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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 3092).

2. Questions au Gouvernement (p. 3092).

DROITS DE L'HOMME EN IRAN (p. 3092)

MM. Claude Goasguen, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

CMU (p. 3093)

M. Jean Proriol, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉRETRAITES (p. 3093)

M. Jean-Claude Boulard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p. 3094)

Mme Catherine Picard, M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

INDUSTRIE TEXTILE (p. 3095)

MM. Jean-Claude Daniel, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN (p. 3096)

MM. Roger Meï, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

SECRET DE L'INSTRUCTION (p. 3097)

MM. Michel Hunault, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

CONSÉQUENCES DES TEMPÊTES

SUR LA FILIÈRE BOIS (p. 3098)

M. Bruno Bourg-Broc, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

DÉLINQUANCE DES MINEURS (p. 3099)

MM. Henry Chabert, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

CESSION DE L'ENTREPRISE COOPER (p. 3100)

MM. Pierre Carassus, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

QUALIFICATION PROFESSIONNELLE

DES ARTISANS DU BÂTIMENT (p. 3101)

M. Yves Cochet, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

POLICE NATIONALE (p. 3101)

MM. Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

RÉFORME DES LYCÉES (p. 3102)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

SORT D'ALPHA CONDÉ EN GUINÉE (p. 3103)

MM. Serge Blisko, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Suspension et reprise de la séance (p. 3103)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

3. Démission et remplacement d'un secrétaire de l'Assemblée nationale (p. 3103).

4. Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 3103).

5. Protocole de Kyoto. Discussion d'un projet de loi (p. 3104).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteuse de la commission des affaires étrangères.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3107)

M.

Pierre Brana, Mme Martine Aurillac,

MM. Pierre Goldberg, Claude Gaillard, Yves Cochet, Mmes Nicole Ameline, Nicole Bricq.

Mme la ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption (p. 3115)

6. Convention sur l'environnement. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3115).

Article unique. - Adoption (p. 3116)

7. Accord avec le Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3116).

Article unique. - Adoption (p. 3116)

8. Accord avec la Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3116).

Article unique. - Adoption (p. 3116)

9. Convention fiscale avec le Kazakhstan. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3116).

Article unique. - Adoption (p. 3116)

10. Accord avec la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3117).

Article unique. - Adoption (p. 3117)


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11. Convention internationale contre la prise d'otages. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3117).

Article unique. - Adoption (p. 3117)

12. Convention sur la compétence judiciaire. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3117).

Article unique. - Adoption (p. 3117)

13. Convention relative aux obligations contractuelles. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3117).

Article unique. - Adoption (p. 3118)

14. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3118).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par Mme Isabel Allende, présidente du groupe d'amitié Chili-France de la chambre des députés du Chili (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Didier Boulaud.

Nous, nous préférons Allende à Pinochet ! 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

DROITS DE L'HOMME EN IRAN

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne la situation des droits de l'homme en Iran.

Dans quelques jours, un tribunal spécial sera réuni à Téhéran pour juger treize personnes de confession israélite. Ce tribunal les qualifie de « Juifs », et uniquement de

« Juifs ». Les droits de la défense ne sont pas garantis par la procédure et il n'y aura aucune présence étrangère.

Pourtant, le 28 octobre 1999, M. Khatami, qui était alors en pleine campagne électorale et cherchait à anesthésier les démocraties occidentales, avait promis à la France que des observateurs étrangers seraient présents devant ce tribunal spécial et qu'un minimum des droits de la défense serait respecté.

Aujourd'hui que la campagne électorale est terminée, M. Khatami ne tient pas ses engagements et nous sommes en passe d'assister à une mascarade de procès, qui est, en réalité, une exécution.

Monsieur le minsitre, personne n'a pu obtenir un visa lui permettant de se rendre en Iran pour assister au procès. Je vous demande solennellement si nous pouvons tolérer cet acte grave commis à l'encontre de la France, à qui le Gouvernement iranien a fait des promesses qui ne sont pas tenues, et à l'encontre des droits de l'homme.

Pouvons-nous accepter une telle situation ? Pouvez-vous nous donner des informations sur ce qui se passe réellement à Téhéran ? Et au cas où ces funestes rumeurs se confirmeraient, pouvez-vous nous indiquer quelle sera l'attitude de la France ? La France peut-elle envisager sereinement une coopération économique avec un pays qui fait preuve d'un tel cynisme et d'une telle désinvolture envers les droits universels de l'homme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, nous suivons cette affaire très préoccupante et inquiétante avec une grande attention et une extrême vigilance depuis que nous en avons connaissance, c'est-à-dire depuis plusieurs mois.

Sur le plan pratique, cela signifie que, chaque fois que nous avons eu des contacts avec les autorités iraniennes actuelles, nous leur avons signalé que le déroulement de ce procès serait un élément fondamental à nos yeux, comme aux yeux des autres pays européens ou occidentaux - puisque les Etats-Unis commencent à bouger par rapport à ce régime -, du jugement que nous serons amenés à porter sur la capacité de ce pays à évoluer.

Il faut savoir que, en Iran, même après les victoires électorales du président Khatami - sa propre élection et la victoire de son camp aux élections législatives -, il y a encore une lutte de tous les instants entre, d'une part, ceux qui veulent préserver la ligne la plus dure de la révolution islamique, avec sa dimension de xénophobie et de piétinement des droits de l'homme, et, d'autre part, ceux qui, comme le président Khatami, tentent de faire évoluer ce pays. C'est en tout cas de la sorte qu'il faut interpréter le choix des électeurs chaque fois qu'ils ont la possibilité de se prononcer. Et cette lutte a lieu tant dans le domaine de la politique étrangère que dans d'autres domaines concernant la vie interne de l'Iran, comme la justice ou la police par exemple.

Malheureusement, la lutte d'influences est à son paroxysme dans le secteur de la justice. C'est un élément d'explication que vous devez avoir à l'esprit, même si cela ne change rien à notre position claire, à nos exigences et à notre détermination.

Je me suis assuré que notre sentiment était partagé par les Italiens, par les Allemands, par les autres pays qui développent leurs relations avec les autorités iraniennes en tout cas avec le gouvernement du président Khatami, si ce n'est avec toutes les autorités -, ainsi que par les Américains, qui commencent à changer de position vis-à-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

vis de l'Iran, puisqu'ils ont annoncé récemment certaines mesures ponctuelles de levée d'un embargo qui remontait à fort longtemps.

La pression exercée est donc claire, nette et exigeante.

A ce stade, je ne veux pas baisser les bras et considérer que toutes ces pressions et toutes ces attentes resteront sans résultat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CMU

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour une brève question.

M. Jean Proriol.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question est relative à la couverture maladie universelle.

Nous étions tous d'accord sur le principe d'une aide aux plus démunis, mais nous l'étions beaucoup moins sur les modalités d'application de la couverture maladie universelle.

Depuis le début de l'année, les faits, hélas ! nous donnent raison, et nous ne les inventons pas. Ainsi, la Caisse nationale d'assurance maladie, acteur majeur du système, a certes enregistré le transfert des anciens ressort issants de l'aide médicale départementale, mais le nombre de dossiers plafonne actuellement à 3,2 millions alors que 6 millions de bénéficiaires étaient annoncés.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.) Et tous ne pourront pas accéder à la CMU ou en rester bénéficiaires avec un seuil de ressources « guillotine » fixé à 3 500 frances. (Mêmes mouvements.)

Or les personnes rejetées ne pourront pas souscrire une protection complémentaire dont nous connaissons tous le coût prohibitif. Elles ne pourront pas non plus revenir à l'aide médicale, ce qui se soldera probablement par un vrai recul social.

L a Mutualité française elle-même dénonce la complexité du système, ses ratages et ses dérives ainsi que les inégalités qu'il crée d'un département à un autre.

Quant à notre collègue Odette Grzegrzulka, qui est chargée du suivi du dispositif instauré par la loi, elle parle d'inquiétudes fortes et exprime des craintes pour l'avenir.

Elle dénonce un partenariat qui fonctionne mal entre les caisses d'assurance maladie et les caisses complémentaires.

Voilà des remarques de bons sens et des critiques concrètes.

Dans ces conditions, madame la ministre, vous ne pouvez plus attendre et esquiver les problèmes. Que comptez-vous donc faire pour que la CMU atteigne ses objectifs et ne ressemble pas à un parcours semé d'embûches laissant au bord de la route un grand nombre de nouveaux déçus ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je vous donnerai d'abord quelques chiffres : avant la CMU, 2,7 millions de personnes recevaient l'aide médicale gratuite ; trois mois après son application, nous en sommes déjà à 3,7 millions de bénéficiaires, soit un million de plus. Comme échec, je crois quon peut trouver mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ensuite, comme Mme Grzegrzulka l'a remarqué - et je partage son analyse -, les relations entre la CNAM et les organismes complémentaires ne sont pas encore totalement assises, bien qu'ils aient signé une convention.

Aujourd'hui, seuls 20 % des bénéficiaires de la CMU ont choisi une caisse complémentaire, les 80 % restants ayant choisi une caisse primaire d'assurance maladie.

Toufefois, je vous rappelle que les personnes concernées ont la possibilité, avant la fin de la période pendant laquelle elles sont touchées, de se tourner encore vers une caisse complémentaire, ce qui est sans doute une très bonne solution.

J'ajoute que nombre de caisses complémentaires mutuelles, sociétés d'assurance - font de l'information auprès des personnes concernées, font des bilans et de la prévention. Je suis convaincue que c'est un élément qui conduira beaucoup d'assurés à aller vers ces caisses complémentaires.

En ce qui concerne le seuil de 3 500 francs, vous dénoncez, monsieur le député, une inégalité entre les départements. Mais cette inégalité, elle existait auparavant, puisque la plupart des départements avaient des seuils différents. Aujourd'hui, au contraire, il existe un seuil fixé au niveau national, ce qui n'empêche pas les personnes dont les ressources sont très légèrement supérieures à ce seuil d'être couvertes par les caisses d'action sociale des caisses, qui disposent encore de plus d'un milliard, ou par les collectivités locales.

Je terminerai en vous disant que j'ai un autre sujet de préoccupation : faire en sorte que l'ensemble des professions dans notre pays reçoivent de manière correcte les personnes porteuses d'une carte de couverture maladie universelle. En effet, il y a des difficultés avec certaines professions - je pense à la dentisterie, par exemple. Cette situation va me conduire à rencontrer les professionnels dans quelques jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

Encore des menaces !

M. Jean Bardet.

Les dentistes apprécieront !

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

PRÉRETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Boulard.

M. Jean-Claude Boulard.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question concerne les personnes en situation de préretraite au titre du FNE et touche à la validation des périodes de préretraite en matière de retraite complémentaire au titre de l'AGIRC et de l'ARRCO. En effet, pendant la période 1996-2000, les points ont bien été retenus mais ils n'ont pas été validés.

Un accord récent, à la conclusion duquel vous avez beaucoup contribué, va permettre de résoudre cette question. Il serait donc souhaitable que vous indiquiez à la représentation nationale quel est le contenu de cet accord, conforme à la fois à l'équité sociale et au respect des engagements de l'Etat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous venez de le signaler, l'Etat n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de l'ARRCO et de l'AGIRC. En effet, depuis 1996, les préretraités ou les retraités qui ont eu des périodes de préretraite ou d'assurance-chômage solidarité ne voyaient pas leurs points validés et donc payés. Ce sont 130 000 personnes - 50 000 déjà en retraite, 80 000 potentiellement touchées - qui ont vu ou auraient pu voir se réduire le montant de leur retraite.

Ce débat dure depuis longtemps, puisque six gouvernements successifs ont essayé sans succès de régler la question. Dès notre arrivée, nous avons pris des contacts avec l'ARRCO et l'AGIRC et, à la suite d'une mission confiée à un conseiller-maître à la Cour des comptes, nous nous sommes mis d'accord sur le montant des dettes réelles et sur le mode de calcul. C'est ainsi que la volonté d'aboutir de part et d'autre a permis d'aboutir, le 23 mars dernier, à la signature d'un accord qui clôt définitivement ce litige entre l'Etat, l'ARRCO et l'AGIRC.

Dès l'an 2000, l'Etat versera 650 millions, qui permettront la rémunération de points gelés depuis 1996 pour ceux qui ont déjà pris leur retraite et, à partir de 2001, il paiera, par un financement annuel de 2,850 milliards, l'ensemble des cotisations qu'il devait à l'ARRCO et l'AGIRC.

Ce problème qui inquiétait beaucoup de retraités ou de préretraités est maintenant réglé. Les 130 000 personnes concernées peuvent considérer que leur plein droit à la retraite est maintenant reconnu et de manière définitive.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

Mme Catherine Picard.

Monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), l'enseignement professionnel a connu un grand mouvement de protestation, et l'inquiétude des enseignants au sujet du projet de décret présenté au dernier comité technique paritaire ministériel subsiste. Ce projet a été rejeté par l'ensemble des organisations syndicales : dotations horaires, suivi des élèves stagiaires, insuffisance du crédit formation constituaient autant de points de blocage forts.

Aujourd'hui, les enseignants demandent que s'engage une véritable réflexion sur le contenu des programmes, sur les filières, les passerelles lycées-entreprises et que soit examinée la situation des enseignants ayant des statuts précaires, laquelle reste à l'ordre du jour.

Ces questions appellent à l'évidence une réponse rapide et concertée de la part du Gouvernement. Au reste, des éléments de réponse sont déjà en notre possession.

Quelles propositions envisagez-vous de faire, monsieur le ministre, afin que la reprise des négociations puisse, d'une part, déboucher sur une solution acceptée par le plus grand nombre et, d'autre part, permettre à l'enseignement professionnel d'exercer sa mission de service public d'éducation ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Madame la députée, en effet, un mouvement d'une importance remarquée a mobilisé les enseignants, les parents et parfois même les élèves des lycées d'enseignement professionnel.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Santini.

Parlez sans papier, on n'est pas au Sénat !

M. le président.

Monsieur Santini, je vous en prie ! Il est vrai que vous avez un organe qui porte, mais ce n'est pas une raison pour en abuser.

Poursuivez, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Ce mouvement a écouté et il a été entendu. (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Une réponse claire lui a été apportée. Je souhaite que, lors du prochain comité technique paritaire ministériel, nous puissions, sans barguigner (« Oh ! » sur les mêmes bancs) constater que, après la rude empoignade qui a eu lieu, le chemin d'une ambition collective partagée a été retrouvé.

M. Francis Delattre.

Le chemin des urnes ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Cette réponse, c'est d'abord celle que le Premier ministre a apportée en créant un département ministériel nouveau (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui témoigne de la compréhension qu'il a de l'importance de la formation dans le respect de la spécificité des modes de transmission du savoir de la grande filière des métiers.

M. Philippe Auberger.

Quel charabia ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Cette réponse, c'est ensuite le nouveau texte relatif au statut des professeurs de lycée professionnel, qui nous permet de marquer un double progrès.

D'abord, un progrès social, en alignant à dix-huit heures le temps de service demandé à l'ensemble des enseignants des lycées professionnels. J'ai eu plaisir à entendre le dirigeant de l'organisation syndicale la plus importante de ce secteur saluer dans cette décision le plus grand progrès social de ces vingt dernières années.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Un deuxième progrès social est constitué par la prise en compte du travail « invisible » que représentait le suivi des élèves par les professeurs lors du temps de période des élèves en entreprise. Ce travail « invisible » est désormais quantifié et pleinement intégré au temps de travail. Eh bien, c'est un grand progrès ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

J'ai plaisir à saluer, avec le respect qui vous est dû, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, la cohérence de vos positions et la continuité que vous manifestez dans vos protestations.

M. Jean-Michel Ferrand.

Quel cireur de chaussures !

M. Pierre Lellouche.

Rendez-nous Allègre ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

En effet, la différence d'appréciation que nous avons à cet égard est la même que celle que nous avons eue au moment de la définition du temps de travail effectif. Je note que vous manifestez toujours la même appétence à c onsidérer le travail obligé comme du bénévolat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ensuite, il s'agit d'un progrès pédagogique, grâce à l'institution du projet pédagogique pluridisciplinaire à caractère professionnel. En un mot, il s'agit du fameux chef-d'oeuvre bien connu du compagnonnage, mais dans sa version moderne.

M. Jean-Michel Ferrand.

D'où il sort, celui-là ?

M. Francis Delattre.

Que le ministre mette sa salopette ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

C'est un chef-d'oeuvre collectif au sein duquel est apprécié l'itinéraire particulier de l'élève.

M. Jean-Louis Debré.

Rendez-nous Allègre ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Madame la députée, ce progrès social et ce progrès pédagogique sont accomplis sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'annualisation, à la flexibilité ou à la pondéra tion. Il a suffi d'une modulation, qui, au demeurant, est déjà largement appliquée par les enseignants dans leurs pratiques professionnelles.

J'espère que tout cela sera entendu en dépit du tumulte qui m'entoure, Madame la députée, vos souhaits ont été entendus.

J'ouvre non seulement les chantiers que vous suggérez, mais également d'autres chantiers qui concernent aussi bien la définition du projet pédagogique à contenu professionnel que celle de la période en entreprise, qu'il s'agisse de son suivi ou de son contenu.

A cet égard, j'aurai à coeur d'évoquer en cet instant l'une des difficutés que nous réglerons, et je suis sûr que toute la représentation nationale s'associera à ce qu'a déclaré le Premier ministre sur ce point.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi, pour lutter contre les discriminations raciales et sexistes, le Gouvernement proposera que les conditions d'accès aux périodes en entreprise soient alignées sur celles de l'embauche afin que, plus jamais dans ce pays,...

M. Pierre Lellouche.

Dans « ce » pays ? M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

... un jeune Tarek soit traité autrement qu'un jeune François, une Koumba autrement qu'une Marie, et pour que nos enfants puissent tous accéder, dans la même dignité, au savoir et à la compétence professionnelle.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'achève mon propos.

La lutte contre la précarité est, évidemment, en chantier, tout comme la formation technique continue.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

S'il advenait que quelques-uns veuillent manifester leur approbation en ce grand moment de progrès social, je dédie cette première intervention aux enseignants et aux élèves, par reconnaissance et affection.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe commun iste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, ne faites pas preuve d'autant d'impatience ! Nous venons d'entendre la première intervention de M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis sûr qu'à l'avenir il sera un peu plus bref dans ses réponses.

(Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

TEXTILE INDUSTRIE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le secrétaire d'Etat, certains bassins d'emploi cumulent des difficultés économiques et sociales redoutables. Ainsi en est-il du bassin de la Haute-Marne et du haut-bassin de la Marne, qui doivent affronter aujourd'hui les effets conjugués d'une dépression démographique et des fermetures et licenciements sur un territoire où la métallurgie cherche difficilement un nouveau souffle.

A cela s'ajoutent, pour ce qui concerne le second pôle d'activité important, le textile, des annonces qui sont faites aujourd'hui et qui se révèlent catastrophiques.

Ainsi, ce sont 450 emplois qui sont menacés immédiatement du fait de la fermeture totale ou partielle d'unités de production telles que Devanlay, à Saint-Dizier, Pointfil, à Chaumont, et d'autres encore dans l'ensemble de la vallée. Il s'agit de surcroît d'emplois féminins.

Cela pousse tout un département au refus de l'inacceptable et à l'action indispensable.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai trois séries de questions.

D'abord, quelle est la situation réelle de la filière textile à l'échelle du pays ? Qu'en est-il aujourd'hui, des incidences malheureuses de ce que l'on a appelé le « plan Borotra » ? Les initiatives déjà prises en ce qui concerne la taxe professionnelle pour les entreprises de main- d'oeuvre peuvent-elles permettre de répondre aux exigences du maintien et du développement de l'emploi dans ce secteur ? Ensuite, entendez-vous prendre des initiatives complémentaires contre les délocalisations, les regroupements ou les fusions qui s'inscriraient à contre-courant des régulations nationales et internationales nécessaires et attendues ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Enfin, s'agissant de la Haute-Marne, touchée simultanément par deux causes lourdes de licenciement dans la sidérurgie et le textile, quel message d'espoir pouvez-vous nous apporter ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur Daniel, dès 1996, la Commission européenne avait indiqué au Gouvernement de l'époque que les mesuress pécifiques sectorielles destinées au textile étaient contraires aux règles européennes.

Nous avons, dès notre arrivée au Gouvernement, au mois de juin 1997, multiplié les négociations et engagé un recours devant la Cour de justice européenne pour maintenir l'effectivité de ces mesures. Malheureusement, la Cour européenne n'a pas accédé à la requête de la France et, dès le mois d'octobre 1999, nous avons dû nous rendre à l'évidence : il fallait rembourser les aides découlant du plan dont vous avez parlé. C'est ce que nous faisons, après avoir négocié pendant trois ans, dans des conditions qui cherchent à préserver au maximum la vie de nos entreprises du textile, de l'habillement et de la chaussure.

L'exonération est totale pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Seule la fraction de l'aide excédant les allégements de charges de plein droit sur les bas salaires sera calculée. Le montant d'impôt sur les sociétés sera défalqué du montant remboursable. Une franchise de 650 000 francs est accordée à toutes les entreprises. Le remboursement sera étalé d'avril 2000 à avril 2003 et le taux d'intérêt moratoire modéré sera appliqué.

Les règles que je viens de rappeler sont aujourd'hui acceptées par Bruxelles, et elles s'appliquent également en Belgique. Sur les 5 500 entreprises qui ont été concernées par les aides, moins de 600 seront astreintes à un remboursement qui, je viens de l'expliquer, sera partiel.

Nous cherchons, avec mes collègues Laurent Fabius et Martine Aubry, à limiter le plus possible les conséquences de ce remboursement autour de trois axes simples.

En premier lieu, nous voulons assurer la pérennité des entreprises du secteur et nous tiendrons naturellement compte de la situation objective de chacune des entreprises concernées par le remboursement.

En deuxième lieu, nous voulons préserver au maximum les emplois dans un secteur qui en a perdu beaucoup depuis cinq ou six ans. La baisse des charges sociales liée à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, de 21 000 francs pour un salaire du niveau du SMIC, contribue à nous faire atteindre cet objectif, de même que la baisse de la taxe professionnelle pour sa part salariale.

Enfin, nous voulons assurer la modernisation du secteur textile et du secteur habillement en promouvant l'investissement, la formation - les engagements de formation du secteur peuvent être nettement augmentés - et, bien sûr, en encourageant l'innovation.

L'ensemble de ces mesures s'appliquera dans votre région. Je suis prêt à vous rencontrer pour étudier comment, dans les entreprises que vous avez citées, cette politique volontaire et de confiance vis-à-vis de notre secteur textile-habillement peut être mise en oeuvre au profit de l'emploi et de la pérennité de nos entreprises.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous reviendrons tout à l'heure, si nous en avons le loisir, au groupe socialiste.

Nous passons au groupe communiste.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. le président.

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Ma question, à laquelle s'associe

Mme Jambu, s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, c'est avec émotion et amertume que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Avec émotion, car je ne peux oublier ce grand moment fort qui a rassemblé tous les députés de l'Assemblée nationale, le 29 mai 1998, dans la reconnaissance du génocide arménien ; je ne peux oublier les larmes, la Marseillaise de nos compatriotes d'origine arménienne dans les tribunes.

Avec amertume, car, depuis le 29 mai 1998, la proposition de loi adoptée par notre assemblée n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour du Sénat du fait du refus de la majorité de droite, à quelques exceptions près.

(Protestations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lellouche.

Quelle démagogie !

M. Roger Meï.

Récemment, cette même majorité refusait encore la discussion, conformément aux directives de l'Elysée.

Monsieur le Premier ministre, après le vote de notre assemblée,...

M. Pierre Lellouche.

Demandez à M. Védrine ce qu'il a dit sur le sujet !

M. Roger Meï.

... vous aviez déclaré : « Lorsque l'Assemblée nationale, en un vote unanime, reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915, c'est là non un acte d'accusation, mais un acte de paix. »

Je rappelle que la Turquie occupe une grande partie de Chypre, qu'elle mène une véritable guerre contre le peuple kurde et que les droits de l'homme y sont bafoués.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) La France ne doit pas cautionner le chantage odieux qui consiste à mettre en balance contrats commerciaux et souffrances des peuples ! Au même titre que le peuple allemand a reconnu le génocide juif, le peuple turc a intérêt à reconnaître le génocide perpétré par le gouv ernement turc de l'époque.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le 24 avril, les Arméniens du monde entier honnoreront la mémoire du 1,5 million de morts victimes du génocide.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement, de par la Constitution, peut proposer le texte de loi à la discussion du Sénat.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Roger Meï.

Comptez-vous le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Pierre Lellouche.

Répétez ce que vous avez dit au Sénat, monsieur Védrine !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur Meï, l'Assemblée nationale a en effet adopté, le 29 mai 1998, une proposition de loi rédigée sous la forme d'un article unique : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » Le Gouverne-

ment en a pris acte. Il a fait connaître sa position sur ce texte au moment du vote.

M. Jean-Louis Debré et M. Pierre Lellouche.

Laquelle ?

M. le ministre des affaires étrangères.

Vous connaissez cette position, qui est celle des autorités françaises. Elle a été rappelée pour la dernière fois devant le Sénat par Pierre Moscovici le 21 mars dernier.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Quel courage !

M. le ministre des affaires étrangères.

Le Gouvernement comprend les motivations de l'Assemblée nationale et des députés qui sont à l'origine de ce texte. Il a luimême rendu un hommage, que je veux renouveler aujourd'hui avec force et émotion, aux victimes des événements tragiques de 1915,...

M. François Rochebloine.

Du « génocide » !

M. Pierre Lellouche.

Le ministre vient de dire : « des événements » !

M. le ministre des affaires étrangères.

... qu'un grand nombre d'historiens qualifient en effet de génocide.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

En effet !

M. le ministre des affaires étrangères.

A quelques semaines de la commémoration de ce drame, je veux redire à nos compatriotes, descendants de ceux qui subirent ces massacres, la profonde sympathie du Gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe communiste.)

M. Patrick Devedjian.

Hypocrite !

M. le ministre des affaires étrangères.

Votre assemblée s'est elle-même prononcée au mois de mai 1998, dans le cadre de l'ordre du jour complémentaire.

M. Patrick Devedjian.

Hypocrite !

M. le ministre des affaires étrangères.

Pour sa part, le Sénat n'a pas entendu donner suite à la proposition de loi adoptée par l'Assemblée.

M. Pierre Lellouche.

Un peu de courage ! C'est incroyable !

M. le ministre des affaires étrangères.

Il n'a pas non plus retenu l'initiative issue de ses membres et visant un objectif analogue. Le Gouvernement a pris acte de ces décisions. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe communiste.

Non !

M. le ministre des affaires étrangères.

Mesdames, messieurs les députés, je veux saisir l'occasion pour souligner,...

M. Richard Cazenave.

Un peu de courage !

M. le ministre des affaires étrangères.

... en premier lieu à l'intention de nos compatriotes d'origine arménienne, que l'action de la France aujourd'hui dans cette région, victime de tant de tragédies,...

M. Georges Hage.

Faux cul !

M. le ministre des affaires étrangères.

... vise à contribuer et à éradiquer les sources de conflits,...

M. Pierre Lellouche.

Dites si vous êtres pour ou contre, mais arrêtez de tourner autour du pot !

M. le ministre des affaires étrangères.

... à lui permettre de retrouver la paix, à faire progresser la coopération.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

C'est honteux !

M. le président.

Monsieur Lellouche, je vous en prie !

M. le ministre des affaires étrangères.

Cette action tend aussi à surmonter, sans les oublier, les drames du passé.

La politique de la France n'a pas d'autre objectif que la paix et la sécurité pour tous les peuples de cette région.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. Maxime Gremetz.

Cela ne suffit pas !

M. Patrick Devedjean.

Et la vente de canons !

M. Pierre Lellouche.

Applaudissez, mesdames, messieurs ! Vous êtes éclairés !

M. Georges Hage.

Presque personne n'a applaudi !

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

SECRET DE L'INSTRUCTION

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Toute personne attachée au respect des libertés individuelles et à la présomption d'innocence n'a pu que s'émouvoir que le réquisitoire définitif du procureur de la République dans l'affaire Dumas soit publié par la presse.

Vous aviez alors ordonné une enquête, madame la garde des sceaux.

Le procureur de la République a reconnu qu'il avait été lui-même à l'origine de cette divulgation puisqu'il a écrit au procureur général de la cour d'appel de Paris qu'« il était en tout état de cause hors de question de ne pas faire connaître à la presse le sens de ses réquisitions dans un dossier aussi attendu ».

M. Jean Michel.

C'est scandaleux !

M. Michel Hunault.

Ma question sera donc simple : madame la garde des sceaux, quelles mesures allez-vous prendre contre le procureur pour violation manifeste du secret de l'instruction ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur Hunault, ce gouvernement, vous le savez, joue franc.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

On vient de le voir !

M. Richard Cazenave.

Il faut oser dire ça juste après M. Védrine !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Mme la garde des sceaux est actuellement au Sénat.

Vous avez, monsieur le député, posé une question précise directement liée à son ministère. Le Gouvernement vous répondra, par la voix de Mme Guigou.

(Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je n'y répondrai pas quant à moi publiquement car il s'agit d'un sujet que, personnellement, je ne connais pas.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je pense que les téléspectateurs qui nous regardent préfèrent que l'on fasse preuve de franchise et que l'on soit direct (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Huées)...

M. le président.

Un peu de calme, s'il vous plaît !

M. Bernard Accoyer.

Que le Premier ministre réponde !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... plutôt que de jouer avec des sujets qui sont délicats et qui sont traités sérieusement.

Mme Guigou vous répondra. Voilà ce que je peux vous dire, monsieur le député.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est inadmissible !

CONSÉQUENCES DES TEMPÊTES

SUR LA FILIÈRE BOIS

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, l'absence de réponse à la question de M. Hunault est absolument inadmissible.

M. Lucien Degauchy.

On n'a jamais vu ça !

M. Jean-Michel Ferrand.

C'était au Premier ministre de répondre !

M. Bruno Bourg-Broc.

Le Premier ministre avait la faculté de répondre, monsieur le président.

M. le président.

Monsieur Bourg-Broc, je vous en prie !

M. Bruno Bourg-Broc.

Cela dit, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les tempêtes du lendemain et du surlendemain de Noël ont fait des dégâts importants dans notre pays. Elles ont engendré des coûts astronomiques pour les collectivités locales, pour les entreprises et pour les particuliers.

Nul ne connaît le montant exact des dégâts. Nous savons que les compagnies d'assurance verseront aux personnes privées et aux entreprises 30 milliards de francs environ. Mais il y a aussi les biens non assurables, notamment ceux de la filière bois, qui ont été gravement et durablement touchés.

Le Gouvernement a affecté 5 milliards de francs - je ne parle pas des prêts - aux deux catastrophes de décembre, les tempêtes et la marée noire. Mais les travaux, qu'ils soient assujettis à un taux de TVA à 5,5 % ou à 19,6 % vont engendrer des recettes substantielles et nouvelles pour l'Etat, soit au bas mot 2 milliards de francs.

Monsieur le ministre de l'économie, à l'heure où vous affirmez, avec le Gouvernement, que vous voulez baisser les impôts, ne pensez-vous pas qu'il faudrait affecter ces 2 milliards de francs de recettes supplémentaires à ceux qui ont le plus souffert des tempêtes, et particulièrement à la filière bois ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Bourg-Broc, le Gouvernement n'a pas attendu de calculer ce que pourrait rapporter au budget de l'Etat les mesures que vous venez de citer pour consentir un effort très significatif en faveur des victimes de la tempête.

Dès les premiers jours de janvier, 1,3 milliard de francs a été immédiatement débloqué en faveur de la caisse centrale de réassurance.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Répondez à la question !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Dès le 12 janvier, 4 milliards de francs de mesures budgétaires ainsi qu'une enveloppe de 12 milliards de prêts bonifiés ont été débloqués, précisément en faveur de la forêt.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Répondez à la question !

M. Jean-Paul Charié.

Elle ne lit pas le bon papier !

M. le président.

Du calme, mes chers collègues !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le 3 février, le Premier ministre a annoncé devant votre assemblée des mesures complémentaires pour plus de 500 millions de francs.

M. Jean-Michel Ferrand.

Vous feriez mieux de répondre par fax !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Enfin, lors du CIADT de Nantes, ont été annoncés 4 milliards de francs d'avenant aux contrats de plan couvrant la période


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

2000-2003, ainsi qu'un milliard de francs de mesures complémentaires, soit au total 12 milliards de francs sur les trois années à venir, ce qui représente un effort considérable.

M. Gilbert Meyer.

Mais où sont-ils, ces milliards ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement n'a pas non plus attendu d'avoir la certitude que tout c ela engendrerait des recettes supplémentaires pour s'engager sur un principe simple, à savoir que les crédits du budget de l'année 2000 tels que l'Assemblée les a votés ne seraient pas amputés et que des crédits complémentaires seraient ouverts dans le cadre du collectif de printemps à hauteur de 5 milliards de francs environ.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Monsieur le président, j'espère que le ministre de l'intérieur, qui est présent, répondra à la question que je vais lui poser.

Faisant allusion à ce qui s'est passé tout à l'heure, j'avoue que nous avons été extraordinairement surpris par cette grande première qui consiste à ne pas obtenir de réponse du Gouvernement dans cette assemblée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

De toute façon, on n'a jamais de réponse !

M. Henry Chabert.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous ne manquez pas une occasion de faire, comme l'ensemble du Gouvernement, de l'autosatisfaction s'agissant de la stabilisation, voire de la légère baisse de la délinquance des mineurs. Malheureusement, les faits sont loin de correspondre à votre tableau quasi idyllique. En effet, nous savons que nos concitoyens subissent en permanence des agressions de toutes sortes qui rendent la vie particulièrement difficile, et parfois impossible dans certains quartiers.

Nombreux sont ceux qui perdent confiance puisqu'une agression sur cinq seulement ferait l'objet d'un dépôt de plainte,...

M. Christian Bergelin.

C'est exact !

M. Henry Chabert.

... ce qui fait planer sur vos chiffres une sérieuse suspicion.

Mais il y a plus grave encore : le comportement de certains mineurs, notamment récidivistes, apparaît comme de plus en plus violent et de plus en plus imprévisible. Le terrible meurtre d'un jeune coiffeur de Nanterre, le weekend dernier, l'a encore dramatiquement prouvé.

Et les chiffres sont là pour montrer qu'il s'agit d'une tendance très marquée. Ainsi, le nombre de jeunes mis en cause pour coups et blessures volontaires a augmenté de plus de 20 % en 1998, et si les cas de meurtres restent heureusement extrêmement rares, les vols avec violence, les agressions, parfois avec arme, sont de plus en plus fréquents, affichant même une croissance de plus de 50 % en 1998.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles mesures nouvelles et concrètes comptez-vous prendre pour lutter contre le problème spécifique de la violence croissante des mineurs ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous faire remarquer que la question adressée à ma collègue ministre de la justice, retenue au Sénat, concernait un problème de discipline à l'égard de magistrats, qui relève par conséquent de la compétence du Conseil supérieur de la magistrature, vous le savez bien, et pas de celle du G ouvernement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

C'était dans les journaux !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous m'interrogez sur la d élinquance des mineurs. J'observe que celle-ci a explosé,...

M. Jean-Louis Debré.

A cause de l'incompétence du Gouvernement !

M. le ministre de l'intérieur.

... depuis 1993, de 10 % chaque année, jusqu'en 1999, où nous avons observé une très légère régression.

(Exclamation sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est n'importe quoi !

M. le ministre de l'intérieur.

Ce n'est pas n'importe quoi, ce sont les statistiques de l'état 4001, auquel je vous renvoie.

M. Jean-Michel Ferrand.

Sortez dans la rue sans gardes du corps, et vous verrez !

M. le ministre de l'intérieur.

Par conséquent, on peut espérer que la croissance de la délinquance des mineurs j'ai pointé son doublement comme un problème particulièrement préoccupant - a été stoppée, mais à un niveau trop élevé. La délinquance des mineurs représente en effet plus du cinquième du total des délits et des crimes.

V ous évoquez une affaire qui s'est produite ce dimanche : le meurtre d'un jeune coiffeur, à Nanterre, par deux mineurs de seize ou dix-sept ans, qui ont été arrêtés et mis sous les verrous, je tiens à vous le rappeler.

Le problème se pose pour les mineurs de moins de seize ans et c'est sur ce point que le conseil de sécurité intérieure, le 27 janvier 1999, a pris des mesures très énergiques : il a prévu la création de cent centres d'éducation renforcée et de cinquante centres de placement immédiat, dont les premiers sont d'ores et déjà opérationnels.

Je pense d'ailleurs qu'il y a un rapport entre les mesures prises par le Gouvernement et la stabilisation moins 0,83 % - enregistrée en 1999.

M. Jean-Michel Ferrand.

Vous êtes le seul à y croire !

M. Jean-Paul Charié.

Si vous êtes content de vous, monsieur le ministre, c'est parfait...

M. le ministre de l'intérieur.

Car je le rappelle, de 1993 à 1997, c'est l'opposition actuelle qui était au gouvernement, et la croissance de la délinquance des mineurs


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

était alors frappante, puisqu'elle dépassait 10 % par an.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

C'est faux !

M. le ministre de l'intérieur.

Par conséquent, je vous prie de traiter ces questions avec un minimum de sérieux.

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est vous qui n'êtes pas sérieux !

M. le ministre de l'intérieur.

Il n'est pas raisonnable de prétendre que le nombre de délits et de crimes est cinq fois supérieur aux plaintes déposées. Ce chiffre résulte d'une enquête qui n'a pas beaucoup de sens : elle indique par exemple que, sur un échantillon de cinq mille personnes, le nombre de celles qui s'estiment injuriées est 115 fois supérieur au nombre de plaintes déposées pour injures !

M. Jean-Michel Ferrand.

Tout va bien !

M. le président.

Monsieur Ferrand, je vous en prie ! Veuillez retrouver votre calme, à l'exemple de M. Chabert, qui écoute la réponse avec attention !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous voyez donc que la question doit être traitée avec beaucoup plus de sérieux.

J'ai moi-même posé le problème du manque d'éducation de certains jeunes, que j'ai qualifiés de « sauvageons », mais vous n'étiez pas d'accord. Je considère toutefois qu'il s'agit d'abord d'un problème d'éducation, et seulement en dernier ressort, s'il le faut, évidemment, d'un problème de répression. Le Gouvernement a donc pris les mesures adaptées,...

M. André Angot et M. Jean-Yves Besselat.

Non !

M. le ministre de l'intérieur.

... sans pour autant perdre de vue que ces jeunes doivent être un jour réinsérés.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

CESSION DE L'ENTREPRISE COOPER

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, votre politique pour l'emploi est confrontée aux stratégies libérales et sauvages de groupes multinationaux, qui vident nos entreprises de leur substance industrielle. L'exemple du groupe pharmaceutique Cooper, implanté à Melun, est édifiant.

En 1994, cette entreprise familiale, alors en pleine prospérité, est rachetée par Rhône-Poulenc. La valeur de l'action passe de 280 à 2 500 francs. Et c'est là que commencent les malheurs du personnel. Même la presse locale se révolte : elle évoque une mise à mort programmée, l'abandon de gammes de production florissantes, et dénonce une volonté évidente de liquider l'emploi pour ne conserver que le réseau commercial.

Le nombre de salariés est en effet passé de 1 730 à moins de 800, et on s'attend maintenant à des centaines de licenciements supplémentaires pour favoriser la vente de l'entreprise à des acquéreurs dont on tait le nom aux salariés. C'est toute une agglomération de 100 000 habitants qui va être sinistrée.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'économie ne peut être à ce point à la remorque de la spéculation et de la finance.

L'Etat ne peut laisser ainsi tuer l'emploi sans réagir, sans intervenir. Quelles mesures entendez-vous prendre pour mettre fin à ces licenciements abusifs ? Ne faut-il pas obliger Rhône-Poulenc, dont on connaît l'excellente santé financière, à assumer ses responsabilités dans la lutte pour l'emploi et à renoncer à cette liquidation industrielle ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, je partage totalement votre préoccupation.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il faut que nous maîtrisions collectivement les conséquences des stratégies des groupes multinationaux.

En 1994, lorsque Rhône-Poulenc, devenue depuis Aventis, a racheté Cooper, c'était pour obtenir un accès direct au marché des officines, sans l'entremise des répartiteurs pharmaceutiques. Aujourd'hui, Aventis recentre ses activités sur la production de médicaments et semble estimer - c'était le sens de votre question - que son intérêt stratégique n'est plus de conserver dans son sein l'entreprise Cooper. Elle a annoncé récemment sa volonté de la céder à un tiers.

Je souhaite très clairement que la recherche de repreneurs de Cooper soit menée avec le maximum d'intensité et avec le plus grand soin.

Je souhaite aussi, et c'est une exigence fondamentale, que les salariés de l'entreprise soient informés et consultés et que cette recherche soit placée sous l'empire de la plus grande transparence, avec un maximum de discussions préalables et de dialogue social dans l'entreprise.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La reprise de l'entreprise, avez-vous dit, se discute aujourd'hui sur des bases financières. Il convient qu'elle soit assise sur des bases strictement industrielles, avec deso bjectifs de préservation ou de développement de l'emploi industriel. Le plus grand soin doit être apporté à la situation de l'emploi dans l'entreprise ainsi qu'à celle des salariés et à leurs conditions de travail.

Comme pour les autres restructurations en cours dans le groupe Aventis, la direction doit préalablement informer les instances représentatives prévues par la loi, donner aux salariés des perspectives claires sur leur avenir, discuter avec eux et mettre en oeuvre toute stratégie - le groupe en a en effet les moyens - pour préserver l'emploi.

C'est une exigence forte. Le Gouvernement ne cédera pas sur cet objectif fondamental.

(Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Bien entendu, nous sommes prêts à en discuter avec vous, pour préserver au maximum l'avenir de l'emploi dans votre région.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

QUALIFICATION PROFESSIONNELLE

DES ARTISANS DU BÂTIMENT

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises. Il se trouve que la loi du 5 juillet 1996 ainsi qu'un décret d'avril 1998 précisent la liste des professions pour lesquelles une qualification professionnelle est exigée.

Toute personne voulant créer une entreprise, s'installer ou exercer une activité dans le domaine du bâtiment doit être titulaire d'un CAP, d'un diplôme supérieur ou justifier d'une activité professionnelle d'au moins trois ans.

Fort bien.

Mais une circulaire de juin 1999 indique que les chambres de métiers ne peuvent pas être habilitées à vérifier la qualification professionnelle des personnes qui se pésentent pour se faire inscrire au répertoire.

Je me pose donc une question : cette circulaire n'estelle pas contradictoire avec la loi de 1996 ?

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Yves Cochet.

Celle-ci, d'une part, protégeait les consommateurs qui voulaient par exemple construire une maison ou rénover leur appartement - notamment depuis septembre dernier, avec la baisse de la TVA -, et, d'autre part, elle luttait contre la mortalité parfois excessive des entreprises artisanales du bâtiment, qui ne savent pas tout faire.

De surcroît, à la suite des tempêtes récentes, j'ai observé une recrudescence des velléités d'inscription au répertoire en tant que maçon, peintre en bâtiment ou couvreur. Or, pour ces métiers, les appellations ne sont pas protégées ; chacun, y compris nous-mêmes, pourrait apposer sa plaque ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Yves Cochet.

C'est un problème de qualification.

Madame la secrétaire d'Etat, que comptez-vous faire contre cette recrudescence, qui est sans doute quelque peu illégitime et va à l'encontre de la protection des consommateurs ? Ne croyez-vous pas qu'il conviendrait d'habiliter les chambres des métiers à vérifier la qualification professionnelle des artisans du bâtiment ? (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, je vous prie d'excuser Marylise Lebranchu, aujourd'hui retenue à Bruxelles ; je répondrai à sa place.

M. Thierry Mariani.

Elle va encore nous faire la lecture !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

La loi du 5 juillet 1996, à laquelle vous faites allusion, pose en effet une exigence de qualification pour l'exercice de certaines activités qui sont énumérées et ont été précisées par u n décret.

Cette exigence, qui limite une liberté constitutionnelle, doit être appliquée strictement aux seules activités prévues. De plus, ces dispositions ne concernent pas seulement l'artisanat, puisque la loi précise qu'elle s'applique quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l'entreprise. Néanmoins, bien entendu, les activitésr etenues intéressent particulièrement le secteur des métiers.

Cependant, ni la loi ni le décret ne font intervenir les chambres de métiers dans le dispositif.

C'est pourquoi les chambres de métiers ne sont pas habilitées à contrôler les diplômes au moment de l'immatriculation au répertoire des métiers. La circulaire a donc confirmé ce principe en rappelant que les chambres de métiers ont un rôle important d'information et de prévention à jouer à l'égard des personnes qui demandent leur immatriculation, en attirant également leur attention sur les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect de ces conditions.

M. Thierry Mariani.

Tournez la page !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mais la circulaire rappelle que le contrôle de la qualification relève exclusivement des officiers de police judiciaire et des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Le Gouvernement est extrêmement attentif au respect de ces dispositions.

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

POLICE NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le ministre de l'intérieur, hier, en réponse à une question d'actualité, vous avez déclaré que « la police de proximité est la réponse principale donnée à l'insécurité au quotidien, grâce à une nouvelle doctrine d'emploi de la police nationale ». Nous sommes restés sur notre faim.

Après l'échec des décisions qui ont suivi le colloque de Villepinte et la recrudescence des actes de délinquance des mineurs, qui vient d'être évoquée par notre collègue Chabert, le groupe UDF vous a interpellé à plusieurs reprises pour vous demander de mettre en place ce que nous appelons, sur plusieurs rangs de cette assemblée, « la tolérance zéro à la française ». Cela suppose, tout le monde le sait, une réforme en profondeur de la police et de la justice de notre pays.

Le groupe UDF se réjouit donc de voir que vous prenez des dispositions tendant à la décentralisation et à l'expérimentation. Mais la décentralisation suppose d'abord la déconcentration des moyens.

A u moment où 26 000 fonctionnaires de police partent massivement en retraite et où on les remplace par 14 000 adjoints de sécurité non formés et livrés à euxmêmes, quelle est donc, monsieur le ministre, cette

« nouvelle doctrine d'emploi » de la police nationale, qui prévoit, vous l'avez dit hier, de ne redéployer que 1 200 policiers, c'est-à-dire 1 % des effectifs du ministère de l'intérieur ? Le rapport Bauer, la Cour des comptes et, plus récemment, un rapport émanant de votre administration - de l'inspection générale de la police nationale - ont montré qu'il était urgent de réformer notre police, avec elle et non pas contre elle, pour qu'elle soit plus présente sur le terrain, aux heures les plus sensibles, et surtout avec les moyens de conduire une repression efficace contre la délinquance des mineurs, que nous évoquions à l'instant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Votre ancien collègue, Claude Allègre, restera, à tort ou à raison, comme le ministre de la déconcentration ratée de l'éducation nationale. Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles mesures concrètes comptezvous prendre pour ne pas être le ministre de la décentralisation ratée de la police nationale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, aucune réforme n'a été préparée av ec plus de méthode que celle de la police de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , depuis que nous avons fixé cette priorité, au colloque de Villepinte. Ainsi, 67 expérimentations ont été mises en oeuvre en province, et une par la préfecture de police de Paris.

M. Thierry Mariani.

Combien de succès ?...

M. le ministre de l'intérieur.

Elles ont fait l'objet de trois séries d'évaluation en temps réel, effectuées à ma demande par l'inspection générale de la police nationale.

Celles-ci ont donné lieu à l'établissement d'un bilan d'ensemble, présenté aux assises nationales du 30 mars dernier, et elles nous conduisent maintenant à lancer une généralisation du dispositif en trois phases.

Je rappellerai à la représentation nationale en quoi consiste la police de proximité. Nous avons une très bonne police criminelle, une très bonne police d'ordre public, mais eu égard à l'insécurité au quotidien, chacun mesure que les réponses apportées jusqu'ici n'étaient pas satisfaisantes - pour autant qu'elles relèvent de la police, car celle-ci n'est pas la seule administration concernée.

Le but est de faire en sorte que la police nationale n'intervienne pas seulement en réaction, mais qu'elle soit présente sur le terrain dans des secteurs délimités à l'avance, dans des quartiers placés sous la responsabilité d'équipes polyvalentes, capables d'intervenir aussi bien en prévention qu'en répression, capables d'agir au niveau de la surveillance, du renseignement, de conduire des procédures judiciaires en utilisant toutes les techniques de la police technique et scientifique.

C'est cela la police de proximité : polyvalente, partenariale, agissant dans le cadre des contrats locaux des écurité, avec tous les acteurs qui « coproduisent », comme on dit, la sécurité.

Partant de cela, il faut en effet motiver l'ensemble des policiers et dégager quelques moyens. A cet égard, les chiffres que vous donnez ne sont pas exacts : 1 200 policiers sont redéployés chaque année - c'est parfaitement juste - mais le Premier ministre m'a accordé 1 664 surnombres l'an dernier, et 1 000 de plus cette année. Ainsi, 6 161 élèves gardiens de la paix suivent actuellement une préparation en école de police. Ils en sortiront à la rentrée ; les remises à niveau pourront alors être assurées dans des commissariats où, en effet, le nombre de départs à la retraite s'est accéléré, compte tenu de la pyramide des âges et des recrutements opérés après les événements de mai 1968, il y a un peu plus d'une trentaine d'années.

Des mesures ont donc été prises ; d'autres le seront, mais elles méritent d'être arbitrées. Des mesures de fidélisation sont intervenues pour les compagnies républicaines de sécurité et les escadrons de gendarmerie mobile.

Vous voyez donc bien que la priorité n'est plus donnée à une police d'ordre, parce que les problèmes ne se posent plus aujourd'hui comme il y a vingt ou trente ans, mais à une police de proximité, capable de répondre à la détresse qui s'exprime d'une manière concrète dans certains quartiers. C'est ainsi que leurs habitants, qui sont nos concitoyens, ne se sentiront pas abandonnés par rapport à ceux des beaux quartiers. Il y a là une exigence de politique sociale, rappelée par M. le Premier ministre au colloque de Villepinte : la sûreté, la sécurité, c'est un droit pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.) RÉFORME DES LYCÉES

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la semaine dernière, le groupe UDF vous interrogeait sur vos projets. La légèreté de votre réponse, dénoncée par tous les médias, a profondément déçu.

Vous nous avez parlé de formation professionnelle mais le dossier phare de votre prédécesseur, c'était la réforme des lycées. Enclenchée en seconde, elle devait se poursuivre à la rentrée prochaine en première, et s'achever en 2001 avec la réforme du baccalauréat.

Vous sentez-vous lié par cette réforme ? Souhaitez-vous la poursuivre dans le même état d'esprit ? Elèves, parents et enseignants ont besoin de savoir, et de toute urgence.

Nous sommes déjà en pleines vacances de Pâques ; c'est maintenant que les jeunes doivent choisir leur filière et il n'est pas pensable qu'ils le fassent sans savoir ce qu'il en sera demain du baccalauréat. Je vous saurais gré, monsieur le ministre, d'une réponse claire, précise, loin de toute langue de bois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, pour une réponse brève, ce qui, je l'espère, ne lui sera pas reproché.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

Madame la députée, la légèreté serait de vous répondre selon l'exigence que vous formuliez à l'instant. La mission qui m'a été confiée par le Premier ministre...

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est de ne rien faire !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Certainement pas ! Je ne prendrai pas exemple, monsieur le député, sur M. Bayrou, qui, pendant quatre ans, a conduit une politique d'immobilisme ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

- Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Le ministre de l'éducation nationale doit être à la fois homme de dialogue et homme d'action. Les prochains jours seront donc consacrés à la rencontre des uns et des autres, et je prendrai alors des décisions dont l'Assemblée nationale sera évidemment informée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « C'est nul ! » sur ces mêmes bancs.)

M. le président.

A ceux de mes collègues qui quittent l'hémicycle, je rappelle que la séance de questions au Gouvernement est aujourd'hui d'une durée de soixantecinq minutes et qu'elle est intégralement retransmise à la télévision.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Nous revenons au groupe socialiste pour une dernière question.

SORT D'ALPHA CONDÉ EN GUINÉE

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, en Guinée-Conakry, M. Alpha Condé, député et dirigeant du Rassemblement du peuple de Guinée, parti de l'opposition démocratique, est détenu depuis le 16 décembre 1998. Il a d'ailleurs été arrêté deux jours après l'élection présidentielle dont il était l'un des principaux candidats. Depuis cette date, visité par ses seuls médecins - nous savons que son état de santé est mauvais - et ses avocats, il n'a pu avoir aucun contact direct avec sa famille. Ces derniers mois, une forte mobilisation nationale et internationale s'est développée pour obtenir la libération d'Alpha Condé. Les autorités françaises ont à plusieurs reprises saisi le chef de l'Etat guinéen, M. Lansana Conté, pour aboutir à un règlement équitable.

Selon ce que le président de Guinée avait annoncé au président Chirac lors de sa visite officielle, le procès d'Alpha Condé aurait dû avoir lieu le 7 septembre dernier, mais il n'a pas pu se tenir, le dossier étant totalement vide. La date du 12 avril prochain, soit dans une semaine, est avancée aujourd'hui pour ce procès d'Alpha Condé devant la Cour de sûreté de l'Etat. De sources bien informées, il apparaît que des témoins ont été arrêt és en octobre dernier et que des chefs d'accusation extrêmement graves ont été ajoutés. De tels éléments laissent craindre un pur montage judiciaire visant à écarter de la vie politique de Guinée l'un de ses principaux acteurs.

Monsieur le ministre, au regard de ces nouveaux éléments, quelle est la position du gouvernement français sur cette affaire dont il s'est officiellement montré très préoccupé ? Aura-t-elle des répercussions sur les relations entre la France et la Guinée ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, de nombreux parlementaires et de nombreux responsables africains, partenaires de la Guinée, partagent votre préoccupation. Je rappelle que le député Alpha Condé fut secrétaire général de la fédération des étudiants d'Afrique noire en France, ce qui lui vaut un réseau important d'amitiés dans notre pays.

Le procureur général de la République de Guinée vient en effet d'annoncer que le 12 avril serait la date d'ouverture du procès. Il existe quatre chefs d'accusation : atteinte à la sûreté de l'Etat, violences à l'égard d'un agent de la force publique, transfert illégal de devises, violation des décisions des autorités administratives. Il est vrai que les conditions dans lesquelles le député Alpha Condé fut arrêté à l'extrême sud-est de la Guinée, loin de sa circonscription, à quelques kilomètres de la frontière du Mali, au lendemain ou au surlendemain d'une élection présidentielle à laquelle il était candidat, ne sont pase ntièrement élucidées. Ces chefs d'accusation ne manquent pas de surprendre ses amis et les informations qui nous arrivent sur la conduite de l'instruction renforcent notre préoccupation.

Depuis de longs mois, la France exprime ses inquiétudes. Le Président de la République a rappelé lors de son voyage, en juillet, que la France était attachée au respect des droits de l'homme et des procédures judiciaires.

Notre ambassadeur a fait de même à de nombreuses reprises. Pour ma part, à l'occasion d'un voyage au mois de novembre, je m'en suis entretenu avec le président Lansana Conté qui m'avait alors affirmé que le procès serait public et équitable. Il s'agit maintenant de nous en assurer. Notre ambassadeur, comme nos services, sont en alerte. L'Assemblée parlementaire de la francophonie vient de désigner comme parlementaires en mission M. Wiltzer et M. Penne qui vont se rendre sur place et nous tenir informés du déroulement du procès. Nous veillerons à vous faire part de ces informations, monsieur le député, ainsi qu'à tous ceux qui s'intéressent à ce dossier. La France, je le répète, est extrêmement attentive aux conditions dans lesquelles ce procès sera conduit.

Ensuite, s'il le faut, nous en tirerons des conséquences s'agissant de notre coopération avec la Guinée. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Christine Lazerges.)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

3 DÉMISSION ET REMPLACEMENT D'UN SECRÉTAIRE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Mme la présidente.

J'informe l'Assemblée qu'il y a lieu de procéder à la nomination d'un secrétaire de l'Assemblée nationale, en remplacement de M. Bernard Charles, démissionnaire.

Cette nomination aura lieu, conformément à l'article 10 du règlement, au début de la première séance du jeudi 6 avril 2000.

4

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement la lettre suivante :

« Paris, le 5 avril 2000.

Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en a pplication de l'article 48 de la Constitution,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

le Gouvernement fixe comme suit l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale :

« Jeudi 6 avril, le matin :

« éventuellement, suite de la proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels ;

« seconde lecture du projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives ;

« lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption ;

« l'après-midi et, éventuellement, le soir :

« projet de loi portant organisation de la consultation de la population de Mayotte ;

« seconde lecture de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de ma haute considération. »

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

5

PROTOCOLE DE KYOTO Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (nos 2183, 2296).

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la présidente, madame la rapportrice, mesdames, messieurs les députés, mois après mois, l'alerte donnée par la communauté scientifique mondiale et les écologistes sur le risque d'un changement climatique se confirme. La température du globe a augmenté sans doute de plus 0,6 degré Celsius au cours du XXe siècle. Les précipitations s'accroissent, particulièrement aux latitudes moyennes et élevées. La superficie et l'épaisseur des glaces des pôles diminuent. Les glaciers alpins et continentaux régressent.

Les scientifiques estiment également que le changement de climat se traduira par une augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques. S'il n'est pas possible d'attribuer avec certitude la double tempête qui a frappé la France en décembre dernier au changement de climat, celle-ci montre la vulnérabilité de notre pays à des évolutions climatiques extrêmes. Autant que d'un réchauffement global de quelques degrés, nous devons nous préoccuper des conséquences que l'effet de serre pourrait avoir sur le bouleversement des climats. Le principe de précaution doit nous conduire à agir pour en réduire le risque et pour anticiper ses conséquences.

Consciente de ces enjeux, la France a joué un rôle de premier plan dans la négociation internationale sur les climats depuis la conférence de La Haye qu'elle a coorganisée en 1989. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été négociée sous l'égide d'un Français, Jean Ripert. J'ai pour ma part fait de la lutte contre l'effet de serre une des priorités de mon action au ministère de l'environnement. Je suis fière d'avoir présidé la délégation française à Kyoto, en décembre 1997, lors de la conférence qui a permis d'aboutir à un accord sur un protocole complétant la convention-cadre et fixant pour la première fois des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. C'est donc avec plaisir que j'ai accepté de remplacer Hubert Védrine, empêché aujourd'hui, pour soumettre à votre assemblée, au nom du Gouvernement, le projet de loi portant ratification de ce protocole.

Son adoption, malgré les fortes réticences de certains de nos partenaires de l'OCDE qui ne souhaitaient pas s'engager sur des réductions réelles de leurs émissions, a été rendue possible par la solidarité dont les pays de l'Union européenne ont fait preuve pendant plus de deux ans de négociations.

La Communauté européenne et ses Etats membres ont en effet choisi de souscrire un engagement commun de réduction de leurs émissions de 8 % entre 1990 et 2010.

Ils se sont réparti les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre en juin 1998. Du fait de l'intégration croissante des politiques économiques et environnementales des pays de l'Union européenne, le respect de cet engagement commun demandera, outre la mise en oeuvre de mesures nationales de réduction des émissions, une harmonisation au niveau communautaire des actions engagées.

L'objectif global de réduction des émissions des pays industrialisés de 5,2 % entre 1990 et 2010 peut paraître modeste face aux enjeux du changement de climat. Assurer sans délai la mise en oeuvre des engagements que les pays industrialisés ont pris à Kyoto en décembre 1997 constitue cependant la première étape d'un effort qui devra se poursuivre tout au long du XXIe siècle. Les pays développés doivent effectivement s'orienter vers la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et cesser d'offrir aux pays du Sud le modèle d'un développement reposant sur une consommation d'énergie toujours plus importante.

Au niveau national, le protocole de Kyoto nous a fixé comme objectif de ramener nos émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990 en 2010. Sans efforts de réduction, nos émissions, qui s'élevaient à 144 millions de tonnes d'équivalent carbone en 1990 et qui ont été stables sur la période 1990-2000, croîtraient de 31 millions de tonnes entre aujourd'hui et 2010. L'effort que nous aurons à accomplir est donc loin d'être négligeable puisqu'il devra conduire à réduire nos émissions de près de 20 %. Avant que vous soit soumise l'approbation du protocole de Kyoto, j'ai souhaité qu'un nouveau programme national de lutte contre le changement climatique soit décidé par le Gouvernement. Il importait en effet de s'assurer de la crédibilité de notre objectif et d'engager dès maintenant les efforts qui nous permettront de le respecter. Les mesures identifiées par le programme national adopté en janvier dernier ont donc pour objet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 31 millions de tonnes d'équivalent carbone par an à l'horizon 2010.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Prise individuellement, chacune de ces mesures, réglementaires, fiscales, incitatives, de formation ou d'information, peut paraître de peu de portée. Elles constituent pourtant un ensemble cohérent devant nous permettre d'atteindre l'objectif de Kyoto.

Ce plan est à la fois un relevé de décisions de mesures immédiatement applicables et un programme de travail pour le Gouvernement. J'attacherai une importance particulière à la mise en oeuvre effective des mesures prévues, et à la préparation des mesures complémentaires qui demandent des négociations avec la Commission européenne, avec tel ou tel secteur économique et avec les ministères concernés.

Sur plusieurs sujets, le Gouvernement a décidé d'anticiper des décisions communautaires. C'est le cas notamment de l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises que le Gouvernement souhaite mettre en place dès l'année prochaine, sans attendre l'aboutissement des négociations communautaires.

La France présidera le Conseil de l'Union européenne à partir de juillet. La lutte contre l'effet de serre sera une des grandes priorités de cette présidence en matière d'environnement. Il s'agira d'abord de se donner les moyens, au niveau communautaire, d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 1990 et 2010, comme nous l'impose le protocole de Kyoto.

J'ai écrit en février à la commissaire en charge de l'environnement pour lui demander d'élaborer une vérit able stratégie communautaire visant à permettre à l'Union de respecter ses engagements. Cette stratégie devrait être rapidement soumise au Conseil. Je souhaite en effet saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union pour avancer sur ces questions.

De manière plus générale, il me semble indispensable que les pays industrialisés mettent en oeuvre rapidement les mesures qui leur permettront de respecter leurs engagements. J'évoquerai ce sujet lors de la réunion du G8 environnement qui aura lieu ce week-end au Japon et qui traitera essentiellement de la lutte contre l'effet de serre.

La semaine prochaine, je présiderai avec mon collègue danois un atelier international sur les politiques et mesures de lutte contre l'effet de serre. Ce sera une étape importante pour définir les meilleures politiques, les

« meilleures pratiques » et les conditions de leur succès.

Nos opinions publiques attendent des actes dans la lutte contre l'effet de serre, et souhaitent que l'élan de Kyoto s'affirme aussi - et d'abord - à travers les politiques et mesures que nous mettons en place chez nous.

A défaut, la difficile avancée des négociations internationales, les délais que certains pays semblent vouloir mettre pour ratifier le protocole, laissent craindre que le soufflé de Kyoto ne retombe.

C'est ce qui pourrait se passer si chaque pays s'accoutumait à l'idée qu'il ne respectera pas la totalité de ses engagements, faute d'actions nationales suffisantes, et comptait sur les difficultés rencontrées par les autres pays pour justifier ses propres manquements. A terme, les effets d'une telle attitude seraient dramatiques : perte de confiance des opinions publiques, affaiblissement de la crédibilité des organisations internationales.

C'est pourquoi il me semble essentiel que notre pays donne l'exemple, à la veille d'assurer la présidence de l'Union, en mettant progressivement en place les mesures nécessaires pour respecter ses engagements et en oeuvrant pour l'entrée en vigueur rapide du protocole de Kyoto.

Tel est l'enjeu du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.

Avec le soutien de votre assemblée, la France pourra ainsi aborder la conférence de La Haye en ayant pris les dispositions nécessaires pour ratifier le protocole de Kyoto et respecter les engagements correspondants. Cette conférence, qui aura lieu en novembre 2000, sous présidence française de l'Union, sera une étape décisive pour rendre le protocole de Kyoto pleinement applicable. Mon objectif est que ces résultats permettent à un nombre suffisant de pays de le ratifier pour assurer son entrée en vigueur avant 2002, c'est-à-dire avant le dixième anniversaire de la conférence de Rio.

Je défendrai trois grandes priorités à La Haye.

D'abord, mettre en place un dispositif crédible de respect des obligations. Il faut en effet pouvoir vérifier le caractère effectif et durable des réductions d'émissions et instituer un système complet d'incitations et de sanctions qui assurera le respect des engagements de Kyoto. L'enjeu n'est pas mince. Il s'agit de mettre en place, dans le cadre du système des Nations unies, des institutions ne reposant pas que sur le bon vouloir des uns et des autres.

Ensuite, faire en sorte que les objectifs de réduction des émissions seront principalement atteints par des mesures mises en oeuvre sur le territoire de chaque pays partie au protocole. Telle est notre ambition. Le programme national est en effet calibré pour nous permettre de respecter nos engagements sans recourir à l'achat de droits d'émissions auprès d'autres parties. Cela suppose que les mécanismes prévus au protocole de Kyoto soient strictement encadrés et régulés. A défaut, ils pourraient avoir les pires conséquences en constituant des échappatoires faciles pour les pays peu soucieux d'engager chez eux les efforts nécessaires de réduction de leurs émissions.

Enfin, développer une véritable politique de coopération avec les pays en développement. L'histoire des politiques de coopération nous a appris que des investissements ponctuels ne suffisent pas à entraîner le décollage de ces pays. Nous devons renforcer le partenariat avec eux, notamment en facilitant les transferts de technologie qui leur permettront d'adopter des politiques de maîtrise de l'énergie, et donc de participer à l'effort global de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Telles sont, madame la présidente, madame la rapportrice, mesdames et messieurs les députés, les principales observations que je souhaitais faire sur le protocole de Kyoto qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation, conformément à l'article 53 de la Constitution.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des affaires étrangères.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteuse de la commission des affaires étrangères.

Rapportrice, rapporteuse, je ne sais quel mot il faut utiliser.

(Sourires.)

En tout état de cause, cela ne me pose pas de problème.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Rapporteresse, madame la députée ! (Sourires.)

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteuse.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je voudrais tout d'abord regretter que l'assistance ne soit pas aussi nombreuse - un mercredi après-midi, pourtant, et à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

une heure tout à fait décente - que ces derniers jours pour des débats qui ont, certes, défrayé la chronique, mais dont l'impact sera sûrement moindre.

Vous avez souligné, madame la ministre, que l'action de votre ministère a été payante, puisque la France a pris position de manière avancée sur la question du réchauffement climatique. Une action internationale contre l'effet de serre est effectivement nécessaire aujourd'hui au nom du principe de précaution. Il faut le dire d'entrée de jeu, il ne s'agit pas là d'une donnée abstraite ou théorique, l'évolution du climat ayant déjà provoqué de nombreuses tempêtes ou incidents climatiques qualifiés à chaque fois d'exceptionnels, mais qui se reproduisent de plus en plus régulièrement, devenant ainsi habituels. Or les dégâts et les coûts induits par ce type de catastrophes écologiques montrent à quel point il convient d'agir, et le plus vite possible.

Il est aujourd'hui certain que les activités humaines accentuent le phénomène, au départ naturel, de l'effet de serre. Sans la présence de ces gaz, la température moyenne de la terre serait de l'ordre de moins 18o , alors qu'elle est, en moyenne, de 15o , ce qui permet d'ailleurs le développement de la vie et la biodiversité. Rappelons que l'effet de serre est naturellement provoqué par la vapeur d'eau, les nuages, le dioxyde de carbone, le protoxyde d'azote et les chlorofluocarbones.

On le sait maintenant, l'effet de serre est accentué par les activités humaines, même s'il est encore assez difficile de déterminer dans quelle mesure. Nous devons tout faire pour réduire cet impact, pour ne pas accélérer la dégradation de la situation actuelle.

En effet, le réchauffement climatique a, sur les équilibres écologiques, des conséquences désastreuses que Mme la ministre a rappelées : hausse du niveau des océans, hausse du niveau moyen des températures, fragilisation des écosystèmes, augmentation prévisible des maladies infectieuses, accroissement de l'amplitude des cycles hydrologiques, accroissement des accidents climatiques.

On est donc, aujourd'hui, fondé à présumer qu'il existe des liens entre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, celle des activités humaines et le réchauffement climatique. Les statistiques disponibles le prouvent et le principe de précaution doit de toute façon s'imposer pour nous convaincre de la nécessité de limiter sans tarder les émissions de gaz à effet de serre.

Pour ce faire, le protocole de Kyoto, signé en 1997, est un outil novateur, mais limité. Il marque un progrès, puisqu'il a permis de passer de simples déclarations d'intention à de véritables objectifs chiffrés. Il traduit, de plus, une réelle volonté de donner enfin un coup d'arrêt à l'effet de serre, même si l'objectif qu'on s'est fixé paraît fort peu ambitieux : en effet, les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de 5,2 % de 2008 à 2012, mais nombre d'experts estiment qu'il faudrait les réduire de 50 % pour obtenir un impact rapide et significatif.

L es engagements individualisés sont plus contraignants : ainsi les Etats-Unis se sont-ils fixé un objectif de réduction de 7 %, l'Union européenne de 8 %. Enfin, les

« politiques et mesures » décidées par chaque Etat se voient reconnaître une priorité.

Le champ d'application du protocole est généralisé : cent cinquante-neuf pays présents à la conférence l'ont accepté, et quatre-vingt-quatre l'ont signé, dont la Chine - mais pas l'Inde. Tous les gaz à effet de serre sont concernés par le protocole.

Quelques points posent encore problème, et plusieurs questions restent en suspens. Ainsi, les modalités d'application des mécanismes de flexibilité remettent largement en cause les avantages théoriques des fameux « permis à polluer négociables ». Ces mécanismes devraient permettre un contrôle plus aisé de la réalisation des objectifs et révéler les coûts réels de la dépollution. Toutefois, on se demande comment seront évalués les fameux quotas disponibles. Dans un contexte fluctuant, il faut rappeler les évolutions dues à la croissance : dès lors qu'elle repart, la consommation d'énergie augmente ; à l'inverse, dans les périodes de dépression, cette consommation baisse.

Certains pays, après une grave crise économique, ont des taux d'émission réduits, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne deviendront pas bientôt des émetteurs importants.

De même, il est difficile d'évaluer les émissions dites

« évitées » pour la mise en oeuvre conjointe et le mécanisme de développement propre. Enfin, il convient de signaler les inconvénients spécifiques de ce dernier mécanisme, qui concerne des pays qui, eux, n'ont pas d'objectif de réduction.

Par ailleurs - c'est un point extrêmement important -, les mécanismes de flexibilité doivent rester une option subsidiaire et non pas la part essentielle à laquelle seront consacrés les moyens des pays industrialisés. Or, cette part des mécanismes de flexibilité reste encore à préciser : c'est l'un des enjeux très importants de la conférence de La Haye.

En ce domaine, la commission européenne fluctue et les documents récents qu'elle a produits peuvent susciter quelques inquiétudes. Un Livre vert développe très largement le recours au mécanisme de flexibilité. Une autre communication, beaucoup moins importante, évoque les mesures domestiques et se borne à un catalogue de politiques en vigueur dans les différents Etats. La France devra maintenir une position extrêmement ferme. Nous nous réjouissons, madame la ministre, de constater votre détermination.

Le protocole de Kyoto laisse plusieurs questions importantes en suspens. Ainsi, il n'a pas résolu celle de la place des pays du sud dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il ne met pas non plus en place un dispositif définitif de lutte contre ce réchauffement. Que se passerat-il après 2012 ? On peut être inquiet, quand on connaît la longueur des procédures de ratification.

Le protocole ne prend pas non plus en compte l'ensemble des sources d'émission de gaz à effet de serre.

Ainsi, le transport aérien, dont la part est croissante dans les émissions de gaz à effet de serre, échappe pour l'instant à toute régulation.

Les procédures seront très longues avant l'entrée en vigueur du protocole. Je note avec satisfaction, madame la ministre, que vous souhaitez raccourcir les délais autant que possible.

La ratification du protocole de Kyoto ne doit être qu'une étape dans la lutte contre l'effet de serre. Il nous faut la franchir rapidement, mais elle constitue un véritable progrès. La France doit montrer l'exemple. Le fait qu'elle soit la première parmi les pays industrialisés à proposer les instruments de ratification est une bonne chose.

Cela doit nous permettre de conforter notre position en vue de la conférence qui se tiendra à La Haye en novembre prochain.

Cela dit, la France a aujourd'hui des obligations modestes, puisqu'elle doit stabiliser ses émissions. L'essentiel de son effort devra porter sur la promotion des énergies renouvelables et sur la question des transports, qui


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restent, pour elle, le point difficile. Nous devrons mettre en oeuvre concrètement, et le plus rapidement possible, les engagements pris à travers le plan national de lutte contre le réchauffement climatique, poursuivre une politique beaucoup plus volontariste en matière de transports, mais également en termes de maîtrise de l'énergie et d'économies d'énergie. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, même si l'ADEME a déjà bénéficié de quelques moyens supplémentaires.

Il reste également à accomplir un effort considérable de mobilisation et de sensibilisation sur le sujet, aussi bien auprès des élus que de l'opinion publique.

Enfin, il nous semble que le Parlement devrait être davantage associé à la réflexion sur ces questions. Elles connaîtraient sans doute ainsi un écho plus large dans les médias et dans l'opinion publique. Nos procédures font que c'est à la commission des affaires étrangères qu'il revient de traiter de tels enjeux : nous nous en réjouissons, mais il nous semble que d'autres commissions pourraient également donner leur avis sur ce sujet, notamment avant la conférence de La Haye.

Nous devons également promouvoir un strict encadrement des mécanismes de flexibilité et insister sur la mise en place de contrôles et de sanctions efficaces, sans lesquels aucune décision ne sera crédible. Les directives européennes concernant l'environnement doivent une partie de leur efficacité aux sanctions prévues et aux contrôles effectués sur leur application réelle.

Il convient, dès aujourd'hui, de bien se préparer aux enjeux qui seront débattus à la conférence de La Haye.

En attendant, j'invite l'Assemblée à approuver ce projet de loi qui permettra à la France d'être en très bonne position lors de sa présidence de l'Union européenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Brana, premier orateur inscrit.

M. Pierre Brana.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dès juillet, la France assurera pour un semestre la présidence de l'Union européenne et c'est en novembre que se tiendra, à La Haye, la sixième conférence des parties à la convention climat. Ce sommet, sorte de bras de fer entre l'Europe et les EtatsUnis, moins enclins au volontarisme, déterminera l'essentiel des conditions d'application du protocole de Kyoto.

Notre pays, favorable à son adoption rapide, doit attacher une importance toute particulière à la réussite de cette conférence aux enjeux si décisifs pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et maîtriser les changements climatiques.

Dans cette perspective, la France, qui a toujours joué un rôle actif dans ce domaine, accueillera en septembre une conférence préparatoire à ce rendez-vous. Elle doit y faire valoir sa détermination, renforcée par ses précédents engagements et son programme national d'action contre les risques climatiques présenté par Lionel Jospin en janvier dernier.

Aujourd'hui, tout en reconnaissant l'ambition, mais également les limites du protocole de Kyoto, nous devons faire en sorte d'être le premier pays de l'Union européenne à donner son approbation.

Si, d'année en année, la science lève les doutes sur les effets nuisibles des activités humaines liées en particulier à la production et à la consommation d'énergie, à l'industrie, aux transports et à l'agriculture intensive, il faut rappeler que, depuis longtemps déjà, la France agit contre ces risques. En réaction au choc pétrolier de 1973, la politique d'économie d'énergie a eu pour origine le coût et la crainte des restrictions d'approvisionnement, avec, en toile de fond, la perspective de l'épuisement des réserves énergétiques. Puis la lutte contre les pollutions a été évoquée, suivie de celle contre le réchauffement de la planète accentué par l'effet de serre.

En 1989, bien avant que l'on ne commence à redouter ce phénomène avec acuité, dans un rapport de mission sur la maîtrise de l'énergie que m'avait demandé Michel Rocard, Premier ministre, je préconisais le recours à des énergies alternatives ou renouvelables et j'incitais notre pays à les développer avec et pour les pays alors appelés du tiers monde.

Notre politique nationale en matière d'énergies renouvelables et celle que nous menons à l'égard des pays du Sud appellent encore des efforts.

Depuis onze ans, mon analyse et la situation n'ont pas beaucoup évolué : nous constatons toujours des gaspillages énergétiques, des pollutions atmosphériques et des rejets gazeux, en particulier avec les combustibles fossiles.

Une vérité s'impose : la calorie qui ne pollue pas et qui ne participe pas à l'effet de serre est celle que l'on n'utilise pas. C'est pourquoi, même s'il est trop timide, j'approuve notre plan visant à réduire les émissions de gaz et les déplacements automobiles en facilitant les transports en commun.

En France, les transports cumulent à la fois la plus forte des croissances et l'émission maximale de gaz à effet de serre - leur part de CO 2 , 38 % en 1990, atteint 47 % en 1997 et dépassera les 50 % en 2010 - et ce secteur constitue une des priorités d'action. Celle-ci passe par un rééquilibrage de la route et du rail, par le ferroutage, également moins dangereux, par le transport fluvial et le cabotage maritime, par la maîtrise du transport aérien. Je déplore à cet égard que le protocole de Kyoto ne prenne pas suffisamment en compte ce type de transport, qui dégage lui aussi des gaz à effet de serre, tandis qu'il se développe rapidement sur l'ensemble du globe.

Selon l'Union européenne, le trafic voyageurs augmente de 9 % par an et poursuivra son accroissement rapide avec la libération des échanges. La Commission peine à définir une action intégrée, dans ce secteur, et à mettre en oeuvre une politique qui permette à l'Union et aux Etats membres de respecter les engagements pris à Kyoto. La Commission reconnaît les problèmes du transport aérien, notamment la difficulté à concevoir des m esures efficaces s'appliquant aux aéroports et aux compagnies aériennes, c'est-à-dire d'éventuelles redevances environnementales et une taxation du kérosène. Une simple amélioration de la gestion du trafic aérien réduirait, à l'échelle mondiale, la consommation de carburant de 6 à 12 % dans les vingt prochaines années. Malheureusement, au stade actuel, l'Union européenne tergiverse et préfère s'intéresser à la négociation des droits d'émission de gaz.

Ce regrettable marché des permis d'émission est le fruit du compromis entre les Etats-Unis et l'Europe pour parvenir à ce protocole. Mais la France, qui tient à ce que ce mécanisme reste subsidiaire, devra veiller à ce qu'il soit strictement encadré.

D'ici à la réunion de La Haye, nous devrons exprimer clairement notre position en usant de nos prérogatives à la présidence de l'Union. En effet, si je suis favorable à ce protocole, je souhaite que les objectifs soient précisés et


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que nous renforcions les mesures incitatives, de surveill ance et coercitives pour éviter toute dérive. Bien entendu, cette démarche n'a des chances d'aboutir que si nous en discutons avec nos partenaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes invités, cet après-midi, à approuver le protocole à la conventioncadre des Nations unies sur les changements climatiques, adopté lors de la conférence tenue à Kyoto en décembre 1997, et signé par la France le 29 avril 1998 lors de la sixième session de la commission du développement durable des Nations unies.

Les dispositions de la convention-cadre et du protocole additionnel sont destinées à lutter contre l'augmentation de l'effet de serre, qui menace la planète d'un phénomène de réchauffement dont les conséquences peuvent être désastreuses sur les équilibres écologiques.

Pour faire face à ce problème, la communauté internationale a adopté le protocole de Kyoto, qui représente un progrès réel, d'autant plus que la question est complexe : les enjeux, les actions à engager touchent tous les secteurs de l'économie et induisent aussi des divergences d'intérêt entre les pays. Cela explique que la négociation du protocole ait été longue et serrée.

Mais il nous faut revenir un instant en arrière. La Convention de Rio sur les changements climatiques, adoptée à New York en mai 1992, et signée à compter du 4 juin 1992 dans le cadre de la convention des Nations unies sur le développement de Rio de Janeiro, est entrée en application le 21 mars 1994. Elle a été signée par cent soixante-dix-huit Etats, plus l'Union européenne. Son objectif principal est défini dans l'article 2 :

« Stabiliser (...) les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. »

La conférence de Rio n'était qu'une première étape. Il s'agissait d'une simple convention-cadre qui fixait, par voie d'amendement ou de protocole, des engagements nouveaux.

La conférence de Kyoto a abouti, le 10 décembre 1 997, à l'adoption d'un protocole qui prévoit de commencer à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

S'agissant des principaux pays industrialisés, le taux moyen de réduction consenti est de 5,2 % des émissions par rapport à leur niveau de 1990. Le protocole a fixé un engagement de réduction plus ambitieux de 8 % par rapport au niveau de 1990, pour chacun des pays de l'Union européenne d'ici à 2010. L'Europe a également contribué à rapprocher les positions antagonistes des Etats-Unis et des pays en voie de développement.

L'accord de Kyoto porte sur les six principaux gaz à effet de serre, à l'exception de ceux rejetés par les avions et les navires : gaz carbonique - CO 2 -, méthane - CH 4 -, protoxyde d'azote - N 2 0 - ainsi que trois nouveaux gaz, les HFC, PFC et le SF 6

La conférence de Buenos Aires, du 2 au 13 novembre 1998, a permis d'établir un programme de travail afin de préciser, par des règles et des lignes directrices, les dispositions générales prévues dans le protocole de Kyoto. Ces règles concernent notamment les dispositifs de sanctions à mettre en place pour assurer le respect des engagements.

Comme vous le savez, chers collègues, des décisions concrètes devraient être prises lors d'une nouvelle conférence des parties qui soit se tenir à La Haye, à la fin de l'an 2000.

La France est l'un des pays industralisés dont la contribution à l'effet de serre est la moins forte : elle émettait, en 1995, 1,7 tonne de carbone par an et par habitant.

C ette situation résulte notamment de la politique d'économies d'énergie menée depuis le premier choc pétrolier, et aussi en partie - pourquoi ne pas le dire ? de la politique nucléaire menée par la France sous divers gouvernements pendant des décennies.

Par ailleurs, notre pays a adopté un programme national de prévention du changement de climat qui a été renforcé par la mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, votée dès 1996, sous le gouvernement d'Alain Juppé.

Cette question très importante a été évoquée lors de la réunion du G8 à Cologne, en juin dernier : les changements climatiques y ont été présentés comme une menace extrêmement grave. C'est pourquoi plusieurs orientations ont été réaffirmées, en particulier l'encouragement à prendre des décisions sur le fonctionnement des mécanismes de Kyoto ainsi que sur un régime strict et efficace de respect de ces mécanismes ; la nécessité de prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre par une utilisation rationnelle et efficace de l'énergie ; l'élaboration et l'application de mesures nationales concernant les changements climatiques et, enfin, l'appel à une participation accrue des pays en développement à l'effort global de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi que vous l'avez souligné dans votre propos, madame le rapporteur, la négociation de Kyoto a montré que l'un des points de divergence entre les Etats-Unis et l'Union européenne tenait surtout aux moyens utilisables pour atteindre les objectifs qui ont été chiffrés.

Les Européens souhaitaient mettre l'accent sur la nécessité de mesures internes prises par chaque acteur pour ses émissions. Les Américains, quant à eux, étaient favorables au commerce des droits à polluer.

La France, volontariste dans ce domaine, doit montrer l'exemple et notre assemblée a, à cet égard, j'en conviens tout à fait avec vous, un devoir de vigilance particulier.

Mes chers collègues, si nous constatons tous que de nombreuses questions restent en suspens - comme, notamment, le contrôle de la réalisation des objectifs, l'encadrement strict des mécanismes de flexibilité, la place des pays du Sud ou l'absence de prise en compte des émissions dans le secteur aérien - il faut néanmoins considérer la ratification du protocole de Kyoto comme étant une étape importante de la lutte contre l'effet de serre et le Président de la République y a manifesté son attachement à plusieurs reprises et il l'a encore fait tout récemment.

Il convient enfin de souligner, comme vous l'avez fait, que la conférence de La Haye de novembre 2000 se déroulera pendant la présidence française de l'Union européenne et qu'il s'agira alors d'enjeux décisifs pour l'application réelle des engagements du protocole de Kyoto.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe RPR est bien entendu tout à fait favorable à la ratification du protocole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intégré à la conventioncadre des Nations unies sur le changement climatique, le protocole de Kyoto s'inscrit aussi dans le cadre de la Conférence de Rio de 1992, qui appelait à la responsabilité internationale pour sauvegarder la planète, menacée par la rupture des grands équilibres naturels.

Cette volonté d'agir en la matière se justifie du fait de l'existence d'un lien présumé entre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et le phénomène de réchauffement climatique.

On a en effet constaté, qu'en cent ans, la température de la surface du globe s'est accrue d'un degré, soit une augmentation plus rapide qu'au cours des dix milles dernières années. Dans le même temps, les émissions de carbone, pour les besoins de l'industrialisation, sont la principale source de réchauffement du climat et de la pollution de l'atmosphère.

Les risques liés au réchauffement climatique sont considérables. Ainsi, d'une façon générale, l'amplitude et la fréquence des orages, des inondations, des crues et des tempêtes pourraient augmenter, entraînant une intensification des accidents météorologiques.

Notre prise de conscience était donc nécessaire, d'autant plus que la plupart des gaz à effet de serre sont produits par des activités humaines liées à la vie sociale et au développement économique.

Il faut noter que, dans le cas spécifique de la France, le recours à l'énergie nucléaire a permis une production d'électricité avec peu d'émission de gaz, et donc peu d'effet de serre. Notre politique en matière d'économie d'énergie est aussi un motif de satisfaction et doit être approfondi, au même titre que notre réflexion sur les bienfaits environnementaux du transport rail-route.

Quoi qu'il en soit, les conséquences du réchauffement climatique ne peuvent être appréciées dans le strict espace national. Il est donc nécessaire de raisonner au niveau international, d'où, encore une fois, l'intérêt du protocole de Kyoto.

De même, le phénomène de réchauffement climatique ne pouvait plus être ignoré dans la définition des politiques sectorielles. Ainsi, sur le plan de la santé publique, de l'agriculture, de la protection de la nature, de la politique énergétique, du développement économique, il importe que les décisions prises aujourd'hui anticipent les bouleversements annoncés pour demain.

C'est dans ce cadre que s'inscrit le protocole de Kyoto.

Celui-ci intervient conformément au principe de précaution, tel qu'il ressort de la convention-cadre des Nations u nies sur le changement climatique. Effectivement,

« quand il y a risque de perturbations graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l'adoption de mesures de prévention ».

Par ailleurs, il est vrai que le protocole de Kyoto est considéré généralement comme un succès, et ce à double titre. D'une part, il fixe des objectifs précis et chiffrés et ne raisonne pas sur la simple base de déclarations d'intention. D'autre part, il met en place une individualisation des engagements de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.

Toutefois - et j'insiste sur ce terme -, l'analyse des modalités de l'application du protocole dévoile le véritable prix de ces avancées. Ainsi, lors des négociations, les

Etats-Unis ont réussi à faire accepter l'inacceptable : à savoir l'institution d'un marché de droits d'émission, entérinant l'existence d'un « droit de polluer ».

M. Bernard Outin.

C'est scandaleux !

M. Pierre Goldberg.

La marchandisation des permis d'émission ne peut en aucune façon être considérée comme un moyen de contribuer à la protection de l'environnement.

Créer un marché international des « droits à polluer » est en contradiction flagrante avec l'exigence de coopération et de solidarité internationale en la matière. A l'inverse d'un nécessaire partage des coûts de recherchedéveloppement et de la diffusion la plus large possible des innovations, ce principe de permis négociable va induire des phénomènes de privatisation des connaissances.

La logique sur laquelle repose la mise en place de ce système est d'autant plus inique, que l'allocation des droits d'émission attribués à chaque pays ne résulte pas d'une décision objective mais d'un rapport de force.

Ainsi, les quotas des pays de l'Europe de l'Est sont surévalués, ce qui fait craindre la mise sur le marché, si je puis dire, de leur part « d'air chaud ».

De la même façon, la surévaluation des quotas des pays en voie de développement va les pousser à vendre leur « excédent » aux pays industrialisés, ces derniers pouvant ainsi émettre de plus en plus de gaz à effet de serre au service de leur propre croissance économique.

M. Bernard Outin.

C'est exact.

M. Pierre Goldberg.

Ce scénario, loin d'être surréaliste, annonce la formation d'un cercle vicieux et surtout illustre l'exploitation de la position de faiblesse des pays pauvres. Ce système ne correspond-il pas finalement à une forme de néo-colonialisme qui frappe ces pays ? Le fait que de tels enjeux pour l'humanité tout entière se traduisent finalement par l'institution de droits à polluer, pouvant eux-mêmes faire l'objet de transactions financières, voire de spéculations, relève d'un cynisme inqualifiable auquel nous ne pouvons souscrire.

De plus, en principe, la mise en oeuvre de cette forme de mécanisme de flexibilité ne pouvait qu'être complémentaire, subsidiaire à la pratique de politiques et mesures nationales. Or, non seulement la réalisation effective de ce principe est improbable, car le protocole n'en a pas prévu les modalités, mais surtout l'Union européenne semble vouloir reprendre à son compte ces mécanismes de flexibilité.

Dès lors, comment s'étonner que les organisations non gouvernementales, dont personne n'a parlé jusqu'ici, s'opposent vigoureusement à ce dispositif qui exonère lâchement les pays contribuant le plus à l'effet de serre au niveau mondial de l'obligation de réduire leurs émissions.

De ce fait, le protocole de Kyoto s'avère aujourd'hui comme étant le fruit d'une logique de domination. Ainsi, les pays industrialisés, qui n'ont connu aucune limitation pour leur développement économique et qui n'ont pas tenu les engagements déclarés à Rio, tels que la stabilisation des émissions entre 1990 et 2000, n'ont pas hésité à imposer une interdiction de polluer de principe aux pays en voie de développement.

Au titre de notre responsabilité à l'égard des générations futures, telle que consacrée par la convention de Rio, et au nom de l'éthique la plus élémentaire, le groupe c ommuniste ne votera pas le protocole de Kyoto.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Gaillard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

M. Claude Gaillard.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'avais prévu de commencer mon intervention par la remarque suivante : « Le consensus sur ce texte sur l'ensemble des bancs de cette assemblée,...

M. Bernard Outin.

Eh bien, non !

M. Claude Gaillard.

... explique le peu de participation au débat, chaque porte-parole de groupe étant chargé d'expliquer tout le bien que ce dernier en pense. »

M. Bernard Outin.

Pas tous !

M. Claude Gaillard.

L'orateur précédent ne me permet pas cette introduction.

Madame la rapporteuse ou madame la rapportrice, je ne sais quel terme employer...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la rapporteresse !

Mme la présidente.

Madame la rapporteure...

M. Claude Gaillard.

... madame la rapporteure, me souffle Mme la présidente, j'ai beaucoup apprécié votre rapport, les qualités pédagogiques dont vous y avez fait montre et le ton que vous avez utilisé pour expliquer les enjeux, tout en laissant subsister, comme le veut la rigueur scientifique, un certain nombre d'incertitudes et de doutes.

Ainsi rappelez-vous - et je trouve cet exemple parlant qu'il y a à peu près 18 000 ans, la France était sous les glaces et que, 10 000 ans plus tard, le Groenland pouvait être considéré comme un « pays vert » au climat tempéré.

Cela montre les incertitudes qui existent sur le plan scientifique et dont nous devons tenir compte. Sur un cycle de 100 000 ans, nous éprouvons quelques difficultés à avoir quelque assurance que ce soit et à savoir réellement comment nous nous situons.

Cela étant dit, le principe de précaution doit naturellement nous guider et, comme cela a été souligné, la présomption est forte qu'il existe un lien entre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement de la terre.

Corrélativement, nous devons considérer comme une obligation de mener une lutte constante à la fois contre le gaspillage et contre la pollution. Tous secteurs confondus, nous devons tout mettre en oeuvre pour économiser le plus possible l'énergie. Comme un orateur précédent l'a dit, la calorie qui n'est pas utilisée est celle qui pollue le moins.

Dans le domaine des transports, cause de pollution importante, les recherches doivent continuer. Le développement des transports en commun doit se poursuivre en milieu urbain comme dans les régions. On a tout intérêt à utiliser le plus possible le rail pour transporter le fret. Je me réjouis à ce sujet du financement qui sera affecté, et par l'Etat et par les régions, au développement du réseau ferré français dans le cadre du contrat de plan qui commence cette année.

Je rappelle que, dans cette affaire, la France est plutôt bonne élève, tout comme les autres pays européens dans leur ensemble. Je me félicite aussi, madame la ministre, que l'Europe démontre sa capacité à mener une réflexion c ommune sur des dossiers aussi importants qui concernent le monde entier.

Le groupe UDF préfère comme vous - et de loin - la contrainte au mécanisme de flexibilité. Nous qui avons le privilège d'appartenir à un groupe de pays à forte technologie, nous avons l'obligation de montrer l'exemple et de continuer à faire des efforts de façon à renforcer notre crédibilité vis-à-vis des pays en voie de développement.

Mais il faut aussi considérer le problème en termes d'efficacité. A cet égard, il me paraît logique d'accepter mais de manière tout à fait subsidiaire - le mécanisme de flexibilité afin que, le plus tôt possible, sur l'ensemble des pays du monde, le maximum d'efforts soient faits pour polluer le moins possible. Qu'il s'agisse des pays de l'Est, qui connaissent les problèmes de pollution que l'on sait, ou des pays en voie de développement, nous ne pouvons pas ne pas leur apporter notre aide afin que des gains considérables soient obtenus dans des délais réduits sans pour autant nous sentir exemptés de continuer à faire des progrès chez nous. Chacun sait que les gains chez nous coûteront beaucoup plus cher, vu le niveau où nous nous situons, que ceux à obtenir dans les pays en voie de développement.

La solidarité doit donc jouer, je le répète, sans pour autant nous exempter des efforts que nous avons à faire.

Il faut également être attentifs aux mesures fiscales que nous pourrions mettre en place de façon à développer cette solidarité afin d'éviter de porter trop atteinte à la compétitivité des entreprises françaises et européennes.

Après Mme Aurillac, je rappellerai que la façon dont la France gère sa politique énergétique, et notamment assure sa production d'électricité, explique pourquoi ce type de pollution n'y est pas trop fort et y est même relativement faible. Mais nous devons continuer les recherches pour que les autres types de pollution soient également les plus faibles possible.

Madame la ministre, nous n'avons pas de divergence sur ce dossier - les projets de loi se suivent mais ne se ressemblent pas ! (Sourires.) -, mais le groupe UDF vous demande de rester vigilante afin que, j'y insiste, la solidarité interne à l'Europe joue par rapport aux pays en voie de développement et que nous fassions pression auprès de tous les pays développés comme les nôtres, pour qu'ils continuent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, ce que tous ne font pas aujourd'hui.

Madame la ministre, je conclus en vous disant que le groupe UDF vous apporte son soutien pour mener à bien la ratification du protocole de Kyoto.

Mme Nicole Ameline.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapportrice, chers collègues, avant d'en venir directement à la ratification du protocole de Kyoto, j'aimerais évoquer brièvement l'évolution passée et l'avenir souhaitable de la consommation d'énergie en France.

Depuis un quart de siècle, le produit intérieur brut de notre pays a augmenté de 60 % tandis que la consommation totale d'énergie finale n'augmentait que de 10 %. Il y a donc une déconnexion entre croissance économique et consommation d'énergie. Autrement dit, les économies d'énergie et l'efficacité énergétique ne sont pas incompatibles mais, au contraire, sont même compatibles avec l'activité économique.

Je dirais même plus, comme on dit dans certaines bandes dessinées, en évitant les gaspillages et en incitant à un usage intelligent de l'énergie, ces politiques énergétiques sont plus favorables que toute autre pour notre société.

On peut même aller plus loin et s'interroger sur la notion même de besoin énergétique. En fait, tout service, toute production économique, tout besoin social requérant de l'énergie s'obtiennent par la combinaison de trois éléments de base : une technique, un produit énergétique et un mode d'usage.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Madame la ministre, dans votre loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, les anciens schémas d'infrastructures autoroutiers et aéroportuaires - qui semblaient n'avoir d'autre but que d'exister pour eux-mêmes - ont été remplacés par des schémas de services collectifs. Je propose que, dans le domaine énergétique, il en soit de même. Ce sont les besoins terminaux de notre société, la demande sociale, qui doivent guider notre réflexion et notre action. Nous n'avons pas besoin d'abord d'énergie ; nous avons besoin de chauffage, de lumière, de mobilité ou de force électromotrice ! Prenons l'exemple du secteur des transports dont il a déjà été question. En matière de lutte contre le CO 2 , c'est le secteur le plus important. En effet, les transports sont responsables de 45 % des émissions de CO 2 , dont 80 % sont imputables aux transports routiers. Ainsi, de 1975 à 1995, la consommation d'énergie, et par conséquent l'émission de gaz à effet de serre, a crû de 71 % dans les transports individuels et celle des transports routiers de marchandises de 81 %. C'est donc, à mon avis, en ce domaine que l'effort de la France et des pays de l'Union européenne doit être le plus marqué.

Madame la ministre, je souhaite que vous transmettiez ce message ferme à votre collègue M. Gayssot.

Cela me fait d'ailleurs penser à l'aéroport dont je suis riverain, un de ces riverains fortement pollués, je dirai même « abasourdis » par les nuisances sonores.

Mme Nicole Bricq.

Je le suis aussi !

M. Yves Cochet.

Dans le domaine de l'énergie, entre 1975 et 1995, la consommation d'énergie, et donc la contribution à l'effet de serre, du transport aérien a augmenté de 152 % ; et ça continue ! Bref, sur les routes comme dans le ciel, il est grand temps de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances sonores.

On dit quelquefois que la France, qui a un grand programme électronucléaire, contribue moins que les autres aux émissions de gaz à effet de serre. Mais dans le domaine des transports, principale contribution à l'effet de serre, l'électronucléaire n'a guère d'impact. Il faut donc agir spécifiquement contre le fléau des moteurs thermiques au sol et dans l'air.

Je vois, madame la ministre, que vous voulez réduire de plusieurs dizaines de millions de tonnes d'équivalent carbone par an, jusqu'en 2010, nos émissions de gaz à effet de serre. Fort bien ! Afin d'aider le Gouvernement, je vous remettrai, dans quelques instants, un petit livre que certains d'entre vous connaissent peut-être, issu des travaux de notre formation politique, les Verts, mais qui s'appuie aussi sur les conclusions de la commission du Plan, et notamment du groupe de travail S 3 qui a proposé des scénarii énergétiques pour le futur, entre autres dans le domaine des transports, et qui contient vingtdeux mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports.

J'en viens, pour terminer, au protocole de Kyoto. Vous venez d'énoncer trois grandes priorités que vous défendrez à la conférence de La Haye. Globalement, je les partage. Mais j'ai quelques interrogations concernant la deuxième de ces priorités, et je vous demanderai quelques éclaircissements sur ce point.

Par exemple, que veut dire dans votre esprit l'adverbe

« principalement » dans cette phrase que vous avez prononcée : « les objectifs de réduction des émissions seront principalement atteints par des mesures mises en oeuvre sur le territoire de chaque partie au protocole » ? Plus précisément, pouvez-vous me dire si le gouvernement français s'engage à ne pas recourir aux mécanismes de flexibilité, c'est-à-dire aux permis négociables de pollution entre 2000 et 2010 ? En effet, de mon point de vue, l'ouverture d'un tel marché de permis négociables créerait une brèche dans laquelle s'engouffreraient les pays et les entreprises pour éviter de faire des efforts de politiques nationales volontaristes, comme vous, vous en avez la volonté, et, bientôt pour étendre éventuellement ce marché des droits à polluer aux pays du Sud, ce qui est écologiquement et moralement inacceptable !

M. Bernard Outin.

Très bien !

M. Yves Cochet.

La crainte que j'exprime ainsi, madame la ministre, n'est pas seulement la mienne, elle est fondée sur une récente communication et un Livre vert - qui porte bien mal son nom - de la Commission européenne, d'inspiration très libérale, quant à l'ouverture d'un marché de permis négociables d'émission.

Une autre question me turlupine : l'article 12 du protocole de Rio, pardon de Kyoto - ce lapsus nous rappelle que c'est à Rio qu'a émergé l'idée de restreindre les émissions de gaz à effet de serre - parle de « développement propre ». Mais qu'est-ce que le développement propre ! Est-ce seulement un développement économe en CO 2 et en gaz à effet de serre ? Cela signifierait-il que les lobbies nucléaires des pays du Nord, qui voudraient vendre des réacteurs aux pays du Sud, et participeraient ainsi au

« développement propre », pourraient en contrepartie - paradoxe des paradoxes - bénéficier d'une possibilité d'augmenter ainsi leur droit à polluer ? Pour nous, ce serait insensé ! Madame la ministre, les députés Verts sont prêts, évidemment, à ratifier le protocole de Kyoto, pour lequel vous vous êtes vaillamment battue, je m'en souviens encore et je vous en félicite. Mais ils attendent quelques réponses claires à leurs interrogations inquiètes.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteuse.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun est aujourd'hui persuadé que le climat risque de connaître un important réchauffement dans les décennies à venir, ce qui entraînera de véritables catastrophes écologiques. Ce réchauffement a d'ailleurs commencé, c'est le résultat de l'effet de serre. La conférence de Kyoto, à l'instar de celle de Rio en 1992 qui était la première rencontre de ce genre, s'inscrit dans l'absolue nécessité de contenir l'émission de gaz à effet de serre.

Le compte à rebours a commencé. Les grandes nations industrielles ont dix années devant elles pour changer leur mode de vie afin de mieux maîtriser leur consommation d'énergie et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Peu importe les querelles et les incertitudes scientifiques, l'engagement a été pris à Kyoto, et l'on peut s'en réjouir, de réduire ces émissions de 5,2 %, entre 2008 et 2012, par rapport au niveau atteint en 1990. Modeste en apparence, cet objectif est en réalité ambitieux : à un objectif de stabilisation est substitué un objectif de réduction réelle. Compte tenu des résultats observés cette année, cette réduction devrait être, en réalité, plus importante.


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E n revanche, si aucune mesure n'était prise, la demande mondiale d'énergie entraînerait, à l'horizon 2020, une croissance de 70 % des émissions de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre. Pour les EtatsUnis, qui émettent à eux seuls un quart des gaz à effet de serre de la planète, l'objectif d'une réduction de 7 % de leur émission, qu'ils ont adoptée à Kyoto, équivaut, compte tenu des prévisions de croissance économique et démographique, à un effort de diminution de près de 30 %. La France figure parmi les très bons élèves et a le souci d'être l'un des meilleurs exemples, grâce à l'effort réalisé en matière d'économie d'énergie et grâce à sa politique nucléaire.

M. Yves Cochet.

Mais non ! J'ai expliqué pourquoi !

Mme Nicole Ameline.

Mais elle va devoir aussi mettre en place des politiques vigoureuses de protection de l'environnement, car son bilan en dioxyde de carbone risque de s'accroître dans des proportions inquiétantes sous la pression de l'augmentation des trafics routiers et aériens.

Les engagements pris à Kyoto ne pourront être respectés sans une mobilisation générale, qui concerne tout à la fois les Etats, leurs gouvernements et leurs parlements, la diplomatie internationale, les industries, la recherche et l'ensemble des acteurs économiques.

Cette course de fond qui s'engage se fera sans doute à deux vitesses.

Il y aura, d'abord, la grande « machine onusienne » qui réunit, au sein de conférences multiples, les quelque 160 Etats signataires de la convention-cadre sur les changements climatiques. Elle s'emploie à les faire avancer dans la rédaction d'un protocole d'accord, article par article, virgule par virgule, dans l'espoir d'établir des règles du jeu internationales efficaces et équitables de lutte contre l'effet de serre.

Il y a, par ailleurs, la sphère économico-industrielle qui n'a pas encore mesuré l'ensemble des enjeux, mais commence à miser sur des technologies « propres », à faire des projections boursières sur l'avenir du futur marché du carbone, et à étudier de quelle manière utiliser l'argument environnemental comme arme commerciale.

Dans ce contexte, le protocole de Kyoto est une étape majeure dans un processus lancé en 1992 à Rio, avec la signature de la convention-cadre qui adoptait l'objectif d'une stabilisation des émissions de gaz à effet de serre.

A Kyoto, les pays de l'OCDE, les pays d'Europe de l'Est, la Russie et l'Ukraine sont allés plus loin en s'engageant à réduire globalement de 5 % en 2012 leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. Ces pays, dits « de l'annexe I », peuvent respecter leurs engagements en utilisant, à côté des « politiques et mesures » nationales, les fameux « mécanismes de flexibilité ».

Le protocole définit trois de ces « mécanismes de flexibilité », que je détaillerai ici brièvement. Il y a d'abord l'échange des permis d'émission de gaz à effet de serre. Ile xiste également le mécanisme de l'« application conjointe », qui est une variante de l'échange de permis d'émission pour les Etats de l'annexe I. Par exemple, un

Etat finance chez un autre la modernisation d'une usine qui émettra, de ce fait, moins de gaz à effet de serre et il recevra en retour les « crédits d'émission » correspondant précisément à cette réduction. Enfin, le « mécanisme de développement propre » est, comme dans le cadre de l'« application conjointe », l'échange d'une aide technique contre un crédit d'émission. Mais pas plus que l'échange de permis d'émission, ces deux autres mécanismes n'ont reçu de cadre précis et ne paraissent donc réellement opérationnels.

L'Union européenne, dont il faut saluer l'éminent rôle dans ce processus, est parvenue à inscrire dans le protocole que le recours à ces mécanismes de flexibilité ne c onstituait qu'un « complément » des politiques et mesures nationales. Ainsi, l'Union a voulu souligner que les « souplesses » permises par le protocole ne peuvent devenir des échappatoires pour les pays qui ne souhaiteraient consentir aucun effort national.

Depuis 1997, la négociation se polarise sur une certaine divergence de vue entre Américains et Européens, les seconds souhaitant priviligier les politiques et mesures prises au niveau subsidiaire, tandis que les premiers veulent faire une part plus large aux mécanismes de marché.

Le simple recours aux mécanismes de marché et aux mécanismes de flexibilité présenterait un risque, il est vrai, celui que les Etats se limitent à ces échanges en s'exonérant de tout effort de diminution des rejets sur leur territoire. Il convient, nous en sommes tous d'accord, me semble-t-il, d'agir au niveau national afin que soient modifiés tant les comportements des individus que les modes de production des entreprises, en veillant néanmoins à ce que cela n'ait pas de conséquence sur la compétitivité de celles-ci.

L'Union européenne, avec ses Etats membres, a demandé un engagement précis et substantiel de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la mise en oeuvre coordonnée de politiques et de mesures précises. Les Européens, il faut le dire, montrent l'exemple dans ce domaine. Nous devons soutenir cette volonté.

Le double enjeu de la prochaine conférence sur le climat, qui aura lieu à La Haye en novembre 2000 sous la présidence française, sera donc de définir des règles plus claires entre les positions européenne et américaine, mais aussi des règles de coopération entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. L'une des difficultés viendra probablement de la Russie et de l'Ukraine, car ces pays disposent d'ores et déjà de quotas virtuels à vendre, compte tenu de l'effondrement de leur économie, qui a fait chuter mécaniquement les émissions de gaz carbonique et donc créé une masse très importante de droits d'émission. Si ces tonnes de dioxyde de carbone se retrouvaient brutalement sur le marché, les prix chuteraient à un niveau tel que les pays fortement demandeurs pourraient s'exonérer en grande partie d'efforts sur leur territoire.

Qu'arrivera-t-il donc en 2012, date à laquelle les Etats devront être en conformité avec leurs engagements ? Les expériences tant concrètes que simulées montrent que les participants au marché ont besoin d'une échéance probablement plus longue, garantissant des règles stables pour changer leurs comportements. Pour le marché du dioxyde de soufre il faudrait, par exemple, une échéance de trente ans.

Or l'après-Kyoto reste une inconnue totale. La date butoir de 2012 est trop rapprochée pour que les entreprises s'engagent dans cette voie sans risque. Pour être fonctionnel, le marché suppose des engagements à plus long terme, au minimum à l'échéance de 2020.

Le protocole de Kyoto représente donc un progrès, nous en sommes tous convaincus, mais les mécanismes qu'il prévoit ont des limites par trop prévisibles, pour ne pas tenir compte de ces faiblesses dès à présent. Néan-


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moins, conscient que ce texte représente un pas nécessaire pour un environnement plus propre, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera ce projet de loi.

M. Guy Menjucq et M. Claude Gaillard.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de La Haye en 1989 à Kyoto en 1997, en passant par Rio en 1992, nous avons pris conscience des modifications de notre environnement liées aux activités humaines, et nous avons ressenti le besoin, et même le devoir envers les générations futures, de mettre en oeuvre les bases d'un développement durable - à l'époque, le terme n'était pas aussi usité qu'aujourd'hui - et les outils nécessaires à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le protocole dont nous discutons aujourd'hui et que nous nous apprêtons à ratifier, pour la plupart d'entre nous, a le mérite, à mes yeux, qui n'est pas accessoire, de faire travailler ensemble des pays dont les intérêts sont parfois contradictoires afin d'arriver à une position de compromis dynamique. Dans ce processus, nous devons saluer l'Union européenne qui a montré sa cohérence et sa légitimité face aux positions des autres pays de l'OCDE et des Etats-Unis.

Toutefois, pour arriver à ce développement durable que nous appelons de nos voeux, nous devons aujourd'hui dépasser le clivage qui oppose, d'un côté, les Européens, tenants d'une réduction des émissions par Etat fondée sur la fiscalité et la réglementation et, d'un autre côté, les Américains du Nord, prônant une réduction globale fondée sur la mise en place des droits à polluer ou « permis négociables ». J'insisterai, pour ma part, sur la complémentarité des moyens parce que nous avons fixé des objectifs ambitieux et qu'il va falloir les atteindre.

Le premier moyen, qui nous est plus familier, surtout depuis trois ans, c'est celui de la fiscalité. Nous savons bien, en France, l'importance de la réglementation et de la fiscalité. De la loi de finances pour 1999 - qu'on a appelé l'« An I » de la fiscalité écologique - au récent plan gouvernemental visant à lutter contre l'effet de serre, le gouvernement et le parlement français ont montré leur attachement à cette voie.

Je m'attarderai, ici, puisque l'occasion m'en est donnée, sur deux points d'actualité. Depuis quelque temps, on évoque, dans la presse, à grand renfort de sondages, la question du prix des carburants et, par conséquent, celle de leur taxation. Cette fiscalité peut, effectivement, apparaître injuste parce qu'elle est aveugle et qu'elle pénalise les revenus modestes.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Exactement !

Mme Nicole Bricq.

Pour ma part, je pense que la redistribution sociale - c'est un débat que nous aurons certainement - ne passe pas par la baisse de la fiscalité des produits polluants, ceux-là même qui contribuent le plus fortement à l'effet de serre. C'est par une politique de baisse des impôts directs et de réajustement des allocations sociales, mais aussi par le rééqulibrage des revenus du travail par rapport à ceux du capital, que l'on effectuera une meilleure redistribution.

Notre politique en matière de fiscalité des carburants doit avoir, à mon sens, comme objectif la réduction des gaz à effet de serre. Encore faut-il connaître les mécanismes de répercussion liés aux prix des matières premières. C'est du reste sur ce sujet que travaille le rapporteur général du budget, Didier Migaud, qui doit nous présenter un rapport clarifiant la situation à cet égard.

Un autre point important est la mise en place de ce que l'on appelle l'écotaxe. Comme l'a rappelé Lionel Jospin, lors de la présentation du plan gouvernemental de lutte contre les gaz à effet de serre, l'écotaxe...

M. Yves Cochet.

Il faut dire « pollutaxe » !

Mme Nicole Bricq.

... doit être une des pierres angulaires de notre action visant à respecter les accords de Kyoto. En effet, si les consommations d'énergie des ménages sont taxées à un niveau assez élevé en France par rapport à d'autres pays, celles des entreprises le sont souvent moins.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

Exactement !

Mme Nicole Bricq.

L'écotaxe...

M. Yves Cochet.

La pollutaxe !

Mme Nicole Bricq.

... en taxant les consommations intermédiaires d'énergie des entreprises, devrait permettre en outre d'internaliser les coûts environnementaux dans les process de production, tout en ouvrant la possibilité d'un double dividende en baissant les charges sur le travail.

M. Yves Cochet et M. Jean-Pierre Baeumler.

Très bien !

Mme Nicole Bricq.

Une concertation a du reste été engagée par le Gouvernement avec les industriels depuis bientôt un an afin de prendre en compte leur diversité et de ne pas les handicaper dans la rude compétition internationale. En se donnant le temps du dialogue, et je sais, madame la ministre, que vous y contribuez, nous avons quelques chances d'arriver à un dispositif qui servira de repère à l'ensemble de l'Union européenne et qui ira, ce qui n'est pas négligeable, dans le sens de l'harmonisation fiscale.

On a également évoqué tout à l'heure, et c'est un débat tout à fait légitime, les permis négociables.

Se limiter aux seuls outils de la fiscalité et de la réglementation n'épuise cependant pas le sujet.

Le Premier ministre, conscient des enjeux, a repris le dispositif des permis négociables dans son plan de lutte contre l'effet de serre. Cet instrument est souvent perçu, notamment en France, comme un droit à polluer pour les riches. C'est une vision qui relève plus de la morale que de la politique. Au demeurant, personne ne semble choqué que s'échangent les produits polluants. Puisque c'est à travers les échanges commerciaux que les gaz à effet de serre nous proviennent, pourquoi une raison morale ferait-elle obstacle à ce que ces échanges commerciaux participent aussi à la réduction des émissions polluantes ? Un autre argument en faveur des permis négociables est le fait qu'une entreprise n'a a priori aucun intérêt à acheter un droit à polluer puisqu'elle peut polluer sans rien débourser.

Echanger des permis négociables est donc un progrès par rapport au statu quo actuel qui revient à polluer gratuitement. Il faut savoir d'où l'on part ! Avec les permis, les entreprises intègrent enfin les coûts que leur production implique en termes de destruction de l'environnement et du climat. Cela les oblige donc à trouver les process de production les moins polluants, tout en offrant au système la souplesse - le terme de flexibilité a été employé - nécessaire.


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Pour autant, et c'est ce qui est important dans le débat, les Etats doivent conserver leurs prérogatives régaliennes en organisant et en encadrant ces échanges de permis.

Des études économiques sérieuses ont du reste montré q u'un système communautaire d'échanges de droits d'émission de CO 2 entre les fournisseurs d'énergie et les industries consommatrices permettrait à l'Union européenne d'économiser 2 milliards d'euros par an, soit un cinquième des coûts.

M. Yves Cochet.

Je ne suis pas convaincu ! En conclusion, nous ne devons pas avoir une vision doctrinaire sur la question des moyens de lutte contre les gaz à effet de serre.

Dans le protocole que nous allons ratifier, les articles 5, 6 et 7 sont très clairs : les permis ne dédouanent pas les pays utilisateurs de produire les efforts nécessaires à la réduction nationale de leurs émissions polluantes. Ce sont deux politiques complémentaires.

C'est pourquoi ce texte de loi revêt une importance considérable. C'est maintenant que nous devons mettre en place les politiques de demain pour atteindre les objectifs d'après-demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très bien ! Quelle hauteur !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vais être brève mais je voudrais, en quelques mots, préciser quelques éléments et peut-être rassurer ceux qui, parmi vous, doutent encore.

Marie-Hélène Aubert et Claude Gaillard ont tour à tour rappelé que, si nous ne disposions pas de certitudes en ce qui concerne le climat, un faisceau d'arguments et de présomptions nous conduisaient à mettre en oeuvre le principe de précaution et à prendre les décisions qui s'imposent, des décisions qui, aujourd'hui, peuvent apparaître encore relativement douces, ne bouleversant pas réellement nos habitudes et l'organisation de notre société, plutôt que d'attendre que des certitudes avérées nous contraignent demain à prendre, dans un contexte plus tendu, des décisions qui pourraient être plus difficiles à assumer pour la collectivité : mise en oeuvre du principe de précaution pour essayer de limiter le plus possible les conséquences de ce qui apparaît décidément non pas comme un simple réchauffement climatique mais comme un véritable bouleversement des climats avec, selon les régions du monde, des formes très différentes. Je ne citerai pas la liste des accidents.

Je crois qu'on peut résumer les choses ainsi. Nous sommes confrontés à trois enjeux différents : assurer ici et maintenant le respect des engagements pris par la France au sein de la bulle européenne - c'est tout l'enjeu du programme national de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre ; assurer le succès de la conférence de La Haye en précisant quels sont nos objectifs prioritaires, en mettant en place la stratégie qui nous permet de les faire valoir auprès de nos partenaires et ne pas céder sur ce qui nous paraît décidément essentiel ; et puis, sur le plus long terme, préparer l'après-2012.

Cela apparaît lointain, mais nous y serons très vite.

Mme Ameline, M. Goldberg s'en sont inquiétés. Il nous faudra notamment prévoir les modalités qui permettront petit à petit aux pays en voie de développement de rentrer dans la mécanique. Certains d'entre eux sont déjà de gros émetteurs de gaz à effet de serre. Sans aller jusqu'à la Chine, l'Inde ou le Mexique, les exemples sont nombreux.

Quels sont les moyens dont nous disposons ? Comme vous l'avez tour à tour rappelé, il y a des politiques et mesures domestiques dont le protocole précise bien qu'elles constituent l'outil essentiel que doivent mettre en oeuvre les pays de l'annexe I qui, seuls, sont concernés à ce stade par le protocole, et puis différents mécanismes, et j'ai soigneusement évité de parler de flexibilité. C'est vous qui avez utilisé ce mot que, pour ma part, je m'interdis parce que je ne les trouve justement admissibles que s'ils ne sont pas flexibles mais, au contraire, bien encadrés pour qu'il n'y ait pas d'échappatoire et d'effets pervers inattendus.

Le protocole, dans son article 17, monsieur Cochet, précise bien que tout échange vient en complément des mesures prises au niveau national. En anglais, c'est supplemental to, ce qui paraît encore plus clair.

On est donc censé n'utiliser ces mécanismes que lorsque l'ensemble des mesures et des politiques domest iques coordonnées au niveau international sont déployées. Ces mécanismes sont au nombre de trois. Je ne les répète pas sinon pour signaler que, si le mécanisme de développement propre s'adresse bien aux pays en voie de développement et non aux pays qui ont pris d'ores et déjà des engagements quantifiés de réduction de leurs émissions dans le cadre du protocole, le mécanisme de mise en oeuvre conjointe s'adresse, lui, aux seuls pays de l'annexe I du protocole, et nous avons le souci prioritaire d'éviter les échanges de dupes, les échanges d'air chaud, qui ne correspondraient pas à de réelles réductions des émissions mais à une simple stagnation des économies dans les pays de l'Europe de l'Est notamment.

Quant au troisième des mécanismes, l'échange des droits d'émission, que certains d'entre vous ont qualifié de marché des droits pollués, nous sommes très loin de le mettre en place parce qu'un certain nombre de conditions ne sont pas réunies.

Je ne souhaite pas placer notre pays dans la situation décrite par M. Golberg. Nous n'avons jamais considéré ce système comme l'un des moyens d'atteindre nos objectifs, et je vous rappelle que le plan national de maîtrise des émissions a été conçu pour nous permettre de répondre à nos engagements sans avoir recours aux mécanismes de flexibilité...

M. Yves Cochet.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je suis tombée dans le piège ! Je m'étais promis de ne pas employer ce terme. (Sourires.)

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas grave, il ne faut pas avoir de tabous ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Par ailleurs, nous ne considérons pas que ce marché puisse se mettre en place avant qu'un certain nombre de débats importants aient été menés à leur terme, concernant notamment l'allocation initiale des droits - à ce stade, pour les seuls pays de l'annexe I mais peut-être demain pour des pays qui rentreraient dans le cadre du protocole. De plus, nous n'envisageons pas une seconde de nous prêter à cette mécanique en l'absence d'un système d'encadrement clair, ce qu'on appelle le système d'observance du protocole, avec ce que cela suppose de moyens d'évaluation et de mécaniques de contrôle et de sanction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

J'apprécie le plaidoyer des uns et des autres pour une politique nationale ambitieuse de maîtrise de nos émissions. M. Brana a rappelé l'époque du plan national de 1973-1974. C'était l'époque où l'on chassait, monsieur Gaillard, mais le « gaspi ». (Sourires.)

Rappelez-vous les formules d'alors. Je crois en tout cas qu'en prenant la décision de consacrer à nouveau de fortes sommes à la politique nationale de maîtrise de la consommation d'énergie et de diversification énergétique, avec 500 millions de francs attribués chaque année à l'ADEME à cette fin,...

M. Yves Cochet.

Il faut que cela augmente ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... nous nous sommes donné les moyens de renouer avec une certaine tradition française.

Certains d'entre vous ont évoqué la place du nucléaire dans cette stratégie. Je ne répéterai pas ce qui a été dit par Yves Cochet concernant le fait que nous étions essentiellement inquiets de l'explosion des émissions des gaz à effet de serre dans le domaine des transports, je vais y revenir tout de suite. De toute façon, nous avons des alternatives à notre disposition aujourd'hui, nous ne sommes plus face au choix cornélien entre la lignite de RDA avec beaucoup d'effet de serre et peu de déchets et le nucléaire sans effet de serre mais avec des déchets à très longue durée de vie. Les projets technologiques nous permettent en effet d'utiliser les meilleures technologies disponibles en fonction des usages que l'on cherche à satisfaire. Je pense à la cogénération au gaz, où le rendement atteint aujourd'hui 60 %, aux chaudières à charbon utilisant la technologie des lits fluidisés circulants, comme à Gardanne, chez notre ami Roger Meï, ou aux piles à combustibles...

M. Yves Cochet.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qui se révèlent très intéressantes, notamment dans le domaine des transports, avec des délais de l'ordre d'une bonne décennie.

J'en viens aux transports, en quelques mots, pour vous remercier d'avoir salué les efforts qui ont été faits pour le développement des transports collectifs en ville et pour le rail, notamment dans le cadre des contrats de plan.

Nous ne sommes pas confrontés à des difficultés dans le seul champ de l'écologie ou des transports. Les problèmes se situent en effet aujourd'hui sur le terrain social, et je pense notamment aux difficultés pour harmoniser le temps de travail des chauffeurs routiers au niveau communautaire, ou sur le terrain fiscal, et je remercie Pierre Brana et Yves Cochet d'avoir pointé, comme Nicole Bricq l'a fait par ailleurs, le problème de la fiscalité des carburants et notamment de la taxation du kérosène.

M. Yves Cochet.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Effectivement, nous ne devons pas nous réfugier derrière une hypothétique taxation au niveau mondial. Les avions qui atterrissent sur le continent européen doivent repartir, et une taxation communautaire peut tout à fait être envisagée. C'est en tout cas en ce sens que nous plaidons à Bruxelles.

M. Yves Cochet.

Excellent ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Un mot encore pour dire à ceux qui ont évoqué les ONG que leur position n'est pas celle qu'on croit. Hier, monsieur Goldberg, et vous me permettrez de le dire avec un petit peu de malice, Greenpeace a publié un communiqué pour se féliciter de la ratification rapide par France et de son engagement en faveur des différents équilibres de ce protocole, n'évoquant qu'une zone d'ombre préoccupante dans la politique climatique française, sa tentation de recourir au nucléaire dans le cadre du mécanisme de développement propre. J'espère que nous pourrons rapidement rassurer les ONG sur ce point.

Quant aux parlementaires, madame Aubert, je suis allé plancher, certes pas devant la commission des affaires étrangères, qui ne me l'a pas proposé...

M. François Loncle, président de la commission.

Ça viendra ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... mais devant la commission de la production et des échanges à l'invitation d'André Lajoinie. Je l'ai fait également au Sénat. Par ailleurs, j'ai souhaité associer les parlementaires français aux délégations officielles qui ont participé, à Kyoto, à Buenos Aires, à Bonn, aux différents temps de la négociation internationale, et leur présence a été très utile. Si les ONG anglo-saxonnes sont très présentes et influencent significativement les négociateurs, les parlementaires anglo-saxons sont également là, et il est absolument indispensable que des parlementaires de la zone francophone, et singulièrement des Français, soient présents à nos côtés pour faire valoir une position responsable de l'Union européenne, qui ne demande qu'à être partagée par nombre de pays en voie de développement. C'est en tout cas l'une des priorités que je me suis donnée pour les travaux de La Haye à la fin de l'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation du protocole de Kyoto à la conventioncadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes), fait à Kyoto le 11 décembre 1997 et signé par la France le 29 avril 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

6

CONVENTION SUR L'ENVIRONNEMENT Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière (ensemble sept appendices) (nos 1421, 2221).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière (ensemble sept appendices), signée à Espoo, Finlande, le 25 février 1991, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

7 ACCORD AVEC LE MEXIQUE

SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION

RECIPROQUES DES INVESTISSEMENTS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 1928, 2222).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection récip roques des investissements, signé à Mexico le 12 novembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

8 ACCORD AVEC LA SLOVÉNIE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République de Slovénie...

M. Yves Coche Cela concerne les ours ? (Sourires.)

Mme la présidente.

Non ! Absolument pas ! ... sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (nos 1925, 2224).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Paris le 11 février 1938, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

9

CONVENTION FISCALE AVEC LE KAZAKHSTAN Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (nos 1926, 2223).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique Mme la présidente

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 3 février 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

10 ACCORD AVEC LA RÉPUBLIQUE DU KAZAKHSTAN SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi, adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (nos 1930, 2223).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. Est autorisée lapprobation d'un accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Paris le 3 février 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

11

CONVENTION INTERNATIONALE

CONTRE LA PRISE D'OTAGES Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages (nos 1929, 2261).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. Est autorisée l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages, faite à New-York le 17 décembre 1979, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

12

CONVENTION

SUR LA COMPÉTENCE JUDICIAIRE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise (nos 1923, 2262).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. Est autorisée la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du royaume de Suède à la convention concernant la compétence juridiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise, faite à Bruxelles le 29 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

13

CONVENTION RELATIVE AUX OBLIGATIONS CONTRACTUELLES Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 AVRIL 2000

République d'Autriche, de la République de Finlande et du royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice (nos 1934, 2262).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. Est autorisée la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice, faite à Bruxelles le 29 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

14

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SEANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 2121, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels : M. René Dosière, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2266.)

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT