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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Application de l'article 71 du règlement (p. 4794).

2. Questions au Gouvernement (p. 4794).

INSÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS (p. 4794)

MM. Dominique Bussereau, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS (p. 4795)

MM. Michel Destot, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CHÔMAGE (p. 4796)

M. Gérard Terrier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

AVENIR DES BASSINS INDUSTRIELS TRADITIONNELS (p. 4797)

Mme Brigitte Douay, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

RETRAITES AGRICOLES (p. 4798)

MM. Jean-Paul Mariot, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CANDIDATURE FRANÇAISE À L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE 2004 (p. 4798)

Mme Muguette Jacquaint, M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

ENTREPRISES PUBLIQUES ET CONCURRENCE (p. 4799)

MM. Franck Borotra, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PRIX DES CARBURANTS (p. 4800)

MM. Jean Auclair, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

STATISTIQUES SUR LA DÉLINQUANCE EN RÉGION PARISIENNE (p. 4801)

M

M. Jean-Claude Abrioux, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

ADHÉSION DE LA CHINE À L'OMC (p. 4802)

MM. Jacques Rebillard, François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

GRATUITÉ DU PRÊT DANS LES BIBLIOTHÈQUES (p. 4802)

Mmes Huguette Bello, Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

PERMIS DE CONDUIRE (p. 4803)

MM. Pierre Méhaignerie, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

TÉLÉCOMMUNICATIONS (p. 4804)

MM. François Loos, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 4804)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

3. Contrôle des fonds publics accordés aux entreprises (p. 4805).

Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

M. Jean Vila, rapporteur de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4806)

M.

Pierre Morange, Mme Muguette Jacquaint,

MM. Gilbert Gantier, Gérard Bapt, Maurice Ligot.

Clôture de la discussion générale.

Mme la secrétaire d'Etat.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 4814)

Article 1er (p. 4814)

Amendement no 1 de la commission des finances : M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2. - Adoption (p. 4814)

Article 3 (p. 4814)

Amendement no 2 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 3 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 (p. 4815)

Amendement no 4 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Article 4 (p. 4815)

Amendement no 5 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 6 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 4 bis. - Adoption (p. 4816)

Article 4 ter (p. 4816)

Amendement no 7 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 4 ter modifié.

Article 5. - Adoption (p. 4816)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 4816)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

4. Désignation de candidats à des organismes extraparlementaires (p. 4816).

5. Sécurité du dépôt et de la collecte de fonds. - Discussion d'un projet de loi (p. 4816).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur de la commission des lois.

6. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 4820).

7. Sécurité du dépôt et de la collecte de fonds. - Reprise de la discussion d'un projet de loi (p. 4820).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4820)

MM. Georges Sarre, Dominique Bussereau, Bruno Le Roux, Christian Estrosi, Jean Vila, Jean-Antoine Leonetti.

Clôture de la discussion générale.

M. le rapporteur.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 4828)

Article 1er . - Adoption (p. 4828)

Article 2 (p. 4828)

Amendements nos 5 de M. Estrosi et 8 de la commission des lois : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le ministre, Bruno Le Roux. - Rejet de l'amendement no 5 ; adoption de l'amendement no 8 rectifié, qui devient l'article 2.

L'amendement no 1 de M. Leonetti n'a plus d'objet.

Après l'article 2 (p. 4829)

Amendement no 9 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 7 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 3 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 6 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 4 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 2 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 4832)

MM. Christian Estrosi, Bruno Le Roux, Jean-Antoine Leonetti.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 4832)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

8. D épôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 4832).

9. Dépôt de rapports (p. 4833).

10. Dépôt de rapports d'information (p. 4833).

11. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4833).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 APPLICATION DE L'ARTICLE 71 DU RÈGLEMENT

M. le président.

Mes chers collègues, après les propos tenus hier par M. Noël Mamère, je tiens à dire, de la façon la plus ferme, que je les considère comme inacceptables. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils sont contraires à toute la tradition républicaine régissant le fonctionnement de notre assemblée, selon laquelle le chef de l'Etat ne saurait, dans cette enceinte, de quelque manière que ce soit, faire l'objet d'imputations à caractère personnel. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) C'est vrai aujourd'hui, comme cela l'était hier.

Quant aux propos tenus à l'encontre de celui de nos collègues qui a exercé la fonction qui est aujourd'hui la mienne, ils constituent une attaque personnelle inadmissible au regard de notre règlement.

Certes, chacun doit conserver toute sa liberté de parole. Mais celle-ci ne doit pas dépasser la limite qui touche au respect des personnes et de la fonction.

M. Gilbert Gantier.

Eh oui !

M. le président.

C'est pourquoi, comme le prévoit l'article 71 du règlement, monsieur Noël Mamère, je vous rappelle à l'ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Nous passons aux questions au Gouvernement.

(M. Yves Cochet se lève et brandit le règlement de l'Assemblée nationale.)

M. le président.

Il n'y a pas de rappels au règlement pendant les séances de questions au Gouvernement. Vous aurez la possibilité d'intervenir à l'issue de celles-ci.

(Mme Marie-Hélène Aubert, M. Yves Cochet, M. Noël Mamère et M. Jean-Michel Marchand quittent l'hémicycle sous les huées de nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mes chers collègues, je vous en prie, nous en sommes aux questions au Gouvernement, là est l'essentiel aujourd'hui.

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INSÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Ma question, que je pose au nom des trois groupes de l'opposition républicaine, s'adresse à M. le ministre de l'intérieur ou à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Malgré le plan mis en place par M. Jean-Claude Gayssot en décembre 1997, l'insécurité augmente dans les transports publics. Si les statistiques publiées, hier, par l'Union des transports publics, et qui concernent au premier chef les réseaux de transport de province, à l'exception de la SNCF et de la RATP, montrent, une relative stabilité des agressions contre des voyageurs - elles sont passées de 2 580 en 1998 à 2 426 en 1999 - elles marquent dans le même temps une forte augmentation des violences contre le personnel puisque les agressions suivies d'un arrêt de travail important sont passées de 718 en 1998 à 764 en 1999.

A cette délinquance s'ajoutent bien sûr les actes de vandalisme, dont chacun, dans cet hémicycle, connaît le coût.

Messieurs les ministres, les chiffres le prouvent, les mesures que vous avez décidées sont insuffisantes. De surcroît, elles ne sont pas encore toutes mises en oeuvre.

Deux exemples : M. le ministre de l'intérieur avait annoncé la création de brigades de police spécialement affectées aux réseaux de transport, mais elles sont peu nombreuses ; M. le ministre des transports avait annoncé des dispositions pour renforcer le pouvoir des agents des réseaux, mais le décret d'application n'a pas encore été pris.

Dans ce contexte, mes interrogations sont les suivantes : Quelle est la position du Gouvernement face à cette banalisation de l'insécurité ? Lundi, des contrôleurs de la SNCF ont subi des violences à Mantes-la-Jolie et, hier, un agent de la RATP a été agressé, ce qui provoque aujourd'hui une grève sur une partie du réseau métropolitain de Paris.

Pourquoi le renforcement des moyens annoncé n'intervient-il pas ? Pourquoi, alors que les contrats locaux de sécurité existent, une évaluation de leurs résultats en termes de politique publique n'est-elle pas établie ?

Sans réponse précise à ces questions, les collègues ici présents, de l'opposition comme de la majorité, pourraient penser que le langage de l'Etat et des collectivités


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en faveur du développement du transport public se résume à des promesses, qui ne débouchent jamais sur des réalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, vous avez raison de souligner les engagements pris par l'Etat depuis 1997. Cela n'avait pas été fait auparavant. Ils étaient nécessaires pour faire bouger les choses. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'objectif de réhumanisation des réseaux sera atteint d'ici à la fin de l'année.

En Ile-de-France, 4 500 emplois seront affectés à cette tâche à la SNCF, la RATP et dans les entreprises privées.

En outre, 300 millions de francs sont dégagés chaque année pour assurer la vidéosurveillance des bus et l'installation des cabines anti-agressions ; d'ici à la fin de l'année la totalité du parc de la RATP sera équipée tandis que la radiolocalisation des 4 000 bus de la RATP sera effectuée.

A ces mesures s'ajoute l'ouverture de postes de police dans plusieurs gares de la région parisienne, décidée par mon collègue Jean-Pierre Chevènement.

Pour la province, 1 000 médiateurs sociaux sont actuellement en poste et, à ma demande, le taux de subvention de l'Etat pour le matériel de sécurité est passé de 30 à 50 %, et la somme qui y est consacrée est dix fois plus élevée qu'en 1997.

Cela dit, le Gouvernement est conscient du problème que vous soulevez. Nous voulons développer les transports collectifs. Pour cela, le confort, la régularité et la sécurité doivent être assurés. Avec Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, nous avons fait en sorte que les agents de sécurité de la RATP et de la SNCF se voient reconnaître un statut et que les peines prononcées en cas d'atteinte ou d'outrage envers les agents des entreprises de transport public soient aggravées.

Les engagements pris par le Gouvernement sont donc tenus.

Les statistiques publiées par l'UTP font état, vous avez eu raison de le relever, à la fois d'une augmentation des violences commises à l'encontre des agents et d'une diminution de l'ordre de 6 % du nombre d'usagers agressés.

Les statistiques communiquées par les entreprises concernant les atteintes physiques depuis le début de l'année sont les suivantes : moins 15 % pour la RATP en Ile-deFrance et moins 9,4 % pour la SNCF en France. C'est un encouragement à poursuivre partout la bataille des effectifs et des moyens pour sécuriser les transports collect ifs.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS

M. le président.

La parole et à M. Michel Destot.

M. Michel Destot.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, une récente enquête de l'INSEE auprès des industriels fait apparaître une forte progression des projets d'investissements pour l'année 2000. Après avoir augmenté de 5 % en 1999, les dépenses d'équipement de l'industrie progresseraient de 12 % cette année, soit le plus haut niveau atteint depuis plus de dix ans.

Un tel niveau d'investissement industriel nous paraît de nature à consolider une croissance qui, jusqu'à présent, reposait surtout sur la vitalité de la demande interne et externe. Cette accélération des projets d'investissement nous rassure également sur la capacité de nos entreprises à adapter un outil de production dont le taux d'utilisation frôlait récemment la saturation.

Ce bon résultat conforte le dernier chiffre du chômage.

Par ailleurs, cette enquête montre que la poussée de l'investissement interviendra en priorité dans les grandes entreprises de plus de 500 salariés et, dans une moindre mesure, dans les PME-PMI qui sont pourtant, vous le savez, essentielles en matière de création d'emplois, notamment pour les plus innovantes d'entre elles.

Monsieur le ministre, que proposez-vous pour faire bénéficier encore davantage tout le tissu économique, et donc l'emploi, de la reprise de l'investissement dans notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme on dit, « une bonne nouvelle ne vient jamais seule ». Sans doute l'une ou l'un d'entre vous posera dans quelques instants une question sur les chiffres de l'emploi.

(Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être vous ? (« Ah ! » sur les mêmes bancs.)

Je n'ai pas à les commenter, Mme Aubry le fera fort bien. Je dirai simplement qu'ils sont excellents.

Mais de nombreux Français se demandent si l'amélioration de l'emploi va être durable. Et votre question, monsieur le député, qui touche l'investissement, prend alors tout son sens.

C'est vrai, et c'est la deuxième bonne nouvelle du moment, les chiffres sont éloquents : 12 % d'augmentation pour cette année, c'est-à-dire plus du double de l'an dernier ; 15 % dans la production manufacturière ; 26 % dans le secteur de l'automobile. Ce sont des chiffres sans précédent.

Selon toute vraisemblance, cette croissance et ses conséquences en matière d'emploi devraient être durables. Les PME, auxquelles vous vous intéressez, connaîtront également une progression importante.

Ces bons résultats sont certainement pour partie liés à deux décisions : d'une part, l'exonération de la part salariale de la taxe professionnelle ; d'autre part, la baisse de la TVA pour les travaux effectués dans les logements, qui a eu un impact considérable pour les artisans. S'il faut aller plus loin, le Gouvernement reste ouvert.

Pour conclure sur l'investissement, on admettait il y a quelques années - non sans controverse d'ailleurs - le théorème qui établissait une relation entre les profits, les investissements et les emplois. Un nouveau théorème, incontestable celui-là, s'impose à nous : les investisse-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

ments d'aujourd'hui font les innovations de demain, qui font les emplois d'après-demain. Cela ne veut pas dire du tout que toutes les difficultés sont surmontées et qu'il faille relâcher l'effort. Cela signifie que nous sommes sur le bon chemin et que la confiance que vous avez placée dans les choix opérés doit être renouvelée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour la première fois depuis 1992, la France compte moins de 10 % de demandeurs d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au-delà de sa valeur symbolique, ce chiffre donne la mesure du chemin parcouru, c'est un événement majeur.

Depuis 1997, date de l'entrée en fonction de l'actuel gouvernement, le nombre de demandeurs d'emploi s'est réduit de 700 000 personnes, ce qui représente une baisse de 12,6 % à 9,8 % du taux de chômage et la création de plus de 1 million d'emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Cette performance exceptionnelle, au-delà de tout pronostic, démontre l'impact majeur, aux côtés de la croissance, des politiques de l'emploi.

Le débat se cristallise sur la croissance. Si l'on ne peut en contester l'effet, elle n'est pas, à elle seule, une condition suffisante. J'en veux pour preuve l'année 1994 où le Premier ministe, Edouard Balladur, bénéficiait d'une croissance de 2,5 % sans qu'aucun effet positif ait été enregistré sur l'emploi ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Vannson.

Lamentable !

M. Gérard Terrier.

Aujourd'hui, plus personne ne conteste l'effet sur l'emploi de la réduction du temps de travail. Seul le volume d'emplois créés fait l'objet d'un débat.

M. Maurice Leroy.

Tartarin !

M. Gérard Terrier.

La politique qui consiste à relancer la consommation intérieure par une augmentation du pouvoir d'achat et redonner ainsi la confiance aux Français joue un rôle déterminant dans ces bonnes nouvelles.

Nous pourrons être pleinement satisfaits lorsque ceux qui ne bénéficient pas encore des fruits de cette politique auront retrouvé le chemin du travail.

Pouvons-nous espérer, madame la ministre, une baisse continue, dans les prochains mois, du nombre des chômeurs ? Pouvons-nous connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour que soient fournis les emplois qui restent encore faute de personnes qualifiées ? Comment comptez-vous effectuer la transition entre une logique d'assistance, qui a sa raison d'être dans une période de pénurie, et une logique plus dynamique, pour un retour au plein emploi ?

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Terrier ?

M. Gérard Terrier.

Enfin, estimez-vous, madame la ministre, que l'objectif du plein emploi avant la fin de la décennie a de fortes chances d'être atteint ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés,...

M. Maurice Leroy.

« Je suis très surprise... »

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... madame la députée (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), pardon, monsieur le député, je suis un peu gênée par l'opposition qui me semble elle-même gênée par les bonnes nouvelles ! Et pourtant les Français sont contents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous l'avez dit avec justesse, monsieur le député, la France vient de passer un cap symbolique, celui des 10 % de chômeurs, comme la gauche avait su faire passer l'inflation au-dessous des deux chiffres dans les années 80, il faut le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Le chiffre du mois d'avril est exceptionnel, sans doute pour des raisons de saisonnalité : moins 77 000 chômeurs.

Mais il est intéressant d'observer la tendance des six derniers mois : plus de 50 000 chômeurs en moins chaque mois. Avec une réduction du chômage quatre fois supérieure à la moyenne européenne, nous sommes maintenant largement en tête.

M. François Goulard.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Des emplois créés, 1 150 000, des chômeurs en plus, 770 000.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Michel Lefait.

En moins !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... en moins. A quoi cela est-il dû ? J'entends dire « à la croissance ». Bien sûr. Mais cette croissance ne tombe pas du ciel ! Je me rappelle qu'entre 1993 et 1997, alors que la croissance américaine était très forte, la France était en queue du peloton européen.

Vous l'avez dit, monsieur le député, nous avons ramené la confiance. Avec elle, M. le ministre de l'économie et des finances vient de le souligner, les entreprises investissent à nouveau.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

MM. Lucien Degauchy et François Vannson.

Et la précarité ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avec la croissance, les Français ont recommencé à consommer, à « désépargner », notamment lorsque nous avons lancé les emplois-jeunes qui ont rendu confiance aux familles.

Nous avons aussi redonné du pouvoir d'achat, nous avons accompagné les innovations technologiques, les créations d'entreprises. Tout cela explique pourquoi nos entreprises, aujourd'hui, et je m'en réjouis, créent des emplois...

M. Patrice Carvalho.

Précaires !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... en se battant sur les marchés, en dégageant des gains de productivité et en gagnant chaque jour un peu plus. Et quand nos entreprises gagnent, c'est la France qui gagne, et je ne comprends pas ceux qui opposent aujourd'hui la France aux entreprises.

Mais nous n'aurions pas pu créer deux fois plus d'emplois en six mois que pendant toute l'année 1998, à taux de croissance égal, sans la réduction de la durée du travail, qui, aujourd'hui, s'applique dans 40 % des entreprises de plus de dix salariés, sans les emplois-jeunes et sans la baisse des charges sociales. Tout cela forme un tout. Nous devons tous marcher la main dans la main pour faire reculer le chômage.

Bien sûr, je n'oublie pas qu'il reste encore 2,4 millions de chômeurs dans notre pays. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Je sais que nous devons redoubler d'effort, comme le fait l'ANPE, pour accompagner les chômeurs de longue durée : sur les 1,2 million de chômeurs qui ont été accompagnés pendant un an, 55 % ne sont plus au chômage au bout de quatre mois. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Depuis deux mois, cette nouvelle devrait faire plaisir à l'opposition, le nombre de bénéficiaires du RMI commence à diminuer. C'est la preuve que l'action sur le long terme de lutte contre les exclusions porte aujourd'hui ses fruits.

Alors, mesdames et messieurs de l'opposition, il faut être beaux joueurs. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Vous pouvez ne pas être d'accord avec les politiques que nous a vons menées, mais vous ne pouvez pas ne pas reconnaître leurs résultats. Les Français attendent que nous continuons à déployer la même énergie pour réussir, comme le Premier ministre l'a souhaité, le pacte de plein emploi que nous devons à notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

AVENIR DES BASSINS INDUSTRIELS TRADITIONNELS

M. le président.

La parole est à Mme Brigitte Douay.

Mme Brigitte Douay.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, les chiffres encourageants concernant la diminution du chômage...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Encore !

Mme Brigitte Douay.

... et l'essor de l'activité économique, dont nous nous réjouissons tous, ne rendent que plus insupportable la situation difficile de certains bassins d'emploi à la longue tradition industrielle.

Au coeur du Cambrésis, 223 des 650 salariés des verreries de Masnières sont ainsi menacés de perdre leur emploi alors que 150 ont déjà été licenciés, il y a tout juste un an. Dès que les projets de la direction de l'entreprise ont été connus, je vous ai alerté, monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'ensemble de vos collègues du Gouvernement concernés. Vous avez, avec Mme Martine Aubry (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), tout de suite manifesté beaucoup d'attention et d'humanité face à ce difficile dossier.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Les verriers apprécieront, messieurs ! De son côté, Mme le maire de Masnières, choquée par la décision d'un lointain actionnaire, a choisi, il y a une semaine, d'engager une grève de la faim, véritable cri d'alarme et de désespoir. Dans tout l'arrondissement de Cambrai s'exprime une solidarité à la mesure du désarroi de la population qui vit ce nouveau drame économique et humain.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les verriers de Masnières, profondément attachés à leur outil de travail, attendent que tout soit mis en oeuvre pour éviter les licenciements et pour assurer la pérennité de l'entreprise et du savoirfaire. La question qui se pose, plus largement, monsieur le secrétaire d'Etat, est celle des moyens qui peuvent être mobilisés, à tous les niveaux, pour que les bassins industriels traditionnels puissent renouer avec une logique de développement, c'est-à-dire reprendre espoir en leur avenir.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. S'il pouvait répondre en deux minutes, cela permettrait au groupe socialiste de poser encore une question.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la députée, alors que Mme le maire, touchée dans sa propre famille par ce nouveau plan social, observe une grève de la faim, comment ne pas exprimer notre émotion et notre inquiétude, aux côtés des salariés, de la population, des élus devant ce nouveau plan social.

Les représentants des salariés ont été reçus hier par les membres de mon cabinet et celui de Mme Martine Aubry afin de faire le point sur la situation et, surtout, d'engager les actions nécessaires.

C'est avant tout la pérennité du site de Masnières que le Gouvernement veut garantir car nous n'acceptons pas que ce plan industriel soit la première étape de la disparition de l'activité à Masnières. L'entreprise doit désormais, de manière très claire, apporter des assurances sur le rôle clé qui sera donné aux verreries de Masnières dans le développement du groupe Bormioli, rôle d'ailleurs justifié par le savoir-faire exceptionnel des verriers et l'histoire du site. Elle doit, en outre, lever toutes les ambiguïtés au sujet des menaces de délocalisation vers l'Italie.

Avec ma collègue Martine Aubry et ma collègue Michelle Demessine, qui avait également attiré mon attention sur cette situation (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

Démocratie libérale et Indépendants), je veillerai à ce que les responsabilités qui incombent à l'entreprise la placent clairement devant la nécessité de préserver le site.

Au-delà, il faut que le bassin du Cambrésis retrouve le chemin du développement et de la modernisation.

(Exclamations sur les mêmes bancs.) Des moyens importants existent, qu'il s'agisse de la prime d'aménagement du territoire, grâce au Gouvernement, ou des aides du FEDER dans le cadre de l'objectif 2. Une mobilisation des partenaires locaux autour des actions engagées par l'Etat est possible et souhaitable. Des pistes ont d'ores et déjà été identifiées autour de l'agroalimentaire, par exemple, ou de l'automobile avec la proximité de Valenciennes. Avec vous, madame la députée, avec les élus locaux, nous ferons tout pour que le bassin du Cambrésis retrouve un nouveau rythme de développement. Soyez-en assurée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RETRAITES AGRICOLES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Mariot.

M. Jean-Paul Mariot.

Après les bons chiffres concernant la sécurité sociale et ceux, excellents, concernant le chômage, j'aimerais poser une question à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la revalorisation des retraites agricoles.

Monsieur le ministre, comme vous l'avez confirmé à plusieurs reprises, la revalorisation des retraites agricoles constitue une priorité de votre politique.

D'après mes informations, le Premier ministre, M. Jospin, a annoncé, lors d'une table ronde avec les organisations professionnelles agricoles, que l'objectif du Gouvernement était d'augmenter les pensions d'ici à 2002 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour qu'elles atteignent le niveau du montant du minimum vieillesse.

(Mêmes mouvements.)

Pourriez-vous, monsieur le ministre, indiquer à la représentation nationale quelles mesures vous comptez prendre, dans les mois et les années à venir, pour assurer aux chefs d'exploitation, aux aides familiaux et aux conjoints d'agriculteurs, une retraite décente.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je voudrais confirmer ici ce que le Premier ministre a dit à plusieurs reprises : la revalorisation des retraites agricoles est bien une priorité absolue pour le Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas une simple promesse, monsieur le député, puisque la revalorisation est déjà entrée dans les faits.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, avec la loi de finances pour 2000, actuellement en cours d'exécution, nous abordons la troisième étape du plan de revalorisation qui porte sur les cinq années de la législature. Nous avons décidé, sur cette période, d'apporter un supplément d'environ 1,5 milliard de francs par an pour les retraites des exploitants, celles des conjoints et celles des aides familiaux. Notre objectif est qu'à la fin de la législature elles atteignent, pour chacune de ces catégories, le montant du minimum vieillesse.

Je vous confirme que le Gouvernement présentera dans les lois de finances de 2001 et 2002, les mesures nécessaires pour achever le plan de revalorisation.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

CANDIDATURE FRANÇAISE À L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE 2004

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Ma question, à laquelle s'associe mon ami Daniel Feurtet, s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

La Seine-Saint-Denis se place résolument dans la modernité. Le développement des plates-formes aéroportuaires de Roissy et du Bourget...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Et le troisième aéroport ?

Mme Muguette Jacquaint.

... avec son musée de l'air, les sites de Marne-la-Vallée et de la Plaine-Saint-Denis, le rayonnement du Stade de France, ses universités, la formation de sa jeunesse, la qualification de son salariat tournent le département vers l'avenir. Une nouvelle dynamique est enclenchée.

M. le Premier ministre a déposé auprès du bureau international des expositions la candidature officielle de la France pour l'exposition internationale de 2004. Dans ce cadre, le conseil général de Seine-Saint-Denis a présenté, le 26 mai, le projet de candidature du département pour accueillir cette exposition qui aura lieu de mai à juillet 2004 sur le thème des images, concept au grand devenir.

Le parc départemental de La Courneuve et le site de l'Aire des Vents, à Dugny, disposent de l'étendue suffisante et de moyens de communications nombreux et diversifiés. Des aménagements seront certes nécessaires mais ils dynamiseront les équipements prévus dans le cadre du contrat de plan Etat-région.

L'accueil de l'exposition internationale en 2004 est un enjeu pour rééquilibrer l'agglomération parisienne et pour accélérer le développement de notre département. Il bénéficiera à toute la population de la Seine-Saint-Denis mais aussi à celle de la région tout entière.

Du dépôt de la candidature à la décision finale, le parcours est long. Pour promouvoir le projet, l'association

« Seine-Saint-Denis Porte-de-France » a été mise en place.

Mais l'une des forces de notre candidature passe aussi par le partenariat avec l'Etat.

M. Thierry Mariani.

La question !

Mme Muguette Jacquaint.

Dans cette perspective, monsieur le secrétaire d'Etat, comment envisagez-vous la coopération nécessaire entre l'Etat et le département pour que l'exposition internationale soit accueillie, comme nous le souhaitons, en Seine-Saint-Denis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.


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M. François Huwart, secrétaire d'état au commerce extérieur.

Madame la députée, M. le Premier ministre a, en effet, présenté la candidature de la France pour 2004 au président du bureau international des expositions. C'est le département de la Seine-Saint-Denis qui a manifesté le souhait d'accueillir l'exposition et cette demande va maintenant être instruite par le BIE.

Mesdames, messieurs les députés, chacun doit prendre conscience ici de l'importance de ce projet. Depuis 1937, il n'est pas revenu à la France le soin d'organiser une exposition universelle ou une exposition internationale, manifestations d'une durée respective de six mois et trois mois. C'est donc une véritable opportunité qui s'offre à nous.

Par ailleurs, je veux, comme vous, madame la députée, souligner que les atouts de la Seine-Saint-Denis sont considérables.

M. Maurice Leroy.

Nous ne sommes pas au conseil général !

M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Le parc de La Courneuve et le site de l'Aire des Vents disposent des infrastructures nécessaires et les aménagements envisagés dans le cadre du contrat de plan Etat-région font qu'aucune dépense nouvelle ne devrait être engagée.

En outre, le thème retenu, les images, donne un atout supplémentaire à la Seine-Saint-Denis qui est le département où l'implantation des industries cinématographiques et télévisuelles est la plus importante.

Enfin, comme vous l'évoquez à juste raison, cette manifestation sera précieuse pour le rayonnement de la région Ile-de-France et pour le département de SeineSaint-Denis.

La route est longue jusqu'à la décision finale qui devrait intervenir à la fin du printemps prochain. Le Gouvernement ne doute pas de l'aboutissement de sa démarche même si d'autres pays peuvent encore se porter candidats dans les six mois qui suivent le dépôt de la candidature française. Ce délai pourra être mis à profit pour commencer à mettre en place les partenariats opérationnels et financiers nécessaires à la réussite du projet entre le département de Seine-Saint-Denis, la région Ile-deFrance et les industries audiovisuelles.

Pour ma part, je recevrai M. Robert Clément, président du conseil général de Seine-Saint-Denis, la semaine prochaine.

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvezvous conclure, s'il vous plaît ?

M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

J'évoquerai avec lui les conditions dans lesquelles l'Etat et le département doivent coopérer pendant l'année à venir pour que cette candidature aboutisse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

ENTREPRISES PUBLIQUES ET CONCURRENCE

M. le président.

La parole est à M. Franck Borotra.

M. Franck Borotra.

Monsieur le président, le groupe RPR prend acte du rappel à l'ordre auquel vous avez procédé tout à l'heure. Vous avez ainsi tout simplement assumé les responsabilités qui sont les vôtres en tant que président de l'Assemblée nationale.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a quelques mois, l'Assemblée nationale a voté un texte très restrictif, portant sur l'organisation de la concurrence sur le marché de l'électricité. Les résultats sont là : cinq clients seulement ont pu accéder à d'autres fournisseurs qu'EDF. Mais, et c'est plus grave, cette entreprise fait l'objet d'une suspicion généralisée en Europe, notamment de la part de la C ommission européenne, et les Etats membres commencent à lui opposer le principe de réciprocité.

Dans le domaine des télécommunications, France Télécom vient de procéder à l'achat d'Orange.

M. Henri Emmanuelli.

Très bonne opération !

M. Franck Borotra.

Elle a bien fait. Mais les limitations que lui impose sa possible privatisation l'obligeront à s'endetter, voire à mettre sur le marché les actions de sa filiale.

M. Henri Emmanuelli.

Jaloux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Franck Borotra.

Par ailleurs, le Gouvernement n'a toujours pas autorisé le dégroupage des boucles locales, pourtant indispensable à la transmission de l'information et au développement des connexions à haut débit pour Internet.

Il y a quinze jours, le conseil des ministres a examiné un projet de loi bloquant l'ouverture du marché français du gaz. Or, les conséquences seront très graves pour Gaz de France, d'une part parce qu'il lui sera opposé le principe de réciprocité, d'autre part, parce que l'on ne lui reconnaît pas le droit de faire évoluer ses statuts, ce qui est pourtant indispensable à l'acquisition d'une dimension qui lui permette de jouer dans la cour des grands. Tout cela s'apparente un peu au « ni-ni » de fâcheuse mémoire.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

D'abord, parce que vous avez une vision idéologique des services publics. (Exclamations sur plusieurs bancs que groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Ensuite, monsieur le ministre, parce que vous ne voulez pas faire de peine au groupe le plus archaïque de la marjorité plurielle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Franck Borotra.

Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que le moment est venu...

M. le président.

Monsieur Borotra !

M. Franck Borotra.

... de regarder avec pragmatisme l'évolution des entreprises publiques et de leur permettre de s'adapter aux conditions de la concurrence et du marché, notamment en substituant aux critères actuels, partisans et idéologiques, l'intérêt de l'entreprise et des usagers ? A retarder cette évolution, monsieur le ministre, vous exposez ces grandes entreprises auxquelles nous tenons au risque de devoir se transformer dans l'urgence et sous la contrainte européenne, ce qui leur serait très préjudiciable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, je voudrais d'abord rendre hommage à vos capacités de synthèse : parti, si j'ai bien compris le début de votre question, d'une défense et illustration du secteur public, vous avez fini en nous demandant d'y renoncer. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ce qui fait que je ne sais pas au juste - et encore avez-vous été le seul de l'opposition à parler - si vous êtes pour la nationalisation intégrale ou pour la privatisation systématique ! (Mêmes mouvements.)

Mais c'est une autre paire de manches ! En ce qui nous concerne, monsieur le ministre Borotra, nous avons une vision aussi claire que possible de cette question, tout en étant très pragmatiques.

S'agissant d'EDF, il n'est pas question pour nous de porter atteinte au statut public de cette très grande entreprise.

M. Franck Borotra.

Ouvrez le marché ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Tout en respectant les règles européennes, elle continuera d'être très performante, avec une vision conquérante de l'export.

M. Franck Borotra.

Et la réciprocité ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'agissant de Gaz de France, nous entendons aussi respecter pleinement son statut. C'est une très belle entreprise, qui a besoin de se développer, à la fois sur le marché intérieur et international. Et je ne vois aucune contradiction entre cet objectif et les décisions qui ont été prises.

S'agissant de France Télécom, je vous confirme qu'après le rachat d'Orange, belle opération que vous avez vous-même saluée - et je vous en remercie -, sa situation juridique reste la même. Ses filiales, pour ce qui est de leurs intérêts principaux, demeurent soumises aux mêmes règles. Là aussi, les choses sont claires.

Ce qui veut dire, monsieur Borotra, que nous avons toujours eu une attitude claire sur toutes ces questions.

M. Richard Cazenave.

Elle n'est pas claire du tout, vous le savez bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'une part, il y a la loi, et nous la respectons.

D'autre part, nous avons une véritable stratégie industrielle. Nous considérons en effet qu'un développement économique fort de la France n'est pas possible sans base industrielle puissante. Et les entreprises publiques, comme les entreprises privées, y concourent de façon éminente.

M. Franck Borotra.

A condition qu'elles soient libres ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà la ligne qui est la nôtre, et je ne vois aucune raison de la modifier.

Une dernière remarque, monsieur Borotra, car votre question revenait au fond à mettre en cause le caractère public de certaines de ces entreprises. Je vous demande de considérer que, contrairement à ce qui est souvent dit, dans un contexte de concurrence internationale, le fait que ces entreprises soient publiques, et par conséquent qu'elles soient complètement à l'abri des offres publiques d'achat, n'est pas sans importance si l'on veut développer une stratégie industrielle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

PRIX DES CARBURANTS

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez, il y a quelques semaines, annoncé dans ces murs une baisse du prix des carburants. Vous êtes allé jusqu'à dire que vous alliez lâcher deux cents contrôleurs dans la nature pour combattre les prix trop élevés. Permettez-moi de vous dire que, pour un coup d'essai, ce ne fut, hélas ! pas un coup de maître car, quelques jours après, les prix s'envolaient à nouveau.

Je voudrais vous rappeler que depuis longtemps dans notre pays, les prix sont libres. Alors, pourquoi une telle démagogie ? Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous faites personnellement le plein de votre voiture mais après deux ans d'augmentations sans précédent, aujourd'hui, tous les records sont battus.

Le litre de super est à plus de 8 francs, celui du gazole à 5,50 francs, voire plus, et celui du fuel domestique à presque 3 francs.

M. Christian Bataille.

C'est le café du Commerce !

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre, dès que vous voyez un micro, vous réaffirmez votre volonté de baisser les impôts. Très bien ! Alors, je vous dis : « chiche » ! Etes-vous capable de mettre en pratique vos affirmations ? Commencez donc par baisser la taxe sur les carburants, qui représente 80 % de leur prix. Cela fera le bonheur de nos entreprises, de notre économie et de tous les Français qui vont bientôt partir en vacances. Et, de grâce ! ne nous dites pas que c'est la faute au dollar, au baril de pétrole ou, comme l'a même fait Mme Parly, la faute à Juppé ! (« Oui » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Car depuis deux ans, depuis que vous êtes au pouvoir,...

M. Didier Boulaud. Cela fait trois ans ! Il ne sait même pas compter ! M. Jean Auclair. ... les carburants ont augmenté de 25 % et, en matière de hausse d'impôts, M. Jospin est devenu le champion du monde ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, il est un point sur lequel je suis tout à fait d'accord avec vous, et vous venez d'ailleurs d'en faire une démonstration éclatante, c'est qu'il faut de garder de refuser la démagogie. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Franck Borotra. Et de la langue de bois ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'agissant des propos que j'ai tenus dans cette assemblée, j'ai suffisamment de mémoire, comme vous, pour me les rappeler exactement. Connaissant le fonctionnement du marché et les règles de la liberté des prix, puisque c'est sous mon gouvernement, il y a de cela quel-


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ques années, que ces prix ont été libérés, je n'aurais certainement jamais eu l'ignorance de prétendre que l'on pouvait faire baisser les prix des carburants par une décision de puissance publique. J'ai en revanche demandé, même si, je vous le concède, cela n'a guère été efficace j'en tirerai les conséquences autant que possible -, aux grandes sociétés pétrolières et à certains indépendants de venir nous rencontrer, M. Pierret, Mme Lebranchu et moi-même, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, parce que je considère qu'il est absolument illogique et parfois même scandaleux que le prix à la pompe ne baisse pas lorsque le prix du pétrole, lui, baisse, alors qu'il augmente lorsque le prix du pétrole monte.

M. Thierry Mariani. Et les taxes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je considère que c'est un abus et je leur ai dit ! (« Démago ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Si l'on refuse la démagogie, il faut réaffirmer, quitte à ne pas être compris, mais je pense que la réalité finira par s'imposer, que la taxe intérieure sur les produits pétroliers est assise sur les quantités et non pas sur les prix. Vous le savez, sans doute ! Autrement dit, quand les prix hors taxes augmentent de 81 %, comme ce fut le cas entre janvier 1999 et janvier 2000, les prix taxes comprises n'augmentent que de 16,5 %. Voilà la réalité ! Certes, on peut toujours dire qu'il faut baisser la TIPP.

M. Jean Auclair. Voilà ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons baissé la TVA qui s'applique à cette quantité, et, même si cela n'a pas été suffisant compte tenu de l'augmentation de prix des pétroliers, cela a contribué à ralentir un peu la hausse.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Peut-être faudra-t-il aller plus loin. En tout cas, je vous rassure, nous n'irons certainement pas dans la direction qui avait été prise par M. le Premier ministre Juppé, avec votre soutien à l'époque. Je conclus enfin de vos propos que, lorsque je reconvoquerai les pétroliers, comme j'ai l'intention de le faire, ce sera avec le soutien de l'ensemble de l 'Assemblée.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste.)

STATISTIQUES SUR LA DÉLINQUANCE EN RÉGION PARISIENNE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Abrioux, pour une brève question.

M. Jean-Claude Abrioux.

Monsieur le ministre de l'intérieur, M. Vaillant répondant - ou plutôt ne répondant pas, comme de coutume - à une question posée sur vos exploits diplomatiques, a fait l'éloge de votre action avec la modestie qui caractérise ce gouvernement. Mon collègue Dominique Bussereau a fort bien fait le bilan de celle-ci en matière de transports.

Pour ma part, je voudrais évoquer le problème de la délinquance à Paris et en région parisienne. Il n'est pas de jour où les colonnes de la presse locale ne se fassent l'écho de la dégradation en ce domaine : guerres de bandes à Paris, voitures brûlées, maîtres-chiens sur les c ampus universitaires. Votre silence, particulièrement éloquent, trouve toute sa mesure dans l'absence de diffusion par la préfecture de police des statistiques des crimes et délits à Paris. Comment expliquez-vous cette absence d'information ? Avez-vous l'intention d'y remédier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse brève.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, demain, la généralisation de la police de proximité interviendra sur un tiers du territoire national qui se trouve en zone de police.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Demain ! C'est aujourd'hui qui nous intéresse !

M. le ministre de l'intérieur.

C'est cette réponse, à laquelle nous avons travaillé pendant deux ans avec toute une série d'expérimentations, qui peut en effet permettre de faire front devant la délinquance. Je voudrais d'ailleurs vous rappeler que si celle-ci n'a pas augmenté significativement depuis une dizaine d'années - les statistiques de la police nationale, régulièrement tenues à jour par tous les gouvernements successifs, en témoignent -, nous avons observé, en 1999, en région parisienne, à l'exception des Yvelines, une augmentation qui contraste avec la baisse enregistrée par ailleurs dans tous les départements classés très sensibles.

Pour Paris, les dernières statistiques du mois d'avril montrent une tendance à la baisse. Mais je n'ai pas l'habitude d'interpréter les statistiques au mois le mois (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), car ce n'est pas déterminant. Ce qui l'est, ce sont les réponses que nous apportons, notamment dans le domaine des violences urbaines.

ainsi, sur la base des circulaires que j'ai adressées aux services de police judiciaire en 1998 et 1999, 880 interpellations suivies de 450 mises sous écrou ont été effectuées dans des domaines qui intéressent les réseaux de trafiquants, l'économie souterraine, le blanchiment de l'argent dans les quartiers très sensibles. Vous le savez très bien, ces actions sont souvent un préalable à la mise en oeuvre efficace de la police de proximité.

Vous avez évoqué les problèmes de la SNCF et de la RATP. Je ne veux pas revenir sur la réponse de M. Gayssot, qui était excellente (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et je veux simplement la compléter par quelques rappels. La préfecture de police a mis sur pied un service de protection et de surveillance des réseaux ferrés parisiens, qui compte actuellement 500 personnes. La direction centrale de la sécurité publique a créé, en région parisienne, une douzaine de bureaux de police et multiplie les opérations de contrôle.

La PAF a renforcé les effectifs de la brigade des chemins de fer. D'une manière générale, le Gouvernement est très attentif à prendre toutes les mesures...

M. Lucien Degauchy.

Il ne prend pas les bonnes !

M. le ministre de l'intérieur.

... qui permettent de juguler cette forme de délinquance très préoccupante. A la rentrée, nous disposerons d'effectifs supérieurs, compte tenu des surnombres que m'a accordés le Premier ministre, et nous pourrons renforcer significativement les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

équipes, notamment dans votre département.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

ADHÉSION DE LA CHINE À L'OMC

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Le président Bill Clinton vient d'entamer sa dernière tournée européenne et il ne cache pas sa volonté de relancer un nouveau cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce avant la fin de son mandat. Les radicaux de gauche regrettent que des dossiers comme ceux de la banane ou des importations de boeuf aux hormones n'aient toujours pas été résolus. Ils considèrent également que les propositions américaines sur les facilités fiscales des grandes sociétés sont encore insuffisantes.

Mais il est un autre aspect de l'avancée des négociations multilatérales qui mérite que l'on s'y attarde : c'est la question de l'adhésion de la Chine à l'OMC. Un accord entre le commissaire européen Pascal Lamy et les autorités de Pékin est intervenu le 19 mai dernier. La Chambre des représentants américaine vient de se prononcer en faveur de la normalisation des relations commerciales avec la Chine. Les radicaux de gauche, favorables à l'intégration de la Chine dans l'OMC, rappellent leur attachement à une Organisation mondiale du commerce qui prenne en compte un accès égalitaire au marché, faute de quoi un nouvel impérialisme s'établira au détriment des plus faibles.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale l'état d'avancement de ce dossier dont l'issue, au-delà des états d'âme américains, sera déterminante pour la poursuite de nos échanges commerciaux dans le monde ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Monsieur le député, vous soulignez, à juste raison, l'importance de l'adhésion de la Chine à l'OMC, adhésion à laquelle, vous le savez, la France est favorable. Au plan général, cette adhésion est importante pour au moins trois raisons.

C'est d'abord un renforcement de la légitimité de l'OMC, et vous savez que nous y sommes attachés.

C'est la perspective de l'intégration de 1,3 milliard de consommateurs dans le champ des règles du commerce multilatéral et c'est donc l'extension du champ de la régulation de la mondialisation, qui nous tient aussi à coeur.

C'est aussi, pour la Chine, un facteur de modernisation et d'ouverture de son économie et, pour nos produits et nos investissements, ce sont de meilleures conditions de marché et des débouchés nouveaux.

Dans ce contexte général, nous devons, en effet, avec vous, nous féliciter de l'accord entre l'Union européenne et la Chine qui, après l'accord avec les Etats-Unis, est une étape décisive dans la voie de l'adhésion. Certes, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous voulions, mais l'Europe a su faire prendre en compte ses intérêts spécifiques et a obtenu d'importantes compensations tarifaires dans les secteurs où nous sommes fortement exportateurs.

Sur certains points, nous avons même amélioré l'accord signé avec les Américains. Si nous prenons garde à la bonne application de cet accord, ces avancées devraient nous permettre d'envisager la réduction de notre important déficit commercial de 29 milliards de francs avec la Chine.

Enfin, vous évoquez la perspective du lancement d'un cycle de négociations avant la fin de l'actuelle présidence américaine. Pour sa part l'Europe y est prête. Son mandat est clair et il est confirmé. Encore faut-il que les conditions de la réussite soient remplies, que le dialogue avec les pays en voie de développement progresse et que les contraintes de politique intérieure américaine, en période électorale, ne pèsent pas comme elles l'ont fait sur Seattle.

De ces deux points de vue, je pense que le compte n'y est pas encore. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste.)

GRATUITÉ DU PRÊT DANS LES BIBLIOTHÈQUES

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Depuis plusieurs années, la bataille du prêt payant en bibliothèque fait à nouveau rage. Signée par 300 écrivains, une pétition a été lancée par le Syndicat national de l'édition et la Société des gens de lettres qui considèrent les prêts de livres sans rémunération dans les bibliothèques comme une sorte de contrefaçon et réclament le paiement de cinq francs par livre emprunté. La riposte à cette initiative n'a pas tardé avec une contre-pétition de ceux qui sont résolument opposés au prêt payant. La stagnation des ventes de livres et l'arrivée des nouvelles technologies sont au coeur de ce débat.

Prétendre résoudre les difficultés du secteur du livre en instaurant le prêt payant direct par le lecteur ou indirect par les collectivités locales est illusoire, inefficace et anticulturel. S'attaquant au fondement même du droit de tous à la culture, le prêt payant remet en cause toute la politique de lecture publique poursuivie par l'Etat et les collectivités locales à travers notamment les bibliothèques.

Remettre en cause, pour des intérêts corporatistes, l'accès gratuit au livre c'est prendre le risque de détourner de la lecture un grand nombre de personnes, notamment les plus démunis. C'est faire planer sur la lecture une sélection supplémentaire par l'argent. C'est finalement porter préjudice au livre lui-même.

Comme vous vous y étiez engagée lors de votre arrivée rue de Valois, vous avez entamé, madame la ministre, une série de consultations. Pouvez-vous déjà livrer à la représentation nationale les grandes lignes de votre réflexion et lui préciser le sort que vous réservez à la directive europénne de novembre 1992, qui permet de rendre payant le prêt dans les bibliothèques et contre l'application de laquelle nous nous élevons une fois de plus ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste ainsi que quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Madame la députée, votre question fait écho à un débat très vif qui s'est développé dans le pays


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

au moment même où j'arrivais au ministère de la culture et de la communication. Pour ma part, d'ailleurs, je ne déplore pas que de tels sujets puissent faire partie intégrante du débat public dans notre pays.

(« Très bien ! » sur quelques bancs.)

Je me suis immédiatement saisie du dossier, car la question me paraît doublement légitime.

D'abord, elle confronte deux préoccupations fondamentales pour nous, celle du respect du droit d'auteur, auquel nous sommes indéfectiblement attachés, et celle de la politique du livre et de la lecture dans laquelle, depuis vingt ans, l'Etat et les collectivités territoriales se sont engagés résolument et efficacement.

Ensuite, cette question rejoint le vaste sujet du droit de la propriété intellectuelle dans le contexte en complète mutation du développement de la société de l'information, sujet qui, vous le savez, angoisse profondément les professionnels de la chaîne du livre, en particulier les auteurs, et qui donne lieu actuellement à de vastes discussions au plan européen, discussions qui devraient, je l'espère, aboutir dans des délais raisonnables.

Personnellement, madame la députée, je regrette le ton parfois excessivement passionnel, accusateur, qui a pu être employé par les uns et les autres pour exprimer leur conviction. Mais j'y vois le signe d'une très réelle inquiétude plutôt que l'expression d'intérêts corporatistes. Le poids respectif des positions prises montre bien qu'il n'y a pas de réponse simple à cette question. Cela rend d'autant plus nécessaire la recherche consensuelle de solutions constructives, élaborées avec l'aide de tous et dans l'intérêt de tous.

En ce moment même et depuis mon arrivée au ministère, je consulte très méthodiquement les élus et tous les professionnels, quelle que soit leur approche du dossier.

De ces consultations, je retire l'impression d'une volonté réelle de trouver des solutions qui englobent et dépassent la seule question du prêt dit gratuit pour considérer l'ensemble des problèmes de la chaîne économique du livre.

Sur le fond de la question, je tiens à dire clairement ici qu'il n'est pas envisageable d'adopter une formule de paiement à l'acte. Pour moi, l'acquis politique de vingt années de lecture publique ne doit pas être fragilisé et encore moins remis en cause. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La progression constante du prêt dans les bibliothèques doit être considérée par tous comme une donnée très positive du développement de la lecture dans ce pays, donc de l'avenir du livre et des auteurs. Nul ne saurait dire aujourd'hui ce que serait le nombre de lecteurs dans notre pays si une telle politique publique n'avait pas été menée.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, madame la ministre, s'il vous plaît ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Naturellement, je m'attache à rechercher des solutions économiques au problème de la juste rémunération des auteurs ainsi qu'à celui, plus large, des flux impliqués dans la chaîne complexe et fragile du livre, de l'auteur au lecteur en passant par le libraire. Ma recherche se veut sans a priori et sans exclusive.

Je me suis fixé un calendrier : conduire les consultations jusqu'à l'été, mettre dès la rentrée des propositions sur la table et conclure avant la fin de l'année. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe UDF.

PERMIS DE CONDUIRE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Je voudrais soumettre à M. Gayssot un problème de la vie quotidienne, ressenti péniblement par des milliers de familles, de jeunes et par des centaines d'entreprises artisanales. Je veux parler de l'incompréhensible allongement des délais d'attente du passage du permis de conduire.

Depuis de longs mois déjà, nous alertons les pouvoirs publics sur ces délais. Or rien ne change, tout s'aggrave et risque de s'aggraver davantage avec l'application des 35 heures. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie.

Voici ce que déclarait Pierre Joxe, devant la mission d'évaluation et de contrôle de la dépense publique, le 8 mars dernier : « Il y a une habitude qui a été prise et qui s'aggrave, c'est celle qui consiste à gérer la fonction publique d'une façon lointaine et approximative. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie.

Et cette appréciation concerne plus particulièrement la gestion du personnel.

Aussi, monsieur le ministre de l'équipement, je vous demande s'il n'est pas urgent de déconcentrer la responsabilité de l'organisation des épreuves au niveau des directeurs régionaux de l'équipement. On saurait ainsi qui est responsable de l'allongement de ces délais.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. Pierre Méhaignerie.

Par ailleurs, dans quels délais pensez-vous résoudre ce problème ? Il y va, en effet, de l'avenir de milliers de jeunes qui, faute de permis de conduire, ne peuvent occuper l'emploi qu'ils ont obtenu.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, j'ai, il y a quelques semaines, reçu les responsables d'auto-écoles qui m'ont fait part de leur inquiétude. Nous sommes en effet, comme vous l'avez souligné, confrontés à un réel problème qui tient à plusieurs raisons, que je veux rappeler et qui détermineront les mesures que nous devons prendre.

D'abord, avec l'approche des vacances d'été, nous assistons à une augmentation des inscriptions au permis de conduire.

M. Pierre Albertini et M. Maurice Leroy.

C'est pareil tous les ans !


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M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ensuite, il y a ce qu'on appelle le mini baby boum de 1981-1982. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Interprétez-le comme vous le souhaitez messieurs, il n'empêche que ce phénomène est réel.

Il y a surtout la réforme du service militaire. Désormais il y a de moins en moins de jeunes qui passent leur permis de conduire à l'occasion de leur service militaire.

Enfin, monsieur Méhaignerie, et vous le savez bien, les normes européennes en matière de délivrance du permis de conduire ont allongé la durée des examens. De notre côté, nous voulons valoriser le contenu de la formation au permis de conduire.

M. Richard Cazenave.

Qu'est-ce que vous faites ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Nous avons créé trente postes d'inspecteurs supplémentaires. Mais le recrutement n'est pas tout. Pour être efficients, ces personnels doivent aussi être formés. Je puis vous assurer qu'ils seront dans les prochains jours à même de faire passer le permis de conduire.

Cela dit, je sais que l'on ne peut en rester là.

Nous devrons, dans les années à venir et dès l'an prochain, créer des postes supplémentaires - de l'ordre d'une centaine - afin de répondre à l'accroissement de la demande.

Je profite de cette question pour, à la veille d'un long week-end, appeler les conducteurs à la prudence et signaler que les forces de police et de gendarmerie exerceront, jour et nuit, tous les contrôles nécessaires à la sécurité routière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le président.

La parole est à M. François Loos.

M. François Loos.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et porte encore sur les télécommunications.

Les télécoms sont un marché. Et nous nous félicitons de la prise de parts de marché que France Télécom vient de réaliser. Mais les télécoms, avec Internet et le téléphone mobile, sont aussi un moteur de croissance, un outil pour la performance de notre économie et de nos services publics.

Avez-vous une politique dans ce domaine, monsieur le ministre ? (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.) On peut en douter compte tenu des réponses que vous nous avez faites lors de questions précédentes sur le même sujet.

D'un côté, le Gouvernement présente France Télécom comme le fer de lance de notre économie. D'un autre côté, il refuse le dégroupage, qui permettrait d'aller plus vite dans la mise en oeuvre d'une politique de l'Internet pour tous.

D'un côté, on voit une société publique dépenser plus de 300 milliards de francs pour une acquisition à l'étranger. De l'autre, on entend les opérateurs internationaux déclarer qu'ils vont éviter la France et les opérateurs nationaux réclamer des règles du jeu claires, notamment pour les licences de la troisième génération.

D'un côté, on investit dans les réseaux à l'étranger. De l'autre, on aimerait que le règne de l'argent-roi soit remplacé par celui de la création sur le Net, et que la politique favorise l'innovation des entreprises françaises.

Monsieur le ministre, quelles sont vos priorités en matière de télécommunications ? Envisagez-vous d'organiser, à l'intention de la représentation nationale, un vrai débat de société sur ce sujet ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, la politique du Gouvernement est extrêmement claire : il s'agit de faire bénéficier notre pays, l'ensemble des personnes physiques, aisées ou démunies, et les entreprises, petites ou grandes, des dernières technologies.

M. Franck Borotra.

Une solution : le dégroupage !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous ne souffrirons aucun retard dans l'équipement de la France dans les technologies les plus avancées, en particulier sur Internet.

M. Maurice Leroy.

Dégroupage !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous voulons le faire avec des règles claires : les meilleures technologies au meilleur prix ; les meilleures technologies accessibles à tous et à tous les territoires...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... car nous devons aussi veiller à l'égalité des territoires dans l'accession aux technologies modernes.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous le ferons dans le respect de toutes les règles de droit, en toute clarté et transparence, et avec détermination ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Pierre-André Wiltzer.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3

CONTRÔLE DES FONDS PUBLICS ACCORDÉS AUX ENTREPRISES Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (nos 2201, 2414).

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi constructive qui nous est présentée aujourd'hui a été conçue par Robert Hue, à l'automne 1999, comme une réponse à ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire Michelin ».

Elle repose aussi sur d'importants travaux parlementaires : le rapport de Daniel Paul et Alain Fabre-Pujol, de juin 1999, sur les pratiques des grands groupes et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire, ainsi que celui de Gérard Bapt, réalisé en 1998, portants ur les aides publiques aux entreprises en matière d'emploi.

Le gouvernement de Lionel Jospin s'est déjà prononcé en faveur de ce texte, en première lecture, à l'Assemblée nationale mais aussi au Sénat, car il s'agit d'assurer la transparence des aides publiques aux entreprises et le dispositif proposé est équilibré, susceptible de mobiliser tous les acteurs économiques, politiques et sociaux.

Ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est la transparence comme instrument d'efficacité et d'équité des aides aux entreprises.

Les aides à l'emploi contribuent à rendre la croissance plus riche en emplois et à expliquer les excellents résultats de la France, depuis près de trois ans, dans la lutte contre le chômage. Les plus libéraux, qui brocardent ces aides en général, conviennent de leur utilité quand, dans leur département, ils sont confrontés concrètement aux difficultés d'une entreprise...

T outefois, pour assurer l'efficacité de la dépense publique, il est nécessaire d'identifier et de sanctionner les abus. Ils sont rares car les services gestionnaires et les corps d'inspection des ministères s'appuient sur des critères d'octroi des aides très précis. Ces abus n'en sont pas moins choquants, pour les entreprises concurrentes, pour les salariés concernés, pour les contribuables et les citoyens.

Quelles sont ces dérives ? C'est tel chef d'entreprise qui s'engage à maintenir l'emploi tout en sachant que c'est impossible, tel autre qui contracte avec une collectivité sans pouvoir respecter ses obligations, tel autre enfin qui est comme « abonné » à des aides dont il pourrait se passer.

Pour identifier ces abus et y remédier, il n'existe pas, à ce jour, d'instance nationale d'évaluation des dispositifs d'aide aux entreprises. La proposition de loi comble donc un manque, en instituant une commission nationale déclinée en commissions régionales. Cette commission examinera la pertinence de dispositifs existants ou projetés, au regard des objectifs des aides et, essentiellement, de l'emploi. Elle pourra aussi proposer les réformes et modifications qui s'avéreront nécessaires.

La proposition de loi évite deux écueils opposés : la complexité et la superficialité.

Oui, l'écueil de la complexité est évité : la commission n'est pas instituée dans l'optique d'une investigation systématique et ne fait pas peser une suspicion généralisée sur l'ensemble des aides aux entreprises.

L'écueil d'une instance dénuée de tout pouvoir est également évité : la proposition de loi dote la commission de moyens d'information puissants et de relais régionaux efficaces.

Le dispositif de contrôle proposé est équilibré et confère tout leur rôle aux différents acteurs politiques, économiques, sociaux et administratifs.

Les auteurs de la proposition de loi ont en effet opté pour une commission à la composition très large, ainsi que pour des possibilités de saisine très ouvertes, afin d'enrichir la vision des pouvoirs publics sur la mise en oeuvre des aides. La commission, telle qu'elle est conçue, comprendrait des parlementaires en son sein, et son travail préparerait et compléterait les initiatives du Parlement en la matière, sans jamais s'y substituer.

La commission serait pourvue de pouvoirs à la fois étendus et respectueux du rôle des partenaires sociaux et de celui des administrations gestionnaires d'aides, en matière d'information, d'évaluation et de sanction : une information précise, grâce aux rapports qui lui seront transmis chaque année par les préfets de région ; une évaluation rigoureuse, qui sera confortée par la capacité de saisir les services gestionnaires d'aides ; enfin, des pouvoirs de sanction effectifs, par la possibilité qui sera donnée à ces derniers de suspendre les aides ou même d'en obtenir le remboursement.

Le Gouvernement réitère donc aujourd'hui son adhésion à la démarche du groupe communiste et à sa proposition de loi. La majorité plurielle, c'est un consensus qui se construit autour d'initiatives concrètes, comme celle dont nous avons débattu et dont nous allons débattre à nouveau aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean Vila, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, déposée le 13 octobre 1999, la proposition de loi de notre collègue Robert Hue et des membres du groupe communiste et apparentés a été adoptée en première lecture par notre assemblée, le 18 janvier dernier.

Lors de sa séance du 24 février 2000, le Sénat l'a rejetée en adoptant la question préalable déposée par le rapporteur de sa commission des finances.

Dans son rapport comme dans son intervention en séance publique, ce dernier, M. Joseph Ostermann, a contesté l'utilité de la proposition de loi, estimant notamment qu'elle illustrait une « nostalgie de l'économie administrée », en complet déphasage avec la réalité d'une é conomie « caractérisée par la liberté des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux, par la globalisation des marchés, par le développement des nouvelles technologies ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

Un tel raisonnement est pour le moins étonnant. La commission nationale dont la création est proposée n'a pas pour vocation de « limiter les effets néfastes de la mondialisation ». Il s'agit pour elle, tout simplement, de s'interroger sur la manière dont les entreprises utilisent les aides publiques qu'elles reçoivent de l'Etat comme des collectivités locales. Pourquoi le contexte économique global interdirait-il de s'interroger sur le bon usage des deniers publics, fussent-ils octroyés à des opérateurs privés ? Le Sénat nous a habitués à une plus vive ardeur en matière de contrôle de la dépense publique. Il est vrai que celle-ci ne s'applique, le plus souvent, qu'à l'Etat et à ses administrations, et que la curiosité de la Haute Assemblée s'émousse à l'approche des comportements des entreprises privées...

Reprenant certains arguments avancés devant notre assemblée, la commission des finances du Sénat suggérait aussi que la proposition de loi marquait un « affaiblissement des prérogatives du Parlement ».

Ses auteurs ne contestent pas le fait que le contrôle de la dépense publique constitue l'une des prérogatives originelles des assemblées parlementaires. La présente proposition de loi n'entend, bien évidemment, pas les restreindre si peu que ce soit.

D'une part, elle prévoit, en son article 2, la présence de parlementaires au sein de la commission.

D'autre part, l'existence d'une telle commission ne prive pas les assemblées de leur droit de procéder, sous les formes qu'elles jugeraient les plus appropriées, à leurs propres investigations. La proposition de loi ne fait qu'ajouter un outil supplémentaire pour remplir une tâche qui reste toujours incomplètement achevée. Parce qu'elle examine, elle aussi, l'exécution des lois de finances, considère-t-on que l'existence de la Cour des comptes réduit les prérogatives des assemblées parlementaires ? Non, bien sûr ! Les travaux de la commission nationale, notamment son rapport annuel, constitueront pour le Parlement une source supplémentaire d'information et lui fourniront un autre éclairage, de nature à renforcer son propre contrôle.

Surtout, le rapporteur du Sénat a cru devoir ironiser sur les objectifs politiques de l'adoption de la présente proposition de loi : « gage » donné au groupe communiste, elle ne serait qu'un « moyen de renforcer la cohésion de la majorité plurielle ».

Sans vouloir entrer dans des considérations de cette nature, votre rapporteur fera remarquer qu'il vaut mieux renforcer une cohésion politique grâce à des propositions concrètes, de nature à faire progresser le contrôle des fonds publics, plutôt que par l'organisation de « grands oraux », à l'utilité moins évidente au regard de l'intérêt général !

Par ailleurs, il convient de rappeler que la présente proposition trouve son origine dans les conclusions formulées, en juin 1999, par la commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire.

Pour ces raisons, votre commission des finances a adopté la présente proposition en n'apportant au texte voté en première lecture que des modifications rédactionnelles ou de précision, que nous aborderons tout à l'heure. En conséquence, elle vous demande d'adopter la proposition de loi, modifiée par les amendements figurant au tableau comparatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous devons examiner cet après-midi, en deuxième lecture, la proposition de loi du groupe communiste relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

J'ai envie de dire, en préambule de mon intervention, que, les mêmes causes entraînant toujours les mêmes effets, vous ne serez pas surpris du vote du groupe du Rassemblement pour la République : notre avis fut négatif en première lecture, il le sera également aujourd'hui.

En effet, les raisons de fond qui ont provoqué notre hostilité à ce texte, le 18 janvier dernier, n'ont pas changé. Mon collègue Alain Cousin, s'exprimant au nom de notre groupe à cette occasion, les avait exposées avec beaucoup de force et de conviction.

Bien entendu, nous avons au moins un objectif commun : faire de l'emploi la première des priorités de l'action politique, d'autant que notre taux de chômage reste nettement plus élevé que celui de nos principaux partenaires économiques, plus élevé que le taux moyen de l'Union européenne, plus élevé que le taux moyen de la zone euro, et qu'il diminue sensiblement moins vite que chez nos partenaires.

M. Bernard Outin.

Ce n'est pas vrai !

M. Maurice Ligot.

Si !

M. Gilbert Gantier.

Regardez les chiffres !

M. Pierre Morange.

A cet égard, il me semble que le Gouvernement devrait s'interroger sur les freins à la réduction du chômage, en France, plutôt que de se contenter de constater, chaque mois, que la croissance française, largement soutenue par l'excellente conjoncture internationale, crée des emplois.

Sur l'objectif, nous sommes donc d'accord avec vous.

Cependant, la philosophie qui vous inspire, et qui inspire cette proposition de loi, comme la plupart de vos initiatives politiques, n'est pas la nôtre.

M. Gérard Bapt.

Heureusement !

M. Pierre Morange.

Et, par voie de conséquence, les moyens qui en découlent divergent naturellement de ceux que nous préconisons.

Vous avez à l'esprit une vision si dépassée du fonctionnement de notre économie qu'elle étonne et fait même sourire la quasi-totalité de nos partenaires économiques, y compris lorsque les équipes politiques au pouvoir appartiennent à la même famille politique que vous.

Vous n'avez pas vu venir la mondialisation. Vous n'en avez compris ni les tenants ni les aboutissants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), notamment en termes d'impératifs de compétitivité pour les entreprises et d'insertion de leurs activités dans la concurrence internationale.

Vous affirmez vouloir réguler le marché - le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, voté de justesse il y a un mois, s'inspire en apparence de ce principe -, mais vous ne réussissez, en fait, qu'à le réglementer davantage, de manière souvent brouillonne et parfois même paralysante.


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La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en constitue une illustration supplémentaire, comme si les précédentes n'étaient pas assez nombreuses : réglementation, intervention, contrôle tatillon sont les clefs de voûte de l'architecture de votre politique économique.

M. Jean Vila, rapporteur.

Il faut bien contrôler les aides !

M. Pierre Morange.

A l'heure de la diffusion quasi instantanée de la connaissance, des savoirs et de l'information, via Internet, à l'heure de l'intensification des échanges résultant évidemment de la baisse vertigineuse des coûts de transport, à l'heure de l'accentuation des mutations dans l'organisation quotidienne du travail des salariés français, votre vision de l'entreprise puise encore ses racines dans une conception de la lutte des classes aussi désuète politiquement qu'elle est inefficace économiquement, voire dangereuse.

Pour le groupe communiste - et l'esprit de sa proposition de loi en atteste -, le dirigeant d'entreprise est d'abord et avant toute chose un suspect : suspect de pratiquer systématiquement et volontairement une politique contraire aux intérêts des salariés ; ...

Mme Muguette Jacquaint.

Vous savez bien que c'est faux !

M. Pierre Morange.

... suspect de recourir aux licenciements comme unique moyen d'ajustement des capacités de production à la demande et aux besoins de l'activité de l'entreprise ; ...

M. Jean Vila, rapporteur.

Allez donc voir chez Michelin !

M. Pierre Morange.

... suspect, enfin, d'utiliser les aides publiques, qu'elles soient d'Etat, régionales ou européennes.

Mme Muguette Jacquaint.

La réalité parle d'ellemême !

M. Pierre Morange.

Mais je m'y réfère, ma chère collègue. Suspect d'utiliser les aides publiques, disais-je, aux seules fins de servir les intérêts des marchés financiers et des actionnaires. Au demeurant, c'est oublier que bien peu d'entreprises sont cotées en Bourse et ont accès à ces marchés.

Que de mépris pour ceux qui créent, qui innovent, qui investissent pour développer leurs marchés, accroître leur rentabilité et augmenter la taille de leur entreprise !

Que de méfiance à l'égard de ceux qui sont les premiers responsables de l'amélioration actuelle de la situation de l'emploi dans notre pays ! Notre approche philosophique, vous le comprendrez aisément, diffère de la vôtre.

Nous pensons évidemment que le marché a besoin de règles pour servir les deux objectifs d'efficacité économique et de cohésion de la société. Mais nous refusons et refuserons toujours - d'imposer aux entreprises des carcans qui brident leur initiative et freinent leur développement. De telles mesures se révèlent toujours contreproductives en termes d'emplois.

Aujourd'hui, vous nous proposez de créer une instance de contrôle hybride, étrange.

Votre commission est d'abord antidémocratique parce qu'elle passe outre les pouvoirs que confère la Constitution au Parlement en matière de contrôle de l'utilisation des fonds publics. A cet égard, la mission d'évaluation et de contrôle, créée il y a un peu plus d'un an à l'initiative de M. Fabius, lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, pourrait très bien se voir confier une telle tâche. Contrairement à la énième commission que vous comptez instaurer, elle aurait une légitimité démocratique incontestable, s'agissant de l'utilisation par le pouvoir exécutif du produit des impôts acquittés par les contribuables.

Votre commission est ensuite un non-sens économique dans la mesure où elle érige des associations de chômeurs - dont la représentativité n'est même pas garantie - en censeurs des décisions prises par les directions des entreprises françaises, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité.

Vous conviendrez que cela tient de l'absurdité économique. Le texte offre même à cette commission des pouvoirs de sanction. Notre pays présentait déjà bien des caractères d'exception, mais à ce point...

Votre commission est enfin une instance non paritaire, puisque les organisations représentatives des employeurs ys ont sous-représentées par rapport aux organisations représentatives des salariés et aux associations de chômeurs.

Au vu des caractéristiques de cette commission, chacun pourrait convenir qu'il s'agit d'une proposition de loi de circonstance : l'affaire Michelin a laissé dans la majorité plurielle, on le sent bien, des traces difficiles à résorber, d'autant qu'elle a donné lieu de la part du Premier ministre lui-même à un véritable aveu d'impuissance.

Ce texte porte la marque des négociations internes à la majorité plurielle, où le Gouvernement doit donner des gages à chacune de ses composantes pour éviter l'implosion.

Au mieux, la commission que vous nous proposez de créer sera inefficace et inopérante. Au pire, elle se révélera un frein de plus à l'initiative dans notre pays, qui n'en manque déjà pas : freins administratifs, freins réglementaires, freins fiscaux et j'en passe.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, madame la secrétaire d'Etat, que le groupe RPR ne peut que s'opposer à l'initiative prise par le groupe communiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, la proposition de loi des députés du groupe communiste et de mon ami Robert Hue, adoptée en janvier par notre assemblée, nous revient aujourd'hui en deuxième lecture après que la majorité sénatoriale a considéré, en adoptant une question préalable, qu'il n'y avait pas lieu de débattre du texte.

L'opposition n'a de cesse de fustiger l'excès de dépenses publiques et n'a jamais de mots assez durs pour dénoncer des abus lorsqu'il s'agit de dépenses sociales, comme celles destinées à lutter mieux encore contre les inégalités sociales qui, disons-le, persistent.

Cependant, elle considère qu'il est urgent de ne rien faire lorsqu'il s'agit des fonds publics accordés aux entreprises.

Le dispositif proposé dans ce texte serait, selon certains - et vous venez de le rappeler monsieur Morange - à la fois insuffisamment précis, irréaliste et même inappli-


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cable. Il traduirait notre nostalgie d'une économie administrée d'un autre âge et remettrait même en cause les pouvoirs de contrôle du Parlement.

Le rapporteur a déjà avancé quelques réponses pertinentes à ces propos excessifs. Permettez-moi simplement d'insister sur quelques réalités qui justifient pleinement que l'Assemblée nationale confirme son vote de janvier dernier en profitant de cette deuxième lecture pour apporter au texte, comme il vient d'être proposé, un certain nombre d'améliorations d'ordre rédactionnel.

L'exigence d'une transparence de l'usage des fonds publics accordés aux entreprises n'est plus à démontrer.

La commission d'enquête parlementaire sur les pratiques des grands groupes et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire avait montré, dans son rapport, l'opacité et le cloisonnement du système actuel et son inefficacité au regard de la création d'emplois. Elle a, par exemple, constaté que les dix groupes industriels et financiers de notre pays qui collectaient la majorité des aides publiques avaient singulièrement réduit leurs effectifs ces dernières années et aggravé la précarité de l'emploi.

Il est faux de dire, monsieur Morange, que nous sommes contre les entreprises. Ne réduisons pas la politique des entreprises à celle des grands groupes, car un très grand nombre de PME et de PMI sont exclues des dispositifs d'aide existants. C'est là que le bât blesse.

M. Maurice Ligot.

Ce n'est pas vrai !

Mme Muguette Jacquaint.

Mais si ! Vous avez cité Michelin, mais cette entreprise n'est pas la seule.

M. Pierre Morange.

C'est sur elle que vous vous êtes focalisés !

Mme Muguette Jacquaint.

Michelin, Alstom et Unilever annoncent conjointement des augmentations de leurs résultats nets qui se chiffrent en milliards, mais continuent de pratiquer leurs saignées en supprimant des milliers d'emplois. Ces entreprises suscitent du reste, et de plus en plus souvent, la désapprobation de l'opinion publique.

M. Pierre Morange.

Et vous, que faites-vous ?

Mme Muguette Jacquaint.

Leur comportement est emblématique d'un comportement largement partagé par les grands groupes engagés dans une course à la rentabilité financière maximale, meurtrière pour l'emploi. Cela va à l'encontre des efforts engagés dans ce domaine et dont on commence à voir les premiers résultats.

La droite, au Sénat, a présenté cette proposition de loi comme un texte de circonstance, comme un alibi à l'incapacité du Gouvernement à changer les nouvelles règles du jeu qu'impose actuellement la mondialisation libérale.

M. Pierre Morange.

C'est vrai !

Mme Muguette Jacquaint.

Or, nous pensons qu'il est possible d'améliorer l'utilisation de l'argent pour favoriser la production de richesses réelles, l'emploi et le développement des qualifications, en mobilisant de manière différente les leviers de l'action publique, en élargissant la démocratie, notamment dans l'entreprise, et en se donnant les moyens d'établir la transparence et la lisibilité des fonds publics octroyés aux entreprises.

Ces fonds, ni les salariés dans l'entreprise, ni les élus, qu'ils soient locaux ou nationaux, ne sont aujourd'hui en mesure d'en connaître précisément la réalité et encore moins de savoir quels flux financiers ils génèrent.

Avec ce texte, nous souhaitons assurer le suivi détaillé et concret de l'utilisation des aides dans l'entreprise et de mesurer leur impact sur l'emploi tant à l'intérieur de l'entreprise que dans le bassin d'emploi.

Les sénateurs issus des différents bancs de la majorité plurielle ont montré à cet égard l'importance d'instances comme celle que nous proposons pour opérer une évaluation de l'efficacité globale des aides diverses apportées par les différentes collectivités territoriales, l'Etat, ou l'Union européenne, et de leur impact tant sur l'emploi que sur l'aménagement du territoire.

Cette évaluation est indispensable si nous voulons aménager et réorienter les dispositifs d'aide afin qu'ils contribuent de manière plus efficace au développement de la recherche, de la formation et plus généralement de l'emploi.

Trop d'aides sont aujourd'hui octroyées sans que soit imposée en retour une obligation précise de résultats vérifiables sur le développement de l'emploi.

Mon collègue Daniel Paul, dans les conclusions de son rapport, insistait sur la nécessité pour les politiques d'aide à l'emploi de passer d'une logique de subsides à une véritable logique d'incitation. Il proposait notamment la constitution de fonds régionaux pour l'emploi permettant l'octroi de prêts bonifiés en fonction d'objectifs de création d'emploi, de formation ou de développement de la recherche.

L'efficacité économique et sociale implique aujourd'hui de pénaliser la croissance financière et de favoriser au c ontraire le développement des qualifications et de l'économie réelle.

Améliorer la transparence, la lisibilité et l'efficacité des aides permettra à l'action publique de gagner en cohérence.

Les commissions prévues par la proposition n'entendent nullement se substituer aux organismes actuellement chargés du suivi et du contrôle des aides publiques.

Elles visent au contraire à mettre en cohérence le travail des gestionnaires d'aide et celui des représentants de l'Etat. Elles favoriseront par leur travail d'analyse et de proposition le débat démocratique que tout le monde appelle de ses voeux.

Elles n'empiètent pas sur les prérogatives du Parlement.

C'est un mauvais procès qu'on leur fait. La présence en leur sein de parlementaires et les rapports qu'elles publieront régulièrement ne peuvent au contraire qu'aider la représentation nationale à jouer le rôle qui est le sien en m atière de contrôle et d'orientation des dépenses publiques.

Elles auront toute capacité de se faire communiquer par les services compétents les informations nécessaires pour mener à bien leurs missions, y compris lorsque ces données concernent une entreprise précise.

L'existence de commissions régionales permettra un suivi de proximité. Leur composition et les modalités de leur saisine visent à favoriser une meilleure appropriation des politiques de l'emploi par tous les acteurs qu'elles concernent dans les régions et les bassins de vie et d'emplois.

Affirmer la transparence, c'est aussi donner les moyens aux salariés concernés, et en particulier aux comités d'entreprise, d'alerter le service gestionnaire des aides lorsqu'ils l'estiment nécessaire. Ce service garde toute compétence pour statuer sur les suites à donner à cette alerte. Il est également important que soit reconnue comme légitime la prise en compte dans cette décision du point de vue et des réflexions des salariés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

Dans cette proposition, il est affirmé que la citoyenneté doit concerner aussi l'économie, et que les citoyens, les élus locaux et les salariés ont vocation à intervenir dans l'entreprise, comme dans la société en général, sur ces questions aujourd'hui décisives des ressources et des financements.

La proposition confirme enfin que l'entreprise a une responsabilité sociale en matière d'emploi et donc des obligations vis-à-vis de la société. Ces obligations sont d'autant plus importantes que l'entreprise bénéficie d'aides publiques.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons qui démontrent la nécessité d'adopter cette proposition de loi en deuxième lecture, comme nous l'avons fait en première. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi de M. Robert Hue et des membres du groupe communiste, adoptée en première lecture, le 18 janvier dernier, par la majorité plurielle de notre assemblée.

Lorsque je dis que nous examinons ce texte en deuxième lecture, il me faut préciser toutefois que, contrairement à nos traditions parlementaires et au bicaméralisme que commande notre constitution, il n'y a pas eu, en fait, de lecture au Sénat,...

M. Bernard Outin.

Ah ?

M. Gilbert Gantier.

... puisque celui-ci a refusé d'examiner ce texte en adoptant une question préalable,...

M. Bernard Outin.

C'est de sa faute, il n'avait qu'à l'examiner !

M. Gilbert Gantier.

... que nous comprenons d'ailleurs parfaitement.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est du sectarisme !

M. Gilbert Gantier.

Le texte issu de l'imagination de M. Robert Hue et de ses collègues du groupe communiste nous revient donc, si j'ose dire, presque dans sa pureté d'origine. (Sourires.)

M. Bernard Outin.

Merci !

M. Gilbert Gantier.

Je me permettrai, à cet égard, de souligner que nous avons le privilège, dans notre douce France, d'avoir sur notre territoire le communisme le plus conservateur qui soit. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Il y avait longtemps ! Voilà les vieux poncifs qui reviennent !

M. Gilbert Gantier.

Nous en avons ici une nouvelle démonstration.

M. Bernard Outin.

Vous aussi, vous êtes conservateur, depuis le temps que vous le dites !

M. Gilbert Gantier.

Conservateur au sens que vous entendez, mon cher collègue.

M. Jean-Louis Idiart.

Dans votre bouche, le mot

« conservateur » est positif !

M. Gilbert Gantier.

Dans la plupart des autres pays d'Europe en effet, le communisme a fortement évolué depuis la chute de mur de Berlin. Mais ce n'est pas le cas chez nous.

M. Jean Vila, rapporteur.

Les Français ont choisi !

Mme Muguette Jacquaint.

Vous, vous êtes pour la conservation des informations !

M. Gilbert Gantier.

Nos communistes regrettent tous les jours l'abandon des fondements de l'économie soviétique centralisée, dirigiste, planifiée, dont on connaît les succès !

M. Jean-Louis Idiart.

A la mairie de Paris, vous aussi, vous centralisez !

M. Gilbert Gantier.

Tout le monde sait quel bonheur cette économie a répandu sur les laborieuses populations de l'Union soviétique et des pays de l'Est.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est fini tout cela, monsieur Gantier ! Il n'y a plus que les élèves de sixième pour croire que cela perdure. C'est une erreur chronologique !

M. Gilbert Gantier.

L'idée d'une commission de contrôle des fonds publics attribués aux entreprises n'a donc rien d'étonnant : elle s'inscrit dans la logique des anathèmes systématiquement jetés sur les entreprises par les communistes. Pour eux, les entreprises sont des fossoyeuses d'emplois avides de profits.

Mme Muguette Jacquaint.

Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Vous mentez !

M. Gilbert Gantier.

Votre proposition participe donc du plaisir sans cesse renouvelé d'enfler toujours un peu plus la sphère publique et d'exercer sur elle un contrôle de plus en plus approfondi.

Mais, au-delà de l'attaque traditionnelle contre les entreprises, caricaturée à l'excès sous la forme de suppôts de la « World Company », M. Robert Hue et ses collègues nous proposent, par le biais de cette commission, une « soviétisation » des entreprises françaises. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Bernard Outin.

Voilà ! Le mot est lâché !

M. Gilbert Gantier.

Elle pourra en effet s'immiscer à loisir dans la gestion même des entreprises sous prétexte de contrôler les aides publiques accordées à telle ou telle société.

Comme toujours, les communistes rendent l'entreprise responsable de l'échec des politiques sociales,...

M. Jean-Louis Idiart.

M. Gantier s'adresse à ses électeurs du XVIe !

Mme Muguette Jacquaint.

Ils vont faire des cauchemars !

M. Gilbert Gantier.

... sans se demander une minute si ce n'est pas le bien-fondé des politiques sociales axées sur la subvention qui serait à revoir.

M. Pierre Morange.

Excellent !

M. Gilbert Gantier.

La proposition de loi qui nous est soumise me paraît donc tout à fait dangereuse, et même inacceptable. J'aimerais d'ailleurs que le rapporteur général de notre commission des finances, qui n'est pas là pour l'instant, nous explique ce que signifie pour lui

« être hostile au principe, mais conjoncturellement favorable à une telle proposition. »

M. Jean Vila, rapporteur.

Il l'a expliqué en commission !

M. Gilbert Gantier.

Je comprends son embarras : car se déclarer favorable à une telle structure, c'est reconnaître implicitement que la commission des finances et le Parle-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

ment en général ne font pas leur travail. Une telle commission de contrôle tend en effet à dessaisir le Parlement de sa fonction de contrôle.

M. Jean Vila, rapporteur.

Ce n'est pas vrai !

M. Gilbert Gantier.

Mais que penser tout d'abord du diagnostic qui nous est présenté et qui rendrait indispensable la création d'une telle commission ? Les 170 milliards d'aides annuelles versées aux entreprises illustrent certes l'inflation des aides publiques créées jour après jour,...

Mme Muguette Jacquaint.

C'est l'aveu !

M. Gilbert Gantier.

... résultat d'un processus suivant lequel chaque gouvernement a rajouté sa subvention ou son avantage fiscal au maquis des dispositifs d'aides à la création d'emploi.

A croire la proposition de loi qui nous est soumise, les aides publiques seraient détournées de leur objet.

M. Bernard Outin.

Certaines !

M. Gilbert Gantier.

Mais, derrière ce constat sans appel, votre proposition de loi, mes chers collègues, reste extrêmement floue sur la nature du contrôle qu'exercera cette commission.

Mme Muguette Jacquaint.

Amendez le texte, ce sera moins flou !

M. Gilbert Gantier.

Sera-t-elle chargée de veiller à la régularité ou à l'opportunité des aides publiques, ou aux deux en même temps ? S'agissant de la régularité de l'octroi des fonds publics accordés aux entreprises, rappelons que les entreprises qui reçoivent ces aides publiques les ont sollicitées, et que ces aides ont été subordonnées à l'agrément de l'organisme public concerné.

M. Bernard Outin.

Oui !

M. Gilbert Gantier.

Si dysfonctionnement il y a, il ne peut provenir que de l'organisme qui donne l'agrément ; auquel cas le contrôle revient tout naturellement à la Cour des comptes chargée de contrôler tous les organismes qui reçoivent des fonds publics.

M. Gérard Bapt.

Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

M. Gilbert Gantier.

Vouloir contrôler les entreprises reviendrait donc à être complètement hors sujet, puisque c'est le contrôle public lui-même qui s'avère déficient.

E n revanche, vouloir contrôler l'opportunité de l'emploi de ces aides publiques par les entreprises, c'est substituer une obligation de résultat à une obligation de moyens. Plus qu'une commission de contrôle technique, les communistes veulent instaurer un véritable contrôle d'opportunité des subventions publiques, c'est-à-dire qu'ils veulent s'immiscer dans la gestion des entreprises.

Mme Muguette Jacquaint.

On veut des résultats qui soient bénéfiques pour l'emploi !

M. Gilbert Gantier.

Erreur complète, par conséquent, sur le diagnostic.

Mais que dire, mes chers collègues, du remède proposé ? Eh bien, il est pire que le mal !

M. Pierre Morange.

Eh oui !

M. Gilbert Gantier.

C'est bien, en effet, un tribunal d'inquisition économique qui est proposé aux entreprises.

M. Bernard Outin.

Ça manquait !

M. Jean-Louis Idiart.

Une cour martiale, pendant que vous y êtes ! Allez chercher Robespierre !

M. Gilbert Gantier.

Les informations à fournir à la commission vont au-delà de ce que peut accepter un chef d'entreprise, notamment sur les objectifs chiffrés de création d'emplois que les salariés et leurs organisations représentatives avanceraient sur invitation de la commission.

Par ailleurs, la composition de la commission me rappelle un inventaire à la Prévert. Elle sera constituée en effet d'un aréopage très hétéroclite, allant du magistrat de la Cour des comptes aux membres d'associations de chômeurs, en passant par ceux des organisations représentatives du patronat et des syndicats. Qui pourra décemment accepter de siéger dans une telle instance ?

M. Jean Delobel.

Voilà qu'il nous fait le coup du mépris maintenant !

M. Gilbert Gantier.

Mentionnons également la saisine beaucoup trop large de la commission.

L'extrême ouverture de la saisine de la commission de contrôle n'aura pour effet que de perturber les entreprises par un contrôle permanent et intempestif sur la gestion des entreprises. L'autosaisine à ce sujet me paraît particulièrement dangereuse.

Quant à la saisine par un comité d'entreprise ou une organisation syndicale, elle revient ni plus ni moins à créer un petit soviet dans chaque entreprise.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Outin.

Et voilà ! On y revient !

Mme Nicole Feidt.

Quel débordement !

Mme Muguette Jacquaint.

Il manque le couteau entre les dents !

M. Bernard Outin.

Vous oubliez la nomenklatura !

M. Gilbert Gantier.

Je sais que nous nous y retrouvons ! En réalité, mes chers collègues, cette proposition de loi est pleine d'arrière-pensées. Un psychanalyste montrerait en vous étudiant que derrière ce texte se cache en fait une irrépressible volonté d'établir un contrôle de gestion public sur les entreprises privées.

M. Jean-Louis Idiart.

Je ne veux pas croire que ce soit vous qui ayez rédigé cette intervention !

M. Gilbert Gantier.

Vous brandissez en guise d'alibi la mondialisation, les grands groupes dont Mme Jacquaint a parlé tout à l'heure,...

Mme Muguette Jacquaint.

C'est une réalité !

M. Gilbert Gantier.

... les multinationales, qualifiées de

« chasseurs de primes », bien évidemment toutes destructrices d'emplois.

Ainsi les capacités d'investigation de cette commission de contrôle devraient être sans limites : elle pourra aussi bien connaître des relations mère-fille entre les entreprises que des rapports avec les sous-traitants et même avec les clients, etc.

En fait, cette proposition de loi réactive l'idée de commissaires politiques...

Mme Muguette Jacquaint.

Ça manquait au tableau, il y a maintenant toute la panoplie !

M. Bernard Outin.

Là, il nous fait la totale !

M. Gilbert Gantier.

... qui s'immisceront de façon permanente dans la vie de l'entreprise. Ce n'est plus de l'économie dirigée ; c'est de l'économie super-administrée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est plus le libéralisme fou !

M. Gilbert Gantier.

Pourtant, notre commission des finances, chargée de vérifier l'action du Gouvernement et des administrations, a déjà accentué ce contrôle - on l'a rappelé - par la création, l'an dernier, de la mission d'évaluation et de contrôle qui s'est déjà penchée sur les aides à l'emploi ; la Cour des comptes, de son côté, chargée d'assister le Parlement dans l'exécution des lois de finances et de contrôler tous les organismes publics ou recevant des fonds publics, exerce le sien non seulement sur les aides ou subventions de l'Etat, mais aussi sur celles des collectivités locales et de l'Union européenne.

Plutôt que d'un organe de contrôle redondant, inutile et dangereux, c'est d'une complète remise à plat du système de subventions publiques, devenu saupoudrage d'argent public, dont nous avons besoin.

Mme Muguette Jacquaint.

170 milliards de francs, ce n'est quand même pas du saupoudrage !

M. Gilbert Gantier.

Nous ne pouvons donc souscrire à l'idée de donner de tels pouvoirs d'investigation à une commission pareillement composée et susceptible d'être saisie par n'importe qui. Nous ne pouvons souscrire à un contrôle de gestion public des entreprises privées. C'est pourquoi, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera pas cette proposition de loi en deuxième lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean Vila, rapporteur.

C'est un scoop !

M. Jean-Louis Idiart.

En toute indépendance !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapporteur, en illustrant son propos de citations tirées du débat sur la question préalable votée par le Sénat, a bien montré combien ce dernier avait pris une position politique ete xtrêmement dogmatique sur la question des aides publiques aux entreprises.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

C'est vrai !

M. Gérard Bapt.

Et quant à M. Gantier, il vient de pousser l'enflure et la démesure à un degré tel que son intervention prêterait à rire si elle ne traduisait le même refus de toute transparence et de tout contrôle en matière d'aides publiques aux entreprises.

La proposition de loi de Robert Hue et du groupe communiste, amendée et adoptée par la majorité plurielle, ne vise pas à administrer l'économie, mais simplement à améliorer la transparence et la démocratie sociale.

En la circonstance, l'attitude du Sénat paraît du reste contradictoire avec la démarche de contrôle poussé qu'il développe en d'autres occasions : l'exemple le plus récent en est le contrôle réalisé par trois rapporteurs de sa commission des affaires sociales, qui ont présenté un bilan à mi-parcours de la loi de financement de la sécurité sociale. Trois thèmes d'investigation supplémentaires ont été choisis par le Sénat, parmi lesquels la gestion des exonérations de cotisations sociales, dont il a lui-même relevé la hauteur de l'enjeu, considérable : 100 milliards de francs d'exonérations au bénéfice des entreprises. Comment peut-il assumer un tel paradoxe, lui qui, dans le même temps, refuse le contrôle et la transparence dans le domaine des aides publiques aux entreprises, dont font précisément partie les exonérations de cotisations sociales ?

M. Jean-Louis Idiart.

C'est de la transparence sélective !

Mme Muguette Jacquaint et M. Claude Billard.

Absolument !

M. Gérard Bapt.

Ce contrôle amélioré et cette transparence avaient d'ailleurs été réclamés par la mission d'évaluation et de contrôle mise en place par la commission des finances de l'Assemblée, lorsqu'elle avait examiné cette question sur la base du rapport que je lui avais présenté.

« Les aides économiques des collectivités locales marquent le pas », titrait récemment le journal Les Echos.

Et pourtant, ce ne sont pas moins de 13,800 milliards de francs qui ont été consacrés, en 1998, sous forme d'aides directes et indirectes, aux entreprises par les collectivités locales, selon l'étude de la direction de la comptabilité publique. Cela n'est pas négligeable, même si ces crédits des collectivités locales sont encore peu de chose par rapport aux 300 milliards de francs chiffrés par la DARES, le ministère de l'emploi et du travail, correspondant à l'ensemble des aides publiques aux entreprises.

Certes, nous ne sommes pas dans une situation d'absence totale de contrôle et d'évaluation. Sur les crédits d'Etat, le contrôle parlementaire existe, qu'il s'agisse des travaux de la commission des finances, de la MEC ou encore de l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Et tous leurs rapports ont eu des conclusions concordantes.

Premièrement, il est difficile d'avoir une vue tout à la fois globale et précise de la dépense pour l'emploi et plus encore de l'ensemble des aides publiques aux entreprises ; par conséquent, tout ce qui peut concourir à améliorer la connaissance de cette masse de crédits publics - soit près de 4 % du produit intérieur brut - est donc bienvenu.

Deuxièmement, la création nette d'emplois ne saurait être considérée comme l'unique objectif des aides à l'emploi ; il s'agit également de rapprocher de l'accès à l'emploi les demandeurs qui en sont le plus éloignés.

Troisièmement, il est apparu nécessaire de systématiser et d'approfondir l'évaluation des diverses aides à l'emploi, afin notamment de traquer ce qu'on appelle les effets d'aubaine, comme l'ont toujours réclamé, au sein de la commission des finances, la majorité et l'opposition, y compris durant la précédente législature où les rapports étaient inverses.

Le contrôle parlementaire a donc un rôle primordial.

Le Gouvernement du reste a pris des engagements, qu'il met en oeuvre, afin de lutter contre les effets d'aubaine, de répondre au souci d'économies ou encore de déterminer les meilleurs ciblages pour améliorer l'efficacité des dispositifs.

Mais les aides de l'Etat ne représentent qu'une part minoritaire des aides publiques aux entreprises. La bonne connaissance et le suivi des aides accordées par la sécurité sociale, par les collectivités locales, par l'Union européenne justifient pleinement de rechercher les moyens d'améliorer leur efficacité.

Aussi le Parlement a-t-il été, dans le même esprit, associé au suivi des aides accordées par la sécurité sociale.

Ainsi, le fonds national de financement de la réforme des cotisations patronales comprendra un conseil de surveillance composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, mais aussi des partenaires sociaux. En outre, l'article 36 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail prévoit que le Gouvernement informera, chaque année, le Parlement sur l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail et de l'allégement de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

cotisations sociales à ce titre. Un rapport d'évaluation sera soumis pour avis à la commission nationale de la négociation collective et transmis au conseil de surveillance du fonds. Autant dire que la loi a donc reconnu la nécessité d'élargir aux partenaires sociaux l'ensemble des instruments de suivi et de contrôle des aides publiques en matière de réduction du temps de travail.

Par ailleurs, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale procède déjà, par l'intermédiaire de la MIAREC, à des contrôles approfondis des assiettes de cotisation des entreprises. Ceux-ci ont abouti l'an dernier à plus de 3 milliards de francs de recouvrements ; ce n'est pas négligeable.

S'agissant des aides des collectivités locales, la mission d'évaluation et de contrôle a conclu à l'utilité de demander à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes d'assurer une évaluation coordonnée des aides à l'emploi accordées par les collectivités territoriales. Et p uisqu'il apparaît que les chambres régionales des comptes ne sont pas encore en mesure de disposer de ces éléments, la commission instituée par la présente proposition de loi devrait donc contribuer à nous offrir enfin une vue d'ensemble de ces aides.

De la même façon, il importe d'avoir une vue d'ensemble des aides européennes, en jugeant notamment de leur contribution à la réduction des disparités régionales, puisque leur objet est à la fois la cohésion sociale et la cohésion territoriale.

Loin de mettre en cause l'autonomie de décision des élus locaux, une meilleure information devrait contribuer à renforcer leur capacité de décision et à restreindre la compétition, dommageable pour l'équilibre des territoires, qui peut se développer entre régions et au sein même de celles-ci.

La proposition de loi présentée par M. Robert Hue telle qu'amendée et adoptée en première lecture, rejoint parfaitement les conclusions de la MEC en ce qui concerne les aides des collectivités locales et les aides européennes. Il apparaît en effet utile qu'une instance nationale réunisse toutes les parties prenantes et puisse parvenir à un diagnostic d'ensemble, recommander des bonnes pratiques, rechercher une meilleure cohérence ou souligner certains errements, et en faire part régulièrement au Parlement et au Gouvernement, dans le respect des principes de la décentralisation.

L'Assemblée nationale avait amélioré en première lecture le dispositif proposé pour en faciliter en mise en oeuvre. En effet, la tâche qui attend cette commission est d ifficile : il lui faudra procéder à une évaluation d'ensemble, en prenant en compte les aspects quantitatifs - la création d'emplois -, qualitatifs - la nature de ces emplois -, économiques - la capacité des entreprises à soutenir une compétition croissante - et bien entendu sociaux.

La commission devra enfin appréhender la dimension territoriale pour éviter qu'une certaine dérive vers une conception absolue de la décentralisation ne vienne aggraver les déséquilibres entre bassins d'emploi. Elle devra faire la preuve de son efficacité au service d'une conception du progrès économique plus respectueuse des équilibres sociaux, de l'emploi et de l'aménagement du territoire.

Votre intervention, monsieur Gantier, a totalement négligé ces dimensions sociales et territoriales, autant de raisons supplémentaires pour reprendre, comme le propose notre rapporteur, le texte tel qu'adopté en première lecture par la majorité plurielle de notre assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par les membres du groupe communiste en vue de créer une commission nationale de contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux entreprises pour l'emploi et la formation, après avoir été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, nous revient du Sénat, qui l'a rejetée. La commission des finances a donc repris la proposition initiale adoptée en première lecture, sous réserve de quelques compléments et modifications rédactionnelles.

La commission, telle qu'à nouveau proposée dans le texte qui nous est présenté, serait chargée, en plus du contrôle de la bonne utilisation des aides publiques de l'Etat et de ses établissements publics, des aides financées sur crédits communautaires et désormais des aides des collectivités locales, de l'évaluation de leurs impacts économiques et sociaux.

Cette commission nationale serait composée, dans des conditions déterminées par décret, de députés et sénateurs, très minoritaires, de représentants de la puissance de l'Etat, désignés par les ministres chargés de l'économie et des finances et de l'industrie et de l'emploi, de représentants des organisations syndicales de salariés, des associations de chômeurs, des organisations patronales et de personnes qualifiées.

Cette nouvelle institution correspond-elle à un besoin réel ? L'utilisation des fonds publics accordés aux entreprises privées et destinés à l'emploi et à la formation exige, c'est évident, d'être contrôlée très sérieusement.

Il s'agit d'un volume de crédits considérable : 170 milliards environ, soit environ 10 % des dépenses publiques de l'Etat.

M. Bernard Outin.

Il faut le dire à M. Gantier !

M. Maurice Ligot.

Il faut donc s'assurer de leur bonne utilisation. Mais il conviendrait également, au moment où il apparaît nécessaire d'alléger les prélèvements obli gatoires, comme le souhaite lui-même le Gouvernement, d'envisager de les réduire, au vu d'une croissance économique qui a permis depuis deux ans une notable réduction du chômage.

La création de cette commission pose, à mon avis, un double problème : celui de la multiplication incessante des organismes de contrôle des dépenses publiques et celui du dessaisissement de la souveraineté nationale de son pouvoir de contrôle.

Examinons pour commencer la question de la multiplication des organes de contrôle. Nous avons d'abord la Cour des comptes qui, conformément aux articles 47 et 47-1 de la Constitution, assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Depuis 1982, les chambres régionales des comptes s'assurent de la régularité de l'exécution des dépenses publiques au plan local. Autrement dit, nous avons déjà toute une structure de contrôle. Et la volonté sans cesse réaffirmée du premier président de la Cour d'appliquer l'article 47 de la Constitution me semble une garantie supplémentaire d'un meilleur contrôle de la dépense publique en général.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

Tout le monde s'accorde à reconnaître la qualité des contrôles de la Cour des comptes. Toute la question est de savoir si les erreurs ou les abus qu'elle dénonce sont sanctionnés et corrigés. Il est malheureusement de pratique constante que le Gouvernement n'applique qu'avec lenteur, sinon pas du tout, les recommandations de la Cour. Dès lors, qui peut croire qu'il respecterait davantage les préconisations d'une simple commission ? Rappelons que mon collègue Paillé, suivi par plus de cent parlementaires, avait déposé une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les suites données au rapport public de la Cour des comptes.

Cette commission aurait eu pour mission de recenser les dysfonctionnements relevés par la Cour dans ses quatre derniers rapports et non corrigés par le Gouvernement, puis de proposer les modifications législatives nécessaires.

Or cette proposition a été rejetée par la commission des finances, sur la base des conclusions d'un rapport présenté par Mme Bricq, membre de votre majorité. Celle-ci avait jugé la création d'une commission d'enquête inutile et inopportune, au motif qu'il était superflu de vouloir contrôler le contrôle. C'est pourtant bien ce que proposent M. Hue et le groupe communiste,...

M. Pierre Morange.

Excellent !

M. Bernard Outin.

Pas du tout !

M. Maurice Ligot.

... à ceci près qu'en créant une instance permanente extérieure au Parlement, ils dessaisissent les parlementaires de leur pouvoir de contrôler les dépenses publiques et portent ainsi atteinte à la représentation nationale, ce qui m'amène à ma deuxième critique.

Rappelons que, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à notre constitution, le vote et le contrôle de l'utilisation de la dépense publique doivent être assurés par les élus nationaux, les rapporteurs spéciaux étant dotés des pouvoirs nécessaires.

Ce n'est pas le rapporteur général qui me contredira, qui va lui-même contrôler au sein du ministère des finances.

Supprimer ce contrôle, comme le propose le texte que nous examinons, conduit de ce fait à un affaiblissement du régime parlementaire.

M. Laurent Fabius, alors président de notre assemblée, avait rappelé lors de la création de la mission d'évaluation et de contrôle, le 3 février 1999 - ce n'est pas vieux :

« Dépenser mieux suppose que les assemblées contrôlent réellement dépenses et recettes ainsi que l'efficacité de celles-ci. Cela implique de placer désormais l'évaluation et le contrôle au coeur de l'activité budgétaire du Parlement. » C'est bien de cela qu'il s'agit.

Le Parlement dispose de la légitimité pour faire respecter les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pourquoi donner le pouvoir de contrôle à une nouvelle commission, alors que la mission d'évaluation et de contrôle a entrepris des travaux, rendu des conclusions, notamment sur les aides à l'emploi, et en a remis en cause certaines, jugées inefficaces ? Pourquoi ses conclusions ne sont-elles pas suivies d'effets ? Alors que les préconisations parlementaires ne sont même pas prises en compte, on préfère créer une autre instance. Quelle curieuse méthode ! A quoi sert donc la mission d'évaluation et de contrôle créée l'an dernier ? Nous voilà bien loin du souhait de M. Fabius de confier dans un avenir proche le soin aux rapporteurs de dresser le bilan des suites données à leurs préconisations et de demander à l'Assemblée nationale d'en débattre sur la base de leurs conclusions, ce qu'il appelait le « droit de suite des rapporteurs budgétaires ».

De son côté, la mission d'évaluation et de contrôle souhaitait évaluer les différents types d'aide à l'emploi à l'aune des objectifs qui leur sont assignés. L'examen complet des flux financiers en jeu, de même que les auditions et le rapport sur l'utilisation des crédits à la formation professionnelle, ont contribué à faire mesurer la complexité et l'obscurité de la gestion de la formation professionnelle. Il en est résulté des propositions de réforme qu'il faudra bien mettre en oeuvre dans un avenir proche. C'est le rôle du Gouvernement.

Les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle posent avec acuité le problème de la gestion des dépenses publiques. Il faut savoir que le renforcement du droit de suivi des parlementaires sur l'utilisation des crédits budgétaires n'a de réel intérêt que s'il est pérennisé et s' il s'accompagne d'un pouvoir de contrôle sur le suivi des conclusions et des propositions de réforme à mettre en oeuvre. Cela contribuerait à rendre l'action de l'Etat plus efficace.

C'est pourquoi, si l'Assemblée nationale votait la proposition de loi présentée par M. Hue, non seulement sa majorité ne tiendrait pas compte des recommandations parlementaires et affaiblirait encore un peu plus les missions d'évaluation et de contrôle exercées par le Parlement,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non !

M. Maurice Ligot.

... mais elle contribuerait aussi à diminuer l'efficacité de l'Etat et à ralentir la réforme de l'Etat que même la majorité souhaite réaliser, du moins en paroles.

On voit bien qu'en ne tenant pas compte des recommandations consensuelles de la mission d'évaluation et de contrôle dans le projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement, pour des raisons politiciennes, ne souhaite pas permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle qui consiste à contrôler réellement les dépenses et notamment les aides aux entreprises et les aides à l'emploi. Cela est manifestement en contradiction avec la Constitution et avec une véritable représentation démocratique.

Dans cette affaire, où est véritablement l'intérêt du Gouvernement ? Est-il dans l'opacité ou dans la transparence de sa gestion devant le Parlement ? L'Assemblée nationale, dans sa totalité, devrait être convaincue que ce n'est pas en créant une structure supplémentaire mais plutôt en systématisant les activités de contrôle et d'évaluation de la dépense publique par le Parlement lui-même que les aides à l'emploi ou les aides aux entreprises en général seraient mieux utilisées.

C'est pourquoi, au lieu que l'on crée une instance de contrôle supplémentaire, le groupe UDF, favorable à un meilleur contrôle et à une meilleure utilisation de la dépense publique, demande d'une part, que les conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle soient prises en considération par le Parlement et se traduisent par des réformes concrètes et pérennes de la part du Gouvernement, et, d'autre part, que le rôle de la Cour des comptes ne soit pas considéré comme de pure forme.

Il estime nécessaire que les conclusions de la Cour soient prises en considération et que les dysfonctionnements qu'elle dénonce soient réellement corrigés, et en premier lieu par le Gouvernement.

M. Pierre Morange.

Excellent !

M. Maurice Ligot.

Si elle était votée, la proposition de loi qui nous est soumise serait une nouvelle manifestation de cette épidémie qui s'appelle la « commissionnite ». Elle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

est totalement injustifiée parce qu'elle traduit une volonté de gestion administrative de l'économie. Elle porte atteinte au rôle du Parlement, qui est de contrôler l'utilisation des dépenses de l'Etat, et en particulier à celui de la mission d'évaluation et de contrôle.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non.

M. Maurice Ligot.

Elle fait double emploi, et dans des conditions d'une extrême complication, avec la Cour des comptes, dont les rapports n'ont besoin que d'être suivis et appliqués.

L'UDF estime que l'utilisation des 170 milliards consacrés aux entreprises et à l'emploi est d'abord un problème politique. C'est donc au Parlement d'en assurer le contrôle, ce qui n'exclut pas, s'il en est besoin, la concertation avec tous les partenaires.

M. Pierre Morange.

Très bien !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Au cours de cette discussion générale, l'opposition, au risque d'être un peu caricaturale, a eu recours à de grands mots, mais sans doute était-il un peu difficile, et je pense à M. Gantier, de renoncer à ce plaisir car c'est aussi une manière de jouer à se faire peur.

L'opposition a accusé la majorité plurielle d'user de ce texte comme un prétexte à un débat politicien. Ce que je constate, c'est que le pragmatisme est du côté gauche de l'hémicycle et l'idéologie du côté droit.

M. Gilbert Gantier.

C'est drôle !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le désir secret et parfois avoué de la droite, c'est le recul de l'Etat, nous le savons, et, plutôt que de contrôler et d'améliorer un dispositif d'aides aux entreprises, elle préfère qu'il soit supprimé.

Ce qui dérange sans doute l'opposition, c'est que notre voie est plus complexe, et aussi plus ambitieuse. Pour nous, ce n'est pas le laisser-faire de l'ultralibéralisme, c'est plutôt permettre de faire. Il s'agit tout simplement d'assurer la transparence des aides publiques aux entreprises dans le cadre d'un dispositif efficace, équilibré, qui permet à l'action publique, pour reprendre la phrase de Mme Jacquaint, de gagner en cohérence. C'est donc, d'une certaine façon, en refusant de voter cette proposition de loi que l'opposition adopte une attitude politicienne et en contradiction avec les objectifs qu'elle prét end poursuivre, comme l'a très justement rappelé

M. Bapt.

Pour ma part, je trouve qu'il est dommage que le débat n'ait pas pu se nouer avec la totalité des composantes de cet hémicycle autour d'une initiative concrète, dont l'objectif est de prévenir des comportements de chasseurs de prime que peuvent avoir certains chefs d'entreprise, objectif qui, j'en suis certaine, est partagé ici par tous.

C'est donc un débat manqué, je le regrette, mais c'est une proposition de loi réussie, et permettez-moi de m'en féliciter au nom du Gouvernement et de la majorité plurielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion des articles

M. le président.

Le passage à la discussion des articles de la proposition de loi est de droit, conformément à l'article 109 du règlement, dans le texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale, et qui a été rejeté par le Sénat.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Il est créé une commission nationale des aides publiques aux entreprises, chargée d'évaluer les impacts économiques et sociaux, quantitatifs et qualitatifs, et de contrôler l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises par l'Etat et les collectivités locales ou leurs établissements publics, afin d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi et la formation professionnelle et les équilibres territoriaux.

« La commission nationale est également compétente pour évaluer et contrôler l'utilisation des aides mises en place à l'aide de crédits de l'Union européenne. »

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "efficacité pour l'emploi", substituer au mot : "et une virgule." » La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

1. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. La commission nationale est composée :

« de députés et sénateurs désignés par leur assemblée respective ;

« de représentants de l'Etat ;

« de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national ;

« de représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national ;

« de personnalités qualifiées venant notamment du monde associatif. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3 Outre sa mission générale de contrôle, la commission nationale peut être consultée lors de l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

« La commission nationale peut se saisir elle-même ou être saisie par l'une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise, ou à défaut un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou d'un conseil régional.

« Chaque préfet de région lui transmet chaque année un rapport sur la mise en oeuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises. Ce rapport contient un bilan annuel d'ensemble des aides publiques accordées aux entreprises de la région, par nature et montant des aides ainsi que par la taille des entreprises ; un état des contrôles effectués par les autorités et organismes compétents ; une information précise sur les suites données à ces contrôles.

« Dans chaque région, une commission émet un avis sur le rapport qui lui est transmis par le préfet de région et peut formuler toute proposition tendant à améliorer l'efficacité des politiques poursuivies. La commission régionale connaît les aides publiques définies à l'article 1er accordées ou mises en oeuvre dans la région. La commission régionale est composée sur le modèle de la commission nationale ; les élus membres de cette commission sont les représentants des différentes collectivités locales.

Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le préfet de région.

« La commission nationale peut, le cas échéant, compléter son information en obtenant des différents gestionnaires d'aides toutes précisions utiles à une parfaite t ransparence dans l'attribution et l'usage des aides publiques. Elle peut interroger les préfets régionaux et départementaux afin d'obtenir les informations permettant d'estimer l'ensemble des aides reçues par une entreprise.

« Un maire, un parlementaire, un président de conseil général ou régional peut saisir la commission nationale ou régionale afin de l'alerter sur une situation particulière et d'obtenir de sa part des informations complémentaires.

« Sur la base des rapports transmis par les préfets et des é ventuels compléments d'information, la commission nationale établit son propre rapport qui contient ses remarques et avis sur les politiques poursuivies. Il est transmis au Parlement et rendu public. »

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Supprimer le quatrième alinéa de l'article 3. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

Il s'agit de rassembler dans un article additionnel toutes les dispositions relatives aux commissions régionales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les cinquième et avant-dernier alinéas de l'article 3 :

« La commission nationale peut compléter son information en obtenant des organismes gestionnaires d'aides ou des autorités compétentes toutes précisions utiles à une parfaite transparence dans l'attribution et l'usage des aides définies à l'article 1er

« A la demande d'un parlementaire, d'un maire, d'un président d'un conseil général ou d'un conseil régional, ou de sa propre initiative, elle peut, en outre, interroger les représentants de l'Etat dans les régions ou les départements afin d'obtenir les informations permettant d'estimer l'ensemble des aides reçues par une entreprise déterminée. La commission communique ces informations à l'auteur de la saisine. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

Il s'agit de distinguer les demandes d'informations complémentaires selon qu'elles sont d'ordre général ou relatives à une entreprise particulière. Dans ce dernier cas, l'amendement précise que la demande d'informations est faite par la commission nationale, soit de sa propre initiative, soit à la demande des élus mentionnés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3

M. le président.

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Il est créé, dans chaque région, une commission régionale des aides publiques chargée d'évaluer et de contrôler l'utilisation des aides définies à l'article 1er accordées ou mises en oeuvre dans la région.

« La commission régionale est composée sur le modèle de la commission nationale. Toutefois, les élus membres de la commission sont les représentants des différentes catégories de collectivités locales.

« La commission régionale émet un avis sur le rapport prévu au troisième alinéa de l'article 3. Elle peut, en outre, formuler toute proposition tendant à améliorer l'efficacité des politiques poursuivies.

« Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le représentant de l'Etat dans la région. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

Il s'agit de rassembler les dispositions relatives aux commissions régionales dans un article spécifique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. Tout comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire d'aides ou l'autorité compétente lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides définies à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

l'article 1er . Il peut le faire à partir de la connaissance du montant et de l'utilisation des aides publiques que l'employeur est tenu de lui communiquer conformément à l'article L.

432-4 du code du travail.

« Le service ou l'autorité compétente saisie peut décider, après avoir entendu l'employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de supprimer l'aide accordée ; le cas échéant, il peut en exiger le remboursement.

Il en apprécie l'utilisation en fonction notamment de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée ; ou des engagements formulés par le chef d'entreprise pour bénéficier de ces aides ; ou des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales. »

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début de la première phrase du dernier alinéa de l'article 4 : "L'organisme ou l'autorité saisis peuvent décider. (Le reste sans changement.) ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 4, substituer au mot : "supprimer" le mot : "retirer". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4 bis

M. le président.

« Art. 4 bis. Dans la première phrase du sixième alinéa de l'article L.

432-4 du code du travail, après les mots : "bénéfices réalisés,", sont insérés les mots : "les aides européennes et". »

Je mets aux voix l'article 4 bis.

(L'article 4 bis est adopté.)

Article 4 ter

M. le président.

« Art. 4 ter. Le secrétariat de la commission nationale est assuré par le Commissariat général du plan pour l'assister dans ses missions de concertation et d'expertise. »

M. Vila, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« A la fin de l'article 4 ter , supprimer les mots : "pour l'assister dans ses missions de concertation et d'expertise". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Vila, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4 ter, modifié par l'amendement no

7. (L'article 4 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. Les conditions d'application de la présente loi sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

4 DÉSIGNATION DE CANDIDATS À DES ORGANISMES

EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre des demandes de remplacement des membres de l'Assemblée nationale au sein du Conseil national des transports et du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter les candidats a été confié à la commission de la production et des échanges.

Les candidatures devront être remises à la présidence avant le mercredi 21 juin 2000, à dix-huit heures.

5 SÉCURITÉ DU DÉPÔT ET DE LA COLLECTE DE FONDS Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la col lecte de fonds par les entreprises privées (nos 2395, 2413).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui est inscrit à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale entretient des rapports étroits avec l'actualité. L'amélioration de la sécurité des opérations de transports de fonds a été, en effet, une des revendications des salariés lors du mouvement de grève qui s'est déroulé ces dernières semaines. C'est également - ai-je besoin de le dire ? - une des préoccupations du Gouvernement.

J'ai eu l'occasion de rappeler à cette tribune, le 10 mai 2000, en réponse à une question au Gouvernement, les actions qui avaient été menées pour renforcer la sécurité des transports de fonds. Le projet de loi, qui sera examiné selon la procédure d'urgence, fournit des solutions adaptées aux problèmes rencontrés. Il s'inscrit dans le prolongement de l'action déjà entreprise. Je veux simplement en préciser le contexte.

En ce qui concerne le transport de fonds, la sécurité, dont la responsabilité incombe de façon générale au ministère de l'intérieur, est à la fois celle du public et celle des convoyeurs de fonds qui exercent, tout le monde s'accorde à le reconnaître, un métier difficile et risqué.

Depuis plus d'un an, le ministère de l'intérieur, à mon initiative, a souhaité améliorer la sécurité des transports de fonds. Des agressions avaient en effet, en 1998 notamment, endeuillé la profession. Une réflexion était indispensable.

Dans le souci de permettre une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs - salariés, entreprises de transports de fonds, mais aussi donneurs d'ordre - et en liaison avec les autres départements ministériels concernés, le ministère des transports et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, une quinzaine de réunions ont été organisées au ministère de l'intérieur en 1999 sous forme de tables rondes. Elles ont permis de mieux cerner les contraintes et les risques de la profession. Elles ont débouché sur des mesures réglementaires.

Une première amélioration a été apportée avec le décret du 28 avril 2000 relatif à la protection des fonds.

Votre commission des lois, qui s'est livrée dans son rapport à une analyse exhaustive de ce texte, a parfaitement perçu ses objectifs et son importance. Il a été accompagné d'arrêtés d'application publiés le 4 mai, c'est-à-dire que les choses n'ont pas traîné. Ces arrêtés d'application précisent les normes techniques auxquelles doivent répondre les véhicules de transports de fonds - blindage, équipements de communication et de défense, aménagements de sécurité - ou les équipements des convoyeurs de fonds : armement, gilets pare-balles.

Ce décret constitue l'un des éléments de la sécurité des convoyeurs de fonds. Il se substitue à un texte vieux de vingt ans pour tenir compte de toutes les évolutions enregistrées depuis lors. Mais il n'est pas suffisant, dès lors que des mesures de nature législative sont nécessaires au renforcement de la sécurité des transports de fonds. Tel est précisément l'objet du projet de loi soumis à votre appréciation.

Ce projet de loi n'est pas un texte de circonstance. Il s'intègre dans une démarche d'ensemble qui s'applique à toutes les activités de sécurité privées. Le Gouvernement a, en effet, l'intention de fournir un cadre législatif adapté à ces activités, en renforçant notamment leur professionnalisation, leur encadrement et leur transparence.

Comme vous le savez, j'ai présenté en conseil des ministres, le 17 mai 2000, le projet de loi auquel votre assemblée consacre ses travaux aujourd'hui, et un autre relatif à l'ensemble des activités de sécurité privées. A vr ai dire, le projet de loi soumis aujourd'hui à la discussion est un démembrement du premier texte, destiné à faire en sorte que celui-ci puisse être adopté plus rapidement.

L'autre texte sera inscrit ultérieurement à votre ordre du jour.

Il est important de rappeler ce contexte pour permettre à votre assemblée de prendre la mesure du projet de loi dont elle est saisie aujourd'hui, après que l'urgence a été déclarée.

L'amélioration de la sécurité du transport de fonds ne se résume pas à l'adaptation des équipements dont sont dotés les entreprises et les convoyeurs de fonds. Il est indispensable de renforcer la sécurité de la desserte ellemême, soit en facilitant la circulation et le stationnement des véhicules de transport de fonds, soit en réalisant des aménagements qui permettent un accueil plus sûr des transporteurs de fonds dans les établissements desservis.

Les deux articles du projet de loi entendent apporter des améliorations substantielles dans ces domaines.

Le premier s'applique aux conditions de stationnement et de circulation des véhicules de transport de fonds. Il rend possible au bénéfice de ces véhicules les mesures que, jusqu'à présent, le maire ne pouvait arrêter que pour les véhicules de transport en commun et certains véhicules de service public. Les véhicules de transport de fonds seront donc autorisés, sous réserve de la décision du maire, à emprunter des couloirs de circulation et à occuper des emplacements de stationnement réservés.

Cette disposition, qui consiste en une modification de la partie législative du code général des collectivités territoriales, vise notamment à réduire la distance entre le véhicule et l'établissement desservi. Elle répond à une revendication, légitime et fondée, de la profession, qui pourra être satisfaite ainsi dans les meilleurs délais.

Le second des articles du projet de loi procède de la même volonté de limiter la phase piétonne du transport de fonds, pendant laquelle les convoyeurs sont spécialement exposés à des agressions. Le risque concerne également le public. On songe ici particulièrement aux galeries commerciales ou aux zones piétonnes.

Les statistiques des agressions contre les transporteurs de fonds établies par l'Office central pour la répression du banditisme montrent que, depuis le 1er janvier 1999, plus de quarante agressions se sont déroulées pendant cette phase du transport de fonds. Ce chiffre dépasse la soixantaine si l'on y ajoute les agressions commises sur les personnels de ces entreprises dans les locaux attenant aux distributeurs de billets.

Pour faire pièce à cette situation, le projet de loi prévoit d'obliger les établissements desservis par les entreprises de transport de fonds à procéder à des aménagements. Il s'agit de les faire participer à l'effort de sécurité, qui ne peut incomber en totalité aux transporteurs.

Pour être redevable d'une telle obligation, l'établissement devra être desservi à titre habituel par des véhicules de transport de fonds. Il ne serait, en effet, guère justifié qu'un commerce qui ne ferait appel à une entreprise de transport de fonds qu'à titre exceptionnel, par exemple en raison de recettes liées aux fêtes de fin d'année, ait l'obligation de réaliser des aménagements permanents.

Cette obligation spécifique, il revient au législateur d'en arrêter le principe. Elle va, en effet, se traduire par des investissements, justifiés par des motifs de sécurité,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

qui portent à ce titre une atteinte, fondée, au principe de liberté du commerce et de l'industrie. Seul le législateur pouvait en décider ainsi.

La mise en oeuvre de cette obligation est essentiellement technique et relève du pouvoir réglementaire. Il s'agit de définir les équipements adaptés aux établissements concernés. Un décret y pourvoira donc. Une publication rapide est nécessaire. A cet égard, la commission des lois souhaite, par un amendement du rapporteur, que le texte soit publié dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi. Cette volonté de ne pas perdre de temps est partagée par le Gouvernement, qui a préféré, comme je l'ai dit, que soient examinés en urgence les articles utiles à la résolution des questions de sécurité des transports de fonds plutôt que d'attendre le terme du débat sur les activités de sécurité privées, dont fait partie le transport de fonds. Il me semble utile à ce stade d'éclairer votre assemblée sur le contenu du futur décret.

Il répond à deux impératifs : la recherche de la solution la plus adaptée à la situation ainsi qu'aux caractéristiques de l'établissement desservi, et le souci de l'efficacité.

Le texte tiendra compte à la fois des caractéristiques des locaux et de la palette des solutions techniques qui pourront améliorer la sécurité : sas, trappons, dispositifs spécifiques aux centres commerciaux, cheminement sans contact avec le public, locaux techniques sécurisés.

Pour l'ensemble de ces raisons, un tel décret ne peut être, évidemment, élaboré sans concertation. Celle-ci sera donc menée dans les meilleurs délais. Je m'y engage au nom du Gouvernement.

Le souci de faire preuve de réalisme et de pragmatisme en la matière peut d'ailleurs conduire à prévoir des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de réaliser des aménagements de sécurité. Vous le savez, aucune sanction n'était prévue dans le projet du Gouvernement, mais l'amendement de la commission des lois vient compléter le texte à bon escient. J'y suis favorable, au nom du Gouvernement.

Un dernier point mérite enfin quelques développements, à savoir le délai dans lequel les établissements existants seront astreints à la réalisation des aménagements de sécurité. Le projet du Gouvernement prévoit que le décret précisera les délais applicables. Votre commission des lois estime que le législateur doit fixer lui-même un tel délai. Sans anticiper, je crois que nous sommes d'accord sur la nécessité d'un délai permettant la réalisatione ffective des aménagements de sécurité. Les débats conduiront à préciser le point de départ, la durée et éventuellement le caractère modulable de ce délai.

Tels sont les éléments de présentation du projet de loi que je souhaitais indiquer à la représentation nationale. Je n'oublie pas, évidemment, les responsabilités qui sont les miennes en tant que ministre de l'intérieur, responsable de la sécurité. J'ai renouvelé, ce matin même, un certain nombre de directives très précises à la police judiciaire, en particulier à l'office de lutte contre le grand banditisme, afin que toutes les mesures soient prises pour démanteler ces groupes d'agresseurs sauvages auxquels les convoyeurs de fonds doivent, malheureusement, trop souvent faire face.

Je sais, mesdames, messieurs les députés, que nous partageons ensemble la volonté d'améliorer la sécurité des opérations de transport de fonds. Le projet de loi débattu aujourd'hui sera un moyen décisif d'avancer dans cette voie. Je sais qu'à la profession se posaient beaucoup d'autres problèmes, qui ont trouvé une issue heureusement favorable, ce dont je me réjouis. Mais, naturellement, nous devons être particulièrement attentifs aux aspects touchant à la sécurité.

Je forme le voeu que l'Assemblée nationale s'accorde pour voter ce texte de la manière la plus large, de façon qu'il puisse le plus rapidement possible être débattu au Sénat et faire l'objet des mesures d'application nécessaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours, un grand quotidien national aurait pu faire sa une sur « la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds ».

Demain, si nous votons le texte que le Gouvernement soumet à notre approbation, ce sera le titre d'une loi de la République.

Ce lien entre la récente grève des convoyeurs et notre débat d'aujourd'hui n'a rien de choquant. Apporter des réponses aux inquiétudes de nos concitoyens est, au contraire, le devoir du Gouvernement et du Parlement.

Ne pas écouter la société conduit à l'isolement et à l'affai blissement de l'Etat, nous l'avons suffisamment constaté sous de précédentes législatures.

Cela étant, le projet de loi que nous examinons va bien au-delà de cette actualité immédiate. On s'aperçoit en effet, assez rapidement, que la sécurité du transport de fonds fait partie des missions de l'Etat et des priorités du Gouvernement et de sa majorité, comme, je l'espère, de l'ensemble de l'Assemblée. Ce gouvernement n'a d'ailleurs pas attendu qu'une grève survienne dans ce secteur d'activité pour s'en préoccuper.

M. Bruno Le Roux.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Il s'agit, en effet, de préserver une activité qui recouvre une dimension d'intérêt général, exerce un rôle social au quotidien et soutient l'économie locale de proximité : la monnaie fiduciaire transportée par les convoyeurs sert à tous les Français et pour toutes les transactions, mais ce sont les plus modestes d'entre nous, ainsi que les petites et moyennes entreprises, qui en sont les plus dépendants.

Il s'agit aussi de protéger quelque 8 000 hommes et femmes dont les emplois sont précaires - rémunérations proches du salaire minimum, formation notoirement insuffisante, manque de reconnaissance - et qui sont parfois victimes de la violence, sur la voie publique de surcroît.

Comme je le disais à l'instant, l'intervention du Gouvernement dans ce dossier n'est pas nouvelle. Au printemps 1999, une large concertation a été engagée avec tous les représentants de cette profession. Le 28 avril dernier, un décret a d'ailleurs renforcé plusieurs normes de sécurité : équipage minimum, blindage, armement, gilets pare-balles, agrément des dispositifs de destruction automatique des billets en cas de transport dans des véhicules banalisés. Des commissions départementales de la sécurité des transports de fonds, présidées par le préfet et au sein desquelles siégeront des représentants de la profession, des donneurs d'ordre et des maires, ont été instituées à cette occasion. Je tiens, monsieur le ministre, à saluer cette initiative, car c'est à l'échelon du département, au plus près du terrain, que les problèmes concrets seront le mieux


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identifiés et les réponses pertinentes apportées. Cette disposition a été très favorablement accueillie par tous les interlocuteurs que j'ai pu auditionner.

La grève des convoyeurs de fonds a donc fait apparaître au grand jour le malaise de cette profession. Les revendications qui se sont exprimées à cette occasion portaient, pour partie, sur des aspects statutaires et salariaux, relevant du droit privé et de la négociation paritaire. Soulignons néanmoins qu'en accompagnant les discussions, en nommant un conciliateur et en réunissant autour d'une même table tous les protagonistes de ce dossier, le Gouvernement, et en l'occurence son ministre des transports Jean-Claude Gayssot, a favorisé la poursuite du dialogue social.

M. Dominique Bussereau.

Il y a mis le temps !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Nous nous réjouissons tous qu'un accord satisfaisant pour l'ensemble des parties ait finalement été signé.

La sécurité faisait également partie des revendications et le Gouvernement ne s'est pas dérobé à son devoir. Il a pris plusieurs initiatives : interdiction du travail de nuit ; prohibition des clauses qui imposaient, dans les contrats, l'enlèvement des fonds à heures fixes ; réunion, avant la fin du mois de mai, des commissions départementales de sécurité ; concours des forces de police et de gendarmerie pour les transports de fonds sensibles, comme M. le ministre s'y est engagé ; engagement de renforcer les normes de blindage à travers une modification de l'un des deux arrêtés du 28 avril dernier publiés au Journal officiel du 4 mai.

A cet égard, je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que les salariés m'ont fait part de leur souhait de voir modifier d'autres dispositions de cet arrêté. Je pense notamment, comme je l'ai écrit à la page 10 de mon rapport, au 9o de son article 4, qui prévoit qu'« un dispositif de ventilation ou de climatisation doit être inst allé dans le véhicule blindé ». Ils voudraient que l'ensemble de ces équipements soient rendus obligatoires de façon cumulative : ventilation « et » climatisation. Et, sincèrement, au vu de leurs conditions de travail - blindage, chaleur, gilet pare-balles -, je les comprends tout à fait ! Venons-en au plan législatif.

Des mesures destinées à réduire la phase piétonne du transport des fonds devaient figurer initialement dans un projet de loi portant sur l'ensemble des activités privées qui contribuent à la sécurité de notre pays. Son dépôt avait été annoncé par le Premier ministre à l'occasion du colloque de Villepinte et il a effectivement été présenté, il y a quinze jours, en Conseil des ministres.

M. Christian Estrosi.

Trois ans après !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Le Sénat s'apprête à l'examiner, notre tour viendra à l'automne. Ce sera un moment important, car il s'agira de repenser le statut et la place d'un secteur d'activité qui emploie plus de 100 000 salariés et réalise un chiffre d'affaires de l'ordre de quinze milliards de francs.

De plus, à cette occasion, nous retrouverons certaines questions qui se posent également en matière de transport de fonds, comme M. le ministre l'a souligné, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle.

Ceci est important pour l'amélioration de la sécurité, comme pour un meilleur statut des salariés concernés.

Toutefois, les mesures précitées relatives à la sécurité du convoyage de fonds sont finalement présentées dans ce projet de loi. Je pense que leur individualisation dans un texte autonome, ainsi que l'accélération de leur mise en oeuvre, témoigne de la volonté du Gouvernement de répondre rapidement aux inquiétudes des salariés, dans la limite de ses compétences.

Deux articles sont proposés.

Le premier a trait aux conditions de stationnement et de circulation des véhicules des entreprises de transport de fonds : il autorise les maires à prendre, en ce qui les concerne, des mesures particulières, à l'image de celles qu'ils peuvent déjà mettre en oeuvre pour les transports en commun ou les taxis. Il s'agit d'une faculté et non d'une obligation : il reviendra aux maires d'apprécier, en fonction des circonstances locales, l'opportunité de faire usage de ce pouvoir supplémentaire qui leur est ainsi accordé en matière de police municipale. Contrairement à ce que certains peuvent prétendre, ou penser, il ne s'agit pas du tout d'une « mesurette » : c'est une mesure importante, qui satisfait enfin une demande ancienne et réitérée de la profession.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Voilà une disposition majeure ! Presque une loi organique !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

L'article 2 va également dans le sens d'une réduction du transport piétonnier des fonds collectés et convoyés, en imposant à ceux qui font appel aux services de ces entreprises - les banques et les sociétés du secteur de la distribution, essentiellement - de procéder à un certain nombre d'aménagements, notamment immobiliers, définis par décret : c'est une obligation de résultats, plus que de moyens, qui sera exigée, même si certains équipements - sas de sécurité, trappons, etc. - pourraient devenir obligatoires.

Sur cet article, j'ai présenté un amendement, que la commission des lois a accepté, qui clarifie et, partant, renforce l'intention du législateur, en encadrant les délais de sa mise en oeuvre. M. le ministre a d'ailleurs fait part, dans son intervention, d'une ouverture du Gouvernement sur ce point.

Seules seront soumises aux obligations nouvelles, que ce soit clair, les personnes qui font appel à des entreprises de transport de fonds « de façon habituelle ». Ne sont donc pas visés, naturellement, les petits commerçants qui n'ont pas recours à ces entreprises de manière générale, pas plus que tous ceux dont les rentrées d'argent sont aléatoires, exceptionnelles ou limitées. Le décret d'application devra être publié dans les six mois à venir. Et je note sur ce point la convergence avec le Gouvernement, qui souhaite lui aussi que ce décret soit rapidement publié.

Ce délai de six mois laissera un peu de temps pour une concertation indispensable, et indique le souhait du législateur que les choses avancent rapidement, ce qui, je crois, est une préoccupation partagée sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée.

Les locaux existants devront être mis en conformité avec la nouvelle réglementation avant le 1er juillet 2002, ce qui est contraignant, ce dont nous sommes bien conscients.

J'ai également présenté un amendement qui prévoit des sanctions rigoureuses, pouvant aller jusqu'à la fermeture de l'établissement, à l'encontre de ceux qui ne respecteraient pas les obligations du décret. Car des dispositions législatives et réglementaires doivent être complétées par des sanctions, si l'on veut que le dispositif soit complet.

En définitive, je veux remercier le Gouvernement de nous avoir proposé ce projet de loi, tout en étant conscient que, dans l'avenir, la problématique de la


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sécurité du transport de fonds devra également être examinée, ou réexaminée, dans un contexte européen : l'existence de la monnaie unique va modifier les enjeux de cette activité. La France, qui s'apprête à exercer, pour six m ois, la présidence du Conseil, pourrait utilement prendre une initiative dans ce sens.

Je veux aussi souligner que les deux mesures qui nous sont proposées, non seulement complètent celles du décret du 28 avril 2000, mais s'inscrivent, plus largement, dans le cadre d'une politique de sécurité dont le Premier ministre, conscient que l'insécurité recoupe le champ des inégalités sociales, a fait l'une de ses priorités.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Eh bien !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

« Polices municipales », « déontologie de la sécurité », « transport de fonds » et bientôt « activités privées de sécurité », cet édifice législatif est cohérent. Avec la mise en place progressive de la « police de proximité », il trace les contours d'une approche à la fois progressiste et déterminée des problèmes de sécurité auxquels nous sommes confrontés.

Cette démarche, qui me conduit à rendre hommage à votre action, monsieur le ministre, mérite notre soutien, et, sous réserve de l'amendement auquel j'ai fait référence, j'invite l'Assemblée nationale à adopter ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

6 DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées (no 2395).

M. Bruno Le Roux.

Cela le mérite !

M. le président.

Acte est donné de cette communication.

M. Bruno Le Roux.

Très bien ! 7 SÉCURITÉ DU DÉPÔT ET DE LA COLLECTE DE FONDS Reprise de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collec te de fonds par les entreprises privées.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Georges Sarre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, c'est plutôt au nom des Citoyens que je m'exprimerai.

M. Christian Estrosi et M. Jean-Antoine Leonetti.

Nous aussi, nous sommes des citoyens !

M. Georges Sarre.

Oui, mais de façon tout à fait différente.

M. Christian Estrosi.

Ça, c'est sûr !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Si je comprends bien, il y a différentes sortes de citoyens dans ce pays.

M. Christian Estrosi.

Oui. Il y a les bons et les moins bons.

M. Georges Sarre.

Ça c'est vrai, nous sommes bien d'accord. Il y a les bons et les moins bons. Et même les mauvais.

M. le président.

Tous les députés de cette assemblée représentent les citoyens, mais M. Sarre voulait parler d'une partie de son groupe, ce qui est différent. Poursuivez, mon cher collègue.

M. Georges Sarre.

A la suite des graves problèmes de sécurité rencontrés par la profession des convoyeurs de f onds, une large concertation s'est engagée en février 1999. L'Etat a, dans la mise en place de cette concertation comme dans sa conduite, pleinement joué son rôle et contribué à la recherche de solutions satisfaisantes. C'est une bonne chose, car il n'aurait pas été sain de laisser aux organisations syndicales et patronales le soin de régler seules cette question.

D'abord, parce que le Gouvernement actuel a placé, comme l'a rappelé le rapporteur, la sécurité parmi ses priorités, la deuxième. La sécurité est un droit auquel chacun, quel que soit son lieu de résidence ou de travail, quelle que soit sa situation sociale, dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle, peut et doit prétendre. Il appartient à l'Etat de lui garantir l'exercice de ce droit.

Ensuite, parce qu'il est apparu, sans doute tardivement, que cette activité n'était pas une activité ordinaire. Il s'agit en effet d'une mission concourant à l'intérêt général, puisqu'elle contribue à la fluidité des échanges monétaires, et donc à la bonne marche de l'économie nationale. Or, cette mission expose ceux qui la remplissent à des risques particulièrement élevés.

Il serait juste de préciser que cette profession a toujours été, depuis qu'elle existe, dangereuse. Qui, parmi nous, n'a pas en tête un de ces récits, souvent dramatiques, qui évoquent les attaques lancées contre des convois ? L'histoire ne retient souvent que la valeur du butin perdu ou sauvé, et laisse dans l'ombre le destin parfois tragique des hommes à qui il était confié.

Il faut reconnaître qu'aujourd'hui, la situation des 7 760 salariés de ce secteur désormais très concentré est peu enviable. « Non à la mort pour 6 000 francs par mois ! » criaient les grévistes il y a quelques jours. Comment mieux résumer le sentiment d'injustice de ces hommes dont le statut est si précaire, les salaires si modestes, et dont la vie aurait moins de valeur que ce qu'ils ont la charge de transporter tous les jours ! Ces salariés ordinaires sont soumis comme d'autres à une implacable logique de rentabilité, imposée par une quinzaine d'entreprise en grande partie liées à des firmes américaines.

M. Dominique Bussereau.

C'est pas bien, ça !


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M. Georges Sarre.

Il est explicitement reconnu qu'ils sont mal payés, puisque leurs salaires sont proches du SMIC, que leur formation est insuffisante, et qu'ils ne disposent, le plus souvent, que de contrats précaires.

Seulement voilà, ils risquent leur vie tous les jours en faisant leur travail, en exerçant leur métier. Les banques et les entreprises de la grande distributioon reconnaissent qu'elles ont, dans les années 80, décidé d'« externaliser » les activités de transport, de manipulation et de stockage des fonds, ainsi que la gestion des distributeurs de billets.

Mes chers collègues, « externaliser », vous le savez, cela veut dire sous-traiter, et dans les pires conditions, puisque sous-traitant sans aucune garantie de qualité et dans un seul but : rentabiliser, rentabiliser, rentabiliser encore et toujours.

Les employés de banque affectés aux guichets ont, grâce à leur mobilisation, obtenu il y a vingt ans une reconnaissance de la spécificité de leur mission. Les convoyeurs de fonds, eux, ont continué à subir les effets de la croissance d'un secteur exposé sans protection aux lois du marché. A tel point qu'un policier faisait observer récemment qu'il était désormais plus facile d'attaquer un fourgon blindé qu'une agence bancaire. On ne saurait trouver meilleur exemple de dérive du système libéral, qui sacrifie tout, et même la personne humaine, au profit et à l'argent roi.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Faites convoyer les fonds par l'Etat !

M. Dominique Bussereau.

Bien sûr !

M. Georges Sarre.

C'est cette réalité-là qui a légitimement choqué les Français, une réalité qui illustre crûment les dérives du libéralisme archaïque, lequel, dans sa recherche effrénée du profit, conduit à la négation de la dignité humaine et de l'intérêt général.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Le libéralisme n'est pas forcément archaïque !

M. Georges Sarre.

Voilà pourquoi il était nécessaire que l'Etat prenne immédiatement ses responsabilités, ce qui heureusement, a été fait.

M. Dominique Bussereau.

Avec retard !

M. Georges Sarre.

Parlez, beaux merles ! Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées, ne constitue qu'une partie des mesures élaborées par le Gouvernement pour remédier à la situation actuelle. Celui-ci a fait en sorte qu'une large concertation s'engage et se traduise rapidement par des textes de nature réglementaire.

Le présent projet de loi complète le dispositif en rendant possible la création par les communes d'emplacements réservés et en imposant aux donneurs d'ordre l'aménagement des locaux auxquels les convoyeurs doivent accéder. L'Etat est le garant de l'intérêt général.

On ne saurait mieux illustrer le bien-fondé de ce principe.

Ce dossier devrait d'ailleurs faire réfléchir ceux qui prônent, avec légèreté, un désengagement de la puissance publique, notamment en matière de sécurité.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Nous le vivons et nous l'entendons tous les jours.

Ce projet de loi traduit, monsieur le ministre, une réelle volonté politique de faire prévaloir l'intérêt gén éral.

C'est pourquoi les députés du Mouvement des Citoyens comme leurs collègues du groupe RCV voteront ce texte.

M. Claude Billard et M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que M. Sarre m'ait traité de beau merle, je vais essayer non pas de siffler mais peut-être de persifler, s'il m'y autorise.

Monsieur le ministre, dans cette affaire, la précipitation succède à une assez longue inaction.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Vous voulez parler du précédent gouvernement !

M. Dominique Bussereau, rapporteur.

En fait, ce projet montre que la gestion gouvernementale de ce dossier a été conduite sans respect de la parole donnée et sans respect du calendrier annoncé avec, malheureusement, des conséquences sur la vie des convoyeurs de fonds.

A une question écrite que je vous avais adressée le 1er novembre 1999, réponse m'a été apportée le 10 janvier 2000 - le délai n'est pas exactement celui prévu par notre règlement mais il faut dire qu'entre-temps il y a eu la tempête et les vacances de Noël.

Dans cette réponse, vous m'indiquiez, monsieur le ministre, qu'un décret allait être pris prochainement.

A l'évidence, nous n'avons pas la même conception du terme « prochainement », puisqu'il a fallu attendre le 28 avril pour que le décret paraisse. Vous m'annonciez également que le Gouvernement comptait présenter, prochainement, au conseil des ministres, un projet de loi sur la sécurité privée.

Soyons clair : si les convoyeurs de fonds n'avaient pas fait grève, les deux petits articles de ce projet ne nous auraient jamais été présentés une veille d'Ascension - et l'urgence demandée par M. le Premier ministre, qui vient d'être annoncée par le président de séance, le confirme.

Le Gouvernement a agi sans tenir compte, malheureusement, de la gravité de la situation. Dieu sait pourtant si les organisations syndicales de convoyeurs de fonds avaient alerté les parlementaires, les maires, l'Etat, votre cabinet, la police et la gendarmerie sur leurs difficultés.

Le grave conflit des convoyeurs de fonds a révélé plusieurs choses.

D'abord, comme l'a indiqué M. Sarre, cette fois à juste titre, bien que le libéralisme, ce grand satan, n'en soit pas seulement la cause, il a permis de faire connaître leurs conditions de travail difficiles, notamment au regard de leur propre sécurité, et des salaires tout à fait anormaux eu égard à la dangerosité de leur métier. La gravité de la situation ainsi constatée nécessitait l'ouverture d'un dialogue social. Il eût mieux valu - vous en conviendrez, monsieur le ministre - traiter le problème en amont, engager le dialogue social en dehors de toute crise et ne pas être obligé de faire venir, une fois de plus, le pompier Jean-Claude Gayssot à la rescousse.

A l'occasion de ce conflit, nous nous sommes également aperçus que, contrairement à ce que pense M. Sarre, ces entreprises ne sont pas très profitables - pour utiliser un terme que je n'aime guère non plus. En tout cas, ce n'est pas avec le transport de fonds que ces entreprises, les groupes, petits ou moyens, dégagent des bénéfices et peuvent rémunérer leurs salariés. Leur situation économique et sociale n'est donc pas simple.

Le conflit a été long, et notre rapporteur a rappelé avec raison qu'il a touché les personnes les plus modestes, celles qui utilisent davantage l'argent liquide que les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

moyens de paiement électroniques ou les chèques - les petits commerçants, les Français dans leur vie quotidienne. Les organisations syndicales pensaient qu'elles gêneraient la vie économique en raréfiant l'argent liquide.

Mais l'organisation économique de notre société est telle que ce moyen de pression dont elles croyaient disposer s'est avéré moins puissant qu'elles ne l'avaient espéré.

Fort heureusement, la négociation a permis de sortir de la crise. Nous aurions cependant pu éviter quelques agressions, quelques morts, et un conflit, si des mesures - celles qui sont présentées aujourd'hui et d'autres - avaient été prises plus tôt.

J'en viens aux deux articles de cette coquille vide.

L'article 1er est de bon sens. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que les mesures qu'il préconise étaient de nature législative. Ce point pourrait susciter un débat, car je crois qu'elles auraient pu être de nature réglementaire. J'aurais reçu, en tant que maire, comme la plupart des collègues ici présents, une circulaire de mon préfet, ou même, pourquoi pas, de mon sous-préfet, me demandant de prendre de telles dispositions, je m'y serais immédiatement conformé. Il n'était pas besoin d'utiliser la mécanique lourde de la loi, même avec l'ordre du jour prioritaire et l'urgence.

Donc nous appliquerons l'article 1er , parce qu'il est de bon sens. Simplement, il faudra veiller à ce que les aménagements, notamment les emplacements réservés, soient conçus localement de manière intelligente pour ne pas faciliter les forfaits des bandits de toute nature.

L'article 2, qui fait obligation aux établissements pourvoyeurs de fonds de prévoir des aménagements, me paraît également de bon sens. Il est normal que les donneurs d'ordre participent, eux aussi, à l'amélioration du service.

Mais je ferai deux remarques.

D'une part, je considère que l'Etat devrait faire un geste sur le taux de la TVA applicable à ces aménagements. Je trouve anormal que l'Etat s'enrichisse en ponctionnant une TVA de 19,6 % sur des aménagements qu'il impose. Un taux de TVA particulier, comme il en existe pour les travaux effectués chez les particuliers, pourrait être appliqué à ces investissements à réaliser dans l'urgence. J'observe d'ailleurs qu'il est très difficile aujourd'hui - en raison notamment de la tempête et du manque de salariés - de trouver des entreprises de bâtiment disponibles. Aussi, le coût des travaux augmente.

D'autre part, je souhaite que vous preniez devant nous un engagement quant au délai de parution du décret.

M. Dufau rappelait tout à l'heure le texte sur les polices municipales : la mécanique a été lente à se mettre en place, il a fallu plus d'un an pour que les derniers décrets et les dernières circulaires paraissent, et la discussion des conventions entre les communes et l'Etat dans les départements ne fait que commencer.

E n conclusion, ce texte qui était attendu des convoyeurs de fonds, s'il représente sans doute une avancée par rapport à la situation actuelle, ne révolutionnera pas la vie des Français. J'aurais souhaité le voter parce qu'il est de bon sens. Mais parce que cette crise a été mal gérée, parce qu'elle n'a pas été prévue, alors que tous les éléments d'information vous étaient fournis par les services de police et de gendarmerie, le groupe auquel j'appartiens, comme les autres groupes de l'opposition, s'abstiendra.

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le conflit social des transporteurs de fonds a fait éclater la nécessité d'encadrer l'activité des sociétés privées de sécurité au moment même où le projet de loi du Gouvernement était examiné par le Conseil d'Etat en vue de sa présentation en conseil des ministres.

Depuis 1979, date de la première grande grève des transporteurs de fonds qui a paralysé le pays, plusieurs tragédies ont endeuillé cette profession et de nombreux conflits sociaux ont surgi. Et même si nous apportions aujourd'hui une réponse rapide, une réponse de circonstance - mais M. le ministre a montré tout à l'heure que ce n'était pas le cas -...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Non, bien sûr !

M. Bruno Le Roux.

... ce n'en serait pas moins la première fois que nous légiférerions dans le domaine de la sécurité privée. Sur ce dossier comme sur celui de la sécurité publique, alors que, depuis des années, ce problème se posait, alors que, depuis des années, vous sautiez sur les fauteuils...

M. Jean-Louis Idiart.

Comme des cabris !

M. Bruno Le Roux.

... en disant « il faut un statut pour les polices municipales, il faut un statut pour les polices privées, il faut légiférer sur la sécurité privée.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir, arrêtez de faire référence au passé et regardez l'avenir !

M. Bruno Le Roux.

... nous avons dû tout faire en l'espace de trois ans.

M. Dominique Bussereau.

Vous avez voté contre tous les textes sur la police municipale !

M. Bruno Le Roux.

Vous n'aviez rien fait, comme d'autres auparavant d'ailleurs.

M. Christian Estrosi.

L'un des vôtres est resté quatorze ans à la présidence de la République !

M. Jean-Louis Idiart.

Cela n'a rien à voir. Vous savez bien qu'on ne fait rien à la présidence de la République !

M. Bruno Le Roux.

Entre-temps, vous oubliez qu'il y avait eu un Premier ministre qui s'appelait Jacques Chirac et qui n'a rien fait du tout. Ce partage des responsabilités devrait vous inciter à plus de modestie !

M. Jean-Antoine Leonetti.

En tout cas, ça marchait mieux !

M. Christian Estrosi.

Le sentiment d'insécurité était moins grand. La France était beaucoup plus sûre.

M. Jean-Louis Idiart.

On peut vous donner les chiffres, si vous voulez.

M. Christian Estrosi.

Les chiffres sont cruels !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez l'orateur continuer, s'il vous plaît.

M. Bruno Le Roux.

Cette modestie peut s'appliquer également à nous d'ailleurs pour ce que nous n'avons pas fait.

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez comprend deux articles qui répondent à l'urgence de la situation. Vous nous annoncez par ailleurs, outre le décret que vous venez de publier, une prochaine loi. Il ne suffit pas de sauter sur les fauteuils et de réclamer, il faut parfois agir. Vous agissez et nous vous soutenons.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, et M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Bruno Le Roux.

Au-delà de l'urgence à répondre aux besoins de sécurité exprimés par les convoyeurs, la réforme proposée s'inscrit dans une démarche globale entreprise au début de la législature. Cette démarche s'appuie sur une double dimension du concept de sécurité entendu comme un devoir de l'Etat et comme un droit du citoyen. Parce qu'il est acquis aujourd'hui, et c'est une bonne chose, que l'Etat ne peut pas tout faire, il doit a minima organiser et contrôler les modalités de la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé de la sécurité.

La démarche entreprise vise ainsi à redéfinir et à préciser les compétences et la collaboration entre tous les intervenants du grand secteur de la sécurité dans notre pays.

Beaucoup a déjà été fait.

La régularité des réunions du conseil de sécurité intérieure ainsi que l'émergence puis l'affermissement des contrats locaux de sécurité témoignent d'une modernisation des conceptions.

La définition et la généralisation programmée de la police de proximité, la définition d'un statut et d'un cadre de travail pour les polices municipales, la création de la commission nationale de déontologie de la sécurité, qui s'adressera aussi au secteur privé, témoignent, quant à elles, de la volonté de valoriser l'action des personnels de terrain.

Dès 1997, le Premier ministre s'engageait à présenter au Parlement un texte relatif aux sociétés de sécurité, acteurs de la sécurité au sens de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995. Je rappelle cette loi de 1995 parce que, dans les deux ans qui ont suivi - deux ans, c'est un délai dans lequel on peut faire des choses,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est moins que trois ans !

M. Bruno Le Roux.

... La preuve en est tout ce que nous avons fait, nous, durant les deux dernières années - eh bien, durant ces deux années, rien n'a été fait pour la police de proximité, les polices municipales et la sécurité privée.

L'échéancier législatif fixé par le Premier ministre est respecté : les polices municipales ont été dotées d'un statut unifié, organisant leur complémentarité avec l'action de l'Etat ; la création de la commission nationale de déontologie de la sécurité est acquise depuis la semaine dernière ; le projet de loi relatif aux activités de sécurité privées est déposé sur le bureau du Sénat et devrait venir en discussion devant notre assemblée dès l'automne, je l'espère, en tout cas le plus tôt possible.

L'urgence de la situation imposait, monsieur le ministre, que le débat vienne devant la représentation nationale avant la fin de cette session. Il ne s'agit pas de faire intervenir l'Etat là où il n'a pas à s'immiscer, il s'agit de montrer que l'engagement pris il y a trois ans de donner aux sociétés privées de sécurité et à leurs personnels les moyens d'exercer leurs missions dans des conditions optimales de sécurité est un engagement ferme.

C'est pour nous l'occasion de commencer notre réflexion globale sur le statut et les compétences des sociétés privées de sécurité. Ces entreprises participent à la sécurité générale et cette seule raison justifie que leur activité soit précisément encadrée. Il s'agit de déterminer précisément les tâches que les entreprises de sécurité privées peuvent assurer ; de professionnaliser non seulement les entreprises, mais aussi leurs personnels ; d'organiser enfin les conditions de la transparence du secteur privé de la sécurité. Ces trois directions correspondent aux trois chapitres du projet que vous avez fait adopter par le conseil des ministres il y a dix jours. Ce projet constituera une réelle avancée dans la clarification de ce secteur, avancée souhaitée par tous les partenaires, et notamment les personnels qui travaillent dans le secteur de la sécurité privée.

Je ne reviens pas sur le décret du 28 avril 2000. Rédigé en concertation avec toutes les sociétés concernées, tous les syndicats qui les représentent, ce décret permet, dès aujourd'hui, des améliorations en matière de sécurité.

Je ne reviens pas non plus sur les articles 1er et 2 de ce projet, si ce n'est pour juger indispensable la prescription d'une date butoir de réalisation des équipements. Il faut, puisque vous avez décidé l'urgence du projet de loi, monsieur le ministre, que le décret d'application puisse être pris rapidement, bien qu'élaboré en concertation avec les sociétés. C'est la meilleure garantie pour l'avenir. Mais il faut surtout que les donneurs d'ordre soient tenus de mettre en oeuvre les aménagements demandés dans un certain délai. Il ne faut pas que ces travaux s'étalent trop dans le temps si nous voulons que ce texte se traduise le plus rapidement possible dans les faits.

Ces dispositions sont de nature à répondre aux besoins de sécurité exprimés par les convoyeurs de fonds. Nous devrions saisir l'occasion qui nous est donnée avec ce débat de réfléchir, avec les convoyeurs de fonds, à l'utilisation des nouvelles technologies. Aujourd'hui, beaucoup de sociétés nouvelles choisissent les nouvelles technologies, comme l'utilisation de voitures banalisées ou encore la suppression du port d'armes, faisant ainsi le pari que la sécurité de leur personnel sera mieux assurée.

Il faut aborder ce thème - ce texte permet de le faire par le biais de la professionnalisation de ce secteur d'activité. Il faut dire aux convoyeurs de fonds qu'il n'y a pas antinomie entre leurs perspectives d'emploi et l'introduction des nouvelles technologies. En assurant la professionnalisation et la formation des personnels, nous leur offrons des passerelles destinées à leur éviter d'être cantonnés, comme ils le sont aujourd'hui, à monter dans une voiture le matin pour transporter des fonds toute la journée. Nous permettons ainsi d'aborder dans de bonnes conditions le débat sur les nouvelles technologies.

Pour le reste, il n'appartient pas à l'Etat de se substituer aux professionnels de la branche pour résoudre le problème social qui se pose.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous n'êtes pas du même avis que M. Sarre !

M. Bruno Le Roux.

Tout au plus, l'Etat a montré qu'il pouvait être un conciliateur utile en permettant que les positions des salariés et celles des dirigeants se rejoignent.

Comme tous les métiers liés à la sécurité, celui de convoyeur de fonds est un métier à risque car l'argents uscite la convoitise des hommes. En 1999, dans l'ensemble de ces métiers, treize pompiers, dix policiers nationaux, six gendarmes et deux convoyeurs de fonds sont morts en service.

Pour autant, déclenché par des revendications de sécurité, le mouvement des convoyeurs s'est rapidement transformé en un mouvement social révélateur d'un malaise profond. Ils nous l'ont dit, les convoyeurs en ont assez de l'absence de considération dont ils souffrent, mais aussi en termes de sécurité de rémunération.


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Le transport de fonds est pourtant un secteur économique performant, qui affiche un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de francs pour 1999 et emploie plus de 12 000 salariés.

Il faut que les donneurs d'ordre et les convoyeurs s'asseyent autour de la table pour discuter de la façon d'améliorer la situation, sans que cela se traduise forcément, au bout de la chaîne, par une augmentation du prix payé par le consommateur ou le client.

Chacun doit prendre ses responsabilités. C'est ce que nous faisons, pour la part qui est la nôtre, en soutenant ce texte et, en vous disant, monsieur le ministre que vous avez eu raison de déclarer l'urgence et de dissocier deux articles du grand projet qui viendra en discussion à la rentrée. C'est ce que font les salariés du secteur en assurant chaque jour un service difficile. C'est ce que font les employeurs du secteur en négociant avec leur personnel.

C'est ce que feront les donneurs d'ordre en s'appliquant à réaliser dans les meilleurs délais les équipements prescrits par la loi.

Il nous restera à voir ensemble votre projet sur la sécurité privée. On n'aura jamais autant légiféré en matière de sécurité que depuis trois ans.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Estrosi.

Et un coup de brosse à reluire !

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe RPR.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité, nous ne cessons de le répéter, est la première des libertés, celle qui conditionne toutes les autres, qui permet de jouir de sa personne et de ses biens, souvent acquis au prix de beaucoup d'efforts.

Oh ! le Premier ministre semblait bien en avoir conscience, en 1997, lorsqu'il déclarait que le Gouvernement avait la ferme intention d'assurer l'égalité de tous les citoyens devant le droit à la sécurité.

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

M. Christian Estrosi.

Il ajoutait même que l'insécurité était un échec pour l'Etat.

M. Bruno Le Roux.

C'est vrai !

M. Christian Estrosi.

Trois ans après le colloque de Villepinte, qui n'aura été finalement qu'une déclaration d'intention, le sentiment d'insécurité n'a pas disparu. Au contraire, il est omniprésent dans la vie quotidienne des Français, et il a même plutôt tendance à s'aggraver, comme vous l'admettez vous-même, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Je n'ai jamais dit cela.

M. Christian Estrosi.

Je l'ai lu dans votre rapport.

Et vous aurez beau vous réfugier derrière les chiffres, le bouclier des statistiques ne vous protégera pas ! Car vous savez bien, d'une part, que de nombreuses victimes ne portent pas plainte soit par crainte, soit par lassitude, d'autre part, que de nombreuses interpellations échappent totalement aux statistiques policières, tels les nombreux faits relatés sur la main courante des commissariats.

Toutes ces infractions contribuent largement au sentiment d'insécurité. Il serait plus honnête de parler de délinquance signalée par les services de police au parquet, comme le faisait remarquer, la même année, l'auteur d'un article de la revue Questions pénales

Les Français se sentent menacés dans leur chair et dans leurs biens, c'est ainsi ! Or votre politique sécuritaire au coup par coup tend plutôt à masquer l'incompétence de votre gouvernement à lutter contre ce phénomène dans sa globalité et à résoudre les conflits sociaux qui viennent, ici et là, vous rappeler le caractère insuffisant de votre action.

Tantôt ce sont les sapeurs-pompiers qui descendent dans la rue pour exprimer leur lassitude de recevoir des pierres lors de leurs interventions, tantôt ce sont les conducteurs de bus ou de métro qui en ont assez des agressions dont ils sont victimes. Selon le rapport de l'Union des transports paru hier, celles-ci ont d'ailleurs progressé de 12,5 % en 1999.

Votre seule réponse à tout cela s'apparente plus à un gadget qu'à une véritable lutte contre la délinquance.

Vous avez proposé une loi sur les polices municipales qui est venue ajouter aux difficultés quotidiennes, les tracas administratifs. Aujourd'hui, alors que les convoyeurs de fonds nous font part de leur ras-le-bol devant les attaques répétées dont ils sont victimes, vous décidez de nous présenter dans l'urgence un projet relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds pour tenter de résoudre un malaise social réel qui a vu la mort de plusieurs personnes. Et bientôt, vous nous proposerez un projet relatif à la sécurité privée.

Vos petites phrases et vos « mesurettes » relèvent d'une conception un peu archaïque et dépassée de la sécurité.

Lorsque vous dites « sauvageons », nous disons « délinquants », lorsque nous disons « sécurité », vous répondez

« emploi-jeunes ». Vous opposez police municipale et police nationale, vous opposez encore sécurité privée et sécurité publique, vous opposez enfin prévention et répression, là où il faudrait en fait parler de cohésion, de coopération, de complémentarité.

Le conflit des convoyeurs de fonds en est un malheureux exemple. Il a mis en évidence l'accent sur l'incapacité de votre gouvernement à assurer la sécurité de ces salariés, mais il a aussi montré que votre méthode consiste davantage à user d'articifices de communication et à s'exonérer des responsabilités qu'à prendre le temps de mener une grande réforme sur la sécurité privée.

Bien sûr, vous allez nous dire que vous vous concertez avec les professionnels du convoyage depuis 1999. Mais une année de dialogue pour aboutir à quoi ? A un décret et à un projet de loi de deux articles dont le premier autorise le maire à créer des places de parking réservées et l'autre à accroître les charges pesant sur les entreprises.

Franchement, ce n'est pas sérieux ! A propos de la circulation sur voie réservé, il me vient d'ailleurs une question. Entendez-vous autoriser les maires à ajouter sur les panneaux indiquant « Attention, autobus à contresens », la mention « Attention, convoyeurs de fonds armés à contresens » ? Loin d'organiser la profession de convoyeur de fonds, loin de résoudre les problèmes liés à l'exercice de ce métier, votre projet aboutit en réalité à une seule chose : le désaisissement de l'Etat au profit des maires et des donneurs d'ordre.

Drôle de conception de la lutte contre l'insécurité que d'abandonner l'une des prérogatives essentielles de l'Etat au profit d'autres personnes publiques ou privées. Drôle de conception de la lutte contre la délinquance que d'armer ou désarmer des professions au gré des revendications et des privilèges de corps. La loi d'orientation et de


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programmation relative à la sécurité, du 21 janvier 1995, précisait pourtant que les entreprises de convoyage de fonds concouraient à la sécurité générale.

Nous espérions donc un grand projet qui parle vraiment de sécurité. Nous nous attendions à l'organisation d'une coopération entre ces entreprises et les forces de l'ordre. Nous nous attendions à un projet renforçant la formation du personnel, que vous avez imposée pour les polices municipales. Un projet qui laisse place aux technologies alternatives, ne nécessitant pas forcément le recours aux armes. En fait, nous nous attendions à une approche collective de la sécurité, et non à une approche corporatiste comme vous le faites depuis maintenant trois ans.

Nous ne souhaitons pas, face à l'absence de politique ambitieuse et forte de lutte contre l'insécurité, ajouter de nouvelles dispositions éparses qui, dans le fond, ne résoudront rien. Le groupe RPR a toutefois déposé un certain nombre d'amendements pour essayer de donner un semblant d'ambition à ce projet, et bien évidemment, nous nous déterminerons en fonction du sort qui leur sera réservé. (M. Jean-Antoine Leonetti applaudit.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila, pour le groupe communiste.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du colloque de Villepinte des 24 et 25 octobre 1997, dont le thème était

« Des villes sûres pour des citoyens libres », le Gouvernement s'était engagé à déposer un projet de loi relatif à la sécurité privée, dont les acteurs, qu'il s'agisse des entreprises de surveillance ou de gardiennage, de transports de fonds, de protection physique des personnes ou de recherche privée, participent à la sécurité générale à laquelle aspirent nos concitoyens. Cent mille salariés sont employés dans ce secteur, mais force est de reconnaître, comme vous le soulignez, monsieur le ministre, que la réglementation de leur activité souffre d'une absence d'approche globale.

En France, entre la police et la gendarmerie nationales et les acteurs que je viens d'évoquer, ce sont près de 350 000 personnes qui concourent, sous des formes diverses, à la sécurité des personnes et des biens. Et la population est en droit de s'interroger sur l'efficacité des uns et des autres.

Comme le disait mon ami Jacques Brunhes lors de l'examen des crédits affectés à la sécurité intérieure pour 2000, nous devrons approfondir une réflexion solide pour définir un type de service public national de police afin que l'Etat puisse assumer l'une de ses missions régaliennes. Cela nécessite une politique de sécurité publique dont l'efficacité suppose de plus en plus un travail de part enariat entre institutions publiques, associations et citoyens, dans le respect des responsabilités de chacun.

Je sais, monsieur le ministre, les efforts entrepris pour avancer vers une police de proximité, qui rompt avec les solutions d'urgence et autres expédients sécuritaires. Permettez-moi de croire que le budget pour 2001 s'orientera résolument dans cette voie en donnant à la police républicaine les moyens d'assurer pleinement ses missions au sein d'un service public réorganisé et moderne.

Je referme cette parenthèse qui ne me semble pas hors sujet pour aborder plus concrètement les deux articles du projet de loi initialement intégrés à un ensemble législatif portant sur les activités de sécurité privées.

Nous savons que ce projet, qui a fait l'objet d'un accord en conseil des ministres, a été rattrapé par l'urgence avec la grève des convoyeurs de fonds qui a ébranlé la France entière. Ce conflit social aura marqué l'actualité nationale et sensibilisé l'opinion à la réalité de cette profession, à ses risques et à ses dessous.

Une unité syndicale complète, une détermination solide, jamais lézardée, digne, malgré la peine qui a gagné toute une profession après le décès de certains de ses membres, une opinion massivement acquise à sa cause malgré la pénurie de billets, tout concourait à ce que ses revendications soient synonymes de justice.

Qui pouvait rester indifférent en découvrant les reportages où ces salariés racontaient leur vie quotidienne ? Souvenez-vous de leurs paroles : « On sait quand on part, on ne sait pas quand et si on rentrera chez nous » ; « La sécurité ? On y pense toujours, on n'en parle jamais, sinon on deviendrait fou » ; « On sort la trouille au ventre, en rasant les murs et en pensant à nos enfants » ;

« On a peur pour la population, pour les gamins, pour les civils, enfin, pour tous ceux qui nous côtoient par hasard » ; « Je n'ai pas choisi ce métier pour me faire tuer comme un lapin pour un salaire à peine supérieur au SMIC. »

Avec la peur, « tension » est le terme qui revenait le plus souvent dans leurs propos. Tension avec les chefs qui les poussent à bout, tension avec les clients qui les font attendre, tension avec les règlements qui les obligent à marcher des centaines de mètres, des millions de francs à la main, dans les centres commerciaux ou lors du ramassage des recettes du PMU.

Tous se plaignent des salaires et des horaires de travail à géométrie variable.

Au nom des députés communistes, je souhaite rendre hommage au courage de ces hommes dont chacun sait maintenant qu'ils font un métier à haut risque.

Pourtant, il aura fallu attendre quinze jours de grève pour que leurs patrons reconnaissent la légitimité de leurs revendications. Tout n'est pas acquis, loin s'en faut. Mais l'évolution des positions patronales, avec l'offre d'une prime de 1 280 francs bruts mensuels au lieu de 2 000 francs par an, indique que les entreprises de convoyage ne sont pas démunies, même si les dirigeants des deux sociétés qui se partagent 80 % du marché, la Brink's et Ardial-Serse, disent avoir du mal à équilibrer leurs comptes.

Elles ne manquent pas d'appuis cependant.

La Brink's est filiale du groupe américain Brink's, luimême filiale de la multinationale Pittston, cotée à Wall Street et forte d'un bénéfice de plus de 88 millions de dollars.

Quant aux deux sociétés Ardial et Serse, elles ont été rachetées par UBS Capital, une division du groupe bancaire suisse UBS, spécialisé dans les prises de participation dans toutes sortes de sociétés à travers le monde, qui a réalisé, l'an dernier, 6,3 milliards de francs suisses de bénéfices après impôts.

Dans ces conditions, il est difficile de croire qu'elles ne peuvent investir pour améliorer la sécurité des salariés qui convoient, entre autres, leurs propres fonds.

Nous voulons saluer l'initiative du Gouvernement, notamment celle du ministre des transports, Jean-Claude Gayssot, qui est intervenu dans ce conflit afin que les négociations aboutissent.

Les avancées importantes consacrées dans le protocole de fin de conflit ont fait prendre un tournant à la profession. Même si nombre de revendications auxquelles les organisations syndicales tiennent restent insatisfaites, les mesures sociales obtenues et les dispositions concernant la


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sécurité dont vous êtes à l'initiative, monsieur le ministre, sont telles qu'un salarié à pu dire : « Nous venons de rattraper en dix jours, vingt ans de retard social dans la profession. »

La question de savoir qui allait payer demeurait cependant posée. Tout au long du conflit, les sociétés de transport de fonds ont fait savoir qu'elles n'assumeraient pas seules la facture et que les donneurs d'ordre - banques et grandes surfaces - devaient contribuer à la sécurité. La table ronde qui s'est tenue au ministère des transports entre syndicats, employeurs et donneurs d'ordre n'a pas réussi à dégager un accord.

Mais les donneurs d'ordre, singulièrement les banques qui, au fil des ans, ont restructuré leurs activités pour externaliser la tâche très contraignante du transport de fonds à moindre coût, peuvent-elles aujourd'hui fuir des responsabilités sociales et des missions de sécurité dont elles sont en partie à l'origine ? Comme beaucoup d'autres, nous ne le pensons pas.

D'ores et déjà, les convoyeurs de fonds peuvent s'enorgueillir d'avoir réussi à faire prendre conscience à l'opinion des contrecoups de la politique des banques en matière de transport de fonds et du fait qu'ils participent à un véritable service public de sécurité. Si le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, traduit une meilleure prise en compte de la sécurité, c'est bien aux convoyeurs de fonds que nous le devons.

Avec le décret du 28 avril dernier, le Gouvernement a accédé à nombre de revendications des convoyeurs, notamment en autorisant la présence d'une arme de quatrième catégorie dans les véhicules de transport, en imposant le port d'un gilet pare-balles et le renforcement des blindages des camions ou en permettant l'usage de marqueurs de billets en cas d'agression. Les deux articles que v ous soumettez à notre approbation aujourd'hui complètent ce dispositif.

Le premier vise à réduire les moments durant lesquels les convoyeurs sont les plus menacés en permettant aux maires de réserver, par voie d'arrêtés, des emplacements sur la voie publique pour le stationnement et la circulation. Le second oblige les donneurs d'ordre à aménager leurs locaux afin de faciliter l'accès des véhicules.

Il est évident que les couloirs de circulation et l'aménagement de sas facilitant le chargement et le déchargement des véhicules contribuent à améliorer la sécurité de ces salariés dont le métier est incontestablement à haut risque. Aussi le groupe communiste approuve-t-il sans réserve le projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti, pour le groupe UDF.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous propose aujourd'hui d'adopter un projet de loi relatif à la sécurité du dépôt des collectes des fonds par les entreprises privées. Ce texte intervient dans un contexte très particulier, marqué par l'urgence.

Et on ne peut pas ne pas faire la relation entre la grève des convoyeurs de fonds, qui réclament des améliorations salariales et des mesures de sécurité, et l'arrivée brutale et inopinée de ce texte que vous jugez de portée majeure alors qu'il ne contient que deux petites mesures pour lesquelles un décret ou même une injonction aux maires aurait suffi.

Les problèmes sont réels. Nous venons d'ailleurs d'entendre un discours parfaitement syndical qui, soit dit en passant, relève davantage d'une revendication de salariés en difficulté que d'une intervention d'un député à l'Assemblée nationale. Les salaires sont proches du salaire minimum. Les récentes agressions ayant entraîné la mort de trois convoyeurs confirment, s'il en était besoin, que c'est un métier à risque rendant nécessaire le renforcement des mesures de protection.

Or ce texte, que l'on nous soumet dans l'urgence, pour ne pas dire dans la précipitation, répond seulement très partiellement aux revendications des intéressés et, de manière plus imparfaite encore, aux attentes de nos concitoyens.

Certes, il est nécessaire et utile qu'à côté des mesures réglementaires améliorant la sécurité de ces professionnels, l a loi permette aux maires de prendre, pour les convoyeurs de fonds, des mesures identiques à celles appliquées aux taxis ou aux bus. Il est également indispensable de réduire la durée de la phase piétonne du transport de fonds. Mais il est regrettable que ces deux petits articles, même s'ils ont leur utilité, contrastent de manière si criante avec les ambitions affichées par le Gouvernement en matière de sécurité et qu'ils ne soient proposés que sous la contrainte d'une actualité dramatique.

Voilà trois ans que le Gouvernement affirme que la sécurité est sa priorité et jamais la délinquance et l'insécurité n'ont été aussi fortes :...

M. Bruno Le Roux.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... agressions dans les transports en commun, en hausse très significative, rajeunissement des populations délinquantes, augmentation des délits sur la voie publique et des vols avec violence.

Malgré ce constat affligeant, le Gouvernement continue à faire des déclarations d'intention sans agir. Nous attendons toujours la loi sur la sécurité privée.

Les chiffres de la délinquance ne cessent d'augmenter, comme en attestent les statistiques du ministère de l'intérieur, qui ne sont pas contestables, monsieur le ministre.

La hausse de délits avec violence est accompagnée d'un inquiétant rajeunissement des populations délinquantes.

Près de 40 % des délits sur la voie publique sont commis par des mineurs. Ce que le rapporteur du budget du ministère de l'intérieur appelait pudiquement « la délinquance au quotidien », pour ne pas dire la délinquance banalisée - vols avec violences, vols à la tire, coups et blessures, cambriolages - a connu, cette année, une augmentation de 22,4 %, toujours selon les chiffres du ministère de l'intérieur.

J'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt ce que dit le Premier ministre et je l'ai entendu déclarer à la télévision, s'attribuant le mérite de la baisse du chômage : « Si le nombre de chômeurs avait augmenté, je suis sûr qu'on l'aurait imputé au Gouvernement. » A l'inverse, je suis

sûr que si les chiffres de la délinquance avaient un tant soit peu diminué, le Gouvernement les aurait revendiqués. Il faut donc qu'il accepte leur augmentation, car les chiffres sont têtus. Ce qui est important, ce n'est pas tellement ce que l'on fait sur le plan législatif ou ce que l'on affirme, c'est les résultats que l'on obtient en matière de sécurité.

Dans son rapport, M. Dufau fait état, concernant ce projet de loi, d'intentions et d'affirmations que nous partageons. On peut toujours partager les intentions, ce sont les moyens de les concrétiser qui peuvent diverger. Selon le rapport « assurer la sécurité du convoyage de fonds fait partie des missions de l'Etat ». Cette activité à une

« dimension d'intérêt général ». « La sécurité des Français relève d'abord des représentants de l'Etat : la police et la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

gendarmerie sont les deux acteurs de ce service public ».

Si bien que j'en suis à me demander, surtout après les attaques en règle des sociétés privés auxquelles se sont livrés certains orateurs, si le Gouvernement ne va pas finir par nous dire que les transports de fonds ne seront plus effectués par des sociétés privées et qu'ils seront pris en charge par l'Etat. Comme on l'a remarqué après le colloque de Villepinte - « Des villes sûres pour des citoyens libres » -, affirmer n'est pas agir. En réalité, incapable de lutter contre la délinquance, le Gouvernement a décidé de proposer à l'Assemblée nationale deux petites mesures, certes utiles, mais qui auraient dû s'inscrire dans le projet bien plus vaste sur la sécurité privée que le Premier ministre nous promet depuis trois ans.

Cette loi sur les services de sécurité privés qui était utile est devenue indispensable. En effet, devant l'échec de la politique du Gouvernement en matière de sécurité et devant la montée des incivilités, de la violence et de la délinquance, le recours aux sociétés privées de protection et de gardiennage s'est considérablement développé ces dernières années. Il faut donc réglementer. Le texte que nous examinons aujourd'hui illustre de façon caricaturale la situation dans laquelle nous sommes. Le Gouvernement affirme qu'il est de sa responsabilité exclusive de protéger les personnes et les biens. Or, dans un convoi de fonds, il y a des personnes et des biens. Il constate son échec et refuse à la fois de déléguer ses pouvoirs et de financer les moyens nécessaires à cette protection.

Pourtant, me direz-vous, ce texte accorde aux maires un pouvoir de police supplémentaire majeur : celui de faire rouler les véhicules blindés dans les couloirs réservés aux bus ! Comme vous le savez, le groupe UDF pense qu'il serait temps de donner aux maires plus de pouvoirs et de moyens en matière de sécurité et de ne pas se contenter d'une telle mesure. Il est en effet nécessaire que le maire puisse être un acteur et un coordonnateur des moyens de sécurité dans sa ville. Il doit présider un conseil communal de la sécurité et de la prévention. Vous avez créé un conseil départemental pour la sécurité des transports de fonds, présidé une fois de plus par le préfet, donc par l'Etat, mais il serait temps d'accepter de transférer aux maires une partie de l'autorité de sécurité.

Ce conseil communal de la sécurité et de la prévention, incluant des autorités de la police, de la justice et de l'éducation nationale, pourrait décider d'adapter dans le cadre de la loi les moyens à mettre en oeuvre en fonction du contexte local. Cette territorialisation des forces de l'ordre est le seul moyen de rendre réellement efficace une police de proximité qui, pour l'instant, est vécue le plus souvent comme un îlotage renforcé. Actuellement, on ne propose au maire que de cautionner, au travers d'un contrat local de sécurité, la pénurie des moyens mis à sa disposition et l'inefficacité de la politique gouvernementale.

Ainsi, ce projet, qui réglemente plus qu'il ne légifère, n'est que le révélateur d'une incapacité à aborder le problème de la sécurité autrement que par des « mesurettes » ou des déclarations d'intention. La sécurité privée se développe. Elle est utile, indispensable même, mais elle doit être réglementée davantage que par un petit texte. La sécurité reste une mission régalienne de l'Etat à condition qu'il veuille bien se donner les moyens de son ambition et de sa volonté affichée. Enfin, la sécurité ne sera restaurée dans ce pays que si l'on accepte que les maires obtiennent plus de pouvoirs juridiques dans ce domaine.

Le groupe UDF ne s'opposera pas à ce texte qui, comme nous l'avons dit, répond partiellement à l'attente des professionnels. Mais puisque M. Sarre nous a traités de merles,...

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

De « beaux merles » !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... je souhaite rappeler au Gouvernement la morale de la fable des oisillons de La Fontaine : « Nous n'écoutons d'instinct que ceux qui sont des nôtres et ne croyons au mal que lorsqu'il est venu. »

Cette phrase s'applique parfaitement à ce texte et à ce Gouvernement.

M. Christian Estrosi et M. Dominique Bussereau.

Bravo !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Je répondrai très brièvement aux orateurs.

Monsieur Estrosi, vous avez parlé du sentiment d'insécurité dont j'aurais fait état dans mon rapport. Mais je me suis contenté d'évoquer le problème des agressions physiques dont sont victimes les convoyeurs de fonds.

C'est une réalité que chacun peut constater. Le sentiment d'insécurité, c'est tout autre chose. Nous avons tous la volonté à la fois d'améliorer les conditions de sécurité et de lutter contre le sentiment d'insécurité.

Par ailleurs, si quelqu'un oppose sécurité publique ets écurité privée, c'est bien vous. Le Gouvernement s'efforce au contraire de les mettre en cohérence dans le dispositif législatif dont nous examinons une partie aujourd'hui et qui sera adopté à l'automne.

M. Christian Estrosi.

Laissez le Gouvernement se défendre tout seul !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Enfin, vous oubliez d'évoquer le rôle de l'Etat décentralisé dans les commissions départementales de sécurité où non seulement le préfet mais aussi tous les partenaires jouent un rôle. Vous qui êtes soucieux de proximité, c'en est un bon exemple, qui a d'ailleurs été salué par tous les partenaires. Quant à vos amendements, monsieur Estrosi, ils reposent sur des idées sur lesquelles je ne suis pas en désaccord,...

M. Christian Estrosi.

Ah !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

... mais nous aurons l'occasion d'en reparler.

Monsieur Bussereau, je vous rappelle que les dispositions concernant les maires relèvent de la partie législative du code général des collectivités locales. Passer par un loi pour les modifier n'est donc pas une coquetterie, c'est une nécessité ! Quant à la TVA, contrairement à ce que vous affirmez, nous ne pouvons pas changer ses taux d'un coup de baguette magique sans être en infraction avec le droit communautaire. C'est donc un problème plus complexe que vous ne semblez le croire.

Monsieur Leonetti, je vous ferai là même réponse : on est bien obligé de passer par la loi pour modifier les dispositions du code des collectivités locales qui sont en jeu.

D'ailleurs, vous le savez, puisque vous l'avez rappelé vousmême à la fin de votre propos, après avoir été un peu flou là-dessus.

Notre objectif est bien de garantir la sécurité des sociétés privées dans l'exercice de leurs fontions. Nous nous préoccupons donc à la fois de sécurité publique et de sécurité privée. C'est reconnaître que ces sociétés privé es pourront continuer à exercer leurs missions.


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Quant aux maires, ils siègent dans les commissions départementales dont j'ai parlé et vous savez qu'ils sont aussi des partenaires importants des contrats locaux de sécurité que le Gouvernement a contribué à mettre en place.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce sont des otages !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Je partage les préoccupations et les remarques de M. Jean Vila. Je m'associe à l'hommage qu'il a rendu à la profession des convoyeurs de fonds. Nous connaissons le désarroi de ces salariés qui a culminé lors de leur dernière grève, résultat d'une tension devenue insoutenable. La prise en compte de leurs préoccupations par ce texte, et bientôt par le projet de loi plus général sur la sécurité privée, va dans le bon sens.

Georges Sarre a, comme d'habitude, manifesté son souci de la citoyenneté et son sens de l'Etat, et je ne peux que le rejoindre s'agissant de l'importance de la citoyenneté et du rôle de l'Etat dans la sécurité.

Quant à M. Le Roux, il a souligné que ce projet n'était qu'un maillon d'une chaîne beaucoup plus importante dont une partie a déjà été adoptée par notre assemblée, d'un véritable dispositif général sur la sécurité publique et privée. Il a montré la volonté de cohérence et l'importance du travail du Gouvernement dans ce domaine. Il a souligné enfin l'intérêt des nouvelles technologies pour les convoyeurs de fonds. Il est vrai que si leur utilisation dans ce domaine constitue une expérience intéressante et riche de perspectives, les nouvelles technologies restent, à l'heure actuelle, cantonnées à un rôle encore mineur dans ce cadre d'activités. Mais la réflexion mérite d'être engagée et poursuivie, non seulement au plan national, mais aussi au niveau européen, comme je l'ai expliqué dans mon intervention.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - I. - Au 1o de l'article L.

2213-3 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « et pour les besoins exclusifs de ce service, », sont ajoutés les mots : « et, dans le cadre de leurs missions, pour les véhicules de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, ».

« II. - A la fin du 2o du même article, sont ajoutés les mots : « ainsi que des véhicules de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le cadre de leurs missions. »

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Les entreprises ou services faisant appel à des personnes physiques ou morales exerçant une activité consistant à transporter et à surveiller, jusqu'à leur livraison effective, des fonds, des bijoux ou des métaux précieux, doivent réaliser les aménagements, en particulier immobiliers, de nature à faciliter l'accès des véhicules de collecte de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le but notamment de réduire le transport à pied de ces fonds. Un décret détermine les normes d'aménagement auxquelles doivent répondre ces locaux et les délais dans lesquels les locaux existants doivent être mis en conformité avec ces normes. »

Je suis saisi de deux amendements, nos 5 et 8, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 5, présenté par M. Estrosi, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« Les entreprises ou services faisant appel à des personnes physiques ou morales exerçant une activité consistant à transporter et à surveiller, jusqu'à leur livraison effective, des fonds, des bijoux ou des métaux précieux, doivent réaliser des aménagements spéciaux, en particulier immobiliers, de nature à faciliter l'accès des véhicules de collecte de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le but notamment de réduire le transport à pied de ces fonds.

« Dès lors que les fonds sont protégés par un disp ositif technologique, homologué, au sens de l'article 1 du décret no 79-618 du 13 juillet 1979 modifié par le décret no 91-867 du 4 septembre 1991, des aménagements spéciaux immobiliers ne sont plus obligatoires.

« Un décret détermine, pour chacun des cas, les normes d'aménagements spéciaux immobiliers ou t echnologiques auxquelles doivent répondre les locaux et les délais dans lesquels ces locaux doivent être mis en conformité.

« Toute nouvelle construction, dont tout ou partie des locaux sera affecté à la collecte et au dépôt de f onds, doit disposer d'aménagements spéciaux immobiliers ou d'un local spécialement affecté à ce dispositif technologique. »

L'amendement no 8, présenté par M. Dufau, rapporteur, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« Les personnes faisant appel, de façon habituelle, à des personnes physiques ou morales exerçant l'activité de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, doivent aménager leurs locaux de façon à sécuriser l'accès des véhicules utilisés pour cette activité et limiter le transport à pied des valeurs qu'elles leur confient.

« Un décret détermine les aménagements dont les locaux desservis doivent être dotés en fonction des caractéristiques des immeubles ainsi que de la nature des activités qui y sont exercées et des conditions de leur desserte. Ce décret est publié au plus tard dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

« Les locaux existants à la date de la publication de la présente loi, ainsi que ceux qui, à cette même date, n'auront pas fait l'objet de la réception prévue à l'article L.

111-19 du code de la construction et de l'habitation, doivent être dotés des aménagements prévus par le décret mentionné à l'alinéa précédent au plus tard le 1er juillet 2002. »

La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Christian Estrosi.

L'apparition, en 1990, des nouvelles technologies a donné naissance à un nouveau type de véhicules et de matériels. Selon nous, il faut prévoir des dispositions différentes selon que la livraison des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

fonds est opérée par un véhicule blindé traditionnel ou par un véhicule équipé de nouvelles technologies. Cet amendement a vocation à permettre aux entreprises d'effectuer un choix entre ces deux systèmes de transport et d'aménager les lieux où sont recueillis les fonds selon le type des véhicules utilisés.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement no 8 et donner l'avis de la commission sur l'amendement no

5.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Les six amendements déposés par M. Estrosi n'ont pu être examinés par la commission, qui s'est réunie à quatorze heures trente.

Cela dit, bien que différent dans la forme, l'amendement no 5 poursuit le même objectif que l'amendement no 1 qui a été présenté par M. Leonetti en commission et que celle-ci n'a pas retenu pour deux raisons, l'une technique, l'autre d'opportunité.

D'abord, si les nouvelles technologies sont aujourd'hui reconnues, c'est à titre expérimental, comme le décret du 28 avril dernier a d'ailleurs eu la sagesse de le préciser.

Elles ne peuvent en effet, à ce stade, être utilisées que pour le transport de billets, ce qui ne règle pas le problème pour les pièces métalliques ou les bijoux. Ces nouvelles technologies ne peuvent donc, dans l'immédiat, constituer une solution de substitution.

Ensuite, dans la mesure où l'utilisation de telles technologies ne représente qu'une part minoritaire dans l'ensemble du transport de fonds, il serait inopportun de permettre une telle exception. Cela risquerait en effet de déséquilibrer le système mis en place et de poser des problèmes d'emplois.

Par conséquent, si l'on peut retenir l'idée de poursuivre la réflexion sur ce type de convoyage, il ne me semble pas opportun de retenir une telle disposition dans ce texte. A titre personnel, je demande donc le rejet de l'amendement no

5. L'amendement no 8 vise, quant à lui, à clarifier la rédaction de l'article 2, en précisant que ne sont visés que les donneurs d'ordre faisant appel, « de façon habituelle » et non de façon occasionnelle, à des convoyeurs. Afin de manifester notre souhait d'aller vite, il tend à fixer un délai de six mois pour la parution du décret. Enfin, l'amendement traduit la volonté de la commission de fixer au 1er juillet 2002 l'échéance pour l'adaptation des locaux existants.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement de M. Estrosi. Il est évident que certains aménagements des locaux desservis sont de nature immobilière. Moi, je ne sais pas ce ques ont des aménagements « spéciaux » ou « technologiques ». De toute façon, la commission n'a pas eu le temps d'en débattre. Il faut être sérieux ! Ce sera au décret de préciser le choix des moyens de transport des fonds et valeurs. Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de pénaliser ou de favoriser tel ou tel mode de transport.

S'agissant de la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur, j'y suis favorable sous réserve d'un délai raisonnable pour la réalisation des aménagements. Il ne faut en effet pas perdre de vue que 23 000 agences sont concernées par ce texte. C'est considérable ! Si M. le rapporteur voulait bien corriger l'amendement no 8 en portant le délai au 31 décembre 2002 - je ne suis pas très exigeant - nous pourrions trouver un terrain d'accord.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Vous nous parlez, monsieur le rapporteur, d'équilibre et d'emploi, mais, excusez-moi, la sécurité des personnes et des biens passe avant le reste ! Ne pas prendre en compte les propositions que nous faisons et qui n'ont qu'un objectif, à savoir renforcer la sécurité des personnes et des biens dans le cadre des transports d'argent, de métaux et autres, me paraît tout à fait contestable.

Quant à vous, monsieur le ministre, vous nous dites qu'il n'est pas sérieux de présenter des amendements aussi rapidement, dans l'urgence en quelque sorte. Ne pensezvous pas que ce qui n'est pas sérieux, c'est plutôt de nous présenter un tel texte dans l'urgence, sans que nous ayons eu le temps d'en débatttre sérieusement en commission ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Monsieur Estrosi, on ne peut accepter que l'utilisation de véhicules banalisés puisse exonérer les donneurs d'ordre des travaux qui sont absolument nécessaires pour renforcer la sécurité des biens et des personnes.

Pour ce qui est de la proposition de M. le ministre, il me semble acceptable de reculer au 31 décembre 2002 l'échéance pour la mise en conformité des locaux. A titre personnel, j'y suis favorable et je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Dans l'intérêt des professionnels eux-mêmes, les obligations édictées doivent être indépendantes de l'éventuelle évlution des technologies.

Quant aux six mois de délai supplémentaire, le groupe socialiste y est favorable.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

J'accepte de rectifier mon amendement en me ralliant à la proposition du Gouvernement qui, je le constate, est approuvée par le groupe majoritaire.

M. le président.

Il convient donc de remplacer les mots « 1er juillet 2002 » par les mots « 31 décembre 2002 ».

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 8 tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et l'amendement no 1 de M. Leonetti tombe.

Après l'article 2

M. le président.

M. Dufau, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Est puni de 100 000 F d'amende le fait de ne pas respecter les obligations prévues à l'article 2.

« II. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction prévue au I.

« III. Les personnes morales encourent les peines suivantes :

« 1o L'amende, dans les conditions prévues par l'article 131-38 du code pénal.


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« 2o Les peines mentionnées aux 2o , 4o , 6o , 7o et 9o de l'article 131-39 de ce code. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Cet amendement prévoit des sanctions en cas de non-respect des obligations prévues à l'article 2 qui imposent aux donneurs d'ordre de réaliser un certain nombre de travaux d'aménagement pour sécuriser l'accès à leurs locaux.

Il s'agit de sanctions financières et administratives. Je tiens à la disposition de l'Assemblée le détail des dispositions administratives qui sont répertoriées dans différents articles du code pénal.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'amendement de M. Dufau est tout à fait judicieux. Aussi, je me prononce en sa faveur.

J'en profite pour rendre hommage au travail de la commission et du rapporteur. C'est vrai, nous travaillons dans l'urgence, mais la commission s'est réunie. M. Estrosi aurait donc pu déposer ses amendements en commission.

Si le Gouvernement a déclaré l'urgence, c'est tout simplement parce qu'il s'agit de faire progresser très vite l'examen de ce texte. C'est pourquoi, ces deux articles ont été distraits du projet de loi sur la sécurité privée qui était prévu de longue date. Vous savez ce qu'est l'ordre du jour parlementaire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Estrosi a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Si les locaux recevant des fonds, bijoux ou métaux précieux le permettent, l'accès à la zone de livraison effective des fonds, bijoux ou métaux précieux doit s'effectuer par un accès distinct de celui du public et à l'écart de celui-ci. »

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Un fort climat d'insécurité règne aujourd'hui, tant pour les convoyeurs que pour le public, lorsque l'accès au ramassage des fonds se trouve en plein milieu d'un espace public ou d'une entreprise. Il me paraîtrait nécessaire que cette situation, qui engendre la crainte, puisse être modifiée et que les entreprises prévoient un accès à la la zone de livraison distinct de l'entrée du public.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Chacun comprend l'idée qui sous-tend cet amendement : il s'agit de garantir la sécurité du public et celle des transporteurs de fonds.

C'est une idée de bon sens. Mais relève-t-elle du domaine législatif ? M. Estrosi trouve que ce texte comporte des mesures qui sont d'ordre réglementaire, mais il tombe lui-même dans le travers qu'il dénonce ! Cela relève du décret prévu à l'article 2, qui concernera aussi les DAB, les distributeurs automatiques de billets, qui ne pourront plus être approvisionnés qu'en passant par des locaux sécurisés.

Je ne peux émettre qu'un avis défavorable à l'amendement de M. Estrosi. Je pense qu'il pourrait le retirer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je trouve cet amendement inutile, car il est entièrement pris en compte par le projet. Avis défavorable.

M. le président.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Estrosi ?

M. Christian Estrosi.

Absolument !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Estrosi a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Les véhicules équipés de moyens de nouvelles technologies ne doivent comporter aucun signe distinctif propre à reconnaître l'activité exercée. »

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Si l'on peut comprendre la nécessité d'identifier les véhicules blindés, compte tenu de leurs spécificités techniques et humaines, il n'en est pas de même pour les véhicules équipés de nouvelles technologies. Et tout doit être mis en oeuvre pour qu'ils ne puissent pas être reconnus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Avis défavorable pour une raison très simple : il me semble pour le moins curieux qu'un véhicule banalisé puisse porter un signe distinctif.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

On ne saurait mieux dire que M. le rapporteur. Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Estrosi a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Les entreprises de convoyage de fonds doivent assurer une formation initiale aux personnes nouvellement engagées et chargées de la collecte, du dépôt, du transport, de la surveillance ou du traitement des fonds et valeurs ; formation ne pouvant être inférieure à quinze jours, dans la première année du début de l'emploi.

« Tous les deux ans, les personnes chargées de la collecte, du dépôt, du transport, de la surveillance ou du traitement des fonds et valeurs doivent recevoir une formation complémentaire destinée à une remise à jour de leur connaissance et à vérifier leur aptitude professionnelle.

« Les conditions et contenu de ces formations seront définies par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Les personnes engagées pour assurer la collecte, le dépôt, la surveillance, le transport et le traitement des fonds et valeurs doivent suivre une formation de quelques demi-journées afin de les sensibiliser tant à la réglementation qu'au maniement des armes.

Depuis maintenant trois ans, monsieur le ministre, vous proposez régulièrement des textes qui imposent des formations - auxquelles nous souscrivons - aux polices municipales, aux agents de sécurité dans le cadre des emplois-jeunes entre autres. Dès lors, je comprendrais mal qu'il n'y ait pas une formation minimum délivrée à des hommes et des femmes qui ont à exercer un métier difficile et dangereux.


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Cet amendement a pour objectif d'instaurer une formation d'une durée de quinze jours, au moins, ce qui n'est pas très contraignant, accompagnée d'une formation complémentaire tous les deux ans. Les pratiques et les technologies évoluant, des mises à niveau s'imposent.

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est le bon sens même !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Chacun peut partager les préoccupations de M. Estrosi sur la nécessité de renforcer la formation professionnelle des convoyeurs de fonds et d'avoir un suivi de cette formation par un recyclage régulier.

Néanmoins, cette question devra être réexaminée dans le cadre du projet de loi relatif aux sociétés de sécurité privées qui sera discuté à l'automne. La problématique qu'il soulève pour les convoyeurs de fonds concerne les agents de surveillance, de gardiennage et de recherche privés. Il s'agira d'adopter un dispositif pour l'ensemble de ces professions, la formation étant un rouage essentiel de leur succès.

Avis défavorable sur cet amendement, mais M. Estrosi est peut-être disposé à le retirer pour que nous en rediscutions le moment venu ?

M. Christian Estrosi.

Cet amendement est prioritaire et urgent !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Ce souci de professionnalisation est légitime, mais il figure déjà dans les dispositions du projet de loi relatif aux sociétés de sécurité privées. Par conséquent, cet amendement est redondant et inutile.

M. Bruno Le Roux.

Tout à fait !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cet amendement n'est pas inutile, puisque ce projet de loi n'a pas encore été adopté !

M. le ministre de l'intérieur.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Estrosi a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le préfet de département, ou à Paris le préfet de police, délivre ou refuse l'agrément de permis de port d'arme dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande.

« A défaut, l'autorité chargée de la délivrance de l'agrément ou de son refus doit informer l'entreprise qu'elle ne pourra rendre sa décision dans le délai imparti et lui préciser la date à laquelle elle entend délivrer ou refuser l'agrément de permis de port d'arme. »

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Aujourd'hui, de nombreux candidats à l'embauche dans les entreprises de convoyage de fonds sont dans l'attente de l'agrément de permis de port d'armes.

Or le délai entre la demande de l'entreprise et la décision d'octroi ou de refus s'étale entre six et huit mois.

Durant cette période, le candidat à l'embauche peut se trouver sans emploi, donc dans une situation sociale, financière et psychologique difficile.

Il semble souhaitable, afin d'éviter que ne surviennent ces situations délicates, de réduire le délai de traitement des dossiers.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

J'observe simplement que les articles 10 et 11 du décret du 28 avril 2000 simplifient déjà considérablement les procédures anciennes sur l'agrément et l'autorisation du port d'arme par le préfet du département où l'entreprise a son principal établissement. Par exemple, la validité de l'autorisation du port d'arme est passée de cinq à trois ans.

J'invite également M. Estrosi à se reporter aux pages 9 et 10 de mon rapport écrit, ainsi qu'au projet de loi relatif aux activités de sécurité privées, qui comporte des dispositions à ce sujet.

Considérant que ces préoccupations ont déjà été prises en compte, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Même avis sur la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Estrosi a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Lors d'un service visant à déposer ou collecter, à transporter et collecter des fonds, bijoux ou métaux précieux, d'un montant exceptionnel, les entreprises chargées de ce service ou les entreprises bénéficiaires peuvent requérir le concours de la force publique, nécessaire au maintien de la sécurité des biens transportés et des personnes chargées de ce service.

« Le montant au-delà duquel le concours de la force publique sollicité est fixé par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Lors de transports de fonds d'un montant supérieur à 200 000 francs, l'utilisation de véhicules blindés ou équipés de nouvelles technologies est obligatoire. Il serait souhaitable que, pour les transports de fonds dont le montant dépasse un certain seuil, fixé par décret, les donneurs d'ordre ou les entreprises de convoyage de fonds puissent requérir le concours de la force publique pour assurer la bonne exécution de leur service.

M. Bruno Le Roux.

C'est déjà fait !

M. Christian Estrosi.

Monsieur le ministre, une fois de plus, vous vous dégagez de la responsabilité essentielle qui vous incombe, à savoir la sécurité des personnes et des biens, or il me semble que dans certaines circonstances, les services de police de l'Etat devraient être présents à la fois pour montrer que l'Etat existe encore un tout petit peu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et qu'il lutte contre l'insécurité.

M. Bruno Le Roux.

Zéro !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Non, c'est de bon sens.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

Je rassure M. Estrosi : l'Etat existe ! M. le ministre de l'intérieur a d'ailleurs déjà annoncé qu'il pourrait être fait appel au concours de la force publique dans le cas de transports de fonds d'un montant exceptionnel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

En conséquence, cet amendement ne me semble pas nécessaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Une déclaration du ministre ne se traduit pas forcément dans les faits. Aussi, je préfère la voir inscrite dans la loi.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Je voudrais rappeler que des instructions ont été données par télégramme. Tout cela est parfaitement clair et vérifiable. Pour M. Estrosi, tantôt l'Etat existe trop et il ne rêve que de le démanteler et de donner ses pouvoirs aux maires ; tantôt il n'existe pas assez, comme il vient de le dire. Il faudrait savoir sur quel pied il danse ! Je renouvelle mon avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Nous vous avons pourtant tendu des perches pour vous inciter à donner un peu de consistance à ce texte. Hélas, tout a été mis en oeuvre tant par le rapporteur, que par le Gouvernement, pour le réduire à un ensemble de gadgets et de mesurettes. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR votera contre ce projet de loi, en laissant à nos collègues du Sénat le soin de l'étoffer et peut-être de nous permettre de nous prononcer différemment lors de la deuxième lecture.

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Il s'agit là d'un texte important, premier volet d'un projet de loi consacré aux sociétés privées de sécurité. Je déplore alors que nous avons eu, en commission des lois, un débat intéressant, que nous ayons été entraînés dans l'à-peu-près et l'amalgame.

J e ne reprendrai pas les éléments objectifs qui montrent que des améliorations ont eu lieu en matière de sécurité. Je sais que cela ne sera jamais admis par ceux qui, depuis des années, ressassent le même discours.

D'ailleurs sur le thème de la sécurité, l'opposition n'a jamais rien fait d'autre que de ressortir les mêmes discours...

M. Christian Estrosi.

Au contraire, ils évoluent en fonction de l'augmentation de l'insécurité !

M. Bruno Le Roux.

Je regrette également que sur un texte relatif à la sécurité, alors que nous disposions de tout le temps nécessaire, nous ayons eu affaire, une fois de plus, à des amendements bâclés de la part de l'opposition.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Je me demande si tout cela est très sérieux, que ce soit la façon dont on a traité la représentation nationale, ou l'argumentaire qui a été développé. Ce texte est un tout petit texte. Les deux mesures qu'il contient sont des mesurettes. Certes, elles ont leur utilité, mais cela ne justifiait pas pour autant de repousser d'un revers de main tous les amendements de l'opposition...

M. Bruno Le Roux.

Bâclés !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... en déclarant : « Nous allons prendre les décisions », alors que cela fait trois ans que vous nous le dites, et que vous ne faites rien. Permettez-nous d'avoir des doutes ! Je me souviens de l'examen d'un projet de loi sur la police municipale, pendant lequel M. le ministre déclarait que les décrets d'application seraient pris avant le mois de décembre. Or, il a fallu attendre l'été suivant, après une colère du ministre en commission des lois, s'étonnant que l'administration aille si lentement...

M. le ministre de l'intérieur.

Pas la mienne !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... pour que finalement ils le soient. Si les choses doivent aller à la même vitesse, je crois qu'il aurait mieux valu adopter les amendements de bon sens de l'opposition sur la formation, la sécurité renforcée ou la protection des personnes se trouvant à proximité des lieux où s'effectuent les transports de fonds. Soit on s'attache à ce texte, à ce petit texte, et on accepte de le regarder à la loupe avec le souci de l'étoffer grâce aux amendements de bon sens qui ont été proposés, soit on aborde le problème de la sécurité dans son ensemble.

Mais on ne peut pas prétendre, ainsi que vous le faites, monsieur le ministre, que nous tenons un discours contradictoire quand nous réclamons que l'Etat fasse ce qu'il doit faire ou quand nous demandons un transfert de compétences vers les sociétés privées ou les maires.

Votre Gouvernement ne fait ni l'un, ni l'autre. Pas plus qu'il n'assume sa fonction régalienne sur le plan de la sécurité, il ne transfère clairement, de manière contractuelle, des pouvoirs de police aux maires ou aux sociétés privées. Dans ce domaine, prévaut donc l'immobilisme de l'action associé à l'agitation du verbe.

Nous ne voyons pas en effet, monsieur Le Roux, d'améliorations parce que nous nous reportons aux statistiques que le ministre de l'intérieur nous fournit et que nous écoutons nos populations dont le sentiment d'insécurité repose sur des faits avérés, constatés par le ministère de l'intérieur.

Le groupe UDF s'abstiendra en attendant que le texte ait un plus de corps et de bon sens.

M. Bruno Le Roux.

Opposition stérile !

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

8 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le mercredi 31 mai 2000, de M. Bernard Charles et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi constitutionnelle tendant à la mise en place d'une VIe République.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2446), est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

9 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le mercredi 31 mai 2000, de M. Gilbert Le Bris un rapport, no 2445, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de loi modifiant la loi no 83-583 du 9 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires (no 2371).

J'ai reçu, le mercredi 31 mai 2000, de M. Pierre Brana un rapport, no 2448, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur : le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention (no 2160) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe) (no 2161) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi d e l'informatique dans le domaine des douanes (no 2162) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (no 2163) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (no 2164).

J'ai reçu, le 31 mai 2000, de M. Roland Blum un rapport, no 2450, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999 (no 2173).

J'ai reçu, le 31 mai 2000, de M. Jean Rouger un rapport, no 2451, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de M. Bernard Accoyer tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de sécurité sanitaire liées aux différentes « pratiques non réglementées de modifications corporelles » (piercing, tatouage, scarification, implants divers de corps étrangers) (no 2333).

10 DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 31 mai 2000, de M. Yves Tavernier et M. Gilles Carrez un rapport d'information, no 2447, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la situation économique en Nouvelle-Calédonie.

J'ai reçu, le 31 mai 2000, de M. Roland Blum et M. Pierre Brana un rapport d'information, no 2449, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères, sur la mission effectuée par une délégation de la commission au TimorOriental.

J'ai reçu, le 31 mai 2000, de Mme Yvette Roudy, M. René André et M. René Mangin un rapport d'information, no 2452, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères, sur la mission effectuée par une délégation de la commission au Kosovo.

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ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 6 juin 2000, à neuf heures, première séance publique : Questions orales sans débat ; Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi, no 2358, autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam : Mme Bernadette Isaac-Sibille, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2370).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (no 2171, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay : Mme Martine Aurillac, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2369).

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (no 2172, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay : Mme Martine Aurillac, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2369).

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 31 MAI 2000

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2169, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une déclaration) : M. Marc Reymann, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2399).

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2160, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention.

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2161, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne relative à l'assistance mutuelle et à la coopératione ntre les administrations douanières (ensemble une annexe).

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2162, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2163, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2164, autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) M. Pierre Brana, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2448).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2173, autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff, le 20 mai 1999.

M. Roland Blum, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2450).

(Procédure d'examen simplifiée, art. 107 du règlement.) Discussion de la proposition de loi, no 2374, de M. Jacques Fleury et plusieurs de ses collègues relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt, no 2332 :

M. François Brottes, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2417).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 6 juin 2000, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 30 mai 2000 No E 1465. - Proposition de règlement du Conseil portant création du dispositif de réaction rapide (COM [2000] 119 final).

No E 1466. - Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision des perspectives financières (2001-2006) : financement du programme d'assistance aux Balkans occidentaux, reclassement de l'aide à Chypre et à Malte. Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la révision des perspectives financières (accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétairee t l'amélioration de la procédure budgétaire) (COM [2000] 262 final).

No E 1467. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord entre la Communauté européenne et la République socialiste du Vietnam relatif au commerce de produits textiles et d'habillement et autorisant son application provisoire (COM [2000] 309 final).

No E 1468. - Proposition de décision du Conseil relative à la c ontribution communautaire au Fonds international p our le « Déblaiement du chenal du Danube » (COM [2000] 317 final).

No E 1469. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord de partenariat entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de partenariat entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part (volumes 1, 2 et 3) (COM [2000] 324 final).