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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Fin de mission temporaire d'un député (p. 4187).

2. Epargne salariale et participation. - Discussion d'une proposition de loi (p. 4187).

M me Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4188)

MM. Edouard Balladur, Serge Blisko, François Goulard, Pierre Goldberg, Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Godfrain.

Clôture de la discussion générale.

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 4199).

4. Epargne salariale et participation. - Reprise de la discussion d'une proposition de loi (p. 4200).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 4205)

MM. Philippe Auberger, Renaud Donnedieu de Vabres, Serge Blisko, François Goulard.

L'assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4207).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 FIN DE MISSION TEMPORAIRE D'UN DÉPUTÉ

Mme la présidente.

Par lettre du 11 mai 2000, M. le Premier ministre m'a informée de la fin, le 15 mai 2000, d e la mission temporaire précédemment confiée à

M. Christian Paul, député de la Nièvre.

2 ÉPARGNE SALARIALE ET PARTICIPATION

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Edouard Balladur, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi sur l'épargne salariale et la participation.

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, dans le paysage social français, on peut faire remonter le début de l'histoire de la participation au fameux discours que le général de Gaulle adressera aux mineurs de Saint-Etienne, le 4 janvier 1948 :

« Assez de ce système absurde où, pour un salaire calculé au minimum, on fournit un effort minimum, ce qui produit collectivement un résultat minimum » disait-il.

« Assez de cette opposition entre les divers groupes de producteurs qui empoisonne et paralyse l'activité française. En vérité, la rénovation économique de la France et, en même temps, la promotion ouvrière, c'est dans l'association que nous devons les trouver.

« L'association, qu'est-ce à dire ? D'abord ceci que, dans un même groupe d'entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les cadres, les ouvriers, fixeraient ensemble entre égaux, avec arbitrage organisé, les conditions de leur travail, notamment les rémunérations. Et ils fixeraient de telle sorte que tous, depuis le patron ou le directeur inclus, jusqu'au manoeuvre inclus, recevraient, de par la loi et suivant l'échelle hiérarchique, une rémunération proportionnée au rendement global de l'entreprise. C'est alors que les éléments d'ordre moral qui font l'honneur d'un métier : autorité pour ceux qui dirigent, goût du travail bien fait pour les ouvriers, capacité professionnelle pour tous, prendraient toute leur importance, puisqu'ils commanderaient le rendement, c'est-à-dire le bénéfice commun. C'est alors qu'on verrait naître, à l'intérieur des professions, une autre psychologie que celle de l'exploitation des uns par les autres ou bien celle de la lutte des classes. »

Le général de Gaulle dénonçait dans les Mémoires d'espoir un « système social qui relègue le travailleur - fût-il convenablement rémunéré - au rang d'instrument et d'engrenage » et proposait enfin la voie de la participation « qui, elle, change la condition de l'homme au milieu de la civilisation moderne ».

Depuis ces textes fondateurs, révélateurs d'une conception originale et visionnaire, pas moins de neuf textes ont organisé les différents mécanismes de la participation depuis 1959, qu'il s'agisse de l'intéressement et de la participation proprement dite, du plan d'épargne d'entreprise, de l'actionnariat salarié, de l'option de souscription d'achat d'actions, autrement dit les stock-options, ou encore du compte épargne-temps, créé en 1994, que le rapport de Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld considère à juste titre comme un mécanisme d'épargne salariale intéressant.

Cette démarche volontariste répondait bien au triple objectif assigné par le général de Gaulle : garantir la dignité de l'homme au travail, substituer des relations de coopération à la lutte des classes, et consolider le développement économique en partageant plus équitablement les fruits.

Ce souci a été constant au sein de l'ancienne majorité et je veux saluer ici l'action majeure de M. Edouard Balladur en ce domaine. En tant que haut fonctionnaire, puis ministre des finances et enfin Premier ministre, il a imprimé sa marque à tous ces textes qui font maintenant l'unanimité et qu'aucune sensibilité politique ne songe à remettre en cause. C'est donc tout naturellement que les trois groupes de l'opposition vous ont demandé d'examiner sa proposition de loi relative à l'épargne salariale et à la participation.

Considérer, comme l'a fait M. Alfred Recours lors de l'examen du texte en commission, qu'il s'agirait pour l'opposition d'une manoeuvre d'opportunité pourrait prêter à sourire si nous n'avions pas à déplorer qu'à l'initiative de M. Serge Blisko notre commission des affaires sociales ait décidé de suspendre l'examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions. C'est la deuxième fois au cours de cette législature que la commission rejette, pratiquement sans discussion, une proposition de l'opposition. C'est inadmissible et regrettable.

Jamais l'occasion n'a été aussi belle d'aller plus loin dans la participation. Tout nous y pousse : les salariés aspirent à une participation plus active au développement de leur entreprise et rejettent de plus en plus les fonctionnements hiérarchiques pyramidaux ; la mondialisation, avec l'emblématique affaire Michelin, a montré l'intérêt du renforcement de l'actionnariat salarié comme


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facteur de préservation de l'emploi et des centres de décision dans notre pays ; enfin, le lancinant problème du financement des retraites montre à l'évidence que nous aurions intérêt à diriger une partie de l'épargne salariale vers un troisième étage de notre système de retraite, non pour remplacer la répartition, fondatrice de notre pacte de solidarité intergénérationnelle, mais pour la compléter.

Il faut développer les mécanismes de la participation car de véritables potentiels d'expansion sont encore inexploités. Un peu plus de 22 % des salariés du secteur privé ou d'entreprises publiques, comme EDF-GDF, la RATP ou la SNCF, déclarent posséder de l'épargne salariale capitalisée, soit un peu plus de trois millions de personnes. La reprise économique a permis en 1998 aux entreprises françaises de distribuer à 4,4 millions de salariés des primes supérieures à celles de 1997. Les deux systèmes ont représenté près de 35 milliards de francs en 1998. Les plans d'épargne d'entreprise poursuivent leur diffusion et se révèlent efficaces pour attirer l'épargne des salariés.

La proposition de loi, qui résulte d'un travail collectif de toutes les composantes de l'opposition, poursuit un triple objectif : donner une place centrale aux motivations sociales, consolider la participation financière afin de faciliter sa transformation en épargne pour la retraite, répondre à des exigences économiques.

Le dispositif de la proposition de loi s'articule autour de cinq axes majeurs.

Premier axe : encourager la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés par un mécanisme d'incitation fiscale fort, la participation n'étant obligatoire que pour les entreprises de plus de cinquante salariés.

Deuxième axe : développer des mécanismes de retraite p ar capitalisation complémentaires des systèmes de retraite par répartition. Chaque entreprise appliquant la participation doit créer un plan d'épargne d'entreprise pour la retraite. L'alimentation de ces plans proviendrait de quatre grandes sources : des sommes issues de la participation et de l'intéressement, d'une épargne volontaire du salarié et d'un abondement de l'entreprise. Un décret déterminera les conditions dans lesquelles l'épargne ainsi placée sera gérée. Le déblocage de l'épargne ne pourra intervenir qu'en cas de départ à la retraite ou en cas d'invalidité. Il est, en outre, prévu une exonération des revenus et plus-values réalisés dans le plan au titre de l'impôt sur le revenu. En revanche, la CSG et la CRDS s'appliqueront dans les conditions habituelles.

Les versements volontaires des salariés pourront être déduits du revenu imposable de manière à les inciter à réaliser une épargne importante sur le plan d'épargne pour la retraite.

L'article 7 comporte une autre mesure attractive visant à inciter les salariés à mobiliser un maximum de volume d'épargne sur le PEE pour la retraite puisque les sommes provenant de l'intéressement seraient exonérées d'impôt sur le revenu.

L'article 8 concerne le régime fiscal applicable au moment de la clôture du plan. La rente viagère que reçoit le salarié est soumise à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun. Bénéficie d'une exonération au titre de l'impôt sur le revenu, la quote-part de la rente issue du placement de la participation et de l'intéressement.

Enfin, l'article 9 règle la question essentielle du départ du salarié de l'entreprise au sein de laquelle il était couvert par un PEE pour la retraite. Une alternative lui est offerte au moment de son départ. Il peut choisir le maintien dans l'entreprise du plan, qui ne serait plus alimenté dans les mêmes conditions puisqu'il pourrait seulement f aire l'objet de versements volontaires limités à 30 000 francs par an. Ou alors il peut décider de transférer les sommes vers un PEE pour la retraite dans sa nouvelle entreprise qui ne saurait s'y opposer.

Troisième axe : donner un coup d'accélérateur à l'actionnariat salarié. L'article 10 prévoit qu'en cas d'augmentation du capital, 5 % des actions nouvelles doivent être proposées aux salariés de l'entreprise, avec un rabais de 50 %. Une limite est toutefois posée : un salarié ne pourrait pas acheter plus de 100 000 francs d'actions. Il faut noter que les actions acquises de cette manière sont incessibles pendant trois ans à dater de leur distribution ou de leur achat.

L'article 11 assortit cette formule d'un avantage financier sous la forme d'une exonération au titre de l'impôt sur le revenu pour les gains nets tirés de la cession de ces actions. Par ailleurs, le prélèvement social de 1 % perçu au profit de la CNAV ne s'applique pas.

Quatrième axe : généraliser l'accès aux stock-options et accroître la transparence. Chaque salarié aurait droit à une attribution égale à 10 % de son salaire annuel brut quand le mécanisme d'attribution des stock-options est prévu. Le régime fiscal applicable serait assoupli avec une taxation de la plus-value dite d'acquisition à 26 %. En outre, les plus-values sur options seraient totalement exonérées d'impôt sur le revenu en cas de placement dans un PEE pour la retraite.

Nous souhaitons également accroître la transparence en la matière, puisque nous proposons de rendre publiques les attributions les plus importantes. Cette exigence légitime a d'ailleurs été prise en compte dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques grâce à l'adoption d'amendements d'origine parlementaire.

Cinquième et dernier axe : renforcer la présence des salariés actionnaires au sein des conseils d'administration.

L'article 16 dispose que lorsque les actions détenues par le personnel représentent plus de 5 % du capital social, les statuts de la société doivent être modifiés pour que soit nommé, dans un délai de dix-huit mois, par l'assemblée générale ordinaire, sur proposition de l'assemblée spéciale des actionnaires, au moins un administrateur ayant la qualité de salarié actionnaire.

Vous le voyez, chers collègues, le dispositif que nous vous présentons est sérieux, lisible, mesuré et ambitieux.

Il contraste singulèrement avec ce que nous savons de l'avant-projet gouvernemental, qui n'arrive pas à sortir des contradictions qui ont empêché la participation sous toutes ses formes de connaître l'expansion que méritaient les salariés et leurs entreprises.

Je m'inquiète du retard que nous allons prendre pour les retraites, pour une organisation plus moderne du dialogue social, pour une meilleure performance de l'économie française. Aussi vous proposerai-je de ne pas suivre la commission des affaires sociales lorsqu'elle vous suggère de ne pas examiner au fond le contenu de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Edouard Balladur.

M. Edouard Balladur.

Madame la présidente, monsieur


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le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, développer la participation dans les petites entreprises, créer un plan d'épargne d'entreprise pour la retraite, favoriser l'actionnariat salarié à l'occasion de chaque augmentation de capital, prévoir que des stocks-options bénéficient à tous les salariés, renforcer la présence des salariés actionnaires dans les conseils d'administration des sociétés, telles sont les cinq séries de mesures que comporte la proposition de loi soumise à votre examen et qu'a rappelées et analysées Mme Roselyne Bachelot.

Ce texte ambitieux a été signé par l'ensemble de nos collègues membres des trois groupes de l'opposition. Je m'en réjouis et je souhaite que ce précédent, qui montre que, quoi que l'on dise parfois, notamment sur vos bancs, l'opposition a la capacité de formuler des propositions d'alternance concrètes et novatrices, serve d'exemple.

Il est bien vrai que la participation, l'intéressement et l'épargne salariale sont des principes désormais communs à l'ensemble des formations politiques de la droite et du centre.

Il est bien vrai aussi, et c'est peut-être ce qui nous distingue de l'actuelle majorité, que le propre de nos formations politiques est d'avoir pris acte depuis longtemps du caractère désuet des idéologies du

XIXe siècle qui opposaient le capital et le travail.

Il est bien vrai enfin, et c'est une autre différence entre la majorité et nous, que nous sommes plus sensibles aux exigences du dynamisme de l'économie, dans un monde dominé par la concurrence et, par conséquent, à l'urgence qui s'attache à mener à bien, dans notre pays, un certain nombre de réformes.

Au premier rang de celles-ci, comme l'a rappelé Mme Bachelot, figure la réforme des retraites. Disposant de quelque expérience en la matière, je me permets de dire combien je regrette, pour notre pays, que les mesures que chacun sait nécessaires soient sans cesse différées depuis près de trois ans, alors même qu'à la différence de la situation que nous avons trouvée en 1993, lorsque le pouvoir nous a été transmis, l'existence d'une croissance économique soutenue facilite par elle-même la mise en oeuvre des réformes.

Il s'agit d'une chance qu'il appartiendrait à l'actuel gouvernement et à l'actuelle majorité de saisir. Nous attendons depuis bientôt trois ans que tel soit le cas.

C'est en considération de ce constat, monsieur le ministre, qu'il vous est proposé de débattre des principaux aspects de ce que pourrait être ce que nous avons appelé une « nouvelle participation ».

Celle-ci doit, à mes yeux, reposer sur quelques principes.

Premier principe : les entreprises d'aujourd'hui étant ouvertes à la concurrence, un nouveau type de dialogue social doit s'y instaurer. J'observe d'ailleurs que les organisations patronales et syndicales sont, pour la plupart, favorables au principe, même si elles sont opposées aux modalités proposées. Après tout, c'est la règle du jeu.

Deuxième principe : la croissance étant revenue, il y a lieu de réfléchir à la meilleure manière, en termes de justice et d'efficacité, d'en répartir les fruits. Cette réflexion dominera de plus en plus notre vie économique et sociale dans les années ou dans les décennies qui viennent.

Troisième principe : l'avenir des salariés et celui des entreprises étant soumis à de nouvelles contraintes, il convient de le préparer avec réalisme et de favoriser un partage plus équitable des responsabilités. Le temps du commandement hiérarchique et de l'obéissance inconditionnelle est passée dans toutes les collectivités humaines sans épargner l'entreprise.

Les conséquences à tirer de ces trois principes sont claires : la nouvelle participation ne doit pas être exclusivement financière ; l'épargne salariale doit avoir un intérêt non seulement pour les salariés mais aussi pour les entreprises, soucieuses de stabiliser leur actionnariat, et également pour la société dans son ensemble, confrontée au problème du financement des retraites ; enfin, la participation, aujourd'hui trop souvent limitée aux grandes entreprises et à quelques catégories de salariés, doit être beaucoup plus largement diffusée.

En somme, mesdames, messieurs, la participation est la forme moderne de la démocratie économique et sociale.

Il ne s'agit ni de nier l'opposition des intérêts au sein de l'entreprise ni de minorer la part du salaire dans la rémunération du salarié - ce genre de critique est totalement dépassé - mais de favoriser un nouveau partage.

Telles sont les raisons pour lesquelles la proposition de loi dont nous débattons comporte cinq volets étroitement c omplémentaires que j'analyserai très brièvement, Mme Roselyne Bachelot l'ayant parfaitement fait avant moi.

Le premier consiste à inciter vigoureusement les petites entreprises à développer la participation. Aujourd'hui, elle est obligatoire à partir de cinquante salariés. Je rappelle qu'elle l'était à partir de cent depuis l'ordonnance de 1967 et que le seuil a été ramené à cinquante par une loi de 1994. Il a alors paru préférable de ne pas aller plus loin dans la voie de l'obligation et de prévoir des incitations financières.

Une étape nouvelle doit être franchie, non pas en rendant systématiquement obligatoire la participation mais en créant une incitation fiscale. C'est pourquoi il est proposé que, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, la provision pour investissement soit fixée à 100 %. Couplée avec le deuxième volet de notre proposition de loi, cette mesure est de nature à modifier profondément la dimension et la perception de l'épargne salariale dans notre pays.

Le deuxième volet, peut-être celui qui fait le plus débat, tend à consolider la participation en facilitant sa transformation éparge pour la retraite.

A l'heure actuelle, la participation ou l'intéressement peuvent être versés sur des plans d'épargne d'entreprise.

Les sommes recueillies peuvent être investis en titres de l'entreprise ou, de manière plus générale, en divers placement financiers. Cependant l'objectif reste une épargne à cinq ans.

Aujourd'hui, la création de ces plans n'est pas obligatoire et un très grand nombre d'entreprises n'en disposent pas. Ce volume d'épargne n'est donc pas utilisé spontanément pour la préparation de la retraite. Or nous savons, et vous savez, malgré tous les rapports parfois quelque peu complaisants qui sont rédigés sur ce sujet, que cet enjeu est au premier rang des défis des années à venir.

C'est pourquoi nous proposons qu'à côté des plans d'épargne d'entreprise, qui resteront facultatifs et dont les règles ne seront pas modifiées, soit rendue obligatoire la création de ces plans pour la retraite dans toutes les entreprises où la participation s'applique, que ce soit obligatoirement au-dessus de cinquante salariés ou volontairement grâce à l'incitation fiscale que nous proposons.


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Ce plan pour la retraite serait alimenté par les sommes venant de la participation, soit immédiatement, soit lors de leur déblocage, par l'intéressement, par de l'épargne volontaire et, enfin, par un abondement de l'entreprise.

Le plan d'épargne d'entreprise pour la retraite serait géré soit à l'intérieur de l'entreprise, soit à l'extérie ur par un gestionnaire professionnel. En pratique, pour les PME, un mécanisme interentreprises devrait être prévu soit par branches soit par zones géographiques. Je retrouve là des préoccupations qui, si j'en crois la presse, seraient également les vôtres.

Un accord d'entreprise fixera les règles de gestion dans le respect des principes prudentiels qui seront définis par décret. L'objectif est évidemment de veiller à ce que les droits des salariés soient protégés même en cas de défaillance de l'entreprise. Cela permet d'ailleurs de répondre à une objection fréquente sur la façon d'alimenter la retraite complémentaire.

Les sommes ainsi épargnées ne seront disponibles qu'au départ à la retraite - différence substantielle avec les projets qui vous sont prêtés, monsieur le secrétaire d'Etat ou en cas d'invalidité. Ces sommes seront transformées en rentes viagères et en rentes viagères seulement. C'est une autre différence avec le système qui, si j'en crois encore la presse, aurait votre préférence puisque vous laisseriez le choix entre la rente viagère et le capital.

Sur le plan fiscal, les sommes versées sur le plan d'épargne d'entreprise pour la retraite seraient soumises à la CSG et à la CRDS mais totalement exonérées d'impôt sur le revenu. La rente viagère, pour la partie ne venant pas de la participation ou de l'intéressement, serait soumise à l'impôt sur le revenu mais exonérée de CSG et de CRDS.

Autrement dit, la participation ne verrait pas son régime fiscal modifié puisqu'elle est déjà défiscalisée. L'intéressement deviendrait déductible de l'impôt sur le revenu l'année de son placement sur le plan. L'abondement serait défiscalisé et ne verrait pas son régime modifié, seul son plafond passerait de 15 000 francs à 30 000 francs par an et par salarié. L'épargne personnelle serait elle aussi déductible du revenu imposable dans la limite de 30 000 francs par an et par salarié.

Le plan d'épargne pour la retraite pourrait également être alimenté par le versement des plus-values sur des stock-options dont nous souhaitons, comme on le verra, la généralisation.

Ce dispositif ambitieux permettrait l'émergence de véritables fonds de pension à la française. Je me résous à prononcer ce mot, iconoclaste semble-t-il. Il paraît en effet qu'il vaut mieux l'éviter, car le prononcer reviendrait à agiter un chiffon rouge ! (Sourires.)

J'observe cependant que la très grande majorité de l'opinion publique attend, si j'en crois toujours la presse de ces jours-ci, qu'on lui offre le moyen d'améliorer sa retraite obligatoire.

M. Gilles Carrez et M. François Guillaume.

Eh oui !

M. Edouard Balladur.

Ce dispositif ambitieux permettrait donc, je le répète, l'émergence de fonds de pension à la française. Instaurés obligatoirement, y compris dans les P ME, ils permettraient de constituer de véritables retraites par capitalisation, complémentaires des systèmes de retraites par répartition.

Les choses sont claires et simples : l'entreprise aura l'obligation de constituer ces fonds lorsqu'elle applique la participation, mais le salarié sera libre de les abonder ou non, selon l'idée qu'il se fait de la vie. Il pourra ainsi choisir d'agrémenter sa situation actuelle au détriment, peut-être, de sa vie future, mais ce choix procède de l'exercice de la liberté individuelle de chacun et nous sommes sans doute tous d'accord pour ne pas la remettre en cause, monsieur le secrétaire d'Etat.

La troisième mesure est reprise d'une proposition de loi que nous avions déposée il y a un an et que votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, avait écartée voici quelque mois pour des motifs dont je dois avouer qu'ils n'avaient pas emporté notre conviction.

Les opérations de privatisation ont montré que les salariés étaient prêts à investir massivement dans leur entreprise. Certaines entreprises privées ont fait, avec succès, d'importantes augmentations de capital réservées à leurs salariés. Afin de développer ce mouvement, une quotepart de toute augmentation de capital pourrait, selon nous, être réservée aux salariés.

Le texte prévoit donc la création d'un mécanisme obligeant les sociétés augmentant leur capital à offrir aux salariés 5 % de cette augmentation avec un rabais de 50 %. La valeur totale des actions achetées ne pourrait excéder 100 000 francs par salarié, ce qui, vous en conviendrez, ne serait pas caractéristique d'une politique exagérément favorable aux cadres appartenant à la hiérarchie la plus élevée de l'entreprise.

Les titres ainsi acquis bénéficieraient d'un régime d'exonération au titre de l'impôt sur le revenu. En son temps, la majorité a rejeté cette proposition mais nous croyons le moment venu de la soumettre à nouveau à votre attention. Je n'ose pas dire à votre bienveillante attention ; nous verrons dans une heure ou deux ce qu'il en aura été.

La quatrième mesure vise à faire en sorte que les stockoptions bénéficient à tous les salariés.

Depuis 1970, les sociétés peuvent instituer des options de souscription ou d'achat d'actions. Par parenthèse, cela me paraît plus clair, plus simple et plus prononçable que le terme britannique, mais il est passé dans les moeurs. La pratique a montré que si ces mécanismes ont connu un réel succès, ils restent réservés à une faible fraction de salariés.

Il est proposé que lorsque l'assemblée générale autorise l'institution de stock-options, une quote-part soit attribuée obligatoirement à l'ensemble des salariés travaillant en France. Chaque salarié aurait droit au minimum à une attribution au moins égale à 10 % de son salaire annuel brut. Le régime juridique de ces options serait identique au régime actuel, et le régime fiscal serait aménagé.

Au-delà du dispositif généralisé dont le maximum, calculé en relation avec le salaire annuel, serait défini par le conseil d'administration, les attributions d'options suivraient le régime fiscal actuel.

Par ailleurs, il nous paraîtrait important et souhaitable que les attributions aux dix plus importants cadres de l'entreprise fussent rendues publiques dans le rapport annuel présenté à l'assemblée générale ordinaire approuvant les comptes.

Ainsi que je l'ai déjà souligné, l'originalité de notre proposition tient au fait que les plus-values sur options seraient exonérés d'impôts sur le revenu en cas de placement dans le plan d'épargne pour la retraite.

Nos propositions sont donc claires et simples : transparence d'abord et obligation d'offrir des options d'achat à tous les salariés lorsqu'elles sont offertes à quelques uns, ce qui soulève d'ailleurs parfois des difficultés dans les entreprises.


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Enfin, la cinquième mesure consiste à rendre obligatoire la participation aux conseils d'administration des salariés actionnaires.

La loi du 25 juillet 1994 instituant une possibilité de participation des salariés actionnaires aux conseils d'administration mérite d'être modifiée. Le dispositif qu'elle a instauré est facultatif. Il faut le rendre plus efficace. C'est pourquoi, il vous est proposé de fixer à 5 % du capital le pourcentage d'actionnariat salarié rendant obligatoire la participation au conseil d'un actionnaire salarié.

Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, ces cinq propositions concrètes pour une nouvelle participation sont ambitieuses. L'enjeu est d'importance pour la cohésion sociale, pour la stabilité de l'actionnariat des entreprises et pour la sauvegarde des retraites.

Je ne disconviens pas que ces dispositions diffèrent, notamment en ce qui concerne l'épargne salariale et les options d'achat, des projets que vous avez déposés ou que vous vous préparez à soumettre à notre assemblée.

Pour des raisons politiques, je crois, vous souhaitez compliquer le régime fiscal, pourtant déjà singulièrement complexe, des options d'achat. Pour des raisons semblables, vous n'osez pas orienter franchement l'épargne salariale vers la constitutions de fonds de pension à la française. Je le répète, c'est sans l'ombre d'une hésitation que j'utilise ces termes.

Je respecte vos choix, même si je ne suis pas certain qu'ils soient entièrement les vôtres, aux uns et aux autres, mais il ne m'appartient pas de scruter les coeurs et les consciences. Cependant j'avoue que je les comprends mal.

Etes-vous favorable à la participation et à l'actionnariat salarié, ou bien préférez-vous que le salariat continue, dans notre organisation sociale, de porter la marque de la subordination ? C'est l'une des questions qui se posent à vous.

Etes-vous désireux d'engager la réforme des retraites en vous affranchissant de préjugés d'un autre âge ? Etes-vous hostiles à ce que tous les salariés puissent bénéficier de stock-options, ou préférez-vous que seuls les dirigeants et les plus riches détenteurs de capitaux continuent à en profiter ?

M. François Guillaume.

C'est le monde à l'envers !

M. Edouard Balladur.

C'est à ces questions simples qu'il vous faut répondre.

Si, comme je le souhaite, vous entendez saisir l'occasion qui vous est offerte pour engager le débat sur ces questions importantes, nous nous en réjouirons et nous aborderons la discussion dans un esprit d'ouverture.

Si, comme je le crains, vous ne souhaitez pas ou ne pouvez pas vous engager dans cette voie, en tout cas pas tout de suite - car vous nous avez donné d'autres exemples montrant que vous saviez évoluer et ce n'est pas m oi qui vous le reprocherai -, je le regretterais, convaincu que je suis, que, sur des sujets aussi fondamentaux pour l'avenir de notre pays, la majorité s'honorerait à examiner les propositions de l'opposition sans les rejeter systématiquement et automatiquement.

Il arrive, et c'est heureux dans notre démocratie, que l'opposition joigne ses voix à celles de la majorité. Pas très souvent, mais cela arrive quand même plusieurs fois par an. Depuis trois ans, la réciproque n'a jamais été vérifiée. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il vous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, de rompre avec cette regrettable asymétrie en acceptant que notre assemblée débatte de la proposition qui lui est soumise et ne se contente pas de l'écarter sans autre forme de procès, pour des motifs dont vous me pardonnerez de dire que je ne vois pas ce qu'ils pourraient être, sinon purement et simplement politiques, et qui n'ont rien à voir avec les intérêts à long terme des salariés, auxquels nous entendons donner plus de sécurité pour leur avenir et plus de dignité dans leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, comme M. le Premier ministre Balladur vient de le rappeler à l'instant, la proposition de loi que nous examinons ce matin est la quatrième déposée sur ce thème en un an. Deux ont été débattues dans notre hémicycle, le 20 mai 1999 et le 8 février dernier, et deux ont été examinées par le Sénat en décembre 1999. En raison de cet effet répétitif, je tiens donc à m'excuser par avance des nombreuses redites qui vont être faites dans mon intervention, comme dans l'ensemble des débats je le crains, mais, puisque l'opposition tient tant à ce qu'on lui redise, une fois encore, nos points de désaccord... et d'accords - car il n'y a pas que des points de désaccord sur ce sujet -, je vais m'appliquer à les réexpliquer.

Le premier différend porte sur l'opportunité d'une telle proposition de loi, et c'est peut-être ce qui distinguera ce débat des précédents, puisque beaucoup des points qui y sont abordés, et que Mme la rapporteuse a exposés tout à l'heure, ont déjà été débattus. Nous avons avancé depuis.

Le deuxième point de désaccord porte sur la méthode préconisée par la loi. Il existe ensuite un certain nombre de désaccords de fond qui nous opposent et que je développerai un peu plus tard.

Examinons tout d'abord l'opportunité de la proposition de loi.

Un certain nombre de points qui y sont abordés ont déjà fait l'objet récemment de débats dans notre assemblée et même d'un vote. Je pense en particulier aux propositions relatives aux stock-options qui ont été adoptées lors de l'examen en première lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.

Dans la proposition de loi qu'a défendue Mme Bachelot, vous préconisez la création d'un mécanisme de stockoptions généralisé. Les mesures proposées comportent trois volets : la diffusion des options auprès de l'ensemble des salariés - je note à ce sujet au moins un point d'accord entre Mme Bachelot et moi je regrette en effet, comme elle que l'on n'ait pas cherché à remplacer le mot de stock-options par un autre mot plus français...

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il en existe !

M. Serge Blisko.

... mais gardons ce mot puisqu'il est consacré par l'usage ! Les mesures proposées comportent trois volets, disais-je : la diffusion des stock-options auprès de l'ensemble des salariés, la suppression du rabais ou de la ristourne et la transparence nominative. Vous avez avancé sur ces questions mais, à l'évidence, vous n'avez pas, lors de la rédaction de cette proposition de loi, pris connaissance des dispositifs récemment adoptés en première lecture par notre assemblée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

En effet, lors du débat sur la loi relative aux nouvellesr égulations économiques, une série d'amendements concernant les stock-options a été présentée et votée.

C'est ainsi que les deux derniers volets de votre proposition de loi concernant la suppression du rabais et la transparence nominative ont déjà été traités. Ces dispositions ayant été adoptées, nous espérons tous qu'elles deviendront définitives à l'issue de la navette parlementaire. Donc, je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de les rediscuter et de le revoter tous les mois.

Concernant l'épargne salariale, il y a télescopage entre votre proposition et le projet de loi qui est actuellement en préparation au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Celui-ci devrait être déposé au conseil des ministres - M. le secrétaire d'Etat nous le confirmera - d'ici à la fin juin pour venir en discussion devant notre assemblée à la rentrée parlementaire début octobre. Une première version de ce texte a déjà été soumise aux partenaires syndicaux et au patronat et je crois que c'est aujourd'hui qu'a lieu la dernière série d'entretiens préalables avec les différentes organisations puisqu'elle a, me semble-t-il, commencé mardi dernier.

Nous sommes donc actuellement en plein débat. Si v otre proposition appelle un certain nombre de remarques que je ne manquerai pas de vous faire au fil de mon intervention, nous pouvons déjà considérer qu'il serait plus pertinent d'attendre la fin des consultations et le dépôt du projet de loi du Gouvernement pour ouvrir, par le biais d'une proposition de loi contradictoire, complémentaire ou alternative, le débat sur cette question afin que celui-ci ait lieu sur des bases tout à fait objectives : tout le monde saura, d'un côté, ce ce que propose l'opposition et, de l'autre, ce que le Gouvernement a discuté tant avec les partenaires sociaux qu'avec la représentation nationale.

Là encore, veuillez m'excuser, monsieur le Premier ministre Balladur, votre proposition de loi manque d'opportunité. Il y a véritablement discordance des temps. Je sais bien que la procédure des niches parlementaires ne permet pas toujours de faire ce que l'on veut dans un calendrier parlementaire déjà fort chargé, mais nous assistons là à un télescopage qui n'est pas de nature à clarifier l a situation et à permettre aux Français de bien comprendre de quoi il s'agit.

Au-delà de cette querelle, ou plutôt de ce différend...

M. François Goulard.

De cette mauvaise querelle !

M. Serge Blisko.

... sur l'opportunité de la proposition de loi, j'ai plusieurs remarques à faire, d'ordre plus formel, qui marquent de profondes différences.

Tout d'abord, j'ai été frappé par l'absence de logique partenariale. Il est en effet pour le moins paradoxal d'introduire un mécanisme obligatoire sans le relier à un accord collectif entre les salariés et les chefs d'entreprise.

Pour la majorité et pour le Gouvernement, vous le savez, la logique est celle du dialogue et de la concertation. Pour nous, il ne s'agit pas de décréter. Cette méthode a montré ses limites et même ses contre-effets.

Nous ne décrétons pas, nous négocions. Ce n'est qu'ensuite que nous proposons un texte de loi devant le Parlement. Sa discussion est éclairée par la négociation qui a précédé son élaboration. C'est pour cela que le ministre de l'économie et des finances a prévu, sur ces questions, une grande concertation avec les organisations salariales et patronales qui a d'ailleurs commencé la semaine dernière.

D'ailleurs nous avons pu voir dans la presse les premières réactions, les « oui, mais », les « oui, si », les « plutôt non », les « plutôt oui » qui se sont exprimés ici ou là !

Elles montrent bien qu'une volonté de travail collectif est en place.

D'un point de vue plus général, mais toujours sur la forme, je m'interroge sur ce texte - d'ailleurs, madame Bachelot, nous en avons brièvement discuté en commission - tant les influences philosophiques y sont nombreuses et mélangées.

On y retrouve, bien sûr - Mme Bachelot a d'ailleurs commencé son discours en citant le général de Gaulle des influences gaullistes dans l'idée de participation - qui est appliquée dans notre pays depuis trente ans - et dans l'association systématique entre capital et travail. Sur ces questions, nous avons également nous-mêmes beaucoup évolué depuis trente ans et le rapprochement entre ce qu'il est convenu d'appeler, dans le langage de la vieille économie, le capital et le travail nous paraît nécessaire.

On retrouve également dans la proposition de loi des influences libérales venues d'outre-Manche, quasiment anglo-saxonne, dans la volonté de systématiser les stockoptions.

On y retrouve même un peu de cogestion à l'allemande, dans la proposition de faire rentrer les salariés fonctionnaires dans les conseils d'administration des entreprises.

Bref, c'est une auberge espagnole - excusez-moi le terme - un mélange de différentes influences. Je sais bien que ce « compactage » de plusieurs points de philosophie politique et économique a permis le rassemblement de l'opposition sur une seule proposition de loi. Mais ces influences multiples, diverses et parfois contradictoires empêchent une lecture claire de ce texte.

Dernière remarque sur la forme : permettez-moi de regretter que l'excellent rapport de notre collègue M. Balligand et de l'ancien commissaire au Plan, de Foucauld, n'ait pas été davantage exploité pour l'élaboration de ce texte, en particulier pour la partie concernant l'épargne salariale.

J'en arrive maintenant aux désaccords sur le fond. Examinons les propositions de texte concernant les stockoptions.

Comme je l'ai dit, votre proposition comporte trois volets. Si deux d'entre eux ont déjà trouvé une réponse, que nous espérons définitive après la navette parlementaire, à travers les amendements que nous avons apportés à la loi sur les nouvelles régulations économiques, il nous reste à traiter la question de la diffusion des options auprès de l'ensemble des salariés. Cette proposition, qui tend à démocratiser les stock-options, n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes. Elle peut être coûteuse en termes de dilution potentielle des actionnaires. Mais l'argument le plus important est qu'elle comporte un risque évident de substitution des options, et donc des actions, au salaire. Nous franchissons là une étape !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous ne substituez pas. Vous ajoutez !

M. Serge Blisko.

Certes, mais il y a quand même effet de substitution, car on ne va pas à la fois augmenter le pouvoir d'achat des salariés et leur distribuer des stockoptions.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Les 35 heures amputent déjà leur pouvoir d'achat !

M. Serge Blisko.

Les organisations syndicales et le Gouvernement sont particulièrement sensibles au fait que, en prônant la contrainte salariale et en distribuant en


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même temps des stock-options - qui, puisque c'est une option, sont des bénéfices à venir - nous pourrions compromettre la reprise économique actuelle.

Je vous rappelle que la plupart des stock-options dont nous parlons beaucoup aujourd'hui sont distribuées dans les « entreprises de la nouvelle économie » - je ne vais pas continuer à employer le vocabulaire anglo-saxon qui nous envahit, - c'est-à-dire ce que l'on appelle les start-up, qui sont nombreuses outre-Atlantique. C'est à la fois un mode de financement et un mode de modération salariale pour elles. Cela leur permet de commencer en ayant le moins de frais fixes possibles, c'est-à-dire en distribuant le moins de salaire possible.

M. François Goulard.

Oui.

M. Serge Blisko.

Ce faisant, les entreprises donnent - monsieur Goulard le sait bien - une espérance pour plus tard, en quelque sorte un billet à ordre, avec le sousentendu suivant : si l'entreprise marche bien, vous aurez l a récompense de vos efforts de modération d'aujourd'hui ! Permettez-moi de rappeler ce que disait un analyste de Goldman Sachs. Vous voyez que je ne choisis que des auteurs incontestables, de votre point de vue.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse.

Ah !

M. Serge Blisko.

Il disait ceci : « Ces sociétés offrent aux investisseurs des promesses de gains pour les années à venir. Nous partons tous du principe que, parmi elles, il y a le « Microsoft » de demain, mais, ne nous cachons pas la réalité, des dizaines d'entreprises vont disparaître et des millions de dollars d'épargne vont partir en fumée. »

Aujourd'hui, on peut même dire que ce sont des centaines, voir des milliers d'entreprises, qui vont disparaître.

Voilà le fond du problème ! Sans tomber dans les comparaisons hâtives, ni prendre la proie pour l'ombre, il y a là quand même un pari aventureux sur l'avenir.

Peut-on demander à tous les salariés d'une entreprise de se lancer dans ce pari ? Je crois qu'il faut une certaine modération, une certaine mesure. En tout cas, on ne peut prôner le développement des stock-options comme une alternative au salariat.

Deuxième volet de votre proposition : la participation salariale. Là, le désaccord entre nous est profond. A notre sens, la question de la participation salariale n'est pas nécessairement, comme vous l'affirmez, un facteur de cohésion sociale. En effet - nous l'avons déjà dit en commission -, il faut distinguer entre les salariés du secteur privé et les salariés du secteur public, ces derniers englobant non seulement les salariés de la fonction publique mais aussi ceux des entreprises publiques qui sont encore, pour la plupart aujourd'hui, hors du jeu de la concurrence, même si le projet qu'a défendu M. Pierret sur l'ouverture d'EDF à la concurrence prévoit une mise en jeu de la concurrence internationale. Votre proposition creuse le fossé entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé, entre les salariés des grosses entreprises et ceux des PME et, enfin, entre tous ces salariés et le million et demi de salariés qui font partie de ce qu'il est convenu d'appeler le « tiers secteur » : le secteur de l'économie sociale, des mutuelles, des associations, des oeuvres caritatives, le secteur privé à but non lucratif.

Vous ne nierez pas que les entreprises de ce secteur vendent des services essentiels dans le domaine de l'aide à la personne et de la santé.

M. François Guillaume.

Elles n'ont pas les mêmes risques que les autres. Elles n'ont pas pas le même statut !

M. Serge Blisko.

Elles ne font pas de bénéfice de par la l oi ! Donc, il y a 1,5 million de personnes qui concourent à la fois au bien-être des habitants de ce pays et au développement économique, qui seront exclues du circuit que vous voulez mettre en place.

La deuxième raison de notre désaccord concernant la participation salariale est qu'elle constitue pour le salarié une prise de risque importante. La troisième, enfin, est qu'elle peut conduire à un conflit d'intérêts au sein de l'entreprise, l'intérêt des salariés n'étant pas nécessairement celui des actionnaires.

M. François Goulard.

Quel archaïsme !

M. Serge Blisko.

Est-il besoin de vous rappeler ce que recouvre ce que l'on appelle par l'horrible terme de

« gouvernement d'entreprise ». La création de valeur pour les actionnaires passe parfois par la compression de la masse salariale ou du nombre de salariés.

M. Jacques Godfrain.

Obsolète !

M. Serge Blisko.

Obsolète ! L'exemple Michelin prouve le contraire. Il date du mois de septembre 1999 ! Je ne pense pas, monsieur Godfrain, que vous puissiez me garantir que cela n'arrivera plus jamais ! Le licenciement - qu'on l'appelle licenciement sec, plan social ou diminution de la masse salariale - est souvent - trop souvent, malheureusement, et c'est ce qui nous préoccupe aujourd'hui - une des voies par lesquelles les entreprises essayent de créer de la valeur pour les actionnaires. Je crains donc que, en instituant la participation salariale, nous ne mettions le doigt dans une mécanique infernale qui, au lieu de concourir au rassemblement du capital et du travail, divise au contraire les salariés et conduise à des conflits d'intérêts entre ceux qui seront actionnaires et ceux qui ne le seront pas encore, entre ceux qui auront beaucoup d'actions et ceux qui, fraîchement arrivés dans l'entreprise, en auront peu et entre les salariés et l'encadrement : le second s'emploiera à expliquer aux premiers qu'il vaut mieux se passer de salaire, les premiers expliqueront au second qu'ils préfèrent perdre de la valeur sur leurs actions.

Je crains qu'il n'y ait là une source de conflits importants. L'extension de ce mécanisme aux entreprises de moins de cinquante salariés risque de créer encore plus de difficultés. L'avenir dira si le projet de loi que nous avons voté aura permis de mettre en place des mécanismes permettant d'éviter ces conflits d'intérêt.

Par ailleurs, il nous faut veiller à ne pas perdre de vue ce qui est le salariat. C'est avant tout un contrat individuel - qui peut être renouvelé chaque mois ; on parle de salariés mensualisés - entre un employé qui vend sa force de travail, comme on disait autrefois, ou sa compétence à accomplir une tâche - on parle plus volontiers aujourd'hui, n'est-ce pas, monsieur Goulard, de matière grise, de technicité, de compétence...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

De force aussi !

M. Serge Blisko.

... et un employeur qui, en échange, lui donne la juste récompense de son effort. Or, ce que vous nous proposez dans votre texte, c'est une association financière, à intérêts convergents, entre deux parties. Cela ne correspond pas vraiment à la définition de l'entreprise.

Vous déplacez le problème. La place du salarié dans votre dispositif doit être mieux prise en compte dans cette association.

Dernier point sur lequel nous nous inscrivons totalem ent en désaccord avec vous : la présentation de l'épargne-retraite comme moteur du développement de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

l'épargne salariale. Comme l'ont dit MM. Balligand et de Foucault dans leur rapport, il manque certainement un produit d'épargne longue, dans notre pays, sur dix ans, douze ans, voire quinze ans...

M. François Goulard.

Pourquoi se limiter à quinze ans ?

M. Serge Blisko.

Faut-il pour autant le lier à la retraite ?

Les négociations ont commencé. Il est difficile de tirer des enseignements des premières discussions qui ont eu lieu avec les syndicats et j'attends de M. le secrétaire d'Etat qu'il nous éclaire, s'il le peut, sur la première semaine de négociations. Mais il est évident que nous ne pouvons pas remplacer subrepticement notre système de retraites par un autre.

Vous avez parlé du fonds de pension à la française.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est un complément ! Un complément nécessaire !

M. Serge Blisko.

Comme M. le Premier ministre Balladur l'a rappelé, nous l'avons clairement refusé. Nous avons cependant laissé la discussion ouverte en demandant la rédaction de différents rapports.

M. François Guillaume.

Passez aux actes ! Les rapports ça suffit !

M. Serge Blisko.

Ils ont montré qu'il y a des besoins de financement. Sans doute avaient-ils été surestimés. La reprise et l'embellie économiques montrent que nous pouvons aller plus prudemment. Je vous rappelle la création du fonds de réserve. Nous allons l'abonder.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse.

Un postillon dans l'océan Atlantique !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

De l'ordre du micron !

M. Serge Blisko.

Les bons résultats économiques du Gouvernement et de notre pays tout entier font heureusement prévoir pour ce fonds de réserve un niveau nettement supérieur à celui qui était prévu, et dont vous aviez dénoncé la faiblesse, il y a à peine un an.

Mme la présidente.

Il faut conclure, monsieur Blisko.

M. Serge Blisko.

Oui, madame la présidente.

Pour pallier les problèmes rencontrés par les entreprises, petites ou grandes, faisant des profits, ou n'en faisait pas - et je vous rappelle que la France est un pays où il y a beaucoup d'entreprises qui ne font pas de profits -, vous avez souligné dans l'exposé des motifs qu'« un mécanisme interentreprises devra être prévu, soit par branches, soit par zones géographiques ». Mais le mécanisme n'est pas défini par la proposition. Il y a donc un grand risque que le dispositif de retraites - le fonds de pension à la française, comme vous l'avez défini - ne profite in fine qu'aux salariés des grandes entreprises.

La généralisation proposée dans les PME est dangereuse car elle ajoute au risque de perdre son emploi, qui est fréquent dans ces entreprises, celui de perdre tout ou partie de son épargne.

M. François Goulard.

Mais non ! M. Renaud Donnedieu de Vabres et M. Jacques Godfrain.

Pourquoi ?

M. Serge Blisko.

Vous avez posé la question : sortie en capital ou en rente ? C'est un vrai débat. Le groupe socialiste a affirmé, à plusieurs reprises, que sa préférence allait vers la sortie en capital, en sachant que cela peut n'être que théorique. En effet, M. Fabius, le disait : on peut toujours traverser le trottoir pour aller à la banque faire passer son capital en rente ! Ce qui n'est effectivement pas satisfaisant.

Le débat reste ouvert mais, selon nous, la sortie en capital présente l'avantage de permettre éventuellement à des salariés d'investir dans l'immobilier, acheter une résidence secondaire ou faire des travaux importants, et de dynamiser l'économie plus certainement et plus facilement que par la rente.

M. François Goulard.

C'est l'éloge du capital !

M. Serge Blisko.

En conclusion,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse.

Enfin !

M. Serge Blisko.

... la majorité ne souhaite pas voter ce texte - cela ne vous surprend sans doute pas, mes chers collègues - car il ne nous paraît pas bénéficier aujourd'hui d'une « fenêtre d'opportunité ». Au contraire, il brouille un peu le débat entamé entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Nous sommes encore loin des v éritables attentes des salariés. Les sondages et les enquêtes d'opinion, celles dont nous avons eu connaissance la semaine dernière, sont tout de même un peu réductrices par rapport aux problèmes que nous avons exposés.

Vous souhaitiez un débat sur les stock-options. Il a déjà eu lieu le mois dernier.

Vous souhaitiez un débat sur l'épargne et la participation salariale. Il aura lieu au mois d'octobre. Je me demande donc un peu ce que nous faisons là ce matin, indépendamment du plaisir que nous avons à discuter ensemble. Et j'invite mes collègues du groupe socialiste à ne pas voter cette proposition de loi, pour laisser le débat c ommencé depuis quelques semaines se poursuivre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. François Goulard, à qui je suggère de respecter son temps de parole.

M. François Goulard.

Je compte sur vous, madame la présidente, pour me rappeler à l'ordre si, comme l'orateur précédent, je dépassais le temps qui m'a été imparti ! La proposition de loi sur l'épargne salariale et la participation, présentée par M. Edouard Balladur, comporte un ensemble de dispositions très positives portant sur plusieurs sujets très importants et très actuels. Elle a aussi le mérite incident de souligner sinon le blocage total, du moins l'immense frilosité du Gouvernement et de la majorité dans son ensemble face à des réformes dont pourtant l'intérêt et l'urgence devraient aujourd'hui s'imposer.

La vieille idée du général de Gaulle d'associer le capital et le travail, qui suscitait, à son époque et même chez ses fidèles, un très grand scepticisme, appartenait, en réalité, à la catégorie des prémonitions, en quoi la pensée du fondateur de la Ve République fut particulièrement féconde.

Cette idée vaut pour tous les temps : il est toujours souhaitable que la participation aux résultats, par exemple, permette aux salariés de profiter de la prospérité d'une entreprise à laquelle ils concourent et la motivation qui en résulte est toujours un avantage pour celle-ci.

Mais, incontestablement, la participation des salariés au capital, qu'il s'agisse de sa rentabilité - les bénéfices de l'entreprise - ou de sa prise de valeur - les plus-values sur titre - revêt aujourd'hui un intérêt tout particulier. Nous


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sommes, en effet, mes chers collègues, dans une période où la masse des salaires n'évolue pas rapidement. C'est vrai dans tous les pays, mais tout particulièrement en France, où la politique de réduction du temps de travail aboutira, pour plusieurs années, à un blocage salarial préjudiciable à une grande partie de la population.

Dans le même temps, la valeur des actions surtout, la rentabilité des fonds propres dans une moindre mesure, progressent à un rythme nettement supérieur à celui dess alaires. Le phénomène s'explique aisément : nous sommes dans une période de forte croissance mondiale et les marchés financiers anticipent sur les profits qu'on peut en attendre.

M. Serge Blisko.

Les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel !

M. François Goulard.

Certes, mon cher collègue, mais la croissance qui nous vient d'outre-Atlantique...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Et de notre politique !

M. François Goulard.

Je ne crois pas.

... cette croissance dure depuis très longtemps.

Dans ces conditions économiques et financières, il est encore plus opportun qu'autrefois de permettre aux salariés de profiter des gains en capital et de participer aux bénéfices. Par conséquent, votre proposition, monsieur le Premier ministre, reçoit, bien entendu, l'appui du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Les adversaires de la participation et de l'intéressement leur opposent fréquemment une objection : ils seraient les ennemis du salaire, entreraient en concurrence avec lui et, à ce titre, ils seraient - c'est une opinion assez répandue sur ces bancs - condamnables. Cette objection ne résiste pas à l'examen.

Participation et intéressement constituent en effet une part variable de la rémunération, liée aux résultats de l'entreprise, qui est mécaniquement très supportable par les comptes de celle-ci puisque, lorsque les résultats sont positifs, elle n'a aucune difficulté à la financer et que, en revanche, si la tendance est moins favorable, si la conjoncture est négative, cette part variable diminue.

En réalité, participation et intéressement s'apparentent à une augmentation réversible qu'un employeur n'aurait pas accordée à titre définitif, faute d'être certain que l'entreprise puisse toujours en supporter la charge. C'est donc un mécanisme extrêmement intéressant parce qu'il permet des augmentations qui n'auraient pas été accordées faute de cette réversibilité, qui est la caractéristique de la participation et de l'intéressement. C'est un moyen souple de permettre aux salariés de bénéficier des périodes les plus fastes sans mettre l'entreprise en péril quand la conjoncture est moins favorable.

La proposition de loi traite aussi des stock-options, sujet polémique s'il en est, on l'a vu encore à l'instant. Il est parfaitement légitime qu'une distribution généralisée à l'ensemble des salariés de l'entreprise bénéficie d'un allégement fiscal particulier. Mais, plus largement, il faudrait que chacun se convainque que les stock-options sont un instrument extrêmement utile à l'économie contemporaine. Beaucoup d'entreprises en forte croissance, qui ont de gros besoins d'investissements, ne peuvent payer à leur salariés, notamment à ceux d'entre eux qui sont les plus utiles à leur développement, les salaires qu'exigeraient leurs compétences et leur implication dans l'entreprise.

L'option d'achat d'actions de l'entreprise est l'instrument adéquat de leur rémunération et, en même temps, de leur attachement à l'entreprise.

Là aussi, contrairement à une croyance totalement erronée, mais pourtant extrêmement répandue, les rémunérations qui peuvent résulter de la levée des stockoptions à terme, rémunérations souvent considérables, n'affaiblissent en rien la substance de l'entreprise. Les transferts financiers ne se font pas entre l'entreprise et le salarié, mais entre actionnaires. C'est le vendeur des actions qui se prive de la plus-value réalisée par le bénéficiaire des stock-options, et non pas l'entreprise ellemême.

Il convient de dire aussi que l'attribution de stockoptions est souvent, dans un pays comme le nôtre, le seul moyen d'affronter la concurrence de pays à plus faible fiscalité, quand il s'agit de cadres à rémunération élevée o u très élevée. Or, il faut avoir conscience, même si c'est un phénomène qui vous échappe, que si les années 70 et 80 ont été les années de la délocalisation d'activités à for te main-d'oeuvre relativement peu qualifiée, aujourd'hui ce n'est plus cela qui est en cause : les délocalisations ou les localisations d'activités dans d'autres pays que la France dont nous sommes menacés concernent des entreprises à très forte valeur ajoutée individuelle, qui emploient des salariés à très hauts salaires. Ces délocalisations sont donce xtrêmement pénalisantes pour l'ensemble de notre économie.

Face à ce phénomène, dans un pays à fiscalité extrêmement forte, à prélèvements sociaux extrêmement lourds comparés à ceux d'autres pays, européens ou non européens, nous avons besoin, objectivement, d'instruments comme les stock-options, faute de quoi nous le verrons s'accentuer au détriment de notre économie et au détriment de l'ensemble des salariés de ce pays, car c'est du pouvoir d'achat et de la richesse ainsi qui quittent notre territoire.

Enfin, la proposition de loi soulève la question de l'épargne retraite. Je ne reprendrai pas les arguments, parfaitement objectifs, qui militent en faveur de la création - pour reprendre l'expression de M. Balladur - de fonds de pension à la française. On constate, de la part du Gouvernement et de la majorité, ce qu'on peut appeler un véritable blocage idéologique sur cette question.

Si, en écartant l'idéologie, on examine la situation actuelle, on s'aperçoit que les Français sont extrêmement inégaux face à la préparation de leur retraite. Sans m'appesantir sur le cas des fonctionnaires ou des agents publics qui, avec la Préfon, ont un moyen de préparer une retraite complémentaire par capitalisation - et je rappelle qu'il n'y a aucun plafond annuel - je me concentrerai sur les salariés du secteur privé. Là où existe un plan d'épargne d'entreprise - et ils sont effectivement encore trop peu nombreux - tous les moyens techniques sont réunis pour qu'un salarié puisse le faire fonctionner comme un véritable fonds de pension. C'est extrêmement simple : il peut épargner dans les conditions fiscales les plus avantageuses, sans acquitter aucun impôt sur le revenu ni cotisations sociales, et à la fin de sa carrière à condition de convertir son épargne en assurance-vie, par exemple, il disposera d'une rente, qui est exactement l'équivalent d'une pension par capitalisation. Ainsi, dans les entreprises où existe un plan d'épargne d'entreprise, les salariés les mieux informés - qui sont aussi, en général, les mieux rémunérés - ont tous les moyens de se doter d'une retraite par capitalisation.

Le problème réside donc bien dans l'absence de généralisation des plans d'épargne d'entreprise et dans le manque d'information de l'ensemble des Français sur les possibilités - et sur l'urgence et l'intérêt qu'il y a à le faire - de se doter d'un régime complémentaire de


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retraite, bien sûr strictement en complément, et non pour s'y substituer, la retraite par répartition que personne, naturellement, ne projette d'affaiblir ou de supprimer.

(Murmures sur les bancs du groupe communiste.)

Le dispositif envisagé par cette proposition de loi serait donc extrêmement utile. Malheureusement, vous refusez le débat.

Pourtant, c'est surtout en pensant à l'économie de demain que vous devriez accepter de passer au vote de cette proposition de loi ; l'économie de demain, c'est-àdire celle qui est en train de se construire sous nos yeux, et que l'on appelle la nouvelle économie. Car, à l'évidence, elle va exiger de nous d'imaginer d'autres relations entre le capital et le travail, d'autres modes de fonctionnement de l'entreprise que le mode traditionnel que vous avez toujours à l'esprit, mes chers collègues de la majorité, celui de la vieille économie où l'entreprise fonctionne sur un mode taylorien, hiérarchique...

M. Serge Blisko.

Nous avons évolué !

M. François Goulard.

Vos propos, à l'instant, ont montré que votre vision est toujours inspirée par l'entreprise, sinon du

XIXe siècle, du moins du début du XXe . Elle n'est plus adaptée à l'économie qui est en train de se construire. Cette économie-là exige une association étroite entre le travail et ce qu'on appelait traditionnellement le capital. C'est un des objectifs de la proposition de loi d'Edouard Balladur. Je déplore la position passéiste - je n'hésite pas à employer le terme - de la majorité et du Gouvernement sur ce sujet, ô combien important pour notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe communiste.

M. Pierre Goldberg.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une nouvelle fois les formations de l'opposition soumettent à notre discussion un texte sur l'épargne salariale qui, dans sa philosophie et dans son contenu, est globalement la transposition de la proposition de loi UDF sur laquelle notre assemblée avait refusé de se prononcer, compte tenu de l'annonce par le Gouvernement d'un projet de réforme sur le même sujet.

Le fait que la réforme de l'épargne ai été déconnectée du projet de loi sur les nouvelles régulations afin de permettre la concertation, au demeurant indispensable, avec les organisations syndicales de salariés, ne suffit pas à donner du crédit à l'argument de l'urgence à légiférer qu'évoquent nos collègues dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi.

Le choix d'inscrire ce texte dans le créneau réservé aux textes d'initiatives parlementaires est donc largement idéologique.

La réforme qui nous est proposée s'inscrit, pour ses auteurs, dans la perspective d'une nouvelle participation et revendique la paternité de la conception gaulliste de la politique sociale. Elle conjugue à cet égard le conservatisme et le paternalisme d'une vision des relations entre les partenaires sociaux datée et qui n'a pas réussi à s'imposer dans notre pays avec les dogmes libéraux les plus traditionnels.

On affirme ainsi la nécessité d'un nouveau dialogue, d'une juste répartition des fruits de la croissance, d'un partage équilibré des responsabilités et on incite à préparer l'avenir pour l'entreprise comme pour l'individu.

Cet appel vibrant à la responsabilité mettra peut-être du baume au coeur des salariés ; en tout cas, il ne manquera pas de faire réfléchir ceux d'entre eux qui, par milliers encore, ces derniers mois, ont été sanctionnés par la perte de leur emploi et donc de leurs perspectives d'avenir, au seul motif que leur entreprise ne dégageait pas ce taux de retour sur investissement à deux chiffres, exigé souvent désormais par les fonds de pension actionnaires.

Si le texte aujourd'hui en examen évoque la nécessité d'associer les salariés aux résultats de l'entreprise, ce n'est pas dans le sens d'une répartition différente entre le profit et les salaires ou d'un renforcement des droits économiques des comités d'entreprise. Le seul partage proposé ici est celui des risques financiers. Il s'agit, et l'exposé des motifs le dit implicitement, « de faire mieux comprendre si ce n'est faire accepter aux salariés les aléas des marchés dans une situation de concurrence mondiale accrue ».

Une fois de plus, s'affirme une volonté d'intégrer les salariés qui est aussi vieille que le capitalisme.

La proposition de loi évoque la nécessité de garantir l'indépendance et la stabilité de l'actionnariat des entreprises.

Le poids des fonds de pensions anglo-saxons, dans le capital des grands groupes industriels et financiers, largement supérieur en France à ce qu'il est dans les autres pays développés, ne peut que nous pousser à nous interroger sur la pertinence des choix économiques et fiscaux faits au cours des dernières décennies pour soutenir le développement de la place financière de Paris.

Il sert une nouvelle fois à justifier la création de fonds de pension à la française.

Mais comment ne pas demeurer sceptique sur la capacité de ces fonds de pension à servir l'intérêt général d ès lors que leur seul objectif est le retour maximal et rapide sur l'investissement consenti ?

L'obligation de créer un plan d'épargne pour la retraite dans chaque entreprise où s'applique la participation illustre l'un des objectifs premiers du texte : mettre en cause, contrairement à ce qu'a dit M. Goulard, le principe de la retraite par répartition par une montée en charge rapide de la capitalisation. Nous nous opposons résolument à une telle perspective. Le débat sur lar éforme salariale doit être d'ailleurs totalement déconnecté de celui par ailleurs nécessaire sur les retraites et leur financement.

Le texte prévoit l'obligation d'attribuer à tous les salariés une quote-part de stock options actuellement réservées à un cercle restreint de dirigeants, mais c'est pour alléger encore davantage la fiscalité d'un dispositif des plus contestables dans son principe.

La proposition de loi stigmatise l'inégalité entre salariés dans l'accès à l'épargne salariale, ce qui est une réalité, m ais elle passe évidemment sous silence l'inégalité majeure que constitue aussi de ce point de vue le chômage.

S'attaquer à cette inégalité exige que l'épargne salariale serve avant tout et explicitement à accroître l'emploi et la formation, et non les placements financiers.

Cela implique de poser la question fondamentale des droits des salariés, qu'ils soient actionnaires ou non, sur l'utilisation des bénéfices et les choix d'investissement de leur entreprise.

C'est le statut même de l'entreprise capable de promouvoir une efficacité économique moderne pour un modèle social européen réaffirmé et renouvelé qui mérite-


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rait de venir plus largement en débat. Cette question a été abordée, mais très timidement, lors de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.

Si le statut d'actionnaire minoritaire accordé au comité d'entreprise mérite d'être confirmé, il conviendrait d'aller bien au-delà en concrétisant une présence significative des salariés au sein des conseils d'administration.

Cela renvoie également à la nécessité d'une autre politique fiscale et du crédit, aidant les entreprises qui privilégient l'investissement productif, la création d'emploi et la formation et pénalisant au contraire les placement financiers.

C'est dire l'enjeu, dans cette perspective, d'un pôle financier public impulsant les coopérations nécessaires et structuré justement dans cet objectif et non pour servir le développement des marchés financiers.

Au contraire des propositions avancées par le texte, à t ravers, notamment, la systématisation des plans d'épargne d'entreprise, d'autres perspectives existent, qui refusent cette captation de l'épargne salariale par et pour les marchés financiers.

Il serait possible, par exemple, d'encourager par la fiscalité et le crédit l'utilisation des fonds de la réserve spéciale de participation pour financer des projets d'investissement favorables à l'emploi et au développement des ressources humaines et de pénaliser les autres affectations.

De même, mériterait certainement d'être envisagée la création de titres représentatifs de la propriété du capital de l'entreprise non négociables et réservés aux salariés, qui ouvriraient droit à une partie des bénéfices et à l'exercice d'un pouvoir d'intervention dans la gestion.

Nous souhaitons que la réforme de l'épargne salariale permette d'avancer dans la voie de la nécessaire mutualisation de fonds entre entreprises pour un codéveloppement au niveau local et régional, non pour développer une accumulation purement financière mais pour soutenir l'effort beaucoup plus important de financement de la f ormation et la coopération accrue, notamment en matière de recherche, qui aujourd'hui s'imposent.

Il y va du développement du système productif et de la recherche d'une compétitivité enfin fondée sur le plein développement des ressources humaines.

C'est tout une autre option que nous proposent une nouvelle fois nos collègues de la droite parlementaire.

Nous l'avons dit, nous sommes attachés à ce que les textes d'initiative parlementaire puissent être examinés normalement et faire l'objet d'un vote. Le vote de notre groupe serait, sans ambiguïté aucune, négatif, car ce texte concrétise une orientation et un projet de société que nous combattons.

Nous aurons, dans les tout prochains mois, l'occasion de revenir largement sur le sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi gouvernemental, nos collègues le savent bien. Il n'y a donc aucune urgence à légiférer. Il convient, au contraire, que la concertation engagée avec les organisations syndicales puisse être menée à son terme.

L'importance du sujet justifierait d'ailleurs qu'un débat puisse s'engager dans le pays.

En réaffirmant notre opposition à cette proposition de loi, que notre collègue Goulard a qualifiée de vieille idée - autant dire vieillotte -, nous voterons contre le principe d'une discussion de ses articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Une fois de plus, monsieur le Premier ministre Edouard Balladur, vous cherchez à éclairer l'avenir par le mariage de l'intelligent, du prospectif et du raisonnable. Malheureusement, nous avons en face de nous une majorité archaïque, qui, visiblement, n'accepte pas de se lancer dans cette voie novatrice.

Depuis plus de six mois déjà, le développement de l'actionnariat salarié est à l'ordre du jour et, d'ailleurs, il s'y noie. Pourtant, le Gouvernement avait placé l'amélioration du dispositif d'épargne salariale au coeur du projet socialiste.

Aujourd'hui, mesdames, messieurs de la majorité, vous affirmez que l'actionnariat salarié ne soit pas être au coeur du projet du parti socialiste. Voulez-vous dire que les choses ont évolué au point que les membres du Gouvernement ont des discours opposés et contradictoires, ou est-ce une fois de plus la volonté de préserver votre équilibre politique qui vous empêche de répondre aux interrogations des Français quant à la participation et à la croissance pour tous ? Il est vrai que vous n'êtes plus à une contradiction près.

Après avoir affirmé qu'il fallait réformer l'épargne salariale et permettre aux salariés de récupérer une partie des produits de l'entreprise, vous proposez quelques mesures destinées aux PME et un système bâtard qui n'est ni de l'épargne retraite ni de l'épargne salariale.

De rapports en reports - nous avons eu le rapport Charpin, puis le rapport Teulade, et nous avons maintenant le rapport Jospin - vous avez éliminé l'essentiel du projet qui était le vôtre pour ne garder que quelques mesures ponctuelles qui tiennent plus de l'affichage politique que d'une rénovation des moyens de partage de la croissance et de réduction des inégalités.

Ce manque de cohérence se fait au détriment de ceux qui attendent de pouvoir bénéficier de la croissance.

Encore une fois, la volonté du Premier ministre de respecter l'équilibre politique de sa majorité plurielle se fait au détriment des Français.

Pourquoi pérenniser les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise et alourdir la fiscalité sur les options d'achat ? Pourquoi annoncer que le délai d'indisponibilité de l'option est trop long, en particulier pour les entreprises de croissance, et l'allonger ? Vous affirmez qu'il paraît souhaitable de raccourcir ce délai à trois ans, car c'est une demande de la plupart des acteurs économiques et cela le rapprocherait de celui en vigueur dans la plupart des pays étrangers, et vous l'allongez à six ans.

Ces paradoxes sont le résultat d'une politique de gribouille qui n'a pas d'autres objectifs que de satisfaire coûte que coûte son équilibre politique.

Pourtant, rien ne serait plus dangereux que de proposer aux Français une réforme des dispositifs existants sans spécifier des choix clairs et partagés avec les différents acteurs sociaux.

L'ambition d'une rénovation de l'épargne salariale devrait être de tirer les leçons de la mondialisation et de ses effets sur les salariés tout en gardant à l'esprit que l'actionnariat salarié ne doit pas se substituer à une augmentation des salaires directs ni à l'épargne retraite.

L'épargne salariale ne saurait à elle seule tenir lieu d'épargne retraite. La France a besoin des deux, tout à la fois pour mieux associer les salariés aux gains de l'entrep rise, pour leur permettre de se constituer un complément de retraite et assurer ainsi à l'économie fran-


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çaise une épargne dynamique qui, en s'investissant dans les entreprises françaises, consolidera la croissance nationale à venir.

L'épargne salariale ne doit pas se substituer aux salaires directs.

Vouloir réformer l'épargne salariale sans tenir compte de ces contraintes risque de remettre en cause les avancées sociales de ces dernières décennies sans toutefois tirer les leçons de la mondialisation.

Or la globalisation conduit à une modification profonde de l'environnement économique et financier international dans lequel les entreprises et les salariés évoluent : concurrence accrue, produits nouveaux et mieux différenciés, marchés plus fragmentés et plus dynamiques à la fois.

L'incertitude sur l'activité de l'entreprise est plus grande, notamment en raison de problèmes liés à la technologie qui rendent la croissance et la profitabilité des entreprises plus incertaines. C'est une des raisons pour lesquelles le salaire versé ne définit pas, a priori, la productivité de son travail.

L'autre raison de la différence entre le salaire et la productivité résulte des choix politiques du gouvernement de M. Jospin.

La productivité augmente. Schématiquement, elle peut être redistribuée par une augmentation du salaire direct, une réduction du temps de travail, une baisse des prix, un accroissement de la marge des entreprises ou une augmentation des impôts.

Le gouvernement Jospin a choisi d'imposer de façon autoritaire la redistribution de l'augmentation de productivité, source de richesse, en réduisant le temps de travail.

Le problème est que ce choix politique induit une forte modération salariale, alors que les salariés français voient depuis plusieurs années déjà leur salaire gelé ou faiblement en hausse. De plus, la forme autoritaire de cette politique n'offre pas une réponse satisfaisante en raison même de l'incertitude qui s'attache à la productivité du travail, à sa modification par les technologies nouvelles et par la mondialisation.

Une réforme de l'actionnariat salarié permettrait de limiter les conséquences de la mondialisation et de la politique menée aujourd'hui qui font de la masse salariale la variable d'ajustement de l'économie.

Un développement de l'actionnariat salarié rendrait les Français copropriétaires du marché et propriétaires de leur entreprise en incitant fiscalement les ménages français à détenir des actions.

Une telle réforme offrirait enfin la possibilité aux PME d'accéder à une autre source de financement, jusqu'à maintenant réservée aux entreprises du CAC 40. Les fonds propres jouent un rôle plus important dans le financement des PME que les instruments du marché.

Cela permettrait de réduire les inégalités entre les salariés des grandes entreprises et les salariés des PME.

Modifier l'accès à l'épargne salariale pour les salariés des PME est urgent. Aujourd'hui, l'épargne salariale concerne 4,4 millions de salariés, qui bénéficient d'un complément de revenu atteignant près de 8 000 francs par an en moyenne. Employés dans les grandes sociétés, ils cumulent souvent plusieurs systèmes, alors que les salariés des PME, qui représentent 55 % des emplois en France, sont les laissés-pour-compte de l'épargne salariale.

Au total, 4,7 millions de salariés, dont 90 000 salariés des PME, sont couverts par un accord de participation, 3 millions, dont 150 000 salariés des PME, par un accord d'intéressement, 1,4 % des salariés des PME ont bénéficiés de la participation et 2,7 % de l'intéressement en 1997.

Ainsi, les entreprises françaises pourront enfin utiliser l'épargne des ménages pour investir et développer l'appareil productif.

Enfin, la réforme de la participation salariale permettrait de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés et des entrepreneurs et favoriserait à terme le rapprochement entre la sphère réelle et la sphère financière. Les salariés actionnaires siégeraient au conseil d'administration.

L'actionnariat salarié paraît en mesure de répondre aux intérêts des salariés, des actionnaires, des entrepreneurs et stabiliserait le capital de l'entreprise.

C'est pourquoi nous pensons, avec Edouard Balladur, qu'il est urgent de proposer une véritable réforme de l'actionnariat salarié.

Le dispositif actuel d'intéressement, de participation et d'actionnariat salarié ne permet pas d'atteindre un niveau satisfaisant d'épargne, même si nous avons en France l'un des dispositifs les plus élaborés. Il laisse le choix entre être propriétaire de l'entreprise ou être copropriétaire du marché.

Il permet aux épargnants de diversifier les risques qui viendraient d'une épargne trop peu diversifiée tout en garantissant aux entreprises un capital stable, ce qui est appréciable en cas d'OPA notamment.

Mais, en dépit de la multiplicité des formules envisageables, les opérations d'actionnariat se font soit par le biais des privatisations, soit dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise, qu'il s'agisse d'une augmentation de capital réservée aux salariés ou de l'acquisition d'actions.

Un tel choix apparaît logique dans la mesure où ces deux supports sont les plus incitatifs pour les salariés et sont donc les plus susceptibles de garantir le succès de l'opération.

La globalisation et la libéralisation financière ont accru le pouvoir des actionnaires en mettant en concurrence les différents moyens de financement. Cette évolution sociétale permet également aux actionnaires de rechercher la meilleure rentabilité sans rapport direct avec l'investissement réalisé.

Ce jeu risque peu à peu d'exclure les salariés et les entrepreneurs des décisions entrepreneuriales et de la création de richesse. En conséquence, ces acteurs risquent de produire une richesse à laquelle il n'ont plus directement accès.

Il est donc urgent et important de rééquilibrer les rapports de force entre les différents acteurs du marché.

Cela passe par une réappropriation par les salariés français de leurs marchés financiers, un meilleur accès au marché des actions des plus petites entreprises et une orientation de l'épargne vers l'investissement des entreprises.

Mais vos discours opposés et contradictoires rendent votre volonté d'associer les salariés à la richesse créée par leur entreprise peu crédible.

Voter contre cette proposition de loi manifesterait v otre opposition à une rénovation des dispositifs d'épargne salariale, à une réduction des inégalités entre les cadres dirigeants, largement rémunérés en fonction des performances de l'entreprise, et le reste des salariés, et votre incapacité à proposer une réforme d'ensemble, mais cela signifierait également que vous êtes contre une nouvelle association du capital et du travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

Si vous refusez cette proposition novatrice, si le groupe communiste refuse une fois de plus cette avancée profondément sociale formulée par M. Balladur, nous vous demanderons à l'avenir de faire preuve d'un peu plus d'humilité.

Vous cherchez nos idées, monsieur le secrétaire d'Etat.

En voici une ! Si vous la récusez, c'est que vous avez choisi d'être sectaire et de tourner le dos à un grand sujet d'intérêt national sur lequel nous pouvions peut-être constituer une grande majorité d'idées.

Avec vos refus, vos hésitations, nous allons, vous allez faire perdre deux ans aux Français. Il nous appartiendra, monsieur le Premier ministre, de reprendre l'ouvrage au moment où les Français nous le demanderont, c'est-à-dire en 2002.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratique libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain.

Madame la présidente, monsieur l e secrétaire d'Etat, monsieur le Premier ministre, Mme Roselyne Bachelot a cité fort opportunément des propos du général de Gaulle, qui dataient de 1948. Mais, dès le 1er mai 1942, il disait prémonitoirement, une fois de plus : « Certes, nous allons gagner la guerre, mais aurons-nous, pour autant, résolu la question sociale ? » Il n'avait pas encore prononcé le mot « participation » - il faudra attendre pour cela 1948 -, mais cette façon d'envisager, dès 1942, les conséquences de la victoire sur la question sociale était, je crois, très importante.

Depuis, nombre de gouvernements ont essayé de résoudre cette question, mais la manière dont elle est aujourd'hui abordée par l'actuel gouvernement ne laisse pas de nous inquiéter. En effet, la seule question qu'il se pose est la suivante : quelles contraintes supplémentaires pouvons-nous imposer aux entreprises pour le bien de l'Etat ? A cet égard, l'exemple de la loi sur les 35 heures est criant.

Selon moi, le texte proposé par l'opposition permettrait de sortir d'une société de méfiance vis-à-vis de l'entreprise pour entrer résolument dans une société de confiance.

Les entreprises ont beaucoup changé, le monde autour d'elles aussi. Nul n'échappe à ce changement rapide. Et si, aujourd'hui, le Gouvernement continue de rester dans cette logique de contrainte et de méfiance, il se privera alors des outils qui permettront d'entrer dans ce nouveau siècle.

Que se passe-t-il actuellement dans l'économie française ? On constate un double phénomène : d'une part, la rigidité des systèmes salariaux ; d'autre part, la variabilité de la valorisation du capital des entreprises. Il faut donc résoudre ce double problème qui suscite des iniquités. Le vote du présent texte permettrait à tous nos collègues, quels qu'ils soient, de rétablir l'équité.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous avez raison !

M. Jacques Godfrain.

Regardez la situation des pays anglo-saxons. Ils sont à la pointe sur le plan économique.

La croissance vient de chez eux. Aux Etats-Unis - et je l'indique spécialement à l'intention de M. Goldberg 37 % de l'épargne des ménages correspondent à de l'épargne salariale, ce qui signifie que les salariés américains possèdent dix fois plus d'actions cotées au CAC 40 que les salariés français.

La position de la majorité à ce sujet, position à laquelle le parti communiste est solidement associé, fait que des centaines de milliards de francs ont été remis en cadeau aux employés et salariés d'outre-Atlantique. Voilà un exemple de l'utilité de l'épargne salariale pour les salariés américains au détriment des salariés français.

M. Pierre Goldberg.

Vous oubliez de dire qu'il y a des dizaines de millions de pauvres aux Etats-Unis !

M. Jacques Godfrain.

La poposition de loi permet de répondre à ce nécessaire idéal de justice. Car ce n'est pas parce qu'une entreprise enregistre de bons résultats qu'elle procède pour autant à une bonne redistribution. Ce texte contribuera à mettre en place une garantie qui permettra d'accorder des avantages pour les salariés et de mieux faire fonctionner l'entreprise.

Le Gouvernement a proposé un texte de loi un peu fourre-tout sur les nouvelles régulations économiques.

D'aucuns pensaient qu'il comprendrait des dispositions concernant la participation, et ce d'autant plus logiquem ent que le fameux rapport Balligand avant été commandé en urgence.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Encore un rapport !

M. Jacques Godfrain.

La lettre de mission du Premier ministre n'évoquait-elle pas l'urgence de ce rapport ? Or, aujourd'hui, M. Goldberg nous reproche de faire inscrire ce texte en urgence. Où est la cohérence ? Ce texte permettrait d'aller plus loin, et surtout beaucoup plus loin que les propositions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et que les engagements qui ont été pris lors de ce fameux sommet de Lisbonne, qui devait être le grand sommet social du Premier ministre et qui pourtant est resté silencieux sur la participation et sur l'épargne salariale.

Nous sommes face à un véritable bric-à-brac gouvernemental : un jour, le rapport Balligand est demandé en urgence ; un autre jour, on nous dit que son contenu sera repris dans la loi sur les nouvelles régulations ; un autre jour encore, on nous soumet un texte dans lequel il manque l'essentiel, c'est-à-dire la finalité réelle de la participation.

Si vous refusez d'ouvrir les yeux, mesdames, messieurs de la majorité, nous allons retomber dans un des vices favoris de l'exception française : l'antagonisme idéologique, le débat sans fin qui conduira à l'édification d'une sorte d'usine à gaz législative ne permettant pas de déboucher sur beaucoup de résultats concrets.

Bien entendu, le groupe du RPR votera le texte de M. Balladur. Faute de quoi, étant donné ce que nous savons des projets du Gouvernement et du rapport qui les sous-tend, rien ne permettra à la France d'entrer rapidement dans le

XXIe siècle et de moderniser son outil économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) 3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 31 mai 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion : le mardi 30 mai, du projet relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France, en deuxième lecture ; le mercredi 31 mai, de trois projets, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification de conventions internationales.

4 ÉPARGNE SALARIALE ET PARTICIPATION Reprise de la discussion d'une proposition de loi

Mme la présidente.

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi de MM. Edouard Balladur, JeanLouis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi sur l'épargne salariale et la participation (nos 2099, 2367).

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la rapporteuse, vous avez dit, devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, que le projet de M. Balladur était extrêmement bien organisé.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un mérite que je lui reconnais volontiers. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Votez-le !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mes chers collègues, vous le savez, lorsqu'un orateur parle, je l'écoute attentivement, sans l'interrompre. Il ne me serait pas désagréable que vous fassiez de même lorsque j'interviens ! La proposition de loi est organisée autour de trois chapitres clairement identifiés : les stock-options dont je dirai quelques mots ; l'épargne salariale, dont je dirai également quelques mots, tout en laissant le soin à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie de compléter mon propos ; et, enfin, le capital-travail, sujet sur lequel je me permettrai d'être un peu plus long.

Le débat que nous avons eu sur les stock-options lors de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques a permis d'avancer sur ce projet en organisant davantage de transparence - ce qui n'était pas inutile, loin s'en faut - et en s'efforçant de corriger les excès si ce n'est les abus. Il s'agit d'ailleurs d'un débat difficile, qui partage y compris la majorité plurielle. Cela étant, le Gouvernement a eu la volonté d'aller dans le sens de la transparence et de la correction des excès.

S'agissant de l'épargne salariale, les derniers sondages montrent qu'elles font l'objet d'une très grande appétence de la part de nos concitoyens. Du reste, je me félicite de la qualité du rapport de M. Balligand et de M. Foucauld ainsi que des engagements très clairs, pris par M. Laurent Fabius dans cet hémicycle, d'engager rapidement devant l'Assemblée la discussion d'un texte à ce sujet. Ce texte comportera deux thèmes forts : l'élargissement du champ de l'épargne salariale, autrement dit l'approche interentreprises ; l'utilisation de l'épargne salariale comme moyen de contribuer à un meilleur partage de la valeur ajoutée. Pour autant, deux conditions ont été posées : ne pas troubler l'évolution légitime de la masse salariale, dont on sait qu'elle a perdu presque dix points ces dernières années ; ne pas être contradictoire avec la volonté de pérennisation du système de la retraite par répartition.

Ces deux données étant posées, le débat pourra s'engager dans la clarté, et la majorité plurielle apportera sons outien au Gouvernement et aux propositions de M. Fabius.

Le troisième point, longuement développé, à juste titre d'ailleurs, par Mme Roselyne Bachelot-Narquin et par M. le Premier ministre Balladur, a trait aux lieux de pouvoir et de décision pour les salariés dans l'entreprise. C'est un point sur lequel j'ai une légère divergence d'opinion avec M. Fabius, lequel estime qu'il ne faut pas lester cette bonne réforme concernant l'épargne salariale d'une charge idélogique trop lourd. Sur ce point, je suis quelque peu en désaccord avec le ministre de l'économie et des finances, car je considère que, chaque fois que l'on évoque le problème du pouvoir des salariés dans l'entreprise, on ouvre un débat politique de fond.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse.

Ça, c'est vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je ne connais pas de débat politique de fond qui ne comporte pas une charge idéologique. Je suis d'ailleurs un peu agacé quand on emploie ce mot, comme s'il s'agissait d'une injure !

M. François Guillaume.

D'une dérive !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Où serait la politique sans dimension idéologique ? Un député du groupe socialiste.

Voyez Jaurès !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'évoquerai en ce sens le livre d'Hannah Arendt, auteur remarquable, qui, dans trois chapitres prémonitoires de La Condition de l'homme concernant le travail, l'oeuvre et l'action, a posé, avec une clarté et une force extraordinaires, les véritables enjeux d'aujourd'hui et de demain : quelle est la place du citoyen dans l'entreprise ? Quelle est celle du salarié ? Quelle est celle du travail dans la société ? Or dans notre société d'une complexité croissante, qui se caractérise par une mutation des structures de l'entreprise, une transformation du rapport au travail, une externalisation des tâches, une accélération de l'évolution des cycles technologiques, qui aujourd'hui durent environ trois ans, la grande question que nous devons nous poser est la suivante : quelle démocratie sociale voulons-nous ? Cette question a d'ailleurs été débattue à l'initiative de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dans le cadre du colloque du 30 mars sur la démocratie sociale, dont le compte rendu est à la disposition de tous.

A cette question, vous nous répondez, monsieur le Premier ministre : la participation. C'est là une conviction que je respecte, comme je respecte les hommes qui se sont battus pour elle, que ce soit M. Capitant ou


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

M. Vallon. Mais il est clair que cette thèse, qui a été élaborée dans le droit-fil du programme du Conseil national de la Résistance, correspondait à une certaine vision de l'économie et à une organisation très taylorienne des entreprises. De plus, à l'époque, le chômage n'existait pratiquement pas - on croit rêver quand on se souvient que, en 1972, le nombre des demandeurs d'emploi était approximativement de 320 000. Enfin, les lieux de pouvoir et les détenteurs du capital étaient identifiés.

Aujourd'hui, la situation n'a plus rien à voir. Nous sommes entrés dans un monde totalement différent, qui se caractérise par une remise en cause des systèmes traditionnels d'organisation du travail, un actionnariat à la fois extrêmement diffus et très concentré en quelques points, ainsi qu'une grande difficulté à identifier les lieux de pouvoir et ceux de définition des stratégies.

J'ai déjà eu ce débat avec M. Barrot, le 8 février dernier. A cette occasion, je lui ai rappelé deux expériences.

La première concerne celle des comités d'entreprise, dont la responsabilité économique, qui s'inscrivait dans le droit-fil du programme du Conseil national de la Résistance, s'est transformée progressivement en responsabilité organisationnelle, de l'arbre de Noël et des colonies de vacances, activité qui, tout en n'étant pas négligeable, n'a plus rien à voir avec le texte d'origine et ne correspond plus à ce que le législateur et le général de Gaulle souhaitaient.

La seconde expérience à laquelle j'ai fait référence concerne l'élection par les salariés d'administrateurs dans les grandes entreprises publiques. C'est une idée à laquelle j'ai cru. Mais, à l'expérience, il appert que, si cette disposition n'est pas totalement inutile sur le plan de l'information des salariés et sur celui de la participation éventuelle de ceux-ci aux décisions, elle ne leur permet pas pour autant de peser sur la définition des stratégies. J'ai d'ailleurs en la matière une expérience personnelle qui m'a conduit à m'interroger.

Nul ne peut nier la contradiction qui existe entre l'actionnaire salarié et le salarié, surtout quand le problème qui se pose n'est plus seulement, nous le savons tous, celui du partage de la valeur ajoutée entre salaire et profit mais celui de « faire de la valeur », expression terrible utilisée pour décrire une situation que nous vivons tous les jours et que nous avons d'ailleurs expérimentée au travers de l'affaire Michelin. Le problème qui se pose n'est pas celui du partage de la valeur ajoutée ou celui du niveau de celle-ci, mais tout simplement celui de faire de la valeur.

Quelle contradiction fondamentale entre ce rôle d'actionnaire et celui de salarié défendant ses intérêts, qu'il s'agisse des salaires, de l'emploi ou des protections indispensables. Ce problème est fondamental. C'est probablement celui sur lequel nous devons le plus réfléchir et débattre en cours des prochaines années. Il a été d'ailleurs au coeur du débat que nous avons eu lors du colloque que nous avons organisé le 30 mars et qui a réuni l'ensemble des organisations syndicales et patronales.

Monsieur Balladur, quitte à employer un terme désuet et pour faire un peu d'humour, je préférerais au mot

« participation » - concept qui ne permet pas de répondre à la situation - celui d'autogestion, qui nous rappelle bien des choses. Mais cessons là ce débat sémantique et posons-nous certaines questions.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ne cherchez pas à nous embrouiller !

M. Jean Le Garrec, president de la commission.

Souhaitez-vous m'interrompre, monsieur Donnedieu de Vabres ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Non !

M. Jean Le Garrec, president de la commission.

Si vous souhaitez me poser une question, je suis prêt à y répondre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous cherchez à enterrer maladroitement cette réforme nécessaire !

M. Jérôme Lambert.

Ça, ce n'est pas une question !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En effet, ce n'est pas une question, mais plutôt une affirmation.

Quoi qu'il en soit, mon cher collègue, je suis à votre disposition pour engager ce débat, quand vous le voulez et où vous le voulez.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le jour que vous voulez, monsieur Le Garrec !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je vous en prie.

Poursuivez, monsieur Le Garrec.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Cela dit, plusieurs questions de fond se posent.

La première de ces questions est fondamentale et porte sur l'équilibre qui doit s'établir entre la loi garante de l'ordre public social et la négociation collective ? A ce jour, aucune réponse à cette question n'est totalement satisfaisante.

Plusieurs questions concernent les organisations syndicales et sont relatives à l'élargissement du système de représentativité au-delà des cinq ans - question éminement conflictuelle -, à l'encadrement et au contrôle du mandatement, à la définition des cas dans lesquels il est possible de s'opposer à un accord collectif, à la formation des délégués syndicaux et au suivi des accords signés.

Toute cette série de questions relève étroitement de la démocratie sociale.

Des questions se posent aussi concernant le rôle des comités d'entreprise, lequel renvoie à la définition même de ces comités qui date de 1945 ou de 1946.

Qu'en est-il de leur rôle d'alerte et d'expertise ? Quel rôle doivent-ils jouer pour la gestion prévisionnelle des emplois, pour la prévention des licenciements ; pour le suivi de la formation des salariés et pour ce qui concerne le système de négociation sur les plans stratégiques ? Autant je peux admettre qu'à travers l'épargne salariale les salariés actionnaires puissent jouer un rôle, à la marge, qui ne soit pas inutile, pour ce qui touche à l'information, ou même - dans des cas extrêmes comme ceux que nous avons déjà connus - un rôle de levier pesant sur la stratégie de l'entreprise - et je suis prêt à en débattre av ec le Gouvernement -, autant je ne considère pas que ce soit là que réside la réponse à toute la série de questions que je viens de poser.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Evidemment !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je laisserai de côté, car l'évoquer serait beaucoup trop long, le problème du paritarisme.

L'enjeu est donc formidable pour ce qui touche tant à l'emploi qu'aux retraites complémentaires et aux systèmes de gestion, comme celui de la sécurité sociale.

Monsieur Balladur, il me semble important qu'à travers de tels textes nous amorcions la discussion sur toutes les questions qui se posent et que je viens de rappeler.

Nous jouons là notre rôle de parlementaire. Je ne peux accepter que l'on oppose ce qui relève de la démocratie


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

sociale et ce qui relève de la démocratie politique - car je pense que les deux sont liées. Mais je suis partisan, comme je l'ai montré en plusieurs occasions, que cette question aussi soit au centre de nos préoccupations. Je suis d'ailleurs avec attention ce qui se passe dans la négociation engagée sur le thème de la refondation - j'aurais personnellement préféré le terme de « rénovation » entre le MEDEF et les organisations syndicales. L'enjeu est considérable. Je peux, certes, regretter quelques déclarations provocatrices du MEDEF, mais je serai attentif, comme nous devrons l'être tous, à ce qui sortira de cette négociation et qui, je l'espère, sera un signal positif nous invitant à aller plus loin.

Voilà, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais faire. Je ne crois pas qu'on puisse résumer le problème fondamental qui se pose à une formule, aussi respectable soit elle. Il s'agit d'un véritable débat sur la démocratie sociale. Les enjeux sont très importants quant à la place des salariés dans l'entreprise, quant à leur rôle grandissant, quant à leur capacité à influencer des décisions concernant leur avenir.

Il s'agit d'un débat que nous avons engagé à travers plusieurs textes et à la faveur d'un colloque sur la démocratie sociale. Croyez bien, mes chers collègues, que moi et bien d'autres y participerons avec une grande volonté politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, il existe un point d'accord qui est pour moi un point de départ dont je me réjouis. Ce point d'accord porte sur l'essentiel : la nécessité de développer la forme d'épargne salariale la plus appropriée, pour le développement de nos entreprises et pour leurs salariés. La proposition de MM. Balladur, Douste-Blazy, Debré et Rossi, qui se propose généreusement de contribuer au débat sur l'épargne salariale, va dans ce sens.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Alors, votons-la !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elle contribue à alimenter le débat engagé dans le dialogue et la concertation avec les partenaires économiques et sociaux par Laurent Fabius au nom du Gouvernement.

Je veux saluer le travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et de la rapporteuse ainsi que, et tout particulièrement, le travail de son président,

M. Le Garrec, et de M. Blisko.

Mais à étudier plus attentivement la proposition de M. Balladur et de ses collègues, je constate que le Gouvernement donne à l'épargne salariale des finalités beaucoup plus ambitieuses (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Philippe Auberger.

Tellement ambitieuses qu'elles sont inatteignables !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et surtout plus soucieuses des attentes des salariés et des besoins du dialogue social.

Trois objectifs principaux guident notre démarche.

Le premier, que vous reprenez d'ailleurs à votre compte, messieurs, consiste à diriger une plus grande partie de l'épargne française vers nos entreprises, leur assurant ainsi des financements stables et de long terme.

En effet, près de 40 % des actifs des entreprises cotées en France sont aujourd'hui détenus par des non-résidents.

M. Philippe Auberger.

Et alors ?

M. Jacques Godfrain.

Ce n'est pas notre faute !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il ne s'agit pas d'être frileux face aux investissements étrangers, qui sont nécessaires à notre croissance et à la constitution des fonds propres de nos entreprises, mais de faire en sorte que nos entreprises maîtrisent mieux leur destin.

Notre deuxième objectif, beaucoup moins présent dans votre texte, est de faire profiter tous les Français des fruits de la croissance en augmentant la rémunération globale du travail des salariés sans fragiliser les entreprises.

Il faut à cet égard examiner les chiffres, que je vais vous citer pour m'en plaindre : l'épargne salariale ne s'élève qu'à 45 milliards de francs, qui doivent être comparés aux 10 000 milliards de francs de la capitalisation boursière française, qui paraît elle-même insuffisante si l'on compare les capitalisations boursières française et anglaise - 17 000 milliards de francs à la bourse de Londres.

M. Richard Cazenave.

Il serait donc urgent de ne rien faire ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Eh oui ! Il faudrait attendre !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il est urgent de réformer et je vais vous exposer, au nom du Gouvernement, quelles sont les grandes lignes des réformes fondamentales que, dans ce domaine, nous allons engager...

M. Philippe Auberger.

Quand ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous le saurez si vous voulez bien avoir la patience de me permettre de poursuivre mon exposé.

Notre troisième objectif ne se retrouve pas dans la proposition de l'opposition : il s'agit d'enrichir le dialogue social par la mise en oeuvre de l'épargne salariale.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Aujourd'hui, 97 % des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés ne sont couverts par aucun mécanisme d'épargne salariale. C'est injuste et c'est autant d'occasions manquées de dialogue social dans ces entreprises.

J'ai donc le sentiment que, si la proposition de loi manque quelque peu ses objectifs, c'est parce que ses auteurs ne les lui assignent pas clairement. L'exposé des motifs se réfère en effet essentiellement à l'histoire de la participation et de l'intéressement - étape utile, il faut le reconnaître, mais qui s'est interrompue en cours de route c ar, concrètement, et on peut le déplorer, seules 11 000 entreprises font aujourd'hui appel à des mécanismes de participation, ce qui est très peu par rapport aux centaines de milliers d'entreprises que compte la France.

M. Didier Julia.

Raison de plus !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous ne rappelez p as suffisamment, dans votre proposition, la place occupée, dans l'histoire de l'épargne salariale, par la réflexion et par les propositions syndicales - propositions d'ailleurs diverses.

M. Richard Cazenave.

Voilà ce que donnent quinze ans de pouvoir socialiste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pour sa part, le Gouvernement soumet actuellement à la concertation un projet caractérisé par la modernité, l'efficacité...

M. Philippe Auberger.

L'efficacité du Gouvernement est très relative !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et la justice, que ce soit pour les salariés, pour les entreprises ou pour l'ensemble du pays, ce dont témoigne l'accueil favorable qui lui a été réservé tant par les organisations syndicales que par les organisations patronales et les Français dans leur ensemble.

M. Philippe Auberger. Si votre texte est si bon que ça, il faut le déposer ! M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. J'en viens maintenant à la lettre de votre texte.

J'expliquerai d'abord en quoi votre proposition me paraît incomplète et pas suffisamment attractive pour notre système de retraite et en quoi il est inadapté aux réalités de l'entreprise et du dialogue social, pour rappeler enfin notre conception, laquelle guide la concertation actuellement menée par Laurent Fabius, d'une épargne salariale partenariale et solidaire.

A M. Balladur, qui a beaucoup critiqué l'absence d'esprit de réforme dans les actions du Gouvernement...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est sûr !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... je répondrai que l'idée de réforme, en matière de retraites est loin, très loin, d'être abandonnée.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

Vous n'avez rien fait !

M. Philippe Auberger.

Vous avez tout renvoyé aux calendes grecques !

M. Le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le mouvement et la réforme sont les principes mêmes de notre action, les principes de nos succès politiques, les principes de la majorité et du gouvernement que cette majorité soutient.

Je préciserai à Mme Bachelot que le Gouvernement conduit sur ce sujet une concertation, base du plus large dialogue, afin d'obtenir un résultat collectif maximum je m'inspire de la citation du général de Gaulle qu'a faite tout à l'heure Mme la rapporteuse.

La proposition de loi déposée par M. Balladur et ses c ollègues met en place un instrument d'épargne incomplet.

L'épargne salariale qui a votre faveur n'est immobilisée qu'en vue de la retraite.

Le Gouvernement estime que l'épargne salariale doit, b ien sûr, permettre de constituer un éventuel complément pour la retraite, mais qu'elle doit également financer d'autre projets : achat d'une résidence principale et soutien de l'entrée des enfants dans la vie active.

Comme le montre une enquête IPSOS du 9 mai dernier commandée par le ministère de l'économie, les salariés sont, dans leur immense majorité, très attachés à cette dimension concrète et très variée de l'épargne salariale.

Pour le Gouvernement, l'épargne salariale est un élément de préparation de l'avenir qui s'ajoute aux retraites par répartition sans s'y substituer de quelque façon que ce soit.

M. Richard Cazenave.

Avons-nous dit le contraire ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En outre, vous êtes un peu restrictifs dans votre proposition.

M. Richard Cazenave.

Nous sommes prêts à accepter des amendements !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les salariés des entreprises qui n'appliquent pas la participation, d'ailleurs très peu nombreuses, seraient exclus du dispositif car vous ne prévoyez pas de possibilité d'adhésion individuelle au système d'épargne salariale que vous préconisez.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Caricature !

M. Michel Hunault.

Vous n'avez pas lu notre proposition de loi !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Etrangement, il est précisé dans votre exposé des motifs qu'« un mécanisme interentreprise devra être prévu, soit par branches, soit par zones géographiques ». Mais vous ne pensez à aucun dispositif concret.

M. Michel Hunault.

Vous n'avez même pas lu notre texte !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

On peut craindre que le dispositif de retraite proposé ne bénéficie in fine qu'aux salariés des grands groupes cotés.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Au secours, la gauche revient !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ce n'est pas cette façon d'aborder l'épargne salariale qu'a retenue le Gouvernement.

L'un des problèmes essentiels que posent la participation et l'intéressement, et plus encore le plan d'épargne d'entreprise auquel vous vous êtes également référés, est qu'ils ne bénéficient que très peu aux petites et moyennes entreprises, et pratiquement jamais aux très petites entreprises. A cet égard, les chiffres sont, hélas ! éclairants.

M. Richard Cazenave.

Les chiffres, ce n'est pas la proposition !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La participation obligatoire concerne 18 000 entreprises seulement sur les centaines de milliers d'entreprises existantes...

M. Jacques Godfrain.

Il faut le regretter !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Certes ! Et seules 12 000 de ces 18 000 entreprises versent quelque chose à l eurs salariés, d'un montant relativement modeste : 6 000 francs par an.

L'intéressement, deuxième forme d'épargne salariale, qui est quant à lui facultatif, concerne 15 000 entreprises.

Seules 11 000 de ces 15 000 entreprises effectuent des versements effectifs.

On voit bien que le grand défaut du système est que les petites et moyennes entreprises ne sont pas concernées, puisque 23 000 entreprises seulement versent à leurs salariés des sommes au demeurant très faibles au titre soit de la participation, soit de l'intéressement. Et encore, le chiffre de l'intéressement est plus faible que celui de la participation puisqu'il n'est que de 5 500 francs environ.

La proposition de loi repose au surplus sur une vision que ni le Gouvernement ni la majorité qui le soutient ne partagent avec vous, même si je ne nie pas, monsieur Balladur, madame Bachelot, la pertinence d'un certain nombre de constats que vous avez faits.

V otre texte présente des risques d'opposition de l'épargne au salaire et de substitution systématique de l'épargne aux salaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

L'obligation généralisée de réserver toute tranche d'augmentation du capital aux salariés imposée aux entreprises sans être pour autant demandée par les salariés ne manquerait pas à notre avis de se répercuter négativement sur les salaires.

M. Richard Cazenave.

C'est la leçon de l'application des 35 heures ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pour notre part, nous croyons davantage à la négociation dans l'entreprise : négociation annuelle sur l'épargne salariale, évocation plus fréquente de la question de l'actionnariat salarié, notamment au sein des assemblées générales des actionnaires. Nous ferons des propositions en ce sens.

L'épargne salariale et l'actionnariat sont des outils indispensables et complémentaires. Ils ne doivent pas, c'est un axiome fondamental, entrer en concurrence avec les salaires, qui sont, pour les salairiés, un élément de sécurité contre les aléas de la conjoncture.

La proposition de loi de l'opposition privilégie en outre le caractère obligatoire par rapport à la négociation.

C'est là un de ses principaux défauts structurels. Ce faisant, elle émousse le droit d'expression des salariés et des partenaires sociaux.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Aliance et du groupe Démocratie libérale et Indépentants.)

M. Richard Cazenave.

Et les 35 heures ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Comme dans vos propositions précédentes de mai 1999 - je pense à la proposition de loi de M. Balladur en faveur de l'actionnariat salarié - et de février 2000 - je pense à celle de M. Douste-Blazy -, vous envisagez avec une réelle persévérance l'obligation de prévoir des tranches réservées aux salariés en cas d'augmentation du capital.

M. Michel Hunault.

Vous êtes contre ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous êtes pour ou contre ?

M. Didier Julia.

Il n'en sait rien : il lit un papier !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Des tranches réservées existent pour les opérations de cession d'actifs du secteur public, et elles ont donné satisfaction. Généraliser uniformément ce mécanisme n'est, en aucune manière, souhaité par les organisations syndicales. Cette généralisation serait d'ailleurs mal appréciée des marchés européens, comme vous le savez, car les augmentations de capital réservées sont toujours très mal accueillies par les marchés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Julia.

N'importe quoi !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les salariés préfèrent discuter du principe même de l'actionnariat salarié qui peut ne pas aller de soi dans certains cas. Ils veulent se prononcer sur son principe et sur son ampleur.

L'actionnariat salarié est une chose trop sérieuse pour ne pas être d'abord, et avant octroi, discuté dans l'entreprise par les salariés eux-mêmes.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Comme les 35 heures !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En troisième lieu, l'initiative de l'opposition n'est guère adaptée aux réalités de l'entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la présidente, j'aimerais pouvoir exposer l'opinion du Gouvernement sans être systématiquement interrompu !

M. Michel Hunault.

Soyez à la hauteur !

M. Didier Julia.

Il faudrait monter un peu plus haut !

Mme la présidente.

Seul M. le secrétaire d'Etat a la parole. Laissez-le s'exprimer, je vous prie !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

L'initiative de l'opposition, disais-je, ne paraît pas adaptée aux réalités de l'entreprise.

Comme l'a souligné avec talent M. Blisko, la formule :

« options de souscription d'actions pour tous » peut être un beau slogan. Mais il confond un instrument individuel avec des mécanismes collectifs qui existent déjà, tels que la participation, l'intéressement et le plan d'épargne entreprise, auxquels s'ajoutera bientôt, nous l'espérons, un instrument d'épargne de plus long terme.

Qui plus est, le degré de diffusion des « options de souscription d'actions » doit être maîtrisé car il s'y attache un risque financier important : l'entreprise doit en effet pouvoir à tout moment racheter sur le marché un nombre d'actions équivalant à celui des options distribuées afin de faire face à une levée massive d'options. Cet obstacle a été fort justement souligné dans le rapport Ball igand-Foucault. Il serait maladroit de démocratiser l'épargne salariale en proposant aux salariés un instrument que l'entreprise elle-même serait incapable de gérer.

Quant à la transparence des options de souscription d'actions, je crains que la proposition de l'opposition n'arrive après le train. Parce que c'est le meilleur moyen de mettre fin aux abus, MM. Emmanuelli, Migaud, Bonrepaux et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale ont déjà, par un amendement, accepté par le Gouvernement, au projet de loi sur les nouvelles régulations économiques,...

M. Philippe Auberger.

L'amendement a été voté par l'opposition !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... posé des règles de transparence nominatives des options de souscription d'actions pour les mandataires sociaux et pour les dix premiers bénéficiaires dans chaque entreprise. Ces règles feront du système français le plus avancé et le plus transparent du monde. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'en viens à ma troisième et dernière objection fondamentale. Le Gouvernement, fuyant les demi-mesures que vous préconisez, souhaite tirer les leçons du relatif, et regrettable, échec de la participation, de l'intéressement, et des plans d'épargne d'entreprise et se donner véritablement les moyens de développer l'épargne salariale tout en la rendant plus solidaire et réellement partenariale.

Deux importantes études sur l'épargne salariale ont été menées au cours des derniers mois par Michel Sapin avant son entrée au Gouvernement, Jean-Pierre Balligand, et Jean-Baptiste de Foucauld, à partir de consultations très approfondies auprès de nombreux praticiens et acteurs du terrain. Tirant le meilleur de ces réflexions de qualité, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a jeté les bases d'une réforme de l'épargne salariale et il en présente aujourd'hui les grandes lignes aux parte-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

naires sociaux. Dialogue avant toute décision : cette méthode contient d'ailleurs en elle-même les principes que le Gouvernement entend faire prévaloir dans tous les champs de son action.

Les lignes directrices essentielles proposées par Laurent Fabius et soumises à la discussion collective sont au nombre de trois.

D'abord, l'extension du droit à l'épargne salariale au plus grand nombre, notamment aux salariés des petites et moyennes entreprises, par la création d'un plan d'épargne inter-entreprise. Ainsi que M. Blisko l'a tout à l'heure jugé nécessaire, il sera ainsi mis fin à une injustice car aujourd'hui, je le rappelle, 97 % des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés n'ont accès à aucun dispositif d'épargne salariale. En proposant une telle extension, notre intention est de faire de l'épargne salariale un instrument à la disposition de tous les salariés.

Ensuite, l'amélioration de l'utilisation de l'épargne salariale doit être recherchée par la mise sur pied d'un instrument d'épargne de long terme. Nos entreprises ont réellement besoin de combler leur retard de financement et ce besoin peut être illustré par les très grandes différences, préjudiciables à l'économie française, de capitalisation boursière sur les places financières européennes. Paris n'est pas la mieux placée et il est important que nous puissions mobiliser l'épargne salariale...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Donc, il faut voter !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... pour renforcer les fonds propres des entreprises et leur capacité à assumer une croissance créatrice d'emplois, d'activités, comme l'a dit M. Goldberg tout à l'heure.

Le troisième axe essentiel est le renforcement des droits collectifs des salariés en incitant à une plus grande négociation sur l'épargne salariale et sur la représentation des salariés actionnaires. La question de la répartition du pouvoir au sein de l'entreprise a été fort pertinemment soulevée tout à l'heure par M. Pierre Goldberg et M. Jean Le Garrec.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

La gauche plurielle dans toute sa splendeur !

M. Michel Vergnier.

Il va bien vous falloir la supporter longtemps !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mesdames, messieurs les députés, les initiatives de l'opposition ne peuvent qu'être stimulantes pour un débat approfondi autour de l'épargne salariale. Les orateurs de la majorité plurielle l'ont d'ailleurs indiqué.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, un peu de silence, je vous prie ! Parler dans ce brouhaha doit être très pénible pour M. le secrétaire d'Etat à l'industrie !

M. Philippe Auberger.

Ce sont ses propos qui sont pénibles à entendre !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je sais bien que ce qui fait le succès de la majorité et du Gouvernement vous gêne ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Hunault.

Vous êtes mal à l'aise !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Et la réforme fondamentale que le Gouvernement vous proposera ira dans le sens du succès ! Je crains que les modalités retenues par cette proposition de loi ne soient pas celles dont notre économie et notre société ont besoin. Je dis bien économie et société car, plus que jamais, c'est leur conjugaison moderne, efficace et partenariale qui détermine le sens du projet, donc du progrès et de l'action du Gouvernement.

Pour projeter avec dynamisme notre économie et notre société dans une nouvelle réforme beaucoup plus ambitieuse et réellement solidaire et sociale, le Gouvernement souhaite que l'Assemblée nationale réserve le débat et son vote positif à une véritable épargne salariale et partenariale. C'est pourquoi il lui demande de repousser la proposition de loi déposée par M. Balladur et ses collègues.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

C'est le bon sens ! Vote sur le passage à la discussion des articles

Mme la présidente.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Dans les explications du vote, la parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Philippe Auberger.

Le débat général a été long, intéressant et animé. Mon propos sera donc très bref.

M. Michel Vergnier.

Bonne nouvelle !

M. Philippe Auberger.

Chacun en est d'accord, il faut mieux associer les salariés au capital des entreprises, développer l'épargne salariale et l'actionnariat salarié, ainsi que la représentation et le rôle des salariés dans les organes dirigeants des entreprises. Tel est précisément l'objet de cette proposition de loi. M. le secrétaire d'Etat et M. le président de la commission ont oublié de dire qu'il y avait urgence en la matière. N'oublions pas que si la Société générale n'est pas tombée dans le giron de la BNP l'année dernière lors de la fameuse OPA c'est parce qu'elle avait été privatisée en 1987. Ce sont en effet les 8 % de capital détenus par les salariés qui lui ont permis de rester indépendante. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteuse.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

C'est le gouvernement dirigé par Jacques Chirac et dans lequel M. Edouard Balladur était ministre de l'économie et des finances qui avait prévu, dans la loi de privatisation, un large accès des salariés au capital des entreprises privatisées et c'est ce mécanisme, qui a d'ailleurs été repris en 1993, qui a permis à la Société générale de se défendre.

Par ailleurs, il faut insister sur le risque actuel de délocalisation des centres de décision de nos grandes entreprises. Je ne prendrai que trois exemples : la SEITA, qui va être de droit espagnol ; DEXIA - l'ancien Crédit Local


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de France - issue d'une privatisation comme la SEITA, qui est désormais de droit belge, et la Société des bourses françaises, obligée de s'unir avec la bourse d'Amsterdam et celle de Bruxelles, qui sera désormais de droit néerlandais. Il y a donc un risque imminent de délocalisation des centres de décision, donc de maintien du pouvoir des entreprises et d'affaiblissement de la défense de l'actionnariat français dans les entreprises et, à terme, un risque de délocalisation des emplois.

La situation est grave et le Gouvernement n'en a pas pris toute la mesure. Il ne suffit pas de dire que les fonds de pensions anglo-saxons détiennent 40 % du capital. Il faut voir la réalité et les décisions qui ont été prises durant les six derniers mois. Il est vraiment urgent d'agir.

On nous répond que le problème des stocks-options, ou des bons de souscription d'actions, est déjà réglé, mais cela ne concerne que 28 000 personnes. Les décisions prises ne sont pas à la hauteur de l'enjeu ! L'enjeu, c'est la participation à l'actionnariat des entreprises pour des millions de salariés, pas pour 28 000 personnes ! Il faut absolument un texte, car il faut réagir vite.

Que nous propose le Gouvernement ? Lorsque la première proposition de loi a été présentée, en mai 1999, il nous a dit : « Attendez ! Un projet de loi est en préparation ». Eh bien, cela fait un an que nous attendons et le Gouvernement n'a toujours pas déposé de projet sur le bureau de l'Assemblée nationale ! Or, il y a urgence à débattre. Voilà pourquoi je souhaite que nous abordions dès aujourd'hui l'examen des articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

On parle beaucoup ces temps-ci de réforme des institutions et d'une éventuelle modification de la Constitution et, sur ce sujet, mesdames, messieurs de la majorité, vous donnez en permanence des leçons à l'opposition en disant : « Nous, on l'avait déjà dit ! On l'avait déjà fait ! » Pour les Français, cela serait une bonne préfiguration d'une modernisation de nos institutions si, pour une fois, vous acceptiez que, sur un sujet aussi fondamental, la discussion d'une proposition de loi soit menée à son terme. Nous, nous ne sommes pas des gens sectaires et bornés. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous aurions donc certainement accepté certains amendements. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. Didier Boulaud.

Quelle générosité !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Si, sur un sujet aussi fondamental, la proposition déposée par M. Edouard Balladur avait pu être discutée en profondeur, au bout du compte, cela aurait été un progrès pour les Français. J'observe que les explications du Gouvernement ont été embarrassées. Cela ne nous étonne d'ailleurs pas, parce que nous passons de rapports en reports. Mais ceux qui s'impatientent, ce sont les Français.

Dans la conjoncture de croissance retrouvée que nous connaissons actuellement, les salariés français ont droit, non seulement à un pouvoir d'achat mieux garanti, à une rémunération du travail davantage assurée, mais aussi d'être davantage associés au fonctionnement de l'entreprise et de profiter de systèmes complémentaires de retraite. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera avec détermination pour le passage à la discussion des articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Je vais répéter ce qui a déjà été dit.

Cette proposition de loi est coincée entre le vote en première lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques et l'examen, annoncé par M. Pierret, du projet de loi sur l'épargne salariale. Elle se heurte donc à un refus tenant à des raisons d'opportunité, et non de principe. Nous ne pouvons aujourd'hui, dans le cadre d'une proposition de loi, entraver le processus de négociation que le Gouvernement, en particulier le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vient d'engager a vec les organisations syndicales et patronales sur l'épargne salariale, dont il n'est pas question de refuser le principe - M. Pierret l'a bien souligné.

Par ailleurs, comme l'a excellemment rappelé le président de la commission, cette proposition de loi n'aborde pas certaines questions importantes comme celle du partage de la valeur ajoutée entre le salariat et l'actionnariat.

Vous nous parlez de l'association entre le capital et le travail, mais, M. le secrétaire d'Etat a insisté sur ce point, l'expérience précédente, avec ce qu'elle a d'intéressant, n'est qu'un germe et montre qu'il faut trouver un autre système.

Vous êtes en outre dans une logique de la loi et de l'obligation, alors que nous privilégions l'aspect contractuel et partenarial (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est surréaliste !

M. Serge Blisko.

... pour proposer un texte qui puisse rassembler les salariés et les entreprises.

Certains points n'ont pas du tout été abordés. Je pense à la capacité d'audit, à la formation des partenaires sociaux et à la protection des actionnaires minoritaires.

Nous avons longuement discuté d'un éventuel conflit d'intérêts entre actionnaires et salariés. M. Goulard nous a traités d'archaïques, mais, à défaut d'être archaïque - soyons plus mesurés ! - la façon dont vous avez présenté la société et l'entreprise est pour le moins désuète dans la mesure où vous n'avez pas parlé du changement fondamental qui est intervenu dans la façon dont le capital est organisé. Par exemple, pas une fois vous n'avez évoqué le sort de ces centaines de milliers de salariés qui sont dans l'entreprise, mais n'en font pas partie du fait de l'externalisation. Voilà bien des points que vous auriez dû creuser ! Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne peut que voter contre le passage à la discussion des articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est une scène convenue que nous avons jouée ce matin,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est dommage !

M. François Goulard.

... car nous savons fort bien que vous opposez un refus systématique à toutes les propositions qui émanent de nos rangs,...

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas vrai !

M. François Goulard.

... alors même qu'il nous est arrivé de voter des textes du Gouvernement, comme l'a rappelé Edouard Balladur tout à l'heure.

Cette scène convenue vous a toutefois donné l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, je le note, de consacrer un assez long discours à l'épargne salariale. En définitive, vous refusez nos propositions, mais vous engagez le débat sur notre terrain. En effet, ce sont bien nos propositions, nos avancées, qui ont permis d'instaurer le débat de ce matin et qui donneront lieu à ceux que vous allez, demain, nous proposer.

Lorsque vous alourdissez, d'ailleurs modérément, la fiscalité sur les stock-options, en définitive vous en admettez le principe. Je suis, quant à moi, frappé par le stupéfiant chemin parcouru par les hommes et les femmes de la majorité actuelle, qui dissertent aujourd'hui sur les avantages respectifs des dispositifs d'épargne salariale ou de distribution de bons de souscription d'actions, alors qu'il y a encore vingt ans, ils voyaient dans les nationalisations le seul salut pour l'économie et les salariés français ! De façon assez paradoxale, M. Pierret a émis des réserves sur la proposition de M. Balladur en se référant à un accueil mitigé des marchés financiers ! Les thèses, les théories et les conceptions du parti socialiste sont constamment démenties par les réalités. Là encore, vous serez contraints d'admettre que les choses changent, que les faits s'imposent, que l'économie évolue et que le monde bouge.

Vous viendrez à nos idées. La bataille que vous menez est une bataille de retardement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), mais surtout une bataille de mots. Un jour ou l'autre, le réalisme l'emportera et nos propositions seront adoptées.

Nous déplorons simplement que les salariés français soient privés, quelques années encore, des bénéfices qu'ils pourraient en tirer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

(L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)

Mme la présidente.

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Déclaration du Gouvernement et débat d'orientation budgétaire pour 2001.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (réunion du mardi 16 mai 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 16 mai au mercredi 31 mai inclus a été ainsi fixé : Mardi 16 mai 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Edouard Balladur sur l'épargne salariale et la participation (nos 2099-2367).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, le soir, à vingt et une heures : Débat d'orientation budgétaire pour 2001.

Mercredi 17 mai 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (nos 2335-2387).

Jeudi 18 mai 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (nos 2335-2387).

Discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget 1998 (nos 1822-2360).

Mardi 23 mai 2000 : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (no 2274).

Le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (no 2303).

Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Mercredi 24 mai 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (no 2325).

Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Jeudi 25 mai 2000 : L'après-midi, à quinze heures, et éventuellement, le soir, à vingt et une heures : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (nos 2341 rect.-2368).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 MAI 2000

Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.

Discussion, en troisième lecture, du projet de loi portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité (no 2326).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Mardi 30 mai 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer tendant à protéger le patrimoine des artisans (no 1988) ; Discussion de la proposition de loi de Mme Nicole Catala portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux (no 2284).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (no 2271).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règelement.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (nos 2124-1556-1635-2058).

Mercredi 31 mai 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Sous réserve de son dépôt, discussion du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées ; Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et d écentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (no 2201) ; Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (nos 2358-2370) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 (nos 2171-2369) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 (nos 2172-2369) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et d ouanière (ensemble une déclaration) (no 2169).

(Ces trois derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)