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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Vote des étrangers. - Suite de la discussion d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 3709).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 3709)

MM. Christian Estrosi, Bernard Birsinger, Pierre Albertini, Pascal Clément, Lionnel Luca, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Rudy Salles, Mme Cécile Helle,

MM. Kofi Yamgnane, Marc Reymann.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 3726)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteBlazy : MM. Jean-Antoine Leonetti, Noël Mamère, rapporteur de la commission des lois ; Serge Blisko, Georges Sarre, Claude Goasguen, Thierry Mariani, Claude Billard, Rudy Salles. - Rejet.

Article unique (p. 3736)

MM. Robert Gaïa, Maurice Adevah-Poeuf, Mme Annette Peulvast-Bergeal, MM. Michel Destot, Gilles de Robien, Lionnel Luca, Philippe de Villiers, Christian Estrosi, le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance (p. 3742)

Amendement de suppression no 1 de M. Goasguen : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme Elisabeth G uigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Thierry Mariani, Jean-Louis Borloo. - Rejet.

Adoption de l'article unique.

Après l'article unique (p. 3744)

Amendement no 2 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 3744)

MM. Bruno Le Roux, Claude Goasguen, Christian Estrosi, Jean-Antoine Leonetti, Bernard Birsinger, Mme Marie-Hélène Aubert.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 3749)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

2. Dépôt d'un projet de loi (p. 3749).

3. Dépôt d'un rapport d'information (p. 3749).

4. Dépôt d'un avis (p. 3749).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3749).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

VOTE DES ÉTRANGERS Suite de la discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidants étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (nos 2063, 2340).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion générale.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, c'est désormais devenu un rituel, à la veille de chaque élection : depuis la proposition no 80 du candidat Mitterrand en 1981, vous sortez de votre chapeau magique un texte proposant le vote et l'éligibilité des résidents étrangers.

Dans les sept derniers mois, pas moins de quatre propositions sur ce thème ont été présentées par votre majorité. Vous auriez pu commencer ce nouveau siècle en perdant vos mauvaises habitudes...

M. Thierry Mariani.

Hélas non !

M. Christian Estrosi.

Le Premier ministre, plein de bonnes intentions, déclarait pourtant, en décembre dernier, refuser de « jouer » avec ce sujet, « qui n'était pas mûr dans l'opinion ».

Hélas, les vieux démons mitterrandiens sont revenus.

Nous avons eu, avec le nouveau gouvernement, le retour des éléphants des deux septennats précédents ; nous avons désormais le retour des mêmes méthodes cyniques...

M. Jean-Claude Daniel.

Estrosi, le retour !

M. Christian Estrosi.

M. Jospin a levé son veto au prix d e quelques marchandages peu glorieux, monsieur Mamère ! C'est en quelque sorte un Pokémon politique : plutôt que d'échanger des images, des idées, vous échangez des votes à l'intérieur des partis de la gauche plurielle.

Ce qui est le plus choquant, et, au fond, le plus méprisant pour les personnes concernées, c'est la nature de l'échange : la peau de l'ours slovène des Pyrénées contre le vote des résidents non communautaires...

Tout cela est inacceptable quand on sait que, depuis vingt ans, vous n'avez eu aucun scrupule à agiter le chiffon rouge du droit de vote pour faire le jeu de l'extrême droite. Oh, vous tentez de vous en défendre. Mais comment expliquez-vous alors les manifestations qui ont eu lieu hier devant notre assemblée ? L'extrême droite ne pouvait pas mieux choisir son agence de communication ! Par des justifications erronées et fallacieuses, vous voulez faire croire que les idées de nation et de citoyenneté sont dépassées. Vous prétendez que désormais la citoyenneté est mondiale, en vous fondant sur l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. »

M. Thierry Mariani.

Surtout à gauche !

M. Christian Estrosi.

Bien sûr, les hommes naissent libres et égaux en droit. Mais, si vous aviez lu cette déclaration dans sa totalité, vous vous seriez aperçu : d'une part, que le préambule ne fait naturellement pas référence

« au gouvernement français », mais bien à l'ensemble des gouvernements ; d'autre part, que son article 3 fait référence à la souveraineté « qui réside dans la nation ».

Et la nation française, contrairement à ce que vous prétendez, n'est pas une entité abstraite. Elle s'est forgée au cours des siècles sur la base d'une histoire commune et d'un avenir partagé.

Alors, bien sûr, vous invoquez la prétendue inégalité qui existerait entre les ressortissants de l'Union européenne et les ressortissants non communautaires pour motiver cette fracture volontaire entre droit de vote et nationalité.

Votre approche revient à nier les cinquante dernières années qui ont vu la concrétisation de la construction européenne dont l'aboutissement s'est traduit par l'émergence d'une citoyenneté européenne. C'est cette évolution que nous avons consacrée et constatée dans notre Constitution.

Un ressortissant communautaire n'est pas dans la même situation juridique qu'un résident non communautaire. Soyons clairs : vous ne pouvez pas avoir soutenu que le vote des citoyens issus des pays signataires des traités fondant l'Union européenne marquait un pas indispensable vers la construction européenne et crier à l'injustice.

Vous nous avez trop habitués à ces prises de positions paradoxales consistant à « dire tout et son contraire » pour que nous puissions en rire dans cet hémicycle. Cette logique n'a pas de sens.

En outre, au regard de l'importance de la question, cette proposition s'apparente pour moi à une forme d'hérésie constitutionnelle.

Vous précisez qu'avec la citoyenneté européenne, c'est le concept même du couple citoyen-nation qui s'effondre.

Vous oubliez les conditions de la révision constitu-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

tionnelle du 25 juin 1992 qui instaurait le droit de vote pour les citoyens européens. Ce droit ne fut en effet accordé que sous réserve de réciprocité, clause qui n'apparaît nullement dans votre proposition, alors qu'elle devrait en constituer un élément majeur.

De même, ce droit de vote ne leur a été accordé que dans le cadre du traité et non dans l'absolu. Si ce dernier n'était plus appliqué ou s'il était dénoncé, ce droit de vote tomberait immédiatement. Il est donc étroitement lié à l'engagement européen de notre pays.

La proposition que vous nous soumettez aujourd'hui diffère, dans la forme, du texte initial. Nous savons que vous êtes passés maîtres dans l'art de l'apparence, de la dissimulation. Pour autant, ce changement n'influence en rien le débat de fond. Il ne suffit pas de changer un mot, une phrase, une place pour modifier la teneur de votre texte.

Notre pays, vous ne l'ignorez pas, est un pays unitaire.

La souveraineté est une et indivisible ; elle est celle de la nation incarnée par l'Etat.

M. Jean-Claude Daniel.

Vous l'avez déjà dit !

M. Christian Estrosi.

Elle ne se subdivise pas, ne se décompose pas ; il ne peut y avoir de souveraineté locale.

Ne confondez pas souveraineté et organisation administrative. Pour nous, le vote ne peut être dissocié de la nationalité.

La rédaction de votre proposition ne changera rien : le vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne ne trouvera ni justification ni légitimité dans le principe d'égalité que vous voulez invoquer.

La volonté populaire, la souveraineté sur laquelle se bâtit une communauté nationale n'est pas un produit de la pensée. Ce n'est pas une construction intellectuelle.

Elle s'éprouve. Elle se construit. Elle avance. Elle vit. Elle se vérifie dans les épreuves les plus difficiles de notre histoire.

Comment imaginer que des pays, souvent très éloignés de la démocratie, puissent disposer demain, par l'intermédiaire de leurs ressortissants résidant en France, d'un puissant moyen de pression sur notre pays ? Rappelonsnous la mobilisation qu'a entraînée la guerre du Golfe, un peu partout dans le monde, parmi les ressortissants de plusieurs pays du Proche et du Moyen-Orient derrière l'Irak. Imaginons ce qui se serait passé si les ressortissants de ces pays avaient eu le droit de vote en France : la pression qu'ils auraient exercée sur notre pays, sur notre politique étrangère, sur notre démocratie aurait été considérable. La France ne peut, ne doit subir aucune pression de l'extérieur ou de l'intérieur. Il en va de sa survie. Il en va de notre crédibilité.

Comment imaginer également qu'un criminel, privé de ses droits dans son pays d'origine, non connu de nos services de police, puisse exercer une prérogative aussi fondamentale que le droit de vote ? N'y aurait-il pas là une inégalité au détriment des citoyens français ? Comment pouvez-vous nous garantir que cela n'arrivera pas, alors qu'il est déjà si difficile de connaître et d'appréhender un criminel à l'intérieur de l'Union européenne ? Cela n'a rien à voir, comme vous allez le prétendre, avec le nationalisme. Notre pays a toujours été une terre d'accueil, d'ouverture. Nous devons en être fiers et tout faire pour que cette exception demeure, dans toute sa richesse. Mais il faut cesser d'établir un corrolaire entre droits sociaux, dont les résidants bénéficient, et droit de vote.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Christian Estrosi.

Vous prétendez que l'opinion publique est favorable à votre proposition. Il faut cesser de confondre l'opinion médiatique, qui réagit dans l'instant, par passion, et l'expression citoyenne, qui suppose un choix durable, qui ne peut s'exprimer que par le suffrage universel.

M. Kofi Yamgnane.

Très subtil !

M. Christian Estrosi.

Voter, c'est exercer un droit acquis par d'infatigables et permanents sacrifices, des luttes, des chagrins, des souffrances de la part d'hommes qui nous ont précédés dans l'histoire. Voter, c'est un droit longtemps attendu par les femmes et célébré par le vote de jeunes électeurs, parmi lesquels se trouvent tous ceux dont les parents, ressortissants non communautaires, sont fiers que leurs enfants nés en France manifestent à l'âge requis leur volonté d'être, les premiers citoyens français de leur famille.

Simone Weil a écrit : « On n'a pas le droit de donner à manger du faux à ceux qui cherchent un enracinement. » Ne créez pas de faux espoirs envers ceux-là. De

telles démarches démagogiques ne servent à rien. Elles sont intolérables. Elles nuisent à notre démocratie. C'est pourquoi le groupe RPR s'y opposera de toutes ses forces.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe communiste et apparentés est particulièrement fier d'avoir contribué à ce que le droit de vote des résidents étrangers soit inscrit pour la première fois à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Certes, le chemin reste encore parsemé d'obstacles pour que ce droit s'inscrive dans notre Constitution, mais nous approchons du but.

M. Thierry Mariani.

Il est encore loin !

M. Bernard Birsinger.

Les députés communistes, les militants communistes dans tout le pays sont partie prenante de ce combat pour que le droit de vote des étrangers soit appliqué, et dès 2001.

C'est pour cette raison que, dès le mois d'octobre, notre groupe, en présence des acteurs de la pétition

« Même sol, mêmes droits, même voix », présentait la première proposition de loi de cette législature. J'entends d es commentateurs présenter le débat d'aujourd'hui comme symbolique. Certes, il l'est, mais il est plus que cela. Nous le voulons surtout utile et efficace pour qu'il puisse aboutir.

L'enjeu est élevé puisqu'il s'agit de permettre à plus de deux millions de femmes et d'hommes - c'est le chiffre des ressortissants étrangers non communautaires qui ont une carte de résident - de voter, c'est-à-dire d'exercer un droit politique essentiel.

M. Thierry Mariani.

Et les sans-papiers ?

M.

Bernard Birsinger.

Je vais en parler, ne vous inquiétez pas ! L'engagement des communistes auprès des étrangers résidant en France ne date pas d'aujourd'hui. Le droit de vote des étrangers était inscrit au programme du Parti communiste français dès 1923 (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et, pour évoquer une


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période plus récente, je rappelle que les députés communistes ont déposé une proposition de loi en ce sens dès 1988. Mais il y a eu auparavant la Résistance,...

M. Thierry Mariani.

Le pacte germano-soviétique !

M. Bernard Birsinger.

... et les guerres d'indépendance.

Il y a eu les luttes pour conquérir avec les immigrés des droits sociaux et civiques nouveaux...

M. Thierry Mariani.

Le soutien à Staline !

M. Bernard Birsinger.

... qui apparaissent aujourd'hui comme élémentaires, comme le droit d'être délégué du personnel, obtenu en 1972,...

M. Thierry Mariani.

Le goulag !

M. Bernard Birsinger.

... le droit d'être président d'une association type loi 1901, d'être membre d'un conseil d'administration d'un office HLM ou d'une caisse de la sécurité sociale, avancées obtenues en 1982, ou encore d'être représentant de parents d'élèves en 1985.

M. Thierry Mariani.

Le Komintern !

M. le président.

Monsieur Mariani...

M. Jean-Claude Daniel.

Il ne faut pas le forcer à être odieux, monsieur le président ! Il l'est naturellement !

M. Thierry Mariani.

Quand on est au PC, on ne donne pas des leçons sur l'histoire en commençant en 1923 !

M. le président.

Monsieur Mariani, je vous en prie ! Continuez, monsieur Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Je veux aussi rappeler la part prise par les communistes dans les luttes pour le droit au regroupement familial...

M. Thierry Mariani.

Au goulag ?...

M. Bernard Birsinger.

... ou plus récemment pour les sans-papiers.

Enfin, par de multiples initiatives, nous sommes partie prenante de la dynamique nouvelle créée dans le pays autour de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Vous me permettrez donc d'exprimer notre immense satisfaction de voir combien les choses ont bougé depuis un an, combien, ces six derniers mois, la dynamique s'est accélérée, jusqu'à devenir suffisamment décisive pour se concrétiser par le débat historique d'aujourd'hui.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Historique ?

M. Bernard Birsinger.

Je tiens à rendre hommage à tous ces citoyens, ces militants, ces associations qui ont su faire grandir l'exigence du droit de vote des étrangers, et qui auront contribué à donner à notre société la maturité et la force nécessaires pour mettre enfin à l'ordre du jour cette réforme de progrès.

M. Thierry Mariani.

C'est un grand pas !

M. Rudy Salles.

Sur une voie sans issue !

M. Bernard Birsinger.

Oui, que de chemin parcouru depuis la constitution des collectifs « Même sol, mêmes droits, même voix » et leur appel aux maires de France, appel relayé en août dernier par mon ami Michel Beaumale, maire de Stains.

M. Thierry Mariani.

C'est bien le seul !

M. Bernard Birsinger.

Et ce n'est pas un hasard si ce mouvement est plus particulièrement sensible en SeineSaint-Denis.

M. Rudy Salles.

Cela change des bulldozers !

Mme Muguette Jacquaint.

Pour les bulldozers, vous vous trompez de département !

M. Bernard Birsinger.

Sur cette terre d'accueil, nous savons l'apport de l'immigration à la vie associative, syndicale et politique, à notre culture, à notre société, à notre économie.

Dans ma ville de Bobigny, plus d'un habitant sur cinq est étranger. Pourtant, notre projet de ville, nous le construisons avec tous, sans exclusive. Avec tous ceux qui vivent ici. Ceux qui ont participé à la construction de notre cité, comme ceux qui viennent de s'y installer.

Ceux qui sont engagés dans des associations, ceux qui font vivre le commerce local, ceux qui travaillent dans nos entreprises, ceux qui n'y travaillent pas. Bref, avec tous les Balbyniens, sans distinction de nationalité. Ici, notre démarche, c'est que personne ne soit étranger à sa ville, que « tous soient de sa vie ». Et il me paraît injuste et discriminatoire qu'une partie des habitants soit exclue du droit de se prononcer lorsque viendront les élections qui désignent l'assemblée communale et soit aussi exclue de la possibilité d'y être élue.

Bien entendu, cette démarche démocratique ne peut que heurter ceux qui se sont toujours opposés à l'obtention de nouveaux droits, ceux qui se posent en tenants d'une conception ancienne de la politique.

M. Thierry Mariani.

Le Parti communiste !

M. Bernard Birsinger.

C'est pourquoi, mesdames et messieurs de l'opposition, je ne saurais que vous conseiller de savoir écouter et de savoir entendre.

S avoir entendre notre France d'aujourd'hui. Ces enfants et ces jeunes qui sont nés et ont grandi ici, et qui ne peuvent admettre que leurs parents n'aient encore jamais eu la possibilité de voter. Ces femmes et ces hommes viennent pour l'essentiel d'anciennes colonies de la France. Le droit de vote, c'est aussi une manière de guérir une mémoire blessée. Savoir entendre cette France qui gagne dès lors qu'elle sait tirer profit de son métissage. Savoir entendre et voir que notre pays a changé, qu'il s'est enrichi de générations de citoyens venus de toute la planète et qui ont contribué à son développement, à son rayonnement, à son énergie associative et citoyenne.

Savoir entendre ce qui a bougé dans notre pays. Savoir entendre de notre société qu'elle est aujourd'hui capable d'aborder les questions liées à l'immigration et aux droits des étrangers. Savoir entendre qu'une majorité de nos concitoyens est aujourd'hui favorable au droit de vote des étrangers.

M. Thierry Mariani.

C'est vous qui le dites !

M. Bernard Birsinger.

Savoir entendre certains de vos collègues de droite, souvent maires de grandes villes, qui ont déjà pris position en faveur du droit de vote des étrangers.

M. Thierry Mariani.

Ils sont minoritaires !

M. Bernard Birsinger.

Savoir entendre des personnes comme Raymond Barre, Jean-Louis Borloo, Anne-Marie Idrac ou encore Maurice Leroy qui rappelle que le Front national a implosé et qu'il n'y a « pas de risque de dérouler le tapis rouge devant lui ».

M. Rudy Salles.

Il vous manque, le Front national ! Il est temps de le faire revenir !

M. Bernard Birsinger.

Savoir entendre aussi Gilles de Robien qui vous invite « à ne pas marcher indéfiniment à reculons de l'histoire ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Thierry Mariani.

Est-ce que Gremetz est d'accord ?

M. Bernard Birsinger.

Savoir entendre les propos tenus en 1977 par l'un des vôtres, devenu depuis lors Président de la République. Mais il est vrai que celui-là nous a habitués à des revirements spectaculaires.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Mitterrand ?

M. Thierry Mariani.

Le Parti communiste ?

M. Bernard Birsinger.

Savoir mieux entendre tout cela pour avancer dans le vrai débat sur ce qui nous sépare aujourd'hui. Il porte à mon sens sur la conception que l'on se fait des droits humains. Pour moi, ils sont inhérents à la personne humaine quel que soit l'endroit où elle se trouve. D'ailleurs, n'est-ce pas la signification de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, qui proclame : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression,...

M. Rudy Salles.

Du goulag aux droits de l'homme, quel périple !

M. Bernard Birsinger.

... ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. » Ce texte, je n'en fais pas une

lecture pieuse,...

M. Rudy Salles.

Il ne manquerait plus que ça !

M. Bernard Birsinger.

... mais mon combat de communiste, c'est de donner vie à tous ces droits humains et ces valeurs énoncés universellement à certains moments particuliers de l'histoire de notre civilisation.

Certains veulent établir un lien intangible entre nationalité et citoyenneté.

M. Thierry Mariani.

Exactement !

M. Bernard Birsinger.

Accessoirement, je veux leur dire combien il est aujourd'hui compliqué de devenir français, tant sont nombreux les obstacles législatifs et administratifs qui se dressent devant les candidats à la naturalisation.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

C'est la loi que vous avez votée !

M. Bernard Birsinger.

Mais je veux aussi souligner combien les valeurs humaines qui sont les nôtres nous commandent d'asseoir la citoyenneté et la liberté sur le principe de résidence. A ceux qui agitent la préférence nationale, je veux opposer ici la préférence de citoyenneté. J'y vois là non seulement l'héritage du droit du sol énoncé par la Révolution française, mais aussi le pilier d'une conception moderne de la politique. Il s'agit de conférer à chacun tous les droits individuels et citoyens inhérents à la personne humaine, là où il se trouve. L'histoire de notre République ne s'est pas écrite, ne s'écrit pas d'abord par des institutions, c'est d'abord un mouvement, un projet, une valeur. C'est cela qui fonde la modernité.

C'est notamment pour cette raison que nous ne pouvons souscrire à l'idée de lier le droit de vote des étrangers à la réciprocité. Nous ne pouvons attendre que la démocratie règne partout dans le monde pour permettre à tous d'être citoyens ici.

M. Thierry Mariani.

Ils ont attendu longtemps, en Russie !

M. Bernard Birsinger.

En retour, et comme me le confiait récemment un Malien résident, participer ici aux scrutins ne serait pas sans conséquence sur la démocratie dans un certain nombre de pays. Ma conception de la citoyenneté en France et en Europe, n'est pas une c onception fermée, citadelle, mais une conception ouverte, universelle.

Je pense donc qu'il faudra aller plus loin et envisager le droit de vote et l'éligibilité pour toutes les élections locales et pour l'élection européenne. Cela impose un grand débat autour des notions de citoyenneté et de nationalité, débat que la mondialisation appelle à tenir rapidement. Les marchés boursiers, les flux de capitaux, les opérations de concentration marquent au fer rouge cette mondialisation et l'empêchent de développer toutes ses potentialités.

Mme Muguette Jacquaint.

Pas de frontières pour l'argent !

M. Bernard Birsinger.

Je pense que nous pouvons lui opposer et faire grandir une autre mondialisation, celle d'une planète solidaire.

Il en va ainsi des questions de citoyenneté. Notre pays peut et doit participer à la dynamique vers une citoyenneté de résidence qui permette à chacun, sans distinction de nationalité, de bénéficier de tous les droits citoyens, au sein de la communauté humaine dont il emprunte et partage la vie et le destin pendant une certaine durée.

Bien entendu, cela nous invite à faire valoir une conception moderne de la nation, qui s'enrichit des différences de ceux qui constituent la communauté nationale. D'ailleurs, un récent rapport de l'ONU indique que, d'ici à une vingtaine d'années, nous aurons besoin de faire venir des dizaines de millions de salariés étrangers supplémentaires.

M. Rudy Salles.

Que vous inscrirez aussitôt à la CGT !

M. Bernard Birsinger.

Ce n'est d'ailleurs sûrement pas étranger aux déclarations de M. Juppé.

C'est aujourd'hui aussi que se joue ce défi. Ces individus seront-ils tenus pour de la simple main-d'oeuvre, ou bien nous préparons-nous dès maintenant à leur permettre d'être pleinement citoyens ? Notre pays a du mal à sortir d'un débat sur l'immigration « posant problème », abordé en termes de police et de sécurité. Même si les choses ont progressé avec l'arrivée de la gauche au Gouvernement - la preuve en est notre débat d'aujourd'hui -, nous sommes, sur de nombreuses questions, restés au milieu du gué. Je pense aux sans-papiers, au fait que les lois Pasqua-Debré n'ont pas été abrogées, ou encore à l'application a minima et à retardement du droit de vote des étrangers communautaires. De même, comme vient de le proposer le groupe d'études sur les discriminations, il faudra vite s'interroger sur ce qui peut justifier que les étrangers soient exclus, dans notre pays, de 30 % des emplois, je veux parler des sept millions d'emplois dans les trois fonctions publiques, les services et les établissements publics.

Mme Muguette Jacquaint.

Pourquoi cette discrimination ?

M. Bernard Birsinger.

Le Gouvernement a fait du combat contre les discriminations en raison de la couleur de la peau ou de la consonance du nom une priorité. A n'en pas douter, le débat d'aujourd'hui permettra aussi de progresser sur ces questions. Faire reculer le racisme, et la xénophobie nécessite un combat sans concession. Le droit de vote des étrangers nous aide à faire reculer la haine de l'autre, puisqu'il reconnaît chacun, avec ses différences, à égalité de droits.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Vous pouvez compter sur les communistes pour être de tous ces chantiers, comme ils ont été aux côtés des étrangers dans toutes les conquêtes de droits sociaux nouveaux, et qui apparaissent maintenant comme élémentaires.

Aujourd'hui est un moment essentiel de ce combat pour l'égalité. Il s'agit, dès les prochaines élections municipales, de permettre aux étrangers non communautaires de voter. C'est cette demande qui a été formulée par les associations. C'est ce qui est efficace et permet de rassembler la gauche. C'est un formidable point d'appui pour aller plus loin dans la démocratie et élargir encore le droit de vote et d'éligibilité.

Sur la question du droit de vote des étrangers, la France est en retard sur de nombreux pays de l'Union européenne.

M. Thierry Mariani.

Quatre ou cinq !

M. Bernard Birsinger.

Onze de nos partenaires se sont déjà engagés sur cette voie.

Mme Muguette Jacquaint.

Eh oui !

M. Bernard Birsinger.

A deux mois de la présidence française, l'occasion nous est donnée de poser un acte politique fort, qui signifie toute la dimension citoyenne que notre pays entend donner à l'Europe. J'en profite pour signaler que le Parlement européen a déjà balisé à deux reprises le chemin à suivre en adoptant des motions appelant les pays membres à accorder aux résidents le droit de vote aux élections locales.

Pour en revenir au débat national, le tableau est clair : les Français favorables au vote des étrangers sont passés de 32 % à 52 % en cinq ans ; 73 % des jeunes y sont favorables. Pour répondre à cette attente, nous devons tout mettre en oeuvre pour que le droit de vote des étrangers soit effectif dès les municipales de 2001. Cela implique que le Gouvernement inscrive ce texte à l'ordre du jour du Sénat.

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est pas demain la veille !

M. Bernard Birsinger.

Disant cela, je ne nie pas les obstacles institutionnels que certains évoquent. Loin de moi l'idée de les sous-estimer et de créer ainsi des illusions.

M. Thierry Mariani.

Enfin, un moment de lucidité !

M. Bernard Birsinger.

Mais je crois que la question est d'abord politique. Il n'est au pouvoir de personne, y compris des sénateurs les plus récalcitrants devant les avancées de la société, d'ignorer la volonté populaire et surtout la volonté de la jeunesse. Celle-ci s'est exprimée avec force ces derniers mois et certains discours à gauche ont assez évolué pour qu'on puisse arriver à un vote par la majorité plurielle rassemblée.

M. Rudy Salles.

A quel prix ?

M. Bernard Birsinger.

Ce rassemblement, le groupe communiste y a contribué de manière décisive en s'adressant à tous les groupes de la majorité avant la tenue de la commission des lois, afin que nous allions ensemble à cette bataille. Le résultat d'aujourd'hui nous permet d'être confiants pour l'avenir.

Cette union doit se concrétiser à présent sur le terrain.

Cette volonté unitaire pourra s'exprimer le 27 mai à l'occasion d'une manifestation nationale en faveur du vote des étrangers.

M. Thierry Mariani.

A quelle heure ?

M. Bernard Birsinger.

Ne pas semer des illusions ne veut pas dire faiblir dans nos efforts d'explication, dans notre combat. Ne décidons pas ici, a priori, de la capacité ou non du mouvement populaire de faire bouger les choses d'ici à 2001.

M. le président.

Il faut penser à conclure.

M. Bernard Birsinger.

Je terminerai, monsieur le président, en évoquant le droit de vote des femmes.

M. Thierry Mariani.

Aucun rapport !

M. Bernard Birsinger.

Vous allez voir ! Pour faire avancer cette cause, des maires communistes, dont celui de Bobigny, ont eu le courage, en 1935, d'inscrire sur leur liste des femmes qui, alors, ne votaient pas et n'étaient pas éligibles. Au cas où les choses ne se concrétiseraient pas d'ici aux municipales de 2001, je veux lancer un appel, avec d'autres maires de tous les bords politiques, à copier nos aînés et à mettre sur nos listes des étrangers non communautaires.

M. Thierry Mariani.

Faites-le !

M. Bernard Birsinger.

Chers collègues, le combat pour le droit de vote des étrangers est un chemin qui peut nous paraître long. Mais l'acte qu'il nous est donné d'accomplir aujourd'hui nous permettra de poser sur ce chemin une borne historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Monsieur Albertini, vous avez la parole pour dix minutes et je vous demande de respecter votre temps de parole.

M. Pierre Albertini.

C'est un avertissement, monsieur le

président

?

M. le président.

Non, un constat eu égard à ce qui vient de se passer.

M. Pierre Albertini.

Alors, j'invoquerai le précédent, si vous le permettez. (Sourires.)

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la question du droit de vote des étrangers, même réduit aux élections locales, est un sujet sérieux, j'oserai même dire grave. J'essaierai de le traiter en évitant deux écueils.

D'un côté, l'écueil de la démagogie qui consiste à faire appel à l'émotivité, au sentiment, à l'exploitation des difficultés de nos concitoyens.

M. Bernard Birsinger.

C'est que nous les connaissons bien !

M. Pierre Albertini.

De l'autre, le piège du parti pris, du refus du dialogue, du préjugé ou des idées préconçues.

J'ai étudié avec beaucoup d'attention les propositions qui nous sont faites, et notamment le rapport qui est à la clé de la proposition de loi constitutionnelle déposée par les députés Verts. J'y ai trouvé une argumentation d'apparence généreuse, et même réellement généreuse, qui consiste à dire que le droit de vote est un levier d'intégration, un moyen d'améliorer la situation matérielle des immigrés ou des étrangers en général et qu'il faut l'utiliser comme tel. Cependant, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, je ne suis pas sûr que l'intention initiale, même généreuse, aboutisse à des conclusions fondées.

J'essaierai de vous présenter quelques éléments d'appréciation ou de réponse personnelle en posant les trois questions qui me paraissent les questions clés, celles qui dominent le sujet. Qu'est-ce que la citoyenneté ? Que signifie l'intégration ? Que souhaitent en priorité les étrangers résidant dans notre pays ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Je reprendrai rapidement ces trois questions en me gardant bien d'appliquer la définition que Louis Althusser donnait de l'idéologie.

M. Kofi Yamgnane.

Vous avez de bonnes lectures !

M. Claude Billard.

Excellent philosophe !

M. Pierre Albertini.

Il a mal fini sur le plan personnel, mais c'est en effet un excellent philosophe dont je vous conseille la lecture, y compris sur ces bancs. (Sourires.)

M. Claude Billard.

Je connais mes classiques !

M. Pierre Albertini.

« L'idéologie, disait Althusser, c'est quand on fait précéder les questions par les réponses. »

J'essaierai donc de poser d'abord les questions et, en y répondant au fur et à mesure, d'arriver progressivement à la conclusion qui est celle du groupe de l'UDF.

Première question : qu'est-ce que la citoyenneté ? Elle se définit - c'est un lieu commun de le rappeler mais les choses méritent quelquefois d'être répétées - par l'adhé sion à certaines valeurs et aussi par la volonté de se reconnaître dans des institutions et dans les hommes qui les incarnent. C'est, pour faire simple, le partage d'une histoire commune et, plus encore, l'adhésion à un avenir, à un avenir partagé, à un avenir collectif. Bien entendu, le second élément est beaucoup plus important que le premier.

Or la France présente sur ce plan une particularité qu'il faut garder à l'esprit : la citoyenneté s'y est largement construite autour de l'Etat-nation. C'est une réalité h istorique, sociologique, symbolique que même la construction européenne ne fera pas disparaître en dépit de cinquante ans de rapprochement et malgré des transferts de souveraineté effectués à l'échelon européen.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

La citoyenneté européenne est une citoyenneté de complément, d'addition. Elle ne fait pas disparaître la conviction que chaque Français se retrouve dans l'ensemble national qui s'est construit au fil des siècles. Je crois donc, puisque cette question a été posée à plusieurs reprises devant le Haut Conseil à l'intégration, que citoyenneté et nationalité ayant toujours fait bloc dans notre pays, il convient de ne pas donner, au moins dans les circonstances présentes, le droit de vote, même pour les seules élections municipales, aux étrangers, car c'est un des principes fondateurs de la République qui se trouverait ainsi atteint.

Le Haut Conseil à l'intégration disait très clairement en 1993 que même l'attribution du droit de vote aux élections locales serait incompatible avec la conception de la nationalité et de la citoyenneté qui sont les nôtres.

M. Bernard Birsinger.

Et les Européens ?

M. Pierre Albertini.

La deuxième question : que signifie l'intégration ? Qu'implique-t-elle ? C'est un processus lent et progressif, fondé sur une logique d'égalité et non sur une logique de minorité ou sur une logique communaut ariste. C'est aussi le sentiment d'appartenir à un ensemble solidaire. C'est la conviction d'avoir non seulement des droits, mais aussi des devoirs, qui en sont le pendant naturel.

M. Bernard Birsinger.

Surtout des devoirs !

M. Pierre Albertini.

L'intégration n'implique automatiquement ni l'octroi du droit de vote ni l'acquisition de la nationalité française, qui reste un choix ultime, un choix personnel.

Mes chers collègues, j'attire votre attention, car, très souvent, nous avons tendance à occulter ces problèmes, sur le fait que le modèle français d'intégration, cité en exemple dans le monde entier dans les années soixantedix, connaît aujourd'hui quelques difficultés. Elles sont dues pour partie à la crise économique qui a secoué l'Europe et notre pays, mais aussi aux facteurs qui ont transformé l'immigration dans son origine et qui ont conduit les immigrés à être regroupés dans des territoires, rendant ainsi beaucoup plus complexe la solution des problèmes, la concentration étant source de difficultés accrues.

Enfin, tous les démographes et les sociologues le disent depuis dix ou quinze ans, l'obstacle majeur à l'intégration ne réside pas dans les différences religieuses ni dans la démographie - ces différences s'estompent au fil du temps -, mais dans la structure de la famille, le statut de la femme et la conception du mariage. Relisez ce que l'INED écrit sur le sujet : c'est aujourd'hui l'obstacle no

1. (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Pascal Clément.

Très bien !

M. Kofi Yamgnane.

Non ! Non !

M. Laurent Cathala.

Et les conditions sociales ?

M. Pierre Albertini.

Relisez Michèle Tribalat ! C'est très évocateur ! Elle a d'ailleurs fait une étude extrêmement éclairante reprise dans le rapport d'Irène Théry sur le couple et la filiation. Relisez les travaux de l'INED ! Ne pratiquez pas la démission de la pensée ! Regardez les succès obtenus, mais regardez aussi les échecs de l'intégration ! Il est normal de faire un bilan objectif sur un tel sujet !

M. Kofi Yamgnane.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Birsinger.

Tous les sociologues ne disent pas la même chose !

M. Pierre Albertini.

Or votre approche est strictement juridique. Et l'intégration est un phénomène sociologique beaucoup plus complexe que le simple octroi d'un droit de vote, surtout limité à des élections locales.

Enfin, troisième question : que souhaitent prioritairement les étrangers qui vivent dans notre pays ?

Mme Muguette Jacquaint.

Le droit de vote !

M. Pierre Albertini.

D'abord, l'immigration est diverse.

Elle a changé assez largement d'origine.

La diversité des souhaits des immigrés sur notre territoire est tout à fait normale. Et les motifs pour lesquels ils viennent chez nous, au moins au nombre de trois, ne sont pas réductibles aux mêmes causes. Il y a évidemment la volonté de travailler, mais aussi, - et c'est une cause différente -, le regroupement familial, qui répond à tout autre chose qu'à la volonté de gagner sa vie.

M. Bernard Birsinger.

C'est lié quand même !

M. Pierre Albertini.

Et il y a enfin les réfugiés, qui conservent un lien très fort avec leur pays d'origine, et qui ne sont dans notre pays qu'en raison des difficultés qu'ils rencontrent dans le leur, les droits de l'homme étant, vous le savez, très diversement respectés.

Quelle est la revendication commune à tous les étrangers, quelle qu'en soit l'origine ? D'abord être respectés en tant qu'hommes - le concept de droit de l'homme est un concept universel. C'est aussi la volonté de connaître des conditions de vie décentes. Mais les droits de l'homme, concept universel, et l'attribution d'un droit de suffrage politique sont, permettez-moi de le dire, de nature différente.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Bernard Birsinger.

Et le suffrage universel ?

M. Pierre Albertini.

Beaucoup maintiennent des liens avec leur pays d'origine, et la citoyenneté qu'ils continuent d'y exercer est parfaitement respectable.

M. Kofi Yamgnane.

Heureusement !

M. Pierre Albertini.

Pourquoi les couper du droit de vote qu'ils continuent à exercer dans leur pays ?

M. Bernard Birsinger.

Sauf quand il n'existe pas !

M. Pierre Albertini.

D'autres s'intègrent. Et pour une minorité qui le souhaite, car c'est un choix personnel, la naturalisation vient boucler leur parcours et leur donner, en même temps que la nationalité française, l'exercice de tous les attributs politiques qui s'y attachent. Notre pays, mes chers collègues, n'est pas forcément comparable aux autres, - on a souvent tendance à souligner la singularité française.

M. le président.

Monsieur Albertini, veuillez conclure.

M. Pierre Albertini.

Je conclus, monsieur le président.

En matière de naturalisation et d'acquisition de la nationalité, notre procédure est plus libérale que celle d'autres pays, nous devons en tenir compte. Les derniers chiffres dont je dispose remontent à 1998. Ils font état d'environ 105 000 naturalisations et de 115 000 environ en 1997.

La présente proposition de loi constitutionnelle est à la fois systématique, car elle traite tous les étrangers de la même manière, qu'ils soient ou non européens,...

M. Bernard Birsinger.

Et alors ?

M. Pierre Albertini.

... et réductrice, car elle ne leur donne qu'un droit de vote minoré, tronqué, un droit de vote limité qui ne leur permettra pas d'exercer une citoyenneté complète. C'est une citoyenneté à géométrie variable.

Les priorités pour le groupe UDF sont au nombre de deux, je les énoncerai en conclusion. La première vise à renforcer le socle fragile de la démocratie dans notre pays.

Ne jouons pas les apprentis sorciers ! Ce n'est pas parce que M. Le Pen a une logique suicidaire que ceux auxquels il s'adresse, que les sentiments auxquels il fait appel ont pour autant disparu. La xénophobie et l'extrémisme sont des phénomènes récurrents dans notre pays qui a connu un antisémitisme de gauche comme de droite.

Notre seconde priorité est de rendre notre politique d'immigration à la fois plus sélective en amont, c'est-àdire dans l'établissement de véritables contrats d'objectifs avec les pays émetteurs de main-d'oeuvre, et beaucoup plus généreuse pour ceux qui viennent sur notre territoire. Disant cela, j'ai le sentiment d'être en accord avec les propos tenus hier après-midi par Raymond Barre sur LCI.

Voilà pourquoi le groupe UDF rejettera cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie françaiseAlliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, vous présentez un texte virtuel. Je n'y insisterai pas, un certain nombre de mes collègues l'ont fait, en particulier lors des motions de procédure.

Il est étonnant - cela me permettra d'introduire le deuxième point, un texte dangereux - que cette proposition de loi, qui, vous le savez, ne peut être votée par le Sénat,...

M. Kofi Yamgnane.

Et pourquoi ?

M. Pascal Clément.

Parce que nous savons d'avance qu'il ne le voudra pas pour les raisons que je vais tenter de vous expliquer.

M. Thierry Mariani.

Le texte ne sera même pas inscrit à l'ordre du jour !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Clément.

M. Pascal Clément.

Ne nous cachons pas, mes chers collègues, que pour des raisons formelles, pour des raisons fondamentales, le Sénat ne votera pas ce texte. Pour les mêmes raisons - mais là je ne suis pas prophète - je pense que les Français ne le voteraient pas non plus s'il leur était soumis par référendum, comme c'est obligatoire s'agissant d'une proposition de loi constitutionnelle.

M. Jean-Louis Debré.

Voilà !

M. Kofi Yamgnane.

Quelle vision de la démocratie !

M. Pascal Clément.

Dès lors, ce texte virtuel n'aurait pour effet que de faire débattre pro forma l'Assemblée nationale, et l'Assemblée nationale seule, d'un sujet qui ne débouchera sur aucune disposition législative. A défaut d'une motivation législative, il doit donc exister une raison politique.

M. Jean-Louis Debré.

Bien sûr !

M. Pascal Clément.

Une telle raison est, à mes yeux, dangereuse.

Il est de bon ton, dans les rangs des gens les plus éclairés de la société française, c'est-à-dire, vous l'aurez devi né, à gauche,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ah bon ?

M. Pascal Clément.

... de considérer que M. Le Pen, du fait de la division dans son parti, n'a plus aucune chance d'être dangereux.

Je me mets un instant à la place de ceux qui, à gauche, pensent que le parti de M. Le Pen est dangereux. Si vraiment vous le considérez comme tel...

M. Jean-Louis Debré.

Ils ne le pensent pas !

M. Pascal Clément.

... comment osez-vous donner la moindre chance de réactivation à cette formation politique fondée sur le racisme ?

M. Rudy Salles.

Ça leur manque !

M. Jean-Louis Debré.

Ils en ont besoin !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Pascal Clément.

Vous dites qu'il n'y a aucune chance. Mais qu'en savez-vous ? Ou alors - et je n'ose le croire -, les Verts, qui sont à l'origine de la proposition de loi et qui sont pour beaucoup le fruit d'une élection triangulaire,...

M. Jean-Louis Debré.

Mais oui !

M. Pascal Clément.

... seraient évidemment ravis - ce n'est pas le cas de M. Mamère, mais c'est le cas de bien d'autres - de retrouver cette situation.

Ce texte est donc effroyablement dangereux. Nous en sortons à peine que certains d'entre vous jouent avec le feu.

M. Bernard Birsinger.

Pas vous ?

M. Pascal Clément.

Mais non content d'être virtuel et dangereux, ce texte est en outre ambigu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Jean-Louis Debré Très bien !

M. Pascal Clément.

J'ai lu la presse, j'ai écouté la radio, tous disent la même chose ; la majorité propose de faire voter les étrangers aux élections municipales.

M. Bernard Birsinger et

M. Kofi Yamgnane.

Oui !

M. Pascal Clément.

Or ce n'est pas ça ! Il faut distinguer la proposition de M. Mamère et de ses collègues et ce que l'on a appelé la synthèse du parti socialiste.

M. Bernard Birsinger.

De toute la gauche !

M. Pascal Clément.

La proposition de loi de M. Mamère est beaucoup plus grave : non seulement il veut le vote des étrangers, mais il veut qu'ils puissent être élus conseillers municipaux - c'est le cas des socialistes, j'y reviendrai -, mais aussi...

M. Thierry Mariani.

Conseillers généraux !

M. Pascal Clément.

... qu'ils puissent être adjoints ou maires. Et je n'ai pas terminé : il veut aussi qu'ils puissent être élus au conseil général et au conseil régional ! Aucun média, à ma connaissance, n'a repris la proposition de loi de M. Mamère et de ses collègues.

M adame la garde des sceaux, permettez-moi de m'étonner. Tout le monde parle de cette loi comme si elle était déjà amendée par le Gouvernement. Autrement dit, comme si le Gouvernement l'avait transformée en projet, l'avait réduite à la synthèse dont je parlais à l'instant : le droit de vote, mais aussi l'éligibilité des étrangers aux fonctions de conseiller municipal, ce qui n'a rien à voir.

Et je serais très curieux de savoir si cette « lettre », pour moi confidentielle, la lettre dite « citoyenne »...

M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Non, La Lettre de la citoyenneté.

Vous ne devez pas la lire souvent !

M. Thierry Mariani.

Un dazibao !

M. Pascal Clément.

Son nom seul prouve son appartenance intellectuelle, c'est-à-dire sa totale « objectivité » ! Un sondage isolé publié dans une lettre confidentielle, évidemment tendancieuse, nous explique qu'il existe maintenant - c'est le plus beau - une demande qualifiée de « populaire », ou de « sociale », pour l'octroi du droit de vote aux étrangers.

Je m'arrêterai un instant sur la « demande populaire ».

Ce texte est, là encore, profondément dangereux.

Imaginons que - et ceci n'est pas très difficile 5 à 10 % de la population française soit très profondément, très viscéralement opposée à ce type de proposition de loi. Qu'adviendrait-il si elle était adoptée ? Loin d'améliorer la possibilité d'intégration des étrangers, loin d'apporter la sérénité à la société française après quinze ans de difficultés dont nous avons tous eu à souffrir - là je ne fais pas de distinguo - vous réactiveriez les problèmes.

Par conséquent, ce texte est non seulement dangereux, mais il est irréfléchi. Un texte cohérent au plan intellectuel aurait eu le mérite de traiter le problème. Si l'on veut vraiment faciliter et hâter l'intégration des étrangers et je suppose, monsieur le rapporteur, que, derrière votre proposition de loi, cette volonté existe, car je ne mets pas en cause votre intention, même si j'en discute les moyens -, alors la question de l'acquisition de la nationalité, d'une part, et celle, hypothétique, du vote des étrangers aux élections municipales, d'autre part, devraient être traitées globalement.

Comme Claude Goasguen l'a très bien montré hier en d éfendant l'exception d'irrecevabilité, tous les pays d'Europe qui accordent ce droit aux étrangers pour les élections municipales - et c'est généralement ce que vous nous objectez - sont dotés d'un droit de la nationalité qui n'a strictement rien à voir avec le nôtre.

Nous avons eu ce débat en France pendant plusieurs années. J'en rappelle l'historique, c'est toujours intéressant. Lors de la première cohabitation, de 1986 à 1988, le Premier ministre de l'époque avait souhaité qu'une commission pluraliste d'intellectuels et de religieux travaille sur cette question. Et comme rien n'est meilleur pour une loi que de décanter un peu, elle a dormi et s'est réveillée, en 1993, de par la volonté d'un autre gouvernement, celui d'Edouard Balladur. A cette époque - et mes collègues de gauche qui étaient présents devraient s'en souvenir - tout le monde considérait que nous étions arrivés à l'équilibre : nous gardions le principe républicain du droit du sol issu de la Révolution française et peutêtre même avant. Cela présentait l'intérêt d'être acquis depuis des générations, ce qui n'est pas le cas partout - je pense à l'Allemagne notamment. Cette volonté de devenir français répondait à une exigence : « Vous accédez à une nationalité enviable - la nationalité française - et vous allez montrer l'expression de votre volonté. »

M. Claude Goasguen.

Absolument !

M. Pascal Clément.

Cette loi a été votée. Je rappelle que la gauche s'y était mollement opposée parce que, je le répète, ce texte avait mis plusieurs années à décanter et qu'il avait été accepté par des courants philosophiques et religieux différents. Nous étions à l'équilibre.

Or quelle est la première chose que vous ayez faite en revenant au pouvoir voilà maintenant trois ans ? C'est de démonter cette loi, fruit d'un équilibre et d'une maturation,...

M. Claude Goasguen.

C'est vrai !

M. Pascal Clément.

... et vous êtes revenus au principe d'acquisition automatique de la nationalité française.

M. Kofi Yamgnane.

Heureusement !

M. Laurent Cathala.

Le droit du sol !

M. Pascal Clément.

Vous avez banalisé cette acquisition.

Pensez aux professions qui prêtent serment. J'en connais une pour la pratiquer, celle d'avocat. Prêter serment est un événement fort pour un avocat, il s'en souviendra toute sa vie. Et on deviendrait français automatiquement ? M. Jean-Antoine Leonetti et

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. Pascal Clément.

Voyez-vous, monsieur Mamère, fondamentalement, ce qui nous distingue, ce n'est même pas la loi de Mamère, c'est cela : il fallait vouloir être français.

M. Claude Goasguen.

Absolument !

M. Pascal Clément.

Cet acte d'adhésion n'est pas la volonté de tous, certains veulent rester suédois, algériens, turcs, grecs et vivre en France. En contrepartie d'une ancienneté dans notre pays et alors qu'ils ne veulent pas acquérir la nationalité française, on leur donnerait le droit de vote aux élections municipales ? Personnellement, je trouverais cela assez équilibré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Le problème, vous l'avez regardé par le petit bout de la lorgnette sans le voir dans sa globalité.

Il existait une approche belle pour la France - on souhaitait devenir français, on ne le devenait pas par hasard - et belle quant à l'accueil fait aux étrangers de longue durée. Mais il y avait un équilibre. Dans ce texte, il n'y a plus rien, sauf l'idée à laquelle vous croyez : en donnant des droits, les uns après les autres, les étrangers s'intégreront. Or, mes chers collègues, ils s'intègrent de moins en moins ! Et un problème - je suis peut-être le seul à le penser, et j'espère que je ne vais pas me faire huer - m'a fait souffrir. Après le tragique événément survenu dans le département du Nord voilà quelques jours, qui est au moins un dérapage, peut-être un homicide - la justice le dira -, j'ai ressenti pour les parents de ce jeune homme une vraie compassion. Mais ce qui m'a profondément choqué, c'est la suite : le droit de représailles que s'est arrogé une communauté...

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Pascal Clément ... qui, pendant quarantehuit heures, a pillé, vandalisé, incendié un quartier sans que les autorités de la République ne réagissent ni semblent juger cela condamnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Birsinger.

C'est honteux !

M. Bruno Le Roux.

Scandaleux !

M. Pascal Clément.

Qu'est-ce qui est scandaleux ?

M. Bruno Le Roux.

Votre lecture des choses !

M. Pascal Clément.

Ce qui est scandaleux, c'est de l'avoir laissé faire ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Kofi Yamgnane.

Arrêtez !

M. Bruno Le Roux.

Ne dites pas n'importe quoi !

M. Bernard Birsinger.

C'est ce discours qui amène le Front national !

M. Pascal Clément.

Je suis donc totalement opposé à votre proposition de loi, car elle constitue la première pierre de l'édifice du communautarisme en France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Kofi Yamgnane.

Oh là là !

M. Pascal Clément.

Si vous le permettez, je vais vous en donner l'illustration.

Demain, vous donnez le droit de vote à une communauté. Ne croyez-vous pas que, d'une part, la communauté marocaine, d'autre part, la communauté algérienne ou la communauté turque (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Ce n'est pas à une communauté que l'on donne le droit de vote !

M. Bruno Le Roux.

Ce n'est pas ce qui se passe avec les Italiens et les Espagnols en ce moment ?

M. Pascal Clément.

Mes chers collègues, mes propos vous ennuient peut-être, mais laissez-moi parler !

M. Bruno Le Roux.

C'est nul ! Ce sont des fantasmes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Rudy Salles.

Laissez parler M. Clément !

M. le président.

Monsieur Le Roux, voulez-vous laisser

M. Clément s'exprimer, je vous prie.

M. Bruno Le Roux.

Il dit n'importe quoi ! Il exprime ses fantasmes !

M. le président.

Si vous voulez parler, inscrivez-vous dans le débat.

M. Bruno Le Roux.

Qu'il arrête ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Il a tout de même le droit de s'expliquer !

M. Thierry Mariani.

Voilà leur conception de la démocratie !

M. le président.

Monsieur Clément, poursuivez.

M. Pascal Clément.

Monsieur Le Roux, la démocratie ce n'est pas d'arrêter de dire ce que l'on pense. Des orateurs de la majorité se sont déjà exprimés et je voudrais pouvoir le faire à mon tour.

Sans doute d'ailleurs avez-vous mal suivi mes propos, car certains auraient pu faire l'unanimité dans cette assemblée. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Kofi Yamgnane.

Cela m'étonnerait !

M. Pascal Clément.

C'est bien dommage. Je reprends.

Je pense donc que vous êtes en train de poser la première pierre d'un mur qui va fonder le communautarisme en France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Claude Goasguen.

C'est la vérité, vous le savez bien !

M. Pascal Clément.

En effet, il y aura ensuite des votes p ar communautés, quelles qu'elles soient, monsieur Le Roux, mais cela sera plus particulièrement vrai pour celles que j'ai citées, ce qui constituera un grand risque pour notre pays.

M. Bruno Le Roux.

Les Maghrébins et les Noirs, sans doute ! N'importe quoi !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Arrêtez de provoquer ! Ecoutez M. Clément !

M. René André.

Laissez-le s'exprimer !

M. Bruno Le Roux.

On connaît ce discours !

M. le président.

Monsieur Le Roux, arrêtez !

M. René André.

Qu'il se calme !

M. le président.

Voulez-vous donc que je suspende la séance pour vous permettre de retrouver votre calme ? (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bruno Le Roux.

Les Maghrébins et les Noirs vont s'organiser. Voilà ce qu'il dit !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. le président.

Arrêtez, monsieur Le Roux.

Monsieur Clément, je vous demande d'attendre que l'Assemblée ait retrouvé son calme.

M. Bruno Le Roux.

Et les Italiens et les Espagnols ?

M. le président.

Monsieur Le Roux, je vous demande de vous taire ! Je ne vous le demanderai pas encore une fois !

M. Bruno Le Roux.

Je me tais, mais c'est n'importe quoi ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Scandaleux !

M. Bruno Le Roux.

C'est prétendre que les Maghrébins et les Noirs vont s'organiser qui est scandaleux !

M. Pascal Clément.

Je voudrais reprendre, si possible, monsieur le président.

M. le président.

Monsieur Clément, je vous demande encore une minute. Cela sera décompté de votre temps de parole.

Monsieur Le Roux, l'orateur qui est à la tribune de l'Assemblée a le droit de s'exprimer comme il l'entend.

M. Pascal Clément.

C'est cela la liberté, monsieur Le Roux.

M. le président.

Je vous demande de l'écouter comme d'autres écoutent des propos qu'il ne leur plaît pourtant pas d'entendre.

M. Bruno Le Roux.

Pas n'importe quoi !

M. le président.

Le débat est assez difficile. Si vous ne respectez pas la discipline de l'Assemblée, je me verrai conduit à suspendre la séance pour que vous retrouviez votre calme.

Nous venons de perdre cinq minutes pour rien, monsieur Le Roux.

M. Thierry Mariani.

On reprendra la semaine prochaine.

M. le président.

Monsieur Clément, veuillez poursuivre. Je décompterai les interruptions de votre temps de parole.

M. Pascal Clément.

Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir sur une idée forte approuvée sur de nombreux bancs : la nécessité d'éviter le communautarisme, car il a fait le malheur de tous les pays qui l'ont instauré, et de revenir à l'ambition républicaine. Sans lui faire de procès, je suppose que si M. Chevènement n'est pas présent c'est parce qu'il est aussi sensible que moi au dérapage communautariste inscrit dans ce texte et qui va à l'encontre de notre volonté d'intégration.

M. René André et M. Claude Goasguen.

Très juste !

M. Pascal Clément.

A cet égard, je vous renvoie à deux livres de M. Jelen, lequel ne devrait pas être suspect à vos yeux, monsieur Le Roux, dont l'un a été publié après sa mort. Ils démontrent combien il s'agit d'un problème français.

Alors que nous avons évité l'écueil du communautarisme depuis trente ans, l'adoption de ce texte l'instaurerait.

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas accepter la proposition de loi verte.

Nous refusons évidemment que l'on permette aux intéressés d'être élus conseillers municipaux. On peut d'ailleurs se demander jusqu'où cela ira ensuite : adjoint, maire, conseiller général, conseiller régional, etc.

Par ailleurs, quel serait, dans ces conditions, l'intérêt de la naturalisation ? En effet, le texte des Verts pose la condition de cinq ans de résidence pour être électeur et éligible. Or je vous rappelle qu'il faut aussi cinq ans pour devenir français.

Où serait alors l'intérêt de devenir français ? Que devient l'encouragement à l'intégration ? Cela n'existe plus.

Au contraire, vous allez faire en sorte que les gens ne deviennent pas français puisque vous voulez leur accorder, de plus en plus, les mêmes droits qu'à nos concitoyens.

Cela est le contraire de l'intégration républicaine. Cela est contraire à l'amour de la France et à la volonté que les gens soient heureux dans ce pays.

M. le président.

Monsieur Clément, il est temps de conclure.

M. Pascal Clément.

J'en termine, monsieur le président.

Parce que ce texte est imprudent, parce que ce texte est ambigu, parce que ce texte est dangereux, parce que ce texte favorise le communautarisme, le groupe Démocratie libérale ne peut l'accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Chers collègues, je vous demande instamment de respecter non seulement votre temps de parole, mais aussi les orateurs. Je ne suis pas décidé à supporter de tels incidents s'ils se reproduisaient. En ce cas je suspendrais la séance, voire je la lèverais. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Que les choses soient claires : cela vaudra de quelque côté que viennent les incidents ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Barrau.

Ne cherchez pas de prétexte !

M. Bernard Birsinger.

Il aurait été bien d'intervenir, quand j'étais à la tribune !

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Madame la ministre, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il paraît assez irréel de débattre du droit de vote des étrangers aux élections municipales au lendemain d'un long week-end, un peu à la sauvette, un mardi matin de bonne heure et un mercredi soir où, d'ordinaire, beaucoup de députés ont dû rentrer dans leur circonscription, alors que les intéressés eux-mêmes ne le réclament pas, vingt ans après la présentation des 101 propositions, celle-ci n'ayant jamais été mise en oeuvre durant deux septennats.

D'ailleurs, cette proposition de loi de la majorité gouvernementale accouche d'un texte minimal pour ne pas gêner un gouvernement qui n'a pas osé le présenter luimême, sachant pertinemment que nos concitoyens sont pour le moins partagés sur ce sujet.

Est-ce vraiment la bonne méthode pour faire évoluer les esprits et progresser la démocratie comme vous l'affirmez ? Ne faut-il pas y voir, au contraire, une provocation gratuite, comme vous y excellez depuis 1981, destinée à susciter des réactions vives et à conforter des formations extrémistes que vous vous empresserez de condamner


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

ensuite dans un grand élan de sincérité qui n'échappera à personne ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Est-il bien décent, sur un sujet aussi délicat, d'agiter le chiffon rouge, ou vert, pour exciter ceux de nos concitoyens qui sont en prise directe avec tous les problèmes de l'intégration, dégradant ainsi un peu plus la concorde civile qui doit pourtant être le but de tout représentant du peuple.

Avec cette proposition, c'est un peu de l'édifice républicain que vous mettez à bas. Il est pour le moins surprenant que ce soit ceux qui se veulent les héritiers exclusifs de la Révolution française qui le remettent en cause par une technique que l'on pourrait appeler celle du salami si l'on en juge par ce que vous avez fait depuis près de trois ans : assouplissement des conditions d'acquisition de la nationalité française devenue automatique, mise en place de la « discrimination positive » ethnique et sociale lors des accords de Nouméa, discrimination positive toujours avec la loi sur la parité, remise en cause du mariage républicain par son succédané le PACS (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , élargissement du droit de vote aux citoyens européens dans les élections au Parlement européen et aux élections municipales.

Aujourd'hui, vous nous proposez l'extension de ce droit à tous les résidents étrangers, après avoir juré, ici même, qu'on n'irait pas au-delà de ce que le traité de Maastricht imposait.

S'il a effectivement pu se produire qu'en de rares circonstances, d'ailleurs liées à des événements exceptionnels, le législateur détache la citoyenneté de la nationalité, il a alors toujours été conduit à distinguer des degrés dans celle-ci et, finalement, à créer des citoyens de seconde zone. Sur les vingt et une constitutions qu'a connues notre pays depuis un peu plus de deux siècles, huit ne furent jamais appliquées, dont celle du 24 janvier 1793 à laquelle vous faites commodément référence.

M. Alain Barrau.

C'est bien dommage !

M. Lionnel Luca.

Cela est bien le signe que la citoyenneté dans la République ne peut s'identifier qu'à la nationalité.

M. Alain Barrau.

Cela a été le mot d'ordre de 1848 !

M. Lionnel Luca.

Fonder un droit de vote, même limité, sur des critères de pure civilité tels que le fait de partager la vie quotidienne des nationaux revient à vider de tout contenu l'idée de nationalité.

Penser le social dans son immédiateté, détaché de toute inscription culturelle, de toute histoire, replié uniquement sur le quotidien entre les hommes, c'est nier l'existence d'une société politique distincte en son essence de la société civile, appréhendée sur un mode différentialiste sans plus aucun principe d'unité de l'identité collective.

Distinguer une citoyenneté locale et une citoyenneté nationale revient à nier la notion même de citoyenneté dans sa complexité historique et politique, ce qui vous amènera à étendre naturellement ce droit de vote.

Le professeur Rosenvallon, qui ne passe par pour un esprit extrémiste, a écrit, dans Le Sacre du citoyen : « Il n'y a pas de citoyen démocratique possible si la figure de l'étranger est niée, si l'étranger n'est pas pensé politiquement, dans son extériorité vis-à-vis de la cité, sinon ce dernier ne sera reconnu que de la façon la plus sauvage sous les espèces d'un clan, de l'ethnie ou de la race. »

En fait, il n'est que deux façons de concevoir positivement la nécessaire intégration des étrangers : soit par l'assimilation politique dans la nation avec la naturalisation qui est l'inscription dans une histoire et dans une culture politique ; soit par l'insertion économique et sociale dans la société civile. Il n'existe pas de troisième voie possible. La citoyenneté, comme la nationalité, ne se partage pas.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Luca, il faut conclure.

M. Lionnel Luca.

J'ai fini, monsieur le président.

L'argument d'un droit de vote local pratiqué dans quelques rares pays est de peu de valeur puisque, on l'a rappelé, ceux-ci sont les moins assimilationnistes.

Avec l'idée du droit de vote, c'est en fait un déficit de civilité que l'on veut combler parce que l'on n'a pas su régler les problèmes des immigrés, qu'il s'agisse de logement, de travail ou des quartiers. On croit ainsi pouvoir transfigurer ces difficultés.

Il va de soi, d'ailleurs, que cette nouvelle tranche de salami en appellera d'autres : le droit de vote et l'élection à tous les échelons locaux, puis à toutes les élections, car on ne saurait concevoir sérieusement un distinguo entre des élections qui seraient politiques et d'autres qui ne le seraient pas.

Le Rassemblement pour la France, attaché aux valeurs républicaines, à l'identification de la citoyenneté à la nationalité et à la naturalisation par engagement volontaire, ne vous suivra pas sur la voie de ce qui ne restera qu'une provocation.

Quant aux résidents étrangers, permettez-moi de vous le dire, s'ils veulent s'intégrer à la nation française, ils feront comme l'a fait mon père en son temps : ils demanderont la nationalité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour une majorité désormais de la population française, n'en déplaise à certains, reconnaître le droit de vote pour les élections locales aux étrangers extracommunautaires, durablement installés en France, est non seulement une position juste et équitable, mais encore elle s'inscrit dans le courant de l'histoire.

En effet, l'histoire du droit de vote en France est toujours allée dans le sens d'un élargissement et il apparaît logique de poursuivre cette démarche qui permettra aux personnes concernées d'avoir un droit de regard sur leur destin ! Ainsi, lorsque le droit de vote a été instauré en 1789, il a d'abord eu un caractère censitaire, réservant le suffrage aux seules personnes acquittant un minimum d'impôt.

En 1848, il a été accordé à tous les citoyens masculins sans conditions de revenus. En 1945 seulement, il a été reconnu aux femmes. Enfin, en 1974, l'âge minimum a été abaissé de vingt et un ans à dix-huit ans. C'est pourquoi, aujourd'hui, son élargissement aux étrangers pour l es élections municipales suit une logique qui a deux siècles ! Il s'inscrit dans le droit fil de deux cents ans d'une tradition républicaine dont nous sommes tous fiers !

M. Alain Barrau.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ainsi que l'a rappelé le rapporteur, la constitution de 1793 proclamait déjà :...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Comme cela sera le cas de ce texte, elle n'a jamais été appliquée !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Et alors ? L'idée avait déjà germé il y a deux siècles ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Elle proclamait donc : « Tout étranger âgé de vingt et un ans, domicilié en France depuis une année, qui y vit de son travail ou acquiert une propriété, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l'humanité est admis à l'exercice des droits de citoyen français. »

La proposition qui vous est soumise n'a donc rien d'une nouveauté absolue née d'élucubrations d'écologistes empreints de cosmopolitisme ; elle n'est pas exotique ni utopique. Si on peut la dire « révolutionnaire », c'est en ce qu'elle se situe dans la continuité de l'action des premiers républicains qui, s'ils n'avaient pas instauré un suffrage réellement universel, avaient néanmoins eu la clairvoyance de reconnaître la pleine citoyenneté aux étrangers installés en France.

Aujourd'hui, il s'agit aussi, très concrètement, de développer par tous moyens la participation à la vie politique et à la pratique du vote. En effet, comment expliquer à un jeune Français issu de l'immigration qu'il doit voter quand on n'a jamais eu la lucidité d'accorder à ses parents le droit à la parole en la matière ? Le problème de l'intégration des jeunes et celui du droit de vote des étrangers extracommunautaires sont certes de nature différente. Cependant, je suis convaincue qu'accorder le droit de vote aux étrangers, donc aussi aux femmes étrangères, participe pleinement de ce processus engagé par le Gouvernement et sa ministre de l'emploi et de la solidarité, Martine Aubry, en matière d'intégration et d'émancipation.

Il faut le faire aujourd'hui et pas demain, n'en déplaise à ceux qui s'interrogent soit sur le bien-fondé de cette proposition de loi, soit sur son opportunité, avec des arguments trop connus et ressassés mille fois, à chaque fois qu'il s'agit de moderniser notre vie politique ! A ceux-là nous demandons de cesser de renvoyer cette proposition toujours à plus tard et de cesser d'utiliser les immigrés comme les otages de luttes partisanes !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Personne ne le fait !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Au nom de l'histoire, de leur rôle notamment dans la reconstruction de notre pays, accorder le droit de vote à tous les étrangers résidents constitue non seulement un droit, qu'il s'agit ici de mettre en oeuvre, mais aussi un devoir. Les responsables politiques doivent certes être à l'écoute des inquiétudes de leurs concitoyens, mais ils peuvent aussi faire oeuvre pédagogique et faire progresser des idées neuves.

Ainsi, Pierre Mendes-France, comme cela a déjà été rappelé, a été un précurseur quand, en décembre 1936, dans sa commune de Louviers, il a fait élire des conseillères municipales associées alors que le droit de vote ne sera accordé aux femmes que neuf ans plus tard, après de multiples étapes.

M. Gérard Hamel.

Cela n'a rien à voir !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Si, la méthode a à voir ! Enfin les étrangers extracommunautaires dénoncent à juste titre une inégalité de fait avec les étrangers issus d'Etats membres de l'Union européenne. En effet, la situation devient très paradoxale en France : alors qu'un Autrichien installé depuis un an peut voter et se présenter à une élection municipale dans son village, un ouvrier marocain installé depuis plus de trente ans dans ce village, y ayant travaillé souvent aux travaux les plus pénibles, ayant payé ses impôts, y ayant scolarisé ses enfants, y ayant fait sa vie tout simplement, n'a pas droit de regard sur la vie de la cité.

M. Gérard Hamel.

Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Caricature !

M. René André.

Il peut se faire naturaliser !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Les non-communautaires sont pourtant quatre fois plus nombreux, qu'ils viennent de nos anciennes colonies - mais, ce souvenir dérange peut-être certains -, ou, tout simplement, de Suisse, de Hongrie, pays où se trouve le Premier ministre aujourd'hui, de Turquie.

Aucun traité, aucune convention internationale avec les avantages en résultant ne saurait justifier une telle inégalité, une telle injustice de fait ! Même si j'ai été de celles et ceux qui se sont réjouis de l'octroi du droit de vote aux ressortissants communautaires, accordé par la France avec bien du retard à la fin de 1997, je n'oublie pas que nous avons été parmi les derniers en Europe, à accepter ainsi réellement l'existence d'une citoyenneté européenne, instituée pourtant par le traité de Maastricht en 1992.

M. Gérard Hamel.

Hélas !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Alors que nous étions frileux en la matière, plusieurs Etats membres de l'Union européenne nous ont montré que l'on pouvait aller encore plus loin en accordant le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Tel est le cas des Pays-Bas, de l'Irlande, du Danemark, de la Suède. Or je ne crois pas que l'équilibre de ces pays en ait été bouleversé.

Contre l'exclusion sociale, nous proposons aussi l'insertion politique. Contre la passivité et la déresponsabilisation, nous proposons la citoyenneté « participative »,...

M. Gérard Hamel.

Et durable !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... celle qui fait de vous un être qui existe, qui est reconnu, car il a son mot à dire.

Bien sûr, le droit de vote n'est pas le seul moyen d'être citoyen, nous le savons bien. Il n'est pas suffisant, mais il est tellement symbolique ! Pouvez-vous imaginer ce que peuvent ressentir, lors de la retransmission, toutes chaînes confondues, d'une élection importante, ceux qui en ont été exclus ? Comment s'impliquer dans la cité, se sentir appartenir à une communauté de destin lorsque le plus élémentaire des droits - celui que les nationaux, d'ailleurs, négligent de plus en plus, parce qu'il semble devenu une évidence - demeure inaccessible ? Malgré cela, les étrangers, surtout issus de l'immigration, s'engagent et réclament ce droit : y a-t-il plus belle preuve de citoyenneté que cette volonté ? Enfin, un nombre croissant de gens, et notamment de jeunes, expriment un attachement plus grand à des valeurs universelles qu'à un territoire, qu'à une nation, et se sentent solidaires de leurs voisins du bout du monde qu'ils rencontrent par les voyages ou sur Internet. Le monde se rétrécit. Les marchandises et les capitaux n'ont pas de frontières, ce qui n'est pas toujours pour le plus grand bien des populations... Les hommes seraient-ils les seuls à être freinés dans leurs échanges ? Les mouvements du Nord comme du Sud sur l'OMC, par exemple, ont montré, si la conférence de Rio n'avait pas suffi, l'émer-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

gence d'une citoyenneté planétaire. A terme, il faudra bien faire montre de plus de souplesse et de réflexion dans notre vision de la Nation, de l'Etat. S'arc-bouter sur une Constitution faite pour d'autres et pour une époque aujourd'hui révolue n'est plus pertinent. Si nous n'avons pas encore su la réformer profondément, faisons-la au moins évoluer dans le bon sens.

La citoyenneté n'est pas censée être éternellement liée à la nationalité ! L'exercice du droit de vote, le fait d'être électeur et éligible sont des principes universels fondés sur la liberté, l'égalité, la fraternité. Il est grand temps que notre assemblée retrouve son rôle de précurseur et d'animateur du débat politique.

Il n'est pas écrit d'avance, comme le prétendent ceux qui veulent l'enterrer, que ce texte n'ira pas à son terme.

Si un référendum est, comme sur d'autres sujets, nécessaire, pourquoi ne pas l'organiser ? Plus globalement, la Constitution de la Ve République s'essouffle et montre encore une fois ses limites. Il devient nécessaire et même urgent de fonder une VIe République plus adaptée aux réalités de notre temps et aux exigences de nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour une démocratie plus transparente, plus participative, plus ouverte et plus généreuse à l'égard, notamment, de nos voisins de l'Est comme des habitants du Sud. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gérard Hamel.

Il ne faut pas parler de ce que l'on ne connaît pas. Ce sont des mots, tout ça !

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord permettez-moi de rappeler - il faudra bien le dire plusieurs fois pour que l'on s'en souvienne - que le débat qui nous occupe ce soir est récurrent à gauche et revient très régulièrement, pour des raisons diverses.

M. Gérard Hamel.

Il revient notamment avant les élections !

M. Rudy Salles.

Dois-je faire observer que, cette fois, c'est un chantage, un marchandage, sur le vote de la loi sur la chasse qui nous vaut la discussion de ce texte ?

M. Claude Goasguen.

Ah, la chasse !

M. Rudy Salles.

Mais je ne veux pas épiloguer plus avant sur cette cuisine interne à la majorité plurielle qui, finalement, n'est pas très intéressante. J'en viens immédiatement à l'examen de cette question sur le fond.

J'ai été et je reste favorable à l'octroi du droit de vote aux citoyens de l'Union européenne aux élections municipales. Cette mesure est aujourd'hui effective. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

C'est la loi de toute façon ! Vous ne pouvez que l'appliquer !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Salles.

M. Rudy Salles.

Je voudrais pouvoir parler dans le silence ! Nous n'avons pas interrompu Mme Aubert.

Les Européens ne sont plus, entre eux, des étrangers comme ils peuvent l'être avec des ressortissants d'autres pays. Ils participent à la réalisation d'un projet commun.

Ils partagent un idéal commun, des valeurs communes comme le respect des droits de l'homme et la reconnaissance de la démocratie. Ce sont là des conditions exigées des pays qui adhèrent à l'Union.

M. Alain Néri.

Des Autrichiens, par exemple !

M. Rudy Salles.

Il y a enfin le principe de réciprocité entre chaque Etat de l'Union, ce qui, évidemment, a son importance.

En revanche, répondre oui à votre proposition de loi, c'est-à-dire oui au droit de vote accordé aux personnes étrangères à l'Union européenne aux élections locales dans notre pays, consisterait à créer un statut de demicitoyen. En effet, l'étranger pourrait voter à certaines élections et pas à d'autres. Selon le vote intervenu en commission des lois, serait reconnu aux étrangers le droit de vote aux élections municipales uniquement et non à toutes les élections locales - départementales et régionales - comme le prévoyait le texte initial, comme Pascal Clément l'a très justement rappelé...

M. Pascal Clément.

Merci, cher collègue !

M. Rudy Salles.

Le fonctionnement de notre démocratie manque déjà de clarté du fait de la multiplicité des modes de scrutin, des différences de durée des mandats et de l'enchevêtrement des institutions et des responsabilités.

Je crois qu'une telle mesure rendrait celui-ci encore plus difficile à déchiffrer.

Par ailleurs, si je ne suis pas convaincu que cette proposition soit de nature à mobiliser les étrangers et à faciliter leur intégration, je suis persuadé, en revanche, qu'elle risquerait, comme cela a déjà été dit, de susciter des réactions xénophobes, ce dont nous ne voulons en aucun cas.

C'est d'ailleurs à cause de propositions de ce type, qui figuraient déjà dans les 110 propositions de 1981 - on a donné le numéro quatre-vingt à cette proposition - que François Mitterrand a permis - je ne dirai pas « a voulu » - le développement du Front national dans notre pays, ce qui a bien servi les intérêts politiciens de la gauche jusqu'aux dernières élections législatives, cantonales et régionales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Outin.

Cela a bien servi les vôtres aussi !

Mme Muguette Jacquaint.

Cela vous a bien arrangés : il y en a parmi vous qui se sont fait élire grâce à eux !

M. Rudy Salles.

Laissez-moi parler, je vous prie. J'ai battu Jean-Marie Le Pen ! Vous n'en avez pas fait autant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Poursuivez, monsieur Salles. Ne répondez pas aux provocations !

M. Rudy Salles.

Pour une meilleure intégration des étrangers vivant sur le sol français, je pense qu'il y a mieux à faire.

Tout d'abord, je propose que la reconnaissance de la vie associative par les municipalités soit rendue institutionnelle par la création de « conseils des associations ».

M. Kofi Yamgnane.

C'est déjà fait !

M. Rudy Salles.

Ces conseils pourraient être réunis régulièrement pour faire des propositions, qui seraient ensuite soumises aux commissions municipales pour examen. Siégeraient dans ces conseils des représentants des associations. Une telle procédure permettrait qu'existe un lien beaucoup plus fort entre la municipalité et les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

composantes de la vie associative. Les associations deviendraient alors de véritables partenaires des pouvoirs publics locaux.

M. Bruno Le Roux.

C'est l'organisation du communautarisme !

M. Rudy Salles.

Pour les associations représentant les é trangers vivant dans la commune, ce serait une reconnaissance officielle par les autorités municipales.

Rien n'empêcherait d'ailleurs d'étendre ce système aux collectivités départementales et régionales.

Par ailleurs, je reste convaincu que la meilleure intégration se fait par la naturalisation. En effet, tous les droits mais aussi tous les devoirs des citoyens français sont ainsi accordés à la personne naturalisée. Lors de la discussion du projet de loi sur la nationalité, le groupe UDF avait souhaité, vous vous en souvenez, madame la garde des sceaux, que la naturalisation soit un acte beaucoup plus solennel, à l'instar du mariage, et non un document reçu dans sa boîte aux lettres entre une facture d'électricité et la publicité de l'hypermarché du coin !

M. Pascal Clément.

Très bien !

M. Rudy Salles.

La solennité de la remise des documents de nationalité française présentait, à mes yeux, deux avantages : d'une part, ce moment restait inoubliable dans la mémoire de l'étranger naturalisé français ; d'autre part, la publicité d'un tel événement rendait cette acquisition incontestable, et lui accordait une reconnaissance opposable aux tiers, à la façon du mariage.

M. le président.

Monsieur Salles, veuillez conclure.

M. Rudy Salles.

Malheureusement, vous n'en avez pas voulu ! Est-ce parce que cette proposition émanait de l'opposition ou bien plutôt parce que la gauche n'attache pas la même importance que nous à la notion de nationalité ? C'est, nous le savons, pour ces deux raisons à la fois.

Vous préférez céder aux prétendus effets de mode et vous le faites sur un sujet éminemment sensible sur lequel l'improvisation n'a vraiment pas sa place - tout comme le marchandage d'ailleurs. Ce qui est en jeu, c'est l'intérêt de l'homme et de la société. Pour moi, l'intérêt de l'homme est d'être un citoyen, au plein sens du terme, qu'il soit citoyen français ou étranger, car on ne peut pas être une moitié de citoyen de quelque part. L'intérêt de la société est de disposer de bonnes règles de fonctionnement, simples, que tout le monde comprend et accepte.

M. le président.

C'est votre conclusion, monsieur Salles ?

M. Rudy Salles.

Je vais conclure, monsieur le président.

Chers collègues, vous feriez mieux d'ouvrir un grand débat sur la citoyenneté qui fasse porter la réflexion à la fois sur le nouveau cadre de celle-ci et sur les problèmes de son exercice au quotidien. En effet, on se rend compte que les nationaux français ont une culture citoyenne de plus en plus approximative, ce qui a des conséquences sur la vie démocratique de notre pays. Dans ce grand débat, on se rendrait vite compte que le vote des étrangers aux élections municipales n'est qu'une question incidente et ne doit pas faire l'objet d'un débat central. Avant de vous lancer dans une telle impasse - ce texte ne sera de toute façon pas applicable -, vous auriez mieux fait de hiérarchiser les questions. Mais nous savons bien que le troc qui s'est effectué au moment du vote sur la chasse était bien loin des préoccupations que je viens d'évoquer.

M. le président.

Il vous faut maintenant conclure, monsieur Salles.

M. Thierry Mariani.

C'est un bon discours, monsieur le

président

!

M. Rudy Salles.

Pour conclure, je voudrais rappeler l'échange que j'ai eu, il y a quelque temps, avec un journaliste qui m'interrogeait justement sur ce sujet.

Il me disait que, dans le cadre de la mondialisation, les relations entre les citoyens du monde faisaient évoluer les choses et qu'il fallait donc élargir l'exercice de nos droits à d'autres. Je lui répondais qu'il ne fallait pas, dans ce domaine, brusquer les événements, au risque de produire des effets inverses à ceux recherchés et notamment des mouvements xénophobes. Ce journaliste me demanda alors si cette position resterait la même éternellement ou si elle avait des chances d'évoluer.

M. le président.

Monsieur Salles, je vous demande de conclure !

M. Thierry Mariani.

C'est un bon discours !

M. Didier Boulaud.

Trop long !

M. Rudy Salles.

Je conclus, monsieur le président.

Je lui ai répondu par une autre question. Il y a cinquante ans, lui ai-je demandé, pouvions-nous imaginer que des Allemands voteraient en France ? En somme, notre espace citoyen a évolué et le vote allemand est la conséquence et non la cause de cette évolution. Demain, notre espace citoyen évoluera-t-il encore ? Comment ? Nous ne pouvons pas le dire. En tout cas, la loi ne doit pas être un exercice de politique-fiction comme vous nous y invitez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis hier matin, le débat sur le droit de vote aux élections locales des étrangers non ressortissants de l'Union européenne, porté depuis plusieurs mois par des associations et des organisations de défense des droits de l'homme, a franchi les portes de notre assemblée. Nous discutons, en effet, de la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue rapporteur sur ce sujet.

Je souhaiterais, pour ma part, aborder cette question à travers l'angle plus large de la lutte contre les discriminations.

Le 18 mars dernier se tenaient, en effet, à Paris les assises de la citoyenneté, marquant la détermination du Gouvernement dans la lutte contre toutes les formes de discriminations. Mille deux cents jeunes, réunis devant de nombreux ministres, étaient venus pour témoigner des diverses et multiples formes prises aujourd'hui par le racisme au quotidien dans la société française.

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas le problème !

Mme Cécile Helle.

Ils étaient venus témoigner aussi des frustrations ressenties par nombre d'entre eux face aux mises à l'écart systématiques et aux expressions souvent trop silencieuses d'une injustice moderne dont ils sont victimes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Ils étaient venus témoigner enfin de leur désir, si simple et pourtant si peu accessible aujourd'hui, de participer activement à la construction de notre avenir et d'oeuvrer au « mieux vivre ensemble » dans le respect des spécificités de chacun.

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas le sujet du débat de ce soir !

Mme Cécile Helle.

De tout cela, il convient bien sûr de se réjouir, surtout si l'on y ajoute les mesures concrètes annoncées à cette occasion et si, nous retournant vers le passé, nous nous rappelons le mutisme qui a prévalu pendant de longues années au sein de la classe politique française : la lutte contre les discriminations apparaissait alors comme un sujet tabou.

Un certain nombre de questions demeure, cependant, qui concernent, à mes yeux, directement notre débat d'aujourd'hui.

N'y a-t-il pas, en effet, quelque chose de paradoxal à voir certains avancer comme principal argument de la lutte contre les discriminations le fait que les jeunes qui en sont victimes sont français ? Ce sont avant tout, me semble-t-il, parce que les discriminations raciales sont des

« stigmatisations au faciès » qu'elles ne nous sont pas supportables et qu'elles sont dès lors condamnables.

M. Michel Hunault.

Encore une fois, ce n'est pas le problème !

M. Kofi Yamgnane.

Ce que dit Mme Helle vous gênerait-il ?

Mme Cécile Helle.

N'y a-t-il pas également quelque chose de paradoxal à avoir toujours refusé la référence au concept même de « minorités visibles »...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous dites n'importe quoi !

M. le président.

M. Leonetti, s'il vous plaît !

Mme Cécile Helle.

... tout en admettant que certaines règles qui régissent notre société diffèrent selon que l'on est français d'origine étrangère, étrangers communautaires, étrangers non communautaires ?

M. Michel Hunault.

Vous n'avez pas le droit de dire cela !

Mme Cécile Helle.

C'est aussi par la remise en cause de certaines discriminations de droit qui perdurent au sein de notre société que le principe d'égalité se trouvera, à mon sens, pleinement restauré.

M. Didier Boulaud.

Très bien !

Mme Cécile Helle.

N'y a-t-il pas enfin et c'est le coeur de notre débat de ce soir - quelque chose de paradoxal à vanter l'engagement associatif multiforme qui caractérise nombre de nos quartiers tout en continuant à refuser à ceux-là mêmes qui s'y investissent l'un des droits fondamentaux de l'exercice de la citoyenneté : le droit de vote ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Noël Mamère, rapporteur.

Très bonne question !

M. le président.

Ecoutez Mme Helle comme ellemême a écouté les autres orateurs, c'est-à-dire en silence !

M. Michel Hunault.

Mais elle fait de la provocation, monsieur le président ! Mme Cécile Helle. Comme certains des orateurs qui m'ont précédée à cette tribune l'ont clairement dit, le résident, qui peut être étranger, a vocation à participer pleinement à la vie de la cité, à sortir du statut « d'oublié de la politique » municipale auquel il est voué depuis plusieurs années. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

M. Gérard Hamel.

Vos propos dénotent une méconnaissance totale de la réalité des choses !

Mme Cécile Helle.

En posant la question de l'indissociabilité des concepts de nationalité et de citoyenneté, ce débat concourt à la restauration du principe d'égalité pris dans ses multiples dimensions égalité civique et politique, bien sûr, mais également économique et sociale non seulement pour les étrangers vivant depuis de longues années sur notre sol, mais également pour leurs enfants qui sont le plus souvent français. Il paraît en effet de plus en plus difficile, voire illusoire, de demander à ces derniers de participer activement à la construction d'un

« mieux vivre ensemble » et de les appeler à une citoyenneté politique réelle et reconnue par tous face aux interdits qui touchent encore leurs parents.

M. Michel Hunault.

C'est incroyable ! C'est de la provocation !

Mme Cécile Helle.

Certes, les conditions politiques actuelles, nous le savons tous, ne sont pas les plus propices pour la mise en application de la disposition proposée dès 2001. Je reste néanmoins convaincue que le vote de ce texte par les députés n'en demeure pas moins essentiel. Il engagera un processus qui vise à faire passer les étrangers résidant depuis de nombreuses années sur notre territoire d'une citoyenneté de fait à une citoyenneté de droit. Il renforcera également la ferme volonté gouvernementale de lutter politiquement, efficacement et durablement, contre toutes les formes de discrimination raciale.

Enfin, et ce n'est pas le moindre des enjeux, il permettra, dans ce débat accepté aujourd'hui par une majorité de nos concitoyens, de mettre la droite française, peu encline au modernisme, devant ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Kofi Yamgnane.

M. Kofi Yamgnane.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ma collègue MarieHélène Aubert vous a cité l'article 4 de la Constitution de 1793. Vous l'avez donc en mémoire.

M. Thierry Mariani et M. Claude Goasguen.

Cette Constitution n'a jamais été appliquée !

M. Kofi Yamgnane.

En effet, mais nous l'avons définitivement sortie de la Constitution de 1958 ! Deux cents ans après, nous voilà revenus à ce débat.

M. Thierry Mariani.

N'oubliez pas que ça a mal fini !

M. Claude Goasguen.

Ça s'est terminé par la guillotine, souvenez-vous !

M. Kofi Yamgnane.

La société française, dans laquelle une personne sur quatre est étrangère ou d'origine étrangère...

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas la même chose !

M. Kofi Yamgnane.

... est aujourd'hui prête à renforcer la solidarité politique de tous les habitants de la France et à mettre fin à cette inégalité qui, depuis la ratification du traité de Maastricht, en 1992, crée trois catégories de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

citoyens : ceux qui ont voix au chapitre sur tout, ceux qui ont seulement le droit de voter aux élections locales et européennes et enfin les « sans-voix ».

Quels sont les étrangers qui n'ont pas encore le droit de voter dans les scrutins locaux ? Ce sont en très grande majorité les travailleurs immigrés, dont plus de 70 % sont en France depuis plus de dix ans.

M. Didier Boulaud.

Eh oui !

M. Kofi Yamgnane.

Venus pour la plupart de l'ancien empire colonial français, ils ont fortement contribué à la grande croissance des années soixante dans les mines, dans les usines sidérurgiques, dans les usines d'automobiles, sur les chantiers de HLM ou d'autoroutes.

Ils ont enrichi et ont dynamisé la société par leur travail, par leurs impôts, par leurs enfants.

M. Claude Goasguen et M. Michel Hunault.

C'est vrai !

M. Kofi Yamgnane.

Sans eux, nous ne serions aujourd'hui que quarante millions à peine.

M. Michel Hunault.

C'est vrai !

M. Kofi Yamgnane.

Leurs enfants devenus français, de l'ouvrier à l'ingénieur, de l'aide-soignante au médecin, sont une chance pour la france.

M. Claude Goasguen.

Mais oui ! Bravo !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Nous sommes d'accord !

M. Kofi Yamgnane.

Ils brillent aussi dans la création artistique ou littéraire et dans les exploits sportifs.

Refuser le droit de vote aux étrangers, c'est dénier, mes chers collègues, le droit de citoyenneté aux parents de Zidane et de combien d'autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas la même chose !

M. Claude Goasguen.

Il y a confusion là.

M. Kofi Yamgnane.

Refuser le droit de vote aux étrangers, mes chers collègues, c'est accepter que meurent une deuxième fois Manoukian et ses cofusillés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants...)

M. Michel Hunault.

Vous n'avez pas le droit de dire ça !

M. Thierry Mariani.

C'est excessif !

M. Kofi Yamgnane.

... les étrangers tombés sur le plateau des Glières...

M. Thierry Mariani.

Vous n'êtes pas au théâtre !

M. Kofi Yamgnane.

... parce qu'ils pensaient accomplir leur devoir d'homme avant d'obtenir le moindre droit sur la terre de France.

C'est au regard de cette chaîne d'injustices que le Parti socialiste, mon parti,...

M. Thierry Mariani.

Il a mis le temps !

M. Kofi Yamgnane.

... a inscrit depuis 1978 ce projet dans tous ses programmes électoraux.

M. Thierry Mariani.

Pourquoi vous ne l'avez pas fait avant !

M. Claude Goasguen.

Cela fait vingt-deux ans que vous en parlez !

M. Kofi Yamgnane.

Il est temps de mettre nos actes en conformité avec nos engagements dans ce domaine-là aussi. Et cela me semble possible aujourd'hui.

M. Thierry Mariani.

Cela a été laborieux !

M. Gérard Hamel.

Il vous a fallu vingt-deux ans !

M. Kofi Yamgnane.

Mes chers collègues de droite, rejeter ce texte sous le prétexte commode que le Sénat ne le voterait pas,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas pour cette raison !

M. Michel Hunault.

Là n'est pas le problème !

M. Kofi Yamgnane.

... ou que le Président de la République n'organiserait pas un référendum, c'est présumer injurieusement de l'incapacité d'évolution de l'un et de l'autre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

Vous n'avez pas le droit de dire ça !

M. Kofi Yamgnane.

Mes chers collègues, ce n'est pas en nous mettant la tête dans le sable que nous réglerons les problèmes de violence dans nos banlieues. Il est juste et nécessaire d'exorciser les peurs qui tétanisent les élus, alors que l'opinion publique française évolue plutôt favorablement sur ce sujet. Les culpabilités dont nous souffrons en permanence ne proviennent-elles pas de notre incapacité à affronter notre histoire et à regarder en face nos blessures collectives ?

M. Gérard Hamel.

Que de mots !

M. Kofi Yamgnane.

Pourquoi refusons-nous d'ouvrir les dossiers de Vichy, d'Indochine, des colonisations françaises, de la guerre d'Algérie ? Pourquoi la France auraitelle peur de son passé, de son peuple ? La France auraitelle honte d'être elle-même ?

M. Thierry Mariani.

Ça n'a rien à voir !

M. Kofi Yamgnane.

Je souhaite pour ma part qu'un débat public ait lieu dans notre pays. Et quelle meilleure occasion qu'un référendum ?

M. Gérard Hamel.

Un référendum ? Bonne idée !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce ne serait pas une mauvaise idée !

M. Kofi Yamgnane.

C'est ce que j'ai dit lors d'un meeting où des immigrés me reprochaient que ce soit une proposition et non un projet de loi.

Quant à ceux qui prôneraient toujours la fuite en avant en reportant une fois de plus ce vote, je leur dis solennellement que non seulement ils manquent de courage politique, mais surtout qu'ils prennent le risque, grave pour eux, devant les Français, de se discréditer pour longtemps.

M. Claude Goasguen.

Parlez aux socialistes ! Une députée du groupe socialiste.

Très bien, Kofi !

M. Kofi Yamgnane.

La cohésion sociale en France, mes chers collègues, n'est fondée ni sur le mythe du sang ni sur la juxtaposition de communautés ethniques, mais sur le libre consentement de ses membres aux valeurs de la République.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Claude Goasguen.

Oui !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ça, c'est vrai !

M. Kofi Yamgnane.

L'adhésion des étrangers au pacte républicain à travers leur participation aux scrutins municipaux ne peut que renforcer leur intégration et celle de leurs enfants. Comme l'a dit Stéphane Parrain, porteparole du Mouvement des droits civiques : « Il faut arrêter de demander aux jeunes des banlieues de respecter les lois de la République si l'on interdit à leurs parents de voter. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen.

Ils ne veulent pas se faire naturaliser !

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est scandaleux ! Inciter les jeunes à ne pas respecter la loi de la République, c'est inadmissible !

M. Kofi Yamgnane.

Certains quartiers comptent plus de 60 % de majeurs étrangers qui ne votent pas.

M. Claude Goasguen.

Ce n'est pas si sûr !

M. Kofi Yamgnane.

Le plus souvent, c'est par la violence que les jeunes crient leurs frustrations et leur colère face à des décisions dans lesquelles leurs parents n'ont aucune part.

M. Gérard Hamel.

Quel amalgame !

M. Kofi Yamgnane.

Beaucoup de maires mettent l'accent sur l'implication volontaire des immigrés dans diverses associations, et parfois comme responsables. Ils font vivre ainsi l'association d'alphabétisation, le club sportif, en passant par la section du planning familial ou la troupe de théâtre...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Pourquoi pas ?

M. Kofi Yamgnane.

Dans certaines villes les résidents étrangers sont élus dans les unions de quartier ou en tant que représentants de secteur dans les commissions extramunicipales.

M. Thierry Mariani.

C'est très bien et cela suffit.

M. Kofi Yamgnane.

A Mons-en-Baroeul, en mai 1985 déjà, un Algérien, un Marocain et un Laotien furent élus au conseil municipal, sans droit de vote, avec une participation de plus de 86 % des inscrits. C'est à cette époque que Charles Pasqua traitait François Mitterrand de provocateur parce qu'il s'était déclaré favorable au vote des immigrés dans les élections locales.

M. Christian Estrosi.

Il avait raison !

M. Thierry Mariani.

A cette époque, Pasqua avait raison !

M. Kofi Yamgnane.

On sait ce que pense le même Pasqua depuis la finale de la coupe du monde de football.

Un député du groupe socialiste.

Eh oui !

M. Kofi Yamgnane.

Il est temps aujourd'hui de franchir le pas et de ne plus se contenter de permettre aux étrangers de donner de simples avis sur l'organisation communale et les aménagements de leur quartier.

Nous devons passer de la consultation pour avis à une véritable démocratie politique. Il faut que chacun puisse faire entendre sa voix dans les assemblées élues.

Après l'école, le travail et le logement - les trois piliers de l'intégration - donner le droit de vote aux étrangers aux élections locales est le meilleur moyen de lutter contre la tentation de marginalisation et la logique du ghetto, par une pédagogie de la responsabilité et de la solidarité, avec des droits et des devoirs égaux pour tous.

Le droit de vote est une main tendue : c'est en cela qu'il constitue un puissant levier supplémentaire d'intégration.

En réformant la Constitution, nous rejoindrons certains pays européens. Au moment où la croissance économique redémarre et où le chômage baisse de façon continue, les risques existent d'une concurrence exacerbée entre pays d'accueil pour attirer les travailleurs étrangers.

Beaucoup d'Etats devront rajeunir leur population pour payer les retraites et ralentir l'augmentation des coûts de main-d'oeuvre. Le mouvement a déjà commencé dans certains pays voisins.

C'est en nous montrant justes et ouverts vis-à-vis de ceux qui sont nos hôtes depuis plusieurs années que nous p ourrons lutter contre les progrès du nomadisme moderne, encouragé par la mondialisation, et attirer de nouveaux concours précieux pour notre rayonnement. En d'autres termes, cessons d'être un aimant à attirer toute la misère du monde. Soyons plutôt un véritable partenaire de codéveloppement. Nous légitimerons ainsi les coopérations qui se sont ébauchées, depuis plusieurs années parfois, entre certaines communes ou régions françaises et les pays de départ comme le Mali ou le Sénégal. Les associations qui oeuvrent pour le développement et l'approfondissement des liens seront confortées par la reconnaissance politique de leurs responsables.

Aujourd'hui, nous avons un débat fructueux parce qu'intelligent sur un sujet important de société. Pour nous, femmes et hommes soucieux du bien-être de l'humanité, j'espère que ce débat donnera des résultats à la hauteur de nos ambitions et qu'il viendra illustrer cette maxime de Gambetta : « La véritable égalité, ce n'est pas de constater des égaux, mais d'en faire. »

Arrêtons-nous quelques instants pour méditer sur ce qui nous préoccupe ce soir, demandons-nous seulement pourquoi les enfants des sans-voix éprouvent quelquefois le besoin de crier deux fois plus fort ? Et peut-être, grâce à cette médiation, nous pourrions prendre conscience qu'il y a là matière à réparation. Après avoir inventé la fin des droits, finissons-en avec les sans-voix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Reymann.

M. Marc Reymann.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après une campagne d'agitation à travers de multiples collectifs, après des prises de position bien orchestrées dans les médias, nous voilà en présence d'une proposition de loi constitutionnelle demandant le droit de vote pour les étrangers non communautaires pour les élections municipales, et ce à un an des prochaines élections.

Personne n'est dupe de la volonté de récupération des voix des résidents étrangers par la gauche. L'appel, dans l'exposé des motifs, à l'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen devrait légitimement balayer toutes les hésitations : « Les hommes naissent libres et demeurent libres et égaux en droits. » Il n'y

aurait donc aucune raison de refuser le droit de vote à un étranger. Le but recherché serait l'intégration du résident étranger dans la nation française.

Qu'en est-il en réalité ? Ayant occupé les fonctions d'adjoint au maire chargé d es résidents étrangers dans une ville de plus de 250 000 habitants, Strasbourg, j'ai eu l'occasion de recevoir chaque jour les représentants des différentes communautés, très nombreuses dans notre capitale européenne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Quelles étaient les demandes de mes interlocuteurs ? Quels étaient leurs soucis ? Le droit de vote ? Jamais. En revanche, les interventions étaient nombreuses pour accélérer les demandes de naturalisation. Inutile de vous dire que, pour moi, c'est l'acquisition de la nationalité française qui est l'étape essentielle de l'intégration dans la République : 124 000 étrangers ont acquis la nationalité française en 1998, soit une hausse de plus de 6 % par rapport à 1997. L'accélération de la procédure de naturalisation devra se poursuivre. C'est elle qui permettra au demandeur de partager le destin de notre nation et de lui donner tout naturellement le droit de vote.

Quelles étaient les autres demandes ? L'obtention de visas pour nos amis algériens qui désirent retrouver leur famille, la recherche de locaux pour la vie associative, l'utilisation des terrains de sport, la location de salles pour l'alphabétisation, la recherche de lieux d'exposition pour témoigner de l'originalité des différentes cultures. A cet effet, nous avions organisé la première exposition

« Strasbourg, ville en couleur ». Ce fut un beau succès, et sans incidents.

Enfin, la recherche de logements dans le parc locatif faisait partie du lot quotidien des demandes.

Actuellement, à Strasbourg, savez-vous quel est le problème le plus difficile à résoudre ?

M. Laurent Cathala.

La tête de liste ! (Rires.)

M. Marc Reymann.

Je veux dire : en dehors des divisions de la gauche...

C'est la construction d'une mosquée pour laquelle les rivalités des ressortissants des pays à forte population musulmane rendent difficile tout arbitrage. Voilà un problème que le droit de vote risque même d'exacerber.

Autre nouvelle préoccupation des résidents étrangers suite à l'embellie économique : le manque de maind'oeuvre qualifiée lorsque, devenu chef d'entreprise, le résident veut faire venir la main-d'oeuvre de son pays d'origine. Cela est surtout vrai pour nos amis turcs. A défaut de trouver du personnel français, parti travailler en Allemagne, que faut-il leur répondre ? Voilà quelques problèmes concrets du quotidien de nos résidents étrangers. Nous sommes loin du débat constitutionnel et un peu politicien que j'entends depuis deux jours. Ceux qui fréquentent les communautés étrangères savent qu'il est dangereux de politiser leur statut. Vous demandez pour les résidents étrangers des droits qui ne font nullement partie de leurs priorités. Dois-je rappeler que de nombreux scrutins sont ouverts à nos hôtes, que ce soit dans l'entreprise, aux prud'hommes, à la sécurité sociale, dans les HLM ou l'école ?

M. Alain Néri.

C'est la moindre des choses !

M. Marc Reymann.

Les Français musulmans ont le droit de vote. Croyez-vous que leur intégration et celle de leurs enfants soit assurée pour autant, quand on connaît le taux de chômage par manque de formation de cette population ? Au moment où l'extrême droite est en recul, votre proposition de loi est un chiffon rouge qui ne tient absolument pas compte de la réalité et des difficultés que rencontrent ces populations.

Aidons les populations étrangères par une communication adaptée. J'avais mis au point à Strasbourg un guide en huit langues permettant à chacun de se diriger vers les adresses indispensables à la vie de tous les jours.

Faisons-leur prendre conscience de la nécessité de respecter les lois de la République, mais, de grâce, ne nous imaginons pas que le droit de vote réglera leurs problèmes.

Et, pour conclure, si l'on parlait de réciprocité ? Dans quels pays, hors de l'Europe, les Français ont-ils le droit de vote aux élections locales ? Cette question mérite également une réponse si nous voulons que la Déclaration des droits de l'homme ne soit pas seulement à usage interne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai effectivement l'honneur de défendre, au nom du groupe UDF, une motion de renvoi en commission. J'essaierai de le faire avec sérénité, conviction. J'essaierai de le faire éga lement avec réflexion et j'espère vous convaincre que nous devrions retourner en commission pour examiner ce texte.

Je prendrai bien sûr le temps nécessaire à essayer de vous convaincre, mais je n'entends pas l'utiliser, comme certains le laissent entendre, pour faire traîner les débats.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas notre style ! (Sourires.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas l'objectif et je voudrais m'inscrire en faux contre ces propos tenus par M. Le Roux et certains de ses collègues, sans parler des mouvements de protestations auxquels vous avez avez cru bon de vous livrer en entendant parler de motion de renvoi.

Il s'agit d'un mauvais procès intenté par un parlementaire à un autre parlementaire, car les majorités finissent toutes un jour par se retrouver minorités, et elles utilisent toutes alors les motions, conformément à leur droit au débat. Il est d'ailleurs à noter que, lorsque la majorité actuelle est au pouvoir, elle ne permet guère à nos groupes de s'exprimer sereinement dans le cadre des fenêtres parlementaires. Il n'est qu'à voir le sort qui a été réservé à notre proposition de loi sur la participation.

Mme Odette Casanova.

Hors sujet !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Plus vous m'interromperez, plus cela durera ! Dans de telles conditions, je trouve quelque peu déplacé votre empressement à voter au plus vite une loi qui pourrait paraître importante.

Cette « obstruction » de l'opposition que vous dénoncez a - au moins - permis à la majorité de mettre en évidence ses contradictions : M. le Premier ministre ne se déclarait-il pas, il y a très peu de temps, parfaitement hostile à toute initiative parlementaire dans ce sens, considérant qu'il s'agissait d'espoirs sans lendemain et de promesses non tenables ? La preuve est faite que le Gouvernement a finalement cédé devant les Verts pour reprendre la 80e proposition de François Mitterrand en 1981.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

La tentation de l'opposition aurait pu être de rejeter en bloc l'idée et le texte, tant l'un et l'autre paraissent inopportuns. Nous sommes pourtant persuadés qu'un retour devant la commission permettrait très certainement de dépassionner le débat qui mérite bien plus de sérénité et probablement d'aboutir à des propositions plus conformes à l'intérêt de la France, de la construction européenne, des étrangers résidant sur notre sol ainsi qu'aux droits de l'homme, profondément ancrés dans la tradition de notre pays.

Nous avons souvent - peut-être abusivement - ironisé sur le temps que vous aviez mis - de 1981 jusqu'à maintenant - pour aboutir à une proposition au demeurant totalement mort-née. Il faut donner du temps au temps, disait le président Mitterrand ; je ne sais s'il considérait que vingt ans suffiraient pour réfléchir à pareille loi ! On peut en tout cas se poser la question de savoir si vous avez utilisé ces vingt années à réfléchir, à consulter et à débattre. Malheureusement, vous n'avez pas cessé de multiplier des petites phrases qui ont vite disparu du discours politique et, en tout cas, n'ont pas alimenté une réflexion en profondeur.

En 1981, le minisre des relations extérieures annonçait, à Alger : « Le Gouvernement songe très sérieusement à donner le droit de vote aux immigrés pour les municipales. » Le songe a duré vingt ans

! En 1985, alors que les municipales de 1983 s'étaient bien entendu déroulées avec le seul vote des citoyens français, François Mitterrand réitérait sa proposition. Et Georges Marchais de s'exclamer alors : « Le caractère politicien de la déclaration du chef de l'Etat est inadmissible. »

M. Gérard Hamel.

Il jouait avec le Front national !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Comme quoi quinze ans auront permis au moins au Parti communiste de changer sa position sur le sujet !

M. Bernard Birsinger.

On n'a jamais dit cela !

M. Jean-Antoine Leonetti.

En 1988, à quelques jours de l'élection présidentielle, le président Mitterrand renouvelait sa proposition et déclarait à Jacques Chirac, qui s'y opposait : « Mes propositions sont un des moyens que j'ai offerts, non pas innocemment, au RPR et au Front national de se retrouver frères jumeaux. »

Mme Béatrice Marre.

Il faudrait vérifier vos sources !

M. Jean-Antoine Leonetti.

En ce temps-là, la gauche avait au moins la franchise de son cynisme.

Dès lors, pourquoi réfléchir, pourquoi concerter, pourquoi nourrir le débat, puisque la volonté n'est pas de débattre mais d'agiter, n'est pas de réfléchir mais de faire réagir ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.).

La démarche d'aujourd'hui en est-elle moins politicienne par le fait que ce sont cette fois les Verts qui ont commencé à agiter le chiffon rouge ? Peut-être ? Si l'idée est reprise par le Gouvernement, n'est-ce pas parce qu'il sait que ce débat est voué à ne rester que de principe et sans conséquences ? Sans doute.

Aurait-il seulement suffi qu'un sondage, fait dans une lettre, bien entendu citoyenne, déclare qu'une majorité de Français serait favorable à cette proposition de vote pour que, à moins d'un an des municipales, sans davantage de réflexion, sans concertation, le sujet soit remis sur le tapis vert de la politique ? En dehors de petites phrases au service d'enjeux politiciens, force est de constater que ce sujet n'a pas bénéficié du respect que mérite un problème qui, dans le symbole et dans la pratique, modifierait profondément nos textes législatifs, notre Constitution et les éléments sur lesquels sont bâtis la nation et la citoyenneté.

Ce texte est malheureusement entré à l'Assemblée nationale par la toute petite porte d'une fenêtre parlementaire des Verts. (Sourires.)

Il n'a pas fallu plus d'une matinée en commission des lois pour que l'affaire soit entendue, à huis clos, et que l'ensemble des groupes de la majorité fasse de quatre propositions de loi un seul texte.

Il n'a pas fallu beaucoup plus longtemps d'ailleurs pour que, sitôt la fin du débat réservé à la fenêtre parlementaire et sur des demandes programmées, le Gouvernement s'empresse de le reprendre à son compte.

Si ce sujet, comme vous l'avez souligné, est fondamental pour la démocratie, et je le crois, pourquoi avezvous choisi, comme les conjurés d'Hernani, des voies si étroites pour des buts si nobles ? Je crains, hélas ! que la noblesse ne soit que de forme et que le but soit autrement plus modeste. Prouvez-nous que ce n'est pas le cas, en revenant débattre du problème, non pas dans son caractère symbolique ou médiatique, mais pour réfléchir réellement ensemble à la situation des étrangers en France, à la définition de la citoyenneté, à la place de la nation, à la construction européenne et au droit de vote de nos concitoyens.

En effet, la première réflexion que nous aurions dû avoir en commission aurait dû être, bien entendu : q u'est-ce qu'être citoyen ? Actuellement, tout est

« citoyen », comme le faisait justement remarquer M. Mariani : la démarche, l'entreprise, la loi, la police, l'école, la culture, la lettre, que sais-je encore ? Si bien que l'adjectif ayant remplacé le nom, le mot a remplacé l'idée.

Qu'est-ce, en fait, qu'être citoyen ? Je n'insisterai pas sur l'origine antique, grecque ou romaine, de la citoyenneté qui associait déjà les droits et les devoirs d'un peuple : le droit de s'exprimer, d'abord, chez les Grecs et le droit de voter étaient étroitements liées au devoir de défendre la cité ou la République.

Pour nous, être citoyen c'est être membre d'une communauté forgée par l'histoire des générations, qui sur un territoire donné, ont bâti un socle de valeurs démocratiques et une volonté de destin. Mais, bien entendu, le futur est plus important que le passé et chacun peut venir enrichir cette communauté. Et c'est la force de notre pays de savoir si bien assimiler des générations que les Français de demain seront plus nombreux grâce à l'apport des populations étrangères.

L'héritage et le sol sont d'ailleurs les éléments naturels d'accès à la nationalité dans notre loi, en dehors de l'adhésion volontaire.

De cette définition on peut déduire que la citoyenneté et la nationalité ont toujours été dans notre histoire, depuis la Révolution et probablement avant, étroitement liées et qu'elles le demeurent.

Le Petit Robert donne d'ailleurs cette définition de la citoyenneté : « zèle du citoyen pour sa patrie ». Et même Saint-Just, dont certains se réclament parfois dans leurs envolées lyriques, associait très étroitement à la nation le peuple français qu'il ne considérait citoyen que lorsqu'il donnait la liberté au monde.

Depuis la France n'a cessé - et, Dieu merci, continuera à le faire - d'affirmer son message universel sans pour autant dissoudre l'identité de sa voix dans une citoyen-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

neté universelle. L'association de la citoyenneté et de la nationalité résulte aussi - faut-il le rappeler en période de paix ? - de la défense du territoire national et des valeurs démocratiques, par les armes si nécessaire.

C'est probablement sur cette divergence fondamentale de vue qu'il existe un clivage entre la droite et la gauche, qui est le fond du débat. Nous avons une conception républicaine de la citoyenneté liée à la nationalité, issue de la période révolutionnaire. Vous avez une conception de « nouvelle citoyenneté » qu'on pourrait qualifier à tort de plus moderne. En tout cas elle est plus large, plus mondialiste et elle nie l'héritage et les valeurs au profit d'une citoyenneté de passage (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), d'une citoyenneté utilitariste, de résidence, qui se prévaut davantage de la spontanéité, du fait d'être là, et qui pourrait s'apparenter à une citoyenneté des consommateurs qu'on pourrait éventuellement interroger par Internet.

M. Claude Goasguen.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Blazy.

Il faudrait expliquer la « souveraineté de passage » !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Essayez de suivre !

M. Rudy Salles.

Ils ont du mal !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Je passerai sur l'argument du paiement de l'impôt.

On entend souvent, M. Mamère l'a répété, puis s'est rétracté, puis l'a redit à la presse : les gens qui paient leurs impôts locaux doivent pouvoir voter aux élections municipales. A contrario ceux qui ne paient pas l'impôt n'auraient-ils plus le droit de voter ni aux élections locales ni aux élections nationales ?

M. Alain Néri.

Ça vous arrangerait !

M. Jean-Antoine Leonetti.

A n'en pas douter, cette loi nous conduirait certainement, sur le plan symbolique, à une crise de la citoyenneté et de l'identité, car la citoyenneté nationale, je vous le rappelle, s'oppose au nationalisme fondé, lui, sur un repli ethnique, voire sur la supériorité nationale qu'il défendrait alors que l'universalité des valeurs et la communauté des destins créent la communauté républicaine nationale.

Je ne méconnais pas cependant le fait que la citoyenneté ne s'exprime pas uniquement par le droit de vote et que le concept ne se superpose pas strictement à la nationalité. L'histoire de notre pays montre, on nous le répète depuis longtemps, que, dès 1793, sous certaines conditions - il fallait avoir élevé un enfant, soutenir un vieillard, payer l'impôt, avoir une propriété - les étrangers pouvaient voter.

Je vous rappelle que Garibaldi a été élu député français, sans être français, dans un contexte qui était exceptionnel. On peut toujours trouver, dans des périodes particulières de notre histoire, de brefs moments, qui faisaient généralement suite à des épisodes révolutionnaires ou à des guerres, où cette idée a traversé l'esprit de la République. Mais on constate que ni les révolutionnaires ni les modernes n'ont finalement décidé d'ancrer ce droit dans le droit français.

Vous avez, madame la garde des sceaux, tenté assez subtilement et, habilement, d'opérer une déconnexion entre le national et le citoyen au travers d'une remarque au demeurant extrêmement pertinente que vous avez faite à M. le rapporteur. Evitant de toucher à l'article 3 de la Constitution qui traite de la souveraineté nationale, vous avez préféré voir inscrire cette proposition au titre XII :

« Des collectivités territoriales ». Vous avez même déclaré : « Toutes les élections ne participent pas au même degré de la souveraineté nationale. » C'est vrai.

Mais reconnaître qu'il y a des « degrés », c'est admettre qu'il existe une relation, si minime soit-elle, entre la souveraineté nationale et les élections locales.

Dans la mesure même où la souveraineté n'est pas strictement synonyme de la citoyenneté mais lui est intimement liée, l'histoire et l'inconscient collectif de notre peuple ont rendu, dans la pratique, les deux concepts indissociables. Vous n'y pouvez rien, et nous non plus : les soldats de Valmy incarnent pour l'éternité la défense de la patrie des citoyens.

Reste l'argument de la brèche ouverte par le traité de Maastricht concernant le droit de vote pour les élections municipales des étrangers membres de la Communauté européenne. Pourquoi les étrangers européens auraient-ils droit de vote et pas les étrangers non européens ? Pourquoi cette rupture d'égalité, pour reprendre les termes de M. le rapporteur ? A juste titre, là encore, madame la ministre, vous avez déclaré clairement sans objet l'argument de rupture d'égalité ou de discrimination entre les citoyens selon qu'ils sont ou non ressortissants communautaires. Nous vous rejoignons dans cette conception européenne différente car il est des cas où les nations, par leur convergence de vues, par leurs valeurs démocratiques, par leur histoire commune, par un destin communément voulu et partagé, créent un concept plus large. C'est celui de la citoyenneté européenne. Encore faut-il noter qu'il s'agit d'un traité entre des Etats souverains, qui implique la réciprocité et, surtout, que la définition de cette citoyenneté repose encore sur la nation, puisque l'article 8 stipule : « Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen toute personne qui a la nationalité d'un Etat membre. » La

citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale, elle ne la remplace pas.

Comment ceux qui, comme nous, sont attachés à la construction européenne, pourraient-ils ne pas voir dans cette proposition de loi un mauvais coup porté au processus entamé il y a cinquante ans par lequel on s'efforce de créer une Europe politique, fondée sur des valeurs et qui dépasse le caractère purement économique ou financier ? Si nous voulons construire l'Europe, il est indispensable et normal que les étrangers européens, parce qu'ils sont des citoyens européens, bénéficient de plus de droits politiques que les autres.

Ainsi, ce texte aurait non seulement des effets pervers sur les repères identitaires nationaux et sur la citoyenneté, mais il tendrait à effacer la notion d'appartenance des peuples européens à une destinée commune. Après le vote de ce texte, nos concitoyens se poseront immédiatement la question : que reste-t-il de la France, que reste-t-il de l'Europe ? Il apparaît donc clairement que la commission devra étudier les conséquences de l'éventuelle dissociation entre la citoyenneté et la nation, mais aussi envisager de redéfinir la construction européenne en s'appuyant sur une autre idée que celle de la citoyenneté, alors concurrencée par la citoyenneté mondiale, ce qui ne manquerait pas de ralentir la construction européenne.

Pour nous, être citoyen ne se résume pas au fait de passer, d'être là, de n'accepter de partager que l'économie, le consommable ou le social. Etre citoyen, c'est appartenir à un passé et vouloir partager ensemble un futur, pas seulement l'éphémère.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

D'ailleurs, les étrangers réclament-ils ce droit ? Un collectif et un slogan le souhaitent, c'est vrai, mais aucune demande de la masse des intéressés n'existe réellement.

Ne serait-il pas utile de s'interroger sur ce que souhaitent les deux ou trois millions d'étrangers non communautaires présents sur notre sol, lesquels sont mal recensés, mal inventoriés, et dont on ne connaît que de manière approximative le nombre, le lieu de résidence sur le territoire national et même l'origine ? Tout au plus savonsnous qu'ils se concentrent dans les régions d'Ile-deFrance, de Rhône-Alpes, de Provence-Alpes-Côte d'Azur et que la plupart d'entre eux sont issus de pays d'Afrique, au premier rang desquels l'Algérie.

Le travail qu'effectue à ce sujet, depuis plusieurs années, le Haut Conseil à l'intégration est particulièrement remarquable et mérite d'être salué. Il dénonce luimême l'insuffisance des données sur les flux migratoires et la présence des étrangers sur notre sol.

Le gouvernement algérien, dont on sait qu'il est constitué de personnalités qui ont prôné l'indépendance de leur pays, dont le peuple est aujourd'hui souverain, a-t-il donné son avis sur la possibilité de réciprocité, voire sur la volonté de sa population de voter sur notre territoire ? Je vous rappelle que le roi du Maroc, en son temps, avait demandé publiquement aux Marocains vivant en France de rester en marge de la vie publique française.

M. Claude Goasguen.

C'est exact !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Que se passerait-il si, après que nous aurons voté cette loi, un chef d'Etat prônait une telle attitude, laquelle s'imposerait alors à ses ressortissants sur notre territoire dont, à juste titre, il se considérerait toujours comme le chef ?

M. Christian Estrosi.

Nous perdrions notre indépendance !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il semble bien que vous vouliez donner un droit que ni les étrangers ni les Etats étrangers ne réclament. En fait, ils demandent bien autre chose, comme l'a très bien dit mon prédécesseur à cette tribune, que le droit de vote aux élections municipales.

Avec ce dernier, vous allez donner à boire à des gens qui ont faim.

Lorsqu'on voit le peu d'empressement que les étrangers communautaires mettent à s'inscrire sur les listes électorales, on mesure le chemin qui reste à parcourir pour construire une Europe des citoyens. Et c'est notre objectif. On sait combien l'idée de nation s'impose naturellement bien avant l'idée européenne. Il est logique de penser que des étrangers non européens ne feront pas massivement la démarche de voter si elle n'est basée sur la volonté ni des Etats ni des populations.

Les droits des étrangers sont-ils respectés en France ? C'est une bonne question.

M. Didier Boulaud.

Et c'est vous qui la posez !

M. Jean-Antoine Leonetti.

L'un des arguments des défenseurs du droit de vote des étrangers aux élections municipales repose sur le fait que les droits des étrangers en France seraient ainsi mieux respectés. Cela sous-entend que les maires auraient alors des comportements électoralistes vis-à-vis de ces communautés et qu'ils ne les considèrent pas au regard des droits de l'homme et du citoyen.

C'est un peu insultant pour les maires et les conseillers municipaux. Mais admettons.

Les étrangers non communautaires jouissent - théoriquement - de tous les droits civiques - droit syndical, d'association, d'expression, d'aller et venir, accès aux soins, droit de séjour prolongé, etc., et c'est très bien. En fait, tous ces droits civiques et fondamentaux sont respectés en dehors du droit politique de voter. Il est même évident que beaucoup d'étrangers jouissent sur le territoire français de droits civiques et de libertés supérieurs à ceux dont ils bénéficient sur leur territoire national.

Si des atteintes à ces droits existent, il est, bien sûr, nécessaire de les réprimer. Il est nécessaire, même peutêtre, de créer une commission d'enquête parlementaire qui, là encore, alimenterait la réflexion des commissions chargées d'élaborer des propositions de loi, probablement différentes de celle que nous sommes en train d'étudier aujourd'hui, mais qui permettraient que soient mieux respectés les droits civiques des étrangers vivant sur notre sol.

Le Haut Comité à l'intégration mentionne dans son rapport : « Le modèle français d'intégration auquel le Haut Conseil a marqué son attachement serait sérieusement menacé du fait de la discordance entre l'égalité des droits que l'Etat républicain proclame et les inégalités de fait qu'il laisse subsister. » Cela sous-entend que, à l'heure

actuelle, il ya encore bien des conquêtes à réaliser en matière de droits civils des étrangers dans ce pays, et que le droit de vote ne satisferait probablement pas leurs revendications.

Enfin, les défenseurs de cette proposition de loi soutiennent qu'accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires constituerait un facteur d'intégration.

Mais est-il meilleur moyen d'intégration que la naturalisation ? Certains pays dans le monde, et en Europe même, ont une notion de la nationalité très différente de la nôtre. Pour pallier cet inconvénient, ils ont trouvé cette solution de donner le droit de vote à des ressortissants étrangers, créant une forme de sous-citoyenneté parce que les ressortissants étrangers n'ont pas accès à la nationalité.

L'acquisition de la nationalité française est possible pour les étrangers. Peut-être doit-elle être facilitée. Mais faut-il alors leur donner des droits civiques sans qu'ils le veuillent comme, il y a quelque temps, vous aviez fait des enfants étrangers nés sur notre sol des Français sans le savoir et sans le vouloir.

Paradoxalement, accorder un droit de vote aux étrangers sans qu'ils aient fait la démarche d'identification et d'intégration nécessaire risque de les rejeter dans un vote identitaire et de les enfermer dans un particularisme proche du communautarisme cher au peuple anglo-saxon, mais qui n'est pas du tout dans la tradition républicaine de la France.

Il est connu, par ailleurs, que l'intégration des jeunes Français issus de parents étrangers, et qui ont donc le droit de vote, est plus difficile que celle de leurs parents.

Nous devons nous poser la question. C'est probablement parce que d'autres problèmes se posent à eux : problème d'accès aux loisirs et au travail, problème de regroupement forcé dans des cités-ghettos.

Il vaudrait bien mieux prendre en compte leurs revendications sur ces sujets plutôt que de chercher à savoir combien de bulletins de vote tomberont aux municipales dans l'escarcelle des uns ou des autres ! Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Très bien !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Le droit de vote n'est une condition ni nécessaire ni suffisante pour l'intégration.

Les droits sociaux, droit à l'habitat décent, au respect de la personne, au travail, et l'école surtout sont des facteurs d'intégration bien plus forts que le droit de vote et même que la nationalité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Du reste, de nombreux Français ne votent pas, tout en étant bien intégrés dans la société française. Les absten tionnistes ne sont pas obligatoirement des exclus de notre société.

Vouloir lier étroitement la citoyenneté et le droit de vote, la participation à la vie civile et le droit de vote, est une erreur. La voie d'intégration par excellence, c'est la naturalisation.

Faut-il revoir, et donc étudier en commission, les conditions d'accès à la nationalité française ? Peut-être.

M. Bernard Birsinger.

On tourne en rond !

M. Jean-Antoine Leonetti.

J'ai entendu en commission des propos très particuliers dans la bouche de M. Tourret :

« Surtout, évitons que ces gens deviennent Français, cela les empêcherait de retourner chez eux ! »

M. Kofi Yamgnane.

On a aussi entendu de curieuses choses dans la bouche de M. Clément !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Donner le droit de vote aux municipales aux populations étrangères reviendrait-il à se prémunir contre le fait qu'ils puissent devenir Français et participer totalement à la vie de la cité et de la nation ? Les conditions d'accès à la nationalité doivent-elles être révisées ? Pourquoi pas ? On connaît mal aujourd'hui les délais, les difficultés, les obstacles même, que rencontrent ceux qui souhaitent partager avec la France, et par là même avec l'Europe, un avenir de valeurs démocratiques.

Faut-il vérifier que les étrangers en situation régulière bénéficient réellement des droits que leur donne la loi ? Très certainement. Le racisme et la xénophobie, qui peuvent être à l'origine de discriminations à l'embauche ou dans d'autres domaines, sont des réalités qui n'honorent pas notre pays.

Voilà les thèmes que la commission n'a pas voulu aborder et qui montrent à l'évidence que cette loi évoquée depuis longtemps est, en fait, bien mal préparée.

Les fantasmes sont faits plus pour être rêvés que pour être vécus, et c'est là l'hypocrisie de ce texte dont les auteurs et le Gouvernement savent parfaitement qu'il ne passera pas la barrière du Sénat.

Ainsi la gauche pourra-t-elle, sereinement et hypocritement, comme pour le texte sur le cumul des mandats, fustiger le conservatisme de la Haute Assemblée, tout en continuant à cumuler les mandats et à ne pas faire voter les étrangers non communautaires.

Votons tous, mais à l'Assemblée nationale. Votons tous, mais votons vite, et qu'on n'en parle plus, si ce n'est pour inscrire cette promesse dans une nouvelle plate-forme électorale. Vingt ans après, on aura bouclé la boucle. En parler souvent, y penser très peu, ne l'appliquer jamais : voilà la formule que vous semblez avoir choisie.

Le sujet est symbolique. Il risque aussi - la majorité le sait - de décevoir des espoirs et de réveiller de vieux démons. Il ne peut être traité sereinement qu'en dehors de toute période électorale, après un travail en commission plus approfondi que nous pouvons commencer dès maintenant. Une fois ce travail accompli, il apparaîtra évident que le meilleur moyen pour que les étrangers partagent le destin du peuple français, c'est qu'ils deviennent français. Leurs droits civiques seront mieux respectés avec une politique d'intégration plus volontariste et une plus grande fermeté vis-à-vis de l'immigration clandestine.

En conclusion, je voudrais citer le Haut Conseil à l'intégration.

Qu'on ne se réjouisse pas trop vite : ce texte est un peu long. Se rappelle-t-on, sur les bancs de la gauche, que le Haut Conseil à l'intégration a été créé par François Mitterrand, qu'il s'agit d'une autorité administrative indépendante dont on peut difficilement mettre en doute l'impartialité.

« La France est un Etat-nation. Elle l'est depuis longtemps ; la construction européenne n'a pas fait disparaître cette vérité historique. La nationalité française a toujours constitué un facteur de l'identité nationale sans pour autant faire obstacle à l'intégration des étrangers, soit qu'ils conservent leur nationalité, soit qu'ils deviennent français. Sans suffire à assurer l'intégration, l'acquisition de la nationalité française est un moyen fort d'y contribuer : le caractère ouvert de notre code, dès la loi du 7 février 1851, a favorisé le processus séculaire de l'intégration ainsi que les brassages de population à partir desquels la population de la France est aujourd'hui ce qu'elle est. Le Haut Conseil recommande qu'on s'en tienne pour l'essentiel à cette conception traditionnelle et libérale de la citoyenneté. »

M. Kofi Yamgnane.

C'est la nationalité !

M. Jean-Antoine Leonetti.

« La citoyenneté se confond constitutionnellement avec la nationalité française même pour les élections locales. »

Je vous communiquerai ce texte qui semble vous étonner, mesdames et messieurs de la majorité. Sans doute ne l'avez-vous pas lu, ce qui prouve que la commission n'a p as suffisamment travaillé. Il poursuit ainsi : « Les m embres du Haut Conseil ont été unanimes à reconnaître que, dans les circonstances présentes, l'examen du point de savoir si les étrangers doivent avoir le droit de vote aux élections locales ne serait pas de nature à faire avancer réellement le dossier de l'intégration des populations immigrées ».

On ne saurait être plus clair. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'étranger a beaucoup trop apporté à notre pays pour qu'on ne lui consacre qu'un débat discret, un mercredi soir, après que la fenêtre parlementaire a été trop vite refermée. Le sujet est d'ailleurs trop passionnel, propice aux fantasmes ou aux polémiques, pour qu'il soit l'objet d'un débat avorté, d'enjeux politiciens, ou pour qu'il débouche sur une loi mort-née.

M. Christian Bataille.

Merci pour la langue de bois !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Le droit de vote n'est pas le début de l'intégration, il est son aboutissement. L'intégration de l'étranger se fait dans le creuset de la République française. Ne substituons pas une cohabitation d'opportunité économique ou sociale - ce que Mme la garde des sceaux a appelé une citoyenneté locale participative et qui, en fait, risque de n'être qu'une sous-citoyenneté -, à cette volonté de destin fort, de valeur partagée qui a fait et qui fait l'honneur de notre pays - qui a fait notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Montebourg.

Applaudissez-le, il en a besoin !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration g énérale de la République.

Monsieur le président,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

madame la ministre, mes chers collègues, votre rapporteur ne peut que s'opposer au renvoi en commission défendu par M. Leonetti, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, parce que nous avons beaucoup travaillé en commission...

M. Thierry Mariani.

Deux heures !

M. Noël Mamère, rapporteur.

... et que l'article unique, sur lequel l'Assemblée sera appelée à se prononcer tout à l'heure, a été l'objet d'un compromis entre nous.

M. Thierry Mariani.

Entre la gauche !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Il devrait donc recueillir l'assentiment de l'unanimité de la gauche plurielle. Ce texte est un premier pas décisif vers l'égalité de tous devant la citoyenneté.

Je voudrais dire à mon collègue Leonetti et à quelquesuns de ceux qui l'ont précédé à la tribune que j'ai quelquefois le sentiment, en écoutant leurs arguments, qu'ils ont tendance à avoir une France de retard. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Il me semble, en effet, que la société a évolué depuis que les débats sur la place que les étrangers doivent y occuper ne se déroulent plus sous l'ombre portée d'un Front national sérieusement divisé et affaibli.

M. Christian Estrosi.

Cela vous embête ! Vous avez perdu votre allié objectif !

M. Julien Dray.

Nous nous en réjouissons au contraire.

C'est grâce à nous qu'il s'est affaibli !

M. Christian Estrosi.

Vous êtes en place grâce à lui !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Certains députés républicains et démocrates n'expriment d'ailleurs pas tout à fait le même point de vue que ceux qui se sont succédé à la tribune. Sans doute, à l'occasion du vote de cet article unique, certains d'entre eux, comme M. de Robien,...

M. Gilles de Robien.

Pas de récupération, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère, rapporteur.

... auront-ils l'occasion de nous dire que le vote des étrangers non communautaires dans les élections locales est une nécessité pour l'intégration et la cohésion.

Pour les députés Verts qui ont déposé cette proposition de loi, l'argument principal n'est pas de dire que, puisqu'on demande aux étrangers leur force de travail et leur impôt, il faut, en contrepartie, qu'ils puissent jouir du droit de vote. Nous souhaitons plutôt remédier à cette rupture d'égalité devant la citoyenneté qui se produit en raison de l'application a minima, par notre pays, du traité de Maastricht pour les citoyens communautaires qui vivent de manière durable dans notre pays.

Certains ont expliqué, comme un argument décisif, que, si l'on adossait la citoyenneté à la nationalité, il fallait élargir la procédure de naturalisation des étrangers vivant dans notre pays. C'est avoir la mémoire courte ou aimer à manier le paradoxe : lorsque cette question a été discutée, en effet, l'opposition a traité la gauche de laxiste, qui essayait d'ouvrir un peu plus l'accession à la nationalité française.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas vrai !

M. Kofi Yamgnane.

Si, c'est vrai !

M. Gérard Hamel.

Pas dans n'importe quelles conditions !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Marier la nationalité à la souveraineté, vous le savez, ce n'est pas un argument.

Notre collègue Estrosi disait, tout à l'heure, dans une envolée lyrique, que la souveraineté est une et indivisible.

M. Christian Estrosi.

Oui !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Or, les gouvernements qu'il a soutenus pendant des années, l'Europe et la mondialisation entament chaque jour un peu plus cette souveraineté.

M. Kofi Yamgnane.

Absolument !

M. Christian Estrosi.

Non ! Ce sont vos gouvernements !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Cet après-midi, nous avons débattu dans l'hémicycle de la question de l'euro.

Les trois cinquièmes des lois que nous votons sont la transposition en droit français de directives européennes.

Je ne vous ai pas entendus vous lamenter et lancer des cris d'orfraie...

M. Christian Estrosi.

Contre les directives européennes, si ! Ne serait-ce que contre la chasse !

M. Noël Mamère, rapporteur.

... sur ces abandons de souveraineté depuis que le général de Gaulle a élaboré la Constitution de la Ve République. Je ne vous vois pas pleurer non plus sur les questions de souveraineté lorsqu'il s'agit de fonds de pension, de fusions-acquisitions ou de sociétés transnationales qui sont aujourd'hui propriétaires de plusieurs de nos grandes entreprises.

M. Arnaud Montebourg.

Voilà une parole juste !

M. Gérard Hamel.

Quel amalgame !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Je voudrais conseiller à mon collègue Clément, qui a fait son tour de piste mais qui est déjà parti,...

M. Julien Dray.

Comme d'habitude !

M. Noël Mamère, rapporteur.

... de lire attentivement les publications auxquelles il fait référence. Mais sans doute ne font-elles pas partie de ses livres de chevet. De même que Mme Boutin a un jour, ici même, brandi la Bible, je citerai La Lettre de la citoyenneté. Il ne s'agit pas d'une publication confidentielle et tendancieuse, comme l'a prétendu tout à l'heure M. Clément...

M. Thierry Mariani.

Depuis combien de temps existet-elle, cette Lettre de la citoyenneté ?

M. Noël Mamère, rapporteur.

... mais d'une publication très sérieuse, qui a demandé à un institut tout aussi sérieux, le CSA - celui qui, par exemple, mesure la popularité de nos hommes politiques, du Président de la République ou du Premier ministre -, de réaliser un sondage. Selon cette enquête, 52 % des Français sont favorables au vote des étrangers non communautaires résidant dans notre pays.

C'est dire combien la situation a changé depuis cinq ans. La société française est aujourd'hui prête à cette é volution, à cette conquête du droit pour la vitalité démocratique de notre pays. De grâce, messieurs de l'opposition, ne campez pas sur des archaïsmes, sur des arguments dépassés, ne faites pas de la politique « hors-sol », cessez de vous contempler le nombril. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lionnel Luca.

Allons !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas digne du débat parlementaire !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Regardez plutôt la société qui, derrière ces murs, avance tandis que vous vous attardez en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. le président.

Nous en arrivons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Serge Blisko, pour cinq minutes.

M. Serge Blisko.

Monsieur le président, j'ai écouté avec attention l'exposé de M. Leonetti et n'ai pas été convaincu, malgré sa longueur...

M. Thierry Mariani.

Il n'a parlé que trente minutes !

M. Serge Blisko.

... et le grand nombre de citations - dont certaines étaient tronquées - qu'il a pu faire.

Une fois de plus, le débat que nous avons depuis hier l'a montré, nationalité et citoyenneté ne sont pas, dans les conditions actuelles en France, différentes ou opposées, mais ne se superposent pas exactement. On l'a assez répété, on peut avoir la nationalité et ne pas jouir de tous ses droits de citoyen. A l'inverse, des citoyens qui participent pleinement à la vie collective de nos villes, de nos banlieues et de nos villages ne sont pas, aujourd'hui, complètement en mesure de faire valoir leurs droits de citoyens, alors même qu'ils ont cette citoyenneté de fait.

Nous pouvons justement éclairer ce problème en permettant à ces étrangers non communautaires d'avoir le droit de vote aux élections locales, comme ils l'ont dans les élections de représentants des locataires de logements sociaux, ...

M. Lionnel Luca.

Je ne vois pas le rapport !

M. Serge Blisko.

... dans les élections scolaires, dans les élections dites sociales, de délégués du personnel, par exemple. Ainsi, depuis vingt ans, la société a reconnu le rôle que jouent ces personnes sur le sol français.

M. Leonetti a beaucoup insisté sur un autre argument : il reconnaît que la plupart de ceux que j'appelle des citoyens mais qui n'ont pas encore le droit de vote vivent dans les quartiers défavorisés de nos grandes villes et dans nos banlieues. C'est souvent, me semble-t-il, parce qu'ils n'arrivent pas à se faire entendre - et je n'ai aucun mépris partisan en disant cela, car je pense que tous les maires, quelles que soient leurs options politiques, sont à leur écoute -, tout simplement parce qu'ils ne disposent pas du droit de vote aux élections locales. Les jeunes et leurs parents nous parlent des problèmes de périphérie, d'enclavement, de transport, d'intégration scolaire et de discrimination qu'ils rencontrent. Ils nous disent que, lorsqu'on habite tel ou tel quartier, on ne trouve pas facilement un logement ou un travail.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cela n'a rien à voir !

M. Serge Blisko.

Au-delà de la question fiscale, on peut considérer que, si des étrangers installés depuis longtemps en France pouvaient, aujourd'hui ou demain, devenir des acteurs à part entière du mouvement social - ce qu'ils sont déjà dans les associations, eux qui animent, qui font vivre nos villes et nos banlieues -, nous saurions les écouter avec une plus grande empathie.

M. Leonetti a beaucoup ironisé sur les vingt années qui se sont écoulées entre les propositions de 1981 et le débat d'aujourd'hui. Dois-je lui rappeler que l'opposition, naguère, a elle-même manipulé le droit de vote aux élections municipales ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Manipulé ?

M. Serge Blisko.

Je m'étonne qu'on ne l'ait pas dit plus souvent, mais rappelez-vous comment s'effectuait le vote des Français dits de l'étranger avant 1981 aux élections municipales. En application d'une réglementation ahurissante, on est allé chercher des milliers de Français qu'on a fait inscrire par l'administration...

M. Christian Estrosi et M. Thierry Mariani.

Ils étaient Français quand même !

M. Serge Blisko.

... dans des communes où ils n'avaient strictement rien à faire, certains habitant l'étranger depuis plusieurs générations et n'ayant aucun rapport, de près ou de loin, avec les villes menacées par le suffrage universel, et par la gauche en particulier.

M. Christian Estrosi.

Vos propos sont scandaleux !

M. Thierry Mariani.

Quel amalgame !

M. Serge Blisko.

Heureusement, ces manipulations ont pris fin en 1981. Elles n'étaient pas à votre honneur, messieurs. Cessez de donner des leçons de démocratie !

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

M. Arnaud Montebourg.

C'était du « tibérisme » avant l'heure !

M. Christian Estrosi.

Je vous assure que le Journal officiel va circuler à l'étranger. Vous venez de commettre une belle erreur !

M. Serge Blisko.

Nous vous avons vus à l'oeuvre dans ces années-là. Il fallait le rappeler.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Serge Blisko.

Vous n'avez pas le privilège de la morale...

M. Christian Estrosi.

Cette morale-là, vous pouvez vous la garder !

M. Serge Blisko.

... et surtout pas de l'écoute attentive.

M. le président.

Monsieur Blisko, veuillez conclure.

M. Serge Blisko.

Si nous ne progressons pas en ce domaine, nous aurons demain trois types de personnes en France : ceux qui votent et qui sont pleinement Français, les citoyens de l'Union européenne et les ressortissants extra-communautaires.

Notre rapporteur le disait : la société a bougé. Je souhaite que nous bougions, nous aussi, et vite, à l'issue de ce débat fructueux. Pour ce faire, il faut que nous accélé-r ions le mouvement. C'est pourquoi le renvoi en commission n'est absolument pas justifié. Je demande à nos collègues de voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, aussi brièvement que possible, je voudrais exprimer la position du groupe Radical, Citoyen et Vert unanime.

M. Thierry Mariani.

Pour une fois !

M. Georges Sarre.

Faut-il suivre M. Leonetti et demander le renvoi en commission ?

M. Marc Reymann.

Oui ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Georges Sarre.

La réponse tombe d'elle-même : non. Pourquoi ?

M. Christian Estrosi.

Parce que vous vous trahissez vous-même !

M. Georges Sarre.

Parce que personne ici ne découvre le dossier. Je ne rappellerai pas - certains l'on fait - que le vote des étrangers aux élections municipales faisait par-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

tie du programme commun de gouvernement et des 110 propositions de François Mitterrand. La question avait été, à l'époque, étudiée, précisée. Si cela n e s'est pas fait, c'est pour une raison simple : ...

M. Claude Goasguen.

C'est qu'ils l'avaient oubliée !

M. Georges Sarre.

... l'opinion publique n'était pas prête.

Aujourd'hui, les choses ont changé, pour deux raisons : d'une part, la prise de conscience de nos concitoyens s'est accélérée, d'autre part, il y a eu l'adoption, que j'ai certes combattue, du traité de Maastricht. Or ce traité prévoyait que les ressortissants de l'Union européenne pourraient dans chaque pays participer aux élections locales et européennes. Mes chers collègues de droite - vous n'êtes d'ailleurs pas les seuls concernés - croyez-vous qu'il serait acceptable que les étrangers, ressortissants des pays de l'Union vivant dans notre pays puissent voter aux élections municipales, comme ils vont le faire en 2001, et que tous les autres étrangers vivant en France...

M. Gérard Hamel.

Qui ne demandent rien !

M. Georges Sarre.

... ne le puissent pas ? Ce serait une discrimination que personne ne pourrait justifier ou accepter.

M. Maxime Gremetz.

C'est du racisme !

M. Georges Sarre.

Au nom de quel principe en effet ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

L'Europe !

M. Julien Dray.

L'Europe, c'est aussi la Méditerranée !

M. Georges Sarre.

Non, l'Europe n'y est pour rien, si ce n'est que ce traité a imposé une première rupture dans un principe que je considère fondamental : citoyenneté et nationalité sont liées.

Comme le traité de Maastricht a entraîné une distorsion, il faut que les autres étrangers puissent aussi être bénéficiaires. C'est cela la justice.

M. Claude Goasguen.

C'est quand même un drôle de raisonnement !

M. Jean-Antoine Leonetti.

En effet !

M. Georges Sarre.

Monsieur Leonetti, j'ai essayé de suivre les méandres de votre raisonnement, je dois dire que j'ai été très vite essoufflé.

M. Jean-Antoine Leonetti.

J'ai beaucoup de difficultés à suivre le vôtre !

M. Georges Sarre.

Le groupe Radical, Citoyen et Vert unanime votera contre le renvoi en commission et pour la proposition de loi présentés par M. Mamère et d'autres groupes de l'Assemblée nationale.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Claude Goasguen.

M. Sarre ne semble pas partager les mêmes positions que M. Jean-Pierre Michel, qui appartient pourtant au même parti que lui. En effet, ce dernier, en commission des lois, avait très vigoureusement attaqué les propos de M. Mamère. Vous le voyez, ce n'est pas seulement à droite qu'il existe des nuances. A gauche, aussi, de toute évidence, certains se posent des questions ! J'ajouterai que d'autres députés socialistes nous ont fait...

M. Noël Mamère.

La gauche est plurielle et la droite ne l'est pas !

M. Claude Goasguen.

Ce n'est pas la peine de caricaturer, monsieur Mamère ! Le renvoi en commission me paraît indispensable pour une raison qui n'a pas encore été évoquée et sur laquelle, madame la ministre, je voudrais insister.

Les propositions de loi émanent directement du voeu des groupes - c'est une bonne chose -, mais il n'a pas été prévu de moyens logistiques suffisants pour leur donner la possibilité de procéder à des études d'impact. Ils ne peuvent secourir - je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs aux services du Conseil d'Etat pour étudier la faisabilité juridique ou les conséquences de telle ou telle proposition. Ce handicap a d'ailleurs pesé très lourdement sur la crédibilité d'un certain nombre de textes. C'est le cas pour celui-ci.

M ais, au-delà, je regrette solennellement que le ministre de l'intérieur n'ait pas daigné venir devant nous.

Et, madame la ministre, je ne remets pas ici en cause la compétence et la ferveur que vous avez manifestées en défendant ce texte, même si l'on peut se poser des questions sur certains attendus. Mais votre collègue n'est-il pas chargé de la tutelle des étrangers en France ? Or, que je sache, c'est bien du vote des étrangers dont il est question. En outre, l'article introduit par la proposition se situe au titre XII de la Constitution consacré aux collectivités locales, dont il a aussi la tutelle.

Doublement concerné par une proposition de la loi constitutionnelle, qui modifie considérablement l'équilibre de son propre ministère, le ministre, présent cet après-midi, même pour les questions d'actualité, n'a pas trouvé une minute pour nous exposer les conséquences de ce texte pour les institutions de la France. Je mets hors de cause la personnalité de M. Chevènement, qui, je le sais, en entendant M. Sarre ou M. Michel, a dû avoir quelques problèmes. Mais il y a quand même des limites...

Mme Nicole Bricq.

Vous l'avez dit : il y a des limites !

M. Claude Goasguen.

... à ne pas se présenter devant le souverain pour dire ce à quoi engagerait la loi si d'aventure elle était votée quand elle relève de ses propres compétences.

Dans ces conditions, vous ne pouvez pas refuser que le ministre de l'intérieur soit entendu devant la commission des lois. Vous avez procédé à l'audition d'éminents spécialistes, monsieur Mamère, mais qui étaient tous un peu du même avis, car le pluralisme n'était pas très présent dans vos études préalables. Et la personne qui aurait dû absolument parler ne l'a pas fait : je veux parler du ministre de l'intérieur. Cette raison seule suffirait à justifier le renvoi en commission s'il n'y en avait une deuxième.

M. Arnaud Montebourg.

Ce sont là des arguties !

M. Claude Goasguen.

C'est du droit, mon cher collègue.

M. Kofi Yamgnane.

Non, de la droite !

M. le président.

Chers collègues, s'il vous plaît.

M. Claude Goasguen.

Mais on peut être à la fois juriste et de droite. Il faudra que vous vous fassiez à cette idée, chers collègues.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Alors que les socialistes ont explicitement renoncé à mettre en application ce principe à partir de 1990, ce texte deviendrait d'actualité et un vaste courant populaire viendrait imposer sa discussion au souverain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Enfin soyons sérieux ! La pétition dont vous vous prévalez ne réunit au maximum que six mille signatures sur trois millions de personnes concernées. Et dans le sondage de La lettre de citoyenneté dont vous parlez, les 52 % sont loin du résultat objectif que garantit l'intervention de plusieurs instituts de sondages. Et ce serait le peuple de France qui se lèverait pour réclamer le droit de vote pour les étrangers résidents ! De qui vous moquez-vous ? Arrivez-vous vous-mêmes à croire ce que vous dites ?

M. Julien Dray.

Oui !

M. Claude Goasguen.

Mes chers collègues, reprenez vos esprits ! Si vous voulez vous lancer dans des débats philosophiques, je suis tout à votre disposition, ainsi que mes collègues, pour les mener à la Sorbonne.

M. Arnaud Montebourg.

On ne le sait que trop !

M. Claude Goasguen.

Mais, je vous en prie, n'encombrez pas l'Assemblée nationale avec des questions qui ne sont pas mûres et qui ne sont pas de mise.

M. Arnaud Montebourg.

Pour la philosophie, on vous téléphonera.

M. Claude Goasguen.

Pour toutes ces raisons, je demande le renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani pour le groupe RPR. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Monsieur Mariani, attendez s'il vous plaît que l'Assemblée retrouve son calme. Je voudrais que chacun puisse écouter les orateurs, à quelque groupe qu'ils appartiennent. M. Blisko a été écouté dans le silence. Faites-en de même pour M. Mariani !

M. Kofi Yamgnane.

Il est sérieux ! Ce n'est pas pareil !

M. Thierry Mariani.

Le groupe RPR soutient la motion de renvoi en commission de M. Jean-Antoine Leonetti pour plusieurs raisons. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Chaque fois que vous m'interromprez, je prendrai mon temps et vous savez que j'adore les nuits ici.

M. le président.

Monsieur Mariani, vous me permettrez de juger du temps ! Poursuivez.

M. Thierry Mariani.

La première tient à la grande nouvelle que nous avons apprise ce soir : la proposition de loi que nous examinons était attendue depuis 1923 par le parti communiste et depuis 1981 par le parti socialiste !

M. Kofi Yamgnane.

Depuis 1793 !

M. Thierry Mariani.

Si vous avez pu attendre soixantedix-sept ans ou dix-neuf ans, pourquoi ne pas se donner encore un mois ou deux pour travailler sérieusement à cette proposition de loi en commission ? Car, monsieur le rapporteur, quel a été le travail en commission, ce texte n'a été discuté que deux heures ? Vous nous parlez des auditions que vous avez effectuées, mais l'opposition n'y a pas été conviée.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Ce n'est pas la tradition.

M. Thierry Mariani.

Permettez-moi d'ailleurs de dire que la liste des personnes auditionnées est singulièrement monocolore pour une majorité qui se dit plurielle : le secrétaire général du MRAP et sa présidente, ainsi qu'un membre de son conseil national ; un représentant du collectif « Un résident, une voix » ; le secrétaire général de la fédération Léo-Lagrange ; un représentant du collectif

« Même sol : mêmes droits, même voix » ; le président de la Ligue des droits de l'homme ; la présidente du groupe d'information et de soutien des immigrés ; un représentant de La lettre de la citoyenneté ; enfin M. Patrick Weil.

M. Christian Estrosi.

Quel pluralisme !

M. Thierry Mariani.

Franchement, de qui se moque-ton ?

M. Christian Estrosi.

Des Français tout simplement !

M. Thierry Mariani.

Le travail en commission a été un travail confidentiel, un travail bâclé et un travail partiel.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Un peu de respect pour la Ligue des droits de l'homme tout de même ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais il s'en fout, de la Ligue des droits de l'homme !

M. Thierry Mariani.

Cette raison seule suffirait à renvoyer ce texte partial en commission afin qu'il y ait un vrai débat et une véritable information des commissaires.

La deuxième raison est fondamentale. Je me contenterai de reprendre la définition de la citoyenneté utilisée par le Haut Conseil à l'intégration, qu'a rappelée tout à l'heure notre collègue des Alpes-Maritimes.

Plusieur députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Mais lequel ?

M. Thierry Mariani.

Vous savez, à droite, les députés des Alpes-Maritimes de qualité ne manquent pas !

M. Joseph Parrenin.

Très à droite !

M. Thierry Mariani.

« La citoyenneté se confond constitutionnellement avec la nationalité. » Peut-on mieux résu-

mer la conception de la citoyenneté qui est la nôtre et qui a toujours été celle de la nation française...

M. Daniel Marcovitch.

Et l'Europe ? M. Thierry Mariani ... que le fait cet organisme créé par votre majorité ? La troisième raison, c'est que nous sommes, de manière évidente, en présence d'une manipulation et d'une opération bien montées. Après qu'une lettre confidentielle fait paraître un sondage discutable, on nous explique qu'il y a une demande générale de la part des immigrés en faveur du droit de vote. Or cette opération est comme par hasard relayée par deux groupes : le MRAP, dont chacun sait bien qu'il est l'une des courroies de transmission du parti communiste (Rires et exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

M. Daniel Vachez.

C'est honteux !

M. Thierry Mariani.

Non, réaliste.

Mme Muguette Jacquaint.

Cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas entendue celle-là !

M. Thierry Mariani.

Reprenez l'historique de la création de cette association, souvenez-vous du Mouvement pour la paix. Je sais, les rappels historiques sont gênants.

Quant au deuxième groupe, c'est la Fédération LéoLagrange pour le parti socialiste.

Pour ma part, je préfère me référer aux déclarations d'Hassan II (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Je vois que les déclarations des étrangers ne vous plaisent que lorsqu'elles vont dans votre sens. Quand il s'agit d'un collectif d'immigrés, cela vous convient, mais quand il s'agit d'un souverain étranger, cela vous gêne.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Noël Mamère, rapporteur.

C'est « votre ami le roi » ! Que faites-vous d'Abraham Serfati, du respect de la liberté de la presse et de la démocratie !

M. le président.

Monsieur Mariani, attendez quelques instants.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Citez Ben Ali, c'est aussi un bon démocrate !

M. le président.

Monsieur Mamère, vous n'allez pas vous y mettre aussi. Laissez M. Mariani s'exprimer !

M. Thierry Mariani.

Monsieur Mamère, que vous soyez outré par le fait que je cite le roi Hassan II me surpend.

Puis-je vous rappeler que l'actuel ministre des finances, alors président de l'Assemblée, l'a reçu en grande pompe ici même ? C'était aussi à ce moment-là qu'il fallait être outragé.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Mais j'étais dans la rue pour protester contre cette visite !

M. Thierry Mariani.

La vérité historique, il faut aussi...

M. le président.

Monsieur Mariani, poursuivez votre propos et concluez, je vous prie.

M. Thierry Mariani.

Quatrième raison : le droit de vote n'est pas l'intégration. Certains de vos collègues - je pense en particulier à Bruno Le Roux - ont évoqué un v rai problème concernant l'intégration : les 30 % d'emplois réservés que compte la France. Certes, on peut avoir des opinions différentes sur cette question, mais la poser, c'est un moyen de faciliter l'intégration alors que le droit de vote ne résout rien.

J'en viens à la cinquième raison.

M. le président.

Concluez, je vous prie, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Vous citez en permanence les pays étrangers. Je vous conseille à ce sujet la lecture de l'excellent livre de Patrick Weil, ancien conseiller du ministre de l'intérieur,...

M. Alain Barrau.

Il a été auditionné !

M. Claude Goasguen.

Il n'a pas été entendu.

M. Thierry Mariani.

... qui, visiblement, n'a pas été entendu.

L e Danemark, la Suède ou la Finlande ne reconnaissent pas le droit du sol. Au Danemark, pour être Danois, il faut passer un examen portant sur l'aptitude à tenir une conversation dans la langue nationale.

M. Robert Gaïa.

Vous ne pourriez donc pas être danois ! (Rires.)

M. Thierry Mariani.

En Suède, pour être naturalisé, il faut prouver qu'on n'a jamais été condamné. Enfin, en Finlande, une simple amende suspend le processus de naturalisation. Je veux ainsi montrer qu'en France la voie royale...

M. Kofi Yamgnane.

Encore la royauté !

M. Thierry Mariani.

... pour les étrangers qui désirent voter, c'est la naturalisation.

M. le président.

Monsieur Mariani, concluez !

M. Thierry Mariani.

Enfin, dernière remarque qui sera ma conclusion. Madame la ministre, je suis agréablement surpris de voir que le Gouvernement a pu inscrire ce texte à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée. Puissiezvous avoir pour les représentants de la communauté arménienne la même préoccupation que pour les étrangers qui disent vouloir voter sur notre territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bruno Le Roux.

C'est la droite qui bloque au Sénat !

M. Thierry Mariani.

Vous avez trouvé un créneau pour inscrire le texte ce soir. Si votre gouvernement le voulait vraiment, il pourrait aussi inscrire à l'ordre du jour prioritaire le texte reconnaissant le génocide des Arméniens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard, pour le groupe communiste.

M. Claude Billard.

Bien entendu, mes chers collègues, les députés communistes voteront contre la motion de renvoi en commission.

Les étrangers attendent depuis trop longtemps de devenir des citoyens à part entière pour que l'on ne s'oppose pas à cette nouvelle manoeuvre de procédure.

M. Alain Néri.

Dilatoire !

M. Claude Billard.

Nous le ferons en pensant à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui font aussi la richesse de la France d'aujourd'hui.

M. Lionnel Luca.

Et qui ne demandent rien !

M. Claude Billard.

Nous le ferons parce que notre combat est celui de l'égalité des droits dans le respect des différences.

Nous le ferons parce que nous mettons notre mandat au service d'un nouveau regain de vitalité citoyenne. Et le droit de vote des étrangers en est un des moyens importants, pour ne pas dire essentiels.

Nous le ferons au nom d'une certaine conception du droit. Et, ici, nous avons entendu nombre d'orateurs agiter le droit pour faire obstruction, pour empêcher toute avancée, pour corseter en quelque sorte la société dans ses vieux habits. Cette conception, c'est celle d'un outil au service des libertés individuelles et d'une citoyenneté partagée.

Nous le ferons parce qu'il est de la responsabilité du politique d'engager les grandes réformes que demande et qu'appelle la société française.

Nous le ferons parce que, depuis six mois, un large débat a eu lieu dans tout le pays et que de ce débat se dégage une volonté majoritaire pour aller au bout de cette réforme, volonté qui s'exprime aussi dans certains rangs de l'opposition.

Nous le ferons enfin, parce que nous avons suffisamment entendu de propos indignes, lors de nos travaux en commission ou dans cet hémicycle, pour éviter d'avoir à les subir à nouveau.

Surtout, nous le ferons parce qu'il est grand temps d'établir des droits là où n'existent aujourd'hui que des interdits. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDF.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, mes chers collègues, je vais essayer d'abréger vos souffrances (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car ces explications de vote sont pour vous difficiles à entendre.

M. Bruno Le Roux.

Vaniteux !

M. Alain Barrau.

On a entendu pire !

M. Rudy Salles.

Elles mettent souvent le doigt là où ça fait mal.

Vous avez d'ailleurs toujours du mal à nous écouter et à accepter nos votes. Mais il faut vous y faire, c'est ainsi que fonctionne la démocratie.

J'aimerais revenir sur les propos particulièrement scandaleux de M. Blisko qui parlait de la manipulation opérée par l'opposition au sujet du vote des Français de l'étranger.

M. Bernard Outin.

Eh oui !

M. Rudy Salles.

Dois-je vous rappeler que vous n'avez jamais volontiers laissé les Français s'exprimer ? Lorsque nous sommes revenus au pouvoir, en 1993, nous avons dû assouplir les textes relatifs au droit de vote par procuration parce qu'un certain nombre de Français, notamment des personnes âgées, ne pouvaient pas voter lorsqu'ils étaient en vacances. Cela vous avait paru tout à fait normal, pas à nous.

Mais vous avez une telle force de persuasion que vous arrivez à manipuler les esprits, ce qui, à mon sens, est particulièrement grave. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Sarre nous a dit que l'opinion publique avait changé.

M. Maxime Gremetz.

Elle était à droite, elle est maintenant à gauche !

M. Rudy Salles.

M. Gremetz, lui, n'a pas changé !

M. Maxime Gremetz.

Eh non !

M. le président.

Monsieur Salles, tenez-vous-en à votre explication de vote.

M. Rudy Salles.

Il y a un brouhaha qui m'empêche d'entendre ce que je dis, ce n'est pas facile ! Vous invoquez les sondages. Pourquoi d'ailleurs ne pas supprimer les élections et légiférer par sondage, au moins, la démocratie n'aura carrément plus droit de cité ! Mais nous ne devons pas parler des mêmes Français.

Ceux que j'ai rencontrés ce week-end connaissaient parfaitement l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Croyez-moi, leur discours n'était pas du tout celui que vous prétendez aujourd'hui imposer.

Vous avez parlé, monsieur Sarre, du vote des Européens et du vote des « autres ». Mais nous l'avons suffisamment dit à cette tribune, les Européens ne sont plus des étrangers entre eux ; ils se réunissent autour de certaines valeurs. Ils ont d'ailleurs un passeport commun.

Peut-être est-ce pour vous dérisoire, mais pour nous cela compte.

Ce qui compte également et que vous n'avez pas signalé, c'est la réciprocité, qui n'existe pas entre tous les pays. Vous avez dénoncé l'injustice qu'il y aurait entre les Européens et les autres ; mais il y aurait injustice si des liens de réciprocité s'établissaient avec certains et pas avec d'autres ! Monsieur Billard, au nom du groupe communiste, vous avez parlé de l'égalité des droits, du respect des différences, d'une certaine conception du droit et du respect des libertés individuelles. Or, pendant soixante-dix ans, vous avez cautionné le goulag ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Franchement, cela prêterait à sourire si le sujet n'était pas si grave. ( Protestations sur les mêmes bancs.)

L'intervention de M. Leonetti était de qualité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Chers collègues de la majorité, vous auriez dû en apprécier le ton et la modération, apprécier l'humanisme qui s'en dégageait ; mais cela vous est totalement étranger...

Il y a près de vingt-six ans, à l'occasion d'une élection présidentielle et lors d'un débat qui opposait Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand, le premier dit au second : « Vous n'avez pas le monopole du coeur... »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Eh bien, cette phrase pourrait très bien vous être retournée ce soir parce que, décidément, vous n'avez toujours pas le monopole du coeur. Pas plus que vous n'avez le monopole de la compréhension des autres, ni le monopole des yeux ouverts, ni le monopole de la modernité. Non, tous ces sentiments doivent pouvoir être partagés sur l'ensemble de ces bancs.

Acceptez que nous ayons des conceptions différentes.

Acceptez que l'on puisse en discuter sereinement. Ecoutez de temps en temps ce que nous avons à dire. Parce que, lorsque nous nous exprimons ici, nous ne le faisons pas seulement en notre nom, nous le faisons au nom de nos électeurs, qui sont aussi estimables que les vôtres ! C'est pour cette raison, et pour bien d'autres, que nous voterons la motion de renvoi en commission de JeanAntoine Leonetti. D'ailleurs, après vos vociférations, vous avez besoin de retrouver un peu de calme dans le cadre d'une commission qui aura à réétudier ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la mention de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président.

« Article unique Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

Plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Dans l'inconscient collectif, la fusion des notions de nationalité et de citoyenneté était un obstacle à toute évolution dans le domaine du droit de vote


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

des étrangers. Aujourd'hui, cet obstacle a été levé par la modification de la Constitution permettant aux ressortissants de l'Union européenne d'être électeurs et éligibles aux élections municipales. Et par cette révision, nous avons réalisé le découplage entre citoyenneté et nationalité.

M. Thierry Mariani.

C'est de la science-fiction !

M. Robert Gaïa.

Nous l'avons réalisé parce que nous n'avons pas modifié l'article 3 de la Constitution et parce que nous avons ajouté un article additionnel au titre XII.

Ainsi, ce n'est pas le lien entre nationalité et souveraineté qui a été rompu, mais bien le lien entre nationalité et souveraineté, d'une part, et citoyenneté, d'autre part.

C'est ce que propose de faire l'article 1er du projet de loi en étendant ces dispositions à tous les étrangers.

Monsieur Mariani, pas de faux procès entre nous ! De grâce, que certains évitent d'agiter les vieux poncifs de l'extrême droite au risque de légitimer les discours de refus, de peur, de haine de l'autre que profèrent encore MM. Le Pen et Mégret devant un public heureusement de plus en plus clairsemé.

Certains nous accusent d'ouvrir un débat archaïque et dangereux. Ceux qui sont archaïques et dangereux, ce sont ceux qui ont créé un nouveau parti pour « recycler » les membres perdus du Front national ; ceux qui disent partager avec ces derniers les mêmes valeurs ; ...

M. Lionnel Luca.

C'est très comique ! Vous vous y connaissez en recyclage !

M. Robert Gaïa.

... ce sont ceux qui soutiennent leurs leaders au Parlement européen, ce sont ceux aussi qui expriment, avec ce nouveau parti, une proximité complaisante.

M. Lionnel Luca.

C'est lamentabble !

M. Robert Gaïa.

C'est lamentable en effet...

Eh oui, mes chers collègues, des étrangers voteront, seront éligibles et seront élus, pour certains, aux municipales de 2001 ; le débat est derrière nous.

M. Thierry Mariani.

C'est impossible, vous le savez !

M. Robert Gaïa.

Que propose l'article 1er ? Simplement de permettre à celles et à ceux qui, étrangers, résident, vivent, travaillent, paient leurs impôts, envoient leurs enfants à l'école dans nos communes, de participer à la vie de leur cité comme peuvent le faire les étrangers de l'Union européenne.

Si la majorité plurielle se retrouve sur ce texte, il nous faut noter que des parlementaires de l'opposition et non des moindres : MM. Barre, de Robien, Paillé, Borloo, Leroy - se disent favorables à cette réforme. Ils ont raison ! Je le dis sans volonté de récupération, monsieur de Robien. Si ces collègues de l'opposition sont favorables à une telle évolution, je suis sûr que ce n'est pas l'opportunisme ou la démagogie qui les guide, mais la raison et le pragmatisme.

M. Kofi Yamgnane.

Très bien !

M. Robert Gaïa.

Comme eux, je crois qu'il faut consacrer nos énergies, non à sublimer le droit à la différence mais à faire avancer le droit à la ressemblance dans le respect des différences. C'est la pédagogie de la participation, du vivre ensemble, de la démocratie locale, de la politique de proximité, de l'apprentissage de la responsabilité, bref de la citoyenneté que nous voulons faire vivre dans ce texte.

Car enfin, lorsqu'il s'agit de gérer le quotidien de la cité, va-t-on encore longtemps considérer qu'il existe des citoyens de seconde zone, alors qu'aujourd'hui les enjeux sont essentiellement de rassembler, d'associer, de faire participer l'ensemble de la population d'une ville à la vie et au développement de sa commune ? Ces étrangers sont citoyens dans l'entreprise : ils peuvent être délégués du personnel et membres des comités d'entreprise. Ils sont citoyens en matière syndicale : ils peuvent être délégués, responsables syndicaux, participer aux élections prud'homales. Ils sont citoyens dans la vie sociale : ils peuvent administrer les caisses de sécurité sociale. Ils sont citoyens dans le domaine scolaire : ils peuvent être élus aux conseils d'école, aux conseils d'établissement, aux conseils d'administration des universités.

Ils peuvent être administrateurs des offices d'HLM ; à ce titre aussi ils sont citoyens. Et ils ne pourraient pas participer à la gestion de leur cité ? Citoyens pour tout mais pas lorsqu'il s'agit de faire des choix pour leur ville ? Comme l'écrivaient Olivier Duhamel et Alima Boumediène-Thiery dans un journal du soir : « La citoyenneté doit redevenir le point central du contrat social, une notion rationnelle des droits et des devoirs précis et s'expurger de la charge identitaire qu'elle véhiculait ».

C'est ce que nous faisons dans cet article, en rétablissant un équilibre entre étrangers membres de l'Union européenne et étrangers non membres de l'Union européenne. Car enfin, ne trouvez-vous pas choquant qu'un Portugais ou un Autrichien résidant en France depuis six ou sept mois puisse être électeur et éligible aux élections municipales et qu'un Chilien ou un Algérien vivant depuis plus de vingt ans dans une ville ne puisse s'y exprimer ? Et puis, comment demander à ces centaines de milliers de jeunes Français issus de l'immigration d'avoir un comportement civique alors qu'ils n'ont jamais vu leurs parents participer aux choix faits pour leur ville ? Refuser ce droit de vote, c'est refuser une véritable intégration se nourrissant de la participation à la vie de la commune.

Refuser ce droit de vote, c'est continuer à entretenir cette vision fusionnelle de la nationalité et de la citoyenneté, alors que l'Europe, la décentralisation, la politique de la ville aujourd'hui nous conduisent à fonder la citoyenneté sur la résidence et non plus sur la nationalité.

En votant cet article, nous aurons fait oeuvre utile, nous aurons aidé nos communes, nos maires à lutter contre le communautarisme, nous aurons acté dans la loi une réalité qui s'impose à nous tous, que nous le voulions ou non, sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mesdames et messieurs, il est bien tard et bien difficile d'exprimer un point de vue personnel dans un débat dans lequel se cristallisent les oppositions de groupe. Je vais néanmoins essayer de le faire, en précisant que je ne veux pas, par rapport à la position de mon groupe, exprimer une nuance sur ce texte, mais un profond désaccord. Je précise aussi que je ne souhaite pas solliciter des applaudissements sur tous ces bancs. Je ne prends d'ailleurs aucun risque. (Sourires.)

Je pourrais résumer ainsi ma position : citoyenneté et nationalité sont indissociables. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

L'une n'est pas adossée à l'autre, comme je viens de l'entendre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

C'est quelque chose de consubstantiel à la République et je n'accepte donc pas de voir remettre en cause cet élément fondamental.

M. Didier Quentin.

Très bien !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je ne souscris pas davantage aux procès d'intention faits aux auteurs des quatre propositions de loi en discussion ou à ceux qui, depuis hier matin, s'efforcent de les soutenir. Il n'est pas juste de voir derrière ce texte une opération partisane, opportuniste, électoraliste. N'importe quel texte présenté ici pourrait d'ailleurs encourir les mêmes risques. Je reconnais très volontiers qu'il y a une vraie générosité et de vraies convictions chez ceux qui ont rédigé ces textes, qui leso nt portés politiquement et qui, aujourd'hui, les d éfendent. Mais leurs convictions ne sont pas les miennes.

Je ne m'appesantirai pas sur l'amalgame entre droit de vote des Européens aux élections locales et droit de vote des étrangers non communautaires. Chacun sait que le contenu juridique en est complètement différent. Cela prouve simplement que la République française n'est pas autarcique, comme je l'ai lu dans le rapport, mais qu'elle est ouverte, qu'elle n'a pas peur du vent du large, qu'elle est capable de négocier des traités, de déléguer des souverainetés partielles et d'essayer de créer une citoyenneté nouvelle.

L'Europe n'est pas que marchandages, compromis et comptages de marchands de tapis. C'est d'abord et avant tout un fantastique pari sur la capacité des peuples de ce cap de l'Asie à créer un espace de liberté, de progrès, de prospérité et de démocratie. D'ailleurs, entre la construction européenne - malgré toutes les difficultés qu'elle comporte - et la destruction de l'ex-Yougoslavie, je ne crois pas qu'ici personne fasse le mauvais choix.

Il n'est pas très honnête non plus de vouloir comparer le droit de vote entre les différents Etats de l'Union sans comparer leur droit de la nationalité. Cela a été dit, j'y passe rapidement, mais la voie de la citoyenneté passe chez nous par la nationalité.

D epuis trente-cinq ans, j'ai participé à tous les combats, à la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme. Je suis un militant et un combattant de l'intégration - comme nous tous, ou presque - qui a obtenu les mêmes résultats que les autres : bons un jour, moins bons le lendemain. Chacun connaît sa ville, chacun a sa vie, ses relations, chacun connaît les réalités locales. Tout le monde est capable de « penser global » et

« d'agir local ». Mais je suis extrêmement étonné car c'est la première fois, en dix-neuf ans de mandats législatifs moins quatre ans de congé sabbatique, entre 1993 et 1997 -, que je vois un projet qui s'adresse à d'autres que ses bénéficiaires.

Le seul véritable argument que j'aie entendu à l'appui de ce texte a été : « Les enfants des étrangers non communautaires installés depuis longtemps en France ne voteront pas si leurs parents n'ont pas le droit de vote. »

Mais ces enfants-là sont citoyens français !

M. Didier Quentin.

Il a raison !

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Leurs parents ne nous posent aucune difficulté et n'ont pas de problème d'intégration. Ils savent que la nationalité conditionne la citoyenneté et ils sont plutôt bien intégrés. C'est avec leurs enfants, ou parfois leurs petits-enfants, Français, qui ont le droit de vote et qui en font l'usage qu'ils veulent puisqu'ils sont citoyens à part entière, que nous avons les plus grandes difficultés. Et je ne suis pas certain que ce qui nous est proposé aujourd'hui soit la bonne manière de régler ces problèmes.

J'ai discuté avec des centaines de gens de ma ville. Ils sont moins demandeurs de ce texte qu'ils ne le redoutent.

Leur expérience, pas toujours très ancienne, les incite à se méfier. Ils craignent qu'un texte de cette nature remette l'immigration au centre du débat politique français.

(« Très bien ! », sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Rudy Salles.

C'est vrai !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Cela ne se passe pas dans la salle des Quatre-Colonnes devant les micros, cela se passe dans la réalité quotidienne, et c'est toujours sur eux que cela tombe ! Par conséquent, mon avis est fondamentalement différent. On peut épiloguer abondamment. Mais ce n'est pas une réforme sociétale. C'est un texte qui, au nom de l'extension des droits civils et sociaux, s'il est adopté, va nous faire franchir une ligne que je n'accepte pas de franchir.

On ne peut pas présenter une réforme de cette nature en disant qu'elle est dans la continuité de l'extension des droits reconnus aux étrangers. J'ai participé à tous les débats, j'ai amendé, j'ai négocié, je me suis battu, j'ai voté... Je suis heureux que les étrangers résidant sur notre territoire aient le droit de vote, puissent siéger dans les comités d'entreprise, soient électeurs aux conseils de prud'hommes, etc. C'est très bien ainsi. Mais là, il ne s'agit plus de démocratie sociale, il s'agit de démocratie politique.

Tout le monde parle de l'article 4 de la Constitution de 1793, mais personne ne semble avoir lu son article 5.

Or ce dernier conditionne le droit de vote des étrangers à la nationalité française puisqu'il l'enlève en cas de naturalisation dans un Etat étranger.

Je suis humaniste ; et c'est un acte de foi plus que de raison, quand on analyse l'histoire ou que l'on contemple l'actualité... Je suis socialiste par conviction. Je suis républicain par nature. Et ma nature républicaine m'incite à ne pas voter un texte qui, même limité par les amendements de mon groupe aux élections municipales, disjoint pour la première fois la nationalité de la citoyenneté.

Je ne m'abstiendrai pas sur ce texte, je n'irai pas boire un café à la buvette, je voterai résolument contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'article unique de cette proposition ne sera peut-être pas appliqué aussi rapidement que certains pouvaient l'espérer.

M. Thierry Mariani.

Certains, mais pas nous !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mais cette discussion n'est pas inutile, comme tout ce qui fait avancer la démocratie ; et elle n'est pas non plus inopportune parce qu'elle est attendue par une partie de nos concitoyens.

L'opinion publique aujourd'hui semble approuver, peu ou prou, cette politique de la main tendue vers ceux qui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

n'ont pas encore de voix dans notre pays et notre rôle d'élus de la nation est de prendre en compte cette évolution.

Elue moi-même d'une circonscription qui comporte une des plus grandes ZUP de France, le Val-Fourré presque 24 000 habitants, plus de 70 % d'étrangers -, je voudrais vous faire part de mon expérience sur le terrain.

J'ai été interpellée par des jeunes et par des moins jeunes, les sages comme on les appelle, sur ces notions indissociables : vote, intégration, nationalité, immigration, citoyenneté, éligibilité. Comme eux et comme vous, je me suis interrogée, car ce sont des notions sensibles et difficiles à appréhender dans leur globalité.

Aujourd'hui, il appert pour moi qu'une telle loi mériterait d'exister. Je suis convaincue qu'elle donnerait plus de force et de cohérence à tous nos efforts en matière d'intégration et d'exercice de la citoyenneté, une citoyenneté qui ne soit pas limitée à la vie associative, professionnelle ou syndicale, mais qui soit aussi politique.

A partir de mon expérience sur le terrain, j'aimerais revenir à ces deux notions : être électeur, être éligible.

Voter, c'est être citoyen, c'est être détenteur d'une part de responsabilité envers le bien national et cela implique des droits et des devoirs. Devoirs qui seront d'autant mieux partagés que les droits auront été établis et reconnus.

Accorder le droit de vote aux élections municipales, c'est aussi oeuvrer à une plus grande responsabilité citoyenne des jeunes. Pour vivre et s'inscrire légalement dans la cité, il faut être reconnu et, pour être reconnu, il faut être entendu. J'en suis profondément convaincue...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous en avez le droit !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

... même si vous ne partagez pas mes convictions.

Le second droit est l'éligibilité, limitée certes, mais qui doit permettre d'améliorer la démocratie locale en impliquant plus complètement ces populations dans des débats et des décisions qui les concernent directement parce qu'il s'agit de questions locales qui touchent à leur vie quotidienne. Ainsi, il me semble juste et nécessaire que, de spectateurs, ces gens deviennent acteurs.

En outre, en parcourant les grands ensembles, on perçoit des sentiments de méfiance, d'indifférence et même des sentiments d'hostilité qui parcourent les cités, vis-à-vis de la cité elle-même et vis-à-vis du monde politique. Je pense qu'une telle démarche, à terme, peut atténuer ces sentiments néfastes et qui risquent de devenir pervers.

M. Kofi Yamgnane.

Très bien !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mettre en place une démocratie citoyenne participative locale me semble indispensable pour faire vivre la ville et ses quartiers d'une façon beaucoup plus harmonieuse. Les limites fixées aux fonctions et aux responsabilités dans cette proposition permettent de distinguer assez finement souveraineté, nationalité, citoyenneté.

Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que ce texte n'est ni une provocation ni une manipulation vis-àvis des uns ou des autres. Il faut le considérer comme une marche vers plus de citoyenneté, comme un nouveau volet de la lutte contre le racisme banalisé, la xénophobie rampante qui perdure, comme une nouvelle étape volontariste pour faire avancer le débat renouvelé de la démocratie. Comme l'a écrit Albert Camus - à chacun ses citations -, « La démocratie n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » Cette minorité doit

être entendue et reconnue et la République française n'a pas à en avoir peur.

A titre personnel, tout à fait personnel, j'ai beaucoup entendu parler de M. Le Pen et du Front national. Et s'il y a une personne dans cet hémicycle qui défend cette proposition et qui ne souhaite pas apporter ainsi de l'eau au moulin du Front national et de M. Le Pen, c'est bien moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gérard Hamel.

Et pourtant !

M. le président.

La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à ce débat qui s'achève et où beaucoup d'arguments ont été échangés, qu'il soit permis d'ajouter quelques mots au député d'une ville qui s'est illustrée pour la défense des libertés. Dans les maquis du Vercors ou de l'Oisans, en effet, on ne demandait pas leur carte d'identité aux résistants italiens, espagnols, polonais ou russes qui luttaient au prix de leur vie contre l'occupant nazi.

Mme Muguette Jacquaint.

Eh non !

M. Michel Destot.

Dans toutes les communes qui ont la chance d'accueillir sur leur territoire des ressortissants de l'Union européenne, la plupart du temps d'ailleurs pour des raisons scientifiques, universitaires, industrielles ou culturelles, l'attribution à ces résidents du droit de vote et de l'éligibilité aux assemblées locales a constitué une avancée importante. Mais cette mesure ne permet pas de prendre en compte la population étrangère dans toute sa diversité.

Ainsi, à Grenoble, ville cosmopolite - si vous me permettez l'expression - qui compte plus de quarante communautés étrangères, il est apparu que la participation des quelque 8 000 résidents étrangers n'était pas suffisamment assurée, et ce malgré la tradition de la ville en matière de participation démocratique. C'est pourquoi nous venons de nous doter d'un conseil consultatif des résidents étrangers, composé de membres non ressortissants communautaires désignés à titre individuel par les associations. Ce conseil est chargé d'organiser la participation des résidents étrangers à la vie de notre cité et d'émettre des avis sur la politique municipale. Il s'agit d'une avancée importante, à la mesure de ce que peut faire une collectivité locale dans le cadre actuel.

Pour autant, cette mesure n'est pas suffisante. Il nous faut aller plus loin. La véritable participation démocratique, c'est le vote et son corollaire, l'éligibilité. C'est l'un des leviers de l'intégration par la participation réelle, avec tous les autres habitants, aux décisions qui concernent directement la vie quotidienne, en particulier le choix des équipements et des services publics locaux.

Les étrangers disposent déjà du droit de vote dans de nombreuses élections régies par le droit social, telles que l'élection des délégués du personnel ou celle des comités d'entreprise. Quelle logique y aurait-il à autoriser leur participation quand il s'agit de la vie de l'entreprise, tout en la refusant quand il s'agit de traiter des affaires courantes relevant de la gestion d'une commune ? Commençons donc par les communes, même si, à terme, la même l ogique devra s'appliquer aux départements et aux régions. Commençons donc par les élections municipales en appliquant à tous les étrangers résidant en France depuis cinq ans les mêmes modalités qu'aux ressortissants communautaires, comme le propose cet article unique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Le fait que les étrangers non communautaires ne disposent pas du droit de vote est un manque cruel pour notre démocratie. Aujourd'hui, nous n'avons plus d'excuses. Il est grand temps de montrer à nos partenaires internationaux que, loin de fuir ou de nier la mondialisation, la France la prend en compte en mettant l'être humain et non pas l'argent au coeur du développement économique.

Au-delà des sentiments de justice, d'équité et de démocratie qui animent, à juste titre, les auteurs de cette proposition de loi, il y va aussi de l'intérêt économique et social de notre pays. Il ne peut se passer de l'intégration réussie de ces populations étrangères, qui ont souvent gagné notre pays pour des raisons économiques ou politiques. Dans la période de croissance que nous connaissons à l'heure d'Internet, les résidents étrangers sont une v éritable chance pour la France, n'en déplaise à MM. Le Pen et Mégret. Nos concitoyens le comprennent aujourd'hui mieux qu'hier. Alors, passons aux actes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles de Robien.

M. Gilles de Robien.

Avec Jean-Louis Borloo, je me suis interrogé pour essayer de ramasser en une seule intervention les principaux arguments qui ont été échangés dans cet hémicycle hier et aujourd'hui. Nous avons trouvé trois ensembles : le premier concerne l'opportunité de discuter d'un tel texte ; le deuxième touche aux grandes questions de la nationalité, de la souveraineté, du droit du sol ; le troisième a trait à l'inspiration de cette proposition de loi et à l'utilité qu'elle présente.

L'opportunité d'abord. Autrement dit, le moment est-il venu ? Personnellement, je crois que oui. Je voudrais, mes chers collègues, appeler votre attention sur le fait que nous sommes dans le dernier peloton des pays européens à devoir encore accorder le droit de vote aux résidents étrangers. Et nous avons le triste privilège d'y côtoyer l'Autriche.

M. Thierry Mariani.

L'Italie aussi, et quelques autres !

M. Gilles de Robien.

Mais était-ce la bonne méthode ? Là, monsieur Mamère, je ne le crois pas. Car ce beau sujet, qui touche à la démocratie, aurait nécessité l'organisation d'un débat en amont et la recherche d'un consensus entre les groupes. Peut-être était-ce impossible, mais s'approprier une fenêtre parlementaire pour imposer aux autres formations politiques un débat à une date donnée n'est pas la meilleure façon d'obtenir le vote le plus large possible. Or, quand il s'agit de la démocratie, mieux vaut rechercher le consensus plutôt que l'affrontement entre l'opposition et la majorité, comme notre République et notre Constitution nous y invitent, hélas ! trop souvent.

Et puis ce troc Patriat-Mamère est de bien mauvais goût.

M. François Patriat.

C'est mesquin, inutile et méchant !

M. Gilles de Robien.

A propos de la nationalité, de la souveraineté, du droit du sol, beaucoup de questions ont été posées. Faut-il lier le droit de vote municipal à l'acquisition de la nationalité ? Evidemment non, puisque déjà les résidents européens en disposent. Le droit de vote n'est donc pas lié à la nationalité et personne, hier ou aujourd'hui, n'a remis en cause son attribution aux ressortissants communautaires.

Oui, mais les Européens, nous dit-on, ont une culture commune. Peut-être, mais ils se sont bien souvent tapé dessus ! Et l'Europe va s'élargir à des pays dont les cultures sont fort éloignées de la nôtre et dont les ressortissants auront automatiquement le droit de vote municipal en France alors qu'en seraient privés les ressortissants de pays dont l'histoire est commune avec la nôtre et dont des représentants siégeaient, il y a cinquante ans, au Parlement français.

M. Kofi Yamgnane.

Très bien !

M. Gilles de Robien.

Le vote municipal des résidents étrangers est-il une atteinte à la souveraineté nationale ? Evidemment non, car la souveraineté est confiée au Parlement et au Gouvernement, ou plutôt au Gouvernement et au Parlement, et non aux municipalités. Enfin ! Je ne pense pas avoir à exercer, dans ma fonction municipale, une once de souveraineté nationale : ni défense ni politique étrangère.

D'ailleurs, affirmer le contraire reviendrait à dire que le vote municipal des Européens résidant en France est une atteinte à la souveraineté. Comment aurions-nous laissé faire cela ? M. Sarre a bien essayé de nous empêcher de commettre cette faute, il n'y a pas réussi. (Sourires.)

S'il n'y a pas d'atteinte à la souveraineté nationale, le vote des résidents étrangers risque-t-il néanmoins d'affaiblir la nation qui l'octroie ? Evidemment non. Les libéraux, si attachés aux expérimentations, sont comblés : ils ont la chance de pouvoir observer les effets de la mesure dans nombre de pays proches de nous, qui ont, sous une forme ou sous une autre, permis aux résidents étrangers de voter aux élections municipales. La Grande-Bretagne, que je sache, ne voit pas sa souveraineté affaiblie, l'Irlande non plus, la Suède pas davantage, et je pourrais citer la dizaine de pays concernés. Ni perte de souveraineté ni affaiblissement. Imagine-t-on que la France se serait lancée dans la construction européenne avec des pays affaiblis ou en perte de souveraineté ? Nous aurions commis une erreur impardonnable au regard de notre histoire.

Reste le droit du sol.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur de Robien.

M. Gilles de Robien.

Je parle aussi au nom de JeanLouis Borloo qui aurait pu s'inscrire, monsieur le président.

M. le président.

Vous n'avez cependant que cinq minutes.

M. Gilles de Robien.

Mais je vous remercie de m'accorder une minute encore pour aborder la question du droit du sol, qui est essentielle.

Le droit du sol, qui domine en France, doit-il amener notre pays à se montrer plus réticent pour octroyer le droit de vote municipal aux étrangers ? Certes, le droit du sol doit encourager les résidents à mériter et demander la nationalité pour l'acquérir. Mais lier naturalisation et droit de vote municipal, c'est ouvrir grande la porte des naturalisations. Et je ne suis pas sûr que ceux qui font ce lien veuillent à ce point en augmenter le nombre. Ou alors il faut le dire ! N'est-il pas préférable de permettre à ceux qui résident un certain temps dans une commune française - immigrés parents de jeunes Français, commerçants qui votent aux CCI, salariés qui votent à la Sécu et pour les élections syndicales, locataires qui votent aux offices HLM, tous ces gens qui paient des impôts et créent parfois des emplois - de donner leur avis sur les orientations d'un destin communal auquel ils participent ? Réservons l'obligation de la nationalité aux scrutins nationaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Enfin, monsieur le président, profitant de l'indulgence que je lis dans votre regard, j'aimerais répondre à une dernière question : le droit de vote municipal des résidents étrangers traduit-il - c'est une formule que l'on a beaucoup entendue - une conception mondialiste de la société ? Et quand cela serait ? Les partisans de l'Europe et les décentralisateurs ne peuvent pas s'en offusquer. La régulation de la mondialisation de l'économie, de l'information, des échanges, mérite bien plus notre attention et notre vigilance que la participation démocratique à la vie de nos communes de ceux qui y vivent durablement. Le droit de vote municipal des résidents me semble une réponse positive, que n'aurait pas reniée Tocqueville, à la conception marxiste de la lutte des classes internationale ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Monsieur de Robien, s'il vous plaît !

M. Gilles de Robien.

La participation au destin communal de ceux qui vivent régulièrement dans la commune, le débat démocratique qui ouvre les esprits et les coeurs, le vote enfin, sont des réponses aux communautarismes qui cloisonnent notre société et exacerbent ses antagonismes.

Ce texte, enfin, est une réponse partielle mais intégrative, qui peut être pertinente pour combattre tout autant les nationalismes les plus mesquins que les internationalismes les plus sectaires. C'est tout simplement apporter une pierre, une petite pierre, à l'édifice démocratique communal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - M. Jean-Louis Borloo applaudit également.)

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Je ne peux pas laisser passer sans réagir la provocation délibérée et gratuite de M. Gaïa.

Certes, je peux le comprendre : étant élu à Toulon, il a quelques raisons de craindre de ne pas pouvoir tirer le bénéfice d'une stratégie qui consiste à favoriser l'extrémisme, dans un premier temps pour se débarrasser de la droite, dans un deuxième temps pour récupérer le pouvoir. Mais je trouve quand même un peu fort de sa part de vouloir nous donner des leçons, en accusant un parti qui vient de se former, de recycler des éléments issus de mouvements extrémistes...

M. Robert Gaïa.

C'est pourtant ce que vous faites !

M. Bruno Le Roux.

Qui se sent morveux se mouche !

M. Lionnel Luca.

... messieurs, que le président de ce parti, lorsqu'on sait qui n'est autre que Charles Pasqua, a quand même d'autres références en matière de résistance à l'extrémisme que bon nombre d'entre vous.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Au SAC en particulier !

M. Lionnel Luca.

Ce procès d'intention est d'autant plus scandaleux qu'il vient d'un parti qui, lui-même, a fait du recyclage, notamment de militants d'extrême gauche. Si on s'amusait à faire les comptes en la matière, je ne pense pas que le bilan nous serait défavorable.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux.

Voilà, c'est clair maintenant !

M. Lionnel Luca.

Je vous conseille donc, messieurs, un peu de modération. L'extrême gauche qui peuple vos rangs, dans une certaine administration, parmi les élus, voire jusqu'aux membres du Gouvernement, justifie plus de décence. Vous nous montrez du doigt en disant que nous serions la blanchisseuse. Vous, vous êtes la laverie industrielle ! Dans les débats qui nous opposent, non contents de nous donner des leçons de morale, vous vous érigez désormais, peut-être même sans vous en rendre compte, tellement vous vous sentez puissants, tellement vous vous sentez forts, vous vous érigez, dis-je, et cela devient pénible, en procureurs permanents, jusqu'à nous interdire de parler pour défendre nos convictions, comme cela a été le cas pour Pascal Clément.

Est-ce là l'image que vous voulez donner à l'opinion de la démocratie et de la tolérance ? Dans cette enceinte, où nous sommes largement minoritaires, notamment ce soir,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ce n'est pas le PACS !

M. Lionnel Luca.

... vous prétendez couvrir nos voix, nous interdire d'exprimer ce que nous pensons, en bafouant nos droits.

De grâce, un peu de décence et un peu moins de procès d'intention ! Sinon, vous débattrez entre vous. Vous ferez les auditions entre vous, comme c'était déjà le cas pour le rapport, et la France deviendra une petite dictature bananière comme celles que vous dénoncez ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Kofi Yamgnane.

N'exagérez pas !

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Après Lionnel Luca, je veux réagir à l'intervention malheureuse, et que sans doute il regrette déjà, de M. Gaïa,

M. Robert Gaïa.

Je persiste et signe.

M. Philippe de Villiers.

Si vous persistez et si vous signez,...

M. le président.

Evitez de polémiquer entre députés.

Poursuivez votre propos, monsieur de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Ce que vous avez dit, monsieur Gaïa, est très grave. C'est une véritable provocation.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un député du groupe socialiste.

Vous vous y connaissez en la matière.

M. Philippe de Villiers.

Cette proposition de loi est une provocation. Je tiens à rafraîchir la mémoire de la gauche tout entière. Il ne faut pas oublier que le premier parti politique qui a souhaité introduire le droit de vote des étrangers en France fut le parti communiste français avec M. Doriot. On sait comment ça c'est terminé pend ant la guerre. On sait comment M. Doriot a commencé. On sait comment il a terminé. Alors, pas de leçons de morale, s'il vous plaît !

M. le président.

M. le rapporteur m'a demandé la parole...

M. Christian Estrosi.

Rappel au réglement !

M. le président.

Oui, monsieur Estrosi...

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, face aux provocations répétées dont l'opposition a fait l'objet de la part de la majorité, je demande un quart d'heure de suspension de séance pour réunir mon groupe. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Estrosi, la suspension est de droit, mais je vais d'abord donner la parole à M. le rapporteur, qui l'a demandée, après quoi je suspendrai la séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

La parole est à M. le rapporteur.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Il ne me paraît pas utile de répondre aux propos de M. de Villiers, mais je m'intéressai plutôt à ceux de M. de Robien.

Je ne crois pas outrepasser mon rôle en saluant, au nom des députés de la majorité plurielle membres de la commission des lois, M. de Robien et à M. Borloo qui ont dit ce qu'ils allaient faire et qu'ils ont fait ce qu'ils avaient dit, face à une droite qui a cherché à retarder le débat par des artifices de procédure...

M. Kofi Yamgnane.

Et qui continue !

M. Noël Mamère, rapporteur.

... et qui a parlé avec des mots d'hier sur un sujet d'aujourd'hui. Je tenais simplement à saluer leur courage.

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est lamentable ! Petite récupération mesquine.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Si les députés Verts ont déposé une proposition qui concernent toutes les élections locales, c'est parce que, comme vous, monsieur de Robien, ils pensent que l'exercice du pouvoir de maire, de conseiller général, de conseiller régional, n'a rien à voir avec la souveraineté, parce qu'ils n'ont pas de délégation de souveraineté. A ce titre, nous pensions que les étrangers non communautaires comme les étrangers communautaires pouvaient être, comme l'indiquait d'ailleurs le traité de Maastricht qui a été appliqué a minima par notre pays, non des citoyens au rabais mais éligibles dans les élections municipales, cantonales et régionales.

Vous n'avez pas tort d'avoir raison trop tôt (Sourires) par rapport à vos amis de l'opposition, et la société, qui a déjà choisi, vous donnera raison.

Effectivement, comme vous l'avez dit, monsieur de Robien, c'est le moment. Pourquoi ? Pour deux raisons simples. D'une part, parce que la France est installée dans une croissance durable. Qu'aujourd'hui la plupart des Français qui renouent avec le milieu du travail ne voient plus l'immigré comme un ennemi, comme quelqu'un qu'ils soupçonnent de vouloir prendre leur logement et leur travail.

M. Lionnel Luca.

Personne ne dit cela !

M. Noël Mamère, rapporteur.

D'autre part, parce que, même s'il y a quelques recyclés ici, l'extrême droite est durablement affaiblie : les mots qu'elle emploie, les menaces qu'elle brandit n'effrayent plus la société. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Christian Estrosi et M. Thierry Mariani.

Qui sont les « recyclés » ?

M. Noël Mamère, rapporteur.

Nous pensons, les Verts comme l'ensemble de la majorité plurielle, que c'est le moment.

Enfin, s'agissant des auditions auxquelles la commission a procédé, les parlementaires aguerris que vous êtes savent qu'il n'est pas de tradition que le rapporteur auditionne en présence d'autres députés.

M. Thierry Mariani.

Si ! C'est possible !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Il le fait avec un administrateur. Il n'est pas non plus de tradition d'inscrire dans les rapports les auditions des cabinets ministériels.

M. Thierry Mariani.

La commission peut les auditionner !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Cela dit, le cabinet de M. le ministre de l'intérieur a été auditionné par le rapporteur, ce qui a permis au ministre lui-même, par la voix de ses représentants, de faire valoir son opinion sur cette question, puisque, et je le regrette, à titre personnel et en tant que député Vert, nous avons finalement inscrit cette proposition au titre XII de la Constitution, c'est-àdire dans les collectivités territoriales. Si bien que nous avons désormais trois catégories de citoyens : les Français de souche et d'origine, qui peuvent voter à toutes les élections ; les étrangers communautaires, comme le prévoit l'article 88-3 ; les étrangers non communautaires, qui figurent au titre XII. Trois discriminations pour les supprimer toutes, je trouve que ça fait beaucoup !

M. le président.

Je vais maintenant susprendre la séance, qui sera reprise à une heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le 4 mai à zéro heure cinquantecinq, est reprise à une heure.)

M. le président.

La séance est reprise.

M. Goasguen a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article unique. »

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Mes chers collègues, en déposant cet amendement de suppression, j'ai voulu montrer à quel point l'opposition refusait le schéma dans lequel vous vous étiez engagés. Je vous le dis calmement : les propos tenus tant en commission des lois que depuis deux jours dans cet hémicycle ne lassent pas d'être choquants.

J'ai entendu, sur les bancs de cette Assemblée, composée d'élus locaux et de maires,...

Mme Béatrice Marre.

Pas seulement !

M. Claude Goasguen.

... que le maire ne participerait pas à la souveraineté nationale, et ne serait, pour reprendre les propos de M. Tourret, qu'un « poseur de tuyaux ».

Mes chers collègues, c'est oublier que le maire est un officier de police judiciaire et que, comme tel, il tient ses pouvoirs directement du peuple, c'est-à-dire de la nation.

Et lorsqu'il met son écharpe tricolore, il est un élément essentiel de la nation. C'est ainsi d'ailleurs que les Constituants, en 1789, l'ont vu. Parce qu'il a ce pouvoir coercitif issu de la souveraineté nationale, on ne peut pas dire que le maire est un « poseur de tuyaux » et l'exclure, comme vous le faites délibérément, à un an des municipales, de la souveraineté nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Arrêtez de discréditer une fonction dont par ailleurs vous allez défendre les vertus dans quelques jours.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est parler pour ne rien dire !

M. Claude Goasguen.

Cessez de considérer le maire comme un président de syndicat d'administrés. Le maire, en France, fait partie intégrante de la souveraineté nationale, que cela vous plaise ou non. C'est encore ainsi dans le droit français, et ce n'est pas demain que cela va changer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Henri Cuq.

Très bien !

M. Claude Goasguen.

Par ailleurs, ce qui me frappe, c'est cette volonté de considérer, avec souvent une approche très relative, que ce qui se fait ailleurs est forcément plus moderne que ce qui se fait en France.

Face à nos voisins et à leurs possibilités d'intégrer les étrangers à leur communauté, nous n'avons rien à nous reprocher.

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est vrai !

M. Claude Goasguen.

Vous semblez faire un paradis de la Suède et de la Finlande. Essayez donc de devenir suédois ou finlandais !

M. Bernard Birsinger.

On n'a pas envie, il fait trop froid !

M. Claude Goasguen.

On vous fera « citoyen », parce qu'on ne veut pas de vous comme « naturalisé ».

Et croyez-vous que l'Angleterre soit un tapis de roses ? Allez voir à Londres quels sont les rapports qu'entretient la communauté indienne avec la communauté pakistanaise. Vous verrez là ce que c'est que l'absence d'intégration anglo-saxonne. Mais, pour vous, c'est « moderne » ! Une autre chose, mes chers collègues, m'a beaucoup choqué : vous avez une conception de la souveraineté nationale, comme d'ailleurs de la Révolution française, qui est curieuse. Pourquoi a-t-on inventé, en 1789, la souveraineté nationale ? Parce qu'avant la France n'existait pas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et que les Français votaient différemment selon le lieu où ils habitaient : les Bretons n'avaient pas les mêmes droits que les Picards, qui, eux-mêmes, n'avaient pas les mêmes droits que les Normands. Il y en avait qui votaient, il y en avait qui ne votaient pas. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Kofi Yamgnane.

Ils ne votaient pas du tout, avant 1789 !

M. Claude Goasguen.

Attendez, il n'y a pas de polémique, je parle d'il y a deux siècles. Si vous n'êtes pas capables d'écouter cela ! (Mêmes mouvements.)

M. le président.

Mes chers collègues, laissez M. Goasguen s'exprimer !

M. Claude Goasguen.

Les Picards ne votaient pas comme les Normands, qui ne votaient pas comme les Bretons. C'est pour cela que la nation française a été fondée sur l'unité du droit de vote.

M. Georges Sarre.

Vous êtes en pleine divagation !

M. Claude Goasguen.

Ecoutez, monsieur Sarre, vos conceptions historiques sont sommaires. Mon pauvre ami, relisez votre Malet-Isaac et n'en parlons plus ! Arrêtez de nous dire des bêtises ! (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Kofi Yamgnane.

C'est parler pour ne rien dire !

M. Claude Goasguen.

Nous n'avons rien à envier à nos voisins. Vous êtes en train de défaire une intégration qui est certes imparfaite, et difficile à construire, mais que votre système ne permettra pas d'améliorer, au contraire.

Vous êtes en train d'instiller, dans un système difficile, des germes de différenciation entre les communautés. En différenciant les droits de vote, vous ne permettrez pas l'intégration, au contraire, vous la défavorisez. Avec les meilleures intention du monde pour la plupart d'entre vous, vous êtes en train de préparer un système qui nous amène directement au contraire de l'intégration. Je le regrette.

Aussi est-il heureux que les Français, par l'intermédiaire du Sénat et de l'opposition, vous empêchent de voter ce mauvais texte.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement no 1, qui tend à supprimer l'article unique.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Noël Mamère, rapporteur.

La commission a examiné cet amendement proposé par M. Goasguen et a naturellement émis un avis défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

1.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour répondre à la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, je m'étonne du climat qui règne ce soir : dès que l'opposition prend la parole, c'est le tollé à gauche. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Alors, j'interviens et j'utiliserai mon temps de parole.

M. le président.

Mes chers collègues, le règlement donne effectivement la possibilité à un parlementaire de s'exprimer. Je vous demande de l'écouter dans le calme.

Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

L'opposition a déposé un seul amendement. Le fait est quand même exceptionnel et m érite quelques explications. Reconnaissez-le, nous aurions pu en déposer davantage si nous avions voulu faire de l'obstruction. Votre texte est à ce point inacceptable qu'il est totalement inamendable. En ne déposant aucun amendement, si ce n'est celui de M. Goasguen, auquel, bien sûr, le RPR se rallie, nous voulons simplement montrer qu'il n'est pas question d'engager une bataille de procédure. Les trois motions auraient pu durer quatre heures et demie. Elle ont dû attendre, nous le verrons au Journal officiel , au maximum deux heures. Nous n'avons donc pas utilisé la moitié du temps « d'obstruction », pour reprendre vos propos, à notre disposition.

Je le répète de façon d'autant plus solennelle que ce sera ma dernière intervention dans ce débat : votre texte est inacceptable.

Je me rallie à la conception de M. Adevah-Poeuf : la citoyenneté et la nationalité ne sont pas fractionnables, et l'une et l'autre sont indissociables.

Il n'était pas question de discuter le point de savoir si l'on pouvait voter au bout de trois, six ou neuf mois à telle ou telle élection. Votre texte, je le répète, est inacceptable.

Monsieur le rapporteur, je suis de ceux qui n'ont pas voté le traité de Maastricht, et je ne le regrette pas. Nous mettons le doigt dans un engrenage dangereux : on nous explique qu'après le droit de vote des ressortissants européens vient celui de non communautaires. La prochaine étape - au moins M. Mamère est cohérent - après les municipales ce seront les cantonales, puis les régionales, et enfin les législatives. Et ce au motif que, tant qu'il n'y


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

aura pas exactement les mêmes droits pour les citoyens français et les étrangers sur notre territoire, nous aurons un vote de caste - ce sont les propos qu'a tenus le rapporteur en commission - et il y aura des différences insurmontables et inacceptables ! Nous sommes, je le repète, dans un engrenage dangereux. Je conclurai en rappelant la question posée par Philippe Séguin dans Le Figaro : qu'est-ce qui, hormis le droit de vote, différencie en France un citoyen français d'un citoyen étranger ? J'avoue que j'attends la réponse.

M. Julien Dray.

La République !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo.

J'indique à mon ami Claude Goasguen, qui ne m'en voudra pas, que je ne voterai pas son amendement pour deux raisons.

Il y a quatre ans, cette assemblée a débattu d'une très belle idée selon laquelle la nationalité française se méritait et devait être demandée, car il s'agissait de quelque chose de noble. Malheureusement, à ce titre, elle a repoussé le droit à la nationalité française de l'âge de cinq ans à celu i de dix-huit ans. Je pense que cela a été une erreur car l'intégration de nos quartiers nécessite des mains tendues.

De la même manière, Angelo Boucico, qui a une pizzeria dans ma ville, ou Habib qui gère « Le Soleil de Tunis », sont des regards sur la ville, essentiels pour nous.

Leur capacité à participer à sa vie non pas comme un droit mais en fonction de leur propre sensibilité, pour que l'on réussisse l'équilibre et l'harmonie dans la cité, me paraît indispensable.

Je voterai donc contre l'amendement et pour le texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gilles de Robien.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

Il continuera à faire des pizzas, même s'il n'a pas le droit de vote.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique.

(L'article unique est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

M. Bruno Le Roux a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase de l'article 88-3, le mot "seuls" est supprimé. »

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Il s'agit d'un amendement de cohérence avec le texte adopté par la commission que vient de voter l'Assemblée. En application de celui-ci en effet, le droit de vote n'est plus réservé aux seuls ressortissants de l'Union européenne.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Noël Mamère, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Je serai bref car, avant le vote d'un tel texte dont l'examen constitue un moment important de la vie parlementaire, l'expression de deux ou trois idées force est bien plus percutante que de longs développements, même si je reconnais que le texte proposé était d'une telle importance qu'il nécessitait des prises de position et des débats que nous avons essayé d'avoir de façon sereine dans cette assemblée.

Ce texte reprenant une proposition du parti socialiste déjà ancienne, nous sommes satisfaits qu'un pas décisif soit accompli en faveur de son adoption. Cette vieille revendication a d'ailleurs été l'objet d'un débat fondateur pour toute une génération. En effet, tous ceux qui sont entrés en politique, notamment depuis vingt ans, ont, de près ou de loin, martelé cette revendication du droit de vote des étrangers aux élections municipales.

Le geste que nous allons faire ce soir revêtira une grande importance aux yeux de la jeunesse de ce pays qui ne comprend pas pourquoi les étrangers ne peuvent pas voter aux élections municipales.

Notre vote constituera un signal fort pour tous ceux qui ont accompli un inlassable travail d'explication, pendant des années, et qui ont fait progresser l'idée du droit de vote des étrangers. Nous leur disons d'ailleurs ce soir qu'il faut continuer à expliquer et à mobiliser parce que, au-delà de la vie de ce texte et de la poursuite du travail parlementaire, il est indispensable de poursuivre sur le terrain un travail d'explication citoyen et d'entretenir une mobilisation citoyenne autour de cette revendication.

Que nous soyons maires, élus locaux ou tout simplement présents sur le terrain, dans nos circonscriptions, nous rencontrons tous les jours des étrangers qui aiment passionnément leur ville, qui aiment passionnément la France sans être français et sans vouloir être français. A leur égard, il faut travailler, comme je l'ai fait ces dernières années, sur leurs thématiques fondamentales, sur leurs points de repère, notamment sur le mythe de la terre et du retour, dont ils rêvent, même en sachant qu'ils ne l'effectueront jamais, parce que leur vraie vie est en France. Il faut travailler sur la fin, sur cet espoir qu'ils ont de repartir un jour, peut-être même morts, sans savoir si cela sera réellement possible.

Ces gens qui aiment passionnément leur ville ont envie de participer à sa vie et pensent que la démocratie locale vivante est un acte majeur du pacte de cohésion sociale.

Bien souvent, ils aiment non seulement leur ville, mais aussi, sans être français, ils aiment passionnément la France. C'est pour cela que nous voterons ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Nous voterons contre ce texte.

M. Laurent Cathala.

On l'avait compris !

M. Claude Goasguen.

En la matière s'opposent deux conceptions de l'intégration : alors que vous considérez qu'elle repose sur la simple résidence, en fonction de quelques arguments que vous avez avancés, j'estime qu'elle doit essentiellement être fondée sur un acte volontaire d'appartenance à une communauté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

Comme j'ai été hostile à la modification du droit de la nationalité proposée il y a quelques années par Mme Guigou, je suis hostile à cette proposition qui revient à reconnaître que l'intégration se fait toute seule après un certain nombre d'années de résidence.

Je ne sens d'ailleurs pas monter, dans notre pays, une revendication très forte à cet égard. Je constate même, au contraire, une certaine interrogation. Ce qui s'est passé à l'occasion des élections européennes tendrait à prouver qu'il n'existe pas un véritable engouement en la matière.

D'ailleurs, certains qui, comme nous, sont favorables à la construction européenne le regrettent.

En l'état actuel des choses, je ne vois pas en quoi ce texte permettra d'avancer sur ce qui reste le problème fondamental de notre pays, à savoir intégrer, intégrer, intégrer sans relâche pour le bonheur commun.

Par conséquent, mes chers amis, malgré la nature de vos discours qui, souvent, reposent sur des syllogismes faciles - nous en reparlerons -, vous ne nous avez pas convaincus. C'est la raison pour laquelle je voterai sans ambiguïté, avec les membres du groupe Démocratie libérale, contre ce texte qui, s'il était adopté, serait mauvais pour notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

La ville, la cité ou le village, est l'élément de base de l'appartenance à une nation et à une citoyenneté. Pour ceux qui, comme nombre d'entre vous certainement et comme moi, traversent régulièrement leur circonscription pour participer aux événements des cités ou des petits villages, quel est le symbole le plus fort ?

M. Kofi Yamgnane.

L'église !

M. Christian Estrosi.

Lorsque l'on se retrouve sur la place de la ville ou du village, il s'agit de la façade de la mairie, de celle de l'école ou du monument aux morts.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cela n'a rien de risible !

M. Christian Estrosi.

C'est là que l'on retrouve toutes ses racines (« Et l'église ? » sur les bancs du groupe socialiste)...

L'église aussi, car elle fait partie de notre histoire et de notre culture. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela vous dérange, peut-être !

M. Julien Dray.

Et la laïcité ?

M. Christian Estrosi.

C'est ainsi que s'est dessinée notre France. C'est ainsi que les architectes qui ont fait l'histoire de notre pays ont bâti nos cités et nos communes. Ces bâtiments constituent des symboles forts de l'appartenance à une nation, à une culture, à une tradition, à une authenticité.

Nous avons bien senti, tout au long de ce débat, l'amertume, l'aigreur qui était au fond de vous-mêmes de voir le déclin d'un allié objectif sur la scène politique de ce pays. Vous avec donc voulu, en application d'un médiocre marchandage,...

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Christian Estrosi.

... inscrire à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale un texte qui remettait profondément en cause ces valeurs de la France.

Bien que sachant que ce texte ne pourra pas être appliqué, vous avez joué à faire semblant. Ce faisant, vous avez bafoué les valeurs de la République.

Ainsi que nous n'avons cessé de l'affirmer tout au long du débat, la citoyenneté et la nationalité sont indissociables. En revanche nous constatons, depuis quelques années, que la prose de gauche galvaude régulièrement l'expression citoyenne. Une fois de plus, vous avez cherché à rabaisser les concepts de citoyen, de citoyenneté, d'expression citoyenne.

Non, on ne peut pas comparer le droit de vote des membres de l'Union européenne à celui des étrangers non communautaires.

M. Georges Sarre.

Pourquoi ?

M. Maxime Gremetz.

Ils ne sont pas de la même couleur !

M. Christian Estrosi.

Dans le premier cas s'applique aujourd'hui un traité avec de véritables accords de réciprocité alors que cette exigence n'apparaît nulle part dans le texte présenté. Pourtant, notre indépendance nationale doit rester un élément d'appréciation déterminant en la matière.

Or, comme l'a rappelé Jean-Antoine Leonetti en défendant la motion de renvoi en commission, comme je l'ai souligné dans la discussion générale, en accordant le droit de vote à des étrangers non communautaires, vous offririez à certains pays, à certaines dictatures qui bafouent les valeurs de la démocratie, la possibilité de remettre en cause notre indépendance nationale en jouant de leur influence sur certains de leurs ressortissants dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Outin.

N'importe quoi ! C'est complètement fou !

M. Christian Estrosi.

En outre, vous créeriez des électeurs à deux vitesses : d'une part, les électeurs français, qui seraient astreints à diverses règles, notamment celles relatives à la nécessité d'avoir un casier judiciaire vierge, de n'avoir aucun condamnation, de bénéficier de tous leurs droits civiques, et, d'autre part, les ressortissants étrangers, pour lesquels vous n'auriez même pas la capacité de vérifier s'il ne s'agit pas de terroristes, de criminels, d'hommes et de femmes qui mériteraient des poursuites. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maxime Gremetz.

C'est scandaleux !

M. Alain Barrau.

Provocation !

M. Christian Estrosi.

Le groupe socialiste est même allé jusqu'à affirmer qu'il valait mieux permettre le vote d'un étranger en France que le vote d'un Français de l'étranger. Pourtant, tout Français vivant à l'étranger a porté les valeurs de la France dans le monde, mais sans doute, pour vous, ces valeurs ne sont-elles pas acceptables.

Parce que nous voulons une nation une et indivisible, parce que la souveraineté est une et indivisible, parce qu'elle est celle de la nation incarnée par l'Etat, il ne peut y avoir de souveraineté locale, encore moins municipale.

A nos yeux, le vote ne peut être dissocié de la nationalité.

C'est la raison pour laquelle, je le souligne ce soir avec force, le groupe RPR ne votera jamais dans cette enceinte, ni aujourd'hui ni demain, en faveur du droit de vote aux étrangers non communautaires. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Jamais ?

M. le président.

Mes chers collègues, pouvons-nous continuer ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

En réalité, chacun s'est aujourd'hui fait, selon le cas, plaisir ou peur à peu de frais : alors que certains se sont fait plaisir en défendant ce texte qu'ils vont voter, nous nous sommes fait peur en soulignant que cela risquait de mettre la nation à bas.

Vous vous êtes fait plaisir aussi en affirmant que vous faissiez preuve d'une grande générosité en vous arrogeant, comme l'a souligné Rudy Salles, le monopole du coeur.

En réalité, tout cela a été fait pour rien, nous le savons tous. Il fallait donc faire preuve d'un certain courage pour rester jusqu'à une heure vingt du matin pour rien.

M. Thierry Mariani.

Nous n'avons pas eu le choix !

Mme Muguette Jacquaint.

Si c'était pour rien, il fallait partir !

M. Jean-Antoine Leonetti.

L'opposition n'est pour rien dans la tenue de ce débat. Il été initié par les Verts, suivis par la majorité, puis par le Gouvernement, qui, d'amendements en récupération, ont fait en sorte que la transaction aille jusqu'au bout. Tel est donc le cas.

Certes, au fil des arguments échangés, nous avons parfois eu le sentiment que nous discutions vraiment d'une future loi qui allait réellement s'appliquer.

M. Julien Dray.

Elle va s'appliquer !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Nous avions alors l'impression qu'en 2001 les étrangers, chez lesquels vous avez fait naître des espoirs, pourraient voter.

En la matière, le plus grave n'est pas que cet espoir réitéré sera déçu. Non, c'est que vous leur laissez penser qu'au travers de ce petit bulletin de vote, ils pourraient devenir des citoyens à part entière. Cela est faux ! On c ontinuera à les refuser dans les discothèques. A l'embauche, on continuera de regarder d'où ils viennent et quel est leur nom.

M. Alain Barrau.

Cela est également vrai, même s'ils sont Français !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous n'aurez résolu aucun de ces problèmes en leur donnant ainsi l'espoir d'un droit de vote dans sept ans. Evidemment, cela n'est pas si loin pour ceux qui ont déjà attendu vingt ans !

M. Julien Dray.

Sont-ils nombreux à Antibes ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

La question qui se pose aux maires est celle de savoir quel langage ils doivent tenir en la matière. Cela vaut partout et il faut se garder des idées préconçues sur la Côte d'Azur. Dans cette région aussi, il y a de la misère et des problèmes d'intégration.

M. Rudy Salles.

Très bien !

M. Julien Dray.

Parce que vous ne vous battez pas assez !

M. le président.

Monsieur Dray, vous n'avez pas la parole !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il ne faut pas avoir une vision manichéenne des situations. Les Français sont identiques sur l'ensemble du territoire.

Que dire à ceux qui, dans ce pays, parce qu'ils ont une vision un peu ancienne des choses, en sont encore à égréner les noms inscrits sur les monuments aux morts, à penser que la France doit primer sur tout et que la souveraineté française est au-dessus de toute autre valeur ? Aujourd'hui, nous leur expliquons, nous les maires, nous les démocrates, nous les républicains - il en siège sur tous les bancs -, qu'on ne peut pas dire qu'on est français et nationaliste. Non, on est français et républicain. Ces deux valeurs sont celles du drapeau, et elles sont les supports de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. A mon avis, ce discours convaincant permet de lutter contre la xénophobie.

Que dire au jeune Français issu de l'immigration maghrébine qui pose un problème, qui ne trouve pas de repères, qui est entre deux cultures, sinon qu'il est français à part entière ? Lorsque nous l'aidons dans ses démarches pour trouver un emploi ou pour défendre ses droits civils et citoyens les plus légitimes, nous devons considérer qu'il est encore dans ce creuset d'intégration grâce auquel ses enfants auront moins de difficultés que lui. Ainsi, la France s'est faite de couches successives d'assimilation d'étrangers dans le creuset républicain.

Que dire encore à ceux qui, toujours blessés par la guerre encore récente de 1939-1940, ceux qui, ayant encore cette xénophobie européenne au bout des lèvres, considèrent que les Italiens, sur une frontière, les Allemands, sur une autre, restent des ennemis potentiels ? Eh bien, nous leur expliquons que nous construisons un univers plus large qui ne conteste pas la souveraineté de la nation, mais dans lequel les valeurs démocratiques pourront s'exprimer. Nous soulignons qu'il s'agit d'un univers de paix, mais dans lequel il doit nous appartenir d'intervenir de manière coordonnée, y compris par les armes, pour faire respecter le droit et les droits des hommes sur l'ensemble des territoires de la planète.

Il faut leur montrer qu'il existe une citoyenneté européenne et que les Européens ne sont que des gens qui ont une même destinée, les mêmes valeurs démocratiques ou le même passé que nous.

C'est aussi une façon de lutter contre la xénophobie et de construire un territoire européen qui soit un univers non seulement de paix et de prospérité, mais aussi de valeurs démocratiques.

Le jour où, éventuellement, cette loi sera votée, je ne sais pas très bien ce que je dirai aux xénophobes tentés par le nationalisme, aux jeunes Beurs qui veulent s'intégrer à la nation française et à la République, ou à ceux qui sont réticents devant la constitution d'un territoire européen. Je crois que je leur dirai simplement qu'ils vivent dans un monde où il suffit de passer, de demeurer un instant pour devenir citoyen où, finalement, il suffit de faire des pizzas - et de les faire bonnes - pour obtenir, en quelque temps, comme je l'ai entendu tout à l'heure, le droit de vote. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Kofi Yamgnane.

Arrêtez-le ! Il dit n'importe quoi !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il s'agit d'un mondialisme simple et communautaire !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Vous êtes ridicule ! Taisez-vous !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Non, je ne suis pas « ridicule », madame. Je vous décris les choses telles qu'elles peuvent se dérouler. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de calme ! Monsieur Leonetti, veuillez conclure, je vous prie.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Qu'il arrête !

M. Rudy Salles.

Laissez-le parler !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il ne suffit pas de travailler à un endroit pour être partie prenante de la destinée commune d'une cité ou d'une nation. Il ne suffit pas de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

faire un passage, même prolongé, dans un pays pour que l'on soit à part entière un républicain et un citoyen attaché aux valeurs démocratiques.

C'est la raison pour laquelle ce semblant de loi me paraît présenter le risque de déstabiliser en partie l'esprit dans lequel l'intégration doit s'opérer.

M. Rudy Salles.

C'est la loi Canada Dry !

M. le président.

Je vous demande de conclure, monsieur Leonetti ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Kofi Yamgnane.

Arrêtez-le !

M. Georges Sarre.

Qu'il conclue !

M. le président.

Chers collègues, je vous demande de laisser M. Leonetti conclure !

M. Jean-Antoine Leonetti.

En conclusion,...

M. Bernard Birsinger.

Ah !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... le groupe UDF, contrairement à ce que l'on pourrait penser et de manière très largement majoritaire, s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

En adoptant ce soir le droit de vote pour tous les étrangers aux municipales, notre assemblée envoie un signal fort, un message d'égalité, à la société française et à l'Europe.

M. Thierry Mariani.

Et à l'univers tout entier pendant que vous y êtes !

M. Bernard Birsinger.

Nous disons à des millions de gens que nous avons besoin d'entendre leur voix, que nos villes ont tout à gagner de la prise de parole de nombre de ses habitants à qui elle est aujourd'hui refusée.

Dans les politiques urbaines de demain doivent prévaloir les valeurs de la République : la citoyenneté, la solidarité, la fraternité. Il importe de donner des moyens renforcés pour mieux vivre ensemble dans la cité et dans les entreprises.

Un tel message est à même de faire reculer le poison du racisme, la haine de l'autre, et, par là même, le Front national, qu'il soit façon Le Pen ou façon Mégret.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Eh non !

M. Bernard Birsinger.

Je crois d'ailleurs que, si le Front national a reculé dans notre pays,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est certainement pas grâce à vous, mais parce que la droite a refusé l'alliance !

M. Bernard Birsinger.

... c'est parce que justement a progressé dans notre pays une idée positive de l'immigration : l'idée que le mélange est bon pour notre société.

M. Thierry Mariani.

On aura vraiment tout entendu ce soir !

M. Bernard Birsinger.

Dans ma ville, Bobigny, le 13 juillet 1998, la victoire de l'équipe de France de football, cette équipe multicolore,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cette équipe française !

M. Christian Estrosi.

Les joueurs sont des français !

M. Bernard Birsinger.

... il n'y avait plus un seul drapeau bleu blanc rouge dans notre ville. Les jeunes, français et étrangers, les avaient empruntés pour les porter fièrement sur les Champs-Elysées.

M. Christian Estrosi.

Pour jouer en Coupe du monde ou pour concourir aux jeux Olympiques, vous accepteriez demain les étrangers ?

M. le président.

Monsieur Estrosi, s'il vous plaît !

M. Bernard Birsinger.

A leur manière, ils nous ont montré quelle était leur conception de la nation.

Les sans-papiers...

M. Thierry Mariani.

Les sans-papiers maintenant ! C'est de la provocation !

M. Bernard Birsinger.

... ont certainement, eux aussi, contribué à faire émerger la figure du citoyen immigré revendiquant sa place dans la République au nom de son être et d'une histoire partagée et au nom d'une actualité faite de mondialisation et d'inégalités.

J'établis donc un lien entre le recul de l'extrême droite et la progression dans la société du droit de vote des étrangers.

M. Thierry Mariani.

Oh !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Elle est bien bonne !

M. Christian Estrosi.

Toutes les techniques sont bonnes pour faire remonter l'extrême droite !

M. Bernard Birsinger.

Il a été question de sondages. Le plus intéressant n'est pas, bien que ce soit très important, que 52 % des Français soient favorables à l'octroi du droit de vote aux étrangers pour les élections locales et européennes - car telle est bien la question qui leur est posée - ...

M. Christian Estrosi.

Ah, le bon temps où Le Pen était votre allié !

M. Bernard Birsinger.

... mais que, depuis cinq ans, nous assistons, d'année en année, à une progression continue de ce pourcentage,...

M. Thierry Mariani.

Et à la baisse du parti communiste ! Nous assistons progressivement à votre disparition !

M. Bernard Birsinger.

... puisqu'il est passé de 32 % à 52 % !

M. Thierry Mariani.

Et, vous, vous pesez 6 % !

M. Maxime Gremetz.

Allons, monsieur Mariani !

M. le président.

Messieurs Gremetz et Mariani, je vous demande à tous les deux de vous taire ! Poursuivez, monsieur Birsinger !

M. Bernard Birsinger.

Notre vote de ce soir et, demain, le droit de vote des étrangers sont de puissants facteurs de lutte anti-raciste en France et en Europe. Ce vote constitue aussi une avancée vers une citoyenneté plus ouverte, vers une France plus fraternelle, plus hospitalière et vers une Europe tournée plus vers le Sud,...

M. Christian Estrosi. Laissez le Sud tranquille !

M. Bernard Birsinger.

... une citoyenneté résidentielle qui reconnaît les droits de l'individu là où il vit.

On commence ainsi à découpler la question de la citoyenneté de la nationalité. Le monde bouge. Nous devons agir pour instaurer une mondialisation de solidarité, de partage. A la libre circulation des capitaux soutenue par la droite,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Thierry Mariani.

Oh !

M. Bernard Birsinger.

... qui, d'ailleurs, à ces occasions, se soucie bien peu de la nation, nous opposons la liberté des individus là où ils sont, quelle que soit leur nationalité.

Avec notre vote de ce soir, nous ne remettons pas en cause la France. Au contraire, nous continuons de donner un contenu aux beaux mots de liberté, égalité et fraternité.

Enfin, ce vote est un formidable encouragement pour tous ceux qui luttent depuis des années en faveur du droit de vote des étrangers. Ce n'est qu'un encouragement car nous ne sommes pas au bout du chemin. Une grande partie de la droite, ici et au Sénat, va faire barrage.

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Bernard Birsinger.

Il va falloir mobiliser, encore et encore, tous ceux qui sont attachés au droit de vote des étrangers, à la justice, à l'égalité, aux droits de l'homme.

M. Thierry Mariani.

Vous avez du travail !

M. Bernard Birsinger.

Il est difficile aujourd'hui de dire précisément quand le droit de vote des étrangers sera effectif, mais, en votant ce droit ce soir, les députés communistes ont le sentiment de franchir une étape très i mportante. Ce vote vaut engagement des députés communistes et des militants communistes dans tout le pays pour faire grandir ce mouvement et battre la droite.

Nous ne ménagerons ni notre peine, ni nos efforts, ni notre pouvoir de rassemblement pour créer les conditions permettant l'exercice de ce droit pour les municipales dès 2001.

Nous espérons pouvoir compter, après ce vote, sur une volonté politique sans faille du Gouvernement et sur sa détermination à inscrire, comme il a su le faire à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire du Sénat.

Le groupe communiste votera donc ce texte avec lucidité car il est conscient des luttes qui restent à mener mais aussi avec le sentiment de faire un grand pas en avant dans l'octroi de droits nouveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Tout d'abord, les Verts sont particulièrement fiers d'avoir pu faire inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Thierry Mariani.

C'est le « retour » de votre vote sur la chasse !

Mme Marie-Hélène Aubert.

De par nos institutions, les possibilités de défendre des propositions de loi nous sont déjà chichement accordées. Ce texte et celui que nous avons défendu la semaine dernière seront sans doute les seuls que nous pourrons défendre, au cours de la législature, dans le cadre de la « niche » parlementaire. D'ailleurs, ce mot a pour nous une connotation négative.

Donc, nous sommes particulièrement fiers et honorés d'avoir pu porter dans cette enceinte un débat sur ce qui constitue pour nous un grand progrès pour notre démocratie.

Monsieur Leonetti, vous avez dit qu'un vote de l'Assemblée nationale, c'est rien. Je trouve cela accablant.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Je n'ai pas dit cela ! J'ai dit que c'était un leurre !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Comment pouvez-vous oser dire que le vote des parlementaires à l'Assemblée nationale ne sert à rien ? C'est terrible ! Vous vous faites quasiment « hara kiri ».

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il y a le Sénat aussi !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Vous avez reconnu que la question dont nous débattions était importante...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Oui, c'est une question importante !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... et, pourtant, selon vous, un vote de l'Assemblée nationale, sur une question aussi importante, ce n'est rien !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ne déformez pas mes propos !

M. Rudy Salles.

Le Parlement est bicaméral !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Nous pensons, quant à nous, que c'est beaucoup. C'est une première étape dans un cheminement qui sera sans doute long mais il n'est pas dit qu'il le soit autant que vous le pensez.

Nous pensons que la proposition de loi peut redonner espoir aux étrangers, et notamment aux jeunes, qui subissent quotidiennement, dans toutes sortes de situations qui ont été évoquées hier matin et ce soir, le racisme et des discriminations de toute nature.

M. Thierry Mariani.

Les jeunes sont déjà français !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Même si le droit de vote n'est pas le seul élément qui permette de lutter contre les discriminations, c'en est un essentiel.

Nous sommes fiers également d'avoir pu, au long de ce débat, parler de l'immigration en d'autres termes que ceux que vous employez souvent, qui évoquent l'insécurité, la peur, et autres fantasmes, telle la non-maîtrise de flux migratoires. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe d'Union pour la démocratie française/Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Personne n'a parlé de ça ce soir !

M. Christian Estrosi.

Il n'en a pas été question !

M. Thierry Mariani.

Il n'y a pas eu un seul mot làdessus ce soir.

M. François d'Aubert.

Si ! Cela a été évoqué.

M. Bruno Le Roux.

M. Clément, qu'a-t-il dit ?

M. Thierry Mariani.

Mme Aubert fantasme ! C'est à croire qu'elle n'a pas assisté à nos débats de ce soir.

M. Kofi Yamgnane.

Ça vous fait mal !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

La vérité blesse !

M. le président.

Chers collègues, laissez parler Mme Aubert, s'il vous plait !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Nous sommes heureux d'avoir enfin pu parler des résidents étrangers en France en termes de dignité et de citoyenneté.

Vous verrez que cette belle et grande idée cheminera plus vite que vous ne le pensez, toute comme la parité d'ailleurs.

M. Thierry Mariani.

Cela n'a rien à voir !

Mme Marie-Hélène Aubert.

La méthode et la façon dont vous réagissez ont à voir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 3 MAI 2000

M. Thierry Mariani.

Nous l'avons votée, la parité !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Il y a cinq ans, il y a dix ans, personne parmi vous ne la défendait. Or, elle a été votée de façon consensuelle et à l'unanimité, à la fois par l'Assemblée et le Sénat.

M. Thierry Mariani.

Nous la pratiquions déjà, dans nos mairies.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Nous comptons sur le Gouvernement pour inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire du Sénat.

Nous sommes heureux enfin d'avoir pu relayer jusque dans cette enceinte le combat que mènent depuis des années le milieu associatif et de nombreuses personnes en faveur du droit de vote des résidents étrangers. Ce combat se poursuit, comme, plus globalement, celui pour la rénovation et la modernisation de notre vie politique.

Nous ne sommes pas peu fiers d'y avoir contribué, même si l'heure tardive à laquelle il intervient ne permet pas de donner tout l'écho qu'il mériterait à un vote qui, pour nous, a une extrême importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.) Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

(L'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.) 2 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 3 mai 2000, de M. le Premier ministre, un projet autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adopt ion d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam.

Ce projet de loi, no 2358, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 3 mai 2000, de M. Alain Claeys un rapport d'information, no 2357, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du plan, en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 22 décembre 1999.

4 DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président.

J'ai reçu, le 3 mai 2000, de M. Michel Tamaya un avis, no 2356, présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur les titres Ier , II et IV du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer (no 2322).

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures quarantecinq, première séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 2239, modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives : M. Patrick Leroy, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2353).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Eventuellement, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION TRANSMISSIONS M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 2 mai 2000 No E 1440. - Sécurité maritime du transport pétrolier : communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (contrôle par l'Etat du port). Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 94/57/CE du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (COM [2000] 142 final).

No E 1441. - Initiative de la République fédérale d'Allemagne et communication de la République fédérale d'Allemagne en vue de l'adoption d'une décision-cadre relative à la poursuite pénale des pratiques trompeuses ou autres pratiques déloyales faussant la concurrence dans la passation des marchés publics au sein du marché intérieur (DROIPEN 9/2000).