fermier sans même l'indemniser. Il serait temps, madame la ministre, que vous fassiez votre « Nuit du 4 août » pour la chasse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il serait temps, dans l'intérêt de tous, que vous ayez des relations non systématiquement conflictuelles avec le monde rural en général et le milieu cynégétique en particulier. Vous êtes ministre de la République et non pas ministre des anti-chasseurs.

M. Jacques Godfrain.

Très juste !

M. Charles de Courson.

Ce texte pouvait vous fournir l'occasion de le montrer. Mais, à l'évidence, vous avez choisi de vous complaire dans une attitude de fermeture à l'égard des chasseurs.

A cette force d'inertie, à cette volonté de blocage s'oppose une volonté politique traduite dans un projet cohérent et concret pour le monde de la chasse. Cette volonté politique, le groupe UDF en a déjà donné la preuve il y a un mois, lorsqu'il a proposé à cette assemblée d'adopter une proposition de loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse. Il ne s'agissait pas, évidemment, de régler l'ensemble des problèmes en suspens, mais de remédier rapidement à la situation de vide juridique engendrée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1999 et celui de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 avril 1999.

Nous vous offrions alors l'occasion de partager avec nous une triple ambition pour le monde rural. D'abord, mettre notre droit interne en conformité avec les exigences européennes en reconnaissant aux propriétaires non chasseurs un droit de non-chasse. Ensuite permettre l'exercice d'une activité cynégétique spécifique - la chasse crépusculaire et la chasse de nuit au gibier d'eau - dans un cadre juridique stable car, en ce domaine, l'existence de règles clairement définies nous semble préférable à l'absence de toute législation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est sûr !

M. Charles de Courson.

Enfin, légiférer rapidement afin d'apaiser les tensions et de permettre un déroulement harmonieux de la prochaine saison de chasse. Bref, autant de solutions équilibrées et consensuelles qui rencontraient l'assentiment des principaux acteurs du monde


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cynégétique et respectaient tant les droits des chasseurs que ceux des personnes opposées à la pratique de la chasse sur leur propriété.

Alors que le bons sens est, paraît-il, la chose du monde la mieux partagée, madame la ministre, vous n'avez pas souhaité nous suivre dans cette voie de la raison et du consensus. Vous nous avez opposé cette volonté de blocage dont vous semblez avoir fait votre devise. Pourtant, faut-il le rappeler, cette proposition de loi a été adoptée, au Sénat, le 22 juin 1999, à l'unanimité et il s'en est fallu d'un rien - précisément cinq voix - pour qu'elle ne soit adoptée ici-même le 22 février dernier...

M. François Sauvadet.

Quel dommage !

M. Charles de Courson.

... et que votre majorité ne vacille sur ses fondements.

Le groupe UDF a montré son attachement à la chasse en utilisant par deux fois son créneau de tir parlementaire.

Il me semble à bien des égards que nous rejouons aujourd'hui quasiment la même partie, même si nous examinons une réforme d'ensemble du droit de chasse.

Nous avons déposé sur ce texte près de quatre-vingt amendements et sous-amendements, qui ont d'ailleurs été cosignés par nos collègues du groupe RPR et nos collègues du groupe DL, signe de l'unité de vue de l'opposition nationale, et même de nombreux parlementaires de la majorité plurielle qui nous approuvent sur de nombreux points. J'en retiendrai quelques illustrations qui éclairent nos positions sur la chasse et témoignent de notre volonté et de notre ambition politiques.

Nous vous proposons tout d'abord de démocratiser les institutions cynégétiques et de clarifier à la fois leurs modalités de fonctionnement, leurs compétences et leurs ressources. L'ONC doit rester une structure publique de gestion de la chasse, et ne pas être déstabilisé en devenant un office banalisé de protection de l'environnement.

M. François Vannson.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Nous veillerons à cet égard au maintien de l'équilibre dans la composition de son conseil d'administration.

M. François Sauvadet.

C'est un sujet essentiel !

M. Charles de Courson.

Pour exercer ses missions, l'ONC doit bénéficier uniquement de fonds publics, les fédérations recevant de leur côté des fonds privés, issus des cotisations fixées par les chasseurs et versées par les chasseurs - produit des bracelets, cotisations fédérales.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Charles de Courson.

Il nous faut par ailleurs libérer ces structures associatives de la tutelle administrative, budgétaire et financière héritée de Vichy (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui s'exerce sur elles. Nous devons leur conférer un véritable statut associatif et leur donner une plus grande autonomie pour gérer les activités cynégétiques, y compris en matière de police de la chasse, en complément de la garderie nationale, à l'instar des fédérations de pêcheurs.

Je voudrais d'ailleurs souligner que c'est grâce à nos collègues communistes que l'opposition a pu faire adopter, en commission, un amendement important supprimant la nomination des présidents de fédérations par l'autorité administrative.

Pouvons-nous, en effet, continuer à avoir des présidents de fédérations nommés par le Gouvernement (« Bien sûr que non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui plus est en application d'une loi de Vichy ?

M. Jean Auclair.

A bas les dictateurs !

M. Charles de Courson.

Mais attention, mes chers collègues, à l'application du principe « une tête, une voix ».

Car il ne faudrait pas transformer les assemblées générales des fédérations départementales de chasseurs en un immense Woodstock ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comment voulez-vous faire voter les 60 000 adhérents de la fédération de la Gironde sur dix résolutions ?

M. Pierre Ducout.

Nous sommes là pour les défendre !

M. Charles de Courson.

Il faudrait louer des multitudes de tentes et étendre l'assemblée générale sur une semaine. Ce serait Woodstock !

M. le président.

Monsieur de Courson, comme ici nous ne sommes pas non plus à Woodstock, je vous suggère de conclure.

M. Jean Auclair.

Evidemment, ça vous gêne, monsieur le président.

M. Charles de Courson.

Nous vous proposerons également - et je crois que, sur ce point, nous rencontrerons l'assentiment du rapporteur et de la majorité des membres de cette assemblée - d'équilibrer la reconnaissance du droit de non-chasse par des contreparties : d'une part, par l'engagement de la responsabilité du propriétaire pour les éventuels dégâts causés par le gibier provenant de son fonds ; d'autre part, par le maintien des droits du fermier qui ne souhaiterait pas que s'impose à lui le droit de non-chasse. S'il est aujourd'hui nécessaire de modifier la loi Verdeille, nous devons néanmoins veiller à ce que la reconnaissance légitime du droit de non-chasse n'aboutisse, à terme, à menacer le droit de chasse, ce qui ne serait pas conforme au principe de respect du droit de propriété et des libertés de chacun.

Concernant la chasse crépusculaire, nous nous en tiendrons à la pratique des deux heures, admise avant le lever et après le coucher du soleil, et souhaitons que vous l'acceptiez, conformément au vote quasi unanime en commission. Sans m'attarder sur la définition délicate du crépuscule, qui fait le plaisir des juristes, j'observerai, et vous me l'accorderez, madame la ministre, qu'une heure de chasse supplémentaire ne perturbera pas les écosystèmes, puisque le problème central est moins l'heure de la chasse que l'importance du prélèvement.

Concernant la chasse de nuit, sa légalisation est indispensable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous ne pouvez plus laisser s'exercer dans le non-droit cet usage local unanimement reconnu pas plus que vous ne pouvez programmer, comme vous le faites dans le projet de loi, sa disparition.

Il faut inscrire dans la loi la liste des départements où elle doit être autorisée. Nous vous proposons la solution de sagesse qui consiste à retenir les trente et un départements où cette chasse est traditionnelle et à l'encadrer en prévoyant qu'elle s'exerce à partir de postes fixes déclarés


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en mairie, pour lesquels est institué un carnet de prélèvement. Si vous renvoyez à un décret le soin d'établir la liste de ces départements, vous courez au devant de contentieux interminables autour de la définition du caractère traditionnel de la chasse de nuit dans tel ou tel département. Ce n'est pas ainsi que vous parviendrez à mettre en place la chasse responsable et apaisée que M. le rapporteur semblait souhaiter.

J'en terminerai par l'épineuse question des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Il faut, sur ce sujet, s'en tenir à la loi du 3 juillet 1998 votée par le Parlement et ne l'adapter que dans la mesure où des données objectives l'exigent. Contrairement à ce qui a souvent été dit, cette loi ne visait pas à allonger les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Elle tendait seulement à maintenir le calendrier traditionnel pratiqué dans notre pays et à l'inscrire dans la loi.

Nous souscrivons, bien évidemment, aux objectifs fixés par la directive européenne de 1979 concernant la protection des oiseaux migrateurs, mais il faut bien distinguer le texte de cette directive et l'interprétation restrictive qui en a été faite par la Cour de justice européenne. Nous sommes, sur ce point, pour une directive interprétative.

En outre, conformément au principe de subsidiarité, la directive a laissé aux Etats membres le choix de la méthode concrète pour déterminer les dates de périodes de chasse. Plus largement, le groupe UDF a déposé un amendement essentiel visant à inciter le Gouvernement à négocier au niveau communautaire une clarification du droit européen...

M. François Sauvadet.

Très bien ! M. Charles de Courson ... au droit communautaire de fixer les principes de la chasse aux oiseaux migrateurs ; au droit national d'élaborer la réglementation de la chasse aux mammifères et aux oiseaux non migrateurs et la définition des modalités d'application des principes de la chasse aux oiseaux migrateurs.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Si tel avait été le cas, nous n'aurions probablement pas eu tous les problèmes que nous avons connus.

Fixer des dates uniformes de chasse sur tout le territoire de l'Union n'est donc pas une solution. Il faut se fonder sur des observations scientifiques objectives pour trouver, en accord avec la Commission et le Parlement, une solution permettant d'éclaircir les modalités d'application de la directive et d'en préciser les termes dans un souci de bonne conservation des espèces. Dans cette attente, le maintien des dispositions de l'article L.

224-2 du code rural me semble la solution la plus équilibrée, dans la mesure où cet article prévoit des dates échelonnées en fonction des espèces et des départements, et institue des plans de gestion visant aussi à protéger le gibier concerné.

Voilà, très brièvement décrites, quelles seront, madame la ministre, nos principales propositions sur votre texte, qui est inacceptable en l'état.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Certes, nous avons pu constater des avancées, parfois significatives, lors de l'examen en commission, mais un grand nombre de dispositions restent, en l'état actuel, inacceptables. Nous partageons tous l'objectif d'une gestion durable et écologiquement responsable de la chasse. Nous souhaitons que l'examen de ce projet de loi nous permette de faire valoir cette approche et cette ambition pour le monde cynégétique.

C'est en fonction du sort qui sera réservé à ses très nombreux amendements que le groupe UDF arrêtera sa position définitive sur ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Enfin ! Oui, enfin un projet de loi qui permet d'aborder les lancinantes questions posées par la montée des oppositions à la chasse populaire et de répondre, du moins je l'espère, à la multiplication des contentieux générés par une interprétation abusive de la Cour de justice des Communautés européennes ! Reconnaissons au Gouvernement le mérite de vouloir traiter directement les problèmes laissés en suspens depuis vingt ans, surtout depuis 1994, date de l'arrêt de la CJCE. Certains regretteront comme moi le caractère tardif de la loi qui engendre ainsi son lot d'impatiences, de crispations, voire d'oppositions violentes. Il est aujourd'hui temps que, sur la base du projet qui nous est présenté, nous débattions et que nos amendements puissent améliorer substantiellement le texte afin de parvenir à un équilibre durable préservant la chasse en tant que pratique culturelle et, avec elle, grâce à elle, notre patrimoine cynégétique.

Il y a deux ans, nous avions tenté de pacifier les relations entre les chasseurs et les opposants à la chasse en adoptant une loi devant mettre un terme à la multiplication des contentieux. Nous estimions alors que la loi éviterait les contentieux en droit interne en retirant aux préfets leur pouvoir d'appréciation, source de contestation devant les tribunaux administratifs. Malheureusement est intervenue entre-temps une décision du Conseil d'Etat faisant sienne l'interprétation abusive que la CJCE faisait de la directive oiseaux. Notre loi était-elle contraire à la directive du 2 avril 1979 ? Certes non. Le texte de la directive, dans son article 7, fait référence aux « principes d'utilisation raisonnée » et de « régulation équilibrée ».

La directive a fixé certains objectifs de préservation auxquels nous ne pouvons que souscrire. Mais, par définition, une directive lie les Etats membres quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens - article 189 du traité. Or, dans le présent cas, la Cour de justice abuse de son pouvoir en déterminant quelle méthode et quels moyens les Etats doivent mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif fixé. Par son interprétation maximaliste imposant une protection « complète », la Cour de justice a donc dénaturé la définition et le principe de toute directive.

De plus, rien dans l'état actuel des connaissances scientifiques - études menées par le Muséum d'histoire naturelle et l'Office national de la chasse - ne permet d'affirmer que la loi française portait gravement préjudice aux espèces en risquant de mettre en cause leur survie. Donc, scientifiquement rien ne permettait d'affirmer que la France ne respectait pas les objectifs de la directive. C'est cette jurisprudence contestable de la CJCE qui a mis le feu aux poudres et a cristallisé l'opposition entre chasseurs et opposants à la chasse.

Aujourd'hui, il est grand temps de sortir de l'opposition stérile entre écologistes et chasseurs. Les amateurs de chasse, les associations de défense de la nature, les mouvements écologistes, les habitants des zones rurales et les


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élus doivent gérer pour le mieux, ensemble, ce bien commun qu'est notre territoire national. En laissant une situation conflictuelle s'enliser et en refusant de prendre clairement position, le risque est grand de voir le mécontentement s'accroître et perdurer chez les chasseurs ainsi que chez ceux qui ne le sont pas. Gardons à l'esprit le but du texte que nous discutons : respecter la tradition, les droits des chasseurs, la faune et son cadre de vie.

Les chasseurs ont apporté la preuve de leur capacité à gérer de manière rationnelle le milieu naturel dans lequel ils évoluent. La collaboration qu'ils entretiennent avec les milieux scientifiques chargés de la surveillance de la reproduction des espèces en est un exemple significatif.

Ajoutons également la lutte qu'ils mènent contre le braconnage. Aussi, il apparaît certain que le but des chasseurs est non pas d'éradiquer les espèces menacées ou protégées, mais bien d'arriver au maintien des tendances d'évolution positive. Des prélèvements désastreux ont lieu - d'autres le diront - du fait d'une économie ultralibérale irresponsable.

Le projet de loi affirme chercher un équilibre encore insatisfaisant, hélas !, à l'heure actuelle, afin que le texte corresponde à notre culture sans pour autant risquer une nouvelle censure de la CJCE ou, indirectement, du Conseil d'Etat. Il aurait certes été préférable que la directive soit renégociée pour que le Gouvernement et le Parlement français retrouvent leurs pleines attributions. Mais nous ne pouvons nous enfermer dans cette seule incantation, car ne rien faire reviendrait à laisser la Commission européenne et la CJCE nous imposer non seulement tous leurs objectifs, mais aussi les moyens pour les atteindre.

L'incantation serait en fait une abdication. Les députés du MDC ont donc souhaité s'approprier ce texte en proposant des amendements qui visent à modifier substantiellement le projet en respectant profondément l'équilibre indispensable à l'apaisement et à la pérennité de la loi.

Vous avez souhaité créer un jour sans chasse bien que cela ne soit en rien imposé par la directive. L'institution de cette interdiction de chasser présente un risque juridique, car elle empêche le propriétaire d'un terrain de jouir de son bien. L'atteinte à ce droit de propriété peut paraître quelque peu disproportionné au regard du risque pour la sécurité publique. Mais peut-être ce jour sans chasse est-il la concession nécessaire à la pacification des relations entre les chasseurs et certains non-chasseurs ? Alors ce geste doit avoir une contrepartie pour que de nos débats naisse un texte équilibré. C'est ce qui m'a décidé à retirer l'amendement visant à supprimer l'interdiction de chasse le mercredi. Néanmoins, j'ai souhaité amender l'article 10 pour que cette journée sans chasse ne soit pas doublement préjudiciable aux chasseurs de nuit.

En effet, si cette journée s'entendait de zéro heure à vingt-quatre heures, alors les chasseurs de gibier d'eau se verraient privés de deux nuits de chasse. Pour rétablir l'égalité entre les formes de chasse, j'ai donc proposé que cette journée s'entende de six heures du matin à six heures du matin le lendemain.

M. François Patriat, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Jacques Desallangre.

Ce dispositif éviterait de léser les chasseurs de nuit au gibier d'eau.

Dans le cadre de cette recherche de mesure et afin de restaurer l'autorité de la loi, il est également grand temps de mettre fin au décalage persistant depuis plus d'un siècle et demi entre le caractère coutumier de la chasse de nuit et l'interdiction de pure forme édictée par la loi de 1844 aujourd'hui abusivement sécuritaire. Vous prétendez, madame la ministre, mettre un terme à ce décalage en suspendant pendant cinq ans l'application des sanctions relatives à la chasse de nuit. Mais cette réponse est insatisfaisante, car elle ne remet pas en cause l'interdiction et nous plonge dans un imbroglio juridique où un acte serait constitutif d'une infraction sans que celle-ci soit légalement sanctionnée. De plus, ces dispositions ne s'appliqueraient qu'après publication des décrets d'application, ce qui réduirait leur portée. Les recours contentieux des détracteurs de la chasse se multiplieraient. En outre, l'incertitude continuerait à planer, car au bout de cinq ans qu'adviendrait-il ? Interdiction ? Simple tolérance ? Non, rien de cela n'est acceptable !

Il nous faut trancher, exprimer clairement nos convictions sur le sujet et opérer aujourd'hui la légalisation de la chasse de nuit. En reculant, en fuyant, nous ne serions pas dignes de la mission qui nous a été confiée, car nous ne ferions que générer de l'incompréhension et reporter à cinq ans de nouvelles discordes, de nouveaux affrontements stériles. Et cela est aussi valable pour les dates d'ouverture. Faisons l'économie de l'incertitude et de futures disputes ! Réglons définitivement cette question sans faux-fuyants ! Il est impérieux que nous légalisions cette chasse de nuit dans les départements où elle est coutumière. C'est précisément le sens des amendements que j'ai déposés avec Christian Bataille et Félix Leyzour et qui furent adoptés par la commission.

M. Pierre Ducout.

C'est vrai !

M. Jacques Desallangre.

Il est également nécessaire d'étendre la chasse à la passée de une heure à deux heures afin de ne pas pénaliser les départements dans lesquels la chasse crépusculaire est coutumière. Là encore, l'amendement de la commission devrait connaître un bon sort, du moins je l'espère.

Comme vous pouvez le remarquer, nos amendements sont raisonnables et inspirés par le souci d'équilibre. Le législateur que nous sommes doit adopter des lois correspondant aux moeurs, à la culture de nos concitoyens.

Nous devons rester entre les bornes en ne cédant à aucun extrémisme, en ayant le courage de ne satisfaire pleinement personne.

Cela dit, quelle que soit la qualité du texte que nous adopterons, je crains que les risques de contentieux ne subsistent.

M. Jean-Pierre Soisson.

Hélas !

M. Jacques Desallangre.

Les activistes anti-chasse saisiront toutes les juridictions possibles et rien ne peut nous assurer que la CJCE et, par ricochet, le Conseil d'Etat prêteront demain une oreille moins complaisante à leur égard qu'hier.

La volonté de la représentation nationale doit s'imposer et être respectée par tous. Le Gouvernement doit donc s'engager à faire modifier la directive ou toute norme suprationale qui ne serait pas conforme à notre loi nationale. Vous devrez, alors, jouer franc-jeu, madame la ministre.

Pendant deux jours, nous devons être des femmes et des hommes non seulement de mesure, mais aussi de courage. Pour leur part, les députés du Mouvement des citoyens vont travailler en prenant toutes leurs responsabilités pour faire triompher le bon droit et l'intérêt général. Ils se détermineront sans être prisonniers d'aucune chapelle, sans vouloir faire de la chasse un fonds de commerce électoral et leur vote dépendra de l'équilibre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

du texte final pour que demain vive la chasse citoyenne dans un environnement préservé et partagé.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Antoine Carré.

M. Antoine Carré.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le débat amputé d'il y a un mois sur la proposition de loi de notre collègue Courson concernant les mesures d'urgence relatives à la chasse, nous voilà à nouveau réunis pour apporter des solutions aux problèmes de la chasse dans notre pays. Je tiens à dire que ce débat d'il y a un mois aura été bien utile, car il a permis une nette évolution du texte qui nous est présenté aujourd'hui, évolution plutôt favorable au monde de la chasse. Ainsi allons-nous peut-être arriver, tout en respectant la législation europénne, à concilier les droits et les devoirs des chasseurs et des nonchasseurs.

Le droit de chasse est une conquête de la Révolution.

Comme le rappelle M. Patriat dans son rapport, le privilège de chasse fut parmi les tout premiers privilèges féodaux abolis par l'Assemblée nationale dans la nuit du 4 août 1789. Aujourd'hui, la chasse est une activité de loisirs qui mobilise plus de 1,6 million de chasseurs en France. C'est un fait culturel ! La chasse faisait partie dans le passé de la vie du monde rural avec ses spécificités locales. La transformation de la société française qui, de profondément rurale, est devenue majoritairement urbaine, s'est traduite par des évolutions culturelles contrastées en matière de gestion des espaces naturels. Les chasseurs se voient maintenant dans l'obligation d'échanger avec les écologistes et les autres amoureux de la nature.

La chasse remplit en effet de nombreuses fonctions au sein du monde rural. Elle a un rôle économique non négligeable, puisque à 1 000 chasseurs correspondent environ seize emplois. L'aménagement des territoires de chasse constitue également une source de revenu pour les agriculteurs, avec les plantations, le défrichage et les entretiens divers qu'ils assurent.

La chasse peut être également considérée comme une pratique à des fins de conservation. Elle contribue, par ses prélèvements, à la régulation de la population animale. Les plans de chasse ont obtenu des résultats très positifs, notamment pour les grands gibiers. La chasse a de plus des effets secondaires favorables sur les espèces, notamment par l'entretien des habitats naturels auquel contribuent les chasseurs !

M. Jacques Godfrain.

Très bien !

M. Antoine Carré.

Elle maintient ainsi les équilibres et entretient l'espace naturel. La chasse respecte, aménage et entretient les territoires. Elle permet en outre de préserver les zones humides. Les chasseurs sont de vrais responsables et des acteurs d'une bonne politique de l'environnement. Cela se traduit par la volonté d'un meilleur dialogue avec les écologistes.

La chasse est également l'expression d'une activité récréative, d'une passion, d'une tradition qui doit être aussi considérée et respectée comme telle.

M. Jacques Godfrain.

C'est vrai !

M. Antoine Carré.

La chasse est un facteur de convivialité, de brassage des populations et des milieux sociaux.

Elle contribue à la vie et à l'animation de nos bourgs de campagne. Les actions menées par les fédérations départementales de chasseurs, par l'Office national de la chasseet par l'Office national des forêts concourent à valoriser la chasse tout en entretenant et en préservant l'espace naturel.

Après ces considérations générales sur la chasse et sa nécessaire existence pour l'équilibre même de l'espace rural, je souhaiterais aborder maintenant les principales dispositions contenues dans ce projet de loi. Lors de l'examen de ce texte en commission, beaucoup des amendements de l'opposition ont été rejetés, et je le regrette.

J'espère que la discussion que nous aurons aujourd'hui et demain permettra d'arriver à un accord satisfaisant pour tous les acteurs du monde rural.

L'article 6 de ce texte tend à régler les nombreux problèmes suscités par la loi Verdeille. Cette loi prévoit le regroupement des terres des propriétaires de la commune, mais n'opère aucune distinction entre les propriétaires chasseurs ou non chasseurs, qui sont tenus de faire apport de leurs terrains. Ce dispositif a suscité une opposition très forte de la part des associations de protection animale ou de protection de la nature et de leurs adhérents. Ces derniers, opposants à la chasse, se sont vu contraints d'accepter chez eux le passage des chasseurs du fait de l'application de la loi Verdeille. L'arrêt de la Cour européenne a sonné le glas de cette loi en se fondant sur le non-respect du droit de propriété, l'atteinte à la liberté d'association, ainsi que l'existence d'une discrimination fondée sur la différence de traitement entre les petits et les grands propriétaires.

Le texte dont nous débattrons, aujourd'hui et demain reconnaît un droit d'opposition à la chasse. Mais nous apprécions aussi que la commission ait jugé utile, dans ses travaux, d'inscrire à l'article 6 les devoirs des propriétaires exerçant leur droit de non-chasse, et notamment leur responsabilité vis-à-vis des dégâts occasionnés par le gibier provenant de leurs fonds. En revanche, je ne suis pas d'accord avec la mesure permettant aux propriétaires d'autoriser, à titre gratuit, des prélèvements visant à prévenir ou à arrêter une prolifération du gibier. Cela peut revenir à organiser des chasses privées dont la gratuité pourrait n'être que de façade.

Votre texte, madame la ministre, aborde dans son article 10 l'épineux problème de la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. La loi du 3 juillet 1998 prévoyait, selon les espèces, un étalement de ces dates du 14 juillet à la fin février. Mais celles-ci ne sont pas considérées comme conformes à l'article 7 de la directive européenne de 1979, d'après l'interprétation qu'en a fait la Cour de justice des Communautés européennes.

Que demandent les chasseurs ? Ils souhaitent que ces dates soient fixées dans la loi, voire qu'elles soient prolongées pour certaines espèces de gibier d'eau. Sur ce point, votre texte ne répond pas à l'une des attentes fondamentales du monde des chasseurs. Vous proposez que ces dates soient fixées par l'autorité administrative dans une période allant du 1er septembre au 31 janvier. Ce n'est pas acceptable. Des amendements devront être adoptés visant à la légalisation de ces dates.

Bien des problèmes demeurent par ailleurs. Que fait-on de la chasse de certaines espèces comme le pigeon ramier, la grive ou la bécasse, qui a lieu dans nombre de pays européens après le 10 février ? Allez-vous, madame la ministre, interdire la chasse de ces espèces après cette date ? Nous aimerions que vous vous exprimiez sur ce point.


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Ce même article 10 institue un jour de non-chasse. Le principe de ce jour de non-chasse ne correspond à aucune tradition dans notre pays. Aussi nous y opposons-nous, sachant qu'il est déjà effectif dans une majorité des départements, sans obligation légale.

M. Jean-Pierre Soisson.

Vous avez raison !

M. Antoine Carré.

L'article 11 comprend les dispositions sur la chasse à la passée. Alors que le texte original de ce projet de loi ne prévoyait qu'une durée de chasse limitée à une heure avant le lever et une heure après le coucher du soleil, nous sommes satisfaits de voir que les arguments de l'opposition ont réussi à modifier ces dispositions lors de l'examen en commission.

M. Jean-Pierre Dufau.

Heureusement que vous étiez là !

M. Antoine Carré.

En ce qui concerne la chasse de nuit, à laquelle est consacré l'article 12 de ce projet de loi, un grand pas en avant a été fait avec sa légalisation.

Ce mode de chasse retrouve ainsi le fondement juridique qu'il avait perdu avec l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1999, lequel avait annulé pour excès de pouvoir les dispositions de l'instruction du 31 juillet 1996 relative aux dispositions applicables à la police de la chasse au gibier d'eau.

Un point important de désaccord demeure cependant : il s'agit de la fixation de la liste des départements dans lesquels la chasse de nuit est autorisée. Les chasseurs ont fait un effort considérable en passant d'une revendication portant sur quarante-deux départements, où cette chasse est traditionnelle, à seulement trente et un départements.

Cette dernière liste a été dressée par l'association des chasseurs de gibier d'eau, qui mérite la confiance de la représentation nationale.

M. Jean-Louis Bernard.

En effet !

M. Antoine Carré.

Pourquoi, dans ce cas, avoir limité dans ce projet de loi cette liste à seulement vingt départements ?

M. Eric Doligé.

C'est arbitraire !

M. Antoine Carré.

Cette mesure est de nature à soulever des contentieux, voire des conflits. Pouvons-nous aujourd'hui interdire à des chasseurs de pratiquer leur traditionnelle activité la nuit, sous prétexte qu'ils n'habitent pas dans le bon département ? Ce n'est pas pas raisonnable ! Je souhaiterais revenir sur une mesure adoptée par voie d'amendement lors de l'examen en commission : le principe « un chasseur - une voix » dans les assemblées générales des fédérations départementales des chasseurs. Ces assemblées statueraient à la majorité des voix exprimées, chaque titulaire de permis de chasser disposant d'une voix. L'opposition unie a voté cet amendement, à cause des problèmes matériels que rencontreront inévitablement les fédérations comptant de nombreux chasseurs. Le système actuel, s'il est loin d'être parfait, assure néanmoins une meilleure représentativité que celui qui est prévu ici.

Enfin, je voudrais appeler l'attention de mes collègues sur la question des sanctions. En effet, un amendement présenté par un certain nombre de députés du groupe Démocatie libérale vise à confisquer leurs armes ou leurs véhicules à ceux qui seront pris à chasser sur des terrains non clos privés, facilitant ainsi la suite donnée aux infractions des personnes verbalisées. Cet amendement a été rejeté en commission, mais j'espère que nous pourrons en débattre tout à l'heure.

Je mesure les efforts qui ont été faits de part et d'autre pour arriver aux différentes solutions de compromis exprimées dans les amendements à ce texte. Néanmoins, il reste encore des dispositions qui ne nous satisfont pas et qui méritent discussion. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants déterminera son vote selon les amendements qui auront été adoptés lors de ce débat. A cet instant, il s'oriente vers un vote contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les changements de la législation sur la chasse ne sont pas fréquents dans notre histoire. Du Moyen Age à notre époque, c'est-à-dire en sept siècles, il ne s'en est produit que très peu : une ordonnance de Charles VI en 1366, avec François Ier en 1515, Henri IV en 1601, Louis XIV en 1661...

M. Jean-Pierre Soisson.

Arrivons à la Révolution !

M. Christian Bataille.

... bien sûr la Nuit du 4 août, cher collègue de Courson, la loi de police et de la chasse de 1844. C'est dire, madame le ministre, la résonance toute particulière du rendez-vous de ce printemps 2000, à l'occasion duquel vous venez nous présenter le projet de loi du Gouvernement.

Après un siècle et demi, certes ponctué par des textes tels que la loi de 1941 et la loi de 1964 dite loi Verdeille, il s'agit d'écrire une loi sur la chasse pour une période nouvelle. Dans quel contexte ? Un contexte européen tout d'abord. Contexte nouveau car, contrairement aux périodes antérieures, l'Europe est aujourd'hui au centre du débat et l'une des tâches qui nous incombe est d'ajuster le droit français au cadre européen. Cette compatibilité n'est pour l'instant pas établie.

La France est l'objet de critiques de nos partenaires. Il faut donc régler ce problème.

U n contexte éthique ensuite, lui aussi nouveau : l'émergence d'une objection de conscience à propos de la chasse. L'acte de chasser est aujourd'hui discuté et certains de nos concitoyens s'élèvent contre cette pratique ancestrale. La terre de France, la France terre de tolérance ne peut méconnaître cela.

L'orée d'un nouveau siècle enfin. Pour continuer à être le loisir d'une très grande variété de Français, et en particulier un loisir populaire, la chasse doit être modernisée et il faut redéfinir le rôle de ceux qui la pratiquent comme de ceux qui l'animent.

Notre rapporteur, François Patriat, non seulement chasseur, mais aussi homme de dialogue, de courage et de sagesse, a parfaitement pris la mesure de ces problèmes.

Son rapport au Premier ministre, que beaucoup ont lu et que ceux qui n'ont pas lu devraient consulter, va inspirer des débats. Je veux lui rendre l'hommage amical et reconnaissant du groupe socialiste.

Chasser en France dans le respect du droit est le premier de nos objectifs. Nul besoin de revenir sur les t umultueuses difficultés qui se sont succédé. Elles concernent l'application de la directive européenne. Je passerai donc directement aux positions que le groupe socialiste défendra.

J'appelle d'abord votre attention sur les propositions 52 et 53 du rapport Patriat, qui visaient respectivement à déterminer par la loi les principes de fixation des dates d'ouverture et de clôture compatibles avec les exigences


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de la directive, à fixer par décret en Conseil d'Etat les dates butoirs d'ouverture et de clôture de la chasse au gibier d'eau - au 10 août et au 10 février - et à autoriser, dans un cadre strict, la chasse de nuit aux anatidés dans un nombre limité de départements.

M. François Patriat, rapporteur.

Tout à fait. Merci.

M. Christian Bataille.

Ces deux propositions sont fidèlement transcrites dans l'article 10 du projet de loi gouvernemental. C'est à cette rédaction que mon groupe et moi-même adhérons.

Chasser en France dans le respect des consciences, dépassionner le sujet, c'est un défi d'ouverture, d'intelligence qui nous est lancé. C'est cette inspiration historique, celle de la France tolérante, que nous voulons retrouver ici.

S'agit-il d'un geste spontané ou obtempérons-nous à une intervention extérieure ? A chacun de juger. Mais nul n'ignore qu'en avril 1999, la Cour européenne de justice a rendu un arrêt rendant nécessaires des changements importants dans la loi française, principalement en ce qui concerne le régime des associations communales de chasse agréées, les ACCA. Vous traduisez, madame la ministre, ces changements à travers le texte gouvernemental. Là encore, nous vous suivons.

C'est ce que certains appellent le droit de non-chasse, mais qui n'est, après tout, que l'image inversée du droit de chasser, enrichie du respect des consciences.

M. Jean Auclair.

La chasse des riches !

M. Christian Bataille.

Pourquoi cette objection de conscience ? Et pourquoi maintenant ? Il faut nous y arrêter un instant. Une idée, en effet, imprègne progressivement notre époque, celle du caractère « sanctuarial » de la nature. La chasse reposait sur une conception nourricière de la nature, or nous la voyons généreuse et largement contributive.

Moderniser la chasse est une autre de nos tâches. Elle implique de faire en sorte que la chasse soit précisément ce loisir à la riche symbolique qu'elle peut prétendre être.

Dans ce domaine, c'est sans doute notre rapporteur qui est allé le plus loin, et nous l'écouterons bien volontiers.

Il a réfléchi sur l'organisation, l'animation et la pratique de la chasse. A ceux, cependant, qui voient dans la chasse une école du code social, une école de l'« être ensemble » ou même une façon d'approcher la nature, nous disons dès maintenant « oui ». Assurément, si la chasse n'est plus le moyen d'assurer la subsistance de l'homme, si elle n'est plus non plus cette conduite érigée en référence, elle peut rester une école de découverte.

La chasse doit devenir une école de découverte de l'espace végétal et animal, à travers une riche symbolique de découverte de l'espace social, non un espace d'affrontement ou de prédation mais un espace de coexistence et, naturellement, de culture. C'est tout le sens qu'il faut donner à la notion de non-chasse.

Tels sont, mes chers collègues, les principes qui guident les socialistes dans ce débat. Pour certains, il y a loin des principes à la règle. Nous ne nous le dissimulons pas et notre discussion aura à y pourvoir. Je veux donc expliquer, parlant du groupe socialiste, que tous nos choix particuliers découlent de ces options.

Je comprends les effets de tribune recherchés ici, à cet instant, par les orateurs de l'opposition.

(Protestations sur d ivers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais ne faisons pas semblant d'ignorer que des amendements importants ont d'ores et déjà été adoptés en commission à l'initiative du rapporteur François Patriat et du groupe socialiste.

M. Charles de Courson.

Et de l'opposition !

M. Christian Bataille.

Nous reviendrons dans la discussion des articles sur certaines ouvertures (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) que les socialistes proposeront pour respecter ce loisir populaire qu'est la chasse, avec ses particularismes : légalisation de la chasse de nuit, chasse à la passée, respect du statut du fermage, usage des palombiers, limitation de l'introduction de prédateurs.

Madame la ministre, je reviens à la remarque que je faisais tout à l'heure pour noter que, il y a plus de cent cinquante ans, le ministre, garde des sceaux du gouvernement Soult, qui siégeait à votre place s'appelait Nicolas Martin. Il était connu sous le nom de « Martin du Nord », ce qui ne pouvait que susciter mon intérêt...

Si nos prédécesseurs du

XIXe siècle avaient la conviction de légiférer pour cent ans, aujourd'hui chacun de nous ne saurait avoir telle prétention, et c'est probablement la modestie qui l'emporte devant le sujet. Mais, et ce sera mon dernier mot, j'ai la conviction que la loi Voynet, amendée par le rapporteur François Patriat et par les différents groupes de cette assemblée (« Ah ! » sur les bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), parmi lesquels le groupe socialiste dont j'ai exposé les idées, traduira le respect mutuel des uns pour les autres et aboutira à la tolérance et à l'équilibre auxquels nous aspirons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Retrouver une chasse apaisée, pour emprunter cette excellente formule à notre rapporteur, est, soyez-en sûre, madame la ministre, notre unique objectif. Il est temps en effet de mettre un terme à la véritable guerre de religions qui oppose écologistes politiques et chasseurs.

M. Paul Patriat, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Jean-Claude Lemoine.

L'intérêt d'une loi, des règles de droit, est d'éviter ou de régler les conflits, conflits qui existent aujourd'hui entre une minorité et 1 500 000 citoyens qui souhaitent raisonnablement continuer la pratique de leur sport loisir favori. Une minorité car, contrairement à une idée reçue et véhiculée par certains, la chasse n'est pas un sujet de société conflictuel. Ce loisir souffrirait de l'indifférence ou de l'ignorance de nos concitoyens, mais pas de leur hostilité. Une étude récente, conduite par l'institut d'études sociologiques COFREMCA, montre cependant que, pour l'opinion, la chasse est « culturellement légitime, profondément enracinée ». Et les non-chasseurs pensent que « son interdiction porterait atteinte à la liberté ».

Parce que la chasse a un rôle social, économique, culturel et écologique, nous devons lui donner la légitimité qui lui fait aujourd'hui défaut.

Nous aurions aimé un texte inspiré de celui mis en place pour la pêche en eau douce et nous nous trouvons en présence d'un projet moins ambitieux, largement mais


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très insuffisamment amendé en commission, nécessitant encore nombre de modifications, de précisions que nous allons essayer d'introduire pour atteindre notre but à tous ici et exaucer le souhait de notre rapporteur : « Permettre une chasse apaisée », ce que tous les pratiquants appellent de leurs voeux.

Pour cela, il faut instaurer un climat de confiance, de dialogue et de compréhension de tous ; inscrire dans la loi tout ce qui peut mettre un terme aux différents contentieux qui ont créé ce climat délétère que nous vivons ; mettre en place les outils et les moyens indispensables à la gestion cynégétique et supprimer tous les obstacles qui empêchent la réconciliation de tous. A peu près ce que vous avez dit tout à l'heure, madame la ministre.

Je n'ose donc imaginer que vous allez refuser les amendements, qui sont tous raisonnables.

M. Jean Auclair.

Bien sûr !

M. Jean-Claude Lemoine.

Pour instaurer ce climat de confiance, nous devons informer avec précision et objectivité le monde des écologistes politiques pour le rassurer et restaurer l'image des chasseurs mise à mal depuis quelque temps. Nous devons aussi rassurer les chasseurs.

Il faut rappeler aux opposants à la chasse ce qu'ils ignorent ou refusent de reconnaître, à savoir que les chasseurs sont les premiers protecteurs des milieux naturels et des espèces.

M. Philippe Martin.

Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine.

Les chasseurs ont mené et financé des études sur l'état de conservation des espèces.

M. Didier Quentin.

En effet !

M. Jean-Claude Lemoine.

Ils ont oeuvré avec les agriculteurs pour le maintien ou la restauration des aménagements indispensables à la préservation et au développement du gibier et de toute la faune.

M. Didier Quentin.

Ils ont eu raison !

M. Jean-Claude Lemoine.

Ils ont mis en place les plans de chasse pour le grand gibier, dont on mesure aujourd'hui l'efficacité. Ils ont créé des réserves, ils ont sauvé nombre de zones humides. C'est cela le comportement des vrais chasseurs.

Au travers des amendements destinés à dissiper les contentieux existants, nous apporterons les preuves, les garanties que nos propositions sont compatibles avec la préservation et le développement de toutes les espèces et permettent entre tous les amoureux de la nature, chas-s eurs et promeneurs, une cohabitation harmonieuse - expression que je préfère à celle de « partage de l'espace ». Ainsi en sera-t-il de l'instauration et de la généralisation des plans de gestion ; des carnets de prélèvement ; de la possibilité donnée aux fédérations de chasseurs, comme cela existe dans plusieurs départements, de fermer la chasse un ou plusieurs jours par semaine ou une saison entière pour certaines espèces, en fonction des circonstances, des états de conservation, de prévoir des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs arrêtées sur la base d'études scientifiques, etc.

Restaurer l'image des chasseurs, c'est d'abord bien faire connaître au public ce qu'est la chasse, le monde cynégétique, son organisation, les actions menées et son poids dans l'économie.

Restaurer cette image nécessite une organisation dotée de missions claires encadrées par une réglementation précise et fiable. Une telle réglementation doit conforter le rôle des chasseurs et confirmer leur responsabilité dans l'organisation de la chasse. Bref, tout simplement, leur faire confiance. Il faut rassurer les chasseurs, tâche aujourd'hui bien délicate après les agresssions au moins verbales qu'ils ont subies et calmer l'angoisse qui les habite à juste titre.

Pour cela, il est indispensable que le texte de loi que nous allons voter ne comporte aucune disposition, aucune phrase que les chasseurs pourraient interpréter, à tort ou à raison, comme une nouvelle humiliation, comme une nouvelle contrainte injustifiée. C'est indispensable.

Il faut que la loi apporte des réponses claires et définitives, sur lesquelles nous n'accepterons pas de transiger.

Il faut inscrire dans la loi tout ce qui peut mettre un terme à tous les contentieux existants qui empoisonnent la chasse. Ces contentieux qui détériorent le climat, nous les connaissons. Ils concernent les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs ; la légalisation de la chasse de nuit ; la pratique de la chasse à la passée et le mercredi, jour de non-chasse.

En ce qui concerne les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, revenons aux dispositions de la loi du 3 juillet 1998. Il s'agit d'un bon texte, équilibré, qui s'appuie sur des données scientifiques et qui, contrairement à ce que nous entendons ou lisons, n'augmente en rien les périodes chassables qui sont d'ailleurs, pour de nombreuses espèces, plus restreintes en France que dans d'autres pays de l'Europe ; nous le préciserons lors de l'étude de l'article 10. En prévoyant la mise en place de plans de gestion pour les espèces ne présentant pas un état de conservation favorable, cette loi est conforme à l'esprit de la directive européenne de 1979.

A cet égard, madame la ministre, on ne peut que regretter l'attitude que vous avez adoptée en ne prenant pas les mesures réglementaires nécessaires à la mise en place des plans de gestion, ce qui a abouti à la situation actuelle.

Le mémoire produit par le ministre des affaires étrangères auprès la Cour de justice des Communautés européennes, justifiant le bien-fondé de la loi de 1998 sur le plan tant juridique que biologique - et nous la citerons doit nous permettre de sortir de cette impasse. L'Assemblée, si elle adopte, comme c'est notre voeu, les amendements acceptés en commission pour légaliser la chasse de nuit et la chasse à la passée pérennisera cette pratique populaire. Donc, je ne m'y attarde pas.

La réforme de la loi Verdeille sur les ACCA doit avoir pour effet d'harmoniser la gestion de la chasse, le respect du droit de propriété et la liberté d'association. Toutefois, il faudra veiller, comme s'y est attachée la commission, à ce que le droit de non-chasse ne remette pas en cause le statut du fermage qui prévoit un droit de chasse au preneur.

Enfin, en ce qui concerne le jour de non-chasse, il est impératif d'en laisser la responsabilité aux chasseurs, qui ont prouvé régulièrement leur aptitude à l'assumer au mieux. Instaurer le mercredi comme jour de non-chasse serait, à coup sûr, perçu par les adeptes de ce sport comme une agression tendant à montrer que la chasse est une activité dangereuse, donc condamnable, dont on veut priver et les enseignants et les jeunes scolaires qui veulent s'y initier.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Jean Auclair.

C'est de la dictature !


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M. Jean-Claude Lemoine.

Retrouver une chasse apaisée suppose que celle-ci soit dotée d'outils et de moyens i ndispensables à la gestion cynégétique. Ces outils existent. Ils doivent être confortés chacun dans une mission précise.

L'ONC, le premier, doit voir son rôle en matière de chasse réaffirmé puisqu'il est financé par les chasseurs.

Deuxième outil, l'Union nationale des fédérations de chasseurs qui, en regroupant toutes les fédérations départementales, défendra les intérêts des chasseurs au niveau national. L'élaboration de la charte nationale de la chasse, véritable code de conduite du chasseur et des bonnes pratiques cynégétiques, contribuera à la promotion et à la défense de la chasse.

L es fédérations départementales, troisième outil, doivent voir leur mission de service public réaffirmée. De nouvelles tâches pourraient utilement leur être confiées avec la mise en place d'un guichet unique pour la validation du permis de chasser et l'indemnisation des dégâts causés par le gibier.

Pour supprimer les obstacles à la réconciliation, une mesure s'impose, qui ne dépend pas du législateur mais qui est de la compétence du Gouvernement. Tout le monde le sait, les rapports entre les chasseurs et leur ministère de tutelle sont devenus détestables et il est impensable que s'instaure entre eux un dialogue serein, indispensable à la chasse apaisée souhaitée par tous.

Confier la gestion de la chasse au ministère de l'agriculture, comme ce fut le cas autrefois en France, comme c'est le cas dans d'autres pays, ou au ministère de la jeunesse et des sports, par exemple, est impératif.

M. Jean Auclair.

Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine.

Cela relève de la compétence du Gouvernement. A vous, madame la ministre, qui ler eprésentez aujourd'hui, je demande solennellement, reprenant ainsi la proposition faite et approuvée unanimement lors du colloque sur la chasse, d'oeuvrer dans ce sens, afin de lever cet obstacle à la réconciliation entre les chasseurs et leurs opposants.

Voilà l'état d'esprit raisonnable dans lequel nous abordons l'étude de ce texte. Réaliser ensemble le souhait de notre rapporteur d'instaurer une chasse apaisée pour longtemps est notre objectif, celui du groupe du RPR, qui décidera de son vote à la fin des débats, selon que le texte permettra ou non de mettre un terme au contentieux existant. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je m'associe pleinement aux propositions de mon collègue et ami François Liberti. Le Parti communiste a toujours été aux côtés des chasseurs, notamment lorsqu'il a fallu s'opposer à la fameuse directive 79/409, il y a plus de vingt ans. Et je dois le dire je peux en témoigner, puisque j'y étais -, nous n'étions pas nombreux, hélas !

M. Pascal Terrasse.

Qui était ministre à l'époque ?

M. Maxime Gremetz.

Tous les députés français du Parlement européen, à l'exception des députés communistes, avaient alors entériné ce texte qui menace gravement l'avenir de la chasse populaire. Aujourd'hui, disons-le, nous payons le prix de cette cécité collective. J'aimerais que, dans ce débat, nous ne commettions pas les mêmes erreurs, en nous limitant à quelques demi-mesures qui seraient perçues dans nos départements comme une véritable provocation.

Nous voulons tous que la chasse retrouve sa place au coeur de l'espace rural, loin des tribunes politiques et des prétoires. Tout le monde sait que les chasseurs sont avant tout des acteurs irremplaçables de la protection de la nature. On a tendance à oublier qu'ils n'ont pas que des droits, mais aussi des devoirs qu'ils acceptent d'assumer de façon responsable.

Sur ce projet, les députés communistes ont une position légitime et raisonnable, pour la défense de la chasse populaire.

Au-delà des problèmes de structures, qui sont importants, nous avons demandé au Gouvernement - François Liberti l'a dit - de régler quatre points essentiels : l'autorisation de la chasse à la passée, deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant le lever du soleil ; la suppression du mercredi comme jour obligatoire de nonchasse ; la légalisation de la chasse de nuit dans les quarante et un départements concernés ; l'inscription dans la loi des dates d'ouverture et de fermeture devant permettre la chasse de juillet au 28 février, selon les espèces, avec des dates échelonnées.

M. Antoine Carré.

Très bien !

M. Maxime Gremetz.

Sur ces quatre points, nous avons obtenu quelques satisfactions. Mais, concernant la chasse à la passée et le principe de la légalisation de la chasse de nuit, il y a encore à faire, madame la ministre.

J'ai parlé de devoirs pour les chasseurs, je veux y insister. Le texte du Gouvernement et le rapport de la commission dévoilent des mesures de gestion imposées aux chasseurs très restrictives. Ainsi, on va instaurer des carnets de prélèvement et la déclaration obligatoire en mairie pour les huttes. Il y a même une disposition choquante sur le gel des installations au 1er janvier 2000, empêchant tout aménagement et sauvegarde des zones humides. De plus, on va généraliser les prélèvements maximaux autorisés par chasseur. Bien évidemment, des plans de gestion vont être élaborés. Ajoutez-y les plans de chasse, les schémas départementaux de mise en valeur cynégétique et la gestion départementale des dégâts de gibier, cela fait beaucoup ! De plus, le texte prévoit des sanctions pénales aggravées, avec la confiscation possible des armes et véhicules et, dans certains cas, le retrait définitif du permis de chasser. En revanche, des mesures sont passées « à la trappe » comme, par exemple, une définition claire du marais ou la recherche et le tir à trente mètres au-delà de la nappe d'eau, pour faciliter la vie des bécassinières.

Ce projet de loi, amendé par la commission, on le voit donc, attribue aux chasseurs des devoirs très supérieurs à leurs droits.

Nous ne voulons pas pratiquer la surenchère, madame la ministre, mais simplement rétablir l'équilibre dans un texte qui, en l'état, est un véritable étouffoir pour la chasse. Et je ne parlerai pas du transport des appelants ou de celui du gibier d'un département à l'autre, pour lequel toute souplesse est interdite.

Chers collègues, je recommande à ceux qui croient encore que ce texte est pro-chasse de réfléchir. En conservant des mesures symboliques comme le jour de nonchasse obligatoire ou des dates uniques pour l'ouverture et la fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il bride encore plus la chasse populaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

Un jour de non-chasse, c'est un mois de chasse perdu sur l'ensemble de la saison. Pire, si ce jour, comme l'a annoncé le rapporteur s'entendait de minuit à minuit, ce serait deux nuits de chasse perdues par semaine, soit près de deux mois sur toute la saison ! Fort heureusement, la commission a accepté, ce matin, notre proposition d'exclure la chasse de nuit de la loi.

Avec les dates uniques d'ouverture du 1er septembre au 31 janvier, on peut réduire de deux mois et demi la chasse au gibier d'eau. Pourtant, l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, l'ANCGE, a fait une proposition qui nous paraît tout à fait constructive avec une liste de trente et un départements au lieu de la liste initiale de l'ONC de quarante-deux. C'est donc un compromis souhaitable et acceptable.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Maxime Gremetz.

Je ne voudrais pas que cette loi, annoncée comme celle de l'apaisement, se transforme en loi de la colère pour les centaines de milliers de ruraux passionnés et responsables.

M. Jean-Claude Lemoine.

Il a raison !

M. Maxime Gremetz.

Aucun des gouvernements précédents n'a eu le courage de mener à bien un toilettage des textes réglementant la chasse, même avec une majorité écrasante de plus de 470 députés ! La chasse est un formidable vivier associatif, avec son système fédéral et ses 50 000 associations locales. Le choix que nous devons faire, chers collègues, est celui de la confiance aux chasseurs, en les responsabilisant et en les respectant.

M. le président.

Pouvez-vous terminer, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz.

Je conclus, monsieur le président.

Ce que je crains, par-dessus tout, c'est que l'on détruise cette forme réussie d'autogestion, qui est un exemple unique en Europe. Certains voudraient que seul l'Etat s'occupe de la chasse. Quelle erreur de jugement ! Pour ma part, je m'oppose à ce que l'on cherche à étatiser la chasse française, ce que d'autres que moi appelleraient la soviétisation de la chasse française. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Quentin.

Très bien !

M. Maxime Gremetz.

Pour moi, il y a des points essentiels sur lesquels on ne peut transiger : d'une part, les dates échelonnées de juillet au 28 février pour la chasse aux migrateurs, avec inscription dans la loi, d'autre part, la légalisation de la chasse de nuit dans les trente et un départements eux-mêmes énumérés dans la loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et si, pour conclure, j'avais une recommandation à formuler au Gouvernement, ce serait d'envoyer, dès le 4 avril, des négociateurs à Bruxelles pour expliquer le vote de l'Assemblée nationale et trouver les termes d'un compromis acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 février dernier, la proposition de loi du groupe UDF portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse était renvoyée d'extrême justesse en commission. Ce vote très serré a démontré, à l'évidence, au-delà des considérations purement politiques, la volonté des parlementaires de mettre un terme à une situation où se succèdent conflits et contentieux entre ceux qui pratiquent la chasse et ceux qui s'y opposent.

La pratique de la chasse, bien ancrée dans les traditions françaises depuis la Révolution, doit son existence à la conservation d'espaces cynégétiques et à la préservation des espèces et de la faune sauvage. Les chasseurs ont été, durant les dernières décennies, les plus ardents défenseurs de cet équilibre dont dépend leur activité. Ils ont très bien compris que, pour pérenniser la pratique de la chasse, il est indispensable que les prélèvements effectués ne soient pas de nature à mettre en péril la survie des espèces. Ils savent également que la régulation des populations de gibier doit s'effectuer dans le respect des autres activités du monde rural, je pense notamment à l'agriculture et à l'exploitation des forêts.

L'Office national de la chasse et les fédérations départementales de chasse, relayés par les organisations locales, associatives ou privées, ont assuré ce rôle de gestionnaire depuis des décennies, s'adaptant en permanence à l'évolution du monde moderne et à toutes ses contraintes.

C'est en gardant à l'esprit ces données essentielles, qui ont permis à la chasse de résister à l'épreuve du temps, que nous devons débattre et légiférer pour que la chasse tienne toute sa place dans notre société où chacun doit pouvoir aspirer au plaisir du contact avec la nature et la faune sauvage en respectant les règles qui garantissent leur équilibre. Une adaptation des règles est aujourd'hui nécessaire, nous en convenons tous. Il est ainsi indispensable que la loi définisse le rôle et les missions des structures juridiques chargées de l'organisation de la chasse, q u'elle énonce très lisiblement les conditions dans lesquelles cette pratique doit continuer à s'exercer et qu'elle fixe en toute clarté les dates d'ouverture et de clôture de la chasse, ces dates qui attisent, à coup de contentieux, les querelles entre le camp des pour et le camp des contre.

Madame la ministre, au nom du Gouvernement, vous nous soumettez aujourd'hui un projet de loi relatif à la chasse. Ce texte, nous l'avons examiné, nous en avons débattu en commission. Vous ne serez sans doute pas surprise de m'entendre dire que, pour être acceptable, il doit faire l'objet d'importantes améliorations.

C'est dans ce but que notre groupe a déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons, en effet, que ce texte prenne en compte à la fois les intérêts multiples des utilisateurs de l'espace rural et ceux des chasseurs, parfois caricaturés à tort par des détracteurs souvent mal informés des règles qui régissent la chasse.

M. François Vannson.

Bien sûr !

M. Jacques Le Nay.

En premier lieu, nous considérons que l'évolution des structures publiques et la modernisation des institutions qui gèrent le monde cynégétique sont une nécessité sur laquelle le Gouvernement ne s'engage pas suffisamment. Nous proposons donc d'opérer un meilleur partage des missions, des compétences et des ressources respectives de l'Office national de la chasse et des fédérations, en posant comme principe qu'à la


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structure publique doivent revenir des fonds publics et aux associations des fonds privés. Nous demandons également d'accorder une plus grande autonomie et une plus large responsabilité de gestion des activités cynégétiques aux fédérations de chasseurs en supprimant la tutelle administrative, financière et budgétaire, en leur confiant des missions de police et en les laissant fixer le ou les jours de non-chasse.

Il convient, en effet, d'affirmer le rôle des fédérations départementales de chasseurs dans leurs missions. Elles jouent un rôle important, contrairement à ce qu'on voudrait faire croire, dans la gestion de la faune sauvage et dans la défense et la conservation des espaces naturels.

Elles sont et doivent demeurer une force de proposition auprès des pouvoirs publics : le ministère de l'environnement, bien entendu, mais également le ministère de l'agriculture, de la pêche et de la forêt qui n'est pas impliqué dans les questions relatives à la chasse alors que sur le terrain, ce sont les services déconcentrés de l'Etat - en l'occurrence les directions départementales de l'agriculture et de la forêt - qui sont les interlocuteurs directs des fédérations départementales de chasseurs.

En second lieu, ce projet de loi doit mettre un terme à des contentieux lourds et permanents entre les fédérations de chasseurs et les associations revendiquant leur hostilité à la pratique de la chasse, notamment en matière de chasse aux oiseaux migrateurs. La fixation des dates d'ouverture et de fermeture de cette chasse est un problème complexe que le projet de loi ne tranche aucunement. Les principes posés par la directive de 1979 doivent être appliqués, mais, dans la mesure où celle-ci ne fixe aucune date, chaque Etat membre peut, conformément au principe de subsidiarité, définir la méthode et les dates qu'il entend appliquer.

En la matière, nous sommes favorables aux dispositions de la loi du 3 juillet 1998, c'est-à-dire à la fixation des dates échelonnées en fonction des espèces, avec institution de plans de gestion pour celles dont l'état de conservation n'est pas satisfaisant. L'article 10 du projet de loi n'est donc pas acceptable en l'état, et surtout il ne permettra pas de régler les litiges sur cette question. C'est là, je pense, madame la ministre, l'un des points essentiels qui fondent notre oposition à votre texte. J'ose espérer qu'une large majorité se dégagera dans cet hémicycle pour y apporter une meilleure lisibilité en matière de dates d'ouverture et de clôture de la chasse.

Pour les autres points sur lesquels un long chemin nous sépare - je veux parler de la chasse de nuit et de la chasse crépusculaire -, les débats que nous avons eus en c ommission nous laissent espérer que des avancées seraient possibles. Nous jugerons donc, lors de l'examen et du vote des amendements, si cette impression est fondée. J'insiste d'ailleurs sur le fait que seule une inscription précise dans la loi permettra de faire disparaître tout risque de contentieux dans les départements.

Enfin, madame la ministre, je traiterai rapidement du droit de non-chasse.

Il semble que nous puissions trouver un accord sur ce point, à condition toutefois d'améliorer le texte afin de retirer quelques contradictions, notamment au regard du droit du fermier et du droit du propriétaire. Il convient également d'apporter une clarification en matière de responsabilité en cas de dégâts ou d'accidents occasionnés par des animaux sauvages ayant trouvé refuge sur des terres où la chasse serait interdite. S'il est normal de reconnaître aux propriétaires opposants à la chasse l'exercice d'un droit de non-chasse, il convient néanmoins d'équilibrer ce droit par des devoirs, en l'espèce par l'expression de la responsabilité du propriétaire pour les éventuels dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de son fonds.

Il est pour le moins surprenant que le Gouvernement n'ait pas songé à introduire cette contrepartie minimale, au risque de déstabiliser le droit de chasser et d'affirmer les libertés des uns sans respecter celles des autres. C'est peut-être sur ce point précis que certains propriétaires qui seraient un tant soit peu séduits par le droit de nonchasse découvriront la véritable raison d'être de la chasse et le rôle déterminant de ses structures dans la gestion des espaces cynégétiques.

Sur ce chapitre, il faut rappeler tous les efforts accomplis depuis de nombreuses années non seulement par les fédérations de chasseurs, mais également par les associations de chasse communales ou privées, en relation directe tant avec les agriculteurs, les forestiers, les sylviculteurs, qu'avec les collectivités territoriales. Les exemples ne manquent pas à tous les niveaux.

Depuis quelques années, un effort accru a été consenti en direction des jeunes au moyen de séances de formation et de stages de découverte. A ce titre, je tiens à citer l'expérience menée en Bretagne où le conseil régional de la chasse, associé au centre régional de la propriété forestière et au conseil régional de Bretagne, a produit un cédérom à destination des écoles. Celui-ci propose aux enfants de découvrir les multiples richesses de la forêt, notamment la faune sauvage.

L'objectif est d'apprendre aux plus jeunes générations à reconnaître les espèces et, ainsi, à mieux les respecter.

C'est aussi leur faire comprendre que la chasse intègre des données claires en matière de prélèvement, de régulation, et que des outils ont été mis en place pour cela, tels les plans de gestion et les carnets de prélèvement.

Madame la ministre, je conclurai en réaffirmant notre volonté de voir ce projet de loi largement amendé, notamment sur les points que je viens d'évoquer. Mon groupe parlementaire a présenté des propositions en déposant de nombreux amendements. Nous espérons que nous serons entendus et que nos amendements ne seront pas massivement rejetés. C'est en fonction du sort qui leur sera réservé que nous voterons ou non votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'exprimer le point de vue des députés Verts sur le contenu de ce projet de loi, je voudrais souligner le courage de ce gouvernement, particulièrement celui de sa ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Luc Warsmann.

On va voir.

M. Noël Mamère.

Pour la première fois, en effet, depuis que le ministère de l'environnement existe, un projet de loi global sur la chasse est présenté devant le Parlement. Pour la première fois on ose s'atteler à un débat qui pouvait, jusqu'à présent, paraître tabou.

Le projet qui nous est présenté aujourd'hui est le résultat d'un travail que vous avez entamé, madame la ministre, dès l'entrée en fonction du Gouvernement en juin 1997.

M. Jean Auclair.

Elle aurait mieux fait de rester couchée !


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M. Noël Mamère.

Il faut bien dire que vos prédécesseurs, quels qu'ils soient et quels qu'aient été leurs talents par ailleurs, avaient toujours reporté à plus tard le règlement des problèmes liés à la pratique de la chasse en France. De petits mensonges en grandes hypocrisies, les gouvernements successifs s'étaient toujours rangés au statu quo, laissant les problèmes en suspens et, par là même, certains conflits s'envenimer.

De ce point de vue, la palme du double langage revient certainement à quelques-uns de nos collègues de l'UDF (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui, par deux fois, en juillet 1998 puis en février dernier, ont cru bon de vouloir inscrire dans le droit français des dispositions contraires au droit européen, alors même que l'UDF était au pouvoir lorsque cette réglementation a été adoptée par l'Europe.

M. Jean Auclair.

Vous n'y connaissez rien du tout !

M. Noël Mamère.

La directive de 1979 a en effet été contresignée par MM. Giscard d'Estaing, Barre et François-Poncet, tous membres de l'UDF.

M. Pascal Terrasse.

C'est vrai.

M. Jean Auclair.

Revoyez vos classiques !

M. Noël Mamère.

Il est donc tout à votre honneur, madame la ministre, d'avoir osé relever le défi de la vérité et du règlement des problèmes.

M. Jean Michel.

Très juste !

M. Noël Mamère.

Cela a été d'autant plus courageux que vous avez été, pour cela, la cible malheureusement privilégiée d'attaques et mêmes d'insultes, dont on ne savait plus très bien si elles étaient dues à vos convictions ou tout simplement à votre condition de femme.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Michel.

M. de Courson a oublié cela !

M. Jean Auclair.

Lamentable !

M. Noël Mamère.

Je veux maintenant prendre la défense de la chasse populaire et du chasseur de base.

Ce dernier est raisonnable et soucieux d'un avenir raisonné de la chasse. Pour être chasseur, il doit adhérer à une fédération départementale : il n'a pas le choix car il n'y en a qu'une par département. Pour adhérer, il doit payer une cotisation, mais il n'a pas son mot à dire sur son montant ni sur la façon dont elle sera utilisée.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

Ce n'est pas vrai !

M. François Vannson.

Le montant est fixé en assemblée générale !

M. Noël Mamère.

Quand il a adhéré, il est habilité à participer à l'assemblée générale annuelle, mais il ne peut prendre part à aucun vote et n'a aucun pouvoir en ce qui concerne la définition de la politique à suivre.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Auclair.

Il n'y connaît rien ce mec !

M. Noël Mamère.

En aucun cas, il ne peut participer à l'élection de ses représentants. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. François Vannson.

On vote en assemblée générale.

M. Noël Mamère.

Messieurs, vous qui vous dites si attachés à la démocratie, où est-elle dans tout cela ?

M. Jean Auclair.

Parlez d'autre chose. Vous n'y connaissez rien !

M. Arnaud Lepercq.

Il dit des contrevérités !

M. Noël Mamère.

Ceux qui nous parlent à tous les instants, sans vociférer, chers collègues, de chasse populaire, sont en train de dire aux chasseurs que la règle est : paye, chasse et tais-toi ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

Scandaleux !

M. Noël Mamère.

Vous ne pouvez pas mettre en cause une réalité aussi éclatante, messieurs !

M. Jean Auclair.

Vous êtes un ignorant !

M. Noël Mamère.

Vous pouvez toujours vociférer, vous n'êtes là que pour flatter l'opinion de ceux qui défendent l'ultra-chasse et qui sont en train d'enterrer la chasse populaire ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Auclair.

C'est lamentable ! Vous êtes un menteur !

M. Noël Mamère.

Les Verts souhaitent que les structures de la chasse se débarrassent des habits taillés par le régime de Vichy...

M. François Vannson.

Continuez, les chasseurs sauront pour qui voter !

M. Noël Mamère.

... et qu'on donne une vraie possibilité aux chasseurs du peuple - et non pas au populisme, monsieur Gremetz - de s'exprimer directement ou par la voix de représentants élus démocratiquement.

M. Christian Jacob.

Vous les connaissez, vous, les milieux populistes !

M. Noël Mamère.

Il faut mettre fin à la dictature d'une poignée de dirigeants nantis (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Eric Doligé.

C'est vous le dictateur !

M. Noël Mamère.

... qui abusent du pouvoir que leur donne l'argent des cotisations obligatoires.

M. François Vannson.

C'est pitoyable !

M. Noël Mamère.

Ces cotisations obligatoires représentent plus de 1,4 milliard de francs chaque année, en comptant seulement la redevance cynégétique et la cotisation à la fédération départementale. Ayant sans doute, comme vous, de bonnes lectures, j'ai lu le Chasseur Français du mois d'avril 2000. Dans son éditorial son rédacteur en chef, M. Jean-Michel Lepeudry, écrit : « Il y a aussi des zones d'ombre, certes peu nombreuses, mais bien réelles, dans les comptes de la chasse. La Cour des comptes vient d'en pointer quelques-unes qui suscitent de nombreuses questions. Notre but n'est pas de faire un amalgame facile du type "tous pourris !" Mais les chasseurs, tous les chasseurs, ont le droit aujourd'hui de savoir où va réellement leur argent. La transparence est une exigence forte du citoyen d'aujourd'hui, et le citoyen en est assurément un. »

Conscients des problèmes d'efficacité, nous ne remettons pas en cause la fédération unique et la cotisation obligatoire, encore qu'il serait souhaitable d'y réfléchir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

En revanche, nous serons intransigeants sur deux conditions : un fonctionnement démocratique des fédérations, avec l'application du principe un homme, une voix dans l'élection au conseil d'administration des fédérations ; ...

M. François Vannson.

Il n'a jamais tenu un fusil !

M. Noël Mamère.

... un contrôle financier de l'Etat sur l'utilisation des cotisations, qui sont une forme de prélèvement obligatoire donc, d'une certaine manière, des fonds publics.

M. Charles de Courson.

Incroyable !

M. Noël Mamère.

Nous sommes convaincus que, si la démocratie régnait, nous pourrions discuter plus sereinement des problèmes qui se posent aujourd'hui à la chasse avec une ampleur passionnelle, comme ceux touchant aux dates, aux jours et aux heures de chasse.

En effet la grande majorité de chasseurs est raisonnable.

M. Christian Jacob.

Ils ne sont donc pas comme les Verts !

M. Noël Mamère.

Les intéressés ont compris que la première des choses à faire, pour pouvoir continuer à chasser, était de prendre des mesures pour maintenir l'équilibre cynégétique.

M. François Vannson.

On ne vous a pas attendu !

M. Noël Mamère.

Malheureusement, à côté, nous avons à faire à une poignée d'irréductibles qui comprend certains chasseurs de migrateurs, migrateurs dont la survie dépend d'abord des autres, qu'il s'agisse des oiseaux d'eau, des colombidés ou des passereaux. Ces irresponsables ont fait croire aux autres que la chasse était menacée.

En fait ce qui est menacé, c'est, purement et simplement, la possibilité de mettre en oeuvre, dans notre pays, une grande loi sur la chasse qui garantisse l'exercice du droit de chasse.

Nous, représentants du peuple,...

M. François Vannson.

Et nous alors ?

M. Noël Mamère.

... nous avons le devoir de défendre ce droit.

Je veux également défendre le droit des non-chasseurs.

Alors qu'ils représentent une écrasante majorité, on entend peu parler d'eux.

Mme Sylvia Bassot.

La majorité d'entre eux vit dans les villes !

M. Noël Mamère.

On entend peu parler d'eux, madame.

L a Cour européenne des droits de l'homme a condamné notre pays pour n'avoir pas pris suffisamment en compte le droit des non-chasseurs.

Il y a aujourd'hui unanimité pour admettre que la loi Verdeille doit être modifiée, afin de reconnaître à un citoyen le droit de s'opposer à la chasse sur ses propriétés.

Cela est d'autant plus justifié que l'un des acquis fondamentaux de la Révolution française a été précisément d'attribuer le droit de chasse au propriétaire. Soyons cependant prudents, en établissant ce droit de non-chasse, que je préfère d'ailleurs appeler « droit de gîte », expression beaucoup plus positive, car il faut veiller à ce que la possibilité d'exclure ses parcelles des terrains d'une ACCA ne se transforme pas en un véritable parcours du combattant ou que, en imposant des conditions draconiennes, on rende l'exercice de ce droit impossible.

On dit la chasse en crise. Or quels sont les chasseurs qui connaissent actuellement des problèmes sinon les chasseurs de migrateurs ? Les problèmes viennent essentiellement du fait qu'on envisage tout bonnement d'appliquer totalement une directive européenne qui date de 1979 et même - mais c'est sans doute un comble pour certains d'entre vous - le code rural ! Jusqu'à maintenant, grâce notamment à la puissance financière qu'ils représentent, de nombreux chasseurs ont considérés qu'ils étaient au-dessus des lois. Ainsi certains pratiquent la chasse de nuit alors qu'elle est interdite depuis cent cinquante ans ;...

M. Charles de Courson.

Arrêtez !

M. Noël Mamère.

... d'autres chassent la tourterelle en mai ou le pigeon ramier en mars, alors que la loi votée ici ferme toute chasse au 28 janvier. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Certains nemrods considèrent même comme un crime de lèse-majesté le fait que le Gouvernement de Lionel Jospin ait décidé de restaurer l'Etat de droit.

M. Jean Auclair.

Arrêtez !

M. Noël Mamère.

Ce que l'on perçoit n'est pas la réalité. Pour connaître les raisons de la vraie crise de la chasse, il suffit de fréquenter les assemblées des sociétés de chasse.

M. Christian Jacob.

Vous feriez bien d'y participer.

Combien de fois y avez-vous été ?

M. Noël Mamère.

Les vrais problèmes sont l'absence de démocratie dans le fonctionnement de la chasse (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , l'augmentation des prélèvements obligatoires, le manque de transparence financière des fédérations départementales, y compris l'utilisation des fonds à des fins politiques ou personnelles (Exclamations sur les mêmes bancs)...

et bien sûr, la raréfaction du gibier provoquée essentiellement par la disparition des habitats et par la pollution due aux produits chimiques. C'est cette crise-là que nous devons résoudre ensemble.

M. Michel Bouvard.

Provocateur !

M. Noël Mamère.

Dans cette optique, je tiens à rendre un hommage particulier à notre collègue François Patriat.

Au cours de la mission que lui ont confiée le Premier ministre et Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, il a rencontré pratiquement tous les groupes concernés par la chasse et son rapport est réellement une solution de compromis entre les intérêts parfois divergents mais souvent convergents des protecteurs et des utilisateurs du milieu naturel.

Mme Sylvia Bassot.

On « n'utilise » pas le milieu naturel.

M. Noël Mamère.

Son travail a été très utile et c'est sur cette base solide que la ministre en charge de l'environnement et le Gouvernement ont préparé le projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

M. Michel Bouvard.

Ne donnez pas de leçons !

M. Noël Mamère.

Le projet initial, équilibré, reprend la plupart des propositions de François Patriat qui étaient d'ordre législatif. Il représente une avancée significative,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

essentielle pour l'insertion de la chasse dans notre monde du

XXIe siècle. Il répond de façon satisfaisante aux exigences de la législation européenne et à la décision récente de la Cour européenne des droits de l'homme. Il dépoussière notre droit et prend en compte tant les aspects de protection de la faune et de la flore, aujourd'hui très menacée que ceux du développement d'un grand nombre de nouvelles activités.

Nous n'aurions aucun problème à soutenir un tel projet si certains amendements adoptés par la commission de la production et des échanges n'étaient inspirés par la démagogie et l'extrême-chasse. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi, le contrôle financier des fédérations de chasse prévu dans ce rapport n'est pas repris.

M. François Vannson.

Heureusement !

M. Michel Bouvard.

On pourrait aussi exercer un contrôle financier sur les associations écologistes !

M. Noël Mamère.

On exclut les associations de protection de la nature du conseil d'administration de l'établissement public et on crée les conditions permettant de maintenir la majorité aux chasseurs, ce qui a été récemment stigmatisé par la Cour des comptes.

M. Michel Bouvard.

On pourrait aussi contrôler les associations écologistes et voir si l'argent ne sert pas à faire de la politique !

M. Noël Mamère.

On transfère les fonds d'indemnisation des dégâts de gibier de l'Etat vers les fédérations de chasseurs, ce qui correspond à un cadeau d'environ 200 millions de francs aux chasseurs !

M. Jean Auclair.

Très bien !

M. Noël Mamère.

On supprime le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, instance de concertation entre les différents usagers du milieu naturel qui fonctionne pourtant à la relative satisfaction des différentes parties prenantes.

On crée une série de contraintes supplémentaires pour ceux qui voudraient bénéficier du droit que personne maintenant ne conteste, celui d'interdire la chasse sur ses terres.

M. René André.

Vous êtes contre les fermiers !

M. Noël Mamère.

Or le droit de chasse, y compris celui de ne pas l'utiliser si on le souhaite, a été établi par la Révolution française de 1789.

On légalise la chasse de nuit et on étend les heures de chasse à la passée à deux heures après le coucher, et à deux heures avant le lever du soleil,...

M. Jean Michel.

C'est le rapport Patriat.

M. Noël Mamère.

... alors que tout un chacun peut constater qu'à ces heures il fait nuit et qu'il est impossible, même si l'on est un très bon chasseur, de reconnaître les espèces chassées. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Vous n'êtes jamais sorti !

M. Jean Auclair.

Vous ne savez pas ce que c'est ! Vous êtes un chasseur d'opérette.

M. Noël Mamère.

Mes chers collègues, le Gouvernement nous a proposé un texte sérieux et bien construit.

Nous pouvons l'améliorer sur des points de détail, mais, de grâce, ne remettons pas en cause les fragiles équilibres qu'il était arrivé à établir.

M. Jean Auclair.

C'est la gauche caviar !

M. Noël Mamère.

Notre rôle de parlementaire nous impose de nous assurer que le patrimoine naturel que nous devons transmettre à nos enfants ne soit pas dilapidé aujourd'hui. Nous sommes également responsables de l'établissement de règles qui permettent à tous nos concitoyens de vivre en paix et de cohabiter ; dans ce domaine comme dans d'autres.

M. Jean Michel.

Arrêtez-le !

M. Jean Auclair.

C'est à vous de l'arrêter !

M. Noël Mamère.

Nous devons aussi respecter la réglementation européenne, particulièrement celle qui a fait l'objet d'une adoption à l'unanimité...

M. Jean Auclair.

Téléphonez à Jospin de le faire arrêter !

M. Noël Mamère.

... au moment où notre pays assurait la présidence de l'Union. En effet, il faut éviter d'être condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes...

M. Michel Bouvard.

Elle vous condamne aussi pour la

« vache folle » !

M. Noël Mamère.

... particulièrement au moment où la France va assurer la présidence de l'Union européenne.

Pour terminer, mes chers collègues, je souhaiterais parler au nom de l'immense majorité des chasseurs raisonnables. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils sont légion, y compris dans ma région. Ils ne s'expriment pas beaucoup, mais ils sont inquiets. En tout cas, chers amis, si les chasseurs que vous défendez sont à l'image de ce que vous faites dans l'hémicycle, ce ne sont pas des chasseurs raisonnables.

En fait ces chasseurs raisonnables se rendent compte qu'une poignée d'irresponsables de votre espèce (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sont en train de tuer la chasse et de les conduire dans le mur.

M. Jean Auclair.

Scandaleux !

M. Noël Mamère.

En continuant de cette manière, vous allez tuer la chasse populaire que nous voulons défendre. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Marie-Hélène Aubert.

Très bien ! Rappel au règlement

M. Charles de Courson.

Rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour un rappel au règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

M. Charles de Courson.

L'orateur a mis en cause un certain nombre de ses collègues siégeant dans la partie droite de l'hémicycle.

M. le président.

Non !

M. Jean Auclair.

Si !

M. Charles de Courson.

Cela est inacceptable et je lui demande de retirer ses propos.

Chasseur depuis que je suis gamin, je ne peux pas accepter cela car, avec d'autres, y compris dans mon village, nous avons favorisé une gestion rationnelle de la nature.

M. le président.

Monsieur de Courson, s'il vous plaît !

M. Charles de Courson.

Je demande que M. Mamère retire les propos qu'il vient de prononcer, car ils sont inacceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

Des excuses !

M. le président.

Monsieur de Courson, vous créez un incident de séance qui n'a pas lieu d'être, car il n'y a pas eu de mise en cause personnelle. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Non ! Personne n'a été cité. Il n'y a donc pas eu de mise en cause personnelle.

M. René André.

C'est au bureau de l'Assemblée à en juger, pas à vous !

M. Jean Auclair.

Des excuses ! Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse peut-il être examiné dans un climat d'apaisement et de respect des préoccupations de chacun ? Tel est en tout cas le souhait que je formule et je veillerai, pour ma part, à dépassionner le débat et à contribuer à l'adoption de solutions pragmatiques, contrairement à l'intervention excessive et provocatrice de Noël Mamère.

La chasse, activité ancestrale et populaire, doit intégrer les évolutions normatives fondamentales du droit français, liées à l'apport croissant des juges, qu'ils soient supranationaux, comme ceux de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour de justice des Communautés européennes, ou nationaux, comme ceux du Conseil d'Etat. C'est pourquoi la législation relative à la chasse ne peut pas rester au statu quo

Surtout, la chasse ne peut pas nier la transformation profonde de la société française. L'engouement sans précédent pour les activités sportives ou les simples promenades en pleine nature, le problème plus global de partage du temps, des rapports entre populations urbaines et rurales, mais aussi le nécessaire respect des grands équilibres écologiques - auxquels les chasseurs ne peuvent être d'ailleurs que très attachés - doivent être pris en compte.

Ces enjeux incontournables nous incitent aujourd'hui à trouver un consensus indispensable entre tous les acteurs concernés.

Néanmoins, au terme de ma réflexion à ce sujet, après avoir consulté largement les responsables fédéraux et les chasseurs au sein de mon département et dans l'optique de parfaire le texte qui nous est proposé, je souhaite soulever quatre points en complément de ce que mon ami Antoine Carré a déjà souligné.

Le premier est la nécessaire reconnaissance des missions assurées par les fédérations départementales de chasseurs.

A cet égard, leur rôle doit être reconnu. Ainsi, leurs missions devraient être formellement décrites dans la loi.

Il est regrettable que le projet n'aborde pas cette question.

Les fédérations n'ont pas seulement pour objet de représenter et de défendre les intérêts de la chasse et des chasseurs ; elles collaborent véritablement à l'exécution d'un service public : surveillance de la chasse et lutte contre le braconnage, formation théorique et pratique des candidats à l'examen du permis de chasser, prévention et indemnisation des dégâts causés par le grand gibier, conception et mise en oeuvre d'un schéma départemental de gestion cynégétique. Toutes ces missions concourent largement à l'intérêt général.

Je profite de mon temps de parole pour ajouter un mot sur le jour de non-chasse. Il me paraît difficile d'instituer, pour tout le pays, un seul et même jour de nonchasse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Afin de tenir compte de la diversité des pratiques et des territoires, que les fédérations connaissent bien, la détermination de ce ou de ces jours doit être laissée à l'initiative des fédérations, selon les spécificités locales.

Deuxième point, il faut reconnaître également le rouage indispensable assuré par les associations communales de chasse agréées.

Permettez-moi d'insister sur l'importance des ACCA dans la gestion des territoires de chasse et la bonne conservation de la faune sauvage.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Didier Quentin.

Il a raison !

M. Georges Colombier.

Mais il faut éviter deux risques.

Et tout d'abord celui de morcellement. En effet, il convient d'éviter une remise en cause généralisée du principe de l'apport de terrains, contenu dans la loi Verdeille, qui aurait pour conséquence de multiplier les petits territoires de chasse.

Par ailleurs, les fédérations de chasseurs sont très attachées à ce que le propriétaire ayant fait opposition au nom de convictions personnelles soit tenu de procéder à la signalisation de ses terrains par des pancartes, d'assurer la régulation des animaux nuisibles, de veiller à l'équilibre agro-sylvo-génétique et de pourvoir à la réparation et l'indemnisation des dégâts du gibier provenant de leur fonds.

J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

De plus, le cycle de retrait des terrains doit être harmonisé avec la durée du schéma départemental de gestion cynégétique.

Troisième point, il faut responsabiliser complètement les jeunes chasseurs. L'avancée que représente le permis accompagné doit être soulignée. Toutefois, celui-ci ne devrait pas comporter d'interdiction du tir à balles au cours des deux années de permis provisoire.

Cette démarche consiste à initier à la chasse ; la formation doit donc être, à mon sens, progressive et complète.

De ce fait, l'accompagnateur doit être à même de juger


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

du jeune chasseur parrainé et de choisir les munitions utilisées en fonction du type de chasse pratiqué et des capacités de celui dont il assure l'encadrement. C'est pour cette raison que le permis ne devrait pas comporter d'interdiction du tir à balles. J'ai également déposé un amendement à ce propos.

J'en arrive à mon quatrième et dernier point : parfaire la gestion du gibier.

Permettez-moi d'évoquer la situation du département de l'Isère, que je connais bien. Dans ce département, force est de reconnaître que le plan de chasse a été uno util remarquable. L'équilibre agro-sylvo-cynégétique constitue la juste reconnaissance de son utilité.

Autre mesure dont le bénéfice est considérable pour tous les gestionnaires, les prélèvements maximum autorisés méritent une meilleure reconnaissance par la loi.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

M. Georges Colombier.

A propos des fonds d'indemnisation des dégâts de gibier, gibier dont l'effectif et donc le coût ne cessent de croître, les travaux étant déjà effectués en grande partie par les fédérations départementales de chasseurs, il serait préférable que l'argent ne transite plus par l'Office national de la chasse. Cette procédure est en effet contestée à cause de son opacité et de la lenteur de ses redistributions.

Enfin, en vue de permettre une gestion globale des plans de chasse, je suis favorable à l'obligation d'adhésion des grands territoires aux fédérations départementales.

T elles sont les observations que j'ai souhaitées, madame la ministre, chers collègues, faire sur le texte de loi qui nous est proposé aujourd'hui. Pour conclure, je formule le souhait sincère que nous parvenions au cours des prochaines séances à adopter une solution équilibrée et pérenne à la question complexe du réaménagement de la législation sur la chasse.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

M. Georges Colombier.

Nos concitoyens ne comprendraient pas un échec des parlementaires dans la mission difficile qui leur est confiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons l'étude de ce projet de loi avec le réel souci de parvenir à un texte équilibré, sur la base du rapport de notre collègue François Patriat, pour une chasse responsable et apaisée. Pour cela, il faut nous garder de tous les excès, particulièrement les excès de ceux qui voudraient remettre en cause la pratique de la chasse mais aussi de tous ceux que constituent des protections excessives, parfois injustifiées, qui portent souvent préjudice aux équilibres naturels.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux.

Il faut parvenir à une organisation de la chasse qui permette la poursuite de sa démocratisation, mais il faut aussi parvenir à une gestion plus rigoureuse, plus responsable, du patrimoine naturel. C'est à ces deux aspects que je limiterai mon intervention.

Depuis la loi Verdeille, les ACCA ont permis une démocratisation qui favorise la chasse populaire. Il nous faut poursuivre cette démocratisation en responsabilisant davantage les chasseurs. N'oublions jamais que les meilleurs protecteurs de la nature, les meilleurs gestionnaires de l'espace ne peuvent être que ceux qui vivent à son contact.

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Augustin Bonrepaux.

Ces populations rurales, qui vivent au rythme des saisons, entretiennent la nature par leur présence et leur travail quotidien. Pour elles, la chasse reste l'un des rares loisirs qui occupent les journées d'automne et d'hiver, un loisir accessible au plus grand nombre grâce à cette démocratisation.

Aussi la reconnaissance du droit de non-chasse provoque une inquiétude légitime à laquelle il faut répondre.

Il ne faut pas que ce droit, qui peut être respecté au nom de l'objection de conscience, vienne perturber, voire compromettre, l'existence des ACCA et la pratique de la chasse populaire. Il ne faut pas non plus que ce droit, s'il était concédé à des personnes morales, puisse être utilisé , par exemple, par des associations foncières pastorales sans l'accord des propriétaires.

Quant à l'interdiction de chasse le mercredi, elle entraîne quelques interrogations. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pourquoi réduire la durée de la chasse quand tous les recensements, objectifs, font apparaître que de nombreuses espèces, comme les palombes ou les tourterelles, sont loin d'être menacées, et que d'autres, comme les sangliers, les chevreuils, prolifèrent et causent beaucoup de dégâts ?

M. Michel Inchauspé.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux.

La pratique de la chasse serait-elle si dangeureuse qu'il faudrait l'interdire pour la sécurité des promeneurs ? Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas modifier le choix des armes utilisées ? Il est indéniable que le tir à balle en zone de plaine est beaucoup plus dangereux que le tir au fusil. Tous les arguments avancés pour interdire la chasse le mercredi paraissent peu fondés.

Cependant, s'il faut réellement édicter une telle interdiction pour parvenir à l'équilibre que nous souhaitons, alors, il faut rassurer les chasseurs, en garantissant que cette interdiction sera la seule, et ne s'ajoutera pas à d'autres pour réduire, sans l'accord des fédérations, la durée de la chasse. Il faut aussi tenir compte du caractères pécifique de certaines chasses postées, comme par exemple la chasse aux oiseaux migrateurs. Le passage des palombes ne dure que 45 jours. Et encore ! Souvent il fait mauvais temps ...

M. Michel Inchauspé.

Et voilà ! Bravo !

M. Augustin Bonrepaux.

... et, donc, cette interdiction réduirait la chasse de façon excessive.

La gestion des espèces conduit malheureusement à trop d'aberrations nouvelles qui portent parfois préjudice aux espèces, notamment en ce qui concerne l'introduction d'espèces autochtones.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux.

Cela est vrai pour le patrimoine halieutique, quand on introduit, par exemple, des saumons de fontaine, des truites arc-en-ciel - pourquoi pas un jour des saumons transgéniques ? - ...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux.

... dans des cours d'eau où la valorisation de la truite fario permettrait d'avoir un patrimoine naturel de qualité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

Cela est encore plus vrai en matière cynégétique quand des introductions mal étudiées ou des prélèvements trop limités conduisent à des densités excessives de sangliers, de cerfs et de chevreuils qui dévastent les prairies et la forêt.

Il ne suffit pas de décider que les dégâts seront indemnisés, il faut mettre fin à de telles aberrations. Il n'est pas normal que les travaux réalisés par des collectivités locales, avec des fonds publics, pour l'entretien et la régénération de la forêt, des prairies ou des pâturages d'altitude soient anéantis, perturbés par l'introduction mal contrôlée de nouvelles espèces, ce qui conduit à des augmentations de redevance contre lesquelles tout le monde proteste.

C'est donc dans cet esprit que je propose un amendement visant à ce que toutes les introductions d'expèces nouvelles soient mieux contrôlées.

Mais s'il faut mieux responsabiliser les chasseurs, il faudrait aussi que l'Etat soit un peu plus responsable et ne donne pas le mauvais exemple en introduisant des espèces, comme les ours slovènes dans les Pyrénées centrales.

M. Michel Inchauspé.

Bravo !

M. Augustin Bonrepaux.

Certes, madame la ministre, vous n'êtes pas responsable de cette introduction. La convention a été signée par M. Barnier avec quatre communes de Haute-Garonne...

M. Pascal Terrasse.

Ouh ! Ouh !

M. Augustin Bonrepaux.

... et l'introduction a été réalisée sous l'égide de Mme Corinne Lepage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais, madame la ministre, vous représentez l'Etat. Et l'Etat doit reconnaître ses erreurs. Vous savez que cette opération, présentée comme une expérience à l'époque...

M. François Baroin.

Par les Verts !

M. Augustin Bonrepaux.

... devait être évaluée au bout de trois ans. Cela n'a jamais été fait parce que les services qui en étaient responsables en étaient bien incapables. Par contre, la commission permanente du massif des Pyrénées et la commission permanente du Conseil national de la montagne ont fait une évaluation qui révèle toutes ces aberrations et, je dirai même, l'illégalité de cette introduction.

La convention de Berne qui exige que des études approfondies soient conduites pour déterminer le caractère acceptable et efficace de cette introduction n'a pas été respectée. La prescription des plus éminents scientifiques n'a pas été suivie. Aucune étude d'impact sur les activités économiques n'a été réalisée. Or lorsque des tr avaux sont réalisés sans étude d'impact, ils peuvent être annulés et les constructions démolies. En l'occurrence, aucun suivi génétique n'a été réalisé, si bien qu'on ne s ait pas aujourd'hui d'où proviennent ces animaux.

Enfin, plus grave, les engagements pris par l'Etat vis-àvis de quatre communes de la Haute-Garonne - l'Etat s'est engagé à reprendre ces animaux sur simple délibération du conseil municipal - ne s'appliquent pas aux communes de l'Ariège qui en font la demande ! Où est l'égalité que garantit notre constitution ? Le territoire de l'Ariège fait-il encore partie de la République française ?

M. Michel Bouvard.

C'est une bonne question !

M. Augustin Bonrepaux.

Madame la ministre, ces erreurs, ces aberrations doivent être reconnues et corrigées par l'amendement que je propose.

Moyennant ces amendements, nous pourrons aboutir à ce texte équilibré que nous souhaitons. Il faut que ce texte soit respectueux de la nature et de l'environnement, de tous les utilisateurs de l'espace, mais aussi et surtout de ceux qui y vivent,...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux.

... de leur travail, qui est nécessaire à l'entretien de la nature, mais qui est souvent difficile dans les zones de montagne, et qu'il soit aussir espectueux de leur activité et de leurs traditions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Rappels au règlement

M. Maxime Gremetz.

Rappel au règlement !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz.

En application de l'article 58, alinéa 6, monsieur le président, car, contrairement à ce que vous avez affirmé, M. Mamère a bien mis quelqu'un en cause : moi !

M. Noël Mamère.

Oui !

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Maxime Gremetz.

... en m'injuriant...

M. le président.

Mais non !

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, ce n'est pas à vous d'en juger ! ... me traitant de populiste, ce qui, pour moi, rime avec fasciste ! Or, je suis le successeur d'un député communiste guillotiné, Jean Catelas...

M. le président.

Monsieur Gremetz, vous ne pouvez pas intervenir sur le fond maintenant. L'article 58 ne vous permet d'intervenir pour ce que vous qualifiez de fait personnel qu'en fin de séance.

M. Maxime Gremetz.

Non, vous faites erreur ! Consultez le règlement !

M. le président.

Par ailleurs, je veux rappeler à tout le monde que la liberté d'expression est une des bases de notre démocratie,...

M. Noël Mamère.

Très bien !

M. le président.

... y compris dans notre assemblée, où une certaine liberté de ton est admise.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et ceux qui ont eu la curiosité de regarder comment se déroulaient les séances il y a vingt ou trente ans ont pu constater que c'était bien autre chose. En comparaison, celles d'aujourd'hui paraissent très pacifiques.

(Exclamations sur les mêmes bancs.) Par conséquent, monsieur Gremetz, vous aurez la parole pour un fait personnel en fin de séance, soit dans un quart d'heure !

M. Maxime Gremetz.

Je lis l'article 58, alinéa 6, monsieur le président : « Toute attaque personnelle, toute interpellation de député à député, toute manifestation ou interruption troublant l'ordre sont interdites. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

M. le président.

C'est l'alinéa 4 qui s'appliquera, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, vous n'êtes pas loyal ! Mais vous ne m'empêcherez pas de parler ! Vous n'appliquez pas le règlement et vous défendez M. Mamère !

M. le président.

Pas du tout ! En vertu de l'article 58, alinéa 4 du règlement, vous interviendrez en fin de séance !

M. Maxime Gremetz.

Je prétends que j'ai été insulté !

M. Jean-Claude Lemoine.

Rappel au règlement !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Claude Lemoine.

Monsieur le président, compte tenu des éléments qui viennent d'être rappelés par M. de Courson et par M. Gremetz, je vous demande une suspension de séance de dix minutes pour que nous puissions noux concerter sur l'attitude que nous devons avoir devant le comportement de l'un de nos collègues.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la lecture des vingt-trois articles de ce projet de loi élaboré dans une série d'approximations et d'improvisations...

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Didier Quentin.

... visant à concilier les contradictions de la gauche plurielle, écartelée entre les attentes des chasseurs et les exigences des Verts, ne nous rassure pas sur l'avenir de la chasse dans notre pays.

M. Henri Nayrou.

Démagogie !

M. Didier Quentin.

La France compte plus d'un million et demi de chasseurs pour une pratique qui, loin de certaines caricatures, s'exerce sur tout le territoire national, dans le respect des équilibres écologiques, des traditions et des diversités régionales.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Didier Quentin.

Pour une majorité de Français, comme le confirme une récente étude sociologique, la chasse est culturellement légitime, profondément enracinée dans nos traditions, et même les non-chasseurs pensent que l'interdiction de la chasse porterait atteinte à la liberté.

Grâce à son organisation associative, la chasse en France bénéfice de structures uniques en Europe, avec près de 50 000 sociétés adhérentes aux fédérations de chasseurs. Celles-ci, ont fait très largement la preuve de leur bonne gestion des espèces et des habitats naturels.

Les pratiques cynégétiques comptent aujourd'hui au nombre des principaux facteurs de la survie des zones humides, si importantes pour l'équilibre de nos écosystèmes.

Je peux d'ailleurs en témoigner en tant qu'élu de la Charente-Maritime car, si les chasseurs n'avaient pas participé à l'entretien des marais, une partie du domaine public maritime serait aujourd'hui totalement asphyxiée.

M. Eric Doligé.

Tout à fait !

M. Didier Quentin.

Encore récemment, après l'ouragan du 27 décembre 1999, ils ont été parmi les premiers à se porter volontaires pour la remise en état des territoires sinistrés,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait ! Il faut le dire !

M. Didier Quentin.

... à l'instar des associations communales de chasse agréées de l'île d'Oléron, qui ont organisé à la fin de janvier une journée « déblayage des principaux chemins forestiers », en collaboration avec la fédération.

Rendez-vous a également été donné à l'automne 2000 p our le démarrage d'une opération de reboisement 250 000 arbres - sur l'ensemble du département, financée en partie par une quote-part prélevée sur chaque cotisation de chasseur.

Ainsi, depuis de très nombreuses années, vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, en venant présenter votre projet de loi à l'Assemblée nationale, le 7 mars dernier, les chasseurs mènent, en coopération avec d'autres acteurs du monde rural, des actions positives en faveur de notre patrimoine naturel.

A cette fin, les fédérations départementales de chasseurs ont constitué des réserves et se préoccupent de la reproduction et de la protection des gibiers. Il faut aussi en prendre acte et s'en féliciter car les chasseurs ont eux aussi vocation à être des acteurs responsables de la gestion de notre environnement.

De plus, ils jouent un rôle certain en matière d'aménagement du territoire. Un grand nombre de nos compatriotes de tous âges ont choisi d'habiter dans de petites communes et villages plutôt que dans de grandes agglomérations urbaines pour s'adonner à ce loisir naturel qu'est la chasse. Si on les agresse, il est à craindre que la désertification ne progresse.

Ce projet de loi ne règle en rien les difficultés récurrentes que connaît depuis de nombreuses années le monde de la chasse et il risque d'être une nouvelle occasion perdue, après la loi du 3 juillet 1998 et la proposition de loi que votre majorité plurielle a renvoyée en commission le 22 février dernier.

En 1998, à l'initiative de l'opposition, l'Assemblée nationale avait adopté une bonne loi, qui innovait par l'introduction de plans de gestion applicables à certaines espèces d'oiseaux migrateurs, tout en prévoyant des actions positives en faveur de la sauvegarde des biotopes.

La loi du 3 juillet 1998 était de nature à régler le contentieux juridique, né d'une interprétation restrictive de la directive européenne du 2 avril 1979. Or le Gouvernement n'a pas jugé utile de publier les décrets d'application de cette loi juridiquement et biologiquement fondée.

Il a donc persisté à encourager une interprétation jurisp rudentielle systématiquement défavorable à l'activité cynégétique.

Par ailleurs, si le Gouvernement avait défendu plus tôt et plus énergiquement à Bruxelles les dispositions de la loi de 1998, le France ne risquerait pas aujourd'hui d'être sanctionnée par la Cour de justice européenne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

M. Antoine Carré.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait exact !

M. Didier Quentin.

De plus, la lancinante question de la chasse de nuit reste entière, puisque la majorité plurielle s'est refusée à examiner, le 22 février dernier, la proposition de loi portant sur les diverses mesures d'urgence relatives à la chasse, déposée à l'initiative de l'opposition. Ce texte, qui reprenait celui d'une proposition adoptée à l'unanimité des groupes politiques en juin 1999 au Sénat, tendait à légaliser la chasse de nuit aux gibiers d'eau et reconnaissait le droit de non-chasse.

Le caractère social de cette chasse plaide en faveur de sa législation. En effet, régulariser la pratique de la chasse à la tonne et à la passée, c'est préserver la chasse la plus populaire qui soit, à moins que vous ne préfériez, ce qui serait pour le moins paradoxal, une chasse réservée à un petit nombre de nantis (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - on se retrouverait alors avant la nuit du 4 août ! - et que vous ne souhaitiez ainsi la disparition d'un certain mode de vie qu'affectionnent encore un grand nombre de nos compatriotes, souvent parmi les plus modestes.

M. Jean Auclair.

Elle veut tuer la chasse populaire !

M. Didier Quentin.

En l'état, et c'est une raison supplémentaire d'inquiétude et de déception, votre projet de loi n'apporte pas de réponse satisfaisante sur plusieurs points.

Je les passe rapidement en revue.

Premièrement, les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse ne sont toujours pas fixées, le Gouvernement s'en remettant aux autorités administratives et se contentant de renvoyer le problème à la réglementation communautaire, mais il ne faut jamais oublier que l'essentiel réside en fait dans la maîtrise du prélèvement.

Deuxièmement, la suspension provisoire de l'interdiction de la chasse de nuit pour cinq ans risque d'être le prélude à sa disparition totale.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Bien sûr !

M. Didier Quentin.

Troisièmement, il ne faudrait pas que les modifications de la loi Verdeille actuellement envisagées conduisent à un appauvrissement des ACCA, piliers de la chasse populaire.

M. François Patriat, rapporteur.

Qu'acceptez-vous ? Dites-le-nous !

M. Didier Quentin.

Quatrièmement, il n'appartient pas à la loi d'interdire la chasse le mercredi. Cette proposition est inacceptable,...

M. Jean Auclair.

C'est de la dictature !

M. Didier Quentin.

... car elle revient à dénier démagogiquement et probablement anticonstitutionnellement le droit de propriété.

M. François Patriat, rapporteur.

Vous voulez tout garder ?

M. Didier Quentin.

De plus, coïncidant avec le jour de congé scolaire, elle introduit de manière insidieuse l'idée que la chasse est dangereuse pour les enfants. Elle rend plus difficile pour ceux-ci de s'initier à ce loisir et à ce mode de découverte de la nature...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est de la démagogie !

M. Didier Quentin.

... comme on le voit souvent dans nos campagnes avec des grands-parents qui emmènent à la chasse leurs petits-enfants.

C inquièmement, on regrettera également l'absence dans ce projet de loi de disposition sur la réintroduction de vrais gibiers sauvages élevés sur place dans les territoires de chasse.

Sixièmement, les dispositions relatives au bail rural prévoient un droit de chasser en faveur du preneur. En raison des liens étroits entre la chasse et l'agriculture, le législateur a reconnu ce droit au preneur. Il est donc inopportun de remettre en cause sur ce point le statut du fermage, comme le fait le Gouvernement.

M. René André.

On ne doit pas toucher au statut du fermage !

M. François Patriat, rapporteur.

Qu'acceptez-vous ?

M. Didier Quentin.

Enfin, pour ce qui est de la réorganisation de l'Office national de la chasse, il n'est pas convenable de reporter sur cet établissement les missions environnementalistes étrangères à la chasse ou même clairement anti-chasse, qui seraient financées par le seul argent des chasseurs. Les chasseurs n'ont pas vocation à être des pigeons...

M. Robert Lamy.

Très bien ! L'image est excellente !

M. François Patriat, rapporteur.

Qu'avez-vous contre les pigeons ?

M. Didier Quentin.

... ou des vaches à lait ! D'où l'importance de réaffirmer la mission principale de l'Office, qui est de se consacrer aux problèmes relatifs à la chasse : études, évaluation des populations de gibiers, représentation de la France dans les instances internationales.

Ainsi, ce projet de loi, s'il n'est pas sérieusement amendé, comme nous allons le proposer, n'apaisera pas les conflits, ne réduira pas les contentieux et n'apportera pas les conditions d'une chasse durable et citoyenne, pour reprendre les qualificatifs qui vous sont chers.

Loin d'être « le Grenelle de la chasse » qui avait été a nnoncé, il apparaît à beaucoup comme lourd de menaces et d'incertitudes pour l'avenir. (« C'est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il ne faudrait pas non plus que ce projet de loi apparaisse comme un nouveau mauvais coup porté à la ruralité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et j'espère que vous vous souviendrez, madame la ministre, que vous êtes aussi ministre de l'aménagement du territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

C'est la ministre du déménagement du territoire !

M. Didier Quentin.

Autrement, nous serons de plus en plus nombreux à réclamer, comme Jean-Claude Lemoine l'a fait tout à l'heure, le rattachement de la chasse au ministère de l'agriculture ou, pourquoi pas, à celui des sports ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 28 MARS 2000

M. François Patriat, rapporteur.

Démago !

M. Didier Quentin.

Il nous appartient donc ce soir et demain de ne pas décevoir les attentes de tous les amis de la faune et de la chasse, légitimement attachés à un mode de vie et à une tradition qui s'inscrivent à coup sûr dans notre histoire et notre patrimoine national. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 FAIT PERSONNEL

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz pour un fait personnel en application de l'article 58, alinéa 4 du règlement.

M. Maxime Gremetz.

M. Mamère peut penser ce qu'il veut, c'est son droit absolu. Il a accès libre aux des moyens d'information, et il ne s'en prive pas.

M. Jean-Louis Debré.

Il est de la majorité comme vous !

M. Maxime Gremetz.

Il dit des grosses âneries, c'est son droit. Mais il n'a pas le droit d'insulter les gens et notamment un collègue ! (Applaudissements sur de nomb reux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour moi, le populisme, c'est très proche du fascisme...

M. Jean-Louis Debré.

Mais vous siégez sur les mêmes rangs qu'eux ! Quittez la majorité !

M. Maxime Gremetz.

... et vous n'avez pas le droit, monsieur Mamère, d'insulter un collègue en le traitant de fasciste. Sinon, qu'est-ce que je vous réponds ?

M. Jean-Louis Debré.

Je t'aime, moi non plus !

M. Maxime Gremetz.

Qu'est-ce que vou, êtes, vous ? Un intégriste ? Un ayatollah ?

M. Jean Auclair.

Exactement ! Bravo !

M. Maxime Gremetz.

Un provocateur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A quoi ça sert de s'insulter ainsi ? Ça ne grandit personne et je vous demande donc de bien vouloir retirer vos propos.

M. Jean Auclair.

Des excuses !

M. Maxime Gremetz.

Moi, je vous respecte. Vous avez le droit d'avoir les pires positions anti-chasse. Je ne suis pas chasseur, vous non plus sans doute. En tout cas, on ne chasse pas la même chose ! Vous avez le droit de penser ce que vous voulez et de le dire, mais moi, je ne vous traite pas d'affreux ayatollah ou d'affreux intégriste provocateur qui ne veut pas d'une bonne loi sur la chasse capable de réconcilier l'ensemble des Françaises et des Français. Vous n'en voulez pas parce que c'est votre fonds de commerce. Le vrai populiste, c'est vous ! L'intégriste, c'est vous ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2182, relatif à la chasse : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2273).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT