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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 3666).

VOL DE DOCUMENTS «

SECRET DÉFENSE » (p. 3666)

MM. Robert Pandraud, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

EFFECTIFS DE LA FONCTION PUBLIQUE (p. 3667)

MM. Georges Tron, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

TVA SUR LA RESTAURATION (p. 3668)

M. Michel Bouvard, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 3669).

3. Questions au Gouvernement (suite) (p. 3669).

TÉLÉPHONIE MOBILE (p. 3669)

MM. José Rossi, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CONTENU LITIGIEUX D'UN DICTIONNAIRE EN BRETON (p. 3670)

MM. Georges Sarre, Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

APPLICATION DES 35 HEURES DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES (p. 3670)

MM. Alain Tourret, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

BAISSE DU CHÔMAGE (p. 3671)

M. Philippe Vuilque, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ACCORD SIGNÉ AVEC LES INTERNES DES HÔPITAUX (p. 3672)

Mmes Catherine Génisson, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

POLITIQUE EN FAVEUR DES HANDICAPÉS (p. 3673)

M. Michel Dasseux, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ UNILEVER (p. 3673)

M. Bernard Davoine, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p. 3674)

MM. Germain Gengenwin, Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

MISE EN EXAMEN DE M. TRICHET (p. 3675)

MM. Charles de Courson, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

LICENCIEMENTS À ABB-ALSTOM (p. 3676)

Mme Muguette Jacquaint, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 3677)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

4. Egal accès aux mandats électoraux. - Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi (p. 3677).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois, rapporteur.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3680)

Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Nicole Ameline, Cécile Helle, Marie-Jo Zimmermann, Muguette Jacquaint, Marie-Thérèse Boisseau.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

DERNIER TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 3687)

Adoption de l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

5. P assage à l'euro. - Discussion d'un projet de loi (p. 3688).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérard Fuchs, rapporteur de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3692)

M.

Georges Tron, Mme Muguette Jacquaint,

MM. Pierre Hériaud, Georges Sarre, Pierre Lequiller, Mme Béatrice Marre,

M.

Jacques Myard.

Mme la garde des sceaux,

M.

le rapporteur.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 3701)

Article 1er Adoption (p. 3701)

Après l'article 1er (p. 3701)

Amendement no 1 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Pierre Lequiller. - Adoption de l'amendement no 1 rectifié.

Amendement no 2 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Retrait.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Amendement no 2 repris par M. Tron : MM. Georges Tron, le rapporteur, Pierre Lequiller. - Rejet.

Amendement no 3 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Pierre Lequiller. Adoption.

Article 2 (p. 3704)

Amendement no 4 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 3704)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

6. Vote des étrangers. - Suite de la discussion d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 3704).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 3704)

M. Bruno Le Roux.

Rappel au règlement (p. 3706)

M. Christian Estrosi.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

7. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3706).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

VOL DE DOCUMENTS «

SECRET DÉFENSE »

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, c'est avec stupéfaction (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et avec une grande tristesse (Mêmes mouvements) que nous avons appris par la presse qu'un coffre contenant 450 fiches d'écoute classées « secret défense » avait été dérobé au siège d'une filiale de France Télécom.

Je n'ai nul besoin de vous rappeler la gravité de cet acte pour la défense de l'Etat, à l'intérieur comme à l'extérieur, pour la protection des libertés individuelles, ni les multiples chantages politiques et personnels que cette scandaleuse disparition peut susciter.

(Exclamations sur divers bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, si vous pouviez faire un peu de silence, la question de M. Pandraud mérite précisément qu'on l'écoute ! (Sourires.)

M. Franck Borotra.

Tout à fait !

M. Pierre Lellouche.

C'est une bonne question !

M. Robert Pandraud.

Merci, monsieur le président ! Nous n'en sommes, je le crains, qu'au prologue d'un dramatique roman-feuilleton, et c'est la raison pour laquelle nous nous adressons au Premier ministre. Mais c'est le secrétaire d'Etat à l'industrie, tuteur de France Télécom, que je veux interroger aujourd'hui. J'attends de lui des réponses précises et lui demande instamment de ne pas s'abriter derrière le secret de l'enquête judiciaire, car les questions que je vais lui poser ne concernent que la matérialité des faits.

Première question : trouvez-vous légitime, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une activité régalienne, sans doute la plus régalienne de toutes, soit confiée à une société devenue privatisée ou à l'une de ses filiales...

M. André Angot.

Scandaleux !

M. Jean Marsaudon.

Lamentable !

M. Robert Pandraud.

... sans l'assortir d'un contrôle très rigoureux de l'Etat et de ses agents dûment habilités ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Très bonne question !

M. Robert Pandraud.

Deuxième question : trouvezvous normal qu'aucune règle de sécurité du secret défense n'ait été apparemment respectée : utilisation d'un coffrefort, par définition transportable, et non d'une chambre forte, pièce non protégée, accès extrêmement facile, vidéo très défaillante ? Troisième et dernière question, trouvez-vous normal, alors que les premières constatations conditionnent toujours les résultats des enquêtes, que les responsables de la sécurité de cette société aient prévenu dans les Hauts-deSeine et à Montrouge la brigade de gendarmerie et non le service spécialisé dans la protection du secret défense, comme il est obligatoire ? Monsieur le secrétaire d'Etat, face à ces multiples dysfonctionnements, quelles décisions conservatoires avezvous prises ?

M. Jacques Myard.

Aucune !

M. Robert Pandraud.

Quelles sanctions avez-vous prises ou envisagé de prendre ?

M. Jacques Myard.

Zéro !

M. Robert Pandraud.

Il y va de la crédibilité de l'action gouvernementale mais aussi, et c'est beaucoup plus grave, de l'avenir de l'Etat républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, il faut d'abord se référer, pour répondre à votre question, à la loi du 10 juillet 1991 relative à la liberté de communication qui fixe le cadre légal dans lequel s'effectuent les interceptions téléphoniques de sécurité motivées, entre autres, par la recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale, la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisée.

Sur les faits sur lesquels vous m'interrogez, je peux vous apporter les précisions factuelles suivantes.

Sur les circonstances du vol tout d'abord : celui-ci est survenu pendant le week-end, du 22 au 24 avril ; dans la nuit du 26 au 27 avril, une nouvelle intrusion a eu lieu dans un bureau proche, celui du responsable de l'identification, mais les intrus n'y ont rien trouvé. Il y a un mois, il y aurait déjà eu une tentative de vol dans ces bureaux, qui n'aurait pas été signalée. (Exclamations sur les bancs


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du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Incroyable !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Sur les documents dérobés ensuite : le coffre-fort volé contenait 160 cartons correspondant à des interceptions en cours et 200 cartons correspondant à des interceptions anciennes, certainesr emontant à la mi-décembre 1999, documents qui auraient dû être détruits par France Télécom Mobiles.

Ces documents indiquent le service demandeur de l'interception et le numéro devant être écouté.

M. Franck Borotra.

Assumez vos responsabilités !

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est quand même pas M. Michel Bon qui est responsable des écoutes !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Sur les responsabilités enfin : la société France Télécom Mobiles ne semble pas avoir pris les mesures de sécurité indispensables pour la bonne conservation de documents classés "secretdéfense" - je réponds ainsi à votre première question. Les opérateurs sont en effet tenus par la loi du 10 juillet 1991 de prendre les mesures appropriées pour protéger la confidentialité des procédures relatives aux interceptions de sécurité. Des observations sévères vont lui être adressées.

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est tout de même pas Michel Bon qui est responsable des écoutes ! C'est n'importe quoi !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En réponse à vos deuxième et troisième questions, j'ai demandé au haut fonctionnaire de Défense du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie d'examiner, avec les sociétés intervenant dans le domaine des télécoms, les mesures prises pour la protection des documents classifiés et de me faire un rapport sur les moyens à mettre en oeuvre rapidement pour mieux l'assurer.

M. Charles Cova.

C'est ça, créez une commission !

M. Pierre Lellouche.

Pensez-vous que M. Michel Bon soit ministre de l'intérieur ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il appartient à l'Etat, et il ne se dérobera pas à cette tâche, de rappeler clairement et fermement les mesures adéquates destinées à faire respecter les principes exigeants d'une véritable culture de sécurité dans ce domaine.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

C'est du blabla !

EFFECTIFS DE LA FONCTION PUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

En l'absence du Premier ministre, je souhaite interroger M. Sapin sur la politique du Gouvernement dans la fonction publique.

Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, le Gouvernement a présenté en janvier dernier un plan triennal de maîtrise de la dépense publique, transmis ensuite à la Commission européenne.

Il y est très clairement précisé, c'est un des engagements du Gouvernement, qu'il n'y aura pas d'embauche supplémentaire de fonctionnaires.

Or, le 22 mars exactement, le Premier ministre a commencé à laisser entendre que ce n'était pas aussi sûr que cela, et le ministre de la fonction publique d'ajouter que la stabilisation des effectifs n'était pas un dogme.

M. Pierre Carassus.

Là-dessus, il a raison ! Bravo !

M. Georges Tron.

Un engagement du Gouvernement, n'est effectivement pas un dogme, les contribuables français le savent bien ! Cela dit, monsieur le ministre, deux ou trois questions se posent.

Pour commencer, trouvez-vous opportun, alors qu'un emploi sur quatre en France est un emploi public, ce qui nous situe à près de dix points au-dessus de la moyenne de nos partenaires, de revenir sur vos engagements et d'embaucher à nouveau des fonctionnaires, ce qui aboutira inéluctablement à accroître la dépense publique et, par voie de conséquence, soit les déficits, soit les prélèvements obligatoires dont nous sommes déjà les champions toutes catégories ?

M. Gérard Saumade.

C'est faux !

M. Georges Tron.

Deuxième question...

M. le président.

Rapidement, monsieur Tron.

M. Georges Tron.

Le récent rapport de M. Cieutat et de M. Tenzer démontre que le départ, d'ici à douze ans, d'un fonctionnaire de l'Etat sur deux, vous offre une opportunité exceptionnelle pour réformer l'Etat tout en essayant de diminuer la contrainte financière qui pèse actuellement sur le paiement des retraites. La fameuse réforme de l'Etat, voulue par le Gouvernement de M. Jospin, consisterait-elle simplement à revenir sur ses engagements et à embaucher à nouveau davantage de fonctionnaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui dispose, je le lui précise, d'une minute trente pour répondre.

M. Michel Sapin.

ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député, les engagements qu'a pris la France devant ses partenaires européens seront par définition tenus. Il y va non seulement de notre crédibilité, mais de l'intérêt profond de notre pays, de ses finances et de l'ensemble de ceux qui bénéficient de nos services publics.

Vous avez une vision simple (« Simpliste ! » sur les bancs du groupe socialiste) de la gestion de la fonction publique : le but, à vous entendre, c'est de diminuer le nombre des fonctionnaires.

M. Georges Tron.

C'est votre engagement.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Mais sitôt que je vous demande si vous voulez diminuer le nombre des policiers, vous me répondez non ! Diminuer le nombre des infirmières ? Encore non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Non, non, non ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Voulez-vous alors diminuer le nombre des fonctionnaires dans les collectivités territoriales y compris dans la mairie que vous dirigez ? Toujours non ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Vous ne pouvez pas dire cela ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

A votre vision dogmatique (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du


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groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui consiste à répéter qu'il faut baisser le nombre des effectifs (Vives exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Franck Borotra.

Ça, c'est simpliste !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... je répondrai par une vision pragmatique (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : nous souhaitons gérer les services publics français, l'administration française en fonction des besoins réels des usagers (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Philippe Vuilque.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et non en fonction d'une vision de principe telle que vous la formulez aujourd'hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les services publics, les fonctionnaires représentent pour la nation un coût, mais aussi une chance. C'est cette chance que nous voulons saisir, quoi que vous en pensiez et quoi que vous en disiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

TVA SUR LA RESTAURATION

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, sans vouloir revenir...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je crains que vos hurlements ne couvrent quelque peu les propos de M. Bouvard ! C'est dommage !

M. Michel Bouvard.

Merci, monsieur le président ! Sans vouloir revenir sur la question précédente, je ferai simplement observer que nous avons des moyens pour améliorer la gestion des effectifs de l'Etat. Dans cette assemblée même, nous avons mis en place une mission d'évaluation et de contrôle, composée de commissaires des finances de la majorité et de l'opposition. Elle a fait des propositions que l'on aimerait voir reprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cela étant, j'en viens à ma question qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle porte sur la TVA sur la restauration, sujet que nous avons abordé ici même à maintes reprises.

Si c'est lui que je veux interroger, c'est d'abord parce que, avant de prendre ses nouvelles fonctions, il s'était déclaré, en tant que président de l'Assemblée, favorable à l'abaissement de la TVA sur la restauration. Mais c'est aussi parce que nous sommes arrivés à un point du calendrier marqué par une double urgence.

Tout d'abord, il devient urgent de connaître la position que défendra le Gouvernement français au sein du conseil ECOFIN alors que va s'ouvrir la présidence française de l'Union européenne. En clair, allons-nous soutenir la proposition portugaise et allons-nous demander l'élargissement de l'annexe K de la directive européenne à la restauration pour permettre cet abaissement de la TVA sur la restauration traditionnelle, attendu par la profession en France, créatrice d'emplois et seule capable de mettre fin à d'inacceptables distorsions de concurrence ? Il y a également urgence par le fait que ces distorsions de concurrence ont précisément amené la Fédération nationale des industries hôtelières à saisir le Conseil d'Etat, lequel a pris une décision qui enjoint désormais le Gouvernement de traiter dans un délai de six mois le problème au regard du cas spécifique des restaurants d'entreprise. En effet, si le taux de TVA à 19,6 % actuellement supporté par la restauration traditionnelle devait s'appliquer aux restaurants d'entreprise, il créerait de véritables difficultés pour un grand nombre de salariés du secteur public ou du secteur privé.

Il n'est donc plus possible de rester dans l'immobilisme. Quelle est la position du Gouvernement sur cette question essentielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, je commencerai par une évidence, mais toujours bonne à rappeler : le collectif budgétaire qui sera prochainement présenté devant votre assemblée prévoit une baisse d'un point de la TVA (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Serge Poignant.

Ce n'est pas la question !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... qui représente 30 milliards de baisse d'impôts (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui viendront s'ajouter aux baisses ciblées intervenues précédemment.

M. Charles Cova.

Voilà qui va singulièrement diminuer les notes de restaurant !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Ce faisant, le Gouvernement aura rendu aux Français les deux points de TVA qui avaient été prélevés en 1995. Et il va évidemment de soi que cette baisse de TVA de 20,6 % à 19,6 % s'applique au secteur de la restauration.

M. Gilbert Meyer.

On le savait déjà !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement s'est engagé dans des baisses ciblées de TVA, en choisissant de privilégier les secteurs qui bénéficient au plus grand nombre - c'était le cas du logement - ou qui ont un caractère social marqué - cas des aides à domicile.

Comme vous l'avez remarqué vous-même, le droit européen ne permet pas pour l'instant de procéder à une baisse de TVA dans le secteur de la restauration qui ne figure pas dans la liste annexée à la sixième directive. Et


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l'on ne peut invoquer de distorsions de concurrence, l'ensemble du secteur de la restauration étant, je le rappelle, taxé à 19,6 %...

M. Pierre Lellouche.

McDonald's est à 5,5 % ! Le savez-vous seulement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... contrairement aux ventes à emporter, mais il ne s'agit pas de restauration à proprement parler.

S'agissant enfin de la restauration collective, le Conseil d'Etat a effectivement annulé des dispositions qui permettaient l'exonération pure et simple des cantines scolaires et des cantines d'entreprise. Le Gouvernement dispose de six mois pour résoudre ce problème. Il y travaille en concertation avec les professionnels et nous ne manquerons pas de tenir la représentation nationale informée des solutions qui pourront être mises au point.

M. Jean-Pierre Soisson.

Ce n'est pas possible de dire cela ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

2

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Ahmed Qureï, Président du Conseil législatif palestinien. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

3 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Nous poursuivons les questions au Gouvernement, avec une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

TÉLÉPHONIE MOBILE

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avec les nouvelles technologies de l'information et de la communication, tout va très vite, chacun le sait. La norme GSM s'est imposée en quelques années pour la téléphonie mobile : il faudra moins de temps encore à Internet pour se démocratiser.

Le Gouvernement français, comme c'est le cas dans tous les pays européens, se prépare à attribuer des licences de téléphonie mobile pour combiner Internet et téléphones portables.

Face à la rapidité de ces évolutions, le Gouvernement semble hésiter sur la méthode, sur les procédures, au risque de faire prendre du retard à la France et peut-être de compromettre l'intérêt général. Presque tous les gouvernements européens ont décidé de recourir à la procédure des enchères publiques pour attribuer ces nouvelles licences du téléphone mobile de la troisième génération.

Ce choix raisonnable, s'agissant d'un secteur économique en mutation permanente, a de surcroît l'avantage de procurer d'importantes recettes à l'Etat - plus de 200 milliards en Grande-Bretagne et sans doute une centaine de milliards en France si une telle procédure était mise en route - et permettrait par voie de conséquence, en tout cas rendrait possible un allégement de la pression fiscale.

On ne peut dès lors que s'interroger : pourquoi le Gouvernement français hésite-t-il entre la simple sélection comparative, qui paraissait emporter sa préférence il y a encore quelque temps, et la procédure des enchères ? Monsieur le ministre, au nom du groupe Démocratie libérale et Indépendants et probablement de l'ensemble de l'opposition, vivement intéressée par ce sujet, je vous demande tout simplement de garantir la transparence des choix publics. Si vous étiez amené à préférer finalement la mise aux enchères, il vous appartiendrait d'éclairer l'opinion et le Parlement sur cette voie nouvelle et de veiller à ne pénaliser ni les opérateurs, qui devront engager des dépenses d'investissements considérables, ni les utilisateurs de ces nouveaux portables, c'est-à-dire les consommateurs. Bref, chacun doit connaître très rapidement les règles que le Gouvernement entend mettre en oeuvre.

Etes-vous en mesure, monsieur le ministre, d'annoncer dès aujourd'hui votre choix politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comme l'ensemble des pays européens, la France va devoir attribuer des licences de téléphones mobiles de troisième génération, ce que l'on appelle l'UMTS, d'ici le 1er janvier 2002.

Il faut avoir à l'esprit diverses considérations, vous les avez fort bien rappelées monsieur le député.

Deux procédures sont possibles : la soumission comparative où les candidats font leur proposition et où le paiement prend la forme d'un ticket d'entrée et d'une redevance ; et la procédure, plus classique, des enchères. Les pays qui nous entourent ont choisi des procédures différentes. Dans le cas de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, ce sont les enchères.

M. Jean-Pierre Soisson.

Pays socialistes ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il ne faut parler trop vite ! Dans le cas de l'Espagne et de l'Italie, c'est la soumission comparative.

On n'entend pas la même interruption ! (Sourires.)

Vous avez eu raison de le rappeler, il faut prendre en compte, les rentrées que cela peut représenter. De ce point de vue, peut-être n'a-t-il pas été inutile de ne pas trop se précipiter, puisque nous disposons maintenant d'éléments de comparaison que nous n'avions pas il y a un mois et demi. Par ailleurs, il faut veiller à ce que le choix qui sera fait permette aux opérateurs à la fois une montée en régime et la fourniture des bons services. Il


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importe, en outre, que l'attribution de ces licences de téléphones mobiles de troisième génération ne soit pas réservées aux grandes entreprises et aux grandes agglomérations mais que les petites et moyennes entreprises et la totalité du territoire national puissent être desservis.

A partir de ces éléments, auxquels M. Christian Pierret est très attentif, nous devons peser les avantages et les inconvénients. Puis la décision sera prise au nom de l'intérêt général, dans les six semaines.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

CONTENU LITIGIEUX D'UN DICTIONNAIRE EN BRETON

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, un journal satirique paraissant le mercredi nous apprend qu'un dictionnaire tout-breton de 1 232 pages, publié en 1995 et financé sur fonds publics par des collectivités locales, l'Union européenne et le Centre national des lettres, doit être prochainement réédité.

Jusque-là, rien à dire, car l'apprentissage des langues régionales est parfaitement légitime dès lors qu'il ne présente pas un caractère obligatoire.

Mais ce dictionnaire recèle des affirmations idéologiques choquantes et scandaleuses. Il se réclame de plusieurs partisans de l'indépendance de la Bretagne, qui se sont illustrés, durant la Seconde Guerre mondiale, par leurs talents de collaborateurs engagés et actifs. Leurs écrits, qui feraient peser une menace sur l'avenir, feraient passer les leaders européens de l'extrême-droite européenne pour des modérés ! Il n'est pas étonnant dans ces conditions qu'on puisse lire dans ce dictionnaire, page 122, que la Bretagne n'existera pleinement que lorsque le français y sera détruit.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Scandaleux !

M. Yves Nicolin.

C'est une question pour Chevènement !

M. Georges Sarre.

On engage le lecteur, page 384, à choisir entre la Bretagne et la France, et on lui demande, par exemple, page 434, de lutter contre les Français.

Monsieur le ministre, pensez-vous qu'il est souhaitable, dans les circonstances actuelles, que des collectivités publiques et l'Union européenne contribuent au financement d'un dictionnaire qui est aujourd'hui en bibliothèque, à l'université, dans les associations et les écoles, notamment les écoles Liwan ? Quelles décisions comptezvous prendre ? Dans les discussions que vous menez en ce moment, évoquez-vous cet ouvrage dont, fort heureusement, Le Canard enchaîné nous a parlé abondamment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous allons vérifier à la bibliothèque de l'Assemblée ce qu'il en est ! La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le député, j'ai été alerté, en effet, sur la publicati on de ce dictionnaire qui a été financé par plusieurs collectivités territoriales,...

M. Bernard Accoyer.

Donc sur des fonds publics !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... par le Centre national des lettres et par l'Union européenne.

Bien que ne parlant pas le breton (Sourires), j'ai souhaité m'informer au plus près de la vérité des faits. Je peux confirmer que les propos rapportés par cet hebdomadaire satirique sont exacts.

(M. Jean-Pierre Soisson s'indigne. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il va de soi qu'on ne peut, monsieur le président de la Bourgogne, qu'élever des protestations contre le contenu de ce dictionnaire.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux présidents d'universités et aux bibliothécaires de bien vouloir alerter leurs lecteurs, et aux recteurs de veiller à ce que ce dictionnaire ne figure pas sans avertissement dans les collèges bilingues.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et il appartiendra aux maires de prendre de semblables dispositions, s'ils le souhaitent, dans les bibliothèques publiques.

M. Yves Nicolin.

C'est insuffisant ! Peut mieux faire !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Cette dérive inacceptable ne saurait évidemment nous détourner de notre volonté de sauvegarder, dans l'esprit défini par le Gouvernement, la pratique et l'enseignement des langues régionales.

M. Jacques Myard.

Laxiste !

M. le ministre de l'éducation nationale.

J'ajoute que rien n'est plus étranger à la Bretagne que la xénophobie et l'intolérance : la Bretagne qui fut terre de résistance est aussi terre d'ouverture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Méhaignerie.

Très bien ! APPLICATION DES 35 HEURES DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le ministre, toute notre attention va vers la fonction publique dont vous assumez actuellement la tutelle. Vous avez récemment déclaré que les 35 heures seraient effectives dans les trois fonctions publiques - de l'Etat, territoriale et hospitalière - au 1er janvier 2002. Je me félicite de cette décision. La définition d'un cadre national clair est, en effet, un élément fort de l'unité des trois fonctions publiques à laquelle nous sommes, comme d'ailleurs les organisations syndicales, profondément attachés. Ce cadre national doit permettre l'égalité de traitement entre les agents, d'un ministère à l'autre,...

M. François Goulard.

Même au ministère des finances !

M. Alain Tourret.

... d'une collectivité à l'autre.

Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale dans quel délai vous allez prendre un décret pour la fonction publique d'Etat et proposer une disposition législative pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière ? Pouvez-vous, par ailleurs, préciser...

M. Franck Borotra.

Qui va payer !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Alain Tourret.

... si la réduction du temps de travail concernera tous les fonctionnaires ou seulement ceux qui travaillent, en équivalent-temps annuel, plus de 35 heures par semaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député, effectivement, au 1er janvier 2000, l'ensemble des salariés français, qu'ils travaillent dans une grande ou dans une petite entreprise, dans le secteur privé ou dans le secteur public...

M. Yves Nicolin.

Cotiseront quarante ans ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... bénéficieront du passage aux 35 heures.

Ainsi, l'une des plus grandes réformes que la majorité de cet hémicycle a souhaité mettre en place au cours de cette législature (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) prendra toute sa dimension, car aucun salarié, en France, ne doit être exclu d'une telle mesure.

Quels sont les principes qui guident l'action du Gouvernement dans la mise en oeuvre des 35 heures dans les trois fonctions publiques ? Le premier est un principe d'équité. Je l'ai dit, puisque les 35 heures se mettent en place progressivement dans les entreprises, ce doit être le cas aussi dans les administrations.

M. Yves Nicolin.

Et les professions libérales ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Deuxième principe : le mariage...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Le PACS ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... entre les règles que l'on doit fixer au niveau national et la négociation nécessaire pour l'application dans les faits des 35 heures. De même que, s'agissant du privé, la loi qui porte le nom de Mme Aubry fixe au niveau national, les règles générales selon lesquelles les négociations s'organisent dans les branches et dans les entreprises, de même nous allons fixer, par décret s'agissant de la fonction publique d'Etat, par des dispositions législatives qui vous seront proposées s'agissant des fonctions publiques hospitalière et territoriale,...

M. Thierry Mariani.

Quand ?

M. Bernard Accoyer.

Et avec quels moyens ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... ce que vous avez appelé un cadre national.

Décret comme dispositions législatives seront soumis pour consultation tant aux organisations syndicales qu'aux organisations représentatives d'élus, dans les jours qui viennent.

M. Bernard Accoyer, M. François Goulard et M. Thierry Mariani.

Qui paie ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Troisième principe - et je voudrais vous y rendre attentifs - les 35 heures, dans la fonction publique comme ailleurs, constituent certes - et c'est très important - un progrès social pour ceux qui travaillent, mais c'est aussi, ce doit être un outil de modernisation des administrations (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), car elles doivent aussi permettre d'améliorer le service rendu aux usagers,...

M. Yves Nicolin.

Baratin ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... ainsi que la qualité et la présence des services publics sur notre territoire,...

M. Yves Fromion.

Pour qui l'addition ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Ce sera, au cours des mois qui viennent, un des grands moments de la modernisation de l'Etat et de nos administrations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

BAISSE DU CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, vous avez, la semaine dernière, annoncé les chiffres du chômage (« Allô ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), des chiffres qui, une nouvelle fois, sont particulièrement significatifs puisque, en deux mois, plus de 100 000 chômeurs ont retrouvé un emploi.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

Combien y a-t-il de Rmistes en plus ?

M. Philippe Vuilque.

C'est une réelle performance, ne vous en déplaise, due à la croissance qu'a su stimuler le Gouvernement !

M. le président.

Monsieur Degauchy, vous auriez dû rester à côté de votre président de groupe : vous étiez beaucoup plus calme. Chaque fois que vous vous dirigez vers le haut de l'hémicycle, vous vous agitez. L'altitude ne vous vaut rien ! (Sourires.)

Monsieur Vuilque, veuillez poursuivre.

M. Philippe Vuilque.

Cette réelle performance, disais-je, est due à la croissance qu'a su stimuler le Gouvernement mais aussi aux emplois-jeunes, aux 35 heures et à la loi contre les exclusions, dispositifs qui ont largement contribué à cette importante décrue du chômage.

Dans ma région, la Champagne-Ardenne, ce sont 10 000 chômeurs de moins en un an et dans le département des Ardennes qui m'est cher, plus de 1 500 emplois créés dont la moitié est directement imputable à la réduction du temps de travail.

Madame la ministre, on évoque désormais la possibilité de passer, dans un proche avenir, sous la barre des 10 % de chômeurs. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres ? Pouvons-nous légitimement espérer que, dans quelques mois, le chômage passe sous la barre symbolique des 2 millions de chômeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, en effet le chômage continue de diminuer à un rythme très élevé : 110 000 chômeurs en moins en deux mois, c'est presque autant que pour la totalité de l'année 1997 considérée, à l'époque, comme exceptionnelle. On dénombre 700 000 chômeurs en moins depuis juin 1997, et nous avons connu cette année une accélération du rythme puisque ce sont 450 000 en moins pour les douze derniers mois. Ce qui est particulièrement frappant, c'est que le chômage de longue durée diminue de manière significative, ainsi que le nombre des personnes ayant un emploi précaire - contrat à durée déterminée ou temps partiel subi. Ce qui veut dire que nous créons de plus en plus d'emplois, mais des emplois stables, ce qui est évidemment très important.

Ce rythme accéléré est dû, bien sûr, à une croissance forte, laquelle ne tombe pas du ciel : elle est alimentée par l'ensemble de l'action que mène le Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et elle est plus riche en emplois, grâce aux aides aux nouvelles technologies et à la création d'entreprises, grâce aux 242 000 emplois-jeunes et grâce à la réduction de la durée du travail qui, d'ores et déjà, a créé ou préservé 195 000 emplois.

Dans tous ces domaines, les pronostics les plus optimistes sont aujourd'hui dépassés. Et c'est la raison pour laquelle la France, comme l'Espagne d'ailleurs, voit son taux de chômage baisser de manière beaucoup plus rapide que tous les autres pays industrialisés : depuis deux ans et demi, dans notre pays, le chômage a baissé de 2,6 points contre 0,9 au Royaume-Uni et 1,5 en Allemagne et alors qu'il augmente au Japon. C'est sans doute une des raisons qui donnent aux Français un moral meilleur qu'ils ne l'ont jamais eu depuis bien des années. C'est bon pour la croissance. C'est bon pour notre avenir.

Et cela montre que, lorsque le Premier ministre a fixé comme priorité la lutte contre le chômage, il avait raison.

Il l'a encore affirmé récemment, nous continuerons avec la même énergie. Que ceux qui sont encore au chômage le sachent : nous souhaitons aller vers une France du plein emploi, et, d'abord, le plus vite possible, ramener le taux de chômage à un seul chiffre, en dessous de la barre fatidique des 2 millions de chômeurs.

C'est donc, je le répète, avec la même énergie que nous poursuivrons dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) ACCORD SIGNÉ AVEC LES INTERNES DES HÔPITAUX

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, depuis trois ans, vous avez manifesté votre attachement à l'hôpital et à l'ensemble de ses personnels, en menant votre politique avec un souci constant de dialogue et de concertation.

M. François Goulard.

La grève des internes en est la preuve !

Mme Catherine Génisson.

Le récent mouvement des étudiants internes dans les hôpitaux a fait l'objet du même traitement et vous avez manifesté votre capacité d'écoute et de négociation envers ces acteurs essentiels que sont les internes pour nos hôpitaux.

La complexité de leur statut a rendu difficile l'exercice de leurs fonctions : encore élèves, la pratique de l'exercice médical constitue pour eux le meilleur enseignement, mais, parfois, les responsabilités qui leurs sont déléguées sont excessives.

Les internes, comme l'ensemble de la communauté hospitalière, ont revendiqué une amélioration de leurs conditions de travail, mais ils ont surtout réclamé une meilleure qualité des soins apportés aux malades.

Un protocole d'accord a reçu l'assentiment des organisations syndicales des internes à la fin de la semaine dernière. Ce matin même, vous avez signé avec les internes ce protocole qui met fin au mouvement, ce qui montre bien que vous avez su prendre en compte leurs attentes légitimes et faire les propositions qui convenaient.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser le contenu de l'accord signé et le suivi que vous comptez lui donner dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, en effet, ce matin, les trois organisations représentatives des internes et des externes ont signé l'accord que nous avons négocié avec eux pendant les deux dernières semaines. Je m'en réjouis et je pense que nous sommes nombreux à le faire, tant dans la majorité que dans l'opposition, si j'en juge par certaines déclarations faites la semaine dernière.

Comme vous l'avez dit, les internes et les résidents occupent une place extrêmement importante à l'hôpital.

Encore en formation, ils n'en remplissent pas moins des fonctions médicales, parfois même trop lorsque les praticiens hospitaliers n'assurent pas comme ils le devraient certaines gardes.

Ils ont d'abord souhaité que soient reconnus ce rôle et cette mission. C'est ce que nous avons fait tout à fait symboliquement en leur accordant le repos de sécurité dont les modalités sont négociées avec les praticiens hospitaliers - ils feront d'ailleurs partie du groupe de travail qui en discute actuellement.

De manière plus générale, nous avons décidé de revaloriser leur rémunération à partir du 1er juin, comme nous l'avions fait pour les praticiens hospitaliers, et de rémunérer le travail des jours fériés et du week-end.

Par ailleurs, vous le savez, nous avons, depuis maintenant deux ans, profondément remanié le statut des internes et des résidents. Nous souhaitons effectivement que, partout en France, le plafond de cinq gardes mensuelles soit bien respecté et nous avons mis en place une mission nationale de contrôle chargée de déterminer où se trouvent les difficultés et s'il est nécessaire d'accroître encore le nombre des assistants, comme nous l'avons fait depuis deux ans.

Grâce à ce nouvel accord, nous continuons à moderniser l'hôpital, qui remplit, je le rappelle, une fonction centrale dans notre offre de soins et dans notre système de santé. Je suis convaincue que, par le dialogue, nous poursuivrons cette politique afin que l'hôpital soit toujours plus performant dans les réponses qu'il apporte aux pro-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

blèmes de santé des Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

POLITIQUE EN FAVEUR DES HANDICAPÉS

M. le président.

La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, plus de trois millions de personnes sont affectées d'un handicap plus ou moins grave.

Ces femmes et ces hommes, dont les handicaps sont divers, n'ont pas les mêmes chances que les autres d'accéder à l'instruction, à l'emploi, à la culture et aux loisirs dans une société qui n'accueille toujours pas spontanément leur différence. Or ces personnes veulent être reconnues, respectées, s'intégrer et pouvoir choisir librement leur mode de vie.

La politique du handicap a longtemps privilégié le recours aux établissements médico-sociaux au détriment d'une politique mettant l'accent sur l'autonomie et le projet de vie de chacun, et en premier lieu le maintien à domicile.

Le Gouvernement a annoncé, le 25 janvier 2000, un plan ambitieux en faveur des handicapés. Ce plan considère la personne dans la totalité de ses besoins et de ses attentes dans sa vie quotidienne. Cela implique une réforme de la loi du 30 juin 1975, qui fixe le statut des personnes handicapées, afin d'assurer une meilleure cohérence du dispositif de prise en charge du handicap.

Quelles sont, madame la secrétaire d'Etat, vos intentions en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Monsieur le député, l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens handicapés est, en effet, une des priorités du Gouvernement. Du reste, le fait qu'il soit précisé dans mon titre que les handicapés font partie de mon champ de compétence, montre bien que c'est une préoccupation du Premier ministre.

Cet objectif d'amélioration des conditions de vie des handicapés implique une politique globale et équilibrée permettant de lutter à tout moment contre les inégalités dont souffrent nos concitoyens porteurs de handicaps.

Nous devons développer à l'égard de ces derniers plus de solidarité, plus de fraternité, et favoriser leur autonomie de manière à faciliter leur liberté de choix. Il nous faut aussi valoriser leurs potentialités, lever les obstacles à leur intégration en milieu ordinaire,...

M. Yves Nicolin.

Baratin !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... mais aussi favoriser le développement de solutions adaptées pour les personnes les plus lourdement handicapées.

Depuis vingt-cinq ans, l'action sociale et médicosociale a beaucoup évolué : ses concepts ont changé, ses méthodes également.

Nous devons aussi réformer le cadre législatif dans lequel agissent les collectivités et les associations parce que les attentes et les exigences des bénéficiaires ont, elles a ussi, beaucoup évolué. Le Gouvernement l'a bien compris et c'est pourquoi le Premier ministre a annoncé que, outre l'ambitieux programme qui va mobiliser 2,5 milliards de moyens nouveaux en faveur d'une politique adaptée aux personnes handicapées qu'il a présenté le 1er janvier dernier, un projet de loi de révision de la loi de 1975 serait déposé devant le Parlement avant la fin de la session.

Cet engagement sera tenu, après la remise du rapport de la mission conduite par Pascal Terrasse. Nous travaillons actuellement à l'ajustement de ce projet de loi qui a fait l'objet d'une très large concertation.

Au-delà de la rénovation des instruments de planification et de gestion des équipements, des établissements et des services, l'orientation principale de ce projet est essentiellement centrée sur la personne handicapée, qu'il s'agisse d'un enfant, d'un adulte ou d'une personne vieillissante, dont il définit les droits en les assortissant de dispositifs concrets qui permettent de les exercer.

Cette mission ambitieuse et globale ne concerne pas seulement les personnes handicapées, elle s'adresse aussi aux enfants et aux familles en difficulté, aux personnes âgées et aux personnes en situation de précarité et d'exclusion.

Cette réforme s'inscrit dans la détermination du Gouvernement pour que chacun, quel que soit son état - physique, mental ou social -, trouve sa place dans une société plus juste et plus attentive à ses besoins.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ UNILEVER

M. le président.

La parole est à M. Bernard Davoine.

M. Bernard Davoine.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, alors que la situation de l'emploi s'améliore sensiblement depuis deux ans, notamment grâce aux politiques que vous menez, le 1er mai aurait pu être un jour de fête pour tous les salariés.

Toutefois, il en a été autrement pour des centaines de familles d'un secteur que vous connaissez bien. Alors que le taux de chômage à un chiffre est en vue, les actionnaires d'une multinationale exigent un taux d'augmentation de leurs dividendes à deux chiffres. Et qu'importent les pions que l'on sacrifie pour y parvenir ! Après avoir annoncé récemment la suppression de 25 000 emplois, Unilever veut fermer son site d'Haubourdin, que la multinationale encensait hier pour les résultats qu'il avait obtenus en 1999, et vendre Bénédicta avec son usine de Seclin.

La recherche du profit maximal ne s'embarrasse ni des hommes ni des femmes qui le génèrent par leur travail, ni des élus qui se battent à leurs côtés.

Nous n'acceptons pas qu'un groupe qui affiche des bénéfices faramineux après impôts et qui distribue des dividendes en constante augmentation ait pour seule stratégie de liquider l'emploi pour les grossir encore.

Les salariés d'Unilever ont montré, il y a une semaine à Paris, au siège de l'Unilever France, et hier à Rotterdam, au siège européen, qu'ils n'acceptaient pas une telle stratégie. Je sais, madame la ministre, que vous ne l'acceptez pas davantage.

Nous serions tous heureux de vous entendre dire ce qui est entrepris pour combattre la logique destructrice d'emplois de cette multinationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, tout comme vous, j'ai été choquée par l'annonce, tout à la fois brutale et incompréhensible, du groupe Unilever de se désengager du site d'Haubourdin qui fabrique des lessives de marque.

Nous avons d'ailleurs été un peu consternés d'apprendre voilà quelques semaines que le président d'Unilev er-monde avait décidé la suppression de 25 000 emplois,...

M. Bernard Accoyer.

Il ne fallait pas taxer les lessives pour financer les 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... parce qu'il considérait qu'un établissement ne pouvait pas rester en vie s'il ne dégageait pas, après impôts, un profit net à deux chiffres.

Comme vous, qui connaissez bien la question à Haubourdin, nous n'avons pas compris. Quant aux salariés, ils sont extrêmement choqués par cette décision. Pourtant l'usine d'Haubourdin réalise, aux dires mêmes de l'entreprise, un résultat net aprés impôts de 3,5 %. Alors que cette usine avait déjà connu trois plans sociaux - le dernier en 1996, assorti de réductions de salaire acceptées par les salariés -, nous pensions tous, compte tenu des résultats qu'elle obtenait, que la situation était aujourd'hui meilleure.

Nous avons reçu à plusieurs reprises avec vous-même les salariés et les syndicats d'Haubourdin. J'ai été amenée à deux reprises à recevoir la direction d'Unilever, et récemment avec vous-même, ainsi qu'avec le maire d'Haubourdin et avec celui de Seclin, puisque Unilever souhaite vendre Bénédicta afin de ne pas être en situation de monopole à la suite de l'achat d'Amora.

Il s'agit effectivement de situations qui sont difficilement compréhensibles. Nous avons donc demandé à l'entreprise de nous expliquer quelle est sa stratégie économique, de nous préciser clairement s'il y avait d'éventuels repreneurs et, si c'était le cas, de nous renseigner sur leur qualité et sur leur crédibilité. Nous avons indiqué aux représentants de l'entreprise que l'ensemble des élus ne pouvaient pas se satisfaire de reprises qui ne garantissent pas non seulement l'emploi, mais également le nombre des emplois dans le bassin d'emplois.

Tout comme vous, monsieur le député, et comme l'ensemble des élus, le Gouvernement sera très attentif. Il attend d'ailleurs des réponses d'Unilever. Nous devrons de nouveau rencontrer ensemble les représentants de cette entreprise pour nous assurer que l'emploi sera garanti à H aubourdin comme sera garanti le nombre actuel d'emplois dans le bassin d'emplois d'Haubourdin et dans celui de Seclin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. Bernard Accoyer.

Il ne fallait pas taxer les lessives !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le ministre délégué à la formation professionnelle, dès votre arrivée et votre prise de fonction, vous avez réglé magistralement le problème des enseignants de la formation professionnelle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Merci de le reconnaître !

M. Germain Gengenwin.

On pourrait presque vous en féliciter.

Vous avez en effet réduit la durée hebdomadaire de travail de cinq heures, la faisant passer de 23 à 18 heures (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Thierry Mariani.

Et les 35 heures, alors ?

M. Germain Gengenwin.

... et ce sans annualisation, sans globalisation, sans pondération et sans flexibilité,...

M. Thierry Mariani.

Et qui paye ?

M. Germain Gengenwin.

... bref sans la moindre contrepartie.

Pouvez-nous expliquer, monsieur le ministre, comment, dans ces conditions, vous allez organiser la prochaine rentrée scolaire, notamment les cours de la formation professionnelle ?

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas son problème, il ne sera plus là !

M. Germain Gengenwin.

Nous savons bien que, dans la répartition de la « cagnotte », vous avez obtenu quelque 545 millions de francs. Mais comment allez-vous trouver les enseignants de qualité dont les élèves ont besoin pour que les cours soient assurés dans les mêmes conditions qu'à l'heure actuelle, sachant que l'éducation n'aime pas trop les vacataires qui viennent de l'entreprise, ce qui est bien dommage.

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Germain Gengenwin.

Peut-être envisagez-vous, tout simplement, d'augmenter les effectifs par section, ce qui est une autre solution ? J'en viens à ma principale question, qui est d'importance pour les conseils régionaux.

Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que nombre de centres de formation des apprentis sont rattachés à des lycées professionnels et que, dans ces conditions, les salaires des enseignants relèvent des conseils régionaux.

Or la mesure que vous avez prise conduit à augmenter de près de 20 % le coût de fonctionnement de l'enseignement dans les CFA. Dès lors, quelle compensation allezvous accorder aux régions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes de l'Union pour la démocratie française-Alliance, des groupes du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Zéro franc !

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Monsieur le député, chacun dans cette assemblée connaît votre attachement à l'enseignement professionnel. La qualité et la précision de votre question en témoignent très largement.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je tiens d'abord à vous rassurer sur le point qui vous préoccupe habituellement le plus, c'est-à-dire les centres de formation des apprentis. L'impact de la mesure en question devrait être plus limité que vous ne l'indiquez.

M. Thierry Mariani.

Ce sera « moins pire » !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Les professeurs de lycée professionnel qui participent au fonctionnement des centres publics de formation des apprentis sont en effet en nombre extrêmement limité par rapport au nombre total des enseignants du service public : 440 postes gagés et 480 postes occupés par des contractuels, contre 55 000 postes de professeurs de lycée professionnel.

En toute hypothèse, la loi de 1993 prévoit que l'Etat doit assumer ses responsabilités et doit intégrer le coût de ces personnels dans la dotation qu'il verse aux régions. Il n'y a aucune raison qu'il ne le fasse pas.

(Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je sais aussi, monsieur le député, les conditions particulières qui prévalent en Alsace-Moselle et, bien évidemment, j'en tiens tout particulièrement. D'ailleurs, si vous m'y invitez, monsieur le vice-président de région, j'irai avec vous sur le terrain pour examiner ce dossier.

(Sourires et exclamations sur les mêmes bancs.) Sachez en tout cas qu'un comité de suivi qui réunit trois ministères, s'efforce de faire en sorte que cette question soit réglée avec tout le sérieux qu'elle implique.

S'il me reste une minute, monsieur le président, je répondrai, si vous m'y autorisez, aux trois autres questions de M. Gengenwin.

M. le président.

Monsieur le ministre, votre temps de parole est épuisé...

M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Alors, monsieur Gengenwin, je n'aurai répondu qu'à une seule de vos questions. Je vous donne donc rendezvous à une autre séance de questions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Vous allez, monsieur le ministre, finir par donner le sentiment que vous réservez un traitement privilégié à M. Gengenwin ! (Sourires.)

MISE EN EXAMEN DE M. TRICHET

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie librale et Indépendants), d'après les informations publiées par la presse et confirmées par l'intéressé, Jean-Claude Trichet, ancien directeur du Trésor de 1987 à 1993, va être mis en examen étant soupçonné d'avoir participé à la diffusion de fausses informations au marché et à la publication de comptes sociaux inexacts, notamment pour l'exercice 1992, du Crédit lyonnais.

Or vous avez été, comme ministre de l'économie et des finances d'avril 1992 à fin mars 1993,...

M. François Goulard.

Il a oublié !

M. Charles de Courson.

... en charge du Crédit lyonnais en tant que représentant de l'actionnaire qu'était l'Etat et en tant que responsable de la tutelle sur le système bancaire.

Dès le 1er septembre 1992, le directeur du Trésor vous a averti que les comptes du premier semestre 1992 du Crédit lyonnais seraient très mauvais à cause des pertes enregistrées sur un client de la filiale du Crédit lyonnais aux Pays-Bas, la Metro-Goldwin-Mayer.

Le 23 octobre 1992, vous avez demandé au directeur du Trésor de mettre en place une procédure de suivi de l'évaluation des engagements importants du Crédit lyonnais. Or, dans sa déposition du 2 juin 1994 devant la commission d'enquête sur le Crédit lyonnais, M. Pavie, commissaire aux comptes du Crédit lyonnais, a précisé :

« Il nous a été déclaré et confirmé au conseil d'administration qui s'est tenu le 26 mars 1993, deux jours avant le deuxième tour des élections législatives, que les comptes ont été arrêtés en accord avec la direction du Trésor, avec la Banque de France et avec la commission bancaire ». Et on sait aujourd'hui que les pertes du Crédit lyonnais auront coûté aux contribuables près de 100 milliards, sans compter les frais de portage et de restructuration estimés à 50 milliards.

M. François Goulard.

Rendez l'argent !

M. Charles de Courson.

Enfin, dimanche soir, sur FR 3...

M. le président.

Votre question, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson.

... à Christine Ockrent qui vous demandait si, au travers de Jean-Claude Trichet, c'est l'Etat qui est en cause, vous avez répondu : « Ce n'est pas Jean-Claude Trichet lui-même qui est en cause, c'est Jean-Claude Trichet responsable du suivi du dossier. »

Mais, monsieur le ministre, Jean-Claude Trichet était sous votre autorité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et vous a alerté sur la gravité de la situation du Crédit lyonnais. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ma question est donc simple : avez-vous donné des directives au directeur du Trésor sur l'arrêté des comptes de l'exercice 1992 du Crédit lyonnais et quelles ont été vos responsabilités dans l'arrêté des comptes de cet exercice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Cette question est scandaleuse.

M. le président.

La parole est à M. le ministe de l'économie, des finances et de l'industrie. (« Sapin ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, il y a au moins deux aspects dans la question qui est soulevée.

Il y a d'abord l'aspect proprement judiciaire, puisque nous avons appris de l'intéressé lui-même que le directeur du Trésor de l'époque était mis en examen sur la base, je le précise, d'une plainte déposée un peu plus tard par le ministre de l'économie, M. Arthuis.

M. Charles de Courson.

En 1996 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur ce plan proprement judiciaire, il faut, je crois, s'en tenir à la règle à laquelle nous nous conformons tous et qui veut que la justice fasse son travail.

M. Lucien Degauchy.

Ben voilà !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La question comporte un autre aspect qui ne peut pas nous laisser indifférents. Depuis lors, en effet, l'intéressé a accédé à d'autres fonctions.

M. Patrick Devedjian.

Vous voulez parler de M. Sapin ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il est aujourd'hui gouverneur de la Banque de France et membre de la Banque centrale européenne.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas la question !

Mme Nicole Bricq.

Mais si, vous savez bien que c'est la question ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je tiens à la vérité de dire qu'il bénéficie d'une réputation exceptionnelle et qu'il n'est pas dans l'intérêt de notre pays de mettre en cause cette réputation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe communiste.

LICENCIEMENTS À ABB-ALSTOM

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne l'entreprise ABBAlstom, dont la stratégie ressemble à celle de son jumeau : le groupe Unilever.

Depuis plusieurs mois, la mobilisation des salariés, toutes catégories confondues, des habitants et des élus - quatre parlementaires ont déjà interrogé le Gouvernem ent au cours de diverses séances de questions - démontre les inquiétudes ou l'opposition que suscite l'annonce de suppression de postes par la direction d'ABB-Alstom.

En France, ce sont environ 1 500 suppressions de postes qui ont été annoncées, dont 300 à La Courneuve, 850 à Belfort pour la partie énergie et 300 à Lys-lezLannoy.

Hier, un document a été remis aux représentants du personnel, qui confirme ces chiffres. Or cette société fait d'énormes profits. Elle a bâti son empire sur des commandes publiques dans le domaine de l'énergie et celui des tranports. De plus, aujourd'hui, les perspectives industrielles liées à la croissance mondiale sont importantes. De fait, c'est le choix de la financiarisation extrême qui étaye ces licenciements.

Selon la presse spécialisée, l'objectif du groupe est de doubler à moyen terme la rentabilité financière. C'est un non-sens économique et humain, et c'est dangereux pour l'emploi et la filière énergétique.

Face à cette décision arbitraire, ont eu lieu, dans la dernière période, une manifestation à Bruxelles de tous les syndicats européens et un rasssemblement pluriel dans ma propre ville.

En parallèle, les élus des différents sites concernés demandent toujours l'organisation d'une table ronde avec l'ensemble des acteurs : organisations syndicales, direction, élus, Gouvernement. Cette proposition rencontre une forte approbation chez les salariés et les habitants.

La situation devient grave et il est urgent d'y répondre.

Monsieur le Premier ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour l'organisation de cette table ronde, qui permettrait de dégager des orientations en faveur du développement industriel et de l'abandon du plan de licenciement de la direction ABB-Alstom, et ainsi de donner suite à l'embellie pour l'emploi dont il a été fait mention tout à l'heure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la députée, votre question est importante et grave.

J'ai déjà eu l'occasion, en ce qui concerne la situation de Belfort, de répondre à des questions du même type posées par Mme Marin-Moskovitz et par M. Forni.

Nous sommes, mes collègues Martine Aubry et JeanPierre Chevènement ainsi que moi-même, extrêmement préoccupés par les décisions annoncées par le groupe ABB-Alstom sur les différents sites. En effet, un certain nombre de suppressions d'emplois est programmé par ce groupe à Belfort, à Lys-lez-Lannoy et à La Courneuve.

Nous suivons cela avec beaucoup d'attention.

Nous nous plaçons du côté des salariés, c'est-à-dire que nous refusons a priori les perspectives qui nous sont présentées comme logiques par le groupe ABB-Alstom et qui ne peuvent pas être acceptées comme telles par le Gouvernement, cela est clair. Nous étudions donc, avec les salariés, toutes les solutions alternatives qui permettraient de maintenir les technologies sur les sites et de sauvegarder l'intérêt de l'organisation, en France, de ce groupe.

Dans ce cadre, j'ai personnellement participé depuis plusieurs semaines au processus de dialogue que j'ai initié avec les représentants des salariés. Je les ai reçus plusieurs fois et j'ai demandé à mes services d'analyser en détail les conditions industrielles d'évolution de chacun des sites afin d'essayer d'y garantir au maximum l'emploi, la diversification et le choix éventuel de nouveaux produits comme, d'ailleurs, le renforcement des produits et des services existants dans le groupe.

Une réunion a lieu cet après-midi à Lille avec les salairés et les élus de Lys-lez-Lannoy, pour étudier un projet concret d'alternative qui sera soumis au groupe Alstom.

Je suis comme vous persuadé, madame la députée, que c'est à partir d'une vision industrielle et à partir d'autres perspectives que celles offertes par le groupe ABB-Alstom que pourront être dégagées à Lys-lez-Lannoy, à Belfort et à La Courneuve les solutions permettant de préserver le maximum d'emplois.

Nous poursuivrons, avec mes collègues du Gouvernement, ces efforts aux côtés des salariés et des élus, en privilégiant les modalités de concertation les plus efficaces.

Je ne manquerai pas de mettre la direction d'ABBAlstom devant ses responsabilités. Dans l'immédiat, j'accepte tout à fait que mon cabinet tente d'organiser une réunion,...

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... une de plus - de nombreuses ont déjà eu lieu - à Bercy afin d'en discuter avec l'ensemble des parties prenantes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprises, à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Christine Lazerges.)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

4 ÉGAL ACCÈS AUX MANDATS ÉLECTORAUX Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu la lettre suivante :

« Paris, le 26 avril 2000.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint le texte du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 30 mars 2000 et modifié par le Sénat dans sa séance du 25 avril 2000.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de ce projet de loi (nos 2336, 2337).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons aujourd'hui au terme de ce long combat pour inscrire enfin dans notre droit électoral cette obligation de parité entre les hommes et les femmes.

Je ne reviens pas sur les difficultés et les résistances rencontrées pour tout simplement mettre en oeuvre ce principe affirmé par le préambule de la Constitution de 1946 auquel celui de notre actuelle Constitution fait référence : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. »

Il aura pourtant fallu la réforme constitutionnelle du 28 juin 1999 pour lever le verrou qui était jusqu'alors posé par le Conseil constitutionnel contre toute mesure visant à favoriser les candidatures féminines aux diff érentes élections. Cet obstacle levé, c'est dès le 8 décembre 1999 que le Gouvernement a déposé deux projets de lois - organique pour les assemblées de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-etFutuna, ordinaire pour le reste du territoire de la République - sur le bureau de l'Assemblée nationale.

C'est sur ce projet de loi ordinaire qui comporte les dispositions essentielles que vous êtes appelés à statuer définitivement puisque votre assemblée et le Sénat n'ont pas pu trouver un accord sur un texte commun. Après votre délibération, et sous réserve d'une saisine du Conseil constitutionnel, au demeurant probable, cette loi sera donc publiée au Journal officiel et, comme le Gouvernement s'y était engagé, applicable aux prochaines élections.

L'édifice sera, il est vrai, très provisoirement incomplet.

Contrairement à la loi ordinaire, en effet, la loi organique, à laquelle il fallait nécessairement recourir s'agissant des assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, n'a pas fait l'objet d'une déclaration d'urgence. La commission mixte paritaire doit maintenant se réunir, après les deux lectures dans chaque assemblée, avant que le Gouvernement puisse, à défaut d'un accord bien improbable, demander à votre assemblée de statuer définitivement après une ultime navette.

Mais la loi organique n'est pas dans le cas qui nous occupe la norme supérieure à la loi ordinaire. Elle applique simplement à des territoires spécifiques les règles définies pour la plus grande partie du territoire de la République par la loi ordinaire. Il n'y a donc pas d'inconvénient majeur à cette arythmie des procédures, d'autant que les dispositions spécifiques aux assemblées d'outre-mer seront bien adoptées définitivement dans les semaines qui viennent. Elles seront applicables, elles aussi, aux prochaines élections.

Sur le fond, je ne reprendrai pas, au point où nous en sommes, l'histoire de ce long combat pour inscrire dans notre droit électoral le principe, et les mesures concrètes qu'il implique, de l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques. Je n'insiste pas non plus sur l'idée que l'égalité des femmes et des hommes ne se réduit pas à la conquête de la parité dans les assemblées politiques. « Si la parité en politique est un combat que nous sommes en train de gagner, elle n'épuise pas notre ambition réformatrice » a souligné le Premier ministre à l'occasion du colloque sur les femmes à l'aube du

XXIe siècle. Il annonçait ainsi l'ensemble des mesures adoptées par le comité interministériel sur les droits de la femme, le 8 mars dernier.

Mais la traduction dans notre droit électoral du principe affirmé par le préambule de la Constitution de 1946, auquel notre actuelle Constitution fait référence, selon lequel « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme », constitue une étape importante du combat pour cette égalité et va, n'en doutons pas, profondément renouveler notre vie politique.

Le texte que vous vous apprêtez à adopter sera sensiblement différent du projet du Gouvernement. Aux dispositions initiales qui privilégiaient la souplesse et la simp licité, vous avez apporté un certain nombre de modifications tendant à garantir l'effectivité de la mise en oeuvre du principe de parité. Lors de chacune de ses délibérations, le Sénat a supprimé ces dispositions plus contraignantes. Il a rétabli les dispositions initiales du projet de loi.

Mais il faut convenir, pour s'en réjouir, que le Sénat et l'Assemblée nationale s'accordent sur la nécessité d'inscrire dans notre droit électoral des dispositions favorisant


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, conformément au principe désormais inscrit dans notre Constitution. Et le fait que le Sénat ait adopté un projet de loi dans les termes proposés par le Gouvernement est à coup sûr un hommage à cette réforme, même s'il n'est pas dépourvu de quelques arrière-pensées.

C'est aussi un événement suffisamment exceptionnel pour être souligné.

Votre commission des lois vous propose aujourd'hui de reprendre pour l'essentiel les amendements que vous aviez apportés au dispositif du Gouvernement lors de vos deux précédentes délibérations. Ainsi, vous préconisez pour les élections au scrutin de liste à deux tours - élections municipales et sénatoriales - d'apprécier la parité par groupes de six et non pas seulement sur l'ensemble de la liste.

M. Michel Hunault.

C'est une très bonne disposition.

M. le ministre de l'intérieur.

Votre commission propose en outre de fixer à 2 500 habitants le seuil à partir duquel s'appliqueront les nouvelles dispositions sur la parité aux élections municipales. Ce seuil, qui sera aussi celui à partir duquel s'applique le scrutin proportionnel à deux tours aux élections municipales, était de 3 500 habitants dans le texte du Gouvernement, conformément au droit actuel, de 2 000 dans le dispositif que vous aviez adopté en première lecture, et à nouveau de 3 500 dans le texte du Sénat.

Je remercie votre rapporteur et votre commission d'avoir retenu, dès votre deuxième délibération, le point d'équilibre de 2 500 habitants. Par rapport au projet initial du Gouvernement, cette proposition étend les dispositions relatives à la parité à 1 042 communes supplémentaires représentant 5,3 % de notre population.

Ce seuil a aussi le mérite de ne pas trop bousculer notre droit électoral, notamment de maintenir pour nos plus petites communes un mode de scrutin très libéral puisqu'il n'exige pas de listes complètes ni même un dépôt de candidature et qu'il permet le panachage. Ce seuil est en outre celui à partir duquel sont créées des commissions de propagande présidées par un magistrat.

Enfin, il fait disparaître le régime particulier actuel des communes de 2 500 à 3 500 habitants. Je ne peux donc que me féliciter de cette proposition réaliste.

Les choses sont un peu plus complexes en ce qui concerne l'obligation que vous aviez instituée lors de vos deux précédentes lectures, et que votre commission des lois vous propose de rétablir aujourd'hui : une alternance stricte hommes-femmes, ou femmes-hommes, pour les scrutins de liste à un tour, c'est-à-dire pour les élections européennes et sénatoriales.

Le principe de la parité tel qu'il vous a été proposé par le texte du Gouvernement se fonde sur un fait incontestable : l'humanité est faite d'hommes et de femmes qui concourent ensemble et complémentairement à la pérennité de l'espèce humaine. Il leur appartient donc de concourir ensemble et complémentairement à la conduite des affaires de la cité, si l'on veut bien convenir que les femmes sont aussi douées de raison que les hommes et que le principe posé par Descartes, selon lequel le bon sens est une chose généralement partagée, s'applique à elles autant qu'aux individus de sexe masculin.

Certains objectent que réserver une place particulière aux femmes serait prendre le chemin de la représentation obligatoire des minorités. Mais les femmes ne constituent en aucune manière, dois-je le répéter, une catégorie, encore moins une minorité, puisqu'elles sont même en légère majorité dans le corps électoral.

Mme Yvette Roudy.

Oui, mais elles ont un statut de minoritaires.

M. le ministre de l'intérieur.

La parité traverse donc toutes les catégories, qu'elles soient politiques, sociales, d'origine, de croyance.

La sous-représentation des femmes est un défi lancé à l'universalisme républicain. La parité, et non pas l'instauration de quotas, est le seul moyen de le relever en restant fidèle au principe d'égalité qui n'a rien à voir avec une conception sexuée de la politique, qui n'est ni celle du Gouvernement ni la vôtre.

O n peut s'interroger sur l'obligation d'alternance stricte, dans le cadre de listes dites « chabadabada » ou

« tic-tac » selon un premier florilège sans doute déjà incomplet.

Mme Yvette Roudy.

Ah non ! Pas de dérision quand même !

M. le ministre de l'intérieur.

Il aurait peut-être été suffisant de faire confiance aux électeurs, dont je ne doute pas qu'ils sanctionnent sévèrement les formations politiques qui relégueraient les candidates en fin de liste, ou plutôt au dernier rang de chaque groupe de six. Car, à défaut d'alternance stricte, c'est cette disposition qui aurait pu être étendue aux scrutins de liste à un tour.

Mais il n'y a pas de révolution qui ne comporte quelque excès, et la parité est une révolution. Et il ne faudrait pas qu'on en déduise la substitution au principe d'égalité d'un critère sexuel. Telle n'est pas, je le sais, votre intention.

En ce qui concerne le mécanisme de pénalisation financière à l'encontre des partis qui ne présenteraient pas autant de femmes que d'hommes pour les élections législatives, le Gouvernement approuve la proposition de votre commission de supprimer l'innovation introduite par le Sénat tendant à prendre en compte, non plus seulement le nombre de candidats, mais aussi celui des élus.

Cette disposition risquerait de susciter des effets pervers et ne correspond pas à l'esprit de la réforme constitutionnelle, qui n'a jamais eu pour objet de sanctionner ou de récompenser le choix de l'électeur, dont la liberté doit rester totale.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les observations que, avec Mme Péry, je voulais vous présenter au nom du Gouvernement, au moment où vous allez instituer une législation non seulement novatrice mais résolument révolutionnaire et pionnière dans le monde. La présence d'une moitié de femmes dans les assemblées élues, à commencer par les conseils municipaux qui vont être renouvelés en mars prochain, va profondément changer la politique, modifier non seulement les centres d'intérêt, mais aussi les comportements, les relations et les mentalités.

Deux siècles après la Révolution française, qui a inscrit dans note devise le principe d'égalité, la révolution paritaire va consacrer ce principe dans la relation politique des hommes et des femmes. Nous allons ainsi rattraper un retard inacceptable et scandaleux. Nous le faisons à la française, c'est-à-dire par la loi. On pourra regretter cette nécessité, mais nul ne pourra sérieusement la contester.

Cette loi marquera le bilan du gouvernement de Lionel Jospin. Elle restera dans l'histoire comme une avancée historique de la grande égalité humaine.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, nous voici réunis pour une dernière lecture du projet de loi relatif à la parité. Je tiens à dire combien je suis heureuse d'avoir construit, avec vous, aux côtés du Premier ministre, Lionel Jospin, de Jean-Pierre Chevènement et de l'ensemble du Gouvernement, ce texte qui fera date dans l'histoire de notre démocratie. Moins d'un an après avoir inscrit le principe de parité dans notre Constitution, nous disposerons dans quelques heures de l'outil législatif qui nous permettra de traduire ce principe dans la réalité de notre vie politique.

J'ai fortement conscience qu'avec les actes que nous allons poser dès à présent, nous répondons pleinement au souhait de la population de notre pays d'avoir enfin une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les lieux de décision.

Je tiens à saluer les enrichissements apportés par vos travaux au texte du Gouvernement, en particulier, l'inscription d'une parité tout au long de la liste par tranches de six noms pour les élections municipales et régionales.

Lors des précédentes lectures, j'ai exprimé également ma préférence personnelle pour la stricte alternance entre les femmes et les hommes lors des élections européennes et sénatoriales concernées. Cette mesure est plus contraignante, mais si l'on en juge par la constitution des listes lors des dernières élections européennes, c'est une pratique déjà adoptée par la plupart des formations politiques, et je m'en réjouis.

Enfin, concernant les élections législatives, je suis particulièrement heureuse de constater que tout au long de nos débats, la volonté d'affirmer une sanction et non une récompense, comme je l'ai toujours préconisé, a été très largement partagée par les deux assemblées. C'est sans aucun doute le signe d'une maturité de notre réflexion sur ce que nous pouvons attendre de la parité pour rénover notre démocratie.

Ainsi, dès les élections municipales de 2001, l'ensemble des listes sera constitué à parité d'hommes et de femmes.

J'espère que, au-delà des listes, les exécutifs municipaux et intercommunaux seront inspirés par cette même volonté de parité, car la vocation de cette loi est aussi d'impulser d e nouvelles pratiques qui dépassent le cadre des contraintes qu'elle pose.

La parité, nous le savons, n'est pas une fin en soi, c'est un outil. Je l'ai déjà dit lors d'une lecture précédente, mais la répétition a des vertus pédagogiques. L'arrivée des femmes en politique contribuera à l'émergence de sujets trop peu visibles aujourd'hui ou un meilleur traitement de certains, non pas parce que nos différences biologiques auraient forcément des effets sur nos pratiques politiques mais parce que les hommes et les femmes n'ont pas culturellement, et depuis tant de siècles, le même vécu, les mêmes expériences, les mêmes parcours personnels et professionnels. En outre, la mise en oeuvre de la parité permettra, au-delà de la vie politique, des avancées importantes dans l'ensemble des champs de la société, notamment dans la vie économique et sociale. Je souhaite en quelques mots vous faire part des initiatives prises à ce sujet.

Je mène une concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle pour examiner les moyens de renforcer la place des femmes dans le dialogue social. D'autre part, le Premier ministre, à la demande de Martine Aubry et de moi-même, a saisi le Conseil économique et social sur la place des femmes dans les institutions socio-économiques.

Des propositions devraient être faites d'ici à la fin de l'année sur ce difficile sujet.

L'accès aux responsabilités dans la vie professionnelle relève de la liberté de gestion de l'employeur. Néanmoins, la proposition de loi sur l'égalité professionnelle que vous avez adoptée en première lecture, le 7 mars dernier, en instaurant une obligation de négocier dans les entreprises et les branches professionnelles au sujet de l'égalité, permettra d'aborder dans sa globalité la question de la carrière professionnelle des femmes - recrutement, formation, promotion, salaire, temps de travail.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les observations que je voulais vous présenter à l'occasion de la dernière lecture de ce texte.

Une grande campagne civique, qui a été largement demandée par toutes les formations politiques, accompagnera, dès cet automne, la loi sur la parité. Elle sera menée par des associations engagées dans la promotion de la citoyenneté et sera soutenue par le budget de l'Etat, celui du service d'information du Gouvernement, du secrétariat aux droits des femmes et celui du ministère de l'intérieur. En ce moment même, le service d'information du Gouvernement conduit une réunion sur cette campagne avec les principales associations et les services de l'Etat.

Ma conviction demeure que le texte, tel qu'il sera adopté, doit beaucoup à la volonté de nous tous. Cette loi fera date dans l'histoire des femmes et de leur marche vers l'égalité.

Mes derniers mots seront pour toutes celles à qui nous devons d'être là aujourd'hui. Je ne citerai que deux de ces figures d'autrefois : Olympe de Gouges, dont le nom a été déjà évoqué lors de la révision de notre Constitut ion, et Aubertine Auclair, grande figure du féminisme, sur laquelle je viens de lire un article et qui présenta sa candidature aux législatives en 1910 - candidature qui fut rejetée.

Les parlementaires que vous êtes, actrices de cette égalité politique, n'ont heureusement pas le physique que l'on prêtait, dans cet article que je viens d'évoquer, aux féministes du début du siècle. Car les femmes se battant pour l'égalité en politique étaient traitées de « bourgeoises voulant plus de pouvoir, laides et poilues se livrant à des excès hystériques et à des provocations vulgaires ». (Sourires.) Il n'y a dans cette conquête politique à laquelle nous accédons aujourd'hui ni jubilation ni arrogance de notre part, mais simplement acte de justice. J'ai conscience que l'application concrète de la loi sur la parité provoquera quelques secousses. Mais n'ayons pas peur de l'avenir que les hommes et les femmes vont pouvoir enfin construire ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Roman, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

notre travail législatif. En quelques mois, nous sommes parvenus à mettre en place un texte qui, je le pense, malgré des insuffisances,...

Mme Yvette Roudy.

Oh oui, il y en a !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

... marquera l'histoire de notre République, mais aussi l'histoire de l'accès des femmes à l'égalité des droits.

Grâce à ce projet de loi, malgré des débats nourris et des controverses lors de la révision constitutionnelle, les deux assemblées ont réussi, cette fois, à se rejoindre - au moins officiellement - sur le principe de la parité.

Leur divergences ne semblent donc plus porter sur le principe, sur la fin, mais sur les moyens. Un véritable désaccord s'est ainsi révélé sur le degré de contrainte à mettre en oeuvre pour atteindre l'égalité de représentation entre les hommes et les femmes.

Les divergences constatées lors de notre commission mixte paritaire du 9 mars dernier demeurent irréductibles sur plusieurs points.

Outre le problème de la modification des seuils pour le mode de scrutin aux élections municipales, trois points de désaccord subsistent.

Le premier est lié à l'instauration d'une stricte alternance pour les candidatures masculines et féminines aux élections au scrutin proportionnel à un tour. L'Assemblée l'a inscrite dans son texte, le Sénat l'a refusée.

Mme Yvette Roudy.

C'est nous qui avons le dernier mot !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Le second point de désaccord est lié à la répartition égale des candidats des deux sexes - par groupe de six pour les élections proportionnelles à deux tours. L'Assemblée l'a souhaitée pour les élections municipales et régionales, le Sénat l'a refusée.

Le troisième point de divergence est lié à la nature des sanctions financières qui frapperont les formations politiques ne respectant pas la parité des candidatures pour les élections législatives. Le Sénat a en effet proposé d'adopter un principe de non-pénalisation lorsqu'un parti obtiendrait autant d'hommes élus que de femmes élues.

C omme vous l'avez évoqué, monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a estimé que cette logique pouvait introduire de sérieux effets pervers. Elle pose par ailleurs un problème constitutionnel et soumet les partis aux aléas des élections. Les partis n'ont que la maîtrise des candidatures, pas celle du choix des électeurs. Les formations politiques doivent donc être sanctionnées pour les actes dont elles sont pleinement responsables.

Ces divergences entre les deux chambres sont irréductibles, on l'a dit. L'Assemblée nationale a choisi de s'engager dans une démarche profondément volontariste, mais pas pour autant maximaliste.

Nous aurions pu, et le débat a eu lieu entre nous, aller plus loin encore. Selon les termes mêmes de la Constitution, la loi doit favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Or, force est de constater que ce projet de loi n'impose aucune obligation relative aux fonctions électives.

L'Assemblée a choisi d'allier le volontarisme au réalisme et a fait preuve d'une sagesse qui ne l'a pas confinée, contrairement aux pratiques du Sénat, dans l'immobilisme.

A ce stade de la procédure, nous devons cependant nous rendre à l'évidence : aucun amendement du Sénat n'est compatible avec la position adoptée précédemment par l'Assemblée nationale. Aussi, en application des articles 45, alinéa 4, de la Constitution et 114 du règlement, je vous propose, au nom de la commission des lois, de reprendre dans les mêmes termes le texte que nous avions voté en nouvelle lecture.

Il s'agit, je le pense très sincèrement, d'un texte ambitieux et novateur qui bouleversera profondément l'exercice de la citoyenneté et les pratiques politiques de notre pays.

En 2001, dans toutes les communes de plus de 2 500 habitants, quasiment autant de femmes que d'hommes seront élues. Dans tous les départements, de plus de cinq sièges aujourd'hui, et de plus de trois sièges d'ici là, chaque fois qu'une liste sénatoriale sera présentée par un parti, elle devra comprendre alternativement un homme, une femme.

En 2002, à l'occasion des élections législatives, je suis persuadé que le levier de la sanction financière contribuera sans doute insuffisamment - il faudra attendre un renouvellement, voire deux pour parvenir à nos objectifs mais en tout cas puissamment à promouvoir les candidat ures féminines, et ce dans des circonscriptions gagnables -...

Mme Yvette Roudy.

Ça, c'est autre chose !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

... et je m'adresse aussi bien à la droite qu'à la gauche.

En 2003, dans les conseils régionaux, il y aura autant de femmes élues que d'hommes élus.

Malgré nos recherches, menées avec l'Observatoire de la parité et avec la Délégation aux droits des femmes, nous n'avons pas su trouver un levier aussi puissant pour les élections cantonales ; cela semble d'ailleurs se traduire au niveau des premières candidatures que nous connaissons, sur tout l'échiquier politique. Si l'on peut nourrir ce regret, on peut néanmoins considérer que nous avons fait un bon travail.

Mes chers collègues, en accédant à une parité tant attendue, les femmes vont franchir un pas décisif vers l'égalité réelle.

La parité, avec la nouvelle limitation du cumul des mandats, va contribuer à moderniser notre vie politique et citoyenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il nous revient de rétablir en lecture définitive la version du projet de loi résultant du travail de compromis réalisé entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

Malgré l'engagement du Président de la République, malgré le vote, à une écrasante majorité, du texte constitutionnel qui ouvrait la voie à ce projet de loi, le Sénat n'a pas souhaité trouver d'accord avec l'Assemblée nationale, et je le regrette - surtout pour l'image du Sénat.

Même si les réticences ont été moins nettes que sur la limitation du cumul des mandats ou sur le PACS, la Haute Assemblée a, une fois de plus, freiné un texte de modernisation que les Français attendent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Cela n'a rien à voir !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

La droite sénatoriale a choisi de laisser à la gauche plurielle la paternité...

Mme Christine Boutin.

Non : la maternité !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

... de ce projet de loi de mise en oeuvre de la parité.

Je l'avais dit en première lecture, et je le souligne à nouveau, le texte du Gouvernement, même enrichi des amendements de l'Assemblée nationale, apparaît prudent et pragmatique. Il est certes conforme à la lettre de la Constitution qui stipule que la loi prévoit de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats politiques. « Favoriser » et non « assurer » : là est sans doute toute la différence entre le possible et le souhaitable.

L'accord qui a été trouvé entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale concernait les élections avec scrutin de liste - la parité par tranche de six candidats - est un bon compromis qui assure une certaine souplesse par rapport à la stricte alternance. Il laisse cependant la porte ouverte à d'importants déséquilibres dans la constitution des exécutifs municipaux ou régionaux.

Par ailleurs, je demeure extrêmement dubitative sur l'efficacité réelle du dispositif censé inciter les partis politiques à instaurer la parité aux élections législatives.

Je crains qu'au moment des investitures, le trésorier national soit, dans chaque parti, le seul réellement motivé par cette disposition (Sourires) ; et que chaque fédération départementale renvoie sur ses voisines la responsabilité de réduire au maximum les pertes financières de la trésorerie nationale - pertes au demeurant plafonnées.

La sanction financière sera plus facilement supportable aux grands partis, qui sont aussi ceux qui ont le plus d'élus, qu'aux petites formations. Les arbitrages risquent donc de ne pas toujours se faire dans le sens souhaité.

Je souligne à nouveau mon regret que les élections cantonales ne soient absolument pas concernées par le projet de loi. Le mandat de conseiller général est propice au renouvellement du personnel politique que nous attendons. Le nombre de femmes conseillères générales est faible, l'âge des élus élevé. Le caractère concret des attri butions de ce mandat est une incitation et un tremplin pour pousser des femmes à s'engager.

La faible incitation pour les législatives et l'absence de dispositions pour les cantonales m'avaient conduite à proposer en première lecture une série d'amendements tendant à organiser la parité pour tous les modes de scrutin.

Ces amendements ont été tous repoussés, sans que le Gouvernement et le rapporteur m'opposent d'ailleurs beaucoup d'arguments. Il faudra peut-être un jour prévoir un nouveau texte.

Nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur la mise en oeuvre de la parité au sein des structures intercommunales, et ce dans un avenir proche, en raison de l'importance qu'elles prennent sur le plan décisionnel.

Je voudrais, monsieur le ministre, appeler l'attention du Gouvernement et de la majorité sur ce que j'appellerai

« le service après-vente » de cette loi. Pour les citoyens et les citoyennes, la parité en politique est acquise. Rien ne serait plus déstabilisant si, à l'issue de la série d'élections qui vont avoir lieu dans les deux ans qui viennent, les Français constataient que les résultats de notre action législative ne sont pas à la hauteur.

Les Français seront sensibles au nombre de femmes élues maires dans les villes significatives, au nombre de conseillères générales et au nombre de députées femmes dans l'Assemblée de 2002.

Mais le texte, tel que nous allons le voter dans quelques instants, ne nous garantit pas que l'objectif sera atteint. Les mentalités ont grandement besoin d'évoluer, et pas seulement à droite. Depuis juin 1997, des élections législatives partielles ont eu lieu sans qu'aucune femme soit mise en situation d'être élue, même lorsqu'il s'agissait de pourvoir un siège occupé auparavant par une femme.

(« Exactement ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

A l'occasion des investitures qui conduisent la gauche plurielle à la bataille aux municipales, dans nombre de grandes villes, les candidatures féminines ont été quasi systématiquement mises en échec, y compris lorsque les intéressées avaient, en 1997, conquis des sièges de députées dans des circonscriptions très difficiles.

Mme Yvette Roudy.

C'est la revanche !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

On eut citer Toulouse, Besançon ou Niort.

Je tiens à rendre hommage à Catherine Trautmann qui avait joué le jeu à 100 % en demeurant simple conseillère municipale de Strasbourg lors de son entrée au Gouvernement.

J'entends beaucoup de jérémiades sur la difficulté de trouver des femmes pour constituer les listes paritaires.

Ces difficultés sont bien réelles. Mais comment s'en étonner ? Le poids de l'histoire, de la culture, la réalité concrète de la vie des femmes, notamment des jeunes femmes actives, ne va pas disparaître avec l'adoption de la loi. Il est donc indispensable que d'autres mesures soient prises par le Gouvernement, notamment au plan familial et social, pour créer les conditions permettant aux femmes de s'engager. Il est aussi nécessaire de sensibiliser les hommes et les femmes à l'importance pour la démocratie de ce rééquilibrage dans les instances élues.

Vous avez coutume de dire, monsieur le ministre, que le ministre de l'intérieur est celui de la citoyenneté. Une campagne citoyenne de votre ministère, en vue d'inciter les femmes à se présenter aux prochaines élections municipales, cantonales et législatives, me semble opportune.

Mme la secrétaire d'Etat vient à l'instant de nous informer que ce serait chose faite à l'automne prochain et je m'en réjouis.

Monsieur le ministre, malgré ses limites, le texte que vous nous présentez va incontestablement dans le bon sens. Vous pouvez compter sur le vote favorable des députés radicaux de gauche pour accompagner cette réforme majeure, voulue par le gouvernement de Lionel Jospin.

Puisque l'occasion m'en est donnée, il me plaît de souligner que le petit parti politique auquel j'appartiens, le Parti radical de gauche, en renouvelant ses instances dirigeantes, a mis la semaine dernière cette règle en pratique en instaurant un strict équilibre entre les hommes et les femmes, au niveau du bureau national, en nombre de vice-présidents et vice-présidentes. Je suis sûre qu'il en sera de même demain, ou après-demain, dans les autres partis.

Je souhaite que l'impulsion donnée en faveur des femmes dans la sphère politique se traduise par des résultats significatifs. Nul doute que ce changement aura des répercutions bénéfiques dans bien d'autres domaines où l'égalité entre les hommes et les femmes reste encore à conquérir. Je fais confiance au courage et à la détermination des femmes pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Ameline.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme Nicole Ameline.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'histoire s'accélère. Nous avons été nombreux à vouloir et à nous réjouir de la novation constitutionnelle dont nous avons aujourd'hui la première traduction législative. Nous sommes nombreux à souhaiter que ces années 2000 soient effectivement celles de la parité.

Au-delà de la force intrinsèque des textes, c'est à un véritable changement culturel que nous assistons ; c'est à l'émergence d'une nouvelle démocratie, plus vivante, moderne, mieux équilibrée. Ainsi, lors des récentes élections européennes, aucune liste n'aurait pu, sauf à paraître notablement archaïque, ne pas faire davantage de place aux candidatures féminines.

Pourtant, fallait-il faire confiance à l'évolution des moeurs et des faits ? A l'évidence, non. A demeurer dans la sphère des principes, on risque une évolution lente, voire une régression dans leur mise en oeuvre. Cette loi, qui fait l'objet d'un examen en dernière lecture, est donc positive ; nous en avons approuvé dès le départ le dispositif général, conscients que la culture politique française devait évoluer.

Faut-il le souligner encore, le renouvellement du débat politique - pour ne pas dire sa réhabilitation - la modernisation de notre société tout entière passent par l'affirmation du rôle des femmes. Redonner du sens au polit ique, c'est redonner du pouvoir aux Français et, singulièrement, aux Françaises.

Il est heureux que le coeur de la démocratie, nos communes, soient les premières concernées par ce dispositif.

Première traduction législative du texte constitutionnel que nous avons approuvé à une large majorité, ce projet de loi était donc attendu. Et si nul ne peut souscrire à une approche purement arithmétique et comptable des listes électorales, il faut être lucide et réaliste : la démocratie, c'est la loi du nombre. Ne pas exister en nombre revient souvent à ne pas exister du tout.

Ce qui est infamant aujourd'hui pour les femmes, ce n'est pas le dispositif de cette loi, mais plutôt la situation actuelle, largement symbolisée par leur absence dans les sphères de décision.

Pour autant, ce texte ne peut recueillir une adhésion totale. Certaines dispositions sont en effet en contradiction avec l'esprit et la lettre de la réforme, mais également avec les déclarations solennelles du Premier ministe lors du congrès de Versailles.

Ainsi, le débat sur les seuils d'application des scrutins de liste n'a rien à voir avec celui de la parité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Exactement !

M me Nicole Ameline.

Passer de 3 500 habitants à 2 000 puis à 2 500 témoigne malheureusement des sous-entendus et des arrières-pensées qui inspirent ce projet.

Ainsi, à moins d'un an des élections municipales, pas moins de trois textes touchent directement à leur organisation : sur les cumuls, sur le vote des étrangers, sur la parité.

S'agissant des modalités de mise en oeuvre de ce principe, le Sénat a choisi la souplesse, la liberté et la flexibilité, se rapprochant, monsieur le ministre, de votre texte initial.

L'évolution vers la réglementation et la contrainte stricte auxquelles la majorité plurielle paraît très attachée est en contradiction avec les dispositions du texte constitutionnel, qui emploie le terme « favoriser » et non pas celui d'« imposer » ou de « fixer ». Ce n'est pas neutre.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Pas du tout !

Mme Nicole Ameline.

Et l'on doit se garder de surenchères politiques qui, dans ce domaine, risquent de remettre en cause le supplément de démocratie qu'elles sont censées servir.

L'imposition par voie de contrainte législative de l'alternance par tranche de six causera de réelles difficultés dans les toutes petites communes. On le sait, la tradition des candidatures individuelles liés au scrutin majoritaire et l'absence d'obligation quant au dépôt des listes rendront plus complexe la mise en oeuvre de ce dispositif.

Pour cette raison, nous sommes et resterons en désaccord avec la révision des seuils électoraux.

Cependant, le groupe Démocratie libérale approuvera, sous ces réserves, le projet de loi. Non sans rappeler qu'il appartient d'abord et avant tout aux responsables politiques, à l'ensemble des acteurs de la vie politique et aux femmes elles-mêmes de donner un véritable contenu au principe de parité. Il est vrai, madame la secrétaire d'Etat, qu'il conviendra d'engager des campagnes de communication, de sensibilisation, d'information pour favoriser l'engagement des femmes et les faire sortir de cette culture du renoncement que des siècles ont induite. Après des silences millénaires et quelques décennies plus glorieuses, les femmes vont enfin pouvoir accéder à de nouveaux espaces de liberté.

Pour nécessaire qu'elle soit, cette révolution, autant c ulturelle que politique, impose aussi une nouvelle approche de la gestion du temps. Cette réflexion est urgente. Elle doit être globale. Offrir aux femmes de nouveaux expaces de liberté, c'est en effet accroître leur disponibilité en développant les aides à l'éducation des enfants, en favorisant la mise en oeuvre du temps choisi, en multipliant les crèches, en soutenant le retour à l'emploi et la formation continue. Nous devrions prendre exemple, pour tous ces points, sur certains de nos voisins d'Europe du Nord qui ont structuré toute la vie politique autour des tâches familiales.

Le débat sur le statut de l'élu doit également aboutir, car l'objectif de parité n'a de sens que si les moyens de l'atteindre sont concrets et réalistes. La loi, dans ce domaine, doit avoir un rôle d'impulsion, d'innovation.

Ce serait un échec si l'on devait se retrouver, dans les années 2005-2010, avec la nécessité de recourir encore au texte législatif. C'est un mouvement de fond que nous souhaitons et, bien évidemment, la loi sur la parité doit être, dans l'esprit, une loi de transition.

Je tiens enfin à souligner que le principe de parité ne peut se cantonner au domaine politique. De nombreux chantiers sont à explorer, notamment dans le domaine de la vie économique et sociale, et les réflexions en cours sur l'égalité professionnelle montrent, s'il en était besoin, l'ampleur des progrès qui restent à accomplir.

Dans l'attente de l'ouverture de ces nouveaux chantiers, nous nous réjouissons que, dans le champ, aujourd'hui européen, où la politique comparée mettait par trop en exergue une exception française, il soit mis fin à cette exception. Nous voterons ce texte avec une autre satisfaction : celle de voir, au-delà de la magie, ou plutôt de la sécheresse des chiffres et des nombres, l'an 2000 et le

XXIe siècle ouvrir une nouvelle page, plus moderne, de la démocratie française.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M me Marie-Jo Zimmermann et Mme Raymonde Le Texier.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis de nouveau aujourd'hui pour discuter en lecture définitive du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. J'ai déjà eu l'occasion, lors des deux précédentes lectures, de souligner combien ce projet de loi précisant les modalités pratiques de la parité politique était essentiel, historique même, pour notre démocratie. Je suis en effet de celles et ceux qui considèrent aujourd'hui comme un euphémisme de dire qu'il était urgent et même indispensable d'aller plus loin vers une meilleure prise en compte de la réalité de notre société.

J'ai eu également l'occasion de dire combien j'étais attachée, comme vous, madame la secrétaire d'Etat, et vous également, monsieur le rapporteur, à la position volontariste et équilibrée que nous nous sommes efforcés de définir à l'Assemblée nationale dès la première lecture.

Je le regrette, mais je n'ai pu que constater et dénoncer les divergences de fond enregistrées sur ce point avec le Sénat.

Position volontariste, d'abord, que traduisent les propositions que nous avons formulées pour le régime d'alternance : stricte alternance pour les élections par scrutin de liste à un tour et alternance par tranches de six pour les élections par scrutin de liste à deux tours. Ces propositions visent, je le rappelle, à garantir plus sûrement des résultats concrets en matière d'égalité entre les f emmes et hommes. Pour en convaincre, et pour mémoire, je soulignerai que la disposition introduite pour les municipales permettra, quoi qu'il arrive, de porter aux responsabilités locales dès 2001, dans les communes de plus de 2 500 habitants, des assemblées composées au minimum de 41 % de femmes.

Position équilibrée aussi, permettant de concilier tout à la fois le réalisme politique, la liberté d'initiative des formations politiques et la confiance faite aux femmes une fois élues pour prendre, pour revendiquer même leurs légitimes responsabilités. C'est bien cette recherche d'un savant dosage entre parité des candidatures et objectif de parité d'élus, entre ambition et raison, qui nous a amenés à préférer ne pas légiférer sur les exécutifs communaux e t intercommunaux, convaincus de la dynamique initiée par l'arrivée de nombreuses femmes aux responsabilités, soucieux aussi de laisser à chaque formation politique son propre degré de liberté.

On ne peut toutefois que regretter qu'il n'ait pas été possible d'intégrer dans cette loi les élections cantonales.

On sait en effet que les conseils généraux sont le plus souvent les assemblées électives les plus fermées aux femmes. Pour preuve, dans mon département, le Vaucluse, il a fallu attendre 1998, soit deux cents ans après la création du conseil général, pour voir enfin une femme, socialiste d'ailleurs, accéder à la fonction de conseillère générale. Ce chantier, à mes yeux, reste ouvert et nous devons y être particulièrement vigilants.

En dépit de cette limite réelle, sur laquelle je souhaitais appeler l'attention de l'Assemblée dans la perspective des élections de 2001, j'estime que cette loi est positive et va dans le bon sens. Clé de voûte de la modernisation sociale et de la rénovation républicaine, élément moteur du renouveau politique et du renouvellement démocratique, cette réforme de la parité, pensée et voulue par le Premier ministre dès juin 1997, doit toutes et tous nous réjouir. C'est une réforme que nous devons être fiers de voter définitivement aujourd'hui, pour qu'elle soit mise en application dès les élections municipales de 2001.

Ainsi, l'entrée dans le prochain millénaire constituera de fait une étape importante et irréversible pour notre démocratie.

Etape importante dans la mesure où émergeront inévitablement des assemblées électives plus représentatives de la réalité sexuée de notre société.

Etape irréversible dans la mesure où les femmes, accédant ainsi aux responsabilités, seront les meilleurs vecteurs pour briser le sentiment d'interdit politique qui hante aujourd'hui encore l'esprit de nombre de nos concitoyennes.

Reste que le chemin est encore long pour aboutir à des assemblées électives plus conformes à la réalité de la société française. C'est sur cet élargissement du débat initié par la parité que je souhaiterais terminer mon propos.

Le malaise que connaît depuis plusieurs années notre démocratie, avec une abstention grandissante à chaque consultation, une défiance vis-à-vis des élus de plus en plus ancrée dans l'imaginaire collectif et, pire, un désintérêt total pour la classe politique, ou tout au moins pour celles et ceux qui sont censés l'incarner, est là pour nous convaincre de l'urgence à agir et même à réagir.

C'est pourquoi il me semble crucial que les prochaines élections municipales permettent de faire émerger une représentation locale qui reflète mieux la société d'aujourd'hui, dans toute sa diversité sociologique. Une représentation locale qui concrétise sur le terrain politique la promesse de la République d'assurer à tous ses enfants un avenir. Une représentation locale qui traduise dans les actes le principe d'égalité, fondement de notre modèle républicain.

Sur ce terrain comme sur d'autres, la loi peut beaucoup - on le voit bien avec la parité - mais elle ne peut pas tout, et c'est tant mieux. Reste en effet la liberté d'initiative des partis politiques. Il convient, me semblet-il, que chacune et chacun d'entre nous, au niveau de responsabilité qui est le sien, soit convaincu de l'urgence à relever le défi d'égalité citoyenne. Il y va, à court term e, de notre cohésion nationale.

En guise de conclusion, je forme donc le souhait que les listes qui seront présentées par les partis politiques dans moins d'un an aux élections municipales comptent non seulement plus de femmes, et ce sera le cas grâce à cette loi importante, mais également plus de jeunes et plus de Français d'origine étrangère.

Prenons garde, cependant, à nous inscrire véritablement dans une logique de reconnaissance des compétences et non dans la logique restrictive et pernicieuse de candidatures alibis. C'est bien cette vision des choses qui a fondé notre combat pour la parité. C'est aussi cette conception de l'engagement politique basée sur des valeurs et sur un idéal qui m'amène, au nom de mon groupe, à souhaiter le vote en lecture définitive, dans les termes adoptés ici-même en nouvelle lecture, de cette loi essentielle pour notre démocratie et pour l'histoire des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, il n'y a plus, aujourd'hui, que de très rares domaines où la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

femme subisse une discrimination juridique par rapport à l'homme. Mais les pesanteurs sociologiques, et peut-être aussi les réticences de certains responsables en place, ont conduit à ce que l'égalité des droits ne se traduise pas du tout dans la réalité. Le défi qui se pose en cette dernière année du XXe siècle n'est donc plus tant celui de l'égalité théorique des droits que celui de la mise en oeuvre pratique de cette égalité. C'est là tout l'intérêt du projet de loi sur la parité en politique.

Nous arrivons au terme d'un processus législatif qui va conduire à l'adoption d'une loi dont l'impact direct et indirect sera important dans la société française. Son influence se fera ressentir au-delà de la sphère politique et je souhaite que cette loi soit aussi significative pour l'évolution du rôle général de la femme dans la société que l'a été celle qui a octroyé le droit de vote aux femmes à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Jusqu'à présent, en effet, toute la législation avait été conçue pour donner aux femmes une égalité théorique.

Cette fois-ci, nous allons imposer une égalité pratique.

Les femmes disposeront ainsi des atouts nécessaires pour faire jeu égal avec les hommes. Très rapidement, ceux-ci devront constater qu'elles peuvent, elles aussi, assumer des responsabilités, des décisions importantes pour les collectivités.

Lorsqu'on trouvera des femmes un peu partout aux postes clés des collectivités locales et du Parlement, c'est l'image globale de la femme dans la société qui sera revalorisée. De manière mécanique, il y aura un énorme effet d'entraînement dans les autres domaines, que ce soit pour la vie familiale, la vie associative ou la vie professionnelle.

Certes, la procédure parlementaire a été longue, puisqu'il a d'abord fallu que l'Assemblée et le Sénat votent la réforme constitutionnelle dans les mêmes termes et que l'on réunisse le Congrès à Versailles. Une fois la révision constitutionnelle adoptée, les projets de loi proprement dits ont été préparés, puis ont fait l'objet de plusieurs navettes entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

A l'occasion de la lecture définitive, je dois souligner que tout s'est bien passé grâce à la motivation et à la bonne volonté évidente de l'ensemble des mouvements politiques représentés à l'Assemblée nationale. En effet, à chaque fois, les votes ont été acquis à la quasi-unanimité, chacun apportant une participation constructive au débat.

Je suis d'ailleurs persuadée que, pour le vote d'aujourd'hui, il en sera de même. Le travail que nous avons fourni en la matière est donc exemplaire et nous pouvons en être fiers, tant sur les bancs de droite que sur les bancs de gauche.

Chacun de nous est conscient de l'avancée pour les femmes qui résultera de la mise en oeuvre de la présente loi. Elle constitue véritablement un grand pas en avant.

Un autre élément mérite d'être signalé : l'accueil très favorable que rencontre sur le terrain le texte que nous examinons. Ce qui est vrai dans l'opinion publique le devient progressivement parmi les élus. Les plus réticents finissent, bon gré mal gré, par admettre l'utilité de ses dispositions.

Certes, au départ, les récriminations étaient nombreuses, car il fallait vaincre un très fort immobilisme.

Qui de nous n'a pas entendu le leitmotiv selon lequel il serait difficile, si ce n'est impossible, de trouver le nombre suffisant de femmes pour composer des listes aux élections municipales ? Qui de nous n'a pas entendu divers notables en place prétendre qu'il était inutile de vouloir renforcer la présence des femmes au Parlement ? Aujourd'hui, tous ces arguments ont tendance à s'estomper. J'ai même rencontré de futurs candidats et candidates têtes de liste aux prochaines élections municipales qui m'ont indiqué avoir tellement oeuvré pour trouver suffisamment de femmes que celles-ci étaient finalement en excédent.

Bien entendu, cette évolution des mentalités va se poursuivre et plus le temps va passer, plus les craintes ou les récriminations des uns et des autres sembleront anachroniques. Il est clair que, dans deux ou trois ans, tout le monde sera d'accord pour dire : pourquoi ne l'avonsnous pas fait plus tôt ? Pour ce qui est du contenu de la loi, je ne reprendrai pas les débats des précédentes lectures. Je me bornerai à formuler trois remarques.

Premièrement, l'obligation d'un ordre de présentation des candidates et des candidats, qui vient renforcer la portée de ce texte, a été votée à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale.

Deuxièmement, je regrette que rien n'ait été prévu pour les conseils généraux. Or ils comptent parmi les assemblées où les femmes sont sous-représentées : moins de 7 % en moyenne. Les élections cantonales ayant lieu au scrutin uninominal, auquel nous tenons, il est difficile de mettre en oeuvre un mécanisme en faveur de la parité, mais le statu quo n'est pas acceptable pour autant. C'est pourquoi j'avais déposé une proposition de loi tendant à ce que les conseillers généraux aient un suppléant, le titulaire et le suppléant devant alors être de sexe opposé.

Certes, ce ne serait qu'une petite avancée. Mais cela permettrait d'éviter la multiplication des élections cantonales partielles tout en facilitant l'entrée des femmes dans les conseils généraux à l'occasion des remplacements pour décès, pour cause de cumul de mandat ou pour toute autre raison.

Ma troisième remarque, enfin, concerne la philosophie générale du texte.

La loi sur la parité en politique favorise incontestablement l'évolution de notre société vers une égalité réelle

Il faut cependant garder à l'esprit que chaque femme ou chaque homme doit être élu selon ses mérites et non dans le seul but d'imposer une égalité mathématique. La loi sur la parité n'a donc un sens que comme moyen temporaire pour surmonter les pesanteurs qui bloquent la représentation des femmes. A mon sens, lorsque l'égalité des chances sera entrée dans les faits, la raison d'être des quotas hommes-femmes disparaîtra.

J'en viens à ma conclusion, et vous ne serez pas surpris si je vous dis, comme je l'ai fait à l'occasion des autres lectures, que le groupe RPR votera pour l'adoption définitive de ce projet de loi sur la parité en politique. Nous le ferons cependant avec prudence, car il faut savoir que des mesures complémentaires s'avéreront peut-être nécessaires. Dans quelques années, il faudra faire le point sur les effets concrets du texte que nous adoptons aujourd'hui et sur les aménagements ponctuels dont il pourrait faire l'objet.

Pour certaines assemblées, je pense en particulier aux conseils municipaux, et plus encore au Sénat, je suis persuadée que la loi sur la parité entraînera une amélioration très rapide de la situation. A ceux qui pourraient en douter, je donne rendez-vous en septembre 2001, c'est-à-dire à l'issue du prochain renouvellement d'un tiers des sénateurs, et j'engage dès aujourd'hui le pari que l'on assistera à une transformation de la sociologie du nouveau tiers élu. On y constatera, je pense, une importante féminisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

A l'Assemblée nationale, en revanche, il n'est pas évident que la loi sur la parité entraîne une augmentation sensible du taux des femmes élues, et je le regrette vivement. Au mieux, on peut espérer une petite augmentation de leur nombre. C'est pourquoi je pense que l'on aurait pu appliquer aux élections législatives la mesure que j'avais évoquée pour les cantonales.

Quoi qu'il en soit, en votant ce projet de loi, les députés RPR s'inscrivent dans la ligne politique réaffirmée par le Président de la République. Ils confirment clairement leur volonté d'assurer à toutes et à tous une participation active à notre vie démocratique. Faire du principe d'égalité politique pour les hommes et les femmes une réalité, c'est bien l'enjeu sur lequel nous sommes tous d'accord.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

M me Muguette Jacquaint.

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juin dernier, le Congrès réuni à Versailles pour réviser notre Constitution avait donné du sens à la parité pour tendre vers ce nécessaire enrichissement de la vie politique française. Mais chacun sur ces bancs savait combien il s'avérerait essentiel d'envisager des mesures volontaristes pour obtenir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

L'opinion publique, qui a adhéré très fortement à cette volonté politique, accompagne encore aujourd'hui ce mouvement citoyen et responsable qui permettra aux femmes de prendre toute la place qui leur revient dans la société française et concrétisera un levier indispensable pour accéder à l'égalité dans tous les domaines, et particulièrement à l'égalité professionnelle.

La mauvaise note - j'en suis désolée mais pas étonnée revient encore à la droite sénatoriale. La bataille d'arrièregarde pour bloquer l'aboutissement du projet de loi relatif à l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs ainsi que le projet de loi organique concernant les assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna n'honore pas ceux qui l'ont initiée.

En mars dernier, je concluais mon propos en nouvelle lecture en souhaitant que le Gouvernement et la majorité ne renoncent pas devant les pressions de ceux qui pensent tirer avantage d'une représentation démocratique « mutilée ». Je m'adressais directement à la majorité sénatoriale qui rejetait les modifications réalistes introduites par notre assemblée et rendait plus effectif le principe de parité et ce, dès le prochain scrutin municipal.

Le 25 avril, la droite sénatoriale a réitéré son opposition en supprimant la parité alternée pour les scrutins proportionnels à un tour et le dispositif de parité par tranche de six candidats pour les élections à la proportionnelle à deux tours, et en refusant l'abaissement du seuil démographique à partir duquel s'appliqueront les nouvelles dispositions.

Les arguments invoqués par la majorité de la Haute Assemblée sont incohérents et en totale contradiction avec ceux entendus pour s'offusquer devant la réforme proposée du mode de scrutin sénatorial.

On nous a dit en effet qu'il ne fallait pas toucher au mode de scrutin parce que le Sénat devait continuer à représenter les collectivités locales. Mais comment le Sénat peut-il représenter les collectivités locales en refusant aux femmes, qui constituent 50 % du corps électoral, d'occuper leur place dans ces mêmes assemblées élues ? Enfin, je me félicite au nom des députés communistes que nous soyons réunis aujourd'hui pour adopter en lecture définitive ce projet de loi ordinaire qui fera que, dès mars 2001, nos conseils municipaux soient en phase avec la société française.

Les femmes ont gagné par leur lutte et leur détermination. Demain, elles assumeront toutes leurs responsabilités au sein des assemblées élues, comme elles ont coutume de le faire.

En votant sans réserve pour cette loi et son application rapide, les parlementaires communistes accompagnent avec enthousiasme cet acte par lequel la France va se donner les moyens de réparer une injustice qui n'avait que trop duré.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus à la troisième lecture de ce texte sur la parité politique. Il n'est pas question pour moi de reprendre les longs développements des discussions précédentes, ni de revenir sur les propos de mes collègues Nicole Ameline et Marie-Jo Zimmermann, auxquels j'adhère totalement. Je m'en tiendrai donc aux grandes lignes.

Il n'y a pas d'authentique démocratie sans véritable participation des femmes à tous les niveaux de la vie publique. Telle est depuis longtemps la conviction de l'Union pour la démocratie française-Alliance et nous voterons cette loi.

D'accord sur le fond, nous le sommes beaucoup moins sur la forme. Une fois encore, je rappellerai que nous aurions préféré de loin le texte du Gouvernement, qui privilégiait - je reprends vos termes, monsieur Chevènement - la souplesse et la simplicité. A mon avis, il a été modifié de manière inintelligente et irréaliste par notre assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Et je le regrette.

Un député du groupe socialiste.

Pas inintelligente !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'avenir le dira ! Notre réflexion est confortée par les réflexions entendues quotidiennement sur le terrain. Pour tout dire, nos concitoyens, pour la plupart extrêmement attachés à la parité en politique, trouvent un peu puéril cet acharnement à réaliser les 50 % - 50 % en toute occasion, et ne sont pas du tout convaincus que cela soit systématiquement souhaitable. Ils sourient tous de tant d'intransigeance et auraient souhaité, eux aussi, plus de souplesse et de liberté dans les modalités d'application de cette loi.

Mais puisqu'on ne peut aller plus loin que l'on ne peut convaincre, je m'en tiendrai là en gardant bien à l'esprit la pensée rassurante que nous aurons tout le loisir de revoir ultérieurement cette loi s'il en était besoin.

Heureusement, l'avenir de la société et de la femme ne s'arrêtera pas à cette loi et c'est cet avenir qui compte.

Le XXe siècle a connu, au moins dans les civilisations occidentales, la lente marche des femmes vers la maîtrise de leur fécondité et l'affirmation de leur rôle économique et social.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme Cécile Helle.

Pas grâce à vous et à vos amis, en tout cas !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Aujourd'hui, elles accèdent à la parité politique. On peut penser que la partie est gagnée si l'on adopte une vision linéaire et progressiste de l'histoire. Mais l'expérience montre que c'est rarement le cas et le siècle qui commence nous conduira à mener d'autres combats, à ce jour totalement inimaginables, et à nous battre aussi sur les mêmes fronts qu'hier. Parmi beaucoup d'autres, j'en évoquerai trois : demain quelle fécondité, quel travail et quelle vieillesse ? La principale révolution du XXe siècle est sans doute la maîtrise par la femme de sa fécondité, couplée à son indépendance professionnelle. Elle peut maintenant choisir le partenaire qu'elle veut quand elle veut, et surtout concevoir et élever des enfants pratiquement sans homme.

Dans trop de cas déjà, ce dernier se trouve marginalisé voire exclu de la sphère familiale et même parfois professionnelle. Saurons-nous raison garder et construire jour après jour le fragile mais nécessaire équilibre de la mixité, ou tomberons-nous comme certaines sociétés nord-américaines dans un excès de féminisation ? L'instabilité grandissante dans le monde du travail constitue un autre enjeu d'importance. La poursuite évidente des évolutions techniques et la complexité croissante de l'économie mondiale entraîneront inéluctablement des horaires plus différenciés et sans doute des carrières plus heurtées. Certains n'hésitent pas à prédire l a fin de la société fondée sur le salariat reposant sur des statuts précis ainsi que la fin des contrats à long terme. Les femmes devront se battre pour concilier au niveau individuel cette exigence de flexibilité avec la sécurité recherchée dans l'exercice d'une activité et leur aspiration à une vie personnelle.

Le troisième grand défi que je voudrais effleurer est celui du vieillessement. Les femmes y seront directement confrontées...

M. Jean-Paul Mariot.

Pas les hommes ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... à la fois parce qu'elles ont une espérance de vie grande que celle des hommes et qu'elles sont tout « naturellement désignées » pour assumer la dépendance des personnes très âgées.

Les situations seront d'autant plus complexes que les futures personnes âgées auront souvent vécu au cours de leur vie avec plusieurs partenaires et qu'elles seront très nombreuses à bénéficier de pensions de retraite à taux plein, au financement très incertain si vous continuez à ne rien faire dans ce domaine.

Les maisons de retraite et les hôpitaux ne pourront pas faire face à tous les problèmes de dépendance. Dans cette optique, les épouses mais aussi les filles et les petites-filles risquent d'être mises très fortement à contribution.

Ces tendances lourdes, entre bien d'autres, ne sont pas intrinsèquement bonnes ou mauvaises, merveilleuses ou terribles, révolutionnaires ou réactionnaires. A fortiori , elles ne sont pas positives ou négatives pour les femmes.

Leur impact dépendra en grande partie de la capacité des acteurs à en avoir conscience et à les gérer pour éviter de les subir.

Le plus grand défi, donc, qui attend les femmes est sans aucun doute de devenir les artisans du futur. Il requiert une interrogation permanente des modes de pensée hérités du passé, une vigilance constante pour évaluer les évolutions et une volonté résolue pour être capable de s'engager alors que l'incertitude est grande.

La construction de l'avenir doit désormais faire partie intégrante de la marche des femmes vers l'égalité. En d'autres termes, l'apport du génie féminin est indispensable à la construction de notre

XXIe siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Mesdames, messieurs les députés, avant que vous n'adoptiez cette réforme capitale, qui va modifier profondément notre vie politique, j'aimerais vous présenter quelques observations sur l'article 2 bis.

En nouvelle lecture, le 30 mars 2000, l'Assemblée nationale a adopté un amendement étendant à l'élection des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étran ger, dans les circonscriptions ayant trois sièges ou plus à pourvoir, le principe d'obligation de parité de candidatures applicable à l'ensemble des scrutins de liste à la représentation proportionnelle. Ce dispositif a été adopté sans que ni la commission des lois de l'Assemblée nationale ni le Gouvernement aient pu prendre la mesure de son applicabilité, en raison du dépôt tardif de l'amendement dont il est issu, sous-amendé en séance.

Sa rédaction, interprétée strictement, s'écarte du principe général de parité de candidatures à une candidature près, pour établir une parité stricte de 50 % 50 % au sien des listes de candidats. Or, le collège des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger est composé de 150 sièges répartis sur 48 circonscriptions, dont 23 comportent un nombre impair de sièges - égal ou supérieur à 3 sièges -, ce qui rend, dans les faits, cette mesure prise à la lettre inapplicable.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. le ministre de l'intérieur.

L'Assemblée ne pouvant plus, en dernière lecture, améliorer son texte, il me semble utile de préciser que c'est l'interprétation souple qui doit prévaloir : si le nombre de sièges à pourvoir est pair, la parité stricte doit s'appliquer, mais si ce nombre est impair, elle ne s'appliquera qu'à une unité près.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Voilà !

M. Bernard Roman, président de la commission, rapporteur.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

Au moment où vous vous apprêtez à adopter définitivement cette réforme, je veux remercier l'Assemblée nationale tout entière. Ces débats ont montré une volonté commune de mettre effectivement en oeuvre l'égalité des femmes et des hommes dans notre droit électoral et dans notre pratique politique.

Ces remerciements s'adressent plus particulièrement à la majorité, à la commission des lois et à son rapporteur, qui est aussi désormais son président, pour leurs contributions qui ont certainement enrichi, et même infléchi, le texte initial du Gouvernement.

Mes remerciements vont également à ma collègue Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, qui s'est profondément impliquée dans cette réforme et a bien voulu me remplacer à deux reprises lors de l'examen de ces textes au Parlement.

Mesdames, messieurs, voilà quelques semaines, vous avez déjà adopté un texte sur le cumul des mandats.

Aujourd'hui, vous allez statuer définitivement sur ce


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projet de loi favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Avant la fin du mois de juin, vous aurez approuvé le projet de loi rendant l'élection des sénateurs plus représentative et plus juste. Vous le mesurez tous, il y a une cohérence entre ces trois textes. Il s'agit de relégitimer notre vie politique, notre démocratie.

Il nous appartient maintenant de mettre en oeuvre ce nouveau droit électoral lors des prochaines élections, notamment lors des élections municipales de mars 2001.

Je joins ma voix à celle de Mme Péry et à toutes celles qui se sont exprimées à la tribune de l'Assemblée pour souligner que, en effet, il est tout à fait essentiel de mobiliser des candidates en vue de ces prochaines échéances.

C'est ainsi que nous ferons entrer l'égalité entre les hommes et les femmes dans notre pratique politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Dernier texte voté par l'Assemblée nationale

Mme la présidente.

Je donne lecture de ce texte :

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉLECTIONS SE DÉROULANT AU SCRUTIN DE LISTE

« Art. 1er A. I. Dans l'intitulé du chapitre II du titre IV du livre Ier du code électoral, le nombre : "3 500" est remplacé par le nombre : "2 500".

« II. Dans l'article L. 252 du même code, le nombre : "3 500" est remplacé par le nombre : "2 500".

« III. L'article L. 256 du même code est abrogé.

« IV. Dans l'intitulé du chapitre III du titre IV du livre Ier du même code, le nombre : "3 500" est remplacé par le nombre : "2 500".

« V. Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 261 du même code, le nombre : "3 500" est remplacé par le nombre : "2 500".

« Art. 1er I. Le premier alinéa de l'article L.

264 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe. »

« II. Non modifié.

« III. Supprimé. »

« Art. 2. Le premier alinéa de l'article L.

300 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

« Art. 2 bis I. Après le premier alinéa de l'article 8 de la loi no 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Chacune des listes comporte 50 % de candidats de chaque sexe. »

« II. Les dispositions du présent article entreront en vigueur à compter du renouvellement partiel du Conseil supérieur des Français de l'étranger en 2003. »

« Art. 3. I. Le premier alinéa de l'article L.

346 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe. »

« II. Non modifié »

« Art. 4. I. Le premier alinéa de l'article L.

370 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe. »

« II. Non modifié »

« Art. 5. L'article 9 de la loi no 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

« 1o Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

« 2o Au début du deuxième alinéa, le mot : "Elle" est remplacé par les mots : "La déclaration de candidature" ;

« 3o Le cinquième alinéa (2o ) est ainsi rédigé :

« 2o Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, domicile et profession de chacun des candidats. »

« Art. 6. I. Le deuxième alinéa de l'article

L. 331-2 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe. »

« II. Non modifié »

« Art. 7. L'article 3 de la loi no 83-27 du 19 janvier 1983 modifiant diverses dispositions relatives à l'élection des conseils municipaux dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française est complétée par quatre alinéas ainsi rédigés :

« En outre, sont applicables pour le premier tour de scrutin aux communes de la Polynésie française de 2 500 habitants et plus les articles L. 264 (premier alinéa), L. 265 et L. 267 du code électoral, sous réserve des adaptations suivantes :

« Pour l'application de l'article L. 265, il y a lieu de lire :

« 1o "Services du haut-commissaire" ou "siège de la subdivision administrative", au lieu de : "préfecture" ou "sous-préfecture" ;

« 2o "Conditions prévues à l'article L. 263, L. 264, premier alinéa, et au présent article", au lieu de : "conditions prévues aux articles L. 260, L. 263 et L. 264". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

« Art. 8. I. Les articles 1er A et 1er de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.

« II. Non modifié »

....................................................................

TITRE Ier bis

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉCLARATIONS DE CANDIDATURES

« Art. 11 bis Conforme. »

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX AIDES ATTRIBUÉES AUX PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES

« Art. 12. L'article 9-1 de la loi no 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi rédigé :

« Art. 9-1. Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou group ement, lors du dernier renouvellement général de l'Assemblée nationale, conformément au deuxième alinéa de l'article 9, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 est diminué d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.

« Cette diminution n'est pas applicable aux partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui s'y sont rattachés n'est pas supérieur à un.

« Les crédits issus de cette diminution reçoivent une nouvelle affectation dans la loi de finances.

« Un rapport est présenté chaque année au Parlement sur l'utilisation des crédits issus de cette diminution et sur les actions entreprises en faveur de la parité politique, et plus particulièrement les campagnes institutionnelles visant à promouvoir la parité et le développement de la citoyenneté. »

....................................................................

TITRE

III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

« Art. 13. Conforme. »

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. 14. Le premier alinéa de l'article L. 205 du code électoral est ainsi rédigé :

« Tout conseiller général qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus par les articles L. 195, L. 196, L. 199, L. 200 et L. 202, ou se trouve frappé de l'une des incapacités qui font perdre la qualité d'électeur, est immédiatement déclaré démissionnaire par arrêté du pré fet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification, et sauf recours au Conseil d'Etat, conformément à l'article L. 223. Lorsqu'un conseiller général est déclaré démissionnaire d'office à la suite d' une condamnation pénale définitive prononcée à son encontre et entraînant de ce fait la perte de ses droits civiques et électoraux, le recours éventuel contre l'arrêté du préfet n'est pas suspensif. »

« Art. 14 bis L'article L. 210 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 210. Tout conseiller général qui, par une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve d ans un des cas d'incompatibilité prévus par les articles L. 206, L. 207 et L. 208 est immédiatement déclaré démissionnaire par arrêté du préfet, soit d'offic e, soit sur la réclamation de tout électeur, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification, et sauf recours au Conseil d'Etat, conformément à l'article L. 223. »

« Art. 15. Le premier alinéa de l'article L. 2113-17 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Est éligible au conseil consultatif tout citoyen inscrit sur la liste électorale de la commune associée. »

Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Mme Christine Boutin, M. Laurent Dominati et M. Philippe de Villiers.

Contre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Mme la présidente.

Je me félicite de l'adoption définitive de cette grande loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) 5 PASSAGE A L'EURO Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs (no 2236, 2238).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, l'entrée dans l'euro, réalisée le 1er janvier 1999, constitue une étape essentielle de l'histoire politique et économique de l'Europe et de la France. En effet, en décidant de mettre en commun l'un des attributs traditionnels de leur souveraineté, les Etats de la zone euro ont permis l'émergence d'une souveraineté renforcée de l'Europe sur les plans économique, financier et monétaire.

Cela étant, la naissance de l'euro n'est pas seulement une révolution monétaire, elle est aussi et surtout un symbole de l'aspiration de peuples, naguère déchirés par


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les conflits, à vivre ensemble dans une Europe unie et solidaire. Ce fut un processus long et progressif sur lequel je ne reviens pas. Nous sommes désormais proches de la dernière étape, fixée au 1er janvier 2002, date à laquelle les monnaies nationales disparaîtront pour laisser définitivement la place à la monnaie unique.

Cette dernière phase sera la plus visible, mais aussi la plus délicate, pour nos concitoyens puisqu'il faudra que chacun s'adapte à la nouvelle monnaie et l'utilise exclusivement.

Vous savez que le Gouvernement a entrepris diverses actions pour que tous les acteurs de la vie économique - particuliers, entreprises, associations, administrations soient pleinement parties prenantes de ce passage à l'euro.

A cette fin, il a lancé une vaste campagne d'information auprès du grand public, complétée par des actions auprès de ceux de nos concitoyens qui risquent de rencontrer des difficultés à s'adapter, en particulier les personnes âgées.

Un effort tout particulier a été accompli pour épauler les entreprises. Il s'est notamment traduit par l'adoption, en juillet 1998, de dispositions modifiant le droit des sociétés et le droit comptable et permettant, par exemple, aux entreprises de tenir, à leur choix, leur comptabilité en francs ou en euros.

Les administrations ne sont pas restées à l'écart de ce mouvement général. Chacune a élaboré des plans d'action qui recouvrent les adaptations des moyens informatiques, la formation des personnels, l'information des citoyens et des entreprises. Afin de coordonner ces actions, une structure nationale interministérielle de préparation des administrations au passage à l'euro a été créée, dite « Mission euro ». Parallèlement, l'Etat a cherché à associer les collectivités locales.

Il faut aujourd'hui parachever ces efforts à destination de nos concitoyens en veillant à ce qu'ils n'aient pas l'impression que la monnaie unique se fait sans eux, même s'ils auront l'obligation de l'utiliser à partir de 2002.

L'abandon définitif du franc continue à susciter des interrogations chez les uns, des inquiétudes chez les autres. Cette situation n'est pas propre à la France. Nos partenaires européens doivent surmonter et régler les mêmes problèmes, car des changements importants vont intervenir dans la vie quotidienne des gens. Tous doivent donc être informés, afin que ce changement majeur dans les habitudes ne crée pas, faute de préparation suffisante, un risque d'exclusion sociale et culturelle.

Réussir le passage à l'euro dans la clarté et sans que certains Français aient le sentiment de rester au bord de la route, voilà la tâche qui nous attend. Le Gouvernement est prêt à relever ce défi.

Le projet de loi d'habilitation qui vous est soumis contribue, en réalisant l'adaptation de notre législation au passage à l'euro, à préparer l'échéance du 1er janvier 2002 et à faire en sorte que l'euro devienne familier à tous.

Dans la perspective de l'abandon définitif des monnaies internes par chaque Etat membre, le conseil de l'Union européenne a prévu, dans son règlement du 3 mai 1998, que les références aux unités monétaires nationales figurant dans les textes normatifs devront, à compter du 1er janvier 2002, être lues comme des références à l'euro.

Ainsi, toutes les références au franc figurant dans nos lois et décrets devront être considérées, sans qu'il soit besoin pour cela de prendre des mesures nationales particulières, comme des références à l'euro.

Cette opération automatique doit être effectuée conformément aux règles de conversion et d'arrondi issues du règlement du 17 juin 1997 relatif à l'introduction de l'euro qui prévoit que les montants actuellement exprimés en francs dans les différents textes normatifs seront automatiquement convertis en euros par application du taux de 6,55957 francs pour un euro, avec arrondissement à la deuxième décimale.

Cependant, chacun sait que l'application intégrale de ces règles conduirait à rendre certains textes comportant des montants exprimés en francs moins lisibles et par c onséquent plus difficilement applicables. A titre d'exemple, l'amende de 300 000 francs prévue en cas de vol par l'article 311-3 du code pénal devrait automatiquement être lue à compter du 1er janvier 2002, comme étant d'un montant de 45 734,71 euros. De même, le montant minimal du capital social d'une SARL, soit 50 000 francs, devrait être lu comme étant de 7 622,45 euros.

Chacun conviendra que ces montants sont plus difficiles à mémoriser que les anciennes valeurs en francs et que certaines références risquent ainsi de perdre leur valeur symbolique ou pédagogique. C'est pourquoi le Gouvernement propose d'anticiper sur la conversion automatique et d'adapter certains montants convertis, afin de maintenir leur lisibilité.

Pour reprendre l'exemple du capital social minimal d'une SARL, il pourrait être fixé à 7 500 euros, valeur qui s'écarte d'à peine 1,6 % du montant converti automatiquement, mais qui sera bien plus facile à identifier et à mémoriser pour les utilisateurs.

Evidemment, il n'est nullement question de modifier, à cette occasion, le fond des règles de droit actuellement en vigueur. Il s'agit simplement d'assurer le maintien de la clarté et de l'efficacité des montants inscrits dans les normes juridiques.

Par ailleurs, il va de soi que les adaptations doivent rester marginales et ne concerner que les textes pour lesquels il serait problématique ou dommageable de s'en tenir au montant résultant de la conversion communautaire.

Sur les milliers de références au franc figurant dans les textes législatifs recensés par le groupe de travail interministériel piloté par la chancellerie, que le Gouvernement a mis en place en 1996, environ sept cents textes sont concernés.

J'en viens aux principes qui devront guider le Gouvernement pour procéder par ordonnance, puisque tel est le choix qui a été opéré plutôt que de soumettre au Parlement un projet de loi d'adaptation.

Il aurait certes été parfaitement concevable d'élaborer un projet de loi sur un sujet d'une telle importance et sur lequel la représentation nationale doit pouvoir s'exprimer.

Cependant cette solution aurait présenté de nombreux inconvénients pratiques et votre commission des finances remarque justement que « le choix de la procédure d'ordonnance apparaît tout à fait adapté, eu égard au caractère technique des mesures concernées ».

Il est vrai que les textes de notre corpus législatif concernés par cette conversion sont extrêmement nombreux, le plus souvent techniques, et touchent à des domaines très variés. Il a d'ailleurs fallu trois ans au groupe de travail interministériel pour recenser tous ceux qui comportent des références au franc, pour faire le tri entre ceux qui pourraient s'accommoder des règles de conversion et d'arrondi communautaires et ceux qui


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nécessitent, au contraire, des adaptations particulières et, pour mesurer l'impact économique, social, fiscal, budgétaire des modifications envisagées.

Il faut surtout avoir à l'esprit que l'objet du travail d'adaptation n'est pas de réécrire les textes ni d'en modifier la substance, mais seulement de substituer à des références en francs des références en euros dans la stricte limite de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien de la clarté et de l'efficacité des normes juridiques. C'est donc l'objectif prioritaire de neutralité qui a guidé ce travail si particulier.

Le recours à l'habilitation législative laisse au Parlement le rôle essentiel d'autoriser le Gouvernement à procéder aux adaptations et de fixer le cadre de cette habilitation ainsi que son calendrier.

Afin de garantir que ces adaptations ne dépassent pas ce qui est strictement nécessaire pour garantir la lisibilité de notre législation, le Gouvernement s'est lui-même fixé d es lignes directrices précises encadrant strictement l'action de tous les ministères concernés et que l'exposé des motifs du projet de loi d'habilitation rappelle.

Premièrement, comme je l'ai déjà dit, l'adaptation envisagée ne s'appliquera pas à l'ensemble des textes comportant aujourd'hui des références en francs, mais seulement à ceux qui peuvent difficilement s'accommoder de valeurs comportant deux chiffres après la virgule.

Deuxièmement, l'ensemble des adaptations suivra un principe de neutralité financière globale, destiné à éviter que les particuliers et les entreprises, d'un côté, l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics de l'autre, ne soient financièrement favorisés ou désavantagés. Tel est d'ailleurs le sens de l'amendement no 3 de votre commission des finances.

Troisièmement, une harmonisation des solutions pour les seuils et montants comparables ou relevant d'une même matière sera recherchée.

Quatrièmement, pour les sanctions pécuniaires, quelle qu'en soit la nature, pénale, fiscale, civile, etc., le nombre très élevé de textes concernés et la nécessité d'un trait ement homogène conduisent à retenir systématiquement un arrondi à la baisse, afin de ne pas aggraver la répression des infractions à l'occasion du passage à l'euro. Cette solution permettra l'application immédiate des nouvelles sanctions au 1er janvier 2002, y compris aux faits commis antérieurement et n'ayant pas fait l'objet d'une décision définitive.

Votre commission a également souhaité, dans son amendement no 1, que l'application d'une loi pénale plus douce puisse profiter immédiatement aux personnes sanctionnées. Cet amendement va dans le sens du projet du Gouvernement.

Cinquièmement, en matière de législation fiscale, les seuils, abattements et tarifs très nombreux qui figurent dans le code général des impôts et dans le livre des procéd ures fiscales doivent faire l'objet d'un traitement cohérent consistant à retenir, selon le montant des sommes en cause, un arrondissement au montant significatif le plus proche en euros, dizaines d'euros, centaines d'euros, milliers d'euros.

Toutefois, des dérogations à ce dispositif doivent être prévues pour certains chiffres, notamment ceux qui ont une incidence directe sur le montant de l'impôt. Ces chiffres seront convertis selon une méthode se rapprochant des règles communautaires de droit commun de façon à concilier au mieux, dans chaque cas, le principe de neutralité financière et le souci de lisibilité.

Votre commission des lois, par la voix de son rapporteur, M. Gérard Fuchs, a également souhaité qu'un taux de variation maximale, à la hausse ou à la baisse, de 7 %, soit inscrit dans la loi pour exprimer la nécessité de concilier le principe de neutralité du droit existant et la recherche d'arrondis faciles à mémoriser.

Le Gouvernement partage votre souci d'encadrer les variations de montants autorisées et il a pris des engagements très précis en ce sens. Je peux, dès à présent, vous dire que les demandes de la commission pourront être satisfaites. L'avant-projet d'ordonnance a été revu en ce sens avec l'accord des ministères concernés pour régler la quasi-totalité des cas.

Il faut enfin aborder un dernier point relatif à certains territoires d'outre-mer.

Comme vous le savez, les règlements communautaires ne s'appliquent pas aux territoires d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

Toutefois, dès lors que certains de ces territoires, comme les départements d'outre-mer, utilisent le franc français, il est nécessaire de prévoir expressément la conversion en euros des montants exprimés en francs dans les textes de loi qui leur sont spécifiques. Il faut également prévoir l'adaptation de certains de ces montants convertis, dans le même souci de maintien de leur lisibilité. Le projet de loi d'habilitation prévoit donc des dispositions spécifiques pour ces territoires.

Il faudra, enfin, remplacer les références au franc par des références à l'euro.

Mesdames, messieurs les députés, vous allez donc examiner un texte essentiel par ses objectifs. Certes il ne vise pas à modifier nos normes juridiques, mais il a pour objet de maintenir, pour nos concitoyens, la cohérence, la clarté et l'efficacité de notre système juridique.

Il s'agit aussi d'un acte important parce que l'Union économique et monétaire est un événement majeur qui aura évidemment, à partir de 2002, un impact primordial sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Ceux d'entre nous qui ont connu le passage au nouveau franc il y a plus de quarante ans, et ont eu tellement de mal à s'y habituer, savent combien les signes monétaires et la valeur des choses qu'ils expriment sont profondément enracinés dans l'expérience vécue. Ils mesurent donc le travail que chaque usager devra fournir pour se familiariser avec les nouveaux montants libellés en euros.

Il faut donc laisser aux ménages, aux entreprises, aux administrations un délai d'un an pour se familiariser aux nouveaux montants avant qu'ils ne s'appliquent légalement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose ce projet dès aujourd'hui.

C'est d'ailleurs le même objectif de rapidité que poursuit votre commission des finances en proposant de fixer au 2 octobre 2000 la fin de la période d'habilitation, raccourcissant ainsi celle proposée par le Gouvernement.

J'approuve cette initiative.

Je terminerai en remerciant votre commission des finances et son rapporteur pour l'important travail qu'ils ont accompli et qui contribuera à enrichir le débat de cet après-midi. Le rapport de M. Fuchs démontre que, tant sur les objectifs que sur les moyens, le Gouvernement et l'Assemblée nationale sont à l'unisson. Cet accord est évidemment un atout supplémentaire pour la réussite de cette étape très importante de la construction européenne et de l'Europe des citoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Fuchs, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Gérard Fuchs, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la première question que l'on peut se poser en examinant ce projet de loi est celle de savoir si le sujet nécessitait un texte législatif. En effet, nous savons que, depuis le 1er janvier 1999, un euro vaut 6,55957 francs. Il suffirait donc a priori de diviser les sommes établies en francs et d'appliquer les règles d'arrondi précisées par le règlement communautaire évoqué à l'instant par Mme la garde des sceaux et l'affaire serait jouée. Cependant, si l'on regarde les choses d'un peu plus près, la situation apparaît substantiellement plus compliquée.

D'abord, même si les règles d'arrondi communautairess ont évidemment très précises, certains exemples montrent que leur mise en oeuvre sans nuance risquerait d'engendrer des conséquences financières considérables selon la manière dont on interviendrait après la virgule.

J'ai cité dans mon rapport un cas extrême - mais rassurez-vous, il n'est pas concerné par le projet de loi en cours de discussion - celui de la conversion en euros de la seconde de facturation de France Télécom. Selon la manière dont on applique l'arrondi à la troisième décimale, et sachant que France Télécom facture chaque année 8 000 milliards de secondes à ses différents utilisateurs, il pourrait y avoir soit un surcroît soit une perte de recettes de 400 millions de francs pour l'entreprise et, par conséquent, inversement, une charge supplémentaire ou un éventuel bénéfice du même montant pour l'ensemble des usagers. Tout cela pour souligner que l'application uniforme des règles d'arrondi pourrait poser problème.

Ensuite, Mme la garde des sceaux l'a souligné, se pose la question des chiffres ronds. Pour l'illustrer, je prends un exemple auquel les parlementaires que nous sommes devraient être sensibles. Aujourd'hui, un particulier peut effectuer, pour une campagne électorale, un don plafonné à 30 000 francs. Convertie, cette somme représente 4 573,49 euros. On s'imagine mal expliquer à nos concitoyens qu'ils ne doivent pas dépasser ce seuil.

De même, le maintien de chiffres symboliques est politiquement ou sociétalement important pour des sanctions pénales ou fiscales. Il doit donc être recherché. Cependant, il convient de procéder avec beaucoup d'attention afin d'éviter des mouvements financiers conséquents.

Dans mon rapport, j'ai pris l'exemple de l'allocation de recherche dont le montant est aujourd'hui de 7 400 francs bruts par mois. Si l'on arrondissait les 1 128,12 euros auxquels cette somme correspond au seuil psychologique de 1 200 euros, il en coûterait 64 millions de francs supplémentaires au budget de l'éducation nationale. Quand on voit le souci avec lequel le Parlement examine chaque année la loi de finances, en discutant souvent de sommes inférieures à un million de francs, on comprend qu'il convient de faire preuve d'une grande vigilance.

Mme la garde des sceaux a précisé que plusieurs milliers de chiffres étaient concernés. Si, pour la plupart d'entre eux, il suffira de recourir au tableau de conversion, il semble nécessaire d'aboutir à des chiffres ronds dans sept cents cas environ pour lesquels les modalités de la conversion doivent être bien définies.

L'intervention du législateur me paraît donc indispensable.

Le choix de l'ordonnance effectué par le Gouvernement me paraît bon. Il a d'ailleurs été approuvé à l'unanimité par la commission des finances. La principale contrainte est que, pendant la durée de l'habilitation, le Parlement est dessaisi de ses prérogatives dans les matières déléguées en application de l'article 41 de la Constitution. Cette situation n'est pas grave puisqu'il doit ensuite ratifier le texte établi par le Gouvernement, mais cela posait le problème de la durée de la délégation.

Ainsi, ce n'est pas tellement le souci de raccourcir une durée de six mois qui a conduit votre rapporteur à proposer à la commission des finances la date limite du 2 octobre, mais celui d'éviter que se superposent le travail d'un groupe élaborant une ordonnance, d'une part, et le début du débat budgétaire à l'Assemblée, d'autre part. Un télescopage entre les deux aurait pu obliger le groupe de travail ou le Parlement à procéder ensuite à diverses corrections. En limitant la durée de l'habilitation au 2 octobre, nous nous mettons à l'abri de ce risque et j'ai été heureux d'entendre Mme la garde des sceaux confirmer son accord sur ce premier amendement de la commission des finances.

Par ailleurs, le projet du Gouvernement précise que le projet de loi de ratification sera soumis au Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la promulgation du texte d'habilitation. Cependant, j'ai cru comprendre que le Gouvernement envisageait de rendre publics les chiffres arrêtés avant la fin de l'année, ce qui me paraît préférable. En effet, il serait judicieux, pour que nos concitoyens aient une vision claire des incidences du passage à l'euro, que ces chiffres leur soient connus dès le 1er janvier 2001. Telle semble être l'intention de tout le monde. Le délai de ratification ne devrait donc pas poser de problème non plus.

Concrètement, un groupe de travail étudie ce sujet depuis trois ans. Il a distingué quatre catégories de chiffres figurant dans des textes de nature législative.

Les premiers sont ceux qui évoluent chaque année et qui comportent des centimes ; par exemple le SMIC ou les plafonds d'allocations familiales. Pour eux, la conversion en euro, en appliquant les règles d'arrondi communautaires, ne pose aucun problème.

La deuxième catégorie est constituée des chiffres pour lesquels il n'y a pas obligation de lisibilité. Là encore, les règles communautaires peuvent être appliquées.

L a troisième est celle des chiffres nécessitant la recherche de nombres ronds, mais pour lesquels l'incidence financière sera pratiquement nulle. Pour ceux-là aussi nous pouvons laisser aller la machine.

Enfin, il reste les fameux sept cents chiffres qui doivent rester lisibles mais pour lesquels le choix d'un arrondi psychologiquement marquant pourrait avoir un impact financier important. Pour eux, trois principes ont été retenus par le groupe de travail.

Le premier est celui de la neutralité politique par rapport au droit existant, c'est-à-dire qu'il ne doit y avoir ni alourdissement des sanctions à cause de la modification de seuils par transformation en euros ni, éventuellement, déplacement de compétences entre certaines instances en raison du changement de niveau financier.

Le deuxième principe est celui de la neutralité financière. On peut, en effet, redouter la tentation de telle ou telle administration de profiter de cette conversion pour mettre à jour certains montants, alors que cela ne correspond pas à la nature de l'exercice.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Enfin, le groupe de travail a retenu la nécessité de faire preuve de cohérence. C'est le moins qu'on pouvait lui demander, compte tenu du nombre de chiffres concernés.

Votre rapporteur et la commission des finances ont trouvé ces trois principes tellement excellents qu'ils proposent - je remercie Mme la garde des sceaux de l'avoir d'ores et déjà accepté - d'inscrire dans le projet de loi d'habilitation l'obligation de ne pas aggraver des sanctions pécuniaires par le choix des nouveaux chiffres ronds et le principe de neutralité financière. Comme je ne savais pas comment traduire en termes législatifs le principe de la cohérence, je me suis borné à ces deux amendements.

Pour terminer, madame la garde des sceaux, je voudrais présenter trois suggestions au Gouvernement.

Je ne sais pas s'il est encore temps pour la première : elle a trait à une éventuelle harmonisation judiciaire européenne pour un certain nombre de sanctions. Je n'entends évidemment pas rouvrir un tel débat ce soir. Mais, après tout, s'agissant de domaines concernant directement l'Union européenne, il me paraîtrait normal que le délit de faux-monnayage, de contrefaçon d'euros, ou encore les fraudes de nature douanières puisque la politique douanière est désormais européenne, soient sanctionnés de la même façon dans tous les Etats de l'Union européenne.

Peut-on encore profiter de cette opportunité pour proposer à nos partenaires une harmonisation ? Je n'ai pas eu le temps de vérifier dans le détail si c'était encore possible ; je pose en tout cas la question.

Ma deuxième suggestion a trait aux écarts successifs que vous-même avez évoqués. En examinant en effet un premier document de travail, j'ai eu la surprise de découvrir, par exemple, que les frais d'inscription à l'examen du permis de chasse seraient portés de 100 francs à 20 euros, soit une augmentation de 31 %. Au regard de considérations de politique générale qui ne vous échapperont pas, une telle mesure, j'en suis sûr, apparaît pour le moins opportune.

J'ai fait état dans mon rapport d'un ensemble de dixhuit chiffres qui, arrondis, traduisent des variations, en moins ou en plus, mais généralement en plus, de l'ordre de 7 %. Le rapport propose de limiter l'augmentation à 7 %, sans que celle-ci apparaisse pour autant véritablement justifiées. Depuis qu'il nous paraît possible de comprimer les variations des dix-huit chiffres en question dans une fourchette de 7 %, pourquoi pas 6 ou 8 % ? La commission des finances m'a évidemment interrogé sur ce point, et je lui ai apporté la réponse suivante - que les mathématiciens s'accrochent : 7 francs convertis donnent 1,067 euro. La tentation est donc grande d'arrondir à un euro, soit un écart de 6,21 % ; d'où ma proposition de plus ou moins 7 % afin d'aboutir à des chiffres ronds.

Cette fourchette permet de garantir une relative neutralité budgétaire et financière tout en respectant le principe qui interdit de profiter de la conversion pour modifier plus profondément certains montants.

Une dernière suggestion : le Gouvernement pourrait-il essayer, à l'occasion de la loi de ratification, de présenter une évaluation financière, ou plus exactement une évaluation globale des conséquences financières des propositions contenues dans l'ordonnance ? J'ai cru comprendre que le travail avait été jusqu'à présent opéré ministère par ministère, chacun proposant les arrondis qui lui paraissaient les plus opportuns. Un travail plus global serait nécessaire, dans le cadre d'une étude d'impact.

En conclusion, nous voilà désormais engagés dans un processus qui, pour notre pays, marque une évolution fondamentale. La création de l'euro nous a apporté la sécurité économique. Ainsi, la crise du Sud-Est asiatique de l'année dernière n'a pas provoqué les traditionnelles crises monétaires que nous connaissions au sein de la Communauté européenne voilà quelques années, avec ses conséquences en termes de risques de change et de ralentissement économique. Voilà un premier objectif atteint.

De la même façon, la sécurité financière est assurée pour les entreprises, qui peuvent désormais importer ou exporter sans avoir besoin de se prémunir contre les risques de change.

Reste un dernier problème à résoudre, celui des citoyens. C'est bien à eux que nous devons maintenant penser. Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui n'est pas de l'ordre du détail ; il concerne directement la vie quotidienne des gens. Selon la manière dont nous la traiterons, l'introduction concrète de l'euro sera vécue ou bien comme un progrès, ce que je souhaite, ou bien comme un regret, ce qui serait évidemment dommage.

Tout dépendra de la façon dont, collectivement, nous aurons réfléchi aux conséquences concrètes de cette introduction.

Le Parlement est par conséquent parfaitement dans son rôle en vous présentant les observations et les amendements que je viens de vous détailler au nom de la commission des finances. La discussion nous permettra peut-être de les enrichir encore ; je suis convaincu que le travail qui sera conduit d'ici au mois d'octobre nous permettra de réunir toutes les garanties à même d'aider nos concitoyens à comprendre la raison d'être de ces fameux chiffres législatifs et à adhérer à ces nouvelles formulations, afin que l'introduction de l'euro, sur le plan de la citoyenneté comme sur celui de l'économie et celui de l'entreprise, se révèle porteuse d'avenir et d'espérance, comme nous le souhaitons majoritairement dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Madame la présidente, madame la ministre, j'ai presque envie de m'inspirer des derniers propos du rapporteur pour commencer mon intervention.

Au-delà de l'aspect technique, hyper-technique de ce texte, il est deux ou trois idées forces qui méritent d'être mises en valeur. Il y en a une plus particulièrement, j'en suis sûr, qui rassemble une grande partie, je n'ose dire la totalité, de celles et ceux qui siègent dans cet hémicycle : rendre le passage à l'euro compréhensible, accessible à tous nos concitoyens.

Des problèmes concrets se posent et qu'il faut régler.

C'est le cas de celui dont nous traitons aujourd'hui. Mais un texte de nature aussi technique ne doit pas nous priver de l'occasion de prendre peu de distance, je n'ose dire de hauteur, et d'appréhender l'introduction de l'euro pour ce qu'elle apportera dans la vie quotidienne des Français et des citoyens des dix autres pays européens.

Aussi me permettrez-vous, durant les dix minutes imparties au groupe RPR, de me laisser aller à quelques considérations d'ordre plus général.

Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, le projet qui nous est soumis aujourd'hui vise, vous l'avez rappelé, à permettre au Gouvernement, habilité par le Parlement, d'agir par ordonnance afin d'adapter la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

textes législatifs. Ce faisant, nous entrons dans la mise en oeuvre de l'ultime étape de l'émergence d'une monnaie unique européenne. Du conseil européen de Madrid en juin 1989 à la ratification du traité de Maastricht en septembre 1992, du Conseil européen, de nouveau à Madrid, de décembre 1995, où a été retenu le nom d'euro, au 1er janvier 2002, date de la mise en circulation des pièces et des billets, il aura fallu douze ans pour que les citoyens de onze pays européens touchent eux-mêmes du doigt ce que leurs Etats auront décidé, et perçoivent la première fois, et de façon tangible, le symbole même de cette volonté de parachever la construction de l'Europe, une volonté, je le souligne, qui se sera fermement manifestée au-delà des changements de gouvernements et de majorités.

En tant que membre de la commission des finances, je tiens à faire remarquer que les efforts des gouvernements de 1993 à 1997 ont amplement aidé le gouvernement de Lionel Jospin à contenir lui-même le déficit dans la fourchette quelque peu mythique de 3 % du PIB. L'occasion est excellente de rappeler le rapport de M. Nasse et de M. Bonnet, commandé voilà trois ans, qui montrait comment nous étions passé d'un déficit de 6,4 % en 1993 à 3,7 % en 1997. C'est donc un effort tout à fait substantiel qui a été conduit durant ces quatre années et qui aura permis au gouvernement de Lionel Jospin, en poursuivant dans cette voie, de tenir le cap de ces 3 %. La responsabilité nous revient désormais d'anticiper toutes les difficultés que posera naturellement le bouleversement lié à l'introduction de l'euro dans la vie quotidienne des Français ; c'est l'objet de ce texte. Il nous appartient également de donner aux Français - il était important de le souligner après ce bref rappel du passé le sentiment que la nouvelle monnaie sera de nature à mériter leur confiance, sans pour autant négliger les pouvoirs dont dispose dorénavant la Banque centrale européenne en la matière. C'est également la mission que doit s'assigner le Gouvernement dans la conduite de sa politique budgétaire et fiscale ; j'y reviendrai dans quelques instants.

A partir du 1er janvier 2002, par application du taux 1 euro égale 6,55957 francs - irrévocablement fixé le 31 décembre 1998, la conversion en euros des montants exprimés en francs s'opérera automatiquement. Il est clair que l'opération à laquelle les Français, comme d'ailleurs tous les ressortissants des autres pays concernés, devront désormais se livrer dans les deux sens doit être simplifiée à l'extrême. Comment ne pas rappeler, au risque de faire sourire, mais chacun de nous le sait, que nombre de nos concitoyens, et pas nécessairement les plus âgés, continuent à compter en anciens francs pour certaines transactions d'un montant souvent élevé ? Il est certain que l'introduction de la nouvelle unité monétaire soulèvera bien des problèmes de compréhension et d'adaptation. Ce serait une lourde erreur, une erreur non seulement technique, mais bien politique, de les négliger.

Le texte que vous nous soumettez, madame la garde des sceaux, va bien dans le sens de cette simplification, puisqu'il se propose de faire en sorte que les montants monétaires prévus par certains textes soient exprimés en euros sans décimales ou, surtout, dans des valeurs plus significatives arrondies en dizaines, centaines ou milliers d'euros. M. le rapporteur, devant la commission des finances et encore aujourd'hui dans son exposé, a bien démontré que, si l'on ne faisait pas ainsi, on allait entrer dans des systèmes d'une grande complexité, donnant le sentiment à nos concitoyens que le passage à l'euro leur restera inaccessible. Par conséquent, tout ce qui va dans le sens d'une simplification - et c'est le cas de ce texte - va à nos yeux dans le bon sens.

Le rapporteur a souligné à juste titre, et les amendements qu'il a déposés en témoignent, que cette simplification devait faire l'objet d'un encadrement rigoureux, nons eulement parce que les montants engagés peuvent atteindre des niveaux extrêmement élevés, mais également parce qu'il faut veiller à ne pas en avantager certains et désavantager les autres, en premier lieu les particuliers.

On peut à ce sujet se poser la question - et vous l'avez évoquée, monsieur le rapporteur, puisqu'on vous l'avait déjà posée en commission - de savoir si la marge de plus ou moins 7 %, soit tout de même 14 % au total, n'est pas excessive.

Votre explication vaut ce qu'elle vaut et je n'ai pas vocation à la contester ici. Reste que si l'on ne veut pas jeter le discrédit sur cette simplification, il est fondamental que nos concitoyens n'aient pas le sentiment d'être lésés par les nouveaux tarifs. Vous avez évoqué le cas du permis de chasse, vous auriez parler également de certaines prestations de services publics, qui poseront les mêmes problèmes aux élus locaux.

Quoi qu'il en soit, le texte qui nous est proposé relève d'une certaine façon de la figure imposée et c'est la raison pour laquelle nous l'approuvons. Cela dit, sans porter de jugement sur la parité actuelle de l'euro, notamment visà-vis du dollar, et quand bien même chacun lui reconnaît un important potentiel d'appréciation, la force de la nouvelle monnaie dépendra d'abord et avant tout de la bonne tenue des fondamentaux des économies des pays de l'Euroland.

Il est certain que la vigueur retrouvée des économies européennes constituera un facteur d'appréciation de l'euro, et que la poursuite de l'assainissement des budgets et des finances publiques dans les pays de l'Euroland y contribuera également. La France est appelée à y jouer un rôle important, d'autant que sa croissance, évaluée à 3,6 % en volume, sinon plus, pour l'exercice 2000, tire le train européen. Cette situation conjoncturelle favorable ne nous exonère pas, bien au contraire, de poursuivre l'assainissement de nos finances publiques. Un grand nombre de nos partenaires ne sont-ils pas déjà parvenus, et parfois depuis plusieurs années, à dégager des excédents budgétaires ? Rappelons que notre déficit reste excessivement élevé ; pire, à en croire le dernier rapport remis avec le projet de collectif budgétaire la semaine dernière, il recommencerait à se creuser, puisque le déficit budgétaire 2000 est désormais évalué à des montants supérieurs à ceux de l'année précédente : 215 milliards contre 206 milliards.

Notre effort en matière de dette doit également être poursuivi. N'oublions pas que celle-ci a dépassé les 5 000 milliards de francs et 60 % de notre richesse nationale l'année dernière, du fait du poids de nos déficits et de l'absence de maîtrise de nos dépenses publiques. Les prélèvements obligatoires eux aussi restent à des niveaux tout à fait exceptionnels.

En conclusion, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je vois dans ce texte deux aspects importants. Le premier, c'est l'impératif de compréhension et de simplification de ces modalités techniques ; à cet égard, le projet de loi d'habilitation que vous nous soumettez va dans la bonne direction et c'est la raison pour laquelle, je le repète, nous le voterons. Mais ce texte doit également nous donner l'occasion de rappeler, ce que je fais au nom du groupe RPR, que la politique écono-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

mique et fiscale est un élement important de la confiance de nos concitoyens en la monnaie européenne ; or, de ce point de vue, le Gouvernement a encore des efforts à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il nous est demandé par ce projet de loi d'habiliter le Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants aujourd'hui exprimés en francs dans les textes législatifs.

Nous sommes, vous le savez, des plus réservés sur toutes les dispositions tendant à dessaisir le Parlement. Et le fait, comme le note le rapporteur, que ces modifications nombreuses soient en principe minimes ne saurait atténuer notre réserve. Du reste, celui-ci a démontré, par des exemples bien choisis que ces modifications pour minimes qu'elles soient, peuvent avoir un impact financier considérable. En d'autres termes, l'enjeu politique n'est pas si faible et l'appréciation mérite d'être nuancée.

Tout comme notre rapporteur, nous sommes attachés à ce que le Parlement demeure des plus vigilants sur ce dossier. C'est pourquoi nous souscrivons à la proposition de fixer la limite de la durée de l'habilitation au 2 octobre prochain afin que la loi ne soit plus en vigueur au début de la prochaine session, ce qui laissera au Parlement toute latitude pour apporter, le cas échéant, des modifications ou des compléments à l'ordonnance lors de l'examen du projet de loi de ratification.

Nous sommes également favorables aux amendements adoptés en commission qui visent à inscrire le principe de non-aggravation des sanctions pécuniaires, à limiter à plus ou moins 7 % les écarts susceptibles de résulter de l'adaptation des montants législatifs et à affirmer le principe de la neutralité financière de l'ordonnance pour ce qui concerne les ressources et les dépenses publiques.

Les pouvoirs publics se doivent en effet de donner l'exemple.

La transposition générale des tarifs et des prix en euros est une opération d'autant plus délicate qu'actuellement, malgré des campagnes de communication, l'opinion publique ne parle plus de l'euro. Par ailleurs, cette transcription peut générer des dérives susceptibles d'aggraver davantage encore les difficultés d'adaptation rencontrées par nos concitoyens lors de la substitution effective de l'euro au franc.

Nous nous ferons, à cet égard, l'écho de la réflexion et des propositions des organisations de défense des consommateurs qui insistent sur la nécessité de développer le double affichage. De notre point de vue, celui-ci mériterait d'être perrennisé plusieurs années après la date du 1er janvier 2002 ; tout comme devrait être préservée, par exemple, la référence à un prix au litre ou au kilo qui reste un élément fiable de comparaison.

Nous partageons en effet la préoccupation de l'UFC lorsqu'elle s'inquiète des conséquences d'une anticipation dès 2001 de l'étiquetage en euros. L'UFC note ainsi que seules les grandes surfaces pratiquent le double affichage.

Favoriser une majoration des prix en euros risque de créer non seulement une distorsion de concurrence, les prix en euros étant plus attractifs, mais aussi une immense confusion chez le consommateur.

La répercussion sur les clients des coûts d'introduction de l'euro dans le secteur bancaire et des assurances mérite également d'être surveillée.

Le rapporteur s'est inquiété dans son introduction de l'attentisme des ménages qui hésitent encore à utiliser l'euro dans leurs opérations financières. L'arrivée des pièces et des billets sera l'épreuve de vérité ; mais nous souhaitons que le délai qui nous sépare du 1er janvier 2002 permette une information plus concrète, qui réponde mieux à l'attente de nos concitoyens. On ne saurait, à cet égard, sous-estimer la complexité que risque de représenter le passage concret à la nouvelle monnaie, en particulier pour les personnes âgées et les catégories de la population déjà fragilisées. N'oublions pas que bon nombre de nos concitoyens parlent encore en anciens francs.

Sur le fond, nous défendions une autre option que celle de l'euro monnaie unique. Une coopération monétaire approfondie et le développement d'une monnaie commune adossée aux monnaies nationales permettraient de développer l'économie réelle et de l'emploi.

Si le passage à l'euro ne deviendra effectif que d'ici à quelques mois, le débat sur le contenu de la politique monétaire et le rôle de l'euro demeure plus que jamais d'actualité. La glissade progressive de l'euro sur les marchés des changes suscite en effet de nombreuses interrogations et met en cause sa crédibilité dans cette perspective du 1er janvier 2002.

Cette monnaie, présentée comme devant être une monnaie forte, à même de concurrencer le dollar, s'est dépréciée de quelque 22 % depuis sa mise en service en janvier 1999.

Cette faiblesse persistante de l'euro, en dépit de la remontée des taux décidés encore récemment par la Banque centrale européenne, semble confirmer, comme le notait d'ailleurs le ministre de l'économie et des finances, que la fermeté du dollar s'explique avant tout par le niveau supérieur de la croissance américaine.

Chacun s'interroge sur les effets de cette chute lors du passage à la monnaie unique. Quelles en seront les conséquences pour les salariés, pour les consommateurs ? La politique de l'euro atteint-elle aujourd'hui ses limites ? La faiblesse de l'euro face au dollar a soutenu, en partie, la croissance en évitant une stagnation en Allemagne et en Italie et, dans une certaine mesure, en France, en permettant de gonfler les exportations.

Les autorités européennes souhaitent, manifestement, mener aujourd'hui une politique plus restrictive pour soutenir l'euro et attirer ainsi les capitaux dont les grands groupes européens ont besoin pour financer leurs opérations de fusion-acquisition, gagner des parts de marché et contester sur la scène mondiale la domination des multinationales à base américaine.

Nous considérons, quant à nous, qu'il existe une alternative au choix entre l'ouverture des vannes du crédit et son corollaire, l'inflation financière, et une politique du crédit plus restrictive, avec le risque de pénaliser la croissance.

Nous proposons un contrôle démocratique de la Banque centrale européenne et nous suggérons de mobiliser l'euro pour une relance sélective du crédit, centrée sur la création d'emplois et la formation.

La compétitivité de l'espace européen dans le contexte du développement des nouvelles technologies suppose aussi un effort considérable en faveur des ressources humaines.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Le texte aujourd'hui en examen pourrait apparaître de nature purement technique, mais il renvoie à toutes les questions soulevées par le passage concret à l'euro dans moins de deux ans. Ce sont bien les choix économiques les plus fondamentaux d'une société qui sont en débat.

Nous voterons ce projet de loi, mais en réaffirmant nos réserves sur le principe des ordonnances et, surtout, en soulignant l'enjeu du principe de neutralité dans ces opérations de conversion, au demeurant nécessaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Hériaud.

M. Pierre Hériaud.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre assemblée en première lecture porte habilitation du Gouvernement à adapter, par ordonnance, la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs.

A priori , dès lors que des parités fixes existent, résoudre le problème posé n'est qu'une formalité des plus simples.

Les choses sont en réalité beaucoup plus complexes.

En effet, il existe des problèmes de fond liés à cette habilitation, ainsi que des problèmes de forme, qui ont été rencontrés au cours de la procédure d'examen.

Examinons les problèmes de fond, d'abord.

Depuis longtemps déjà, la perspective de la mise en place définitive de l'euro pour tous les pays de l'Union européenne est préparée avec échéance d'application au 1er janvier 2002.

Au niveau français, cette préparation est accélérée par une communication intense en direction des entreprises, de la population et des administrations, mais le niveau actuel des transactions en euros demeure très faible. Par ailleurs, il faut adapter rapidement les logiciels informatiques.

L'échéance du 1er janvier 2002 doit donc être anticipée dans sa préparation, sans que, bien évidemment, la date en soit modifiée.

En application de l'article 14 du règlement du Conseil du 3 mai 1998 et des règles de conversion en euros des m onnaies nationales arrêtées par le règlement du 17 juin 1997, et en l'absence de dispositions particulières, cette conversion en euros s'opérerait automatiquement, avec arrondissement à la deuxième décimale, pour tous les montants figurant en francs dans l'ensemble des textes normatifs, qu'ils soient législatifs ou réglementaires.

Or, pour des raisons évidentes de clarté des normes juridiques et de simplification de leur application, il apparaît nécessaire de procéder à un toilettage approprié permettant d'obtenir des valeurs en euros qui soient arrondies, sans décimales.

Toutefois, et le rapporteur l'a bien souligné tout à l'heure, toutes les valeurs en vigueur ne seraient pas modifiées, notamment celles exprimées en centimes.

Seraient également exclues les sommes faisant l'objet d'une revalorisation périodique au 1er janvier de chaque année.

Cette transformation monétaire doit s'opérer dans le cadre d'une stricte neutralité financière et d'une bonne lisibilité, ce qui n'est pas évident compte tenu du nombre et de la diversité des règles législatives en cause. Le texte prend également en compte la particularité des territoires d'outre-mer, pour lesquels il prévoit une adaptation spécifique. Mais je ne développerai pas ce point.

Avec cette loi d'habilitation, et c'est un problème de fond, le Parlement se trouve mis entre parenthèses, la délégation de la fonction législative étant transférée au Gouvernement, conformément à l'article 38 de notre constitution.

Le rapporteur n'a pas manqué de vérifier que les conditions de fond étaient remplies par le présent projet de loi, à savoir l'exécution d'un programme, la fixation de deux délais et le caractère législatif des mesures envisagées.

Sur le premier point, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'y avait pas de rapprochement à faire avec le premier alinéa de l'article 49 de la Constitution et que, sur ce programme, le Premier ministre n'engageait pas la responsabilité de son gouvernement, mais il était fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision, au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle était la finalité des mesures qu'il se proposait de prendre, sans donner pour autant la teneur des ordonnances qui seraient prises.

En second lieu, l'article 38 de la Constitution impose la fixation de deux délais dans la loi d'habilitation, et ceux-ci sont prévus à l'article 2 du présent projet :

« L'ordonnance prévue à l'article 1er devra être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois commençant après la promulgation de la présente loi » et « un projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement, au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la promulgation de la présente loi ».

Par conséquent, les conditions de forme sur le fond, si je puis dire, sont ainsi remplies. Mais compte tenu du calendrier et du risque de « télescopage », dont a fort bien parlé notre rapporteur tout à l'heure, au mois d'octobre prochain, il a été bon de substituer à la notion du dernier jour du sixième mois celui du 2 octobre 2002, pour ne pas prendre le risque de se voir opposer l'article 41 de la Constitution sur la recevabilité des différents textes.

Enfin, l'article 38 de la Constitution précise que l'habilitation doit permettre au Gouvernement de prendre « des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Il s'agit de la loi ordinaire, ce qui exclut du champ d'application toutes mesures relevant de la loi organique.

Ainsi que le souligne notre collègue rapporteur, la procédure est donc opportune et présente des garanties pour le Parlement dans un contexte « sans enjeu politique m ajeur » « mais aux conséquences financières incertaines ».

Par exemple, nous a-t-il expliqué lors de l'examen en commission des finances, les 8 000 milliards de secondes de consommation téléphonique facturées par France Télécom avec trois décimales au lieu de cinq pouvait représenter une variation de 400 millions de francs. La mer n'est guère qu'une somme de gouttes d'eau ! J'en viens au problème de forme. La commission des finances a procédé à l'examen de ce projet dans des conditions non satisfaisantes puisque nous ne disposions que du seul texte de loi et des quatre amendements déposés par notre rapporteur, mais nous manquait cet élément essentiel qu'est son rapport, et c'est tout à fait regrettable car aurait pu s'instaurer un débat de qualité, même s'il ne devait être que bref sur ce sujet.

En soulignant cela, je ne saurais mettre en cause M. Fuchs qui a fait un remarquable travail et proposé quatre amendements utiles. Il a déploré, d'ailleurs, que si


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

un groupe de travail s'est réuni au niveau interministériel, toutes les études d'impact n'aient pas été réalisées, ce qu'il a qualifié de « fâcheux ».

De même, il souligne que le groupe de travail a fondé sa réflexion sur les données que les ministères ont bien voulu lui transmettre, sans qu'il puisse en vérifier l'exhaustivité.

A tout le moins, ainsi qu'il l'a écrit, la vigilance s'impose devant la cohérence assez douteuse de certaines mesures proposées, des hausses de tarifs étant envisagées au moment de la transformation en euros allant, dans certains cas - comme celui du permis de chasse - jusqu'à plus de 30 %. Cela n'est pas acceptable et notre rapporteur a eu raison de proposer un amendement d'encadrement des variations. Reste à savoir si l'amplitude de moins 7 à plus 7 % - dont il a fait tout à l'heure la démonstration - n'est pas excessive alors que le principe affirmé de neutralité financière s'accommoderait mieux, selon nous, d'une amplitude plus resserrée.

Enfin, la commission a adopté cet amendement important visant à ne pas faire courir l'habilitation au-delà du 2 octobre 2000.

En conclusion de cette brève intervention et malgré le fait regrettable que la commission des finances n'ait pas disposé de tous les éléments d'information en temps utile, il apparaît opportun d'adopter le présent projet de loi d'habilitation. C'est ce que fera le groupe UDF.

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui répond à une louable préoccupation technique : assurer au mieux la transition du franc vers l'euro, en autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance pour modifier les montants en francs figurant dans la législation française. Il sera nécessaire d'inscrire dans la loi un certain nombre de garde-fous afin d'éviter des majorations abusives de certains de ces montants.

Mais chacun s'accordera sans doute à reconnaître que l'essentiel n'est pas là.

L'essentiel, c'est évidemment l'euro lui-même.

Existe-t-il, à ce jour, une monnaie véritable qui s'appelle l'euro ?

M. Jacques Myard.

Non !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Si !

M. Georges Sarre.

D'un point de vue strictement comptable, c'est le cas depuis le 1er janvier 1999. Mais ce qui définit avant toute chose une monnaie, c'est la confiance qu'éprouvent à son égard ses utilisateurs présents et futurs.

M. Jacques Myard.

Il a raison !

M. Georges Sarre.

Et là, la réalité est éloquente ! En janvier 2000, malgré des campagnes publicitaires massives, le montant total des paiements en euros ne représentait que 1,69 % de l'ensemble des opérations.

M. Jacques Myard.

C'est trop !

M. Georges Sarre.

Cela montre bien que cela ne fonctionne pas et qu'il est encore temps, madame la garde des sceaux, d'en rester là !

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Georges Sarre.

En rester là, c'est retenir l'actuelle monnaie commune. La France pourrait prendre cette initiative dans le cadre de sa présidence du Conseil européen.

Concrètement comment cela fonctionnerait-il ? Ce serait ne garder que les avantages sans les inconvénients. La monnaie commune serait une unité monétaire pour les transactions avec le reste du monde. Elle laisserait donc les monnaies nationales exister. J'ajoute que ce serait rendre un fier service au consommateur lambda.

Les gouvernements élus conserveraient ainsi la maîtrise de leur politique économique et budgétaire. La France pourrait privilégier des objectifs de croissance et d'emploi, qui sont la priorité des priorités, quand le chômage dans notre pays demeure encore élevé, même si, comme le rappelait Mme Aubry cet après-midi, plus de 110 000 chômeurs ont, en deux mois, trouvé un emploi.

Observons ce qui se passe : depuis une semaine, l'euro traverse une crise majeure, battant tous les jours des records de faiblesse. Depuis le 1er janvier 1999, il a perdu 22 % de sa valeur par rapport au dollar.

M. Jacques Myard.

Et ce n'est pas fini !

M. Georges Sarre.

Cette situation correspond en pratique à une formidable dévaluation. Madame la ministre, mes chers collègues, que n'aurait-on pas entendu si le franc avait été ainsi dévalué !

M. Jacques Myard.

Il a raison, on doit dénoncer cette hypocrisie !

M. Georges Sarre.

Ce ne sont pas les tentatives de la Banque centrale européenne pour lui rendre des couleurs qui peuvent faire quoi que ce soit. Les récentes hausses de taux risquent d'être autant de coups portés à la croissance. Elles sont, vous le savez comme moi, impuissantes à enrayer sa chute par rapport au dollar.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Georges Sarre.

Le système euro est ainsi dans une situation qui ressemble de plus en plus à une nonreconnaissance par les marchés financiers. Face à cette situation, il est urgent de comprendre ce qui nous a menés là.

Mes chers collègues, la conception de l'euro, tel qu'il a été porté sur les fonts baptismaux, repose sur un postulat fondamentalement faux selon lequel une monnaie unique p ermettrait l'avènement d'une identité politique commune. Au contraire, tous les exemples historiques récents montrent que l'unité politique a toujours précédé la création d'une monnaie nationale.

M. Jacques Myard.

Bravo !

M. Georges Sarre.

Ce fut le cas en France, en Italie, en Allemagne, partout. Jamais l'inverse ne s'est produit.

Un exemple de tentative de monnaie unique, que nous connaissons tous, l'Union latine au

XIXe siècle a lamentablement échoué.

M. Jacques Myard.

Comme l'euro ! De profundis !

M. Georges Sarre.

C'est pourquoi, le fait de croire, sans l'avouer franchement, que la monnaie unique permettra d'imposer le fédéralisme en Europe est une erreur politique, car c'est ignorer, tout simplement, les réalités historiques. On peut faire comme si, jusqu'au jour où la réalité s'imposera à tous.

L'euro est le contresens historique absolu, et ce parce qu'il méconnaît deux évidences. Il est d'ailleurs assez extravagant d'avoir à le rappeler : il n'y a pas de peuple européen.

M. Jacques Myard.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Georges Sarre.

Il y a quarante peuples : les Italiens, les Français, les Allemands, les Portugais, les Slovènes, que sais-je encore ? Cherchez le peuple européen ! Prenez votre lampe comme Soubise et vous verrez si vous rencontrez le peuple européen !

M. Jacques Myard.

Très juste !

M. Georges Sarre.

Et comme il n'y a pas de peuple européen, il n'y a naturellement pas de nation européenne. Et tant qu'il n'y a pas de nation, il ne peut pas y avoir de monnaie unique. C'est aussi simple que cela !

M. Jacques Myard.

Il n'y a pas d'Europe !

M. Georges Sarre.

Que ce soit l'Italie, que ce soit Trichet, que ce soit ceci ou cela, il y aura toujours des événements, petits ou grands, importants ou non, qui feront que cette monnaie, comptable pour le moment, ne pourra pas véritablement convenir aux peuples. C'est d'ailleurs pour cela, que ce soit chez nous, en Allemagne ou ailleurs, que les citoyens,...

M. Jacques Myard.

Ils se fichent de l'euro !

M. Georges Sarre.

... auxquels on fait tant appel, préfèrent commercer en dollars, en francs français, en livres ou en lires. Voilà la réalité. C'est peut-être triste, mais c'est ainsi. Cela dit, en ce qui me concerne, cela ne m'attriste pas. (Sourires.)

Bien entendu, ce phénomène n'est pas du tout circonscrit à notre pays. Un sondage publié en Allemagne la semaine dernière montre, par exemple, qu'une large majorité d'Allemands n'a que peu ou pas du tout confiance dans l'euro.

Les trois raisons principales de l'opposition du Mouvement des citoyens à la monnaie unique sont connues, mais je les rappelle : le principe d'une banque centrale soustraite au pouvoir démocratique ; la privation pour les pays membres de toute capacité d'ajustement en cas de crise - et les crises font partie de la vie : il y a toujours des crises dans un pays ou plusieurs pays ; l'imposition d'une politique déflationniste où l'emploi le cède toujours à la monnaie, car nous sommes toujours dans une période où l'orthodoxie monétaire est la religion officielle.

M. Jacques Myard.

De profundis !

M. Georges Sarre.

La solution que nous proposons est plus respectueuse de notre souveraineté. Elle possède l'avantage certain d'être réaliste et utile face à l'utopie absurde de la monnaie unique.

Aujourd'hui, la réalité commence à déchirer le voile dogmatique malgré les efforts de la « bien-pensance » qui a si longtemps entretenu les illusions et les conditions du chômage de masse. Elle rendrait au politique, c'est-à-dire au contrôle exercé par le peuple, un terrain d'influence qui lui a été confisqué ces dernières années. Voilà quels nous semblent être les véritables enjeux de l'euro.

Quant à votre projet, madame la ministre - je vous le dis comme je le pense -, techniquement, il est parfait.

M. Jacques Myard.

Excellente intervention !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sous ces airs faussement formels et purement procéduraux - on pourrait dire techniques -, ce texte revêt en fait une importance non négligeable dans le cadre de la prochaine mise en oeuvre de l'euro en France.

Il est tout d'abord important d'un point de vue symbolique. Nous atteignons désormais les dernières phases législatives, avant l'introduction concrète de la monnaie unique dans le porte-monnaie de chaque Français.

M. Jacques Myard.

Cela va être la Berezina !

M. Pierre Lequiller.

Composé d'Européens convaincus, le groupe Démocratie libérale se réjouit que la procédure d'adoption de l'euro en soit désormais à ce stade quasiment ultime.

Eu égard à certaines de ses conséquences, on aurait également tort de sous-estimer l'importance de ce texte.

La conversion en euros de la quasi-totalité des montants exprimés en francs dans nos textes juridiques n'est pas une tâche mineure lorsqu'on connaît la logorrhée législative et réglementaire qui sévit dans notre pays depuis plusieurs décennies déjà. De ce point de vue, la procédure proposée d'agir par ordonnance se justifie pleinement.

Encore faut-il avoir à l'esprit que la loi d'habilitation ne saurait se résoudre à n'être qu'un blanc-seing donné au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle j'aimerais revenir sur certaines considérations, formuler des observations et insister sur quelques conditions qui me semblent devoir être posées.

Je crois qu'il n'est nul besoin de contester en soi les modalités retenues pour les arrondis, puisqu'elles émanent de règles communautaires. Vous avez par ailleurs pris la précaution de mettre en avant le principe de neutralité financière que devront revêtir ces opérations de conversion.

Toutefois, et ainsi que l'ont très justement fait remarquer les commissaires des finances, ce principe de neutral ité financière sera parfois malmené. A cet égard, l'exemple de France Télécom retenu par le rapporteur me semble particulièrement significatif. Le déplacement de 400 millions de francs n'est pas neutre.

D'autres cas qui toucheront directement nos concitoyens ont été évoqués, comme le montant de l'allocation de recherche ou celui du permis de chasse.

Je suis heureux que M. Fuchs ait fait adopter en commission un amendement visant à restreindre la marge totale des écarts de variations des sommes converties en euros - 7 % en plus et 7 % en moins -, même si le pourcentage retenu est encore élevé au regard de la neutralité financière dont vous vous prévalez. Et je souscrirai volontiers à la proposition de Jean-Pierre Delalande de créer un groupe de travail parlementaire chargé d'examiner les différentes décisions que l'administration sera amenée à prendre.

Je regrette d'ailleurs que le projet que vous nous soumettez aujourd'hui ne soit pas accompagné d'une étude d'impact suffisante, laquelle aurait eu le mérite d'éclairer les imprécisions que nous soulignons.

Je regrette également que cette opération de conversion se fasse en l'absence de toute concertation avec nos partenaires européens. Chaque Etat membre, si ce n'est déjà fait, se livre de son côté à la même opération que nous. A l'heure où l'on parle tant de la zone euro, l'occasion était bonne d'organiser une concertation entre les différents pays européens appartenant à celle-ci. Il est dommage que cela n'ait pas été le cas.

J'évoquais tout à l'heure la logorrhée législative et réglementaire française. Eh bien, la conversion va nécessiter un balayage complet de la quasi-totalité de nos textes.

A cet égard, je trouve regrettable que l'on n'ait pas profité de l'opportunité qui se présentait pour procéder à leur dépoussiérage en y supprimant certaines redondances ou dispositions désuètes. Nous avions pourtant là l'occasion de procéder à une vaste réforme fiscale, assortie d'une simplification des textes et de la réduction de certains taux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

En dépit de ces interrogations et de ces remarques, madame la ministre, le groupe Démocratie libérale votera ce projet de loi d'habilitation, tout en demandant au Gouvernement de manifester la plus grande vigilance afin que l'application de la conversion par l'administration ne soit pas dévoyée et ne se traduise pas par des augmentations déguisées des tarifs publics. En cette affaire, il faut atteindre l'objectif qui a été assigné, c'est-à-dire procéder à une conversion dans la plus grande neutralité financière possible. Le Gouvernement, à qui l'on confie une tâche qui relève de la loi, devra faire preuve de la plus grande vigilance quant au respect de cette neutralité financière.

M. Pierre Hériaud.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous sommes tous félicités, le 1er janvier 1999, de la réussite de la mise en place de l'euro, en France comme dans onze autres Etats de l'Union européenne membres de la zone euro.

Le débat d'aujourd'hui n'a pas pour objet - et en disant cela, je m'adresse surtout à Georges Sarre - d'analyser les évolutions récentes et actuelles que connaît la monnaie européenne.

M. Jacques Myard.

On n'est pas encore dans le mur, mais on y va !

Mme Béatrice Marre.

Toutefois, ces évolutions pourraient être de nature, je vous l'accorde, monsieur Myard, à éloigner davantage nos concitoyens de ce qui reste un pas décisif de la construction européenne, s'ils ne perçoivent pas plus clairement la réalité de l'euro.

C'est pourquoi la discussion de ce projet de loi d'habilitation est l'occasion, me semble-t-il, de souligner la nécessité d'inscrire cette réalité dans la vie quotidienne des Français de façon lisible, juste et pédagogique.

Dix-neuf mois nous séparent de la mise en circulation des pièces et des billets qui consacreront véritablement pour les Français la disparition du franc. C'est très peu de temps. Même si chacun de nos concitoyens connaît l'existence de l'euro, même si le double étiquetage est largement répandu, même si les bulletins de salaires et les relevés de banque mentionnent la contre-valeur en euros des avoirs des Français, bien peu d'entre eux ont mémorisé le très célèbre taux fixe de conversion, arrêté le 1er janvier 1999 à zéro heure, de 6,55957 francs pour un euro.

La plupart des gens interrogés sont dans la plus grande ignorance quant à la façon dont se passera concrètement le passage du franc à l'euro au 1er janvier 2002.

L'intérêt - certains disaient même l'enthousiasme - qui a entouré la mise en place de l'euro s'est, il faut bien le reconnaître, fortement atténué. Et il revient aux Européens que nous sommes d'expliquer, à chaque occasion, le saut conceptuel majeur que constitue la mise en place de la monnaie unique européenne. La présidence française de l'Union européenne au semestre prochain sera, sur ce point comme sur d'autres, un temps fort. Nous en parlerons, je crois, le 9 mai prochain.

L'inscription dans nos textes de lois des valeurs en euros de tous les montants en francs qui y figurent constitue donc une étape supplémentaire importante de la visibilité de l'euro, tant pour les entreprises et les collectivités publiques ou privées que pour les citoyens.

Mon propos s'articulera autour de deux questions : le bien-fondé du présent projet de loi et, en corollaire, la nécessaire implication du Parlement dans le suivi de l'objet même de ce texte - je veux parler de la vigilance du Parlement.

En ce qui concerne le bien-fondé du projet de loi d'habilitation, je tiens en premier lieu à saluer le travail considérable de préparation effectué depuis 1996 par la mission interministérielle pour préparer cette transcription.

En prenant connaissance des éléments chiffrés contenus dans l'excellent rapport de Gérard Fuchs, chacun mesure l'ampleur de la tâche : pas moins de 705 montants, choisis parmi les centaines de milliers de valeurs en francs qui émaillent notre législation, figurent dans l'avant-projet d'ordonnance comme ne pouvant s'accommoder de la simple conversion à deux chiffres après la virgule.

En second lieu, s'agissant de la recherche de la neutral ité globale de la transposition, il faut également reconnaître la pertinence des principes qui ont guidé le travail de mise en application des règles communautaires contenues dans le règlement du 17 juin 1997.

La neutralité juridique et politique des modifications à introduire est fondamentale tant au regard de la responsabilité du législateur qu'à celle de l'équilibre des textes concernés.

La neutralité financière, chacun le comprend, est fondamentale également tant pour l'Etat que pour les particuliers, les entreprises ou encore les collectivités locales.

Enfin, la cohérence générale des modifications apportées, compte tenu de la diversité de nos règles législatives, est un véritable impératif de cohésion sociale.

Ces principes étant posés, l'enjeu politique du projet d'habilitation est faible, et la tonalité du débat d'aujourd'hui en témoigne. Toutefois, ses conséquences symboliques et financières doivent être examinées avec attention.

Dès lors, et du fait à la fois des délais dont nous disposons et des règles qui régissent le travail parlementaire, il était difficilement concevable d'envisager un examen par le Parlement de la totalité des textes concernés. C'est la raison pour laquelle nous approuverons le projet de loi d'habilitation.

Toutefois, cela n'exonère pas pour autant notre assemblée de faire preuve d'une extrême vigilance quant au contenu de cette future ordonnance, et ce à deux titres au moins : d'une part, elle doit veiller à ce que soient inscrits et respectés les principes que je viens d'évoquer ; d'autre part, elle doit s'attacher à ce que certains montants symboliques soient clairement établis, ne serait-ce que pour la compréhension de nos concitoyens.

Notre commission des finances, sur proposition du rapporteur, M. Gérard Fuchs, s'est particulièrement attachée, à travers l'adoption de quatre amendements, à inscrire cette vigilance dans le texte lui-même. Je les rappellerai brièvement, dans la mesure où ils contribuent à la fois à améliorer la protection des citoyens contre d'éventuelles dérives qui pourraient résulter du principe d'arrondissement à la deuxième décimale des montants et à préserver le rôle dévolu au Parlement par l'article 38 de la Constitution.

Le premier amendement vise à inscrire dans le texte même de la loi d'habilitation le principe de nonaggravation des sanctions pécuniaires. Il me semble extrêmement important.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Le deuxième limite à plus ou moins 7 % les écarts de variation des sommes converties en euros. Il est, lui aussi, important. Le pourcentage de 7 % a été abondamment expliqué par Gérard Fuchs, je n'y reviens pas.

Le troisième amendement est lui également important.

Cela pourrait aller sans dire, mais cela va beaucoup mieux en le disant : cet amendement propose donc d'inscrire dans le texte le principe de neutralité budgétaire de cette transcription.

Enfin, le quatrième amendement avance la date de prise effective de l'ordonnance à l'ouverture de la session parlementaire à l'automne, afin d'éviter toute interférence avec les discussions des prochaines lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Je me réjouis, madame la ministre, que ce souci ait été pris en compte par le Gouvernement.

D'une manière plus pragmatique, vous l'avez illustré, madame la ministre, ainsi que M. le rapporteur, il faut veiller à l'impérieuse nécessité de simplifier les règles de conversion et de les adapter à la réalité économique. Il faut en particulier éviter que des sommes symboliques ne deviennent des chiffres à décimales bien peu significatifs, qui seraient en outre des sources de confusion - pensons aux personnes âgées.

S'il a été crucial de fixer un taux précis jusqu'à la cinquième décimale, compte tenu des montants en cause dans l'ensemble de l'Union européenne, il nous semble tout aussi fondamental de faire en sorte que ce taux ne brouille pas la lisibilité de la monnaie future. Je citerai un seul exemple, qui a déjà été évoqué, mais qui nous concerne particulièrement puisqu'il s'agit du montant maximal de 30 000 francs qu'une personne physique peut apporter au soutien de la vie politique : si nous appliquons le taux de conversion stricto sensu , cela donne 4 573,47 euros, chiffre difficile à retenir, vous en conviendrez ; l'ordonnance prévoirait donc, et c'est une bonne chose, de fixer ce montant à 4 600 euros.

Faute de parvenir à une telle lisibilité, il y aurait en effet un risque de rejet de l'euro par les Français, rejet qui serait particulièrement préjudiciable à la poursuite de la construction de l'Union européenne et qui risquerait de donner - nous venons d'en voir un exemple et je pense que l'orateur qui va me succéder à la tribune peut en citer un autre - des arguments à un certain nombre des détracteurs de l'Europe,...

M. Jacques Myard.

Non, à des détracteurs d'un truc qui s'appelle l'euro !

Mme Béatrice Marre.

... toujours à l'affût des arguments les plus mauvais, pour saper le grand dessein européen.

Voilà, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je ne peux, au nom du groupe socialiste, qu'approuver et soutenir ce projet de loi...

M. Jacques Myard.

Une négation de plus et c'eût été mieux !

Mme Béatrice Marre.

... tel qu'amendé par la commission des finances et portant habilitation du Gouvernement à adopter par ordonnance la valeur en euros de cert ains montants exprimés en francs dans les textes législatifs. Il s'agit bien d'accompagner le changement de monnaie de la façon la plus efficace possible et non de dessaisir le Parlement de ses prérogatives constitutionnelles et politiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Il n'en a plus ! Il n'a plus rien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Bruno Le Roux.

M. Sarre n'étant pas là, vous allez être bien seul, mon cher collègue !

M. Jacques Myard.

Un ami tombe, un ami sort de l'ombre pour prendre sa place ! Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la messe serait-elle dite ? On pourrait le croire si l'on en juge par l'hémicycle bondé ce soir (Sourires) et par la volonté du Gouvernement de présenter un projet de loi, dernière phase de la mise en place de l'euro, qui tend à substituer au franc cette monnaie dite unique dans les textes législatifs.

Très franchement est-ce bien utile ? Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte de l'évidence ? L'euro - et il faut peut-être prendre son téléphone pour vérifier quel est actuellement son cours - est entraîné inéluctablement dans la spirale de l'échec. Il faut tout de même s'en rendre compte. Les faits sont là. Ils sont têtus, mais personne ne veut les voir et surtout pas le Gouvernement.

L'euro existe depuis le 1er janvier 1999, mais il demeure, bien évidemment, une monnaie informatique, virtuelle, qui ne s'impose ni aux acteurs économiques français ni même aux marchés.

Qu'on en juge : 5 % seulement des entreprises ont accepté de payer en euros leurs impôts ou les droits de douane qu'elles doivent ; sur les 1,5 million d'entreprises assujetties à la TVA, seules 5 000 - chiffre extraordinaire - ont accepté d'effectuer leur déclaration en euros ; la part des paiements de toute nature effectués en euros, que ce soient par les entreprises ou les individus, représente - autre chiffre record - 0,8 % du total, soit moins de 1 %. CQFD ! Sur les marchés internationaux, à propos desquels on nous disait à longeur de journée qu'ils allaient inclure l'euro dans leurs valeurs de réserve - on nous disait même que la banque centrale de Chine allait remplacer le dollar par l'euro -, le succès est vertigineux. Mais c'est le vertige de la chute libre, puisque, aujourd'hui, on ne voit pas jusqu'où l'euro va descendre par rapport au dollar dont on nous prédisait qu'il allait devenir une monnaie régionale pour quelques Apaches nord-américains ! La réalité de l'euro impose de dire que tout cela n'a rien d'étonnant, bien au contraire.

Chamfort avait coutume de dire qu'il y a des sottises très bien habillées, comme il y a des sots très bien vêtus.

L'euro appartient visiblement à cette catégorie : tout est bel et beau, tout est parfait sur le papier. Comme je l'ai dit un jour au gouverneur de la Banque de France, c'est une monnaie parfaite pour un monde parfait, mais qui n'existe pas. C'est un rêve utopiste, et je crois qu'il faut en prendre conscience.

En réalité, l'euro est né d'un double mensonge, économique et politique.

Le mensonge économique d'abord. Il n'existe pas de zone économique optimale en Europe. On nous a rabâché à l'envi en nous mentant - je dis bien « en nous mentant » - que les économies allaient converger, que, bien évidemment, nous allions tous marcher du même pas. Eh bien, aujourd'hui, la réalité est tout autre : les

Etats ont des différentiels d'inflation vertigineux qui vont de un à trois, leurs taux de croissance ont une amplitude encore plus forte, et les déficits s'accroissent en Belgique et en Italie. Bref, plus aucun des Etats ne respecte les critères de convergence. L'hétérogénéité de la zone, au lieu de se réduire, perdure et s'amplifie.

M. Philippe de Villiers.

C'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Jacques Myard.

Voilà pourquoi la Banque centrale européenne est structurellement dans la totale incapacité - je dis bien : dans la totale incapacité - de conduire une politique monétaire cohérente pour la zone puisque, dans cette zone, il n'y a pas de cohérence économique. Cela a également été dénoncé, et à juste titre, par le présid ent de la commission des finances, M. Emmanuelli, qui n'a de cesse de pourfendre cette politique qui ne correspond notamment pas à la réalité française.

Il faut être véritablement aveugle pour se réjouir de cet instrument alors qu'il est inadapté.

Deuxième mensonge : le mensonge politique. Fort justement, M. Sarre a rappelé que beaucoup d'économistes, dont un, qui s'appelle non pas Jacques Myard mais Maurice Allais, prix Nobel d'économie, nous disaient que l'institution d'une monnaie unique sans pouvoir politique en Europe était vouée à l'échec. C'est, bien sûr, ce qui est en train de se passer.

Dans ce « tout-chaos » des institutions européennes, il est clair qu'aujourd'hui les peuples s'expriment, votent, et qu'il y a le suffrage universel. Quand il se pose effectivement un problème avec l'Autriche, ce n'est pas simplement un problème avec l'Autriche : il s'agit d'un problème de cohérence politique au sein de la zone euro, qui ne peut pas perdurer. C'est ainsi que les peuples se rappellent à votre bon souvenir, vous qui voulez une Europe technocratique, une Europe réglée par un certain nombre de textes qui sont coupés des réalités.

Eh bien, non ! L'euro est non viable. Il ne vivra pas.

On a connu, dans le passé, madame, d'autres unions monétaires qui se sont cassé la figure : je mentionnerai l'Union latine, mais il y a aussi celle de la Tchéquie, d'un côté, et de la Slovaquie, de l'autre. Celle-ci a échoué pour une raison simple : l'unité monétaire était un carcan insupportable pour les deux peuples concernés puisqu'elle aboutissait à un transfert budgétaire de 30 % du PIB de la Tchéquie en faveur de la Slovaquie. Cette situation, qui a duré sous le joug communiste pendant un certain temps, est devenue ensuite intolérable.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Ce sont les Slovaques qui ont voulu en sortir !

M. Jacques Myard.

Vous allez me dire que, s'agissant de l'euro, il y a un traité. Et alors ? Quand un traité ne correspond plus à la réalité,

M. Philippe de Villiers.

On le jette !

M. Jacques Myard.

... quand il ne correspond plus à la réalité des peuples européens, à nos intérêts, on le rené gocie. Le traité de Maastricht ne sera pas le premier à tomber dans les oubliettes de l'histoire : ils sont pléiade ceux qui ont connu ce sort au cours de l'histoire de France, parfois heureusement, parfois malheureusement.

Il est clair qu'il faut aujourd'hui réagir et accepter l'évidence.

Gouverner, c'est prévoir. Afin de ne pas subir la dure loi des événements qui s'annoncent,...

Mme Béatrice Marre.

On en a assez entendu !

M. Jacques Myard.

... il me paraît évident qu'il faut qu'une solution simple, minimale s'impose : il faut reporter la date du passage à l'euro en signe monétaire.

M. Philippe de Villiers.

Très bien !

M. Jacques Myard.

Le Gouvernement doit regarder la réalité en face.

M. Philippe de Villiers.

Très bien !

M. Jacques Myard.

Madame la garde des sceaux, je ne vous poserai qu'une question : que comptez-vous faire pour répondre à cette évidence ?

M. Philippe de Villiers.

Très bien, monsieur Myard ! Votre voix est celle du courage et du bon sens !

M. Bruno Le Roux.

Nous venons d'entendre des propos digne du Café du commerce !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier tous les groupes pour leur accord sur le texte, même si certains intervenants ont voulu profiter de l'occasion pour contester le fond même de la réforme, débat pourtant tranché par un référendum.

M. Jacques Myard.

C'est ça ! Circulez, il n'y a rien à voir !

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit de permettre à nos concitoyens de vivre dans les meilleures conditions possibles le passage à l'euro et de percevoir enfin, dans leur quotidienneté, la réalisation de l'Europe.

M. Jacques Myard.

Tiens donc ! Je vais dans le mur, mais j'accélère !

Mme la garde des sceaux.

J'ai bien entendu les observations des différents orateurs. Les amendements qui les traduisent seront, comme je l'ai déjà indiqué, favorablement accueillis par le Gouvernement.

J'ajoute que le souci de transparence qui anime le Gouvernement est la meilleure des garanties. Le projet d'ordonnance a été diffusé, tout comme les travaux du groupe interministériel. Je crois donc que le Parlement peut être rassuré sur le bon usage qui sera fait de l'habilitation législative qui est demandée.

Je voudrais répondre à une question très importante posée par M. le rapporteur tout à l'heure, concernant l'harmonisation des sanctions dans le domaine du faux monnayage.

L'harmonisation des sanctions en matière de lutte contre la contrefaçon de l'euro est inscrite dans les conclusions du sommet de Tampere, au paragraphe 46.

Ce sommet a été le premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui a été consacré à l'espace judiciaire européen. La France y a joué un rôle d'impulsion très net.

Il s'agit d'une orientation très novatrice dans le domaine de l'harmonisation des législations pénales, qui a été mise en oeuvre à notre initiative lors de l'élaboration du projet de décision-cadre sur la protection de l'euro par le droit pénal. Ce projet, actuellement finalisé, devrait être prochainement adopté.

En raison même de son caractère novateur, cette harmonisation des sanctions, effectivement souhaitable en ce qui concerne le faux monnayage, porte, d'une part, sur les infractions les plus graves - contrefaçon et falsification de la monnaie -, et, d'autre part, sur les peines par nature les plus graves, en l'espèce les peines privatives de liberté. Le projet de décision-cadre prévoit, pour le quantum maximum de la peine d'emprisonnement, un seuil minimal de huit ans, ce qui n'est pas anodin.

D ans l'immédiat, l'harmonisation des sanctions pécuniaires entre les Etats membres n'a pas paru envisageable, notamment en raison de la réticence de certains

Etats membres et de la diversité des systèmes juridiques.


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Les travaux au sein de l'Union europénne se poursuivent néanmoins, dans les domaines d'intérêt commun, dans le sens du rapprochement, voire d'une harmonisation des incriminations et des sanctions.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Je souhaiterais répondre brièvement à certains intervenants.

Je ne répondrai pas à M. Tron sur le déficit budgétaire, d'abord parce notre collègue n'est pas dans l'hémicycle en ce moment et, ensuite parce que nous pourrons débattre du sujet dans une quinzaine de jours, à l'occasion de la discussion du collectif budgétaire.

Je partage avec Mme Jacquaint un certain nombre de p réoccupations exprimées par les organisations de consommateurs. C'est notamment dans le cadre du Conseil national de l'euro que ces préoccupations sont prises en compte. Nous devons prendre en compte tout ce qui vient du monde associatif, qu'il s'agisse de demandes d'éclaircissement ou de la prise en considération de difficultés concrètes.

Nos deux collègues Pierre Hériaud et Pierre Lequiller ont regretté l'absence d'étude d'impact d'une ordonnance qui n'existe pas encore.

J'ai eu accès, et je vous en remercie, madame la garde des sceaux, à l'avant-projet d'ordonnance. L'amendement no 3, que, comme je l'espère, nous voterons tout à l'heure, nous permettra de disposer à l'occasion de la loi de ratification d'une évaluation financière globale. Je ne doute pas que celle-ci nous donnera satisfaction à tous.

Je répondrai plus longement à Georges Sarre et à Jacques Myard.

J'avoue que j'ai été sidéré de les entendre car, pendant des années, ils se sont battus contre l'euro au motif qu'un euro fort serait une catastrophe pour les exportations de notre pays.

M. Jacques Myard.

Ne vous trompez pas d'analyse !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Je sais bien que votre opposition était plus profonde, monsieur Myard, et je vais y venir. Il demeure que vous vous êtes battu contre l'euro fort. Or, aujourd'hui, l'euro accuse un petit accès de faiblesse, et je vous vois désespéré.

M. Philippe de Villiers.

Un « accès de faiblesse » ?

M. Jacques Myard.

Il s'agit plutôt d'un infarctus !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Ce renversement d'attitude me surprend d'autant plus que nous n'en sommes pas arrivés à un point inquiétant : le dollar vaut aujourd'hui 7,30 francs alors qu'il est, je vous le rappelle, monté jusqu'à plus de dix francs.

M. Jacques Myard.

L'hétérogénéité de la zone va tout faire sauter !

M. Gérard Fuchs, rapporteur. ...

Nous devons garder notre sang-froid.

En ce qui vous concerne, ne prenez pas vos désirs pour des réalités...

M. Jacques Myard.

Vous non plus !

M. Gérard Fuchs, rapporteur. ...

car l'euro n'est pas encore mort ! J'ajoute que l'euro a répondu à deux des attentes de ceux qui le souhaitaient : en termes de stabilité interne à l'Union européenne, d'abord, puisque nos entreprises peuvent aujourd'hui commercer sans plus de risques de change,...

M. Jacques Myard.

Elles n'ont pas attendu l'euro pour commercer !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

... ce qui est bon pour nos exportations et notre emploi.

M. Jacques Myard.

Non !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Ensuite, l'euro se révèle être une protection efficace contre un certain nombre de crises financières extérieures...

M. Jacques Myard.

Non et non !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Je pense en l'occurrence à la crise du Sud-Est asiatique, qui n'a pas eu sur notre croissance d'autres conséquences que marginales.

Enfin, et je suis convaincu que l'avenir me donnera raison, l'euro est aussi un outil d'indépendance par rapport aux Etats-Unis d'Amérique.

M. Jacques Myard.

Ça n'en prend pas le chemin !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Le jour où cela se vérifira, M. Myard et M. Sarre seront les derniers convertis à l'euro !

M. Jacques Myard.

S'il n'en reste qu'un, je serai celuilà !

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

Mme la présidente.

« Art. 1er . - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires :

« 1o A l'adaptation au passage à l'euro de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, autres que ceux mentionnés au 2o ci-après ;

« 2o A la conversion en euros des montants exprimés en francs dans les textes législatifs spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et aux collect ivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ainsi qu'à l'adaptation au passage à l'euro de certains de ces montants. »

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Après l'article 1er

Mme la présidente.

M. Fuchs, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'application de l'article 1er ne doit entraîner l'aggravation d'aucune sanction pécuniaire législative. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Je considère que cet amendement est défendu. Je souhaiterais cependant, si le Gouvernement en est d'accord, le rectifier en complétant


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son second alinéa, qui devrait se lire ainsi : « L'application de l'article 1er ne doit entraîner l'aggravation d'aucunes anction pécuniaire législative ni d'aucune sanction pénale. »

Je ne sais pourquoi nous nous sommes, en commission des finances, arrêtés à la moitié du chemin.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 1 tel qu'il vient d'être rectifié ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

J'ai tout à l'heure dit que j'étais favorable à l'amendement. J'ai insisté sur l'étude d'impact et le rapporteur m'a répondu. Mais je voulais demander à Mme la garde des sceaux si elle pouvait prendre l'engagement - ce point est important compte tenu des incertitudes - que l'examen du projet de loi de ratification sera mené à son terme. En effet, il arrive que des projets de loi de ratification déposés au Parlement ne soient pas votés.

Je souhaiterais donc que la ministre, compte tenu de la confiance accordée à l'ensemble des administrations, nous assure que le projet de loi de ratification sera effectivement soumis au vote du Parlement. Nous aurons alors la possibilité de juger après coup de l'ensemble des décisions qui auront été prises.

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'amendement no 1, tel qu'il a été rectifié :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'application de l'article 1er ne doit entraîner l'aggravation d'aucune sanction pécuniaire législative ni d'aucune sanction pénale. »

Je vais le mettre aux voix...

M. Pierre Lequiller.

Madame la présidente, j'ai posé une question. J'ai droit à une réponse !

Mme Béatrice Marre.

On n'est pas obligé de vous répondre !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Monsieur Lequiller, votre question ne me paraît pas avoir de relation directe avec l'amendement no 1. Si vous le voulez bien, nous reviendrons sur le sujet lorsque nous discuterons de l'amendement no

3.

M. Pierre Lequiller.

C'est entendu !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 1, tel qu'il a été rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Mme la présidente.

M. Fuchs, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Chaque valeur en euros adaptée en application de l'article 1er ne pourra s'écarter de plus de 7 %, en plus ou en moins, de la valeur initiale exprimée en francs. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur Cet amendement, que la commission des finances a adopté, est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je me suis déjà exprimée sur le sujet lors de la discussion générale.

Nous partageons le même objectif de neutralité des adaptations. L'exercice d'adaptation des textes de passage à l'euro ne doit pas dégénérer en une réécriture de l'ensemble de notre législation. Le Gouvernement s'est donc fixé des principes précis limitant les facultés d'adaptation des ministères au strict nécessaire, et ces principes ont été largement respectés.

L'avant-projet d'ordonnance a été communiqué au Parlement dans un souci de totale transparence en même temps que le projet de loi d'habilitation. Il comportait quelques propositions dépassant la marge de 7 %, qui n'est d'ailleurs pas complètement favorable au budget de l'Etat.

Le Gouvernement a tenu compte des objections de votre commission des finances et a d'ores et déjà modifié le projet d'ordonnance afin de respecter la marge de variation de 7 %, qui ne pose de problème que pour les petits montants, comme les amendes de 50 francs ou 30 francs.

Dès lors, je considère que ces problèmes sont résolus et je ne pense pas qu'il soit indispensable d'inscrire un taux de variation maximale dans la loi d'habilitation. Cette inscription donnerait paradoxalement le sentiment que le Gouvernement disposera systématiquement d'une marge d'appréciation pouvant aller jusqu'à 7 %, alors que c'est la situation inverse qui est recherchée, les écarts devant être réduits au minimum.

Cela dit, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

En commission des finances, nous avons discuté sur le point de savoir si c'est le taux de 7 % qui devait être retenu plutôt que celui de 6 %, et je m'en suis expliqué. Mais j'avoue être sensible à l'argumentation de Mme la garde des sceaux. En effet, je ne voudrais pas, alors que nous voulons encadrer au maximum un certain nombre de variations, que le taux de 7 % traduise, d'une certaine manière, une tolérance.

Peut-être se trouvera-t-il un ou deux cas où il devra être atteint, mais il serait regrettable de donner l'impression que ce pourrait être la règle.

Compte tenu de l'engagement qui vient d'être pris par

Mme la garde des sceaux, je considère, à titre personnel, - la commission n'en a pas délibéré - que nous pouvons renoncer à l'amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 2 est retiré.

M. Georges Tron.

Je le reprends, madame la présidente !

Mme la présidente.

L'amendement no 2 est repris par

M. Tron. Vous avez la parole, cher collègue.

M. Georges Tron.

Monsieur le rapporteur, en commission, vous nous avez convaincus qu'il y avait un risque de dérapage. Nous vous avons interrogé sur le taux de 7 % et vous nous avez donné des explications. Tous les membres de la commission, quel que soit le banc sur lequel ils siègent, ont bien compris qu'il pouvait y avoir un risque de dérapage, dont vous avez cité tout à l'heure à la tribune des exemples très précis.

En aucun cas je ne mettrai en doute les propos que Mme la ministre a tenus quant à la bonne volonté des administrations, mais il n'y a aucune raison objective de retirer l'amendement. Ou alors, nous devons considérer que ce que vous nous avez dit en commission et qui nous paraissait marqué au coin du bon sens n'avait aucun fondement.

Je ne comprends donc pas du tout que vous ayez retiré l'amendement. Et c'est pourquoi je l'ai repris.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Vous avez en effet la liberté de reprendre un amendement qui a été retiré.

Mme la garde des sceaux vient d'expliquer que, compte tenu des dix-huit cas qui sont mentionnés dans le rapport et pour lesquels le seuil de 7 % a été dépassé, l'avantprojet d'ordonnance avait été modifié.

M. Georges Tron.

Vous ne le saviez pas il y a huit jours ?

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Non. Je viens de l'apprendre en séance publique.

Je considère que l'amendement est dans ces conditions satisfait et que laisser penser qu'on pourrait atteindre le seuil de 7 % ne serait pas politiquement opportun.

Cette attitude me paraît rationnelle et ne nuit en rien à votre possibilité de reprendre l'amendement.

M. Georges Tron.

Je vous remercie de me laisser cette liberté !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Mais, compte tenu des précisions de Mme le garde des sceaux, le retrait de l'amendement était cohérent.

M. Georges Tron.

C'est pour la commission que ça ne l'est pas !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Je trouve la procédure un peu étrange.

Monsieur le rapporteur, le débat se déroulait de façon tout à fait calme et tranquille. Nous avions fait preuve de bonne volonté en manifestant notre intention de voter le projet de loi d'habilitation.

A la tribune, vous nous avez justifié l'amendement en nous donnant des explications mathématiques tout à fait convaincantes, même si nous n'en suivions pas tous les méandres.

Bref, nous étions d'accord sur le taux de 7 %, bien que nous l'estimions trop élevé.

J'imagine que vous vous êtes concerté avec la ministre et que vous n'avez pas découvert à l'instant qu'elle avait une position différente de la nôtre.

Nous avons, après en avoir débattu, accepté le taux de 7 % et vous avez subitement annoncé que vous retirez l'amendement qui le prévoit. La procédure me paraît pour le moins bizarre.

M. Georges Tron.

D'autant que nous n'avons pas plus de garanties qu'auparavant !

M. Pierre Lequiller.

Je soutiens l'amendement qu'a repris mon ami Georges Tron.

Les députés doivent être logiques et tenir compte de la position qui a été adoptée à l'unanimité en commission des finances.

Par ailleurs, je le répète, je souhaite que le projet de loi de ratification soit effectivement soumis à l'Assemblée.

De nombreux projets de loi de ratification n'ont pas été inscrits à notre ordre du jour alors qu'ils auraient dû l'être. C'est pourquoi il serait bien que le Gouvernement prenne un engagement à cet égard, de façon que tout soit clair entre nous et que nous puissions juger du résultat.

Nous faisons confiance au Gouvernement. A partir du moment où nous lui faisons confiance, il est normal qu'il rende compte au terme de la procédure.

Je renouvelle donc ma demande que le projet de loi de ratification soit effectivement présenté à l'Assemblée nationale au terme de la procédure.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Je vais m'exprimer d'une façon encore plus claire.

Nous avons voté en commission des finances un amendement que j'ai défendu à la tribune. Je savais que le Gouvernement n'y était pas hostile. Or le Gouvernement vient de nous préciser que le projet d'ordonnance qui m'avait été communiqué avait été modifié depuis la réu nion de notre commission des finances, de façon que le seuil soit respecté. En conséquence, l'amendement n'a plus d'utilité.

M. Pierre Lequiller.

Il fallait nous le dire tout à l'heure !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

S'il était adopté, après avoir été repris, il ferait imaginer aux Français qu'à l'occasion du passage à l'euro il pourrait y avoir des variations normales de plus ou moins 7 %.

Le Gouvernement ayant répondu favorablement à nos préoccupations, cet amendement n'est plus utile. Puisque vous le maintenez, j'invite la majorité à voter contre.

M. Georges Tron.

A voter contre votre propre amendement ? Mais c'est extraordinaire ça !

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Vous arrive-t-il d'écouter le Gouvernement ?

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Fuchs, rapporteur, a présenté un amendement, no 3 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'ordonnance prise en application de l'article 1er ne devra pas avoir d'incidence significative sur les ressources et dépenses publiques. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Je considère qu'il a déjà été défendu. Je ne sais pas si Mme la garde des sceaux veut ajouter un commentaire sur la possibilité d'une évaluation globale accompagnant ou suivant le dépôt de l'ordonnance.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, le Gouvernement respectera le principe de neutralité financière. L'exposé des motifs du projet est sans ambiguïté. Si vous souhaitez que ce principe figure dans le corps du texte, je n'y vois pas d'objection. Voilà pourquoi j'exprimerai un avis favorable.

Je dirai en outre à M. Lequiller que la ratification par la loi est la règle, et que nous n'entendons pas déroger à la règle. D'ailleurs, quand on dépose un projet de loi, c'est bien pour le faire voter par le Parlement ; sinon, il n'y a pas de projet de loi !

M. Jacques Myard.

Mais il vient ou pas en discussion !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Je suis tout à fait d'accord avec Mme la ministre : la ratification est constitutionnelle.

Cela dit, beaucoup de projets de loi de ratification ne viennent pas en discussion. Aussi vous demanderai-je, madame la ministre, de prendre l'engagement qu'il y aura bien discussion. Permettez-moi d'insister sur ce point.

M. Jacques Myard.

Le Gouvernement ne sait pas répondre !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Lequiller.

Et le Gouvernement ?

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Un amendement est déposé, il est mis aux voix, chacun s'exprime !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 2

Mme la présidente.

« Art. 2. L'ordonnance prévue à l'article 1er devra être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois commençant après la promulgation de la présente loi.

« Un projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la promulgation de la présente loi. »

M. Fuchs, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 2, substituer aux mots : "dernier jour du sixième mois commençant après la promulgation de la présente loi", la date : "2 octobre 2000". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Fuchs, rapporteur.

Cet amendement abondamment défendu a été approuvé par le Gouvernement et apprécié par tous.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

4. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Je ne suis saisie d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Philippe de Villiers.

Contre ! (L'ensemble du projet de loi est adopté.)

6

VOTE DES ÉTRANGERS Suite de la discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'égibilité des résidants étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (nos 2063, 2340).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons depuis hier d'une question essentielle. La mobilisation des partisans et des adversaires de la proposition en témoigne, d'ailleurs. Cette question touche tout à la fois aux fondements du droit et des droits, de la citoyenneté et de la démocratie.

Ce débat vient de loin, il concerne le suffrage universel, ses évolutions et son élargissement.

« Méditez ceci en effet », clamait Victor Hugo le 21 mai 1850, « sur cette terre d'égalité et de liberté, tous les hommes respirent le même air et le même droit. Il y a dans l'année un jour où celui qui vous sert se voit votre égal, où chaque citoyen, entrant dans la balance universelle, sent et constate la pesanteur spécifique du droit de cité, et où le plus petit fait équilibre au plus grand. »

Nous sommes aujourd'hui dans un moment parlementaire fort pour ceux qui sont porteurs des débats qui ont fait et qui font la grandeur de la France. Ces débats et ces combats soutenus par la gauche, souvent contre la droite, ont pour nom : intégration républicaine, valeurs d'accueil, droit d'asile, droit du sol, conception élective de la nation ou encore citoyenneté européenne.

Saluons ici ceux qui ont mené depuis deux siècles le combat du suffrage universel sans distinction de classe, de savoir, de fortune, de sexe ou de race. Soyons leurs héritiers, allons de l'avant pour accorder ce qui paraît aujourd'hui légitime.

Souvenons-nous de l'insupportable sentiment d'exclusion de ces Françaises qui ont dû attendre que l'on s'aperçoive que, de l'autre côté du Channel, les femmes votaient, pour obtenir à leur tour le droit de vote en 1945.

A ttendrons-nous, nous aussi, que nos enfants découvrent avec la même surprise le retard français en matière de vote des étrangers aux élections locales, aujourd'hui courant dans toute une partie de l'Europe ? Je souhaite saluer l'initiative prise par les Verts d'inscrire ce thème à l'ordre du jour de notre assemblée et surtout la décision du Gouvernement de ne pas laisser le débat s'éteindre par des manoeuvres de procédure savamment orchestrées dans le cadre d'une niche parlementaire.

Le groupe socialiste, pour sa part, aborde ce débat sans état d'âme, s'agissant d'une proposition ancienne, renouvelée il y a quelques mois par le dépôt d'une proposition de loi dont le premier signataire était Kofi Yamgnane.

Nous souhaitons un débat sérieux et clair. J'y reviendrai.

Mais je tiens d'abord à rendre hommage à ceux qui, depuis longtemps, se battent pour le droit de vote des étrangers aux élections municipales. Je saluerai en particulier la fédération nationale Léo Lagrange et le MRAP, qui, rejoints par de nombreux autres mouvements, dont la Ligue des droits de l'homme, ont lancé depuis plusieurs mois une pétition nationale qui a déjà recueilli des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

milliers de signatures. Ce sont eux qui, depuis vingt ans, ont fait progresser cette idée. C'est leur engagement de tous les instants qui permet aujourd'hui d'envisager sa réalisation.

Je saluerai aussi l'action de tous les maires, de gauche mais aussi de droite, qui ont créé des structures pour associer à leurs conseils municipaux les populations étrangères. La plupart d'entre eux souhaitent aujourd'hui leur reconnaître un droit plein et entier à participer aux affaires de la cité.

C'est dans le pays tout entier que le débat est aujourd'hui posé et pas simplement ici dans notre hémicycle.

Tout conduit en effet à penser que cette revendication d'abord militante, portée ensuite par les habitants de nos villes soucieux d'une meilleure démocratie locale, est aujourd'hui comprise et acceptée par la plus grande partie de la population.

A ceux qui ont parlé d'instrumentalisation des résidents étrangers à moins d'un an des élections municipales, je dirai donc qu'il s'agit de mettre le droit en accord avec une demande sociale majoritaire.

Il est vrai que le traité de Maastricht et la réforme de la Constitution en 1992, puis la loi accordant le droit de vote aux citoyens de l'Union aux élections municipales que nous avons votée en 1998 - loi que vous auriez eu tout loisir d'adopter pendant que vous étiez dans la majorité, mais qui a attendu la gauche - ont contribué à accélérer l'évolution des mentalités.

A ceux qui voudraient faire croire que nous agissons dans la précipitation propre aux périodes électorales, je ferai remarquer que notre démarche est cohérente au regard de nos positions déjà anciennes comme de la situation actuelle.

Notre démarche est cohérente parce qu'elle reprend l'esprit pragmatique de 1992. Il serait injuste de laisser p erdurer une discrimination entre les étrangers de l'Union européenne et ceux du reste du monde. Pour autant, il ne serait pas non plus compréhensible d'instaurer de nouvelles différences en allant plus loin pour ces derniers que pour les résidents de l'Union. Ce serait passer outre le principe de souveraineté.

D'autre part, en faisant le choix de compléter le titre XII de la Constitution par l'ajout d'un article, nous ne touchons pas à la logique constitutionnelle de 1958 consistant à regrouper sous un titre l'ensemble des dispositions portant sur le même sujet. L'octroi du droit de vote aux élections municipales aux résidents étrangers s'intègre logiquement dans les dispositions du titre XII c onsacré aux collectivités territoriales. De la même manière, en 1992, le choix s'était porté sur la création d'un article 88-3 au titre XV de la Constitution pour permettre aux résidents communautaires de voter aux élections municipales.

Accorder le droit de vote aux résidents étrangers pour les élections municipales, c'est assurer qu'il n'y a pas de discrimination avec les résidents de l'Union européenne, c'est écouter un mouvement fort et profond dans notre pays, c'est reconnaître la demande de nombreux élus locaux.

Mais en l'état actuel des choses, il convient d'avoir une vision claire des difficultés. La procédure législative est toujours une procédure longue, propice à la réflexion et au débat. Or, les prochaines élections municipales auront lieu dans moins d'une année. En outre, la réforme que nous devons adopter est de nature constitutionnelle et nécessite un vote en termes identiques du texte par les deux assemblées. Or, le Sénat ne nous a pas habitués à être autre chose que conservateur sur ce genre de texte.

Nous ne l'estimons pas prêt à répondre à la demande politique et sociale. Il risque de s'enfermer dans un immobilisme difficilement contournable.

Dès lors, gardons-nous de laisser croire à une adoption rapide. Ne laissons pas penser qu'il n'est plus nécessaire d'organiser l'explication et la mobilisation citoyenne dans notre pays.

Certes, un grand pas est franchi avec l'inscription de ce t exte à l'ordre du jour. Nous sommes néanmoins conscients que si la brèche est ouverte, le chemin qui mène à l'adoption de la réforme constitutionnelle risque d'être long.

Nous voulons donc débattre, nous voulons aussi adopter ce texte tel qu'il a été amendé par la commission des lois, car il est juste et utile.

Juste parce qu'il exprime un refus d'enfermer le résident étranger dans son appartenance ethnique et de le voir progressivement poussé vers une logique d'exclusion du groupe, fatale à la cohésion nationale.

Cette conviction n'est pas, je le sais, partagée sur tous les bancs, y compris sur ceux de gauche.

Elle relève d'une conception progressiste du corps social : chaque citoyen soumis aux mêmes devoirs doit aussi avoir les mêmes droits que son voisin. Les résidents étrangers font aussi la richesse des villes où ils ont choisi de s'établir et de vivre. Ils sont des « citoyens par destination » de la commune d'accueil et, à ce seul titre, doivent pouvoir participer à la désignation de ceux qui sont chargés de les représenter dans les instances municipales.

Ce texte est utile parce que le maire étant le maire de tous les habitants de la commune qu'il administre, il doit pouvoir être l'élu de tous ceux qui sont en âge de voter.

Ne nous y trompons pas : l'avantage est double. Pour le résident étranger, le facteur intégrateur est évident : il est enfin citoyen parce que, lui aussi, est associé à la désignation du premier magistrat de la commune qu'il habite.

Pour le conseil municipal, la légitimité est plus grande : il est l'élu de l'ensemble de la population de la commune en âge de voter, et non plus seulement l'élu de « super citoyens » ayant accès au vote face à des citoyens de seconde zone dispensés du droit d'exprimer leur avis par un vote.

Si nos positions ont pu un temps, trop long peut-être, paraître en décalage ou en avance sur l'état de l'opinion, elles répondent de mieux en mieux à une nécessité ressentie par les habitants des communes, étonnés de constater qu'ils sont finalement privés de toute possiblité de participer à un projet commun puisque tous ne peuvent exprimer leur choix par un vote.

Du reste, l'idée n'est pas originale. Bon nombre de nos partenaires européens ont déjà franchi cette étape. Nous ne pouvons tenir plus longtemps une position défensive, voire agressive.

Le vote de l'ensemble des résidents majeurs d'une ville est une chance, pas une menace. C'est une chance de mieux répondre aux attentes des citoyens des communes.

Comme l'a rappelé Julien Dray, c'est aussi une chance de mieux réussir l'intégration, celle notamment des jeunes qui ont aujourd'hui le droit de vote et qui pensent que nous manquons de respect à ceux qui ont participé à la construction de la France...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Tout à fait !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Bruno Le Roux.

... à ceux qui ont voulu vivre ici et garder des racines dans leur pays d'origine, où ils rêvent parfois de revenir un jour, à ceux qui sont restés après avoir bâti nos villes mais à qui l'on dénie toute possibilité de choix.

A l'égard de ces enfants de la troisième génération, nous sommes confrontés aujourd'hui à un véritable problème : le manque de respect que nous avons témoigné à leurs parents, après tout ce qu'ils ont fait pour la France.

Et ce serait justement un signe de respect que de leur accorder le droit de vote.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Excellent !

M. Bruno Le Roux.

Au-delà, reconnaître aux résidents étrangers le droit de voter, c'est donner un peu plus de corps au principe de non-discrimination cher à notre République, encore si souvent mis à mal. Et je n'entamerai pas le débat sur les emplois réservés, inaccessibles à la population étrangère.

M. Thierry Mariani.

C'est dommage !

M. Bruno Le Roux.

C'est affirmer haut et clair, à l'instar du Premier ministre il y a quelques semaines, que nous allons nous attacher davantage encore à combattre toutes les formes de discriminations qui touchent les étrangers qui ont fait le choix de s'installer sur notre sol.

Le débat est désormais lancé à l'Assemblée nationale.

Ne décevons pas ceux qui ont placé beaucoup d'espoir en nos démarches en abandonnant notre engagement ou en affirmant que tout sera réglé en quelques semaines ! Continuons, mes chers collègues, à alimenter sans faillir le mouvement de montée de la démocratie inspiré par les idées de la Réforme, des Lumières et de la Révolution, soutenu pas les grandes lois républicaines aujourd'hui centenaires et appuyé sur les syndicats, les associations, l'école et la laïcité.

En rendant les citoyens actifs ou passifs suivant leur lieu de naissance, nous légitimons une grave discrimination. Avec le temps, la loi peut se montrer injuste et inadaptée. Aussi nous appartient-il de rétablir la justice par la loi.

Chers collègues, ne laissons personne hors du vote.

Faisons de la cité la chose de tous, sans exception, parce que, en l'état, une exception, c'est une discrimination.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Rappel au règlement

M. Christian Estrosi.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour un rappel au règlement.

M. Christian Estrosi.

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1.

Je voudrais, madame la garde des sceaux, m'élever contre la promptitude avec laquelle vous avez fait inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la poursuite de la discussion de la proposition de loi sur le vote des étrangers.

Hier la majorité gouvernementale a dénoncé, sous forme de rappel au règlement, le fait que l'opposition aurait, à tort, utilisé un certain nombre de procédures pour faire durer les débats par le biais de l'exception d'irrecevabilité ou de la question préalable. Pourtant, nos orateurs n'avaient pas dépassé le temps de parole autorisé par le règlement de l'Assemblée, modifié récemment et fixant à une heure et demie chaque intervention et l'on ne peut reprocher à l'opposition d'utiliser les moyens mis à sa disposition pour faire valoir son point de vue.

Cependant, immédiatement après, en réponse à ces protestations, le Gouvernement a fait savoir que le débat se poursuivrait ce soir.

Votre promptitude m'étonne d'autant plus que, depuis des mois, vous ne réussissez même pas à trouver un créneau pour inscrire à l'ordre du jour des débats du Sénat le texte de loi reconnaissant le génocide arménien voté ici même il y a un peu plus d'un an.

M. Bruno Le Roux.

C'est la droite qui n'en a pas voulu au Sénat !

M. Christian Estrosi.

En outre, vous avez procédé, madame la garde des sceaux, à cette modification alors que l'ordre du jour prévoyait ce soir l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux activités physiques et sportives, sur lequel le Gouvernement avait déclaré l'urgence.

M. Henri Nayrou.

Ce n'est pas un rappel au règlement !

Mme la présidente.

Monsieur Estrosi, vous interviendrez au début de la séance de ce soir.

M. Christian Estrosi.

Je vous informe d'ailleurs que les représentants du mouvement sportif, des ligues, des comités régionaux, du monde universitaire, des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives, qui dormiront cette nuit dans des gymnases de la banlieue parisienne, sont « montés » très nombreux de province pour assister aux débats.

Si vous estimez pouvoir décaler l'examen de ce texte à demain, il n'y avait peut-être pas tellement urgence à en débattre ou alors la proposition de loi sur le vote des étrangers est-elle un texte de « super-urgence » ! Nous dénonçons cet état de fait, d'autant que vous saviez que cette proposition ne pouvait être débattue en une seule matinée. Pourtant, vous vous y êtes hasardée !

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle, no 2063, de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales : M. Noël Mamère, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2340).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT