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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE Mme

NICOLE CATALA

1. Remplacement d'un membre d'une commission mixte paritaire (p. 4243).

2. Débat d'orientation budgétaire pour 2001. - Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 4243).

MM. Augustin Bonrepaux, Yves Cochet, Gilles Carrez, Jean Rigal, Jacques Barrot, Daniel Feurtet, Marc Laffineur, Eric Besson, Michel Bouvard, Georges Sarre, Gilbert Gantier, Patrick Malavieille, Georges Tron, Thierry Carcenac, Maxime Gremetz, Yann Galut, André Vauchez, Gérard Bapt.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Clôture du débat.

3. Dépôt de rapports (p. 4269).

4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 4269).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4269).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

REMPLACEMENT D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme la présidente.

M. Philippe Houillon m'a informée de sa démission de membre suppléant de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Il y a lieu, pour la commission des lois, de pourvoir à son remplacement. La candidature devra parvenir à la présidence avant le mercredi 17 mai, à dix-huit heures.

2 DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2001 Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire pour 2001.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé à entendre les orateurs inscrits.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, madame la secrétaire d'Etat au budget, chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire est l'occasion d'effectuer le bilan de la politique suivie depuis trois ans, de faire des propositions pour l'infléchir éventuellement et pour l'améliorer, en tenant compte de ses résultats - mais, quand on se souvient de la situation de nos finances publiques en 1997, force est de constater que la politique suivie depuis lors a fort bien réussi.

Pour la troisième année consécutive, nous allons connaître un taux de croissance élevé, bien supérieur à la moyenne européenne. C'est ce taux de croissance, très supérieur aussi aux prévisions prudentes d'octobre dernier, qui nous permet d'engager, demain, un collectif exceptionnel de 50 milliards, avec 40 milliards de réduction d'impôt, ce qui porte celle-ci à 80 milliards pour l'année 2000.

La réduction des déficits s'est réalisée à un rythme supérieur à nos prévisions initiales. Depuis 1997, les déficits ont été divisés par deux et la spirale de la dette a pu s'inverser beaucoup plus rapidement.

La diminution du chômage se poursuit régulièrement à un rythme soutenu et nous aurons bientôt un taux de chômage à un seul chiffre. Ce résultat illustre combien les mesures spécifiques, comme les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail, ont permis d'enrichir la croissance en créations d'emplois.

De ce fait, il est permis d'espérer que, si nous continuons au même rythme, nous aurons moins de 2 millions de chômeurs avant 2002.

Si nous sommes en mesure d'engager un collectif exceptionnel, c'est bien parce que cette croissance retrouvée génère des recettes nouvelles supérieures à nos prév isions. Mais il me paraît important de rappeler que, dès cette année, les taux de la plupart des impôts sont ramenés à ce qu'ils étaient en 1997, et que c'est essentiellement la croissance qui génère ces recettes.

Rappelons que, si l'impôt sur les sociétés a été augmenté en 1997, il a commencé à être réduit en 1999 et, en 2000, il est ramené au taux auquel l'avait porté Alain Juppé en 1997. Si ses recettes sont aujourd'hui plus importantes, c'est que l'activité de nos entreprises génère davantage de bénéfices : chacun ne peut que s'en réjouir.

Les taux de l'impôt sur le revenu ont été actualisés et le prochain collectif propose même de réduire ceux des deux premières tranches. Certes, le produit de cet impôt augmente également, mais les 600 000 chômeurs que nous avons ramenés sur le marché du travail et l'augmentation du pouvoir d'achat y sont pour beaucoup : vous l'avez d'ailleurs souligné, monsieur le ministre.

Quand les revenus augmentent - que ce soient ceux des entreprises ou ceux des ménages -, il est normal qu'ils participent plus nombreux à la solidarité nationale et au fonctionnement de l'Etat.

Il me paraît tout aussi important de rappeler que, depuis deux ans, nous n'avons pas indexé la TIPP des carburants non polluants et que nous avons baissé la taxe sur le GPL, alors que la pratique inverse était courante les années précédentes.

Enfin, pour ce qui concerne la TVA, comme vous l'avez souligné, à la fin de cette année et en année pleine, nous aurons supprimé l'augmentation de 60 milliards réalisée par le gouvernement Juppé.

Ainsi, la démonstration est faite que, si les recettes sont aujourd'hui supérieures à toutes nos prévisions, ce n'est pas à cause d'augmentations d'impôts, que nous n'avons pas faites, mais parce que nous avons impulsé une croissance forte et durable qui génère des revenus beaucoup plus élevés.

Dans un tel contexte faut-il encore s'interroger sur les orientations que nous devons fixer pour le budget 2001 ?


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Nous avons fait mieux que le premier programme pluriannuel établi à la fin de 1998. Nous venons de renouveler ce programme en début d'année. Il a montré toute son efficacité et il me semble sage de vous recommander de le poursuivre au même rythme.

Il propose tout d'abord une modération des dépenses à un rythme de 0,33 % en volume pendant trois ans. Une telle orientation nous permettra d'avoir une des plus fortes réductions de dépenses de toute la zone euro.

Cependant, une telle réduction ne peut se faire de façon aveugle, au risque de pénaliser nos services publics.

Elle ne peut être obtenue que par une gestion plus rigoureuse des crédits, par une évaluation plus précise, un contrôle plus régulier des dépenses, par l'amélioration de la performance des services.

Nous devons veiller, en effet, à garantir toute la qualité de nos services publics en accordant une priorité à l'emploi, à l'éducation nationale, à la santé, à la sécur ité et à la justice.

C'est grâce à la qualité de ces services publics, qui bénéficient à tous les Français, que nous pouvons le mieux assurer la solidarité et mettre en oeuvre le principe d'égalité auquel nous sommes attachés. Par exemple, l'égal accès de tous à l'éducation est le meilleur moyen de donner de bonnes chances d'avenir aux jeunes. Il est donc indispensable que l'éducation nationale dispose des moyens nécessaires pour que les classes soient moins surchargées et que les remplacements soient assurés dans de bonnes conditions.

Si nos dépenses publiques sont supérieures à celles de nos voisins, c'est certainement parce que notre souci de solidarité est plus affirmé. Tous les citoyens de notre pays doivent en bénéficier, particulièrement ceux qui sont en difficulté, comme les exclus, et ceux qui ont été trop longtemps oubliés, comme les anciens combattants et les retraités agricoles.

A propos des collectivités locales, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait qu'il faudra consolider, au cours de l'année prochaine, les engagements pris dans le budget 2000 pour mieux organiser notre territoire, pour renforcer la coopération intercommunale et la péréquation. Cela représentera certainement une dépense de plus de 1 milliard.

Notre second objectif est la réduction des déficits.

Nous avons jusqu'à présent fait mieux que nos prévisions.

Pour poursuivre au même rythme, une réduction d'une v ingtaine de milliards paraît donc très raisonnable pour 2001.

Restent les réductions d'impôts.

Après le vote du collectif, nous aurons pratiquement effacé toutes les augmentations du gouvernement précédent, mais nous aurons aussi, en plus, réduit la taxe professionnelle, la taxe d'habitation, les droits d'enregistrement.

La baisse des prélèvements obligatoires ne peut pas s'effectuer en portant préjudice aux services publics et à la solidarité qu'ils génèrent. Cependant, dans la mesure où nos recettes le permettront, la réduction des prélèvements peut favoriser la consommation et l'emploi, à condition que les choix soient pertinents. Aussi, les objectifs doivent être clairement définis. Il faut d'abord, comme vous l'avez précisé, d'ailleurs, qu'ils bénéficient à tous les França is et qu'ils privilégient l'emploi et, si possible, la redistribution.

Ce n'est pas parce que les impôts indirects, comme la TVA, paraissent indolores qu'ils ne sont pas injustes et ne pénalisent pas l'économie. Avec un taux ramené à 19,6 %, nous avons déjà fait un grand progrès, mais nous restons encore un peu au-dessus de la moyenne européenne. Il semblerait donc raisonnable et très lisible pour les Français que nous retrouvions le taux de TVA de 18,6 % en vigueur avant le gouvernement Juppé.

S'il s'avère impossible de réduire cet impôt indirect, on peut faire d'autres choix. Une proposition du rapporteur général me paraît intéressante, qui consiste à supprimer la redevance audiovisuelle, ce qui permettrait en outre de réaliser des économies de fonctionnement.

Le choix d'une baisse des impôts directs, qui serait davantage sensible pour les contribuables, ne paraît cependant pas forcément guidée par des considérations économiques et un souci de justice fiscale. Est-il raisonnable de vouloir poursuivre une baisse de l'impôt sur le revenu que nos prédécesseurs ont eu tant de mal à instaurer dans le passé et qui est certainement - en tout cas à mon sens - l'un des plus justes puisqu'il est progressif ? Malheureusement, il a un rendement très faible - l'un des plus faibles de l'Union européenne. Certes, des corrections s'imposent - par exemple, celle du quotient familial.

M. Gilles Carrez.

Ah !

M. Augustin Bonrepaux.

Mais, au-delà, si nous voulons que les réductions d'impôt concernent tous les Français et qu'elles soient équitables, il ne faut pas réduire le seul impôt sur le revenu, ou il convient de trouver un système de compensation pour ceux qui n'y sont pas assujettis.

L'emploi doit rester notre priorité. Il est essentiel que les réductions d'impôts ou de charges améliorent le revenu net de tous les salariés, particulièrement des classes moyennes et des catégories les plus modestes, pour favoriser le retour à l'emploi. Et vous avez particulièrement insisté sur ce point dans votre rapport.

Il me semble en effet que le retour à l'emploi ne s'effectue pas aujourd'hui très facilement, parce qu'il ne se traduit pas par des revenus supplémentaires significatifs, mais seulement par quelques francs en plus par heure travaillée, alors que le retour à l'emploi engage souvent des charges nouvelles.

Certes, le collectif apporte une première réponse, avec la réduction de la taxe d'habitation pour les revenus inférieurs à 100 000 francs par an, et pour les premières tranches de l'impôt sur le revenu. Cependant, cette avancée reste insuffisante. D'un côté, il ne sera guère possible à l'avenir d'aller plus loin dans la réduction des impôts locaux, sans mettre en cause l'autonomie des collectivités locales. D'autre part, la seule réduction de l'impôt sur le revenu ne permettra pas davantage de résoudre le problème, parce qu'il ne concerne que la moitié des Français, et que ce sont souvent les autres charges, les cotisations sociales et la CSG, qui réduisent le salaire net.

M. Yves Cochet.

Voilà !

M. Augustin Bonrepaux.

C'est pourquoi je crois qu'une solution équilibrée est à rechercher du côté de la CSG.

Il est indéniable que celle-ci pénalise moins les redevables de l'impôt sur le revenu, qui peuvent la déduire en partie, que l'autre moitié des Français, non assujettie à cet impôt. Un abattement à la base de la CSG, qui allégerait les charges de tous les contribuables, mais particulièrement des plus modestes, serait donc une mesure de justice. Associé à une déduction totale pour les assujettis à l'impôt sur le revenu - ce qui allégerait aussi cet impôt -, il permettrait certainement une amélioration du salaire


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net du plus grand nombre. Dès lors, dans un souci d'équité, il serait possible, pour ne pas les pénaliser par une augmentation, de réduire aussi les deux tranches marginales. Si l'on tient à ce que tous les Français bénéficient d'un allégement de fiscalité ou de charges, cette solution semble s'imposer.

Telles sont les propositions entre lesquelles nous pourrons choisir pour l'année 2001, en fonction des moyens que nous apportera la croissance. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'élaboration de la loi de finances.

Aussi, monsieur le ministre, je ne saurais trop vous encourager à prolonger les orientation fixées depuis trois ans et régulièrement confirmées depuis, puisqu'elles ont si bien réussi à notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Merci !

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais tenter d'introduire dans ce débat deux nouvelles idées qui n'ont pas encore été évoquées, l'une d'ordre social, l'autre d'ordre industriel.

D'abord, l'idée d'ordre social. Ainsi que vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous avons vécu ces dernières années « la plus longue séquence de croissance depuis vingt-cinq ans », et l'évolution devrait se poursuivre à terme prévisible. Il est vrai que, durant cette période, le PIB français a progressé de 60 %, tandis que le nombre des heures travaillées a décru de 12 % et que le volume de la population active a augmenté de 15 %. Il y a donc eu une augmentation considérable de la richesse et de la productivité, et l'on peut sans doute prévoir la continuation de ce phénomène.

Mais, dans le même temps, l'écart entre le décile le plus riche de la population et le décile le plus pauvre de celle-ci n'a cessé de se creuser. Or cette injustice sociale peut reposer sur une injustice budgétaire. C'est pourquoi nous vous proposons d'augmenter les minima sociaux, notamment les deux qui sont à 2 550 francs par mois, c'est-à-dire le RMI et l'ASS, pour les porter à 3 000 francs.

Le coût d'une telle mesure serait de l'ordre de 30 milliards de francs, c'est-à-dire du même ordre que celui de la baisse supplémentaire d'un point de la TVA que vient proposer M. Bonrepaux, en suggérant de faire passer le taux de 19,6 % à 18,6 %. Il y a donc là un choix politique à opérer.

Cela dit, l'augmentation des minima sociaux a une justification sociale. De plus, cela contribuerait à une progression de la consommation dans la mesure où les populations les plus défavorisées qui bénéficieraient d'une augmentation de leurs revenus mensuels de 450 francs le dépenseraient instantanément. Ce serait s'inscrire dans la continuité - dans la « constance », disiez-vous cet aprèsmidi, monsieur le ministre - de la politique du Gouvernement de relance de la consommation intérieure.

Par ailleurs, cette augmentation des minima sociaux p ermettrait peut-être d'apporter, dans une certaine mesure, un début de réponse aux problèmes d'insécurité et de violences urbaines dûs parfois à certains jeunes en difficulté, qu'il s'agisse de ceux que l'on appelle parfois les

« vieux adolescents », c'est-à-dire ceux qui restent au sein de leur famille parce qu'ils n'ont pas les moyens d'accéder à une certaine autonomie, ou de ces personnes, toujours jeunes, qui n'ont pas non plus les moyens de rechercher un emploi, soit parce qu'elles ne touchent pas le RMI du fait de leur âge - elles ont entre dix-huit et vingt-cinq ans - soit parce que, même avec le RMI, elles n'ont pas les moyens leur permettant de se rendre à l'ANPE lorsque celle-ci ne se trouve pas dans le village dans lequel elles habitent, voire d'effectuer les démarches nécessaires pour trouver un emploi.

Par conséquent, tant du point de vue sécuritaire que du point de vue de la justice sociale, ce serait une bonne chose que d'augmenter les minima sociaux.

Cette proposition a également une justification économique : elle tient au caractère de bien collectif que revêt le produit national de notre pays. En effet, j'estime que chaque citoyen est un acteur, donc un ayant droit, de la formation de ce produit national, y compris les chômeurs, dont on nous dit par ailleurs que leur licenciement est nécessaire à la performance de l'appareil productif, et les exclus.

Vous avez peut-être observé comme moi que la part d es prestations sociales dans le PIB ne cesse de s'accroître : de 12 % en 1949, elle est passée à 30 % en 1998.

Toutes ces considérations sont les éléments d'un débat qui doit avoir lieu sur ce que j'appellerai le revenu de citoyenneté, revenu qui doit être dissocié de la participation directe à la production. Autrement dit, cela pose le problème de la répartition de la richesse. Du reste, comment pourrait-on ne pas y réfléchir aujourd'hui, alors que notre pays n'a jamais été aussi riche et qu'il semble que la situation exceptionnelle que nous connaissons aujourd'hui doive continuer ? Autrement dit, le problème de la répartition de la richesse se déplacerait du terrain de la justice commutative, c'est-à-dire revenu contre emploi, à celui de la justice distributive.

J'en viens maintenant à l'idée d'ordre industriel, laquelle va dans le sens de la constance que vous avez évoquée cet après-midi, monsieur le ministre. A cet égard, je ferai un parallèle avec un domaine qui vous intéresse beaucoup personnellement et pour lequel vous avez beaucoup oeuvré dans vos différentes fonctions, je veux parler de l'Internet et des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Moi qui suis informaticien, je me souviens que, en 1995, au tout début du Web, que presque personne ne connaissait, peu nombreux étaient ceux qui croyaient en la Net économie et au commerce électronique. A l'époque, j'étais universitaire et je côtoyais nombres de chercheurs, notamment ceux de ce grand institut qu'est l'INRIA, et les uns et les autres nous n'avions de cesse d'alerter les pouvoirs publics et France Télécom pour leur dire que tout cela allait démarrer, qu'il suffisait pour s'en convaincre de regarder ce qui se passait dans la Silicon Valley ou ailleurs, qu'il fallait y croire.

M. Christian Cabal.

Si, à l'époque, France Télécom avait été privatisée, cela aurait sans aucun doute mieux marché !

M. Yves Cochet.

Peut-être pas, car c'était l'époque du grand succès du Minitel. Certes, il a bien marché, mais il n'a constitué qu'une étape. En outre, nous n'avons pas pu l'exporter.

Mais, en 1998, vous-même, monsieur le ministre, et M. le Premier ministre avez tenu l'un et l'autre, à Hourtin, des discours suffisamment volontaristes pour que ce problème soit maintenant pris à bras-le-corps par le Gouvernement.


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J'ai fait ce rappel car je crois qu'un autre domaine industriel, porteur d'une forte croissance, s'ouvre à nous, alors qu'il est actuellement peu visible. Il s'agit d'un marché industriel de taille mondiale qui devrait s'ouvrir à nous, à condition que le Gouvernement manifeste pour cela une certaine volonté, notamment en matière fiscale et en matière réglementaire. Je veux parler de ce que la Commission européenne appelle les SER, autrement dit les sources d'énergie renouvelables, lesquelles font l'objet d'un projet de directive dont nous avons eu connaissance la semaine dernière et qui sera sans doute discuté lors du conseil énergie du 30 mai prochain.

M. Christian Cabal.

Ce n'est pas sérieux !

M. Yves Cochet.

La plupart de nos voisins européens ont déjà commencé, depuis quelques années, à investir très sérieusement dans les SER.

Nous avons un programme en France, qui s'appelle Eole 2005 et qui prévoit l'installation d'un système d'énergie éolienne fournissant 500 mégawatts à l'horizon 2005, au lieu de 20 mégawatts aujourd'hui.

M. Christian Cabal.

C'est du vent ! Cela marche pas ! Et cela repose sur des incitations fiscales aberrantes.

Mme la présidente.

Monsieur Cabal, je vous en prie !

M. Yves Cochet.

En Allemagne, mon cher collègue, le système d'énergie éolienne fournit 4 000 mégawatts.

L'Allemagne, qui, il y a huit ans, connaissait peu le secteur éolien, possède désormais sur son territoire le premier constructeur mondial d'éoliennes, et le rythme de croissance du secteur éolien y est de l'ordre de 40 % par an depuis cinq ans.

Dans ce secteur, la France doit non combler un retard, mais « décoller » très rapidement.

La France est également dotée d'un plan soleil. D'ailleurs, grâce à ce gouvernement, l'ADEME a été dotée de 500 millions de francs pour « faire décoller » les énergiesr enouvelables. Ce plan prévoit l'installation de 60 000 mètres carrés de capteurs en 2006. Or il se trouve que l'Allemagne, pays qui est comparable au nôtre, dispose déjà d'un million de mètres carrés de capteurs solaires et qu'elle prévoit l'installation de trois millions de mètres carrés pour 2003.

Je m'arrête là,...

M. Christian Cabal.

Cela vaut mieux !

M. Yves Cochet.

... mais les chiffres sont éloquents. Le directeur de cabinet de Mme de Palacio, avec lequel je m'entretenais encore il y a deux jours, me disait que la Commission européenne a vraiment la volonté d'agir en ce domaine. En matière d'exportation, notamment en direction de la Chine et de l'Amérique du Sud, l'enjeu est tout à fait considérable.

J'en viens à ma proposition sur ce sujet. Au reste, pour une fois, je n'ai pas entendu les intervenants du groupe socialiste réclamer, comme ils en avaient l'habitude les années précédentes, une baisse sélective de la TVA dans certains secteurs. Pour ma part, je demande que les procédés, dispositifs et matériels permettant d'économiser l'énergie ou de favoriser l'utilisation des énergies renouvelables puissent bénéficier d'une TVA au taux réduit de 5,5 %. De plus, comme la France va présider dans quelques semaines l'Union européenne, vous serez, monsieur le ministre, particulièrement bien placé pour discuter avec la Commission de cette baisse sélective, qui constituerait non seulement un acte symbolique mais aussi un geste fiscal en faveur du décollage industriel des énergies renouvelables, lesquelles voient s'ouvrir à elles des marchés non seulement en Europe mais également dans le monde entier. De surcroît, une telle mesure serait d'un coût limité pour l'Etat, puisqu'elle pourrait faire l'objet d'une programmation pluriannuelle.

Bien entendu, monsieur le ministre, je partage la plupart des orientations budgétaires que vous avez présentées, car elles sont globalement satisfaisantes. Toutefois, je souhaiterais une inflexion significative sur les deux points que j'ai exposés : plus de justice sociale pour plus de redistribution, et plus de volontarisme industriel en faveur des SER.

M. Jean Rigal.

Très bien !

M. Christian Cabal.

Sans espoir de retour !

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire pourrait être intéressant si seulement il était suivi d'effets. Mais il est transformé chaque année en un exercice virtuel. Aujourd'hui, les hasards du calendrier le démontrent avec cruauté.

Q uelle est votre vérité budgétaire, monsieur le ministre ? Celle de ce soir, avec le rapport que vous nous présentez, ou celle de demain, qui sera exprimée dans la loi de finances rectificative pour 2000 ? Concilier les deux points de vue ne relève plus à ce stade de l'habileté - nous savons tous que vous en avez beaucoup - mais plutôt du dédoublement de la personnalité. Je prendrai deux exemples : celui du déficit et celui des prélèvements obligatoires.

Dans votre rapport d'orientation budgétaire, vous nous expliquez les six bonnes raisons de réduire les déficits publics. Vous êtes lucide et convaincant. Vous plaidez la cause des générations futures, de l'intervention publique contracyclique, de la solidarité européenne dans la réduction des déficits. Mais demain, lors du débat sur le collectif, avec la même sincérité, vous allez nous expliquer que 51 milliards de francs de recettes supplémentaires n'autorisent qu'une réduction de 49 millions du déficit ; qu'un déficit de 215 milliards de francs, supérieur de près de 10 milliards à celui de 1999, ne pose aucun problème dans l'Europe de l'euro ; que la gestion de nos finances publiques est saine et rigoureuse ! Où est donc la vérité ? Certainement pas dans le rapport d'orientation budgétaire.

Votre gestion financière du déficit est en réalité une gestion strictement politique, non par rapport à l'opposition, mais bien par rapport aux contradictions d'une majorité plurielle désunie.

Par tous les moyens, votre prédécesseur a cherché à limiter l'écart entre le déficit constaté fin 1999 et le déficit pour 2000. Mais, malgré tout, après l'épisode pénible de la cagnotte,...

Mme Nicole Bricq.

Pénible pour vous !

M. Gilles Carrez.

... le déficit réel de 1999 est inférieur à celui de 2000.

Toutefois, la Cour des comptes a découvert que les reports sur l'exercice 2000 de recettes fiscales et non fiscales - pas loin de 30 milliards de francs - ont empêché en fait de réduire le déficit à son juste niveau, entre 170 et 180 milliards de francs.


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Il y a à peine quelques mois, vous avez donc fait exactement le contraire de ce que vous proposez dans les orientations budgétaires, le contraire de ce que font tous les autres gouvernements européens, et, demain, avec le collectif budgétaire, vous allez recommencer.

Au demeurant, les 200 milliards de déficit que vous avez promis tout à l'heure pour 2000 font bien pâle figure par rapport à un déficit qui, sans manipulation de la part du Gouvernement, eût été réduit à 180 milliards l'an dernier.

Je souhaite cependant vous poser une question : pour gagner, d'ici à la fin de l'année, les 15 milliards de francs qui manquent, comptez-vous sur une nouvelle cagnotte...

M. Christian Cabal.

Oui, grâce à la vente des licences de téléphones mobiles !

M. Gilles Carrez.

... ou allez-vous enfin décider de maîtriser les dépenses ? Deuxième exemple de l'irréalité des orientations budgétaires : les prélèvements obligatoires.

Comme chaque année depuis 1998, vous nous annoncez une baisse du pourcentage des prélèvements obligatoires par rapport au PIB. Dans le rapport fait en 1998, le Gouvernement nous avait annoncé c'était promis une baisse de ces prélèvements de 0,2 point pour 1999.

Or ils ont augmenté de 0,8 point. La différence est donc d'un point entier, soit plus de 80 milliards de francs, ce qui n'est pas une bagatelle. Avec 45,7 % de prélèvements obligatoires à la fin de 1999, nous battons tous les records historiques. Mais pour faire bonne mesure et rattraper le temps perdu, vous prévoyez, cette fois, que le pourcentage des prélèvements obligatoires par rapport au PIB baissera d'un point en 2000 et d'un demi-point en 2001. Peut-on accorder le moindre crédit à de telles prévisions ? Je vous pose très sérieusement la question.

Et demain, vous nous présenterez un collectif qui, par exemple, se borne à prévoir une baisse de l'impôt sur le revenu de 11 milliards de francs alors que celui-ci a augmenté de plus de 30 milliards de francs sur la seule année 1999 ! Je vous prédis que ces 11 milliards de baisse seront très loin d'annuler l'augmentation spontanée d'un impôt qui s'est gonflé au détriment des familles du fait de l'abaissement du plafond du quotient familial, cette erreur manifeste, comme le soulignait à l'instant notre collègue Bonrepaux, que vous vous refusez jusqu'à présent de corriger.

De même, en matière d'impôt sur les sociétés, si la surtaxe a été supprimée en 2000, elle a été aussitôt remplacée par la contribution de solidarité sur les bénéfices.

M. Christian Cabal.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Il est clair que, malgré la baisse de 80 milliards de francs, les impôts d'Etat continueront de progresser fortement en 2000. A croire que l'Etat espère des autres, notamment des collectivités locales, la baisse des prélèvements obligatoires.

Je pourrais aussi évoquer les dépenses dont la maîtrise volontariste est d'autant plus affirmée que l'échéance est lointaine et dont l'exécution par les gouvernements socialistes laisse toujours une large part aux dérapages : plus 3 % en volume en 1999 quand l'objectif n'était que de 1 %.

Je ne vois qu'une solution pour vous éviter un grand écart trop douloureux entre le débat d'orientation budgétaire et le collectif : à vous, aujourd'hui, monsieur le ministre de l'économie et des finances, le soin de présenter l'orientation budgétaire pour 2001 ; à Mme la secrétaire d'Etat au budget, demain, la tâche de défendre le collectif. A vous, la vertu ; à elle, non pas le vice, bien sûr,...

M. Gérard Bapt.

C'est inélégant !

M. Gilles Carrez.

... mais la difficulté ! (Sourires.)

Je souhaite enfin profiter de la présence parmi nous du créateur de la mission d'évaluation et de contrôle pour faire quelques suggestions.

La transparence budgétaire doit progresser. Le Gouvernement ne peut plus se permettre des démêlés comme ceux auxquels a donné lieu la cagnotte, qui ont été fatals à votre prédécesseur, monsieur le ministre. Des règles claires doivent être définies.

La première d'entre elles doit consister à établir les produits et les charges en droits constatés. Nous le faisons dans les collectivités locales, et l'Etat s'éviterait ainsi des critiques récurrentes de la Cour des comptes ainsi que des polémiques inutiles.

La deuxième règle réside dans l'adoption d'une présentation stable permettant des comparaisons d'un exercice à un autre. A propos de l'exécution du budget de 1999, la Cour des comptes souligne « le caractère artificiel des changements de présentation qui permettent de confirmer une prévision ou un engagement antérieurs en recourant à des méthodes qui varient selon les besoins de la démonstration ». C'est ainsi que vous avez cherché à contenir dans la progression de 1 % en volume des dépenses qui, en 1999, excédaient largement la norme.

Je m'inquiète particulièrement du contrôle de l'exercice 2000, car, avec les transferts massifs sur le budget de la sécurité sociale, en recettes comme en dépenses, la tentation sera grande, très grande, de dissimuler, par le truchement d'un changement de périmètre, le non-respect de la norme rigoureuse de l'augmentation des dépenses limitée à l'inflation. Mais, sachez-le, l'opposition sera particulièrement vigilante, comme elle l'a été à l'automne dernier.

La troisième règle est de ne pas contracter les dépenses et les recettes. C''est particulièrement vrai du traitement en prélèvement sur recettes des compensations versées aux collectivités locales au titre des réformes de la fiscalité locale : taxe professionnelle, taxe d'habitation. Ces dotations sont de véritables dépenses pour le budget de l'Etat, des dépenses permanentes dont le poids ne fait que s'alourdir.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Bien sûr, il faut le reconnaître, des progrès ont été faits à l'occasion des derniers exercices, avec la réintégration des fonds de concours et les rebudgétisations importantes de dépenses naguère dispersées dans différents comptes spéciaux. Mais les conditions dans lesquelles le budget 1999 a été exécuté entachent cet effort et montrent tout le chemin qui reste à parcourir.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, de votre volonté d'améliorer l'information du Parlement.

J'espère enfin que les bonnes intentions égrenées tout au long des pages de ce rapport d'orientation budgétaire, tout en vous donnant mauvaise conscience pour le collectif de demain, vous inspireront avec bonheur pour le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Rigal.

M. Jean Rigal.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire pour 2001 ouvre une semaine budgétaire particulièrement importante à l'Assemblée nationale. Cependant, il ne faudrait pas que cela entraîne des télescopages nous conduisant à comparer des résultats constatés, notamment ceux de 1999, avec les hypothèses et les perspectives du budget 2001, qui ne sont aujourd'hui que des prévisions lointaines.

Le débat d'aujourd'hui précède, en effet, la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, qui prévoit plus de 40 milliards de baisses d'impôts supplémentaires et qui permettra de financer des dépenses nouvelles de solidarité nationale. Il précède aussi la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget 1998, qui fut, je le rappelle, le premier budget entièrement exécuté par le gouvernement issu de la majorité plurielle.

Depuis cet après-midi, nous débattons des orientations budgétaires pour 2001, à partir du rapport très fourni et de la déclaration de M. le ministre.

Avant d'évoquer quelques questions de fond, je ferai une remarque de forme. Traditionnellement, la préparation du budget de l'Etat, à savoir la détermination des perspectives et leur mise au point, relève du Gouvernement, après quoi le Parlement examine et vote la loi de finances. Je me réjouis donc que, pour la troisième fois, un débat d'orientation budgétaire ait lieu et nous permette d'avoir une discussion en amont ; c'est éminemment positif. Il convient cependant de noter que cette discussion vient alors que le Gouvernement, en janvier dernier, a déjà transmis à la Commission européenne son programme pluriannuel des finances publiques pour 2001-2003.

Sur le fond, il n'est pas inutile, tout d'abord, de rappeler que la politique économique et sociale conduite depuis juin 1997 par le gouvernement issu de la majorité plurielle a permis de retrouver une croissance fortement c réatrice d'emplois, la plus soutenue depuis vingtcinq ans.

J'aborderai brièvement quatre thèmes : l'emploi, la fiscalité, les dépenses publiques et leurs conséquences sur les services publics, puis la transparence budgétaire.

L'emploi est la première préoccupation de nos concitoyens. Un million d'emplois ont été créés depuis 1997, ce qui, dans le même laps de temps, a permis de réduire de plus de 600 000 le nombre de chômeurs.

Mes amis les députés radicaux de gauche ont noté avec satisfaction la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour repasser sous la barre des 2 millions de chômeurs avant le deuxième semestre 2002, en pérennisant cette croissance. Je crois que vos propositions y contribueront.

S'agissant de la fiscalité, il est nécessaire de baisser prog ressivement les prélèvements obligatoires, qui comportent les cotisations sociales et les impôts - y compris les impôts locaux, on l'oublie trop souvent -, et de les rendre plus justes.

Une question se pose : quels impôts doit-on baisser prioritairement, et notamment en 2001 ?

Les radicaux de gauche sont historiquement attachés à l'impôt sur le revenu, proportionnel et progressif, sans doute beaucoup moins injuste que d'autres. Nous nous interrogeons sur l'opportunité de diminuer en priorité cet impôt qui, en définitive, ne concerne qu'environ un foyer fiscal sur deux et dont le rendement est beaucoup plus faible dans notre pays que chez nombre de nos partenaires.

Il nous semblerait donc préférable de poursuivre les efforts consentis en matière d'impôts indirects - TVA, taxe intérieure sur les produits pétroliers -, qui frappent tous les contribuables, en particulier les plus modestes d'entre eux.

Nous estimons que l'impôt de solidarité sur la fortune ne doit en aucun cas être revu à la baisse et nous sommes favorables à l'institution d'une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs. De nombreux députés de la majorité plurielle l'ont déjà proposé au travers de plusieurs amendements et le proposeront à nouveau au fil des divers débats budgétaires.

L'évolution des dépenses publiques, quant à elle, pose la question cruciale de la présence forte des services publics, notamment dans les zones fragiles à faible densité démographique. Vouloir à tout prix figer une fois pour toutes, voire diminuer l'effectif des agents de la fonction publique, procéderait de l'idéologie libérale, très dangereuse pour l'avenir collectif et pour la cohésion de la nation.

M. Pierre Méhaignerie.

C'est ridicule !

M. Jean Rigal.

Conforter les services publics est donc un impératif pour nous comme pour tous ceux qui sont attachés au principe d'égalité d'accès des citoyens aux services publics sur l'ensemble du territoire national.

M. Gérard Bapt.

Très bien !

M. Jean Rigal.

Il convient de veiller à ce que l'évolution globale des dépenses de l'Etat retenue dans la lettre de cadrage ne se traduise pas par une régression des services publics.

La transparence budgétaire est un principe fondamental qui doit guider le Gouvernement dans ses rapports avec le Parlement. Des améliorations ont déjà été obtenues, notamment grâce à la mission d'évaluation et de contrôle. Mais des progrès restent à réaliser, par exemple, en matière de prévision des recettes fiscales et d'information du Parlement. L'affaire de ce que l'on a appelé, à tort, la « cagnotte fiscale » en est l'illustration.

Peut-on réellement parler de cagnotte lorsque le déficit budgétaire atteint encore 206 milliards de francs ? Je sais, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, que vous êtes attachés à améliorer la situation dans ce domaine, en liaison avec la commission des finances.

Les députés radicaux de gauche partagent globalement vos préoccupations et vos orientations budgétaires pour 2001. Ils n'ignorent pas les contraintes qui pèsent sur l'élaboration d'une loi de finances et la nécessité d'être très vigilant sur tous les points.

Pour terminer, permettez-moi de citer quelques mots du dernier message de voeux aux Français du Président François Mitterrand,...

M. Philippe Briand et M. Philippe Auberger.

Oh !

M. Jean Rigal.

... prononcé le 31 décembre 1994 : « Le moment est donc venu de s'interroger sur les moyens que nous fournira la reprise économique, si souvent annoncée, pour que le retour à l'expansion s'accompagne d'un véritable ajustement des conditions sociales, trop évidemment inégales. Car la croissance n'est pas une fin en soi. Elle doit être l'instrument d'une répartition plus équitable des richesses créées par tous au profit de tous. Dès maintenant, et dans les années prochaines, les gouvernements, quelles que soient leurs tendances, auront à répondre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

d'abord à cette question. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean Launay.

Une fois de plus, c'était prémonitoire !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Le débat d'orientation budgétaire devrait marquer un temps fort pour le dialogue entre le Parlement et le Gouvernement - vous l'avez d'ailleurs appelé de vos voeux, monsieur le ministre. C'est le moment privilégié pour se poser les vraies questions.

Dans quelle direction allons-nous ? Certes, le rapport du Gouvernement énonce des principes qui font l'objet d'un large accord : améliorer la lisibilité des comptes publics ; maîtriser l'évolution des dépenses publiques, avec un objectif de 1,3 % en volume pour la période 2001-2003 ; réduire le poids des impôts pour mieux rémunérer le travail ; favoriser le retour à l'emploi ; réduire le déficit, comme le font nos partenaires de la zone euro. Tout cela, nous pouvons y souscrire.

Ces priorités, que vous avez à nouveau formulées devant notre assemblée cet après-midi, font écho à ce que vous disiez devant le forum international de la gestion publique, le 8 octobre 1999 : « Quant à la France, la réforme de l'Etat y est indispensable. Elle sera de plus en plus déterminante pour notre compétitivité, donc nos emplois. Le pays a besoin de cette réforme structurelle, qui ne dépend ni du cours du dollar, ni de celui du yen, mais seulement de nous. Nous avons une bonne conjoncture. Profitons-en pour mener à bien les réformes de structure nécessaires, dont celle de l'Etat. »

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais simplement montrer combien, au regard des différents exercices budgétaires, nous manquons vraiment d'assurances, en dépit de vos bonnes intentions. Je soulignerai le manque de détermination dans la maîtrise des dépenses publiques, qui apparaît plus rhétorique que réelle. Je mentionnerai ce que j'appelle « la stagnation du déficit », dont la réduction n'est pas à la hauteur de ce que nous pourrions espérer. J'insisterai enfin sur un sujet qui m'est très cher : la médiocrité de l'effort d'investissement.

Je ne veux pas verser dans les procès d'intention, mais jeter un regard sur l'exercice 1999 et sur celui en cours, et aussi vous interroger sur les intentions réelles du Gouvernement, très difficiles à percevoir, à cause du flou du rapport d'orientation.

Nous ne pourfendons pas la dépense publique - et, plus précisément, la dépense publique de fonctionnement - pour elle-même. Et je vous cite encore une fois, monsieur le ministre : « Sans maîtrise de la dépense publique, on ne peut pas espérer un reflux durable des prélèvements. » Pour ma part, j'ajouterai

: sans maîtrise de la dépense publique, on ne peut pas trouver les moyens d'encourager les investissements privés et de fortifier les investissements publics.

M. Gilbert Meyer et M. Michel Bouvard.

Très bien.

M. Jacques Barrot.

L'investissement public, lorsqu'il structure l'aménagement durable, améliore la compétitivité de notre pays. Vu sous cet angle, nous sommes d'accord.

Mais, il faut le rappeler, en France, le niveau des dépenses publiques est élevé : 53,9 % du PIB, contre une moyenne de 48,4 % dans la zone euro et une moyenne de 38,8 % dans les pays de l'OCDE. En outre, et c'est important, la rigidité de nos dépenses publiques s'accroît.

La part des dépenses en capital dans les dépenses du budget général de l'Etat ne cesse de diminuer : 9,8 % des dépenses totales en 1999 contre 11 % en 1995.

L'objectif de progression des dépenses pour la période 2000-2003, fixé, en volume et par an, à 0,33 % pour l'Etat et à 1,4 % pour les administrations sociales, peut effectivement apparaître volontariste ; et je dirai même qu'il l'est. Mais encore faudrait-il avoir quelques certitudes sur les moyens que le Gouvernement va utiliser pour atteindre cet objectif !

M. Pierre Méhaignerie.

Absolument !

M. Jacques Barrot.

La référence à de vagues économies tendancielles de l'ordre de 30 milliards par an n'est pas suffisante. En effet, on l'a dit et répété, en 1999, la norme de 1 % n'a pas été respectée - la Cour des comptes a même fait état d'une augmentation de 2,8 % ; et, en 2000, des dépenses exceptionnelles de l'ordre de 10 milliards de francs ont été décidées, ce qui entraînera vraisemblablement un dérapage de 0,6 point par rapport à l'objectif budgétaire.

L a croissance des dépenses d'assurance maladie, en 1999, a été trois fois plus élevée que prévue : 2,9 %, contre une norme de 1 % pour respecter l'ONDAM. De surcroît, leur progression a encore tendance à s'accélérer : de février 1999 à février 2000, le rythme constaté a été de plus de 4 %, ce qui risque d'absorber l'essentiel de l'ONDAM pour 2000.

En outre, monsieur le ministre, il ne faudrait pas que les modérations de dépenses de l'Etat, en 2000 et 2001, reposent sur des débudgétisations de dépenses sociales. Je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt quand vous avez dit, avec raison, que l'Etat avait joué un rôle d'assureur des régimes sociaux. Mais les régimes sociaux doivent-ils, à leur tour, devenir les assureurs de l'Etat ? Il faudrait alors admettre que l'Etat a besoin d'être assuré, ce qui ne serait guère rassurant ! (Sourires.)

M. Christian Cabal.

Bravo !

M. Jacques Barrot.

Le Gouvernement envisage-t-il de transférer à l'UNEDIC le financement des cotisations retraite des chômeurs, actuellement supporté par le fonds de solidarité vieillesse ? Si oui, l'Etat ne va-t-il pas être tenté d'utiliser cette opportunité pour transférer au fonds de solidarité vieillesse des dépenses qui, pour le moment, sont à sa charge ? S'il en était ainsi, ce seraient les régimes gérés exclusivement par les partenaires sociaux - ARRCO, AGIRC, UNEDIC - qui permettraient à l'Etat de masquer sa relative inertie dans la gestion du budget et du régime général !

M. Pierre Méhaignerie.

Absolument !

M. Jacques Barrot.

C'est l'occasion, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, d'en appeler à plus de transparence sur les recettes. Certes, vous avez bien voulu reprendre - et nous vous en savons gré - l'idée de la Cour des comptes : celle-ci nous guidera dans le calcul de l'évolution des recettes. J'insiste avec force sur la nécessaire fiabilité de ce calcul, car nous sommes là au coeur du problème.

Vous avez évoqué les 42 % de masse salariale qui entrent dans le budget de l'Etat. Le tableau des dépenses programmées par le Gouvernement au titre de la fonction publique, par exemple, met en évidence un dérapage des effectifs qui, de prime abord, peut apparaître modéré -


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

+ 1 % -, pour moitié imputable à la réorganisation des armées. Mais est-il raisonnable de ne pas y inclure les emplois-jeunes ? J'en viens maintenant à la décision gouvernementale consistant à faire passer à 35 heures le temps de travail dans la fonction publique. Le travail approfondi du rapport Roché a-t-il été mis à profit ? Une vraie négociation n'aurait-elle pas impliqué la mise en parallèle des missions, des moyens et des rémunérations, secteur par secteur ? Tout semble se passer, d'une certaine manière, comme s'il n'y avait pas de fil directeur dans la démarche gouvernementale. Certains ministres annoncent la fin du gel des emplois sans que l'on sache si les nouveaux emplois seront gagés par redéploiement. Où en est-on de la gestion prévisonnelle de l'emploi public ? Le rapport du Plan de M. Cieutat sur les enjeux et stratégies pour le renouvellement de la fonction publique débouchera-t-il sur une i nitiative gouvernementale ? Après avoir évoqué les 35 heures et promis la fin du gel des emplois, le Gouvernement annonce des négociations salariales de fin d'année sans nous préciser quelles sont ses intentions.

En évoquant successivement les différents problèmes au lieu de les lier dans une négociation complète, vous me conduisez à penser qu'il y aura à la fois création d'emplois supplémentaires et revalorisation des rémunérations.

Dans ces conditions, comment respecter l'objectif de progression de 1,5 % en volume, prévu dans le programme pluriannuel ? Imaginez : 7 milliards au titre de l'augmentation du pouvoir d'achat du point de fonction publique, 8 milliards au titre du GVT, peut-être 4 milliards au titre de l'accroissement de la dette, 1 milliard encore au titre de la hausse des taux d'intérêt. Mais je ne veux pas faire de calculs à la place du Gouvernement ou du ministère des finances, car je ne suis sûrement pas aussi bien avisé qu'ils peuvent l'être... Disons seulement que ces différents coûts exigeront probablement une compensation, qui se traduira, grosso modo, par une diminution de 4 % par an des autres dépenses ! Alors, où en sommes-nous ? Comment allons-nous respecter l'objectif de progression de 1,5 % en volume de la sécurité sociale et de l'assurance maladie ? Je suis de ceux qui ont salué la création de la mission d'évaluation et de contrôle, issue pour une large part de notre commission des finances, et je salue le président Bonrepaux et le rapporteur général Didier Migaud.

Et puis, monsieur le ministre, vous avez souligné la nécessité de réformer l'ordonnance de 1959. J'estime que c'est extrêmement important. Votre prise de position traduit un progrès, et je vous en remercie.

Mais le Gouvernement ne pourrait-il pas tirer meilleur parti de cet effort systématique d'évaluation, qui devrait être la tâche primordiale du Parlement ? Vous avez, sur ce sujet, tenu des propos qui me paraissent tout à fait significatifs.

On ne peut pas continuer à ne faire confiance qu'à quelques données macro-économiques, dont la Cour des comptes a signalé d'ailleurs - Gilles Carrez le rappelait à l'instant - qu'elles pouvaient être modifiées artificiellement par des changements de présentation. Mais allonsnous sortir de cette impuissance à mesurer l'efficacité de notre dépense publique ? Le Parlement peut-il se contenter de reconduire des services votés ? Le Parlement peut-il rester dans l'ignorance du nombre exact d'emplois financés par l'Etat ? Une profonde rénovation de la discussion budgétaire s'impose et nous allons observer, monsieur le ministre, la mise en place des douze commandements de la glasnost budgétaire. (Sourires.)

Mais qui dit glasnost dit perestroïka.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela ne finit pas toujours bien ! (Sourires.)

M. Jacques Barrot.

La communication préalable des lettres de cadrage, évoquée par Didier Migaud, est un progrès. Mais ce débat d'orientation budgétaire pourrait être passionnant et de la plus grande utilité, ce débat prendrait tout son sens s'il était le moyen pour le Parlement de donner au Gouvernement un mandat pour négocier dans son propre domaine, celui des dépenses publiques de l'Etat. Le Gouvernement, et notamment le ministre de l'économie et des finances, y trouverait une légitimité et une autorité accrues pour ses négociations ô combien difficiles, je le reconnais, avec ses agents et tous ses partenaires.

La dépense publique, si elle n'est ni évaluée ni contrôlée, peut nuire au pays.

D'abord, parce qu'elle retarde la réduction du déficit public. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que la trajectoire prévue était à peu près respectée. Bien sûr, mais il ne faut pas oublier que nous avons des comparaisons à faire avec nos voisins. Et vous avez ajouté quelque chose d'essentiel : que le service de la dette, c'est deux tiers de l'impôt sur le revenu. Donc, il faut poursuivre l'effort.

Le déficit, dont le FMI nous dit qu'il est structurel, pourrait être légitime en un autre temps, s'il fallait soutenir la consommation dans une période un peu dépressive.

Mais aujourd'hui, ce déficit structurel a-t-il vraiment une légitimité ? De plus, il sert avant tout à financer des réductions d'impôts destinée à soutenir la consommation et non pas à stimuler l'effort de modernisation et l'investissement en capital physique ou humain.

Deuxième conséquence négative : le manque de maîtrise des dépenses entraîne une faiblesse de l'investissement. Notre capital productif ne progresse que de 2,5 % par an, contre 6 % aux Etats-Unis. De 1992 à 1999, les investissements en équipement des entreprises ont augmenté de 87 % en volume aux Etats-Unis, de 13 % seulement en France. Le redressement rapide du taux d'utili-s ation des capacités de production dans l'industrie manufacturière fait ressortir l'insuffisance des capacités d'offres en France.

Alors, monsieur le ministre et madame la secrétaire d'Etat, je vais plaider pour l'investissement.

Pour l'investissement public d'abord, car je suis personnellement convaincu qu'il a son rôle à jouer. Et vous me permettrez de dire, même si je suis à contre-courant de la mode, que notre pays peut garder une supériorité grâce à ses infrastructures routières, ferroviaires, téléphoniques !

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jacques Barrot.

Pourquoi a-t-il fallu qu'en 1998 et en 1999, le budget des routes accuse une baisse sensible...

M. Michel Bouvard.

Hélas !

M. Jacques Barrot.

... au moment où les ressources supplémentaires commençaient à affluer ? Parfois, cela me décourage complètement, moi qui essaie tellement de promouvoir le développement du Massif central où les infrastructures sont si nécessaires !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Quant à l'investissement privé, la logique de la baisse des impôts ne devrait-elle pas s'infléchir vers le soutien à notre potentiel de croissance ? C'est essentiel. Il faut vraiment, dans ce domaine, aider nos entreprises. Vous me direz que le rythme des investissements s'est amélioré, mais nous avons des retards à combler, et c'est là que se joue le développement durable.

Après le soutien à l'investissement, le deuxième impératif, déjà largement évoqué par Pierre Méhaignerie, est l'amélioration du taux d'activité des Français. Or, vous l'avez très bien dit, monsieur le ministre, on ne peut faire remonter le taux que si l'on facilite le retour à l'activité.

C'est pourquoi nous avons fait la proposition que Pierre Méhaignerie a eu l'occasion de décrire. Bien sûr, le cumul temporaire du RMI avec un revenu d'activité va dans le bon sens, mais il faut aussi se préoccuper de l'amélioration des revenus du travail des salariés les moins qualifiés. C'est essentiel pour ramener vers le travail un certain nombre d'inactifs.

Monsieur le ministre, me référant à nouveau à ces trois cercles vertueux de la gestion publique que vous évoquiez, je soulignerai pour conclure qu'une croissance durable n'est pas seulement le résultat d'un ajustement habile au gré des exercices budgétaires annuels, mais est surtout le fruit d'une volonté déterminée pour permettre à un peuple de se mobiliser vers son avenir, vers ses jeunes générations. Forts des intentions inscrites dans votre document, nous attendons les démarches nouvelles qui donneront de la crédibilité aux intentions que j'ai saluées initialement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le contrat de croissance et de solidarité, adopté par notre assemblée lors du vote de la loi de finances pour 1999, a donné de l'oxygène aux collectivités locales.

Adossée sur une partie de la croissance, l'enveloppe normée a constitué un pas en avant supplémentaire dans la reconnaissance du rôle économique et social joué par les communes, les départements et les régions.

Marquées par un effort sans précédent en termes de péréquation, les lois de finances pour 1999 et 2000 ont garanti un minimum de recettes aux collectivités locales.

Celles-ci ont pu, en outre, bénéficier d'un réaménagement de leur dette et de conditions favorables pour les emprunts récents. Comme les acteurs d'autres secteurs d'activité, elles jouissent d'une conjoncture favorable qu'elles ont d'ailleurs largement contribué à entretenir et à stimuler, grâce à leur dynamisme et aux diverses dispositions prises en leur faveur.

En s'appuyant sur ce constat, il convient de s'interroger sur l'implication des collectivités locales dans ce souci, qui ne doit pas nous quitter, de consolider le caractère durable de la croissance, lequel est à la fois une source et une garantie de création d'emplois. Pour ma part, je garde la conviction que les collectivités locales sont un des socles principaux de la croissance et qu'elles méritent, à ce titre, une attention privilégiée dans la mesure où elles se trouvent au coeur d'un des grands chantiers d'avenir auquel nous sommes attelés : l'émergence d'une nouvelle société de plein emploi.

Mais il ne suffit pas de tomber d'accord sur les buts à atteindre ; encore faut-il s'entendre sur la façon d'y parvenir. Qui peut croire, par exemple, que les collectivités locales pourraient s'acquitter efficacement de leurs fonctions d'animatrices de la croissance si elles restaient entravées dans leurs initiatives et bridées financièrement audelà du nécessaire ? L'autonomie des collectivités territoriales n'est pas seulement un enjeu de démocratie ; l'enjeu est aussi économique. De ce point de vue, beaucoup reste à faire pour donner un nouvel élan à la décentralisation. Il faut notamment que les collectivités disposent des moyens correspondant à l'élargissement de leurs compétences. Je songe en particulier aux multiples coopérations dans lesquelles elles sont engagées, qui représentent autant de soutiens objectifs à la consommation et à l'investissement.

Cet élan doit aussi se traduire par une réforme d'ampleur. Le Gouvernement, qui s'est engagé dans une politique courageuse en matière de justice fiscale, doit poursuivre son action en s'attachant à la modernisation de la fiscalité locale.

Dans ce domaine, nous sommes face à une double irrationalité. Economique d'une part : les bases ne sont ni objectives, ni réelles, ni modernes. Politique d'autre part : le lien citoyen-contribuable se distend, la sphère des contribuables se rétrécit et une partie des cotisations décidées ne sont pas payées directement par les contribuables mais transférées à l'Etat.

Trois raisons me persuadent qu'il est indispensable de maintenir une fiscalité locale.

D'abord, elle garantit l'existence en tant que telles des collectivités locales, qui ont contribué à briser l'autoritarisme féodal, à libérer les structures économiques, à mettre en place l'exercice d'un pouvoir démocratique et social qui s'est élargi au fil des décennies.

Ensuite, les collectivités locales sont, comme chacun sait, à l'origine des trois quarts des équipements collectifs de notre pays, sans compter les emplois qu'elles génèrent et assument.

Enfin, il est prouvé que l'investissement public local influence davantage la croissance nationale que celle-ci n'influence l'investissement local.

Trop souvent, la fiscalité locale est jugée complexe, archaïque et injuste. C'est pourquoi elle doit apporter des garanties, à savoir des bases d'imposition s'appuyant sur des valeurs objectives et faciles à appréhender, évoluant en fonction de l'activité économique. Il faut également s'efforcer de rendre le prélèvement proportionnel aux facultés contributives, et le cadre territorial de prélèvement doit coïncider autant que possible avec l'aire géographique dans laquelle vivent les contribuables et travaillent les usagers des services financés par l'impôt.

A ce jour, nous restons, monsieur le ministre, dans l'attente de la réforme annoncée, à laquelle les députés communistes et apparentés souhaitent être associés. A toutes fins utiles, j'avancerai quelques propositions.

J'ai approuvé, en son temps, la suppression progressive de la part « salaire » dans les bases de la taxe professionnelle. L'heure est venue, à présent, de pérenniser la taxe professionnelle en tant qu'impôt local. Pour ce faire, nous suggérons de réalimenter le produit de la taxe en y intégrant des actifs financiers, qu'il reste à cibler, ce qui inciterait les entreprises à donner la priorité aux investissements productifs. Cette mesure permettrait également d'alléger le budget de l'Etat en privilégiant le volume de péréquation de la taxe plutôt que la compensation aux collectivités locales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Je me souviens que le ministre de l'intérieur, M. JeanPierre Chevènement, s'est lui-même prononcé pour que la taxe professionnelle « reste un impôt local afin que les collectivités locales participent au développement de l'emploi local ».

Permettez-moi, à ce sujet, d'ouvrir une parenthèse afin de rappeler l'obligation qui doit être faite à France Télécom de verser la taxe professionnelle qui revient de droit aux collectivités locales.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Daniel Feurtet.

Le mode de calcul de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier bâti doit, lui aussi, être révisé afin de mieux prendre en compte l'ensemble des revenus et de faire jouer les éléments d'exonération et de seuil en fonction des situations.

L'impôt est au fondement de l'exercice de la citoyenneté et de la cohésion sociale : payer l'impôt, même pour un montant extrêmement modique, c'est refuser l'exclusion, c'est agir en faveur de la solidarité et de l'intégration à la vie locale, c'est repousser le risque d'éclatement entre ceux qui paient et les autres.

Mme la présidente.

Pouvez-vous accélérer, monsieur Feurtet ?

M. Daniel Feurtet.

J'essaie, madame la présidente. Mais cinq minutes, c'est pire que la perestroïka ! (Sourires.)

Mme la présidente.

J'en suis bien d'accord ! (Sourires.)

M. Daniel Feurtet.

Un autre sujet me tient à coeur : je suis partisan d'un crédit plus sélectif en faveur des investissements créateurs d'emplois et destinés à la formation.

Les collectivités locales devraient pouvoir contracter des prêts bonifiés leur permettant d'opérer des investissements de longue durée, actuellement trop lourds à supporter. Je ne songe pas uniquement aux constructions de locaux que réclame la mise en oeuvre du plan de réussite scolaire en Seine-Saint-Denis. Je pense, plus largement, à l'aide vitale qu'il convient d'apporter aux collectivités locales tournées vers des programmes d'investissements ambitieux en faveur de l'école et de la formation, ou encore aux villes qui doivent faire face aux engagements lourds nécessités par l'application des contrats éducatifs locaux.

Les députés communistes et apparentés préconisent également que soient pris en compte dans le calcul de l'enveloppe normée non pas 33 % de l'augmentation du PIB comme il est prévu, mais 50 % comme c'est déjà le cas pour la dotation globale de fonctionnement.

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, le Gouvernement, par un ensemble de mesures, a souhaité faire des collectivités locales des éléments décisifs de l'harmonie du territoire. La construction de l'Europe doit respecter les spécificités nationales pour s'épanouir. De la même façon, les collectivités locales doivent disposer, pour être pleinement utiles, des ressources nécessaires à leurs besoins, dans le respect du principe constitutionnel d e leur libre administration et de la participation citoyenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

J'invite les orateurs à respecter, dans toute la mesure du possible, le temps qui leur est imparti.

Ce conseil s'adresse en premier lieu à M. Marc Laffineur, qui a maintenant la parole.

M. Marc Laffineur.

Le débat d'orientation budgétaire est toujours très intéressant, et je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le Premier ministre.

Certes, comme beaucoup d'entre nous, je partage une bonne part des idées que vous avez exposées. La difficulté, c'est que nous les avons déjà souvent entendues dans la bouche de vos prédécesseurs, notamment en ce qui concerne la maîtrise des dépenses publiques et la baisse des prélèvements, mais que nous n'en avons jamais vu le résultat concret. Alors, même si nous ne demandons qu'à vous croire, nous attendrons la fin de l'année, et surtout l'exercice 2001, pour juger de la vérité de vos propos.

Vous-même l'avez reconnu, vous avez beaucoup de chance. Vous bénéficiez d'une croissance exceptionnelle ; le chômage est en très forte diminution ; le moral des Français n'a jamais été aussi bon ; l'inflation est faible.

C ette conjoncture favorable, vous l'avez également reconnu, est due pour l'essentiel à la croissance mondiale, à l'essor de la nouvelle économie et à l'euro. J'ouvre une petite parenthèse, pour rappeler que si la France a pu participer à l'euro, c'est quand même dû aussi aux sacrifices consentis par les gouvernements antérieurs, et notamment par le gouvernement qui a précédé celui de Lionel Jospin.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Ou plutôt aux sacrifices qu'ils ont demandés aux Français !

M. Marc Laffineur.

Et puis, il faut bien l'avouer, nous bénéficions d'un euro faible, qui, comme l'EPO pour les sportifs, dope nos exportations !

M. Daniel Feurtet.

Ah non ! Pas de dopage ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

Tant mieux ! J'étais de ceux qui ne défendaient pas le franc fort, lequel, à une certaine époque, nous a valu des centaines de milliers de chômeurs.

Je crois que l'euro faible est une chance. Malheureusement, vous n'en profitez pas pour mener les réformes de structure indispensables. Et cette croissance t rès importante masque justement les conséquences néfastes des mesures prises par votre gouvernement, qui, en cas de retournement de la conjoncture, pèseront très lourdement sur notre économie.

Vous nous dites que vous allez maîtriser les dépenses mais, je le répète, vos prédécesseurs nous avaient tenu le même discours et, dès demain, vous allez nous proposer 10 milliards de francs de dépenses supplémentaires dans le collectif budgétaire. Je ne vois pas très bien comment vous pourrez maîtriser les dépenses avec le passage aux 35 heures dans la fonction publique, dont le coût n'est pas chiffré ; avec l'application des accords Zuccarelli ; avec les réformes de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation, qui vont donner lieu à des compensations dans le budget de l'Etat ; avec les emplois-jeunes. Tout cela rendra très difficile la diminution du déficit budgétaire qui, je partage votre avis, est une urgence et une obligation, car elle conditionne les impôts de demain.

Vous n'avez pas parlé de la réforme des retraites, mais vous nous avez annoncé que la vente des licences de réseaux de téléphones portables permettrait de dégager les 150 ou 200 milliards de francs nécessaires. J'ai bien peur, en entendant cela, que l'on se dispense de la réforme et que l'on arrive ainsi tranquillement aux élections qui se profilent sans avoir rien changé du tout !

M. Pierre Méhaignerie.

Exactement !

M. Marc Laffineur.

Là encore, on risque de manquer une occasion extraordinaire.

Quelles sont les urgences pour notre pays ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

D'abord, nous ne pourrons pas engager de réforme sans une diminution forte de la dépense publique, et d'abord des dépenses de fonctionnement. Il y faut beaucoup de courage, monsieur le ministre. Malheureusement, comme le disait Jacques Barrot, pour diminuer les dépenses publiques, les gouvernements, toutes tendances confondues, ont agi sur les dépenses d'investissement, mettant en péril notre pays.

La diminution des dépenses publiques de fonctionnement est la tâche la plus difficile, mais elle s'avère indispensable pour pouvoir enfin réduire nos déficits, trop élevés par rapport aux autres pays d'Europe, pour pouvoir aussi abaisser les impôts et les prélèvements, devenus si intolérables que certains Français s'expatrient, ce qui est très mauvais, bien entendu, pour notre économie.

Après la diminution des dépenses, la réduction des déficits et l'abaissement des prélèvements, la quatrième priorité est de développer les emplois peu qualifiés dans notre pays - vous l'avez d'ailleurs dit tout à l'heure. Une partie de nos concitoyens n'ont pas une qualification suffisante et il faut les remettre au travail, notamment grâce à la mise en place d'un impôt négatif.

Dernière priorité, la transparence. Vous nous avez fait des propositions en ce domaine que je partage tout à fait.

Je suis de ceux qui vous remercient d'avoir mis en place la Mission d'évaluation et de contrôle, qui est tout à fait essentielle. Mais je crois que l'on pourrait donner encore plus de pouvoirs de contrôle au Parlement et aux parlementaires.

Nous verrons dans un an ce qu'il en sera de toutes vos propositions qui semblent encore être celles du président de l'Assemblée nationale. (Sourires.) Nous avons vu malheureusement trop souvent les ministres de l'économie ne pas mettre en oeuvre les mesures prévues. Or nous gagnerions tous à cette transparence. La démocratie y gagnerait.

Notre pays, mieux contrôlé par le Parlement, pourrait être mieux dirigé et mieux gouverné. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, puisque ce débat nous y incite, je vous ferai part de quelques convictions personnelles.

En préambule, je rendrai hommage à l'action que vos p rédécesseurs et vous-mêmes, monsieur le ministre, conduisez depuis juin 1997. L'hommage peut paraître rituel. Il est ici sincère.

Il fallait enfin rompre la spirale infernale de la stagnation et du chômage et le Gouvernement l'a fait. Il fallait créer à nouveau les conditions d'un cercle vertueux : confiance - consommation - croissance. C'est bien là la réussite principale de la majorité. Il fallait, enfin et surtout, redonner de l'espoir à des millions de nos concitoyens touchés par le chômage et inverser un mouvement qui paraissait presque inexorable. C'est cela que retiendront d'abord les Français de cette législature.

Il nous reste, sur tous ces terrains, beaucoup à faire, mais les premiers résultats sont là, incontestables. Et vous voilà, nous voilà, confrontés à l'exercice, en théorie dé licieux mais en pratique dangereux, de la répartition des fruits de la croissance.

L'exercice est toujours délicat parce qu'il constitue un arbitrage entre des valeurs contradictoires : l'aspiration des uns à jouir des fruits de leur travail ou de leur patrimoine et celle des autres qui attendent davantage de la solidarité nationale. Il est particulièrement délicat pour la gauche parce qu'en procédant à cette répartition la gauche touche à son identité, à ses racines.

Elle est confrontée en permanence, et plus que d'autres, à l'exigence de la justice sociale et fiscale, à la nécessité de corriger les inégalités que suscite inéluctable ment le capitalisme. C'est pourquoi j'ai eu l'occasion de dire, notamment à Didier Migaud, lors de l'examen du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, que le budget était, chaque année, le texte de régulation du capitalisme le plus important, celui par lequel s'expriment et doivent s'exprimer les valeurs dont la majorité de gauche est porteuse.

Permettez-moi donc, monsieur le ministre, puisque vous nous avez dit que le Gouvernement n'avait pas encore arrêté définitivement ses choix, de vous faire part de quelques suggestions.

D'abord, il nous faut dire clairement quelle stratégie nous poursuivrons dans les années à venir en matière de politiques économique, sociale et fiscale. Je dis « quelle stratégie » car il n'est pas vrai qu'il n'en existe qu'une.

On connaît celle qui nous est présentée comme inéluctable - souvent du côté droit de l'hémicycle, parfois même, pourquoi ne pas le dire ? par nos partenaires européens - et ces slogans qui claquent comme des mots d'ordre : dérégulation, libéralisation, flexibilité, baisse des impôts, « moins d'Etat ». Ceux qui défendent cette thèse ne jurent que par l'entreprise. Or même une entreprise, lorsqu'elle dresse le bilan de ses forces et de ses faiblesses, doit choisir entre plusieurs stratégies possibles et tout l'art du management consiste à opter pour celle qui, à long terme, se révélera la plus profitable.

Un pays, une nation ont aussi le choix entre plusieurs stratégies possibles. Celle qui me paraît le plus proche de notre histoire, de notre culture et des aspirations de notre peuple est celle que j'appellerais la « stratégie de cohésion sociale ». Elle implique que les choix de résidence des particuliers, y compris les plus aisés, les choix d'implantation des entreprises, y compris les plus innovantes, ne soient pas à l'avenir uniquement dictés par le « moinsdisant fiscal » ou le « moins-disant social ».

Plaider pour une stratégie de cohésion sociale, c'est affirmer que la compétitivité d'une nation pourra être renforcée par des services publics performants, un enseignement de qualité, une protection sociale efficace, une sécurité assurée, un environnement sauvegardé et surtout, par la chance donnée à chacun, de trouver sa place dans notre système économique et social.

Voilà pourquoi il me semble qu'avant d'évoquer la future baisse des impôts, nous devrions d'abord renforcer la cohésion sociale.

M. Augustin Bonrepaux.

Très juste !

M. Eric Besson.

La baisse des impôts n'est pas, et ne doit pas être, un tabou pour la gauche et la majorité l'a montré depuis 1997 et le prouvera encore demain lors de la discussion du collectif budgétaire. A ce propos, vous nous avez incités, monsieur le ministre, à nous réjouir d'abord de ce qui se fait de bien. Vous avez entièrement raison. Malheureusement, le calendrier fait que nous parlons d'orientations budgétaires avant de pouvoir nous féliciter ensemble des mesures adoptées par le collectif.

La baisse des impôts ne peut devenir la priorité de la gauche, surtout si elle vise d'abord, comme on le dit à tort ou raison, l'impôt sur le revenu. La gauche commet-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

trait, à mon sens, une lourde erreur si elle faisait, comme certains libéraux, de l'impôt sur le revenu son principal cheval de bataille.

Nous avons tous en tête qu'un foyer sur deux ne paie pas l'impôt sur le revenu et que, par conséquent, sa diminution ne toucherait pas les plus démunis. Nous connaissons tous la faiblesse de la part relative des impôts directs et de l'impôt progressif dans notre pays. Nous savons par ailleurs que les inégalités mesurées par l'écart entre les 10 % les plus riches de nos concitoyens et les 10 % les plus pauvres continuent de s'accroître, non pas de notre fait mais pour des raisons mécaniques qu'il serait trop long d'expliquer ici.

Nous sommes tous attachés dans cet hémicycle, du moins devrions-nous l'être, au bon vieux principe républicain selon lequel les contributions des citoyens aux charges publiques sont proportionnelles à leurs ressources.

Non, la baisse de l'impôt sur le revenu ne peut pas faire partie de nos priorités les plus fortes. Augustin Bonrepaux l'a bien dit tout à l'heure. Il nous faut d'abord accroître la cohésion sociale.

Cela passe par un renforcement des services publics.

Mais il ne s'agit pas de vouloir une croissance non maîtrisée des dépenses publiques. Personne, semble-t-il, ne plaide en ce sens. Les socialistes disaient en 1997 qu'ils voulaient « mieux d'Etat », et je continue de souscrire à cet impératif. « Mieux d'Etat », cela peut parfois signifier - pourquoi le nier ? - redéployer, améliorer, modifier.

Les socialistes croient en la nécessaire réforme de l'Etat, dans la transparence et dans la concertation. Mais

« mieux d'Etat », cela doit aussi signifier parfois des moyens supplémentaires lorsque la qualité du service public n'est pas à la hauteur des besoins et des attentes de nos concitoyens.

J'aurais aimé citer des exemples comme Augustin Bonrepaux tout à l'heure. Mais je ne le ferai pas, madame la présidente, pour éviter de dépasser le temps de parole qui m'est imparti.

Mme la présidente.

Je vous en remercie.

M. Eric Besson.

Je dirai seulement que, dans beaucoup de secteurs, la question n'est pas « plus » ou « moins d'Etat », mais seulement, et modestement, de redonner au service public les moyens de fonctionner normalement.

La cohésion sociale, nous devons aussi la renforcer en poursuivant avec toujours plus de détermination la lutte contre le chômage et contre l'exclusion. Et j'ai été heureux, monsieur le ministre, de vous l'entendre dire, avec conviction, dans la première partie de votre intervention.

Là encore, nous avons beaucoup fait depuis trois ans et nous pouvons en être fiers. Mais la tâche reste immense.

On ne peut compter sur la seule croissance, sur le libre jeu de l'offre et de la demande pour réintégrer sur le marché du travail les blessés - il n'y a pas d'autres mots de ces vingt-cinq années de chômage de longue durée, ces centaines de milliers de personnes qui ne sont plus en état, psychologiquement pour certaines, physiquement pour d'autres, et faute de qualification pour la plupart, d'occuper un emploi dit « normal » et qui auraient besoin d'un « sas » pour être à nouveau performantes.

Le risque politique et social est grand. Dès lors qu'on entend répéter partout que la croissance est repartie, que les plus hauts salaires grimpent, que certaines très grandes fortunes se créent très rapidement dans l'entreprise, le sport, la mode ou le spectacle, il faut s'attendre aux réactions de ceux qui, dans les quartiers difficiles ou ailleurs, ont le sentiment d'être les laissés-pour-compte de la reprise.

M. Alain Bocquet.

C'est vrai !

M. Eric Besson.

Le risque économique existe aussi.

Alors que 10 % de la population active est privée d'emploi, plusieurs secteurs de l'économie commencent à connaître des goulets d'étranglement.

Il nous faut réparer rapidement les dégâts de vingt-cinq ans de chômage de longue durée et mettre en oeuvre un grand plan d'insertion par l'économique pour que chacun ait une chance de s'insérer dans notre société.

Conforter la croissance, renforcer les services publics, commencer à mettre en oeuvre le droit au travail, revendiquer pour notre pays une stratégie de cohésion sociale, telles me paraissent être certaines des priorités qui devraient inspirer, qui inspirent - j'en suis sûr - la majorité pour son budget 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les points déjà évoqués par mes collègues Philippe Auberger et Gilles Carrez dans le cadre de ce débat d'orientation budgétaire, si ce n'est pour souligner l'impérieuse nécessité d'une réduction des déficits dont vous avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, ainsi que M. le rapporteur général, qu'elle constitue un impôt différé pour les générations futures et pour insister sur les foyers possibles d'une augmentation des dépenses publiques.

Dans l'esprit même de ce débat d'orientation, je souhaite intervenir sur ce qui constitue, à mon avis, des priorités en cette période de croissance.

Nous avons déjà évoqué la réduction des déficits et la baisse des prélèvements obligatoires, annoncée tous les ans depuis 1997 et jamais réalisée. Je soulignerai d'abord le besoin d'investissement de l'Etat qu'évoquait Jacques Barrot, en priant ceux qui suivent ce débat habituellement de m'excuser pour ce discours qui ne sera que peu renouvelé par rapport aux années précédentes.

Monsieur le ministre, vous avez insisté sur la politique budgétaire restrictive et les hausses d'impôts qui ont été mises en oeuvre à partir de 1995 - sans être d'ailleurs remises en cause en 1997 - en vue de la qualification de la France pour l'entrée dans l'euro. Vous vous en réjouissez aujourd'hui. Pour avoir été de ceux qui ont critiqué la mise en place de la monnaie unique et déploré la contrainte brutale qu'elle imposait à notre économie, je mesure bien l'impact durable qui s'est ressenti sur nos budgets d'investissement.

Aujourd'hui la qualification est acquise - même si cela ne nous dispense pas d'un assainissement des finances publiques -, la croissance est de retour dans un contexte international favorable, et nous sommes peut-être dans un cycle de croissance durable. Dès lors, il me semble nécessaire de mettre à profit cette période pour accentuer et accélérer l'effort en matière d'équipements publics dont le pays a besoin. Celui-ci conditionne, tout comme la réduction des déficits et la compétitivité fiscale par rapport à nos voisins et concurrents, l'inscription de la France dans une logique de développement durable ainsi que la prise en compte de la territorialité.

Territorialité : voilà un mot qui n'avait, depuis longtemps, plus sa place dans les discours d'un ministre de l'économie et des finances et que le militant de l'aménagement du territoire que je suis se réjouit d'avoir entendu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Les besoins d'équipements, monsieur le ministre, sont réels. Mais les enveloppes des contrats de plan, même si elles sont en légère progression en valeur absolue - ce qui est logique puisque le calcul se fait sur une année supplémentaire - comme en valeur relative annuelle - ce qui est déjà mieux -, sont loin de satisfaire l'ensemble des besoins exprimés. Elles ont d'ailleurs été arrêtées, pour l'essentiel, à un moment où l'hypothèse d'une croissance forte et durable n'était pas définitivement acquise et où la prudence s'imposait.

Les contrats de plan ne couvrent pas non plus l'ensemble des besoins d'investissement du pays. Demain, à l'occasion du collectif budgétaire, nous examinerons le coût de la tempête et de la marée noire. Nous savons aussi que, au-delà de la prise en charge par les assurances, les inondations, comme celles que votre département a connues, auront un coût pour le pays. Pourquoi ne pas engager des actions de prévention, mettre en place des travaux de protection contre les crues, attendus par nombre de collectivités mais repoussés dans les contrats de plan, faute de crédits ? Pourquoi, dès lors que la croissance le permet, ne pas favoriser la création des grandes infrastructures de transport, nécessaires aux populations : pour les transports urbains, domaine où les budgets ne répondent pas aux demandes, pour le transport ferroviaire, pour le fret ou le désenclavement autoroutier, toujours attendu dans certaines régions ? Les besoins sont considérables. Nous savons que les moyens financiers ne permettent pas, à présent, de les prendre en compte et les lettres de cadrage actuelles laissaient craindre que le budget 2001 ne le permette pas non plus.

Nous avons bien compris que l'augmentation de 0,3 % des dépenses publiques, hors inflation, n'irait pas au surplus d'investissement. En effet, 42 % du budget est consacré aux seules dépenses de la fonction publique q u'évoquait, tout à l'heure, Philippe Auberger. La moindre revalorisation des traitements - pourtant nécessaire -, la moindre décision d'ouvrir des recrutements en l'absence de redéploiements d'emplois, est directement consommatrice des moyens supplémentaires nécessaires à l'investissement.

Quelle place reste-t-il alors à la réalisation des équipements durables attendus par la population et nécessaires à l'amélioration des échanges dans notre pays ? Ils constitueraient pourtant le gage d'une meilleure prise en compte de l'environnement, qui ne peut se limiter à l'élaboration de cartes ou de plans de protection contre les risques stérilisant des territoires entiers, et donneraient une grande part au développement local.

C omment satisfaire l'exigence de territorialité si demain - pour ne prendre qu'un exemple - nous ne pouvons diffuser les nouvelles technologies dans les territoires ruraux ou de montagne, qui doivent aussi avoir accès aux emplois du troisième millénaire ? Est-il admissible d'ajouter à la fracture sociale une fracture territoriale ? Dans toute une partie de notre pays, ce ne sont pas les logiques économiques seules qui répondront aux besoins d'infrastructures, car la rentabilité directe ne permettra pas aux grandes sociétés de les prendre en charge. Ce ne seront pas elles non plus qui financeront les travaux de sécurité dans les tunnels routiers ou ferroviaires, souhaités à juste titre par le ministre des transports et mis en avant dans le rapport de notre collègue Christian Kert.

Il faut donc renforcer nos budgets d'investissement, ce qui suppose à l'évidence de maîtriser les dépenses de fonctionnement de l'Etat. Or comment ne pas être frappé par la faiblesse des dépenses d'investissement civil - 74 milliards de francs, soit une augmentation de 2,4 % seulement depuis 1997 - quand on sait que dans le même temps les dépenses de la fonction publique se sont accrues de 8,9 % ? Comment ne pas s'interroger quand on compare le montant consacré aux dépenses d'investissement aux sommes affectées au fonctionnement du fonds de réforme des cotisations, c'est-à-dire aux mesures d'allégement de cotisations liées aux 35 heures, dont le coût dépassera 65 milliards de francs en 2001 ? Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement entend engager un rééquilibrage progressif de notre budget en faveur de l'investissement. Je rappelle que ce dernier est aussi créateur d'emplois car il n'y a pas que les emplois subventionnés ou les emplois-jeunes.

A la veille de la présidence française de l'Union européenne, j'aimerais aussi connaître les initiatives que vous comptez prendre afin que l'Europe, qui a défini en son temps un programme de quatorze grands travaux d'infrast ructure, assure une partie de leur financement ? L'Europe ne peut pas être simplement un instrument de régulation budgétaire entre les Etats. Elle doit aussi porter d es projets de développement intéressant tout le continent.

La deuxième priorité que je vais évoquer rapidement, car nous sommes sur un sujet plus consensuel, est celle du contrôle du Parlement sur les dépenses de l'Etat et de l'amélioration de l'efficacité de l'argent public.

Au-delà des émissions de télévision ou des articles de presse dénonçant, dans des conditions parfois caricaturales, les gaspillages d'argent public, il en est de réels, insupportables notamment pour ceux qui ont le plus de mal à acquitter l'impôt, insupportables à un moment où la charge des dépenses, relayée par l'impôt, est de plus en plus lourde et atteint les records que nous connaissons.

Votre prédécesseur à la présidence de notre assemblée avait, dans cet objectif, mis en place l'office d'évaluation des politiques publiques, qui n'a pas eu, il est vrai, le temps de produire ses effets. Vous avez, pour votre part, été de ceux qui sont à l'origine de la mise en place de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances.

Force est de constater que, malgré le travail efficace de la MEC, dès la première année, sous la présidence conjointe de Didier Migaud et de Philippe Auberger, ses recommandations dans les différents domaines de son action n'ont pas été prises en compte dans le budget pour 2000. Parfois même, c'est exactement le contraire qui a été fait.

Pourtant, il s'agit bien d'un moyen de faciliter les redéploiements de crédits qui permettraient de satisfaire le besoin d'Etat existant dans certains secteurs où nous le réclamons. Vous feriez mieux de le reconnaître au lieu d'ironiser sur une opposition que vous caricaturez à l'envi, en prétendant qu'elle réclame à la fois des réductions des moyens budgétaires de l'Etat et des créations d'emplois ou des investissements.

Monsieur le ministre, j'ai été très attentif à vos différentes propositions pour renforcer la transparence du budget de l'Etat, pour accroître le contrôle de gestion, en liaison avec la mission d'évaluation et de contrôle, pour engager le renforcement du pouvoir budgétaire des parlementaires, et je m'en réjouis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Je souhaite, dans l'intérêt de notre pays d'abord, mais aussi au regard de l'utilité de la fonction parlementaire, qui est notre préoccupation à tous, que cette réforme aboutisse et que, grâce à elle, notre pays puisse mieux utiliser les fonds publics, rétablir les équilibres nécessaires entre le fonctionnement et l'investissement afin de s'engager dans la voie de cette croissance durable à laquelle nous aspirons tous, car elle permettra à tous les Français qui n'ont pas encore de travail d'en trouver un demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, avec une croissance qui s'est installée au-dessus de 3 %, il faut constater, et c'est heureux, que l'économie française a trouvé le bon chemin. La réduction du chômage est enfin une réalité significative, même s'il reste beaucoup à faire puisque plus de 10 % de nos concitoyens ne sont pas encore réintégrés dans le marché du travail.

Dans ce contexte redevenu favorable, ce n'est pas, de notre point de vue, la réduction du déficit budgétaire qu'il faut ériger en impératif catégorique. Dans ce domaine, le zèle n'est pas de mise. La priorité est ailleurs : elle doit aller à la croissance.

L'exemple de l'économie américaine montre actuellement comment une certaine tolérance à l'égard du déficit est parfaitement compatible avec un objectif de croissance. Après sept ans d'une relative passivité à l'égard du déficit budgétaire, et dans le contexte d'une forte croissance, les Etats-Unis ont connu un excédent. C'est donc la croissance qui est la vraie cause des augmentations de recettes.

Le débat d'aujourd'hui permet aux députés de faire le point sur les perspectives budgétaires de l'an prochain, compte tenu de l'environnement économique.

Le problème clé qui se pose pour 2001 est celui de l'utilisation des surplus de recettes fiscales, à un moment où le besoin d'Etat se fait nettement sentir. Ce débat est l'occasion pour nous de réaffirmer nos priorités.

S'agissant des recettes fiscales, l'orientation actuelle est bonne. D'une manière générale, depuis 1997, le Gouvernement a commencé à rééquilibrer - certes modestement, mais à rééquilibrer - la taxation des revenus par rapport à celle du travail, au détriment de l'épargne. Que des mesures précises soient prises est normal, mais cela ne signifie pas qu'une réforme fiscale de fond ne soit pas nécessaire.

L'impôt, en particulier celui sur le revenu, doit gagner en cohérence et en redistributivité. L'impôt sur le revenu est en théorie plus égalitaire, car il est assis sur les capacités contributives des ménages. En pratique, sa cohérence est mise à mal. Son assiette est en réalité très étroite et certains hauts revenus pratiquent l'évasion fiscale. Ce sont donc les couches moyennes qui paient beaucoup.

C'est pourquoi nous sommes favorables à une extension de l'assiette de cet impôt, assorti d'une seule grille, quelle que soit l'origine des revenus taxés, travail ou épargne. Une mesure technique, comme le prélèvement à la source, pourrait être mise à l'étude, dans la mesure où elle rendrait plus efficace la perception de l'impôt, notamment en ce qui concerne les hauts revenus.

D'autres pistes de réforme de l'impôt sur le revenu devraient être avancées, comme la suppression du décalage existant aujourd'hui entre l'année de perception des revenus et celle du paiement de l'impôt les concernant.

Une telle réforme irait dans le sens des intérêts du contribuable.

Nous nous sommes aussi plusieurs fois prononcés en faveur d'une baisse du taux normal de TVA, car les prél èvements indirects frappent davantage les revenus modestes en termes relatifs. L'effort entrepris, dès le collectif budgétaire qui sera débattu demain, va dans la bonne direction, mais l'annulation des hausses du taux plein de TVA décidées par la précédente majorité devrait être un objectif.

Cette réforme n'est pas une raison pour abandonner la piste d'allégements ciblés de TVA dans des secteurs liés à la consommation de masse et riches en emplois potentiels. Comme d'autres, nous pensons que la restauration en est un exemple. Il nous semble également que les disques devraient être soumis au taux réduit de TVA afin d'élargir l'accès du plus grand nombre, notamment des jeunes aux biens culturels.

Le terrain de la politique familiale ne doit pas être délaissé. C'est pourquoi nous proposons que l'Etat y réinv estisse l'argent économisé par le plafonnement de l'AGED et du quotient familial. Il serait souhaitable d'y substituer un abattement fixe par enfant. Le Gouvernement de la République a le devoir de soutenir la natalité et de favoriser les familles.

M. Michel Bouvard et M. Gilbert Gantier.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Au chapitre des dépenses, il faut prendre en compte les besoins et y consacrer un effort financier suffisant.

Il est ainsi nécessaire de bien comprendre ce que signifient les difficultés récentes de certains services publics.

Loin de traduire un divorce entre les Français et leurs services publics, les conflits de l'éducation nationale ou de l'hôpital public montrent à quel point les attentes sont importantes.

La sécurité et la justice figurent également au premier plan des préoccupations de nos concitoyens. Les classes surchargées, la violence dans les établissements scolaires suscitent inquiétudes et besoins. Les différences de niveaue ntre les établissements deviennent un phénomène inquiétant. L'objectif de vingt-cinq élèves par classe ne sera pas atteint sans un effort budgétaire relativement conséquent.

S'il est nécessaire de créer des postes, il faudra recruter d es fonctionnaires supplémentaires. La bien-pensance libérale qui fait du recrutement de fonctionnaires le mal absolu doit être combattue. Les récents mouvements des urgences parisiennes, des agents hospitaliers, des internes, des infirmiers anesthésistes sont une illustration des inquiétudes en matière de manque de personnels, de qualité des soins, et, dans certains cas, de manque de lits.

Comment nier, monsieur le ministre, qu'il existe des besoins quand, contrairement à ce qu'on croit souvent, des malades parisiens, faute de place, sont orientés vers des hôpitaux de province ? Quant à la justice et à la police, dans un pays qui possède aujourd'hui moins de juges qu'à la fin du

XIXe siècle et autant de policiers qu'en 1945, il est urgent de consentir des efforts substantiels. La sécurité dans les agglomérations, grâce à la police urbaine de proximité, et à l'accélération des procédures judiciaires par le déconges-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

tionnement de nombreuses cours constituent des objectifs primordiaux. Or c'est à l'Etat, et à nul autre, de faire face.

Etre moderne, enfin, être de son temps, ce n'est pas par principe vouer la dépense publique aux gémonies. La vraie modernité, consiste à assurer l'égalité effective du citoyen devant les services publics, à la restaurer là où les rouages sont parfois grippés. Cela signifie qu'il faut s'en donner les moyens.

Agir autrement serait surtout ne pas répondre à l'aspiration des Français en refusant de sentir et d'entendre ce que beaucoup souhaitent.

La vocation du Gouvernement actuel est de gouverner pour le plus grand nombre, non pour une minorité.

Voilà le défi de la prochaine loi de finances, mais je suis convaincu, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, que vous y parviendrez avec notre concours puisque, aujourd'hui, nous venons de vous délivrer des conseils. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le ministre, nous vivons une étrange époque ! Rarement les perspectives de croissance auront été aussi radieuses pour notre pays. Pourtant, rarement les perspectives budgétaires, que vous avez dévoilées cet après-midi, auront été aussi ternes.

Avec un taux de croissance annoncé de 3,6 %, n'était-il pas possible, en effet, de faire mieux que de maintenir un déficit aux alentours de 200 milliards de francs, de laisser filer les dépenses, de maintenir une pression fiscale inégalée, propice à confisquer la croissance à ceux qui, bien souvent, en sont les moteurs ? Durant la décennie 90, personne n'aurait osé parier sur un taux de croissance de 3 % et plus. Aujourd'hui, cela est une réalité et c'est une chance sans précédent pour notre économie. Depuis 1997, nous sommes effectivement entrés dans une phase de croissance forte, avec 3,2 % en 1998, 2,7 % en 1999, 3,6 % - quelques-uns disent même 4 % - en l'an 2000. Tout l'enjeu de ce débat d'orientation budgétaire pour 2001 est donc de savoir si notre pays est capable, comme les Etats-Unis, de tracer un sentier de croissance qui puisse lui éviter des fluctuations cycliques analogues à celles qui ont gravement secoué l'économie française au cours de la précédente décennie.

Néanmoins, chez nous, cette croissance est-elle autre chose qu'un rattrapage technologique sur les Etats-Unis ? Tout le monde semble découvrir aujourd'hui les attraits de la nouvelle économie, les vertus des start-up innovantes, le nouveau marché, la Républic alley du 11e arrondissement. Mais n'est-ce pas oublier que la folie Internet s'est déclarée outre-Atlantique dès 1993, et que nous avons, à cet égard, environ sept ans de retard ? Il reste à savoir si la croissance française tirée par les nouvelles technologies permettra, comme aux Etats-Unis, d'avoir neuf années de croissance ininterrompue et équilibrée, bouleversant toutes les prévisions et tous les arbitrages de la politique économique.

Le taux de croissance affiché par le Gouvernement pour 2001 ne se monte qu'à 3 % contre 3,6 % en 2000.

Pourquoi ce léger recul ? S'agit-il d'un principe de précaution appliqué aux finances publiques ou de la dissimulation d'une cagnotte 2001 ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Pourquoi pas la caverne d'Ali Baba !

M. Gilbert Gantier.

Prévoit-on un affadissement de la conjoncture ? En termes budgétaires, ces incertitudes dont vous nous faites l'aveu auraient dû conduire à plus de prudence, surtout quand on connaît la fragilité de nos finances publiques au regard de la conjoncture.

Pour juger des promesses actuelles, regardons un instant comment a fonctionné ce que je me permets d'appeler la méthode Jospin, qui entrera le mois prochain dans sa cinquième année d'application.

M. Jean-Louis Idiart.

Elle dure plus longtemps que l'aventure Madelin !

M. Gilbert Gantier.

Quel bilan de politique économique nous proposez-vous ? Il tient en quatre chiffres : 420 milliards de francs de prélèvements supplémentaires depuis 1997,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est malhonnête !

M. Gilbert Gantier.

... 200 milliards de déficit par an, un taux de chômage encore à deux chiffres et, cerise sur le gâteau, 105 milliards de francs de dépenses nouvelles pour faire fonctionner cet invraisemblable avatar qu'est l'invention des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Launay.

Il ne manque pas d'air !

M. Jean-Louis Idiart.

Vous êtes plus rigoureux, d'habitude !

M. Gilbert Gantier.

La politique économique du gouvernement Jospin se voulait conforme à ce que l'on appelle un triangle d'or : réduction des déficits, réduction des impôts, financement des priorités sociales. Beaux objectifs en vérité, mais qu'en a-t-il été ? Certes, vous avez réduit le déficit budgétaire de 0,3 point de PIB par an, ce qui fait au total, depuis 1997, une réduction de 1,7 point de PIB. Permettez-moi de souligner que cela n'a rien de glorieux quand on sait que la majorité précédente, que vous ne cessez de critiquer vous l'avez encore fait cet après-midi - monsieur le ministre,...

M. Jean-Louis Idiart.

C'est la nostalgie !

M. Gilbert Gantier.

... a réduit le déficit de 2,5 points de PIB depuis 1993, dans un contexte économique infiniment moins favorable, vous en conviendrez, que celui d'aujourd'hui.

En 2000, avec 206 milliards et en 2001, avec 195 milliards, vous avez fait le pari incroyable, monsieur le ministre, de maintenir le décifit à un niveau élevé alors que plusieurs de nos partenaires européens enregistrent, au contraire, un excédent.

M. Pierre Méhaignerie.

Exact !

M. Gilbert Gantier.

Il ne s'agit donc que d'une réduct ion homéopathique du déficit, et encore cela ne concerne-t-il que le déficit conjoncturel, celui que vous apporte la conjoncture sur un plateau, grâce aux recettes fiscales qui rentrent plus vite et de manière plus importante, grâce aussi à des taux d'intérêt particulièrement bas. Quid alors du déficit structurel de nos finances publiques, qui ne reçoit pas le moindre commencement de solution ? Incertitudes sur la croissance, réduction superficielle du déficit, le Gouvernement n'aura pas pratiqué une bonne et saine gestion des finances publiques, qui voudrait que


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les plus-values fiscales aillent à la réduction du déficit, notamment du déficit structurel, sans parler de l'énorme dette publique qui continuera à peser sur les générations à venir.

Il aurait fallu d'emblée s'attaquer à la réduction des dépenses. J'irai même jusqu'à dire, monsieur le ministre, que vous auriez doublement intérêt à ne pas laisser filer les dépenses, surtout si vous vous lancez dans la politique de baisse des prélèvements que vous annoncez. Laisser augmenter les dépenses et accorder des baisses d'impôt en fonction de cagnottes dégagées sur deux ou trois exercices, c'est aller à la catastrophe en cas de revirement de conjoncture. Or cela n'est, malheureusement, jamais à exclure.

Certes, il n'est pas facile de réduire, voire simplement de contenir, les dépenses. Les normes de progression que le Gouvernement avait annoncées étaient de 1 % en volume en 1999 et de 0 % cette année. En réalité, les dépenses ont augmenté de 2,8 % en 1999 et elles progresseront encore, selon toute vraisemblance, de 2 % en 2000. Il n'y a donc aucune maîtrise des dépenses. La Cour des comptes l'a d'ailleurs très clairement démontré.

Votre rapport souligne, monsieur le ministre, que le Gouvernement a laissé filer les dépenses lors du « trou d'air » de 1999 pour leur donner un rôle de stabilisation de la conjoncture. Toutefois, ce raisonnement keynésien un peu naïf, permettez-moi de le souligner, oublie de préciser que celles qui ont augmenté sont des dépenses passives effectuées sur le poste fonction publique, rigidifiant encore un peu plus la structure des dépenses. Ce ne sont pas des dépenses actives d'investissement ou de progrès économique.

L'impact des accords Zuccarelli dans la fonction publique et les diverses mesures de revalorisation des pensions et des traitements a accru de 2,5 % la part des dépenses de personnel dans le budget de l'Etat, laquelle est ainsi passée de 40 % à 42,2 %. Les dépenses de personnel ont à elles seules augmenté de 57 milliards de francs depuis 1997.

Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose de créer encore des postes dans la fonction publique, ce qui revient à imposer de nouvelles charges pour soixante ans, si l'on tient compte tant des traitements qui devront être versés que des charges de pensions quand les intéressés auront pris leur retraite.

On nous annonce ainsi la création de 2 800 emplois à l'éducation nationale et de 636 postes dans trois autres ministères jugés prioritaires. N'est-ce pas oublier un peu vite l'impact qu'auront les 35 heures dans toute la fonction publique en termes de baisse des gains de productivité et en termes d'emplois nouveaux, que les syndicats de la fonction publique réclament à cor et à cri ? Vous nous annoncez aussi, monsieur le ministre, que d'autres baisses d'impôts interviendront en 2001, mais vous omettez de citer les 420 milliards de francs de prélèvements supplémentaires intervenus depuis 1997, et le pic de 45,7 % du PIB atteint par les prélèvements obligatoires en 1999 qui révèle l'ampleur des augmentations d'impôts subies par les Français.

Vous nous promettez, certes, une baisse plus substantielle de l'impôt sur le revenu en 2001. Pourtant, le rapport du Gouvernement, s'il est très prolixe sur le bilan économique de la législature, est beaucoup plus discret sur le volet fiscal à venir. On baisserait, dit-on, le barème mais pas le taux marginal de 54 % ; il serait question de rendre la CSG progressive... Va-t-on encore duper les Français par des artifices comptables et des cagnottes inopinées, alors que 300 000 Français se sont expatriés pour des raisons fiscales...

M. Yann Galut.

N'importe quoi !

M. Jean-Louis Idiart.

Plus personne n'y croit ! Vous êtes les derniers à y croire !

M. Gilbert Gantier.

... et que de nombreuses start-up se créent outre-Manche au lieu de se créer en France où elles seraient, convenez-en avec moi, beaucoup mieux ? La stratégie de la cagnotte devait nous montrer que les recettes rentrent bien tout en évitant de lancer un quelconque débat sur leur affectation. Elle nous aura au contraire permis de constater que le Gouvernement dissimule une partie des comptes et qu'il a augmenté les impôts au lieu de les baisser.

Reste à savoir maintenant si la légère baisse du taux de croissance cache un ralentissement économique ou une potentielle cagnotte 2001.

En tout cas, le Gouvernement dispose de nombreuses cagnottes : valorisation des actifs France Télécom, vente aux enchères possible des licences des portables de troisième génération, soit des marges de manoeuvre situées entre 300 et 500 milliards de francs. Excusez du peu ! On comprend la discrétion du Gouvernement quand on passe des petites cagnottes à un tel pactole.

La situation économique française se caractérise par une croissance qui ne doit rien au Gouvernement, une réduction superficielle du déficit,...

M. Jean-Louis Idiart.

Il y a des sous partout !

M. Gilbert Gantier.

... un dérapage constant des dépenses, une baisse impressionniste des impôts...

M. Yann Galut.

Caricature !

M. Gilbert Gantier.

... et la dissimulation de certaines comptes. Le passif du Gouvernement est important et ses orientations budgétaires pour 2001 traduisent un immobilisme politique et financier complet.

M. Jean-Louis Idiart.

Il est submergé par l'argent !

M. Gilbert Gantier.

La gestion après coup des plusvalues fiscales nous a montré une stratégie chaotique et un gaspillage constant des fruits de la croissance.

Il convient de rappeler que gouverner c'est aussi prévoir. Ce n'est pas seulement, monsieur le ministre, communiquer.

Le groupe Démocratie libérale ne pourra donc souscrire aux orientations budgétaires du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Louis Idiart.

Une surprise et une déception !

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui nous conduit, comme toute discussion budgétaire, à fixer des priorités. Plusieurs sont incontournables ; elles ont été évoquées par différents collègues. L'emploi fait partie de celles-ci et je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur le devenir des emplois-jeunes.

Créé en 1997, le programme « Nouveaux services, nouveaux emplois » avait deux objectifs. D'une part, il avait pour but d'améliorer la qualité de la vie en aidant à


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l'émergence de services nouveaux socialement utiles.

D'autre part, pour satisfaire ces besoins, les emplois ainsi créés devaient permettre d'apporter une réponse au chômage des jeunes.

Le premier objectif a été atteint : le programme a effectivement permis de satisfaire des besoins en créant des emplois. Ces activités nouvelles interviennent dans des domaines variés, et jouent aujourd'hui un rôle essentiel au niveau de la cohésion sociale. Toutes les enquêtes réalisées à leur sujet indiquent un fort taux de satisfaction pour le service rendu.

Sur le second objectif - la réduction du chômage des jeunes - les appréciations sont plus nuancées et varient selon que l'on s'engage ou non dans la pérennisation de ces emplois. En effet, les mouvements sociaux organisés par les jeunes qui occupent ces emplois ont révélé l'ampleur du malaise qui existe chez eux, malaise qui trouve son origine dans plusieurs difficultés.

Le chiffre annoncé au début du dispositif prévoyait 3 50 000 emplois. Or nous comptons aujourd'hui 250 000 emplois-jeunes. Le dispositif s'essoufflerait-il face aux difficultés et aux incertitudes ? La question est posée.

Elle l'est d'autant plus que les difficultés vécues par les jeunes portent sur leur formation, sur le contenu de celle-ci, sur l'incertitude dans laquelle ils se retrouvent à l'issue du contrat et sur leurs droits en tant que salariés.

La formation pose deux types de problèmes. Le premier touche les jeunes ayant une formation initiale minimum et qui souhaitent améliorer leurs compétences. Le second intéresse plus les jeunes ayant une formation initiale très faible. Les premiers rencontrent des difficultés pour obtenir leur inscription dans les programmes de formation. Le manque de qualification des seconds les conduit et conduit la société à porter sur eux un jugement négatif. Souvent - trop souvent - ils n'osent pas solliciter une formation de peur de vivre un nouvel échec.

De plus, alors que toutes les régions ont un rôle prépondérant à jouer dans le financement des formations, certaines se montrent réticentes et attribuent très peu de crédits à ces jeunes.

Bien évidemment, l'incertitude qui pèse sur leurs perspectives d'avenir à l'issue de leur contrat est aussi un élément majeur de leur malaise.

Les porteurs de projets sont également inquiets sur le devenir de ces emplois, ce qui explique en partie leurs hésitations à embaucher.

Nous avons l'occasion, dans ce débat, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, de décider des orientations budgétaires susceptibles d'améliorer le dispositif. C'est dans cet état d'esprit que le groupe communiste a fait des propositions : il veut que le projet « nouveaux emplois, nouveaux services » soit une réussite complète.

Une question budgétaire majeure se pose tout d'abord.

L'effort financier fourni pendant cinq ans a permis de créer des services nouveaux qu'il serait inimaginable d'abandonner. Les employeurs associatifs ont consenti un gros effort dans le cadre de ce programme. Les emploisjeunes sont devenus indispensables au bon fonctionnement des associations, mais peu d'entre elles auront les moyens de prendre en charge les salaires après la clôture de l'aide de l'Etat. Les collectivités locales risquent de se trouver confrontées au même problème : elles se verraient en effet contraintes d'abandonner ces nouvelles activités si a ucun moyen financier ne leur est alloué. Nous proposons donc que la question des moyens financiers nécessaires au maintien des activités nouvelles soit abordée et trouve une réponse positive.

L'effort entrepris pour la formation des jeunes doit être poursuivi et amélioré. Il serait bien notamment d'inviter les préfets à intervenir auprès des exécutifs régionaux pour que ceux-ci prennent réellement en compte la formation des emplois-jeunes.

Pour conclure, monsieur le ministre, nous savons tous que les emplois-jeunes sont une chance pour la société tout entière et pour les jeunes eux-mêmes. Il nous faut donc, dès aujourd'hui, préparer l'avenir en réfléchissant à la mise en place de mesures législatives relais afin de faire reculer durablement le chômage des jeunes. C'est un souci permanent du groupe communiste, qui est partagé par votre majorité...

M. Christian Cabal.

Par tout le monde !

M. Patrick Malavieille.

... et par le Gouvernement.

M. Alain Bocquet.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le ministre, plusieurs des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune vous ont remercié pour le ton du discours que vous avez prononcé.

Je souhaite m'associer à ces remerciements et vous dire, après M. Méhaignerie, que notre intention n'est pas de vous faire un quelconque procès d'intention, mais plutôt de voir si vous nous avez apporté toutes les réponses que l'on était en droit d'attendre.

Je vous ai entendu parler, monsieur le ministre, de croissance, de constance et de transparence. En ce qui concerne la transparence, que plusieurs des collègues qui ont pris la parole avant moi ont évoquée, nous pensons qu'elle est aujourd'hui indispensable. Le président de l'Assemblée nationale que vous avez été y était, comme vous l'avez rappelé, particulièrement attaché.

Nous ne doutons pas a priori de la mise en application des douze points que vous avez cités. Mais, pour être franc avec vous, j'ai été un peu surpris par la façon dont vous avez balayé le rapport préliminaire de la Cour des comptes. Je n'y reviendrai pas, car cela a été évoqué longuement par plusieurs de mes collègues, mais je souhaite, si vous m'y autorisez, monsieur le ministre, insister sur l'aspect dépenses de ce rapport.

On y découvre en effet - et vous l'avez également noté - que les dépenses de l'Etat ont progressé en 1999 beaucoup plus sensiblement que prévu. Les charges nettes du budget de l'Etat ont en effet augmenté de 2,8 % en volume, contre 1 % comme il avait été programmé.

Donc, le fait, monsieur le ministre, de se référer à ce rapport, ne procède pas, vous en conviendrez, du procès d'intention. Il constitue simplement une référence, une référence qui nous permet sur un sujet important, puisque vous avez fait de la maîtrise de la dépense publique un axe fort de votre politique, de dire que les objectifs n'ont pas été atteints.

La première question que je voudrais poser est la suivante : peut-on considérer que, dans ce débat d'orientation budgétaire, vous nous donnez les garanties que le prochain budget sera mieux à même d'atteindre vos objectifs que l'ancien ? Vous avez indiqué dans votre discours que l'évolution de 0,33 % par an des dépenses de l'Etat affichée dans le plan triennal est l'objet de débat, ceux qui disent : « c'est trop » s'opposant à ceux qui sont d'avis que c'est trop peu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que ce n'est pas la bonne question à se poser. Le fond du problème est de savoir si, oui ou non, c'est crédible.

Est-ce qu'avec une évolution des dépenses de l'Etat de 0,33 %, on peut considérer que vous avez une chance de tenir les engagements que vous avez pris et d'atteindre les objectifs que vous vous assignez ? Je donnerai un exemple - un seul, faute de temps ! qui me paraît démontrer l'inverse : il s'agit de la fonction publique.

Un député du groupe socialiste.

Vous n'en donnez qu'un parce qu'il n'y en a pas d'autre !

M. Georges Tron.

Celui-là est bien suffisant, mon cher collègue ! S'il fallait vraiment en donner un autre, je prendrais le temps de le faire ! En ce qui concerne la fonction publique, le rapport préliminaire de la Cour des comptes nous démontre de la façon la plus claire qui soit que le ralentissement de la progression des dépenses du titre III - laquelle a été de 2,1 % en 1999 contre 2,9 % en moyenne entre 1995 et 1999 - n'est dû en réalité qu'à un changement de périmètre qui concerne les subventions de fonctionnement. Cela signifie qu'en réalité - c'est la Cour des comptes qui le dit, pas moi - il n'y a pas de ralentissement de ces dépenses.

Je voudrais vous poser plus précisément quelques questions concernant la fonction publique.

Le rapport de la Cour des comptes montre que, parmi les dépenses de l'Etat, ce sont celles de la fonction publique qui augmentent le plus. M. Migaud a d'ailleurs lui-même, dans les différents rapports qu'il a rédigés, mis ce fait en lumière. Il est en particulier très clairement établi dans le rapport qu'il a présenté sur le budget 1999.

Or, sauf erreur de ma part, je n'ai rien entendu, dans le débat d'orientation budgétaire, qui nous permette de savoir à quoi nous en tenir sur ces dépenses.

Je me référerai à deux dossiers qui sont loin d'être négligeables.

Premier dossier : le projet de décret sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique d'Etat a été transmis aux syndicats le 9 mai dernier. Y aura-t-il des incidences financières ? Il n'y a pas eu un mot dans le débat d'orientation budgétaire sur ce sujet.

Second exemple : la résorption de la précarité dans la fonction publique est une priorité du Gouvernement. Elle a encore tout récemment été affirmée comme telle par M. Sapin, qui en a profité pour critiquer ce qu'avait fait Dominique Perben avant lui. Elle concerne approximativement 150 000 personnes. Y aura-t-il des conséquences financières ? Question incidente que je pose après le collègue qui vient de me précéder à cette tribune : qu'en sera-t-il exactement des 80 000 emplois-jeunes ? Il n'y a pas eu un mot dans le rapport d'orientation budgétaire sur le sujet.

Enfin, le rapport de MM. Tenzer et Cieutat indique que, d'ici à 2012, entre 45 % et 50 % des fonctionnaires de l'Etat quitteront la fonction publique. Cela fournit au Gouvernement une occasion unique à la fois de réformer l'Etat et de régler, en partie tout au moins, le problème des retraites.

Ce que je souhaiterais savoir monsieur le ministre, - et je le dis, là encore, sans vouloir faire de procès d'intention - c'est si le Gouvernement a une autre réponse à nous apporter sur le sujet que celle qu'il nous fait habituellement, à savoir que l'opposition ne cesse de demander une réduction plus importante des postes budgétaires, mais réclame en même temps un accroissement des effectifs de policiers et de fonctionnaires. M. Barrot vous a interrogé avant moi sur ce sujet. Comme M. Michel Bouvard l'a rappelé tout à l'heure, nous faisons partie de ceux qui ont été sensibles aux orientations définies par la MEC, la mission d'évolution et de contrôle, et qui ont écouté avec attention le discours du Gouvernement sur les redéploiements possibles dans la fonction publique. Je serais heureux de vous entendre, monsieur le ministre, à ce sujet. Je le répète, alors que tout le monde convient que les dépenses de la fonction publique figurent parmi les dépenses les plus importantes de l'Etat, je suis surpris qu'il n'y ait rien de précisé à ce sujet dans un rapport d'orientation budgétaire.

Monsieur le ministre, je vous demande de nous faire l'honneur d'une réponse qui ne soit pas politique sur ce sujet. L'opposition a du respect pour les fonctionnaires et pour la tâche qu'ils accomplissent. Cela ne l'empêche pas de s'interroger sur une réforme de l'Etat fondée, selon vos propres dires et selon vos propres écrits, sur des gains de productivité, réforme qui semble, malgré tout, de plus en plus orientée vers une nouvelle embauche de fonctionnaires.

L'un des engagements contenus dans le plan triennal qui a été transmis à la commission européenne le 8 mars dernier est la non-embauche de fonctionnaires dans les prochaines années. J'ai interrogé il y a quelques jours M. Sapin à ce sujet. Il m'a répondu que le Gouvernement tiendrait ses engagements à l'égard de l'Europe. Le soir même, Matignon publiait un communiqué dans lequel il était indiqué que la non-embauche de nouveaux fonctionnaires n'était pas un dogme.

Monsieur le ministre, ma question n'est ni polémique ni dilatoire, mais le Gouvernement a-t-il, oui ou non, une politique définie concernant la fonction publique ? Si la réponse est oui, peut-on savoir laquelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac.

Comme vous l'avez souligné dans votre déclaration introductive, monsieur le ministre, le débat d'orientation budgétaire pour 2001 se situe dans un contexte économique inédit. En effet, cela faisait longtemps que nous n'avions connu - et d'ailleurs certains d'entre nous n'en avaient jamais connu de semblable - une situation comme celle qui s'ouvre à nous. Elle se caractérise par une forte croissance de l'économie mondiale ; des taux d'intérêt relativement faibles ; une inflation maîtrisée ; une confiance retrouvée en France. Les consommateurs ont bénéficié des politiques mises en oeuvre, qui ont contribué à doper notre croissance intérieure. La lutte pour l'emploi porte ses fruits. La situation budgétaire s'améliore puisque les déficits publics sont inférieurs à 3 % du PIB. Des marges ont été retrouvées qui attisent tous les espoirs après de longues années de vaches maigres.

J'articulerai mon propos autour de deux points : la nécessité de bien comprendre ce qui se passe pour prendre les bonnes décisions et la situation du déficit.

Nous devons bien comprendre ce qui se passe pour prendre les bonnes décisions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Nous devons avoir une meilleure efficacité dans la prévision de nos ressources fiscales et une meilleure lisibilité de nos comptes. A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, pour les engagements que vous avez pris cet après-midi.

Si nous constatons des améliorations sur certains points - comme une meilleure présentation du compte général de l'administration des finances avec un début d'approche patrimoniale, comme les conclusions des travaux de la m ission d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques effectués par la commission des finances - nous devons aller plus loin et profiter de la présidence française de l'Union européenne pour clarifier le débat et comparer ce qui est comparable.

En effet, au-delà de l'harmonisation des politiques fiscales, nous devrions définir ce que recouvrent réellement les termes « prélèvements obligatoires ». S'agissant de l'impôt sur le revenu, le taux marginal, et même le barême, doivent être précisés pour établir des comparaisons pertinentes entre les différents Etats.

Il en va de même pour les dépenses publiques. La définition des dépenses d'éducation est à cet égard révélatrice : ici, elles recouvrent également les établissements scolaires privés sous contrat financés par l'Etat : là, le financement privé est en totalité à la charge des familles.

Enfin, sur la conséquence qu'a un niveau encore élevé du déficit, on entend déjà certains mettre en avant que sept des quinze pays de l'Union européenne dégagent désormais un excédent budgétaire.

Si nous n'y prenons pas garde, la situation spécifique française apparaîtra bientôt, si des explications ne sont pas fournies et des comparaisons objectives établies, comme inacceptable aux yeux de nos concitoyens.

J'en viens à mon second point : le déficit budgétaire.

Il est souhaitable, comme le Gouvernement s'y est engagé en présentant le programme pluriannuel de finances publiques 2001-2003, de poursuivre la baisse du déficit.

Des efforts importants ont été fournis par la France.

Le déficit public a été divisé par deux et le solde primaire positif enregistré depuis 1997 doit être rendu durablement croissant. Cela passe par la poursuite d'une gestion dynamique de notre dette grâce à la mise en place de MTS France, la plate-forme de négociation électronique sur la dette française. Une meilleure information du Parlement me paraît nécessaire.

Par ailleurs, la charge de la dette doit continuer à reculer pour nous permettre de retrouver des marges budgétaires, la sensibilité de la charge de la dette à la remontée des taux d'intérêt étant encore trop forte.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si le programme de financement, arrêté pour 2000, subira de grandes modifications ? Il conviendra de tenir compte de la réduction du besoin de financement de l'Etat. Les disponibilités dégagées sur le marché de l'argent qui vont actuellement au financement de l'Etat pourraient non seulement profiter aux entreprises mais également assurer le financement de grands travaux indispensables pour l'équipement de notre territoire.

Permettez-moi, enfin, de dire quelques mots sur la dette des pays les plus pauvres. Je crois que nous devons faire pour eux un large effort de remise de dette. Je ne suis pas sûr que le FMI ait toujours favorisé, par sa politique économique, la croissance.

M. Yann Galut.

En effet !

M. Thierry Carcenac.

En conclusion, vous l'avez bien compris, je ne suis pas fermement attaché à une baisse des impôts pour une baisse des impôts. Je crois plus en une diminution de la dette publique en période de croissance, afin d'assurer de meilleurs lendemains car nous a urons à financer des dépenses socialement utiles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, je limiterai mon propos aux orientations fiscales pour le prochain budget.

On ne saurait, à cet égard, limiter le débat fiscal à un arbitrage entre la baisse généralisée des impôts et l'accélé ration de la réduction des déficits publics voulue par la Commission européenne avec comme seule perspective la réduction des dépenses publiques dans le but de baisser des prélèvements obligatoires devenus « insupportables ».

La droite et le MEDEF n'ont de cesse, vous le savez bien, de réclamer toujours plus de baisse d'impôts et de cotisations patronales.

Nous réaffirmons, quant à nous, le caractère républicain, citoyen de l'impôt, mais un impôt juste, équitable et progressif. A cette fin, il faut réduire le poids des impôts qui frappent de façon égale, et donc injuste, le chômeur ou le smicard et le milliardaire.

On ne peut affirmer à la fois la nécessité de développer des services publics de qualité ou prôner la redistribution des fruits de la croissance et s'inscrire dans le dogme d'une réduction à tout prix des prélèvements fiscaux et sociaux.

La croissance passe par le soutien à la consommation populaire. Il faut donc se donner les moyens d'augmenter les minima sociaux et les salaires, d'augmenter sensiblement le SMIC. Nous proposons de l'augmenter de 6 % au mois de juillet - comme il est de tradition.

Cela est d'autant plus justifié que la part des salaires, monsieur le ministre, dans la valeur ajoutée n'a cessé de décroître ces dernières années. Elle représentait, je le rap pelle, 71,7 % en 1980 et est passée à 60,3 % en 1995, à 59,1 % en 1997 et à 58,8 % en 1998.

Si l'augmentation des salaires s'est établie à 2 % en 1997, à 1,8 % en 1998 et 1,9 % en 1999, celle des revenus financiers, sous-imposés, a atteint - je ne vous l'apprends pas - 7,4 % en 1998 et 8,32 % en 1999. La bourse - n'en parlons pas ! - a fait un bond de 52 %. Nous ne pouvons rester inertes non plus devant la progression sans précédent de la valeur des gros patrimoines, alors que le nombre de nos concitoyens bénéficiaires du RMI continue, malheureusement, à augmenter. Il faut faire jouer la solidarité et donc améliorer le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune, en intégrant, dans son assiette, les biens professionnels pour prendre en compte, justement, la manière dont se constituent aujourd'hui ces patrimoines.

Il convient aussi de rééquilibrer fiscalité directe et fiscalité sur la consommation : poursuite des baisses ciblées de TVA et retour au taux normal de 18,6 % qui mériterait d'ailleurs d'être abaissé au plancher de 15 % prévu par la d irective européenne. Il faut revoir la fiscalité sur l'essence, qui, en outre, est excessive.

Les baisses d'impôts doivent s'inscrire dans un souci de j ustice sociale et d'efficacité pour l'emploi et être compensées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Améliorer la situation des salariés moyens ne passe pas par l'abaissement de la plus haute tranche du barème ni par la suppression des 20 %, mais par la refonte du barème, la création de nouvelles tranches et l'aménagement de dispositions comme l'avoir fiscal, qui permettent à 109 044 foyers fiscaux d'être non imposables alors qu'ils déclarent des revenus supérieurs à 150 000 francs.

Dans le même esprit, il faut introduire la progressivité dans le calcul de la CSG.

La fiscalité locale pèse d'un poids excessif sur les ménages modestes. Il faut donc revoir le mode de calcul de la taxe d'habitation, qui ne tient, pour ainsi dire, pas compte du niveau des revenus et introduire le principe du dégrèvement pour le foncier bâti.

Priorité doit être donnée à une réelle imposition des revenus financiers des entreprises. Il est possible de dégager des ressources nouvelles pour le budget de l'Etat et de la sécurité sociale en faisant contribuer les revenus des placements des entreprises et des banques au même taux que les salaires.

L'an dernier, sur notre proposition, l'Assemblée a décidé de limiter l'avoir fiscal des sociétés. La commission des finances a justifié cette mesure par la nécessité d'inciter les entreprises à « prioriser » la production de richesse et l'emploi et non les placements financiers.

Il faut poursuivre dans cette voie. Une réforme de l'impôt sur les sociétés, visant à taxer de manière différente les résultats d'exploitation et les résultats financiers contribuerait à cet objectif. De même, la prise en compte d'une fraction, au moins, des actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle, à un taux de 0,3 %, rapporterait quelque 60 milliards aux collectivités locales.

L'insuffisance de main-d'oeuvre qualifiée, qui est apparue au cours des derniers mois dans plusieurs secteurs d'activités, souligne l'enjeu : pouvoir dépenser plus et mieux pour la formation générale et continue, ce qui renvoie au budget mais aussi à une réforme de la formation professionnelle permettant de développer l'effort mutualisé des entreprises.

Enfin, il faut mobiliser la création monétaire et le crédit en faveur de l'emploi, ce qui suppose la pénalisation des mouvements spéculatifs de capitaux, par le biais de la taxe Tobin ou de toute autre mesure relative aux mouvements de capitaux à long terme.

Monsieur le ministre, concrétiser l'objectif de plein emploi que s'est donné la majorité plurielle, faire reculer les inégalités, répondre à l'attente de nos concitoyens, conforter l'activité alors que des menaces se profilent avec la remontée des taux d'intérêt, qui mettent d'ailleurs dès aujourd'hui en cause les hypothèses de croissance optimistes du rapport, implique de mobiliser beaucoup plus efficacement le budget et l'ensemble des leviers de l'action publique.

C'est dire l'urgence d'une réforme réellement structurelle de la fiscalité propre à améliorer le rendement et l'efficacité économique et sociale des prélèvements.

Nous souhaitons que la préparation de la loi de finances pour 2001 intègre à cette exigence et que l'ensemble des formations de la majorité soient associées à ce grand chantier plus que jamais d'actualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, nous avons la confirmation que le c ontexte a changé. Désormais, la croissance est durablement installée dans notre pays. Elle a provoqué un changement d'état d'esprit dans le pays, un changement révélé avec éclat par les mouvements sociaux.

En effet, après vingt ans d'offensives libérales, durant lesquelles la seule perspective pour les couches populaires et les salariés était de limiter l'ampleur des reculs qu'elles devaient consentir dans leurs droits et dans la qualité des services publics, nous sommes désormais entrés dans une nouvelle donne dans laquelle ceux-là mêmes qui avaient subi de plein fouet les politiques libérales ont aujourd'hui la capacité d'exiger l'application de politiques en rupture avec la logique libérale.

Ils formulent cette exigence dans la sphère du travail, comme le montrent les multiples conflits portant sur l'application des 35 heures et, en ce moment, celui, justifié, des convoyeurs de fonds. Ils la formulent également à un niveau qui concerne directement ce débat d'orientation budgétaire, celui des services publics.

En effet, l'essentiel des mouvements sociaux que nous a vons connus récemment exprimaient une exigence commune : le renforcement de la qualité des services publics. Cette exigence n'était pas celle de fonctionnaires corporatistes mais celle de l'ensemble d'une société attachée au modèle républicain et à ses acquis sociaux.

Pourquoi une telle exigence ? Parce que tout le monde a compris que la croissance ne règle pas tous les problèmes et que les fruits de la croissance ne vont pas forcément à ceux qui avaient le plus souffert de la période de crise.

Faut-il rappeler que les services publics sont essentiels dans le processus de redistribution des richesses, ainsi que pour garantir un accès égal de tous à la citoyenneté et à la promotion sociale ? De ce fait, notre priorité budgétaire doit aller au renforcement et à la modernisation des services publics. Mais il ne faut pas se leurrer : on ne pourra le faire si les priorités vont à la baisse des impôts et des déficits. Car il n'est pas exact de dire qu'on peut réduire le poids de la dépense publique tout en améliorant la qualité des services publics. Les mobilisations sociales des dernières semaines ont montré l'appréciation que portait la population sur ces réformes à moyens constants.

Il est cependant légitime de se demander si la baisse des impôts et des déficits constitue une bonne politique.

Notre priorité doit-elle être la baisse des impôts ? Nous sommes nombreux à nous poser la question. Pour moi, elle ne peut être l'horizon des socialistes, pour qui ce doit être la réduction des inégalités.

Certes, il est important de réformer les impôts, mais à deux conditions : d'abord, il faut le faire sans sacrifier le financement des dépenses publiques ; ensuite, il faut mener la réforme des impôts avec le souci républicain de la recherche d'une plus grande justice sociale. Cette dernière doit se traduire par le renforcement de la progressivité de l'imposition. A cet égard, nos priorités devraient aller à de nouveaux allégements de TVA, par exemple sur la restauration ou encore sur tous les produits culturels, et non pas à une baisse de l'impôt sur le revenu. Personnellement, je ne peux me féliciter que des ménages de plus en plus nombreux en soient exonérés.

En effet, on ne peut pas prétendre oeuvrer à une plus grande justice fiscale si les outils dont nous disposons pour y aboutir se trouvent progressivement abandonnés.

Il serait, par ailleurs, paradoxal qu'à une époque de retour à la croissance, laquelle ne profite pas spontanément à tous, notre système fiscal ne soit pas aménagé en faveur des plus démunis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Faut-il baisser les déficits ? Je dis encore non car, en l'espèce, cela entraînerait une croissance très ralentie de la dépense publique, qui est incompatible avec le financement d'un plan de modernisation et de renforcement des services publics, voulus par la majorité de nos concitoyens.

Mes positions ne relèvent pas d'un quelconque « dogmatisme dépensier ». Je vous surprendrais même peut-être en vous disant que les objectifs de baisse des impôts et des déficits publics ne sont pas critiquables en euxmêmes. Mais, à l'issue de vingt ans d'offensives libérales, il y a un autre déficit que celui des finances publiques à combler : le déficit social auquel ont abouti les politiques de déréglementation et le recul de la sphère d'intervention de l'Etat.

Nous pouvons constater quotidiennement les conséquences néfastes sur la population de l'abandon des services publics. Moins de transports en commun, c'est moins de capacités à vivre, à se divertir et à travailler.

Une école avec des moyens insuffisants, c'est moins de chances de promotion sociale. Des structures de travail social financièrement fragilisées, c'est moins de prévention et davantage de violence.

Il est d'autant plus urgent de remédier à ces situations que les déséquilibres sociaux se sont concentrés dans des zones qui, de ce fait, se sont progressivement transformées en ghettos ou en déserts ruraux. Casser ces ghettos et revitaliser nos campagnes nécessite de renforcer et de moderniser les services publics. Et je le dis sans hésiter : une telle politique ne pourra se faire à moyens constants.

Avant d'évoquer la baisse des impôts et des déficits, il faut apurer le déficit social que nous avons accumulé. Tel doit être l'objectif d'une politique de gauche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Tout d'abord, je voudrais souligner, monsieur le ministre, l'intérêt que les députés portent à cette séance consacrée au débat d'orientation budgétaire pour 2001.

Dans un contexte économique et social en pleine évolution, le projet de budget 2001 pourrait apparaître comme étant un document facile à bâtir. Ce projet, en effet, se situe dans une conjoncture économique et sociale favorable, on l'a rappelé tout au long de la soirée - même l'opposition - puisqu'il bénéficie de la reprise économique et de la croissance retrouvée, ainsi que des mesures prises par le Gouvernement depuis 1997 pour lutter contre le chômage et les inégalités, ainsi que pour relancer la consommation, mesures qui ont incontestablement porté leurs fruits : reprise de l'emploi, accroissement de l'activité des entreprises artisanales, PME-PMI.

Tous les indicateurs économiques et sociaux sont dans le vert à partir des hypothèses plausibles pour 2001, sauf si, comme vous le précisez, monsieur le ministre, un krach boursier, qui pourrait naître dans le monde, aux

Etats-Unis par exemple, ne vient pas perturber les économies occidentales. Une croissance soutenue à 3 % et une inflation maîtrisée à environ 0,9 % sont gages à coup sûr, pour l'année 2001, de créations d'emplois en sus de ceux engendrés par les 35 heures et, au minimum, du maintien du pouvoir d'achat pour les revenus les plus faibles et les revenus moyens.

Le projet de loi de finances pour 2001 devra s'assigner plusieurs objectifs, outre ceux, bien sûr, d'assurer le bon f onctionnement des services publics et de garantir l'application des contrats souscrits avec les collectivités, les contrats de plan Etat-régions. Il faudra poursuivre la lutte implacable contre le chômage, assurer la charge de la dette, qui reste très élevée, environ 230 milliards, ce qui correspond aux deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu. Il faudra soutenir l'économie en maintenant, et même en amplifiant la consommation des ménages, réduire encore les inégalités en aidant les plus défavorisés à profiter du train de la reprise, tenir les engagements pris sur les réductions d'impôts, en particulier celles engagées en 2000, d'abord dans la loi de finances initiale, pour 40 milliards de francs, puis dans le collectif que vous nous présenterez demain, pour 40,6 milliards. Enfin, il faudra amplifier la baisse de la taxe professionnelle qui s'étale sur cinq ans à partir de 1999 et qui doit, à terme, réduire cet impôt à près du tiers, au bénéfice des entreprises et donc de l'emploi.

Au chapitre des baisses d'impôts, il faut noter l'effort important accompli par l'Etat pour alléger l'impôt local pour les contribuables.

Non seulement l'Etat baisse ses impôts - la TVA par des mesures ciblées et par une baisse générale d'un point, l'impôt sur le revenu en baissant de 1 % les deux premières tranches, ce qui n'est pas sans susciter des interrogations car 650 000 nouveaux ménages seront ainsi exonérés de cet impôt qui est le plus équitable - mais il s'attache aussi à alléger l'impôt souvent injuste, comme la taxe d'habitation, ou cet impôt anti-économique qu'est la taxe professionnelle.

Il s'agit là d'un transfert dans la prise en charge des dépenses des collectivités locales à un niveau jamais atteint dans le passé.

Je ne citerai qu'un exemple. Sur 70 milliards provenant de la taxe d'habitation perçus par les communes, les départements et les régions, l'Etat, en 2001, paiera 11 milliards, soit plus de 15 %, en plus des compensations existantes qui représentent 15 milliards, soit 20 % de la totalité du produit de cet impôt.

L'argument des élus locaux, de droite en particulier, et plus spécialement des élus régionaux - on les comprend qui se plaignent de la perte d'autonomie financière, pèse bien peu, me semble-t-il, à côté du soulagement apporté aux contribuables et m'apparaît comme une diversion, d'autant que, pour les prochaines années, le Gouvernement a pris l'engagement que ces compensations évolueraient au rythme de la DGF.

Enfin, ce budget 2001 doit prévoir aussi une réduction du déficit budgétaire. En effet, avec 4 300 milliards de francs, la dette publique, qui avait formidablement augmenté en 1993-1996 - 1 000 milliards à l'époque, contre 600 milliards entre 1996 et 1999 - réduit beaucoup la marge des actions volontaristes du Gouvernement.

Dans ces conditions, et en se rappelant que le déficit budgétaire annuel est de plus de 200 milliards, bien que diminué de 90 milliards par rapport à 1997, a-t-on le droit de parler de cagnotte en cette année 2000, comme le fait l'opposition ? Ne devrait-on pas plus simplement parler de plus-value fiscale due à la bonne santé de l'économie ? En dehors des objectifs définis et rappelés pour 2001, n'est-il pas souhaitable, en période de croissance, d'alléger le fardeau de la dette, afin que demain, si la conjoncture se retournait, le déficit de rentrées fiscales puisse être neutralisé par une baisse concomitante du service de la dette et que l'on puisse ainsi maintenir les potentialités budgétaires ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

Monsieur le ministre, assurer le présent, continuer à redonner au plus grand nombre de nos concitoyens au chômage emploi et dignité, rechercher la meilleure équité sociale, inscrire la politique économique et sociale de la France dans la grande aventure européenne, préparer l'avenir en maîtrisant la dépense publique et en réduisant les déficits, c'est ce que j'ai relevé dans vos propositions.

Je peux donc vous assurer de ma pleine adhésion et de celle de mon groupe, le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Bapt, dernier orateur inscrit.

M. Gérard Bapt.

A cette heure tardive, madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, étant le dernier orateur inscrit, je me contenterai de quelques propos et de quelques considérations sur l'emploi.

De nombreux orateurs avant moi ont souligné le fait que la France était devenue désormais la championne européenne de la croissance, avec un taux espéré largement supérieur à 3 % en l'an 2000 et en l'an 2001, et son incidence positive sur le taux de chômage. On peut espérer qu'à la fin de l'an 2001, il sera désormais à moins de 8 % des actifs avec la création d'un million d'emplois sur les deux ans.

Mon adhésion pleine et entière, monsieur le ministre, exprimant par ailleurs l'entier soutien à votre politique économique et budgétaire du groupe socialiste à cette politique, m'amène néanmoins à formuler une interrogation et une préoccupation.

Je m'interroge tout d'abord sur le problème ponctuel, particulier certes, du niveau de la TVA sur la restauration, secteur concerné par cinq régimes, de 0 à 20,60 %. Le Conseil d'Etat vient d'indiquer que le Gouvernement devrait dans les mois prochains mettre de l'ordre dans le domaine complexe de la TVA, notamment sur la restauration collective, la restauration parallèle et la restauration rapide. J'ai bien entendu ce que vous avez dit sur l'incidence sur le budget de la diminution d'un point du taux maximal de la TVA que vous nous proposez ainsi que des réductions ciblées déjà opérées au cours des deux années précédentes. Néanmoins, ne serait-il pas possible, en fixant un taux intermédiaire, et donc à coût quasiment nul, de régler enfin ce problème sensible pour une profession qui, par ailleurs, a pris des engagements forts sur le respect des prix et l'emploi ?

M. Michel Bouvard.

Votez nos amendements demain !

M. Gérard Bapt.

La préoccupation concerne ce que vous nous avez dit à propos de l'évolution du budget de l'emploi.

L'emploi, vous l'avez affirmé fortement, est toujours la préoccupation centrale de votre politique économique.

L'évolution budgétaire tiendrait compte des succès déjà enregistrés dans la lutte contre le chômage. Il faut toujours, néanmoins, tenir compte de la montée en charge des programmes importants que sont les emplois-jeunes, les nouveaux CEC - contrat emploi consolidé - ou le programme TRACE découlant de la loi de lutte contre les exclusions.

Il faut aussi - cela fait partie de la réforme de l'Etat adapter les politiques publiques de l'emploi à la nouvelle donne territoriale. A cet égard, il est bien clair que les crédits de promotion de l'emploi - en diminution ou en stagnation ces dernières années -, qui permettent aux administrations décentralisées de l'Etat d'adapter les politiques à la nouvelle donne territoriale et d'individualiser les engagements selon les types de publics concernés, bassin par bassin, sont un enjeu majeur dans les temps qui viennent.

Voilà pourquoi, en tant que rapporteur du budget du travail et de l'emploi, j'ai souhaité exprimer cette préoccupation budgétaire pour l'année 2001, qui va, je pense, dans le sens des préoccupations unanimes à la majorité plurielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alain Bocquet.

Bien parlé !

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mesdames, messieurs les députés -

« chers collègues », allais-je dire compte tenu des longs moments que nous avons passés ensemble (Sourires) -, je voudrais d'abord remercier toutes celles et tous ceux qui sont intervenus, remercier aussi, et ce n'est pas ironique, ceux qui ne sont pas intervenus et qui auraient pu le faire. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions et pour le climat qui a présidé à nos travaux.

C'est, je crois, celui qui règne habituellement lors de travaux budgétaires et je l'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir cet après-midi et ce soir.

La façon la plus adéquate, me semble-t-il, de procéder est de reprendre les interventions et je vous prie de bien vouloir m'excuser si je ne peux pas accorder à chacune tout le temps qu'elle mériterait, d'abord parce qu'il y a des répétitions, ce qui est bien normal, et ensuite parce qu'il ne faut pas, je pense, que la séance aille au-delà de trois heures du matin. (Sourires.)

M. le rapporteur général, dans un propos extrêmement charpenté, comme il en a l'habitude, a analysé ce projet d'orientation budgétaire, et je ne peux dissimuler que son approbation, pour ne pas constituer une immense surprise, a été un très grand encouragement pour Mme Parly comme pour moi-même.

J'ai voulu commencer par le rapporteur général parce que la chronologie des interventions et les usages de votre assemblée m'y invitaient, parce que je veux saluer la très grande qualité de son travail, d'ailleurs saluée par vous tous, qui, comme d'habitude, éclaire et enrichit le débat et parce qu'il a dressé la liste d'un certain nombre de priorités qui, mises bout à bout, constituent en fait la ligne du projet de cette majorité sur le plan budgétaire et fiscal.

Vous avez souligné, monsieur Migaud, qu'il s'agissait de vouloir l'efficacité du service public et la réforme de l'Etat, non pour les faire disparaître, mais pour les sauvegarder car ils sont synonymes de solidarité et de modernité. Les faire évoluer, les évaluer, avez-vous dit, c'est les faire progresser. On ne peut pas mieux dire et je pense que cette analyse est reprise et partagée sur de nombreux bancs.

Vous nous avez expliqué ensuite qu'il s'agissait de maîtriser les dépenses, non pour rogner, réduire ou délaisser mais pour financer nos priorités - éducation, environnement, justice, sécurité - car il faut des professeurs, des policiers, des infirmiers, et vous avez souligné la contradiction, nous la connaissons tous, qui existe souvent dans les propos des uns ou des autres qui considèrent au plan national qu'il y a trop de ceci ou de cela et qui en réclament davantage sur le plan local.

M. Pierre Méhaignerie.

C'est facile !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ne prenez pas nécessairement cela pour vous, mon cher collègue.

Vous avez également souligné, monsieur Migaud, la nécessité de réduire les déficits car, autant en période de crise, ils peuvent être légitimes ou compréhensibles, autant dans une phase d'expansion, la plus longue et la plus forte que nous ayons connue depuis très longtemps, il faut les réduire.

Vous avez rappelé que nous avions hérité d'un déficit de 3,5 %, hors la fameuse soulte de France Télécom, et que nous étions sur une tendance qui nous fait respecter l'objectif de 0,3 % pour l'année 2003. Je vous confirme que nous travaillons dans cette direction, que nous utilisons la croissance pour la renforcer.

A la différence de quelques autres orateurs, y compris d'ailleurs des membres du groupe socialiste, vous avez souligné à quel point il vous paraissait nécessaire de baisser les impôts. Ni vous ni moi ne considérons que c'est un horizon dépassable ou indépassable du socialisme. Il ne s'agit absolument pas de ça, et je ne suggère pas qu'on recrée l'une des figures principales des joutes politiques, le loup-garou. Evidemment, c'est toujours facile d'en mettre un en face de soi. Cela permet à l'autre de se transformer tout d'un coup en un chevalier à la noble figure. Personne, en tout cas à ma connaissance, n'a dit, pensé, écrit, proposé de considérer que la baisse des impôts était l'horizon indépassable. Si M. Fukuyama était socialiste, il parlerait ainsi du socialisme. Simplement, nous sommes nombreux, je crois, dans la majorité, à considérer qu'il faut le faire tout simplement parce que c'est nécessaire. Cela ne va pas au-delà. Excusez la modestie. Parfois, elle est utile.

En tout cas, cette baisse des impôts devra profiter à tous, effacer les hausses réalisées par M. Juppé et M. Madelin - c'est nécessaire -, et vous avez souligné à quel point elle était d'un niveau inégalé et souhaité que cela puisse continuer.

Vous avez également abordé la question très importante, soulevée par plusieurs d'entre vous, de la poursuite de la construction de l'Europe, parce que, à tous égards, c'est indispensable. Vous avez souligné à quel point il fallait encourager l'emploi, poursuivre l'accélération de la décrue du chômage, faire disparaître les trappes à inactivité - thème qui revient dans la bouche de plusieurs d'entre vous -, toutes façons différentes d'affirmer une priorité partagée, j'en suis sûr, par l'ensemble de cette assemblée et portée en particulier par la majorité plurielle.

Comme un grand nombre d'orateurs, vous avez réaffirmé votre souci de transparence et, si j'ai bien compris, indiqué que les mesures que j'ai proposées, qui ne sont d'ailleurs que la traduction de ce que nous avions envisagé ensemble il y a quelques mois, devraient nous aider à aller dans cette direction pour améliorer sans cesse la gestion du pays.

J'ai noté que vous souhaitiez faire la part entre le rôle de l'Etat vis-à-vis des organismes sociaux et celui des collectivités locales qui, plusieurs l'ont souligné, en particulier M. Bouvard, sont des investisseurs de premier ordre.

Bercy, avez-vous dit, peut encore s'améliorer. Assurément. Progresser, améliorer, moderniser, l'administration des finances, de l'économie et de l'industrie s'y est déjà attelée avec mes prédécesseurs, et nous allons continuer dans cette direction.

J'ai été un peu long, je vous prie de m'en excuser, mais je crois que le rapporteur général, d'une façon constante, résume les propos qui peuvent être ténus par les uns et par les autres.

Monsieur Auberger, vous avez estimé que nous manquions d'ambition dans la réduction des déficits publics.

Evidemment, on peut toujours aller plus loin. Les chiffres, vous les connaissez puisque vous êtes un spécialiste de la question. Nous sommes partis d'un peu plus de 300 milliards en 1996, dans une conjoncture, il est vrai, différente. Nous visons 200 milliards pour cette année. Ce n'est pas une différence ténue, même si, bien sûr, on peut souhaiter aller plus loin.

Vous avez souligné, dévalorisant un petit peu la situation réelle de la France, que d'autres pays étaient en avance sur nous. C'est exact, mais nous ne sommes heureusement pas les plus mal placés, et même pas si mal placés que cela. Nous serions, avez-vous dit, les huitièmes ou neuvièmes en matière de déficit public. Il fut un temps où nous étions les derniers.

En ce qui concerne le fonds de réforme des cotisations sociales, en tant que ministre responsable de l'ensemble des comptes publics, je ne m'en désintéresse absolument pas. N'ayez donc pas d'inquiétude sur ce point.

Puis, comme vous en êtes coutumier, vous avez fait toute une série de propositions. Je les ai notées et nous les étudierons. C'est, je crois, la marque d'un débat de qualité.

M. Bocquet, le président du groupe communiste, a beaucoup insisté, et avec raison, sur la question du travail et de l'emploi pour souhaiter qu'ils soient moins taxés.

J'ai rappelé que cette majorité, grâce en particulier à son soutien, avait, à son arrivée, sollicité la contribution des entreprises, choisi de préserver les revenus des ménages, de même qu'elle avait décidé le basculement des cotisations maladie vers la CSG, et je vous confirme, monsieur Bocquet, que, l'an dernier, dans notre pays, la part du travail dans la valeur ajoutée a proportionnellement davantage augmenté que celle du capital.

Vous avez évoqué toute une série de thèmes chers à votre groupe, qui sont très intéressants, et souhaité, en particulier, un débat sur la dette. Cette question revient d'ailleurs souvent dans vos interventions. Je peux, en présence de Mme Parly, vous donner une assurance sur ce point. Un tel débat, soit à l'occasion du budget, en prenant vraiment le temps de l'organiser, soit d'une autre façon, serait extrêmement intéressant. Je suis donc tout à fait d'accord pour que nous nous y préparions.

Vous avez proposé toute une série de mesures. J'y reviendrai d'ailleurs en parlant d'autres interventions de membres du groupe communiste. Elles montrent évidemment que l'on peut toujours avancer, faire mieux. C'est un objectif du Gouvernement. En tout cas, vos propos ont été entendus avec beaucoup d'attention.

Monsieur Méhaignerie, vous avez droit à mes remerciements particuliers puisque vous avez eu l'originalité, l'amabilité de vous écarter du discours un peu répétitif, de temps en temps, me semble-t-il, de l'opposition.

D'ordinaire, dans des interventions parfois courtes, parfois longues, l'argument peut être résumé en deux courtes phrases : premièrement, vous avez eu la croissance ; deuxièmement, vous n'y êtes pour rien. Parfois les plus audacieux ajoutent : d'ailleurs, vous n'en avez rien fait.

Vous avez reconnu que l'activité et l'emploi, même s'ils étaient revenus grâce à toute une série de circonstances, étaient revenus aussi grâce à la finesse du pilotage


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

conjoncturel. Je le prends d'autant plus pour nous que je n'étais pas encore ministre de l'économie et des finances, mais je transmettrai. En tout cas, je veux vous en donner acte. Je pense que l'on s'honore lorsqu'on reconnaît les faits.

Je me réjouis également qu'il existe une sorte d'accord assez général sur la nécessité de lutter contre les trappes à inactivité. C'est un des points que vous avez développés dans votre intervention. Nous aurons peut-être l'occasion d'avancer sur ce point dès le budget prochain. Des mesures ont déjà été prises dans le cadre de la loi contre l'exclusion. Certains peuvent les juger insuffisantes. Dès demain vous seront proposés le mécanisme de dégrèvement et la forte diminution de la taxe d'habitation. Cela dit, je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut chercher à aller plus loin et je vous remercie beaucoup de vos propositions en ce sens.

M. d'Aubert a bien voulu saluer la constance du Gouvernement. Je voudrais à mon tour saluer la sienne puisque cela fait trois années qu'il annonce que la croissance est surévaluée et trois années qu'il se trompe.

M. Gérard Bapt.

La constance dans l'inconsistance ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Aujourd'hui, dans un effort que nous serons, je pense, unanimes à saluer, il tente le pari inverse. J'espère qu'il aura raison. (Sourires.)

M. d'Aubert a évoqué une augmentation de 113 milliards des recettes fiscales. Il a été très modeste par rapport à M. Gantier qui, comme diraient nos enfants, a fait plus fort,...

M. Gilbert Gantier.

Sur quatre ans ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... parlant tout de même, d'après ce que j'ai compris, en nouveaux francs. (Sourires.)

Je pense que M. Gantier ou M. d'Aubert, qui sont des spécialistes trop avertis de ces choses, n'ignorent pas qu'il s'agit là de l'effet mécanique de la croissance. Il faut distinguer ce que les entreprises et les particuliers français paient de plus compte tenu de l'effet croissance, de l'effet richesse qui existe toujours, du moins quand il y a croissance - on ne peut tout de même pas reprocher à un gouvernement de faire son possible pour qu'il y ait la croissance, celle-ci générant mécaniquement des recettes supplémentaires -, et ce qu'ils paient en plus, à égalité de revenus, si on change les mécanismes fiscaux, ce qui peut alors donner lieu à la critique. Leur argument n'était pas digne de la grande connaissance qu'ils ont de ces mécanismes.

Ce n'est donc pas un effet impôt, c'est un effet croissance.

Le Gouvernement a décidé de diminuer les impôts et, demain, Mme Parly, dans le collectif, vous proposera de les baisser de 40 milliards - cela a été souligné par beaucoup d'orateurs -, ce qui s'ajoutera aux 40 milliards que vous aviez déjà supprimés dans la loi de finances initiale pour l'an 2000.

M. Bonrepaux a souligné - c'est un point très important de son analyse - que les bonnes recettes n'étaient pas liées aux hausses d'impôt - ce que je viens de répéter à mon tour -, mais à la croissance, qui est elle-même la conséquence de nos choix. Les lois de finances précédentes comme la prochaine mettent cette mécanique en oeuvre.

Il est un autre thème que M. Bonrepaux aborde volontiers : les dépenses publiques sont par essence liées à la solidarité. Il est par ailleurs un ardent défenseur des investissements des collectivités locales et a rappelé leur importance, indiquant toute une série de pistes, qu'il a d'ailleurs eu souvent l'occasion d'évoquer par le passé, qui concernent la réforme de l'impôt. Outre la justice sociale, son idée maîtresse est le retour à l'emploi. Dès l'été, le Gouvernement étudiera les mesures touchant aux impôts qui figureront dans la prochaine loi de finances, en se fondant sur le débat que nous avons entamé aujourd'hui et qui va se poursuivre pendant deux jours. Les propositions de M. Bonrepaux nous seront alors très utiles. Je le remercie d'avoir soutenu le Gouvernement et de l'avoir encouragé à poursuivre son action.

M. Cochet a parlé, brièvement mais avec force, de deux thèmes. Entre la formation à laquelle il appartient et le Gouvernement, la différence d'approche se situe moins sur la question générale des minima sociaux, car le Gouvernement souhaiterait pouvoir les augmenter - et il le fait chaque fois que possible -, que sur celle du revenu minimum d'insertion pour les jeunes. Le Gouvernement estime en effet que la priorité absolue, c'est de proposer des emplois aux jeunes, et que l'idée selon laquelle ils devraient commencer leur vie au RMI ne doit pas être soutenue. Il faut faire le maximum pour les insérer dans la formation, dans l'emploi. Ce n'est pas qu'il faille les laisser sans rien - ils sont, hélas, nombreux dans ce cas mais, en termes politiques et presque philosophiques, l'idée du RMI-jeunes ne nous paraît pas de bonne méthode. Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il y ait beaucoup de députés pour soutenir cette perspective, même si tout le monde reconnaît l'existence d'un problème.

Je voudrais dire à M. Cochet que nous avons tout de même la satisfaction de constater que, en 1999, et d'après les indications que l'on me donne, la hausse des revenus du travail, même si elle est insuffisante, a été supérieure à celle des revenus du capital, et que les créations d'emplois q ui sont intervenues - plus de 1 million depuis juin 1997 - sont le premier instrument de lutte contre les inégalités.

D'autre part, M. Cochet a rappelé que, avec d'autres, il avait anticipé le développement d'Internet et que nous allions peut-être bientôt connaître un phénomène de même nature avec les SER, les sources d'énergie renouvelables - éoliennes ou solaires, par exemple. Ses paroles ont provoqué des réactions sceptiques. Je suis loin de partager ce scepticisme. Cette piste n'aboutira peut-être pas avant longtemps, mais elle est très intéressante, ce qui ne signifie pas que l'on puisse se priver aujourd'hui d'énergies majeures. Je pense toutefois que l'on a intérêt à aller dans le sens des énergies alternatives et je vais faire mettre à l'étude, comme pour d'autres suggestions de députés, ses propositions sur un allégement sélectif de la TVA.

L'intervention de M. Carrez fut un peu plus caustique.

Je veux le rassurer, à moins que cela ne l'inquiète : il n'y a aucune différence d'approche entre Mme Parly et moimême. Chacun assume sa part de responsabilité dans une démarche commune.

De plus, M. Carrez - que je remercie de sa sollicitude a pensé pouvoir déceler chez moi un dédoublement de la personnalité.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Pourquoi seulement un dédoublement ? (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'hypothèse est en effet un peu limitative, M. Emmanuelli a raison. Pourquoi un simple dédoublement entre le DOB et le collectif ? Après tout, il y a aussi


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 MAI 2000

la loi de règlement, la loi de finances, la loi de financement de la sécurité sociale et les éventuelles lois rectificatives. Donc, de ce point de vue, enrichissez-vous ! Cependant, M. Carrez a cru pouvoir trouver dans les déficits la preuve de ce qu'il avançait. Nous proposerions une limitation des déficits, avant d'en constater par la suite l'augmentation. Il en irait de même pour les prélèvements obligatoires. Il n'est guère difficile de faire justice de ces assertions. Avec d'autres députés, il s'est référé aux analyses de la Cour des comptes, qui sont, il est vrai, extrêmement précieuses. Or, la Cour des comptes - que M. Carrez a lue attentivement - prend soin de dire, avecr aison, que la différence d'évaluation - le passage de 1 à 2,8 % qu'elle décrit pour les dépenses de l'Etat en 1999 - est due essentiellement au report de certaines recettes et à l'anticipation de certaines dépenses. La Cour remarque que ce n'est en rien irrégulier au regard des règles budgétaires et comptables actuelles de l'Etat. En outre, comme l'a fort bien souligné M. Migaud dans un de ses excellents rapports, il existe une différence de périmétrage - horrible mot - qui explique ce passage de 1 à 2,8 %. Mme Parly fera, demain, un sort aux critiques générales qui consistent à reprocher à ce collectif d'avoir prévu des dépenses. De tels arguments ne sont pas vraiment sérieux. Quand on songe à la situation dramatique du mois de décembre, on ne peut soutenir qu'il ne fallait pas prévoir ces dépenses dans le collectif. On peut le critiquer sur tel ou tel point - même si je note que ceux qui le font sont plus prompts à critiquer le solde qu'à critiquer les baisses d'impôt qui aboutissent au solde -, et je sais bien que l'un des droits fondamentaux de la personne humaine est celui de contredire. Mais il ne faut pas en abuser, et M. Carrez, j'en suis certain, n'en abusera pas à l'avenir.

M. Rigal a bien voulu insister sur les problèmes de l'emploi et des baisses d'impôt, en formulant des suggestions. Il a terminé son intervention extrêmement dense par une citation de François Mitterrand sur la croissance et la répartition. Le fond de cette citation m'a paru fort pertinent.

M. le ministre Barrot a rappelé, comme toujours avec beaucoup de conviction et de mesure, certains de ses soucis : les dépenses de fonctionnement ne doivent pas trop augmenter ; il faut être très attentif à l'évolution des dépenses de sécurité sociale. L'un des points principaux de son intervention, repris par d'autres députés, concerne la médiocrité de l'effort d'investissement. Quand on regarde les chiffres, on voit que M. Barrot n'a pas tort, même si - il a d'ailleurs eu l'honnêteté de le reconnaître c'est une vieille affaire, puisque, de 1992 à 1997 - je prends ces dates au hasard -, l'investissement public est passé de 2,5 % à 1,9 % du PIB. On ne peut pas dire que, depuis, la remontée ait compensé la descente. Ce phénomène est très préoccupant, car les budgets sont de plus en plus difficiles à construire et leur aspect dynamique n'en est que plus limité. Je fais donc le même constat que M. Barrot et que la plupart des députés présents, mais j'avoue qu'il n'est guère facile de lutter contre cela.

M. Barrot a également soulevé la question de l'UNEDIC et de la cotisation retraite des chômeurs. Ces préoccupations rejoignent dans une certaine mesure ce que je disais à la tribune il y a quelques heures. Des modifications sont intervenues et la question se pose - dans le respect des partenaires sociaux qui décident, même si le législateur a aussi son mot à dire - de savoir si d'autres ne doivent pas être apportées. Nombreux sont les esprits, connaisseurs de ces sujets, qui, comme M. Barrot, le pensent.

M. Barrot a enfin insisté, avec des mots qui nous ont touchés, Mme Parly et moi-même, sur l'effort systématique d'évaluation du Parlement, effort légitime qu'il convient d'encourager. Croyez bien, monsieur Barrot, que le Gouvernement partage votre souhait.

M. Feurtet, pour le groupe communiste, a insisté sur les collectivités locales - il en est un spécialiste -, sur la modernisation de la fiscalité locale. Il a formulé des propositions que nous étudierons également.

M. Laffineur a dit qu'il ne voulait faire aucun procès d'intention - ce en quoi il a raison - et que l'on verrait à l'usage. Il s'est dit intéressé par plusieurs des idées qui ont été émises, et s'est déclaré partisan d'un euro faible - sur ce point, je suis moins d'accord avec lui -, qu'il a comparé à l'EPO utilisé par certains sportifs. Je ne sache pas que l'EPO soit un soutien durable à la santé.

Il a estimé qu'il n'y aurait pas de réforme du système de retraite, puisque le produit des licences de téléphonie allait pour l'essentiel être affecté au fonds de réserve des retraites. Mais, rapportée à l'ampleur des besoins, cette affectation ne dispensera pas d'une réforme, au demeurant très difficile.

Enfin, M. Laffineur, s'adressant au moins autant à ses collègues ici présents qu'à moi-même, a apporté son soutien renouvelé à la mission d'évaluation et de contrôle et à la transparence.

M. Besson a insisté, à juste titre, sur l'importance de l'insertion. Je suis moins d'accord avec ce qu'il a dit de l'impôt sur le revenu. Il s'est peut-être reconnu dans ce que j'ai dit sur la théorie du loup-garou. Je le connais bien, et il pardonnera ma familiarité, mais même si, de l'extérieur, on n'a pas le sentiment qu'il soit coutumier de ces choses, la description qu'il a faite me paraît en effet plutôt relever de cette théorie du loup-garou que de la réalité.

M. Bouvard a insisté sur le besoin d'investissement de l'Etat, sur la territorialité et sur l'aménagement du territoire. Il a posé une question sur l'Europe et les grands travaux. Peut-être n'ai-je pas un regard suffisamment acéré, mais les dernières productions de l'Union européenne me paraissent insister moins sur ces grands travaux - on peut le regretter. Peut-être n'est-ce qu'un déplacement de vocabulaire. Après tout, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Lisbonne, il y a quelques semaines, n'ont-il pas insisté sur l'Europe de l'innovation, qui implique notamment des investissements ? Mais je m'accorde avec M. Bouvard pour dire que, au plan européen comme au plan français, nous devons consentir un effort dans ce domaine, car nous sommes là pour préparer le futur.

M. Sarre a parlé du bon chemin de la croissance, de l'impôt sur le revenu et du problème des couches moyennes, formulant des suggestions sur la politique familiale et sur les besoins en matière de service public.

Qu'il soit remercié de son soutien.

M. Gantier, dans une intervention « remarquée », comme disent les journalistes, et dont il faut le remercier, a provoqué quelques sourires, y compris chez ses amis, et a posé plusieurs questions. Il a, en particulier, schématisé de façon vraiment saisissante les chiffres du gouvernement de Lionel Jospin. Il en a cité trois ou quatre, à commencer par celui de 420 milliards de francs d'impôts en plus.

Mais, d'emblée, il avait donné la clef de son discours, en affirmant que nous étions à la cinquième année du


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gouvernement Jospin. Quand les chiffres atteignent un tel degré de précision, on peut penser que le reste est à l'avenant. (Sourires.)

Le nom de M. Gantier me rappelle l'un des leitmotive de ce débat. Chacun, dans la majorité ou dans l'opposition, a répété que nous traversions une période de chance, que la croissance était une chance. Vous avez tous raison mais, à gauche, on considère qu'il faut un peu l'aider, cette chance.

M. Gérard Bapt.

Elle se mérite ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et, à droite, on considère qu'elle est due au hasard.

Pour ma part, je crois qu'il y a toujours une part de hasard et qu'on ne réussit bien, y compris en politique, que si l'on a un peu de chance. Mais on peut aussi parfois gâcher ses chances. La chance, cela se mérite, se construit et, depuis près de trois ans, ce gouvernement a su construire la sienne. Un grand poète a écrit de belles choses sur ce sujet.

M. Carcenac - ce n'est pas lui, le poète (Sourires) - a rappelé notre bonne situation et souligné avec raison la nécessité d'aboutir à une harmonisation des prélèvements obligatoires en Europe. Nous discutons, y compris dans cette assemblée, sur des quantités qui ne sont pas du tout harmonisées. Des statisticiens, groupés au sein d'un organisme qui s'appelle Eurostat, devraient se charger de ce travail, ce qui nous permettrait de faire des comparaisons plus pertinentes. Mais ils ont encore du pain sur la planche.

M. Carcenac a également évoqué la nécessité de remettre la dette des pays en voie de développement.

Nous avons très largement entamé ce processus, menant une initiative qui est suivie par beaucoup d'autres. Mais cela doit aller toujours plus loin.

M. Gremetz est intervenu essentiellement sur les questions d'impôt en définissant ce qu'étaient, pour lui, de bons impôts justes et équitables. Il a souligné à quel point, selon son analyse, les revenus financiers étaient sous-imposés, et il a esquissé, avec d'autres de ses collègues du groupe communiste, quelques pistes de fiscalité l ocale, notamment celles qui touchent au foncier.

Mme Parly et moi-même allons étudier ces questions de fort près.

M. Galut a estimé, à juste titre, que la croissance ne règle pas tous les problèmes. Là où son intervention devient plus personnelle, c'est lorsqu'il dit que, dans le triangle réduction des déficits, réduction des impôts et services publics - et, comme M. Galut est un homme entier, il dit : « augmentation des dépenses pour les services publics » -, la priorité doit être donnée au dernier élément. Pourquoi pas ? Seulement, on ne peut faire totalement abstraction des deux autres. Je disais en confidence, ce qui est un encouragement, qu'il serait excellent que vous deveniez ministre des finances, et il n'est pas séant d'ajouter, comme je l'ai entendu, « pour quelque temps seulement ». Cela vous permettrait de voir les trois côtés du triangle. Une expérience de ce type serait très salutaire.

(Sourires.)

M. Vauchez a souligné à quel point la croissance était bonne. Il a fait un excellent résumé de la situation et de la politique que nous voulions poursuivre, et il a, lui monsieur Galut, je vous taquine encore -, insisté sur le fait qu'il fallait alléger la dette. Il a raison.

Enfin, M. Bapt, dont personne n'oublie qu'il est le rapporteur du budget de l'emploi, a considéré - comme d'autres avant lui - qu'il y avait des espaces nouveaux à dégager, mais qu'il fallait quand même s'occuper des emplois-jeunes, des contrats emploi consolidé, du programme TRACE. Il a raison. Il est vrai que nous disposons de marges.

Il a ensuite posé des questions auxquelles il nous faudra répondre. Celle de la restauration est multiple : il y a la restauration ordinaire, la restauration de grande qualité, la restauration collective. On connaît la décision du Conseil d'Etat, et nous travaillons avec Mme Parly à trouver des solutions à cette annulation. Sur le plan européen, les choses ne sont pas faciles. Nous l'avons vu en particulier avec M. le rapporteur général.

Je n'oublie pas M. Malavieille qui est intervenu, avecr aison, sur les emplois-jeunes et a fait plusieurs recommandations sur le devenir du dispositif. Je ne suis pas en mesure ce soir, pas plus que Mme Parly, de répondre sur ce point, mais c'est un souci que nous devons avoir, puisque ces emplois étaient prévus pour cinq ans au maximum -, c'était au début de la législature.

Nous avions dit en même temps, chacun s'en souvient, qu'il s'agissait un peu d'emplois de dépannage, qui devaient, autant que possible, déboucher sur des formations et des emplois véritables. C'est ce à quoi nous oeuvrons dans les collectivités locales que nous gérons.

Cela étant, il y a d'un côté des personnes qui sont en difficulté et des besoins qui ont été satisfaits au fur et à mesure. Bien entendu, c'est une question dont il va falloir se saisir.

Monsieur Tron, vous avez, d'après ce que j'ai compris, donné votre accord aux propositions qui ont été faites en matière de transparence.

Vous avez également estimé que le pourcentage retenu de 0,3 % d'augmentation prévisionnelle de la dépense publique n'était ni trop élevé, ni trop faible, mais qu'il n'était pas crédible, en vous fondant, pour cela, sur l'exemple des 35 heures, de la précarité, des départs à la retraite, entre autres. Je vous indique que, lorsque le Premier ministre a retenu dans ses lettres de cadrage le taux de 0,3 %, il n'a pas choisi ce chiffre au hasard. Bien sûr, c'est un chiffre difficile à respecter, mais je vous confirme qu'il concerne l'ensemble des dépenses.

S'agissant des 35 heures, même s'il y a une montée en régime progressive, y compris dans la fonction publique, il ne s'agit pas d'une mécanique absolue. En la matière, il n'est pas possible de raisonner avec une règle de trois. Il faut prendre en considération à la fois les progrès possibles de la productivité, la résorption de la précarité et les départs à la retraite : il faut apprécier tous ces éléments ensemble.

A partir d'une approche générale, une discussion devra avoir lieu dans les différents ministères. Puis, il faudra, en respectant évidemment les équilibres que nous avons fixés, trouver une solution qui soit à la fois positive pour les personnes concernées - sinon cela ne servirait à rien - et pour les usagers du service public.

Voilà le cadre dans lequel nous allons intervenir. Ce n'est pas facile, je vous le concède volontiers. Mais, après tout, s'il était facile de gouverner, cela se saurait.


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Pour terminer, mesdames et messieurs les députés, et en vous priant de m'excuser si je vous ai retenus un peu longuement - mais je pense que la moindre des courtoisies et l'intérêt du débat étaient de vous répondre -, je voudrais, comme il m'arrive de le faire parfois lors des séances de questions au Gouvernement, m'effacer devant deux hommes dont je vais citer les propos - l'un était socialiste et l'autre assurément pas, mais vous trouverez lequel est lequel.

Le premier - et je me tourne en disant cela vers l'opposition -, c'est le cardinal de Retz : « On est plus souvent dupe par la défiance que par la confiance. »

L'autre, c'est Willy Brandt, à la fin de sa vie : « J'ai fait mon possible. »

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Le débat est clos.

3 DÉPÔT DE RAPPORTS

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 16 mai 2000, de M. André Capet un rapport, no 2391, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (no 2271).

J'ai reçu, le 16 mai 2000, de Mme Odile Saugues un rapport, no 2392, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur : I. - Le projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports ; II. - Les propositions de loi : 1o De M. Guy Lengagne tendant à autoriser les courtiers, interprètes et conducteurs de navires à faire des opérations de commerce (no 1556) ; 2o De M. Daniel Paul et les membres du groupe communiste et apparentés tendant à préciser les activités commerciales des courtiers, interprètes et conducteurs de navires (no 1635) ; 3o De M. André Capet et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à autoriser les courtiers, interprètes et conducteurs de navires à faire des opérations de commerce (no 2058).

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 16 mai 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 28 de la loi de finances pour 2000 (no 99-1172 du 30 décembre 1999), un rapport sur la réforme de la taxe d'habitation.

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Aujourd'hui, mercredi 17 mai, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2335 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2387).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 17 mai 2000, à zéro heure vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION TRANSMISSIONS M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 12 mai 2000 No E 1446. Proposition de règlement du Conseil concernant l'interdiction de la vente, de la fourniture et de l'exportation à la Birmanie, au Myanmar de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne ou de terrorisme et relatif au gel de capitaux de certaines personnes rattachées à d'importantes fonctions gouvernementales dans ce pays.

Communication du 15 mai 2000 No E 1447. Proposition de règlement du Parlement européen du Conseil modifiant le règlement no 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et le règlement CEE no 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement CEE no 1408/71 (COM [2000] 186 final).

No E 1448. Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide financière exceptionnelle au Monténégro (COM [2000] 288 final).