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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Nouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 3403).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 3403)

Article 19 (p. 3403)

M. Léonce Deprez.

Amendement no 1 de la commission des lois : MM. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Eric Besson, rapporteur de la commission des finances ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou. Adoption.

Amendement no 491 de M. d'Aubert : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 152 de la commission des finances ; M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 19 modifié.

Article 20 (p. 3406)

Amendements identiques nos 338 de M. Auberger et 379 de M. Jégou : MM. Philippe Auberger, le rapporteur, JeanJacques Jégou, Arnaud Montebourg, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 3 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, Arnaud Montebourg, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Philippe Auberger, Jacky Darne. - Retrait.

Amendement no 504 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 336 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendements identiques nos 337 de M. Auberger, 380 de M. Jégou et 505 de M. Goulard : MM. Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Rejet.

Amendement no 2 corrigé de la commission des lois, avec le sous-amendement no 691 du Gouvernement : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. François Goulard, Arnaud Montebourg. Adoption du sous-amendement no 691 et de l'amendement no 2 corrigé et modifié.

Amendements nos 339 de M. Auberger, 381 de M. Jégou et 506 de M. Gantier : MM. Philippe Auberger, JeanJacques Jégou, François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Adoption de l'article 20 modifié.

Après l'article 20 (p. 3415)

Amendement no 4 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 21 (p. 3415)

Amendements identiques nos 154 de la commission des finances et 284 de M. Auberger : MM. le rapporteur, Philippe Auberger. - Retrait de l'amendement no 284.

Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 154.

Amendement no 153 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 155 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements identiques nos 285 de M. Auberger et 382 de M. Jégou : MM. Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 21 modifié.

Après l'article 21 (p. 3417)

Amendement no 5 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 5 rectifié.

Amendement no 369 de M. Suchod : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 22 (p. 3417)

Amendement no 508 de M. Goulard : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 22.

Après l'article 22 (p. 3418)

Amendement no 156 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 157 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 23 (p. 3418)

Amendement no 6 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 23 modifié.

Après l'article 23 (p. 3419)

Amendement no 158 rectifié de la commission des finances :

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 24. - Adoption (p. 3419)

Après l'article 24 (p. 3419)

Amendement no 484 de M. Gengenwin, amendements identiques nos 385 rectifié de M. Blessig et 386 rectifié de

M me Boisseau, et amendement no 656 de M. Montebourg : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur, Jean-Jacques Jégou, Arnaud Montebourg, Mme la garde des sceaux, M. François Goulard. - Retrait de l'amendement no 484 ; rejet des amendements identiques nos 385 rectifié et 386 rectifié.

M. Arnaud Montebourg. - Retrait de l'amendement no 656.

Article 25 (p. 3421)

Amendement no 7 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 25 modifié.

Après l'article 25 (p. 3421)

Amendements no 509 de M. Goulard et amendements identiques nos 286 de M. Auberger et 383 de M. Jégou : MM. François Goulard, Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.


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Amendements nos 510 de M. Goulard et 384 de M. Jégou : MM. François Goulard, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendement no 8 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 9 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Philippe Auberger, Arnaud Montebourg, Jacky Darne. - Rejet de l'amendement no 9 rectifié.

Article 26. - Adoption (p. 3424)

Après l'article 26 (p. 3424)

Amendement no 493 de M. Aubert : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Réserve des amendements portant articles additionnels avant l'article 27, des articles 27 à 54, et des amendements portant articles additionnels après l'article 54 jusqu'après les a mendements portant articles additionnels après l'article 70.

M. Jean-Paul Charié, Mme la présidente, M. François Goulard, Mme la garde des sceaux.

Rappels au règlement (p. 3425)

M. Philippe Auberger, Mme la présidente, M. Jean-Paul Charié.

Avant l'article 55 (p. 3425)

Amendements identiques nos 197 de la commission des finances et 474 de M. Cuvilliez : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Christian Cuvilliez, François Goulard, Philippe Auberger. - Adoption.

Article 55 (p. 3427)

Amendement de suppression no 198 corrigé de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 55 est supprimé.

Après l'article 55 (p. 3427)

Amendement no 665 de M. Besson : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Avant l'article 56 (p. 3428)

Amendements identiques, no 594 de M. Cochet, 604 de M. Bascou : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Jean-Jacques Jégou, François Goulard, Robert Gaïa. - Retrait de l'amendement no 604.

M. Yves Cochet. - Retrait de l'amendement no 594.

Amendement no 199 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Philippe Auberger, François Goulard. - Adoption.

Amendement no 200 rectifié de la commission des finances :

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 56 (p. 3430)

Amendement no 10 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. François Goulard. - Adoption.

Amendement no 547 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 11 de la commission des lois, amendements identiques nos 201 rectifié de la commission des finances et 549 rectifié de M. d'Aubert et amendement no 548 de M. Goulard : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, François Goulard, Mme la garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no 11 ; adoption des amendements identiques nos 201 rectifié et 549 rectifié ; rejet de l'amendement no 548.

Amendement no 304 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Adoption.

Amendements nos 308 corrigé de M. Auberger et 554 corrigé de M. d'Aubert : MM. Philippe Auberger, François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejets.

Amendement no 551 de M. d'Aubert : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 552 de M. d'Aubert : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 12 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Jean-Jacques Jégou, François Goulard, Jacky Darne. - Adoption.

Amendement no 553 de M. d'Aubert : MM. François Goulard, le rapporteur. - Retrait.

Amendements nos 475 de M. Cuvilliez et 13 de la commission des lois, avec le sous-amendement no 202 de la commission des finances : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Yves Cochet. - Rejet de l'amendement no 475 ; adoption du sous-amendement no 202 et de l'amendement no 13 modifié.

Amendement no 307 corrigé de M. Auberger : M. Philippe Auberger. - Retrait.

Amendement no 305 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

A mendements nos 306 de M. Auberger et 556 de M. d'Aubert : MM. Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Adoption de l'article 56 modifié.

Après l'article 56 (p. 3437)

Amendement no 14 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, Jacky Darne. - Retrait.

Article 57 (p. 3437)

Amendement no 559 de M. d'Aubert : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 558 de M. d'Aubert : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 217 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Les amendements nos 350 de M. Auberger, 15 rectifié de la commission des lois, 349 de M. Auberger, 560 de M. d'Aubert, 16, deuxième rectification, de la commission des lois et 387 de M. Morin n'ont plus d'objet.

M. Philippe Auberger, Mme la présidente.

Amendement no 550 de M. d'Aubert : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 17 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 18 rectifié de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 57 modifié.

Article 58 (p. 3440)

Amendement no 465 de M. Inchauspé : MM. Michel Inchauspé, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.


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Adoption de l'article 58.

Article 59 (p. 3440)

Amendements nos 312 de M. Auberger et 218 de la commission des finances : M. Philippe Auberger. Retrait de l'amendement no 312.

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 218.

Amendements identiques nos 314 de M. Auberger et 562 de M. d'Aubert : MM. Philippe Auberger, Hervé Morin, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements identiques nos 313 de M. Auberger et 561 de M. d'Aubert : MM. Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Hervé Morin. - Rejet.

Amendement no 220 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 221 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 219 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 222 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 315 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Adoption de l'article 59 modifié.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3442).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (nos 2250, 2327).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 589 avant l'article 19.

Avant l'article 19

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'intitulé du titre IV : « Titre IV. Amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités criminelles organisées. »

Mme la présidente.

Les amendements no 589 de M. Cochet et no 341 de M. Suchod ne sont pas soutenus.

Article 19

Mme la présidente.

« Art. 19. - I. - Après le 7o de l'article 1er de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 modifiée relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux, sont ajoutés un 8o , un 9o et un 10o ainsi rédigés :

« 8o Aux experts-comptables ;

« 9o Aux représentants légaux et aux directeurs responsables de casinos ;

« 10o Aux personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'oeuvres d'art. »

« II. Le III de l'article 11 de la même loi est ainsi rédigé :

« III. Les personnes mentionnées aux 7o , 8o , 9o et 10o de l'article 1er sont soumises aux dispositions prévues pour les organismes financiers aux articles 4, 6, 8, 9 et

10. » La parole est à M. Léonce Deprez, inscrit sur l'article.

M. Léonce Deprez.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'article 19 vise à étendre à de nouvelles activités et professions le champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Parmi les activités et professions qui peuvent se retrouver devant le risque d'être intégrées dans des opérations de blanchiment, sont mentionnés les représentants légaux et les directeurs responsables de casinos.

Depuis un certain nombre d'années, je m'attache à faire comprendre dans cette assemblée le rôle important que les casinos peuvent et doivent jouer en France dans le développement de l'économie touristique. L'adoption en 1987 de la proposition de loi que j'avais présentée pour permettre l'introduction des slot machines - des machines à sous - dans les casinos a permis à ceux-ci d'évoluer en entreprises modernes et de connaître un essor très important. Les stations touristiques classées où ces casinos sont autorisés assurent désormais leur propre développement et leur équilibre budgétaire grâce aux recettes provenant du produit des jeux. Cela est heureux, tant sur le plan économique que sur le plan social car cela crée des emplois et permet un étalement de l'activité touristique sur les quatre saisons de l'année.

Les grandes métropoles, elles-mêmes, qui contribuent désormais au développement des activités touristiques par l'organisation de congrès, de séminaires, de journées d'études et de salons, accueillent, de par leur pouvoir d'attraction, de plus en plus de touristes et vont à leur tour bénéficier de l'activité des casinos.

Il y a quelques semaines, le grand casino de Lyon a été inauguré sous la présidence du maire de cette ville,

M. Raymond Barre.

Il est donc bon que les casinos soient ajoutés à la liste des activités et professions ne relevant pas du secteur financier dont les représentants légaux doivent respecter les obligations déclaratives imposées par la loi de 1990.

En se retrouvant parmi les professions soumises au respect des règles de la transparence et associées aux mesures de lutte contre le blanchiment, les casinos gagneront en respectabilité.

La commission des lois a pris une heureuse initiative en proposant, dans un amendement, la création d'un comité de liaison réunissant, aux côtés des professions soumises à la loi du 12 juillet 1990, les autorités de contrôle et les services de l'Etat concernés.

J'ai tenu à intervenir dans le débat pour soutenir l'article 19 et l'amendement de la commission des lois dont je viens de parler, qui exprime la volonté nationale de favoriser la transparence dans les circuits de la vie économique.

Nous vivons des évolutions très importantes. L'économie touristique est devenue l'une des bases de l'économie moderne et le sera de plus en plus dans les prochaines


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années, car elle crée du chiffre d'affaires et des emplois.

Par conséquent, il est bon que ces entreprises de casino soient élevées à un niveau de considération et de respectabilité leur permettant de mieux se développer et qu'elles soient soutenues par une politique cohérente d'économie touristique nationale. C'est dans cet esprit que j'interviens. J'ai voulu marquer l'importance de l'insertion des casinos dans la lutte contre le blanchiment.

M. François Goulard.

Excellente intervention !

M. Christian Cuvilliez.

Il ne faut pas exagérer !

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa (8o ) du I de l'article 19. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Cet amendement vise à retirer les experts-comptables de la liste des professions soumises à l'obligation de déclaration de soupçons à Tracfin, dont vient de parler M. Deprez. En effet, des négociations sont en cours au niveau européen, dans le cadre de la réforme de la directive du 10 juin 1991, pour intégrer l'ensemble des professions du chiffre et du droit dans la liste des personnes soumises à l'obligation de déclaration à Tracfin. En attendant le résultat de ces négociations, il a semblé préférable et raisonnable à la commission des lois d'exclure du champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 les experts-comptables qui, comme les autres professions du chiffre et du droit, sont soumis au secret professionnel.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

1.

M. Eric Besson, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, la plupart de mes commentaires seront très brefs, ce matin, pour laisser à mon collègue, André Vallini, le soin de présenter ses avis.

Toutefois j'interviendrai un peu plus longuement sur l'amendement no 1 afin de préciser l'esprit dans lequel la commission des finances l'a accepté.

Madame la ministre, vous l'avez dit à plusieurs reprises, vous êtes très attachée à la lutte contre le blanchiment. Ce texte le prouve, et nous vous en remercions.

Toutefois, nous sommes plusieurs à avoir regretté, en acceptant cet amendement de la commission des lois, que la liste des professions soumises à déclaration soit raccourcie, car nous aurions aimé qu'elle soit au contraire élargie.

Je pense bien entendu aux avocats et aux commissaires aux comptes. Nous avons compris les raisons du Gouvernement : des discussions sont en cours avec ces professions et une directive est en renégociation au niveau européen. Connaissant votre engagement, madame la ministre, nous avons accepté de ne pas allonger la liste et même d'en supprimer les experts-comptables. J'aimerais cependant, que vous nous disiez, dans quel esprit vous allez aborder ces discussions et que vous nous rassuriez en nous assurant que les dispositions que nous acceptons, à savoir le non-élargissement de la liste et le retrait des experts-comptables de cette liste, ne sont que provisoires.

Mon commentaire vaut bien sûr pour l'article suivant.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

1.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, c'est vrai, les professions du chiffre et du droit, de par leurs missions, réalisent des opérations financières et peuvent jouer un rôle très important dans la prévention et la détection du blanchiment. Le Gouvernement souhaite donc les associer à cette lutte. Elles y sont d'ailleurs préparées et sont d'accord. Tout le problème est de savoir comment, et c'est d'ailleurs l'objet de la discussion en cours à Bruxelles.

Concernant les experts comptables, la discussion à Bruxelles paraissant stabilisée, en tout cas ne plus pouvoir évoluer sauf à la marge, le Gouvernement a pensé qu'on pouvait devancer l'accord sur cette directive et inclure, d'ores et déjà, les experts-comptables dans le texte de la loi sur la lutte contre le blanchiment.

Ce n'est pas possible pour les autres professions, et en particulier pour les avocats - lesquels seront de toute façon associés à cette lutte -, parce que nous sommes en train de rechercher, toujours à Bruxelles, le moyen de le faire en tenant compte de la spécificité du secret professionnel auquel ils sont tenus. Dans bon nombre de professions, le secret professionnel doit être respecté, mais la situation des avocats est un peu particulière, pour ceux, en tout cas, qui ont à assurer la défense de clients.

Le Gouvernement a pensé que les experts-comptables pouvaient être dès à présent inclus dans la liste des professions susceptibles à déclarations. La commission des lois et la commission des finances préfèrent, quant à elles, attendre la fin de la discussion sur la directive à Bruxelles.

C'est une position qui peut se concevoir dès lors que celle-ci a pour objet d'associer ces professions à la lutte contre le blanchiment et que, lorsqu'elle sera adoptée, nous la transposerons en droit interne. C'est une question de temps. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Mme la ministre vient de montrer toute l'ambiguïté des différents articles qui nous sont soumis.

Le Gouvernement a décidé, sous la pression sans doute d'un certain nombre de membres de l'Assemblée activistes en ce domaine, de précéder la directive européenne. Je crois que ce n'est pas une bonne solution. Etant déjà un peu ancien dans cette assemblée, je me souviens qu'un ministre du budget, voulant anticiper une baisse de la TVA, avait provoqué d'énormes remous dans la profession concernée.

Les professions du chiffre, comme vous appelez les experts comptables, travaillent dans un cadre de plus en plus international et notamment dans des groupes européens. Il n'y a aucune raison, dans ces conditions, qu'elles aient une méthode de travail en France différente de celle qui prévaut dans les autres pays européens. Il faut donc attendre la fin de la discussion à Bruxelles et l'adoption de la directive par le Conseil des ministres. Il sera toujours temps ensuite de traduire celle-ci dans le droit français. C'est d'ailleurs ce qui avait été fait pour la loi de 1990. Celle-ci résultait aussi de travaux de Bruxelles, mais il n'avait pas été décidé de les anticiper.

Ce serait une mauvaise manière que de le faire car les positions étant encore susceptibles d'évoluer avant l'adoption de la directive, nous risquerions d'être obligés de


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remettre l'affaire sur le chantier, ce qui introduirait un certain trouble dans les professions concernées et nuirait à l'application de la loi.

La position de la commission des lois me semble donc tout à fait sage dans ce domaine.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

J'interviendrai dans le même sens que mon collègue et ami Philippe Auberger. J'ai fait partie en commission des finances de ceux qui ont rejeté cet amendement. Je note d'ailleurs que le Gouvernement préfère attendre l'adoption de la directive européenne.

Lors des discussions que nous avons eues hier, nous avons pu constater que beaucoup de députés souhaitaient que le secret professionnel puisse être levé lors des auditions par les commissions d'enquête. Dans ce texte sur la lutte contre le blanchiment, nous ne pouvons pas exclure de la liste des professions soumises à déclaration deux professions, ô combien honorables au motif qu'elles sont soumises à ce secret professionnel. La prudence et la logique voudraient que nous attendions la fin de la délibération sur le plan européen.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. d'Aubert a présenté un amendement, no 491, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 19 par l'alinéa suivant :

« 11o Aux avocats dans les procédures d'infraction à la législation sur les stupéfiants dans le cadre des articles 222-34 à 222-42 et 450-1 à 450-3 et 460-1 à 460-4 nouveaux. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

J'avais déploré, lors de la discussion générale, que l'on ait introduit dans ce projet de loi plusieurs articles touchant au blanchiment et aux activités criminelles organisées, car cela n'a strictement rien à voir avec l'objet général de ce texte qui est de réguler l'économie et non de traiter de criminalité et de répression de la criminalité. Ce sont là deux objets si différents que l'on ne peut que regretter cette confusion des genres.

Mais revenons à l'amendement no 491. M. François d'Aubert propose d'inscrire les avocats dans la liste des professions concernées par les obligations déclaratives. Il ne faut naturellement pas se méprendre sur les intentions de notre collègue qui n'entend pas viser l'immense majorité de la profession des avocats dont l'honorabilité et la respectabilité ne sauraient naturellement être mises en doute. Mais sa très longue expérience de ces affaires de criminalité financière l'a conduit à constater que certains cabinets juridiques contribuaient, par la mise au point de montages, à l'essor d'activités criminelles. C'est la raison pour laquelle il a souhaité voir ajouter les avocats à la liste figurant à l'article 19.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances a rejeté cet amendement. M. Goulard a bien pris soin d'en donner une explication de texte favorable à M. d'Aubert, mais je me dois de rappeler que nous sommes en désaccord total avec son propos introductif.

A nos yeux, la lutte contre le blanchiment fait bel et bien partie intégrante de la régulation et elle est même appelée à en faire de plus en plus partie à l'avenir. En effet, comment bâtir une société et une économie solides, fonder des règles fiscales et sociales bien établies si en permanence, à l'extérieur ou à l'intérieur de nos frontières, le blanchiment d'argent règne et les déstabilise ? Si M. Goulard s'est attaché à donner de l'amendement de M. d'Aubert une explication de texte favorable, son exposé des motifs n'en est pas moins très précis, puisqu'il parle d'auxiliaires de criminalité organisée. Vous avez bien fait mon cher collègue, d'insister sur l'honorabilité des avocats ! Il pouvait y avoir un doute... Cela dit, j'aurais mauvaise grâce à aller beaucoup plus loin ; j'étais moi aussi de ceux qui pensaient, sans mettre en cause la profession dans son ensemble, que certains avocats, et sur une partie très spécifique de leur activité, participent de fait, on ne peut le nier, au blanchiment d'argent. C'est bien la raison pour laquelle j'ai interpellé tout à l'heure Mme la garde des sceaux en souhaitant qu'à l'avenir cette profession puisse être intégrée dans la liste, et Mme la garde des sceaux a déjà répondu sur ce point.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai indiqué tout à l'heure que l'extension du champ de la déclaration de soupçon aux avocats, à l'instar des autres professions du chiffre et du droit, est actuellement en discussion à Bruxelles dans le cadre de la directive. Toutefois, les modalités de cette association exigent d'être précisées, par le fait même que cette activité, au regard des autres professions du droit, est particulière. En effet, les avocats sont les seuls à exercer un rôle de défense, lequel doit être absolument protégé. Sans secret professionnel absolu dans son rôle de défense, il n'y a pas d'avocat. C'est la raison pour laquelle l'extension aux avocats doit faire la différence entre leur activité de conseil et leur activité de représentation.

M. François Goulard.

Tout à fait d'accord.

Mme la garde des sceaux.

C'est dans ce sens que je travaille, à Paris et à Bruxelles, en concertation d'ailleurs avec le barreau qui souhaite s'associer à la lutte contre le blanchiment, afin que nous puissions parvenir à une définition précise et rigoureuse. Il convient donc d'attendre que les discussions se soient stabilisées si nous voulons une loi française parfaitement conforme à la future directive. Or ce n'est pas encore le cas ; les discussions sont encore insuffisamment fixées pour permettre une transposition immédiate. Au demeurant, il ne pourra être question de limiter cette association au seul blanchiment de l'argent provenant de la drogue. Le blanchiment d'argent provient également d'autres trafics très divers, tout aussi condamnables et inquiétants, à commencer par le trafic d'êtres humains.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 491.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M me la présidente.

L'amendement no 590 de M. Cochet n'est pas défendu.

M. Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 152, ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa du II de l'article 19, après les mots "aux articles 4, 6,", insérer la référence : "7," » La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Il s'agit simplement de renforcer et de préciser le champ des sanctions administratives prévues à l'article 7 de la loi du 12 juillet 1990.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

Mme la garde des sceaux.

Je suis d'accord avec cet amendement qui vient compléter très utilement le projet de loi du Gouvernement en soumettant aux procédures disciplinaires, lorsqu'elles existent, les éventuels manquements aux obligations nées de la loi de 1990, de la part des professionnels nouvellement associés à la lutte antiblanchiment.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 152.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 19, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

Mme la présidente.

« Art. 20. - A l'article 3 de la loi du 12 juillet 1990 précitée :

« I. - Aux 1o et 2o , les mots : "lorsqu'elles paraissent provenir" sont remplacés par les mots : "qui pourraient provenir" et les mots : "de l'activité d'organisations criminelles" sont remplacés par les mots : "d'activités criminelles organisées". »

« II. Il est ajouté un 3o ainsi rédigé :

« 3o Toute opération lorsque l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément à l'article 12 de la présente loi. »

« III. Il est ajouté un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« Un décret pourra étendre l'obligation de déclaration m entionnée au premier alinéa aux opérations pour compte propre ou pour compte de tiers effectuées par les organismes financiers avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont la législation ou la réglementation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Ce décret fixera le montant minimum des opérations soumises à déclaration. »

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 338 et 379.

L'amendement no 338 est présenté par M. Auberger ; l'amendement no 379 est présenté par M. Jégou.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le I de l'article 20. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Le I de l'article 20 entend remplacer un présent par un conditionnel, ce qui est tout à fait anormal : les lois édictent des prescriptions et doivent par conséquent être rédigées au présent, lequel a d'ailleurs le plus souvent une valeur impérative, en aucun cas conditionnelle. Je comprends que la matière soit très délicate, elle touche à la délation et au soupçon - et qu'il faille trouver certains aménagements. Mais la règle n'en est pas moins stricte : la loi doit être rédigée au présent.

Cela a peut-être un peu moins d'importance lorsqu'il s'agit de professions à caractère libéral ou exercées en commun par une, deux ou trois personnes dans le cadre d'un cabinet ; mais il en va tout autrement lorsqu'il s'agit d'organisations relativement importantes - je pense naturellement aux banques, principalement visées par ce dispositif -, bien structurées, avec une hiérarchie, un système de commandement précis. Comment donner au responsable d'une succursale de la Côte d'Azur, par exemple - je prends cette région au hasard, sans aucune intention péjorative, simplement parce que c'est là que se posent souvent des problèmes liés au blanchiment - des instructions au conditionnel ? A l'évidence, ce n'est pas possible. Le présent s'impose si l'on veut que l'intéressé ait des directives précises de sa direction générale et plus particulièrement de la direction chargée des agences, afin qu'il sache parfaitement ce qu'il doit faire, dans quelle circonstance et selon quelles modalités. Faute de quoi, il sera totalement impossible d'appliquer correctement la loi. J'en veux pour preuve un ouvrage sur le blanchiment, justement rédigé par un praticien travaillant dans un établissement bancaire de la Côte d'Azur, qui souligne la grande difficulté pour ses agents d'appliquer correctement la loi. Avec des prescriptions au conditionnel, ils ne pourront plus du tout l'appliquer. A cet égard, cette disposition apparaît totalement contre-productive.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances a considéré que l'adoption de l'amendement de M. Auberg er remettrait en cause les fondements mêmes de l'article 20. Nous sommes attachés à ce conditionnel, pour des raisons dont nous avons largement débattu.

L'exposé sommaire indique : « Il apparaît illusoire de croire que l'amélioration du système passe par un renforcement de la procédure de sanction ». La commission des finances a considéré, exactement à l'inverse, que ce renforcement de la procédure de sanction était indispensable. Voilà pourquoi nous avons refusé cet amendement, tout comme l'amendement no 379, identique, et le commentaire vaudra exactement de la même façon pour l'amendement no 504 que M. Goulard défendra tout à l'heure.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 379.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mon amendement no 379 étant identique à celui de M. Auberger, je ne reprendrai pas ses explications. Mais l'argumentaire de notre rapporteur me paraît tout de même curieux, car il ne répond pas au souci que nous exprimons. Rappelons que le I de l'article 20 propose de remplacer les mots : « paraissent provenir » par : « pourraient provenir » ... Cela aurait mérité un autre commentaire.

Nous avons appris qu'un grand nombre de déclarations de soupçon restaient déjà inexploitées. La modification introduite par l'article 20 ne pourra qu'entraîner des déclarations beaucoup plus nombreuses, qui alourdiront d'autant la charge de travail des organismes chargés de lutter contre le blanchiment et multiplieront le nombre de dossiers non exploités compte tenu des moyens dont ceux-ci disposent.

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je souhaiterais apporter quelques réponses aux arguments présentés par MM. Auberger et Jégou. Le dispositif institué créé en 1990 a maintenant dix ans d'âge et nous pouvons en mesurer les faiblesses.

Les déclarations de soupçons - les chiffres ne prêtent à aucune contestation - proviennent à 80 % des grands établissements bancaires. Or sur les 360 banques et établissements bancaires recensés en France, une grande par-


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tie - les banques étrangères, les banques familiales - ne fait pas ou presque pas de déclarations de soupçon. Et nous nous sommes aperçus encore, ces faits sont indiscutables, que la commission bancaire, chargée d'examiner le comportement en la matière de ces établissements, n'avait engagé qu'un nombre ridiculement faible de procédures de sanctions disciplinaires. La raison en est simple : il n'existe pas de fondements juridiques pour engager une procédure disciplinaire.

Alors que le Gouvernement et la majorité parlementaire proposent plusieurs dispositions de nature à durcir les exigences juridiques pesant sur les banques, voilà que nous entendons, par la voix des honorables parlementaires de l'opposition, l'Association française des banques s'opposer à ce durcissement.

M. François Goulard.

C'est totalement déplacé !

M. Arnaud Montebourg.

Comme je l'ai indiqué hier lors de la discussion générale, on constate un mouvement général, en provenance des Etats-Unis notamment, qui tend à renforcer les obligations pesant sur les établissements bancaires et les intermédiaires financiers. Devonsnous laisser des établissements bancaires, lorsqu'il leur faut choisir entre la rentabilité d'un dossier et des apparences trop floues, systématiquement pencher pour la rentabilité ? Pourquoi ne pas exiger d'eux de prendre en compte la probabilité, c'est-à-dire une exigence plus forte que la seule apparence ? Je ne vois pas pourquoi nous refuserions d'avancer un tant soit peu, de quelques millimètres, vers un durcissement bien nécessaire des obligations pesant sur les établissements bancaires et des procéd ures disciplinaires découlant des éventuels manquements ; il est temps de pousser les banques qui ne jouent pas le jeu - je ne parle pas bien sûr des grands groupes français - à davantage de discipline.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable à ces deux amendements. Je veux moi aussi rappeler que le paragraphe I de l'article 20 du projet de loi est un élément important d'amélioration du dispositif anti-blanchiment. Nous sommes dans la partie prévention, monsieur Auberger : ce dont nous nous occupons, c'est du soupçon. Si l'on avait une certitude, il n'y aurait pas besoin d'une déclaration de soupçon. Voilà pourquoi le conditionnel est parfaitement adapté.

Par ailleurs, la substitution des mots « pourraient provenir » aux mots « paraissent provenir » a pour objet d'alléger la charge de la preuve qui pèse sur les autorités de contrôle pour sanctionner disciplinairement l'omission fautive de déclaration de soupçon. De la même façon, le remplacement des mots : « de l'activité d'organisations criminelles » par les mots : « d'activités criminelles organisées » est de nature à renforcer la lutte contre le blanchiment, dans la mesure où est ainsi visée explicitement la commission d'infraction, sans entraîner l'obligation pour les autorités de poursuite d'établir l'existence d'une organisation criminelle.

Ces observations valent évidemment pour votre amendement, monsieur Jégou. Le problème est bien qu'il y a très peu de dossiers. Le but n'est pas d'alléger le travail de Tracfin, mais de le rendre plus efficace.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 338 et 379.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, MM. Montebourg, Peillon et Darne ont présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de l'article 20 :

« I. Aux 1o et 2o , les mots : "lorsqu'elles paraissent provenir" et "lorsque celles-ci paraissent provenir" sont remplacés par les mots : "qui pourraient provenir", et les mots : "de l'activité d'organisations criminelles" sont remplacés par les mots : "d'activités criminelles ou délictueuses organisées". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

La commission des lois a adopté cet amendement à l'initiative de M. Montebourg. Je vous propose de laisser notre collègue le présenter.

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Cet amendement a en effet été inspiré par les membres de la mission d'information commune anti-blanchiment : Vincent Peillon, son président et Jacky Darne en sont les co-auteurs.

Tout d'abord, nous nous félicitons dans un premier temps de ce que les conditions du déclenchement de l'obligation de déclarer les soupçons pesant sur les intermédiaires financiers et établissements de crédit aient évolué dans ce texte, en passant de tout ce qui pourrait provenir de l'activité d'organisation criminelles à tout ce qui pourrait provenir d'activités criminelles organisées. C'est là un point important. En effet, l'argent sale ne provient pas seulement d'activités d'organisations criminelles : on p eut citer les caisses noires des entreprises, contre lesquelles nous luttons à travers la transposition de la convention OCDE. Bref, il existe de nombreux flux de capitaux issus d'activités gravement illicites sans pour autant provenir d'organisations criminelles. Aussi, en parlant non plus d'activités d'organisations criminelles, mais d'activités criminelles organisées, le projet de loi marque une avancée importante.

Cela dit, nous avons un doute, et c'est la raison de cet amendement, sur l'interprétation que pourraient en faire tant les établissements bancaires et intermédiaires, pour les déclarations de soupçon, que les autorités chargés de faire respecter la discipline en la matière, en ne retenant que le seul critère du crime, que ce soit dans le cadre d'une organisation criminelle ou dans le cadre d'activités criminelles. En effet, il peut s'agir de délits graves, qui, s'ils ne sont pas passibles en France de la cour d'assises, sont quasiment assimilés à des crimes dans d'autres pays et réprimés comme tels. On peut citer, entre autres exemples, le trafic de stupéfiants, qui n'est pas considéré chez nous comme un crime, mais seulement comme un délit, ou encore le cas de la corruption économique ou politique.

Voilà pourquoi nous entendons élargir le champ de la déclaration de soupçon en demandant à la représentation nationale de bien préciser que doivent être prises en compte toutes les activités délictueuses ou criminelles organisées. Ce critère nous paraît plus stable et de nature à éviter toute ambiguïté dans le comportement des établissements bancaires.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Le rapporteur général me souffle, avec insistance, que la commission a rejeté cet amendement. Il a raison, car les propositions de M. Montebourg ont souvent attiré ma sympathie personnelle et je


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pourrais me tromper ! Mais, en l'occurrence, après une longue discussion subtile, que je renonce à décrire ici, il nous a semblé que les activités en cause étaient déjà suffisamment citées et que l'adjectif « délictueuses » n'apportait rien au texte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Une fois n'est pas coutume.

Je suis, moi aussi, en désaccord avec M. Montebourg.

Comme la commission des finances, je ne pense pas qu'il soit opportun de substituer aux mots « activités criminelles organisées » ceux d'« activités criminelles ou délictueuses organisées ».

La déclaration de soupçon ne s'inscrit pas dans un contexte judiciaire. La notion d'activités criminelles organisées doit donc s'entendre comme une notion à finalité opérationnelle destinée à guider les personnes assujetties à l'obligation de déclarer leur soupçon.

Loin de clarifier le débat, l'adjonction des activités délictueuses à la rédaction du projet pourrait conduire les établissements financiers à chercher à qualifier pénalement l'opération suspecte, alors qu'ils n'ont pas vocation à le faire. Il y a donc risque de confusion entre le préventif et le pénal.

Deuxièmement, il ne me paraît pas raisonnable de demander aux établissements financiers de dénoncer tous l es soupçons d'activités délictueuses organisées - y compris ceux qui sont relatifs aux activités les moins graves - qu'ils pourraient avoir à l'encontre de leurs clients. On risquerait de noyer, et donc de paralyser, Tracfin sous le nombre des déclarations parce que, en vertu de la loi, les responsables souhaiteraient se protéger juridiquement.

Il faut, je crois, se concentrer sur les activités criminelles. Ce sont sur celles-là que nous sommes inefficaces. Par conséquent, ce sont sur celles-là que nous devons concentrer nos moyens. Et ce sont celles-là, bien entendu, qui sont très inquiétantes. Les autres relèvent de la délinquance financière, et nous avons des armes pour lutter contre elles.

Un banquier n'a pas à faire une recherche sur l'origine délictuelle des fonds qu'il reçoit. Quand il a des soupçons, il doit tout simplement s'abstenir de prêter son concours.

Je le répète, ne confondons pas préventif et pénal et concentrons-nous sur le criminel. Quant au délictuel, il n'est pas question de le négliger, bien entendu, mais de le traiter par d'autres mécanismes.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je précise, pour compléter les propos du rapporteur, que c'est après avoir interrompu ses travaux une nuit que la commission a pris position résolument contre l'amendement no 3. C'est dire que cette position a été mûrement réfléchie, après un très long débat.

En effet, cet amendement élargit considérablement la zone de soupçon et donc de délation possible. En particulier, il ne permet pas de distinction entre ce qui est du blanchiment d'argent d'origine criminelle et les délits fiscaux organisés. Ainsi une affaire de fausses factures impliquant une organisation de « taxis », délictueuse puisqu'il s'agit de fraude fiscale, entrerait dans le champ de cet amendement.

La frontière entre le blanchiment et les délits fiscaux est extrêmement floue. Au reste - et c'est assez distrayant - je rappelle que le mot « blanchiment » vient de ce qu'Al Capone, à Chicago, dans les années trente, possédait des blanchisseries qui lui permettaient de recycler l'argent d'origine criminelle. Or Al Capone a été mis en prison pour délit fiscal. Dans le passé, c'est d'ailleurs souvent pour des délits fiscaux que l'on a « chopé » les criminels organisés.

Il n'y a donc pas de frontière extrêmement précise et cet amendement tend à entourer plus encore d'un halo ce problème. C'est donc à bon droit que la commission des finances l'a repoussé.

J'aurai également une observation à faire sur le mot

« organisées », mais comme je présenterai un amendement sur ce sujet, je réserve mes explications.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Je crois que l'on commet une erreur d'interprétation sur cet amendement. Il ne s'agit ni d'élargir ni de restreindre le champ des déclarations de soupçon. Il s'agit presque d'un amendement de coordination avec la loi de 1990 sur le blanchiment, laquelle dit expressément que les infractions constitutives de blanchiment peuvent être soit des délits, soit des crimes.

Il ne faut pas que les banquiers aient à s'interroger pour savoir si c'est un délit ou un crime, et à ne dénoncer que des crimes : ils doivent dénoncer, par des déclarations de soupçon, tous les capitaux d'origine criminelle, le terme « criminelle » étant entendu au sens général de crimes et délits.

Il s'agit donc bien d'un amendement d'harmonisation et de précision à l'intention du système bancaire, conformément à la loi de 1990.

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Nous pourrions retirer notre amendement si nous étions assurés que l'interprétation des mots « activités criminelles organisées » par le législateur entraînera bien pour le déclarant - établissements bancaires, intermédiaires financiers et toutes les professions assujetties à la loi de 1990 - l'obligation de comprendre l'origine criminelle ou douteuse des fonds qui circuleraient entre leurs mains comme provenant de crimes ou de délits. Il ne s'agit pas, dans l'esprit des auteurs de cet amendement, d'utiliser les dispositions de la loi de 1990, et je suis très ferme sur ce point, dans le but de désigner ou de réprimer de façon préventive d'éventuelles activités d'évasion fiscale. A aucun moment, nous ne lui avons donné cette signification.

Jacky Darne le disait à l'instant, ce qui est important pour nous, c'est qu'il soit dit dans ces débats que les mots « activités criminelles organisées » signifient au sens sociologique du terme, tout ce qui provient d'activités délictueuses graves. Il n'est pas question, en effet, d'imposer aux banques, aux intermédiaires financiers, un travail de qualification pénale.

Si on nous confirme cela, nous ne serons pas marris de retirer notre amendement.

La preuve par l'exemple est toujours saisissante. Lorsqu'un établissement bancaire nous explique que l'une de ses filiales a reçu d'un compte chypriote pour un compte d'une société offshore, à l'évidence gérée par des ressortissants de nationalité russe, un virement de 100 millions de dollars - 100 millions de dollars ! - pour une personne privée - pas une entreprise ! - il est évident qu'elle n'est pas en mesure de savoir s'il s'agit du fruit d'une contravention ou d'un crime grave. Personne ne peut le savoir.

Cependant, on est en droit d'exiger de l'établissement


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bancaire en question de s'interroger et de ne pas jouer les Tartuffe en s'abritant derrière le fait que, peut-être, cela ne provient que d'un petit délit. Et Dieu sait s'il s'en commet dans cette République, de l'autre côté de l'Oural, qui a évolué si vite ces dernières années !

Mme la présidente.

Si je comprends bien...

M. Arnaud Montebourg.

Je retire mon amendement...

Mme la présidente.

... si « activités criminelles » est entendu au sens générique.

M. Arnaud Montebourg.

Au sens sociologique !

Mme la présidente.

L'amendement no 3 est retiré.

MM. Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 504, ainsi rédigé :

« Dans le I de l'article 20, supprimer les mots : "les mots : « lorsqu'elles paraissent provenir », sont remplacés par les mots : « qui pourraient provenir et ».". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Avec l'amendement no 504 nous revenons sur le même sujet.

M. Montebourg n'a pas le monopole de la vertu. Nous sommes tous aussi attachés les uns que les autres à lutter contre le blanchiment et contre la criminalité organisée.

La question qui est posée est d'ordre pratique. Mme la ministre a raison, un excès de déclarations à Tracfin tue l'intérêt de ces déclarations, car elle rend totalement inopérante leur exploitation.

M. Léonce Deprez.

Parfaitement !

M. François Goulard.

Remplacer « paraîssent provenir » par « qui pourraient provenir » élargit considérablement le champ de l'obligation de déclaration en le rendant extrêmement imprécis.

M. Auberger a très bien décrit la manière dont se font ces déclarations de soupçon auprès de la cellule Tracfin.

M. Montebourg prétendait, à l'instant, que les grandes banques n'étaient pas en cause, et que ce n'était d'ailleurs pas elles qui étaient touchées par ces phénomènes de criminalité mais bien plutôt des banques étrangères ou des banques familiales. Les banques familiales sont aussi honorables que les autres. Comme il y en a fort peu, il n'est pas étonnant qu'il en émane très peu de déclarations. Les banques étrangères ne sont pas plus touchées par la criminalité. C'est même exactement le contraire.

Si vous connaissiez mieux la réalité bancaire, monsieur Montebourg, vous sauriez que les délinquants et les criminels sont très attirés par les grands réseaux, beaucoup plus perméables en raison de leur taille. Savez-vous que, pour la criminalité, le meilleur réseau de pénétration, c'est La Poste, qui est beaucoup moins bien protégée que les autres réseaux bancaires contre ces intrusions pour diverses raisons techniques sur lesquelles je ne m'étendrai pas ? Dans les grands réseaux bancaires, toutes les agences sont des points d'entrée pour de telles opérations.

La difficulté pour ces grandes banques est de donner des consignes à l'ensemble de leurs salariés, afin que l'esprit et la lettre de la loi soient respectés. En rendant le texte de la loi imprécis à un point que je trouve considérable, on rendra extrêmement difficile la collaboration des banques françaises à la lutte contre la criminalité organisée et contre le blanchiment à laquelle pourtant elles sont déterminées.

Vous ne mesurez pas la portée pratique des dispositions que vous nous proposez d'adopter.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Je serai bref car j'ai déjà fait ces commentaires tout à l'heure.

Monsieur Jégou, j'accepte vos reproches : j'ai, en effet, été très synthétique. Mais j'ai l'intention de l'être toute la matinée pour permettre l'avancement de nos travaux, d'autant que nous avons eu en commission un long débat sur ces points.

Monsieur Goulard, il s'agit, vous le savez, de permettre l'allégement de la charge de la preuve, Mme la garde des sceaux l'a très bien expliqué tout à l'heure. Sachez, par ailleurs, que La Poste est déjà soumise à l'obligation de déclaration de soupçon. Donc avis négatif.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Négatif, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 504.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Auberger a présenté un amendement, no 336, ainsi rédigé :

« A la fin du I de l'article 20, supprimer le mot : "organisées". »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Permettez-moi une observation pour éclairer notre discussion.

Les termes de cet article 20 doivent être très soigneusement pesés pour deux raisons : d'abord parce qu'ils peuvent justifier des sanctions à l'encontre des établissements bancaires qui viendraient à faillir à leurs obligations et, par voie de conséquence, de leurs agents.

M. Montebourg, entre autres, donne l'impression d'ignorer la réalité. Mais elle est bien celle que j'ai décrite et que François Goulard a reprise, à savoir que cette législation doit être appliquée d'abord par le plus grand nombre, c'est-à-dire par des agents d'organisations relativement nombreuses et que les règles d'application doivent être à la fois strictes et homogènes. L'application de la loi est très différente dans les petites unités où les ordres peuvent être transmis verbalement, alors que cela exige des circulaires et des instructions écrites dans les grands réseaux qui ont une organisation pyramidale un peu calquée à certains égards sur l'organisation militaire.

Que les établissements encourent des sanctions va rejaillir, naturellement, sur leurs agents qui pourront, eux, être sanctionnés, à bon droit, par leur direction générale s'ils ont failli aux instructions. Donc, il faut qu'ils sachent exactement dans quel contexte ils se placent. Voilà pourquoi, je le répète, les termes doivent être bien pesés.

Il est un autre risque qu'il ne faut pas sous-estimer, celui d'une déclaration faite à tort. Quoi qu'on en dise, il s'agit là d'une forme de délation. Il se peut très bien qu'un agent bancaire, pour « ouvrir le parapluie », fasse des déclarations inutiles ou manifestement superfétatoires.

Il peut s'ensuivre un préjudice car si la cellule Tracfin lance une enquête, le client en sera averti...

M. Arnaud Montebourg.

Pas du tout !

M. Philippe Auberger.

... et, ayant perdu confiance en sa banque, changera d'établissement. Il y a là un risque commercial important. Il faut savoir l'évaluer.

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l'introduction dans la loi du mot « organisées ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

Ce sont bien, c'est vrai, des organisations criminelles, qui sont en cause, en tout cas forcément plusieurs personnes agissant de concert. Mais l'agent de banque est-il en mesure de mener une enquête pour savoir s'il y a une organisation derrière telle opération, arrivée ou départ de fonds d'origine douteuse ? Je ne le pense pas. Mieux vaut, par conséquent, élargir le champ, en rendant la rédaction un peu plus imprécise, c'est vrai.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

M. Auberger imprime un mouvement de balancier assez subtil à ses prises de position, disant une chose et son contraire, selon les amendements...

Le caractère organisé est un indice qui facilite la décision des organismes financiers d'effectuer une déclaration de soupçon. Mme la ministre a bien expliqué que nous cherchions à viser la grande criminalité. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis défavorable sur l'amendement no 336.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable à cet amendement parce que le caractère organisé des activités criminelles est un critère qui est souvent décelable par les organismes financiers et que, si on acceptait cet amendement, on retirerait un critère essentiel sur lequel, justement, les organismes financiers peuvent établir leur suspicion.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 336.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M me la présidente.

L'amendement no 342 de M. Suchod n'est pas défendu.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 337, 380 et 505.

L'amendement no 337 est présenté par M. Auberger et M. Chabert ; l'amendement no 380 est présenté par

M. Jégou ; l'amendement no 505 est présenté par MM. Goulard, Gantier et Laffineur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le II de l'article 20. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 337.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement rejoint les précédents. Même si le rapporteur a parfois un peu de mal à suivre, la pensée directrice reste la même : pour que la législation soit véritablement appliquée, il faut qu'elle puisse l'être par un agent bancaire de base ce mot n'a aucune connotation péjorative dans une petite agence.

Or, celui-ci n'est pas omniscient, il n'est pas forcément titulaire d'une maîtrise de droit ou de sciences économiques et n'est pas obligatoirement passé par l'institut supérieur de banque. Dans ces conditions, c'est avec les moyens qu'il a à sa disposition qu'il doit essayer d'appliquer les instructions qui lui ont été données. Or, on exige de lui qu'il vérifie « l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire » de l'opération. Mais, bien souvent, il n'est pas en mesure de le faire, notamment lorsque celle-ci vient de l'étranger ou part vers l'étranger. Ce qu'il peut vérifier c'est si l'établissement d'origine, ou le destinataire, est un établissement bancaire connu. Cela, oui, il peut le faire, parce qu'il a tous les éléments pour cela. En revanche, vérifier l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire, cela lui est impossible.

Par conséquent, maintenir la disposition prévue au II de l'article 20, c'est inscrire volontairement dans la loi une disposition dont l'application ne peut pas être assurée. Je pense que ce n'est pas une bonne façon d'envisager la loi.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 380.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je crois que dans cet hémicycle, nous sommes tous d'accord sur la finalité : nous voulons lutter contre le blanchiment de capitaux.

Je suis surpris de certains arguments avancés par M. le rapporteur. Il disait tout à l'heure, en parlant de notre collègue Auberger, qu'il avait une subtile position de balancement.

M. François Goulard.

Il n'est pas interdit d'être subtil !

M. Jean-Jacques Jégou.

En effet, il n'est pas interdit d'être subtil, d'une part. Et d'autre part, il arrive aussi à notre rapporteur, en fonction de la nature des amendements, qu'ils proviennent de la majorité ou de l'opposition, d'avoir aussi un jugement balancé.

J'entendais il y a quelques instants notre collègue Montebourg expliquer que nos grandes banques françaises n'étaient pas en cause, qu'elles effectuaient bien les déclarations de soupçon. Or, en fait, dans ce paragraphe II de l'article 20, on leur demande bien, peu ou prou, comme l'a parfaitement montré Philippe Auberger, de procéder à une enquête qu'elles n'ont pas les moyens de faire. Si elles ont l'obligation de se renseigner sur l'identité de leurs clients, elles n'ont pas la possibilité qu'ont les autorités policières, ou judiciaires pour transmettre un dossier à Tracfin, qui doit alors donner suite et avoir les moyens de déclencher les poursuites.

Je vous rappelle d'ailleurs, madame la ministre, qu'au sein même de l'Union européenne, parmi les pays qui participent à Tracfin, il existe un pays que nous aurons peut-être l'occasion de préciser tout à l'heure, où il est possible d'ouvrir un compte sous le nom de M. Mickey Mouse, c'est-à-dire en fait un compte anonyme.

On ne peut pas demander à nos banques françaises de faire des enquêtes alors qu'elles peuvent avoir des apports de fonds provenant d'établissements étrangers et notamment de ce pays, que M. Montebourg connaît qui ne fournissent par l'identité réelle du délinquant potentiel.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard, pour défendre l'amendement no 505.

M. François Goulard.

On a parfois le sentiment que, pour certains de nos collègues, une opération bancaire, c'est une opération qui amène les cadres de l'établissement concerné à s'interroger longuement sur sa nature, sur son origine, sur son destinataire et à peser le pour et le contre du caractère éventuellement délictueux, criminel de la transaction qui provoque le mouvement financier en question. Au risque de vous décevoir, je vous dirai que les choses, dans la réalité, ne se passent pas exactement comme cela.

Il se trouve que nous vivons à l'ère de l'informatique, des télécommunications. Enormément d'opérations financières, pour ne pas dire toutes, transitent par cette voie.

Vous le saviez sans doute, mais vous n'avez probablement pas mesuré ce que cela impliquait pour les opérations de contrôle auxquelles vous invitez les banques.

Prenez l'activité de banque de correspondant. Quelle connaissance une banque qui est correspondant d'un autre établissement bancaire a-t-elle des clients pour lesquels elle opère des transactions ? Strictement aucune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

On est, certes, parfaitement fondé à demander aux banques de connaître leurs clients. C'est naturel, et c'est d'ailleurs dans le droit français, qui fait par exemple obligation aux banques françaises de vérifier l'identité de celui qui ouvre un compte chez elles, obligation à laquelle elles se soumettent. A ce propos, je parlais tout à l'heure de La Poste, pour dire qu'elle était souvent choisie par des gens qui ont des intentions douteuses. La raison en est assez simple. A La Poste, vous pouvez ouvrir un livret, qui n'est pas un compte, et l'obligation de vérification de l'identité n'est pas la même. Ne serait-ce que parce que n'ayant pas de chéquier, vous n'avez pas la réception par recommandé du chéquier.

M. Arnaud Montebourg.

Il n'y a pas d'exemple ! Il n'y a pas d'exemple connu !

M. François Goulard.

Bien sûr. M. Montebourg sait tout mieux que personne, mais il arrive très fréquemment que, pour des opérations de petite criminalité - mais qui peuvent toucher le trafic de stupéfiants -, on choisisse La Poste pour ces raisons strictement techniques,...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Ce n'est pas sérieux !

M. François Goulard.

... parce qu'il est beaucoup plus simple de truquer son identité...

M. Arnaud Montebourg.

Il ne s'agit pas de cela !

M. François Goulard.

... quand on ouvre un livret à La Poste que lorsqu'on ouvre un compte dans une banque. Cela fait partie de la réalité de tous les jours.

M. Arnaud Montebourg.

Avec la privatisation, ce sera mieux !

M. François Goulard.

Bref, autant il est normal, et cela est très largement le cas, de vérifier très sérieusement l'identité des clients dans les banques françaises, autant il est inepte de penser que les banques ont un quelconque moyen de connaître l'identité réelle, et l'activité réelle, des opérateurs économiques pour lesquels des transactions transitent par leurs livres.

Au demeurant, pour ceux qui redouteraient la sévérité de la loi française, il est extrêmement simple de transiter par un établissement bancaire d'un autre pays de l'Union européenne, qui, par principe, échappe à tout soupçon - nous sommes au sein de l'Europe - et qui, lui, n'opère strictement aucun contrôle.

Dans ce paragraphe II, on se fait donc de sérieuses illusions sur la capacité des banques à contrôler l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire de la très grande majorité des transactions, notamment pour des raisons liées aux techniques employées aujourd'hui pour les réaliser.

M. Philippe Auberger.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Je suis bien évidemment en désaccord complet avec toute la dernière partie de l'argumentation de M. Goulard. Plus globalement, pour ce qui est des arguments avancés par M. Auberger, par M. Jégou et par lui-même, il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté : on parle de l'obligation de vigilance telle qu'elle est déjà définie dans la loi de 1990. Ce paragraphe II ne prévoit pas d'imposer aux banques des investigations supplémentaires, mais simplement l'obligation de transmettre à Tracfin les opérations dont l'identité du bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences déjà réalisées.

Par ailleurs, vous savez que la commission des finances a souhaité renforcer le contenu du paragraphe II en adoptant l'amendement no 2 corrigé de la commission des lois.

Donc, avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme la garde des sceaux.

J'émets aussi un avis défavorable sur les trois amendements. En effet, le paragraphe II de l'article 20 est un élément essentiel du renf orcement du dispositif français de détection des opérations financières suspectes. D'ailleurs, cette disposit ion vise clairement les personnes mentionnées à l'article 12 de la loi de 1990, que les organismes financiers doivent chercher à identifier. L'objectif est bien d'identifier les transactions qui sont faites au moyen de comptes à numéro anonyme ou avec des sociétés écrans anonymes. Nous demandons aux banques de chercher à identifier ces transactions.

M. Goulard était d'accord avec moi, tout à l'heure, pour considérer qu'il fallait nous concentrer sur les véritables activités criminelles. Je ne crois pas qu'on puisse laisser imaginer que le livret A de La Poste est le véhicule principal du blanchiment de l'argent sale provenant d'activités criminelles organisées !

M. François Goulard.

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je serai très bref, mais on ne peut pas non plus tout laisser dire. Je voudrais répondre avec courtoisie mais avec fermeté à M. Jégou et surtout à M. Goulard. Tout le mouvement de lutte contre le blanchiment tient dans la lutte contre l'anonymat. Il y a une sorte de bras de fer entre le désir de transparence et la construction d'un anonymat de plus en plus étanche. La loi de 1990, sur ce sujet, n'a pas rempli toutes les promesses du législateur. Tous les pays qui réarment leur législation travaillent en ce sens. Voyez par exemple la loi qui a été déposée au Congrès américain. C'est là un po int très important : l'une des premières puissances financières, commerciales, économiques du monde décide la même politique que celle qui nous est ici proposée.

M. François Goulard.

C'est un peu exagéré !

M. Arnaud Montebourg.

La loi HR 3886 qui est examinée en ce moment même au Congrès américain exige des établissements bancaires l'individualisation des transactions...

M. François Goulard.

Et alors ?

M. Arnaud Montebourg.

... et exige de chacun de ces intermédiaires financiers un rapport sur les opérations bancaires, avec des territoires dits « non coopératifs », les mêmes que ceux sur lesquels nous allons débattre dans un instant, afin que l'identité réelle de ceux qui se cachent derrière ces opérations soit connue.

M. François Goulard.

Mais ce n'est pas ce qui est dans le texte du paragraphe II !

M. Arnaud Montebourg.

Ce que les Américains exigent de leurs banques, nous ne pourrions pas, nous - petit pays européen, n'est-ce pas - l'exiger des nôtres ? Cela n'a pas de sens. M. Madelin a su citer dans son discours de question préalable, MM. Schroeder et Blair. Il aurait pu se référer à la position de l'administration de M. Clinton, et il aurait vu que nous sommes sur la même longueur d'onde. Nous menons le même combat des deux côtés de l'Atlantique, et j'en suis très heureux.


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M. François Goulard.

Nous ne parlons pas du même sujet ! Il ne s'agit pas ici de paradis off shore, mais de l'ensemble des pays avec lesquels nous avons des transactions.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 337, 380 et 505.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, MM. Montebourg, Peillon et Darne ont présenté un amendement, no 2 corrigé, ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le II de l'article 20 :

« II. - Il est ajouté quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les organismes financiers sont également tenus de déclarer à ce service :

« 1o Toute opération dont l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les dilligences effectuées conformément à l'article 12.

« 2o Les opérations pour compte propre ou pour compte de tiers, supérieures à un montant fixé par décret, qu'ils effectuent avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont la législation ou la réglementation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent. »

« 3o Les opérations effectuées par les organismes financiers pour compte propre ou pour compte de tiers avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, agissant sous forme ou pour le compte de fonds fiduciaires ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation dont l'identité des constituants ou des bénéficiaires n'est pas connue. »

« II. - En conséquence, supprimer le III de cet article. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 691, ainsi rédigé :

« I. Supprimer l'avant-dernier alinéa (2o ) du I de l'amendement no 2 corrigé.

« II. En conséquence, supprimer le II de cet amendement. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no 2 corrigé.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Cet amendement, adopté par la commission des lois, l'a aussi été par la commission des finances, M. Besson aura l'occasion de le dire tout à l'heure. Il a une double portée. Une portée rédactionnelle, d'abord, puisqu'il clarifie le texte du Gouvernement, qui pouvait faire naître une confusion sur l'identité des personnes tenues d'informer Tracfin des opérations dans lesquelles l'identité du donneur d'ordre est douteuse.

Mais, il a surtout une portée de fond, et ce sur deux points.

Premièrement, il vise à accentuer le caractère impératif d'une disposition qui ne faisait qu'autoriser le Gouvernement à imposer aux banques de déclarer à Tracfin les opérations qu'elles réalisent avec les personnes établies dans un Etat désigné comme non coopératif par le GAFI, ou utilisant ses services.

Deuxièmement, il vise à élargir le champ de la déclaration de soupçon aux opérations réalisées avec des personnes agissant à travers des fonds fiduciaires ou tout autre entité juridique destinée en fait à masquer leur identité réelle.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission saisie au fond ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances a adopté cet amendement de la commission des lois, essentiellement en raison de l'intérêt que présente le 3o , qui propose d'étendre l'obligation de la déclaration de soupçon aux opérations impliquant des fonds fiduciaires.

La commission des finances a estimé que c'était effectivement nécessaire et intéressant.

Avec votre autorisation, madame la présidente, j'indique, s'agissant du sous-amendement no 691 du Gouvernement, que nous avons la préoccupation de laisser au Gouvernement une marge de manoeuvre pour l'application de l'obligation de la déclaration systématique à partir d'un certain montant, des opérations réalisées avec les centres financiers off shore.

Si les collègues auteurs de l'amendement en sont d'accord, nous pourrions donc adopter la disposition principale qu'ils proposent, celle relative aux opérations impliquant des fonds fiduciaires, et laisser, d'autre part, cette marge de manoeuvre au Gouvernement.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 2 corrigé et présenter le sous-amendement no 691.

Mme la garde des sceaux.

Je commencerai en effet par donner mon avis sur l'amendement de la commission des lois, puisque le sous-amendement ne peut se comprendre qu'au regard de cet amendement.

Celui-ci prévoit d'abord l'extension du signalement à Tracfin des transactions avec les fiducies et les trusts anonymes. Le Gouvernement est évidemment favorable à cette disposition.

Cet amendement modifie également la rédaction de l'article en ce qui concerne le signalement des transactions avec les paradis financiers inscrits sur la liste du GAFI, en renvoyant simplement, pour la mise en oeuvre de cette mesure, à un décret fixant le montant minimal des transactions signalées. La rédaction du Gouvernement prévoyait un décret plus général d'entrée en vigueur du dispositif. Si la commission des lois et le Gouvernement ont donc exactement le même objectif dans les deux cas nous voyons qu'il nous faudra un décret , le Gouvernement estime que sa rédaction est plus adaptée à une mise en oeuvre coordonnée avec nos partenaires du GAFI de cette mesure de surveillance des paradis financiers.

Nous sommes donc favorable aux 1o et 3o de l'amendement, mais pas au 2o . Sur ce point, nous souhaiterions revenir à la rédaction initiale du Gouvernement. Tel est le sens du sous-amendement no 691.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je trouve qu'il y a une certaine improvisation dans l'écriture de textes qui sont extrêmement délicats.

Je m'exprime sur l'amendement no 2 corrigé et non pas sur le sous-amendement présenté par Mme la ministre. Je ferai d'abord remarquer que cet amendement renvoie, dans son 2e , à des décisions qui seront prises par « l'instance internationale de concertation et de coordination en


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matière de lutte contre le blanchiment de l'argent ». Le fait que la loi française puisse évoluer en fonction de décisions d'une instance internationale, sans autre forme de transposition, sans autre forme de procès, constitue une curiosité juridique ! Ensuite, la rédaction du 3o utilise des termes qui sont, volontairement, du moins je le suppose, très généraux, comme « opérations effectuées ». Une opération, ce peut être, par exemple, un simple virement. Comment voulezvous qu'une banque française connaisse la nature juridique du destinataire d'un virement dans une banque étrangère ? Doit-on désormais, dans votre esprit, pour chaque opération bancaire, demander à l'établissement correspondant d'adresser à la banque française un rapport détaillé la copie des statuts qui permettra de se faire une idée précise de la nature juridique de l'organisme bénéficiaire ? Poser cette question, c'est montrer le profond irréalisme de la disposition que vous proposez par cet amendement. Même si on comprend très bien vos intentions, elle sera, dans la rédaction que vous avez adoptée, totalement inapplicable.

J'ajoute enfin que, sachant que certains de nos partenaires de l'Union européenne favorisent le développement de fiducies, de structures que vous visez dans le 3o , il faudrait à tout le moins qu'il y ait un minimum de concertation avec nos partenaires européens.

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Madame la présidente, je ne vais pas répondre directement aux objections de M. Goulard, car tout cela a été évoqué dans la discussion générale.

Nous sommes d'accord, Gouvernement et majorité, sur cette extension du champ de la déclaration de soupçon.

Ce point est très positif. Il correspond aux efforts que font tous les pays soucieux de la lutte contre le blanchiment, qu'il s'agisse des grands pays européens, des EtatsUnis, que j'évoquais tout à l'heure, ou encore d'autres pays qui veulent entrer dans ce mouvement. Il ne s'agit donc pas ici d'une initiative isolée. Elle s'inscrit dans un mouvement convergent, dans lequel la France prend une place importante et majeure. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Il y a une petite divergence entre le Gouvernement et la majorité sur la question de savoir qui désignera la liste des pays non coopératifs sur lesquels nous allons imposer et infliger des déclarations de soupçon systématiques.

Le GAFI vous voyez que nous ne sommes pas seuls, monsieur Goulard, puisque cet organisme regroupe vingtsix pays membres de l'OCDE parmi les plus riches du monde a retenu vingt-trois critères pour établir une liste des territoires délinquants. La question est de savoir si le GAFI va inspirer la liste que nous, Français, allons arrêter ou si le Gouvernement va préserver sa marge de manoeuvre.

Pour notre part, nous estimons que le Gouvernement a trop de liens particuliers avec un certain nombre de pays, notamment membres de l'Union européenne. Je pense non seulement au Luxembourg, mais aussi au RoyaumeUni avec qui il faudra bien, un jour, que nous ayons des discussions courtoises mais directes à ce sujet.

F aut-il laisser au Gouvernement une marge de manoeuvre sur laquelle il pourrait jouer ? Nous n'en sommes pas si sûrs.

M. François Goulard.

C'est une déclaration de soupçon !

M. Arnaud Montebourg.

Finalement, nous pensons que les négociations internationales qui ont lieu au sein du GAFI sont empreintes d'une grande sagesse et donc que les décisions prises par cet organisme doivent se retrouver dans le décret que le Gouvernement sera amené à prendre pour permettre l'application du texte.

M. François Goulard.

On ne se méfie jamais assez !

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 691.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 2 corrigé, modifié par le sous-amendement no 691.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements nos 339, 381 et 506, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 339, présenté par M. Auberger et M. Chabert, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du III de l'article 20 :

« Ce décret fixera le montant minimum des opérations soumises à déclaration ; il entrera en vigueur à une date fixée par la loi qui approuvera la liste des

Etats et territoires visés ci-dessus, telle qu'arrêtée par l'instance internationale, laquelle date sera identique pour l'ensemble des Etats membres de cette instance. »

L'amendement no 381, présenté par M. Jégou, est ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du dernier alinéa du III de l'article 20 par les mots : ", il entrera en vigueur à une date fixée par la loi qui approuvera la liste des Etats et territoires visés ci-dessus, telle qu'arrêtée par l'instance internationale, date qui sera identique pour l'ensemble des Etats membres de cette instance". »

L'amendement no 506, présenté par M. Gantier et M. Laffineur, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du III de l'article 20 par les phrases suivantes : ", il entrera en vigueur à une date fixée par la loi. L'approbation de la liste des Etats et territoires visés ci-dessus, telle qu'arrêtée par l'instance internationale, est du ressort de la loi.

La date choisie sera identique pour l'ensemble des

Etats membres de cette instance". » La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 339.

M. Philippe Auberger.

Je tiens à préciser d'emblée que mon groupe et moi-même sommes totalement d'accord avec le Gouvernement et sa majorité pour assurer une meilleure surveillance des opérations qui proviennent ou qui vont vers les centres off shore

Du reste, j'ai moi-même rappelé dans la discussion générale que la commission bancaire avait manqué de vigilance à l'égard d'une filiale d'une banque française à Jersey, par laquelle, semble-t-il, auraient transité des milliards en provenance du Fonds monétaire international, pratique que j'estime inadmissible.

M. Jean-Paul Charié.

Très juste !

M. Philippe Auberger.

Cela dit, il ne s'agit pas de faire n'importe quoi sur le plan juridique. Or, après M. Goulard, j'ai le regret de dire à mes collègues - notamment à ceux de la commission des lois - que ce serait vraiment


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une novation inadmissible que de permettre à un groupe, quelle que soit sa constitution, et même s'il représente les vingt-six pays les plus riches du monde, d'imposer l'ordre juridique dans notre pays.

Seule la loi, seul le Parlement peuvent fixer la liste des centres off shore , arrêter la liste de ces pays qui sont considérés comme devant être l'objet d'une surveillance particulière. On a suffisamment répété, il y a deux jours, qu'il fallait redonner toute sa prérogative au politique, pour ne pas laisser, aujourd'hui, un groupe de négociateurs, représentants les différents gouvernements, fixer cette liste.

M. Arnaud Montebourg.

Le vote précédent vous donne satisfaction, monsieur Auberger !

M. Philippe Auberger.

Je demande donc que le Parlement soit instruit de cette affaire. On ne peut pas donner une délégation par décret. Cela me semble incompatible avec notre ordre juridique.

Un second élément me paraît important : je suis d'accord pour que la France applique, dans des délais normaux, comme elle l'a toujours fait d'ailleurs, les prescriptions ou les souhaits du GAFI, mais il me semblerait, en revanche, anormal qu'elle soit précurseur en ce domaine, sans avoir aucune garantie sur l'exacte application de ces prescriptions par les autres pays.

Avant de nous prononcer, nous devons avoir plus d'informations sur le calendrier qu'appliqueront les autres pays. Et ce ne sera qu'à l'occasion d'une discussion au Parlement qu'il sera possible de demander, à bon droit, que les prescriptions du GAFI soient introduites dans notre droit, et qu'il y ait une surveillance effective et sérieuse de l'activité en provenance ou à destination des centres off shore , ce qui, effectivement, n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour défendre l'amendement no 381.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il ne faut pas confondre les meilleures intentions du monde et la réalité.

Ainsi que nous l'avons les uns et les autres indiqué dans la discussion générale, nous souhaitons tous lutter contre les centres off shore par lesquels transite énormément d'argent sale. Pour autant, comme je l'ai déjà dit, les bonnes intentions ne doivent pas nous conduire à ne pas voir ce qui se passe dans certains pays membres du GAFI.

M. Montebourg semble avoir une confiance aveugle dans ces vingt-six pays, les plus riches du monde qui appartiennent à l'OCDE. Toutefois, parmi eux, il y en a, et il le sait, qui ne sont pas aussi blancs que blanc, comme on dit. Je connais un pays européen membre du GAFI...

M. Philippe Auberger.

La Suisse ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Non, c'est pire que la Suisse, car, dans le pays en question, on peut ouvrir un compte anonyme, alors que, en Suisse, on connaît l'identité des détenteurs des comptes numérotés.

B ien entendu, certains peuvent faire amende honorable.

Cela dit, monsieur Montebourg, nous pourrions dire des choses sur certains pays, y compris des pays dans lesquels vous vous êtes produit, si j'ose dire,...

M. François Goulard.

« Produit » est bien le terme qui convient.

M. Jean-Jacques Jégou.

... dans des conditions parfois un peu inélégantes.

M. Arnaud Montebourg.

La lutte contre le blanchiment n'a rien à voir avec la dégustation de petits fours ! Parlons du fond.

M. Jean-Jacques Jégou.

N'étant pas parisien, je ne suis pas plus habitué que vous aux petits fours. Cela dit, il y a aussi les bonnes manières, et vous n'en avez pas toujours eues à l'égard de certains pays amis de la France.

M. Arnaud Montebourg.

Vous n'allez tout de même pas me donner des leçons de savoir-vivre !

M. Jean-Jacques Jégou.

Certes, mais, puisque vous me parlez de petits fours, je vous parle un peu de savoirvivre.

M. Arnaud Montebourg.

Madame la présidente, c'est un fait personnel !

M me la présidente.

Monsieur Montebourg, seul

M. Jean-Jacques Jégou a la parole.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur Montebourg, ne vous faites pas plus méchant que vous ne l'êtes ! Bref, pour en revenir au fond, nous pourrions dire un certain nombre de choses sur des pays membres du GAFI.

Par cet amendement, nous souhaitons que le décret prévoyant l'extension de l'obligation de déclaration de soupçon que devra prendre le Gouvernement ne puisse entrer en vigueur que quand tous les Etats membres du GAFI auront pris les mêmes mesures ! Il faut que tout le monde soit clair ; or reconnaissez, monsieur Montebourg, que ce n'est pas le cas pour tout le monde.

M. Arnaud Montebourg.

Je le reconnais bien volontiers !

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 506.

M. François Goulard.

S'agissant de cette liste de pays mis à l'index par les vingt-six pays chers à M. Montebourg, la vérité oblige à dire qu'il y a une certaine hypocrisie.

En effet, comme cela vient d'être souligné, parmi les pays membres de l'OCDE et membres de l'Union européenne appartenant au GAFI, il y en a qui ont des pratiques qui ne sont pas exemplaires en matière de lutte contre le blanchiment.

Par ailleurs, on note que, dans les pays signalés comme étant des paradis fiscaux ou des paradis off shore , les pratiques critiquables peuvent être de nature fort différente.

J'ajoute, enfin, que la vertu prêtée par notre collègue Montebourg aux Etats-Unis peut parfois cacher le souci de favoriser les intérêts d'établissements financiers de certains Etats des Etats-Unis, qui ne sont pas non plus exempts de tout reproche en matière de rigueur dans la lutte contre le blanchiment et la criminalité organisée.

De grâce, ne mettons pas d'un côté les bons, les vertueux, et de l'autre les diaboliques. La réalité financière de ce monde est beaucoup plus complexe, et ce serait s'acheter un brevet de vertu à fort bon compte que de prétendre que nous avons tout réglé en adoptant un texte comme celui-ci.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Les trois amendements sont motivés par la crainte de voir la France décider unilatéralement d'une obligation systématique de déclaration.

C'est un débat que nous avons eu à l'amendement précédent et on a pu constater que nous avons le souci de laisser une marge de manoeuvre au Gouvernement.


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Par ailleurs, Arnaud Montebourg a fort bien dit que la France n'était pas isolée sur ce point. Je rappelle à nos collègues que le GAFI réunit aujourd'hui vingt-six gouvernements et deux organisations régionales : la Commission européenne et le Conseil de coopération des pays du Golfe. De plus, M. Montebourg a bien expliqué quel est le contenu des discussions qui ont lieu actuellement devant le Congrès américain.

Par conséquent, je crois que les craintes de nos collègues de l'opposition ne sont pas fondées. Il s'agit bien, comme Arnaud Montebourg l'a dit, d'initiatives convergentes.

Donc, avis défavorable sur les trois amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'émets aussi un avis défavorable.

D'abord, je pense qu'il faut laisser au Gouvernement, en prévoyant de pouvoir arrêter et modifier la liste en question par décret plutôt que par la loi, la souplesse nécessaire dans la mise en oeuvre concrète de ces mesures pour que, justement, nous puissions agir de manière coordonnée avec nos partenaires du GAFI. De la sorte, nous allons exactement dans le sens du souci des auteurs des amendements, c'est-à-dire de ne pas agir isolément mais avec nos partenaires.

On voit bien que cette liste peut évoluer. Je n'imagine donc pas, sur le plan pratique, qu'il faille voter une loi chaque fois qu'un pays sera ajouté - ou retranché - de la liste de ceux qui ont été désignés comme des territoires délinquants.

La deuxième raison qui nous guide à agir comme nous le faisons est beaucoup plus politique : il s'agit en fait de lancer un signal. En effet, la principale mesure, à vrai dire la plus efficace et la plus utile pour lutter contre le blanchiment d'argent, c'est la réglementation qui sera imposée aux paradis financiers et fiscaux. Parce que, avant de venir chez nous, l'argent sale se blanchit d'abord dans ces paradis financiers et fiscaux ; or, si nous ne disposons pas de la mesure en question, tout ce que nous pourrons fabriquer ensuite, et dont nous parlons depuis tout à l'heure, n'aura absolument aucun sens.

M. Jean-Paul Charié. Malheureusement ! Mme la garde des sceaux. Sur ce point, notre pays doit véritablement jouer un rôle moteur.

Mais si nous disons : « Nous sommes prêts à faire ceci, nous voulons continuer à jouer un rôle moteur au sein du GAFI et de l'Union européenne » et que nous ajoutons aussitôt après : « Mais le Parlement, le Gouvernement veulent avoir un droit de regard sur la mise en oeuvre concrète », vous voyez bien le contre-signal que nous allons lancer.

Ce que nous sommes en train de dire ici à nos partenaires du GAFI, c'est que nous, la France, nous nous engageons résolument au Parlement, parce que le Parlement vote cette loi, à faire en sorte que nous puissions appliquer la réglementation en question aux territoires délinquants.

Je ne voudrais pas qu'on fasse un pas en avant et deux pas en arrière, car c'est une question de signal politique.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 339.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 381.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 506.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 20, modifié par l'amendement no 2 corrigé.

(L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 20

M me la présidente.

L'amendement no 343 de M. Suchod n'est pas défendu.

Je suis saisie de deux amendements, nos 4 et 345, qui auraient pu faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement no 4, présenté par M. Vallini, rapporteur pour avis, MM. Montebourg, Peillon et Darne est ainsi libellé :

« Après l'article 20, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 11 de la loi du 12 juillet 1990 précitée, un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. Le service institué à l'article 5 anime un comité de liaison de la lutte contre le blanchiment des produits des crimes et des délits qui réunit dans des conditions fixées par décret, les professions mentionnées à l'article 1er , les autorités de contrôle et les services de l'Etat concernés. »

L'amendement no 345 de M. Suchod n'est pas défendu.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no

4. M. André Vallini, rapporteur pour avis. Cet amendement, simple dans la forme mais important quant au fond, vise à créer un mécanisme souple de retour de l'information vers les professions soumises à l'obligation de déclaration.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission saisie au fond ? M. Eric Besson, rapporteur. Avis très favorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la garde des sceaux. Egalement très favorable.

Cette proposition permettra de rapprocher les services de l'Etat et les représentants des professions associées à la lutte contre le blanchiment davantage encore que ça n'est le cas aujourd'hui. Elle améliorera, en outre, la sensibilisation des professions concernées à cette menace.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M me la présidente.

L'amendement no 600 de M. Marie-Jeanne n'est pas défendu.

Article 21

Mme la présidente.

« Art. 21. - Il est inséré, dans la loi du 12 juillet 1990 précitée, un article 12 bis ainsi rédigé :

« Art. 12 bis . - Pour assurer l'application des recommandations émises par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent, le Gouvernement peut,


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pour des raisons d'ordre public et par décret, soumettre à des conditions spécifiques, restreindre ou interdire tout ou partie des opérations ou transactions réalisées pour leur propre compte ou pour compte de tiers par les organismes financiers établis en France avec des personnes physiques ou morales domiciliées, enregistrées ou ayant un compte auprès d'un établissement situé dans un Etato u territoire mentionné au deuxième alinéa de l'article 3. »

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 154 et 284.

L'amendement no 154 est présenté par M. Eric Besson, rapporteur, et M. Auberger ; l'amendement no 284 est présenté par M. Auberger.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le texte proposé pour l'article 12 bis de la loi du 12 juillet 1990, après le mot : "décret", insérer les mots : "en Conseil d'Etat". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 154.

M. Eric Besson, rapporteur.

Je suggère à M. Auberger de retirer l'amendement no 284, puisque c'est sur sa proposition que la commission des finances a adopté l'amendement no 154 qui prévoit que les mesures de restriction des opérations financières réalisées avec les centres off shore devront être prises par un décret en Conseil d'Etat.

La commission a été sensible à son argument selon lequel un degré de formalisme supplémentaire s'impose pour des mesures aussi importantes, notamment au regard du principe de libre circulation des capitaux.

Mme la présidente.

Retirez-vous l'amendement no 284, monsieur Auberger ?

M. Philippe Auberger.

Oui, madame la présidente, j'accède à la demande du rapporteur, qui a excellemment défendu l'amendement no 154.

Mme la présidente.

L'amendement no 284 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 154 ?

Mme la garde des sceaux.

Certes, les questions de forme ont une importance, mais je ne suis pas favorable à cet amendement. En effet, selon la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger, les décrets en ce domaine doivent être des décrets simples. Je préférerais donc que l'on maintienne la cohérence des textes législatifs.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 154.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 153, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 12 bis de la loi du 12 juillet 1990, après les mots : "interdire tout ou partie des opérations", supprimer les mots : "ou transactions". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 153.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 155, ainsi rédigé :

« A la fin du texte proposé pour l'article 12 bis de la loi du 12 juillet 1990, substituer au mot : "deuxième", le mot : "sixième". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Il s'agit simplement de corriger une erreur de référence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable, bien sûr.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 155.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements identiques nos 285, 382 et 507.

L'amendement no 285 est présenté par M. Auberger ; l'amendement no 382 est présenté par M. Jégou ; l'amendement no 507 est présenté par MM. Goulard, Gantier et Laffineur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le texte proposé pour l'article 12 bis de la loi du 12 juillet 1990 par la phrase suivante : "Ce décret entrera en vigueur à une date identique pour l'ensemble des Etats membres de l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux". »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 285.

M. Philippe Auberger.

Nous avons déjà débattu de l'idée qui inspire cet amendement, je serai donc extrêmement bref. Comme le dit Mme la ministre, la France doit être très allante dans les négociations internationales portant sur l'activité des centres off shore. Elle doit être à tous égards exemplaire dans ce domaine. Malheureusement, dans le passé, ainsi que je l'ai déjà indiqué, le ministère des finances a accepté certaines opérations de transit par un centre off shore, alors que, manifestement, cela ne se justifiait pas.

Cela dit, notre position n'aura de force que si tous les pays du GAFI, ou tout au moins la plupart d'entre eux, font le même effort et appliquent la même réglementation. Faute de quoi les opérations auront lieu dans les pays n'appliquant pas cette dernière. Seul le regroupement de l'ensemble des forces des pays importants sur le plan financier permettra de réduire l'activité des centres off shore et, si possible, à terme, de la supprimer. C'est pour cela que je souhaite que le décret prévoyant l'extension de l'obligation de déclaration de soupçon à certaines opérations n'entre en vigueur que quand tous les pays membres du GAFI auront pris les mêmes mesures.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour défendre l'amendement no 382.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mes arguments sont identiques. Je considère donc l'amendement no 382 comme soutenu.

Mme la présidente.

L'amendement no 507 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 285 et 382 ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission a rejeté ces amendements pour des raisons qui paraissent évidentes après les explications que nous venons d'avoir sur les


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articles précédents. L'article 21 du projet précise qu'une décision de restriction pourra être prise « pour assurer l'application des recommandations émises par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent ». C'est bien dans un cadre concerté que le Gouvernement prétend agir.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable non plus à ces amendements.

Comme les auteurs de ces amendements, nous voulons convaincre l'ensemble des membres du GAFI de procéder de manière coordonnée et concomitante. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement s'est opposé à tous les amendements qui pourraient contraindre la France à prendre ces mesures avant ses partenaires. Mais il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, qui consisterait à faire intervenir l'application des mesures dont nous parlons par les vingt-six membres du GAFI rigoureusement à la même date. Cela risquerait de nous paralyser en donnant de facto un droit de veto à tout membre du GAFI qui ferait défection au dernier moment. Voilà pourquoi le Gouvernement souhaite que ces amendements soient rejetés.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 285 et 382.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Les amendements nos 129 de M. Galut et 591 de M. Cochet ne sont pas défendus.

Je mets aux voix l'article 21, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 21

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Après l'article 21, insérer l'article suivant :

« Les mesures prévues aux articles 20 et 21 de la présente loi, relatives aux opérations et transactions réalisées avec des personnes domiciliées, enregistrées, établies ou ayant un compte dans un Etat ou territoire dont la législation ou la réglementation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent, font l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement. Ce rapport fera état, en particulier, des mesures analogues adoptées, le cas échéant, par les autres Etats membres de cette instance. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

L'amendement no 5 a été adopté par la commission des lois, puis par la commission des finances. Il découle des articles 20 et 21 du projet de loi que nous venons d'examiner.

En effet, ces deux articles autorisent le Gouvernement à prendre des mesures particulières en ce qui concerne les opérations réalisées par des banques françaises avec des

Etats ou territoires désignés comme non coopératifs par le GAFI. L'amendement no 5 propose d'assurer l'information du Parlement à travers le dépôt par le Gouvernement d'un rapport annuel. Cela permettra, en outre, à la représentation nationale de contrôler l'efficacité du dispositif ainsi mis en place et des modalités de son utilisation par le Gouvernement.

J'ajoute, dans un souci de coordination avec l'amendement de la commission des finances que nous venons d'adopter à l'article 21, qu'il conviendrait de supprimer, dans la première phrase de l'amendement, les mots : « et transactions ».

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 5 tel qu'il vient d'être rectifié ?

M. Eric Besson, rapporteur.

M. Vallini a bien expliqué les raisons pour lesquelles la commission des finances a adopté cet amendement. Nous sommes par ailleurs favorables à la rectification qu'il vient d'indiquer.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est très favorable à cet amendement qui consiste à demander au Gouvernement d'informer le Parlement des mesures qui auront été prises et, je l'espère, des progrès qui auront ét é réalisés dans la lutte contre les territoires délinquants.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Suchod, Carassus, Desallangre, Mme Marin-Moskovitz, MM. Jean-Pierre Michel, Sarre et Saumade ont présenté un amendement, no 369, ainsi rédigé :

« Après l'article 21, insérer l'article suivant :

« Dans le dernier alinéa de l'article 15 de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, les mots : "ou de l'examen particulier prévu à l'article 14" sont remplacés par les mots : ", de l'examen particulier prévu à l'article 14 ou d'une information mentionnée à l'article 16". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances a accepté cet amendement, qui propose de modifier l'article 16 de la loi de 1990 afin de permettre à Tracfin de procéder à des investigations à partir des informations qui lui seront transmises à la fois par les services de l'Etat ou par les collectivités publiques. Il nous a semblé qu'il prolongeait utilement la portée de l'article 22 du présent projet de loi, lequel renforce les moyens d'information de Tracfin.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis tout à fait d'accord sur cet amendement, pour les raisons que vient de donner le rapporteur.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 369.

(L'amendement est adopté.)

Article 22

Mme la présidente.

« Art. 22. - La dernière phase du second alinéa de l'article 16 de la loi du 12 juillet 1990 précitée est ainsi rédigée :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Il peut recevoir des officiers de police judiciaire et des autorités de contrôle, ainsi que des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. »

L'amendement no 344 de M. Suchod n'est pas défendu.

MM. Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 508, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 22 par la phrase suivante : "Il ne peut, à cette occasion, hors les cas visés à la deuxième et troisième phrase du présent article, leur communiquer des informations". »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour défendre cet amendement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Les auteurs de l'amendement souhaitaient traduire dans la loi l'engagement du ministre de l'économie pris en 1990 à l'occasion de la mise en place de cette déclaration de soupçon dont nous venons de parler, qui visait à garantir une parfaite étanchéité entre la lutte contre la fraude fiscale et la lutte contre le blanchiment. Cet amendement vise donc à préciser que Tracfin peut communiquer des informations aux administrations, à l'exception des cas visés à l'article 16, alinéa 2 - officiers de police judiciaire, autorités de contrôle et services des douanes.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission a rejeté cet a mendement, qui vise à restreindre l'obligation de communication des informations recueillies par Tracfin.

La précision apportée par cet amendement ne nous a pas paru utile, dans la mesure où la loi prévoit déjà expressément que les informations recueillies ne peuvent être utilisées à d'autres fins que la lutte contre le blanchiment d'argent. La défense de la fameuse Muraille de Chine n'apparaît pas nécessaire ; elle est déjà expressément inscrite dans la loi.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai le même avis que le rapporteur, pour les mêmes motifs.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 508.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Après l'article 22

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 156, ainsi libellé :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« L'article 5 de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République transmet au serv ice mentionné ci-dessus toutes les décisions définitives prononcées dans les affaires ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon, en application de la présente loi. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Nous cherchons à instaurer une collaboration plus fructueuse entre Tracfin et celles et ceux qui peuvent lui transmettre des déclarations de soupçon. Il nous a semblé que l'un des moyens d'accroître cette collaboration était d'informer davantage ces derniers des résultats de leur action. C'est l'objet de cet amendement portant article additionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à cet amendement présenté par M. Besson, qui prévoit la transmission à Tracfin par le procureur de la République de toutes les décisions définitives prononcées dans les affaires ayant fait l'objet de déclarations de soupçon. Il s'agit là d'une mesure propre à améliorer la politique de partenariat qui doit exister entre l'autorité judiciaire et Tracfin. Ainsi seront éclairées les suites réservées aux déclarations de soupçon et Tracfin sera mieux à même d'exploiter, dans une perspective judiciaire, les déclarations des personnes assujetties aux obligations de la loi anti-blanchiment.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 156.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 157, ainsi libellé :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« L'article 6 bis de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le service institué à l'article 5 peut, à la demande de l'organisme financier ou de la personne qui a effectué une déclaration conformément aux articles 3, 12, 12 bis , 14 et 15, indiquer s'il a saisi le procureur de la République sur le fondement de cette déclaration. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Cet amendement se situe dans la même lignée philosophique que le précédent. Il s'agit de permettre aux organismes ou aux professions soumis aux dispositions de la loi de savoir si la déclaration de soupçon qu'ils ont effectuée a donné lieu à une saisine du procureur de la République. Dans le souci de ne pas submerger Tracfin, nous suggérons que cette information ne soit communiquée qu'« à la demande » de l'organisme intéressé.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis également très favorable à cette proposition qui va permettre à la France de combler une lacune de son système de lutte contre le blanchiment d'argent. Le retour d'informations vers les personnes déclarantes est, en effet, un des moyens d'améliorer la sensibilisation de ces professionnels à la lutte contre le blanchiment, étant entendu que pour ne pas gêner les enquêtes en cours, il convient de laisser à Tracfin le soin de décider du moment approprié et de l'opportunité de répondre à ces demandes.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 157.

(L'amendement est adopté.)

Article 23

Mme la présidente.

« Art. 23. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 310-12 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« La commission s'assure également que les dispositions de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux, sont appliquées par les entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 ainsi que par les personnes physiques ou morales mentionnées au cinquième alinéa et soumises à son contrôle. »

« II. Le i du 1o de l'article L. 322-2 du même code est ainsi rédigé :

« i) Par application des articles 324-1 et 324-2 du code pénal. »

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 23 :

« i) Par application des articles 222-38, 324-1 et 324-2 du code pénal ou de l'article 415 du code des douanes. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Cet amendement complète la liste des condamnations qui interdisent à une personne physique de diriger une entreprise d'assurances en ajoutant au délit de blanchiment de capitaux le délit de blanchiment du produit du trafic de stupéfiants et le délit douanier de blanchiment.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Favorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 23, modifié par l'amendement no

6. (L'article 23, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 23

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 158 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 23, insérer l'article suivant :

« Dans l'article 7 de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 précitée, les mots "faire la déclaration prévue à l'article 3" sont remplacés par les mots "respecter les obligations découlant de la présente loi". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

L'amendement no 158 rectifié a pour objet d'étendre le champ des sanctions administratives encourues en cas de manquement à l'obligation d'effectuer une déclaration de soupçon. La commission des finances considère que le renforcement de ces sanctions constitue un facteur d'amélioration de l'efficacité du système global de blanchiment d'argent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis d'accord. Cette proposition permettra de sanctionner tous les manquements aux obligations à la loi de 1990.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 158 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 24

Mme la présidente.

« Art. 24. - Le quatrième alinéa de l'article 4 de la loi no 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil est abrogé le premier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi. Les sociétés civiles doivent, avant cette date, procéder à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. »

Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Après l'article 24

Mme la présidente.

Je suis saisie de quatre amendements, nos 484, 385 rectifié, 386 rectifié et 656, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 484, présenté par M. Gengenwin, est ainsi libellé :

« Avant l'article 19, insérer l'article suivant :

« Après l'article 1861 du code civil, il est inséré un article 1861-1 ainsi rédigé :

« Art. 1861-1 Doivent être établies par acte authentique les cessions de droits sociaux des sociétés françaises ou étrangères, de forme non commerciale, dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France et les cessions de droits sociaux de sociétés françaises de forme non commerciale dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié de participations dans une ou plusieurs de ces sociétés.

« A défaut d'être passées par acte authentique, les cessions de droits sociaux visées au présent article sont frappées de nullité. »

Les amendements nos 385 rectifié et 386 rectifié sont identiques.

L'amendement no 385 rectifié est présenté par MM. Blessig, Hériaud et Jégou ; l'amendement no 386 rectifié est présenté par Mme Boisseau.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 24, insérer l'article suivant :

« Après l'article 1861 du code civil, il est inséré un article 1861-1 ainsi rédigé :

« Art. 1861-1 Doivent être établies avec le concours d'un professionnel appartenant à l'une des professions juridiques ou judiciaires réglementées, avec obligation de transmission à Tracfin, les cessions de droits sociaux des sociétés françaises ou étrangères, de forme non commerciale, dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié d'immeuble ou de droits immobiliers situés en France et les cessions de droits sociaux des sociétés françaises de forme non commerciale dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié de participations dans une ou plusieurs de ces sociétés.

« A défaut d'être passée dans les conditions cidessus, les cessions de droits sociaux visés au présent article sont frappées de nullité. »

L'amendement no 656, présenté par MM. Montebourg, Peillon et Darne, est ainsi libellé :

« Après l'article 24, insérer l'article suivant :

« Après l'article 1861 du code civil, il est inséré un article 1861-1 ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Art. 1861-1 Doivent être établies par acte authentique les cessions de droits sociaux des sociétés françaises ou étrangères de forme non commerciale dont l'actif brut total est constitué, pour plus de la moitié, d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France, et les cessions de droits sociaux de sociétés françaises de forme non commerciale dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié de participations dans une ou plusieurs de ces sociétés.

« A défaut d'être passées par acte authentique, les cessions de droits sociaux visées au présent article sont frappées de nullité. »

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement no 484.

M. Germain Gengenwin.

Pour lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux, les cessions des droits sociaux des sociétés civiles immobilières doivent, selon nous, être établies et authentifiés par un acte authentique.

Les amendements nos 385 rectifié et 386 rectifié allant dans le même sens, j'attends la réponse du Gouvernement pour retirer éventuellement l'amendement no 484.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission a repoussé les amendements nos 484, 385 rectifié et 386 rectifié. La forme authentique ne permet pas de contrôler l'origine des fonds. Pour autant, la question des sociétés civiles n'est pas négligée, monsieur Gengenwin, puisque l'article 24 du projet de loi impose aux sociétés créées avant 1978 de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés.

Quant à l'amendement no 656 sur lequel M. Montebourg s'exprimera dans quelques instants, son contenu est identique et il a également été rejeté par la commission.

Mme la présidente.

Monsieur Jégou, je constate que j'ai omis de vous donner la parole pour défendre l'amendement no 385 rectifié.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je vois que vous avez des remords, madame la présidente ! Les amendements nos 385 rectifié et 386 rectifié étant identiques, et mon collègue Blessig étant absent, je défendrai rapidement les deux. Ils visent à prescrire le recours à un professionnel appartenant à l'une des professions juridiques ou judiciaires réglementées, avec obligation de transmission à Tracfin pour la cession de droits sociaux de sociétés civiles à prépondérance immobilière.

Cette mesure permettrait de renforcer la transparence de ces opérations souvent sujettes au blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants ou d'autres activités criminelles, nous avons l'exemple dans le midi de la France où les choses se passent de cette façon dans le marché de l'immobilier.

M. Arnaud Montebourg.

Très juste !

M. Jean-Jacques Jégou.

Cet article additionnel rejoint ainsi l'objectif de l'article 24, c'est-à-dire éviter, autant que faire se peut, que ces sociétés civiles à dominante immobilière ne deviennent des « machines à laver l'argent sale », comme les a décrites l'organisation Tracfin.

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement no 656.

M. Arnaud Montebourg.

M. Vincent Peillon, M. Jacky Darne et moi même avons fait la même analyse que celle développée par M. Jégou.

Il nous a été signalé, surtout dans les régions du sud de la France où l'immobilier est une valeur d'investissement profitable, que la transmission au porteur des parts de sociétés civiles immobilières était un instrument de blanchiment.

Face à cette situation, nous aurions pu proposer d'obliger toutes les personnes qui participent, de près ou de loin, à la rédaction de ces actes de transmissions de droits sociaux, car il faut toujours au minimum un acte juridique sous seing privé, à déclarer le soupçon. Mais nous sommes bloqués par le retard pris dans la discussion européenne sur la directive et son extension aux professions juridiques du chiffre et du droit, dont nous avons parlé tout à l'heure.

Dans ces conditions, il nous a paru nécessaire de transférer à ceux qui aujourd'hui sont assujettis à la déclaration de soupçon, c'est-à-dire les notaires, en vertu d'un texte de 1998 qui étendait à cette profession la loi de 1990, la confection par acte authentique des sociétés civiles immobilières.

Cela étant, nous acceptons de retirer notre amendement dans la mesure où, dans le cadre général de la transposition de la directive européenne attendue, les professions concernées font des propositions constructives. Il nous paraît plus sage de fixer l'état du droit, mais il faut que des règles interviennent rapidement sur cette question.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Comme le rappellent les auteurs des amendements, un des problèmes soulevés par les sociétés civiles provient de ce qu'un certain nombre d'entre elles, créées avant 1978, n'ont pas l'obligation d'être immatriculées au registre du commerce et dess ociétés. Le Gouvernement a d'ailleurs introduit à l'article 24 du projet dont nous discutons l'obligation pour ces sociétés civiles d'être immatriculées dans les dixhuit mois. La transparence sera ainsi mieux assurée puisque les modifications des statuts, notamment les cessions de parts, seront publiées au registre.

L'avantage de l'acte authentique proposé par les amendements est de préconstituer une trace des cessions successives de parts de SCI. Mais en réalité, il n'apporte pas de véritable réponse au problème soulevé, et M. Montebourg a raison de dire que la solution réside dans la négociation actuelle de la directive européenne.

Pourquoi la signature d'un acte authentique n'est-elle pas la bonne solution ? D'abord, parce que le paiement réalisé hors de la vue du notaire, même s'il diminue en effet l'obligation de soupçon, laisse subsister une trace de la transaction avec une énonciation précise de l'identité des parties et donc des possibilités certaines de déterminer les conditions de la transaction.

Ensuite, parce que la possibilité de réaliser une transaction à l'étranger au sein d'une société étrangère, offerte aujourd'hui dans l'Union européenne, ou encore de constituer une société commerciale pour réaliser le transfert de propriété de l'immeuble, diminue considérablement l'intérêt de l'obligation de l'acte authentique. En effet, on voit bien que, par ce biais de la constitution d'une société à l'étranger ou d'une société commerciale, on peut tout à fait tourner, le plus légalement possible, l'obligation de l'acte authentique.

Enfin, en instituant l'obligation d'acte authentique, on toucherait de très nombreuses sociétés civiles qui résultent d'arrangements familiaux dans le cadre de divorce ou


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

d'héritage ou des dispositifs commerciaux sans atteindre véritablement le but qui est précisément de limiter la fraude.

Pour toutes ces raisons, il convient de rejeter ces amendements.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Mme la ministre vient de le faire remarquer, l'acte authentique n'est pas la solution adaptée. La lourdeur de la rédaction de cet acte serait un obstacle à la bonne marche des transactions. Au demeurant, l'objectif de lutte contre le blanchiment ne serait pas atteint. Je me prononce donc personnellement contre l'adoption de ces amendements.

M. Germain Gengenwin.

Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente.

L'amendement no 484 est retiré.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 385 rectifié et 386 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. Arnaud Montebourg.

Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme la présidente.

L'amendement no 656 est retiré.

Article 25

Mme la présidente.

« Art. 25. - Il est ajouté, à l'article 450-1 du code pénal, un troisième alinéa ainsi rédigé :

« Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende le fait, pour une personne, de participer à tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs délits prévus aux livres III et IV du code pénal et punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. »

L'amendement no 346 de M. Suchod n'est pas défendu.

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 25, supprimer les mots : "prévus aux livres III et IV du code pénal et". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

L'article 25 crée une infraction, mais il limite l'incrimination à la participation aux groupements constitués en vue de préparer des délits figurant aux livres III et IV du code pénal. Elle est donc contraire à l'action commune du 21 décembre 1998, qui demande notamment d'incriminer aussi la participation à des filières d'immigration clandestine. De surcroît, en France, l'infraction d'aide à l'entrée irrégulière des étrangers figure dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Pour ces raisons, il a semblé préférable et plus cohérent à la commission des lois que la nouvelle incrimination d'association de malfaiteurs concerne l'ensemble des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et pas seulement ceux qui figurent aux livres III et IV du code pénal.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis très favorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

L'avis du Gouvernement est également très favorable puisque cet amendement permet de poursuivre les participants à une association de malfaiteurs constituée en vue de commettre une infraction quelconque punie de cinq ans d'emprisonnement et non pas seulement d'une association constituée en vue de commettre une infraction contre les biens, la nation, l'Etat ou la paix. Cet amendement me semble de nature à renforcer les armes de la répression contre les infractions graves à la liberté et à la dignité des personnes.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 25, modifié par l'amendement no

7. (L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 25

M me la présidente.

L'amendement no 492 de M. d'Aubert n'est pas défendu.

Je suis saisie de trois amendements, nos 509, 286 et 383, pouvant être soumis à une discussion commune.

MM. Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 509, ainsi rédigé :

« Après l'article 25, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 324-1 du code pénal, après le mot "faciliter" est inséré le mot "sciemment". »

Les amendements nos 286 et 383 sont identiques.

L'amendement no 286 est présenté par M. Auberger ; l'amendement no 383 est présenté par M. Jégou.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 26, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 324-1 du code pénal, après les mots : "de faciliter" est inséré le mot : "sciemment". »

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 509.

M. François Goulard.

Dans la droite ligne des débats que nous avons eus sur les articles 19 et suivants, je crois qu'il est utile d'introduire l'adverbe « sciemment ».

M. Arnaud Montebourg.

Faciliter sciemment ? C'est un pléonasme, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Ainsi, il sera bien clair que le caractère intentionnel, retenu ordinairement en droit pénal, doit être avéré, de telle sorte qu'il n'y ait pas de dérives dans l'application des textes que nous votons.

M. Arnaud Montebourg.

Il ne peut pas y en avoir !

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 286.

M. Philippe Auberger.

Je me rallie à l'explication de François Goulard.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 383.

M. Jean-Jacques Jégou.

Cet amendement est de la même veine que les deux précédents.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

La loi de 1996 a étendu le délit de blanchiment à tous les fonds provenant de crimes ou délits, en visant particulièrement les organismes financiers : cinq ans d'emprisonnement, 2 millions et demi d'amende, peine doublée lorsqu'il s'agit de faits habituels. La référence au caractère intentionnel de l'infraction a été supprimée, contrairement à ce que préconisait la convention du Conseil de l'Europe de novembre 1990. Il n'est donc plus nécessaire de démontrer que la banque a commis le délit ; c'est à la banque de prouver sa bonne foi, et cela nous semble particulièrement difficile.

Certes, lors des débats que nous avions eus en 1996, les déclarations étaient plutôt rassurantes à cet égard.

Cependant, en droit pénal, il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Ainsi, les délits de complicité ou de recel doivent respectivement avoir été commis « sciemment » et « en connaissance de cause » pour être retenus.

Le risque pénal pèse lourdement sur tous les organismes financiers. Seraient-ils donc les seuls à devoir prouver leur bonne foi pour se couvrir ? Je ne voudrais pas faire de rapprochements qui pourraient apparaître excessifs, mais au regard du traitement d'autres sujets où il est question de délits manifestement délibérés, l'insécurité juridique semble ne pas être la même pour tout le monde...

M. François Goulard.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 509, 286 et 383 ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances a rejeté ces amendements, qui visent à préciser le caractère intentionnel du délit de blanchiment. J'ai entendu M. Montebourg opposer à M. Goulard qu'il s'agissait d'un pléonasme. Effectivement, compte tenu de l'article 121-3 du code pénal, qui fixe le principe général des infractions intentionnelles, d'une part, et de la circulaire du 10 juin 1996 de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, qui classe le délit de blanchiment parmi les délits intentionnels, d'autre part, ces amendements sont sans objet. C'est pourquoi nous les avons rejetés.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis opposée à ces amendements, qui tendent à insérer le mot « sciemment » dans la définition de l'infraction de blanchiment. Comme vient de le dire le rapporteur, cet ajout est inutile, dès lors qu'il ressort clairement de l'économie générale du code pénal comme de la jurisprudence rendue en la matière que le délit de blanchiment est un délit intentionnel. Le nouveau code pénal, en son article 121-3, consacre en effet le principe suivant : « sauf exception, il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

Par ailleurs, pour être général, le délit de blanchiment, tel qu'il a été voté en 1996, n'en reste pas moins conforme à ce principe fondamental de notre droit pénal.

L'élément intentionnel du délit de blanchiment ne saurait être déduit d'un simple doute sur l'origine des biens recelés, d'un manque de prévoyance ou d'une faute d'imprudence.

Je précise aussi que la jurisprudence ne présume pas de l'intention frauduleuse ; elle la caractérise par des éléments objectifs constatés lors de l'enquête, par exemple une rémunération disproportionnée de la personne soupçonnée par rapport à sa prestation, les conditions insolites ou dérogatoires de l'opération, son absence d'intérêt économique ou encore l'opacité excessive dont on l'a entourée. Il n'est donc pas possible de soutenir que le délit de blanchiment est un délit matériel.

Enfin, l'insertion du mot « sciemment » dans la définition du délit de blanchiment, loin d'accroître la lisibilité de la loi pénale, serait source d'insécurité juridique. Cet ajout créerait en effet une incertitude sur le caractère intentionnel des autres délits du code pénal, qu'il n'est évidemment pas question de redéfinir dans ce sens.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 509.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 286 et 383.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 510 et 384, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 510, présenté par MM. Goulard, Gantier et Laffineur, est ainsi rédigé :

« Après l'article 25, insérer l'article suivant :

« Dans le deuxième alinéa de l'article 324-1 du code pénal, après les mots : "d'apporter" est inséré le mot : "sciemment". »

L'amendement no 384, présenté par M. Jégou, est ainsi rédigé :

« Après l'article 26, insérer l'article suivant :

« Dans le deuxième alinéa de l'article 324-1 du code pénal, après les mots : "le fait d'apporter", est inséré le mot "sciemment". »

La parole est à M. François Goulard, pour défendre l'amendement no 510.

M. François Goulard.

Il est défendu.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour défendre l'amendement no 384.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est également défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Louis Besson, rapporteur.

Avis défavorable, pour les raisons que Mme la ministre vient d'exposer.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 510.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 384.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Les amendements nos 348 et 649 de M. Suchod ne sont pas défendus.

Je suis saisie de deux amendements, nos 347 et 8, qui auraient pu faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement no 347 de M. Suchod n'est pas défendu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

L'amendement no 8, présenté par M. Vallini, rapporteur pour avis, MM. Montebourg, Peillon et Darne, est ainsi rédigé :

« Après l'article 25, insérer l'article suivant :

« Après l'article 450-2 du code pénal, il est inséré un article 450-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 450-2-1. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant aux activités visées à l'article 450-1 est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Cet amendement a pour objet d'instituer un mécanisme visant à alléger la charge de la preuve, dans le contexte de la lutte contre la criminalité organisée, conformément à ce qui a déjà été fait en 1996 pour le seul trafic de stupéfiants. Il s'agit donc d'étendre le dispositif prévu à l'article 22239-1 du code pénal pour les personnes entretenant des relations avec des trafiquants de stupéfiants.

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis favorable !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis très favorable à cet amendement de M. Vallini, qui va permettre de sanctionner pénalement des personnes à l'encontre desquelles on ne peut pas apporter la preuve d'une participation à une association de malfaiteurs mais dont le train de vie et les relations habituelles avec un ou plusieurs membres d'une association de malfaiteurs laissent présumer leur implication dans cette association.

Cette disposition repose sur une présomption simple de responsabilité pénale qui impose à la personne poursuivie d'établir la preuve positive que son train de vie est justifié par des ressources licites. Par conséquent, la répression des participants à une association de malfaiteurs sera facilitée et, comme l'a souligné M. Vallini, ce n'est pas une innovation, puisque cette disposition était déjà prévue, mais seulement en cas de soupçon de trafic de drogue. Par cet amendement extrêmement bienvenu, nous l'étendons à d'autres types d'actes criminels.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, MM. Montebourg, Peillon et Darne ont présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Après l'article 25, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 11 de la loi du 12 juillet 1990 précitée, un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. - Le manquement manifeste aux obligations de vigilance prévues à l'article 3 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Cet amendement a pour objet d'instituer des sanctions pénales en cas de manquement manifeste des différentes corporations concernées à leurs obligations de vigilance dans la lutte contre le blanchiment.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur. J'ai le regret de le dire à nos collègues de la commission des lois que, tout à fait exceptionnellement, puisque en général elle a scrupuleusement suivi leurs avis, la commission des finances a repoussé cet amendement, qui vise à sanctionner pénalement le manquement manifeste aux obligations de vigilance découlant de la loi de 1990. La commission des finances a en effet privilégié la voie du renforcement des sanctions administratives, qui nous ont paru mieux adaptées dans ce domaine. Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas non plus favorable à cet amendement, qui a pour objet de sanctionner pénalement le manquement manifeste à l'obligation de dénoncer à Tracfin les opérations suspectes.

Je crois qu'une telle incrimination serait inutile, et d'ailleurs peu conforme à la tradition pénale française. En effet, dans l'hypothèse où ce manquement aux obligations déclaratives dissimule la participation des assujettis à une opération de blanchiment, en qualité d'auteurs ou de complices, des poursuites pénales pourront bien évidemment être engagées.

M. François Goulard.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

Dans le cas contraire, lorsqu'une infraction pénale ne pourra être relevée, la méconnaissance par l'assujetti de ses obligations déclaratives, par suite d'un grave défaut de vigilance ou d'une carence dans l'organisation de ses procédures de contrôle, ne demeurera pas impunie, puisque, aux termes mêmes de la présente loi, des poursuites disciplinaires pourront être engagées. Il n'y aura donc pas d'impunité en cas de négligence grave, lorsque des soupçons n'auront pas donné lieu à une déclaration.

Par ailleurs, sur un plan plus général, je rappelle que la dénonciation des crimes et délits revêt traditionnellement, dans notre droit pénal, un caractère facultatif. Seule est sanctionnée pénalement la non-dénonciation des crimes et délits portant gravement atteinte à la dignité de la personne humaine. Or, en l'espèce, les obligations déclaratives ne portent que sur de simples soupçons, et non sur des infractions caractérisées.

J'observe enfin que l'obligation générale de dénonciation des crimes et délits à laquelle sont assujettis les fonctionnaires et agents publics, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, n'est pas sanctionnée non plus pénalement. Il serait pour le moins paradoxal de sanctionner pénalement les organismes financiers et assimilés, simples représentants de la société civile, pour manquement à leurs obligations, alors même que les fonctionnaires qui participent à l'exercice de l'autorité publique n'encourraient aucune sanction pénale.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

En vérité, il y a peu à ajouter aux explications claires, et même lumineuses, de Mme la garde des sceaux. (Sourires.) Toutefois, étant donné que cette disposition a fait l'objet d'une longue discussion en commission des finances, que nous nous sommes même accordé une nuit de réflexion avant de prendre position, je ferai remarquer à nos collègues que la formule « manquement manifeste » est encore trop vague.

J'ai moi-même essayé d'améliorer, si c'était possible, la rédaction du texte, en demandant que cette formule soit répétée, mais la définition de la vigilance, qui se fonde sur des soupçons, n'en reste pas moins assez floue. Il ne me paraît pas qu'on puisse envisager une nouvelle incrimination pénale uniquement sur ces bases. Par un excès de zèle, que, d'une certaine façon, on peut comprendre,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

nos collègues de la commission des lois vont manifestement trop loin. Nous ne pouvons, à mon avis, qu'être défavorables à cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je suis, avec Vincent Peillon et Jacky Darne, coauteur de cet amendement. Pour quelle raison avons-nous eu l'idée, que l'opposition juge un peu saugrenue,...

M. Philippe Auberger et M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. Arnaud Montebourg.

... ou excessive - c'est, je crois, le mot qu'a employé M. Auberger - de définir une nouvelle infraction pénale ? D'abord, parce que nous faisons le constat, et, je crois, avec l'ensemble des collègues ici rasssemblés, que l'organisme de contrôle disciplinaire n'a jamais fonctionné en dix ans. Voici un apport statistique assez intéressant pour notre discussion : pendant toute cette période, la commission bancaire a prononcé trois sanctions pour 1 150 établissements de crédit soumis à son contrôle ! Je me félicite que nous ayons organisé le renforcement des fondements juridiques, d'une part, des mécanismes de contrôle de l'autorité chargée de la discipline des établissements de crédit, d'autre part. Mais j'attire tout de même l'attention de l'Assemblée nationale sur le fait que de nombreuses professions assujetties à la déclaration de soupçons et à la loi de 1990 ne sont pas contrôlées par u n organisme disciplinaire. Quid des notaires, par exemple, qui sont assujettis depuis 1998 ? Quid des agents immobiliers ? Est-ce que ces professions, qui ne font presque aucune déclaration de soupçons, sont soumises à un contrôle disciplinaire, à des sanctions disciplinaires au titre de la loi de 1990 ? La réponse est non.

C'est la raison pour laquelle, comme huit Etats de l'Union européenne l'ont déjà fait, la Finlande, l'Allemagne, la Grèce, l'Irlande, le Luxembourg - même l'Irlande et le Luxembourg, quelle ironie ! - l'Espagne, la Suède et le Royaume-Uni, s'il vous plaît, ont déjà prévu des sanctions pénales en cas d'absence de signalement d'une transaction suspecte. Je ne vois pas pourquoi nous nous refuserions à engager la répression sur le terrain pénal lorsque, à l'évidence, la loi est contournée, en cas de volonté de ne pas l'appliquer, de désir manifeste, répété, délibéré de contourner des dispositions dont nous venons précisément d'accroître la vigueur, la force et la portée.

De quoi disposons-nous contre les notaires qui, dans le sud de la France, par exemple, n'ont, je crois, procédé à presque aucune déclaration de soupçons, alors que nous savons très bien, notamment, que des sociétés fiduciaires du Lichtenstein achètent des parts de sociétés civiles immobilières, en vue d'acquérir tout l'immobilier de loisir de la Côte d'Azur ? On ignore les véritables propriétaires, mais pas une seule transaction n'est déclarée suspecte !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Madame la présidente, je désire apporter deux précisions.

Premièrement, l'article 3 de la loi de 1990 stipule que

« des organismes financiers visés à l'article 1er sont tenus par la présente loi de déclarer aux services institués à l'article 5... ». Il ne s'agit donc pas d'une faculté, mais

d'une obligation de dénonciation.

D euxièmement, notre amendement concerne cette obligation de déclaration. Il convient de sanctionner le manquement manifeste, non pas aux obligations de vigilance - pour répondre à M. Auberger - mais aux obligations de déclaration visées par l'article 3. Il ne s'agit pas non plus de porter une appréciation sur des procédures de vigilance mises en oeuvre dans des banques.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 26

Mme la présidente.

« Art. 26. - I. - Il est inséré, à l'article 324-7 du code pénal, un 12o ainsi rédigé :

« 12o La confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

« II. Au premier alinéa de l'article 706-30 du code de procédure pénale, les mots : "aux articles 222-34 à 222-38 du code pénal" sont remplacés par les mots : "aux articles 222-34 à 222-38, 324-1 et 324-2 du code pénal" et les mots : "au deuxième alinéa de l'article 222-49 du code pénal" par les mots : "au deuxième alinéa de l'article 222-49 et au 12o de l'article 324-7 du code pénal". »

Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Après l'article 26

Mme la présidente.

M. d'Aubert a présenté un amendement, no 493, ainsi libellé :

« Après l'article 26, insérer l'article suivant :

« Il est inséré dans le livre IV du code pénal un titre VI ainsi rédigé : "Titre VI. De l'appartenance à une organisation criminelle".

« Art. 460-1. Constitue une organisation criminelle tout groupement ou entente établis qui :

« par constitution de bande organisée,

« ou par détention, transport, dépôt d'armes et d'explosifs,

« ou par toute atteinte aux personnes, aux biens et à la confiance publique,

« ou par abus, détournement de fonctions électives, ou des pouvoirs que confèrent des activités publiques ou professionnelles.

« A pour but :

« de commettre des crimes et délits,

« ou de réaliser pour soi ou pour autrui des profits et avantages illicites,

« ou de prendre directement ou indirectement le contrôle de tout ou partie d'activités économiques, financières, commerciales, civiles,

« ou de détourner les règles d'attribution des marchés publics, des aides, subventions et allocations publiques, nationales, communautaires et internationales.

« Art. 460-2. L'appartenance à une organisation criminelle sera punie de 10 ans d'emprisonnement et 5 000 000 de francs d'amende. La confiscation des biens, valeurs, sommes qui ont servi ou étaient destinés à servir, pour commettre l'infraction,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

ou, qui en sont le produit sera prononcée. Sont également encourues les peines complémentaires prévues par l'article 460-3 du code pénal.

« Art. 460-3. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal de l'infraction prévue par l'article 460-2.

« Les peines encourues sont :

« l'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38,

« les peines mentionnées par l'article 131-39.

« Art. 460-4. Toute personne ayant participé à l'organisation criminelle définie par l'article 460-4 est exemptée de peine si elle a, avant toute poursuite, révélé l'organisation aux autorités compétentes et permis l'arrestation des participants. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Madame la présidente, cet amendement est défendu. N'ayant pas la compétence de mon collègue d'Aubert sur ces questions, je ne saurais apporter d'autres précisions techniques que celles qui figurent dans l'exposé sommaire. (Sourires.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ? M. Eric Besson, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également. Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle infraction dite d'« appartenance à une organisation criminelle », qui ferait double emploi avec l'infraction d'« appartenance à une association de malfaiteurs » définie à l'article 450-1 du code pénal.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 493.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

A la demande du Gouvernement, l es amendements portant articles additionnels avant l'article 27, les articles 27 à 54, ainsi que les amendements portant articles additionnels après l'article 54 sont réservés jusqu'après les amendements portant articles additionnels après l'article 70.

M. Jean-Paul Charié.

On va discuter ces articles et ces amendements à quatre heures du matin. Ce n'est pas normal !

Mme la présidente.

Le Gouvernement a le droit d'en demander la réserve.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Mme la ministre peut-elle nous indiquer les motifs qui ont conduit le Gouvernement à repousser l'examen de ces articles ? Car ils sont, d'un avis général, les plus importants de ce texte et portent sur des sujets extrêmement sensibles. Or ils seront débattus au cours de la nuit, avec toutes les difficultés liées à ce type de situation.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la garde des sceaux.

Pour la commodité de la discussion, nous avons choisi de débattre d'abord des articles 55 et suivants. J'observe que si nous n'avions pas procédé ainsi, ce sont ces derniers articles qui auraient été discutés plus tard.

(Sourires.)

Votre objection ne me semble donc pas recevable.

Rappels au règlement

M. Philippe Auberger.

Rappel au règlement !

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Auberger.

Mon rappel au règlement se base sur l'article 58 concernant justement le déroulement de nos travaux.

Je me permets de rappeler à Mme la garde des sceaux que c'est le Gouvernement qui a arrêté l'ordre des différentes parties de ce texte. Le fait de pouvoir « déplacer les cartes » prouve ce que l'on a dit depuis le début, à savoir que ce texte manque d'une architecture globale. Il est fait d'éléments hétéroclites dont la discussion peut être aménagée à loisir, en fonction de l'emploi du temps de tel ou tel ministre et de la commodité du Gouvernement.

Ainsi, derrière le problème de procédure, apparaît le problème de fond, à savoir que ce texte manque d'une architecture et d'une idée directrice.

Mme la présidente.

Dont acte.

La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Paul Charié.

Je comprends la volonté du Gouvernement de mieux organiser l'emploi du temps des ministres. Je partage aussi tout à fait les propos de M. Auberger. Mais je désire surtout appeler votre attention, madame la ministre, sur le fait que la partie la plus importante de ce texte est celle qui concerne le droit de la concurrence. Le sujet est relativement difficile. Et une fois de plus, le Parlement va débattre en dernier, à quatre heures du matin, de tout ce qui touche au monde des PME, de l'agriculture et du commerce ! Je le déplore ! Reprise de la discussion

Mme la présidente.

Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi. Le droit des sociétés est d'ailleurs au moins aussi important que le droit de la concurrence. (Sourires.)

Avant l'article 55

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'intitulé de la troisième partie du projet de loi : « Troisième partie. Régulation de l'entreprise. - Titre Ier . - Droit des sociétés commerciales. »

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 197 et 474.

L'amendement no 197 est présenté par M. Eric Besson, rapporteur, MM. Cuvilliez, Feurtet, Bocquet, Brard et Vila ; l'amendement no 474 est présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Avant l'article 55, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 97-1 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales, un article 97-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 97-1-1. - Dans toute société relevant de l'application de la présente loi, une action est attribuée, de droit, au comité d'entreprise qui dispose de toutes les prérogatives et procédures ouvertes aux actionnaires minoritaires. »


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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 197.

M. Eric Besson, rapporteur.

Auparavant, madame la présidente, je tiens à rassurer M. Charié. Il est fort probable que nous aborderons bien plus tôt dans la soirée les amendements qui lui sont chers... comme ils nous sont chers, d'ailleurs.

L'amendement no 197, que je présente au nom de la commission, avait recueilli l'assentiment de MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard et de certains de leurs collègues. Il s'agit d'associer les salariés aux instances où siègent les actionnaires minotaires et de leur octroyer les mêmes droits et les mêmes prérogatives, qu'il s'agisse de décisions, d'informations ou de consultations.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Nous abordons d'importantes dispositions concernant le droit des sociétés, ce qui ne minore d'ailleurs pas l'importance de celles concernant le droit de la concurrence... Cela dit, je ne suis pas favorable aux amendements nos 197 et 474.

Le Gouvernement est attaché, comme vous, au développement du rôle et des prérogatives du comité d'entreprise que vos amendements ont pour objectif de renforcer. Vous avez d'ailleurs déjà adopté, dans le cadre même de ce projet, des dispositions tendant à accroître l'information du comité en cas d'offre publique.

Je m'interroge cependant sur la portée réelle de ces amendements qui consistent à prévoir qu'une action est attribuée de plein droit au comité d'entreprise qui dispose des prérogatives et procédures ouvertes aux actionnaires minoritaires. Car le comité d'entreprise est déjà doté de pouvoirs bien plus importants que ceux des actionnaires minoritaires.

Par ailleurs, et surtout, ces amendements risquent de

« dénaturer » la légitimité du comité d'entreprise. Celle-ci, en effet, procède de la volonté du législateur de faire du comité l'instrument de l'expression collective des salariés.

Lui attribuer des prérogatives liées à sa participation, fûtelle symbolique, au capital reviendrait à banaliser son rôle dans le fonctionnement de l'entreprise.

C'est la raison pour laquelle il me paraît préférable de ne pas s'écarter de la voie suivie jusqu'à présent. S'il était nécessaire d'accroître les prérogatives du comité d'entreprise, il conviendrait alors de le faire directement, sans le contraindre préalablement à acquérir la qualité d'actionnaire.

Cette importante question me paraît devoir être approfondie dans le cadre du projet de loi sur l'épargne salariale qui vous sera bientôt proposé. Sur cette question, le ministre de l'économie a engagé une consultation des organisations syndicales.

J'observe enfin que les amendements appliquent ce nouveau dispositif à toutes les sociétés relevant de la loi du 24 juillet 1966. Ils soulèvent ainsi les difficultés juridiques insolubles, dans l'hypothèse où la société est une société en nom collectif puisque le comité d'entreprise deviendrait, de plein droit, personnellement et indéfiniment, responsable du passif social.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Après avoir entendu Mme la ministre, récuser les propositions contenues dans ces amendements, je ne peux que m'étonner. Depuis hier, nous débattons de l'orientation qu'on a voulu donner à ce projet de loi : modernisation, efficacité et moralisation.

Dans cette perspective, nous avons souligné qu'il fallait rechercher et renforcer la participation - directe ou par délégation - des salariés de l'entreprise aux décisions les concernant. Or, depuis hier, toutes les propositions que nous avons faites en ce sens ont été systématiquement repoussées.

Cela me préoccupe. Nous sommes supposés représenter une sensibilité, un large éventail de la société française e t du salariat dans les entreprises. A défaut d'organiser un débat en cas d'OPA ou d'OPE devant les organisations syndicales représentatives, à défaut de permettre que le comité d'entreprise soit consulté et rende un avis pouvant aller jusqu'à récuser une proposition d'OPA ou d'OPE, on aurait pu au moins donner à ce comité d'entreprise la personnalité morale, en modifiant d'ailleurs les textes de façon à rendre juridiquement acceptable une telle disposition. Ainsi, le comité d'entreprise aurait pu, grâce à son action, intervenir « humblement » dans les collectifs où siègent les actionnaires minoritaires et recevoir les mêmes prérogatives : informations, consultations de deuxième rang sur la stratégie de l'entreprise.

Ce n'était pas une demande exorbitante. Je regrette qu'elle soit ainsi considérée. Et, bien sûr, je la maintiens.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Au point de vue strictement juridique, la réponse de Mme la ministre est parfaitement défendable. J'acquiesce à ses propos. On est en plein mélange des genres. On confond le droit du travail et le droit des sociétés. Il y aurait de multiples inconvénients à adopter une disposition comme celle-là ; les auteurs n'y ont apparemment pas pensé.

Mais je ne peux m'empêcher de relever qu'au sein de la majorité plurielle existent deux conceptions, qui se sont affrontées hier soir, en termes fort courtois, sur ce que doit être la régulation économique.

Le texte gouvernemental qui a été adopté volens nolens par la majorité ne reflète pas la conception de beaucoup d'entre vous qui voudraient que l'Etat puisse intervenir beaucoup plus fortement et qui voudraient bouleverser l'économie actuelle des sociétés et des entreprises en donnant aux salariés une place qui n'est pas la leur jusqu'ici.

Cela devait être dit ; il serait mauvais que le débat se déroule dans l'ambiguïté.

Nous pensons que Mme la ministre a raison lorsqu'elle préconise d'éviter le mélange des genres ; mais si nous sommes d'accord sur le principe de séparation du droit des sociétés et du droit du travail, nous sommes extrêmement favorables - et ce n'est sûrement pas la conception de M. Cuvilliez - à ce que, de plus en plus, les salariés deviennent actionnaires des sociétés...

M. Yves Cochet.

Ah ! Voilà !

M. François Goulard.

... et y expriment, en cette qualité, leur point de vue dans les organes délibérants.

M. Christian Cuvilliez.

Quand ils le font, ils sont mal traités !

M. François Goulard.

Voilà un très grand projet de société, un formidable moteur pour l'économie qui est en train de se construire dans notre pays comme dans les autres pays ! Visiblement, ce n'est la conception ni du Gouvernement, ni des différentes sensibilités de la majorité plurielle. Nous le déplorons.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

M. Philippe Auberger.

Je ne me placerai pas sur le plan du droit, mais visiblement, ce projet de loi souffre d'une formidable lacune : depuis un an, on nous promet, mois après mois, trimestre après trimestre, que l'on va discuter de l'épargne salariale. Eh bien, ce sujet aurait dû être abordé ici ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

D'ailleurs, la proposition de notre collègue n'est qu'un faux-fuyant.

Hier, j'ai démontré que j'étais tout à fait favorable à ce que, dans certaines circonstances, le comité d'entreprise soit mieux consulté et qu'il puisse donner, notamment, son point de vue en ce qui concerne les OPA et les OPE.

Et je remercie la majorité, qui a accepté mon amendement sur l'expertise visant à améliorer le travail du comité d'entreprise.

Prenons l'exemple de la Société générale, où le capital était détenu à hauteur de 8 % par les salariés. Ceux-ci ont eu un poids certain et ils ont évité que leur établissement n'aille « dans les bras » de la BNP. S'ils avaient obtenu seulement une action, comme nous le propose notre collègue Cuvillier, ils n'auraient pas eu le même pouvoir.

Il est indispensable que les salariés deviennent actionnaires, dans une proportion non négligeable, du capital de leur entreprise. Je me souviens d'ailleurs de l'excellente démonstration que nous avait faite M. Strauss-Kahn il y a quelques mois et qui allait tout à fait dans ce sens.

M. Strauss-Kahn disait qu'il fallait distinguer le salaire, d'une part, et la participation au capital, d'autre part, qui constituait une sorte de salaire différé.

Autre élément extrêmement important : l'organisation d'une représentation spécifique des salariés actionnaires dans les entreprises. Les syndicats - ceux de la représentation syndicale « normale » - assureraient cette nouvelle représentation dans les organes dirigeants et, en particulier, aux conseils d'administration. Cela nous semble tout à fait légitime. Nous le demandons depuis maintenant déjà un an en formulant des propositions précises.

Nous regrettons que l'on attende indéfiniment.

Un tel dispositif permettrait en outre de régler la question de l'introduction des salariés et de leur représentation syndicale dans les organes dirigeants de manière beaucoup plus heureuse que ne le fait l'amendement no 197 qui m'apparaît comme un pâle succédané.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Je voudrais dire à M. Auberger qu'il lui est difficile de prétendre, comme il l'a fait plusieurs fois depuis le début de cette discussion, que le texte est trop vaste, trop hétérogène, qu'il traite de trop nombreux sujets et de revenir régulièrement sur l'absence de l'épargne salariale.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas du tout contradictoire !

M. Eric Besson, rapporteur.

Monsieur Auberger sait, d'ailleurs, puisque le ministre de l'économie et des finances l'a dit avant-hier, que le texte concernant l'épargne salariale sera déposé avant l'été et discuté à l'automne ; je crois même que ce sera le premier de la session. Nous aurons donc, monsieur Auberger, l'occasion d'en rediscuter.

Quant à l'exemple Société générale-BNP, je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur et le plus significatif. Certains ont dit, mais ce sont probablement de mauvaises langues, que le président de la Société générale avait découvert, à l'occasion de l'OPA hostile dont il était l'objet, les salariés qui étaient dans son entreprise. Jusque-là, il ne s'était pas singularisé par sa fibre sociale. Même si l'action des salariés à contribué à faire échouer cette OPA, je ne suis pas sûr qu'un tel exemple milite en faveur de la thèse que vous avez défendue, monsieur Auberger.

Pour revenir aux amendements en discussion, nous sommes sensibles, madame la ministre, à votre propos qui portait sur une préoccupation d'ordre général, qu'a également exprimée M. Cuvilliez et sur les risques qu'il y avait à adopter la disposition qu'ils visent à introduire.

Néanmoins, nous souhaitons que ces amendements soient maintenus et adoptés, quitte à en réétudier la rédaction avec vous, avec vos services en vue de la seconde lecture.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je comprends tout à fait le souci de M. Cuvilliez, exprimé dans ces amendements, d'augmenter la représentation collective des salariés dans l'entreprise. C'est une préoccupation légitime, louable, que le Gouvernement partage. Mais vous avez entendu les réserves d'ordre juridique que j'ai émises sur les modalités que vous préconisez ; elles me semblent préoccupantes pour le comité d'entreprise lui-même - dont nous n'entendons évidemment pas amoindrir les prérogatives.

C'est pourquoi je souscrits à la proposition de votre rapporteur ; elle nous permettra de rechercher les meilleurs moyens d'atteindre l'objectif qui nous est commun tout en évitant les inconvénients juridiques que j'ai soulignés.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 197 et 474.

(Ces amendements sont adoptés.)

Article 55

Mme la présidente.

« Art. 55. - La loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est modifiée conformément aux articles 56 à 67 et 69 du présent titre. »

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 198 corrigé, ainsi rédigé :

« I. - Supprimer l'article 55.

« II. - En conséquence, insérer au début des articles 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67 et 69 du projet de loi l'alinéa suivant :

« La loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est ainsi modifiée : ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 198 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 55 est supprimé.

Après l'article 55

Mme la présidente.

M. Eric Besson a présenté un amendement, no 665, ainsi rédigé :

« Après l'article 55, insérer l'article suivant :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Dans le premier alinéa de l'article 72-1 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, les mots : "société anonyme" sont remplacés par les mots : "société par actions". »

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson, rapporteur.

Nous proposons cette substitution de termes pour mettre fin aux importantes difficultés d'interprétation suscitées par la création de la société par actions simplifiée, qui a connu un grand succès.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je salue l'à-propos de M. Besson qui, sensible depuis longtemps aux problèmes de la création d'entreprise, a bien vu le succès de la société par actions simplifiée. Je rappelle les chiffres que j'ai cités dans mon discours introductif : 3 000 créations depuis la loi de juillet 1999, 500 créations par mois depuis le début de l'année 2000. M. Besson a donc raison de proposer une clarification des formalités de transformation des sociétés existantes en sociétés par actions simplifiées. Avis très favorable à son amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 665.

(L'amendement est adopté.)

Avant l'article 56

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'intitulé du chapitre Ier : « Chapitre Ier . - Equilibre des pouvoirs et fonctionnement des organes dirigeants. »

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 594 et 604.

L'amendement no 594 est présenté par MM. Cochet, Lefort, Mme Robin-Rodrigo, MM. Sarre, Cuvilliez et les m embres du groupe communiste et apparentés,

M. Aschieri, Mme Aubert, MM. Mamère, Marchand, Carassus, Desallangre, Mme Marin-Moskovitz, MM. JeanPierre Michel, Saumade, Suchod et Rigal ; l'amendement no 604 est présenté par MM. Bascou, Dray, Gaïa, Galut, François Lamy, Launay, Mmes Génisson et Picard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Avant l'article 56, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 97-1 et de l'article 137-1, les mots : "Il peut être stipulé dans les statuts que" sont supprimés. »

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 594.

M. Yves Cochet.

Cet amendement fait partie d'une série dont nous avons commencé l'examen hier. Plusieurs collègues de la majorité se sont regroupés pour faire valoir, comme M. Cuvilliez dans son précédent amendement, que cette loi de régulation devait sans doute avoir pour objet de moderniser et de réguler, mais aussi, sans même parler de moraliser, d'introduire de la démocratie, là où c'est possible, dans la gestion de l'entreprise.

Depuis 1986, notre code des sociétés, plus précisément les articles 97-1 et 137-1 de la loi de 1966, prévoit la possibilité d'une représentation des salariés dans les conseils d'administration ainsi que dans les conseils des urveillance. Nous proposons que cette possibilité devienne une obligation pour toutes les sociétés. Les mots

« Il peut être stipulé dans les statuts » étant supprimés, ces deux articles commenceraient ainsi : « Le conseil d'administration ou de surveillance comprend (...) des administrateurs élus par le personnel ». De la sorte, les représentants des salariés participeraient aux débats des instances dirigeantes engageant l'avenir de l'entreprise.

Pour nous, et ce n'est pas la dernière fois que j'y insiste, une société n'est pas un pur objet vénal que l'on peut acheter ou vendre en se livrant à des prédations.

Toute entreprise fait partie du bien commun et c'est pourquoi les salariés doivent être représentés au sein des conseils pour y défendre leurs légitimes intérêts.

Mme la présidente.

Désirez-vous intervenir sur l'amendement no 604, monsieur Gaïa ?

M. Robert Gaïa.

Non, madame la présidente, je n'ai rien à ajouter.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances comprend que les auteurs de ces amendements souhaitent la présence d'administrateurs élus par les salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance. M. Cochet a bien voulu rappeler qu'il s'agissait déjà d'une possibilité qui pouvait être stipulée par les statuts. Donc, la divergence n'est pas de fond et nous sommes d'accord sur l'objectif. Simplement, il faut prendre le temps de la concertation avec les partenaires sociaux.

Mieux vaut en discuter, bien sûr, avec les instances patronales car, chacun le sait, lorsque les dirigeants ne veulent pas de la présence des salariés, il leur est très facile de réunir, avant la réunion du conseil d'administration formel, un conseil officieux qui traite des vrais sujets. Donc, si on veut que la mesure soit efficace, il faut la concerter avec le patronat.

Quant aux organisations syndicales des salariés, elles ont engagé une réflexion sur le sujet, mais elles ne se sont pas encore clairement prononcées sur cette proposition et aucune, en tout cas, n'a donné son accord. La CGT n'y est pas favorable pour l'instant, mais sa position pourrait évoluer. La CFDT l'est un peu plus, mais elle ne l'a pas encore dit officiellement. FO, pour sa part, est catégoriquement contre, notamment parce qu'elle y voit les germes d'une cogestion. Il paraît donc difficile, en l'état, de voter cet amendement.

Cela étant, vous savez que Jean-Pierre Balligand partage vos convictions et que des initiatives en ce sens seront très vraisemblablement prises par le Gouvernement dans le projet relatif à l'épargne salariale. Nous n'aurons donc pas plus de trois mois à attendre, temps nécessaire pour que au moins les organisations syndicales représentatives des salariés nous donnent leur accord. Et peut-on envisager une conquête sociale sans leur accord ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Bien entendu, je n'ai pas de divergence avec M. Cochet et les auteurs des deux amendements quant à l'objectif, mais je considère que ce sujet doit être traité dans le cadre du projet relatif à l'épargne salariale, actuellement soumis à la concertation, comme vient de le rappeler M. Besson. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé, dans son discours introductif, le calendrier de présentation de ce projet. Nous avons maintenant une idée précise des délais.

Je préférerais donc que ces amendements soient retirés.

Sinon, le Gouvernement devrait émettre un avis défavorable, à regret bien entendu, puisqu'il ne conteste pas l'objectif.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous sommes ravis, madame la ministre, de nous entendre dire sans cesse que ce texte sur l'épargne salariale qui, depuis un an, ressemblait fort à l'Arlésienne, va nous être enfin présenté. Compte tenu du calendrier prévu, concertation avec les partenaires sociaux puis adoption par le conseil des ministres au mois de juin, nous devrions l'examiner au début de l'automne.

En tout cas, nous le souhaitons vivement. Ce n'est pas une critique à l'endroit du Gouvernement, mais nous regrettons qu'on ne soit pas allé plus vite, ce qui aurait évité à certains d'entre nous d'être en avance sur les organisations de salariés ou même, pour ce qui concerne en tout cas le Parti communiste, en contradiction avec elles puisque ses amendements ne semblent pas recueillir l'assentiment de la totalité des syndicats.

Une dernière remarque, madame la présidente, pour répondre très amicalement à Yves Cochet. Je suis parmi nous l'un des rares hommes d'entreprise et je trouve dommage, mon cher collègue, de vous entendre employer des mots laissant à penser que la majorité actuelle aurait oublié qu'elle a faite sienne, depuis 1983, l'idée que c'est au sein de l'entreprise que l'on s'enrichit et que l'on s'épanouit.

M. Jacques Desallangre.

Allez le dire aux salariés de Wolber qui font la queue à l'ANPE de Soissons !

M. Jean-Jacques Jégou.

De grâce, ne revenons pas vingt ans en arrière ! Car il y a bientôt vingt ans que M. Fabius et M. Delors défendaient cette idée. Or je constate, comme François Goulard, un véritable décalage au sein de la majorité. On dirait parfois qu'elle se partage entre deux ou même trois positions, on l'a vu hier soir, sur la société d'aujourd'hui. Voilà une majorité plurielle qui ferait bien de s'accorder avant de nous couvrir d'amendements souvent contradictoires et pas même discutés avec les organisations syndicales qu'elle prétend quelquefois représenter !

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'un des arguments avancés par notre rapporteur me paraît parfaitement juste et j'aimerais m'y attarder. M. Besson nous a dit en substance que l'on ne pourrait jamais empêcher les dirigeants de sociétés de réunir un conseil d'administration informel avec les seuls administrateurs représentant le capital et de vider ainsi très largement de son sens la présence rendue obligatoire par la loi d'administrateurs représentant les salariés.

V oilà une réflexion pertinente qui doit inspirer l'ensemble de notre discussion sur le droit des sociétés.

Une chose est de légiférer, une autre est de voir comment les lois sont reçues, comment les chefs d'entreprise et les propriétaires des entreprises réagissent et les appliquent.

Je l'ai pensé fortement en lisant tous vos développements sur la séparation des fonctions entre le président du conseil d'administration et le directeur général. C'est, semble-t-il, une des grandes réformes que vous souhaitez voir adopter dans ce texte. La possibilité de séparer l'organe de contrôle de l'organe de direction existe déjà dans la loi de 1966 ; cela s'appelle le conseil de surveillance et le directoire. Or l'expérience a montré que ce statut était fort peu choisi par les entreprises françaises. Les acteurs économiques ont une préférence marquée pour la confusion des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général.

Il est plus que probable que, malgré les textes que vous voulez édicter, la réalité des entreprises françaises ne changera pas, car telle est la volonté de ceux qui ont le p ouvoir dans l'entreprise. Certains d'entre vous ne l'acceptent que du bout des lèvres, d'autres le refusent même carrément. Il n'empêche que c'est ainsi.

De surcroît, vous oubliez allègrement les petites et moyennes entreprises, qui forment l'immense majorité des sociétés anonymes et pour lesquelles tous vos beauxr aisonnements sur la séparation entre fonction de contrôle et fonction de direction sont très largement artificiels et déconnectés du réel.

Mme la présidente.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

J'ai bien entendu le Gouvernement nous dire qu'il n'était pas opposé à notre volonté d'associer les salariés aux instances dirigeantes des sociétés. J'ai aussi entendu le rapporteur préciser que M. Balligand était favorable à cette mesure. Il s'agit donc d'une simple question d'opportunité et je retire l'amendement no 604.

Mme la présidente.

L'amendement no 604 est retiré.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Je trouve assez curieux l'argument du rapporteur tendant à considérer, même s'il n'a pas, bien entendu, de portée générale, que si une faculté autorisée par la loi devient une obligation, celle-ci est détournée presque systématiquement.

M. François Goulard.

C'est ainsi !

M. Yves Cochet.

Vous avez même surenchéri, monsieur Goulard. Pourtant, cela veut clairement dire que les chefs d'entreprise et les actionnaires n'auraient aucun respect pour la loi et seraient systématiquement des tricheurs.

M. Jacques Desallangre.

Graves accusations !

M. Yves Cochet.

Je trouve cela curieux et plus encore de votre part, monsieur Goulard. Moi, je récuse intellectuellement les arguments visant à démontrer qu'il ne sert à rien de légiférer, même si c'est légitime, parce que nos contemporains aiment bien la triche.

M. François Goulard.

Les dirigeants ont le devoir de faire fonctionner l'entreprise.

M. Yves Cochet.

En revanche, je suis sensible à l'argument d'opportunité invoqué à la fois par M. le rapporteur et par Mme la ministre, selon lequel ce sujet sera traité dans un texte ultérieur. J'y vois néanmoins une certaine confusion des genres. Mon amendement pose ene ffet un principe directement issu de la tradition constante qui veut que le droit français considère l'entreprise comme un bien collectif et non pas comme le lieu où s'exerce un seul pouvoir, celui des propriétaires de retirer des dividendes et de contrôler la gestion. En droit français, il existe d'autres pouvoirs dans l'entreprise, et c'est ce que je résume sous le terme de « bien commun », alors que dans les pays anglo-américains, la conception utilitariste l'emporte.

On me dit que l'on abordera ce sujet en même temps que l'épargne salariale, l'actionnariat salarié et d'autres outils permettant d'associer les salariés à la gouvernance de l'entreprise. Mais c'est un autre débat qui ne se situe pas, celui-là, sur le plan conceptuel ou intellectuel. Pour des raisons pragmatiques, parce qu'il faut, en effet, négoc ier avec les partenaires sociaux, j'accepte, comme M. Gaïa, de retirer mon amendement. Il n'empêche que le débat sur les administrations représentant les salariés devra avoir lieu et qu'il conservera toute son actualité.

Mme la présidente.

L'amendement no 594 est également retiré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 199, ainsi rédigé :

« Avant l'article 56, insérer l'article suivant :

« La loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est ainsi modifiée :

« I. A la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 89, le nombre : "vingt-quatre" est remplacé par le nombre : "dix-huit".

« II. A la fin de la deuxième phrase de l'article 129, le nombre : "vingt-quatre" est remplacé par le nombre : "dix-huit".

« III. Dans le premier alinéa de l'article 152, le nombre : "vingt-quatre" est remplacé par le nombre : "dix-huit », et le nombre : "trente" est remplacé par le nombre : "vingt-quatre" ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Cet amendement est clairement anti-conseil d'administration ou de surveillance pléthorique. Si l'Assemblée nationale l'adoptait le nombre maximal de membres de ces conseils passerait de 24 à 18, ainsi que de 30 à 24, pour une période de trois ans, dans les sociétés qui viennent de fusionner.

Cette mesure est globalement acceptée, même si certains sont contre, par les représentants des chefs d'entreprise. Et surtout, elle nous paraît cohérente avec les objectifs du projet gouvernemental et la limitation du cumul des mandats. Chacun sait que, pour travailler efficacement, il ne faut pas être trop nombreux. Si nous voulons vraiment valoriser l'action des conseils d'administration, il est souhaitable de limiter le nombre des administrateurs.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

A la lecture de celle-ci, on voit bien le caractère inopérant de certaines dispositions prévues dans le texte initial ou ajoutées par la majorité de la commission des finances. Il serait quand même ridicule qu'une fusion achoppe sur le fait qu'on ne pourrait pas reconduire un certain nombre d'administrateurs à cause d'une limitation trop draconienne du nombre des sièges autorisé par la loi dans les sociétés venant de fusionner.

C'est là, typiquement, une clause qui relève des statuts.

Je ne vois pas pourquoi la loi déciderait de ramener de 24 à 18 ou, en l'occurrence, de 30 à 24 le nombre des administrateurs. Ce n'est pas à la loi de régenter les conseils d'administration ou de surveillance. Les statuts sont là pour cela. Laissons un minimum de liberté aux entreprises et cessons de leur imposer des normes.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je souscris bien entendu pleinement aux propos de mon collègue Auberger. J'ajouterai simplement que je vois une contradiction entre votre volonté de limiter le nombre d'administrateurs et le souci que vous manifestez plus loin dans le texte de mieux assurer la représentation et l'information des minoritaires.

Dans certains cas, lorsque, par exemple, le capital est relativement éclaté, il peut être souhaitable, pour la bonner eprésentation des intérêts minoritaires, d'avoir un nombre élevé d'administrateurs.

On voit donc ce qu'il y a d'arbitraire à vouloir fixer dans la loi quelque chose qui relève essentiellement de la sphère privée.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 199.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 200 rectifié, ainsi rédigé :

« Avant l'article 56, insérer l'article suivant :

« L'intitulé de la sous-section 1 de la section 3 du chapitre IV du titre Ier de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 est complété par les mots : "et direction générale". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 200 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 56

Mme la présidente.

« Art. 56. - I. - A l'article 98, les trois premiers alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur application. Il exerce les pouvoirs qui lui sont réservés par la présente loi et règle par ses délibérations les affaires de la société.

« Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du conseil d'administration qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

« A toute époque de l'année, le conseil d'administration reçoit toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission et se fait communiquer les documents qu'il estime utiles. Il opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société.

« Les administrateurs sont responsables envers la sociétée t envers les tiers dans les conditions prévues à l'article 244.

« Le conseil d'administration des sociétés faisant appel public à l'épargne établit un règlement intérieur. Ce document précise notamment les règles relatives à la fréquence des réunions du conseil d'administration ainsi qu'à la fixation de l'ordre du jour de ces réunions. Il est publié dans des conditions fixées par décret. »

« II. L'article 113 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 113 . - Le président du conseil d'administration représente le conseil d'administration. Il organise et dirige les travaux de celui-ci, dont il rend compte à l'assemblée générale. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s'assure, en particulier, que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.

« Il peut assumer, sous sa responsabilité, la direction générale de la société, en qualité de directeur généra l, si les statuts prévoient un tel cumul. Les dispositions de la présente sous-section relatives au directeur général lui sont alors applicables. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 10, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du I de l'article 56 :

« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société, il veille à leur application et exerce les pouvoirs qui lui sont réservés par la présente loi. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Cet amendement prévoit un double recentrage dans la définition des missions du conseil d'administration au sein des sociétés : d'une part, il lui confie le soin de fixer les orientations stratégiques de la société et, d'autre part, il lui assigne une fonction de contrôle de la mise en oeuvre de ses décisions.

Toutetois, la rédaction proposée par le projet de loi a paru à la commission des lois introduire une ambiguïté puisque l'article 56 prévoit également que le conseil

« règle par ses délibérations les affaires de la société ».

Cette expression est un peu maladroite parce qu'elle semble conférer au conseil, qui est un organisme non permanent de la société, au fonctionnement intermittent, des pouvoirs de conduite de la gestion quasi quotidienne de l'entreprise.

L'amendement que je présente tend, tout en reprenant très largement les termes du projet de loi, à supprimer la référence aux « affaires de la société »,

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis favorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis également favorable à cette clarification.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je n'ai pas de remarque particulière sur la rédaction proposée par notre collègue. Je veux simplement mettre en garde l'assemblée sur un travers qui me semble assez constant et que je qualifierai, si v ous me permettez l'expression, de « politico-morphisme », dans l'approche du texte. Vous avez tendance à projeter le fonctionnement de la société politique et celui des collectivités publiques sur ce que vous pensez être l'entreprise et, en l'occurrence, la société commerciale.

M. Christian Cuvilliez.

Vous, vous faites l'inverse !

M. François Goulard.

Je crois que c'est une erreur parce que ce n'est pas ainsi que les choses se passent.

Le conseil d'administration n'a pas, dans la plupart des sociétés commerciales le poids que vous lui attribuez.

Vous avez tendance à y voir l'équivalent d'un conseil régional pour une région ou d'un conseil général pour un département, ce qu'il n'est pas. L'entreprise, c'est avant tout l'action, et l'action c'est avant tout la direction générale. Il est totalement inexact de penser, comme vous semblez le faire, que le conseil d'administration, quels que soient ses pouvoirs et quels que soient les termes que vous emploierez dans la loi, a, dans la vie de l'entreprise, le poids que vous semblez lui conférer.

Je tenais à faire cette remarque d'ordre général parce que j'ai vraiment le sentiment que vous n'avez pas une vision réaliste de ce qu'est le fonctionnement concret et quotidien d'une entreprise.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Goulard, d'Aubert, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 547, ainsi rédigé :

« Après le deuxième alinéa du I de l'article 56, insérer l'alinéa suivant :

« Les dispositions des statuts limitant les pouvoirs du conseil d'administration sont inopposables aux tiers. ».

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Cet amendement répond au souci que l'on retrouvera plus loin dans le texte de protéger les droits des tiers vis-à-vis des dispositions internes aux entreprises.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Les pouvoirs du conseil d'administration nous semblant être déjà précisés par le projet de loi et les statuts organisant seulement les relations au sein de la société, cet amendement de précision ne nous a pas paru indispensable. Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je ne suis pas d'accord avec le rapporteur. Ce n'est pas le lieu d'avoir un long débat sur ce sujet, mais il y a des décisions du conseil d'administration qui ont des conséquences pour les tiers, comme, par exemple, les autorisations de se porter caution données par le conseil.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 547.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de quatre amendements nos 11, 201 rectifié, 549 rectifié et 548, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 11, présenté par M. Vallini, rapporteur pour avis, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le quatrième alinéa du I de l'article 56 :

« A toute époque de l'année, les administrateursr eçoivent toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission et se font communiquer les documents qu'ils estiment utiles.

Ils opèrent les vérifications et les contrôles qu'ils jugent opportuns et se saisissent de toute question intéressant la bonne marche de la société. »

Les amendements nos 201 rectifié et 549 rectifié sont identiques.

L'amendement no 201 rectifié est présenté par M. Eric Besson, rapporteur, MM. d'Aubert, Gantier et Laffineur ; l'amendement no 549 rectifié est présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Dans la première phrase du quatrième alinéa du I de l'article 56, substituer aux mots : "le conseil d'administration", les mots : "chaque administrateur". »

« II. En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa de cet article, substituer au mot : "Il", les mots : "Le conseil d'administration". »

L'amendement no 548, présenté par MM. Goulard, d'Aubert, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Rédiger ainsi la dernière phrase du quatrième alinéa du I de l'article 56 : "Il contrôle la bonne marche de la société". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no

11.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Le projet de loi prévoit que le conseil d'administration reçoit toutes les i nformations nécessaires à sa mission, qu'il se fait communiquer tous les documents utiles, qu'il opère les vérifications sur place et qu'il peut se saisir de toute question intéressant la bonne marche de la société. Si on ne peut qu'approuver le principe de collégialité, on peut en revanche se demander comment cela fonctionne concrètement, et notamment qui agit au nom du conseil. Est-ce le seul président ? Si tel est le cas, cela reviendrait alors à priver les administrateurs, pris individuellement, de toute initiative.

Pour éviter que tout passe par le président, la commission des lois propose, par cet amendement, de substituer aux mots « le conseil d'administration » les mots « les administrateurs » et de modifier en conséquence le texte du Gouvernement afin d'accorder à chacun de ceux-ci, pris individuellement, une plus grande initiative.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement no 201 rectifié.

M. Eric Besson, rapporteur.

Si vous le voulez bien, madame la présidente, j'interviendrai sur les amendements nos 11, 210 rectifié et 549 rectifié. Je tiens en effet à nous excuser auprès de nos collègues de la commission des lois. Les conditions un peu difficiles dans lesquelles nous avons travaillé ont fait que nous avons rejeté à tort leur amendement en adoptant, en concertation avec nos collègues de l'opposition, MM. d'Aubert, Gantier, Laffineur et Goulard, un amendement identique. Nous avons du coup rejeté l'ensemble des autres amendements sans nous apercevoir que, ce faisant, nous rejetions aussi celui de la commission des lois.

Sur le fond, nous sommes tout à fait d'accord avec ce que vient de dire M. Vallini.

Je laisse maintenant aux experts le soin de déterminer quel est l'amendement qui doit être adopté.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard, pour défendre les amendements nos 549 rectifié et 548.

M. François Goulard.

Les amendements ont été très bien défendus par M. le rapporteur.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis d'accord avec l'idée d'assurer la bonne information de chaque administrateur.

Mais la vérification et le contrôle appartiennent au conseil d'administration dans sa collégialité. C'est la raison pour laquelle je préfère l'amendement no 201 rectifié présenté par M. Besson pour traduire cette idée qui vous est commune. Je suis également favorable à l'amendement no 549 rectifié. Il apporte une précision utile.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Sensible à ce que vient de dire Mme la garde des sceaux, je me rallie à l'amendement de la commission des finances et retire l'amendement no

11.

Mme la présidente.

L'amendement no 11 est retiré.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 201 rectifié et 549 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 548.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Auberger a présenté un amendement, no 304, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du I de l'article 56. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Nous avons déjà dénoncé à plusieurs reprises le caractère fourre-tout du projet de loi. Il contient beaucoup de dispositions qui n'ont pas leur place dans la loi, en tout cas pas dans ce projet. C'est le cas notamment de celle qui impose à toute société d'avoir un règlement intérieur.

Toute société ayant des statuts, elle a naturellement un règlement intérieur car celui-ci est la déclinaison de ces statuts pour le bon fonctionnement de ses organes dirigeants. Il est donc superflu de prévoir l'établissement d'un règlement intérieur dans la loi. C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer l'alinéa le concernant.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission a été sensible aux arguments de M. Auberger et a adopté son amendement.

M. Philippe Auberger.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

L'existence d'un règlement intérieur est évidemment nécessaire à la bonne information des actionnaires, notamment sur la fréquence des réunions et les modes d'organisation choisis. C'est pourquoi je considère que la loi doit le prévoir. Je propose donc de maintenir l'alinéa.

M. François Goulard.

Il y a une sérieuse divergence politique entre la majorité et le Gouvernement !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 304.

(L'amendement est adopté.)

M. François Goulard.

Voilà un sévère échec pour le Gouvernement !

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 308 corrigé et 554 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 308 corrigé, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé :

« Après le I de l'article 56, insérer le paragraphe suivant :

« I bis. - Le dernier alinéa de l'article 98 et ainsi rédigé :

« Les cautions, avals et garanties données par des sociétés autres que ceux donnés par les établissements de crédit, les prestataires de services en investissement et les sociétés d'assurance agréées à cet effet, font l'objet d'une autorisation du conseil d'administration ou, si les statuts le prévoient, d'une ratification par celui-ci, dans des conditions fixées par décret. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le dépassement de cette autorisation peut être oppposée aux tiers. »

L'amendement no 554 corrigé, présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Après le I de l'article 56, insérer le paragraphe suivant :

« I bis. - Le dernier alinéa de l'article 98 est ainsi rédigé :

« Les cautions, avals et garanties données par les sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires et financiers, font l'objet d'une autorisation du conseil d'administration ou, si les statuts le prévoient, d'une ratification par celui-ci, dans des conditions fixées par décret. Ce décret déterminera les conditions dans lesquelles le dépassement de cette autorisation peut être opposée aux tiers. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 308 corrigé.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement concerne l'important problème des cautions, avals et garanties donnés par les sociétés. Chacun se souvient sans doute, à cet égard, de l'affaire extrêmement grave et coûteuse de cette cimenterie qui avait donné des cautions sans en référer à ses organes dirigeants.

Cela dit, dans la vie des affaires, et notamment dans les opérations de fusion, de scission, d'absorption ou de toute autre forme d'évolution du capital et des structures des entreprises, il est parfois difficile de réunir un conseil d'administration chaque fois que l'on veut donner une caution, un aval ou une garantie. Aussi proposons-nous qu'il soit rendu compte des décisions de ce genre qui auraient pu être prises sans être soumises préalablement au conseil d'administration lors de sa réunion suivante.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 554 corrigé.

M. François Goulard.

Il est défendu. Les mêmes arguments s'appliquent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission a rejeté ces amendements. Il nous semble qu'une ratification a posteriori nuirait à la transparence des décisions et empêcherait le conseil d'administration de donner son avis avant la conclusion de telles opérations.

En cas de refus de les ratifier, qu'adviendrait-il des opérations réalisées ? La sécurité juridique des tiers nous paraîtrait très affaiblie.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis également défavorable à la ratification a posteriori de certains actes de gestion. Les cautions, les avals, les garanties sont des actes importants qui peuvent engager la société pour des sommes considérables. Ils doivent donc être préalablement autorisés par le conseil.

Par ailleurs, si celui-ci refusait de les ratifier, cela nuirait, comme vient de le dire le rapporteur, à la sécurité juridique des tiers.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 308 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 554 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 551, ainsi rédigé :

« Compléter la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article 56 par les mots : "devant l'assemblée générale des actionnaires". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'amendement est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis également défavorable.

Le conseil d'administration n'a pas de personnalité morale, mais c'est une entité dont l'existance est reconnue par la loi et qui est dotée de compétences propres. Il paraît important que son président rende compte de son action devant l'assemblé générale et puisse représenter le conseil en toute circonstance.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 551.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 552, ainsi rédigé :

« Après la première phase du deuxième alinéa du II de l'article 56, insérer la phrase suivante :

« La société est engagée à l'égard des tiers, même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, ou qui auraient dépassé les attributions normales de sa compétence fixée par la loi ou par les statuts. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il s'agit à nouveau d'apporter des précisions sur la délicate question des engagements d'une société à l'égard des tiers.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Dans la mesure où les pouv oirs du conseil d'administration sont précisés par l'article, il ne nous a pas paru judicieux d'ouvrir la possibilité au président du conseil d'administration d'outrepasser ses pouvoirs. La commission a donc rejeté cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

La disposition proposée ne se justifie pas lorsque le président du conseil d'administration n'est pas directeur général. Elle a donc sa place à l'article relatif à ce dernier. Je suis donc défavorable à l'amendement à cet endroit du texte.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 552.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du II de l'article 56, par les mots : "sous réserve d es dispositions du deuxième alinéa de l'article 117". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Les dispositions du II de l'article 56 tendent à équilibrer ou à rééquilibrer les rapports entre les différents organes - dirigeants et consultatifs - de la société. En attribuant la conduite des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

affaires non plus au président mais au directeur général, le texte confie à ce dernier la charge de la conduite de la société sans que le directeur général soit obligatoirement membre du conseil d'administration.

Toutefois, il a paru légitime à la commission des lois de prévoir la possibilité pour le directeur général de provoquer une réunion du conseil d'administration sur un point déterminé si les circonstances l'exigent - si la société connaît des difficultés soudaines et importantes, par exemple.

Tout en prévoyant que le président du conseil d'administration dirige les travaux du conseil, l'amendement que je vous présente tend à accorder la possibilité au directeur général de convoquer le conseil d'administration.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Après une longue discussion, la commission des finances a, finalement, rejeté cet amendement, parce qu'elle a craint des conflits entre les organes dirigeants. Toutefois, un grand nombre de commissaires n'y étaient pas foncièrement hostiles. Je serais intéressé par l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Sans pouvoir engager la commission des finances qui a voté contre cet amendement, j'indique, qu'étant donné la position commune de la commission des lois et du Gouvernement, je le voterai à titre personnel.

M. Dominique Baert.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Comme l'a indiqué notre rapporteur, la discussion en commission des finances sur cet amendement a été très animée. Une majorité s'est finalement dégagée pour ne pas compliquer les choses car nous avons senti qu'il y avait un risque dans cette partie du texte d'organiser une dualité des pouvoirs.

Le conflit qui a eu lieu à EDF entre le président et le directeur général - et qui a coûté à certains leur poste s'est terminé dans une sorte de psychodrame qui ne sied pas à une entreprise moderne et dynamique et a pénalisé l'entreprise.

M. Germain Gengenwin.

Tout à fait ! Même s'il ne voit pas de malice dans l'amendement présenté par la commission des lois et longuement discuté en commission, le groupe UDF n'y est pas favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Ce qui vient d'être dit illustre parfaitement ce que je disais tout à l'heure : c'est un exemple de l'application du fonctionnement du monde politique à ce que l'on croit être l'entreprise.

Les conflits dans les entreprises, vous savez, se règlent très vite. Sinon, les entreprises n'y survivraient pas.

M. Yves Cochet.

Le cas d'EDF prouve que non !

M. François Goulard.

EDF n'est pas une entreprise tout à fait comme les autres : elle a un statut public, elle n'a pas de capital et elle exerce un monopole ! Une entreprise privée ne peut pas se permettre ce genre de conflit.

L'articulation entre conseil de surveillance et directoire montre d'ailleurs très bien qui a la direction effective de l'entreprise. Les conflits y sont rarissimes et très vite réglés.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Je soutiens l'amendement. Le conflit est tout à fait possible entre un directeur général et un conseil d'administration. Il suffit de lire l'actualité pour s'en rendre compte.

Il faut donc que le directeur général, s'il est en désaccord avec le président, ait la possibilité de porter ce conflit devant le conseil d'administration afin que celui-ci puisse le trancher, d'autant que, comme M. Goulard le disait à l'instant, il peut y avoir urgence.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

12.

M. Christian Cuvilliez.

Je vote pour.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le vote de M. Cuvilliez a fait pencher la balance en faveur de l'adoption.

M. Jean-Jacques Jégou.

M. Cuvilliez compte beaucoup dans les décisions de notre assemblée.

M. François Goulard.

Il est de ceux qui font et défont les majorités ! (Sourires.)

Mme la présidente.

MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 553, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa du II de l'article 56 par la phrase suivante : "Le président est, à peine de nullité de la nomination, une personne physique". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis défavorable, non sur le fond, mais tout simplement parce que la précision nous a paru inutile. Elle figure déjà à l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966.

M. François Goulard.

Je retire l'amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 553 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements nos 475 et 13, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 475, présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 56 :

« Il ne peut assumer sous sa responsabilité la direction générale de la société en qualité de directeur général et les statuts de l'entreprise ne peuvent prévoir un tel cumul. »

L'amendement no 13, présenté par M. Vallini, rapporteur pour avis, et M. Darne, est ainsi rédigé :

« Substituer au dernier alinéa du II de l'article 56, les deux alinéas suivants :

« La direction générale de la société est assumée sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par le directeur général dans les conditions déterminées par les statuts qui


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peuvent confier au conseil d'administration la faculté de choisir entre ces deux modalités d'exercice de la direction générale.

« Dans l'hypothèse où le président exerce les fonctions de directeur général, les dispositions de la présente sous-section relative à ce dernier lui sont applicables. »

Sur cet amendement, M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un sous-amendement, no 202, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 13, substituer aux mots : "dans les conditions déterminées par les statuts qui peuvent confier au conseil d'administration la faculté de choisir entre ces deux modalités d'exercice de la direction générale", les mots : ": le conseil d'administration choisit entre les deux modalités d'exercice de la direction générale et en informe les actionnaires dans des conditions fixées par les statuts". »

La parole est à M. Christian Cuvilliez pour soutenir l'amendement no 475.

M. Christian Cuvilliez.

L'amendement que nous proposons, quel que soit le poids dont nous pesons dans les décisions et les considérations qui touchent à l'organisation des entreprises (Sourires) , vise, dans les sociétés qui font appel à l'épargne publique, les seules du reste concernées par l'ensemble du texte - il n'est pas question d'appliquer une telle mesure aux PME et aux entreprises à dimension locale - à rendre systématique la séparation des fonctions entre la présidence du conseil d'administration et la direction générale de l'entreprise. Le texte en prévoit d'ores et déjà la possibilité, nous venons d'en parler, pour peu que les actionnaires en décident ainsi ; nous proposons d'en faire une norme applicable à toutes les entreprises qui font appel à l'épargne publique.

Parler de démocratisation à ce niveau relève évidemment de l'abus de langage : la démocratisation des entreprises n'est qu'un mythe. Sur les bancs de l'opposition, M. Goulard notamment nous a montré que ce terme ne pouvait être compatible avec le fonctionnement, l'organisation, la culture même des entreprises.

En revanche, le partage de l'exercice des pouvoirs et la responsabilité représente, pour les administrateurs comme pour les salariés, une garantie, une assurance que le choix et la discussion restent possibles. Le président présente devant le conseil d'administration les orientations et la stratégie de l'entreprise ; le directeur est chargé de les appliquer et d'en déterminer les conditions opérationnelles. En cas de conflit, on vient de le voir, ce dernier peut en appeler au conseil d'administration pour lui demander de trancher.

Au lieu d'une monarchie, quand bien même elle prendrait la forme d'un despotisme éclairé, nous proposons de systématiser la dyarchie dans l'entreprise. On a davantage de possibilités de dialogue avec deux têtes qu'avec une seule.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement no

13.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Le texte du Gouvernement privilégie d'ores et déjà la dissociation des f onctions de président et de directeur général. La commission des lois préférerait que l'on ménage un peu plus de souplesse en laissant le choix, au sein de chaque société, entre le cumul - président-directeur général et la dissociation de ces deux fonctions. C'est la raison pour laquelle notre amendement no 13 propose de renvoyer aux statuts, donc à l'assemblée générale, le soin d'en décider. Il prévoit également, toujours dans le souci d'instaurer la plus grande souplesse, que l'assemblée générale peut, si elle le souhaite, déléguer ce choix au conseil d'administration.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 475 et 13 et pour défendre le sous-amendement no 202.

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement no 475, préférant celui de la commission des lois qui, M. Vallini vient de l'expliquer, cherche à privilégier la souplesse. Notre sous-amendement no 202 n'a d'autre but que d'apporter plus de précision.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le projet de loi, M. Cuvilliez le sait, entend favoriser la dissociation des fonctions pour des raisons qu'il a lui-même soulignées : celle-ci présente en effet d'incontestables avantages. Cela dit, le Gouvernement estime qu'il convient de préserver une certaine souplesse dans l'organisation des sociétés en leur permettant de choisir le mode de direction le plus adapté à la situation. C'est la raison pour laquelle il n'est pas favorable à l'amendement no 475 qui rendrait la dissociation obligatoire. L'amendement no 13 et le sous-amendement no 202 vont, quant à eux, dans le sens de la souplesse. Aussi le Gouvernement s'en remettra-t-il à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'amendement de mon collègue Cuvilliez, non pour les raisons qui viennent d'être exprimées, mais avant tout parce que cette dissociation obligatoire aboutirait à une standardisation, une normalisation des entreprises françaises en les alignant sur ce qui se passe dans les autres pays, notamment dans le monde anglo-américain.

Que souhaitent en effet les partisans de ce qu'on appelle dans ce monde-là la corporate governance ? Précisément une dissociation systématique, une clarification afin que les actionnaires, les gestionnaires de fonds de pension, tous ceux qui se partagent la propriété de l'entreprise aient la faculté de pouvoir remettre en cause le pouvoir managérial, c'est-à-dire les directions. Or, ce pouvoir managérial a pris beaucoup d'importance en France et dans l'Europe continentale depuis vingt ou vingt-cinq ans du fait de la confusion des fonctions, symbolisée par le président-directeur général. Dans les autres pays à l'inverse, et particulièrement en Angleterre et aux Etats-Unis, les agences de notation, les fonds de pension, les fonds institutionnels et, d'une manière générale, tous les gens favorables au « gouvernement d'entreprise » cherchent de plus en plus à systématiser la dissociation entre direction générale et représentants des actionnaires afin de rendre plus facile la comparaison entre entreprises. La dissociation entre les fonctions de président et de directeur général s'inscrit totalement dans ce processus de normalisation à l'échelle mondiale. Je suis donc plutôt favorable au texte tel que proposé par le projet, qui se borne à en prévoir la faculté.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 475.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 202.

(Le sous-amendement est adopté.)


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Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 13, modifié par le sous-amendement no 202.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 307 corrigé et 555, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 307 corrigé, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé ;

« Compléter l'article 56 par le paragraphe suivant :

« III. 1o La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 128 de la loi du 24 juillet 1966 précitée est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, à l'exception de ceux donnés par les établissements de crédit, les prestataires de services en investissement et les sociétés d'assurance agréées à cet effet, les cautions, avals et garanties font l'objet d'une autorisation du conseil de surveillance ou, si l es statuts le prévoient, d'une ratification par celui-ci, dans des conditions déterminées par décret.

Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le dépassement de cette autorisation peut être opposé aux tiers. »

« 2o En conséquence, l'article 113-1 du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales est abrogé. »

L'amendement no 555, présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :

« Compléter l'article 56 par les paragraphes suivants :

« III. La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 128 est ainsi rédigé :

« Toutefois, à l'exception de ceux donnés par les établissements de crédit, les prestataires de services en investissement et les sociétés d'assurance agréées à cet effet, les cautions, avals et garanties font l'objet d'une autorisation du conseil de surveillance ou, si l es statuts le prévoient, d'une ratification par c elui-ci, dans des conditions déterminées par décret. »

« IV. L'article 113-1 du décret no 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales est abrogé. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 307 corrigé.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement est le symétrique de celui que nous avons présenté tout à l'heure à propos des conseils d'administration ; il concerne les conseils de surveillance. Je n'ai pas été, je dois le dire, totalement convaincu par l'argumentation présentée à l'appui du rejet de l'amendement précédent, d'autant qu'il reste parfaitement possible de fixer un plafond à ces cautions, avals et garanties, au lieu de réunir systématiquement le conseil d'administration, et, dans le cas présent, le conseil de surveillance, quel qu'en soit le montant. Cela dit, notre précédent amendement n'ayant recueilli la majorité des suffrages, je retire l'amendement no 307 corrigé.

Mme la présidente.

L'amendement no 307 est retiré.

L'amendement no 555 n'est pas défendu.

Je suis saisie de deux amendements nos 305 et 557, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 305, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé :

« Compléter l'article 56 par le paragraphe suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 287 de la loi du 24 juillet 1966 précitée est ainsi rédigé :

« Le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, peut déléguer, avec faculté de subdélégation, à son président, à un ou plusieurs directeurs généraux, ou, en accord avec le président, à une ou plusieurs personnes de son choix, les pouvoirs reçus en application de l'alinéa précédent. Le président, le ou les directeurs généraux, le ou les délégués, selon le cas, rendent compte au conseil d'administration ou au directoire, dans les conditions prévues par celui-ci, des opérations réalisées. »

L'amendement no 557, présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :

« Compléter l'article 56 par le paragraphe suivant :

« III. Le dernier alinéa de l'article 287 est ainsi rédigé :

« Le conseil d'administration ou le directoire selon le cas, peut déléguer, avec faculté de subdélégation à son président, à un ou plusieurs directeurs généraux délégués ou, en accord avec le président, à une ou plusieurs personnes de son choix, les pouvoirs reçus en matière de cautions, avals et garanties. Le président, le ou les directeurs généraux, le ou les délégués selon les cas, rendent compte au conseil d'administration ou au directoire, dans les conditions prévues par celui-ci, des opérations réalisées. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 305.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement se propose d'élargir les possibilités de délégation en cas d'émission d'obligations. Lorsque des entreprises ont de nombreuses filiales et de sous-filiales, notamment à l'étranger, le conseil d'administration ou le directoire devraient pouvoir déléguer non seulement aux présidents et aux directeurs généraux, mais également plus en aval dans la hiérarchie, les pouvoirs nécessaires pour procéder à ces opérations.

Mme la présidente.

L'amendement no 557 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Il ne nous a pas paru judicieux d'étendre la possibilité de délégation à des personnes qui ne sont pas membres du conseil d'adm inistration ou du directoire, alors qu'aucune responsabilité n'est organisée pour des décisions aussi importantes. Rejet.

Mme la garde des sceaux.

Je suis également défavorable à cet amendement qui ne me paraît pas aller dans le sens de la clarification.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 305.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements nos 306 et 556, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 306, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé :

« Compléter l'article 56 par le paragraphe suivant :

« Le premier alinéa de l'article 372-1 est ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Art. 372-1. La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires dans l'état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l'opération. Cette transmission universelle entraîne de plein droit celle des cautions, avals et garanties données à la société absorbée aux droits de laquelle vient la société absorbante, sans aucune restriction et nonobstant la disparition de la société absorbée dont les droits actuels et potentiels sont transmis à las ociété absorbante. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéfic iaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission. »

L'amendement no 556, présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :

« Compléter l'article 56 par le paragraphe suivant :

« Le premier alinéa de l'article 372-1 est ainsi rédigé :

« Art. 372-1. La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent, ainsi que la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires dans l'état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l'opération. Cette transmission universelle entraîne de plein droit celle des cautions, avals et garanties données à la société absorbée aux droits de laquelle vient la société absorbante, sans aucune restriction et nonobstant la société absorbée dont les droits actuels et potentiels sont transmis à la société absorbante.

La transmission universelle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéfic iaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 306.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement, très technique, a trait aux problèmes de fusion et aux suites à donner aux garanties et aux cautions qui ont pu être accordées dans le passé.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 556.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis également défavorable.

La jurisprudence citée dans l'exposé des motifs de ces amendements est équilibrée. Il n'apparaît pas opportun de valider des cautions sur des dettes qui n'existaient pas au jour de la fusion. Il appartient aux parties concernées de revoir leurs engagements au regard des changements importants qui découleraient de cette opération.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 306.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 556.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 56, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 56, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 56

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, et M. Darne ont présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Après l'article 56, insérer l'article suivant :

« L'article 93-1 de la loi du 24 juillet 1966 précitée est ainsi modifié :

« I. - Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "une assemblée générale extraordinaire est convoquée pour se prononcer sur l'introduction dans les statuts d'une clause prévoyant qu'" sont supprimés.

« II. - Le dernier alinéa est supprimé. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Avec votre permission, madame la présidente, M. Darne va présenter cet amendement, ou plutôt expliquer pourquoi il le retire.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacky Darne, pour présenter - et retirer - l'amendement no

14. (Sourires.)

M. Jacky Darne.

Je le retire en effet, madame la présidente, après avoir entendu tout à l'heure tant le rapporteur que Mme la ministre expliquer que ce type de préocc upation serait abordée à l'occasion du débat sur l'épargne salariale. Je tiens cependant à souligner combien il est important de rendre obligatoire et automatique - ce que nous ferons à l'occasion de ce texte - la présence des salariés actionnaires dans les conseils d'administration.

Une grande opération récente a montré que la direction pouvait faire battre un représentant des salariés, quand bien même ceux-ci détenaient une part non négligeable presque 5 % - du capital. Il y a quelque contradiction à prétendre d'un côté vouloir intéresser les salariés à la marche des entreprises, tout en leur interdisant de l'autre l'accès au conseil d'administration...

M. Jean-Jacques Jégou.

La loi ne l'interdit pas !

M. Jacky Darne.

... par le biais d'accords « électoraux » d'assemblée générale. En prévoyant une présence automatique, la loi apporterait une garantie. Mais nous reprendrons ce débat à l'occasion du projet sur l'épargne salariale.

Mme la présidente.

Rendez-vous à l'automne ! L'amendement no 14 est retiré.

Article 57

Mme la présidente.

« Art. 57. - I. - L'article 115 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 115 . - I. - Sauf dans le cas visé au deuxième alinéa de l'article 113, le conseil d'administration nomme un directeur général qui est, à peine de nullité de la nomination, une personne physique. Il détermine sa rémunération.

« Sur proposition du directeur général, le conseil d'administration peut également nommer une ou plusieurs personnes physiques chargées d'assister le directeur général, avec le titre de directeur général délégué.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

« Les statuts fixent le nombre maximum des directeurs généraux délégués, qui ne peut dépasser cinq.

« Le conseil détermine leur rémunération.

« II. Nul ne peut exercer simultanément plus d'un mandat de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique, et quatre mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français.

« Toute personne physique qui, lorsqu'elle accède à un nouveau mandat, se trouve en infraction avec les dispositions de l'alinéa qui précède, doit, dans les trois mois de sa nomination, se démettre de l'un de ses mandats. A l'expiration de ce délai, elle est réputée s'être démise de son nouveau mandat et doit restituer les rémunérations perçues, sans que soit, de ce fait, remise en cause la validité des délibérations auxquelles elle a pris part.

« Par dérogation aux dispositions ci-dessus, ne sont pas pris en compte les mandats dans les sociétés contrôlées, au sens de l'article 357-1, exercés par des représentants permanents d'une personne morale. »

« II. Au premier alinéa de l'article 115-1, après les mots : "directeur général" sont insérés les mots : "ou de directeur général délégué". »

« Au troisième alinéa du même article, après les mots : "directeur général", sont insérés les mots : "ou un directeur général délégué". »

« III. L'article 116 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 116 . - Le directeur général est révocable à tout moment par le conseil d'administration. Il en est de même, sur proposition du directeur général, des directeurs généraux délégués. Si la révocation est décidé e sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.

« Lorsque le directeur général cesse ou est hors d'état d'exercer ses fonctions, les directeurs généraux délégués conservent, sauf décision contraire du conseil, leurs fonctions et leurs attributions jusqu'à la nomination du nouveau directeur général. »

« IV. L'article 117 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 117 . - I. - Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration.

« Il représente la société dans ses rapports avec les tiers.

La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

« Les dispositions des statuts ou les décisions du conseil d'administration limitant les pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers.

« II. En accord avec le directeur général, le conseil d'administration détermine l'étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués.

« Les directeurs généraux délégués disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général. »

« V. - Il est créé, après l'article 489, une section VI ainsi rédigée :

« Section VI

« Dispositions concernant les directeurs généraux délégués de sociétés anonymes

« Art. 489-1 . - Les dispositions des articles 432 à 485-I visant les directeurs généraux de sociétés anonymes sont applicables, selon leurs attributions respectives, aux directeurs généraux délégués. »

MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 559, ainsi rédigé :

« Compléter la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 57 par les mots : "et également administrateur de la société". »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis défavorable. J'ai été un peu surpris par cet amendement qui m'a paru contraire à d'autres objectifs exprimés par nos collègues de l'opposition. Le projet laisse les conseils d'administration libres de nommer ou non un administrateur comme directeur général. Ils peuvent choisir une personne extérieure, mais rien ne les y oblige. Ils nommeront des administrateurs s'ils l'estiment nécessaire.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis également défavorable.

Il appartient à chaque société de décider, compte tenu des circonstances, si le directeur général doit ou non être administrateur. Cette solution était d'ailleurs celle du texte d'origine de 1867. C'est seulement à la suite de l'instauration du PDG obligatoire que l'on a rigidifié le droit sur ce point.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 559.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 558, ainsi rédigé :

« I. - Compléter le deuxième alinéa du I de l'article 57 par la phrase suivante : "En accord avec son président, le conseil d'administration détermine l'étendue et la durée des pouvoirs délégués au directeur général".

« II. - En conséquence, au début de la première phrase du deuxième alinéa du IV de cet article, insérer les mots : "Sur délégation et en accord avec le président,". »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Si le présent projet de loi fixe les compétences respectives du président et du directeur général, il ne se préoccupe pas des rapports entre les deux hommes. Nous avons évoqué, à l'occasion des précédents amendements les problèmes qui pouvaient survenir à ce niveau et les difficultés qui en découlaient pour la bonne marche de la société. Cet amendement prévoit d'inscrire dans le droit des sociétés que le directeur général agit sur délégation du président et en accord avec celui-ci.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Cet amendement nous a paru contraire à la logique du texte et à la lettre du IV de l'article 57. Le directeur n'a pas des pouvoirs délégués, mais les pouvoirs les plus étendus. Aussi la commission confirme-t-elle son rejet de l'amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable. Le directeur général n'est pas le délégué du président, mais le délégué du conseil d'administration. Cette proposition est donc contraire au but recherché par le Gouvernement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 558.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 217, ainsi rédigé :

« Supprimer les trois derniers alinéas du I de l'article 57. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Cet amendement, purement formel, vise à supprimer toutes les questions relatives au cumul de l'article 57 afin de les réintroduire, dans un souci de cohérence, à l'article 60.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable. L'ensemble du débat sur le cumul des mandats sociaux aura lieu à l'occasion de l'article 60.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 217.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, les amendements nos 350 de M. Auberger, 15 rectifié de la commission, 349 de M. Auberger, 560 de M. d'Aubert, 16, deuxième rectification, de la commission et 387 de M. Morin tombent.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Madame la présidente, il serait bon, pour la clarté de nos discussions que nos amendements à l'article 57, qui sont tombés du fait de l'adoption de l'amendement no 217, puissent être représentés à l'article 60. Je fais appel à votre bienveillance ; faute de quoi, cela reviendrait à empêcher la discussion de bon nombre d'amendements de fond qui méritent d'être examinés.

Mme la présidente.

Il suffit de les redéposer, sous forme de sous-amendements, à l'article 60.

M. Philippe Auberger.

En effet. Pouvez-vous demander au service de la séance de faire le nécessaire ?

M. Hervé Morin.

Y compris pour l'amendement no 387 ?

Mme la présidente.

D'accord.

MM. d'Aubert, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 550, ainsi rédigé :

« Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa du III de l'article 57. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable, car il convient de laisser à la libre appréciation des sociétés et au cas par cas le point de savoir si un directeur général délégué est salarié ou mandataire social.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 550.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Après le deuxième alinéa du IV de l'article 57, insérer l'alinéa suivant :

« Il peut demander au président de convoquer le conseil d'administration sur un ordre du jour déterminé. Cette convocation ne peut lui être refusée. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

C'est un amendement de cohérence avec ce que nous avons voté tout à l'heure concernant la possibilité pour le directeur général d'une société de convoquer le conseil d'administration.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Vallini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 18 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 57 par les deux paragraphes suivants :

« VI. Dans le premier alinéa de l'article 244, après les mots : "les administrateurs", sont insérés les mots : ", le directeur général".

« VII. Dans le second alinéa de l'article 244, après les mots : "administrateurs" sont insérés les mots : ", le directeur général". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis.

Le directeur général, dont la fonction est créée par ce texte, est doté de pouvoirs importants dans la conduite des affaires de la société. Il est prévu qu'il peut être assisté de directeurs généraux délégués. Or il semble que le texte du Gouvernement ait oublié le régime de responsabilité qui doive s'appliquer à ces dirigeants. C'est pourquoi l'amendement de la commission des lois propose d'appliquer aux directeurs généraux le régime de droit commun de la respon-s abilité civile des dirigeants de société, c'est-à-dire l'article 244 de la loi du 24 juillet 1996.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

La commission des finances a émis des réserves sur cet amendement puis a conclu à son rejet, curieuse de connaître la position et les explications du Gouvernement sur ce point. L'avis de celui-ci pourrait m'amener à modifier ma position personnelle.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Compte tenu de la clarté des explications et de la position du Gouvernement, (Sourires) à titre personnel, je voterai cet amendement, mais je ne peux pas engager la commission des finances.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 18 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 57, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 57, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

Article 58

Mme la présidente.

« Art. 58. - A l'article 121, la première phrase du premier alinéa est remplacée par les dispositions suivantes :

« Les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. »

M. Inchauspé a présenté un amendement, no 465, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 58, supprimer les mots : "si les statuts le prévoient,". »

La parole est à M. Michel Inchauspé.

M. Michel Inchauspé.

Selon l'article 58, la révocation du directoire par le conseil de surveillance ne se fera que

« si les statuts le prévoient ». Normalement, c'est le conseil de surveillance qui nomme le directoire. La logique voudrait donc qu'il puisse le révoquer même si les statuts ne le prévoient pas.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

M. Inchauspé connaît les raisons pour lesquelles la commission des finances a rejeté son amendement. Pour aller vite et en le priant de bien vouloir m'en excuser, je me contente d'émettre un avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable.

Le projet du Gouvernement prévoit de clarifier les conditions de la révocation du directoire. Les statuts doivent se prononcer sur ces modalités. Il n'y a pas lieu d'imposer une solution par la loi car nous souhaitons rendre plus attractif le statut de société à directoire et non faire le contraire par des dispositions inutilement rigides.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 465.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 58.

(L'article 58 est adopté.)

Article 59

Mme la présidente.

« Art. 59. - I. - A l'article 100, il est inséré, après le deuxième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« Si les statuts le prévoient, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs qui participent à la réunion du conseil par des moyens de visioconférence déterminés par décret. Cette disposition n'est pas applicable pour l'adoption des décisions prévues aux articles 110, 115, 340 et 357-1. »

« II. A l'article 139, il est inséré, après le deuxième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« Si les statuts le prévoient, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion du conseil par des moyens de visioconférence déterminés par décret. Cette disposition n'est pas applicable pour l'adoption des décisions prévues aux articles 120 et 138. »

Je suis saisie de deux amendements, nos 312 et 218, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 312, présenté par M. Auberger et M. Chabert, est ainsi rédigé :

« I. Au début de la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 59, substituer aux mots : "Si les statuts le prévoient", les mots : "Sauf dispositions contraires des statuts".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution au début de la première phrase du dernier alinéa du II de cet article. »

L'amendement no 218, présenté par M. Eric Besson, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 59, substituer aux mots : "Si les statuts le prévoient", les mots : "Le règlement intérieur, sauf disposition contraire des statuts, peut prévoir que". »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 312.

M. Philippe Auberger.

Je vais retirer l'amendement no 312 au profit de l'amendement no 218, qui participe du même esprit.

Un clin d'oeil cependant : tout à l'heure, nous avons estimé qu'il n'était pas nécessaire de prévoir dans la loi qu'il y aurait un règlement intérieur, car ça allait de soi ; l'amendement no 218 le confirme !

Mme la présidente.

L'amendement no 312 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 218.

M. Eric Besson, rapporteur.

Chacun aura compris que cet amendement vise à faciliter la prise de décision par visioconférence. Nous y avons été unanimement favorables.

M. Jean-Jacques Jégou.

Cela ne relève pas de la loi !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable à l'amendement de M. Besson qui permet, en effet, au règlement intérieur de prendre les dispositions nécessaires à la tenue des réunions par visioconférence.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 218.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques nos 314 et 562.

L'amendement no 314 est présenté par M. Auberger et M. Chabert ; l'amendement no 562 est présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 59, après les mots : "réunion du conseil", insérer les mots : "par consultation écrite ou".

« II. En conséquence, procéder à la même insertion dans la première phrase du dernier alinéa du II de cet article. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 314.

M. Philippe Auberger.

Il s'agit simplement d'entériner ce qui existe déjà, à savoir que certaines réunions du conseil sur un seul sujet sur lequel les membres du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

conseil sont déjà parfaitement informés sont remplacées par une consultation écrite. Cette pratique est courante.

Moi-même, qui appartiens au conseil d'orientation et de surveillance d'une caisse d'épargne, je puis témoigner que, pour ratifier la désignation d'un membre du directoire, après avis du CENCEP, nous avons procédé par consultation écrite.

Mme la présidente.

La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l'amendement no 562.

M. Hervé Morin.

Je voudrais demander à Mme la ministre si, selon elle, ces dispositions relèvent bien du domaine de la loi ? Je n'en suis pas certain, pour ma part, si je me fonde sur la répartition des compétences établies par les articles 34 et 37 de la Constitution.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

J'ai expliqué à M. Auberger en commission que son amendement soulèverait des difficultés juridiques. Une personne qui aurait donné son avis par écrit avant que ne se déroulent les débats au sein du conseil n'aurait pas pu entendre les arguments échangés et, par exemple, ceux des représentants du comité d'entreprise. Dans ces conditions, la commission propose le rejet de ces amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je souhaite également le rejet de ces amendements. La consultation écrite n'offre aucun moyen de discussion et d'échange de vues. Elle peut même être dangereuse pour le comité d'entreprise qui serait tenu à l'écart, alors qu'il a le droit d'assister aux réunions du conseil d'administration. Le développement des nouvelles technologies permettra des réunions plus faciles du conseil.

Par ailleurs, monsieur Morin, nous sommes en train de modifier les dispositions législatives de la loi de 1966, ce qui ne peut être fait que par la loi.

Mme la présidente.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 314 et 562.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 313 et 561.

L'amendement no 313 est présenté par M. Auberger et M. Chabert ; l'amendement no 561 est présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier et Laffineur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 59, substituer aux mots : "des moyens de visioconférence", les mots : "tous moyens de télécommunication".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans la première phrase du dernier alinéa du II de cet article. »

La parole est à M. Philippe Auberger pour soutenir l'amendement no 313.

M. Philippe Auberger.

Le projet ne parle que des visioconférences, mais la technique évolue rapidement dans ce domaine. Je ne vois pas pourquoi les conférences téléphoniques ou les communications visuelles par Internet devraient être écartées au seul profit de la visioconférence.

Tel est l'objet de mon amendement.

M me la présidente.

L'amendement no 561 est-il défendu ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui, madame la présidente.

Même argumentation.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

Nous avons rejeté ces amendements. Nous proposerons même l'inverse un peu plus loin, à l'article 63.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je précise que la visioconférence inclut Internet et que notre texte prévoit explicitement Internet dans ces dispositifs.

Je suis défavorable aux amendements nos 313 et 561 car, si les progrès de la technologie doivent permettre d'utiliser de nouveaux moyens de communication, il convient de ne pas laisser utiliser n'importe quelle technique, notamment pas le simple appel téléphonique, qui n'offre aucune garantie.

Mme la présidente.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, si je ne m'abuse, la Constitution - en son article 41, je crois - permet de requalifier une disposition législative pour qu'elle puisse être modifiée par le règlement. Au reste, il ne s'agit pas de modifier le texte mais d'y ajouter quelque chose. Selon nous, ce genre de disposition relève plus du domaine du règlement que de la loi.

Plus globalement, voilà qui montre encore la pauvreté de l'ensemble des dispositions présentées par le Gouvernement sur ce sujet.

Mme la présidente.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 313 et 561.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 220, ainsi rédigé :

« I. A la fin de la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 59, substituer aux mots : "déterminés par décret", les mots : "dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution à la fin de la première phrase du dernier alinéa du II de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de précision.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 220.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 221, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 59, après la référence : "115,", insérer la référence : "116,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Cet amendement vise à exclure les décisions les plus importantes pour la vie de la société de l'ensemble de celles susceptibles d'être prises par le conseil d'administration par des moyens de visioconférence. Par souci de cohérence et de parallélisme des formes, il faudrait donc, selon nous, ajouter les décisions de révocation du directeur général ou des directeurs généraux délégués qui sont régis par l'article 116.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 AVRIL 2000

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable à cet amendement de précision.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 221.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 219, ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du dernier alinéa du II de l'article 59, substituer aux mots : "Si les statuts le prévoient", les mots : "Le règlement intérieur, sauf disposition contraire des statuts, peut prévoir que". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Cet amendement de cohérence transpose des décisions que nous avons prises à un amendement précédent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 219.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Eric Besson, rapporteur, a présenté un amendement, no 222, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du II de l'article 59, après la référence : "120,", insérer la référence : "121,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Eric Besson, rapporteur.

Encore un amendement de cohérence avec ce que nous venons d'adopter.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 222.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Auberger a présenté un amendement, no 315, ainsi libellé :

« Compléter l'article 59 par le paragraphe suivant :

« III. Les articles 100 et 149 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance, ainsi que toute personne appelée à participer aux réunions du conseil d'administration ou à l'un des processus de décisions précités, sont tenus à une obligation de confidential ité à l'égard des informations non publiques, communiquées au cours des réunions ou des consultations du conseil d'administration. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Par cet amendement important, il s'agit de préciser dans la loi - ce qui n'est pas le cas actuellement - que les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance sont tenus à la confidentialité.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Eric Besson, rapporteur.

L'obligation de discrétion est une évidence. Au demeurant, M. Auberger ne prévoit aucune sanction pour les cas de manquement. Son amendement est donc inopérant. La commission l'a rejeté.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable. Les articles 100 et 149 de la loi de 1996 contiennent déjà des dispositions propres à protéger les informations confidentielles. La rédaction proposée, contradictoire avec les dispositions déjà contenues dans ces articles, est trop large et pourrait nuire notamment à l'information des salariés par le comité d'entreprise.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 315.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 59, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 59, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2250, relatif aux nouvelles régulations économiques :

M. Eric Besson, rapporteur au nom de la commission des finances de l'économie générale et du Plan (rapport no 2327) ;

M. André Vallini, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 2309) ;

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2319).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT