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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Patrimoine des artisans. - Coopération professionnelle entre époux. - Discussion de deux propositions de loi (p. 4697).

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois pour la proposition sur le patrimoine des artisans.

Mme Nicole Catala, rapporteuse de la commission des lois pour la proposition sur la coopération professionnelle entre époux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (p. 4704)

MM. Bernard Accoyer, Alain Vidalies, Nicolas Forissier, Georges Sarre, Yves Bur, Daniel Paul, Philippe Martin, Mme Hélène Mignon,

M.

Germain Gengenwin, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Jean-Claude Daniel.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; M. Bernard Roman, président de la commission des lois ; Mme la rapporteuse, M. le rapporteur.

Clôture de la discussion générale commune.

Patrimoine des artisans

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION DES ARTICLES (p. 4724)

MM. Bernard Accoyer, Alain Vidalies.

M. Jean-Marc Ayrault.

Suspension et reprise de la séance (p. 4727)

Rappel au règlement (p. 4727)

M. Patrick Ollier, Mme la présidente.

L'Assemblée décide, par scrutin, de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.

Coopération professionnelle entre époux

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION DE L'ARTICLE UNIQUE (p. 4727)

L'Assemblée décide, par scrutin, de ne pas passer à la discussion de l'article unique ; la proposition de loi n'est pas adoptée.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 4728).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4728).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 PATRIMOINE DES ARTISANS

COOPÉRATION PROFESSIONNELLE

ENTRE ÉPOUX Discusssion de deux propositions de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion : de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer et plusieurs de ses collègues tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants (nos 1988, 2411), et de la proposition de Mme Nicole Catala et plusieurs de ses collègues portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux (nos 2284, 2412).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la proposition de M. Bernard Accoyer tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la proposition de loi tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les commerçants, artisans et personnes exerçant une profession libérale constituent, peut-être plus que d'autres, les forces vives de notre pays. Par le risque qu'ils prennent pour mener à bien leur activité, par l'engagement total qu'implique l'entreprise individuelle, ils jouent un rôle moteur dans notre économie.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Le retour de la croissance, l'amélioration de la conjoncture économique, sont pour une bonne part le fruit du travail de ces entrepreneurs.

Ces derniers, loin de ne consacrer que trente-cinq heures par semaine à leur activité, créent des emplois, inventent de nouveaux métiers, de nouveaux services, bref, ils contribuent de manière forte et indispensable à la bonne marche de notre société.

Même si l'on considère que le risque est consubstantiel à l'entreprise individuelle, il faut reconnaître que se lancer dans cette aventure revient à s'exposer au risque de tout perdre en cas de difficultés professionnelles.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Il n'est pas acceptable que, à la moindre défaillance de l'entrepreneur individuel, l'ensemble, je dis bien l'ensemble, de ses revenus et de son patrimoine, y compris la part qui n'est pas affectée à son activité professionnelle, devienne saisissable. Bien que ce point de vue soit largement partagé, aucune modification législative n'est intervenue à ce jour pour protéger le patrimoine des artisans et des commerçants.

Depuis plusieurs années, et notamment depuis le rapport rédigé en 1993 par Jacques Barthélémy au nom du Conseil économique et social, une réflexion a vu le jour sur la responsabilité financière des entrepreneurs individuels.

Ces derniers, s'ils acceptent les risques de l'aventure que constitue l'entreprise individuelle, se trouvent, en cas de difficulté, responsables sur leurs biens propres et sur ceux de leur conjoint, souvent caution solidaire dans de pareilles situations.

C'est ainsi que certains commerçants et artisans peuvent voir leurs biens personnels saisis, leur maison vendue, pour combler des dettes liées à l'exercice de leur profession. Cet état de fait est déplorable et, chacun en conviendra, doit être corrigé.

C'est l'objet de la proposition de loi déposée par nos excellents collègues Bernard Accoyer et Philippe Martin...

M. Christian Jacob.

Très bien ! M. Thierry Mariani, rapporteur.

... et par l'ensemble des m embres du groupe du Rassemblement pour la République, qui a ardemment souhaité son inscription dans le cadre de l'ordre du jour qui lui est réservé, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.

Permettez-moi de souligner l'opportunité d'une telle démarche, qui répond de manière fort pertinente tant à l'esprit qu'à la lettre de la modification de notre règlement ouvrant l'ordre du jour de notre assemblée à l'initiative parlementaire.

La proposition de loi qui vous est présentée est concise ; elle répond à un besoin urgent que nous ressentons tous dans nos circonscriptions quand nous rencontrons des artisans ou des commerçants. Bref, contrairement à la pratique des groupes de la majorité, qui nous proposent lors de leur niche des textes idéologiques, le groupe RPR vous soumet aujourd'hui un texte pragmatique, circonscrit, répondant à une réelle demande et directement applicable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Jacob.

Un texte frappé au coin du bon sens !

M. Alain Vidalies.

Ça commence bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Merci, monsieur Vidalies, d'approuver notre démarche ! La proposition de nos collègues Bernard Accoyer et Philippe Martin a donc un double objectif. En premier lieu, elle vise à appliquer aux revenus de l'entrepreneur i ndividuel les dispositions des articles L.

145-1 à


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L. 145-13 du code du travail sur la saisie des rémunérations. En second lieu, elle porte de 50 000 francs à 800 000 francs la somme du capital pouvant constituer un bien de famille insaisissable.

A la suite des auditions que j'ai pu conduire, je tiens à m'étonner du peu d'intérêt manifesté par le ministère de la justice, tant pour le maintien d'un minimum vital au bénéfice de l'entrepreneur individuel que pour la préservation de son patrimoine privé en cas de difficultés de l'exploitation.

Aux deux dispositions contenues dans cette proposition de loi, les représentants de la chancellerie se sont content és d'opposer des considérations théoriques, qui conduisent le droit à l'immobilisme. Ils n'ont proposé aucune amélioration technique du dispositif et ont même indiqué que le ministère n'avait, par ailleurs, pas forcément engagé de réflexion sur ce sujet.

En revanche, l'Union professionnelle artisanale, la Fédération nationale des syndicats de commerçants non sédentaires, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et une chambre des métiers consultée, en l'occurrence celle du Vaucluse, ont approuvé dans son principe cette initiative tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants, en particulier lorsqu'est concerné un entrepreneur individuel qui s'engage intégralement, tant dans sa personne que dans ses biens.

Pourtant, permettre à l'entrepreneur individuel qui connaît des difficultés de bénéficier des dispositions protectrices applicables à la saisie des rémunérations des salariés relève, mes chers collègues, de la pure équité. En effet, garantir un minimum vital, condition du respect de la dignité, est une exigence qui s'impose aussi bien pour un chef d'entreprise que pour un salarié. C'est le souci qui a motivé le groupe RPR pour le dépôt de cette proposition de loi.

Cette modification des règles applicables aux saisies de rémunération a d'ailleurs été appelée de ses voeux par notre collègue Mme Raymonde Le Texier lors de l'audition, le 2 mai dernier, de la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

L'article 1er de la proposition de loi applique donc aux revenus de l'entrepreneur individuel les dispositions du code du travail relatives à la saisie et à la cession des rémunérations dues par un employeur. Aux termes des articles L.

145-1 à L.

145-13 de ce code, l'intégralité de ces rémunérations ne peut, en effet, être saisie : la fraction saisissable dépend du montant de la rémunération, de ses accessoires, ainsi que, le cas échéant, de la valeur des avantages en nature, après déduction des cotisations obligatoires.

En outre, est fixée une fraction insaisissable égale au montant du revenu minimum d'insertion. Ne peuvent, par ailleurs, être saisies les indemnités insaisissables, les sommes allouées à titre de remboursement de frais exposés par le salarié et les allocations ou indemnités pour charge de famille.

La question de la préservation du patrimoine privé du chef d'entreprise en cas de difficultés de l'exploitation n'est pas traitée de manière pleinement satisfaisante par notre législation. La volonté de protection de l'entrepreneur individuel s'est notamment traduite par le vote de la loi du 11 juillet 1985 sur l'EURL, forme juridique qui en pratique n'a pas rencontré un très grand succès, et par la loi du 11 février 1994, dite loi Madelin, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

Lors de son audition par la Délégation aux droits des femmes, le 2 mai dernier, la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation a exprimé à plusieurs reprises son souhait d'assurer la protection de la résidence familiale en cas d'échec de l'entreprise individuelle.

L'article 2 de la proposition de loi de nos collègues Bernard Accoyer et Philippe Martin va dans ce sens, puisqu'il accroît la valeur du bien de famille, dont le principal avantage est d'être insaisissable, en la portant de 50 000 francs à 800 000 francs.

Le bien de famille est un immeuble que son propriétaire soumet à un régime d'insaisissabilité destiné à en assurer la conservation dans l'intérêt de la famille.

Chaque famille ne peut avoir qu'un seul bien de famille.

La constitution peut être faite par le mari, la femme, le conjoint survivant, un aïeul. Plus généralement, toute personne capable de disposer peut constituer un bien de famille au profit d'une autre personne.

Le bien considéré peut être un immeuble par nature ou par destination : une maison, une maison avec des terres attenantes ou voisines, une maison avec boutique ou atelier et le matériel ou outillage le garnissant. Il doit être occupé et exploité par la famille, ce qui exclut l'habitation secondaire. La constitution ne peut concerner ni un bien indivis, ni un bien grevé de privilèges ou d'hypothèques conventionnelle ou judiciaire.

La valeur du bien constitué est au maximum, lors de sa constitution, de 50 000 francs. Ce faible montant explique que l'institution ait peu de succès, ne puisse concerner que des constitutions anciennes et soit en pratique remplacée par un jeu de donations successives avec clause d'inaliénabilité et réserve d'usufruit en faveur du constituant.

Le principal intérêt du bien de famille est donc d'être insaisissable, tant pour les fruits que pour le fonds luimême. Toutefois, les fruits peuvent être saisis pour des dettes alimentaires, le paiement d'impôts ou de condamnations pénales.

Afin de revivifier cette institution, l'article 2 de la proposition de loi porte de 50 000 francs à 800 000 francs la valeur du bien de famille insaisissable, ce qui permet effectivement de mettre le logement familial à l'abri des vicissitudes que peut connaître l'entrepreneur individuel dans l'exploitation de son entreprise.

Cependant, après avoir auditionné les représentants de l'Union professionnelle artisanale, de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et de la Chambre des métiers du Vaucluse, nous nous sommes posé deux séries de questions, qui trouvent une réponse dans le texte que j'ai présenté en commission des lois.

Sur le premier point, je l'ai dit, la proposition de loi a pour légitime objet de vouloir appliquer aux revenus de l'entrepreneur individuel les dispositions du code du travail relatives à la saisie de la rémunération.

En effet, à la différence des salariés, les entrepreneurs individuels risquent de voir leurs revenus saisis en totalité.

Cette situation est d'autant plus inéquitable que l'entrepreneur peut se faire saisir des sommes disponibles sur son compte qui sont destinées au paiement de ses charges sociales ou des factures de ses fournisseurs.

La saisie totale du solde créditeur d'un commerçant, d'un artisan, ou d'une personne exerçant une profession libérale le place donc l'impossibilité d'assumer le paiement de ses fournisseurs et de ses charges sociales, ce qui risque de l'enfermer dans une spirale infernale.


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Conscients qu'il est difficile en pratique de transposer au bénéfice des entrepreneurs individuels le régime applicable aux salariés, puisqu'on passe d'une relation à trois - salarié, créancier et employeur - et avec revenus fixes à une relation à deux sans revenus fixes, les auteurs du texte vous proposent une solution alternative directement applicable. Elle consiste en la création d'un pourcentage insaisissable - fixé à 35 % - du solde créditeur du compte de l'entrepreneur individuel, ne pouvant être inférieur au RMI. Cette somme lui permettra de lui assurer un revenu décent et, plus important encore, de faire face aux échéances fiscales, sociales et professionnelles, ce qui lui laissera la possibilité de poursuivre son activité et donc de ne pas sombrer définitivement.

Enfin, sur l'article 2, la difficulté est double.

Premièrement, le dispositif remet en vigueur une loi de 1909, très peu appliquée il est vrai. C'est ainsi qu'un véritable toilettage des dispositions contenues dans cette loi mériterait d'être effectué.

Le cadre de la niche parlementaire ne nous permet pas réellement de mener à bien ce travail. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité présenter un amendement après l'article 2 qui pourrait, s'il était adopté, comme il vient d'ailleurs de l'être à l'unanimité par notre commission,...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

... répondre à la question qui nous est posée sans pour autant toucher la loi de 1909.

La seconde question qui nous a été posée concerne l'offre de crédit : la constitution d'un bien non saisissable de 800 000 francs ne risque-t-elle pas d'étancher cette offre ? Bien entendu, la constitution d'un bien de famille n'est, dans notre esprit, qu'une faculté ouverte aux intéressés. Ils peuvent y renoncer et donc gager les éventuels crédits qu'ils pourraient être amenés à contracter. Cependant, le risque existait bien, compte tenu de l'attitude souvent frileuse des organismes de crédit, de pénaliser les bénéficiaires du dispositif proposé.

Il vous sera donc proposé d'isoler le patrimoine consacré à l'entreprise et de distinguer ainsi l'entreprise de celui qui la gère. En clair, lors de l'enregistrement au registre du commerce et des sociétés ou au registre de l'agriculture ou lors de l'immatriculation au registre de la chambre des métiers, l'entrepreneur pourra constituer un capital affecté à l'exploitation de son entreprise. Ce patrimoine, qui devra atteindre 50 000 francs, limitera ainsi sa responsabilité en cas de défaillance.

Malheureusement, l'attitude des groupes de la majorité en commission n'a pas permis, je le regrette, de discuter de ces amendements, si ce n'est ce matin devant un public plutôt restreint. Ils répondaient pourtant, de manière simple et efficace, à une réelle et légitime revendication des commerçants et artisans.

J'espère que la discussion de ce texte pourra aller jusqu'à son terme devant notre Assemblée. Une attitude d'obstruction contre l'initiative parlementaire de l'opposition serait, à mon avis, particulièrement inopportune...

M. Bernard Accoyer.

Et choquante !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

... s'agissant d'un sujet aussi important que celui dont nous débattons ce matin .

Bien que la majorité de la commission des lois n'ait pas jugé utile de rendre de conclusions sur cette proposition de loi, je vous demande, à titre personnel, de bien vouloir poursuivre la discussion de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Catala, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la proposition de loi portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux.

Mme Nicole Catala, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la proposition de loi portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux.

Madame le ministre, mes chers collègues, le code civil organise les relations patrimoniales entre époux sur deux plans. D'une part, avec le régime primaire, il fixe des règles impératives concernant les charges du mariage et la protection du logement familial. D'autre part, il comporte des dispositions, plus nombreuses et plus techniques, relatives aux régimes matrimoniaux, offrant le choix aux époux entre un régime légal et plusieurs régimes conventionnels.

Mais le code n'envisage aucunement l'exercice en commun par les époux d'une même activité professionnelle. Il est vrai qu'en 1804, le principe était celui de l'incapacité juridique de la femme mariée, qu'il a fallu attendre 1938 pour que disparaisse la puissance maritale, et 1965 pour que la femme puisse exercer librement la profession de son choix et disposer des fruits de son travail.

La marche vers l'égalité a été, pour les femmes, une longue marche, mais celle-ci a laissé de côté jusqu'à présent la situation des conjoints qui participent à une même activité professionnelle, que cette activité soit commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Cette coopération professionnelle n'est saisie par le droit des régimes matrimoniaux que du point de vue des produits qu'elle engendre. Elle n'est pas appréhendée par le code pour ce qui est de la vie courante des époux. Le conjoint coopérant est ignoré par le droit civil. Son statut n'est défini que si les époux ont conclu un contrat de travail, un contrat de société ou un contrat de mandat.

Ces trois hypothèses demeurant l'exception, il est fréquent qu'après de longues années de travail, le conjoint coopérant qui n'a été ni salarié, ni associé, le plus souven t la femme, n'ait tiré aucun parti de l'activité commune.

En cas de dissolution de l'union, par un décès ou un divorce, ce conjoint se trouve complètement démuni.

L'espoir d'un partage de communauté se révèle en effet souvent fallacieux, notamment lorsque le mari a fait de mauvaises affaires, voire a organisé, cela arrive, son insolvabilité. Et si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, l'épouse délaissée ne dispose que d'une hypothétique action en enrichissement sans cause.

Certes, des textes particuliers, extérieurs au code civil, ont amélioré la situation des conjoints de commerçants, ou d'artisans, notamment la loi de 1982, ou d'exploitants agricoles, avec la loi de 1980, complétée par la loi de 1999.

Mais ces textes particuliers, qui impliquent un choix, u ne démarche volontaire du conjoint coopérant, demeurent très largement inappliqués. Mme Lebranchu indiquait elle-même devant la Délégation aux droits des femmes que moins de 10 % des épouses concernées par la loi de 1982 choisissaient effectivement un statut, de sorte que 90 % de ces femmes, près de 250 000 per-


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sonnes, semble-t-il, se trouvaient en réalité dépourvues de tout statut juridique pour l'exercice de cette coopération professionnelle.

A ujourd'hui, je le répète, aucune disposition d'ensemble ne gouverne la coopération professionnelle entre époux et c'est cette lacune de notre législation civile que je vous propose de combler.

Il convient d'autant plus de légiférer en la matière que le droit européen, avec la directive no 86-613 du 11 décembre 1986, nous invite à aller dans ce sens. Cette directive, qui concerne l'égalité de traitement entre travailleurs indépendants masculins et féminins, vise explicitement « les conjoints non salariés ni associés qui participent, de manière habituelle et dans les conditions prévues par le droit national à l'activité du travailleur indépendant en accomplissant, soit les mêmes tâches, soit des tâches complémentaires ». L'article 7 de cette directive impose aux Etats membres de s'engager « à examiner dans quelles conditions la reconnaissance du travail fourni par les conjoints qu'elle vise peut être favorisée et, à la lumière de cet examen, à examiner toutes initiatives appropriées en vue de favoriser cette reconnaissance ».

C'est une initiative de cette nature que mon groupe et moi-même prenons aujourd'hui, madame le ministre, en v ous proposant une reconnaissance de l'activité du conjoint coopérant.

Le texte qui vous est soumis s'inscrit au demeurant dans la ligne d'une proposition de loi relative au statut civil des co-exploitants agricoles qui avait été déposée en 1978 par M. Foyer.

M. Foyer souhaitait déjà introduire dans le code civil, dans le titre consacré au mariage, des règles complétant le régime matrimonial primaire pour les époux co-exploitants agricoles. Ces règles devaient, quel que soit le régime matrimonial, s'appliquer de plein droit, sauf manifestation de volonté contraire. Elles prévoyaient un régime d'engagement solidaire pour les dettes contractées par l'un ou l'autre époux pour les besoins de l'exploitation - nous retrouvons cette solution dans ma proposition de loi. Elles posaient en principe la représentation mutuelle d'un époux par l'autre pour les besoins de l'exploitation, et ceci quel que soit le régime matrimonial nous faisons la même proposition. Enfin, elles transposaient aux biens immeubles sur lesquels s'exerce une activité agricole les règles applicables au logement familial.

Reconnaissons, avec modestie, que nous n'avons rien inventé.

La proposition de loi débattue aujourd'hui procède en effet de la même inspiration égalitaire, je le répète : c'est un progrès pour les femmes que nous proposons ce matin.

Cette proposition de loi comporte des solutions techniques similaires, mais cette fois au profit de tous les conjoints coopérant professionnellement et pas seulement au profit des exploitants agricoles.

Elle tend en effet à prolonger le régime primaire, en inscrivant, à la suite de l'article 225 du code civil, cinq dispositions qui sont d'application générale mais supplétives - je le souligne car cela semblait n'avoir pas été bien compris en commission des lois. Ces dispositions s'appliqueront à tous les conjoints, mais seulement s'ils n'ont pas choisi d'organiser autrement leur coopération professionnelle.

La première de ces dispositions, qui formerait un article 225-1, introduit, dans les rapports professionnels entre époux, la présomption de mandat réciproque posé par le code civil pour les dettes du ménage. Cette présomption, qui, il faut le souligner, apportera plus de sécurité aux tiers, couvre les actes d'exploitation normale des biens, en fonction de la destination de ces biens, c'est-à-dire tous ceux qui sont affectés à l'exploitation ou à l'activité professionnelle commune. Cette présomption prendra fin dans les conditions énoncées à l'article 225-2.

A cette représentation réciproque des époux s'ajouterait, à l'article 225-3, une autre règle, évoquant, elle aussi, le régime primaire, dans la mesure où ce dernier protège le logement familial. Cet article 225-3 tendrait en effet à garantir la stabilité de l'entreprise conjugale, en posant le principe qu'un époux ne peut disposer sans l'autre des droits par lesquels est assurée la jouissance des immeubles exploités ensemble ou des autres biens nécessaires à l'activité commune.

Présomption de mandat réciproque, interdiction pour un conjoint d'aliéner sans l'autre les biens affectés à l'activité professionnelle commune, sont le reflet des dispositions du régime primaire pour la vie quotidienne du ménage.

Toujours dans le souci de placer les conjoints sur un pied d'égalité, l'article 225-4 que nous proposons conférerait une vocation égale aux bénéfices. En contrepartie, il les tiendrait solidairement pour responsables, à l'égard des tiers, des obligations nées des actes accomplis par l'un ou par l'autre, en qualité de co-exploitant ou de coopérant dans la même activité professionnelle.

A ceux qui considèrent qu'une telle disposition serait dangereuse pour les femmes, je répondrai qu'il n'y a pas d'égalité sans responsabilité, mais surtout que, bien souvent aujourd'hui, la femme se trouve de toute façon engagée en raison de l'activité professionnelle de son mari soit parce que la banque aura demandé sa signature pour consentir un emprunt, soit parce qu'elle sera apparue à l'égard des tiers, dans l'exercice de l'activité commune, comme accomplissant elle-même des actes de commerce et sera qualifiée de commerçante, soit parce qu'elle verra, en cas de mauvaises affaires, la liquidation des biens étendue à son propre patrimoine. Dans ce cas de figure, elle ne tire, à l'heure actuelle, aucun parti de l'activité commune. Avec la solution que nous proposons, elle sera associée aux bénéfices, non seulement à la fin de chaque exercice, mais aussi en cours d'année puisque le texte prévoit qu'elle pourra alors prélever une part de ces bénéfices, à hauteur de ce que sera sa part à la clôture de l'exercice annuel.

Enfin, l'article 225-5 propose des dispositions particulières concernant principalement les professions libérales, mais aussi certaines professions artisanales dont l'exercice est subordonné à un titre, un diplôme ou une qualification particulière. Dans cette hypothèse, on ne peut considérer en effet que l'époux ou l'épouse qui n'est pas lui-même habilité à exercer la profession est mis sur un pied d'égalité et on ne peut pas traiter les époux de la même façon. Il convient néanmoins de reconnaître un droit à rémunération à l'époux ou à l'épouse qui aura apporté sa coopération à son conjoint au-delà de ce que représente le devoir d'assistance inscrit dans le code civil.

Tel est l'essentiel des dispositions que nous soumettons à votre vote. Je souhaiterais vivement qu'elles soient adoptées, non par amour-propre d'auteur, mais parce qu'il y va réellement, je crois, de l'intérêt de centaines de milliers de femmes, puisque ce sont elles qui sont le plus souvent mises en cause à la suite des mauvaises affaires ou des difficultés que rencontre leur époux dans son activité professionnelle.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !


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Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Il s'agit d'une question de justice. On ne peut pas admettre, aujourd'hui, que le devoir d'assistance englobe une activité professionnelle régulière, habituelle, qui absorbe une grande partie du temps de la femme, sans que celle-ci soit rémunérée.

Bien sûr, les textes particuliers que j'ai évoqués ont institué le droit de percevoir une somme au décès de l'époux qui exerçait la profession en coopération, dont le montant est de trois fois le SMIC annuel. C'est un geste mais qui ne correspond aucunement à l'activité qu'elles ont souvent accomplie durant plusieurs décennies.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

En outre, il n'intervient qu'au décès du mari. Cette solution n'est pas satisfaisante. La plupart de ces femmes n'ayant aucun statut durant leur vie conjugale, elles sont souvent totalement démunies.

Je fais appel à l'esprit de justice qui doit régner dans cette assemblée pour que cette proposition de loi soit adoptée ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mesdames et messieurs les députés, vous êtes aujourd'hui saisis de deux propositions de loi du groupe RPR soumises à une discussion générale commune, l'une et l'autre concernant les droits de ceux qui exploitent une entreprise individuelle.

Le premier de ces textes est présenté par M. Bernard Accoyer et M. Thierry Mariani.

M. Christian Jacob.

Non, M. Bernard Accoyer et M. Philippe Martin !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

En effet, je ne suis que le rapporteur !

Mme la garde des sceaux.

Il se fixe pour objectif de mieux protéger le patrimoine des artisans et des commerçants et, par voie de conséquence, de leur famille, souvent appelée à se porter caution.

Pour y parvenir, il propose de rendre partiellement insaisissables les revenus de leur activité et de revaloriser le montant de leurs biens immobiliers susceptibles d'être constitués en « biens de famille », par nature également insaisissables.

La seconde proposition, présentée par Mme Catala, vise plus spécialement la situation des conjoints qui exercent, en commun et pour leur compte, une activité professionnelle, soit sur un pied d'égalité en qualité de co-exploitants, soit dans le cadre d'une collaboration apportée par l'un à l'autre.

Les auteurs de cette dernière proposition estiment que le droit positif ne confère pas de statut protecteur global au conjoint qui apporte à l'entreprise commune son concours professionnel.

Ils proposent en conséquence d'instaurer plusieurs mesures qu'ils jugent propres à répondre à ce besoin, et qui auraient vocation à s'appliquer à défaut de convention contraire.

A ce titre, ils instituent une présomption de mandat réciproque entre les époux pour les besoins des actes d'exploitation normale de l'entreprise.

Ils subordonnent les actes les plus graves relatifs à celle-ci au double consentement des époux et prévoient une vocation égalitaire aux bénéfices d'exploitation en même temps qu'une solidarité des dettes professionnelles.

J'observe que l'idée n'est pas nouvelle puisqu'une partie de ces dispositions figurent déjà dans notre droit positif.

C'est ainsi que la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980 a, pour la première fois, jeté les bases d'un statut du conjoint collaborateur d'une exploitation agricole, depuis lors inséré dans le code rural.

M. Germain Gengenwin.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

J'observe aussi que la loi du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d'artisans et de commerçants est dans le même esprit.

En inscrivant les nouvelles règles proposées dans le code civil au sein du régime de base prévu pour l'ensemble des couples, les auteurs du texte entendent leur conférer une portée générale.

Voilà, brièvement résumés, les objectifs et les principales dispositions de ces deux propositions de loi.

Le Gouvernement est évidemment très sensible aux problèmes auxquels ces propositions souhaitent porter remède.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Et vous n'ignorez pas l'importance qu'il attache à la création et au développement des petites et moyennes entreprises, qui constituent des structures vivantes du tissu social et économique français.

M. Germain Gengenwin.

Vous l'avez déjà dit en 1998.

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est extrêmement attaché, en particulier, au bon fonctionnement des entreprises artisanales.

M. Yves Bur.

Nous nous en réjouissons.

Mme la garde des sceaux.

L'organisation des états généraux de la création d'entreprise, en avril dernier, a été l'occasion pour le Premier ministre de le rappeler. Tous ceux qui s'engagent dans ce processus de création doivent pouvoir le faire en toute sécurité juridique, dans un cadre bien défini où chacun doit trouver sa place : exploitant, collaborateur, prêteur, caution.

Il est vrai que le conjoint qui prête son concours quotidien à la réussite professionnelle de l'autre a droit à une reconnaissance...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

... et il est exact que la défaillance de l'entreprise pèse lourdement sur la famille, dont les conditions d'existence peuvent être mises en péril, ainsi que Mme Catala l'a rappelé tout à l'heure.

Il est donc légitime que le Parlement se saisisse de la question. Encore faut-il apporter à ces problèmes, qui sont réels et auxquels le Gouvernement attache la plus grande importance, des réponses qui soient adéquates et qui n'aggravent pas les situations que l'on est censé améliorer.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

C'est ce qui est fait !

Mme la garde des sceaux.

Je vais vous démontrer le contraire.

Trouver des solutions adaptées n'est pas facile car il convient de concilier la protection du conjoint qui a contribué par son travail à la valeur du fonds, le maintien de conditions d'existence décentes pour la cellule familiale en cas de difficultés professionnelles, la nécessité du


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financement des petites entreprises, notamment des toutes petites entreprises, et les conditions pratiques de l'exercice du commerce et de l'artisanat.

Il faut que le droit de l'entreprise intègre mieux la dimension familiale de certaines exploitations. Mais cette évolution ne peut s'accomplir qu'au terme d'un travail approfondi qui recherche un équilibre satisfaisant entre tous les éléments que je viens d'énoncer et qui évite de créer d'autres problèmes qui aggraveraient encore les situations que l'on veut améliorer.

Je comprends donc que votre commission n'ait pas présenté de conclusions sur les deux propositions de loi qui lui ont été soumises et je crois qu'il n'est pas possible aujourd'hui, pour les raisons que je vais énumérer, de passer à la discussion des articles,...

M. Bernard Accoyer.

Quel dommage !

Mme la garde des sceaux.

... lesquels appellent de sérieuses réserves que je vais maintenant évoquer.

La proposition de loi tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants prévoit deux types de mesure.

D'abord, elle modifie la loi du 12 juillet 1909 sur les biens de famille, qui est un texte ancien et dont les applications concrètes ont été, dès l'origine, peu nombreuses.

Je ne pense pas que cette loi, qui comporte un certain nombre d'archaïsmes, constitue un support utile à la concrétisation de la volonté qui anime les auteurs du texte. La procédure prévue par cette loi est lourde et elle est totalement inadaptée à notre temps.

Ce n'est pas en revalorisant le montant du bien de famille que l'on donnera un nouvel essor à ce mécanisme.

La loi de 1909 a été conçue pour freiner l'exode rural en fixant l'activité familiale dans la succession des générations autour d'un même fonds.

Si l'on étendait le dispositif de cette loi à des fins qui lui sont étrangères, non seulement on n'obtiendrait pas les résultats recherchés, mais encore les dispositions prises risqueraient de se retourner précisément contre ceux que l'on veut protéger.

D'abord, en rendant impossible la saisie du bien constitué en bien de famille, on risquerait de priver le propriétaire de toute possibilité de le constituer en garantie auprès d'un prêteur.

Ensuite, l'impossibilité de saisir les bénéfices placerait l'exploitant dans une situation telle que ses fournisseurs ne traiteraient plus avec lui qu'au comptant.

Enfin, les formalités de constitution du bien de famille sont particulièrement contraignantes - acte notarié, publicité, homologation judiciaire - et certainement mal adaptées au public visé, qui est celui des petits entrepreneurs.

M. Alain Vidalies.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Quant à l'extension aux revenus de l'entrepreneur individuel du dispositif régissant l'insaisissabilité d'une fraction des salaires, elle me paraît à la fois inadatpée à l'objectif poursuivi et pratiquement impossible à mettre en oeuvre. En effet, si chacun sait ce que c'est qu'un salaire, chacun sait aussi qu'il est beaucoup plus difficile d'identifier les revenus d'un travailleur indépendant à un moment donné : ces revenus sont variables dans le temps, ils sont fréquemment liés à des activités saisonnières, ils proviennent de plusieurss ources et font l'objet d'enregistrements multiples, souvent sur plusieurs comptes. Dès lors, on ne peut guère envisager d'utiliser la technique de saisissabilité sur les salaires auprès d'une banque, qui se fait chaque mois car un salaire « tombe » chaque mois, pour les situations visées.

J'ajoute que, outre le fait que le dispositif ne comporterait aucune possibilité de contrôle sérieux, il se révélé rait contre-productif pour les relations de l'entrepreneur avec ses partenaires, notamment bancaires. En effet, pour préserver leur responsabilité, les banques seraient tentées de rendre indisponible une part significative des fonds qu'elles détiennent, la répartition de la part saisissable et de la part insaisissable ne pourra se faire que sur l'année.

Les réponses que tentent d'apporter la proposition de loi apparaissent comme totalement inadaptées à la vie des entreprises artisanales et des petites entreprises d'aujourd'hui.

J'en viens à la proposition de loi portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux, présentée par Mme Catala.

J'estime comme vous, madame, qu'il serait bon que l'entraide conjugale, plus ou moins confondue pendant longtemps avec l'exécution des devoirs résultant du mariage, soit aujourd'hui pleinement reconnue. Mais je ne pense pas qu'elle puisse relever d'un régime unitaire applicable sans distinction suffisante à l'ensemble des catégories socioprofessionnelles.

D'ailleurs, la rédaction du texte de la proposition de loi comporte des imprécisions sur les situations visées : tantôt il s'agit d'époux exerçant en commun et pour leur compte une activité commerciale ou artisanale ; tantôt il s'agit de conjoint co-exploitant ; tantôt il s'agit de conjoint d'un professionnel libéral qui, par hypothèse, ne peut exercer la profession de son époux ou de son épouse.

Le but recherché de créer un régime unitaire des conjoints de professionnels se dissout donc dans une diversité de situations suivant les pouvoirs et les obligations envisagés.

M. Bernard Accoyer. C'est une question de volonté politique ! Mme la garde des sceaux. Cette constatation me conduit à relever qu'il est paradoxal d'insérer dans le régime matrimonial primaire obligatoire un texte qui, d'une part, se décline suivant les situations particulières des époux et n'a donc aucun caractère d'application générale et qui, d'autre part, n'est que supplétif, les époux pouvant y déroger.

Cette remarque de forme n'est pas gratuite : les statuts particuliers conférés aux conjoints d'exploitants agricoles, commerçants ou artisans relèvent de textes spécifiques, dont il est évidemment préférable d'étendre le champ d'application, dans le respect des particularités professionnelles, plutôt que de viser un domaine d'application qui ne peut être général.

Il convient en outre de rechercher un meilleur équilibre entre les dispositions protectrices du conjoint non professionnel, la situation du conjoint professionnel et les garanties des tiers.

La faculté d'opposition à la vente du bien exploité, qui existe déjà pour les fonds appartenant à la communauté au titre de la loi du 10 juillet 1982, place effectivement le conjoint sous une protection intéressante, mais dangereuse pour la sécurité des tiers contractants. Elle est aussi difficile à mettre en oeuvre pour des professions dont l'accès est encadré. On peut s'interroger sérieusement sur l'opportunité d'une possibilité d'opposition par un conjoint à la vente d'une étude notariale ou à une vente de clientèle d'avocat ou de médecin.


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Les deux régimes spécifiques du code rural ou de la loi du 10 juillet 1982 en matière de commerce et d'artisanat n'ont consacré que la technique de la présomption de mandat entre époux pour la gestion courante de l'entreprise.

Ce dispositif peut, certes, paraître plus modeste, mais il est, me semble-t-il, mieux adapté à la réalité quotidienne de la gestion des entreprises dans la mesure où il repose sur une démarche volontaire de déclaration au registre des métiers ou du commerce. Dans aucun cas, il ne peut exister de présomption de mandat sans dispositif de publicité à l'égard des tiers.

Présumer un mandat de gestion est utile pour la femme parce que c'est bien souvent elle qui tient la comptabilité, passe les commandes et règle les factures de l'entreprise. Mais il existe un réel danger de passer de la simple collaboration à un exercice commercial de fait, qui serait pour elle potentiellement préjudiciable.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est déjà le cas ! Mme la garde des sceaux. Enfin, la technique du mandat est inapplicable aux professions libérales dès lors que le conjoint coopérant ne remplit pas les conditions requises pour exercer lui-même l'activité.

M. Alain Vidalies. Bien sûr ! Mme la garde des sceaux. Il me semble qu'en ce domaine, à l'instar des dispositions récentes de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, la réflexion doit porter sur le statut social du conjoint et, en particulier, sur celui du conjoint dans les professions libérales, qui en est actuellement totalement dépourvu. Il y a là certainement un manque que nous devons combler.

M. Alain Vidalies. Très juste !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Faites-le !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Oui ! Proposez-nous quelque chose ! Mme la garde des sceaux. Mais, pour la passation des actes juridiques, les textes actuels, que les auteurs de la proposition de loi n'abrogent d'ailleurs pas, apportent une réponse globalement adaptée.

Pour terminer, je voudrais souligner que certaines dispositions proposées par la seconde proposition de loi me paraissent dangereuses.

Prévoir que les époux coexploitants ont une vocation aux bénéfices et une obligation solidaire vis-à-vis des tiers place le conjoint dans un cadre juridique très proche de l'exercice personnel du commerce ou d'une société de fait.

M. Alain Vidalies.

Exact !

Mme la garde des sceaux.

Dans ce cas, le conjoint est exposé sans véritable protection aux aléas de l'activité professionnelle du conjoint.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est déjà le cas dans les faits !

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Alain Vidalies.

Voilà qui est contradictoire avec la première proposition de loi !

Mme la garde des sceaux.

Je pense avoir dit l'essentiel et je ne crois pas indispensable de faire état des interrogations plus formelles ou ponctuelles que les deux textes soulèvent à mes yeux.

Je constate que votre commission des lois a fait la même analyse et a abouti à une conclusion identique.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Pas ce matin !

M. Bernard Accoyer.

Exact : ils ont enfin compris, et ils étaient unanimes !

Mme la garde des sceaux.

Pour sa part, le Gouvernement entend répondre aux problèmes posés par le statut du conjoint coopérant. Il a d'ailleurs commencé à le faire.

Ma collègue Marylise Lebranchu, qui nous rejoindra dans quelques instants, et moi-même travaillons à la réalisation des objectifs poursuivis par les deux propositions de loi, mais sur des bases différentes et, je le pense, plus efficaces.

Le Gouvernement estime que les problèmes qui inspirent le projet de loi sont réels, mais qu'il est beaucoup plus efficace de travailler sur les causes que sur les effets.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est ce que nous faisons !

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement s'est efforcé de simplifier l'accès au statut de société en assouplissant les modalités de constitution d'une société anonyme avec la création de la société anonyme simplifiée u nipersonnelle. Plus récemment encore, le Premier ministre a annoncé qu'il serait possible de créer une société à responsabilité limitée en libérant progressivement, sur cinq ans, le capital de 50 000 francs exigé pour sa création.

Toutefois, même si l'on constate une certaine progression de la création d'entreprises sous forme de sociétés, force est de constater qu'une grande partie des artisans et des commerçants reste fortement attachée, pour de multiples raisons, au statut d'entrepreneur indépendant.

La simplification et l'encouragement au développement de l'exploitation sous forme de société ne constituent donc pas la réponse idéale et exclusive aux attentes bien compréhensibles des artisans et de leurs conjoints. Je rappelle que certains privilégient la constitution d'un patrimoine d'affectation.

Les diverses contributions disponibles à ce jour ne permettent pas de dégager un consensus clair sur la réponse à apporter à cette situation.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Alors, le Gouvernement ne fera rien ?

Mme la garde des sceaux.

Pour certains, le statut d'EURL constituerait la bonne solution sous réserve d'en simplifier les modalités de fonctionnement, mais le faible succès rencontré aujourd'hui par cette forme juridique pose question. Pour d'autres, il convient de privilégier la constitution d'un patrimoine d'affectation.

La proposition de loi n'évoque que la situation des entrepreneurs individuels alors que le sujet de la protection du patrimoine concerne l'ensemble des dirigeants de PME.

M. Alain Vidalies.

Très juste !

Mme la garde des sceaux.

En effet, lorsque l'entreprise est une société de type SARL, EURL ou SA, la dissociation des patrimoines est contournée par les banques...

M. Alain Vidalies.

Bien sûr !

Mme la garde des sceaux.

... qui demandent la caution solidaire du dirigeant ainsi que l'engagement du conjoint.

M. Bernard Accoyer.

C'est pour cela que nous présentons une proposition de loi ! Un mot de vous, et la situation est réglée !


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Mme la garde des sceaux.

Il convient de rappeler que le recours à la garantie publique permet de limiter la portée des garanties personnelles requises par les établissements financiers. En effet, lorsqu'une banque opte pour une couverture de son risque par un fonds de garantie géré par la SOFARIS, elle doit renoncer à la garantie hypothécaire conventionnelle ou judiciaire sur la résidence principale du dirigeant. De même, elle doit renoncer à demander une caution portant sur plus de la moitié du montant du prêt.

En conséquence, Marylise Lebranchu a demandé à ce que soit explorée l'extension des dispositions visant à protéger la résidence principale des cautions. Voilà une voie qui comporterait enfin des solutions sans avoir les inconvénients de la proposition de loi !

M. Alain Vidalies.

Très juste !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Présentez un texte !

Mme la garde des sceaux.

Ces questions renvoient clairement au problème de l'accès au crédit des très petites entreprises. Le Gouvernement conduit actuellement une réflexion sur l'élaboration d'un dispositif qui permettrait de concilier une protection suffisante du patrimoine et un accès satisfaisant au crédit nécessaire au développement des entreprises. Il souhaite que soit établi un diagnostic complet sur les avantages et les inconvénients de chacun des statuts existants et sur les raisons de la faible utilisation du statut de l'EURL afin de faire des propositions pour améliorer, le cas échéant, le statut d'entrepreneur individuel.

Enfin, les garanties accordées au conjoint en cas de vente du bien servant de base à l'exploitation pourront être examinées à l'occasion de la discussion sur la réforme du droit de la famille, dans le cadre des pouvoirs des époux au titre du régime matrimonial. Bien évidemment, il est à cet égard nécessaire de procéder à une étude pré cise des équilibres à trouver entre la nécessaire disponibilité des biens professionnels et les garanties à accorder au conjoint.

Pour résumer, je dirai que les problèmes sont réels. Le Gouvernement souhaite les résoudre et il a commencé à le faire. Mais les propositions de loi qui sont soumises à votre examen ne proposent pas les bonnes réponses. Certaines d'entre elles risqueraient même d'aggraver la situation des intéressés, que l'on veut améliorer, qu'il s'agisse des artisans, des commerçants ou de leurs conjoints. Il est donc nécessaire de trouver d'autres solutions, ce que le Gouvernement s'attache à faire, comme je viens de le rappeler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Paroles, paroles ! Discussion générale commune

M me la présidente.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée, sous la présidence de Philippe Séguin, a souhaité donner une place plus large à ses propres initiatives législatives.

Ainsi, le système dit des « niches parlementaires » a été mis en place afin que les groupes politiques puissent débattre et peser sur l'élaboration de l'ordre du jour et de la loi.

T out naturellement, ces « niches » sont l'occasion d'aborder des questions qui tiennent particulièrement à coeur aux députés qui forment les groupes politiques. Tel est bien, aujourd'hui, le cas des propositions de lois déposées par Jean-Louis Debré et le groupe RPR, puisqu'il s'agit de l'équité envers une partie de la nation, les artisans et les commerçants, leurs conjoints, leurs familles.

En un mot, il s'agit de leurs droits fondamentaux, de leur dignité : d'une part, avec le droit de disposer comme tous les autres Français d'un minimum vital insaisissable pour survivre en cas de difficultés ; d'autre part, avec le droit pour le conjoint de ne pas risquer le dénuement total après les turbulences conjugales devenues, hélas, si fréquentes dans notre société.

La majorité, pourtant si empressée de développer des droits nouveaux, et le Gouvernement qui veut, lui aussi, masquer ses renoncements par la même posture, seraient malvenus de refuser l'examen de ces textes qui concernent le tissu même, l'essence même de la nation, ceux qui sont le premier employeur, le premier créateur de richesses, en somme le premier lieu de vie économique et social.

Nul doute que ces timides droits nouveaux ne soient beaucoup plus légitimes et ne concernent beaucoup plus d'hommes et de femmes que les droits nouveaux du PACS auquel le Gouvernement nous aura attelé pendant plus d'un an.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Absolument !

Mme Hélène Mignon.

N'importe quoi !

M. Alain Vidalies.

Voilà qui n'élève pas le débat !

M. Bernard Accoyer.

En effet, alors que la phase d'euphorie des « trente glorieuses » commençait à décliner, un mécanisme de protection des individus contre les aléas de la conjoncture économique et sociale a opportunément été mis en place par la loi du 2 janvier 1973, qui organise les conditions de l'insaisissabilité d'une partie des revenus des salariés.

Grâce à ce mécanisme, les salariés disposent de l'assurance de pouvoir conserver une partie de leurs revenus afin de faire face à leurs besoins vitaux, quels que soient les revers de l'existence.

Or, sans aucune justification réelle, les artisans et les commerçants se trouvent depuis 1973 exclus de ce type de dispositif et ne bénéficient, de ce fait, d'aucune protection minimale.

La situation précaire de nombre d'entre eux aurait pourtant largement dû justifier l'extension en leur faveur de ce dispositif. De nombreux artisans et commerçants, en particulier ceux qui exploitent de petites structures et travaillent encore « en nom propre », ont en effet été victimes de retournements de conjoncture ou de la concurrence effrénée de la grande distribution qui, vous le savez, madame la garde des sceaux, voudrait désormais ramener beaucoup d'artisans au rang de tâcheron.

Ils se sont retrouvés, et se retrouvent encore, pris dans un piège effroyable.

Pour pouvoir maintenir leurs activités professionnelles, la plupart d'entre eux contractent un prêt qui leur permettra de traverser un cycle économiquement et financièrement difficile.

Or les établissements de crédit exigent quasi systématiquement la caution solidaire de leur épouse, voire de leurs enfants. De ce fait, à la moindre défaillance, c'est l'ensemble du patrimoine familial de l'artisan ou du commerçant qui devient saisissable et très fréquemment c'est l'habitation principale même qui est mise en péril.

Cette pratique ne peut être purement et simplement interdite au risque de raréfier complètement l'offre de crédit aux entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

Une telle interdiction est pourtant tentante car, en exigant le cautionnement systématique du conjoint, les banquiers imposent à leurs clients de prendre tous les risques avant de consentir à exercer leur métier.

A la différence des salariés qui, dans toutes les hypothèses, conservent une ressource minimale égale au montant du RMI, les entrepreneurs individuels peuvent voir disparaître l'intégralité de leurs revenus en cas d'impossibilité d'honorer une dette et se retrouver à la rue.

Cette situation est d'autant plus brutale et inique que les sommes disponibles sur leur compte sont destinées au règlement des diverses impositions, des charges sociales et des factures des fournisseurs.

La saisie totale de leur solde place automatiquement les intéressés dans l'impossibilité d'assumer le paiement de leurs fournisseurs et de leurs charges, ce qui les engage dans une spirale infernale conduisant souvent à la faillite.

Conscient qu'il est difficile techniquement de transposer aux entrepreneurs individuels le régime applicable aux salariés, comme le disposait l'article 1er de notre texte, notre excellent rapporteur, Thierry Mariani, a judicieusement proposé un système dans lequel les revenus d'un entrepreneur individuel ne seraient saisissables ou cessibles que dans la limite de 65 % du solde créditeur de ses comptes bancaires. Ce dispositif a été, ce matin même, adopté à l'unanimité par la commission des lois,...

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

... signe, madame la garde des sceaux, d'un certain réalisme de la majorité face à la situation actuelle des commerçants et des artisans.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

Il s'agit d'une véritable volonté politique d'agir en direction d'une catégorie de Français qui a autant le droit au respect de ses droits fondamentaux que les autres.

M. Alain Vidalies.

Pourquoi n'avoir rien fait lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Bernard Accoyer.

Ce dispositif, dont la mise en oeuvre est aisée, répond à la détresse de ceux qui ont voulu se battre jusqu'au bout pour sauver leurs entreprises et qui se sentent, à juste titre, les spoliés et les oubliés d'une société qui se targue pourtant de protéger les plus faibles.

Comment le Parlement et le Gouvernement pourraient-ils refuser plus longtemps d'assurer une protection minimum à une catégorie sociale appelée à vivre de nouvelles mutations profondes de notre tissu commercial ? Ils devraient pouvoir s'accorder sur cet objectif. Cependant, les réponses qui nous ont été apportées jusqu'à présent suscitent notre inquiétude.

Questionnée en octobre 1999 par notre collègue Philippe Martin, co-auteur de la proposition de loi inscrite à l'ordre du jour de nos travaux, Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation a, dans un premier temps, botté en touche en faisant valoir que la solution résidait dans la généralisation des procédures de cautionnement mutuel avec garantie de l'Etat, du type SOFARIS. Vous venez d'y revenir, madame la garde des sceaux.

Mme Marylise Lebranchu déclarait en effet : « Avec le Premier ministre et dans le cadre des assises de la création d'entreprise, nous avons envisagé d'étendre la caution de garantie SOFARIS, SIAGI ou SOCAMA à l'ensemble des petites entreprises artisanales qui en ont besoin pour protéger leur patrimoine familial. »

Face à une telle proposition, il est aisé d'imaginer la réaction d'une famille d'artisans craignant de voir sa maison mise aux enchères. L'extension de la garantie SOFARIS aux petites entreprises artisanales ne représente en aucun cas un mécanisme de nature à éviter leur spoliation.

Il suffit pour s'en convaincre d'examiner les conditions d'accès à cette garantie. Non seulement celle-ci ne peut bénéficier à l'ensemble des artisans mais, de surcroît, elle n'est ni totale ni gratuite.

Il est d'ailleurs frappant de constater que les milieux financiers sont, comme le Gouvernement, partisans de ce type de solution.

Néanmoins, il était difficile pour le Gouvernement d'ignorer combien cette réponse est injuste et exaspérante pour les personnes concernées à qui il est refusé, en fait, la simple garantie d'un minimum vital.

Lors de la dernière journée de la femme, le 8 mars, p lusieurs associations représentatives, notamment la CAPEB, la Confédération nationale de l'artisanat, des métiers et des services et la Fédération nationale ACTIF, n'ont pas manqué de promouvoir au premier rang de leurs revendications la protection en cas de caution solidaire bancaire demandée aux conjoints.

Le 2 mai dernier, examinant cette revendication, la présidente de la Délégation aux droits des femmes de notre assemblée s'est déclarée « contente de savoir que la question de la caution solidaire fait partie des problèmes en chantier ».

Mme Lebranchu a fait, pour sa part, le constat suivant : « Un salarié licencié a au moins la chance, bien que sa situation soit difficile, de garder sa résidence. Quelqu'un qui échoue dans le commerce, l'artisanat ou la petite entreprise perd non seulement sa source de revenus, mais il peut également perdre sa résidence principale. »

Madame la garde des sceaux, qu'attendez-vous pour que nous fassions ensemble progresser les droits des artisans et des commerçants en introduisant dans notre législation une insaisissabilité qui garantisse un minimum de sécurité à ces catégories de Français ? Le dépôt par le groupe du RPR, en décembre 1999, d'un texte tendant à assurer une protection minimale du patrimoine des artisans et son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale a visiblement contribué à la récente prise de conscience du Gouvernement. Pourtant, il ne s'agit pour le moment que de mots, que de déclarations d'intention.

Le Gouvernement propose désormais d'instaurer une protection de la résidence familiale - ce dont nous nous félicitons - sans toutefois se hâter de traduire cette déclaration dans les faits.

Au motif qu'il n'était pas prêt à proposer un texte clair, il a laissé passer l'occasion d'inscrire cet engagement dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Et, il y a quelques jours, les représentants de la Chancellerie, auditionnés par notre rapporteur, Thierry Mariani, ont avoué que le ministère n'avait engagé aucune réflexion sur ce sujet.

M. Christian Jacob.

C'est très grave !

M. Bernard Accoyer.

Cela jette sensiblement un doute sur vos déclarations, madame la ministre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

Lors de la réunion de la Délégation aux droits des femmes, il a été demandé aux artisans et aux commerçants d'attendre la deuxième lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Mais on sait maintenant qu'elle est repoussée au mieux à l'automne.

Plutôt que de jouer sur le calendrier au risque d'oublier de tenir ses engagements, le Gouvernement serait bien inspiré, s'il souhaite vraiment agir dans le domaine qui nous occupe, de se rallier à la solution la plus simple et la plus efficace pour les artisans : adapter, par le biais d'amendements, la présente proposition de loi.

M. Christian Jacob.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

Etendre l'insaisissabilité d'un minimum vital aux artisans et aux commerçants afin d'assurer l'équité entre toutes les catégories socioprofessionnelles qui composent la nation apparaît comme une évidente urgence.

Il en va de même pour la création d'un statut supplétif pour les conjoints d'artisans, proposée par notre collègue Nicole Catala et soutenue par l'ensemble du groupe du Rassemblement pour la République, qui est tout aussi légitime. Cette proposition touche, en effet, aux droits des femmes, qui, nous l'espérons, ne relèvent pas pour la majorité d'une pure déclaration d'intention.

Notre collègue est partie du constat que la réglementation n'obligeant pas les conjoints d'artisans et de commerçants à choisir l'un des statuts institués par la loi du 10 juillet 1982, la grande majorité d'entre eux, bien qu'ils participent à l'activité professionnelle de leur conjoint, ne bénéficient pas de tous les droits auxquels ils pourraient légitimement prétendre.

Leur protection sociale est limitée. En tant qu'ayant droit du chef d'entreprise, le conjoint n'ayant opté pour aucun statut bénéficie certes d'une assurance maladie et maternité - c'est bien le minimum -, mais pas d'indemnités journalières. En cas de chômage, il ne bénéficie d'aucune allocation. Et sa retraite - déjà extrêmement basse, on le sait - se trouve sensiblement réduite.

De surcroît, si l'entreprise connaît des difficultés, le conjoint sans statut n'est pas à l'abri des créanciers puisque, quel que soit le régime matrimonial, sa responsabilité peut être engagée dès lors qu'il s'est impliqué dans la gestion de l'entreprise.

Dans la mesure où certaines femmes d'artisans et de commerçants subissent les inconvénients du statut de conjoint d'artisan sans en recueillir les avantages, nous proposons d'instituer un régime supplétif pour tous les époux qui coopèrent professionnellement.

Dans les faits, les femmes d'artisans assurent bien souvent la continuité même de l'entreprise par la multiplicité des tâches qu'elles y assument : relationnelles, comptables, administratives, commerciales. En outre, les femmes contribuent encore - et pas seulement chez les artisans et les commerçants - à la continuité de la famille.

D ès lors, comment le Gouvernement pourrait-il demeurer plus longtemps indifférent à cette injuste situation ? A l'heure de la parité, les responsables politiques de tout bord devraient être sensibles au poids effrayant des innombrables charges accablant les femmes d'artisans qui leur interdit bien souvent de prendre la part qui leur revient dans la vie civique - vous l'avez reconnu vousmême il y a quelques instants, madame la ministre ! Mais, quel que soit l'intérêt de nos propositions et en dépit du fait que le texte de Nicole Catala rendrait justice à quelque 230 000 femmes d'artisans et commerçants, la majorité a déclaré sa volonté de bloquer la discussion, vidant ainsi de son intérêt la procédure d'initiative parlementaire.

Il y a là, madame la garde des sceaux, madame la présidente, une façon de faire qui se généralise et sur laquelle le président du groupe RPR, Jean-Louis Debré, a appelé l'attention du président de l'Assemblée nationale en émettant une vigoureuse protestation. En effet, c'est devenu maintenant une habitude c'est même la règle - pour la majorité de refuser la discussion de nos propositions qui comportent pourtant des avancées considérables pour notre droit, pour les droits fondamentaux. A de nombreuses reprises, le Gouvernement l'y a poussé...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Hélas !

M. Bernard Accoyer.

... pour, quelque temps plus tard, reprendre à son compte certaines des initiatives de l'opposition.

N ous devons ainsi constater, une nouvelle fois, l'absence totale d'idées de la majorité et du Gouvernement...

M. Christian Jacob.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

... et le vide sidéral vers lequel ils précipitent la nation, mais encore déplorer un dévoiement choquant de la procédure et une atteinte aux droits du Parlement.

Quelle que soit l'issue de cette discussion, dont nous avons bien compris qu'elle serait conduite de manière particulièrement expéditive, sachez, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, que le groupe RPR continuera sans relâche à défendre les droits de tous nos concitoyens, et particulièrement ceux de cette catégorie oubliée que constituent les artisans et les commerçants. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue M. Accoyer doit avoir la mémoire un peu courte. Il semble oublier que nous avons adopté récemment une proposition de loi, issue de la majorité sénatoriale, relative à la prestation compensatoire et une autre proposition relative à l'adoption internationale présentée par l'un de nos collègues de l'opposition.

L orsque les propositions de loi sont réfléchies, sérieuses, abouties et pas démagogiques, nous sommes tout prêts à les examiner.

M. Bernard Accoyer.

Oh !

M. Alain Vidalies.

Mais lorsque nous sont soumis des textes comme ceux que vous nous présentez aujourd'hui, c'est un service à rendre à la nation que de ne pas les voter tant ils sont mal élaborés. Voilà toute la différence ! Monsieur Accoyer, vous étiez probablement le dernier à pouvoir faire de telles remarques sachant que le rapporteur de votre propre groupe a été obligé de réécrire les deux malheureux articles de votre texte.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Nous les avons améliorés.

M. Alain Vidalies.

S'agissant de votre passion pour la défense des artisans et des commerçants, question si importante, j'observe simplement que lorsque vous étiez aux affaires, il y a trois ans encore, vous n'avez voté


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aucune des dispositions que vous nous proposez aujourd'hui. Sans doute cette conversion trop récente expliquet-elle la mauvaise rédaction de vos textes ! Le groupe socialiste peut partager les objectifs de la proposition de loi tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants. Il s'agit, en effet, d'un problème récurrent dont les parlementaires sont régulièrement saisis et qui, jusqu'à présent, n'a trouvé aucune réponse totalement satisfaisante sous quelque gouvernement que ce soit, si nous voulons bien être objectifs.

Le dispositif technique proposé dans le texte d'origine est néanmoins dépourvu de toute crédibilité. Je pense en particulier à l'alignement des procédures de saisie sur les principes applicables à la rémunération des salariés et à l'exhumation de la loi de 1909 sur le bien de famille, initiative pour le moins pittoresque.

Je n'insiste pas sur ce point : le rapporteur lui-même a déposé des amendements qui réécrivent en fait la proposition de loi. Vous en conviendrez, il n'est pas très sérieux qu'un groupe choisisse pour la niche parlementaire qui lui est réservée, une proposition de loi qu'un rapporteur issu de ses propres rangs est quasiment obligé de juger sans fondement sérieux.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

On a amélioré le texte !

M. Alain Vidalies.

Les propositions de M. Mariani, si elles méritent davantage d'attention, n'en restent pas moins peu crédibles.

M. Bernard Accoyer.

Mais n'est-ce pas le propre du travail en commission que d'améliorer un texte !

M. Alain Vidalies.

Oui, peut-être ! Mais dans la mesure où ce texte a été déposé par votre groupe, je suppose qu'il a été délibéré au sein de ce même groupe. Aussi, permettez-moi de vous faire part de mes inquiétudes.

Mieux vaut que vous restiez encore quelque temps dans l'opposition !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Les amendements ont été adoptés à l'unanimité par la commission ce matin !

M. Alain Vidalies.

Monsieur Mariani, lorsque vous proposez que la responsabilité de l'entrepreneur soit limitée à c oncurrence de son apport, fixé au minimum à 50 000 francs, vous réinventez le fil à couper le beurre, après bien des réflexions sur cette question complexe. Car l'entreprise unique à responsabilité limitée existe dans notre droit depuis quinze ans. Vous l'avez d'ailleurs vousmême rappelé.

Par ailleurs, proposer de limiter la saisie à 65 % du solde créditeur des comptes bancaires revient à geler 35 % du montant des comptes, même quand ceux-ci sont très bien approvisionnés. Vous pouvez facilement imaginer les abus et les incohérences auxquels cela pourrait aboutir. Le créancier ne pourrait procéder à une saisie qu'après avoir appréhendé tous les comptes du débiteur, condition préalable au calcul des 65 %. Il ne nous resterait plus qu'à souhaiter bon courage au créancier, qui est parfois luimême - ne l'oublions pas - un entrepreneur individuel, et au juge chargé de valider une pareille procédure.

En réalité, les solutions à mettre en oeuvre ne sont pas simples, notamment si l'on ne veut pas raréfier l'offre de crédit. Il faut d'ailleurs admettre que la réflexion ne doit pas s'arrêter aux entrepreneurs individuels mais être élargie aux sociétés, en particulier aux SARL dont les dirigeants et, bien souvent, les membres de leur famille sont contraints d'apporter une caution personnelle.

Les seules pistes crédibles aujourd'hui résident, d'une part, dans la généralisation des systèmes de cautionnement mutuels qui, sur le modèle de la garantie SOFARIS - sans que cela soit une référence unique -, obligeraient les banques à renoncer à la garantie hypothécaire sur l'habitation principale et, d'autre part, dans une mesure plus générale qui protégerait la résidence principale de l'entrepreneur individuel.

Tous ceux qui ont l'expérience de ces situations difficiles et des contentieux qu'elles engendrent, savent que la seule vraie réponse aujourd'hui, c'est cette protection-là.

Et je suis heureux, madame la ministre, que vous l'ayez rappelé. Les artisans eux-mêmes et leurs conjoints la réclament. Avec la protection de l'habitation principale pour les artisans et les commerçants et le dispositif d'incessibilité d'une partie de leur salaire pour les salariés, nous disposerions d'un système cohérent.

Le Gouvernement s'est engagé à faire des propositions dans le cadre de l'examen en seconde lecture de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Nous sommes très attentifs à la concrétisation de ces engagements. Les entrepreneurs individuels attendent de nous des mesures justes, lisibles, juridiquement fondées et applicables.

La proposition de loi du groupe RPR, même amendée, ne répond à aucune de ces exigences. C'est pourquoi nous en proposerons le rejet.

La deuxième proposition de loi, portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux, déposée par Mme Catala et le groupe RPR, est d'une grande ambition puisqu'il s'agit de modifier le régime primaire du mariage,...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Il s'agit simplement d'un régime supplétif ! M. Alain Vidalies. ... c'est-à-dire les droits et les devoirs respectifs des époux qui, conformément aux dispositions de l'article 226 du code civil, sont applicables par le seul effet du mariage. Autrement dit, il s'agit des droits et devoirs fondamentaux que l'officier d'état civil rappelle aux futurs époux avant de procéder à leur union.

Ce texte serait donc de portée générale, s'appliquerait à toutes les professions alors qu'il existe aujourd'hui un régime spécifique pour les conjoints collaborateurs d'exploitants agricoles, de commerçants ou d'artisans.

Le premier principe important avancé par cette proposition de loi est d'instituer une présomption de mandat pour les époux qui exercent en commun une activité professionnelle.

Cette disposition est certes utile pour la vie quotidienne de l'entreprise. Mais elle est déjà acquise par les lois spécifiques aux agriculteurs, aux commerçants et aux artisans et sa seule portée pratique serait l'extension aux professions libérales.

Mais la proposition de loi tire la conséquence juridique de cette présomption en précisant, dans le nouvel article 225-4, que les époux seraient solidairement tenus à l'égard des tiers des obligations nées des actes accomplis par le conjoint en qualité d'exploitant.

J'observe que cette proposition est en contradiction totale avec les objectifs de protection du patrimoine des artisans et commerçants, également défendus ce jour par le groupe RPR.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Mais pas du tout ! Ce sont des dispositions complémentaires ! M. Bernard Accoyer. C'est un discours onirique ! M. Alain Vidalies. En effet, si nous adoptions ce texte, nous fragiliserions encore plus les entrepreneurs individuels en renforçant la capacité d'action des créanciers !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Mais non ! M. Bernard Accoyer. Il n'a pas lu la proposition de loi !

M. Alain Vidalies.

Il serait extrêmement dangereux d'inscrire dans le code civil le principe selon lequel à partir du moment où les conjoints exercent en commun une activité professionnelle, ils seront solidairement et en permanence responsables à l'égard des tiers.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

La femme est déjà impliquée dans les affaires du mari, et vous le savez bien !

M. Alain Vidalies.

Même s'il y a une logique juridique, politiquement c'est d'une gravité extrême ! D'ailleurs, certainement effrayés de leur propre hardiesse, les auteurs précisent que cette présomption de mandat pourra être révoquée du consentement des époux, ou même par la notification d'un époux à l'autre. Cela doit être le syndrome du PACS !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Cela existe pour le statut du conjoint collaborateur, mon cher collègue !

M. Alain Vidalies.

Un tel mécanisme n'a rien à faire dans le régime primaire du mariage. Les autres devoirs fondamentaux prévus par le code civil - fidélité, cohabitation, participation à l'entretien du ménage, éducation des enfants - ne relèvent pas de la volonté de l'un ou de l'autre des époux mais constituent des engagements inhérents à l'institution du mariage.

Le deuxième principe vise à un partage égalitaire des revenus issus de l'exercice en commun d'une activité professionnelle.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Eh oui ! Je souhaite la parité dans ce domaine aussi !

M. Alain Vidalies.

Aucune précision n'est donnée sur la définition de l'exercice en commun alors que la réalité est beaucoup plus complexe. Le conjoint participe parfois effectivement à plein temps à l'activité professionnelle, mais souvent seulement quelques heures par jour, ou assure une tâche spécifique comme la tenue de la comptabilité.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Il le fait aujourd'hui sans être rémunéré, monsieur Vidalies ! Vous trouvez ça normal ?

M. Alain Vidalies.

Il serait à l'évidence impossible et irréaliste d'appliquer à ces situations très diverses les principes avancés par la proposition de loi.

M. Bernard Accoyer.

C'est faux !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Vous trouvez normal que la femme travaille gratuitement pour son mari ? C'est ça l'esprit de progrès ?

M. Alain Vidalies.

Le tout ne serait d'ailleurs que subsidiaire puisqu'il est précisé dans le nouvel article 225-5 que ces principes ne s'appliqueraient que dans la mesure où les conjoints n'auraient pas organisé autrement leur coopération professionnelle ou n'auraient pas déclaré s'en tenir à l'application pure et simple de leur régime matrimonial.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Vive l'esprit de justice qui souffle dans la majorité plurielle !

M. Alain Vidalies.

Aucune précision n'est donnée sur le sens de l'adverbe « autrement », formule juridique étonnante dans un texte de droit civil, ni d'ailleurs sur la nature de la déclaration privilégiant le régime matrimonial, ni sur l'information des tiers quant aux choix des époux.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Vive l'esprit de progrès qui vous anime !

M. Alain Vidalies.

Quel est l'objectif de cette proposition de loi ? L'exposé des motifs évoque essentiellement la situation des femmes ayant collaboré à l'activité professionnelle du mari et qui, au moment d'une séparation, se trouvent sans revenus ni situation professionnelle.

M. Bernard Accoyer.

Cela, à l'évidence, ne vous préoccupe pas !

M. Alain Vidalies.

Se préoccuper d'elles est légitime. Je veux rappeler néanmoins que, dans le droit positif, les réponses ne sont pas inexistantes. La collaboration à l'activité professionnelle de l'autre conjoint est un critère pris en compte par les tribunaux pour la fixation de la prestation compensatoire, même s'il ne figure pas dans l'énumération de l'article 272 du code civil. C'est même pour ce seul motif qu'un époux contre qui le divorce est prononcé peut néanmoins bénéficier d'une indemnisation pour sa collaboration, au titre de l'indemnité spéciale prévue à l'article 280-1 du code civil.

Enfin, le principe de l'indemnisation du conjoint ayant collaboré à l'activité professionnelle de l'autre est très régulièrement retenu - vous citez vous-même dans le rapport, madame Catala, un important arrêt de la Cour de cassation rendu en 1979 - sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est exceptionnel !

M. Alain Vidalies.

Faut-il aller plus loin ?

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. Alain Vidalies.

Certainement pas en modifiant le régime primaire de l'institution du mariage, comme le propose aujourd'hui, et d'ailleurs pour la première fois, le groupe RPR.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Ce n'est pas la première fois ! M. Foyer avait proposé la même chose !

M. Alain Vidalies.

En revanche, nous devons constater que les législations spécifiques relatives aux agriculteurs, aux artisans et aux commerçants laissent un vide juridique s'agissant des autres travailleurs indépendants, et notamment des professions libérales. Le groupe socialiste déposera donc, dans les prochains jours,...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

On vous a réveillés !

M. Alain Vidalies.

... une proposition de loi visant à étendre le champ d'application de la loi de 1982 à l'ensemble des professions libérales. Mais la réflexion ne peut s'arrêter à cette seule proposition. D'autres pistes méritent d'être explorées.

Ainsi, pourquoi ne pas imaginer un mécanisme s'inspirant de celui du salaire différé pour répondre à la situation des conjoints qui, après la séparation, pourraient demander la juste rémunération de leur travail ? Il existe déjà une esquisse de ce système dans la loi de 1982.

Cette solution ne paraît pas très simple non plus, car il faudrait également préciser les conditions du cumul avec la prestation compensatoire.

Pourquoi s'interdire une réflexion sur les régimes matrimoniaux ? On pourrait s'inspirer, par exemple, des principes gouvernant le régime spécifique de la participation aux acquêts prévu à l'article 1569 du code civil...

M. Bernard Accoyer.

Il faudrait déjà commencer par éclaircir ce qui se passe avec le PACS !

M. Alain Vidalies.

... et dont la généralisation permett rait éventuellement la participation de droit, pour chaque époux, à l'accroissement de la richesse.


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D'autres idées mériteraient certainement d'être étudiées et soumises à une large concertation. Le groupe socialiste n'est pas favorable à une modification de plano du régime primaire du mariage.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Ce n'est pas une modification, monsieur Vidalies, c'est une adjonction !

M. Alain Vidalies.

En conséquence, il s'opposera à l'adoption de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Vous préférez le PACS ?

Mme la présidente.

La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les deux propositions de loi que nous examinons aujourd'hui dans le cadre de la niche parlementaire de nos collègues du RPR le prouvent une fois de plus : l'opposition a la volonté de ne laisser passer aucune occasion de proposer des solutions à des problèmes très concrets. Et, mon cher collègue Vidalies, ces solutions ne sont peut-être pas les vôtres, mais elles sont réfléchies, contrairement à ce que vous avez dit ! Qu'il s'agisse de la proposition de loi de notre collègue Jean-François Mattei relative à l'adoption internationale ou des propositions concernant l'épargne salariale, toutes ont tenté de répondre à de vraies questions, indépendamment d'une démarche politicienne, je le dis en toute conviction. Je ne suis pas certain que ce soit toujours le cas à cette tribune. Mais passons ! Le plus important, aujourd'hui, est bien de tenter de combler un vide juridique indéniable concernant l'organisation de la coopération professionnelle entre époux, ainsi que la protection du patrimoine des artisans. Car vide juridique il y a ! Comme l'a fort bien souligné Nicole Catala, et tout à l'heure encore Bernard Accoyer, en droit français, le code civil n'envisage absolument pas le cas où les époux participent à une même activité professionnelle.

La loi du 10 juillet 1982 a fait un premier pas vers une organisation professionnelle des conjoints en créant trois statuts : celui de conjoint-collaborateur, celui de conjoint-salarié et celui de conjoint-associé. Les droits et obligations professionnels et sociaux des conjoints en découlent. Mais, dans l'hypothèse où les époux n'auraient pas conclu une convention entre eux, organisant explicitement leur coopération professionnelle, l'un d'eux risque de se retrouver sans protection sociale, sans retraite ni dédommagement.

De même, en ce qui concerne le patrimoine des artisans et commerçants, le fait que patrimoine personnel et patrimoine de l'entreprise se confondent comporte indéniablement de gros risques pour le conjoint et la famille.

Nous recevons régulièrement, dans nos permanences, des personnes qui sont en très grande difficulté de ce fait.

C'est un élément qui, à lui seul, justifie ce texte. Ce risque est d'ailleurs consolidé par certaines pratiques bancaires qui consistent à exiger de manière quasi systématique la caution solidaire des épouses comme condition préalable à l'octroi d'un prêt. La boucle est bouclée. La conséquence directe de cette exigence est que l'ensemble du patrimoine de l'artisan devient saisissable, ce qui met en péril la situation matérielle de toute une famille en cas de défaillance de l'entrepreneur individuel.

Ces lacunes juridiques, outre le fait qu'elles peuvent avoir des conséquences dramatiques, sont incompréhen-s ibles compte tenu du nombre de conjoints qui participent à l'entreprise personnelle. Près de 65 % des conjoints de chefs d'entreprises commerciales ou artisanales participent à l'activité de l'entreprise familiale. Ils ne sont pas moins de 950 000 en France. Mais 6 % d'entre eux seulement ont opté pour l'un des trois statuts de la loi du 10 juillet 1982. C'est donc peu de dire que l'activité du conjoint du chef d'entreprise commerciale ou artisanale n'est pas encore suffisamment reconnue dans la conduite de l'affaire familiale. Elle continue de s'inscrire dans le cadre réducteur de l'entraide conjugale, exclusive de toute rémunération, de toute capacité sur la marche de l'entreprise et d'une couverture sociale personnelle.

Cet état de fait est d'autant plus injuste que la collaboration du conjoint représente toujours un apport positif.

Nous en avons tous de nombreux exemples. Le conjoint est une personne de confiance, aisément disponible pour exécuter des tâches diversifiées et accepter des horaires souples, ce qui est la plupart du temps nécessaire dans les petites entreprises, pour qui connaît l'artisanat. S'il en était besoin, les chiffres en apportent la meilleure preuve.

Les horaires des conjoints correspondent à un plein temps et 97 % d'entre eux travaillent plusieurs jours par semaine ou tous les jours. Par ailleurs, les conjoints travaillent rarement à l'extérieur : 15 % seulement des conjoints sans statut, 5 % des conjoints collaborateurs et 1 % des conjoints salariés exercent une autre activité.

Cela souligne encore leur rôle et la nécessité de voter des textes comme ceux qui nous sont aujourd'hui proposés.

Cette situation injuste et précaire doit être corrigée.

Or, depuis des années, reconnaissons-le, peu de choses concrètes ont été proposées pour y remédier. Le problème n'est pourtant pas nouveau. Déjà, en 1993, le Conseil économique et social attirait notre attention dessus. Le rapport Barthélémy, qu'il a adopté à une large majorité, préconisait en effet que soient prises des dispositions permettant à l'entrepreneur individuel d'affecter une part de son patrimoine nécessaire à l'exploitation de son entreprise. De plus, cette recommandation figurait déjà dans l'avis du 14 mars 1984, adopté sur le rapport de M. Jean Menu, sur « la maîtrise de la croissance des entreprises nouvellement créées ». On l'a vu, ce sont des centaines de milliers de personnes qui sont concernées. Il est donc nécessaire d'agir. Tel est l'objectif de ces deux propositions de loi ; cela doit être souligné et salué. Qu'il s'agisse de l'organisation de la coopération professionnelle entre époux ou de la protection du patrimoine des artisans, ces deux textes sont dans la droite ligne des préoccupations de ces personnes.

M. Jean-Paul Charié.

Très bien !

M. Nicolas Forissier.

En effet, en présumant un mandat entre les époux, le conjoint est directement associé à la bonne marche de l'entreprise, qu'il s'agisse des actes d'exploitation ou de jouissance. De même, proposer que les époux aient une vocation égalitaire aux bénéfices et sa contrepartie, la responsabilité solidaire des époux, c'est-àdire la responsabilité tout court, c'est tirer les conséquences qui s'imposent de la participation effective des deux époux à l'entreprise familiale, contrairement à ce que nous avons entendu tout à l'heure. Ces textes répondent donc à une logique parfaite.

Faire en sorte qu'une partie des rémunérations des entrepreneurs individuels soit insaisissable permettrait, de manière très simple, d'éviter de mettre en péril la situation matérielle de la famille et mettrait un terme à des situations dramatiques.

M. Bernard Accoyer.

C'est évident !


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M. Nicolas Forissier.

Le sujet devrait donc être particulièrement consensuel.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

La majorité fait preuve d'un acharnement sectaire !

M. Nicolas Forissier.

Je ne parviens donc pas à comprendre pourquoi la gauche plurielle a fait preuve de tant de mauvaise volonté lors de l'examen de ces propositions en commission des lois. Si j'ai bien compris, en substance, elle reconnaît le problème, mais il ne faut surtout pas brusquer les choses ! C'est trop tôt ! En outre, ce n'est pas un texte qui émane de la majorité plurielle,...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Eh oui !

M. Nicolas Forissier.

... ce qui est une curieuse conception de la démocratie parlementaire. Vous avez toutes les peines du monde, chers collègues de la majorité, à justifier ce matin votre fin de non-recevoir.

M. Jean-Paul Charié.

Très bien !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

Ils n'ont plus d'idées ; ils prennent les nôtres ! C'est le dénuement absolu !

M. Nicolas Forissier.

Votre attitude correspond d'ailleurs à celle du Gouvernement en ce qui concerne l'artisanat. Les artisans et les commerçants vous diront en effet qu'ils se sentent totalement ignorés par le Gouvernement, comme s'ils étaient transparents.

M. Jean-Paul Durieux.

C'est complètement faux !

M. Nicolas Forissier.

C'est vrai qu'ils ne brillent pas des mêmes paillettes que les entreprises de ce que l'on appelle la « nouvelle économie ». La croissance a certes permis de baisser la TVA à 5,5 % pour certains travaux de bâtiment, ce que je réclamais personnellement depuis des années, mais, à part cela, rien de significatif n'a été décidé concernant l'artisanat. Et pourtant, vous n'êtes pas sans savoir que ce secteur occupe une position très particulière dans l'économie française. Il est en effet transversal et concerne aussi bien l'industrie que le commerce, les services ou le bâtiment. L'artisanat représente plus de 2 millions d'entreprises, soit 35 % des entreprises de France. Il emploie près de 2 500 000 personnes et produit une valeur ajoutée de 370 milliards de francs. Il est donc légitime de dire que l'artisanat est la première entreprise de France.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Nicolas Forissier.

Malheureusement, et je tiens à le dire, quelle que soit la bonne volonté de Mme Marylise Lebranchu dans ce domaine, il n'existe pas en France de politique de l'artisanat. Si l'on y regarde bien, le budget qui lui est consacré ne cesse de diminuer et la simplification administrative c'est toujours l'Arlésienne puisque l'on s'en tient à des mesures plus cosmétiques que structurelles, sans compter les nouvelles complications créées en permanence dans la vie quotidienne des entreprises. Je pense en particulier aux modalités d'application de la bonne mesure de TVA à 5,5 %, qui sont insupportables pour le petit artisan de province. Les petites entreprises connaissent un climat permanent d'insécurité juridique et fiscale.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui ! Parce qu'elles ne savent pas qu'elles échappent à la réforme de la taxe professionnelle ! Elles sont flouées !

M. Nicolas Forissier.

Naturellement ! Enfin, puisque nous débattons de textes concernant les entreprises artisanales, je ne peux faire autrement qu'évoquer la mise en oeuvre des 35 heures,...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Eh oui ! M. Germain Gengenwin. Et voilà ! M. Daniel Paul. Cela manquait ! M. Nicolas Forissier. ... qui va se révéler désastreuse dans ce secteur. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune, mais je ne suis malheureusement pas certain que de telles choses soient toujours écoutées, ou en tout cas entendues, par certains ministres.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Ça glisse ! M. Nicolas Forissier. Une telle mesure est contraire à la réalité. Elle va à l'encontre des besoins des petites entreprises et de leurs salariés.

Il n'y a donc pas de véritable politique en faveur de l'artisanat. Certes, un grand battage médiatique autour des Etats généraux de la création d'entreprise a récemment été savamment orchestré. Il n'est cependant pas parvenu à masquer l'insuffisance des propositions du Gouvernement dans ce domaine.

Par ailleurs, le Gouvernement a aussi délibérément ignoré la question de la transmission d'entreprise.

M. Bernard Accoyer. C'est un vrai problème ! C'est dramatique ! M. Nicolas Forissier. C'est pourtant un problème essentiel, en effet ! De façon plus générale, il me paraît absolument nécessaire, en ce qui concerne l'artisanat et les petites entreprises, d'engager une réflexion globale sur l'environnement juridique et fiscal des entreprises, sur les questions d'apprentissage et de formation. En tout cas, l'opposition s'y attache dans la perspective de l'alternance, que je souhaite.

Finalement, si l'on y regarde de plus près, depuis la loi Raffarin de 1996,...

M. Jean-Paul Charié. Le rapporteur était très bon ! (Sourires.)

M. Nicolas Forissier. ... l'artisanat n'a fait l'objet d'aucune attention particulière de la part du Gouvernement.

M. Jean-Paul Charié. C'est vrai ! M. Nicolas Forissier. Vous vous contentez de vous réapproprier certaines dispositions comme la création du fonds de promotion du commerce et de l'artisanat, qui, je le rappelle, ne vient pas du gouvernement actuel, mais avait été proposée et étudiée par Jean-Pierre Raffarin, ministre des entreprises sous la précédente majorité.

Avec ces deux propositions de loi, fussent-elles proposées par des élus de l'opposition - n'est-ce pas ça la démocratie, l'esprit républicain ? -, nous avions l'occasion d'adresser un signe fort au monde de l'artisanat, d'encourager ces artisans qui constituent la première entreprise de France.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Très bien ! M. Nicolas Forissier. Apparemment, cela ne vous semble pas utile. C'est donc à nouveau un rendez-vous manqué que nous avons ce matin. A moins, madame la ministre, que, avec panache - pourquoi pas ? - dans un esprit républicain, vous ne repreniez ces propositions.

Malheureusement, à en juger par votre attitude, j'en doute.

Ces deux propositions constructives répondent à une réalité quotidienne pour des milliers de Françaises et de Français. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale


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leur apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au nom des députés du Mouvement des citoyens, je tiens à apporter mon soutien aux objectifs poursuivis par la proposition de loi présentée par

Mme Nicole Catala.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Un premier pas avait été franchi en 1982 lorsque M. André Delélis avait fait voter la loi du 10 juillet modifiant le code de commerce afin de mieux protéger les intérêts des conjoints auxquels était reconnue la faculté d'être soit collaborateur, soit salarié, soit associé d'une entreprise artisanale ou commerciale.

Mais seuls étaient concernés les époux qui avaient organisé juridiquement leur coopération. Or il est temps que les conjoints qui participent pleinement sans statut juridique déterminé à l'expansion des entreprises, et en particulier des PME ou des professions libérales, puissent bénéficier d'une protection afin que soient évitées dess ituations dramatiques pour de nombreuses épouses d'entrepreneurs individuels, une fois la situation du ménage modifiée.

On peut, madame Catala, déplorer que votre proposition n'ait pas de portée générale puisqu'elle laisse aux époux la faculté d'ordonner explicitement leurs rapports professionnels. Aussi faut-il absolument, si ce texte est adopté, que l'information soit la plus complète et la plus large possible, afin que les conjoints puissent choisir en toute connaissance de cause, ce qui implique qu'ils sachent que quelque chose a changé dans notre droit.

V otre proposition est complétée par celle de MM. Accoyer, Martin et Debré. Là encore, le principe est louable : il s'agit de préserver les conjoints de chefs d'entreprises artisanales ou commerciales des exigences exorbitantes des établissements de crédit qui, en exigeant une caution solidaire du conjoint, mettent potentiellement en difficulté non seulement le chef d'entreprise luimême, mais l'ensemble de la famille, en cas de difficulté.

Laisser aux entrepreneurs individuels, comme aux salariés, une quotité disponible est une bonne idée ; augmenter la valeur du bien de famille insaisissable aussi, car nous vivons sur une législation quasi centenaire qui correspondait à la dominante agricole de la société d'alors, et qui se trouve aujourd'hui dépassée.

Fallait-il aller plus loin ? Oui, et en l'occurrence, il ne fallait pas écarter, comme vous l'avez fait, l'idée d'interdire aux banques d'exiger une caution solidaire du conjoint, du moins dans le cas où les époux ne se sont pas donné mandat réciproque, au sens de la proposition de Mme Catala.

Quant à prétendre qu'interdire le cautionnement solidaire aurait pour effet de raréfier le crédit aux PME, c'est un raisonnement typiquement « archaïque libéral » qui repose sur le postulat que les banques jouent leur rôle à plein lorsqu'elles disposent d'un environnement réglementaire aussi souple que possible.

Or, en France, la réalité est autre. Les banques prêtent peu aux PME, sauf à celles qui sont positionnées sur des créneaux spéculatifs comme l'immobilier hier, la net économie aujourd'hui, tout simplement parce que les profits à réaliser y sont supposés supérieurs et plus rapides. Dans l'optique actuelle des marchés financiers, la prise de risque doit être minimale, et l'économie virtuelle est toujours préférée au développement productif et à l'emploi.

C'est pourquoi il fallait avoir la volonté d'interdire la pratique abusive du cautionnement solidaire, qui est un frein à la création d'entreprise et une preuve du malthusianisme des établissements de crédit.

M. Jean-Paul Charié.

Très bien !

M. Yves Bur.

Tout à fait !

M. Georges Sarre.

Cela dit, il existe une erreur technique dans l'un des deux textes, puisque le code du travail auquel se rattache l'article 1er de la proposition de nos collègues Accoyer, Debré et Martin ne s'applique pas aux entrepreneurs individuels pour eux-mêmes et leur conjoint.

Madame la ministre, je souhaite que le Gouvernement se saisisse de ces dossiers, car ces deux propositions jumelées ne seront vraisemblablement pas retenues. Or les députés du Mouvement des citoyens souhaitent que ces sujets soient considérés comme des priorités du calendrier parlementaire à venir.

Le projet de loi à proposer devrait faire l'objet d'une très large concertation avec les organisations professionnelles du secteur du commerce et de l'artisanat de façon que ces sujets soient favorablement résolus au cours de la prochaine session parlementaire.

Mme Hélène Mignon.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le débat que nous avons engagé concerne très directement la vie professionnelle et privée de centaines de milliers d'artisans et de commerçants qui sont les premiers employeurs de notre pays.

Pour tous les spécialistes comme pour tous les responsables politiques, ce secteur de notre économie représente toujours un important gisement d'emplois. Aussi les pouvoirs publics doivent-ils prendre conscience que ces professionnels méritent plus de considération. Plutôt que de leur imposer la réduction du temps de travail dans les mêmes conditions qu'aux grandes entreprises, il convient d'être davantage attentif aux besoins relevant souvent du simple bon sens qu'expriment leurs organisations professionnelles.

Ces besoins dont nous discutons ce matin, concernant le patrimoine des artisans et des commerçants, mais également la coopération entre époux, font partie de ces questions récurrentes, qui n'ont pas trouvé de réponse. Or les satisfaire contribuerait de manière certaine à renforcer la confiance de ces professionnels indépendants et leur permettrait de développer mieux encore leurs activités. Aussi, je tiens à remercier nos collègues Nicole Catala et Bernard Accoyer d'avoir permis par leurs propositions de loi de pouvoir en débattre et peut-être d'avancer enfin, malgré la forte réticence de la majorité à aller jusqu'au bout d'une démarche constructive.

Pour les entreprises artisanales ou commerciales, les difficultés liées aux conditions d'accès au crédit ne datent pas d'aujourd'hui. M. Jean Menu abordait déjà le sujet dans un rapport présenté en 1981 sur « la maîtrise de la croissance des entreprises nouvellement créées ». En 1993, des propositions allant dans le sens des attentes encore actuelles de l'UPA et recommandant entre autres des disp ositions pour permettre à l'entrepreneur individuel


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d'affecter une partie de son patrimoine nécessaire à l'exploitation de son entreprise, ont été présentées dans le rapport Barthélémy au Conseil économique et social.

Malgré ces propositions très argumentées, malgré de nombreuses interpellations par des collègues parlementaires, les gouvernements successifs n'ont pas redéfini l'organisation juridique de l'entreprise individuelle et, aujourd'hui encore, les difficultés d'accès au crédit de ces entrepreneurs sont réelles. Nous avons tous des exemples en tête et ceux d'entre nous qui ont développé leur propre entreprise ont dû les affronter personnellement.

Que cela soit au moment de la création de leur entreprise ou pour engager une nouvelle phase de leur développement, les établissements bancaires sont toujours à la hauteur de leur réputation de prudence et de frilosité pour accompagner des entrepreneurs pourtant dynamiques. Ils exigent de ces derniers des garanties absolues.

En effet, la pratique du cautionnement solidaire du conjoint exigé par les banques est devenue la règle. Plus un emprunt n'est aujourd'hui accordé sans que la banque ne demande au conjoint la signature d'une caution solidaire qui sera mise en oeuvre à la première défaillance de l'emprunteur, mettant ainsi en péril l'équilibre financier de la famille tout entière.

C'est en effet l'ensemble du patrimoine familial qui devient alors saisissable. Cette situation concerne également, cela a déjà été évoqué, les petites entreprises comme les SARL ou les sociétés civiles professionnelles, pour lesquelles les banques exigent les mêmes engagements de la part du dirigeant ou de son conjoint. A défaut de céder aux exigences des banques, le crédit demandé pourra être refusé. Dès lors, comment s'étonner de l'absence d'initiative dans notre pays ? Comment ne pas comprendre le sentiment d'abandon qu'éprouvent les commerçants et les artisans désireux d'entreprendre ? La semaine dernière encore, j'ai eu connaissance d'un refus de prêt de 400 000 francs nécessaire pour une association dans une société civile professionnelle économiquement saine et ne présentant aucun risque prévisible, au motif que la future associée vivant en concubinage ne pouvait présenter des garanties suffisantes en dehors de la caution solidaire.

La pratique du cautionnement solidaire par le conjoint détourne la protection apportée par les régimes matrimoniaux de séparation de biens. En cas de dissolution des liens d'un mariage contracté sous le régime de la communauté, le conjoint bénéficie certes de la moitié de la valeur de l'entreprise, mais le cautionnement solidaire lui fait supporter, en cas de difficultés de l'entreprise, l'intégralité des dettes pour le bien garanti. Cette situation d'injustice ne peut plus durer quand on connaît le désarroi des familles confrontées aux difficultés de l'entreprise familiale.

Il est donc temps d'apporter des réponses permettant de mettre fin à ces pratiques qui peuvent conduire des familles au désespoir et qui freinent la dynamique de ces entreprises. Ce serait un signal pour les entrepreneurs individuels, un encouragement pour qu'ils exploitent tout le potentiel de développement de leurs entreprises artisanales et commerciales, d'autant qu'ils sont déjà suffisamment freinés par la complexité et les lourdeurs administratives.

La proposition de loi de Bernard Accoyer - mon collègue Gengenwin abordera celle de Nicole Catala tout à l'heure - contient deux dispositions intéressantes pour mieux protéger le patrimoine des artisans et des commerçants. La première vise à étendre aux revenus de l'entrepreneur individuel le principe d'insaisissabilité partielle prévu dans le code du travail relatif à la saisie des rémunérations des salariés et fondé sur la nécessité de préserver la fonction alimentaire de celles-ci.

Ce premier dispositif est complété par une modification de la valeur du bien de famille insaisissable, dont le régime a été fixé par la loi du 12 juillet 1909, qui serait porté à 800 000 francs, ce qui serait plus conforme aux données économiques actuelles.

Même si ces dispositions doivent être affinées, elles ont le mérite d'ouvrir le débat et de traiter cette question de manière concrète, la patience des entrepreneurs qui y sont confrontés régulièrement ayant déjà été largement abus ée.

Mais il faut aller au-delà et reprendre les conclusions du rapport Barthélémy pour redéfinir le cadre juridique de l'entreprise individuelle. En effet, la confusion des biens affectés à l'activité professionnelle et ceux constituant le patrimoine personnel, résultant de l'absence de personnalité morale dans le cadre de l'entreprise individuelle, n'est plus acceptable en l'état. Le régime de la responsabilité des travailleurs indépendants leur est donc toujours très défavorable et, en cas de défaillance, c'est l'ensemble du patrimoine qui se trouve concerné dans la procédure de liquidation.

Si nous considérons toujours que l'entreprise individuelle est nécessaire et indispensable pour notre pays, car elle permet la répartition des emplois sur l'ensemble du territoire, nous ne pouvons plus nous contenter de belles paroles. Il est temps de passer aux actes.

Comme le souhaitent les organisations professionnelles, il appartient au Gouvernement, qui nous annonce de nouvelles règles économiques, d'engager la mise en oeuvre des dispositions du rapport Barthélémy permettant à l'entrepreneur d'affecter et d'isoler une part de son patrimoine nécessaire à l'exploitation de son entreprise. Cette séparation permettrait ainsi de limiter la responsabilité de l'artisan ou du commerçant à concurrence de son apport et préserverait son patrimoine privé.

Un tel dispositif serait un progrès appréciable pour les travailleurs indépendants, mais ne réglerait pas pour autant les questions liées à leurs relations avec les banques. Il ne saurait naturellement être question d'interdire aux établissements de crédit le recours à la caution solidaire du conjoint, qu'il s'agisse d'entrepreneurs individuels ou de société de type EURL ou SARL, car cela aurait pour conséquence fâcheuse de restreindre ou de renchérir le coût du crédit.

Cependant, en étendant aux artisans et aux commerçants les garanties dont bénéficient les salariés et les fonctionnaires leur permettant de conserver une partie de leurs rémunérations rendues insaisissables, nous instaurerions un autre équilibre dans la relation entrepreneur individuel banque qui, jusqu'à présent, était toujours déséquilibrée au profit de la banque ; celle-ci, à leur égard, se comportant trop souvent comme un simple prêteur sur gages et non comme un entrepreneur partenaire.

Ce nouvel équilibre pourrait être complété par un recours plus systématique aux dispositifs de cautionnement mutuel, ce qui permettrait aux emprunteurs de ne plus exposer leur patrimoine privé pour créer une entreprise artisanale ou pour la développer. Nous attendons, madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, que les réflexions annoncées lors des assises de la création d'entreprise aboutissent rapidement. La caution accordée par des organismes comme les SOCAMA, sociétés de caution mutuelle artisanale, ou SOFARIS doivent être accessibles à l'ensemble des petites entreprises


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de type familial pour se substituer à la garantie hypothécaire, notamment sur la résidence principale, ou à la caution solidaire du conjoint.

Nous savons tous que la création d'entreprise se situe en France à un niveau nettement inférieur par rapport à d'autres pays.

Cette situation ne changera sérieusement que si nouss ommes capables de développer l'esprit d'entreprise, notamment parmi les jeunes, mais aussi en assurant les créateurs d'entreprise qu'il ne leur sera pas demandé de sacrifier, en plus de leur peine et de leur temps, leur patrimoine et celui de leur famille, pour s'engager dans l'aventure de l'entreprise. Plutôt que d'attendre le grand débat qui remettra tout à plat, nous devons impérativement apporter régulièrement et de façon plus réactive les améliorations nécessaires aux exigences de l'environnement économique. Ce débat touchant au cadre juridique de la petite entreprise artisanale et commerciale nous en donne l'occasion dès aujourd'hui.

En permettant à nos artisans et à nos commerçants, mais aussi à leurs familles, d'être mieux armés contre les aléas inhérents à la vie des entreprises, nous leur donnons un signe fort et attendu depuis bien longtemps qui sera bénéfique à l'activité économique et à l'emploi sur l'ensemble du territoire. Il s'agit là de reconnaître leur travail et de leur permettre d'obtenir la récompense de leurs efforts. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, mes chers collègues, nos collègues du groupe RPR évoquent, aujourd'hui, deux problèmes majeurs qui méritent d'être pris au sérieux.

M. Bernard Accoyer.

Jusque-là, on est d'accord !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Cela commence bien !

M. Daniel Paul.

Cela ne va pas durer chers collègues, rassurez-vous ! (Sourires.)

Nous affirmons comme eux la légitimité d'une protection accrue du patrimoine des artisans et commerçants, tout comme la nécessité urgente de voir toutes les femmes exerçant une activité dans l'entreprise familiale accéder effectivement à un véritable statut professionnel et social.

Mais nous sommes des plus réservés sur les solutions proposées.

M. Yves Bur.

Ça se gâte !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Ça avait bien commencé !

M. Daniel Paul.

Si les textes actuellement en vigueur peuvent certainement être améliorés, la question du statut d u conjoint des professions libérales mériterait par exemple d'être prise en compte dans sa spécificité...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est ce qui est proposé !

M. Daniel Paul.

Le fait que la grande majorité des conjoints de travailleurs indépendants ne choisissent aujourd'hui aucun des statuts actuellement existants est une situation préoccupante.

Mais convient-il pour autant de considérer que des mesures qui ont du mal à rentrer dans la vie seraient par nature mauvaises ou définitivement inadaptées ? De nombreuses questions ont été posées notamment lors de l'examen du texte en commission sur les causes de la situation avancées par nos collègues pour justifier la nécessité de légiférer.

La faible proportion de commerçants ou d'artisans choisissant par exemple le régime juridique de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée est-elle liée aux limites mêmes de ce statut quant à la prise en compte du conjoint ? Cette réalité ne renvoie-t-elle pas plus fondamentalement à un déficit d'information, voire de formation, et donc à la nécessité d'un effort particulier en ce domaine ? L'accompagnement du chef d'entreprise ne doit-il pas intégrer beaucoup plus le volet des droits ? Autant d'interrogations qui méritent que le débat s'approfondisse dans la plus large concertation avec les professions afin que des mesures efficaces soient effectivement prises, et cela dans les meilleurs délais.

La situation de ces chefs d'entreprise et de ces milliers de femmes se retrouvant brusquement dans la détresse, en quelque sorte par imprévoyance, ne saurait laisser la collectivité indifférente.

Si le Gouvernement par la voix de sa secrétaire d'Etat au commerce et à l'artisanat a avancé un certain nombre de pistes pour la réflexion et pour l'action, nous souhaitons que le dossier soit réellement pris en compte.

Le secteur du commerce et de l'artisanat mérite en effet toute notre considération ; il participe de manière irremplaçable à la satisfaction des besoins de la population tout comme à l'aménagement du territoire, et il constitue, avec ces 800 000 entreprises, un réel gisement d'emplois.

Il y a en particulier encore beaucoup à faire pour que la création de son entreprise par un salarié ou un chôm eur ne soit plus ressentie comme un parcours d'obstacles vécu dans la solitude.

A l'inverse des partisans de l'ultra-libéralisme, nous n'opposons pas la liberté d'initiative, au demeurant indispensable, aux garanties individuelles et collectives que peuvent légitimement revendiquer, au même titre que tous nos concitoyens, les artisans et les commerçants.

M. Bernard Accoyer.

Alors, votez notre proposition !

M. Daniel Paul.

C'est dire la nécessité d'améliorer la mutualisation des risques au plan économique comme au plan social.

Le risque n'a certainement pas vocation à disparaître : n'est-il pas la contrepartie de la liberté d'initiative ? Mais le fait qu'il y ait sanction possible du marché renforce la nécessité de promouvoir un cadre favorable à la création et au développement de la petite entreprise, tout comme d'agir pour que ceux qui s'engagent dans une aventure, dont la collectivité reconnaît la légitimité, puissent continuer à construire leur avenir et à apporter leur contribution à la société, y compris en cas d'échec de leur projet.

Par définition dans une situation de subordination, les salariés sont les premiers soumis aux aléas économiques et aux risques de chômage. Ils méritent à ce titre une protection particulière, mais c'est la société tout entière qui, pour progresser, doit pouvoir dépasser la régulation des à-coups de l'activité économique par le chômage.

Un véritable plein emploi mériterait d'être fondé sur la sécurité de l'emploi et de la formation pour tous. Nous sommes favorables à un parcours de formation tout au


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long de la vie, à condition que l'on soit débarrassé de cette précarité aujourd'hui source de tant de gâchis et de souffrances humaines.

Le droit, conquis de haute lutte, à bénéficier d'une protection face à la maladie et d'une retraite à l'issue de la vie professionnelle a largement contribué au développement économique de notre pays au cours des dernières décennies. Cela souligne la portée que ne manquerait pas d'avoir une sécurité sociale au plein sens du terme, étendue à ce premier aléa de la vie que constitue le chômage.

Si nous sommes favorables à des droits sociaux étendus pour les artisans et commerçants, la solution proposée, c'est-à-dire la transposition pure et simple des articles du code du travail relatifs à la saisie des rémunérations, ne nous semble ni pertinente ni même sans doute possible en pratique.

Nous dénonçons, comme nos collègues, l'attitude des banques et le conditionnement systématique de l'octroi de prêts à un cautionnement solidaire, mais revisiter cette vieille loi de 1909 sur les biens de famille, tombée depuis si longtemps en désuétude qu'elle demeure marquée de l'empreinte de cette époque fort heureusement révolue où les femmes étaient estimées juridiquement incapables, ne nous semble vraiment pas la meilleure formule.

M. Jean-Paul Charié.

Pourquoi ?

M. Daniel Paul.

Rendre insaisissable le bien de famille à hauteur de 800 000 francs ne risque-t-il pas, d'ailleurs, d'avoir le même effet négatif sur l'accès au crédit qu'une interdiction pure et simple de la pratique du cautionnement solidaire du conjoint de l'entrepreneur individuel ?

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Que proposez-vous ?

M. Daniel Paul.

C'est la relation entre le secteur bancaire et l'ensemble des PME, en particulier les très petites entreprises, qu'elles aient ou non un caractère familial, qui doit être changée.

Cette situation ne doit rien au hasard. La montée en puissance des marchés financiers dans le financement de l'économie s'est traduite par un recul du crédit bancaire, une sélectivité accrue des prêts, des exigences de retour sur investissement incompatibles avec le développement de l'emploi si ce n'est avec les réalités mêmes de nombre de secteurs économiques.

S'il existe des outils de financement spécifiques et des dispositifs permettant une certaine mutualisation du risque lié au crédit, comme la garantie SOFARIS, c'est de manière vraiment trop subsidiaire. Les PME-PMI, et c'est particulièrement vrai des très petites entreprises, rencontrent ainsi, plus que jamais, des difficultés à accéder au crédit dont elles ont besoin.

C'est pourquoi nous proposons de mobiliser le pôle financier public non pour pallier les lacunes d'un secteur bancaire subordonné aux marchés financiers et à leur exigence de rentabilité financière, mais pour impulser les coopérations nécessaires permettant la montée en puissance de financements alternatifs pour l'investissement réel et l'emploi. L'action, au demeurant positive, de la Banque de développement des PME mériterait ainsi d'être portée à une tout autre échelle. Cette relance sélective du crédit, fondée sur l'octroi de prêts à des taux d'autant plus abaissés qu'ils financeraient des projets développant l'emploi et les mises en formation, pourrait être amorcée par une réorientation d'une partie des aides publiques à l'emploi et trouverait son plein développement dans un refinancement par la politique monétaire.

Si l'interdiction de la saisie du domicile principal doit rapidement devenir effective, il faut, dans la perspective de ce nouveau crédit pour l'emploi, améliorer la mutualisation du risque en y associant largement les professions concernées.

Nous sommes aussi peu convaincus par le nouveau statut de coopération professionnelle entre époux défendu par nos collègues. Il est, en effet, paradoxal d'affirmer le principe d'un statut juridique organisant cette coopération professionnelle, alors que ces dispositions ne s'appliqueraient que par défaut, dans les seuls cas où les partenaires directement concernés n'auraient rien dit du contenu qu'ils souhaitent justement donner à cette coopération.

M. Alain Vidalies.

Très bien !

M. Daniel Paul.

De plus, comme on l'a fort bien montré en commission, ce texte n'est pas sans générer de nouvelles difficultés juridiques. Le caractère insatisfaisant de la réponse proposée est d'autant plus patent que les dispositions de la proposition de loi s'avèrent largement en retrait par rapport aux formes d'organisation juridique mises en place par la loi de 1982.

Rappelant son attachement à voir le Gouvernement prendre des initiatives à la hauteur des questions posées car elles sont réelles - et réaffirmant son souci de voir la représentation nationale, dans la diversité de ses composantes, pleinement informée et associée à cette action, le groupe communiste, en cohérence avec l'appréciation que je viens de porter, émettra un vote négatif sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que mon collègue Bernard Accoyer et moi-même avons déposée, ainsi que celle de Mme Nicole Catala, répondent incontestablement à une attente.

L'attente de tous les commerçants et artisans de ce pays, qui sont des maillons indispensables de la revitalisation des zones rurales...

M. Jean-Paul Charié.

Très bien !

M. Philippe Martin.

... et qui jouent notamment un rôle essentiel dans le domaine de l'emploi.

L'attente de tous ceux qui, entrepreneurs individuels, sont fréquemment confrontés, dans le cadre de leur activité professionnelle, à des difficultés administratives et financières. Pour cette raison, ils ont très souvent recours à l'emprunt afin d'assurer la continuité de leur entreprise.

Madame la secrétaire d'Etat, le monde artisanal est très attaché à son organisation de type familial. Les formules de société à responsabilité limitée - SARL, EURL - y sont rares. Or, aujourd'hui, plus un emprunt n'est accordé sans que la banque demande au conjoint la signature d'une caution solidaire, qui sera bien évidemment mise en oeuvre à la première défaillance de l'emprunteur. Les conséquences peuvent être très graves ; l'équilibre financier de toute une famille risque d'être mis en péril et c'est même l'ensemble du patrimoine familial qui peut être saisi par les créanciers. Cette pratique bancaire crée donc des situations de désarroi pour ceux qui ont voulu se battre et sauver leur entreprise.

De surcroît, et ce n'est pas Mme Catala qui me d émentira, la pratique du cautionnement solidaire accordé par le conjoint revient à détourner la protection


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apportée par les régimes matrimoniaux de séparation de biens. En cas de mariage sous le régime de la communauté, à la dissolution des liens du mariage, le conjoint bénéficie de la moitié de l'entreprise, mais le cautionnement solidaire lui fait supporter l'intégralité des dettes pour le bien garanti.

La persistance de cette pratique se révèle donc totalement discriminatoire envers les entreprises artisanales à caractère familial. D'autant qu'elles doivent affronter sans cesse de multiples nouvelles contraintes, la dernière et non la moindre étant la mise en oeuvre des 35 heures obligatoires.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Philippe Martin.

Plusieurs d'entre nous vous ont déjà interpellée, madame la secrétaire d'Etat, sur ce dossier récurrent. Moi-même, je vous ai interrogée à l'occasion d'une question d'actualité, le 20 octobre dernier.

Vous avez répondu que les concertations étaient en cours et qu'une solution serait rapidement apportée. Depuis lors, vous vous êtes exprimée à plusieurs reprises dans le même sens, par exemple devant la Délégation au droit des femmes. Qu'attend donc le Gouvernement ? Nous sommes fin mai, et il faut que ce problème soit abordé par notre assemblée à l'initiative de l'opposition pour que vous vous préoccupiez enfin vraiment du cautionnement du conjoint artisan. Mais votre intérêt, ainsi que celui de votre majorité, est tout relatif puisque vous ne souhaitez pas examiner les deux propositions de loi que nous avons déposées. Je m'interroge donc sur le peu de cas que vous faites de la procédure d'initiative parlementaire, qui est largement vidée de sa substance dès qu'il s'agit de discuter de textes présentés par l'opposition.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Philippe Martin.

Notre collègue socialiste Alain Vidalies a indiqué en commission des lois que le Gouvernement déposerait un amendement au projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques...

M. Bernard Accoyer.

Parlons-en !

M. Philippe Martin.

... visant à limiter la saisie du patrimoine des commerçants et artisans. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, le Gouvernement parle beaucoup mais n'agit pas.

M. Bernard Accoyer.

Exactement !

M. Philippe Martin.

Dois-je vous rappeler que le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques a déjà été examiné par l'Assemblée en première lecture et que le Sénat, au plus tôt, ne pourra l'examiner qu'à l'automne, compte tenu du calendrier parlementaire ?

M. Jean-Paul Charié.

Scandaleux !

M. Philippe Martin.

En réalité, vous refusez d'apporter une réponse aux problèmes concrets que rencontrent les commerçants et les artisans.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Eh oui !

M. Philippe Martin.

En renvoyant la solution de leurs problèmes à des projets de loi à venir ou en cours d'examen, vous ne faites que prendre un prétexte pour dissimuler l'inaction du Gouvernement.

M. Alain Vidalies.

Qu'avez-vous fait pendant quatre ans ?

M. Philippe Martin.

Il n'est plus acceptable qu'à la m oindre défaillance de l'entrepreneur individuel, l'ensemble de ses revenus et de son patrimoine, y compris la part qui n'est pas affectée à l'activité professionnelle, devienne saisissable.

Il y a actuellement près de 800 000 personnes physiques ou morales inscrites au répertoire des métiers au titre de leur activité principale ou secondaire. D'après des chiffres récents, les défaillances et les problèmes rencontrés ont représenté un quart des cessations d'activité et, en moyenne, une défaillance a entraîné la suppression de trois emplois.

Il est vrai que l'on ne peut concrètement interdire aux établissements bancaires d'exiger le cautionnement solidaire du conjoint de l'entrepreneur individuel : cela ne ferait que raréfier encore l'offre de crédit.

Nous proposons donc d'instituer, à l'instar de ce qui existe pour les salariés en matière de saisie des rémunérations, une sorte de minimum vital au bénéfice de l'entrepreneur individuel.

Nous proposons également de préserver le patrimoine privé de l'entrepreneur en cas de difficultés d'exploitation.

Il ne s'agit pas nécessairement de pérenniser l'affaire ou d'en garantir la transmission de père en fils, mais nous souhaitons que l'artisan, qui est aussi chef de famille, ne se retrouve pas sans aucun revenu, démuni de la totalité de ses biens propres.

Ces deux mesures relèvent de l'équité, tant pour le chef d'entreprise que pour le salarié. C'est la garantie d'un minimum vital, condition indispensable du respect de la dignité.

La mesure visée à l'article 1er a pour but de ne plus enfermer l'entrepreneur individuel dans une sorte de spirale conduisant à la faillite - ce qui est bien souvent le cas lorsque la totalité de son solde créditeur est saisi puisqu'il ne peut plus effectuer de paiement. Cette proposition, améliorée par l'amendement du rapporteur, Thierry Mariani, aurait le mérite d'assurer à l'entrepreneur individuel un revenu décent tout en lui permettant de faire face aux échéances fiscales, sociales et professionnelles.

Elle aurait surtout le mérite de lui permettre de poursuivre son activité et de lui éviter la faillite et le chômage, sujet soi-disant cher au Gouvernement.

Quant à la préservation du patrimoine privé en cas de difficultés d'exploitation, cette question visée à l'article 2 n'a jusqu'à présent été traitée que partiellement dans la législation, avec notamment la loi de juillet 1985 sur l'EURL - qui n'a d'ailleurs pas rencontré un grand succès - et par la loi Madelin de février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

L a mesure que nous proposons permettrait, par exemple, de protéger le logement familial si l'entrepreneur individuel rencontre des difficultés dans l'exploitation de son entreprise, et serait renforcée par la proposition du rapporteur tendant à instituer une séparation entre les patrimoines professionnel et personnel tout en permettant à l'entrepreneur individuel d'affecter une part de son patrimoine à l'exploitation de l'entreprise. Ce dispositif protégerait efficacement, me semble-t-il, une partie au moins du patrimoine des commerçants et des artisans, les rendant par là même moins vulnérables.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les entrepreneurs individuels, artisans et commerçants sont les premiers employeurs du pays et constituent donc des maillons essentiels de la revitalisation des zones rurales, de l'aménagement du territoire et de la lutte pour l'emploi.

M oi-même élu d'une circonscription essentiellement


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rurale, je mesure chaque jour l'importance de leur rôle dans la dynamique de l'économie locale. Par l'adoption de ces deux propositions de loi, celle de M. Accoyer et de moi-même ainsi que celle de Mme Catala, notre assemblée montrera son profond attachement à l'identité professionnelle des commerçants et artisans, et renforcera leur rôle prépondérant dans le tissu économique et social français. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les deux propositions de loi soumises aujourd'hui à l'Assemblée touchent au plus près à certaines difficultés rencontrées dans leur vie professionnelle par les artisans, les commerçants et les membres des professions libérales, ainsi qu'à celles de leurs conjoints, avec des répercussions sur les vies familiales et personnelles.

Ces dernières années, des dispositions particulières sont venues préciser la situation des conjoints pour certaines catégories d'entre eux.

Il en est ainsi pour les époux d'exploitants agricoles, dont le statut est régi par le code rural. Celui-ci prévoit que lorsque les époux exploitent ensemble et pour leur compte un même fonds agricole, ils sont présumés s'être donné réciproquement mandat d'accomplir les actes d'administration concernant les besoins de l'exploitation. En outre, lorsque l'un des époux apporte simplement sa collaboration à l'autre, l'exploitant est présumé avoir donné à son conjoint mandat de passer tous les actes d'administration concernant les biens de l'exploitation.

Il en est également ainsi pour les conjoints d'artisans et de commerçants, dont le statut, régi par la loi de juill et 1982, donne aux conjoints, essentiellement des femmes, le choix entre trois statuts professionnels : salarié, collaborateur ou associé. Cette loi apporte une reconnaissance à une activité bien souvent familiale, en accordant des droits au regard de la société et surtout des droits sociaux.

Pourtant, tout n'est pas résolu.

Lors de mes rencontres avec les responsables des femmes d'artisans et de commerçants, celles-ci ont admis qu'un certain nombre de conjointes, mais aussi de conjoints, méconnaissent toutes les possibilités et les mécanismes de la loi de 1982 et continuent à rencontrer des difficultés dans l'exercice de leur activité professionnelle.

En fait, 30 à 40 % des femmes d'artisans sont en dehors de chacun des trois statuts possibles. Or, malheureusement, la nécessité d'un statut se révèle en particulier dans les situations dramatiques, la femme devant prouver, après le décès de son mari ou un divorce, par exemple, qu'elle a travaillé dans l'entreprise.

Certains de ces statuts - je pense plus particulièrement à celui de conjoint salarié - sont rejetés d'emblée par les p rofessionnels, quelquefois sur l'avis des expertscomptables, m'ont dit certains, dans la mesure où ils entraîneraient une trop lourde charge financière pour une petite entreprise en création. On peut néanmoins se demander si ce n'est pas là une vision à court terme.

Le choix d'un statut relève plus souvent d'une décision du couple au regard des intérêts et des possibilités de l'entreprise que d'une décision du seul conjoint. Il reste que le chef d'entreprise homme estime fréquemment être le seul responsable, et le travail de la femme est alors considéré comme un appui de l'épouse à son mari, même si, chez les jeunes, nous constatons une évolution.

Les conjointes d'artisans et de commerçants mettent en évidence le manque d'information. Elles souhaiteraient bénéficier d'une information explicite et systématique sur les différentes formes de statuts au moment de la création de l'entreprise, par exemple lors de l'inscription au répertoire du commerce ou au registre des métiers. Il leur semble plus facile, à ce moment précis, de faire connaître les droits qui peuvent être les leurs et d'en discuter au sein de la famille. Cette mesure pourrait faire partie de l'accompagnement du créateur d'entreprise.

E nsuite, régulièrement, une information complète pourrait être diffusée à ce sujet, même si cela se fait déjà dans le cadre de certains organismes. Un grand nombre de femmes - il faut le savoir - rejoignent en effet l'entreprise familiale déjà existante, à l'occasion de la naissance d'un enfant, abandonnant alors leur vie professionnelle propre. Elles espèrent pouvoir concilier vie professionnelle dans l'entreprise et vie familiale, et invoquent la sécurité et la qualité de vie procurées par une activité indépendante exercée dans le cadre familial. Cela se vérifie plus souvent, à l'expérience, pour les conjointes d'artisans que pour celles de commerçants, beaucoup plus astreintes à des horaires incompressibles de comptoir ou de caisse.

Les conjointes du secteur libéral ne semblaient pas jusqu'à présent concernées par ce problème de statut. Traditionnellement, il est vrai, elles avaient un statut social conféré par le mariage : femme de médecin, femme de notaire.

D'ailleurs, lorsqu'on évoque les travailleurs indépendants, on ne cite souvent que les industriels, les commerçants, les artisans et les agriculteurs. Les conjoints de prof essionnels libéraux ont longtemps été marginalisés, écartés des mesures prises successivement ces dernières années en faveur des conjoints des autres secteurs. Pourtant, ils rencontrent les mêmes problèmes et doivent eux aussi faire face à l'évolution de la société. Je pense en particulier aux séparations et aux divorces.

J'ai rencontré récemment une association de conjointes de médecins : elles voudraient que soit reconnu le travail qu'elles accomplissent. En effet, en assurant souvent la gestion du cabinet, en accueillant la clientèle, en répondant au téléphone, elles exercent en pratique une véritable activité professionnelle. Et si l'une de leurs principales préoccupations est de pouvoir bénéficier d'une retraite de base décente et de pouvoir adhérer, dans de bonnes conditions, à un régime de retraite complémentaire, elles demandent également à pouvoir suivre des formations à partir des mêmes financements que ceux accordés aux formations de conjoints d'artisans et de commerçants.

La collaboration du conjoint est, on le constate, une question d'actualité. Il faut donc trouver un statut satisfaisant pour tous et leur donner des droits sociaux clairs.

C'est dans ce contexte que deux propositions de loi sont soumises à notre examen. La première, celle de M. Accoyer, essaie de répondre aux problèmes posés par la caution solidaire, qui revient de façon récurrente dans les demandes des artisans et commerçants ; c'est même l'une de leurs principales revendications.

M. Germain Gengenwin.

Nous sommes d'accord !

Mme Hélène Mignon.

En effet, la caution solidaire est demandée de façon quasi systématique par les banques, même lorsqu'elle n'est pas nécessaire.


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M. André Schneider et M. Yves Bur.

Eh oui !

Mme Hélène Mignon.

Mme Catala, quant à elle, propose d'instaurer un régime supplétif organisant la coopération professionnelle entre époux. Cela pose de façon plus aiguë la question du statut du conjoint, puisque l'on voit que ce dernier peut être reconnu quand il s'agit d'apporter sa garantie, mais pas quand il s'agit de faire valoir ses droits sociaux.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Exactement !

Mme Hélène Mignon.

Pour autant, il est permis de se demander si ces deux textes répondent aux préoccupations que je viens de rappeler. Mme la garde des sceaux s'en est déjà expliquée. Pour ma part, j'ai également le sentiment que nous n'avons pas pris là le bon chemin.

Le texte de loi de M. Accoyer propose, pour limiter les effets néfastes de la mise en oeuvre par les établissements de crédits des cautions solidaires des épouses, de revaloriser le plafond fixé par la loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable. Adoptée au début du siècle, afin d'assurer la sécurité familiale et d'enrayer l'exode rural, cette loi visait principalement àe mpêcher sur un plan exclusivement successoral le démembrement des biens de famille. Elle ne constitue donc pas, à mon avis, un support adapté aux préoccupations formulées par les conjointes de professions indépendantes.

De plus, il ne me paraît pas opportun de faire appel à une loi rédigée à une époque où la femme mariée était juridiquement incapable.

Enfin, il faut noter que la constitution d'un fonds de commerce ou d'un fonds artisanal en bien de famille insaisissable restreint le droit de gage général des créanciers sur le patrimoine. Dès lors, il est à craindre que la disposition de M. Accoyer n'aboutisse à raréfier davantage l'offre de crédit. L'application de cette disposition serait donc contraire à l'objectif visé par notre collègue.

Quant à la proposition de loi de Mme Catala, elle ne constitue pas davantage une réponse aux préoccupations formulées par les conjointes. En effet, en établissant une solidarité entre époux à l'égard des dettes nées des actes accomplis par le conjoint en qualité d'exploitant...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Mais cette solidarité existe déjà, madame Mignon !

Mme Hélène Mignon.

... elle supprime le statut protecteur dont bénéficie l'épouse en vertu des textes cités, et plus généralement de l'article 4 du code du commerce.

Elle remet ainsi en cause la présomption de noncommercialité posée en faveur de l'épouse de l'exploitant, qui empêche le créancier, jusqu'à preuve du contraire, d'obtenir l'extension à l'encontre de l'épouse, de la procédure collective ouverte contre l'époux immatriculé. En cela, elle ne permet pas de répondre, bien au contraire, aux demandes d'un statut protecteur.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Vous méconnaissez la réalité, madame Mignon !

Mme Hélène Mignon.

De plus, cette mesure poursuit un objectif inverse à celui recherché par la proposition de loi de M. Accoyer. En effet, alors que le texte de Mme Catala institue une solidarité automatique entre époux, celui de M. Accoyer, qui stigmatise les demandes systématiques de demandes de cautions solidaires des épouses par les établissements de crédits, cherche, au contraire, à pallier les conséquences de leur mise en oeuvre.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Mais ces textes sont complémentaires !

Mme Hélène Mignon.

C'est pourquoi, mes chers collègues, il faut effectivement protéger le patrimoine des artisans et des commerçants, mais en veillant à ne pas restreindre l'offre de crédit des établissements financiers. Il faut développer l'information sur les statuts du conjoint des travailleurs indépendants. Il faut inciter tous les conjoints à adhérer aux différents statuts de collaborateur prévus par la loi du 10 juillet 1982.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Ce statut ne comporte pas de rémunération, madame Mignon. C'est inique !

Mme Hélène Mignon.

Enfin, il convient de doter les conjointes de personnes exerçant une profession libérale d'un statut similaire à celui des autres professions. Des mesures en ce sens sont actuellement à l'étude au secréta-r iat d'Etat aux petites et moyennes entreprises.

Mme Lebranchu nous en parlera dans un instant.

M me Nicole Catala, rapporteuse. Leur statut ne comporte ni rémunération ni prestations sociales !

Mme Hélène Mignon.

Le dialogue qui s'est établi depuis trois ans entre les représentants et les représentantes des différentes professions concernées montrent que nous sommes sur le bon chemin.

Pour ce qui concerne le problème de la caution solidaire, vous nous avez fait connaître, madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, lors d'une audition devant la Délégation aux droits des femmes, les pistes que vous souhaitiez développer. Vous nous avez dit avoir prévu de rencontrer l'Association des banques françaises. Et vous nous avez informés des discussions que vous meniez s'agissant de la garantie SOFARIS. Vous nous avez également fait part de votre volonté d'aller plus loin en entendant privilégier l'interdiction de la saisie de la résidence principale dans le cadre de la caution solidaire.

A l'écoute des professionnels, le Gouvernement poursuit donc une réflexion qui va déboucher sur des initiatives propres à aider et à satisfaire tous ces chefs d'entreprise que sont les artisans, les commerçants et les diverses catégories de professions libérales.

A ussi, il nous faut faire des propositions plus complètes, cohérentes, globales, à la hauteur des attentes du monde de la très petite entreprise - chefs d'entreprise et conjoints. Nous connaissons et reconnaissons tous ici le rôle important que jouent ces acteurs de la vie économique dans l'aménagement du territoire. Il faut conforter leur désir d'entreprendre, de travailler en famille, mais dans des conditions qui ne mettent en péril ni la vie familiale ni la vie sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en propos liminaire, je tiens à exprimer ma satisfaction de voir enfin discuter un texte prévoyant un nouveau statut du conjoint-collaborateur. Il viendra très utilement s'ajouter aux trois autres statuts existants pour réglementer la collaboration professionnelle entre époux.

En effet, la proposition de loi de notre collègue Nicole Catala constitue une réponse concrète à la situation de beaucoup d'épouses dans les entreprises commerciales et artisanales qui, n'ayant opté ni pour l'organisation d'une


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société, ni pour un contrat de travail, ni pour un mandat défini par la loi du 10 juillet 1982, n'ont aucune protection sociale spécifique.

Pour montrer au Gouvernement la nécessité de légiférer en faveur de ces femmes, je ne donnerai qu'un seul chiffre, très révélateur : moins de 10 % des conjoints de travailleurs indépendants disposent actuellement d'un statut légal. Pourtant, cette nécessité semble lui échapper. Le problème n'est pas nouveau, en effet. Il a fait l'objet de nombreuses demandes de la part des femmes d'artisans constituées en association. Permettez-moi, au passage, de saluer la mobilisation de l'AFACA, l'Association des femmes d'artisans et de commerçants d'Alsace, qui m'a sensibilisé et sensibilise régulièrement les parlementaires alsaciens.

Je m'étonne ainsi du silence des pouvoirs publics sur cette question, d'autant que la situation du conjoint qui travaille sans statut a été dénoncée ici même très rég ulièrement dès 1980. Pour ma part, je suis intervenu en novembre 1997 auprès de vous, madame la secrétaire d'Etat, puis, à l'occasion de chaque examen des crédits de votre ministère. Je vous rappellerai, à cet égard, les réponses que vous avez données à mes interventions sur le sujet. En 1997, vous avez qualifié d'intéressante la création d'un statut obligatoire pour les conjoints d'artisans. En 1998, vous avez déclaré : « Les travaux que je m ène actuellement pour améliorer la situation des conjoints-collaborateurs constituent un de mes objectifs pour 1999. » Tout à l'heure encore, Mme la garde des

sceaux a répété combien le Gouvernement était préoccupé par ce problème. Soit. Mais cela me rappelle un ancien collègue parlementaire, qui, chaque fois qu'il rencontrait les électeurs, disait avec force : « Ce qui est promis reste promis ! » (Sourires.) Evidemment, il ne rencontrait ses électeurs que tous les neuf ans.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Il ne devait pas en compter beaucoup parmi les artisans ! (Sourires.)

M. Germain Gengenwin.

C'est un peu la méthode qu'applique aujourd'hui le Gouvernement. Aussi, vous comprendrez aisément que je salue tout particulièrement l'initiative très volontariste et ambitieuse de notre collègue Nicole Catala...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Merci !

M. Germain Gengenwin.

... et du groupe RPR, qui, suite à une analyse pertinente des relations de travail entre époux, nous présentent un dispositif législatif prévoyant un véritable statut autonome et personnel pour le conjoint-collaborateur, statut qui faisait jusqu'à présent cruellement défaut.

Certes, la loi du 4 juillet 1980 pour les conjoints d'agriculteurs et la loi du 10 juillet 1982 pour les conjoints de commerçants et d'artisans ont jeté les bases d'une première reconnaissance légale du travail professionnel exercé dans la famille. Mais les contrats et statuts qui en procèdent ont souvent été ignorés des épouses, comme en témoigne la faible part d'épouses réellement protégées, 10 % environ.

A cette époque le législateur a fait le choix de dispositifs purement incitatifs - et inefficaces - où, à défaut d'une manifestation de volonté expresse et de convention explicite, c'est le régime matrimonial qui s'applique purement et simplement. Or, chacun sait bien que ni ce dernier, qui réglemente les relations patrimoniales, ni le statut de base ne prennent en compte l'exercice d'une activité professionnelle commune par les époux.

Voilà tout l'intérêt, selon moi, de cette proposition de loi qui appréhende l'organisation de l'entreprise conjugale quels que soient le régime matrimonial et l'activité exercée, dans le cas où les époux n'ont pas explicitement ordonné leurs rapports professionnels ou déclaré s'en tenir à l'application pure et simple de leur charte matrimoniale.

Le dispositif proposé par notre collègue vise à donner la possibilité aux conjoints d'opter pour un régime de c oexploitant. Cette idée force constitue enfin une reconnaissance véritable du rôle des épouses dans la survie économique de l'entreprise de leur mari et consacre de nouvelles relations de travail entre les époux.

En ce début de

XXIe siècle, la PME familiale est plus que jamais un acteur de premier plan de la croissance économique et de l'emploi. Ne pas associer les épousescollaborateurs à cette croissance à laquelle elles contribuent largement procède donc d'une vision fausse et i njuste du travail qu'elles accomplissent, cantonnées qu'elles sont dans un rôle d'aide et d'auxiliaire. Elles constituent une véritable armée des ombres.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est une belle formule !

M. Germain Gengenwin.

Mais notre société considère, en toute bonne conscience, que ces femmes infatigables, qui consacrent communément plus de dix heures par jour à la bonne marche de l'entreprise familiale sont sans profession. Il en est de même d'ailleurs des femmes au foyer.

La directive européenne du 11 décembre 1986, relative à l'égalité entre les hommes et les femmes, et notre droit interne, qui ne cesse de réaffirmer le principe d'égalité, nous intiment l'ordre de mettre fin à la précarité de ces femmes. Il n'en est que temps ! Ainsi, en créant un cadre légal de coexploitant, le législateur permettra d'instituer une véritable collaboration égalitaire, c'est-à-dire une coopération s'exerçant sur un pied d'égalité. A l'heure actuelle, seule la constitution d'une société de droit permet de reconnaître juridiquement la coexploitation. Or il me semble que les époux doivent pouvoir organiser juridiquement leur coexploitation sans passer par la création d'une société qui constitue une procédure rigide.

De même, afin de bénéficier d'une couverture sociale, nombre d'épouses sont obligées d'en passer par un contrat de travail, ce qui les place de facto en situation de subordination, et ne reflète pas, là encore, la réalité de leur rôle dans l'entreprise familiale.

A ces considérations humaines s'ajoutent des considérations sociales qui commandent de donner, enfin, aux épouses sans statut des droits personnels à la hauteur des devoirs qu'elles assument. Elles ne bénéficient en effet d'aucune couverture sociale propre. Elles sont simplement les ayants droit du chef d'entreprise et leurs remboursements se font sous le nom de ce dernier. Elles ne perçoivent aucune indemnité journalière en cas d'arrêt pour maladie ou congé de maternité. Elles ne peuvent prétendre non plus à des indemnités de chômage. Quant à celles qui sont conjoints-collaborateurs, leurs droits sont également réduits à la portion congrue.

Cette situation de précarité et de fragilité sociale permanente se pose avec plus d'acuité encore au moment de la rupture du lien matrimonial. Après de longues années d'activité commune, l'épouse se retrouve alors totalement démunie à un âge où le marché du travail est des plus rudes. Par l'instauration d'un droit à rémunération, la proposition de loi apporte également une réponse puisqu'elle rend le conjoint économiquement autonome.


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En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, j'approuvee ntièrement le dispositif de qualité proposé par Mme Catala. Il consacre enfin l'idée selon laquelle le travail familial n'est pas forcément gratuit et qu'il doit être assorti des droits les plus élémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Merci, monsieur Gengenwin.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interv iendrai plus précisément sur la proposition de Mme Catala concernant la coopération professionnelle entre époux. Je suis particulièrement sensible à cette question, à plusieurs titres.

D'abord, en tant qu'écologiste, pour lesquels l'autogestion est une approche intéressante de l'entreprise. Sans reprendre le vieux slogan de small is beautiful, nous pensons que la micro-entreprise a un bel avenir devant elle.

Ensuite, en tant que femme, je suis sensible à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, même si le cadre du mariage n'est pas forcément le plus adapté pour la réaliser.

Enfin, en tant qu'élue d'une circonscription rurale, je suis confrontée quotidiennement à la détresse de femmes qui ont passé une bonne partie de leur vie à aider leur conjoint dans une activité professionnelle et qui, à la suite d'accidents de la vie, se retrouvent dans des situations catastrophiques.

Je suis d'ailleurs toujours surprise de constater combien de telles situations, qui constituent des états de nontravail ou de non-droit, sont tolérées dans la sphère privée ou semi-privée et dans les relations entre époux alors qu'elles ne sont absolument pas acceptées dans l'ensemble de la société.

Il faudra sortir rapidement de cette situation qui reste très largement tolérée, à cause d'une conception quelque peu patriarcale du mariage.

Même si la législation a tenté de répondre à cette question, notamment avec les lois de 1980 et de 1982, et, plus récemment, avec la loi d'orientation agricole, il faut bien reconnaître que le problème n'est pas résolu. En effet, la législation actuelle ne concerne que certaines catégories artisans, commerçants, exploitants agricoles.

Surtout, elle ne contient pas d'obligation...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Et elle ne prévoit pas de rémunération !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... et, de ce fait, l'immense majorité des femmes échappent totalement à tout statut.

Une des perspectives, à mon sens, est précisément de rendre obligatoire un statut pour ces femmes qui collaborent à l'entreprise professionnelle de leur mari.

La situation de bon nombre de ces femmes est donc extrêmement précaire, je n'y reviendrai pas, car mes collègues l'ont déjà dit. Quand l'entreprise rencontre des difficultés, en cas de divorce, en cas de décès, par exemple, la situation de l'épouse se complique. Cette proposition de loi procède donc d'une bonne initiative et tente de répondre à un vrai problème. Il s'agit maintenant de savoir si elles répond efficacement.

De façon positive, je soulignerai qu'elle prévoit justement un régime obligatoire, même s'il est supplétif, qu'elle étend les dispositions relatives au mandat réciproque, qu'elle interdit de disposer seul du bien professionnel, qu'elle institue la vocation égalitaire aux bénéfices et qu'il se soucie de la rémunération. Toutes ces dispositions me paraissent aller dans le bon sens, même si leur inteprétation et la définition de leur champ d'application posent des problèmes techniques et juridiques. Cette proposition apporte également un petit progrès pour les femmes dont le conjoint exerce une profession libérale.

Néanmoins restent en suspens un certain nombre de questions, à ce stade non résolues.

Pourquoi insérer ces dispositions dans le droit entre époux ? L'an passé, nous avons adopté le PACS. Que deviennent les personnes vivant en union libre ?

M. Yves Bur.

Eh oui !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Le problème, de plus en plus souvent, se pose effectivement aussi pour des femmes non mariées, qui travaillent avec leur concubin. Or la proposition de loi ne traite pas cette question.

M. Bernard Accoyer.

C'est un premier pas ! Discutons des articles et nous l'améliorerons !

M. Nicolas Forissier.

Acceptez donc le débat !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Comment espérer appliquer ces nouvelles dispositions quand on sait combien il fut difficile de faire connaître celles de la loi de 1982, qui n'ont aucunement résolu le problème ? La question de la formation des conjoints collaborateurs reste également sans réponse. Ne prend-on pas le risque, là encore, d'ajouter à la complexité de la situation ? Je le répète, ne vaudrait-il pas mieux instaurer un statut obligatoire, mais hors du cadre du mariage, pour le partenaire de l'entrepreneur ? En l'absence, dans les quelques mois à venir, d'un projet de loi permettant de résoudre l'ensemble de ces questions, il me paraît que cette proposition de loi - même si elle ne répond ni au problème de fond ni à l'ensemble du problème - pourrait constituer un petit pas non négligeable pour commencer à rectifier la situation.

Si nous ne trouvons pas de solution, nous continuerons en quelque sorte à tolérer une forme de travail au noir - ce qui est totalement inacceptable - alors que nous avons tous le souci de promouvoir l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ce qui est inacceptable dans la société ne doit pas être davantage toléré entre époux ou entre collaborateurs d'une entreprise.

Je regrette, pour ma part, que cette proposition de loi soit soumise au vote de façon globale. C'est pourquoi nous nous abstiendrons, malgré l'avancée, le petit pas que pourrait constituer la proposition de loi relative à la coopération professionnelle entre époux.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.

- Mme Nicole Catala applaudit.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel. Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'exposé des motifs du premier des deux textes qui nous ont été présentés ce matin commence par la phrase suivante :

« Les artisans et commerçants, premiers employeurs du pays et maillon essentiel de l'aménagement du territoire, ont aujourd'hui très fréquemment recours à l'emprunt pour assurer le développement de leurs entreprises. »


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J'ajouterai volontiers qu'ils y ont non seulement recours pour développer leur entreprise, mais bien souvent pour la faire naître. Et les banques, dans la plupart des cas, exigent la caution solidaire du conjoint.

Nous connaissons tous, sur le territoire, des situations tragiques, après des saisies ou des liquidations judiciaires mettant en péril l'ensemble du patrimoine familial, en particulier l'habitation principale, et jetant parfois la famille à la rue.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

C'est pourquoi il faut adopter nos propositions de loi ! M. Jean-Claude Daniel. C'est vrai, madame Catala, qu'il y a urgence à avancer des solutions. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mais ces solutions doivent être à la hauteur des aspirations des artisans et des commerçants,...

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Nos solutions sont à la hauteur !

M. Jean-Claude Daniel.

... à la hauteur aussi des revendications de leur représentation professionnelle. Le Gouvernement, avec eux, madame la secrétaire d'Etat, s'y est déjà engagé ; il faudra certainement aller plus loin.

Les textes présentés aujourd'hui poursuivent sans aucun doute un but dans lequel nous nous retrouvons largement et présentent l'avantage de mettre une nouvelle fois ce problème réel sous le feu de l'actualité. Mais les mesures envisagées ne sont pas à la hauteur des enjeux et, pour certaines d'entre elles, risquent de fonctionner à contresens des conséquences espérées.

S'agissant de la proposition de loi tendant à protéger le patrimoine des artisans et des commerçants, présentée par MM. Accoyer, Martin et Debré, les objectifs annoncés sont les suivants : rendre insaisissable une part des revenus des entrepreneurs individuels ; protéger, en cas de défaillance, le patrimoine familial des artisans et commerçants ; limiter, en conséquence, les effets néfastes de la mise en oeuvre de la caution solidaire du conjoint, exigée par les établissements de crédit préalablement à l'octroi d'un prêt. Qui ne souscrirait à ces objectifs ?

M. André Schneider.

Je ne vous le fais pas dire !

M. Jean-Claude Daniel.

Ces dispositions me conduisent cependant à faire plusieurs observations.

Je m'attarderai tout d'abord sur l'application des dispositions du code du travail aux revenus des entrepreneurs.

L'article L.

145-1 du code du travail prévoit que ces dispositions « sont applicables aux sommes dues à titre de rémunération à toutes les personnes salariées ou travaillant (...) pour un ou plusieurs employeurs, quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme et la nature de leur contrat ». Ainsi, pour déterminer si une rémunération entre dans le champ de compétence de ces dispositions, la Cour de cassation vérifie que le saisi se trouve dans un état de subordination à l'égard de celui qui le rémunère. Elle juge, en outre, que l'insaisissabilité concerne les seules sommes ayant une nature salariale.

Or, contrairement aux salariés, payés à périodicité fixe par un tiers employeur, les artisans et commerçants perçoivent des règlements à des moments aléatoires, dont une partie seulement représente leur propre rémunération. C'est pourquoi la répartition des revenus du fonds ainsi que l'individualisation de la part de la rémunération constituent autant de difficultés pour le calcul de la part saisissable. Dès lors, l'application de ces articles aux revenus des entrepreneurs paraît irréalisable.

Ensuite, la disposition envisagée pour revaloriser le plafond fixé par la loi du 12 juillet 1909 encourt plusieurs critiques.

Cette loi, qui date donc du début du siècle, a été adoptée afin d'assurer la sécurité du foyer familial et d'enrayer l'exode rural. Outre l'insaisissabilité qu'elle confère au bien de famille, elle visait principalement à empêcher, sur un plan purement successoral, le démembrement du patrimoine familial.

La constitution d'un fonds de commerce ou d'un fonds artisanal en bien de famille insaisissable restreint le droit de gage général des créanciers sur le patrimoine de leurs débiteurs. Dès lors, certains de nos collègues l'ont dit, il est à craindre que cette disposition n'aboutisse à raréfier encore l'offre de crédit, contrairement à l'objectif même affiché par la proposition de loi. Celle-ci est donc de nature à faire obstacle au financement de l'entreprise.

Par ailleurs, l'objectif affirmé de la proposition de loi portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux est d'instaurer un régime supplétif afin de dépasser l'approche catégorielle jusqu'à présent privilégiée.

La proposition de loi vise des nombreuse situations qui sont d'ores et déjà réglées par des dispositions particulières, sans pour autant abroger ces dernières. Le problème de la compatibilité avec ces textes se pose.

Le statut des époux agriculteurs est régi par le coder ural, qui envisage deux situations différentes.

L'article. L 321-1, premier alinéa, prévoit que, « Lorsque les époux exploitent ensemble et pour leur compte un même fonds agricole, ils sont présumés s'être donné réciproquement mandat d'accomplir les actes d'administration concernant les besoins de l'exploitation ».

L 'article L.

321-1, deuxième alinéa, prévoit que, lorsque l'un des époux apporte simplement sa collaboration à l'autre, l'exploitant est présumé avoir donné à son conjoint « mandat d'accomplir les actes d'administration concernant les besoins de cette exploitation ».

Le statut des conjoints d'artisan ou de commerçant est régi par la loi du 10 juillet 1982, qui, vous le savez, propose le choix entre trois statuts professionnels : salarié, collaborateur ou associé. Cette loi confère au conjoint collaborateur un mandat légal. Sa collaboration ainsi que la révocation du mandat supposent une mention spéciale au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

La proposition de loi examinée ce matin établit une solidarité de l'épouse à l'égard des dettes nées des actes accomplis par son conjoint en qualité d'exploitant. Partant, elle supprime le statut protecteur dont bénéficie l'épouse en vertu des textes susvisés, et plus généralement de l'article 4 du code du commerce.

La disposition que vous préconisez, madame Catala, plus généralement, remet en cause la « présomption de non-commercialité » posée, en faveur de l'épouse de l'exploitant, par l'article 4 du code du commerce.

Il est en outre à noter que cette mesure poursuit un objectif inverse à celui recherché par la proposition de loi de M. Accoyer : en effet, alors que la première institue une solidarité automatique entre époux, la deuxième, stigmatisant le caractère systématique des demandes de caution solidaire des épouses par les établissements de crédit, cherche au contraire à pallier les conséquences de leur mise en oeuvre.


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En conclusion, les banques considèrent que l'activité de crédit aux très petites entreprises est particulièrement risquée ; dans ce domaine, elles sont particulièrement frileuses.

C'est pourquoi les prêts consentis sont le plus souvent assortis d'une demande de caution solidaire du conjoint, lorsque le couple est marié sous le régime de la séparation de biens, ou d'une demande d'engagement du conjoint v alant consentement du cautionnement de l'époux, lorsque le couple est marié sous un régime de commaunauté. Toutefois, l'attitude des banques n'est pas différente lorsqu'il s'agit d'une SARL ou même d'une SA vous l'avez déjà indiqué à plusieurs reprises, madame la secrétaire d'Etat. Le statut de société à responsabilité lim itée est contourné par les banques, qui demandent alors la caution du dirigeant ainsi que l'engagement du conjoint.

Il ne faut donc pas isoler le cas des entreprises à statut indépendant, mais considérer la situation des très petites entreprises dans leur totalité. Il faut développer des solutions de nature à protéger les conjoints d'artisan ou de commerçant en veillant à ne pas restreindre l'offre de crédit des établissements financiers.

Face à cette situation, vous l'avez dit, madame la secrétaire d'Etat, le recours à la garantie SOFARIS et, plus larg ement, au cautionnement mutuel est une bonne réponse, car les banques doivent renoncer à la garantie hypothécaire sur l'habitation principale pour avoir accès à cette garantie publique ; c'est une protection nécessaire, même si elle n'est peut-être pas totalement suffisante.

S'agissant du statut du conjoint de travailleur indépendant, il faut pallier les carences d'information du droit en vigueur, rendre obligatoire, lors de l'inscription, l'information des artisans par les chambres des métiers et celle des commerçants par les chambres de commerce et d'industrie. Il convient enfin de doter d'un tel statut les conjoints de personnes exerçant une profession libérale, qui ont été oubliés.

Pour toutes les raisons invoquées, tant sur la forme que sur le fond, malgré la nécessité d'avancer encore en commun (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) ...

M. Bernard Accoyer.

Hypocrite !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Vous n'êtes pas crédible !

M. Jean-Claude Daniel.

... le groupe socialiste votera contre les textes proposés ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair.

Ce n'était vraiment pas la peine d'intervenir !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, j'ai bien évidemment abordé ces questions avec votre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, car depuis les lois de 1982 et de 1985, elles sont récurrentes.

Ceux qui ont eu la chance de vivre les débats de 1982 se souviendront que Marie Jacq, qui fut instigatrice puis rapporteur du projet de loi, avait travaillé avec l'ensemble des conjointes de l'ACTIF, mais aussi avec les femmes de la CAPEB et de la Fédération française du bâtiment, p our tenter de trouver une formule protégeant le patrimoine familial. Nous ne l'avons pas trouvée, à l'époque, même si, en 1985, l'instauration de l'EURL a fait naître des espoirs. Mais il s'est avéré, depuis lors, qu'il est extrêmement difficile de convaincre les entrepreneurs indépendants de choisir le statut EURL, de la même manière qu'il est extrêmement difficile, vous l'avez tous dit, de convaincre le conjoint - dans 90 % des cas, il s'agit d'une conjointe - de choisir le statut de collaborateur ou de collaborateur salarié.

Nous sommes donc dans une impasse et je comprends que la Délégation aux droits des femmes ait posé la question. Je regrette simplement, pour être très franche, que nous n'ayons pas été informé du dépôt de cette proposition avant l'audition, car nous aurions pu ouvrir le débat à cette occasion.

Certains nous ont accusés de ne jamais nous ranger aux initiatives parlementaires de l'opposition. Je rappelle aux parlementaires de l'opposition que la loi sur la sécurité alimentaire, notamment, loi fondamentale pour nos concitoyens, a été bâtie à partir d'une initiative parlementaire de l'opposition.

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez fait qu'appliquer le principe de précaution ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Nous ne faisons donc pas une religion de nous opposer aux initiatives de l'opposition.

M. Nicolas Forissier.

Mais c'est trop rare ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Pour revenir aux textes dont nous discutons aujourd'hui, même si l'interpellation est sympathique, je me réfère davantage à ce que m'ont dit certains d'entre vous et à ce que ne cessent de me dire l'ACTIF, et surtout les femmes de la CAPEB, de la FFB et de l'UPA.

Elles représentent les artisans, et je pense par conséquent qu'il faut les écouter, parce qu'à cet égard, leur légitimité à parler de l'artisanat est encore plus grande que la nôtre.

Pourquoi l'UPA n'est-elle pas favorable à l'organisation de l'entreprise conjugale autour d'un statut de la coopération professionnelle entre époux ? C'est parce qu'elle craint - les uns et les autres l'ont rappelé - qu'une telle orientation ne conduise à « reconnaître une présomption d'activité professionnelle de chaque conjoint au sein de l'entreprise ». Si l'intention est bonne et fait l'objet d'un large consensus, le moyen choisi apparaît extrêmement dangereux aux artisans comme à nous-mêmes. Le statut de coexploitant est d'autant plus hasardeux dans la mesure où - heureusement ou malheureusement, cela dépend du point de vue d'où l'on se place - beaucoup de conjoints d'artisan ou de commerçant exercent une activité professionnelle en dehors de l'entreprise.

M. Nicolas Forissier.

C'est une petite minorité ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Dans un tel cas, le problème du recours à la caution se pose avec plus d'acuité encore que dans celui d'une exploitation : le conjoint n'a pas à partager la responsabilité du chef d'entreprise. C'est déjà une raison suffisante pour repousser votre proposition.

E n revanche, l'UPA est favorable à ce que les conjointes, majoritaires dans ce pays, soient encouragées à choisir un des statuts. Je rejoins les propos répétés de Mme Catala sur l'absence de droits propres - c'est un thème sur lequel les femmes se battent davantage, et elles


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demandent que le statut de collaborateur salarié soit choisi le plus possible souvent -, mais aussi sur le partage des points de retraite, mal vécu par les conjointes.

Les discussions récentes sur l'évolution de la retraite des artisans et commerçants ont fait apparaître qu'il est nécessaire de compenser le partage des points par une révision des cotisations. La constitution de ce statut nouveau devrait être examinée d'ici à la prochaine lecture de la loi sur les nouvelles régulations économiques, en partant de la caution, comme je l'ai dit devant la Délégation aux droits des femmes.

L'extension de la SOFARIS est tout de même une bonne réponse, puisque la SIAGI et la SOCAMA ont accepté de signer des conventions pour faire également appel à la garantie publique. Cela étant, si la garantie publique protège totalement de la caution les artisans et les commerçants, il convient de faire plusieurs remarques.

D'une part, les banquiers continuent, malgré tout, à demander la caution ; c'est inadmissible. C'est pourquoi nous avons mis ce sujet au coeur du débat que nous avons eu avec l'AFB. D'autre part, on ne peut pas contraindre l'artisan ou le commerçant à accepter la garantie publique puisque celle-ci renchérit le coût de l'emprunt de 0,60 %. Il faudrait que nous en rediscutions, avec les artisans et commerçants comme avec les banquiers,...

M. Bernard Accoyer.

Plutôt avec les artisans et commerçants ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... afin de comprendre pourquoi les artisans et commerçants repoussent cette solution, qu'ils avaient p ourtant eux-mêmes initiée, avec la SIAGI et la SOCAMA.

P ar ailleurs, je suis intimement convaincue qu'il convient de régler le problème de l'appel à la caution solidaire en cas de dépôt de bilan ou de faillite.

M. Bernard Accoyer.

C'est pour cela que nous sommes là ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Je vous signale que si nous nous contentons de protéger le patrimoine, nous excluons les artisans et les commerçants qui ne sont pas propriétaires, mais simplement locataires, ainsi que leurs familles. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

C'est pourquoi nous regardons le problème avec l'UPA, comme celle-ci nous l'a demandé.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est la meilleure ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Les associations concernées, par la voix notamment du président de l'UPA, ont demandé deux choses.

D'une part, elles souhaitent effectivement que le patrimoine soit protégé ; nous tenterons d'adopter cette mesure dans le cadre de la loi NRE, au Sénat, aussi vite que possible. Et d'autre part, l'équivalent d'un reste à vivre. Ce sont les deux demandes qui ont été faites. C'est donc sur ces deux points que nous allons essayer de répondre.

E nfin, je vous rappelle tout de même que si, depuis 1985, la solution n'a pas été trouvée - elle ne l'a d'ailleurs été ni par vous ni par nous -,...

M. Philippe Auberger.

Vous aviez plus de temps que nous pour le faire ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... c'est parce que, chaque fois qu'une proposition a été faite, on a constaté qu'elle présentait autant d'inconvénients que d'avantages.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Je voudrais, très brièvement, apporter un courtois démenti à une affirmation qui a été reprise par M. Accoyer dans la discussion générale. Evoquant les amendements proposés par M. Mariani à sa propre proposition de loi, il nous a dit qu'« un système a été adopté à l'unanimité ce matin par la commission des lois ».

Je voudrais simplement préciser, pour que les choses soient claires, que la commission des lois a été réunie deux fois sur ces propositions de loi, conformément à notre règlement. La première fois, c'était sur le fond, la semaine dernière, et nous avons eu un large débat avec les deux rapporteurs. A l'issue de cette réunion, nous avons décidé, conformément à l'article 94 de notre règlement, de ne pas déposer de conclusions et donc de ne pas passer à l'examen des articles et des amendements.

M. René André.

Bien sûr ! C'est ce qu'il y a de plus simple !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Nous n'avons donc pas, en commission, voté sur ces textes ni sur les articles de ces textes et nous n'avons pas examiné les amendements.

La commission s'est réunie une deuxième fois ce matin, quelques minutes avant la séance, au titre de l'article 88 de notre règlement, pour examiner les amendements déposés dans ce cadre. Sept amendements étaient présentés. J'ai fait valoir auprès des trois députés q ui étaient présents, Mme Catala, M. Mariani et M. Hunault, qu'il semblait incohérent de discuter et de voter des amendements...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Pas du tout !

M. Bernard Accoyer.

Vous simplifiez la procédure !

M. Bernard Roman, président de la commission.

... portant sur des textes qui n'avaient pas eux-mêmes été discutés ni votés. Cela dit, je n'ai pas été entendu et ces amendements ont donc été présentés et discutés au titre de l'article 88.

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que j'ai dit, monsieur le président. Et ils ont été adoptés !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Je poursuis, mon cher collègue, et toujours avec courtoisie, pour vous dire que, dans le cadre de l'article 88 de notre règlement, la commission n'« adopte » pas les amendements.

Elle les accepte, sans les incorporer à ses propositions.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr, bien sûr !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Voilà ce que je voulais simplement préciser devant l'Assemblée nationale : on ne peut pas dire que la commission ait

« adopté » le système proposé M. Mariani.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

Merci beaucoup, monsieur le président, de cette précision décisive !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteuse pour la proposition de la loi portant organisation de la coopération professionnelle entre époux.

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Je voudrais souligner la situation paradoxale dans laquelle se trouve ce matin la majorité plurielle.

Nous avons entendu successivement la quasi-totalité des orateurs qui sont intervenus sur ces deux propositions de loi souligner combien elles répondaient à une nécessité urgente,...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. André Schneider.

Et dire que la majorité va les rejeter !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

... combien elles représenteraient une réponse peut-être imparfaite mais réelle à des situations dont chacun peut constater qu'elles sont profondément injustes.

M. Jean-Claude Daniel.

Le chômage est un problème réel !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Nous ne sommes plus à une époque où l'on peut admettre à la légère que des époux ou des épouses - le plus souvent des épouses - travaillent pendant plusieurs décennies aux côtés d'un conjoint, très au-delà de ce qu'est le devoir d'assistance figurant dans les obligations du mariage, sans percevoir a ucune rémunération, sans que leur travail soit aucunement reconnu, ni durant la période du mariage ni lorsque ce dernier se rompt.

Mme Aubert a d'ailleurs très justement employé à ce sujet l'expression « travail au noir ». Il est vrai que beaucoup d'épouses effectuent une sorte de travail au noir auprès de leur conjoint et ce travail n'est pas reconnu.

M. Yves Bur et M. Germain Gengenwin.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Ce matin, nous proposons des solutions qui répondent à une situation unanimement considérée comme désormais inacceptable et on nous dit : mais ce ne sont pas les meilleures réponses, et c'est pourquoi nous ne voulons pas que l'on passe à l'examen des articles puis au vote. C'est tout de même étonnant ! J'ajouterai simplement, pour ne pas allonger le débat, une réponse à un grief qui a été parfois avancé. On nous a dit qu'il y avait antagonisme entre ces deux propositions de loi, puisque l'une prétend protéger le patrimoine des artisans et commerçants alors que l'autre exposerait davantage le conjoint aux risques de l'exploitation.

Sur ce dernier point, je répondrai que l'épouse est d'ores et déjà exposée à se voir poursuivie sur son patrimoine personnel dès lors qu'elle a donné sa signature pour obtenir un emprunt auprès d'une banque ou dès lors qu'elle est apparue dans l'exploitation courante comme accomplissant des actes de commerce. Elle n'est à l'abri de la qualification de commerçante que si elle a choisi le statut de conjoint-collaborateur, ce qui représente moins de 10 % des cas. Donc, on ne peut pas dire qu'elle est à l'abri de la qualification de commerçante ! C'est profondément inexact !

M. Nicolas Forissier.

Très juste !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

Nos deux propositions de loi ne sont pas antagonistes mais complémentaires.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala, rapporteuse.

S'il y a peut-être consécration d'une responsabilité nouvelle de l'épouse, il y a parallèlement cantonnement de l'assujettissement aux dettes du ménage et protection du patrimoine familial. Je crois donc au contraire que ces deux propositions, examinées ensemble, répondent à une même logique et à un même besoin de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour la proposition tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Madame la présidente, je dois vous confesser une faiblesse : ce matin, j'ai rêvé.

M. Jean-Claude Daniel.

En quoi est-ce une faiblesse ?

M. Thierry Mariani, rapporteur.

J'ai rêvé parce que sur tous les bancs de cet hémicycle, j'ai entendu des discours qui commençaient de la même manière : « Les deux propositions de loi déposées par nos collègues Bernard Accoyer et Philippe Martin, d'une part, et par notre collègue Nicole Catala, d'autre part, posent un vrai problème. »

M. Jean-Louis Debré.

Eh oui !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

« Ces deux propositions de loi posent une question urgente », ai-je entendu. Je me suis dit : peut-être que pour une fois - c'est tellement rare -, on va arriver à un consensus et aboutir rapidement à l'adoption de ces textes.

M. René Leroux.

De ces textes bâclés !

M. Jean-Claude Daniel.

Qui sont de mauvaises réponses à un vrai problème !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Le problème en question est bel et bien un vrai problème. Mesdames, messieurs, est-il normal qu'un commerçant défaillant ne garde pas le minimum pour survivre et assurer sa dignité ? Est-il normal qu'il puisse perdre jusqu'à son habitation familiale ?

M. Jean-Louis Debré.

Ils n'aiment pas les commerçants !

M. Christian Jacob.

Ils n'aiment pas les commerçants, ils n'aiment pas les artisans, ils n'aiment pas les agriculteurs !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Et comment voulezvous que ces commerçants ne se disent pas que c'est une profonde injustice quand, dans le même temps, ils voient des dirigeants d'entreprise, parfois couverts, comme ce fut le cas, par des ministres, faire perdre 120 ou 140 milliards à leur entreprise sans être du tout sanctionnés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces textes posent donc un vrai problème. Ils posent aussi un problème urgent. Mes chers collègues de la majorité, les artisans et les commerçants sont aujourd'hui les grands oubliés, une fois de plus, de votre gouvernement.

M. Renaud Muselier.

M. Mariani a raison !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Ils travaillent largement plus que les 35 heures, parce que pour eux, la limitation du temps de travail, ça n'existe pas.

M. Nicolas Forissier et M. André Schneider.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Ils travaillent largement plus que les quarante années d'un fonctionnaire, parce que, là aussi, vous ne bougez pas sur la réforme des retraites. Et de surcroît, ils créent des emplois et contribuent à relancer notre économie.

Nos deux propositions de loi, comme l'a souligné Bernard Accoyer, contenaient des propositions concrètes, qui auraient pu rapidement déboucher.

M. Christian Jacob.

Propos très justes !

M. Renaud Muselier.

Frappés au coin du bon sens !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Elles avaient certes quelques imperfections.

M. René Leroux.

Dites plutôt que ce sont des textes bâclés !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Avec nos collègues Philippe Martin et Bernard Accoyer, nous les avons corrigées, nous avons proposé des amendements. Il est exact, monsieur le président de la commission, que vous avez refusé de les évoquer et de les discuter lors de la première réunion de la commission, mais la deuxième réunion de la commission, ce matin, a accepté de les discuter et a adopté nos sept amendements sur les deux textes.

Donc, vous me permettrez une dernière fois de regretter que la discussion des articles ne s'engage pas. Je pense que vous prenez une position politique claire vis-à-vis du monde de l'artisanat et vis-à-vis des commerçants : ils ne font pas partie de vos priorités.

M. André Schneider.

Eh oui !

M. Renaud Muselier.

Ça, c'est clair !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Et une fois de plus, vous choisissez l'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Je trouve terrible d'entendre ce manichéisme soudain concernant les artisans et les commerçants.

Si nous voulons travailler pour les commerçants et les artisans, il faut d'abord les écouter, travailler avec eux.

M. Germain Gengenwin.

C'est ce que nous faisons depuis longtemps ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Ce sujet, je le répète, est extrêmement complexe.

Les artisans rappellent, avec raison, que si le statut de conjoint collaborateur et salarié a été peu choisi, c'est à cause de sa complexité.

M. Arthur Dehaine.

Ce n'est pas parce que les choses sont complexes qu'il ne faut pas commencer à chercher des solutions ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Ils rappellent aussi que, par exemple, la procédure de constitution du bien de famille est particulièrement lourde et complexe. Aussi peut-on se demander si le dispositif proposé serait utilisé par les artisans et commerçants indépendants.

Je reste persuadée que les artisans et les commerçants ont besoin d'une disposition qui permette d'éviter le recours systématique à la caution. En vous entendant, mesdames et messieurs les membres de l'opposition, j'ai d'ailleurs parfois l'impression que vous me demandez de nationaliser les banques.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

J'ai aussi le droit d'utiliser le même type d'arguments ! Devant ce réel besoin, il est inutile de dire que, grâce à ce texte, leur protection sera assurée, alors que nous sommes quasiment certains qu'ils ne recourront pas à des propositions aussi complexes.

M. Renaud Muselier.

Mais il faut avancer !

M. Philippe Auberger.

Courage, fuyons ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Nous devons, avec eux, trouver des solutions simples. En particulier, il vaut mieux, à mon avis, travailler ensemble sur la caution solidaire, car c'est bien là leur préoccupation essentielle, et sur l'amélioration du statut de l'EURL. Ce sont les deux demandes qu'ils formulent.

Les artisans, parfaitement conscients de l'évolution de l'économie, nous demandent même que nous inscrivions cette évolution dans le projet de statut de la TPE européenne.

M. Renaud Muselier.

Ah ! Donc, si la TPE européenne arrive, vous êtes sauvés ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Je pense qu'ils montrent là qu'ils n'ont pas besoin qu'on les assiste mais qu'on les encourage dans leurs activités. Et c'est ce que nous ferons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La discussion générale commune est close.

La commission des lois n'ayant pas présenté de conclusions sur les deux propositions de loi dont nous sommes saisis, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer successivement sur le passage à la discussion des articles du texte initial de chacune de ces propositions de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

PATRIMOINE DES ARTISANS Vote sur le passage à la discussion des articles

Mme la présidente.

Nous commençons par la proposition de loi de M. Bernard Accoyer tendant à protéger le patrimoine des artisans et des commerçants.

Sur le vote du passage à la discussion des articles, j'indique qu'il y aura un scrutin public à la demande du groupe du RPR.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Mme la présidente.

Dans les explications de vote sur le passage à la discussion des articles, la parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe du Rassemblement pour la République.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

M. Bernard Accoyer. Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes donc appelés à nous prononcer sur le passage à la discussion des articles, et ce concernant les deux propositions de loi qui étaient inscrites ce matin à notre ordre du jour.

Vous me permettrez, madame la présidente, de faire deux remarques : sur l'attitude du Gouvernement et de la majorité, d'une part, et sur le fond d'autre part, c'est-àdire sur l'objet même de la proposition de loi qui traite du cautionnement mutuel.

Sur le fond, madame la secrétaire d'Etat, il ne suffit pas, comme vous le faites - et je dois le dire, avec une certaine chaleur, ou en tout cas une certaine habileté - de dire que vous avez bien compris le drame que vivent les artisans, l'injustice que subissent leurs conjoints, et tout particulièrement les femmes. Il ne suffit pas de dire que vous allez vous occuper de sauvegarder l'habitation principale d'un couple d'artisans frappé par la faillite. Il ne suffit pas de dire que vous allez protéger leur patrimoine. Il faut, il aurait fallu - et nous pouvons, ensemble, ce matin - agir. Il suffirait, pour cela, que nous passions à la discussion des articles, ce qui nous permettrait, par la voie des amendements, de réaliser une avancée importante pour la sauvegarde de ce patrimoine.

A l'évidence, la procédure adoptée désormais par le Premier ministre et la majorité constitue un dévoiement de la procédure des niches parlementaires. Elle ne sert qu'à combler le vide d'idées, un vide sidéral, dans lequel ils se trouvent quant aux projets qu'ils peuvent proposer à la nation pour faire avancer le droit.

Ah, on vous a entendus sur les nouveaux droits ! Notamment ceux des pacsés ! Mais quand il s'agit, comme aujourd'hui, des droits de 230 000 femmes d'artisan, il s'agit pour vous de temporiser et d'esquiver.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Madame Lebranchu, vous faites, en me regardant, certains gestes qui me laissent penser que vous souhaitez restreindre encore davantage la discussion.

M me la présidente.

Veuillez terminer, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous considérons, quant à nous, que ce texte est fondamental, et qu'il faut passer à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Nicolas Forissier, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Nicolas Forissier. Je renonce à la parole, madame la présidente.

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Yves Bur. J'y renonce également.

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste. (« Votons ! Votons ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, mes chers collègues, s'agissant de ces deux propositions de loi,...

M. Bernard Accoyer. Il s'écoute parler ! Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Il n'a rien à dire !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, un peu de calme, écoutez-vous les uns les autres ! M. Vidalies est très compétent sur ces sujets.

M. Alain Vidalies. Merci, madame la présidente.

Sur ces deux propositions de loi, disais-je, je ne ferai qu'une explication de vote unique. A en croire certaine rhétorique, il y aurait, d'une part, la droite qui s'autoproclame défenseur des artisans (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Bernard Accoyer. Vous, vous en êtes les fossoyeurs ! M. Alain Vidalies. ... et, de l'autre, ceux qui ne mèneraient pas une politique en faveur des artisans. Sauf que le problème, c'est que ce n'est pas l'avis qu'expriment les artisans à travers leurs organisations professionnelles, et nous serons d'accord pour ne pas en contester la représentativité. Prenons l'exemple de l'UPA et de la CAPEP, qui ont été saisies des textes dont nous discutons, et qui en pensent le plus grand mal...

M. Jean-Louis Debré. Mais non, c'est faux ! M. Christian Jacob. Ce n'est pas ce que nous ont dit leurs représentants !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Les amendements ont été rédigés avec eux !

M. Alain Vidalies.

... puisque leurs communiqués, qui ont été rappelés par Mme la secrétaire d'Etat, et toutes les informations que nous avons quant à leurs réactions vont dans le sens d'une mise en garde sur les conséquences des textes que vous nous proposez, et que, apparemment, vous n'avez pas tous bien examinés.

M. François Rochebloine.

Madame la présidente, son temps de parole est écoulé !

M. Alain Vidalies.

Car enfin, peut-on décemment penser qu'on nous propose aujourd'hui une grande avancée pour la défense des commerçants et des artisans, en nous proposant de voter la solidarité de droit obligatoire pour tous les conjoints qui participent à l'exploitation ? (« C'est fini ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Imaginez demain ce que penseraient les artisans en apprenant que la représentation nationale a décidé que ce qui n'est aujourd'hui qu'une possibilité, et qui ne correspond qu'à des exceptions, deviendrait la règle !

M. Jean-Louis Debré.

Madame la présidente, il doit conclure !

M. Alain Vidalies.

En fait, ce que vous défendez aujourd'hui, ce sont essentiellement les créanciers et les banques.

M. Christian Jacob.

On vote !

M. Jean-Louis Debré.

On voudrait voter !

M. Alain Vidalies.

Quant à la proposition de loi de M. Accoyer sur l'extension du droit de saisie des salariés (« Passons au vote ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

M me la présidente.

Mes chers collègues, restons calmes ! C'est très intéressant !

M. Alain Vidalies.

... je dois dire que le degré d'impréparation qu'elle révèle est tout à fait remarquable. A tel point que, à l'intérieur du groupe RPR il a fallu que le rapporteur lui-même constate qu'il était dans l'impossibilité de défendre le texte qui avait prétendument été élaboré par le groupe, pour proposer un texte complètement différent. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il faut dire que ce qui marquera cette proposition de loi, c'est le caractère pittoresque de l'exhumation de la loi de 1909.

De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Arrêtez-vous maintenant ! Nous sommes assez nombreux !

M. Patrick Ollier.

Madame la présidente, les cinq minutes sont passées !

M. Alain Vidalies.

Dans ces conditions, je crois que ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est effectivement réfléchir à des propositions plus sérieuses que celles qui ont été faites par l'opposition. (« Nous sommes plus nombreux que vous ! Vous pouvez vous arrêter ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'opposition, manifestement, a simplement décidé de faire un coup de nature politique, mais aujourd'hui, elle est dans l'incapacité de trouver des solutions, parce que le problème est beaucoup plus complexe et ne se résume pas à des formules démagogiques. (« Passons au vote ! » sur les mêmes bancs.)

Madame la présidente, je n'ai pas encore épuisé mon temps de parole ?

Mme la présidente.

Non, vous n'avez pas dépassé votre temps de parole, mais vous pouvez conclure, monsieur Vidalies. (« Il doit conclure ! » sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Accoyer.

Allez-y ! Allez-y !

M. Alain Vidalies.

Je vais aller vers ma conclusion, madame la présidente.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'enseignement important à tirer, c'est que sur ces questions qui ont été examinées par toutes les majorités, aucune réponse crédible n'a jamais pu être trouvée. Probablement parce que le sujet est complexe - les artisans nous le rappellent régulièrement.

Vous-mêmes, lorsque vous étiez aux responsabilités et alors que ces questions se posaient exactement de la même manière, vous n'avez fait aucune proposition.

(« Assez parlé ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Madame la présidente, il parle depuis dix minutes ! C'est malhonnête !

M. Claude Goasguen.

C'est scandaleux !

Mme la présidente.

Monsieur Vidalies, concluez !

M. Alain Vidalies.

Il faut que je conclue ? (Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie française et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

Mme la présidente.

Oui, je vous le demande.

M. Alain Vidalies.

Mais je ne peux pas parler, madame la présidente.

(Mêmes mouvements.)

M me la présidente.

Messieurs, vous empêchez M. Vidalies de conclure ! (Mêmes mouvements.)

M. Alain Vidalies.

Je ne peux pas parler, avec ce bruit.

Mme la présidente.

Concluez tout de même, monsieur Vidalies ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous faites tout pour laisser à vos collègues le temps d'arriver.

M. Patrick Ollier.

Les cinq minutes sont écoulées !

M. Alain Vidalies.

Certains collègues, qui sont arrivés en retard, me disent qu'ils n'ont pas tout compris. Il faut donc que je précise les choses.

(« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous examinerons ces questions, le Gouvernement l'a annoncé, dans le cadre de la prochaine lecture sur les nouvelles régulations économiques.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous aurons l'occasion d'y revenir également, à travers des propositions de loi que le groupe socialiste s'apprête à déposer, notamment sur l'extension de la loi de 1982 aux conjoints des professions libérales.

Mme la présidente.

Je vous remercie...

M. Alain Vidalies.

C'est cela la véritable piste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est la raison pour laquelle il convient aujourd'hui de voter contre le passage à la discussion des articles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M me la présidente.

M. Jean-Marc Ayrault m'a demandé la parole.

Vous avez la parole, monsieur Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault.

Madame la présidente, compte tenu de la complexité du débat (Vives exclamations et riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), où l'on nous demande, à l'occasion de cette niche du groupe RPR, de répondre à deux questions, je demande, en vertu du règlement, une suspension de vingt minutes pour réunir mon groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La suspension est de droit.

(« Hou ! hou ! » et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

M. Patrick Ollier.

Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement !

Mme la présidente.

La séance est suspendue pour vingt minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures quarante.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier.

Madame la présidente, mesdames, messieurs, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 65, qui traite de nos modalités de vote, mais, à la vérité, il concerne surtout les droits de l'opposition dans cet hémicyle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L es groupes RPR, Démocratie libérale et UDF croyaient que les niches parlementaires étaient faites pour que des textes puissent être étudiés et que l'opposition puisse faire valoir ses droits d'une manière démocratique et sereine.

M. Renaud Muselier.

Exactement !

M. Christian Jacob.

Ce sont des tricheurs !

M. Patrick Ollier.

Passe encore que treize des dixhuit propositions de loi étudiées dans ce cadre aient été écartées. Mais on a assisté aujourd'hui à un spectacle assez surprenant. En effet, nous avons vu une majorité si peu sûre d'elle-même (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), une majorité qui était minoritaire dans l'hémicycle - nous étions majoritaires tout à l'heure (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) demander par la voix du président du groupe socialiste, au moment, fait exceptionnel, où le vote était appelé - je n'ai pas dit « ouvert », mais « appelé » - et alors que les explications de vote avaient lieu, une suspension de séance afin d'aller chercher dans les bureaux des députés qui votent contre l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Monsieur Ollier...

M. Bernard Accoyer.

Je vous en prie, madame la présidente ! M. Vidalies a parlé tout à l'heure près de quinze minutes !

M. Patrick Ollier.

Permettez, madame la présidente, que l'opposition s'émeuve de telles procédures. Mais ce n'est pas un artifice de ce genre qui entamera notre détermination à voir dans cet hémicycle nos idées défendues et nos droits respectés ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Monsieur Ollier, le droit a été parfaitement respecté.

(« Non ! non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

La suspension de séance était de droit.

(Mêmes mouvements.)

Nous allons passer directement au vote...

M. Bernard Accoyer.

Vous présidez d'une façon partiale !

M. Jean-Louis Debré.

M. Ayrault n'a rien à dire ?

Mme la présidente.

Je vais mettre aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer tendant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

Mme la présidente.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi : Nombre de votants ...................................

271 Nombre de suffrages exprimés .................

271 Majorité absolue .......................................

136 Pour l'adoption .........................

99 Contre .......................................

172 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

(« Tricheurs ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

COOPÉRATION PROFESSIONNELLE

ENTRE ÉPOUX Vote sur le passage à la discussion de l'article unique

Mme la présidente.

Nous en venons à la proposition de loi de Mme Nicole Catala portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux.

Sur le vote du passage à la discussion de l'article unique, j'indique qu'il y aura un scrutin public à la demande du groupe RPR.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

Dans les explications de vote sur le passage à la disc ussion de l'article unique, la parole est à

Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

J'y renonce, madame la présidente ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

C'est trop tard pour parler : vous avez triché !

Mme la présidente.

La parole est à M. Nicolas Forissier...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il n'est pas là !

Mme la présidente.

Avant de procéder au vote, nous devons attendre que le délai réglementaire soit écoulé.

....................................................................

Mme la présidente.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais maintenant mettre aux voix le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi de Mme Nicole Catala portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux.

Je rappelle à nouveau que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

Mme la présidente.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi.

Nombre de votants ...................................

267 Nombre de suffrages exprimés .................

267 Majorité absolue .......................................

134 Pour l'adoption .........................

96 Contre .......................................

171 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion de l'article unique, la proposition de loi n'est pas adoptée.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 15 juin 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion du texte de la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture du projet sur le référé devant les juridictions administratives, inscrit à l'ordre du jour du mercredi 14 juin.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2271, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile : M. André Capet, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2391).

(Procédure d'examen simplifiée. - Art.

106 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (nos 2124, 1556, 1635, 2058).

Mme Odile Saugues, rapporteuse au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2392).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 30 mai 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 30 mai au jeudi 15 juin inclus a été ainsi fixé : Mardi 30 mai 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer tendant à protéger le patrimoine des artisans (nos 1988-2411).

Discussion de la proposition de loi de Mme Nicole Catala portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux (nos 2284-2412).

(Ces deux textes, inscrits à l'ordre du jour complémentaire, faisa nt l'objet d'une discussion générale commune.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (nos 2271-2391).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (nos 2124-1556-1635-2058-2392).

Mercredi 31 mai 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et, éventuellement, le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (nos 22012414).

Discussion du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt e t de la collecte de fonds par les entreprises privées (nos 2395-2413).

Mardi 6 juin 2000 : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (nos 2358-2370).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 (nos 2171-2369).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 (nos 2172-2369).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et d ouanière (ensemble une déclaration) (nos 2169-2399).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention (no 2160).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe) (no 2161).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à t itre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (no 2162), Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (no 2163).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (no 2164).

Discussion du projet de loi, adopté par la Sénat, autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999 (no 2173).

(Ces neufs derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)

Discussion de la proposition de loi de M. Jacques Fleury relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours (no 2374).

Le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt (nos 23322417).

Mercredi 7 juin 2000, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures, et jeudi 8 juin 2000, le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt (nos 2332-2417).

Mardi 13 juin 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Gilbert Le Bris modifiant la loi no 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires (no 2371).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3 de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la chasse (no 2427).

Mercredi 14 juin 2000 : L'après-midi, à quinze heures : Questions au Gouvernement.

A dix-huit heures quinze : Discussion, soit sur le rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce ; Discussion, soit sur le rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives.

(Ce dernier texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 106 du règlement.) Le soir, à vingt et une heures : Discussion, soit sur le rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Jeudi 15 juin 2000 : L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives ; Suite de la discussion, soit sur le rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Le mercredi 14 juin 2000, à dix-sept heures : M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République algérienne démocratique et populaire, sera reçu dans l'hémicycle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 MAI 2000

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mardi 30 mai 2000 SCRUTIN (no 241) sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi ten dant à protéger le patrimoine des artisans et commerçants.

Nombre de votants .....................................

271 Nombre de suffrages exprimés ....................

271 Majorité absolue ..........................................

136 Pour l'adoption ...................

99 Contre ..................................

172 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Contre : 157 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe RPR (137) : Pour : 67 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe UDF (69) : Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 22 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 13 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (30) : Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).

SCRUTIN (no 242) sur le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi portant organisation juridique de la coopération professionnelle entre époux.

Nombre de votants .....................................

267 Nombre de suffrages exprimés ....................

267 Majorité absolue ..........................................

134 Pour l'adoption ...................

96 Contre ..................................

171 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Contre : 156 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe RPR (137) : Pour : 67 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe UDF (69) : Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 21 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 13 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (30) : Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).