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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 6 JUIN 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Loi d'orientation sur la forêt. - Discussion d'un projet de loi (p. 4913).

M. François Brottes, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4915)

M.

Pierre Micaux, Mme Huguette Bello,

MM. Jean Proriol, Claude Jacquot, Jean Charroppin, Patrice Carvalho, François Sauvadet, Mme Marie-Hélène Aubert,

MM. Jean-Louis Bianco, Robert Lamy, Félix Leyzour, Aloyse Warhouver, Joseph Parrenin, François Vannson, Pierre Ducout, Michel Vergnier.

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de rapports (p. 4931).

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 4931).

4. Dépôt d'un rapport d'information (p. 4931).

5. Dépôt de projets de loi modifiés par le Sénat (p. 4932).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4932).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 6 JUIN 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LOI D'ORIENTATION SUR LA FORÊT Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt (nos 2332, 2417).

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Brottes, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, chers collègues, nous voilà enfin arrivés au rendez-vous, tant attendu, de la refonte de la politique forestière de notre pays.

Je suis très heureux, monsieur le ministre, d'être le rapporteur d'un texte qui, je le crois, marque une nouvelle ambition pour la forêt et la filière du bois.

Je suis honoré d'être le compagnon de route des hommes et des femmes qui, depuis des générations, sont passionnés par la forêt et les métiers du bois.

Je suis fier de contribuer à mieux faire comprendre à chacun d'entre nous pourquoi la forêt et l'exploitation du bois nous sont indispensables, pourquoi ce texte a une portée universelle, pourquoi la politique forestière n'est pas seulement l'affaire des forestiers, mais aussi pourquoi le travail des forestiers doit être plus respecté et mieux reconnu qu'il ne l'est aujourd'hui.

M. Aloyse Warhouver.

Très bien !

M. François Brottes, rapporteur.

Bien sûr, il faut savoir faire preuve d'humilité, même lorsqu'on a l'ambition d'accomplir un acte refondateur.

Humilité notamment au regard de l'histoire. En effet, cette loi d'orientation de l'an 2000 prend sa source dans les premières ordonnances sur la forêt de 1346, suivies de celles de Colbert en 1669, puis dans notre code forestier qui prend forme en 1827, sans compter les nombreux rendez-vous législatifs, dont le dernier en 1985, qui ont eu lieu depuis.

Mais, force est de constater que cette législature aura donné une place particulière à la forêt, d'abord avec la volonté très tôt exprimée par le Premier ministre, Lionel Jospin, de proposer un texte de loi spécifique à la forêt et à la filière bois dont les contours seraient définis après une large concertation.

C ette volonté a trouvé une première traduction concrète dans l'énorme travail réalisé par Jean-Louis Bianco, auquel je tiens à rendre ici un hommage tout particulier !

M. Alain Vidalies et M. Aloyse Warhouver.

Très bien !

M. François Brottes, rapporteur.

Son rapport a en effet redonné espoir à tous les acteurs du secteur, en permettant de rassembler, de remobiliser la filière de l'amont à l'aval. Je lui sais gré tout particulièrement de m'avoir permis de donner vitalité et crédibilité au groupe d'études forêt-bois de l'Assemblée nationale qui n'a pas ménagé son implication, avec la contribution de nombreux députés appartenant à tous les groupes politiques de notre assemblée, que je tiens également à remercier.

Une législature qui, pour conforter ce texte de loi d'orientation, n'aura pas économisé ses efforts, avec un ministre chargé de la forêt, Jean Glavany, qui, dès son entrée en fonction dans ce ministère, a voulu marquer son intérêt pour un secteur qui fut trop souvent le parent pauvre et marginal du ministère de l'agriculture et de la pêche.

M. François Guillaume.

Oh, doucement !

M. François Brottes, rapporteur.

Avec le pilotage de l'élaboration d'une nouvelle stratégie forestière, conforme, ce qui est nouveau, à nos engagements internationaux, avec la modernisation du Fonds forestier national, des augmentations budgétaires très significatives - de 45 % cette année, ce qui est nouveau aussi -, avec des mesures f iscales audacieuses, la relance de la « charte bois construction environnement » pour revaloriser et élargir les usages et les marchés du bois dans les constructions, vous avez su, monsieur le ministre, prendre des décisions qui renforcent l'impact de votre loi d'orientation pour la forêt et le bois.

En faisant l'inventaire de toutes ces mesures, je voulais rappeler ici qu'elles ne devaient rien à la tempête qui a a basourdi les propriétaires privés et publics de 500 000 hectares de forêts, soit près de 4 % de la surface forestière de la France continentale.

Certes, l'ouragan a choqué les forestiers, parce qu'il a anéanti le travail, le patrimoine, l'investissement de plusieurs générations, sans aucun discernement. Il a traumatisé les paysages familiers ou historiques. Il nous a rappelé que les caprices de la nature se « fichaient pas mal » de nos documents d'aménagement et de nos plans de gestion. Il a confirmé le fait que l'investissement en forêt est non seulement un investissement qui s'inscrit dans la très longue durée, mais que c'est aussi un investissement à risque.

Mais l'ouragan aura eu cela de positif qu'il aura mobilisé comme jamais la solidarité nationale, et l'ampleur des mesures prises par le Gouvernement a démontré une réactivité à la hauteur du défi à relever.

Un autre mérite de l'ouragan a été de donner encore plus de pertinence au texte de loi dont nous abordons aujourd'hui l'examen.


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Il est bien dans le rôle du rapporteur d'éclairer la bonne compréhension d'un texte de loi, comme de contribuer à en améliorer l'efficacité, et je ne veux ici me priver ni de l'un ni de l'autre. D'autant que la commission de la production et des échanges - et je veux ici saluer l'implication personnelle du président Lajoinie et du vice-président Ducout - a adopté, après une quarantaine d'auditions, près de 200 amendements sur les 450 déposés, mobilisant une dizaine d'administrateurs.

Chaque groupe politique a apporté sa contribution et le texte ainsi amendé a été adopté par la commission à une très large majorité.

Permettez-moi de saluer au passage, monsieur le ministre, la qualité des relations qui ont présidé à un travail préalable entre vos services, très disponibles, et les a dministrateurs de l'Assemblée, désormais totalement convertis à l'importance de cette grande cause mondiale qu'est l'avenir de la forêt, même si je n'ignore pas que, pour certaines administratrices, le charme d'Yves Duteil, que nous avons auditionné pour qu'il nous rende compte du travail de son association qui réfléchit depuis plusieurs années à améliorer la prévention contre les incendies de forêt, même si je n'ignore pas, donc, que le charme du poète aura facilité le franchissement de ce « petit pont de bois », qui vous fait prendre « un enfant par la main » pour lui montrer le chemin du respect de nos forêts, ce respect, cette responsabilité qui impliquent chaque génération pour la génération d'après.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quel talent !

M. François Brottes, rapporteur.

Après ces considérations un peu bucoliques, mais le sujet dont nous parlons a inspiré tellement d'artistes et de poètes que je renvoie chacun à sa discothèque ou sa bibliothèque personnelle, je voudrais essayer de répondre par avance à trois questions qui reviendront certainement au cours du débat : Première question, ce projet de loi est-il une bonne réponse aux conséquences de la tempête ?

M. François Guillaume.

Non !

M. François Brottes, rapporteur.

Ma réponse est oui.

Ce projet vient en complément du Plan national pour la forêt et du dernier collectif budgétaire qui ont supporté les mesures d'urgence, et même si un texte de loi d'orientation n'a pas vocation à répondre seulement aux exigences conjoncturelles, il y contribue largement ici en apportant des réponses structurelles.

Par exemple, en affirmant, dès le début, le principe d'une gestion durable des forêts, qu'elles soient publiques ou privées, conformément à la définition de la conférence d'Helsinki, qui se décline ensuite dans le texte par une série de mesures qui favorisent la diversité des essences, en redonnant, par exemple, toute leur place aux feuillus, et qui incitent à la régénération naturelle et à la futaie jardinée.

Par exemple, en affichant, dans un article spécifique, le rôle de premier plan que doit retrouver la recherche dans le domaine de la forêt et du bois, avec une meilleure coordination et une plus grande implication de toute la filière.

Par exemple, en confortant le rôle des experts forestiers, des coopératives, ou encore du conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, qui devra s'accompagner d'une structuration, trop longtemps attendue, de l'interprofession.

Toutes ces dispositions permettront de mieux articuler et de mieux gérer les conséquences environnementales, sociales, et économiques des prochaines difficultés que pourrait rencontrer, ce que je ne souhaite pas, ce secteur qui demeure exposé aux caprices du temps.

Deuxième question, le texte de loi est-il vraiment porteur du même souffle que le rapport Bianco ?

M. François Lamy.

Non !

M. François Brottes, rapporteur.

Ma réponse est, à nouveau, oui.

Ce texte, renforcé par les amendements que proposera la commission de la production et des échanges, est un texte de mobilisation.

Il propose des solutions pour inverser la tendance du morcellement de la propriété privée forestière. Il clarifie et requalifie le travail en forêt. Il prend en considération les aspects hygiène, sécurité et protection sociale des durs métiers de la forêt. Il crée l'interprofession. Il invite à la certification. Il modernise les modes de vente et d'approvisionnement pour que l'amont de la filière soit beaucoup mieux à même de répondre aux attentes des différents marchés du bois et de ses dérivés, qu'il s'agisse du bois de c onstruction, de la décoration, de l'emballage, des meubles et de l'ameublement, de la papeterie, des panneaux, du bois énergie, de l'utilisation du bois dans les métiers du vin, avec la tonnellerie et les bouchons, et cette liste n'est pas complète tant les qualités intrinsèques de ce matériau renouvelable, de cet écomatériau, sont porteuses de performances pas toujours reconnues, et de perspectives d'avenir pour aller à la conquête de nouveaux marchés encore insoupçonnés.

Troisième question, le texte de loi est-il vraiment susceptible d'impliquer les territoires en prenant en compte la diversité de nos forêts et en réconciliant - c'est très important - les attentes des urbains et les impératifs d'une gestion harmonieuse, responsable et économiquement viable d'un espace rural et forestier de plus en plus convoité ? Eh bien, là encore, la réponse est oui et c'est certainement l'un des apports majeurs de ce texte ! Outre la production du bois, qui assume depuis toujours à elle seule, la valorisation économique du patrimoine forestier, la forêt remplit des fonctions environnementales, comme la lutte contre l'effet de serre, la protection contre les risques naturels, les chutes de pierres ou les avalanches, la protection et la régulation des nappes phréatiques, le maintien de la biodiversité ou encore la préservation des paysages.

Mais la forêt remplit aussi des fonctions sociales, comme l'accueil du public en forêt : les promeneurs, les chasseurs, les ramasseurs de champignons, les adeptes de la randonnée à pied, en skis de fond, à cheval, en raquettes, en VTT sont là pour en témoigner.

Bref, la forêt est « multifonctionnelle » et ceux qui la possèdent, ceux qui la gèrent veulent que ce rôle soit reconnu, valorisé, voire rémunéré, car ils savent les contraintes que peuvent faire peser sur l'exploitation des bois ces autres fonctions d'intérêt général, d'intérêt vi tal, on pourrait même dire de service public.

Jusqu'à présent, ces fonctions s'accomplissaient sans que soient clairement établis les prescriptions, les responsabilités, les droits des gestionnaires et les devoirs des utilisateurs. Sans nul doute, ce projet de loi a la volonté de préciser les rôles.

Il instaure avec bonheur, comme l'avait vivement préconisé Jean-Louis Bianco, la possibilité de contractualiser partout où les volontés existent dans ce pays, dans le


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cadre de chartes de territoire forestier. Ces chartes définiront des programmes d'actions pluriannuels qui permettront de mieux faire fonctionner la filière localement et d'instaurer des partenariats durables pour valoriser, à l'échelle des bassins de vie, les fonctions dites non marchandes de la forêt et pour promouvoir une meilleure protection des écosystèmes.

En conclusion, monsieur le ministre, je le confirme, votre projet de loi ouvre toutes les portes à des réponses positives. J'ose espérer qu'au cours des débats, vous accueillerez avec bienveillance, voire avec enthousiasme, les contributions des parlementaires.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne l'exclus pas.

M. François Brottes, rapporteur.

Comme vous, les parlementaires souhaitent que nos concitoyens, qui aiment tous la forêt, soient convaincus qu'elle a besoin d'être exploitée pour remplir au mieux les fonctions que l'on attend d'elle. Ils veulent que ce texte soit l'occasion de redonner du champ à une filière, qui doit retrouver un excédent dans sa balance commerciale et créer des emplois, et des raisons d'espérer à des femmes et des hommes qui, dans la forêt privée comme au sein de ce remarquable outil qu'est l'Office national des forêts, sont aujourd'hui un peu déstabilisés.

Monsieur le ministre, je peux vous dire, sans prendre un grand risque, que l'Assemblée nationale sera à vos côtés pour démontrer que même un ouragan ne nous fera pas baisser les bras, ni ne nous fera oublier l'essentiel, à savoir : Premièrement, que 27 % du territoire continental de notre pays est concerné, avec les deux tiers de cet espace pour la forêt privée, soit près de 4 millions de propriétaires, et l'autre tiers pour la forêt publique du domaine de l'Etat ou des communes forestières - presque une commune sur trois dans notre pays est une commune forestière ; Deuxièmement, que 100 % des Français sont concernés car ils ont besoin de la forêt pour vivre ; Troisièmement, que notre pays a pris des engagements internationaux qu'il doit respecter pour préserver les intérêts des générations futures.

Voici trois bonnes raisons, chers collègues, pour que nos travaux se déroulent avec la volonté d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la forêt française sous le signe de la sagesse et de la sérénité, car, chacun le sait, « au pied de son arbre on y vit heureux ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quel dommage que je n'aie pas le droit d'applaudir ! (Sourires.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Pierre Micaux.

M. Pierre Micaux.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, permettez-moi de saluer la présence parmi nous de M. Jean-Louis Bianco, dont nous avons apprécié le rapport.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Excellent rapport !

M. Pierre Micaux.

Voyez l'objectivité dont je fais preuve.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre Micaux.

Je voudrais saluer aussi la seule femme présente parmi nous, Mme Bello, et, à travers elle, la forêt d'outre-mer, que je connais et que j'aime.

M. Aloyse Warhouver.

Très bien !

M. Pierre Micaux.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, comporte cinq axes : la gestion durable et multifonctionnelle ; la gestion des territoires ; la protection des écosystèmes forestiers et naturels ; la compétitivité de la filière bois et l'organisation des institutions et des professionnels de la forêt. Mais - et je le regrette -, il ne dit pas le moindre mot sur les conséquences des deux tempêtes de fin 1999.

M. François Guillaume.

Très juste !

M. Pierre Micaux.

Pourtant, l'aide à l'exploitation et au stockage n'est pas encore concrétisée, du fait des lenteurs administratives. Ce n'est pas le Gouvernement qui est défaillant, mais les administrations. Ce n'est pas moi qui l'affirme, monsieur le ministre, mais votre collègue Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Bruno Bourg-Broc.

Il a raison !

M. Pierre Micaux.

Les entreprises subissent des tracasseries pour le transport, quand la SNCF elle-même ne profite pas de la situation pour augmenter ses tarifs de transport de grumes.

Mais surtout, ce projet ne prévoit rien si, demain, d'autres intempéries surviennent, ce qui est possible et doit être envisagé. Il n'est pas trop tard, monsieur le ministre, pour essayer de remédier à cet oubli.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre Micaux.

Venons-en au projet lui-même.

On ne réalisait pas à quel point la législation et la réglementation sur la forêt et le bois étaient en fouillis avec sept ou huit codes et de nombreuses lois qu'il était urgent de « débroussailler ». Désormais, la loi sera plus claire, plus accessible et surtout tiendra compte des évolutions sociales, économiques et environnementales. C'était nécessaire. Encore fallait-il vouloir le faire. C'est un bon point.

S'agissant de la gestion durable, le débat commence et n'est pas près de se terminer. Je pense en particulier au reboisement naturel et aux plantations.

Passons sur les erreurs du passé : tout le monde peut en commettre, et il y en a eu à tous les niveaux. Dans mon département, par exemple, la même forêt a été reconvertie cinq fois de suite...

M. Aloyse Warhouver.

Vous avez pris de l'avance !

M. Pierre Micaux.

... du chêne jusqu'au pin Douglas ! Nous attendons le rapport de l'INRA et du CEMAGREF. Il y a urgence et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour une publication rapide.

Les pépiniéristes ont été mis au pain sec ces dernières années : 60 millions de plants cette année contre 120 millions en 1993.

M. François Vannson.

C'est normal, le prédecesseur de M. Glavany était M. Le Pensec ! (Sourires.)

M. Pierre Micaux.

Or nous aurons besoin d'eux car de nouveaux plants seront de toute façon nécessaires. Il est donc indispensable d'améliorer le dispositif d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en ce domaine.


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Comme dans tout projet, il y a du bon et du moins bon. Les notions de gestion durable et de territoire ne sont pas suffisamment définies. Ainsi, dans les chartes de territoire forestier, l'articulation entre les différentes zones géographiques - massifs, pays, territoires d'intercommunalité, zones Natura 2000 - reste dans un flou tout à fait superficiel.

Votre projet renvoie les moyens financiers à des textes ultérieurs : cela est très inquiétant. On m'a même opposé les articles 92 et 96 de notre règlement pour refuser l'amélioration des plans de chasse que je proposais en vue de la reprise des plans de reboisement. Je n'ai pas encore compris pourquoi.

Après leurs tempêtes, les Allemands avaient triplé de façon autoritaire leurs plans de chasse. De façon tout aussi autoritaire, mais dans un but inverse, vous imposez des charges et des contraintes supplémentaires à tout le monde forestier, en particulier aux propriétaires privés : défrichements, incendies, débroussaillement, infrastruct ures de desserte. Le Gouvernement semble ne reconnaître que des devoirs à la forêt privée et aucun droit.

Monsieur le ministre, nous sommes particulièrement impatients de connaître votre position sur l'amendement de notre rapporteur portant création d'un plan d'épargneforêt. Ce sera un point majeur dans notre discussion. Je rappelle que la paternité en revient à votre prédécesseur, Philippe Vasseur, et qu'il était inscrit sur mes tablettes depuis plusieurs années. Quoi qu'il en soit - et c'est volontairement que j'insiste lourdement sur ce sujet - il faut que cette idée majeure se concrétise.

En outre, compte tenu du morcellement incroyable de la forêt privée - 3,5 à 4 millions de propriétaires pour 10 millions d'hectares -, il faut étendre les plans simples de gestion. Vous savez que les CRPF ne peuvent pas identifier tous les propriétaires, alors même qu'ils sont éligibles. Il est prévu d'abaisser le seuil de vingt-cinq à dix hectares. Pour ma part, il me paraît nécessaire de le réduire à cinq hectares. Je m'en expliquerai au moment des articles.

Par ailleurs, je note avec grand intérêt la mise en place d'une bourse des échanges forestière dans les Vosges.

C'est là une très bonne idée qu'il faut creuser.

Ces plans simples de gestion concerneront aussi bien l'ONF que les experts forestiers privés, des collectivités et des chambres d'agriculture. En ce domaine, il faut une réelle émulation, voire une saine concurrence. Vous prévoyez d'étendre la compétence de l'ONF aux forêts privées. Mais, que l'on sache, les CRPF, les experts ont bien joué leur rôle et ils doivent pouvoir continuer à le faire.

Nous avons apprécié que l'ONF ait gelé la vente des coupes pour cette année. Cependant, nous nous demandons si l'Office a bien rempli ses fonctions en vendant du bois à l'Inde et à la Chine. A chacun son métier, surtout quand il s'agit d'argent public.

Quant aux travaux en forêt, vous les limitez aux seules personnes diplômées ou ayant une expérience professionnelle avérée. Je regrette que la possibilité de traiter le bois de chauffage ne soit pas ouverte aux agriculteurs, dans le cadre de CTE, entre autres. Il est pourtant urgent de développer cette source d'énergie. Son exploitation rationnelle participerait d'une meilleure gestion forestière et d'une logique à la fois écologique et économique. De plus, je me suis laissé dire que le bois coûterait 25 % moins cher que l'électricité.

J'ouvre une parenthèse pour me féliciter de l'ouverture de la forêt au public, voire au tourisme, avec l'aide nécesaire de tous les propriétaires. Mais, attention, il faut découvrir la forêt pour l'aimer, jamais pour l'abîmer et encore moins pour la saccager.

Après l'énergie, nous arrivons à la filière bois. Je suis effaré d'apprendre que la plus grande scierie française ne se classe qu'au vingt-septième rang européen. Et ce n'est qu'un exemple. Notre balance commerciale est déficitaire dans ce secteur : les produits de sciage représentent 25 % à l'import et 5 % seulement à l'export, ce qui veut dire qu'il faut sensiblement améliorer notre compétitivité.

Vous avez budgétisé le Fonds forestier national, mais à hauteur de 520 millions de francs seulement. Vous allez me répondre que c'est 190 millions de plus qu'en 1999, mais, globalement, il est évident que c'est insuffisant.

M. Bianco partage, je crois, cette opinion.

La profession demande la création d'une provision pour investissement dans les secteurs du sciage et de la transformation. Ce type de procédure existe d'ailleurs chez nos partenaires européens. Dans l'immédiat, après les tempêtes, il faut assouplir la réglementation du transport, accorder des moyens techniques supplémentaires et aider à la mise en place d'aires de stockage. Il est évident que les problèmes de trésorerie que rencontrent les entreprises de la filière bois sont dus, non seulement à la quantité exceptionnelle de chablis mais aussi aux lenteurs administratives.

La compétitivité de cette filière passe par de multiples chemins tant les ornières sont nombreuses. Il faut garantir, du moins partiellement, les approvisionnements sur la base de contrats négociés avec l'ONF, les collectivités et les particuliers. Ensuite, l'investissement collera, sans mauvais jeu de mots.

Peut-être faut-il aussi reconsidérer la concentration de la distribution, en aval, qui tend à laminer les marges de la production, en amont.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, et non des moindres, mais le temps presse. Je ne ferai donc qu'effleurer le problème de la formation professionnelle, d'autant que nous y reviendrons lors de la discussion des amendements. Je note seulement qu'après les tempêtes, nous avons manqué de bûcherons. Sachons en tirer les conséquences.

Quant à la recherche, il faut la rajeunir, la rapprocher de l'enseignement supérieur écoles d'architecture, école des Ponts et chaussées -, favoriser l'innovation, redéfinir les procédures, réussir le passage à la société de l'informa t ion, à commencer par celle des enseignants. Or l'article 35 nous laisse plutôt sur notre faim. M. le ministre de la recherche devra être associé de près aux réflexions en ce domaine.

Penser pour la forêt, mais agir pour le bois. Tel est le m ot d'ordre de notre démarche d'ouverture. Nous sommes de ceux qui aiment la forêt, et qui regrettent tout ce qu'elle endure à travers le monde. Nous sommes aussi de ceux qui aiment notre forêt, la forêt française.

Permettez-moi, en conclusion, monsieur le ministre, d'avoir une pensée pour l'ancien directeur de l'Ecole supérieure du bois, M. Roger Blais, et mes professeurs,

M. Collardet et M. Campredon, parmi d'autres.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.


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Mme Huguette Bello.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous réjouir de la discussion de ce projet de loi d'orientation sur la forêt. Elle vient en effet à son heure, alors qu'au plan international, la préservation de l'équilibre des écosystèmes, la préoccupation du développement durable et la crainte de changements climatiques sont à l'ordre du jour.

En France même, l'évolution de ce secteur d'une grande importance écologique, économique et sociale faisait l'objet d'une concertation approfondie quand les tempêtes de 1999 sont venues éprouver la population et causer des dommages au potentiel forestier.

Elue d'une île périodiquement ravagée par les cyclones, j'ai suivi avec une attention toute particulière cette catastrophe. Permettez-moi de dire ici toute ma sympathie aux populations des régions touchées et d'exprimer ma solidarité.

Nous souscrivons pleinement aux objectifs généraux de cette loi. Ils doivent aussi prévaloir outre-mer où nous souhaitons voir les dispositions de ce texte s'appliquer.

Nous voudrions cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la spécificité des forêts tropicales importantes non seulement en Guyane mais aussi à La Réunion. Je mettrai brièvement l'accent sur quelques points particuliers à cette île.

Rappelons d'abord que la forêt couvre le tiers de la surface de La Réunion, ce qui est tout juste suffisant. Il est donc nécessaire d'accroître le reboisement de cette île montagneuse tant pour la production de bois que pour la protection des pentes et des littoraux.

Au lieu des chênaies, des hêtraies et des résineux caractéristiques des espaces tempérés, notre île offre une forêt dense de bois de couleur dans les régions basses et une forêt claire de tamarins des hauts dans les zones montagneuses. Formées d'espèces endémiques à croissance plus lente, ces forêts sont de très grande qualité. Nous nous plaisons à souligner l'importance de l'endémisme qui caractérise 30 % des plantes à fleurs alors que, par comparaison, cette proportion n'est que de 1 % en France métropolitaine.

En raison de cette biodiversité, La Réunion reste une des dix îles tropicales les mieux préservées et figure parmi les cent cinquante sites forestiers d'intérêt mondial recensés par l'Union internationale pour la conservation de la nature.

Nous devons à la fois défendre cette biodiversité et mettre en oeuvre un développement durable. Il s'agit en effet de répondre aux besoins en matière d'emploi, de logement, d'espace, d'une population en forte augm entation. Ainsi 10 000 logements devraient être construits chaque année alors que la densité de la population atteint 280 habitants au kilomètre carré.

Ces chiffres illustrent non seulement l'ampleur des défis que les responsables réunionnais doivent relever, mais aussi la pression qui ne manque pas de s'exercer sur les espaces naturels, et tout particulièrement sur les terres soumises au régime forestier. Celles-ci représentent 40 % de la superficie insulaire, ce qui est considérable, contre moins de 8 % du territoire en France métropolitaine.

Dans ces conditions, l'article 24, qui traite des disposit ions de protection particulières aux départements d'outre-mer, avec notamment le renforcement des moyens de lutte contre les occupations illicites, est sans doute le bienvenu. Mais on ne saurait se contenter d'une attitude répressive. Il importe de mieux valoriser le domaine forestier au plan foncier. Rappelons qu'il a été, pour sa plus grande part, délimité en 1870, à une époque où la population réunionnaise était quatre fois moins nombreuse qu'aujourd'hui.

Il comporte des terres agricoles cultivées, des zones à vocation pastorale ainsi que des terres d'habitat sur lesquelles des familles vivent depuis plusieurs générations, comme à Grand-Coude, quartier de Saint-Joseph dans le sud de l'île. Ces espaces actuellement concédés n'ont plus de vocation forestière et devraient ne plus être soumis au régime forestier. Des dispositions législatives ou réglementaires pourraient être prises pour régler cette question foncière, à l'instar de ce qui s'est fait pour certains terrains domaniaux en Guyane ou les pas géométriques aux Antilles.

La filière bois à La Réunion a ceci de spécifique qu'elle repose presque entièrement sur l'Office national des forêts et sur les entreprises artisanales de construction et d'ameublement. Si en France métropolitaine, la foresterie privée représente près de 70 % des forêts, la proportion est inverse à La Réunion. Sur 3 000 à 5 000 hectares de forêt privée susceptibles d'être productifs, seuls 200 à 300 sont mis en valeur.

Il convient aussi de susciter la création d'entreprises en amont de la filière. A La Réunion, c'est l'ONF qui intervient en régie pour les travaux forestiers, le débardage, le transport, le sciage, toutes activités largement exercées en métropole par des entreprises privées.

Enfin, l'outre-mer peut constituer une bonne base de coopération régionale ou décentralisée en matière de politique forestière avec les régions métropolitaines et les pays voisins. La coopération forestière déjà engagée avec Madagascar, par exemple, devrait s'étendre et des actions communes avec d'autres partenaires pourraient être entreprises en faveur de la forêt malgache.

Au total, il faut regretter que l'outre-mer soit relativement absent de ce projet de loi. Aussi avons-nous déposé aux articles premier et 15, deux amendements pour que sa place soit davantage affirmée, compte tenu de sa spécificité et de son exposition aux risques d'incendie.

Quoi qu'il en soit, actuellement la politique forestière à La Réunion repose presque exclusivement sur un partenariat entre l'ONF et les collectivités locales, l'Etat et les propriétaires privés étant singulèirement absents.

Nous voulons croire que ce projet de loi d'orientation sur la forêt sera l'occasion d'une mise à plat de la politique forestière en France métropolitaine mais aussi dans les départements d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour une fois, l'arbre ne cache pas la forêt ; au contraire, celle-ci sort enfin de l'ombre, après des années d'oubli. Evoquée en 1997, en 1999, la voici enfin à l'honneur en l'an 2000, au grand soulagement des hommes et des femmes de cette filière multiséculaire et des quatre millions de propriétaires forestiers que compte notre pays.

La tempête de décembre dernier n'est peut-être pas étrangère à ce calendrier, même si la loi d'orientation n'est pas et ne doit pas être un texte de circonstance. A quelque chose malheur est bon, le déchaînement des éléments a eu le mérite de nous tirer de notre léthargie et de nous éloigner des images tout droit sorties des contes de notre enfance. La forêt est certes grande, belle, majestueuse ou menaçante, mais elle est aussi à la merci des


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intempéries, parfois même des hommes. C'est pourtant un patrimoine comme un autre, doté d'une valeur qui n'est pas seulement écologique mais aussi économique et sociale et il convient de le préserver pour les générations futures.

Pour reprendre le titre du rapport de Jean-Louis Bianco, beaucoup cité ce soir, la forêt, c'est incontestablement une chance pour la France.

C'est dans cette perspective que s'inscrit votre projet de loi, monsieur le ministre, et je m'en réjouis, en dépit de ses imperfections.

Pourquoi, alors que vous disposiez du rapport Bianco, qui rejoint l'excellent rapport de Bertrand de Jouvenel de la fin des années 70, ouvrage de référence s'il en est, alors que vous disposiez du recul nécessaire pour tirer les enseignements de la tempête, le rapporteur François Brottes, au courage indomptable, a-t-il dû déposer à lui seul pas moins de 150 amendements pour redonner un sens au texte initial ?

M. François Vannson.

Et nous, nous en avons déposés 200 !

M. Jean Proriol.

Oubliés les 100 000 emplois qui peuvent être créés en quelques années, le plus souvent en milieu rural - comme nous disait M. Bianco - dans la production, les industries du bois, la protection de l'espace naturel, le tourisme vert, les loisirs ! M. Bianco concluait même son rapport sur cette phrase : « La forêt est une chance dans le combat contre le chômage. »

Envolés les financements, alors que la France consacre à la forêt quatre à dix fois moins d'argent public que des pays européens comparables ! Exit le plan épargne forêt, doté d'avantages fiscaux destinés à soutenir l'effort de productivité de la filière et renvoyé à des textes ultérieurs, Pierre Micaux vient d'en parler.

Abandonné le statut de l'exploitant forestier et de l'entrepreneur de travaux forestiers ! Oublié le manque de main-d'oeuvre, et d'abord de bûcherons ! Effleuré le contrat de territoire dénommé charte forestière ! Laissés pour compte les massifs de montagne, alors que se tient cette semaine à Chambéry le Forum mondial de la montagne ! Négligés les transports, secteur clé en matière de réduction des coûts de revient et de délai de livraison, donc de temps de dépôt sur les places et les aires aménagées ! Marginalisée la tempête, puisque aucune mesure ne permet de faire face à de tels sinistres, notamment en matière d'indemnisation ! Mon collègue Dominique Bussereau parlera demain des déceptions des Charentais, dont les départements furent les plus meurtris en décembre dernier. Le régime d'indemnisation est faible et lacunaire. Le régime des aides publiques exclut d'office 98 % des propriétaires privés possédant moins de 25 hectares. Le projet ne crée aucun fonds de garantie contre les calamités forestières.

« Assurez-vous ! Réassurez-vous ! » Voilà les réponses que l'on nous fait. Les petits propriétaires nous le disent chaque semaine sur le terrain : nous ne voyons rien venir.

L e résultat est donc un peu décevant. Trentesept articles qui, dans la majorité, renvoient à des décrets - quarante-trois selon les estimations - dont on attend la date de sortie. Une partie réécrit le code forestier, en y apportant des améliorations de rédaction et parfois, de fond. Et la dernière partie règle tout de même quelques problèmes. Je pense, notamment, aux experts forestiers, agricoles et fonciers. Comme vous vous y étiez engagé dans la loi d'orientation agricole, monsieur le ministre, cette profession voit son activité reconnue et réglementée.

Mais il reste à confirmer les décisions de la commission de la production et des échanges pour terminer ce parcours, proche de celui du combattant. J'espère pouvoir compter sur votre soutien, à l'instar de celui, très constructif, du rapporteur auquel je renouvelle mes remerciements.

M. François Vannson.

Et nos félicitations !

M. François Brottes, rapporteur.

Merci !

M. Jean Proriol.

Je reconnais par ailleurs que votre projet permet d'actualiser de nombreux textes aussi contradictoires qu'archaïques, textes accumulés depuis le

XVIIe siècle, depuis Colbert. La tâche n'était pas toujours facile.

L'élargissement des modes de garantie de gestion durable, l'écocertification, la modernisation du marché du bois, la valeur donnée aux documents de gestion par rapport aux législations contraignantes sur la forêt, la création du Centre national de la propriété forestière ou l'élargissement du champ d'action et des modalités d'intervention de l'ONF sont, à notre avis, de bonnes mesures. On verra au moment de leur application. Je regrette cependant que le corps du texte repose sur un renforcement des contraintes, comme nous l'a fait remarquer l'Union de la coopération forestière française ou la Fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers sylviculteurs.

Je prends des exemples : imposer aux propriétaires sinistrés de dégager rapidement et à leurs frais les chablis, menacer sans limites ces mêmes propriétaires sinitrés d'interdiction de reboisement, soumettre uniformément les coupes supérieures à cinq hectares à autorisation préfectorale, rendre possible un transfert illimité des charges de la prévention des incendies aux propriétaires forestiers sans aucune considération de leur coût en regard des revenus forestiers et en contradiction avec la loi du 22 juillet 1987 qui plafonne les obligations à la charge des propriét aires... On est loin du moratoire réglementaire recommandé pour quelques années par - je le cite encore - Jean-Louis Bianco ! Il en est de même s'agissant de la responsabilité des communes forestières en matière d'incendie.

Incontestablement, nous nous attendions à un projet porteur de plus d'élan, de plus de dynamisme, favorisant une gestion plus participative. Je sais que vous créez, par l'intermédiaire des chartes, des perspectives contractuelles.

Nous nous attendions aussi à un renforcement de l'exploitation forestière. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, à la commission de la production, lors de votre dernier passage : exploiter n'est pas anti-environnemental.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Au contraire !

M. Jean Proriol.

Vous avez raison de le dire... Nous nous attendions à ce qu'on recommande l'usage de l'écomatériau bois. Nous nous attendions enfin à un assouplissement de la fiscalité - évoqué, tout à l'heure, par Pierre Micaux.

Il me semble donc que la dimension écologique a pris le pas sur la dimension économique ou sociale, et je ne sais pas si cette loi d'orientation sur la forêt sera à la hau-


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teur des enjeux collectifs du futur immédiat ou, à plus long terme, du nouveau siècle. Or les lois sur la forêt sont peu fréquentes. Si celle-ci n'est qu'une étape, peutêtre, dans vingt ans, sera-t-il trop tard.

François Brottes, tout à l'heure, était lyrique, euphorique, poète aussi...

M. François Brottes, rapporteur.

N'exagérons pas !

M. Jean Proriol.

Son énergie et son savoir-faire ne sont pas en cause. Mais ce projet permet-il, comme il l'a espéré, la refondation d'une politique pour la forêt française, qui est une forêt plurielle ? (Sourires.)

Nous en doutons et nous émettons des regrets et des réserves, eu égard aux attentes nées du rapport Bianco.

Comment émettre, à cet instant, un vote positif ? Notre abstention sera conditionnée par l'adoption en séance des amendements, relativement nombreux, que nous avons déposés et qui ont passé parfois avec succès l'examen en commission.

Je terminerai, pour cette chère forêt, par une citation d'un de mes compatriotes qui réunissait les membres du Cercles des héritiers de la mémoire dans une toute petite c ommune auvergnate, Chassignoles, pas loin de L a Chaise-Dieu. Il terminait son exposé par cette remarque historique : « Autrefois, la forêt était source de vie indispensable au milieu rural, puis devint un milieu fermé. Aujourd'hui, gérée par les citadins, ceux-ci la transforment en parc naturel. » Ce n'est pas la seule

ambition que nous avons pour notre forêt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Jacquot.

M. Claude Jacquot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an et demi, notre collègue Jean-Louis Bianco, décidément beaucoup cité ce soir - et c'est tout à fait à son honneur - rendait son rapport intitulé : « La forêt : une chance pour la France ».

Ses propositions tendaient à définir une stratégie forestière sur l'ensemble de la filière forêt-bois. Ce rapport remporta l'approbation quasi-unanime des propriétaires et de l'interprofession et suscita une attente importante dans la perspective d'une loi dite alors de « modernisation forestière ».

Il s'ensuivit, au cours de l'année 1999, une réflexion approfondie à l'initiative des parlementaires du « groupe d'études forêt, bois, ameublement », présidé par notre dynamique rapporteur, donnant lieu notamment à des concertations décentralisées et à un colloque national. Ces rencontres ont rassemblé les acteurs de la filière : propriétaires, représentants des entreprises de travaux forestiers, industriels, personnels de l'ONF, chercheurs. Elles se sont avérées profitables, permettant ainsi de nourrir le texte soumis à notre discussion aujourd'hui.

Les conclusions de ces réflexions ont été confortées par les constats qui découlent des ouragans des 26 et 27 décembre. Cette catastrophe, qui a fait l'objet d'une réaction rapide et conséquente du Gouvernement par des mesures financières exceptionnelles et appropriées, est venue nous rappeler la nécessité de moderniser rapidement la filière forêt-bois, en adaptant, notamment, le code forestier aux exigences nouvelles consécutives à l'évolution de notre monde.

Cette tempête a révélé au grand jour l'importance de la forêt et les insuffisances structurelles de notre filière, à savoir : le manque d'organisation et le peu de solidarité de l'interprofession ; les difficultés de gestion et le manque d'efficacité liés au morcellement de la propriété forestière ; les problèmes d'approvisionnement et les rigidités inhérentes aux modes de vente ; le décalage de la réglementation nationale par rapport au traitement des problèmes rencontrés et les disparités des réglementations européennes ; enfin, l'insuffisance de personnels qualifiés dans plusieurs branches professionnelles.

Ces difficultés sont venues s'ajouter à d'autres handicaps chroniques, à savoir la mauvaise organisation économique qui amène un déficit de 80 % de notre balance commerciale dans la filière ; un manque d'investissement flagrant et une recherche mal coordonnée et souvent disparate.

Le texte du projet de loi que vous soumettez à notre discussion aujourd'hui, monsieur le ministre, apporte des réponses à la plupart des questions que soulèvent ces différents problèmes. Il reste toutefois essentiellement tourné vers le traitement du volet forestier. Il conviendrait à mon sens, et dans un premier temps, de mieux faire valoir l'importance économique de la forêt et de souligner les enjeux liés au développement de l'utilisation du bois matériau. C'est en effet l'expansion raisonnée et raisonnable de l'aval, c'est-à-dire une meilleure utilisation du bois, qui contribuera à l'amélioration de la situation de l'ensemble de la filière.

Pour y parvenir, il nous appartient de prendre les mesures qui peuvent lever un obstacle à cet objectif en modifiant l'image peu attractive du bois chez nos concitoyens. Il n'y a pas en France de « culture bois » telle qu'elle existe chez nos voisins européens. Le bois matériau est trop souvent relégué au rayon du folklore, alors qu'il possède de véritables qualités et qu'il est reconnu comme un produit de haute technologie, notamment dans la construction. En outre, le bois présente le quadruple avantage d'être : renouvelable, ce qui favorise la gestion durable de la forêt ; recyclable, ce qui facilite la lutte contre les pollutions, notamment celles dues à certains matériaux concurrents ; écologique, dans la lutte contre l'effet de serre par l'absorption de carbone ; énergétique, véritable alternative à l'épuisement des réserves d'énergies fossiles.

Ainsi, le bois allie les intérêts économiques aux intérêts écologiques - ce qui n'est pas toujours le cas ! Et n'oublions pas le poids économique de la filière dans notre pays : ce sont 500 000 emplois, source d'activité importante qu'il convient, non seulement de conforter, mais encore de développer. Si l'on ajoute à ces aspects l'importance, fort bien soulignée dans ce projet de loi, d'une part, de la multifonctionnalité de la forêt, élément essentiel au maintien des grands équilibres dans notre société et, d'autre part, du rôle essentiel qu'elle joue dans l'amén agement cohérent de notre territoire, on prend conscience de la place vitale qu'elle occupe et occupera de plus en plus dans notre environnement.

Le

XXIe siècle sera, n'en doutons pas, celui des énergies renouvelables, de la gestion durable, du retour nécessaire vers les grands équilibres naturels et, donc, celui de la valorisation de la filière forêt-bois. C'est pourquoi il convient de nous engager, sans tarder, dans ces évolutions essentielles, en pensant aux générations futures : elles nous jugeront sur la capacité que nous aurons eue aujourd'hui à prendre les bonnes décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La paroles est M. Jean Charroppin.


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M. Jean Charroppin.

Ce projet de loi d'orientation, nous l'attendions tous. Il a été préparé avec un certain retard regrettable et voudrait - j'emploie à dessein le conditionnel - s'inscrire, sur la base des conclusions du rapport de M. Jean-Louis Bianco, remis au Premier ministre en août 1998, dans le prolongement des travaux de notre groupe d'étude sur la forêt, le bois, le meuble et l'ameublement.

Si je déplore ce retard, c'est parce que je me réfère à la réponse que vous m'aviez faite le 27 mai 1999 à une question au Gouvernement et dans laquelle vous nous annonciez l'examen de ce projet de loi pour l'automne dernier.

Mais au-delà de ce retard, je regrette davantage encore que votre texte apparaisse aujourd'hui très en deçà des ambitions affichées à l'époque par le rapport de M. Bianco que je salue.

Nous sommes loin, très loin même d'une véritable loi d'orientation qui nous offrirait une vision claire de l'état et des besoins de la forêt française, qu'elle soit domaniale, communale ou privée.

Cette vision, la France en avait plus que jamais besoin, notamment après la catastrophe de la tempête du mois de décembre dernier, dont les effets se prolongeront pendant plusieurs années. Vous le savez, en deux nuits, cette tempête a abattu en France autant d'arbres que les bûcherons en trois ans : soit 400 millions, 600 000 hectares rasés, 148 millions de mètres cubes de bois à terre, c'est-à-dire environ 4 % de la forêt française ! Si une partie du bois abattu a pu être stockée grâce à de nouvelles techniques, d'énormes quantités gisent encore à même le sol.

Ce projet de loi vous donnait l'occasion inespérée de définir de grandes orientations à la hauteur des enjeux qui sont pourtant colossaux. Cette occasion, monsieur le ministre, il me semble aujourd'hui que vous la gâchez.

Pour le groupe RPR, la forêt française est un capital é conomique et environnemental doublé d'un enjeu majeur d'aménagement du territoire. A mon initiative, mon groupe avait d'aillleurs organisé, le 25 mai 1999, un important colloque à l'Assemblée nationale intitulé : « Un avenir pour la forêt, un enjeu économique et environnemental pour la France ».

Si j'en juge d'après la modestie des mesures proposées dans ce projet de loi, vous n'avez précisément pas su définir les grandes lignes d'un avenir pour la forêt.

De quoi nous parlez-vous ? Vous affichez des objectifs pour le moins généreux et auxquels je souscris bien volontiers : développer une gestion durable prenant en compte la multiplicité des fonctions de la forêt ; inscrire la politique forestière dans la gestion des territoires ; renforcer la protection des écosystèmes forestiers ; mieux organiser les institutions et les professions forestières.

Beau programme, certes ! Mais que faites-vous et que proposez-vous réellement pour remplir ces objectifs ? Si peu, hélas ! trop peu. Où sont les moyens qui rendraient crédibles vos paroles ? J'ai peine à les discerner.

Nous aurons l'occasion d'y revenir en détail tout au long de la discussion des amendements que nous défendrons, mon collègue François Vannson et moi-même, amendements que nous avons d'ailleurs pour la plupart cosignés avec notre collègue de l'UDF, Pierre Micaux.

Je me bornerai à souligner quelques points essentiels.

Tout d'abord, ce projet de loi fait passer au second plan la fonction socio-économique de la forêt. C'est là encore regrettable. Car la forêt est un secteur économique important, même si on en parle peu. On pourrait, à ce titre, parler de secteur économique « silencieux » qui emploie, néanmoins, plus de 500 000 personnes en France, soit davantage que l'industrie automibile. Ce n'est pas peu dire ! La semaine dernière, notre groupe, par l'intermédiaire de Didier Quentin, a posé une question précise, et j'avoue ne pas avoir été satisfait par la réponse évasive faite, en votre absence, par votre collègue du Gouvernement, M. Hascoët.

Après les tempêtes et malgré l'argent débloqué, le plan gouvernemental pour réparer les conséquences des intempéries risque d'échouer, d'autant plus que les travaux de déblaiement sont très lents. Ce projet de loi ne réglant en rien le problème, je vous repose la question : quelles instructions comptez-vous enfin donner aux préfets pour combler rapidement ce retard et éviter un gâchis considérable de l'argent public ? Autre question : vous avez supprimé, il y a deux ans, la provision pour fluctuation des cours ; pourquoi ne pas lui substituer aujourd'hui une provision pour investissement, qui permettrait à la France de préparer la forêt de demain, et de préserver du même coup un formidable potentiel d'emplois ? Avez-vous, oui ou non, l'intention de prendre une telle mesure, qui préserverait la compétitivité de l'ensemble de la filière bois confrontée à la concurrence allemande et à celle des pays nordiques ? En second lieu le projet de loi prévoit également des dispositions relatives à la qualification professionnelle requise pour les travaux d'exploitation de bois. Mais il n'aborde pas la question de la formation professionnellee t, plus largement, celle de l'enseignement dans l'ensemble de la filière. Cela paraissait pourtant indispensable, afin d'inscrire dans la durée la réflexion menée à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, qui omet d'évoquer jusqu'au nom même de l'Ecole supérieure du bois ou encore celui de l'Ecole nationale du génie rural des eaux et des forêts.

Enfin, pour revenir à l'épisode de la tempête, personne ne nie la cause naturelle et de la catastrophe, mais l'homme cherche - et trouve parfois - sa responsabilité dans l'étendue des dégâts. Vous le savez aussi bien que moi, la forêt jardinée qui mélange les essences et les âges résiste beaucoup mieux au vent que les futaies régulières.

Si les résineux ont payé un lourd tribut aux ouragans Lothar et Martin, c'est parce qu'on a fait la part trop belle à la rentabilité, au détriment du potentiel des milieux.

Prenons l'exemple de l'épicéa commun, massivement planté un peu partout parce qu'il pousse vite et à cause de son fût particulièrement rectiligne. En plaine, son enracinement traçant et superficiel ne compense pas les effets de levier dus à la pression du vent déportée en haut d'un tronc immense.

Je cite un ingénieur de l'Institut pour le développement forestier, qui estime que « l'entrée en scène des grands chablis français est le revers de la médaille de la fameuse montée en puissance de la forêt française, avec l'arrivée en masse de peuplements de résineux âgés, trop hauts, insuffisamment ou trop tardivement éclaircis ».

Tirons les leçons de cette part trop belle faite depuis un siècle aux arbres à croissance rapide. Tâchons dorénavant de privilégier la futaie jardinée où le mélange des âges, et des espèces donne à la forêt une structure dense et étagée - comme dans nos forêts de hêtres-sapins-


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épicéas du massif jurassien - qui protège le sol. Pas de coupes rases, mais un abattage continu, en fonction de l'arbre qui a plus d'importance que le peuplement.

La sylviculture de demain devra intéger la biodiversité parmi des critères de gestion. C'est un facteur d'équilibre et de sécurité pour notre environnement, mais c'est aussi un facteur de qualité pour la production du bois.

Enfin, je conclurai ma réflexion sur les leçons d'une catastrophe en défendant une idée, une très bonne idée émise par mon collègue Robert Galley en commission.

Les tempêtes de décembre 1999 résultent de phénomènes météorologiques exceptionnels et il importe de savoir si de tels phénomènes sont susceptibles de se reproduire et à quelle échéance. Il conviendrait qu'une réflexion à ce sujet puisse être conduite au plus haut niveau, par exemple par l'Académie des sciences. Je suggère également que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques se saisisse de cette question. Une telle étude constituerait le plus utile des prologues à la mise en oeuvre d'une très grande loi d'orientation sur la forêt.

Voilà quelques réflexions liminaires que je souhaitais présenter pour cadrer notre débat. Si elles ne sont pas dénuées de critiques à l'encontre de votre projet, monsieur le ministre, c'est parce qu'elles traduisent la déception de tous les professionnels et usagers de la forêt.

La loi montagne ou la loi littoral ont démontré l'utilité de prendre en compte la spécificité des espaces naturels tant sur le plan de la protection environnementale que sur celui de la pérennité des activités économiques, industrielles et touristiques. Notre forêt, riche, diverse, parfois gravement menacée, comme nous le rappellent épisodiquement les incendies au coeur de l'été ou encore les récentes tempêtes, a besoin elle aussi d'une véritable loicadre, autrement plus ambitieuse, qui réponde à ses besoins spécifiques tout en lui permettant de s'adapter à l'évolution rapide de la filière bois.

Le potentiel industriel et économique est énorme. le capital environnemental est précieux et fragile et nos compatriotes sont légitimement attachés à la beauté de nos forêts cathédrales et de leurs arbres remarquables.

Pour conclure, je citerai le secrétaire général de l'Association nationale des centres régionaux de la propriété forestière, qui déclarait : « En octobre, nous avions vu une première version du projet de loi tout à fait conforme au rapport remis par M. Jean-Louis Bianco, il y a un an, après une large concertation. Depuis l'automne, pas de nouvelles et nous avons découvert le projet de loi d éfinitif en avril, dénaturé, imposant davantage de contraintes que prévu aux propriétaires privés mais expurgé de toutes les contreparties envisagées. Or, entretemps, nous avons vécu le traumatisme de décembre.

C'est une provocation de la part de l'Etat qui a cédé aux pressions des lobbies écologistes. »

La France détient plus de 13 % de l'espace boisé européen. Notre pays reste, malgré une concurrence accrue et d'importantes incertitudes sur l'évolution de la demande, l'un des premiers exportateurs mondiaux de bois.

La France possède l'une des plus belles forêts du monde et nous avons, dans cet hémicycle, trop peu d'occasions pour l'évoquer ou tracer les perspectives qui feront sa richesse de demain. Sachons, monsieur le ministre, ne pas rater une telle occasion. Soyez attentif aux amendements déposés par l'opposition. Notre vote en dépendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les travaux sur le projet de loi d'orientation sur la forêt, dont nous entamons aujourd'hui l'examen, ont été lancés dès le mois de janvier 1999. Ce débat prend une acuité toute particulière car, depuis lors, notre pays a été traversé par les terribles tempêtes du mois de décembre. Celles-ci ont causé des dégâts considérables, tant au plan humain que matériel, et ont touché de nombreux secteurs économiques. Beaucoup de forêts ont été dévastées. Le spectacle désolant de tous ces arbres à terre restera gravé dans nos mémoires et, malgré l'effort considérable de la profession et des bénévoles pour réparer les dégâts, les cicatrices resteront visibles des années durant.

Au-delà même des questions posées par les conséquences des tempêtes pour l'ensemble de la filière bois et de ses acteurs - je rappelle que 550 000 emplois ont été affectés par ces caprices de la nature - ce projet de loi était très attendu. Le dernière grande loi sur la forêt remonte, en effet, au 4 décembre 1985. Nos textes législatifs les plus récents ont donc plus de quinze ans et méritent d'être dépoussiérés. Ils doivent être revus pour répondre aux cinq objectifs fixés dans ce projet : développer une gestion durable et multifonctionnelle de la forêt ; favoriser la compétitivité de la filière forêt-bois ; inscrire la politique forestière dans la gestion des territoires ; renforcer la protection des écosystèmes forestiers ou naturels ; mieux organiser les institutions et les professions relatives à la forêt.

Nous nous félicitons de ces orientations et nous y adhérons pleinement. Néanmoins, la volonté affichée par le Gouvernement ne trouve pas, à notre sens, sa pleine traduction dans ce texte.

M. François Sauvadet.

Ah !

M. Patrice Carvalho.

Nous pensons qu'il mérite d'être amélioré sur de nombreux points et tel est l'objet de nos amendements.

A l'article 1er , qui définit les principes fondamentaux guidant la politique forestière, nous regrettons qu'il ne soit pas fait référence à l'ensemble de la filière bois. La rédaction actuelle est trop restrictive. C'est pourquoi nous souhaitons que soit adopté l'amendement de la commission qui élargit les secteurs concernés par la politique forestière. L'aval de la filière bois, par exemple, doit retenir toute notre attention. Lors du colloque organisé par notre rapporteur le 3 mai de l'année dernière, il a été fort justement souligné que le bois est un produit d'avenir alliant fiabilité technologique et responsabilité écologique.

On a également mis en exergue la nécessité d'apprendre à vendre autrement pour vendre mieux. C'est une question essentielle que nous ne devons pas perdre de vue si nous voulons profiter des nouvelles opportunités que nous offre le bois.

La vente du bois n'est cependant pas la seule fonction de la forêt, et son caractère multifonctionnel doit être mis en valeur.

Nous avons déposé, à l'article 1er , d'autres amendements qui tirent les leçons du rapport de la mission parlementaire de 1998, dont M. Jean-Louis Bianco est l'auteur. Ce rapport présente la forêt comme une formidable chance pour la France, notamment dans le combat contre le chômage. Ainsi, selon lui, 100 000 emplois


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peuvent être créés en quelques années dans la production et les industries du bois, le tourisme vert et la protection de l'environnement, dont 70 000 pour les activités forestières. Ce chiffre, loin de nous sembler exorbitant, est incontestablement très proche de la réalité et des besoins, et se voit confirmé par les répercussions des tempêtes.

Actuellement, en effet, 40 000 salariés travaillent en forêt ou dans les activités directement liées, et sont confrontés quotidiennement à la précarité, aux bas salaires et aux conditions de travail dégradées. C'est pourquoi nous pensons indispensable d'inscrire dans ce projet de loi que la création d'emplois doit être un des objectifs de la politique forestière.

Celle-ci doit se soucier également du développement de l'industrie de transformation du bois. Aujourd'hui, nos capacités sont sous-utilisées, quand elles n'ont pas été bradées. Ainsi, trop souvent, nos bois nobles partent à l'étranger pour nous revenir sous forme de produits finis.

Or, ne l'oublions pas, pour amener certains de ces arbres à maturité, 200 ans sont parfois nécessaires.

Il faut donc développer l'ensemble de la filière bois, ce qui implique des investissements. Nous devons prendre la mesure d'une réalité : la France consacre à sa forêt quatre à dix fois moins d'argent public que des pays européens comparables. Le rapport Bianco fixe donc comme objectif un investissement supplémentaire de l'Etat de l'ordre d'un milliard par an ; ce qui nous laissera encore loin derrière des pays comme l'Allemagne et la Suisse.

Cela implique aussi une amélioration de la productivité, laquelle suppose, en particulier, des emplois pérennes et qualifiés. Or la formation professionnelle est malheureusement aujourd'hui trop négligée. Aussi l'ensemble du secteur manque-t-il de salariés qualifiés, aptes à répondre aux conditions d'emploi. L'investissement dans la formation professionnelle ne dépasse pas les obligations légales et reste trop faible.

Au-delà de l'inscription de ces principes dans le texte, il est essentiel de conditionner l'octroi des aides publiques à la création d'emplois. Le nouvel article L. 7 du code forestier, tel qu'il est rédigé, réserve le bénéfice de ces aides aux demandeurs qui présentent des garanties ou présomptions de gestion durable et qui souscrivent un engagement de non-démembrement pendant quinze ans.

Il va de soi, selon nous, que la création d'emplois doit être un critère supplémentaire de sélection des demandeurs.

Dans le même esprit, nous souhaiterions que les chartes de territoire forestier incitent au développement de l'emploi durable.

Le développement de la formation va de pair avec la nécessité d'élever la qualification professionnelle des travailleurs forestiers. Le chapitre 2 du titre II de ce projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions en ce sens. C'est d'autant plus indispensable que les nouveaux embauchés sont les principales victimes des accidents du travail.

Si les dernières tempêtes ont mis sur le devant de la scène la dangerosité du travail en forêt, celle-ci est un aspect permanent d'une activité où le nombre d'accidents du travail est particulièrement élevé. Les conditions de travail très pénibles pèsent aussi lourdement sur la santé des salariés qui, très tôt, sont atteints dans leur intégrité physique. Sur une vie professionnelle d'une durée de quarante ans, un bûcheron sur trente décède d'un accident du travail en France. Selon la Mutalité sociale agricole, le taux de fréquence et de gravité des accidents du travail est deux à trois fois plus élevé que la moyenne du secteur agricole, elle-même déjà très élevée. Il en est de même pour les maladies et l'usure professionnelles. Les maladies professionnelles touchent trois fois plus les ouvriers forestiers que l'ensemble des salariés de l'agriculture. Les principales sont les troubles musculo-squelettiques, les pertes auditives dues au niveau sonore élevé des tronçonneuses et à la durée d'exposition au bruit, les troubles respiratoires provoqués par les gaz d'échappement.

Ces statistiques sont beaucoup trop alarmantes pour ne pas être prises au sérieux. Nous pensons, par conséquent, que ce texte pourrait être considérablement amélioré si l'on y intégrait des dispositions en faveur d'une amélioration des règles d'hygiène et de sécurité. Certaines d'entre elles ont été retenues par la commission. Nous espérons que l'Assemblée fera de même.

Je tiens à souligner à ce propos une anomalie de notre droit positif que je n'arrive pas à m'expliquer, ou tout du moins à justifier : actuellement, les travailleurs forestiers ne peuvent pas bénéficier des dispositions du code du travail sur l'hygiène et la sécurité. Ils font l'objet d'un droit dérogatoire et, aussi paradoxal que cela puisse paraître pour des métiers aussi dangereux, les dispositions qui leur sont appliquées sont moins protectrices que le droit commun du travail. Si le droit déroge, c'est en leur défaveur ! Puisqu'une telle situation n'a aucune justification réelle et sérieuse, ce texte nous donne enfin l'occasion d'établir plus de justice.

Des mesures en faveur d'une législation protectrice permettraient non seulement de sauver des vies, mais également de permettre aux travailleurs forestiers de retrouver leur dignité. Comment pourraient-ils juger leur métier valorisant quand les textes affirment que, bien qu'il soit incontestablement pénible et dangereux, il ne mérite pas la même protection que les autres ? Les risques encourus et la pénibilité du travail justifient également que d'autres mesures soient prises pour améliorer le statut de ces travailleurs. Ainsi, il apparaît indispensable que l'amendement prévoyant la conclusion d'un accord collectif ou de branche puisse être voté. Selon la rédaction de cet amendement, cet accord devra prévoir des garanties en cas de décès, d'inaptitude au travail ou d'incapacité de travail, et des mesures couvrant les risques liés à la maladie ; il devra également favoriser le reclassement professionnel des salariés en cas d'inaptitude au travail. Afin de parfaire ce dispositif, nous avons déposé un sous-amendement prévoyant que l'accord devra aussi définir un dispositif de cessation anticipée d'activité.

Les professionnels et les experts s'accordent pour insister sur l'aspect usant des métiers forestiers. Les maladies professionnelles que nous avons décrites sont les facteurs déterminants de cette usure professionnelle. Elles font partie d'un ensemble de raisons qui justifient que tous les salariés de la forêt puissent bénéficier de la retraite à ci nquante-cinq ans à taux plein. Je les résumerai en deux mots : les métiers forestiers sont pénibles et dangereux.

Voilà pourquoi ces travailleurs ont indéniablement le droit de s'arrêter plus tôt, tout en bénéficiant d'une retraite à taux plein. Il n'est pas juste ni raisonnable de croire qu'un forestier de soixante ans ne met pas sa vie en danger lorsqu'il travaille sur un chantier dans des conditions toujours difficiles. Il est encore plus injuste et plus déraisonnable de refuser ce droit aux travailleurs forestiers alors que leur santé a été dangereusement mise en péril durant de longues années de labeur.

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'entrer dans le détail de tous les amendements déposés par le groupe communiste et apparentés. J'ai exposé ici les points qui me semblaient les plus importants, mais cette


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sélection est quelque peu arbitraire et, lorsque je défendrai nos amendements, je présenterai les autres modifications que nous préconisons pour améliorer ce texte.

En outre, Félix Leyzour, inscrit lui aussi dans la discussion générale, précisera nos réactions face au texte qu'il nous est demandé de voter.

M. François Brottes, rapporteur.

Très bien !

M. Michel Vergnier.

C'est cela, la complémentarité !

M. Patrice Carvalho.

Je conclurai en affirmant que, malgré la bonne volonté affichée pour ce projet de loi, nous regrettons le manque de mesures fortes en faveur d'un réel développement de la filière bois, au sens large du terme, et donc de l'emploi, mais également de l'amélioration des conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par Pierre Micaux avec beaucoup de compétence, mais aussi de coeur. Je veux simplement souligner à mon tour l'importance du rendez-vous que nous avons aujourd'hui. Une loi d'orientation, c'est un rendez-vous solennel. C'est aussi un rendezvous rare, surtout lorsqu'il s'agit de l'avenir de la forêt.

L'opposition - vous avez entendu MM. Micaux, Charroppin et Proriol, et M. Vannson interviendra dans le même sens - souhaite l'aborder avec sérieux et résolution.

Nous avons eu en commission, je dois le dire, un débat extrêmement intéressant qui a parfois transgressé les clivages traditionnels. Nous avons été unanimes à rappeler toute la place que tient la forêt dans notre pays, en termes d'emploi, bien sûr, mais aussi, plus généralement, en termes d'équilibres paysagers, écologiques, environnementaux. Le rôle qu'elle joue également, on ne le dit pas assez, pour des activités traditionnelles - je pense notamment à la chasse, sujet d'une actualité pressante - mais aussi pour d'autres activités beaucoup plus nouvelles. Sans oublier les 11 000 communes forestières, pour lesquelles cette ressource est essentielle et participe à l'aménagement du territoire. L'importance de la forêt doit donc être rappelée, même si elle n'est plus à démontrer.

Ce texte était d'autant plus attendu qu'il s'inscrit dans le contexte des tempêtes qui ont frappé les massifs de toutes les régions de France et provoqué une catastrophe sans précédent, avec des bois à terre équivalant à trois à quatre années de production.

A cet égard, la situation paradoxale, qui nous conduit à examiner une loi d'orientation sur la forêt alors que les effets de la tempête se font toujours sentir, appelle un double constat. Tout d'abord, le plan national en faveur de la forêt a été mis en oeuvre trop tardivement sur le terrain et s'est montré insuffisant, voire inexistant, notamment pour les propriétaires. Ensuite - et c'est plus inquiétant -, on ne retrouve pas dans cette loi d'orientation les outils qui permettraient de redonner espoir à ceux qui se désespèrent. Or le morcellement de la forêt privée est un des facteurs à prendre en compte. Il ne faudrait pas que les propriétaires privés baissent les bras.

Le présent texte ne prévoit donc pas ces systèmes d'indemnisation que l'on aurait aimé évoquer, et les moyens de remettre en état les forêts et les plantations. Les pépiniéristes ne bénéficient pas non plus de l'attention qu'ils méritent. Enfin, les filières ne sont pas assez solidement organisées ; elles restent à construire de manière plus volontaire.

Bref, cette loi se résume trop pour nous à une série d'intentions. Certes, celles-ci, pour certaines d'entre elles en tout cas, sont positives : la définition de la forêt et les a ttentes qu'elle suscite, ou encore ce que nous escomptons de son exploitation, de sa gestion, des conditions de mise sur le marché. A cet égard, il faut rendre hommage au travail de l'ONF, qui reste un élément majeur de la politique forestière. Mais, pour l'essentiel, toutes ces dispositions n'ont pas vraiment de portée normative. Je voudrais insister particulièrement sur quelques points.

Je veux souligner tout d'abord que la principale défaillance du texte réside dans son volet économique. Or celui-ci, quelles que soient les vocations de la forêt, est essentiel pour l'avenir des professionnels qui y travaillent.

L'UDF et l'opposition tout entière ont contribué fortement, avec l'appui du rapporteur d'ailleurs, à faire en sorte que soit introduit dans le texte le plan épargne forêt. J'espère que cet amendement, auquel nous sommes attachés, sera retenu par le Gouvernement. Il constitue une réponse durable au problème crucial de l'investissement dans la forêt, qui pose lui-même le problème de la rentabilité. Ce point reste extrêmement faible. La remise en état, l'entretien et la valorisation de la forêt ne peuvent donc se faire sans une prise en compte fiscale.

Ensuite, je veux souligner qu'il est extrêmement important d'aider les propriétaires à remettre en état leur forêt.

Nous déposerons un amendement pour rendre effective la déductibilité de la totalité des travaux de remise en état.

Par ailleurs, nous souhaitons avoir des garanties sur la pérennité du Fonds forestier national qui est maintenant budgétisé. C'est une bonne chose que d'avoir supprimé la taxe. C'était d'ailleurs attendu. Mais cela posera d'autres types de problèmes.

Enfin, la valeur ajoutée dans la forêt reste un point essentiel. C'est un enjeu majeur. Je regrette à cet égard que l'organisation de la filière ne soit pas suffisamment renforcée. Comme l'ont fait certains collègues, je dénoncerai aussi la complexité du texte sur ce point. A mon tour de citer M. Bianco (Sourires), pour souligner que ces éléments faisaient pourtant l'objet d'une demande très forte de son rapport qui était d'excellente qualité.

Monsieur le ministre, en l'état actuel, votre texte, qui a le mérite d'exister, n'est pas de nature à redonner espoir et confiance aux propriétaires comme aux acteurs. Puisqu'on a parlé de l'Auvergne et des Vosges, permettez-moi d'évoquer le Morvan et la situation particulière des producteurs de sapins de Noël. Ils espèrent que leur spécificité sera prise en compte. Par cet exemple, j'ai souhaité insister sur la nécessité de reconnaître comme un atout la diversité de la forêt française. Certes, il faut mettre en oeuvre une politique nationale, mais il faut aussi écouter les acteurs de terrain pour que la forêt reste, comme vous l'avez dit, monsieur Bianco, une véritable chance pour la France.

Monsieur le ministre, au-delà des mots et des intentions, il faudra des moyens pour faire face aux défis économiques et aux nouvelles aspirations de nos compatriotes. Or tout reste à faire sur le plan des moyens. Avec les professionnels, nous vous écouterons donc avec une attention non dissimulée. Nous espérons que vous reviendrez à ce vrai équilibre entre l'économique et les autres vocations de la forêt auquel nous sommes attachés et que vous rejoindrez le chemin de la raison à nos côtés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour le démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il suffit d'observer une photographie aérienne de la France métropolitaine et de l'outre-mer pour constater l'importance que revêt la forêt dans notre pays. Il en est ainsi de longue date. Que ce soit pour les usages quotidiens de la population ou pour de grands projets - construction de navires ou chasse royale -, le souci important de l'Etat en France pour la forêt a été une garantie de sa pérennité par le biais de dispositifs de regénération parmi les plus avancés pour l'époque. Les résultats sont visibles sur le plan quantitatif, mais ce n'est pas tout. Il faut aujourd'hui se donner les moyens d'objectifs qualitatifs.

La loi qui nous est ainsi proposée fait un premier pas en ce sens. Elle comporte plusieurs points positifs sur les principes et les méthodes, et d'autres sur lesquels nous nous montrerons plus réservés ou sur lesquels nous exprimerons nos attentes.

Plusieurs orientations nous paraissent en effet satisfaisantes : la valorisation de la forêt, la reconnaissance des différents acteurs vont dans le sens de la vie et de la visibilité de la forêt. La multifonctionnalité montre que la forêt n'est pas seulement un produit à exploiter mais un lieu complexe, avec des usages et des acteurs variés qui doivent également participer à son devenir. La moralisation du secteur, sur le plan des conditions de travail notamment, n'est pas une mince affaire et le texte ne va sans doute pas assez loin dans ce domaine, comme cela a été dit précédemment.

La présente loi d'orientation pose enfin, et surtout, les principes et les conditions d'une gestion durable, ce qui était impératif. Le progrès est réel et en conformité avec les évolutions internationales.

Plus globalement, nous mettons à l'actif de cette loi, un travail approfondi dans la durée, et une attitude d'écoute qui ont permis diverses améliorations au cours des phases préparatoires ; certains parleront de l'effet du lobby écologiste, pour notre part, nous y voyons plus modestement notre contribution au débat.

Toutefois, ce texte, trop peu ambitieux à notre avis, présente quelques faiblesses. Ainsi, la démarche de gestion durable est certes un bon point, mais elle n'est toujours pas assez rigoureuse. Conditionner cette qualification au respect d'un code de bonne conduite n'est pas suffisante à nos yeux. Si la proposition de M. le rapporteur visant à promouvoir une gestion en commun constitue un premier pas, elle ne résout pas le problème de fond.

Par ailleurs, les questions internationales ont été d'emblée exclues de la loi, ce qui empêche de proposer par exemple une utilisation raisonnable, dans les marchés publics notamment, de certains bois d'origine tropicale dont la surexploitation et les méthodes de gestion détruisent à jamais des habitats précieux pour les populations locales et la biodiversité.

La valorisation du bois comme matériau demeure également insuffisante et nous demandons instamment que le décret qui devait imposer un pourcentage de bois dans la construction voie enfin le jour. De même, la valorisation énergétique du bois nécessite une moralisation et une rationalisation de la filière afin de sortir d'une économie quasi parallèle qui contribue à bloquer ce type d'approvisionnement pour les collectivités locales. Un système de chèque bois-énergie tel qu'il a été mis en place en Alsace et tel que le suggère notre ministre de l'environnement constituerait par exemple une avancée.

Enfin, l'absence de chapitre sur la formation et plus généralement le silence observé sur la sensibilisation à l'importance de la forêt et aux techniques afférentes constitue une lacune du texte. Ce sont là pourtant des conditions importantes pour parvenir à une gestion durable et répondre aux jeunes générations qui se montrent très motivées sur ces sujets.

Comme vous le voyez, pour nous, la valorisation et la gestion de la forêt s'inscrivent dans une problématique globale qui va bien au-delà de l'aspect strictement économique. En effet, la forêt n'est pas seulement un élément vital de notre patrimoine naturel, le poumon de notre pays, et de la planète poumon bien malmené d'ailleurs, et d'abord par les activités humaines. Elle représente aussi une ressource considérable en termes de matériaux, d'énergie, d'espace et de biodiversité. Il s'agit également d'un enjeu culturel dans notre pays qui, trop souvent, considère la forêt soit comme un sanctuaire, soit comme un stock de bois, et non comme un ensemble vivant aux ressources pourtant multiples et renouvelables.

Puisse donc ce projet de loi contribuer à accélérer cette prise de conscience salutaire et puisse celle-ci être suivie de beaucoup d'autres.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Bianco.

M. Jean-Louis Bianco.

Monsieur le ministre, chacun l'a dit avant moi, ce projet de loi était indispensable et il était fort attendu. La tempête ne l'a pas rendu moins nécessaire, au contraire. Certes, et ainsi que les orateurs qui m'ont précédé l'ont souligné, des problèmes restent à régler mais leur solution est à trouver dans un autre cadre, qu'il s'agisse des moyens financiers et humains nécessaires à l'Office national des forêts ou des difficiles questions soulevées par les pertes dramatiques qu'ont connues certains petits propriétaires ou des communes forestières.

Le texte, tel qu'il a été opportunément amélioré par les nombreux amendements du rapporteur et de la commission, se pare à mes yeux d'au moins quatre vertus. La première, même si rien n'est parfait, est d'être plus court que beaucoup de textes comparables. La deuxième est d'apporter une certaine simplification dans la mesure où les articles de loi supprimés sont plus nombreux que les nouveaux. La troisième est d'affirmer clairement - c'était indispensable et c'est nouveau - la vocation multifonctionnelle de la forêt française.

La quatrième vertu, enfin, est liée au rapport dont je suis l'auteur. J'ai été souvent cité ce soir et je remercie mes collègues de m'avoir couvert d'éloges. Je suis bien conscient toutefois qu'une partie de ces compliments, pour sincères qu'ils soient, visaient à opposer l'excellence supposée de mon rapport aux lacunes également suppo-s ées du projet du Gouvernement. (Sourires.) Alors, puisque je suis peut-être le mieux placé pour parler de la fidélité du projet de loi au rapport Bianco, je puis dire que, sur les questions qu'il traite, il est tout à fait conforme à l'esprit de mes propositions.

Bien évidemment, ce dispositif reste à améliorer, ou plutôt à compléter, car une partie de ce qui manque n'est pas forcément à mettre dans la loi elle-même, je vais m'en expliquer sur trois points.

L e premier, qui a été évoqué notamment par

M. Micaux, est essentiel pour tous les parlementaires, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité, et je sais que vous êtes d'accord avec nous, monsieur le ministre. Il s'agit de la mise en oeuvre effective et rapide de l'article


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additionnel L.

225-1 adopté par la commission et relatif au plan d'épargne-forêt. Ce plan, qui avait déjà été envi sagé dans le cadre d'un précédent projet, puis abandonné sous les pressions d'une administration qui n'y était pas favorable, me paraissait indispensable lorsque j'ai rédigé mon rapport. Il l'est plus encore aujourd'hui, alors qu'il faut restructurer, remembrer, réinvestir en forêt.

D euxième point, souligné en particulier par Mme Aubert, il faut aller plus loin dans la valorisation du bois matériau et du bois énergie. Or cela ne relève pass eulement de mesures législatives ou réglementaires, même si l'on attend toujours le fameux décret.

Troisième point, la grande simplification à laquelle j'ai appelé et qui concerne l'ensemble des textes relatifs à la gestion de l'espace naturel et à la protection de la nature reste à faire. Certes, ce n'est pas vraiment l'objet de ce projet de loi. Il n'en demeure pas moins que les quelque 75 dispositifs qui ont été recensés sont beaucoup trop nombreux. Or trop de lois tuent la loi qui devrait précisément avoir pour objectif d'expliquer, de simplifier et de rendre possible la gestion des milieux naturels.

Dernière remarque, enfin : le rapporteur a évoqué l'audition d'Yves Duteil. Il est attaché à un amendement qui a été rejeté par la commission parce qu'il s'agit en fait d'une disposition réglementaire. Je le rejoins quant à moi pour dire que, dans la protection des forêts contre l'incendie, préoccupation majeure dans ma région mais dans beaucoup d'autres aussi, il est important de dire très préc isément qui fera quoi, en application de l'article L.

321-6. A partir des mesures élaborées par les collectivités, le préfet devra arrêter des plans et veiller à leur mise en oeuvre.

Monsieur le ministre, vous le savez bien, la forêt est avant tout une question de passion. Si, à travers votre projet de loi, et comme je le pense, nous arrivons avec vous et l'ensemble de la représentation nationale, à redonner espoir et confiance à tous les professionnels et à tous les acteurs de la filière forêt et bois, alors nous aurons bien travaillé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Lamy.

M. Robert Lamy.

Monsieur le ministre, en dépit de ce que vient de dire M. Bianco - mais sa modestie lui permettait-elle de dire autre chose ? - ce projet d'orientation sur la forêt est très en retrait sur de nombreux points au regard de son rapport qui, en son temps, avait été accueilli positivement par les professionnels. Il est donc bien décevant. Le faible temps de discussion accordé à chaque groupe est l'illustration même du traitement au

« pas de charge » d'un texte pourtant attendu avec une grande impatience.

La montagne avait accouché d'une souris. La forêt risque bien de donner naissance à une blatte ou à un cancrelat. (Sourires.) Il ne suffit pas, en effet, de répéter à chaque paragraphe le mot « durable », adjectif fétiche de la gauche plurielle - treize fois dans l'exposé des motifs et seize fois dans les seuls chapitres I et II du projet de loi pour relever les défis majeurs auxquels la filière bois doit faire face.

Je regrette notamment que ce texte n'ait pas suffisamment pris en compte les conséquences de la tempête de décembre 1999. C'est le cas de l'article 4 qui porte sur les régénérations naturelles et les futaies jardinées. Il pré voit que, à compter de 2001, un pourcentage d'exonération sur la taxe foncière soit accordé pour les terrains boisés ayant fait l'objet d'une régénération naturelle, l'Etat compensant aux communes les pertes de recettes engendrées.

Or il me semble particulièrement anormal et injuste q ue les propriétaires forestiers ayant procédé, dès l'année 2000, à des travaux de reconstitution des peuplements détruits par la tempête de décembre dernier, soient exclus de ce dispositif dont la mise en oeuvre n'est prévue qu'au 1er janvier 2001. En effet, après avoir fait beaucoup d'efforts pour remettre en état leurs parcelles, de nombreux propriétaires ont aussitôt replanté afin de réduire autant que possible la perte d'exploitation due à la tempête. C'est le cas dans ma circonscription où les forestiers des monts du Beaujolais ont eu à déplorer près de 2 millions de mètres cubes de chablis, soit plus d'un quart des dégâts enregistrés sur l'ensemble de la région RhôneAlpes.

Je demande donc que les exonérations prévues à l'article 4 soient applicables à compter du 1er janvier 2000 aux parcelles sinistrées par les tempêtes de décembre 1999 qui ont fait l'objet de semis, plantations et régénérations naturelles. Il conviendrait aussi d'élargir les modalités de compensation par l'Etat des pertes de recettes supportées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pour l'année 2000.

Plus généralement, et ainsi que l'a regretté publiquement M. Christian Pierret, je souhaite que les procédures d'intervention en direction des forestiers touchés par la tornade de l'hiver dernier soient allégées, de nombreux propriétaires privés n'ayant encore bénéficié d'aucune indemnisation.

Pourtant, parmi ces 3,5 millions de personnes, qui représentent deux tiers de la forêt française avec des superficies de propriété souvent inférieures à cinq hectares, bien peu tirent de la forêt l'essentiel de leurs revenus.

Cette activité permet avant tout un complément de retraite pour des revenus très modestes.

La plupart des exploitants sont découragés, d'autant plus qu'ils ont l'impression d'être les laissés-pour-compte du Plan tempête, puisque le Gouvernement n'envisage pas de les indemniser. Ils risquent, du reste, ailleurs d'être doublement découragés par la lecture de ce projet de loi, qui leur impose des contraintes nouvelles sans contrepartie notable.

Dès lors, un abandon de la forêt par ces propriétaires pourrait être particulièrement lourd de conséquences en termes de développement si l'Etat ne fait pas un geste en leur faveur. Inciter au regroupement des propriétaires est une bonne chose, les tempêtes ayant montré de façon frappante les très graves inconvénients de l'insuffisance en la matière.

Mais faut-il encore que l'Etat s'en donne les moyens. Il convient d'aller plus loin en matière d'incitations à l'organisation de la sylviculture privée, notamment grâce à des encouragements financiers au remembrement.

Il ne suffit donc pas d'encourager le regroupement par des mots : il est impératif que l'Etat mène une politique particulièrement active dans ce domaine, car c'est davantage par l'incitation que par les réglementations que l'on résout les problèmes.

Je déplore que cet aspect, pourtant indispensable à la mise en oeuvre de la gestion des forêts françaises, ne soit pas davantage développé dans le projet de loi.


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Je regrette également que celui-ci n'aborde pas suffisamment la formation professionnelle et, plus largement, l'enseignement dans l'ensemble de la filière bois. Pourtant, les entreprises de la filière rencontrent de graves problèmes pour trouver une main-d'oeuvre qualifiée.

Depuis décembre, il est encore plus difficile de trouver des conducteurs de machine à abattre, des débardeurs ou des bûcherons qualifiés. La formation est absolument nécessaire si nous voulons passer d'une gestion traditionnelle de la forêt à une gestion plus moderne, afin d'être plus compétitifs, aussi bien sur le plan technique que sur le plan commercial.

Enfin, on doit regretter que cette loi ne soutienne pas suffisamment l'effort des entreprises fragilisées par la tempête de décembre.

Pourtant, il serait souhaitable de donner à ce secteur d'activité éprouvé les moyens de se développer. Ces entreprises ont besoin, très souvent, de s'engager rapidement dans des programmes d'investissement importants. Mais le financement de ces programmes est rendu difficile par la faiblesse des fonds propres et la structure souvent familiale des entreprises. C'est le cas notamment pour les scieries, qui sont au centre de la valorisation de la filière bois.

Il serait donc opportun que le projet de loi mette en place un système de provisions pour investissement, afin de s'assurer du dynamisme de ce secteur industriel, indispensable à la chaîne de transformation du bois, et de conserver en France le maximum possible de la valeur ajoutée dégagée par ces industries.

Globalement, on peut regretter que ce projet de loi ne soit pas à la hauteur des espoirs que le rapport Bianco avait suscités dans la filière bois. Ce dernier écrivait d'ailleurs : « Il ne s'agit pas seulement de proposer et d'adopter une loi d'orientation (...) ce qui est en jeu, c'est la définition par le Gouvernement, avec tous les partenaires intéressés, d'une véritable stratégie forestière français e à dix ans. » Force est de constater que nous en sommes

loin et que, dans son état actuel, votre projet ne répond pas à nos préoccupations, ni aux atentes de la profession.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gestion de la forêt s'est toujours inscrite au coeur des principales évolutions sociales, économiques et culturelles de la France. Le projet de loi d'orientation sur la forêt que vous présentez, monsieur le ministre, ne déroge pas à ces principes, qu'il faut appliquer du mieux possible à la situation d'aujourd'hui.

Mon ami Patrice Carvalho a particulièrement insisté, dans son intervention, sur les questions sociales. Il a rapidement abordé la question de la filière bois ; j'insisterai plus particulièrement sur ce point.

Il est indispensable que le projet de loi prenne en compte l'ensemble de la filière bois : nous avons déposé un amendement dans ce sens. En effet, ni l'amont ni l'aval ne doit être négligé.

En ce qui concerne l'amont de la filière, la France est à la tête d'une ressource en bois croissante. Il faut qu'elle soit capable de tirer parti de cette richesse et non qu'elle se contente d'être le grenier à bois de l'Europe, sous la domination de quelques monopoles étrangers. Pour cela, les bois de nos forêts doivent devenir une matière première à transformer, à valoriser. Le projet de loi se doit d'être porteur de cette dynamique qui reste à instaurer.

En ce qui concerne l'aval, il s'agit de savoir vendre mieux notre bois, au sens complet du terme. Mon ami Carvalho l'a rappelé dans son intervention, lors du colloque organisé le 3 mai dernier, M. le rapporteur Brottes avait souligné que le bois était un produit d'avenir, alliant fiabilité technologique et responsabilité écologique. Il faut que nous sachions profiter de tous ces atouts que nous offre le bois.

A cet effet, nous avons déposé un amendement, après l'article 11, visant à modifier un article de la loi sur l'air qui n'a jamais pu être appliqué, en raison de la nonpublication du décret d'application. En effet, l'article

L. 21-5 posait le principe de l'utilisation d'une quantité minimale de matériaux en bois dans certaines constructions nouvelles. Il s'agit là d'une disposition essentielle qui permettrait de tirer le meilleur parti de cette matière : n ous avons pensé à l'appliquer aux constructions publiques. Il faut savoir que le bois ne représente aujourd'hui que 10 % de la valeur des matériaux utilisés dans le bâtiment, alors que c'est de loin le marché le plus important.

Il est également essentiel que la France fasse le choix de la reconnaissance des multiples rôles de la forêt. Cela permettrait d'oeuvrer pour son développement et sa gestion durable.

La forêt a un rôle social : elle est une source de création d'emplois.

La forêt a aussi une mission écologique à remplir : son rôle est considérable pour sauvegarder les écosystèmes, pour la flore et la faune, le climat, la maîtrise des sols.

Elle a encore une mission industrielle : je l'ai déjà dit, elle a un rôle à jouer pour fournir des matières premières de qualité aux industries de transformation.

Elle a enfin une mission récréative : il faut permettre à la population de jouir des forêts pour ses loisirs : il est donc nécessaire de les ouvrir au public et de les aménager. Cela concerne bien sûr les forêts publiques, mais aussi les forêts privées, pour lesquelles on peut, par convention avec les propriétaires, trouver des possibilités d'accès respectant la propriété et la nature du patrimoine.

La dimension environnementale n'est pas la moindre.

On sait en effet le rôle que joue la forêt dans la préservation des grands équilibres de la nature.

En conclusion, je dirai que la forêt, étant donné son caractère d'intérêt national, relève bien évidemment de la loi. Mais il faut aussi tenir compte de situations différentes selon les massifs forestiers, les essences qui y poussent ou la topographie, afin d'adopter la gestion la plus adaptée aux différentes régions de France.

Avec cette loi, nous espérons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que la forêt connaîtra une nouvelle dynamique. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Avant d'examiner quelques points du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, je ferai brièvement le point, à mon tour, sur la situation de la forêt, six mois après la tempête des 26 et 27 décembre.

Elu d'une circonscription du massif vosgien, je tiens à saluer les efforts surhumains accomplis journellement par tous les acteurs forestiers pour maîtriser une situation inextricable, le mot n'est pas trop fort. Pour nous, maires de commune forestière, la catastrophe n'est pas tant éco-


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logique qu'économique. Il faudra encore deux à trois ans aux entreprises, vous le savez, pour finir de dégager les forêts.

Le point faible - j'insiste, même si je sais qu'il relève du domaine de compétence du ministre de l'équipement, des transports et du logement, mais vous lui ferez part de mes propos ou je les lui répéterai moi-même -, c'est le transport des grumes : la SNCF est complètement débordée et ne dispose plus d'aucun wagon ; les services de la navigation ont mis à la casse toutes les péniches de 350 tonnes, qui pouvaient emprunter le réseau Freyssinet ; les transports routiers sont inopérants, car trop limités en tonnage. Les conditions sont encore plus préoccupantes en Lorraine que dans les autres régions. Dans l'Est de la France, l'ONF en est réduite à faire charger le bois par la Bundesbahn, très heureuse de l'aubaine.

Autre constat : des années 60 aux années 70, l'ONF, dans les forêts domaniales comme dans les forêts communales, privilégiait les plantations de résineux ou d'autres essences par une main-d'oeuvre recrutée dans les villages de montagne. Mais depuis les années 90, en raison, sans doute, du coût de cette main-d'oeuvre, l'Office laisse les forêts se régénérer naturellement et les variétés héli ophiles l'emportent désormais sur les résineux. Or la tempête a démontré qu'aucun des deux modèles n'offre une meilleure résistance au vent : la dévastation est aussi catastrophique dans les forêts dites « plantées » que dans les forêts dites « naturelles ». J'en conclus qu'il ne faut pas forcément laisser faire la nature et qu'il faut encore favoriser les plantations d'essences dont on connaît l'intérêt pour les décennies à venir.

Autre constat, durant des décennies, les propriétaires de terrains agricoles situés dans les villages de montagne ont été encouragés, par des exonérations de taxe foncière, à boiser les parcelles de fond de vallée, ce qui a conduit au contraire de l'effet escompté. Aujourd'hui, c'est la catastrophe : les boisements sont par terre et, à mon avis, il ne faut surtout pas les laisser repartir, car l'ensoleillement des communes de montagne s'en est trouvé réduit et les fonds de vallée sont devenus humides.

Monsieur le ministre, aidez les communes à acquérir la maîtrise foncière de ces terrains, afin de les déboiser et d'assurer, comme l'ont fait certaines communes modèles, l'entretien du paysage par la réintroduction d'animaux herbivores comme les daims ou les chèvres. Ce sont des opérations certes coûteuses mais ô combien utiles pour l'économie touristique.

J'en arrive aux professionnels ruraux et forestiers, qui, avec les moyens humains de l'ONF, assurent la gestion de notre patrimoine. Ils nous ont demandé, à nous, leurs députés, de faire état des questions qu'ils se posent devant l'Assemblée nationale.

Si, soit dit en passant, l'abaissement du taux de TVA forestière à 5,5 % est une très bonne initiative, les entreprises de travaux forestiers s'interrogent. Quel taux doit-on appliquer pour le curage des fossés avant reboisement dans les terrains forestiers ? Quel taux pour les travaux d'enfouissement des souches à la pelle mécanique ? Quel taux pour la pose de protections autour des plantations afin d'éviter les attaques de gibier ? Un certain nombre de clarifications s'imposent, clarifications que vous saurez apporter, soit dans le cadre de ce projet de loi, soit au travers des réponses aux questions écrites que nous vous poserons.

De l'avis des professionnels - et c'est aussi le mien - le projet de loi ne reconnaît pas assez les métiers forestiers ni les organisations qui les représentent. On ne trouve pas toujours la volonté de donner des moyens d'exister aux personnels, malgré la dureté et la dangerosité de leur métier.

De plus - beaucoup de mes collègues l'ont souligné -, la qualification professionnelle doit être améliorée pour garantir la sécurité des hommes et la bonne gestion des entreprises.

Il faut aider les jeunes entrepreneurs à s'installer par tous les dispositifs habituels, car les entreprises ont de l'avenir, au moins pour les prochaines années.

Le taux de la MSA, fondé sur le résultat de bon nombre d'entreprises unipersonnelles, met beaucoup de trésoreries en difficulté.

Enfin, comme l'a dit un de mes collègues, la dureté des travaux de la forêt, en particulier celui des abatteurs manuels, devrait être reconnue, notamment par l'abaissement de l'âge de la retraite.

Telles sont les remarques qu'appelle votre projet de loi, monsieur le ministre. Je voterai pour, en souhaitant que soient prises en compte certaines de mes observations. Je vous en remercie d'avance.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler de la forêt, pour un élu rural, c'est parler avec passion. Vous m'en excuserez, mais la forêt joue un rôle important pour l'économie du monde rural, et aussi pour sa vie culturelle.

Nous sommes des représentants de la nation ; nous avons donc des sensibilités différentes par rapport au rôle de la forêt. Et pourtant, notre mission de législateur est de chercher à concilier les intérêts parfois divergents de la forêt et de la filière bois.

Au cours des siècles, la forêt a été confrontée à de dures réalités, voire à des conflits. Elle a parfois subi des prélèvements, des assauts importants. J'en parlais avec un de mes collègues, la forêt de Chaux, troisième forêt de France, je crois, avait été, au cours du siècle passé, complètement prélevée pour satisfaire aux besoins des salines d'Arc-et-Senan : des centraines d'hectares avaient été complètement déboisés. Il y a eu aussi, dans notre histoire, des conflits avec l'agriculture, et des réglementations de boisement ont été mises en places pour préserver l'intérêt de l'agriculture. A ce jour, on est bien obligé de considérer que la situation a changé et que l'agriculture n'a plus les mêmes exigences. Et pourtant, nous avons à faire face à d'autres intérêts, d'ordre écologique - certains en ont parlé, il s'agit par exemple du problème des fonds de vallée, qui, à certaines époques, furent plantés de façon abusive.

Je rappellerai tout de même que, depuis la guerre, 45 000 hectares environ étaient plantés chaque année.

Ainsi, aujourd'hui, la France est un pays très bien couvert en forêt et dont la production suit une augmentation considérable, surtout pour le résineux.

Sans parler de l'ensemble des articles dont nous avons à débattre, je rappellerai le rôle important que la forêt et la filière bois jouent dans l'aménagement du territoire, et, comme je le disais tout à l'heure, pas uniquement dans l'économie rurale, mais aussi dans la vie sociale et culturelle. A cet égard, je dois dire qu'à travers la loi d'orientation agricole et la loi sur l'aménagement durable du territoire, le gouvernement dont vous faites partie, monsieur le mininstre, a bien pris en compte l'intérêt du monde rural.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 6 JUIN 2000

Je soulignerai également combien la forêt joue un rôle primordial dans de nombreuses communes, sur tout le territoire national : une part importante de leur budget vient de la forêt, surtout dans les petites communes ; la vie culturelle et sociale s'en trouve améliorée, avec les promenades, les cueillettes, la chasse -, nous aurons l'occation d'en reparler -, l'apprentissage de la vie biologique, de la faune, de la flore, sans parler, bien sûr, de la beauté des paysages.

J'insiste - ce n'est peut-être pas nécessaire, mais mieux vaut mieux en dire trop que pas assez - sur le rôle important joué par l'Office national des forêts dans la gestion des forêts des communes et, bien sûr, des forêts domaniales. Le texte qui nous est proposé donne satisfaction s'agissant de l'évolution nécessaire de l'Office national des forêts. Nous pouvons aussi être satisfaits que son champ d'intervention soit modernisé, surtout s'agissant des ventes - nous aurons l'occasion d'en parler en examinant l'article concerné.

Je ne pourrais pas terminer mon intervention sans évoquer le rôle d'autres services, comme les centres régionaux de la propriété forestière ou les chambres d'agriculture, qui, au fil des années, se sont perfectionnés. Nous aurons également l'occasion d'en parler.

Cette loi était très attendue. Nous en avons beaucoup parlé. Beaucoup de colloques ont été organisés, non seulement à l'Assemblée nationale, sous l'égide de notre collègue François Brottes, mais également dans les régions.

Ils ont été suivis par un nombre impressionnant de participants et ont mis en évidence le rôle prépondérant du rapport Bianco. Ils ont beaucoup contribué, avec les auditions auxquelles vos services ont procédé, monsieur le ministre, à l'élaboration d'un texte équilibré qui devrait tous nous réunir et répondre à l'attente de l'ensemble des intervenants de la filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapport Bianco avait suscité de grands espoirs dans l'ensemble de la filière bois.

Les professionnels que j'avais eu l'occasion de réunir pour en discuter l'avaient jugé plein de bonnes intentions et, dans un contexte économique plus difficile que maintenant, ils avaient nourri beaucoup d'espoirs sur les suites que le législateur allait lui donner.

Malheureusement, la présentation du projet de loi d'orientation sur la forêt a laissé nos différents partenaires et nos différents interlocuteurs un peu sur leur faim. En effet, si le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, énonce un certain nombre de bonnes intentions, des points phares comme la recherche, la formation et la forêt privée sont complètement passés à la trappe.

C'est bien embêtant, car il ne suffit pas de dire que l'on veut donner à notre forêt un réel avenir. Encore faut-il s'en donner les moyens.

Cela vaut tout d'abord pour la recherche. En effet, il est important de développer de nouvelles technologies et de procéder à de nouvelles découvertes scientifiques en tous genres : celles-ci auront un rôle déterminant sur l'avenir et le développement de la forêt. Nous devons donc accentuer nos efforts en ce sens.

Cela vaut ensuite pour la formation. Nous avons affaire à un secteur particulièrement concurrencé, notamment par les forêts scandinaves et, du fait que nous sommes attachés à certains principes d'exploitation - ceux de la cueillette et du jardinage notamment -, il faudra à l'évidence former des personnesls capables de donner davantage de compétitivité à l'ensemble de la filière. Or, pour ce qui concerne la formation, le projet est, à mon sens, insuffisant.

Cela vaut ensuite pour la forêt privée, qui a été tout autant éprouvée par la dernière tempête que la forêt publique. Or elle semble oubliée dans le dispositif.

Ce sont là autant de points qui laissent sur leur faim de nombreux partenaires composant la filière forestière.

Cela dit, pour vous prouver ma bonne foi, monsieur le ministre,...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je n'en doute pas !

M. François Vannson.

... j'ai noté avec plaisir la création d'une bourse d'échange forestier dans les Vosges. En ma qualité d'élu vosgien, je vous en félicite. Comme le département des Vosges a toujours été à la pointe des technologies et très citoyen, j'espère que cette bourse pilote donnera les satisfactions attendues.

En ce qui concerne les aspects financiers du projet, je note que vous avez mis en place un plan d'épargne-forêt.

Aujourd'hui même, un représentant de l'ASFFOR m'a fait part de propositions concernant la mise en place d'un fonds commun permettant de capter des investissements privés au profit de la forêt. Cette piste mériterait, à mon sens, d'être explorée car, en fait, appartenant en quelque sorte à tout le monde, la forêt pourrait aussi drainer des financements provenant de l'extérieur de la filière.

En tous les cas, il me paraît fondamental de rattacher au plan d'épargne-forêt la fiscalité forestière prévalant. L es professionnels de la filière attendent beaucoup dans ce domaine.

Enfin, j'ai rédigé avec mes collègues Pierre Micaux, François Sauvadet, Jean Charroppin 200 amendements et je souhaite que le Gouvernement, après l'avis de la commission, tienne compte du travail que nous avons réalisé pour enrichir le texte. Notre vote dépendra en partie de l'accueil que vous réserverez à nos amendements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation sur la forêt que nous examinons aujourd'hui s'inscrivait initialement dans un contexte de dynamique de l'ensemble des acteurs de la filière forêt-bois, après le rapport réalisé par l'INRA sur l'avenir des forêts françaises et l'excellent rapport, traitant l'ensemble des problématiques, de notre collègue Jean-Louis Bianco.

Alors que la superficie des espaces boisés de notre pays avait augmenté de 50 % en moins d'un siècle pour passer à 15 millions d'hectares, alors que l'ensemble de la filière bois se plaçait dans un contexte de croissance vertueuse, même si les effets de la mondialisation accentuaient la concurrence et rendaient nécessaires des investissements en forêt pour assurer la qualité - plantation, élagage - et des investissements en exploitation et en première et deuxième transformations du bois, les tempêtes qui ont touché particulièrement notre pays - je dirai les tornades tri-centenales - ont bouleversé cette dynamique et cet équilibre spécifiquement dans deux régions fortes de la filière bois : le Sud-Ouest et l'Est.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 6 JUIN 2000

Dans ma circonscription, où nous avions quelques mois avant commémoré le drame de 1949 qui avait fait quatre-vingt-deux victimes et incendié 40 000 hectares en trois jours - je rappelle que la superficie moyenne totale incendiée en France par an est de 15 000 hectares - et où les sylviculteurs avaient reconstitué la forêt sur les cendres, cette forêt de cinquante ans prête à être exploitée a été détruite à près de 100 %. Vous vous étiez rendu sur place, monsieur le ministre. Six mois après, malgré les aides de l'Etat et les efforts de tous, plus de la moitié des arbres ne sont toujours pas exploités : le contexte n'est plus le même, notamment pour les sylviculteurs privés. Je vous ai à ce sujet demandé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, de mettre en place les lignes de trésorerie et les engagements de prise en compte de la subvention transport permettant la poursuite des expéditions de bois, en particulier vers l'étranger.

Sur ce projet de loi d'orientation sur la forêt, je voudrais tout d'abord présenter quelques observations générales fondées sur ma vision des choses en tant que sylvicuteur, maire d'une commune forestière périurbaine et membre du conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers.

P remièrement, la problématique à laquelle nous sommes confrontés est bien de prendre en compte - et dans cet ordre - les fonctions économique, environnementale et sociale des forêts pour un développement durable. La problématique économique doit être placée en premier puisque c'est l'enjeu le plus fort. La filière bois représente 30 000 emplois en Aquitaine, 500 000 au plan national et 10 000 emplois supplémentaires potentiels, comme le propose notre collègue Jean-Louis Bianco.

Deuxièmement, la loi devrait s'intituler loi d'orientation forestière et non pas loi d'orientation sur la forêt.

Nous ne sommes pas en présence d'une forêt unique, mythique, mais de forêts très diverses avec des problématiques différentes, correspondant à des territoires différents. Cet aspect est bien pris en compte. Qu'y a t-il de commun entre la forêt de Fontainebleau ou les forêts méditerranéennes qui ont un rôle principal d'environnement et de récréation, avec la diagonale de production partant du Sud-Ouest, avec la forêt, culture d'arbres d'Aquitaine, le Centre et le massif Central et les forêts de l'Est ? Cette dimension régionale est correctement prise en compte, les orientations régionales forestières élaborées par les commissions régionales de la forêt étant renforcées.

Cette prise en compte de la diversité est déclinée à un niveau cohérent avec l'introduction des chartes de territoire forestier avec un concept souple comme les pays, et l'encouragement de conventions avec les propriétaires forestiers.

Troisième point de ces observations générales : votre projet de loi, tel que présenté, est en retrait par rapport aux propositions de M. Bianco.

M. François Sauvadet.

Ah ! Vous entendez, monsieur le ministre ?

M. Pierre Ducout.

Vous nous avez indiqué qu'il s'agissait d'une base qui avait vocation à être enrichie.

Pour nous, la priorité, dans un pays où la forêt privée représente plus de 70 % de la superficie pour quatre millions de sylviculteurs, c'est d'encourager le dynamisme des investissements en forêt.

Le plan d'épargne-forêt est indispensable. Le groupe socialiste l'a proposé par la voix de notre rapporteur François Brottes. Il a été adopté en commission. Il faut le charpenter le plus possible.

Il doit favoriser les regroupements fonciers et permettre de limiter les divisions lors des partages successoraux et de financer les investissements d'infrastructures forestières : les replantations de qualité, l'élagage, etc.

Ces trois points principaux pris en compte - fonction économique dominante, gestion régionalisée, dynamique d'incitation financière avec le plan d'épargne forêt - le projet de loi s'attaque bien à l'ensemble des problèmes des différents intervenants de la forêt.

Je veux souligner le travail constructif réalisé en commission, que j'ai eu l'honneur de présider, et les apports de nos collègues sur tous les bancs de l'Assemblée...

M. François Sauvadet et M. Jean Proriol.

C'est vrai !

M. Pierre Ducout.

... à la suite du travail sérieux du groupe d'études sur la forêt, dont je tiens à souligner la qualité des présidents : j'ai connu notre collègue Pierre Micaux et maintenant notre excellent rapporteur François Brottes.

Je veux maintenant insister sur quelques points qui me paraissent aller dans le bon sens.

Premier point : les documents de gestion.

A côté des plans de gestion, les codes de bonne pratique sylvicole garantissant une gestion durable doivent concerner une grande majorité des propriétés forestières privées. Dans cette gestion durable, il faudrait naturellement tenir compte au niveau régional de l'évolution des marchés et des produits. Dans la forêt artificielle des Landes de Gascogne, par exemple, les produits du pin maritime ont depuis deux siècles été très différents : il a d'abord été utilisé comme bois de chauffage et a servi d'échalas pour les vignes, puis c'est la résine qui a été exploitée au point que le pin était alors qualifié d'arbre d'or avant d'être transformé en poteaux de mine. Aujourd'hui, il sert pour les parquets, les lambris et les palettes, etc. Et demain sera l'ère des bois reconstitués, des bois matériaux composites et, sans doute, des cultures d'arbres.

Deuxième point : la forêt privée.

Les instruments qui marchent doivent être encouragés.

Je pense aux coopératives forestières, aux interprofessions.

Le texte doit tenir compte de la diversité des filières forêt-bois en France. Là encore, je crois que notre région du Sud-Ouest est un bon exemple.

Troisième point : la forêt publique.

L'ONF est un outil de qualité avec des personnels d'une grande compétence et d'un grand engagement. Il faut lui donner les moyens de réaliser le maximum de performances sur les trois missions de la forêt. L'ONF a fort bien réalisé des pistes cyclables et des parkings paysagers dans la forêt dunaire de la côte Atlantique. Mais la part production doit, là aussi, venir en premier et la possibilité de conclure des contrats d'approvisionnement pluriannuels constitue un pas important.

Quatrième point : les problèmes de protection contre l'incendie sont particulièrement lourds. Dans notre région, après les sinistres des années 1940, beaucoup a été fait. Je veux rendre hommage au corps des sapeurspompiers forestiers et aux associations de DFCI pour le travail qu'ils ont accompli.

Les obligations de débroussaillement large le long des routes et des lignes électriques des voies de chemin de fer sont nécessaires, comme l'intangibilité des pistes DFCI.


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Par contre, après la tornade, la possibilité donnée aux représentants de l'Etat de faire dégager les chablis aux frais des propriétaires, alors que beaucoup de ces derniers ne trouvent pas d'exploitants, a été ressenti, vous le savez monsieur le ministre, comme une provocation. Nous proposerons donc, dans un amendement, d'encadrer cette possibilité.

En tant que maire, je suis cependant très inquiet des risques d'incendie pour cet été. Je crois important de permettre aux communes de se substituer aux particuliers pour le débrouissaillement dans les zones d'interface urbain - rural. Dans nos communes péri-urbaines, nous commençons à le prendre en compte, la participation financière éventuelle étant laissée à l'appréciation des communes.

Nous proposons de rétablir la taxe de défrichement : elle doit être un signe important pour garantir sur le long terme la ressource en bois et encourager les investissements très lourds en aval de la filière.

Il importe aussi de rappeler que le bois est un écomatériau et que la loi sur l'air doit être appliquée pour l'incorporation du bois dans la construction, tout comme il convient de rappeler le rôle de la forêt pour éliminer le CO 2 et donc lutter contre l'effet de serre.

M. Jean Proriol.

C'est vrai !

M. Pierre Ducout.

A certaines époques, on disait que couper du bois revenait à détruire la forêt.

Autre point : la recherche.

Ayant permis le rapprochement de chercheurs de l'université dans le cadre de l'installation d'un laboratoire de rhéologie du bois avec des chercheurs de l'INRA, je crois que c'est là une voie à fortement encourager. Ces centres de recherche peuvent participer aussi à la mise au point des process, des normes, des conditions de certification.

La formation, cela a été dit, devra faire l'objet d'enrichissements du texte. Je ne m'y attarderai pas sauf pour souligner le rôle des collectivités locales, à la fois financièrement par le biais de la taxe départementale des espaces naturels sensibles et politiquement par l'établissement des schémas directeurs pour la création de forêts, voire de parcs péri-urbains.

En dernier point, je crois qu'il faudra, monsieur le ministre, quand les dégagements des chablis de la tempête auront été suffisamment avancés, faire un geste de solidarité nationale vis-à-vis des sylviculteurs - qui ne sont pas très nombreux - qui, disposant déjà de revenus très limités - je pense par exemple à des retraités agricoles - ont perdu, dans cette tornade, ce qui leur apportait, après des années de labeur, un petit complément de ressources.

Peut-être pourra-t-on même, bien que ce ne soit pas directement comparable avec l'agriculture, étudier le principe de création d'un fonds de calamité agricole.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre Ducout.

Nous venons de terminer en c ommission l'examen, avant la deuxième lecture à l'Assemblée, du projet de loi sur la chasse. Le rapporteur, par le biais de plusieurs amendements, a rappelé le rôle cynégétique de nos forêts. Pratiquant personnellement la chasse, le jogging, el VTT ou la randonnée équestre...

M. François Sauvadet.

Très bonnes occupations !

M. Pierre Ducout.

... je considère que l'implication de tous les acteurs de la filière bois autour d'une bonne loi d'orientation forestière doit préparer l'avenir des rôles économiques, environnementaux et sociaux de nos forêts.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à la fin de l'année dernière, quelques jours avant les événements que nous avons connus, un grand quotidien titrait : « La future loi sur la forêt tentera de concilier économie et écologie. » L'article qui suivait mettait déjà

l'accent sur la nécessité de trouver un équilibre entre les fonctions économiques et les fonctions environnementales. Il montrait l'accroissement vertigineux de certaines espèces par rapport à d'autres, en particulier du Douglas, plus rapidement rentable, mais dénonçait dans le même temps un appauvrissement de la faune et de la flore.

Constatant que 80 % du territoire appartenaient à des propriétaires privés, parmi lesquels, on trouvait de grands i nvestisseurs soucieux avant tout de rentabilité, il concluait en émettant des doutes sur la possibilité de rapprocher, dans un but de développement durable, économie et écologie. Rentabilité pour les uns, placement pour les autres ont souvent, il faut bien le dire, relégué au second plan la notion d'équilibre.

La tempête, avec les compétences qu'on lui connaît, a encore mis davantage en évidence la nécessité de définir une loi d'orientation qui ne perde jamais de vue ces équilibres nécessaires, et qui soit incitatrice, tout en fixant clairement certaines limites. C'est, je crois, l'ambition du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Ce texte répond à la nécessité nationale de moderniser la législation forestière, et, en même temps, il faut le dire, aux engagements internationaux en matière de gestion durable de la forêt, principe sur lequel je vais plus particulièrement insister, car il constitue, selon moi, le noyau dur du projet de loi d'orientation agricole. En effet, le texte qui nous est soumis fait de ce concept la base de la future politique forestière, dans la mesure où il donne à cette dernière un cadre global et cohérent, dans lequel les opérateurs peuvent inscrire leurs actions dans le long terme.

N'en déplaise à M. Lamy, le principe de gestion durable n'est pas né de notre imagination. Je me permets de lui rappeler que cette prise de conscience intervenue sur la scène internationale a donné lieu à de nombreux débats qui ont d'abord porté sur la notion de développement durable, puis sur le principe de gestion durable de la forêt. Les grandes lignes de ce principe ont été ébauchées en 1992 à Rio, puis ensuite en 1993 à Helsinki.

Nous ne sommes donc pas là pour nous gargariser de mots comme il l'a laissé entendre.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Michel Vergnier.

Cette même définition, qui est reprise à quelques mots près dans l'article 1er du projet de loi, stipule que la gestion durable des forêts est une gestion qui maintient leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et l eur capacité à satisfaire, actuellement et pour l'avenir, les fonctions économique, écologique et sociale pertinentes ce qui est important - aux niveaux local, national et international, sans causer de préjudices à d'autres écosystèmes.

Le rappel de cette définition dans la loi, s'il est nécessaire et symboliquement important, ne suffit pas. C'est le contenu même du texte qui est présenté par le Gouvernement qui témoigne de cette volonté politique d'orienter la politique forestière vers ce concept ambitieux que nous avons défini.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 6 JUIN 2000

Ainsi, ce contenu s'applique non seulement à définir les objectifs à long terme de la politique forestière, mais crée ou adapte - et c'est l'essentiel - des outils et le mode d'emploi de ces outils permettant la réalisation de ces objectifs.

Parmi ces objectifs figure la nécessité de prendre en compte les spécificités écologiques et les fonctions économiques et sociales de la forêt. Il s'agit donc d'orienter clairement la politique forestière vers la défense et la promotion de l'emploi ; et sur ce point, me semble-t-il, il y a beaucoup à faire.

Mon département, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, a une surface boisée largement supérieure à la moyenne nationale. En un siècle, celle-ci est passée de 9 % à 33 %. Or nous n'avons que dix agents forestiers et aucun poste d'ouvrier forestier. Le rapport de notre collègue Jean-Louis Bianco, dont tout le monde reconnaît l'excellence, ouvre des pistes dans ce sens et nous devons y travailler.

L'orientation proposée vise à améliorer la compétitivité de la filière bois, tout en favorisant le développement rural et la préservation de l'environnement, pour des raisons à la fois sociales et culturelles, mais surtout vitales à long terme à l'échelle de la planète.

La méthode retenue pour l'utilisation de ces outils privilégie la souplesse et la concertation, sans imposer d'approche uniforme. Les chartes de territoire forestier, clé de voûte de cette politique et garantie d'une gestion durable, conditionneront l'accès aux aides publiques et aux incitations fiscales.

En général, dans notre pays, on n'aime pas beaucoup les contraintes - nous l'avons encore entendu lors des questions au Gouvernement cet après-midi. On préfère toujours les voir appliquer aux autres plutôt qu'à soimême et, si des difficultés surgissent, rechercher les responsables ailleurs que chez soi. On en appelle le plus souvent à l'Etat pour réparer et compenser ce qu'on aurait sans doute pu éviter ou pour le moins largement réduire.

Je suis comme vous, monsieur le ministre, un ardent défenseur du partenariat bien compris et je fais confiance à la contractualisation. D'ailleurs, je retrouve un peu dans cette loi l'esprit qui a prévalu pour les contrats territoriaux d'exploitation, notamment les notions de proximité, d'engagement, de diversification et, bien entendu, les trois fonctions, économique, sociale et environnementale.

Entre les CTE et les CTF, il y a comme un air de famille...

M. François Sauvadet.

Là, ce n'est pas bon signe !

M. Michel Vergnier.

Cette fois encore, le but est de favoriser une politique de projet plutôt qu'une politique de guichet. Et nous retrouvons bien là les idées forces que vous cherchez à développer et que j'approuve totalement.

Monsieur le ministre, la loi est faite pour tous. Elle s'impose à tous. Mais je voudrais, pour conclure, insister sur la particularité des territoires - en disant cela, on pense toujours, bien entendu, un peu à ce qui se passe chez soi...

La Creuse compte 48 000 propriétaires qui possèdent moins de quatre hectares. Il est indispensable que les décrets d'application n'oublient pas tous ces petits propriétaires. On l'a dit, je l'approuve et j'y insiste. Il faut imposer des règles, cela va de soi, mais il est plus que nécessaire de bien prendre en compte les réalités locales : il y va de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Monsieur le ministre m'ayant fait savoir qu'il interviendrait demain, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 6 juin 2000, de M. Jacques Fleury un rapport, no 2455, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi de M. Jacques Fleury et plusieurs de ses collègues relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours (no 2374).

J'ai reçu, le 6 juin 2000, de M. Didier Mathus un rapport, no 2457, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (no 2456).

J'ai reçu, le 6 juin 2000, de M. Patrick Rimbert un rapport, no 2458, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

J'ai reçu, le 6 juin 2000, de M. François Patriat un rapport, no 2459, fait au nom de la commission de la production et des échanges en nouvelle lecture, sur le projet de loi, modifié par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la chasse (no 2427).

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 2 juin 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article L.

441-10 du code de la construction et de l'habitation, un rapport sur l'application du supplément de loyer de solidarité.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 5 juin 2000, de M. JeanLouis Bianco, un rapport d'information, no 2454, déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères sur la réforme des institutions de l'Union européenne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 6 JUIN 2000

5 DÉPOT DE PROJETS DE LOI

MODIFIÉS PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 2 juin 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat en nouvelle lecture, modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Ce projet de loi, no 2453, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 6 juin 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Ce projet de loi, no 2456, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 7 juin 2000, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt, no 2332 :

M. François Brottes, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2417).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 5 juin 2000 No E 1464 (annexe II). - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. Volume 8. - Section VII. - Comité des régions (COM [2000] 300 FR).