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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 4275).

2. Questions au Gouvernement (p. 4275).

DIFFICULTÉS DES PRODUCTEURS DE POMMES (p. 4275)

MM. Jean-Paul Nunzi, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DANS LES BANLIEUES (p. 4275)

M me Chantal Robin-Rodrigo, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

CONSEILS DE LA JEUNESSE (p. 4276)

M. Patrick Malavieille, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

INCIDENTS À MARSEILLE LORS DE LA SIGNATURE DU CONTRAT ÉTAT-RÉGION (p. 4277)

M

M. Bernard Deflesselles, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

STRUCTURATION DE L'UNION EUROPÉENNE (p. 4278)

MM. François Léotart, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

FINANCEMENT DU SYSTÈME DES RETRAITES (p. 4279)

MM. Jean-Pierre Foucher, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DÉLINQUANCE SEXUELLE (p. 4280)

M. Christian Cabal, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

GRÈVE DES CONVOYEURS DE FONDS (p. 4281)

MM. Christian Estrosi, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

LUTTE CONTRE LA PROSTITUTION (p. 4282)

Mmes Martine Lignières-Cassou, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ EN CÔTE D'IVOIRE (p. 4283)

MM. Henri Emmanuelli, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

SÉCURITÉ DU TRANSPORT ROUTIER (p. 4283)

MM. André Vallini, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

LUTTE CONTRE LA PÉDOPHILIE ET LA MALTRAITANCE (p. 4284)

Mmes Yvette Benayoun-Nakache, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 4284)

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

3. Loi de finances rectificative pour 2000. Discussion d'un projet de loi (p. 4285).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 4292)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : M. François d'Aubert, Mme la secrétaire d'Etat, MM. le rapporteur général, Charles de Courson, Marc Laffineur, Philippe Auberger. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 4304)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, Mme la secrétaire d'Etat, MM. Pierre Méhaignerie, Yves Deniaud. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 4313).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Sékou Mouké Yansané, vice-président de l'Assemblée nationale de la République de Guinée.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

DIFFICULTÉS DES PRODUCTEURS DE POMMES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Nunzi.

M. Jean-Paul Nunzi.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, force est de constater que se confirment aujourd'hui les vives inquiétudes exprimées depuis plusieurs mois par les producteurs de pommes français.

L'importance de la production nationale, l'écoulement tardif de stocks en provenance de l'hémisphère sud et les rétorsions britanniques consécutives à l'embargo français sur la viande bovine d'outre-Manche ont entraîné de très graves difficultés d'écoulement de notre production et une dégradation significative des cours. Les conséquences de cette situation s'avèrent particulièrement préjudiciables à l'équilibre financier de très nombreuses exploitations souvent déjà fragilisées par la crise des fruits d'été - parfois, elles menacent même leur existence.

Dans certains départements, il s'agit d'un véritable sinistre économique qui a justifié les interventions des députés du groupe d'études fruits et légumes. Dans le Tarn-et-Garonne, notamment, qui, avec 220 000 tonnes, est l'un des quatre départements gros producteurs de pommes, près d'un millier d'exploitations et plus de 6 000 salariés permanents ou saisonniers sont directement concernés.

Les mesures sociales et financières que vous avez d'ores et déjà engagées démontrent que le Gouvernement est attentif aux enjeux économiques de la crise. En dépit de ces mesures, l'évolution du marché, loin de tendre vers une amélioration, justifie au contraire les appréhensions des acteurs de la filière.

Monsieur le ministre, face à cette situation d'urgence, qui met en cause la pérennité d'un bon nombre d'exploitations, notamment de celles qui, en raison des seuils de spécialisation, restent encore inéligibles aux aides, quelles décisions entendez-vous prendre pour soutenir les arboriculteurs et contribuer au maintien de productions fortement créatrices d'emplois ? Au-delà des nécessaires réponses conjoncturelles, quelles orientations le Gouvernement entend-il privilégier pour remédier à la répétition des crises que connaît l'ensemble du secteur des fruits et légumes depuis maintenant plusieurs années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je ne vais pas reprendre l'analyse de cette crise, j'ai déjà eu l'occasion, la semaine dernière, en réponse à une question de M. Jean-Louis Bianco, de développer mon point de vue qui converge avec le vôtre, qu'il s'agisse des raisons ou de l'ampleur de la crise.

J'ai assisté hier matin à une longue réunion de travail avec les organisations professionnelles de producteurs de pommes, réunion qui m'a donnée l'occasion de leur annoncer le nouveau dispositif que le Gouvernement met en place pour faire face à la crise conjoncturelle dont ce secteur est victime. Ce nouveau plan tend à tripler, en gros, l'enveloppe que j'avais annoncée il y a quelques semaines pour venir en aide à ce secteur. Avec ces moyens, d'ordre financier et social, nous devrions pouvoir faire face, avec les professionnels, à cette crise conjoncturelle.

Au-delà, je pense très sincèrement que la responsabilité des élus politiques, des hauts responsables comme des professionnels, est de savoir faire évoluer ce secteur qu'est le verger français, afin qu'il puisse structurellement affronter ces crises autrement que par des plans de campagne. C'est à ce travail que nous devons nous attacher maintenant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DANS LES BANLIEUES

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Ma question s'adresse à

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

L'économie de notre pays va mieux. Le chômage, depuis 1997, n'a cessé de baisser et ce grâce à la politique volontariste menée par le gouvernement de Lionel Jospin.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - « Voilà ! La question va être une action de grâces ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Pierre Lellouche.

Mais oui, bravo ! Grâce à vous !

M me Chantal Robin-Rodrigo.

Eh oui ! Plus de 700 000 chômeurs ont ainsi retrouvé le chemin de l'emploi.

Pour autant, il reste encore des poches de résistance sur notre territoire où les choses vont moins vite.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Là résident nos concitoyens les plus démunis, et sans doute les plus éloignés du marché du travail.

Les quarante-quatre zones franches créées sous le gouvernement d'Alain Juppé n'ont été que très peu créatrices d'emplois et de richesses pour les habitants de ces quartiers.

(« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Elles ont surtout bénéficié à quelques entreprises peu soucieuses de l'emploi mais spécialistes de la chasse à la subvention et aux exonérations de charge.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collèges, un peu de calme.

M. Pierre Lellouche.

C'est de la provocation, monsieur le président ! (« Un ex-voto », et sourires sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Ma question sera donc simple. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les banlieues en difficulté ne restent pas en marge de la reprise économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Madame la députée, vous avez raison de le souligner, la situation s'est améliorée.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « Tiens donc ! » sur les mêmes bancs.)

Je ne comprends d'ailleurs pas les réactions de certains. J'aurais espéré que l'opposition comme la majorité puissent se sentir concernées par l'annonce que le pays va mieux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette amélioration doit pouvoir bénéficier à tous, pour qu'après le temps de la souffrance, pour certains de nos concitoyens, vienne le temps de l'espérance en l'avenir.

(Mêmes mouvements.)

Le Gouvernement, sous l'impulsion notamment de Martine Aubry, a décidé que chaque demandeur d'emploi dans les quartiers serait reçu individuellement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) que soient étudiées les mesures d'accompagnement social et d'aide au retour vers l'emploi donc il doit bénéficier.

Avant de rechercher des activités économiques susceptibles de s'installer dans ces quartiers, nous avons décidé de soutenir, dès septembre prochain, les activités qui existent déjà. Un fonds a notamment été créé pour prendre en compte les obligations des entreprises implantées dans ces territoires populaires, notamment en termes de primes d'assurance et de matériels pour sécuriser les installations. Le but est d'appréhender la situation réelle, et les charges inhérentes.

Dans le cadre du prochain budget seront proposées aux élus et aux partenaires économiques et sociaux des mesures qui tiendront compte de la leçon à tirer des zones franches urbaines. Seront proposées aux entreprises qui acceptent de faire le pari des territoires des ristournes en termes fiscaux et sociaux.

Celles qui accepteront de s'installer dans ces territoires, d'employer des habitants de ces quartiers, celles qui accepteront de contribuer à faire reculer le chômage dans ces quartiers, obtiendront le soutien du Gouvernement et de la représentation nationale.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mesdames, messieurs les députés, le moment est venu de montrer à nos concitoyens, qui ont quelquefois payé un lourd tribut social durant la période que nous avons connue,...

M. Pierre Lellouche.

Eh oui, depuis 1981 !

M. le ministre délégué à la ville.

... qu'est fini le temps où il n'était question que de baisser les bras, au risque parfois de sombrer dans la délinquance. Il est temps de dire à celles et ceux qui auront la volonté de retrouver leur place dans la société qu'ils peuvent compter sur le Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

CONSEILS DE LA JEUNESSE

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

(Rires et « Allo ! Allo ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la ministre, vous avez institué en janvier 1998, à la suite des rencontres nationales de la jeunesse de Marly-le-Roi, le Conseil national de la jeunesse, ainsi que les conseils départementaux de la jeunesse. La création de ces instances visait à permettre un dialogue permanent entre les jeunes et le Gouvernement, les conseils ayant pour objectif de proposer au Gouvernement une série de mesures dans les domaines qui les préoccupent.

Le 12 mai dernier, 200 jeunes venus de toute la France, métropole et outre-mer, se réunissaient à la Villette, en présence du Premier ministre et de nombreux membres du Gouvernement, pour analyser l'action passée et à venir de ces conseils. Pouvez-vous, madame la ministre, tirer un premier bilan et évoquer les initiatives prévues en faveur des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, au mois de juin 1997, j'ai lancé les rencontres locales de la jeunesse. Lorsqu'en novembre 1997 ces rencontres ont été conclues, avec le Premier ministre et de nombreux ministres, les jeunes, parce qu'ils en avaient assez d'être simplement consultés, nous ont demandé de créer des espaces permanents de discussions, de propositions et de projets.

C'est ce que nous avons fait avec les conseils départementaux et le Conseil national de la jeunesse. Ils ont travaillé pendant deux ans, souvent avec difficulté. Ils nous bousculaient, ils avaient le sentiment de n'être pas assez entendus et de se heurter trop souvent à des portes fermées. Mais les choses ont progressé et ils ont été reçus ici même à l'Assemblée nationale, non pas pour visiter mais pour discuter avec des députés de différents groupes des projets de loi en cours. Les portes des ministères se sont ouvertes.

(Rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils ont pu ainsi participer à l'élaboration de nombreuses mesures.

Aujourd'hui, ces conseils sont renouvelés. Ils sont composés à la fois de jeunes du mouvement associatif, de jeunes affiliés à des syndicats et de jeunes appartenant à l'ensemble des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Ils sont également constitués de représentants des conseils locaux pour les conseils départementaux et des conseils départementaux pour le conseil national.

Le 12 mai, le Premier ministre a décidé de faire de ces conseils un espace de rencontre entre le Gouvernement et la jeunesse. Et nous avons tous été frappés de la qualité des propositions émanant de ces jeunes dans tous les domaines, l'emploi, le logement, ou autres. Le Premier ministre a saisi cette occasion pour annoncer plusieurs mesures nouvelles en faveur de l'emploi, du logement, de l'accessibilité aux nouvelles technologies - 20 millions de francs supplémentaires ont été accordés au coupon-sport et six cents points information jeunesse ont été financés.

Le principal enseignement à tirer de ce travail, qui va se poursuivre, c'est que les jeunes ont envie de se mêler à nouveau de la vie de la cité. Il faut simplement leur ouvrir des espaces pour le faire, il faut simplement leur faire confiance. C'est ce qu'a fait ce gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INCIDENTS À MARSEILLE LORS DE LA SIGNATURE DU CONTRAT ETAT-RÉGION

M. le président.

La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles.

Monsieur le président, ma question, à laquelle s'associe mon ami Patrick Ollier, d éputé des Hautes-Alpes (« Ah ! » sur divers bancs) s'adresse à M. le Premier ministre.

Nous vivons, monsieur le Premier ministre, une drôle d'époque, une drôle de République, qui laisse chaque jour défiler des manifestants de toutes origines mais qui matraque ses élus lorsqu'ils expriment un quelconque mécontentement.

Lundi, à Marseille, M. Alain Bayrou, maire de Briançon, président du conseil général des Hautes-Alpes et conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'est fait violemment jeter à terre et matraquer par les forces de police (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) alors qu'il tentait d'alerter l'opinion publique et vous-même, présent ce jour-là pour signer le contrat de plan Etat-région, de l'incohérence d'une décision ministérielle.

Si l'on doit condamner fermement cet emploi de la force, on ne peut que regretter le silence dont vous avez fait preuve, monsieur le Premier ministre, en cette circonstance, un silence d'autant plus assourdissant que, quelques minutes plus tard, à l'intérieur de l'hôtel de région, vous vous réjouissiez dans votre intervention d'une soi-disant bonne coopération des élus de la région.

Monsieur le Premier ministre, ce regrettable incident n'est le fruit ni du hasard ni d'une quelconque manoeuvre de provocation, comme tentent de le faire croire certains responsables de votre administration. Il est le résultat de l'exaspération de tout un département. Il est le résultat de l'immobilisme de votre gouvernement qui, dès juin 1997, a stoppé brutalement le chantier de l'autoroute des Alpes du Sud, autoroute vitale pour le désenclavement des Hautes-Alpes et décisive pour sa survie économique.

Ces centaines d'hommes et de femmes venus crier leur désespoir, ce lundi, n'étaient pas des voyous. Représentants de divers milieux socioprofessionnels, mais aussi élus de toutes tendances politiques ceints de leur écharpe tricolore, ils souhaitaient tout simplement vous rencontrer et être écoutés.

Le conseil régional, pour la quatrième fois depuis dix ans, s'est prononcé le 18 février dernier, à une écrasante majorité, en faveur du passage de l'autoroute par l'est de Gap, seul tracé, à notre avis, capable de conforter l'économie de ce département.

M. le président.

Monsieur Deflesselles, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?

M. Bernard Deflesselles.

Je n'ai pas dépassé les trois minutes qui me sont imparties, monsieur le président. Je sais que certaines questions dérangent ; elles doivent être posées quand même devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) M. Gayssot préconise, semble-t-il, deux tracés, alors que nous peinons financièrement à en réaliser un seul.

Cette position paraît être une nouvelle manoeuvre préjudiciable à l'intérêt des habitants de notre région.

M onsieur le Premier ministre, ma question sera double.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, soyez attentifs ! Premièrement, estimez-vous normal qu'un élu venant exprimer les inquiétudes de tout un département se retrouve avec une côte fêlée et soit empêché d'exercer ses mandats pendant dix jours ? (« Scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Pensez-vous réagir publiquement à cet état de fait ? Deuxièmement, compte tenu des circonstances, êtesvous d'accord pour recevoir personnellement à Matignon une délégation d'élus et de responsables économiques avant qu'une décision finale concernant ce projet ne soit entérinée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. le président.

Monsieur Deflesselles, aucune question ne me gêne. Un problème commence à se poser quand elle dépasse les deux minutes trente ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Thierry Mariani.

Certaines questions ont pourtant bien été plus longues hier !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, le 15 mai, M. le Premier ministre s'est rendu dans les Bouches-du-Rhône pour signer le contrat de plan entre l'Etat et la région Provence-AlpesCôte d'Azur. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est vrai que le groupe que vous présidez au conseil régional, le groupe Démocratie libérale, s'est abstenu. Il n'en va pas de même de tous les élus de l'opposition, vous le savez bien, mais c'est parfaitement votre droit. Disons que les raisons de ce vote me sont rapportées de diverses manières.

S'agissant du contrat de plan, je vous ferai observer que son montant atteint 20 milliards, soit une hausse de 68 % par rapport au précédent. Seule la Corse a bénéficié d'une augmentation plus importante. (« Ce n'est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A la part de l'Etat, qui s'élève à 7 milliards de francs, s'ajoute une contribution de 6 milliards des collectivités ou de grands établissements, tel Réseau ferré de France.

Le Premier ministre est arrivé à Marseille vers seize heures, conformément à son programme. (Sourires.) Mais, dès douze heures quarante-cinq, plusieurs centaines de manifestants s'étaient massés à l'arrière du bâtiment du conseil régional et ont tenté d'y pénétrer par un accès secondaire (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), après avoir franchi les barrières mises en place par le service d'ordre.

Cinq policiers de la compagnie d'intervention se sont fermement opposés à l'action des manifestants qui voulaient occuper les locaux du conseil régional avant la venue du Premier ministre.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils ont bien fait !

M. le ministre de l'intérieur.

Une bousculade s'en est suivie. A la tête de ces centaines de manifestants se trouvait M. Bayrou, président du conseil général des HautesAlpes - je ne le confonds pas avec le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques ! -, qui, me dit-on, n'en est pas à son coup d'essai ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur le ministre, pourriez-vous en venir rapidement à votre conclusion ?

M. le ministre de l'intérieur.

J'y arrive, monsieur le président. Il est exact, et c'est regrettable, que M. Bayrou a été légèrement blessé à l'épaule. Mais un gardien a également été blessé à l'épaule suite à un coup : il souffre d'une déchirure musculaire et a fait l'objet d'une interruption temporaire de travail de dix jours. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur le député, vous comprendrez que les élus doivent donner l'exemple du civisme et du respect de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

S'agissant du tracé de l'autoroute A 51, M. le ministe de l'équipement, du transport et du logement y travaille et élabore une solution de compromis. Celle-ci pourra naturellement vous être présentée le moment venu, c'està-dire, je l'espère, le plus rapidement possible. Mais je pense que le problème doit être réglé par un échange d'arguments,...

M. Jean-Michel Ferrand.

L'argument de la matraque !

M. le ministre de l'intérieur.

... si possible d'une manière consensuelle et surtout sans recours à la violence organisée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

STRUCTURATION DE L'UNION EUROPÉENNE

M. le président.

La parole est à M. François Léotard.

(« Giscard, Giscard ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues.

Laissez parler M. Léotard.

M. François Léotard.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 9 mai dernier, ici même, au cours du débat organisé à l'occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, M. le Premier ministre a développé un point de vue dont les députés siégeant sur plusieurs bancs de cette assemblée peuvent partager l'esprit, me semble-t-il.

En effet, quoique les mots prononcés par les uns et les autres - noyau dur, avant-garde, coopération renforcée aient un sens différent, ils recouvrent tous la même volonté de voir émerger, à partir de la future Union européenne à vingt-cinq ou à trente, une Europe plus structurée, plus intégrée, plus résolue à devenir une puissance politique. Est-ce bien la position du gouvernement français ? Sur ce sujet capital, le Premier ministre avait déclaré que les réflexions doivent être menées « avec un degré suffisant de réalisme pour être partagées et avoir des chances de déboucher ». Or il apparaît aujourd'hui, à peine quelques jours plus tard, que ce point de vue est partagé par notre principal partenaire en Europe, je veux parler de la République fédérale d'Allemagne. En effet, le ministre des affaires étrangères allemand, approuvé par le Chancelier, a fait récemment des propositions dont la lucidité, le courage, la force de conviction n'ont pu vous échapper.

Aujourd'hui, le fléchissement de l'euro, dû pour l'essentiel, nous le savons tous, à des raisons politiques, la nécessaire revitalisation permanente du couple francoallemand, la volonté unanime exprimée ici même de rester fidèle à l'esprit qui a animé Robert Schuman, tout nous pousse à prendre une nouvelle initiative francoallemande, initiative que les Européens des deux pays appellent de leurs voeux. Du général de Gaulle à Jacques Chirac, sans aucune exception, tous les présidents de la Ve République ont réussi à faire prévaloir cet esprit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Monsieur le ministre, hier, vous êtes déjà intervenu au sujet de la CIG devant la commission des affaires étrangères. Quelles chances la France et l'Allemagne ont-elles de conserver, après l'élargissement, la pondération des voix en vigueur aujourd'hui ? Dans l'hypothèse d'une Europe à vingt ou vingt-cinq Etats, ces deux pays conserveraient alors un poids politique qui leur permettrait d'entraîner avec eux les six ou sept autres qui le souhaiteraient, pour aller de l'avant - je crois que la Belgique, le Luxembourg, l'Italie et les Pays-Bas se sont prononcés en faveur de ce schéma.

Par ailleurs, si votre sentiment est que nous n'avons aucune chance d'obtenir satisfaction sur ce point, quelles réponses politiques le Gouvernement entend-il apporter à la proposition qui vient d'être faite par notre principal partenaire en Europe ? Je vous rappelle en effet qu'elle a été approuvée par le Chancelier et qu'il ne s'agit donc plus d'une position personnelle de votre collègue allemand. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, le grand débat sur l'avenir de l'Europe à long terme, comme l'a indiqué M. Fischer, prend de l'ampleur. C'est une très bonne chose, car nous sommes tous persuadés ici, comme le sont maintenant nos partenaires au sein de l'Union, qu'un grand élargissement va intervenir dans les prochaines années - de façon maîtrisée, de façon contrôlée, négocié dans les meille ures c onditions possibles. Par conséquent, nous devons répondre à la question du fonctionnement de l'Europe de demain, qui engage notre avenir, ainsi que celui de l'Allemagne et de nos autres partenaires de l'Union. Il faudra ouvrir un grand débat, démocratique et sérieux, pour étudier les solutions qui se profilent, solutions très pragmatiques ou de type noyau dur ou fédéralisme.

Mais il s'agit bien d'une perspective à long terme.

C'est ainsi qu'il faut comprendre la démarche de M. Fischer et l'approbation manifestée par le Chancelier allemand : ils ont voulu alimenter le débat, sans s'engager sur des détails, et le processus qu'ils proposent interviendrait d'ailleurs par étapes.

Cela rejoint notre préoccupation immédiate, car nous aurons à prendre la responsabilité de la présidence et par conséquent à conduire la Conférence intergouvernementale vers la meilleure solution possible - c'est-à-dire la plus ambitieuse - avec toute l'énergie nécessaire. Nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir, mais cela dépendra aussi des autres Etats membres ; nous chercherons naturellement à parvenir au plus grand consensus possible.

Je précise qu'il n'est d'ailleurs pas question de rechercher une issue à n'importe quel prix, sous prétexte que la présidence sera française. Nous conclurons si le résultat est bon, bon pour traiter les problèmes de l'Europe d'aujourd'hui et bon pour préparer le développement de l'Europe de demain.

M. Hervé de Charette.

Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères.

C'est à ce titre que nous prenons pleinement en compte le problème précis que vous avez soulevé : celui de la « repondération » des voix.

Déjà, dans l'Europe à quinze, le problème est réel : on sait que les écarts de population sont énormes, tandis que les écarts de voix sont extrêmement réduits. Or ce problème ne pourra que s'aggraver avec l'élargissement. La

« repondération » est par conséquent un élément clé de la négociation de la Conférence intergouvernemantale, et c'est de la solution à ce problème que dépendront l'accord sur l'élargissement à la majorité qualifiée, la taille de la Commission, la coopération renforcée et les autres points importants.

A ce stade, alors que nous n'avons pas encore pris la présidence, je ne peux donc pas vous répondre sur la seule question de la pondération, si ce n'est pour vous dire que nous nous en préoccupons. Nous nous prononcerons à la fin de la présidence française, en étudiant la position de tous nos partenaires sur les quatre points que je viens d'évoquer.

Quelle que soit notre conception de l'avenir de l'Union, il est essentiel d'assouplir les coopérations renforcées, qui, aujourd'hui, sont impraticables - sauf pour les actes hors traités, même si, dans ces cas-là, ce n'est pas non plus la meilleure procédure. Tout le monde est d'accord sur ce point - même M. Fischer en a fait un préalable. Nous concentrerons tous nos efforts et notre énergie politique à obtenir ce résultat. Notre travail immédiat est de convaincre nos partenaires, et, le moment venu, nous pourrons légitimement avancer des propositions.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

FINANCEMENT DES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, hier, le groupe UDF a été surpris par vos déclarations : vous proposez d'abonder le fonds de réserve des retraites par les recettes tirées de la vente des licences de téléphonie mobile.

(« Bonne idée ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Or, monsieur le ministre, vous savez que nous avons besoin d'une véritable réforme des retraites, offrant plus de sécurité aux retraités et allant vers plus de justice entre les différents systèmes. A côté de la répartition, à laqu elle nous sommes très attachés et qui doit rester le fondement de notre régime. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Pierre Carassus.

Bravo !

M. Jean-Pierre Foucher.

... il doit y avoir un système d'épargne retraite, comme c'est déjà le cas dans de nombreux pays européens.

Monsieur le ministre, vous conviendrez que les mesures annoncées hier sont dérisoires par rapport à l'enjeu : il ne s'agit, en fait, que de différer une fois encore la réforme indispensable - à moins que cette mesurette ne constitue à elle seule tout votre programme...

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Jean-Pierre Foucher.

Quand allez-vous enfin prendre ce dossier à bras-le-corps...

M. Jean Bardet.

Jamais !

M. Jean-Pierre Foucher.

... pour apporter de vraies réponses et lancer de vraies réformes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie fran-


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çaise-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Merci de votre question, monsieur le député, qui va me permettre de revenir sur tous les éléments du problème, que vous n'avez manifestement pas saisis. (Sourires sur divers bancs. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Tout d'abord, il m'a semblé normal, dans un débat d'orientation budgétaire, d'apporter des précisions sur l'utilisation du produit de la vente des licences. Dans la mesure où ces financements vont intervenir à partir de l'an prochain et que le débat portait précisément sur 2001, il n'aurait pas été compris que je me dispense d'apporter des précisions à cet égard.

Ainsi, pour l'essentiel, le produit de ces ventes irait non pas aux dépenses de fonctionnement de l'Etat - ce ne serait ni correct, ni sérieux - mais à une dotation complémentaire du fonds de réserve des retraites. Vous vous rappelez sans doute qu'à la fin du mois de mars de cette année, M. le Premier ministre a présenté un plan...

Mme Nicole Bricq.

M. Foucher a tout oublié ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... prévoyant, par une montée en régime progressive d'ici à 2020, l'abondement de ce fonds de réserve des retraites, à hauteur de 1 000 milliards de francs, par toute une série de dispositions : affectation des excédents de la caisse vieillesse, revenus financiers, CSG prélevée sur les sociétés, entre autres.

Monsieur le député, pour éviter toute confusion de votre part, je tiens à vous préciser que les sommes dont j'ai parlé hier viennent en complément et non en substitution des sommes annoncées par le Premier ministre au mois de mars. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Foucher.

Et la réforme ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est d'autant plus essentiel qu'il s'agit de savoir, comme vous l'avez fort justement rappelé, si, oui ou non, on croit à la répartition. Nombreux sont ceux, dans cette assemblée, qui affirment croire à la répartition.

C'est certainement vrai ; je leur fais volontiers confiance, surtout s'ils siègent à la gauche de l'hémicycle... (Protestations sur les mêmes bancs.) Nous verrons bien si vos protestations sont justifiées.

Quelle est la meilleure façon d'être certain que la répartition restera le pilier de notre système de retraite ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Capitalisez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est d'affecter des sommes suffisantes pour que la répartition ne soit pas simplement un étendard qu'on brandit, mais une réalité qui garantit la retraite des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

DÉLINQUANCE SEXUELLE

M. le président.

La parole est à M. Christian Cabal.

M. Christian Cabal.

Madame la garde des sceaux, les faits divers concernant les crimes et délits sexuels, qui sont d'une gravité toute particulière, se succèdent malheureusement à une fréquence dramatique. L'actualité récente montre encore que les individus incriminés sont capables d'actes de barbarie extrême mais sont aussi en mesure d'utiliser les technologies de la communication les p lus modernes, notamment Internet, pour ce qui c oncerne les réseaux de pédophiles. Dans quelques semaines, nous entrerons dans la période estivale et chacun sait que celle-ci se caractérise malheureusement par une augmentation de la fréquence des crimes les plus horribles et que des familles seront encore endeuillées.

Ces délinquants, nous en connaissons le profil : ce sont des multirécidivistes notoires ou encore méconnus. La justice, à leur égard, prend des décisions punitives mais doit aussi mettre en oeuvre des mesures préventives efficaces. Notre assemblée en a déjà largement débattu. Une loi a été votée, il y a de cela près de deux ans. Cette loi n'est peut-être pas parfaite, mais elle existe et doit être mise en oeuvre.

Quelles mesures prévoit-elle ? Deux d'entre elles sont significatives. L'injonction thérapeutique mise en oeuvre en période carcérale puis en période post-carcérale permettra, espérons-le, de prévenir la récidive. Quant au fichier des empreintes génétiques, on connaît sa redoutable efficacité pour identifier rapidement les coupables, mais aussi - il faut insister sur ce point - pour innocenter des sujets mis en examen à tort suite à un aveu injustifié.

Madame la ministre, pour des raisons pour le moins incompréhensibles, ces mesures ne sont pas encore opérationnelles. Ma question sera plutôt une supplique : faites en sorte que les décrets soient mis en oeuvre le plus rapidement possible par le Gouvernement - je crois que le Conseil d'Etat a déjà été entendu - afin que les mesures nécessaires soient opérationnelles et que la longue liste de souffrances endurées par les victimes et les familles soit enfin close. (Applaudissement sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, il n'y a pas, en effet, de crime plus insupportable que les violences sexuelles dont sont victimes des enfants, surtout lorsque ceux-ci ont des liens affectifs avec leur agresseur. Je rappelle que 80 % des viols et agressions sexuelles sur des mineurs sont commis à l'intérieur de la famille.

Cependant, ces crimes sont heureusement de plus en plus souvent dénoncés par les victimes elles-mêmes - parce que nous avons mis en place des mesures pour les y inciter et que la société est devenue moins tolérante et leurs auteurs sont de plus en plus sévèrement condamnés par les tribunaux.

La loi du 17 juin 1998, que j'avais présentée devant le Parlement, vous l'avez rappelé, permet d'abord de mieux prendre en charge les mineurs victimes : elle aménage la procédure en autorisant leur enregistrement, pour éviter qu'ils n'aient à répéter le récit de cet effrayant trauma-


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tisme ; ils sont accompagnés par un avocat et par un administrateur ad hoc, afin d'éviter que les parents, parfois complices de l'agression, ne désignent eux-mêmes la personne qui est censée assister l'enfant.

Grâce à cette loi, les peines ont également été sensiblement aggravées. Surtout, le délai de la prescription a été repoussé après l'âge de dix-huit ans afin que les victimes qui attendent l'âge adulte pour pouvoir dénoncer de tels actes ne se voient pas opposer la peine de prescription. Par ailleurs, le fichier d'empreintes génétiques, dont vous avez parlé, améliore l'efficacité des recherches.

Les décrets d'application sont sortis. Il est vrai que ce ne fut pas simple, parce qu'il s'agit du premier fichier d'empreintes génétiques qui est mis en place en France ; c'est autre chose qu'un fichier d'empreintes digitales et il a fallu prendre des précautions pour garantir la protection des libertés individuelles, sous le contrôle du Conseil d'Etat et de la Commission nationale informatique et libertés. Quoi qu'il en soit, ces décrets sont bien sortis et notre dispositif est par conséquent opérationnel.

J'ajoute que, au-delà de la loi, j'ai veillé, avec Martine Aubry et Dominique Gillot, à ce que soient mis en place des dispositifs spécifiques dans les hôpitaux : les enfants victimes sont entendus par des pédopsychiatres et ce sont les magistrats et les policiers qui se déplacent pour accomplir les procédures judiciaires. Ainsi, le témoignage est le plus fiable possible et les enfants sont traités au mieux. Nous avons ouvert cinq sites expérimentaux : à Béziers, Saint-Nazaire, Lyon, Lille et Bordeaux.

Les tribunaux frappent massivement les coupables. Le nombre de condamnations, depuis dix ans, a été multiplié par trois et je puis vous assurer, en tout cas, que nous faisons tout, y compris en dehors de l'application de la loi, pour que ces crimes insupportables soient mieux réprimés et que l'on tente d'éviter la récidive : c'est l'objet de la disposition de la loi sur le suivi socio-judiciaire, qui est dorénavant opérationnelle.

Voilà quelle est notre action. Je pense en effet qu'il était important d'attirer à nouveau l'attention de l'Assemblée nationale sur cette question très importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) GRÈVE DES CONVOYEURS DE FONDS

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Ma question s'adresse à M. le P remier ministre. Après quinze jours d'agonie, un convoyeur de fonds est décédé hier.

Mme Nicole Bricq.

Charognards !

M. Christian Estrosi.

Mes pensées se tournent d'abord vers sa famille, ensuite vers l'ensemble de ses collègues.

Ce drame est particulièrement révélateur du climat d'insécurité qui n'a cessé de s'alourdir ces dernières années dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Les violences se généralisent, les zones de non-droit se développent et, au-delà des menaces qui pèsent sur l'ensemble de nos concitoyens, tous les jours celles et ceux qui ont à assurer la protection de nos concitoyens sont menacés, que ce soient nos gendarmes, nos policiers nationaux, nos policiers municipaux, quelquefois même nos sapeurs-pompiers, qui ne peuvent même plus entrer dans les zones de non-droit sans se faire « caillasser », et enfin les convoyeurs de fonds.

Il ne nous semble pas que les trois « mesurettes » proposées ce matin en Conseil des ministres compenseront l'absence d'un grand projet de lutte contre l'insécurité qui rétablirait la paix civile et sociale dans notre pays.

Et comme un mal ne vient jamais seul, le conflit engagé par les convoyeurs de fonds...

M. Didier Boulaud.

Vous êtes contre ?

M. Christian Estrosi.

... premières victimes de cette insécurité, risque d'avoir des conséquences économiques importantes. La pénurie de billets, qui s'étend un peu partout (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , pénalise les citoyens et les commerçants. On ne peut malheureusement faire du « comonnayage » comme on fait du covoiturage.

Ma question sera double.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour que les Français puissent disposer des moyens de paiement nécessaires à leurs transactions courantes ? La sécurité étant la première des libertés, quand admettra-t-il la nécessité de mettre en oeuvre une vraie politique qui assure des garanties suffisantes aussi bien à l'ensemble des citoyens qu'à tous ceux chargés de leur protection ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, au nom du Gouvernement et, j'en suis sûr, de toute la représentation nationale, je tiens à saluer le sacrifice de ce convoyeur de fonds qui est malheureusement décédé et à exprimer à sa famille notre sympathie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Le métier de convoyeur de fonds est difficile, dangereux. J'ai eu l'occasion de le dire, cette profession comporte effectivement des risques, qui doivent être rémunérés à leur juste mesure. (Très bien ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Le problème n'est pas nouveau. J'ai avec moi un certain nombre de statistiques (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) qui vont me permettre de vous dire ce qu'il en est exactement des attaques de fourgons blindés. En 1997 : treize, en 1998 : dix, en 1999 : sept...

M. Jean-Michel Ferrand.

Tout va bien !

M. le ministre de l'intérieur.

Pour l'année 2000, nous en sommes à quatre et j'espère que nous n'irons pas audelà.

Nous nous sommes saisis du problème dès l'an dernier.

En janvier 1999, nous avons engagé une concertation avec les transporteurs de fonds, avec les syndicats. Des mesures réglementaires ont été prises. Le récent décret du 28 avril 2000 prévoit le renforcement des blindages, le port des gilets pare-balles,...

M. Arnaud Lepercq.

Et quand ils attaquent au bazooka ?

M. le ministre de l'intérieur.

... une amélioration de l'armement. D'autres mesures concerneront l'interdiction du travail de nuit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

J'ai envoyé des instructions aux préfets pour que, avant la fin de mai, soient réunies les commissions départementales de sécurité des transports de fonds afin que toutes les mesures concrètes soient prises sur le terrain.

Mais, pour cela, des dispositions législatives étaient nécessaires. Le projet de loi que j'ai présenté ce matin en Conseil des ministres prévoit précisément une possibilité de réglementation pour les maires en matière de stationnement et de circulation et, surtout, l'obligation pour les banques et les grandes surfaces d'aménager des « trappons », c'est-à-dire des sas, pour limiter au maximum l'insécurité au cours des transferts de fonds.

Ces dispositions étaient nécessaires, mais ce n'est qu'un aspect de la question. Car un problème social évident se pose par ailleurs. De considérables avancées ont eu lieu, sous l'égide de la médiation exercée par le ministère de l'équipement et des transports. Actuellement, le patronat propose 1 000 francs par mois. Les syndicats en réclament 1 500.

Il faut dire clairement que les donneurs d'ordres devront répercuter dans leurs prix l'augmentation des coûts normaux de rémunération du personnel affecté au convoyage des fonds. Cela dit, la décision devrait pouvoir intervenir très rapidement, comme nous le souhaitons.

Pour cela, il faut exercer les pressions nécessaires.

Monsieur Estrosi, vous enfourchez régulièrement le cheval de l'insécurité. Or, la délinquance globale est contenue dans notre pays.

(« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Les enquêtes de victimation, dont je viens d'avoir connaissance et qui sont diligentées par l'Institut des hautes études de sécurité intérieure, montrent que les Français se sentent aujourd'hui moins menacés qu'il y a une dizaine d'années.

(« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Des mesures concrètes sont prises dans tous les domaines afin que les attentes de nos concitoyens trouvent des réponses au niveau de la puissance publique. Je vous invite donc à ne pas faire de démagogie sur un tel sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

LUTTE CONTRE LA PROSTITUTION

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Madame la ministre d e l'emploi et de la solidarité, s'est tenu hier à l'UNESCO un colloque sur la prostitution. Les associations qui l'organisaient ont présenté vingt propositions au plan national ou international pour éradiquer ce fléau.

Nous constatons en effet une recrudescence extrêmement importante du trafic d'êtres humains en vue de la prostitution ; des milliers de femmes sont enlevées ou achetées à cet effet dans les pays de l'Est ou du Sud.

Aujourd'hui encore, la prostitution fait l'objet d'acceptations tacites, voire d'une bienveillance complice. Certains pays affichent même une position totalement mercantile, assimilant la prostitution à un métier comme un autre.

Quelle est donc la position du Gouvernement français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, l'important colloque qui a eu lieu hier rappelle tristement le fait que la prostitution, loin de reculer sur le plan international et dans notre pays, continue à s'accroître. Nous le constatons tous les jours en France, notamment avec ces jeunes filles venues de l'Est de l'Europe.

Je voudrais rappeler l'engagement du Gouvernement au niveau national et international contre la traite des êtres humains et contre toutes les formes de prostitution qui sont, comme vous l'avez dit, des atteintes absolument inacceptables aux droits fondamentaux, à la dignité et à l'intégrité de la personne. Ces violences sont dégradantes et vont jusqu'à faire perdre leur identité aux femmes concernées, car ce sont sont surtout des femmes, nous le savons bien.

La France a ratifié en 1960 la Convention internationale relative à la répression de la traite des êtres humains et à l'exploitation de la prostitution d'autrui.

Cette convention, qui avait été adoptée par les Nations unies, permet de conduire une politique globale de prévention, de réinsertion des personnes anciennement prostituées et de répression.

Pour avancer au niveau international, notamment européen, il faut que nous ayons la même conception de la prostitution. Or certains pays continuent de défendre un courant réglementariste, qui distingue une prostitution qui serait exercée librement et celle qui serait forcée, seule cette dernière entraînant une répression. C'est le cas, par exemple, des Pays-Bas. La France, au contraire, continue de défendre une position abolitionniste. La prostitution n'est pas acceptable. C'est une violence contraire aux droits de l'homme et de la femme, qui porte atteinte à la dignité. Nous nous battons, comme le fera Nicole Péry à l'assemblée générale extraordinaire de l'ONU du 5 au 9 juin, pour condamner la prostitution, dans le prolongement de la conférence de Pékin de 1995 sur les droits des femmes.

Depuis deux ans et demi, le Gouvernement - notamment le service des droits des femmes et la direction de l'action des services de l'action sociale - accompagne les associations qui interviennent au niveau de la prévention, de la formation et de l'accompagnement des personnes prostituées. Il le fait en accroissant les crédits, et en menant un travail partenarial avec les fonctionnaires, un travail de formation et de sensibilisation des différents milieux. Par ailleurs, le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, aggrave notablement la répression du proxénétisme ; on assiste d'ailleurs actuellement à une augmentation des peines.

Voilà ce que je souhaitais dire sur la recrudescence d'un phénomène de société dont les médias se font l'écho. Il ne peut y avoir d'attitude bienveillante vis-à-vis de la prostitution. Seule une condamnation générale d'un acte qui porte atteinte à la dignité et à l'intégrité des pe rsonnes est la position à tenir. Je crois que c'est, sur tous les bancs, la position de la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ EN CÔTE D'IVOIRE

M. le président.

La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli.

Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, le 12 mai, en Côte d'Ivoire, le général Gueï a fait connaître le calendrier électoral devant aboutir à l'élection présidentielle des 17 septembre et 8 octobre prochains.

La première étape de ce calendrier sera un référendum organisé le 23 juillet et portant sur la Constitution. Dans le projet qui sera soumis aux électrices et aux électeurs, figureraient des dispositions relatives à l'éligibilité à la magistrature suprême et certaines prévoiraient - je parle au conditionnel - que des personnalités ayant occupé des fonctions officielles antérieures sous un passeport différent seraient exclues de l'élection présidentielle.

Monsieur le ministre, compte tenu de l'intérêt et de l'attachement que porte la France à la Côte d'Ivoire, pays ami et francophone, qui tient une place privilégiée en Afrique de l'Ouest et où vivent 20 000 de nos compatriotes, je souhaiterais connaître votre opinion sur les risques de déstabilisation que pourrait entraîner ce genre de dispositif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, depuis qu'à la veille de Noël un coup de force a conduit au renversement du président Bédié et à la mise en place d'un Conseil national de salut public présidé par le général Gueï, la France n'a eu de cesse de demander aux autorités de fait comment elles entendaient refonder la démocratie en Côte d'Ivoire. Il nous semblait qu'il fallait le faire vite : pour les Ivoiriens, car cette situation transitoire est fragile et comporte des risques d'insécurité ; pour la Côte d'Ivoire, car celle-ci doit retrouver la confiance pleine et entière de ses partenaires, de la France, de l'Europe et des institutions internationales dont la contribution sera essentielle au redressement d'une situation économique très difficile. Cela dit, il convient de saluer les efforts accomplis par la Côte d'Ivoire en remboursant à l'Union européenne ce qu'elle devait et à l'Agence française de développement certains arriérés.

Que s'est-il passé ? Le général Gueï a mis en place une commission nationale consultative, constitutionnelle et électorale dont la première tâche était de proposer une nouvelle Constitution. La question délicate est celle de la nationalité des candidats. Nous savons comment le débat autour de l'« ivoirité » avait pollué la vie politique ivoirienne tout au long de l'année 1999 et contribué à la situation de crise qui a connu un dénouement en décembre 1999.

Le général Gueï a reçu les propositions de la commission, consulté les dirigeants des formations politiques et tranché.

Deux dispositions concernent la nationalité ou les conditions de nationalité des candidats. La première va plutôt dans le sens de l'ouverture, contrairement à ce qui s'était passé, notamment, à la fin de l'année 1999. On n'exige plus du candidat qu'il soit de père « et » de mère ivoiriens mais de père « ou » de mère ivoirien.

La seconde disposition, elle, ne va pas tout à fait dans la même direction car, comme vous l'avez dit vousmême, elle exclut les candidats qui se seraient prévalus d'une autre nationalité pour postuler à un emploi public.

Bien évidemment, les partisans de M. Ouattara y voient le risque que la candidature de ce dernier soit écartée ; cela suscite d'ores et déjà de grandes réserves.

Que pouvons-nous dire ? Que pour la première fois, la question de la nationalité n'est plus confisquée par les états-majors et qu'elle sera posée au peuple ivoirien.

L'essentiel est que celui-ci puisse, dans la clarté, mesurer l'importance de l'enjeu de la consultation populaire à laquelle il participera dans quelques mois. La France va s'y employer, au sein de l'Union européenne, de façon que les scrutins qui vont suivre, et dont vous avez rappelé le calendrier, soient parfaitement transparents et que les futures autorités ivoiriennes tirent d'un scrutin démocratique la légitimité dont elles ont besoin.

Est-il besoin de préciser que la France suit avec une attention extrême l'évolution d'une situation qui demeure fragile et très préoccupante, notamment du point de vue de l'ordre public, en particulier à Abidjan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical. Citoyen et Vert.)

SÉCURITÉ DU TRANSPORT ROUTIER

M. le président.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, jeudi dernier, à Voiron, en Isère, un camion a provoqué en plein centre-ville un accident dont le bilan est lourd : deux morts, treize blessés dont deux blessés très graves. C'est le quatrième accident de ce type dans cette ville depuis vingt ans. Le traumatisme de la population voironnaise est profond et son émoi légitime. Au-delà des circonstances particulières de cet accident, se pose de nouveau le problème général de la sécurité routière, ainsi que celui des nuisances, qui ne font qu'augmenter, et des dangers, qui ne font que s'aggraver, du transport routier de marchandises, dans les centres-villes notamment.

Je sais que depuis trois ans le Gouvernement a décidé de réorienter la politique de notre pays en faveur du transport ferroviaire en vue de rééquilibrer le rail et la route. Mais cet effort sans précédent ne semble pas encore à la hauteur des problèmes qui se posent.

J e vous demande en conséquence, monsieur le ministre, de m'indiquer si cet effort pourrait être accentué dans les prochaines années.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, comme vous, nous avons été particulièrement marqués par ce terrible accident et nous nous associons à la douleur des familles et des victimes.

Des travaux de déviation avaient été entrepris à Voiron dès le XIe Plan, mais ils ne furent pas achevés. Le Gouvernement a donc décidé d'inscrire au XIIe Plan un financement de 112 millions de francs pour que cette réalisation soit effective dans les meilleurs délais. J'ai demandé à mes services de faire en sorte que les premiers travaux puissent commencer dès cet été. Mais, dès à présent, je me félicite de l'accord qui vient d'intervenir entre M. le préfet de l'Isère et le maire de Voiron concernant la mise en place immédiate d'une déviation pour les poids lourds.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Mais vous posez plus généralement le problème de la sécurité routière et celui du rééquilibrage du trafic de marchandises entre le rail et la route. Vous avez tout à fait raison. C'est bien l'objectif du Gouvernement qui, depuis maintenant trois ans, a engagé une politique en ce sens. Je pense au rééquilibrage du trafic dans les zones particulièrement sensibles, les Alpes notamment.

Vous dites, monsieur le député, que des avancées ont été réalisées. C'est vrai, mais vous vous demandez si cela va se poursuivre et si nous en avons les moyens.

S'agissant du rééquilibrage en faveur du fret, sachez q ue les investissements ferroviaires inscrits dans les contrats de plan à l'échelle du pays ont été multipliés par dix par rapport aux dépenses intervenues dans ce secteur au cours du précédent contrat de plan. Les crédits du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables ont été doublés en trois ans pour ce qui concerne le transport ferroviaire. Enfin, j'ai rencontré lundi mon homologue italien pour faire avancer de manière significative le projet Lyon-Turin.

S'agissant de la sécurité dans les traversées des agglomérations, les contrats de plan prévoient de nombreux aménagements de déviations et de traversées d'agglomérations, en plus des programmes régionaux d'aménagement de sécurité.

Bref, s'agissant du rééquilibrage en faveur de modes de transport permettant de mieux prendre en compte les problèmes d'environnement et de sécurité, c'est-à-dire en faveur du ferroviaire notamment, nous sommes décidés, non seulement à conforter, mais aussi à poursuivre l'action engagée, afin de doubler en dix ans le trafic marchandises sur le rail. Il en résultera une situation véritablement nouvelle par rapport à celle d'aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

LUTTE CONTRE LA PÉDOPHILIE ET LA MALTRAITANCE

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Madame la ministre de la justice, je souhaiterais attirer votre attention sur la lutte contre la pédophilie et la maltraitance des enfants, à la suite du rapport qui vous a été remis récemment par l'association l'Enfant bleu.

Beaucoup dénoncent la lenteur de la justice dans ce domaine et soulignent la souffrance des enfants qui attendent de un à cinq ans qu'une condamnation soient prononcée. Mais c'est bien parce que les enfants maltraités commencent à rompre le silence et à porter plainte contre leur bourreau que les juges sont débordés et que des plaintes sont classées. La justice a été mise au banc des accusés par diverses associations qui l'estiment inadaptée dans la lutte contre la maltraitance des enfants.

Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation intolérable ? Ne pensez-vous pas qu'il est grand temps de donner à la parole des enfants une crédibilité et une considération qui semble faire défaut lors de leur déposition ? Des affaires récentes, relatées par la presse, ont jeté le doute dans l'opinion sur l'efficacité de la réponse judiciaire. Pouvez-vous rassurer les familles sur votre action en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame le députée, en répondant tout à l'heure à M. Cabal, j'ai indiqué les progrès que la loi de juin 1998 nous permettait de faire dans la répression des violences sexuelles.

S'agissant de l'action des tribunaux, je voudrais d'abord vous préciser qu'en 1997, il y a eu 1 097 condamnations pour violences sexuelles, contre 1 584, soit près de 600 de plus, en 1998. Depuis dix ans, le nombre de condamnations ne cesse d'augmenter. Aujourd'hui, 50 % des affaires traitées en assises sont des crimes sexuels. On ne peut donc pas dire que les tribunaux restent inactifs.

Tous les jours, je vois au contraire des juges oeuvrer avec constance et détermination pour réprimer ce genre de crime.

Il est vrai, toutefois, que l'on peut encore faire des progrès. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de mettre en place un groupe de travail sur le traitement des procédures particulièrement délicates dans lesquelles notamment sont dénoncées des agressions sexuelles lorsque des parents se séparent. Dans ces cas-là, en effet, il est très difficile, pour le juge d'instruction, de démêler le vrai du faux. Or ces affaires sont extrêmement traumatisantes pour les enfants, surtout lorsqu'ils sont victimes de l'un des deux parents. Mais il arrive quelquefois aussi qu'ils soient manipulés. Il importe donc d'agir avec beaucoup de précautions.

A cet égard, le traitement récent par certains médias d'une affaire individuelle ne correspond absolument pas à la réalité, comme d'ailleurs d'autres quotidiens et une chaîne de télévision l'ont démontré, preuves à l'appui.

Mme Frédérique Bredin.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Il faut veiller à ne pas traiter ces questions, extrêmement délicates, uniquement sur le mode de l'émotion.

Par ailleurs, je mets actuellement en place un groupe de travail interministériel pour explorer les difficultés juridiques procédurales et les techniques d'enquêtes spécialisées dans les affaires se rapportant à des réseaux pédophiles internationaux. Nous devons en effet adapter nos moyens de lutte.

J'indique à cet égard que Mme Danielle Ringot, juge d'instruction chargée à Paris du suivi de quelques-unes de ces affaires, a récemment décidé de délivrer dix-neuf commissions rogatoires aux dix-neuf services régionaux de police judiciaire et à la gendarmerie nationale afin qu'un fichier de 572 photographies d'enfants soit diffusé. Si des parents français ont le sentiment que leur enfant peut figurer dans ce fichier, ils pourront se faire connaître à la police.

Madame le député, vous le voyez, nous essayons d'améliorer encore nos moyens en la matière. Mais il importe de ne pas traiter à la légère ces affaires individuelles, qui sont extrêmement compliquées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue.

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

3 LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000 Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (nos 2335, 2387).

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au terme d'un travail dont je salue la qualité, votre rapporteur général a bien voulu qualifier ce collectif d'historique. De fait, il l'est.

M. Philippe Auberger.

C'est ambivalent !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Il l'est, notamment par son ampleur. Didier Migaud a raison. Grâce à la politique menée sous l'égide de Lionel Jospin, nous aurons en effet rattrapé, en une législature, le retard de croissance accumulé au cours des années précédentes. Un million d'emplois a été créé depuis trois ans et nous avons pour objectif la création d'un million d'emplois de plus d'ici à la fin de 2002, pour passer sous la barre des deux millions de chômeurs. A croissance exceptionnelle, recettes exceptionnelles : c'est en effet de ce succès que viennent les 51 milliards de francs qui figurent dans ce projet de loi de finances rectificative.

Historique, ce projet l'est aussi par le contexte dans lequel il s'inscrit. Je le résumerai en deux principes : la croissance au service de la lutte contre les inégalités ; la transparence au service du débat démocratique.

La croissance n'est pas une fin en soi. Elle est un levier au service de notre projet économique et social. La lutte contre les inégalités est au coeur des objectifs de ce collectif. C'est elle qui nous conduit à vous proposer de renforcer les services publics et à vous présenter des baisses d'impôts d'un montant sans précédent pour favoriser le retour à l'emploi, pour conforter le pouvoir d'achat et pour accroître notre potentiel de croissance. Avec une croissance ranimée depuis trois ans nous avons eu plus d'emplois. Avec davantage d'emplois, nous aurons plus de croissance.

J'entends parfois des économistes résignés...

M. Michel Bouvard.

Avant, les économistes étaient distingués. (Sourires.).

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... ou des libéraux défaitistes décrire le mur que constituerait un chômage qu'ils qualifient de structurel.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas nous !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Or cette majorité ne se résoudra jamais au chômage. Il n'est pas une contrainte que nous devons subir. Il est l'objet d'un combat que nous devons mener. Tel est le sens des mesures proposées.

Ce collectif illustre également la méthode du Gouvernement. En effet, faire le choix de la loi de finances rectificative, c'est faire le choix de la transparence et du débat devant la représentation nationale. Ce souci de transparence n'est pas un voeu pieux. Avec Laurent Fabius nous le traduisons en actes, comme le montrent les propositions qu'il vous a présentées hier. Je suis heureuse d'assumer ces choix devant vous aujourd'hui.

Concrètement quelles sont les principales propositions de ce collectif que Laurent Fabius et moi-même vous présentons ? Il s'agit d'abord de baisser les impôts. A cet égard est proposée une baisse massive de 40 milliards ...

M. Marc Laffineur.

C'est trop ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... qui s'ajoutent aux 40 milliards que votre majorité a déjà votés dans la loi de finances pour 2000. Au total, il s'agira donc de 80 milliards sur une seule année. Une telle baisse est sans précédent.

M. Philippe Auberger.

Comme l'était la hausse de 1999 !

M. Michel Bouvard.

Nous verrons à la fin !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous n'allons pas amorcer un débat sur lequel nous allons passer un certain temps.

M. Jean-Jacques Jégou.

Si, il serait intéressant d'engager le débat !

M. Jean-Pierre Brard.

Parlons de la hausse de 1995 !

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir laisser

Mme la secrétaire d'Etat poursuivre.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Fait nouveau et également exceptionnel : il s'agit d'une baisse instantanée.

Si vous approuvez les mesures qui vous sont proposées ...

M. Pierre Méhaignerie.

C'est déjà fait ! Ce n'est pas instantané !

M. Philippe Auberger.

C'est même rétroactif !

M. Jean-Pierre Brard.

Comme la hausse de la TVA en 1995 !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... l'impôt sur le revenu de 1999 correspondant aux déclarations que les Français ont effectuées au mois de mars baissera dès cette année. Il en ira de même pour la taxe d'habitation.

Quant à la baisse de la TVA, effective depuis le 1er avril de cette année, elle sera pérennisée.

Il s'agit d'une baisse productive et solidaire, car on ne diminue pas les impôts sans raison et sans moyens. Néanmoins on ne le fait pas non plus sans objectifs. A ceux qui, trop souvent, croient trouver dans la baisse des impôts un thème électoraliste et des promesses sans lendemain nous opposons un projet politique autour de trois principes forts.

Le premier est le renforcement du service public. En effet, celui-ci participe de la compétitivité globale de notre pays. Surtout, il est l'un des gages essentiels de sa cohésion sociale. Toute stratégie de baisse des impôts qui serait fondée sur le démantèlement des services publics serait vouée à l'échec. En ce domaine, notre choix est clair : oui à une dépense publique maîtrisée autour de services publics modernisés, non à une dépense publique vilipendée et à des services publics sacrifiés.

Le deuxième principe est celui de la solidarité. Les parlementaires que vous êtes le savent mieux que quiconque : le retour de la croissance, la baisse du chômage, la confiance retrouvée rendent encore plus inacceptable qu'avant la persistance de situations sociales dégradées.

C'est lorsque l'horizon se dégage qu'il est insupportable de laisser certains de nos concitoyens au bord de la route.


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C'est pourquoi les baisses d'impôts qui vous sont proposées veulent à la fois conforter le pouvoir d'achat et favoriser le retour à l'emploi.

Le troisième principe est celui de l'innovation. Il y a, au coeur de la croissance que nous connaissons depuis trois ans, l'émergence de nouvelles technologies, de nouveaux entrepreneurs, de nouveaux capitaux, qui contribuent de manière décisive au dynamisme de notre pays.

J'ai la conviction que notre fiscalité doit en tenir compte et qu'il faut dire non à l'argent qui dort et oui à l'argent qui sert l'emploi.

C'est bien dans cette perspective globale que s'inscrit la réforme fiscale qui a été conduite depuis 1997. Je n'en retiendrai que quelques exemples.

D'abord, la suppression de l'assiette salariale de la taxe p rofessionnelle est porteuse de dizaines de milliers d'emplois. Au total, cette année, plus d'un million d'établissements seront affranchis de toute part de la taxe professionnelle assise sur les salaires. En outre, l'effort temporaire qui avait été demandé en 1997 aux entreprises payant l'impôt sur les sociétés a bien trouvé son terme en 2000, comme cela avait été annoncé. Ainsi, 13 milliards de francs sont aujourd'hui disponibles pour l'investissement et pour l'emploi.

Ensuite, la baisse de quinze points de la TVA sur les t ravaux dans les logements, intervenue dès septembre 1999, a donné une impulsion considérable à un secteur économique qui a recommencé à créer des emplois et contribué à décourager le travail au noir.

M. Pierre Méhaignerie.

Non, ne dites pas ça !

M. Bernard Outin.

On dirait qu'il le regrette !

M. Pierre Méhaignerie.

Le travail au noir s'est encore développé !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

En touchant potentiellement un million de personnes, la baisse de TVA a aussi favorisé l'amélioration du cadre de vie et permis de faire face aux dégâts causés par les tempêtes de cet hiver.

Enfin, la suppression du droit de bail, immédiate pour la grande majorité des locataires, allège les charges pesant sur le budget des ménages et contribue très concrètement à réduire les inégalités.

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous ne parlez pas du collectif budgétaire ! Je croyais pourtant qu'il était l'objet du débat !

M. Marc Laffineur.

La ministre s'est trompée de discours !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

C'est bien en fonction de ces mêmes principes que la réforme se poursuit dans le cadre de ce collectif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendante.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Pas d'impatience ! Une femme, il faut savoir l'attendre ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Il s'agit en effet de faire bénéficier tous les Français de la croissance et d'aider ceux qui voient aujourd'hui leurs impôts augmenter trop vite lorsqu'ils retrouvent un emploi.

M. Michel Bouvard.

Et même d'aider ceux qui n'en retrouvent pas !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Si vous adoptez ce projet de loi, les deux premiers taux du barème de l'impôt sur le revenu baisseront d'un point dès 2000.

M. Marc Laffineur.

C'est énorme !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Pour plus de 650 000 foyers, cela se traduira par une exonération complète et pour tous il s'agira d'un allègement - important pour les plus bas revenus, modeste mais non négligeable pour les autres - dans le respect du principe de progressivité et de redistributivité de cet impôt. Cette mesure représente 11 milliards soit à peu près l'équivalent du supplément de recettes attendu en 2000 de l'impôt sur le revenu par rapport aux prévisions du budget initial pour 2000.

M. Michel Bouvard.

C'est-à-dire par rapport à ce qui est payé par les familles !

M. Philippe Auberger.

Et les suppléments de 1998 et 1999 ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Si vous adoptez ce projet de loi, la taxe d'habitation sera profondément réformée. Cette mesure est évidemment complémentaire de la précédente car, si tout le monde ne paie pas l'impôt sur le revenu, tout le monde est concerné par la taxe d'habitation.

Or vous en connaissez les défauts et vous les éprouvez : une assiette vieillissante, une complexité croissante et, surtout, une réelle injustice d'une taxe qui demande plus aux plus modestes, même avec les mécanismes existants d'allégement. Je ne dirai pas mieux que Didier Migaud dans le constat qu'il dresse dans son rapport à ce sujet.

Par ailleurs, cette mesure répond à une demande de l'Assemblée nationale. En effet, en proposant de supprimer sa part régionale, le projet de loi s'adresse à tous les contribuables, car tous en profiteront, et concerne la fraction de cette taxe qui est la plus éloignée du citoyen et la plus faible dans son produit.

Vis-à-vis des régions, après un dégrèvement en 2000, une compensation indexée sur la dotation globale de fonctionnement sera mise en place à partir de 2001. Je n'ignore pas les opinions qui ont été exprimées à ce sujet et je sais que nous en débattrons. Cependant j'estime que cela préserve la responsabilité et l'autonomie des régions.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Méhaignerie.

Ne dites pas ça ! Venez voir sur le terrain !

M. Marc Laffineur.

Il faut sortir de Paris !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Par ailleurs, il est proposé de réformer les mécanismes de dégrèvement, sans, bien entendu, remettre en cause les dispositions actuelles de complète exonération.

Malgré les efforts du Gouvernement et de la majorité je pense en particulier au prolongement du dégrèvement total pour les titulaires du RMI pour l'année où ils retrouvent un emploi ou à l'abaissement de 1 500 à 1 200 francs du minimum de taxe laissé à la charge des plus modestes -, le système actuel comporte encore trop d'injustices : des inégalités, car, à ressources égales, on n'est pas traité de la même manière selon l'origine des revenus ; des effets de seuil qui, par leur brutalité, n'encouragent pas la reprise d'activité ; un poids de la taxe au regard des revenus, plus faible pour les revenus moyens que pour les revenus modestes.

C'est pourquoi le Gouvernement vous propose un système unifié et plus juste, qui fonctionne pour tous en deçà d'un certain seuil de revenu, en tenant compte du


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revenu et sans montant minimum fixe à la charge des contribuables. Cela permettra à 1 300 000 contribuables de bénéficier d'un dégrèvement total. Cette mesure représente, elle aussi, 11 milliards de francs.

Enfin, si vous adoptez ce projet de loi, la baisse de la TVA entrera définitivement dans les faits, au bénéfice de tous. Ce faisant, le Gouvernement accompagne la croissance en rendant du pouvoir d'achat aux Français et donne, sur les prix, un signal de baisse à l'heure où des tensions peuvent apparaître dans certains secteurs. L'effet positif de la mesure apparaît d'ailleurs dans la stabilité des prix constatée en avril.

Il veut aussi, tout simplement, achever de restituer aux Français la hausse décidée par le Gouvernement précédent en août 1995. Avec les baisses ciblées mises en oeuvre depuis 1998, qui ont représenté 30 milliards de francs, ce sera chose faite, puisque la mesure proposée aujourd'hui, qui représentera plus de 18 milliards de francs en 2000 et plus de 30 milliards de francs en 2001, portera nos baisses de TVA à plus de 60 milliards.

Certains ont cru bon de critiquer cette mesure sous prétexte qu'elle ne serait pas assez visible. Cela ne correspond pas du tout aux prévisions de l'INSEE qui s'attend à ce que les trois quarts de la baisse soient répercutés dans les prix.

Avec des baisses d'impôts massives, instantanées, dictées par un souci d'efficacité et de solidarité, nous sommes loin, à tous égards, de ces baisses dont la droite parle souvent mais qu'elle met rarement en oeuvre et qui, quand elle les décide, les consacre à la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes ou à l'allégement de l'impôt des classes les plus favorisées. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous avez quatorze ans de retard !

M. François d'Aubert.

Et la baisse de l'impôt sur le revenu en 1997 ?

M. Marc Laffineur.

C'est un discours de conseiller général !

M. Philippe Auberger.

Même pas, ... Il faudrait qu'elle soit élue !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Les Français qui demandent à être convaincus que les impôts baisseront ne s'y tromperont pas. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce collectif a aussi vocation à renforcer le service public.

Plus de croissance pour plus de solidarité est vrai en matière fiscale. Cela l'est aussi pour les services publics.

Tel est l'objectif poursuivi par l'affectation de la dizaine de milliards de francs de dépenses supplémentaires que nous vous proposons en la matière.

Il s'agit d'abord d'une solidarité exceptionnelle pour faire face à des circonstances exceptionnelles. Il nous appartenait en effet d'aider, partout où cela était nécessaire, les personnes ayant souffert des deux ouragans qui ont balayé notre territoire à la fin de l'année, du cyclone Lenny aux Antilles ou de la marée noire provoquée par le naufrage de l' Erika.

Il fallait aussi restaurer la qualité de l'environnement, la sécurité des forêts et l'intégrité des paysages. Les é lus que vous êtes ont apporté une contribution décisive dans ces journées difficiles. Je tiens à la saluer aujourd'hui, très vivement et très sincèrement.

Au nom de la solidarité nationale, le Premier ministre a pris des engagements devant vous le 2 février dernier.

Ils ont été tenus, les crédits nécessaires étant évidemme nt mobilisés de manière immédiate. Ils seront confirmés et confortés grâce à ce collectif, puisque plus de 6 milliards de francs y sont consacrés.

Quels sont donc les grandes mesures qui trouvent leur traduction dans ce collectif ? D'abord un effort considérable est consenti en faveur de nos forêts. Nous savons tous à quel point les besoins sont importants. Il va falloir continuer à couper, arracher, valoriser les bois coupés et replanter. Près d'un milliard est ouvert à ce titre au profit des actions forestières nationales et de l'Office national des forêts. Deux mesures fiscales viendront renforcer ce dispositif : le taux de TVA sur les travaux forestiers est ramené de 20,6 % à 5,5 % et l'achat de parcelles forestières ou de terrains nus destinés à être reboisés est temporairement exonéré de droits.

Un autre axe fort de ce collectif est constitué par l'aide aux collectivités locales sinistrées en métropole et aux Antilles. Près d'un milliard est prévu pour rembourser des frais de réquisition, pour aider à faire face aux dommages aux biens non indemnisés par les assurances et pour aider les communes forestières. Par ailleurs, 500 millions sont consacrés à l'accélération des remboursements de TVA pour les travaux réalisés par les collectivités à la suite de la tempête.

Par ailleurs, plus de 700 millions sont ouverts pour la restauration du réseau routier et des digues, des phares et balises et des infrastructures portuaires endommagées.

L'Etat s'est également engagé à aider les secteurs économiques les plus touchés : près de 600 millions sont inscrits pour les agriculteurs, les pêcheurs et les conchyliculteurs, les entreprises contraintes au chômage partiel, l'hôtellerie de plein air, le tourisme social et, plus généralement, l'ensemble du secteur du tourisme. Il importe, en effet, que la saison soit réussie sur nos côtes, qu'elle le soit surtout à hauteur des efforts déployés par tous pour nettoyer et remettre en état nos plages et nos rochers.

Avec plus de 500 millions, un effort particulier a également été consenti en faveur des monuments historiques.

Le budget de l'environnement et de l'aménagement du territoire est abondé de près de 300 millions pour accompagner la restauration des sites et des écosystèmes affectés par la marée noire de l' Erika et par les tempêtes.

Enfin, l'Etat a immédiatement apporté son soutien à l'effort de solidarité des communes et des organismes sociaux par une dotation exceptionnelle aux commissions d'aide sociale d'urgence, en inscrivant 350 millions à ce titre.

Cette solidarité exceptionnelle ne doit pas non plus nous faire oublier la solidarité du quotidien pour l'école, pour la santé et pour la ville notamment.

Le collectif propose donc 2,6 milliards d'engagements au profit des hôpitaux, à la suite du protocole d'accord négocié par Martine Aubry et Dominique Gillot. Cet argent servira principalement à payer le remplacement d'agents absents, ce qui se traduira par une amélioration du service pour nos concitoyens, en particulier dans les services d'urgence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Une somme d'un milliard est également prévue au profit de l'éducation nationale. Le métier d'enseignant est aujourd'hui plus complexe qu'autrefois, à la fois parce que les publics sont différents, plus mêlés, parce que les rapports du jeune à l'adulte et à l'autorité sont moins clairs, moins hiérarchiques, parce que la violence gagne certains établissements, et aussi, me semble-t-il, parce que les attentes de certaines familles et de certains enfants sont immenses face à l'école, l'avenir de ces derniers étant en cause.

Dans ce collectif, nous avons voulu marquer notre soutien au corps enseignant et montrer aux familles que leurs préoccupations étaient les nôtres. La réforme de l'enseignement professionnel va permettre de moderniser les équipements, pour les aligner sur ceux, que les jeunes trouveront dans les entreprises, et va permettre de renforcer le suivi des élèves en stage.

Dans le second degré, 1 000 maîtres d'internat seront recrutés dès la rentrée prochaine pour améliorer l'encadrement et lutter contre la violence.

Le suivi médicosocial des élèves, qui est un système d'alerte et de soins essentiel dans les collèges et les lycées les plus défavorisés, sera aussi renforcé.

E nfin, des moyens pédagogiques supplémentaires seront mis à la disposition des enseignants. Comme la lettre de cadrage l'indique, l'éducation nationale constituera toujours une priorité dans le projet de loi de finances pour 2001.

Par ailleurs, 450 millions seront consacrés à la politique de la ville, une politique de la ville souvent étroitement liée à la politique de l'éducation nationale. Le renforcement sans précédent des crédits qui y sont consacrés depuis deux ans doit éviter que la croissance ne s'arrête à la porte des quartiers en difficulté. La croissance retrouvée doit être celle de tous les Français.

Grâce à ce collectif, le programme des adultes-relais pourra débuter puisque les financements seront disponibles pour 10 000 d'entre eux. Ils vont contribuer à rénover les liens sociaux en accompagnant les habitants dans leurs démarches, en facilitant le dialogue entre les générations et en contribuant à résoudre les petits conflits de la vie quotidienne. En outre, 150 équipes emploiinsertion seront constituées et disponibles sur le terrain.

Enfin, des crédits nouveaux seront ouverts pour la revitalisation économique des quartiers, et pour encourager le maintien et le développement des services publics.

Mais les dépenses qui vous sont proposées ne s'arrêtent pas à l'école, à la santé ou à la ville. Elles portent sur u ne grande partie de l'action de l'Etat.

En effet, 250 millions de francs abondent la dotation de compensation de la taxe professionnelle, consacrant ainsi les progrès de l'intercommunalité voulue par le Gouvernement et dont le succès ne peut que nous réjouir collectivement.

La formation professionnelle des transporteurs routiers et le fonctionnement du comité national routier seront améliorés.

Le plan d'urgence pour les prisons est accéléré, des m oyens étant prévus pour la modernisation et la c onstruction d'établissements pénitentiaires. Plus de 200 millions seront débloqués pour le programme de dépistage de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Enfin, 50 millions seront consacrés à la création artistique et 40 millions financeront un « appel à projets » en direction des initiatives d'économie solidaire. Catherine Tasca et Guy Hascoët auront sans doute l'occasion de vous en parler plus en détail.

Tel est l'essentiel des mesures que le Gouvernement soumet à votre approbation. Comme vous le voyez, elles s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de long terme, cohérente et déterminée, en faveur d'une croissance au service de la lutte contre les inégalités.

Ce collectif est donc un élément important et cohérent de notre stratégie pluriannuelle de finances publiques qui a été décrite hier. Il montre qu'on peut financer nos priorités tout en maîtrisant la dépense,...

M. Marc Laffineur.

Mais vous les augmentez, les dépenses !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... qu'on peut baisser les impôts pour la solidarité et la croissance, sans sacrifier les services publics.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Marc Laffineur.

Vous les avez augmentés, les impôts !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Ne croyez pas pour autant que le Gouvernement sacrifie le déficit à ces projets. La baisse de celui-ci n'est pas pour nous un a priori idéologique.

M. Gilles Carrez.

Elle est virtuelle !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Elle constitue une volonté de réduire l'impôt le plus injuste qui soit, c'est-àdire la charge de la dette. Celle-ci est en effet un impôt qui favorise le capital et qui, surtout, pèse sur les générations futures.

La réduction des déficits se poursuit donc avec détermination et régularité. Alors que les déficits n'ont été réduits que de 20 milliards entre 1993 et 1996, ils l'ont été de 90 milliards entre 1997 et 1999. Au cours de cette dernière année, nous avons en effet accéléré le rythme, en faisant deux années en une. Cela nous permet, en 2000, de nous consacrer aux baisses d'impôts et aux services publics, avant de reprendre en 2001 notre rythme de baisse, de l'ordre d'une vingtaine de milliards de francs par an.

Mesdames, messieurs les députés, ce collectif est celui des engagements du Gouvernement vis-à-vis des Français, celui des engagements tenus.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Tout à fait !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2000 au terme du débat que je m'apprête à avoir avec vous avec l'aide de votre commission des finances, de son président et de son rapporteur général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la secrétaire d'Etat, je suis très heureux de vous succéder à la tribune après votre première intervention dans cet hémicycle. Je profite de l'occasion pour saluer la qualité des relations que vous avez su immédiatement établir avec la représentation parlementaire, et en particulier la commission des finances (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Charles de Courson et M. Marc Laffineur.

Sur la cagnotte !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... aux côtés, bien sûr, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce point de vue est, je pense, partagé par l'ensemble de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Elle ne viendra pas vous inspecter !

M. Jean-Pierre Brard.

Messieurs de l'opposition, vous pourriez au moins être galants, à défaut d'être avertis !

M. Jean-Louis Idiart.

Ce sont des machos !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'examen, au printemps, d'un projet de loi de finances rectificative est exceptionnel en dehors des périodes marquant des ruptures ou des inflexions dans notre vie politique, comme les alternances gouvernementales ou présidentielles.

M. Michel Bouvard.

Ça arrive !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Effectivement, cela arrive...

M. Jean-Pierre Brard.

Peut-être tous les cinq ans ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... même si vous ne l'avez pas particulièrement souhaité.

M. Gérard Hamel.

Ça ne va pas tarder pour vous !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler M. le rapporteur général ! Vous vous exprimerez ensuite !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous examinons donc aujourd'hui un collectif et nous pouvons nous en réjouir.

En effet, davantage que le constat, plus ou moins critique, d'une prudence assurément excessive dans l'anticipation des effets de la croissance retrouvée et confortée en 1999, la présentation de ce texte par le Gouvernement doit être un sujet de satisfaction pour le Parlement tout entier, puisqu'il est finalement la traduction par l'exécutif d'une demande parlementaire.

Compte tenu des indications disponibles en février dernier, relatives aux bonnes rentrées fiscales de 1999, après être allé quérir l'information à la source, notamment auprès de l'agence comptable centrale du Trésor, la commission des finances a été en mesure, dès le 14 mars dernier, de fournir à notre assemblée les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget de 1999. Il a été possible d'en inférer l'ordre de grandeur de la réévaluation qu'il était à la fois raisonnable et néce ssaire d'apporter aux recettes de l'Etat, telles qu'elles étaient consignées dans la loi de finances pour 2000.

En quelques mot, il s'agissait de prendre en compte d'abord l'« effet de base » à hauteur de vingt-cinq milliards de francs, ensuite l'effet sur les recettes de la révision des prévisions de croissance pour 2000 à hauteur de onze milliards de francs,...

M. Jean-Jacques Jégou.

L'effet Fabius !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... enfin, les quelque quinze milliards de francs de recettes non fiscales...

M. Charles de Courson.

Dix-huit !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... prévues au titre de 1999 et dont l'imputation ou l'encaissement a été différé.

Au total, votre commission des finances a invité le Gouvernement à une révision de cinquante milliards de francs des recettes budgétaires pour 2000. C'est, à quelques centaines de millions de francs près, le montant de la révision des recettes qui nous est aujourd'hui proposée par le Gouvernement. Si d'aucuns contestent ce chiffre, je considère pour ma part qu'à ce stade, il est crédible et responsable.

Ces recettes supplémentaires sont, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'Etat, à hauteur de quarante milliards de francs, consacrées à des baisses d'impôts supplémentaires, portant le total des allégements fiscaux prévus au titre de 2000 au montant sans précédent de quatrevingt milliards de francs, comme cela a déjà été dit hier à l'occasion du débat sur les orientations budgétaires.

Cette priorité aux allégements fiscaux s'inscrit dans la l ogique de la politique budgétaire définie à l'automne 1997 et mise en oeuvre depuis lors avec les i nflexions rendues nécessaires par l'évolution de la conjoncture ou les résultats obtenus.

Cette politique budgétaire s'articule, nous l'avons rappelé hier, autour de trois grands axes : assurer le financement des actions publiques prioritaires tout en maîtrisant la dépense publique, poursuivre et amplifier la réduction des déficits publics et réduire le poids des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire des impôts et cotisations.

En 1997-1998, nous avons mis l'accent plutôt sur la dépense publique afin de ranimer, puis de soutenir, l'économie. Cette politique a porté ses fruits : la croissance est de retour et notre pays est désormais l'un des moteurs de la croissance européenne. D'ici à l'année prochaine, on peut même espérer que la France aura résorbé l'écart constaté au cours des années 1990 entre son taux de croissance effectif et sa croissance potentielle.

La croissance installée, il aura été possible de mettre l'accent sur la réduction du déficit. A cet égard, l'année 1999 a permis à notre pays de prendre de l'avance sur les engagements résultant du pacte communautaire de stabilité et de croissance. En 1999, le besoin d e financement de l'ensemble des administrations publiques a été réduit à 1,8 % du PIB, soit une baisse de près d'un point par rapport à l'année précédente. L'Etat a joué son rôle dans ce mouvement puisque le déficit budgétaire est passé de 3 % du PIB en 1998 à 2,5 % en 1999.

Ces bons résultats ont néanmoins des effets non souhaités, en dépit de réductions d'impôts décidées en 1997 et 1998. La croissance a généré d'importants surplus de recettes fiscales qui n'ont pas permis de tenir les engagements pris en matière de réduction des prélèvements obligatoires puisque ceux-ci ont atteint 45,7 % du PIB. C'est la raison pour laquelle, dès ce printemps, le Gouvernement nous propose de mettre l'accent sur les réductions d'impôt.

Trois mesures très significatives sont proposées.

D'abord, et conformément à un souhait exprimé à l'automne dernier par la commission des finances et la majorité de cette assemblée, le Gouvernement propose d'alléger, dès l'automne 2000, la taxe d'habitation. Nous avons demandé au Gouvernement un rapport, qu'il a présenté avant-hier, mais, sans attendre, deux mesures d'importance sont proposées pour réduire le poids d'un impôt qui est injuste et pèse lourdement sur les ménages.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Il s'agit d'abord, vous l'avez dit, madame la secrétaire d'Etat, de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation, qui représente un montant brut de 5,8 milliards de francs. Cette mesure ne nous paraît pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales qui s'exerce dans le cadre prévu par la loi. J'observe d'ailleurs que l'Etat assure d'ores et déjà près de 60 % du financement des régions. La compensation de la perte de ressources qu'enregistreront celles-ci sera calculée d'après le produit de rôles généraux de 2000 et évoluera comme la dotation globale de fonctionnement, ce qui est la garantie d'une certaine stabilité.

Un effort de simplification et d'amélioration est également proposé en ce qui concerne les mécanismes de dégrèvement. On compte, pour l'instant, pas moins de six dispositifs qui se sont empilés. Le système serait refondu et aboutirait à un dispositif plus favorable pour les contribuables modestes. L'allégement net qui en résultera est de l'ordre de 4,9 milliards de francs.

Toutes choses égales par ailleurs, tous les contribuables devraient bénéficier des mesures proposées, y compris, dans l'immédiat - et je tiens à insister sur ce point -, les personnes dites « cohabitantes » qui bénéficiaient du dégrèvement de leur cotisation excédant 3,4 % de leurs revenus. Pour les quelque 250 000 contribuables concernés, dont la situation doit, pour des raisons juridiques mises en avant par le Conseil d'Etat, être alignée sur celle de l'ensemble des cohabitants, un dispositif de lissage sur cinq ans de cette normalisation nécessaire a été élaboré.

Peut-être aurons-nous l'occasion d'ici à l'examen de la loi de finances pour 2001 de compléter ce dispositif de lissage, mais le Gouvernement s'est efforcé d'atténuer au maximum les inconvénients que pourrait avoir cette disposition nécessaire au regard de notre droit. Je rappelle que tous les contribuables redevables de la taxe d'habitation à l'automne 2000 devraient connaître une réduction de celle-ci. Si problème il y a, il se posera dans l'avenir, et pour quelques contribuables seulement, soit 250 000.

Ce chiffre doit bien évidemment être mis en regard des 24 millions de contribuables qui payent la taxe d'habitation.

S'agissant de la TVA, le Gouvernement a proposé une mesure simple et forte : la baisse du taux normal, qui passe de 20,6 % à 19,6 %, ce qui représentera en 2000 un coût de 18,5 milliards de francs. Les premières constatations effectuées par l'INSEE montrent que cette mesure commence à avoir un effet positif sur les prix, donc sur le pouvoir d'achat des ménages.

L'effet d'allégement accompli en matière de TVA depuis juin 1997 - nous l'avons déjà dit hier - atteint 60 milliards de francs, entre les baisses ciblées et cette mesure générale. Nous avons ainsi, conformément à nos engagements, rendu aux Français les 60 milliards de francs que M. Alain Juppé, son gouvernement, sa majorité de l'époque leur avaient confisqués en août 1995 en majorant de deux points le taux normal. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Cabal.

Vous remboursez vos dettes !

M. Jean-Pierre Brard.

Non, celles de Balladur !

M. Jean-Louis Idiart.

Eh oui !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

M. Balladur n'at-il pas expliqué qu'à partir de 1994 il se sentait complètement responsable de la situation budgétaire de notre pays et qu'il assumait complètement cette responsabilité ? Ne cherchons pas les uns et les autres dans le passé des motifs pour nous opposer.

M. Gérard Hamel.

Suivez le présent, ce ne sera déjà pas mal !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je fais seulement des constats qui me semblent incontestables.

M. Christian Cabal.

Non. Ils ne sont pas objectifs !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'impôt sur le revenu fait également l'objet d'une mesure significative dont bénéficieront tous les contribuables. La baisse d'un point du taux applicable aux deuxième et troisième tranches allégera de 11 milliards de francs l'impôt dû en 2000 sur les revenus de 1999. En moyenne, l'allégement sera d'environ 700 francs par foyer fiscal, et plus de 650 000 foyers fiscaux supplémentaires deviendront non imposables.

Il est à noter que, du fait même de la logique retenue, cette diminution d'impôt sera comparativement plus importante pour les contribuables modestes ou disposant de revenus intermédiaires.

La justice fiscale a donc été au coeur de ce collectif qui prévoit des baisses d'impôt sans précédent.

Le seul exemple que j'ai pu retrouver, dans un passé récent, est la suppression, en 1986, de l'impôt sur les grandes fortunes, ce qui a représenté un allégement de l'ordre de 4 milliards de francs. Mais la cible n'était pas la même : à chacun ses priorités !

M. Bernard Outin.

Eh oui !

M. François d'Aubert.

Quelle était-elle en 1997 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le collectif prévoit un ajustement aux besoins qui ne remet pas en cause la maîtrise de la dépense.

Un mot sur le passé. Tout d'abord, la publication, par la Cour des comptes, de son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1999 a pu conforter ceux qui croient, ou feignent de croire, que le Gouvernement n'a pas été capable de tenir ses engagements concernant la maîtrise de la dépense en 1999.

Il faut tout simplement s'entendre sur les notions. La Cour indique, je l'avais écrit moi-même dès le 14 mars dernier, que les charges brutes du budget général ont augmenté de 3,2 %.

M. Jean-Jacques Jégou et M. Charles de Courson.

Eh oui !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pour autant, je tiens à réaffirmer que le taux d'évolution des charges nettes du budget général et nettes des recettes d'ordre et corrigé des changement de structures et des dépenses exceptionnelles, s'est établi à 1,6 %, soit 1 % en volume, ce qui correspond à l'objectif fixé en loi de finances initiale. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Non !

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas sérieux ! Ce n'est pas objectif !

M. Gilles Carrez.

Manipulation !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela ne vous plaît pas,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas une question de plaire ou de ne pas plaire !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... mais la majorité actuelle et le Gouvernement ne sont pas responsables des tempêtes de décembre 1999 ni de la marée noire...

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Gilles Carrez.

Il n'y a que les résultats qui comptent !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues ! Laissez M. le rapporteur général terminer. Vous pourrez vous exprimer ensuite.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'on ne saurait donc imputer à une quelconque mauvaise gestion les dépenses nécessaires qui ont dû être engagées au titre de la solidarité nationale.

M. Michel Bouvard.

Ça, c'est vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

On pourrait évoquer aussi la dette de l'UNEDIC ! Elle pose en effet le problème de la transparence. Le Parlement tout entier s'est trouvé engagé par une simple lettre de l'ancien ministre du budget, M. Lamassoure, à rembourser un emprunt de 10 miliards de francs. La représentation nationale n'en a pas été informée.

M. Gilles Carrez.

Il y avait 50 milliards de francs de déficit !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Si nous sommes aujourd'hui confrontés à des problèmes de transparence et si nous essayons de cheminer pour que des progrès réels soient accomplis, c'est bien parce qu'il y a eu dans le passé des pratiques inadmissibles que nous subissons encore aujourd'hui...

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Tout à fait ! M. Jean-Jacques Jégou et

M. Charles de Courson.

Non !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et cela, il faut le redire.

De même, en ce qui concerne le remboursement des 10 milliards de l'UNEDIC, nous ne pouvons l'imputer au gouvernement actuel.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Outin.

C'est vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il s'agit bien d'une dépense exceptionnelle.

M. Bernard Outin.

Eh oui !

M. Jean-Louis Idiart.

Demandez-le à Giscard, il s'en souvient !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Les ouvertures en termes de crédits nets atteignent 12,4 milliards de francs, dont 9,7 milliards de francs de crédits civils et 2,7 milliards de francs de crédits militaires gagés par une annulation d'un montant à peu près égal sur les dépenses en capital, qui n'obère pas la capacité du ministère de la défense d'engager effectivement les programmes industriels prévus.

S'agissant des dépenses civiles, 5,5 milliards de francs seraient ouverts pour financer les mesures de solidarité nationale en faveur des victimes des différents sinistres qui ont touché la France pendant l'automne-hiver 1999.

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail des mesures prévues au titre des aides générales aux particuliers et aux entreprises, des aides particulières à l'agriculture, à la pêche et à la conchyliculture ainsi que des mesures prises au titre du plan national pour la forêt française.

Des mesures importantes sont également prévues en faveur des collectivités locales, en particulier le remboursement immédiat de la TVA sur les travaux qu'elles ont réalisés afin de réparer les dégâts causés par les in tempéries, ce qui représente une majoration de 500 millions de francs pour le fonds de compensation pour la TVA.

Par ailleurs, des crédits sont prévus au titre de trois séries d'engagements récents pris par le Gouvernement.

Il s'agit d'abord de mesures d'urgence en faveur du service public hospitalier, parmi lesquelles 2 milliards de francs destinés à faciliter les remplacements, à améliorer les conditions de travail, à prévenir la violence et à renforcer les urgences. Et ces dispositions, très attendues, sont d'autant plus importantes qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une programmation pluriannuelle. L'amélioration du service public éducatif donne lieu à des ouvertures d'un milliard de francs confortant ainsi la priorité accordée depuis 1997 à un investissement d'avenir : la formation des jeunes. On notera en particulier la mise à niveau des crédits pédagogiques ainsi que la modernisation des établissements d'enseignement professionnel. L'effort en direction de l'éducation nationale sera poursuivi en 2001 et 2002.

Enfin, il s'agit de donner une première concrétisation aux décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 - Mme la secrétaire d'Etat y a déjà insisté.

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail des mesures diverses concernant le dépistage de l'ESB, les services pénitentiaires, les transports routiers ou encore les collectivités locales.

On notera, en particulier, la mise à niveau des crédits pédagogiques ainsi que la modernisation des établissements d'enseignement profession. L'effort en direction de l'éducation nationale sera poursuivi en 2001 et 2002.

Enfin, il s'agit de donner une première concrétisation aux décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999. Mme la secrétaire d'Etat a déjà insisté.

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail des mesures diverses concernant le dépistage de l'ESB, les services pénitentiaires, les transports routiers, ou encore les collectivités locales.

Compte tenu des évolutions prévues en matière der ecettes, de baisses d'impôts et d'ajustements des dépenses, le déficit resterait quasi inchangé ; il s'établit à 9 milliards au-dessus du déficit constaté au cours de l'exécution 1999. Ces prévisions ne sont pas aussi satisfaisantes que l'on pourrait le souhaiter, mais cet inconvénient est lié à la nécessité de mettre désormais l'accent sur la baisse des impôts pour renforcer la justice sociale, l'emploi et favoriser le dynamisme de l'économie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Nous avons, madame la secrétaire d'Etat, bien noté vos déclarations ainsi que celles de M. le ministre devant la commission des finances, selon lesquelles, si la croissance se maintient au niveau prévu, les plus-values de recettes fiscales constatées seront affectées à la réduction du déficit. A défaut, il conviendrait naturellement, par une maîtrise accrue de la dépense publique, de regagner les marges nécessaires pour peser sur le déficit.

En conclusion, votre commission des finances a jugé positif ce projet de loi de finances rectificative. Elle ne propose que quelques modifications à la marge, dont une mesure d'équité, adoptée à l'initiative des membres du groupe communiste, qui consiste à exonérer d'impôt sur le revenu et de contributions sociales l'indemnité de cessation d'activité versée aux travailleurs ayant été exposés à l'amiante.

De même, nous suggérons de conforter les pouvoirs d'investigation des rapporteurs spéciaux et généraux des commissions des finances des deux assemblées...

M. Michel Bouvard et M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... afin d'éviter que le secret professionnel ne puisse leur être opposé lorsqu'ils recherchent des éléments en vue d'informer la représentation nationale.

Nous proposons également une mesure de compensation de la baisse des droits de mutation à titre onéreux sur les forêts en faveur des communes - le coût pour les finances de l'Etat devrait être minime - ainsi que la pérennisation d'une mesure favorable, en matière de TVA, pour les cafés-concerts. Enfin, nous avons adopté ce matin, en application de l'article 88, plusieurs dispositions, à l'initiative de M. Cochet notamment, qui devraient avoir des effets positifs pour nos concitoyens.

Sous ces réserves, au demeurant peu importantes, la commission des finances a adopté l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2000 et demande à l'Assemblée nationale de faire de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François d'Aubert, pour une durée qui ne pourra excéder une heure trentes mais qui peut être plus brève, bien entendu ! (Sourires.)

M. François d'Aubert.

Elle le sera ! Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc à nouveau réunis pour délibérer sur cette caricaturale saga budgétaire 19992000,...

M. Gérard Bapt.

Quel mépris du Parlement !

M. François d'Aubert.

... un budget-feuilleton comme on n'en avait jamais vu et qui, à peine cinq mois après avoir été voté, se retrouve totalement chamboulé devant l'Assemblée nationale - et c'est bien cela qui est historique : on n'avait, je le redis, jamais vu cela.

M. Jean-Louis Idiart.

La jalousie vous fait parler !

M. François d'Aubert.

Après tous ces avatars de la calotte, pardon, de la...

(Rires.)

M. Jean-Louis Idiart.

Oui, pas la calotte, tout de même !

M. Christian Cabal.

A bas la cagnotte ! (Rires.)

M. François d'Aubert.

... de la cagnotte et cette mise à l'écart du Parlement, je tiens à remercier le Gouvernement : après tout, c'est fort aimable à lui de penser un peu, le temps d'un après-midi, à la représentation nationale !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est sympathique !

M. François d'Aubert.

Oui, c'est sympathique... Nous a vions à l'époque prévenu vos deux prédécesseurs, madame la secrétaire d'Etat, du caractère peu crédible de leurs estimations de recettes fiscales dans le projet de loi de finances pour 2000. Il aura fallu attendre le dénouement de l'affaire de la cagnotte - ou des « surplus », dirait M. le ministre des finances - pour que votre gouvernement daigne enfin revoir sa copie.

Compte tenu des nombreuses manipulations - certains diraient, des « trafics » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) j'ai mis des guillemets à « trafics » qu'a subi, aussi bien en dépenses qu'en recettes, le budget 1999, et de leurs répercussions à retardement sur la loi de finances 2000, il nous paraît invraisemblable que le budget 1999 serve encore de base au budget 2000.

La loi de finances initiale pour 2000 n'a plus guère des ignification. Et ce collectif repentir présenté avec emphase par M. Jospin il y a quelques semaines, avece nthousiasme par vous-même, madame la secrétaire d'Etat, mais défendu, il faut bien le dire, du bout des lèvres par M. le ministre des finances, n'est pas vraiment à la mesure de l'opacité des budgets 1999 et 2000, sommets du genre ! En réalité, c'est une loi de finances complète pour 2000 qu'il aurait fallu reconstruire et nous regrettons qu'il n'en soit pas ainsi.

Alors, vive la transparence ! C'était hier le leitmotiv de M. le ministre... Vive la lumière après les ténèbres, comme aurait dit M. Lang, s'il avait été à votre place, mais seulement en 2001, pour l'année prochaine ! Et dès lors que les grandes mesures de transparence ne vaudront qu'à compter de 2001, force est d'en déduire que le budget 2000 sera le dernier budget non transparent de l'histoire budgétaire... Hélas ! le Gouvernement, pour ce dern ier budget opaque, aura persévéré dans la non-transparence et la dissimulation.

Si le budget 1999 a servi de base pour le budget 2000, il nous fournit une pièce à conviction que M. le rapporteur général a prise un peu à la légère : je veux parler du rapport préparatoire de la Cour des comptes sur l'exécution du budget 1999, qui rappelle très justement que la sincérité des comptes publics est une exigence de la démocratie, du contrôle parlementaire et surtout qu'elle est un principe à valeur constitutionnelle.

M. le ministre des finances, dans une interview fameuse donnée le 7 mars 2000 au journal Les Echos , avait proclamé : « A l'avenir, la sincérité des comptes, principe à valeur constitutionnelle, devra éclairer la discussion budgétaire au lieu de relever d'un vague contrôle après coup ». Comment ne pas adhérer à un tel constat ? C e principe fondamental se déduit en effet de l'article 16 de l'ordonnance organique du 25 janvier 1959, qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité de par l'article 47 de la Constitution qui y renvoie. Il pose en effet que le budget est l'ensemble des comptes qui décrivent, pour une année civile, toutes les ressources et les charges permanentes de l'Etat.

Cette exigence devrait être celle de tous les gouvernements. Cela n'a certes pas toujours été le cas. Mais force est de constater que, depuis ces dernières années, elle a été encore plus battue en brèche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Que l'Etat ne devrait pas, par des artifices comptables - quand bien même certains restent des artifices légaux -, pouvoir décaler dans le temps l'encaissement d'une recette ou le paiement d'une dépense. C'est là un minimum, me direzvous.

L'ordonnance crée, il est vrai, un dilemme permanent entre la nécessité de laisser de la marge de manoeuvre au Gouvernement et celle d'encadrer, de contrôler démocratiquement la gestion publique. Or, à force de trop rationaliser le parlementarisme, l'ordonnance organique de 1959 a consacré la toute-puissance du Gouvernement par rapport au contrôle parlementaire.

Ainsi votre gouvernement n'a pas cessé, tout au long de l'année 1999, de réévaluer par petits bouts le montant des recettes fiscales effectivement encaissées sur l'exercice budgétaire de cette année-là. C'est le petit Poucet : 13 milliards, puis 24 milliards, puis finalement 30,7 milliards de cagnotte annoncés en exécution.

M. Charles de Courson.

Nous l'avions dit !

M. François d'Aubert.

Et voilà que le récent rapport préliminaire de la Cour des comptes sur le budget 1999, notre pièce à conviction, avance le chiffre de 57 milliards de francs ! Mettez-vous à notre place, monsieur le rapporteur général ! N'est-ce pas surprenant ? Nous en étions à 30 milliards au mois de décembre, et voilà que l'on nous révèle qu'il y en a quasiment deux fois plus !...

M. Philippe Auberger.

Un miracle !

M. François d'Aubert.

... ce que certains ici, dont M. de Courson, avaient annoncé !

M. Bernard Outin.

De Courson, c'est le Messie !

M. Christian Cuvilliez.

Et dire qu'on ne le croit jamais !

M. François d'Aubert.

On pourrait dire dans d'autres enceintes : de qui se moque-t-on ? Le chiffre « juré craché » du Gouvernement était de 30 milliards au mois de décembre, voire en janvier ; nous voilà arrivés au double.

Comment cela a-t-il été possible ? Personne, c'est vrai, n'est contre le principe de précaution, y compris en matière budgétaire.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous étiez pourtant contre, et vous l'aviez écrit !

M. François d'Aubert.

Mais à ce point-là, cela ressemble plus à une « forfaiture » -entre guillemets - qu'à une erreur de bonne foi.

M. Jean-Pierre Brard.

Décidément, vous ne savez parler qu'entre guillemets !

M. François d'Aubert.

Nous voilà bien au-delà des commodités auxquelles tous les ministres des finances et les secrétaires d'Etat au budget ont pu se prêter. Sur 1999, on n'est plus dans l'opacité occasionnelle ; elle est bien intentionnelle...

M. Philippe Auberger.

Il parle d'expérience !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous ne croyez pas si bien dire !

M. François d'Aubert.

Le but est de tout faire pour minimiser les recettes afin d'éviter un débat difficile pour vous sur la répartition des fruits de la croissance, et éviter les débordements dépensiers d'une majorité manifestement pas encore convertie à l'idée de maîtrise des dépenses publiques - je ne suis d'ailleurs pas sûr que la totalité du Gouvernement y soit réellement convertie ; parallèlement, tout faire pour camoufler la hausse des dépenses observées avec un oeil tout de même très sévère par Bruxelles.

En fait, l'écart de 27 milliards de francs constaté par la Cour des comptes provient essentiellement d'artifices comptables, de reports de recettes ou de retards dans les encaissements de 1999 par rapport à 2000.

M. Christian Cuvilliez.

C'est ce que l'on appelle la tournée supplémentaire !

M. François d'Aubert.

« Feu M. Sautter », si je puis dire, encore entre guillemets (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste),...

M. Eric Besson.

Quelle bêtise, et sans guillemets ! Cela suffit, monsieur d'Aubert !

M. François d'Aubert.

... et vous-même, madame la secrétaire d'Etat, vous vous êtes d'abord donné beaucoup de mal pour ralentir les rentrées des recettes non fiscales.

Evaluées initialement à 167,3 milliards de francs, elles se situent en fait en exécution à 150 milliards de francs, à 149,3 milliards exactement - diminution pour le moins étonnante s'agissant de recettes non fiscales, calées en partie sur la croissance, alors que les recettes fiscales ont dégagé dans le même temps un notable surplus. En fait, vous avez joué sur les relations financières, trop floues à notre goût, entre l'Etat et certains organismes publics. Or M. le ministre ne nous a rien annoncé hier sur la clarification de ces relations, à nos yeux indispensable.

Voici quelques détails de ces transferts avec lesquels vous jouez au gré du vent budgétaire, tels que les a relevés la Cour des comptes. Les recettes encaissées en 1999 et laissées en imputation provisoire pour imputation en 2000 se montent à 800 millions de francs - cela ne fait pas beaucoup ; les recettes encaissées en période complémentaire se rattachant à l'exercice 1999 et imputées définitivement sur la gestion 2000 représentent 1,2 milliard de francs - cela aussi, on peut dire que c'est presque du droit commun ; les recettes encaissées après la fin de la gestion 1999 et se rapportant à 2000 se montent quant à elles à 5,5 milliards de francs, concernant en particulier la CADES, au titre du remboursement de la dette sociale - là, c'est déjà nettement plus bizarre ! Viennent enfin les recettes prévues pour 1999 et finalement reportées audelà de cet exercice, c'est-à-dire en 2000, que l'on retrouve dans ce collectif. En voici la liste : 2,5 milliards de garanties accordées par l'Etat aux caisses d'épargne, 4,5 milliards de rémunérations sur la garantie accordée par l'Etat à la Caisse nationale d'épargne, 3 milliards de reversement de la COFACE au titre de l'assurance crédit des grands contrats à l'exportation, et enfin un petit demi-milliard de trésorerie disponible de l'établissement public de défaisance et de réalisation qui finance, comme chacun sait, les pertes du Comptoir des entrepreneurs. Il est très rare, et même exceptionnel, madame le secrétaire d'Etat, que l'Etat soit aussi bienveillant vis-à-vis de ses débiteurs ! L'exécution du budget de l'Etat en 1999 aurait par ailleurs pu se solder par un déficit inférieur à celui qui a été réalisé si toutes les recettes effectivement perçues en 1999 avaient été comptabilisées sur cet exercice. En fait, aux 18 milliards de recettes non fiscales reportées à 2000, dont je viens de parler il faut ajouter 9 milliards de recettes fiscales, en particulier de TVA, prétendûment tardivement encaissées, soit un total de 27 milliards de francs !

M. Charles de Courson.

Exact !

M. François d'Aubert.

Pour parvenir à vos fins, ne pas afficher trop de recettes et conséquemment ne pas trop réduire le déficit curieuse idée, paradoxale même quand


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

on sait notre situation vis-à-vis de Bruxelles -, vous avez également mobilisé une autre procédure, autorisée cellelà : les prélèvements sur recettes.

Même s'ils n'ont rien d'illégal, les prélèvements sur recettes n'en restent pas moins, à l'évidence, une anomalie de notre droit budgétaire au regard de la transparence, puisqu'ils permettent de financer des dépenses sans les faire apparaître dans la colonne des dépenses. Tous les gouvernements s'en sont servis, c'est vrai, mais je pense que la suppression de cette pratique et la réintégration des prélèvements sur recettes dans le budget de l'Etat seraient une bonne chose pour la transparence.

M. Philippe Auberger.

Ce sera notre prochain combat auprès du Conseil constitutionnel !

M. François d'Aubert.

Toujours est-il que cette procédure connaît depuis trois ans une vogue notable, elle aussi parfaitement explicable : c'est une sorte de potion magique qui permet tout à la fois de masquer la hausse des dépenses et de camoufler les recettes. Le montant des prélèvements sur recettes a ainsi progressé de 0,6 % en 1998, passant de 250 milliards en 1996 et 1997 à 254 milliards de francs, et de 5,2 % en 1999, grimpant à 271 milliards de francs ; en 2000, ils atteignent 287 milliards de francs, soit une croissance de 5,7 %. Ce qui était une facilité est devenu un procédé de dissimulations ystématique, visant à camoufler un dérapage des dépenses favorisé par des rentrées fiscales de plus en plus élevées.

M. Jean-Jacques Jégou.

Voilà !

M. François d'Aubert.

On peut en déduire que les prélèvements sur recettes constituent, hélas ! un indice très pertinent de la médiocrité de votre gestion budgétaire.

Si nous partageons l'opinion de M. le ministre des finances, selon laquelle l'attitude de votre gouvernement a été constante tout au long de l'année 1999, ce n'est pas exactement pour les mêmes raisons. Vous avez volontairement sous-évalué le taux de croissance du PIB dans la loi de finances initiale ; nous l'avions dit et nous avions raison. En loi de finances rectificative, vous n'avez qu'à peine réévalué le montant des recettes, mais sans réviser le taux de croissance. Enfin, en exécution, vous découvrez une petite cagnotte, mais arrêtez net tout débat sur sa répartition, car vous ne pouvez plus affecter de recettes fiscales après le 31 décembre qui clôt l'exercice. Ce scénario s'était produit en 1999 ; pour 2000, l'histoire budgétaire semble devoir bégayer.

Vous annoncez, dans votre collectif - collectif du repentir - 51 milliards de recettes fiscales supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale : 24,7 milliards d'« effet base », seulement 11 milliards dus à la réévaluation du taux de croissance - alors que chacun sait que la croissance va bien aujourd'hui, d'ailleurs vous n'arrêtez pas de le répéter - et, enfin, 15,8 milliards de recettes non fiscales qui auraient dû être comptabilisées en 1999.

Là encore, permettez-moi de douter de votre sincérité.

Vous évaluez le taux de croissance 2000 à 3,6 % après avoir tablé, en loi de finances initiale, sur un taux de 2,8 %, dont tout le monde à l'époque au mois d'octobre - pensait qu'il était fortement sous-évalué. Or de nombreux instituts de conjoncture prévoient un taux de 4 %. Une fois de plus, vous sous-estimez largement l'impact de la croissance sur les recettes fiscales. Le chiffre de 11 milliards que vous avancez est excessivement prudent.

On peut l'estimer à près du double, soit plus de 20 milliards de francs.

Tous ces doutes qui planent sur votre collectif auraient pu être atténués si, dès son arrivée, M. le ministre avait mis en place ce qu'il préconisait dans la fameuse interview de mars 2000 : « Je souhaite que la Cour des comptes donne désormais un avis sur la sincérité des lois de finances avant leur dépôt. »

M. Jean-Jacques Jégou.

C'était la Mecque ! (Sourires.)

M. François d'Aubert.

C'était avant, avant que M. Fabius devienne ministre des finances. Dans le nouveau catéchisme de la transparence annoncé hier, personne n'a vu cette mesure, qui est pourtant une mesure de bon sens. Non seulement elle ferait plaisir à la Cour des comptes, mais elle serait bonne pour le contrôle parlementaire. Monsieur le rapporteur général, je pense que vous souscrivez à cette déclaration de M. Fabius...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Non !

M. François d'Aubert.

Alors, vous nous direz pourquoi vous êtes contre.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Bien sûr !

M. François d'Aubert.

M. Fabius avait également dit qu'il conviendrait de « remettre à plat l'ordonnance organique ». Votre gouvernement prend décidément, depuis qu'il est au pouvoir, bien des libertés avec la gestion des comptes publics.

En matière de réforme de la procédure budgétaire, le débat d'orientation budgétaire nous fournit, certes, quelques pistes, mais qui sont très en dessous des besoins et de l'exigence démocratique.

Le Gouvernement a exposé hier des propositions pour améliorer la transparence de la gestion publique. Force est de constater qu'elles sont bien en deçà de ce que proposait M. Fabius en janvier 1999 à la suite du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique qu'il présidait.

M. Philippe Auberger.

Il faisait, en effet, de très bonnes propositions !

M. François d'Aubert.

Où est donc passée cette idée de confier à la Cour des comptes le soin d'examiner la sincérité des projets de loi de finances et des comptes annexés ?

M. Philippe Auberger.

A la trappe !

M. François d'Aubert.

Où est passée l'idée de consolider les comptes de l'Etat, des établissements publics et des entreprises publiques ?

M. Philippe Auberger.

A la trappe !

M. François d'Aubert.

Eh oui, et où est passée l'idée d'établir des bilans d'efficience des différentes actions de l'Etat ? (« A la trappe ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et on pourait poursuivre cette énumération.

Il serait grand temps que l'Etat adopte, pour ses propres comptes, des règles plus strictes et plus stables conformes au droit commun de la comptabilité. La tenue d'une comptabilité en droits constatés, qui est demandée par la Cour des comptes, permettrait en particulier d'imputer sur le même exercice les produits et les charges qui s'y rattachent pour éviter les arbitrages d'opportunité, tellement en vogue ces derniers temps.

Et puis, autre question importante qui n'a pas été évoquée hier : où en est le projet de comptabilité patrimoniale de l'Etat ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Jean-Jacques Jégou.

A la trappe !

M. François d'Aubert.

Il ne suffit pas, madame la secrétaire d'Etat, de publier un squelettique compte de résultats de l'Etat : les montants de tous les engagements hors bilan de l'Etat ne sont pas chiffrés. Ils sont incomplets. Alors il est bien aimable à vous de nous faire découvrir que l'épargne-logement pourrait un jour coûter très cher. Mais il y a d'autres dépenses à chiffrer auparavant, ne seraient-ce que celles qui seront nécessaires pour faire face aux retraites de la fonction publique. C'est juste une suggestion...

« L'Etat doit devenir plus efficace, plus simple et plus économe », disait M. Fabius, le 11 octobre 1999.

En 1999, les dépenses ont progressé de 2,8 % en volume contre 1 % annoncé. L'essentiel de cette augmentation, comme le souligne fort justement le dernier rapport de la Cour des comptes, résulte de la progression des rémunérations, des pensions ainsi que des charges sociales des fonctionnaires et des dépenses d'intervention.

M. Jean-Jacques Jégou.

Et ça continue !

M. François d'Aubert.

Pour 2000, vous promettiez le collectif change un peu les choses - 0 % d'augmentation en volume. Or, aujourd'hui, vous abandonnez cet objectif de gel des dépenses puisque vous prévoyez 10 milliards de dépenses nouvelles qui ne résultent pas de redéploiements de crédit. Certes, certaines d'entre elles sont justifiées je pense au coût de la tempête - mais on distingue toujours aussi mal le résultat des efforts de redéploiement dont vous vous targuez depuis trois ans, redéploiements qui concerneraient 30 milliards de francs. Mais on aimerait en avoir un bilan précis, ligne par ligne, pour savoir où ont été faits les prélèvements et à quels chapitres les sommes ont été affectées. Ce serait là une véritable information pour le Parlement.

Résultat : les dépenses de personnel ont progressé de 57 milliards de francs depuis 1997, dont 21,5 milliards au titre des accords Zuccarelli et 13 milliards au titre des pensions, poste qui ne cessera d'augmenter dans les années à venir. Et il faudra bientôt ajouter l'impact du passage officiel aux 35 heures dans la fonction publique.

Dix milliards de dépenses nouvelles sont prévues dans votre collectif. En fait, ce sera sans doute plus. Prenons l'exemple de la baisse de 11 milliards de la taxe d'habitation que vous annoncez. Elle ne sera pas sans effet sur la facture fiscale du contribuable national, car l'Etat devra prendre en charge cette nouvelle dépense qui sera financ ée, par commodité, encore, par prélèvements sur recettes. Cette baisse des impôts locaux que vous annoncez, en réalité, est une dépense supplémentaire pour l'Etat.

Par ailleurs, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation remet en cause le principe de libre administration des régions. Le Conseil constitutionnel a, en effet, posé dans deux décisions, des 25 juin et 29 décembre 1998, que « la loi ne saurait avoir pour effet de restreindre les recettes fiscales des collectivités locales au point d'entraver leur libre administration ». Or en 1999, la prise en charge par l'Etat de la fiscalité locale a atteint un montant record et, pour 2000, elle devrait progresser d'environ 20 milliards, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle, de la baisse des droits de mutation des départements et de la réforme de la taxe d'habitation.

Aujourd'hui, près du quart des recettes fiscales locales sont, en fait, prises en charge par le contribuable national. C'est donc le tromper que de lui faire croire que la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation est une baisse d'impôt. C'est tout simplement un transfert de charges de contribuable à contribuable, du local ou national ; qui plus est, c'est un transfert dommageable pour la démocratie locale.

M. Philippe Auberger.

C'est le mistigri !

M. François d'Aubert.

Au final, nous aurons donc sans doute une croissance des dépenses en 2000 d'au moins 2 %, prélèvements sur recettes exclus. Cet appel d'air de la dépense publique est loin d'être compatible avec l'objectif d'assainissement budgétaire et avec le programme pluriannuel de finances publiques envoyé à Bruxelles.

Globalement, ce collectif traduit une politique difficile à tenir en cas de retournement conjoncturel. La remontée des taux d'intérêt observée depuis la fin de l'année 1999 se confirme en 2000 et laisse craindre que le contexte favorable de l'année dernière ne perdure pas. La FED vient d'ailleurs d'augmenter ses taux de base de cinquante points.

Ainsi, en 2001, le France ne pourra pas compter sur le poste des charges de la dette pour réaliser des économies.

Au contraire, les intérêts versés au titre de la dette publique vont sensiblement augmenter. On peut évaluer le surplus de dépenses lié à cette évolution entre 5 milliards et 10 milliards de francs.

Par conséquent, seule la réduction du déficit budgétaire permettra de contenir l'effet mécanique de la hausse des charges de la dette. Dans le cas contraire, votre Gouvernement s'exposerait à un scénario similaire à celui qu'a connu en son temps le gouvernement Rocard, c'est-à-dire l'effet boule de neige bien connu. Dépensiers en période de croissance, vous hypothéquez les marges de manoeuvre pour l'avenir. Aucune garantie n'est prise pour protéger les finances publiques contre un éventuel retournement conjoncturel. Plus dure pourrait être la chute. Nos compatriotes n'accepteraient pas une nouvelle hausse de la pression fiscale qui serait la conséquence de votre incurie budgétaire. Nous avions déjà dû en consentir une en 1996 pour cette raison.

En ce qui concerne la croissance, vous jouez sur les perspectives économiques qui tablent sur un potentiel de croissance dû au rattrapage sur les nouvelles technologies.

Mais la France n'est pas tout à fait l'Amérique. La médiocrité de la conjoncture européenne - dont nous sommes largement dépendants - incite à la prudence.

Outre une dépense publique qui dérape, le déficit qui stagne : sur quel déficit allons-nous nous prononcer aujourd'hui ? C'est une question de sincérité à l'égard de la représentation parlementaire. Celui qui est inscrit dans le collectif, 215 milliards de francs, ou sur celui annoncé hier par M. le ministre des finances, de 200 milliards de francs ? On ne joue pas ainsi 15 milliards sur le déficit ! Ce n'est pas la moindre des anomalies de ce malheureux budget 2000 que ce déficit, qu'il faut bien qualifier de

« flottant ». Selon le collectif, il est seulement réduit de 49 millions de francs, après l'avoir été de 41 millions en 1999. C'est plus, il est vrai, que prévu ! Mais cela s'est fait également sans consultation du Parlement.

Le niveau du déficit en 2000 sera donc supérieur à celui de 1999, alors même que la croissance en 2000 sera nettement supérieure à celle de 1999. Un tel affichage budgétaire a quelque chose d'ubuesque. Il y aura donc probablement une rectification. Car si on en restait là, un tel déficit devrait, en toute logique, traduire un retournement de la conjoncture, ce qui n'est manifestement pas le cas !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Même si l'on peut prévoir une énième rectification dans quelques semaines, et que le déficit 2000 sera inférieur à celui de 1999, le rythme de décroissance du déficit s'est tout de même ralenti depuis 1997 : la dépense publique pèse trop lourd. Vous avez toutes les peines du monde, malgré une conjoncture exceptionnellement favorable, à la faire baisser. C'est le signe le plus immédiat et tangible de ce laxisme budgétaire camouflé qui caractérise votre gestion.

C'est aussi un mauvais signal envoyé à nos partenaires.

alors même qu'avec un déficit des APU, au sens maastrichien du terme, de 1,8 %, la France se situe à la traîne des pays qualifiés pour l'euro.

On le sait, l'évolution cyclique de l'activité économique autour d'un axe de croissance a un impact mécanique sur le solde des administrations publiques. En effet, lorsque le PIB est inférieur à son niveau tendanciel, on assiste à une décrue des recettes fiscales et à un accroissem ent de certaines dépenses publiques. Inversement, lorsque le PIB est supérieur à son niveau tendanciel, les dépenses baissent et les recettes fiscales croissent « mécaniquement ». Nous assistons, cette année, à un accroissement du PIB par rapport à son niveau tendanciel, d'où le surplus fiscal dégagé cette année. C'est la bonne analyse.

Mais si l'on sort du cadre annuel pour se placer dans une perspective plus cyclique, ce solde conjoncturel est nul en moyenne puisque les périodes d'excédent conjoncturel pourraient être compensées par des périodes de déficit conjoncturel. L'annualité biaise ici le raisonnement, puisque c'est seulement sur la durée de vie du cycle qu'on peut se rendre compte si le déficit a été effectivement réduit. Or, à niveau de PIB constant, votre déficit ne se réduit pas, il augmente.

A côté d'un déficit qui ne se réduit pas sur le moyen terme, vous optez pour des choix que nous risquons de payer à terme si la croissance, ce que je n'espère pas, n'était plus aussi dynamique qu'aujourd'hui.

Les baisses d'impôts sont insuffisantes et sans comme mesure avec les 420 milliards de francs supplémentaires je confirme le chiffre qui a été donné hier pas notre collègue Gilbert Gantier -...

M. Philippe Auberger.

En nouveaux francs !

M. François d'Aubert.

Il s'agit bien de nouveaux francs !

M. François d'Aubert.

... sans comme mesure, disais-je, avec les 420 milliards de francs supplémentaires ponctionnés en cotisations et en impôts par les administrations publiques depuis 1997. De plus, leur financement par des plus-values fiscales d'un seul exercice est le comble de la mauvaise gestion.

Pour réduire durablement le déficit budgétaire, il faut diminuer le déficit structurel. Ainsi, pour diminuer durablement le besoin de financement des administrations publiques, il faut soit augmenter de façon permanente les recettes - mais avec un taux de prélèvements obligatoires de 45,6 % du PIB en 1999, qui est un record historique, ce n'est pas possible ! - soit, ce qui serait la sagesse, contenir durablement les dépenses, ce que vous ne faites pas.

Or le Gouvernement ne table que sur la baisse du déficit conjoncturel en laissant jouer les plus-values fiscales issues de la croissance et la diminution des charges de la dette en raison du niveau assez bas des taux d'intérêt. Les taux d'intérêt permettaient de réaliser des économies sur le poste des charges de la dette et la croissance gonflait les recettes fiscales, le déficit se réduisait « mécaniquement ».

Sans réduction des dépenses en volume, le déficit budgétaire est condamné à progresser si la politique conjointe de dépenses et de baisses d'impôts est maintenue.

Le collectif ne permet pas de dégager un solde budgétaire primaire capable de lancer la France dans une véritable voie de désendettement. L'excédent primaire stabilisant le vrai, qui stabilise la part de la dette dans le PIB n'a pas encore été atteint. Résultat : la dette publique continue d'augmenter.

En 2000, l'excédent budgétaire primaire, après collectif, ne sera que de 21 milliards de francs alors que l'excédent primaire capable de stabiliser la part de la dette dans le PIB devrait atteindre 59 milliards de francs. On n'y est pas ! V ous semblez oublier, de ce point de vue, les recommandations faites par la Commission européenne le 11 avril 2000 : ramener le déficit 2000 à un niveau nettement inférieur à celui fixé par le programme de stabilité ; corriger tout écart significatif par rapport aux cibles de dépenses fixées ; accorder la priorité à une réduction plus rapide du déficit en cas d'élargissement des marges budgétaires.

Incapables de réduire significativement le déficit, vous êtes en fait à la recherche continuelle de nouvelles cagnottes. Après la cagnotte fiscale, voilà la cagnotte France Télécom. Vous envisagez déjà de faire payer le prix des licences UMTS en plusieurs fois pour éviter à nouveau tout débat sur la réduction massive du déficit : curieuse méthode ! Qu'en est-il d'ailleurs des mesures législatives autorisant le paiement de la première moitié de la somme sous la f orme, paraît-il, d'un ticket d'entrée ? Quant à la méthode et au principe, permettez-nous de vous dire ce que nous en pensons : c'est Fabius qui renoue avec Guy Mollet, l'ancêtre !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas l'ancêtre, c'est Néanderthal !

M. François d'Aubert.

Il propose exactement le même système que la vignette auto ! A l'époque, la modernité, c'était l'auto ; dans quelques années, ce sera la troisième génération de mobiles ! On la mettait jadis au service des personnes âgées par le biais du fonds vieillesse ; on sait ce qu'il en est advenu.

Dans quelques années, on rassemblera, dans une belle union sociale démocrate, les raisonnements de M. Mollet et de M. Fabius ! Je voudrais, maintenant, dire un mot des recettes fiscales. En 1999, les recettes fiscales nettes ont augmenté de 113 milliards de fancs.

Monsieur le rapporteur général, madame la secrétaire d'Etat, ce chiffre est incontestable ! Il est inscrit dans le rapport de la Cour des comptes. Personne de sensé ne le conteste. Je m'étonne donc que vous cherchiez à semer le doute sur ce chiffre ! C'est vrai, il vous gêne, car voilà ce qui est historique, madame la secrétaire d'Etat : un tel supplément de prélèvement fiscal d'une année sur l'autre ! C'est du jamais vu ! Même en 1996, la fameuse année « bouc émissaire » dont vous nous rebattez les oreilles depuis trois ans, ce supplément n'avait atteint « que » 58 milliards ! La moitié, je n'ose pas dire « seulement », de l'exploit de votre gouvernement en 1999 !

M. Philippe Auberger.

C'est historique !

M. François d'Aubert.

On connaît la musique ! Est-ce l'« effet richesse » ? Bien sûr, en partie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout de même !

M. François d'Aubert.

Mais, madame la secrétaire d'Etat, en 1996, il y avait aussi de l'effet richesse. La croissance n'était pas négative, elle était supérieure à 2 %

Dans les plus-values de 1996, il n'y a pas que l'augmentation de la TVA due à l'effet mécanique des taux, il y a aussi de l'effet richesse, vous pouvez le vérifier.

Il s'agit d'une augmentation invraisemblable de la pression fiscale : voilà ce que ressentent les Français. Il souffle un vent de révolte fiscale sans précédent ! Cette augmentation s'explique peut-être par la croissance, c'est de la bonne recette ; mais la mauvaise recette fiscale, c'est celle qui vient de vos mécanismes fiscaux, lesquels correspondent à des choix politiques : choix anti-famille, choix anti-épargne, choix anti-classes moyennes.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà le clone de Mme Boutin !

M. François d'Aubert.

Je ne vais pas reprendre dans le détail les mesures fiscales qui ont été prises. Mais souvenons-nous simplement de l'affaire du quotient familial et de la baisse de la réduction sur la demi-part. Une évaluation avait été faite, qui s'élevait à 4 milliards de francs, mais elle n'avait pas été faite par rapport à une plus-value fiscale de 113 milliards de francs. Or, quand on se replace par rapport à ces 113 milliards de francs, ces 4 milliards représentent au moins le double. C'est cela aussi qui est responsable de l'augmentation de la pression fiscale ! Bien évidemment, l'impôt sur les sociétés entre également en ligne de compte, car il a un meilleur rendement du fait de la bonne conjoncture de 1998. Mais, là aussi, les taux d'imposition sont élevés. Il est vrai que nous les avions un peu augmentés.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communistes.)

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes trop modeste !

M. François d'Aubert.

Mais vous aviez promis de les baisser ; or, vous ne l'avez pas fait. Vous avez donc également maintenu la pression sur les sociétés.

Voilà comment ça marche ! Et dans les 113 milliards de francs, je ne comprends pas l'augmentation nette de CSG, pas celle qui correspond au transfert des charges familiales, mais celle qui résulte de la CSG supplémentaire sur les produits de l'épargne.

M. Philippe Auberger.

La CADES est en excédent !

M. François d'Aubert.

Ce qui fait que, maintenant, nous avons quasiment en France deux impôts sur le revenu : un impôt proportionnel, la CSG, qui rapporte environ 300 milliards, et un impôt progressif, l'impôt sur le revenu, dont le rendement est d'environ 330 milliards.

Cela commence à faire beaucoup.

Quand je pense que certains, à gauche, voudraient transformer la taxe d'habitation en impôt sur le revenu, je dis « pitié » ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Pas de pitié pour ceux qui peuvent payer !

M. Jean-Jacques Jégou.

M. Brard n'accorde jamais sa pitié !

M. François d'Aubert.

Il existe déjà deux impôts sur le revenu, inutile d'en créer un troisième ! L'effet richesse ? Il a procuré 30 milliards de francs de recettes supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu.

Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur général, que nous n'avons jamais fait baisser l'impôt sur le revenu. Dois-je vous rappeler que, en 1997, la réforme Juppé a entraîné une diminution du produit de l'impôt sur le revenu ?

M. Philippe Auberger.

De 25 milliards !

M. François d'Aubert.

Et cela aurait continué en 1998 et en 1999 si vous n'aviez pas abandonné cette réforme qui profitait à tout le monde ! Quel est le résultat de tout cela ? En 1999, 1,3 million foyers supplémentaires ont été assujettis à l'impôt sur le revenu. Quelles sont les personnes concernées ? Le ministère des finances est incapable de nous le dire. Mais nous qui sommes élus, nous les connaissons, car nous les rencontrons dans nos permanences ou dans nos mairies : ce ne sont pas des gens riches.

Parlez de l'« effet richesse » à un célibataire qui est passé des ASSEDIC ou du RMI au SMIC, et vous verrez qu'il considérera cela quasiment comme une injure.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Philippe Auberger.

Une insulte !

M. François d'Aubert.

Ces 1,3 million de foyers supplémentaires qui paient l'impôt sur le revenu sont des gens à revenus modestes ; or ce sont eux qui paient une partie de ces 30 milliards de francs supplémentaires que rapporte cet impôt.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est faux !

M. François d'Aubert.

A cela viennent s'ajouter les effets sur la taxe d'habitation de la modification du quotient familial en matière d'impôt sur le revenu, effets méconnus du ministre des finances.

M. Philippe Auberger.

Il y a deux plafonds !

M. François d'Aubert.

Même dans les villes où le taux de la taxe d'habitation a été abaissé pour compenser la revalorisation de l'assiette, ce qui aurait dû normalement donner lieu à une opération neutre pour la part de la taxe d'habitation communale, la taxe d'habitation a tout de même augmenté du fait des mécanismes de dégrèvement et de la modification du quotient familial. Ainsi, à Laval, 15 % des foyers ont vu leur taxe d'habitation augmenter alors que le taux de celle-ci avait diminué de 1 % pour compenser la revalorisation de l'assiette de 1 % ! Voilà un vrai sujet de débat.

Cela signifie donc que, outre une augmentation du prélèvement au titre de l'impôt sur le revenu, il y a eu une augmentation du prélèvement au titre de la taxe d'habitation. Et cette dernière, personne ne l'avait vraiment vu venir. En tout cas, ceux qui ont subi une augmentation de la taxe d'habitation savent de quoi il s'agit.

Certes, 650 000 personnes ne seront plus assujetties à l'impôt sur le revenu grâce à la baisse des taux des deux premières tranches. Mais par rapport aux 1,3 million de foyers supplémentaires qui ont été assujettis en 1999, il en restera toujours 650 000, et eux se souviendront de ce qui leur est arrivé.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce ne sont pas les mêmes !

M. François d'Aubert.

Il faut bien constater que, hier, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas été très loquace en matière d'impôt sur le revenu. On discerne mal les baisses qui seront opérées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Votre majorité voulait se « réconcilier » avec les classes moyennes. Ce sont malheureusement elles les principales victimes de votre politique fiscale. Les 12 % de contrib uables dont l'impôt dépasse 30 000 francs l'an acquittent plus de 57 % de la facture globale ! En vérité, « vos baisses historiques » sont très largement en trompe-l'oeil.

Lorsqu'il était encore président de l'Assemblée nationale et qu'il jouissait donc une certaine liberté de parole, M. Fabius déclarait : « Et qu'on n'espère pas convaincre les Français que les impôts baissent si les prélèvements obligatoires augmentent. » C'était une observation assez

juste. Il ajoutait : « Il faut donc agir rapidement, concrètement et marteler durablement cette exigence de baisse [...] Le poids des prélèvements obligatoires handicape le dynamisme et la créativité. »

Or, qu'est-ce qui, dans ce collectif, rectifie la loi de finances initiale ? Aux 113 milliards de rentrées fiscales supplémentaires de 1999 vont s'ajouter 51 milliards, soit un total de 164 milliards de prélèvements supplémentaires au seul titre fiscal,...

M. Augustin Bonrepaux.

Grâce à vous !

M. François d'Aubert.

... et je ne parle pas des rentrées qui résultent des prélèvements sociaux ! De l'autre côté, quels sont les Français qui ont pu s'apercevoir de la baisse d'un point de TVA ?

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est vous qui l'aviez augmentée !

M. François d'Aubert.

La réduction de 645 francs, en moyenne et par foyer fiscal, de l'impôt sur le revenu, favorisera-t-elle vraiment le pouvoir d'achat de tous nos compatriotes ?

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Vous, vous aviez augmenté la TVA de deux points !

M. François d'Aubert.

Certes, mais c'était pour qualifier la France à l'euro,...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est ça !

M. Augustin Bonrepaux.

Et vous n'auriez pas réussi !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence ! laissez l'orateur s'exprimer.

M. François d'Aubert.

... pour provoquer la baisse des taux d'intérêt, ce dont vous profitez aujourd'hui, et, ce qui n'était pas accessoire, pour rembourser une partie des d éficits que vous aviez accumulés au début des années 90 !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Vous avez récupéré la monnaie !

M. Philippe Auberger.

Et vous, vous avez gardé les billets !

M. François d'Aubert.

Où est passée votre volonté - c'est également la nôtre - d'éliminer les « trappes à pauvreté » ? Tout ce que vous offrez, c'est un allégement des deux premières tranches, ce qui est loin, reconnaissez-le, de garantir que les plus dynamiques et les plus innovants d'entre nous restent en France.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous voulez dire les plus riches ! Avouez !

M. le président.

Monsieur Brard, vous aurez cinq minutes pour vous exprimer tout à l'heure ! Poursuivez, monsieur d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur Brard, je sais que vous aimez beaucoup les schémas simplistes, mais, figurez-vous que, dans l'économie française, il y a des locomotives...

M. Jean-Pierre Brard.

Qui ne marchent pas au pétrole mais aux pépites !

M. François d'Aubert.

... et qu'il vaut mieux les garder chez nous plutôt que de les voir partir en Angleterre ou ailleurs pour des raisons fiscales.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mme Bettencourt est encore en France !

M. Philippe Auberger.

En tout cas, ce n'est pas grâce à M. Brard !

M. François d'Aubert.

Comme je le disais tout à l'heure, le compte n'est pas bon : l'IR a augmenté de 30 milliards de francs en 1999 - on ne le répétera jamais assez -, tandis que le collectif ne propose qu'un allégement de 11 milliards de francs. Là aussi, il y a une sorte de déficit.

Les familles et les retraités resteront pénalisés par les mesures prises en 1999 en ce qui concerne certaines assiettes. Le barème de l'IR n'a toujours pas été réévalué en fonction de la croissance. Cette réévaluation insuffisante a largement contribué à gonfler le produit de l'impôt sur le revenu.

Comme nous l'avons déjà dit hier, la France a plus que jamais besoin d'une grande réforme fiscale, qui doit avoir pour objectif de favoriser à la foi l'activité - la reprise d'activité pour ceux qui sont au chômage - et les facteurs de production. A nouvelle économie, nouvelle fiscalité ! Le prochain rapport du Plan le reconnaît : « L'évolution des finances publiques depuis trente ans témoigne d'une incapacité collective à effectuer des arbitrages qui ne se traduisent pas par un recours supplémentaire à l'impôt ou à l'endettement public. »

Vous reconnaissiez vous-même, il y a peu, que « ces charges nous exposent à une fuite des centres de décision, de la matière grise et des patrimoines. Elles constituent une menace sur nos emplois ».

Comme cela a été rappelé tout à l'heure, 20 % de chaque nouvelle promotion de l'école des Hautes études commerciales part à Londres, sinon pour s'y installer, tout au moins pour aller voir. Ce chiffre est tout de même intéressant.

Ce constat réaliste témoigne de l'incapacité de votre gouvernement à appréhender les évolutions majeures de notre société et le ras-le-bol fiscal des Français, notamment des plus entreprenants.

M. Yves Durand.

Qui a fait baisser le chômage ? Il ne faut tout de même pas exagérer !

M. François d'Aubert.

Hier, nous avons tracé quelques perspectives de réforme, qui concernent la baisse de l'impôt sur le revenu, la suppression de la redevance télévision, la promotion de l'innovation et la création d'entreprise - laquelle faiblit en ce moment, quoi qu'on en dise officiellement.

Partout, la croissance est tirée par l'innovation. On semble découvrir seulement maintenant en France ce que les Américains ont compris depuis fort longtemps : la création d'emplois repose essentiellement sur les PME, notamment sur les PME innovantes. Cela exige la mise en oeuvre d'incitations fiscales visant à favoriser le capital-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

risque. Or les possibilités d'investissement des business angels sont actuellement limitées en raison d'une fiscalité trop désincitative. L'épargne de proximité doit être également mieux mobilisée.

Pour répondre à ces exigences, Démocratie libérale propose l'extension de la qualification des biens professionnels aux apports en capital de sociétés innovantes non cotées. Ce dispositif vise à favoriser les business angels en ne prenant pas en compte dans l'assiette de l'ISF les participations au capital de start-up.

Nous proposons également la déductibilité totale de l'impôt sur le revenu des participations au capital des sociétés innovantes non cotées, effectuées directement par les personnes physiques. Il faut en effet favoriser l'épargne de proximité et la diriger vers des projets innovants à risque.

Nous proposons aussi la création d'un crédit d'impôt sur les sociétés pour orienter l'épargne des entreprises vers le financement de projets innovants et de start-up.

Enfin, nous proposons de mettre en oeuvre une fiscalité moins complexe et plus incitative sur les stock-options en harmonisant les taux sur les plus-values d'acquisition et de cession.

En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, je dirai que ce collectif...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Est excellent !

M. François d'Aubert.

... n'est pas à la hauteur de la transparence annoncée et promise. C'est le collectif

« repentir ». Les multiples « irrégularités » comptables constatées sur 1999 et qui se répètent sur 2000, comme si l'histoire devait bégayer, mériteraient une sanction par le Conseil constitutionnel.

La double opacité constatée pour les lois de finances de 1999 et de 2000, car la loi de finances de 2000 a été construite par rapport aux résultats de 1999, appelle à une refonte de l'ordonnance organique de 1959.

Mme Nicole Bricq.

On est d'accord !

M. François d'Aubert.

Le Conseil constitutionnel se penche trop peu, à notre goût, sur la sincérité des estimations dans la loi de finances. On gagnerait certainement en transparence et sincérité s'il était inséré dans l'ordonnance un article explicite sur ces exigences. Ainsi, des saisines à propos de la sincérité des comptes, comme celle que l'opposition a effectuée en décembre dernier à propos du collectif 1999, auraient plus de chances d'aboutir, et le Gouvernement ne pourrait plus bénéficier de cette sorte du vide juridique.

M. Philippe Auberger.

Cela ferait jurisprudence !

M. François d'Aubert.

C'est pourquoi, je vous demande, mes chers collègues, au nom du groupe Démoc ratie libérale, de voter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mesdames et messieurs les députés, j'ai bien écouté l'intervention de M. François d'Aubert,...

M. Jean-Pierre Brard.

Vous avez eu du mérite !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... la saga devrais-je dire, et j'ai eu un peu de mal à y retrouver l'histoire récente de nos finances publiques.

J'ai aussi eu quelque difficulté - sans doute faute d'avoir écouté assez attentivement - à y trouver le motif de cette exception d'irrecevabilité.

Beaucoup de choses ont été dites, assorties de nombreux guillemets d'ailleurs. Parmi les différentes critiques qui nous ont été adressées, dont certaines étaient parfois contradictoires, je retiendrai d'abord celle qui porte sur la nécessité de reconstruire le budget de 2000. Nous aurions dû reconstruire le budget de l'année 2000 !

M. François Goulard.

C'est vrai ! Mme la secrétaire d'Etat au budget. Mais sur quels points ? On ne nous le précise pas ! En tout cas, s'il s'agit de le reconstruire pour augmenter les impôts, accroître le déficit ou réduire les dépenses, cela ne correspond pas à la politique que nous menons.

M. Marc Laffineur.

Vous ne faites que ça depuis trois ans !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Ce collectif budgétaire n'est ni un accident de l'histoire ni une lubie du Gouvernement qui, un après-midi, se serait dit « Tiens ! Comme ce serait agréable d'aller passer un moment avec la représentation nationale ». Ce collectif correspond à une volonté délibérée du Gouvernement de recaler les évaluations de recettes et de présenter à la représentation nationale la manière dont les recettes supplémentaires sont affectées à la fois en baisse d'impôts et en dépenses à caractère exceptionnel.

Vous avez, monsieur d'Aubert, fait de longs développements sur le caractère non sincère de ce projet de collectif. Vous avez indiqué que nous faisions tout pour éviter les débats. Je crois que notre présence, ici, dans cet hémicycle, hier, aujourd'hui...

M. Philippe Auberger.

Et demain, hélas !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et demain est la preuve du contraire.

Vous vous plaisez à citer les propos de Laurent Fabius, mais je remarque que vous préférez citer ceux qu'il a pu tenir en tant que président de l'Assemblée nationale et que vous avez tendance à oublier, ou à mettre de côté tout au moins, ceux qu'il a pu prononcer pas plus tard qu'hier devant vous, en tant que ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vais donc rappeler, puisqu'ils semblent ne pas avoir été entendus, les propos par lesquels M. Fabius a confirmé un certain nombre d'engagements en matière de transparence.

Ainsi, il a confirmé que les différentes politiques publiques seraient présentées par action et par programme, assorties d'indicateurs de résultats, et cela sera fait dès le projet de loi de finances pour 2001.

M. Fabius a également indiqué - et cela aurait dû vous marquer peut-être un peu plus - que la sincérité des prévisions de recettes pourra d'autant moins être attaquée à l'avenir qu'elle sera soumise à l'avis de la commission économique de la nation.

J'en profite pour rappeler les engagements que j'ai moi-même pu prendre il y a quelques mois avec Christian Sautter. A l'époque, nous avions proposé de venir commenter, chaque fois que la commission des finances nous le demanderait, la situation mensuelle du budget de l'Etat.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

J'ajoute que Laurent Fabius a précisé hier que cette présentation se ferait tous les quinze jours et non plus tous les mois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

De plus, nous allons mettre en oeuvre une comptabilité patrimoniale d'exercice, c'est-à-dire en droits constatés.

Vous pourrez le voir dès la présentation des comptes de 1999, qui constitueront, de ce point de vue, une première étape.

Enfin, je n'insisterai jamais assez sur le fait que la présentation des comptes sera accompagnée d'une annexe hors bilan, faisant de nous le seul pays européen à publier un document de ce type.

Par conséquent, je crois que, en matière de transparence, nous ne sommes pas critiquables, et les engagements que nous avons pris seront tenus.

En ce qui concerne la croissance, là encore, vous nous reprochez une chose et son contraire. Pendant plusieurs années, vous nous taxiez d'optimisme excessif, et mes prédécesseurs ont dû débattre longuement avec vous sur cette question. Aujourd'hui, vous nous accusez de sousévaluer la croissance.

Sans vouloir refaire l'histoire de la conjoncture que nous avons connue ces trois dernières années, je rappellerai seulement que, lorsque le projet de budget pour 2000 a été présenté devant cette assemblée, à l'automne 1999, il était encore question du « trou d'air », et que personne à l'époque ne pouvait parier sur le fait de savoir si nous en étions ou non définitivement sortis. Aussi, dire aujourd'hui que les prévisions de croissance du budget 2000 sont sous-évaluées est, somme toute, assez facile, puisque nous sommes sortis du « trou d'air ». Mais comme, entretemps, nous avons réévalué nos prévisions de croissance, ce qui nous a permis, en liaison avec votre commission des finances, de réévaluer les recettes, cette accusation est désormais largement caduque.

C'est peut-être d'ailleurs cette réévaluation des recettes à laquelle nous avons procédé qui vous gêne, car, après tout, c'est grâce à elle que nous sommes aujourd'hui en mesure de présenter, dans le cadre de ce collectif, 40 milliards de francs de baisse d'impôts, ce qui, évidemment, en termes de palmarès de baisse des impôts, constitue un précédent historique.

M. Philippe Auberger.

N'importe quoi ! Les impôts ont augmenté !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez également longuement rappelé, monsieur d'Aubert, le paradoxe qui consiste à voir les prélèvements obligatoires augmenter. Je n'aurai pas la cruauté...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Si !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... de rappeler et cela figure dans le rapport d'orientation budgétaire, que la progression des prélèvements obligatoires, qui, malheureusement, est une constante de ces dernières années, a précisément atteint un pic entre 1995 et 1996, avec un taux d'augmentation qui a bondi de plus d'un point.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marc Laffineur.

N'importe quoi !

M. le président.

Faites un peu de silence, mes chers collègues, laissez Mme la secrétaire d'Etat s'exprimer.

Poursuivez, madame la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

L'objectif est bien évidemment de réduire les prélèvements obligatoires.

Mais, à tout prendre, entre des prélèvements obligatoires qui augmentent hors de toute croissance et des prélèvements obligatoires qui augmentent, alors que les taux des impôts restent stables, voire diminuent, parce que la croissance est là, je préfère de loin la deuxième situation.

C'est celle que nous avons connue au cours de ces trois dernières années.

Je n'aurai pas la cruauté de rappeler...

M. Jacques Fleury.

Si, il le faut !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... qu'au fond les phénomènes que vous avez décrits s'agissant des collectivités locales sont précisément ceux qui se sont produits vis-à-vis de l'Etat. Vous avez regretté, s'agissant de la ville de Laval...

M. Gérard Terrier.

Il n'y met jamais les pieds !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... le fait que les prélèvements obligatoires aient augmenté, alors même que les taux de la fiscalité avaient diminué. C'est précisément le phénomène qui s'est produit s'agissant de l'Etat : les bases de l'Etat, comme les bases de certaines collectivités locales, ont fortement progressé.

Sur les dépenses, vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, le rapport de la Cour des comptes ne précise rien de plus que ce qui figurait déjà dans le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale publié quelques semaines plus tôt.

M. François d'Aubert.

Ce n'est pas vrai !

M. Michel Bouvard et M. Jean-Jacques Jégou.

C'est faux !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

En ce qui concerne la comptabilisation des dépenses, il est indéniable qu'il existe plusieurs méthodes.

M. François d'Aubert.

Quelle sincérité !

M. François Goulard.

Ce qui autorise les faux bilans !

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

La Cour des comptes compte d'une certaine façon, l'INSEE compte d'une autre façon. Pour la présentation des lois de finances et des résultats de l'exécution, on utilise une troisième procédure. Mais l'important, c'est de ne pas changer en cours de route.

M. Philippe Auberger.

C'est pourtant ce qui s'est passé et ce que dit la Cour des comptes.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

De ce point de vue, nous avons fait preuve d'une constance totale. A ce propos, je suis quelque peu surprise d'entendre des reproches sur nos efforts de transparence qui nous ont amenés, soutenus par la majorité et la commission des finances, à réintégrer dans le budget 60 milliards de francs de dépenses qui n'auraient jamais dû figurer à l'extérieur.

Nous avons procédé à des rebudgétisations, c'est vrai, mais nous l'avons fait dans un souci de transparence.

M. Philippe Auberger.

Et les débudgétisations ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Et nous avons respecté les engagements pris en 1999 en matière de dépenses dans le projet de loi de finances, c'est-à-dire 1 % en volume.

M. Philippe Auberger.

C'est faux !

M. Jean Delobel.

Arrêtez un peu, tout de même, monsieur Auberger !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. le président.

Monsieur Auberger, un peu de silence ! Vous vous exprimerez le moment venu, laissez

Mme la secrétaire d'Etat s'exprimer.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement ne change pas de méthode de calcul en cours de route, je souhaite que la Cour des comptes fasse de même.

M. Michel Bouvard.

C'est inouï de critiquer ainsi la Cour des comptes !

M. Philippe Auberger.

Et l'indépendance des magistrats alors ? C'est indigne !

M. Jean-Jacques Jégou.

On en parlera avec M. Joxe demain !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Lorsqu'on s'apercevra, en 2000, que les dépenses de l'Etat se réduisent, notamment parce que certaines d'entre elles ont été transférées dans le FOREC, on ne nous fera pas le procès en sens inverse !

M. Michel Bouvard.

C'est inouï qu'un ministre ose attaquer la Cour des comptes !

M. Charles de Courson.

Très choquant !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est fini ces réflexions sur la Cour des comptes ?

M. Charles de Courson.

M. Joxe sera informé dès demain en commission.

M. le président.

Monsieur de Courson !

M. Philippe Auberger.

Il s'indigne, et il a raison.

M. le président.

Qu'il s'indigne en silence ! (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

L'inspection des finances n'est pas d'accord !

M. Charles de Courson.

Si !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. d'Aubert a ensuite qualifié le déficit que faisait apparaître ce collectif de « flottant ». Au fond, ce terme n'est pas si ironique que cela.

I l correspond même à la stratégie des finances publiques qui vous a été longuement présentée hier.

Nous avons rappelé que notre stratégie était d'abord fondée sur une norme d'évolution de la dépense, laquelle ne devait pas varier selon les évolutions de la conjoncture.

Cela signifie que lorsque la conjoncture s'avère meilleure que prévue, les surplus peuvent être affectés à la réduction du déficit, voire à des baisses d'impôt. C'est très exactement la conception que je me fais d'un déficit flottant.

Vous nous reprochez d'avoir fortement réduit le déficit en 1999 en faisant deux années en une. Puis, pour 2000, vous regrettez que nous ne faisions pas aussi bien qu'en 1999 puisque le déficit sera maintenu à 215 milliards, soit à un niveau supérieur à celui de 1999.

Là encore, je ne peux que vous rappeler ce qui a déjà été indiqué par la commission des finances, d'une part, et par Laurent Fabius lui-même, d'autre part, à savoir que si nous avons des recettes supplémentaires au-delà du surplus dont il vous est proposé d'affecter les quatre cinquièmes à des baisses d'impôt, nous affichons d'emblée la règle d'affectation de ces surplus : ils iront en totalité à la réduction du déficit. Certes, il est un peu difficile d'évaluer dès maintenant ce surplus de surplus, mais nous y verrons plus clair en cours d'année et j'espère que nous pourrons confirmer que le déficit de l'année 2000 sera en deçà du déficit de l'année 1999.

Je rappelle enfin que lorsque nous avons présenté à Bruxelles notre programmation pluriannuelle des finances publiques, nous avons bien indiqué que notre objectif à l'horizon 2003 était le quasi-équilibre des finances publiques, ce qui représente, par rapport à la situation que nous connaissions en 1997, un redressement exceptionnel, avouez-le.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

S'agissant des prélèvements sur recettes, dont vous avez dit qu'ils étaient condamnables, je vous répondrai qu'ils ne sont interdits par l'ordonnance organique. Ce qui n'est pas interdit est, a priori, permis. Au surplus, vous jugez qu'il y est fait de plus en plus recours. Permettez-moi de vous rappeler que, depuis la loi de finances pour 1999, le Gouvernement a mis un terme à cette pratique, bien que le principal concours aux collectivités locales s'effectue par la voie de la DGF.

M. François d'Aubert.

Non !

M. Michel Bouvard.

Certainement pas ! On voit bien que vous n'êtes pas élue !

M. Philippe Auberger.

C'est la meilleure, celle-là ! N'importe quoi !

M. le président.

Vous pourrez vous exprimer tout à l'heure dans la discussion, monsieur Auberger.

M. Philippe Auberger.

Mais enfin, ce n'est pas sérieux ! Ces propos sifflent à nos oreilles.

M. le président.

Je vous en prie, poursuivez, madame.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Vous concluez en accusant : vous dites qu'il s'agit d'un collectif repentir.

Non ! Ce n'est pas un collectif repentir, c'est un collectif assumé.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) En effet, nous nous réjouissons, notamment pour les Français, que les impôts baissent cette année de 80 milliards.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait pu, par un geste de solidarité exceptionnel, offrir six milliards de francs d'aides aux collectivités, aux entreprises et aux particuliers qui ont été victimes de la tempête.

Nous n'avons pas honte de ce collectif, au contraire ! Et je crois que les Français le reconnaîtront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je serai bref, Mme la secrétaire d'Etat ayant parfaitement répondu à toutes les observations de M. d'Aubert. Je remarque simplement que nous avons assisté à une intervention générale de M. d'Aubert, sans aucune référence à la Constitution. Je demande donc à l'Assemblée de rejeter cette exception d'irrecevabilité.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, parmi les nombreux motifs qui pousseront le groupe UDF à voter en faveur de l'exception d'irrecevabilité, je voudrais en souligner deux.

Première raison, les documents budgétaires qui nous sont présentés n'ont plus aucune sincérité au sens comptable et donc constitutionnel du terme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

On prétend que l'on ne touche pas au déficit. Erreur économique. On le maintient certes à 215 milliards - à comparer aux 206 milliards officiels de 1999 - mais, mes chers collègues, lisez le rapport de la Cour des comptes ! Il y est bien écrit que le Gouvernement a volontairement basculé, de 1999 sur 2000, 26 milliards de francs 18,3 milliards sur les recettes non fiscales et 9 milliards sur les recettes fiscales, grâce au maintien sur les comptes d'attente de 9 milliards d'impôts qui ont été basculés début 2000.

M. Gilbert Gantier.

C'est du beau !

M. Charles de Courson.

Donc l'exécution 1999 ne donne pas un déficit de 206 milliards mais bien de 179 milliards.

Dans ces conditions, le déficit 2000 n'est pas de 215 milliards, comme il est écrit dans le document budgétaire qui nous est présenté, il est de 215 milliards plus ces 26 à 27 milliards, soit un peu plus de 240 milliards.

S i nous comparons les 240 milliards de 2000 aux 179 milliards de 1999 - les 205 annoncés par le Gouvernement moins les 27 milliards - nous ne parvenons pas à la réduction des déficits annoncés par le Gouvernement pour 2000 de plus de 60 milliards. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela explique que l'entourage de M. Sautter et de Mme Parly ait dû monter cette incroyable mystification de la cagnotte.

M. Jean-Louis Idiart.

Mme Parly est arrivée après !

M. Charles de Courson.

En fait, ce n'est pas seulement 30 ou 31 milliards de plus-values fiscales qu'ils voulaient dissimuler, et qu'ils ont fini par avouer, cela faisait six mois que l'opposition le disait, après que Philippe Auberger et moi-même avions soulevé le lièvre...

M. Jean-Pierre Brard.

Ce que c'est que l'habitude de la chasse !

M. Charles de Courson.

... mais 56 milliards de plusvalues de recettes, les 30 milliards qu'ils ont fini par avouer plus les 26 qui figurent dans le rapport de la Cour des comptes.

M. François d'Aubert.

Accablant !

M. Charles de Courson.

Comment voulez-vous que nous votions un document budgétaire qui a été maquillé de 26 milliards ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Idiart.

Ne le votez pas !

M. Didier Boulaud.

Et laissez-nous le voter !

M. Charles de Courson.

Et ce n'est pas fini, mes chers collègues !

M. Jean-Pierre Brard.

Toujours plus fort !

M. Charles de Courson.

Et quand nous faisons remarquer au Gouvernement qu'étant l'avant-dernier élève de la classe en matière de déficit budgétaire...

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

... nous ne comprenons pas qu'il ne consacre pas 1 milliard sur les 50 milliards de plus-value à la réduction du déficit, même si une partie n'est pas une vraie plus-value relative au budget 2000, on nous répond que cette somme pourra être prélevée si une plus-value supplémentaire est constatée.

M. Jean-Jacques Jégou et M. François Goulard.

On verra bien !

M. Charles de Courson.

Si de nouvelles plus-values apparaissent, on nous promet de les consacrer à la réduction du déficit.

M. Jean-Louis Idiart.

Vaut mieux ça que le contraire !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, je n'ai jamais cru ce gouvernement depuis deux ans, et les faits m'ont donné raison.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Idiart.

On ne vous a jamais cru non plus !

M. Charles de Courson.

Alors, tous les mois, je consulte l'état des recettes !

M. Jean-Pierre Brard.

Sur Internet !

M. Philippe Auberger.

C'est le rapport de la Cour des comptes !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, sachez que les recettes de TVA étaient, fin mars, c'est-à-dire avant la baisse du taux normal de TVA qu'on nous demande de voter mais qui est déjà appliquée depuis le 1er avril, en hausse de 5,3 % par rapport à la même période de 1999. Sur 671 milliards, 5,3 % cela fait 33 milliards de plus-value. Or combien en avoue le Gouvernement ? Vous avez une idée ? (Sourires.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Allez-y !

M. Jean-Pierre Brard.

Nous donnons notre langue au chat !

M. Charles de Courson.

Le rapport Migaud annonce 9 milliards de TVA de moins en 2000 par rapport à 1999. J'ai cru m'évanouir quand j'ai lu ce rapport, qui vient de nous être distribué.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Brard.

Les sels !

M. le président.

Monsieur de Courson, poursuivez, votre temps de parole va bientôt être écoulé.

M. Jean-Pierre Brard.

Mais il est tombé en pâmoison !

M. Charles de Courson.

On nous explique, page 60, que les plus-values sur la TVA avant la mesure de baisse sont de 9 milliards, alors qu'il suffit de cliquer sur son ordinateur pour voir que la seule plus-value sur la TVA s'élèvera à une trentaine de milliards.

M. Philippe Auberger.

Cliquez sur le mulot !

M. Charles de Courson.

Une vingtaine de milliards est donc dissimulée par le Gouvernement, rien que sur la TVA. Pour l'impôt sur le revenu, là encore, c'est le gag.

On nous explique que les plus-values fiscales sont de 11 milliards et qu'elles vont être redistribuées aux Français. C'est du moins le packaging que nous présente le Gouvernement.

M. Philippe Auberger.

Ils ne sont pas vendeurs !

M. Charles de Courson.

Etant curieux, j'ai regardé le taux de croissance de l'impôt sur le revenu fin mars par rapport au premier trimestre 1999. Savez-vous combien on trouve, mes chers collègues ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Jean-Pierre Brard.

Encore !

M. Charles de Courson.

On trouve une augmentation de 7,3 %, soit, sur l'année, 18 milliards. Cela signifie que le Gouvernement dissimule encore 6 à 7 milliards.

M. le président.

Il faudrait conclure, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson.

Je résume : 20 milliards sur la TVA, 6 à 7 milliards sur l'impôt sur le revenu. Après, le Gouvernement nous explique qu'il a tout fait pour baisser les prélèvements obligatoires ? Non, mes chers collègues, vous ne pouvez pas voter un document aussi peu sincère.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Si !

M. Charles de Courson.

J'en viens à la deuxième raison de voter l'exception d'irrecevabilité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Monsieur de Courson, votre temps de parole est épuisé.

M. Charles de Courson.

Pas tout à fait !

M. le président.

Si, et depuis déjà un certain temps.

M. Charles de Courson.

Mon deuxième argument sera très bref.

M. le président.

Je vous laisse terminer, comme je pratique avec chacun d'entre vous, mais je vous demande d'être très bref, sinon je serai obligé de vous interrompre.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est une bonne idée !

M. Charles de Courson.

On est en train de tuer la libre administration des collectivités territoriales. Mes chers collègues, pour ceux d'entre vous qui sont, ont été ou seront conseillers régionaux...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Qu'il s'inscrive dans la discussion générale !

M. Charles de Courson.

... vous êtes vous posé la question de savoir ce qui restera de l'indépendance fiscale des conseils régionaux après le vote de ce collectif ? Plus de taxe d'habitation, une taxe professionnelle supprimée à travers les différentes mesures de prise en charge pour environ 60 %, plus de droits de mutation. Que leur restera-t-il ?

M. Jean-Jacques Jégou.

La carte grise !

M. Charles de Courson.

La carte grise et une partie de la taxe professionnelle.

M. le président.

Monsieur de Courson, je vous demande de conclure maintenant.

M. Charles de Courson.

Ne serait-ce que pour ces deux raisons, falsification des documents budgétaires, pour la troisième année consécutive (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)...

M. Jean-Pierre Brard.

Tout de suite les gros mots !

M. Charles de Courson.

... et atteinte aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, l'UDF votera pour cette motion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Marc Laffineur.

Madame la secrétaire d'Etat, je me disais en vous entendant que vous n'aviez quand même pas beaucoup de chance et que la situation était un peu difficile pour vous. En effet, j'avais trouvé l'intervention de M. le ministre de l'économie hier très bonne mais je ne voyais pas très bien comment il allait faire pour défendre le collectif budgétaire, qui va exactement dans le sens inverse. Aujourd'hui, j'ai compris : il ne l'a pas défendu.

M. Philippe Auberger.

C'était indéfendable !

M. Marc Laffineur.

Il montre ainsi qu'il s'agit de votre collectif budgétaire, non du sien, car il pense exactement l'inverse.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Il avait sommeil ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

Hier, on nous a parlé de transparence. Aujourd'hui, que constatons-nous ? Encore un peu plus d'opacité. Vous nous dites qu'on a retrouvé des recettes supplémentaires, vous annoncez une diminution du déficit pour la fin de l'année, mais celle-ci ne figure pas dans le collectif budgétaire. Encore une cachotterie à propos des rentrées fiscales ! Hier, nous avons, une fois de plus, entendu un plaidoyer pour la maîtrise des dépenses publiques. Aujourd'hui, le collectif budgétaire prévoit 10 milliards de francs de dépenses supplémentaires, d'ailleurs justifiées.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

C'est justifié mais il ne fallait pas ?

M. Christian Cuvilliez.

Il est contre le remboursement des dégâts causés par les tempêtes, les marées noires...

M. Marc Laffineur.

On aurait pu réduire d'autres dépenses plutôt que d'augmenter les dépenses publiques de 10 milliards.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est « le grand y-a-qu'à » !

M. Marc Laffineur.

Voilà pourquoi je pense que vous allez passer une soirée difficile, madame la secrétaire d'Etat, et voilà pourquoi également le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la question d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Dieu qu'ils sont nombreux !

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe RPR votera, sans aucun état d'âme, cette exception d'irrecevabilité.

M. Bernard Outin.

Evidemment, ils n'ont pas d'âme !

M. Philippe Auberger.

Et cela pour deux raisons.

L a sincérité budgétaire ne s'affirme pas. Elle se démontre. Et sur deux points au moins, madame la secrétaire d'Etat, vous êtes prise en défaut.

Premier point : vous nous présentez un collectif budgétaire avec un déficit de 215 milliards, en amélioration de 50 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale.

M. Jean-Jacques Jégou.

Quel effort !

M. Philippe Auberger.

Or, hier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a donné une séquence de diminution des déficits du bugdet de l'Etat qui incluait un déficit budgétaire pour l'année 2000 de 200 milliards de francs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Contrairement à ce qu'il prétend, il n'est donc pas adepte de l'application de la transparence. En effet, le déficit budgétaire sera de 200 milliards, alors qu'il est évalué à 215 milliards dans le document que vous nous présentez aujourd'hui.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous êtes de mauvaise foi, monsieur Auberger !

M. Philippe Auberger.

S'il était adepte de la transparence, il aurait dû déposer une lettre rectificative pour aligner ses actes sur ses paroles. (Approbations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean de Gaulle.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

Il ne l'a pas fait, et c'est une atteinte extrêmement grave à la sincérité du document budgétaire qui nous est présenté.

M. François Goulard.

Le ministre est pris la main dans la cagnotte !

M. Philippe Auberger.

La deuxième preuve d'insincérité a, au demeurant, été relevée par le rapporteur génér al, mais celui-ci n'en tire pas de conclusion :...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Mais si !

M. Philippe Auberger.

... le fameux fonds pour la réforme des cotisations sociales, le FOREC, qui a été institué dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, n'est pas équilibré.

M. Charles de Courson.

C'est vrai !

M. Philippe Auberger.

Il lui manque 7 milliards de francs de ressources.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Nous n'en sommes plus là, maintenant que la gauche à bien rempli les caisses !

M. Philippe Auberger.

Or il s'agit d'un établissement public à caractère administratif et la réponse du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à la question du rapporteur général, annexée dans le rapport écrit, indique bien que ses comptes doivent être équilibrés, soit par des recettes affectées, soit par une subvention de l'Etat. Je note pourtant que ce collectif ne prévoit pas de subvention de l'Etat.

Le collectif n'est donc pas sincère. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ? Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu, de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République, une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rassurez-vous, je serai bref. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Brard.

Et forcément meilleur que votre prédécesseur !

M. Gilles Carrez.

Vous en jugerez, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes trop modeste.

M. Charles de Courson.

M. Carrez sera bref mais percutant !

M. Philippe Auberger.

Prenez votre temps !

M. Gilles Carrez.

Je relève que 113 milliards de francs d'impôts d'Etat supplémentaires ont été collectés en 1999, mais que 80 milliards seulement seront restitués aux Français sous forme de baisse d'impôts en 2000. La dépense publique d'Etat, qui devait progresser de seulement 1 % en volume en 1999, a en réalité progressé de 3 %. Les recettes de l'Etat ont été recalées à la hausse de 51 milliards de francs, ce qui a nécessité l'élaboration de ce collectif, et, en contrepartie, la baisse du déficit est limitée à 49 millions de francs, soit une progression du déficit supérieure à 10 milliards par rapport à 1999 ; c'est une première dans l'histoire budgétaire de notre pays.

M. Christian Cuvilliez.

Mais ce n'est pas un drame !

M. Gilles Carrez.

Si, c'est un drame, mon cher collègue.

Ces quelques chiffres incontestables imposent trois évidences : d'abord, la fiscalité d'Etat, en particulier la fiscalité directe, s'envole ; ensuite, la dépense publique n'est pas maîtrisée ; enfin, la réduction du déficit, à l'évidence, n'est pas une priorité pour le Gouvernement.

Voilà trois ans que les ministres de l'économie, des finances et de l'industrie successifs nous prédisent la stabilisation puis la baisse des prélèvements obligatoires.

Avouez que ces prévisions optimistes ne leur ont pas porté chance... J'espère sincèrement, après avoir entendu le ministre de l'économie, hier, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, que ses affirmations optimistes ne lui vaudront pas de déconvenues, car je ne mets pas en doute son ardeur et sa sincérité dans le combat pour les baisses d'impôts.

Mais rappelons tout de même les promesses que nous avons entendues ces deux dernières années. Fin 1998, nous nous en souvenons tous, Dominique Strauss-Kahn n ous avait prédit que les prélèvements obligatoires seraient stabilisés. Fin 1999, c'était au tour de Christian Sautter de nous affirmer qu'ils diminueraient.

Résultat : une augmentation d'un point des prélèvements obligatoires par rapport à la richesse nationale, soit plus de 80 milliards de francs, et un record absolu, avec un taux de 45,7 %. Car contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, le record absolu est bien atteint aujourd'hui. Et s'il a fallu augmenter les impôts en 1996, c'était tout simplement pour combler ce qui subsistait des déficits accumulés en 1993.

Plus préoccupant encore, 70 % de l'augmentation du produit intérieur brut, en 1999, ont été confisqués par les prélèvements obligatoires. Cela signifie, en clair, que les deux tiers des efforts consentis par les Français pour augmenter la richesse nationale ont été absorbés !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Absorbés puis redistribués !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Gilles Carrez.

Vous pensez rectifier cette véritable salve fiscale avec quelques baisses d'impôts. A l'évidence, c'est insuffisant : les 40 milliards de francs de baisse ne sont pas à l'échelle des 113 milliards d'augmentation de l'an dernier. De plus, ces mesures sont dispersées et n'ont aucune cohérence. En fait, elles relèvent davantage du saupoudrage conjoncturel que d'une véritable stratégie fiscale.

Le premier constat, c'est l'explosion de la fiscalité directe de l'Etat : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et taxe sur les salaires. C'est cette augmentation qui est à l'origine de l'accélération des délocalisations dont nous souffrons actuellement. Or le collectif n'apporte aucun signal positif en ce domaine.

Comme notre collègue de Courson, je prends le pari, au vu des états mensuels de perception de l'impôt sur le revenu, que nos concitoyens, comme l'an dernier, quand ils recevront, à l'automne, leur dernier tiers ou leur dernière mensualité d'impôt sur le revenu, vont avoir une très mauvaise surprise. Vous leur aurez en effet promis une baisse de 11 milliards, et d'ores et déjà, après les 30 milliards d'augmentation de 1999, on s'aperçoit que les encaissements de l'impôt sur le revenu progressent de plus de 7 %. Et vous persistez, malgré les déclarations de tel ou tel -, j'entendais hier avec intérêt notre collègue Augustin Bonrepaux - à ne pas vouloir revenir sur l'erreur manifeste que vous avez commise en abaissant le plafond du quotient familial ! Quand reconnaîtrez-vous enfin que vous en avez aussi commis une en annulant la réforme engagée par le gouvernement d'Alain Juppé, qui, elle, était massive, puisqu'elle consistait à supprimer un quart de l'impôt sur le revenu, notamment en favorisant le retour à l'emploi des salariés les moins bien rémunérés, c'est-à-dire des contribuables les plus modestes ? Mais j'y reviendrai dans un instant.

L'impôt sur le revenu est vraiment beaucoup trop lourd et sa progressivité est excessive, en particulier aux deux extrémités - voilà ce qui est important -, c'est-àdire pour les ménages dont les revenus sont les plus faibles ou les plus élevés.

Il convient d'être de plus en plus attentif à la question de l'impôt sur le revenu, afin de favoriser la création de richesses, de valeur ajoutée, au profit de l'ensemble de la collectivité, car la distinction entre la fiscalité des entreprises et la fiscalité des particuliers, qu'ils soient créateurs d'entreprise ou investisseurs, est de plus en plus ténue. Et un impôt sur le revenu trop confiscatoire décourage. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient de recevoir un rapport très intéressant : on y note que, depuis trois ans, 25 000 foyers fiscaux se sont délocalisés chaque année pour des raisons liées à l'excès d'impôt sur le revenu ! Et je ne parle pas de l'ISF, mais seulement de l'impôt sur le revenu.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas du tout ce qui est écrit dans ce rapport ! Relisez-le ! Vous êtes d'une mauvaise foi extraordinaire !

M. Gilles Carrez.

Et ces 25 000 foyers sont plus jeunes que la moyenne, monsieur le rapporteur général,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela n'a aucun sens !

M. Gilles Carrez.

... ils sont évidemment plus aisés et ils sont aussi plus créatifs. C'est extrêmement inquiétant.

Vous n'avez peut-être pas la même lecture que moi de ce rapport, mais nous pourrons en reparler.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela n'a aucun sens ! Le rapport comptabilise les étudiants !

M. Gilles Carrez.

Ecoutez, François d'Aubert nous le disait tout à l'heure, à la sortie d'HEC, 20 % de la promotion quitte le pays !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous voulez entretenir une confusion qui n'a pas lieu d'être !

M. Gilles Carrez.

C'est une réalité, je peux en témoigner.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est plutôt le syndrome de la droite française ! On pourrait l'appeler le « syndrome de Coblence » ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président de la commission des finances, je quitte une extrémité de l'impôt sur le revenu pour passer à l'autre extrémité.

M. Jean-Louis Idiart.

Cela m'étonnerait de vous !

M. Gilles Carrez.

Peut-être serez-vous alors davantage d'accord avec moi ? Le problème de l'impôt sur le revenu se pose aussi pour l'entrée dans la taxation ; c'est ce qu'on appelle la trappe à inactivité.

C'est vrai, la baisse d'un point des deux premières tranches ainsi que la mesure relative à la taxe d'habitation qui figure dans ce collectif devraient améliorer les choses.

Mais, sur ce plan aussi, vos propositions sont beaucoup moins ambitieuses, beaucoup moins efficaces que ne l'était la réforme Juppé, qui intégrait la décote dans le barème. Malheureusement, vous avez eu le tort, il y a trois ans, de supprimer ce dispositif.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Il faut le reprendre...

M. Gilles Carrez.

Exactement : il faut reprendre cette réforme.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Je parlais de reprendre Juppé !

M. Gilles Carrez.

Reprendre Juppé, je ne sais pas, je laisse cela à votre appréciation, mais reprendre la réforme, sans aucun doute.

(Sourires.)

Autre impôt direct dont l'importance économique est majeure, l'impôt sur les sociétés. Or, dans le collectif, il ne fait l'objet d'aucune mesure, malgré les espoirs suscités par les baisses déjà votées ou programmées dans la plupart des pays qui nous entourent. L'histoire de l'impôt sur les sociétés est paradoxale. C'est entre 1990 et 1993, sous une majorité de gauche, que la baisse du taux a été conduite de la façon la plus déterminée, pour atteindre, en 1993, 33,3 % - dans l'Europe de l'époque, c'était d'ailleurs un taux compétitif. Mais il y eut la taxe de 1995, puis la surtaxe de 1997, destinée à favoriser la mise en place de l'euro, ce qui pouvait se concevoir, à condition que cela ne dure qu'un temps.

A l'époque, il avait effectivement été voté que le taux reviendrait à son niveau normal, soit 35 % environ, dès 2000. Mais, entre-temps, sont passés par là les 35 heures, la nécessité de financer le fonds de réforme des cotisations sociales. Ainsi, contrairement à toutes les promesses, il a été décidé, dès 2000, de percevoir la contribution de solidarité sur les bénéfices, qui, dès cette année, fait prendre trois points au taux de l'IS. Celui-ci dépasse aujourd'hui 38 % et, en 2001, il dépassera même 40 %. Pourtant, l'Allemagne a d'ores et déjà décidé de ramener son taux à 25 % en 2001 et celui de la GrandeBretagne est inférieur à 30 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Sans aucun esprit de polémique, face à une concurrence de plus en plus intense et à des possibilités de délocalisation de plus en plus tentantes, la majorité doit se souvenir de ce qui a été fait entre 1990 et 1993.

Comparé à un enjeu aussi essentiel que la diminution de la fiscalité directe de l'Etat, nous nous interrogeons sur la baisse générale d'un point de TVA. Nous avons certes voté sans hésiter la baisse ciblée sur les travaux dans le logement ; c'était une bonne mesure et on en mesure d'ailleurs les effets aujourd'hui, sur le terrain, qu'il s'agisse de la progression des travaux ou de la lutte contre le travail au noir. Mais quant à la baisse générale du taux, bien qu'elle ne soit que d'un point, paradoxalement, elle coûtera fort cher : en année pleine, plus de 30 milliards de francs.

M. Jean-Jacques Jégou.

Absolument : 31 milliards !

M. Gilles Carrez.

Or cette mesure s'inscrit dans un contexte de croissance et l'on voit déjà apparaître ici ou là des goulots d'étranglement. A l'évidence, du point de vue de l'efficacité économique et fiscale, elle est hasardeuse, car sa répercussion risque d'être imperceptible.

J'en reviens au thème général du retour à l'emploi. En la matière, toutes les analyses économiques et sociales convergent pour souligner deux points principaux.

D'abord, c'est la baisse générale des charges sur le travail qui, de loin, est la plus efficace pour créer ou sauvegarder des emplois.

M. Jean-Jacques Jégou.

Surtout les charges sur les bas salaires !

M. Christian Cuvilliez.

Transférons ces charges sur les actifs financiers !

M. Gilles Carrez.

On l'a constaté avec le plan textile, et on le constate malheureusement encore, a contrario , depuis que ces aides ont été supprimées.

Or, quand le gouvernement Jospin est arrivé au pouvoir, les premières déclarations de Mme Aubry ont été, je m'en souviens, pour déclarer que ces baisses du coût du travail ne servaient à rien, que ce n'était que des cadeaux aux entreprises et qu'il convenait d'y mettre un terme le plus rapidement possible.

M. Jean-Jacques Jégou.

Hélas !

M. Gilles Carrez.

Une de ses toutes premières mesures a d'ailleurs consisté à réduire à 1,3 le champ d'application, qui, auparavant, était fixé à 1,33. Heureusement, elle s'est ravisée depuis, mais par la voie détournée des 35 heures : la mise en place des 35 heures a accru le coût du travail de plus de 11 %...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Moins la base des salaires dans la TP ! Vous êtes vraiment d'une mauvaise foi !

M. Gilles Carrez.

... et il a bien fallu la compenser par une baisse des cotisations patronales, mais, là encore, limitée.

Il faut amplifier et généraliser la baisse des charges sur le travail. Il reste encore du chemin à parcourir à cet égard, 35 heures ou pas. La relative aisance budgétaire que nous pourrions connaître grâce à la croissance, si nous maîtrisions les dépenses, permettrait d'amplifier le mécanisme de la ristourne dégressive, à la fois en augmentant son montant et en élargissant son champ d'application.

Deuxième point essentiel que mettent en avant toutes les analyses économiques et sociales, nous devons, par tous les moyens, favoriser le retour à l'emploi en limitant ce qu'on appelle le chômage structurel, que certains chiffrent à plus de 8 %.

M. Christian Cuvilliez.

Le chômage structurel, cela n'existe pas ! Vous seriez bien embarrassé pour le définir !

M. Gilles Carrez.

Je suis moi-même un peu dubitatif quand je lis ces études, mais ce sont des affirmations.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

« Certains chiffres » ? Qui ? Ils écrivent des énormités. Certainement des conservateurs !

M. Gilles Carrez.

Reconnaissez que la convergence entre les résultats de plusieurs études est tout de même troublante. Il faut certes se méfier des experts, nous ne sommes pas là pour nous fier absolument à eux, mais le problème n'en est pas moins réel. D'ailleurs, vous en êtes bien conscients, puisque vous justifiez notamment le dégrèvement de taxe d'habitation et la baisse d'un point sur les deux premières tranches de l'IR par des considérations sur le retour à l'emploi.

Nous nous rendons compte que ces mesures ne seront pas suffisantes. Un exemple très frappant figure d'ailleurs d ans le rapport du débat d'orientation budgétaire.

Lorsque dans une famille les deux conjoints perçoivent le RMI et que l'un d'entre eux passe au SMIC, si j'ai bien lu le rapport - qui, à mon avis, engage le Gouvernement dans la mesure où ce n'est pas qu'un dire d'expert -, le gain supplémentaire mensuel est de l'ordre de 600 francs, soit une rémunération marginale de 4 francs de l'heure.

Donc, je pense que notre collègue Pierre Méhaignerie a totalement raison...

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

... de dire que nous devons absolument, dès lors que nous en avons les moyens,...

M. Christian Cuvilliez.

Augmenter les salaires !

M. Gilles Carrez.

Non, mais augmenter le pouvoir d'achat, c'est-à-dire raisonner par le haut et non par le bas.

Raisonner par le bas reviendrait à bloquer les allocations, et c'est à l'évidence ce qu'il ne faut pas faire.

L'idée, très intéressante de nos collègues, consisterait à jouer sur les cotisations salariales...

M. Christian Cuvilliez.

Il n'en reste déjà presque plus !

M. Gilles Carrez.

... et à créer une sorte de crédit de cotisations salariales. Il s'agirait d'une trentaine ou d'une quarantaine de milliards de francs, à peu près la masse fiscale que vous dégagez dans ce collectif. Il y a là, contrairement aux mesures un peu dispersées que vous proposez, une véritable stratégie économique face à un problème crucial, celui du retour à l'emploi.

J'évoquerai enfin, dans le volet fiscal, la taxe d'habitation et sa diminution de 11 milliards de francs.

La mesure de refonte des dégrèvements, pour mieux lisser les effets de seuil, notamment entre revenus d'allocation et revenus d'activité, va dans la bonne direction.

Mais il faudra en voir concrètement les effets, parce que le dispositif est très complexe.

La lecture de l'article 6 n'est pas simple, c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai toutefois le sentiment que le correctif que vous avez apporté pour ne pas défavoriser les couples mariés ou pacsés par rapport aux cohabitants ne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

sera pas suffisant. Et je me demande comment, en pratique, vous calculerez la somme des revenus des cohabitants et, par quel croisement de fichiers vous pourrez vérifier qu'il y a cohabitation. Peut-être, tout simplement, à partir du fichier de l'impôt sur le revenu ? Quoi qu'il en soit, si cette mesure s'applique, une certaine distorsion demeurera par rapport aux couples mariés ou pacsés, compte tenu de ce que nous a dit le rapporteur général tout à l'heure. Si j'ai bien compris, un dispositif de plafonnement et de lissage sur cinq ans fera que les cohabitants ne pourront pas payer plus que ce qu'ils auraient eu à payer dans le système actuel s'ils avaient été seuls.

Cette mesure présente un aspect intéressant, du point de vue des collectivités locales : c'est un dégrèvement.

Pour une fois, ce n'est pas une compensation. Et c'est l'occasion de dire que nous ne pouvons plus accepter, en cas de modification de la fiscalité locale, qu'on substitue des subventions d'Etat à un pouvoir fiscal autonome.

Pour autant, je regrette que ce dégrèvement soit limité dès lors qu'il y a - à partir de 2001 - hausse du taux de taxe d'habitation. Madame la secrétaire d'Etat, j'appelle votre attention sur un point : c'est souvent dans les communes pauvres en taxe professionnelle que résident les habitants les plus modestes. Or, étant donné l'état général de nos finances locales, c'est dans ces communes que l'on risque d'être contraint d'augmenter impôts locaux et taxe d'habitation.

M. Bernard Outin.

Il y a des communes pauvres avec des habitants riches !

M. Gilles Carrez.

Il est injuste que les populations de ces communes soient les premières défavorisées parce que le dégrèvement ne sera pas pris en compte en totalité.

Quant à la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, elle est tout à fait contestable.

(« En effet ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) D'abord, une fois de plus le pouvoir fiscal local est remplacé par une dotation d'Etat.

M. Michel Bouvard.

Comme d'habitude !

M. Gilles Carrez.

Ensuite, comme le disait tout à l'heure Charles-Amédée de Courson, s'il n'y avait que la part régionale de la taxe d'habitation qui soit supprimée, on pourrait, à la limite, l'admettre. Seulement, cette suppression s'inscrit dans un système accumulant les atteintes au pouvoir fiscal local.

M. Charles de Courson.

Un système « thatchérien » !

M. Gilles Carrez.

Oui, c'est du « capping » à la Thatcher, système autoritaire où l'on dépouille de façon systématique les régions de leur pouvoir fiscal. Et je me félicite que la commission de décentralisation, par la voix de son président Pierre Mauroy, ait solennellement pris position il y a de cela un mois pour dire qu'aujourd'hui cela suffit !

M. Marc Laffineur.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Il est hors de question de poursuivre dans cette voie manifestement contraire à l'article 72 de la Constitution.

Mes chers collègues, l'article 9 qui traite de la dotation de compensation de la taxe professionnelle est à cet égard frappant. Il s'agit, par une sorte de générosité de dernière minute, de verser 250 millions de plus aux communes dont la dotation de compensation a quasiment disparu.

En effet, plusieurs centaines de communes qui ne bénéficient pas de la dotation de solidarité urbaine auront vu leur DCTP fondre, diminuer de 40 % entre 1999 et 2000.

Or, et je me tourne vers chacun d'entre vous, la DCTP est une « affaire oecuménique ». Elle a été créée en 1987. Et il n'y a pas un seul gouvernement, pas un seul ministre des finances, de droite ou de gauche, qui n'ait cherché à l'écorner et à suivre son administration, laquelle ne rêve que de sa disparition pure et simple.

Ainsi, le bon sens et l'expérience commandant à tout élu local de ne pas troquer l'autonomie de la responsabilité fiscale contre la dépendance de la subvention d'Etat.

En outre, je considère que certaines mesures techniques qui accompagnent cette suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et qui ne semblent que ponctuelles constituent de véritables vexations à l'égard des élus et révèlent le peu de cas que l'administration fait des élus locaux. En effet, l'article 6 prévoit non seulement le gel des taux, mais également le gel des bases à leur niveau de 2000. Ainsi, les dotations d'Etat des régions seront indexées sur la moitié de l'évolution de la croissance, à partir de la photographie de leur taxe d'habitation 2000, en taux comme en bases. C'est tout à fait choquant.

Le comble, c'est que l'article 6 consacre pratiquement une page à réintroduire un mécanisme de liaison des taux. Il ne reste plus que deux taxes aux régions : la taxe professionnelle et le foncier bâti,...

M. Jean-Jacques Jégou.

Et une partie de la taxe professionnelle !

M. Gilles Carrez.

... et, pourtant, on met en place un nouveau mécanisme de liaison des taux, comme si les élus étaient des irresponsables ! De telles vexations ne sont pas admissibles. Et je pense que vous manquez d'ambition.

Quelle devrait être l'ambition du Gouvernement en matière de fiscalité locale ? Quelle stratégie devrait-il mettre en oeuvre pour rendre plus juste et moderniser cette dernière ? Il faudrait d'abord réviser les valeurs locatives. Croyezmoi, cela rendrait la taxe d'habitation plus juste. Une grande partie des logements sociaux, par exemple, sont surévalués, parfois de 30 %, c'est-à-dire dans des proportions considérables.

Pourquoi ne procédez-vous pas à cette révision ? Ces dernières années, les gouvernements successifs n'ont pas pu le faire, faute de moyens disponibles.

M. Jean-Louis Idiart.

L'argument n'est pas bon !

M. Gilles Carrez.

Ils ne disposaient pas de la dizaine de milliards de francs permettant d'éliminer les hausses les plus fortes ou de les étaler dans le temps. Ce n'est pas votre cas, puisque vous affectez 11 milliards à la baisse de la taxe d'habitation. Je pense donc qu'il vous était possible de procéder à la révision des valeurs locatives.

J'en viens aux dépenses face aux 51 milliards de francs de recettes, vous proposez 11 milliards de dépenses supplémentaires. Certes, ces dépenses ont soit des causes justes et nobles, et nous ne les contestons pas : la tempête, la marée noire, les hôpitaux publics, l'éducation nationale, les prisons. Mais nous contestons...

M. Jean-Louis Idiart.

Les recettes ?

M. Gilles Carrez.

... le fait qu'elles ne sont pas financées par des redéploiements budgétaires. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Jean-Louis Idiart.

Je vous apporterai les petits journaux de ma région !

M. Gilles Carrez.

Cher collègue Idiart, dans une période de restrictions budgétaires, on pourrait considérer qu'on ne peut pas financer ces dépenses autrement qu'avec des inscriptions nouvelles. Mais la Cour des comptes est très claire, qui démontre que, en 1999, les dépenses n'ont pas augmenté de 1 % en volume, mais de 2,8 %, voire, dans certaines hypothèses de périmètre, de presque 4 %.

M. Gilbert Gantier.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Et vos propos m'ont paru quelques peu légers, madame la secrétaire d'Etat, quand vous avez répondu à notre collègue François d'Aubert que les calculs de la Cour des comptes étaient sujets à caution, qu'ils n'engageaient qu'elle et que, en outre, vous espériez qu'elle ne changerait pas de méthode.

M. Christian Cuvilliez.

Ce sont les dépenses publiques qui sont le moteur de la croissance !

M. Gilles Carrez.

Ce qu'écrit la Cour des comptes est extrêmement précis. Les suppressions auxquelles vous avez procédé et le jeu systématique j'y reviendrai car c'est essentiel - auquel vous vous livrez s'agissant des prélèvements sur recettes modifient considérablement la réalité de la dépense publique. Les budgétisations ou débudgétisations, la manière dont vous avez d'abord considéré le résultat c'est-à-dire le 1 % qui était la norme - pour a posteriori construire les hypothèses de comparaison de 1999 et 1998 n'honorent franchement pas le Gouvernement, dont je sais que le souci de transparence budgétaire est tout à fait réel.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je veux simplement inciter Mme la secrétaire d'Etat à lire, enfin, le rapport de la Cour des comptes ! (Rires sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi, elle verra que ces critiques ne sont absolument pas injustifiées.

La non-maîtrise de la dépense publique est préoccupante sur plusieurs points. Il est incontestable que la flexiblité des dépenses d'Etat ne fait que diminuer, alors qu'on pourrait penser qu'en période de croissance on assiste à une diminution relative des dépenses.

M. Jean-Jacques Jégou.

Madame la secrétaire d'Etat vient de dire le contraire !

M. Gilles Carrez.

Tout simplement parce que les d épenses d'intervention, notamment en matière d'emplois, devraient diminuer. Or il n'en est rien. Quand on étudie le budget des aides à l'emploi, on s'aperçoit que si certaines dépenses diminuent, comme celles liées au financement des préretraites ou à la ristourne dégressive, cette diminution se trouve plus que compensée par de nouvelles dépenses liées à la mise en place des trentecinq heures ou aux emplois-jeunes. Et on observe ce paradoxe de voir exploser les crédits de RMI, alors que le chômage diminue fortement : ceux-ci augmentent de 22 % dans le budget 1999 ! J'en viens aux dépenses de personnel.

Hier soir, j'ai beaucoup regretté que le ministre de l'économie, qui avait pourtant répondu assez précisément à la plupart des questions, ait soigneusement évité de répondre aux observations très précises de notre collègue Tron. Celui-ci soulignait la progression inexorable de dépenses de personnel - entre 3 et 4 % chaque année due aux revalorisations d'indices, au GVT et aux accords Zuccarelli, dont les effets se feront encore sentir en 2000 et qui avaient surestimé l'inflation. Ils avaient en effet estimé cette dernière à 1,3 % ; or elle s'est située entre 0,5 et 0,8 %. Et puis, surtout, M. Tron avait posé des questions très précises sur la manière dont seraient appliquées les trentecinq heures et sur l'avenir des emplois-jeunes, notamment à l'éducation nationale. Il s'était interrogé aussi sur l'év olution du nombre des fonctionnaires. Quand les ministres de tutelle disent l'un après l'autre, comme M. Sapin récemment, qu'ils sont incapables de connaître le nombre de leurs fonctionnaires ; quand dans tous les ministères, notamment à l'éducation nationale, il y a des augmentations clandestines de personnel par transformation de crédits d'heures en postes supplémentaires, c'est qu'on est loin de maîtriser des effectifs de la fonction publique ! Il y a plutôt augmentation des effectifs.

M. Christian Cuvilliez.

Vous voulez diminuer les postes dans l'enseignement ?

M. Georges Tron.

Ce genre d'arrangements ne marche plus ! C'est fini !

M. Gilles Carrez.

En outre, dans les années 2001, 2002, 2003, le contexte économique sera probablement moins favorable, en tout cas en termes de financement de la dette. On le voit déjà depuis quelques mois, le coût de la dette augemente considérablement. Notre collègue Philippe Auberger, l'a dit nous ne pourrons sans doute pas faire l'économie de cetains constats en ce qui concerne le service de la dette au titre de l'exercice 2000.

Je ne voudrais pas être de mauvais augure en disant que l'on risque un retournement conjoncturel à brève échéance. Il semble que nous ayons malgré tout des fondamentaux et un contexte international qui permettent d'espérer une croissance pendant quelque temps encore.

Mais dans un contexte où la croissance n'est absolument pas garantie, où les dépenses de l'Etat sont de plus en plus rigides et, où les économies réalisées sur la dette au cours des deux ou trois derniers exercices ne pourront pas se reproduire, dans un contexte qui pourrait devenir plus délicat, et donc, qui exigerait d'être beaucoup plus prudent, le Premier ministre vient de nous annoncer qu'il abandonnait purement et simplement la réforme de l'Etat.

Cela s'est produit par phases successives, mais celles-ci laissent peu d'espoir pour l'avenir.

D'abord, il y a eu la retraite... sur le front des retraites.

On ne parle plus du tout des régimes spéciaux de retraite.

Ensuite, et c'est une autre question à laquelle nous n'avons pas obtenu de réponse, nous ne savons pas comment la part des pensions dans le budget de la fonction publique, qui représente aujourd'hui plus de 42 % de l'ensemble des dépenses d'Etat, évoluera dans les trois ou quatre prochaines années. Et rien n'est dit à ce sujet dans le rapport d'orientation budgétaire.

Ne nous y trompons pas et vous-même, madame la secrétaire d'Etat, ne pouvez qu'y être très sensible : l'échec de la réforme de Bercy est emblématique de l'impossibilité de réformer l'Etat. Ce qui a beaucoup choqué, dans l'abandon en rase campagne de cette réforme de Bercy, c'est que que l'Etat n'arrête pas de donner des leçons aux autres. Il impose les 35 heures aux entreprises, mais il est le premier à dire qu'il est très difficile de se les appliquer à lui-même ! La réduction des déficits publics est toujours bonne pour les collectivités locales, mais on vient de voir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

que, comme en points Maastricht, on raisonne globalement, l'Etat consomme à travers ses déficits les excédents que lui procurent les collectivités locales.

M. Michel Bouvard.

Il nous faut assumer Maastricht !

M. Gilles Carrez.

Cela étant, soyons clairs. Dans l'opposition, nous ne contestons absolument pas la légitimité de la dépense publique. Mais nous pensons qu'avec un taux de 54 % de l'ensemble de la production nationale, nous avons atteint un niveau excessif et que la question n'est plus aujourd'hui d'augmenter mais de mieux gérer et de redéployer.

Quelque chose fait un peu mal au coeur en pensant à l'échec de Bercy.

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas un échec !

M. Georges Tron.

Ce n'est pas une réussite non plus...

M. Gilles Carrez.

Qui d'entre nous n'espérait que tel ou tel redéploiement réalisé à partir de cette maison permettrait de gager des postes supplémentaires dans les zones d'éducation prioritaire, où les enseignants font un travail admirable ? J'ai dans ma circonscription une zone franche, qui est le secteur le plus difficile du Val-deMarne et qui souffre d'un véritable manque de moyens.

Même combat s'agissant des moyens en matière de police de proximité que réclament tous nos concitoyens.

Comment faire si des administrations comme Bercy ne veulent pas bouger ? Comment motiver des administrations, qui, elles, ont accepté d'évoluer alors que vous abandonnez le contrat d'objectifs pluriannuel des services fiscaux, alors que l'effort de mise en place d'indicateurs de qualité et de performance il y en a dans votre propre ministère à la direction des relations économiques extérieures - est remis en cause ?

M. Pierre Méhaignerie.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Pourquoi d'autres administrations suivraient-elles l'exemple de celle de l'équipement, qui a procédé à de nombreux redéploiements, si, vous, vous renoncez pour la direction générale des impôts ? Aujourd'hui, la doctrine de l'Etat est devenue très simple. Elle se résume à embaucher de nouveaux fonctionnaires pour faire face aux 35 heures, à remplacer nombre pour nombre les départs à la retraite qui vont s'accélérer dans les dix prochaines années - cela concernera pratiquement la moitié des fonctionnaires - et à renoncer à tout redéploiement de moyens. Après l'échec de la réforme des retraites,...

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas vrai !

M. Gilles Carrez.

... après la capitulation sur la réforme de Bercy, il est frappant de constater que, dans ce collectif, les dépenses sont exclusivemnet financées par les recettes et en aucun cas par des redéploiements. Je vois là une sorte d'indication culturelle de la manière dont vous concevez les finances publiques. Comme je l'ai souligné hier soir, il y a une contradiction absolue...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous avez l'habitude des contradictions !

M. Gilles Carrez.

... entre ce qui est indiqué dans le rapport d'orientation budgétaire et ce qui figure dans ce collectif.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Or ce n'est pas sur les budgets d'investissement que nous pourrons continuer de faire des économies. Michel Bouvard l'a dit excellemment cette nuit, ceux-ci représentent, à présent, moins de 10 % du budget général. Comment faire des économies dans un tel contexte ?

M. Philippe Auberger.

Ce serait des économies de bouts de chandelles !

M. Michel Bouvard.

Les 35 heures coûtent aussi cher que les budgets d'investissement !

M. Gilles Carrez.

Ainsi, les crédits d'équipement militaire ne peuvent guère descendre en dessous de leur niveau actuel. En 1999, les dépenses effectives n'ont été que de 69 milliards de francs, pour 86 milliards inscrits en loi de finances initiale. En fait, faute de stratégie budgétaire, sauf dans le rapport d'orientation budgétaire, le Gouvernement mène une politique de la dépense au fil de l'eau, en parant au plus pressé électoral.

Comme François d'Aubert l'a souligné, ce qui se passe ressemble de plus en plus à la période 1989-1991 où l'essentiel des marges de manoeuvre de la croissance a été consacré aux dépenses.

M. Pierre Méhaignerie.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

C'est du Rocard !

M. Pierre Méhaignerie.

Du Rocard bis !

M. Gilles Carrez.

Je dirai plutôt que c'est du Jospin.

Souvenons-nous, en effet, du plan Jospin et des 20 milliards supplémentaires accordés à l'éducation nationale.

Certes, c'était probablement nécessaire et nous ne contestons pas la réforme de l'éducation nationale engagée à cette époque.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Sûrement !

M. Jean-Louis Idiart.

Vous l'aimiez tellement que vous la critiquiez !

M. Gilles Carrez.

Mais cela a été fait sans aucune contrepartie, ni en termes de qualité ni en obligation de service. Ce n'est pas cela réformer l'Etat.

Pour la première fois de notre histoire budgétaire, forts de ces 51 millliards de recettes supplémentaires, vous nous proposez un déficit budgétaire supérieur à celui constaté en 1999. J'appelle votre attention sur le fait que, comme Charles de Courson l'a montré tout à l'heure, les chiffres de référence pour procéder aux différentes comparaisons doivent être 215 et 180 milliards et non pas 215 et 206 milliards.

M. Jean-Jacques Jégou.

Eh oui ! Et c'est ça qui est gênant !

M. Gilles Carrez.

En effet, le compte de bilan de l'Etat que vous venez de publier fait apparaître pour 1999 un déficit, non pas de 206 millards, mais de 177 milliards.

La comptabilité n'étant pas en droits constatés, un certain nombre de recettes qui en fait était rattachées à l'exercice 1999, ont été reportées. Il est donc extrêmement grave, en milieu d'année et, avec 51 milliards de recettes supplémentaires de nous proposer un déficit de 35 milliards supérieurs au déficit réel de 1999 : 215 moins 180.

Dans ces conditions, la question que l'on peut se poser est simple. Et j'espère, madame la secrétaire d'Etat, que vous allez y répondre avec franchise. Avez-vous d'ores et déjà commencé à vous constituer une nouvelle cagnotte ? Cette hypothèse semble la bonne...

M. Marc Laffineur et M. Charles de Courson.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

... si l'on se fonde notamment sur les encaissements mensuels de recettes - TVA, impôt sur le revenu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Charles de Courson.

Et l'ISF !

M. Gilles Carrez.

Si tel est bien le cas, autant le dire tout de suite. Vous avez vécu assez péniblement, je crois, ce qui s'est passé au cours des premiers mois de cette année. Ne recommencez pas.

M. Michel Bouvard.

La cagnotte, acte II (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

Laurent Fabius a eu tort de dire hier que le déficit était de 200 milliards et de ne pas en tirer les conséquences dès aujourd'hui. J'espère d'ailleurs que vous allez vous raviser et qu'un amendement gouvernemental va ramener, pendant cette discussion, le déficit à 200 milliards.

Mais peut-être avez-vous prévu - et c'est ma seconde hypothèse - de procéder à des annulations de dépenses.

Encore qu'annuler des dépenses par dizaines de milliards ne soit pas très évident. En effet, en 1999 l'augmentation des dépenses était de 1 % en volume. En 2000, elle est de 0 %. Dans ces conditions, vous serez obligés de vous livrer aux mêmes artifices de présentation que ceux qui ont été dénoncés par la Cour des comptes en fin d'exercice 1999, ou d'annuler des dépenses. Mais annuler des dépenses, quand celles-ci n'évoluent qu'au rythme de l'inflation, est beaucoup plus difficile. Vous pourrez encore vous livrer à quelques « retraitements budgétaires ». Là aussi, toutefois, vous vous exposerez à un certain nombre de déboires.

Cela me conduit à évoquer la question de la transparence budgétaire, à laquelle nous sommes tous attachés.

La dissimulation de recettes pratiquée par le Gouvernement fin 1999 s'est retournée contre lui. Comme quoi vous auriez dû davantage écouter les parlementaires en octobre 1999, que ce soit Charles de Courson, Philippe Auberger, ou moi-même...

M. Jean-Pierre Brard.

La fine fleur !

M. Gilles Carrez.

Merci de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Brard.

Un peu fanée, toutefois... (Sourires.)

M. le président.

N'insistez pas, monsieur Brard ! Le début suffisait ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

M. Brard est jaloux parce qu'il ne fait pas partie de la fine fleur ! (Sourires.)

M. Christian Cuvilliez.

On parle de fine fleur à propos de la farine, non ?

M. Gilles Carrez.

Nous nous étions bornés à faire un calcul que les instituteurs enseignent dans les écoles primaires. Cela consistait à voir à quel rythme se produisaient les encaissements de recettes sur les cinq dernières années, à en déduire un taux moyen, puis à l'appliquer aux encaissements tels qu'ils étaient à la fin du mois de septembre pour en conclure qu'il y aurait 30 milliards de plus. La fourchette allait de 30 à 40 milliards.

M. Jean-Pierre Brard.

Erreur, ce n'est pas à l'école élémentaire que l'on apprend cela !

M. Gilles Carrez.

Non, monsieur Brard, ce n'est pas appartenir à la fine fleur que d'avoir fait ce calcul qui relève de l'arithmétique de cours moyen seconde année.

C'était si simple, d'ailleurs, que je ne doute pas un instant que le ministre ne l'ait fait de son côté à la même époque.

S'agissant de ce collectif 2000, il faut aussi noter - François d'Aubert l'a fait - la présence de recettes non fiscales, en dehors des 9 milliards de recettes fiscales qui ont été gelées sur des comptes d'attente pour être basculés sur l'exercice 2000, alors qu'ils relevaient de 1999. C'est ainsi que 15 milliards de plus-values sur les recettes fiscales apparaissent. L'essentiel d'entre elles - produits de p lacement des fonds d'épargne, versements de la COFACE ou de la CADES - sont d'ailleurs plutôt imputables à l'exercice 1999.

Alors que l'on a beaucoup parlé de recettes, l'accent n'a pas été mis suffisamment ces dernières semaines sur la question des dépenses. A cet égard, il est bon que la Cour des comptes se soit penchée sur ce point, comme, nous, nous l'avions fait à l'automne dernier après avoir constaté des dérapages en matière de dépenses. Voici ce qu'écrit la Cour des comptes dans son rapport préliminaire...

M. Charles de Courson.

Rapport cruel !

M. Jean-Jacques Jégou.

Sévère !

M. Gilles Carrez.

...

« Le caractère artificiel des changements de présentation permet de confirmer une prévisiono u un engagement antérieur, en recourant à des méthodes qui varient chaque année, selon les besoins de la démonstration. »

M. Charles de Courson.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Or, madame la secrétaire d'Etat, tout à l'heure vous avez répondu en substance à M. François d'Aubert qu'il n'y avait là rien d'illégal, que ce n'était pas interdit. Ainsi, ce qui n'est pas interdit est permis, selon vous. Mais ne croyez-vous pas qu'il faudrait, entre nous, dépasser ce type de considérations ? De telles méthodes ne sont pas bonnes. Vous ne pouvez pas continuer à vous livrer à des modifications incessantes de périmètres par basculement d'exercice, budgétisation, rebudgétisation, contraction des dépenses et des recettes.

A cet égard, je voudrais, insister sur deux points portant sur le budget 2000 et les lois de finances à venir. Le premier concerne l'articulation entre le budget de l'Etat et le budget de la sécurité sociale. En 2000, des transferts sans précédent ont été opérés, tant en dépenses qu'en recettes entre ces deux budgets. Madame le secrétaire d'Etat, nous vous demandons donc, dès à présent, de nous fournir, au fur et à mesure de l'exécution budgétaire, des tableaux de passage clairs et complets qui permettent de voir comment sont conduits les deux budgets.

En particulier, nous souhaitons que soit le plus vite possible résolue la question des sept milliards de francs manquant pour équilibrer le fonds de réforme des cotisations sociales patronales. M. Philippe Auberger a bien posé le problème la nuit dernière.

Ma seconde observation concerne les prélèvements sur recettes. M. François d'Aubert a eu raison d'insister longuement sur ce point. Mais votre réponse consistant à dire que les prélèvements sur recettes étaient bien considérés comme des dépenses ne m'a pas paru convenable, madame la secrétaire d'Etat. Je vais donc formuler la question plus précisément : les prélèvements sur recettes, dès lors qu'il s'agit d'évolution de la DGF ou de dotations en remplacement de la fiscalité locale - comme la part salaire de la taxe professionnelle ou, à partir de 2001, le remplacement de la taxe d'habitation, puisqu'en 2000, elle est traitée en dégrèvement - sont-ils, oui ou non intégrées dans la norme d'évolution de la dépense ? S'ils ne le sont pas, et je suis pratiquement certain que, contrairement à ce que vous avez répondu tout à l'heure, tel est bien le cas, il y a un vrai problème. En effet, où est la sincérité du budget si des dépenses importantes - il s'agit de dizaines de milliards - et récurrentes appa-


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raissent comme des prélèvements sur recettes, grâce à une technique budgétaire ? Pouvoir suivre correctement et ensemble - je pense notamment aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances - le déroulement du budget me paraît la moindre des exigences. Cette remarque concerne particulièrement notre rapporteur général, qui a été obligé, voilà deux mois environ, d'aller lui-même mener l'enquête à Bercy. Son expédition sur place, un jeudi matin, si je me souviens bien...

M. Alain Rodet.

Vous l'avez suivi ?

M. Gilles Carrez.

... lui a permis, au milieu de l'agitation médiatique, de débusquer vingt milliards. Mais il n'a pas vu les neuf milliards qui étaient sur les comptes d'attente.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il lui aurait fallu y retourner tous les jours !

M. Gilles Carrez.

Exactement ! Mais si notre rapporteur général passe son temps à enquêter à Bercy, nous n'aurons plus le plaisir de le voir, siéger, avec toute sa compétence, au sein de notre commission des finances. En tout cas, sa visite à Bercy a valu quelques émois à M. Migaud.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il vous arrive d'être meilleur, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez.

En fait, il faut mettre en place une comptabilité en droits constatés, comme nous la pratiquons dans les collectivités locales. Il faut prévoir une comptabilité patrimoniale qui mette notamment en évidence les engagements de l'Etat hors budget.

Madame la secrétaire d'Etat, l'enjeu est important.

Soyez assurés que l'opposition se montrera extrêmement vigilante dans l'exécution du budget 2000, qu'il s'agisse du budget de l'Etat ou de celui de la sécurité sociale.

Vous serez d'ailleurs bien inspirés d'écouter avec attention les suggestions, estimations et prévisions que nous avançons, car nous le faisons toujours avec le meilleur esprit, dans le souci de vous aider, et non pas de vous mettre en difficulté.

M. Jean-Paul Mariot.

Merci !

M. Gilles Carrez.

En conclusion, mes chers collègues, le vote de cette question préalable s'impose. Comment discuter, en effet, d'un collectif dans lequel 51 milliards de francs de recettes supplémentaires ne produisent, telle la montagne qui accouche d'une souris, qu'une réduction de 49 millions d'un déficit dont je rappelle qu'il s'établit à 215 milliards de francs,...

M. Charles de Courson.

Officiellement !

M. Gilles Carrez.

... contre 180 milliards l'année passé ? Comment accepter que membre de la zone euro, et alors que l'euro est affaibli, notre pays fasse cavalier seul dans le laxisme budgétaire ? Au nom du groupe RPR, je vous demande donc de voter cette question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'objet d'une question préalable est de montrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Or, tout le propos de notre collègue nous invite au contraire à débattre.

M. Alain Rodet.

C'est un détournement de procédure !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je souhaiterais donc que notre assemblée puisse commencer le plus rapidement possible la discussion générale et que cette motion soit rejetée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme la secrétaire d'Etat au budget. Je ne suis pas sûre, moi non plus, d'avoir véritablement compris l'objet de cette question préalable...

M. Charles de Courson. C'est subtil, en effet ! M. Jean-Jacques Jégou. Cela fait partie des subtilités parlementaires ! Mme la secrétaire d'Etat au budget. Mais je partage pleinement le point de vue du rapporteur. Si votre assemblée en est d'accord, je souhaite donc que nous engagions le débat au fond.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Nous partageons la passion de notre collègue Gilles Carrez. Pour répondre au rapporteur, je tiens d'ailleurs à souligner que nous voulons débattre sérieusement.

Ce qui me paraît d'emblée difficilement compréhensible, Mme la secrétaire d'Etat, c'est la réflexion stratégique qui a été à la base de vos choix.

Je ne reviendrai ni sur la forme ni sur la faible baisse du déficit qui ne semble guère « européenne » au regard de l'action menée en la matière par nos partenaires européens. Je me contenterai d'aborder deux questions sur lesquelles vos positions me paraissent très surprenantes.

D'abord, vous avez fait, comme beaucoup, une longue digression sur le secteur public. Nous en avions déjà entendu une hier.

A cet égard, est-il inconvenant de poser en France le problème de la gestion de l'Etat et de son efficacité qui, dans tous les autres pays, est examinée sérieusement ? Est-il inconvenant de vous demander s'il est vrai, comme le démontrent les statistiques, que l'augmentation des salaires et des prélèvements, a été de 5,1 % au cours des trois premiers mois de cette année ? Est-il inconvenant de poser la question des suites données au rapport de la commission chargée d'analyser la dépense publique sur lequel nous avons travaillé ? Est-il inconvenant de souligner que, dans certains secteurs, la durée du travail est inférieure à trente heures ? Est-il vrai que le coût des billets fabriqués par la Banque de France est deux à trois fois supérieur à celui constaté dans les autres pays européens ? M. Bernard Outin. Ce sont de vrais billets ! (Sourires.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela n'a aucun rapport avec la question préalable !

M. Pierre Méhaignerie.

Si nous avions, dans ce pays, la même efficacité pour gérer la dépense publique et l'Etat que celle du secteur privé concurrentiel, plusieurs dizaines de milliards de francs pourraient être affectés à l'augmentation des petits salaires du secteur privé qui sont, en moyenne, inférieurs à ceux des autres pays européens, a lors que la charge salariale globale assumée par l'employeur est supérieure. Or qui paye en France les taxes et cotisations supplémentaires dues à une mauvaise gestion de la dépense publique, sinon les salariés du sec-


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teur concurrentiel ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A l'occasion des dernières élections en Italie, qui ont provoqué la démission de M. d'Alema, la plupart des commentateurs ont conclu que c'était l'Italie concurentielle et productive qui avait sanctionné la mauvaise gestion de l'Etat.

M. Michel Bouvard. Tout à fait ! M. Louis Mexandeau. Qu'en pense M. Fini ? M. Pierre Méhaignerie. Personnellement, je militerai, Mme la secrétaire d'Etat, pour que la France productive composée de ceux qui gagnent entre 5 500 F et 7 000 F par mois ne vote pas pour ce que vous représentez, parce que vous n'avez pas géré l'Etat, parce que vous n'engagez pas les réformes de structures que s'imposent tous les autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Jean-Louis Idiart. Il va falloir mettre de l'ordre dans le conseil général d'Ille-et-Vilaine !

M. Pierre Méhaignerie.

Je baisse les impôts et vous pouvez venir vérifier. Ils sont nettement inférieurs à ceux de la plupart des départements dirigés par vos amis.

M. Jean-Louis Idiart.

Nous viendrons voir et nous trouverons certainement des choses intéressantes !

M. Pierre Méhaignerie.

Hier M. le ministre de l'économie a déclaré que nous avions porté un jugement objectif sur le rapport du Gouvernement en soulignant que s'il est excellent, il est en totale contradiction avec le collectif proposé.

M. Augustin Bonrepaux.

Mais non ! Pas du tout !

M. Pierre Méhaignerie.

Je donne une explication, cher monsieur Bonrepaux.

Les trappes à pauvreté sont-elles combattues ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La réponse est non.

M. Augustin Bonrepaux.

Si !

M. Pierre Méhaignerie.

L'attente des salariés qui ont peur de l'application des 35 heures quant à l'évolution de leur pouvoir d'achat est-elle abordée ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La réponse est non.

La convergence des politiques européennes pour nous rapprocher des salaires de nos voisins européens est-elle abordée ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La réponse est non !

M. Alain Rodet.

Ce n'est plus une explication de vote, mais une troisième motion de procédure !

M. Pierre Méhaignerie.

Il est évidemment facile à M. Hue de demander une augmentation de 6 % du SMIC. Cela ne lui coûte pas cher. Il s'agit d'une traditionnelle démarche démagogique.

Sachez pourtant, mes chers collègues, que le salaire global payé par l'employeur en France est plutôt supérieur à ce qu'il est en moyenne dans les autres pays européens.

En revanche, le salaire net reçu par le salarié est nettement inférieur à la moyenne européenne parce que les taxes et les cotisations multiples s'additionnent d'année en année.

C'est la raison pour laquelle nous estimons que les questions posées par Gilles Carrez, sont fondées. En fait, madame la secrétaire d'Etat c'est davantage une considération électorale qui a présidé à votre choix de baisser les impôts, qu'une véritable réflexion sur l'avenir de notre pays dans le contexte mondial d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Idiart.

En fait, vous estimez qu'il faut débattre, mais vous demandez que l'on ne débatte pas ! Quelle logique !

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

L'insincérité des comptes qui ont servi de base à l'élaboration de ce collectif pourrait à elle seule justifier l'adoption de la question préalable. Je tiens cependant à évoquer quelques autres raisons.

Ainsi que cela a été souvent rappelé, la loi de finances prévoit 11 milliards de dépenses supplémentaires non compensées par la diminution d'autres dépenses, et une atténuation de la hausse des impôts de 40 milliards. J'insiste sur cet aspect d'atténuation parce que ces 40 milliards, ajoutés aux 40 milliards de la loi de finances init iale, doivent être rapprochés des 113 milliards d'augmentation des recettes fiscales perçues par l'Etat en 1999 et de la somme équivalente qui nous attend en 2000.

Cela me fait penser à ce supplicié du Moyen Age remerciant son seigneur qui l'avait condamné à avoir les deux mains tranchées, de ne lui en avoir fait couper qu'une. Merci donc de ne nous ponctionner que de 70 milliards supplémentaires en 2000 au lieu de 110 ! Cette atténuation n'empêche pas l'envolée de la fiscalité d'Etat, en particulier de celle qui pèse sur les ménages.

M. Alain Rodet.

N'ont-ils pas profité de la baisse de la TVA ?

M. Yves Deniaud.

Les contributeurs supplémentaires à l'impôt sur le revenu de l'automne dernier 1,3 million - devraient certainement avoir beaucoup de reconnaissance à votre égard. Toutefois, contrairement à ce qui a été prétendu, leur nombre ne diminuera pas, même si, grâce à cette loi de finances rectificative, ils paieront un petit peu moins. Il faudra au contraire ajouter à ces nouveaux assujettis, ceux qui le deviendront à la prochaine rentrée.

M. Daniel Feurtet.

Réjouissez-vous qu'il y ait moins de chômeurs !

M. Yves Deniaud.

Enfin, cette loi de finances rectificative ne participe aucunement à la maîtrise des dépenses publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Louis Mexandeau.

Vous avez augmenté la TVA de plus de 2 % !

M. le président.

Laissez M. Deniaud s'exprimer, chers collègues.

M. Yves Deniaud.

Nous sommes et nous resterons un

Etat lourdement débiteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MAI 2000

Vous vous êtes réjouis que la dette n'augmente pas en pourcentage du PIB. Pourtant nous sommes pratiquement le seul pays d'Europe dans lequel le stock de la dette et l'annuité d'emprunt ne baisseront pas en valeur absolue.

Cela aussi suffirait à nous faire voter la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2335 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2387).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT