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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Quinquennat. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 5402).

Article unique (p. 5402)

MM. Jean-Pierre Brard, Hervé Morin, le président.

Rappel au règlement (p. 5404)

MM. Pascal Clément, le président.

M. Pascal Clément.

Suspension et reprise de la séance (p. 5404)

Rappels au règlement (p. 5404)

MM. Hervé Morin, le président, Robert Pandraud.

Reprise de la discussion (p. 5405)

MM. Noël Mamère, Pascal Clément, Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MarieThérèse Boisseau.

Rappels au règlement (p. 5409)

MM. Hervé Morin, Daniel Vaillant, ministre des relations a vec le Parlement ; Pascal Clément, le président,

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

MM. Hervé Morin, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 5410)

Amendements nos 14, 15, 9, 10 et 8 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le président, Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des lois ; le ministre, Jean-Louis Debré, Jacques Brunhes, Robert Pandraud. - Rejets.

Amendements nos 58 de M. Clément, 11 de M. Brard, amendements identiques nos 62 de Mme Boisseau et 95 de M. Wiltzer et amendement no 12 de M. Brard : MM. Pascal Clément, Jean-Pierre Brard, Mme MarieThérèse Boisseau, MM. Pierre-André Wiltzer, le rapporteur, le ministre ; Jean-Louis Debré. - Rejets.

Amendements nos 13 de M. Brard et 1 de M. de Charette : MM. Jean-Pierre Brard, Hervé de Charette, le rapporteur, le ministre, Christian Jacob, Noël Mamère, le président. Rejets.

Amendement no 3 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article unique.

Après l'article unique (p. 5420)

Amendements nos 81 de M. Mamère et 16 de M. Brard : M. Noël Mamère, Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le président, le ministre. - Rejets.

Amendement no 21 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 59 de M. Clément : MM. Pascal Clément, le rapporteur, le ministre, Jean-Louis Debré. - Rejet.

Amendement no 17 de M. Brard : M. Jean-Pierre Brard.

Amendements nos 22, 6 et 7 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre, Patrick Devedjian. Rejet des amendements nos 17, 22, 6 et 7.

Amendement no 2 de M. Sarre : MM. Georges Sarre, le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Warsmann, Jacques Brunhes. - Rejet.

Amendements identiques nos 5 de M. Brard, 40 de M. Brunhes et 76 de M. Mamère : MM. Jean-Pierre Brard, J acques Brunhes, Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 86 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 87 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 41 de M. Brunhes : MM. Jacques Brunhes, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 42 de M. Brunhes et 63 de M. Mamère : MM. Jacques Brunhes, Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejets.

Amendement no 64 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 85 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 19 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 65 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 66 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 43 de M. Brunhes : MM. Jacques Brunhes, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 44 de M. Brunhes : MM. Jacques Brunhes, le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Warsmann, Robert Pandraud, le président. - Rejet.

Amendement no 45 de M. Brunhes : MM. Jacques Brunhes, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 46 de M. Brunhes, 20 de M. Brard et amendements identiques nos 54 de M. Plagnol, 57 de M. Clément, 60 de Mme Boisseau, 89 de M. Morin et 91 de Mme Boutin : MM. Jacques Brunhes, Jean-Pierre Brard, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejets.

Amendement no 67 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, Bernard Roman, président de la commission des lois ; le ministre, Jacques Brunhes. - Rejet.

Amendement no 68 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 55 de M. Plagnol, 56 de M. Clément, 61 de Mme Boisseau, 88 de M. Morin et 92 de Mme Boutin : Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. le président de la commission, le rapporteur, le ministre, Pierre-André Wiltzer, Jean-Louis Debré. - Rejet.

Amendements identiques nos 47 de M. Brunhes et 69 de M. Mamère : MM. Jacques Brunhes, Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 70 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 71 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 72 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.


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Amendement no 73 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre, Jean-Louis Debré, Jacques Brunhes. - Rejet.

Amendements nos 48 de M. Brunhes, 74 de M. Mamère et 4 de M. Brard : MM. Jacques Brunhes, Noël Mamère, Jean-Pierre Brard, le président de la commission, le ministre. - Rejets.

Amendement no 49 de M. Brunhes : MM. Jacques Brunhes, l e président de la commission, le ministre, Noël Mamère. - Rejet.

Amendements identiques nos 18 de M. Brard et 50 de M. Brunhes et amendement no 75 de M. Mamère : MM. Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Noël Mamère, le président la commission, le ministre. - Rejets.

Amendement no 51 de M. Brunhes : MM. Jacques Brunhes, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 84 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 83 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 77 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 78 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 79 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 94 de M. Méhaignerie : Mme MarieThérèse Boisseau, MM. le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 52 de M. Birsinger et 80 de M. Mamère : MM. Jean-Claude Lefort, Noël Mamère, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Amendement no 53 de M. Lefort : MM. Jean-Claude Lefort, le président de la commission, le ministre.

- Rejet.

Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle à une prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 5447).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUINQUENNAT Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République (nos 2462, 2463).

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi constitutionnelle, dans le texte du Gouvernement.

L'amendement no 82 de M. Mamère, portant article additionnel avant l'article unique, n'est pas soutenu.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Le premier alinéa de l'article 6 de la Constitution est remplacé par la disposition suivante :

« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. »

Je constate que ni M. Mamère, ni M. Clément, ni

Mme Boisseau, inscrits sur l'article, ne sont présents.

La parole est donc à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, vous me semblez bien pressé ! Si c'était avant le repas, je comprendrais. (Sourires.)

M. le président.

Il est quinze heures trois, monsieur Brard !

M. Robert Pandraud.

L'heure, c'est l'heure !

M. Jean-Pierre Brard.

Je parlais du rythme, du débit que vous avez adoptés : ils me stressent !

M. le président.

Prenez votre temps, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard.

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la réunion de la commission des lois, jeudi dernier, a trahi le caractère caricatural et artificiel du débat sur la révision constitutionnelle, que l'on veut réduire à un pauvre simulacre de par la volonté du prince, ainsi d'ailleurs que l'a fort bien exprimé - et c'est de lui que je parle, évidemment - le Président de la République lors de l'interview qu'il a donnée sur une chaîne de télévision.

Cette façon de clore le débat, avant même qu'il ne soit véritablement ouvert, illustre la nocivité de la cohabitation qui suscite les manoeuvres politiciennes d'une droite désespérément à court de projet politique face au bilan de la gauche plurielle, dont personne ne peut contester, à commencer par les Français qui en témoignent lors des élections partielles et dans les sondages, le côté positif.

La caricature de débat dans laquelle nous sommes aujourd'hui enfermés constitue à l'évidence une régression spectaculaire du rôle du Parlement, sommé de se cantonner dans les limites d'une pâle chambre d'enregistrement.

La nature du quinquennat se trouve ainsi préfigurée devant une opinion publique consternée par cet épisode qui va à l'encontre des objectifs poursuivis depuis trois ans, dans une perspective de revalorisation du rôle du Parlement. Ainsi le Premier ministre n'utilise jamais l'article 49-3 de la Constitution. Dès lors, l'expérience ayant montré son inutilité si l'on a une pratique démocratique du pouvoir, pourquoi ne pas profiter de la révision de la Constitution pour le supprimer ? Je suis sûr d'exprimer là tout haut ce que beaucoup de petites voix intérieures ne font pas entendre ! Les dangers recelés par la Constitution de 1958 ne sont pourtant pas une surprise. Un analyste, fin connaisseur de notre vie politique, écrivait en 1964, parlant du Président de la Ve République : « C'est maintenant chose faite - c'était après le référendum de 1962 : lui seul désormais ordonne et ajuste le domaine suprême. Ses décisions ont force et valeur de lois. Le Parlement n'exerce sur elles aucun droit de regard. Leur légalité échappe à tout examen. Non content d'assumer un pouvoir exécutif aussi étendu que celui dont disposaient Louis-Napoléon et Philippe Pétain, il peut se substituer quand il le veut au pouvoir législatif [...] Le régime représentatif a vécu. Une dictature transmissible à l'héritier qu'élira le suffrage universel est née. »

Mes chers collègues, vous aurez reconnu l'auteur de ces lignes : François Mitterrand, dans Le Coup d'Etat permanent.

Il importe donc aujourd'hui de ne pas aggraver les travers de notre loi fondamentale, de faire preuve de courage politique et de ne pas capituler devant les contraintes inacceptables que l'on veut nous imposer. Ce courage nous commande de mener, sans concession, le débat au fond sur nos institutions et les évolutions qu'elles doivent connaître pour répondre aux aspirations démocratiques et citoyennes des Français.

Je proposerai donc une série d'amendements pour faire vivre un vrai débat, auquel le pays a droit, et affirmer ainsi la place et le rôle du Parlement face à la manifestation du présidentialisme monarchique à laquelle nous sommes directement confrontés.


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Avant de terminer mon propos, je précise - cela m'évitera de le répéter par la suite - que mes interventions sont faites en mon nom personnel, puisqu'il n'y a pas de mandat impératif, et non pas au nom du groupe auquel je suis apparenté. J'apporte cette précision pour répondre au voeu de mon collègue Jacques Brunhes et du président de ce groupe dont, personnellement, je regrette qu'il ne témoigne pas pour combattre une mauvaise proposition sur un sujet qui concerne les libertés de la même détermination que sur des sujets qui me semblent moins importants, comme la chasse.

M. Jacques Brunhes.

Je ne polémiquerai pas !

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président.

Mon cher collègue, nous n'en sommes pas encore à la discussion des amendements. Pour l'instant, j'appelle les orateurs dans l'ordre où ils sont inscrits sur l'article unique. J'en ai déjà appelé plusieurs qui n'étaient pas là et, pour l'instant, c'est M. Hervé Morin qui a la parole.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, j'étais inscrite aussi !

M. le président.

Madame Boisseau, pardonnez-moi : ce n'est pas un libre-service ! Je vous ai appelée, vous n'avez pas répondu présente.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, me donnerez-vous la parole après M. Morin ?

M. le président.

Non, vous n'étiez pas présent lorsque je vous ai appelé.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, on peut inverser l'ordre de passage, tout de même !

M. le président.

Monsieur Clément, j'ai appelé ceux qui devaient intervenir sur l'article unique, mais vous n'étiez pas là.

M. Pascal Clément.

C'est le seul moment où je pourrai parler !

M. le président.

Ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais je constate simplement que, si nous commençons à malmener notre règlement, les choses seront un peu difficiles. M. Morin a la parole. Laissez-le donc s'exprimer.

Vous avez la parole, monsieur Morin.

M. Hervé Morin.

Je voulais simplement expliquer ma position sur la réforme, car nous sommes plusieurs à n'avoir pas eu l'occasion de nous exprimer dans la discussion générale.

Réduire de sept à cinq ans le mandat présidentiel, c'est autre chose que de modifier le rythme d'adoubement d'un homme par le peuple : il s'agit d'une réforme majeure de l'équilibre institutionnel de notre République.

Dans la situation actuelle, l'élection législative doit se dérouler avant l'élection présidentielle : cela conduit à un reniement de l'esprit de la Ve République. En effet, l'élection d'un homme par le peuple ne peut en aucun cas être soumise à celle des 577 élus de circonscription que nous sommes. Il est donc évident que, si l'on veut perpétuer ce pacte de confiance, cet équilibre qui existe entre un homme et un peuple, il faut absolument que l'élection présidentielle ait lieu avant l'élection législative. Dans le cas contraire, on en viendrait à se demander s'il est nécessaire que le Président de la République soit toujours élu au suffrage universel direct. Ce mode d'élection, en effet, indique que le peuple accorde sa confiance à un homme pour suivre un dessein, un chemin et une politique que le peuple a acceptée.

Dans l'hypothèse où l'on en reviendrait à l'esprit de la Ve République - le Président de la République serait alors élu avant les députés -, nous risquons d'arriver à un régime où la personnalisation du pouvoir sera extrême.

En effet, le Parlement perdra une partie de sa fonction représentative et de sa légitimité, puisqu'il sera directement issu de l'élection présidentielle. Nous le savons tous, la fonction législative est aujourd'hui restreinte car limitée tant par l'Europe que par les collectivités locales ou les technocraties.

En revanche, une démocratie moderne est une démocratie où il y a un pouvoir exécutif fort, uni et donc sans cohabitation, mais sous le contrôle d'un Parlement ayant sa propre légitimité.

Par conséquent, si l'on veut une réforme institutionnelle complète, il faut, bien entendu, un Président de la République élu au suffrage universel, mais aussi un Parlement qui exécute sa fonction de contrôle.

A ce titre, nous estimons que la réforme institutionnelle doit d'abord prévoir la réduction du mandat - même si on peut se demander, puisque cinq ans serait plus moderne que sept, si quatre ans ne le serait pas plus que cinq ! D'ailleurs, si l'on demandait au Français : « Voulezvous supprimer l'Assemblée nationale ? », ils seraient sans doute aussi 75 % à estimer, compte tenu de l'image que le monde politique a dans l'opinion, que c'est une bonne réforme ! Et à ce pouvoir fort donné à un homme, et qui aura un fait majoritaire extrêmement important étant donné la concomitance des deux élections, nous pensons qu'il faut un contre-pouvoir, lequel ne saurait être qu'une assemblée nationale disposant d'un certain nombre de fonctions de contrôle.

En l'état actuel du texte, certains de mes collègues du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et moi-même nous voterons contre. Et nous exprimerons notre opinion durant la campagne référendaire pour dire à quel point cette réforme est incomplète et donne aux Français une impression de flou et d'ambiguïté.

M. le président.

Mes chers collègues, que les choses soient tout à fait claires dans l'esprit des uns et des autres : je n'ai pas l'intention, en tant que président de cette séance, de brider en quoi que ce soit le débat qui s'est ouvert. Chacun doit pouvoir s'exprimer aussi librement que possible, mais en respectant, évidemment, les dispositions réglementaires.

Mais je n'ai pas l'intention non plus de faire passer une sorte d'examen de rattrapage aux membres des groupes qui n'ont pas pu s'exprimer dans le cadre du temps de parole accordé à ces derniers dans la discussion générale, organisée en conférence des présidents, avec l'accord de l'ensemble des présidents de groupes.

Je rappelle, au cas où on l'aurait oublié, et je me réclame là de l'autorité de Philippe Séguin, qui ne sera pas contestée, j'imagine, du côté droit de cet hémicycle, que, pour garantir le bon ordonnancement des débats, et selon un principe appliqué avec rigueur et confirmé par notre bureau le 16 mars 1996, un orateur inscrit qui ne répond pas à l'appel de la présidence perd son droit à la parole.

Cela ne signifie pas qu'il le perd de manière définitive, heureusement !


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M. Pascal Clément.

C'est honteux !

M. le président.

Gardez-vous, monsieur Clément, d'observations de ce genre !

M. Pascal Clément.

Cela va être pire pour vous maintenant, croyez-le bien !

M. le président.

Ne jouez pas à ce petit jeu-là avec moi, monsieur Clément !

M. Pascal Clément.

Car vous ne musellerez pas les députés !

M. le président.

Vous ferez ce que vous voudrez. En tout cas, monsieur Clément, vous n'avez pas la parole !

M. Hervé Morin.

C'est honteux !

M. Pascal Clément.

C'est un affront ! Vous devriez avoir honte !

M. le président.

Monsieur Clément ! Rappel au règlement

M. Pascal Clément.

Je réclame la parole pour un rappel au règlement !

M. le président.

Eh bien ! Je vous la donne ! La parole est à M. Pascal Clément, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, vous êtes président de l'Assemblée nationale et, en tant que tel, nous vous respectons.

M. Jean-Louis Idiart.

On ne le dirait pas !

M. Pascal Clément.

Nous avons, nous, en tant que parlementaires, - c'est notre liberté, conférée par notre mandat -, le droit de parole dans cet hémicycle.

Vous vous êtes précipité sur un argument politicien, en laissant penser que nous pourrions ne pas être en accord avec notre groupe. Mais là n'est pas la question. La question est d'abord d'organisation des débats.

M. Mamère était absent. Nous sommes arrivés - je parle aussi pour Mme Boisseau si elle me permet de le faire, quitte, bien entendu, à s'exprimer à son tour - à trois heures trois, au moment précis où vous appeliez mon nom puis, immédiatement, celui du député de la majorité.

M. Jean-Louis Idiart.

Soyez comme nous : présents !

M. Pascal Clément.

J'ai pensé, parce que c'était le bon sens, que vous alliez inverser l'ordre des orateurs, ce que moi-même, pendant les cinq ans où je me suis trouvé à votre place, certes pas comme président mais comme vice-président, je me suis employé à faire systématiquement pour faciliter l'expression normale et régulière de la démocratie.

Alors, jouer avec le règlement sur un sujet aussi important que le quinquennat, sur lequel on ne saurait se plier aux oukases des groupes...

M. Jean-Louis Idiart.

Des oukases ? Nous sommes en démocratie !

M. Pascal Clément.

...parce qu'entrant en jeu des éléments de conviction profonde, je trouve que c'est honteux, je le répète, honteux ! Quand on est président de l'Assemblée nationale, on a pour première mission de faire en sorte que s'exerce l'expression démocratique.

M. le président.

Venez-en à votre rappel au règlement, car je n'ai nul besoin de vos leçons, je vous le dis très simplement et très calmement.

Quel est votre rappel au règlement ?

M. Pascal Clément.

Moi, je vous dis très calmement, par mon rappel au règlement, que j'estime que votre présidence est partiale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et que, compte tenu de l'importance du débat, nous empêcher de parler, au motif que nous sommes arrivés à trois heures trois, est inadmissible.

M. le président.

Je viens de vous rappeler les dispositions du bureau, monsieur Clément !

M. Pascal Clément.

C'est pourquoi je vous demande une suspension de séance d'une demi-heure.

Si vous vouliez gagner du temps, vous allez être déçu !

M. Jean-Louis Idiart.

Des menaces ?

M. Pascal Clément.

Cette attitude est ridicule, et témoigne d'un sectarisme qui me stupéfie !

M. le président.

Monsieur Clément, vous avez demandé une suspension de séance, elle va vous être accordée immédiatement. Je vous rappelle que sont prévues des séances cet après-midi, ce soir, demain matin, après-midi et soir, au cas où nous en aurions besoin pour terminer le débat.

M. Pascal Clément.

Vous avez cherché l'incident, vous l'avez !

M. Jean-Louis Idiart.

Ça suffit !

M. le président.

Vous appelez ça un incident !

M. Jean-Louis Idiart.

Quand on sait avec quel brio M. Clément a tenu le rôle de ministre des relations avec le Parlement !

M. le président.

Je vous accorde...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Rappel au règlement !

M. le président.

... une dizaine de minutes de suspension de séance... pour réunir votre groupe, bien évidemment.

M. Robert Pandraud.

Il y a une autre demande de rappel au règlement, monsieur le président ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Hervé Morin.

Je demande la parole, monsieur le président, pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Morin.

Je voudrais simplement, monsieur le président, prendre la défense de mes deux collègues.

Connaissant mieux que quiconque l'article 55 du règlement, vous savez qu'il est de tradition de ne pas appeler les orateurs inscrits sur un article lorsqu'ils ne sont pas là.


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Personnellement, je me suis inscrit en arrivant, c'est-àdire avant le début de la discussion de l'article. Mes deux collègues attendaient, je puis en témoigner, à l'arrière de l'hémicycle puisque M. Brard était en train de parler et que M. Mamère était également inscrit.

Déjà, cela ressemble à une caricature de débat, sur un sujet aussi fondamental que l'équilibre institutionnel de notre pays. Comme par hasard, ces deux collègues ont fait savoir à quel point cette réforme était pour eux essentielle et méritait un vrai débat parce qu'il ne s'agit pas uniquement de la réduction de sept à cinq ans du mandat présidentiel.

Monsieur le président, au nom du groupe UDF, je vous demande, s'il vous plaît, de bien vouloir leur donner la parole. Il vous arrive aussi d'être en retard.

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très rarement !

M. Hervé Morin.

Certes rarement, mais cela arrive de temps à autre.

Je vous demande de faire preuve de la même mansuétude à leur égard que celle que vous pouvez avoir pour vous-même, et de donner la parole à Pascal Clément et Marie-Thérèse Boisseau.

M. le président.

D'abord, monsieur Morin - prenons les choses avec le sourire -, la défense est en général réservée à d'autres enceintes que celle-ci.

En deuxième lieu, l'hémicycle, ce n'est pas l'arrière de l'hémicycle, c'est l'intérieur ! En troisième lieu, je comprends bien que, sur un sujet comme celui-là, dont je ne méconnais évidemment pas l'importance, il puisse y avoir des désaccords à l'intérieur d'un même groupe politique - c'est le droit de chacun mais je ne souhaite pas que l'on utilise les dispositions réglementaires pour une session de rattrapage, d'autant plus que la conférence des présidents - vous êtes un ancien fonctionnaire de cette maison, et vous en connaissez parfaitement le fonctionnement -...

M. Hervé Morin.

Moins bien que vous, monsieur le

président

!

M. le président.

... a fixé le cadre de l'intervention des différents orateurs des groupes dans la discussion générale. Ce serait, par conséquent, fausser la volonté de la conférence des présidents que de sortir de ce cadre.

Cela étant, nous n'allons pas épiloguer pendant trois heures sur un sujet de procédure. Vous conviendrez avec moi que l'essentiel est évidemment ailleurs, qu'il est dans l'expression libre - que je souhaite aussi libre que possible - de chacun des collègues qui sont ici dans l'hémicycle. Par conséquent, sans que cela puisse servir de précédent - car je rappelle que la décision du bureau de 1996 avait précisément prévu ce cas et interdit de donner la parole à ceux qui n'étaient pas présents dans l'hémicycle au moment où on les appelait -, puisque nous sommes à l'article 1er ,...

MM. Pascal Clément, Jean-Claude Lenoir et Hervé Morin.

Il n'y en a qu'un !

M. le président.

... et avec l'assurance, évidemment, que vous ne serez pas trop longs sur les amendements lorsqu'ils viendront en discussion, nous allons reprendre l'ordre de passage qui avait été prévu, de manière à ce que personne ne se sente lésé et que nous soyons dans une ambiance apaisée.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Bravo !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est un geste royal !

Mme Marie-Thérèse Boisseau et M. Hervé Morin.

Merci, monsieur le président !

M. Robert Pandraud.

Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Monsieur le président, c'est vrai qu'il y a peu de temps que vous êtes dans ce fauteuil. Je vais me permettre de vous donner un conseil.

M. le président.

Ça fait beaucoup cet après-midi ! J'aurai ma dose pour les vacances !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est le privilège de l'âge !

M. Robert Pandraud.

Quels qu'ils soient, tous les parlementaires, une fois élus, ne sont que parlementaires. Et il n'est pas d'usage de rappeler leur origine professionnelle, géographique ou autre. Vous avez cru devoir rappeler à M. Morin qu'il était fonctionnaire de cette assemblée. Je suis désolé, mais M. Morin, quel que soit son passé, quelles que soient ses origines, est comme nous tous député à part entière.

M. le président.

Alors ça, excusez-moi, mais M. Morin ne l'a pas pris mal ! Je lui ai dit, simplement pour lui rappeler...

M. Hervé Morin.

On me le rappelle un peu trop souvent !

M. le président.

C'est plutôt un honneur, monsieur Morin, ne considérez pas cela comme une faiblesse.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Roman, président de la commission. Ce n'est pas honteux !

M. le président.

Nous revenons à la discussion sur l'article.

La parole est à M. Noël Mamère, puisqu'il était le premier inscrit.

M. Jean-Louis Debré. Alors on repart à zéro ? M. Christian Jacob. On va pouvoir se réinscrire !

M. Jean-Louis Debré. On pourrait recommencer depuis ce matin.

M. le président.

Vous aurez l'impression du déjà entendu, mais que voulez-vous... Monsieur Mamère, vous avez la parole.

M. Noël Mamère. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole, même si le choix que vous avez fait ne correspond pas aux décisions prises par le bureau avant que vous ne siégiez au sommet de cette tribune.

M. Gérard Gouzes, rapporteur. Passez, passez ! M. Jean-Louis Idiart. Arrêtez de donner des leçons !

M. Jean-Louis Debré.

On peut vous laisser ! (Souriress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Chut !


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M. Jean-Louis Idiart.

C'est insupportable ! M. Noël Mamère. Si je vous insupporte, vous avez toujours la possibilité de prendre la tangente !

M. le président.

Bon, mes chers collègues, pouvez-vous avancer, s'il vous plaît ? Je veux bien accepter de prendre des coups de tous les côtés, mais il y a des limites au-delà desquelles je n'irai pas ! M. Bernard Roman, président de la commission. On peut mettre l'air climatisé ? M. Noël Mamère. Vous constaterez, monsieur le président, que je fais preuve d'un calme particulier, auquel vous n'étiez pas habitué jusqu'à présent. (« C'est bien vrai ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) C'est parce que je respecte l'institution que vous représentez (Sourires sur les mêmes bancs), en vous demandant d'avoir la gentillesse de respecter aussi ce que nous représentons, c'est-à-dire le peuple, tout comme vous. Merci, monsieur le président.

C'est justement parce que nos institutions ne sont pas réformées que je n'ai pas pu être ici à l'heure précise du début de la séance. Pour une raison très simple, et je vais essayer de l'expliquer brièvement. Parmi les moyens de modernisation de la vie politique française, les revendications des Verts incluent par l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le système majoritaire. J'aurai d'ailleurs l'occasion, en présentant des amendements au nom de mon groupe, de vous faire des propositions qui vont dans le sens du modèle que nous offre un autre grand pays européen, je veux parler du modèle allemand. Et il est clair que lorsque l'on est cinq députés, et quand plusieurs lois se succèdent, c'est beaucoup plus difficile d'assurer une présence dans l'hémicycle et de pouvoir se remplacer.

Cela illustre le fait que nous vivons une crise de la démocratie représentative. En effet, l'élection au scrutin majoritaire n'est pas le reflet de la diversité sociale de notre pays. Et si l'on regarde la composition de notre hémicycle, de droite à gauche ou de gauche à droite, comme vous le voudrez, on se rend bien compte que la représentation politique est en quelque sorte accaparée par certaines catégories socioprofessionnelles et que, de plus, tous les courants politiques ne sont pas représentés au sein de notre assemblée.

Certes, certains préfèrent voir des courants de pensée que nous combattons descendre dans la rue. Peut-être serait-il plus judicieux de débattre ici démocratiquement.

La régulation de nos différends par le débat vaut mieux que les oukases et les invectives dans la rue. C'est la raison pour laquelle l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le système majoritaire nous paraît un des éléments essentiels pour favoriser la représentation de la diversité sociale de notre pays.

Un autre aspect qui devrait nous permettre d'arriver à une meilleure représentation, c'est la réforme du statut de l'élu local. Nous savons tous, pour avoir quelques responsabilités au plan local, que notre pays ne veut pas payer le prix de la démocratie. De nombreux Français, qu'ils soient artisans, petits employés ou chefs d'entreprise, hésitent au dernier moment avant de s'engager dans la vie publique, alors que c'est une cause noble, parce que cela les fragiliserait dans leur travail. Nous savons parfaitement que notre pays, parce qu'il est le seul à avoir autant de communes - il y en a autant en France que dans tous les pays européens réunis -, ne veut pas payer le prix qu'il faut pour donner un certain nombre de garanties à ceux qui décident de consacrer par exemple six années à la cause publique, au bien public, dans une collectivité locale.

Ce n'est pas devant les femmes qui siègent dans ce parlement que je dirai combien le système majoritaire est injuste, non seulement du point de vue de la représentation de la diversité sociale, mais aussi vis-à-vis des femmes. Et il a fallu quelques combats, menés longtemps dans le silence, pour que les femmes commencent d'avoir leur place dans notre assemblée, une place qui, d'ailleurs, aujourd'hui ne correspond toujours absolument pas à ce qu'elles représentent, puisqu'elles constituent 52 % du corps électoral.

Mme Marie-Thérèse Boisseau. Cela n'a rien à voir ! Mme Véronique Neiertz. Merci, Noël ! C'est un peu tard, mais c'est gentil ! M. Noël Mamère. Ici même, il y a quelques semaines, la majorité plurielle a unanimement voté la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de présenter au nom des Verts concernant le vote des étrangers non communautaires aux élections municipales. Voilà un autre aspect de la réforme constitutionnelle et de la modernisation de la vie politique que nous devrions mettre en oeuvre, alors que ce dossier attend toujours dans les tiroirs du Gouvernement d'être présenté devant le Sénat afin d'avoir une existence politique. Et vous conviendrez avec moi, monsieur le président, qu'une démocratisation de la vie publique passe évidemment par le fait que l'on supprime cette discrimination que vivent durement un certain nombre de ceux qui résident dans notre pays bien souvent depuis trente ou quarante ans sans avoir le droit de s'exprimer.

M. le président.

Nous sommes revenus sur notre décision, mais votre temps de parole n'excède pas cinq minutes, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne sais pas combien de temps j'ai parlé.

M. le président.

Vous avez dépassé cinq minutes.

Donc, concluez ! M. Noël Mamère. Je voudrais donc dire que, pour les Verts, la réforme qui nous est proposée relève plus du gadget que d'une véritable volonté de réforme politique.

En effet, si le quinquennat est un pas vers la démocratisation de la vie politique française, il ne peut être proposé que dans le cadre d'une réforme plus globale. Je pense en particulier à la réforme du mode d'élection des sénateurs, je pense à l'introduction de la règle « un homme, un mandat ». Je pense aussi, et j'aurai l'occasion de le dire tout à l'heure, à une réforme importante visant à mieux respecter à la fois la diversité sociale et la diversité culturelle, à savoir la révision de l'article 2 de la Constitution, qui devrait reconnaître les langues minoritaires et régionales, comme nous le demande l'Union européenne.

M. René André. Qu'est-ce que les langues régionales ont à voir avec le débat ?

M. Noël Mamère.

Tout cela devrait conduire les Verts à ne pas voter cette proposition qui nous est faite sur le quinquennat. Mais évidemment, dans la mesure où il s'agit d'un pas - même si c'est un tout petit pas - vers la démocratisation de la vie politique française, nous voterons l'article unique qui nous est proposé.

Cela dit, n'ayant pas l'habitude de parler sous contrôle, et notamment pas sous le contrôle du chef de l'Etat - il est le chef de l'exécutif, et nous sommes ici dans une démo-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

cratie parlementaire -, nous ne suivrons par les consignes qui ont été données à la télévision par le Président d e la République et nous présenterons un certain nombre d'amendements qui montreront dans quel état d'esprit se trouvent les Verts et quelles sont les propositions qu'ils font pour améliorer la démocratie représentative et participative dans notre pays.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, au moment d'aborder l'article unique de ce projet de loi de réforme constitutionnelle, vous me permettrez de dire à mon tour, le plus rapidement possible, dans les cinq minutes qui me sont données, l'inquiétude qui m'habite.

Cette réforme est à mes yeux la plus importante depuis 1962. La France avait à l'époque décidé d'élire le Président de la République au suffrage universel, ce qui n'était pas une modification des pouvoirs du Président.

Seul son mode d'élection changeait. Mais les conséquences n'en ont pas moins été considérables quant aux pouvoirs du Président de la République, et ce alors même que l'article 20 restait inchangé, qui définit les pouvoirs du Premier ministre et non pas ceux du Président. Je considère que le quinquennat, et, pour reprendre une expression agréable à entendre, le « quinquennat sec » est une réforme de même nature. Apparemment, elle ne change rien aux pouvoirs du Président de la République, et pourtant ses conséquences seront fondamentales sur l'exercice de ce qui sera devenu un nouveau pouvoir présidentiel.

Autre observation préalable, je suis frappé par le fait que les tenants du quinquennat se répartissent en deux moitiés - probablement inégales, mais je n'ai pas fait le d écompte. Dans l'une, il y a le Président de la République, le Premier ministre ainsi qu'un certain nombre d'orateurs, qui nous expliquent qu'ils ne veulent, en tout et pour tout, que le quinquennat sec, sans aucune autre évolution constitutionnelle, du moins concernant les pouvoirs du Président de la République. L'autre moitié est non moins importante et fort présente, mais j'observerai en passant que même si vous nous faisiez remarquer à l'instant, monsieur le président, que les choses se passaient dans l'hémicycle, ses points de vue s'expriment plutôt en dehors de l'hémicycle. Il reste que ce sont les mêmes hommes ou les mêmes femmes. Ils disent que cette réforme est une excellente étape vers le régime présidentiel. Ils sont donc totalement convaincus qu'elle est un mouton à trois pattes, un petit monstre constitutionnel. Mais ils espèrent que, parce que nous aurons fait naître une dynamique, nous pourrons la corriger le plus vite possible.

Ils devraient s'aviser cependant que quand on veut toucher à la Constitution, le fait d'y toucher à nouveau peut prendre quelques années. Ainsi, il est très frappant de voir que la plupart de ceux qui sont pour le quinquennat sec évoquent - en dehors du côté absolument poétique de la référence au duc de Bordeaux - les constituants de 1958. Ils vous expliquent que le septennat n'avait en rien été défini par eux, comme je l'ai encore entendu dire ce matin. Alors, j'ai recherché ce qu'en a dit un homme que certains d'entre vous ne pourront pas contester et salueront avec amitié - en tout cas sa mémoire - je veux parler de M. Chandernagor, qui était le porte-parole du parti socialiste lors du débat de 1973. Dans son discours, il cite deux personnalités incontestables, et l'une encore plus que l'autre, à savoir le général de Gaulle et Georges Pompidou. Et vous allez voir combien les choses sont quelquefois un peu amusantes.

Pour ce qui est du général de Gaulle, il n'y a pas de surprise, il n'a jamais changé d'avis. Voilà ce qu'en disait André Chandernagor : « La durée même de son mandat paraissait une des conditions essentielles du bon exercice de sa fonction. Les propos qu'il tient à ce sujet sont nombreux, je n'en citerai qu'un, que le dernier, en date du 9 septembre 1968. » Après quoi M. Chandernagor

cite le général : « Dans notre République, c'est le chef de l'Etat qui répond de l'intérêt supérieur et permanent de la France, de la stabilité des institutions, de la continuité dans la conduite des affaires publiques. Sa fonction et son action sont donc à grande portée et dépassent la conjoncture. Aussi, est-il élu par le peuple pour sept ans. Aussi est-il rééligible. » Voilà pour le général.

Quant à Georges Pompidou, tout le monde convient aujourd'hui que c'est lui qui avait eu l'idée du quinquennat. Alors, c'est quand même assez intéressant de savoir ce qu'il disait le 9 juin 1969, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle, dans un entretien paru dans un journal qui s'appelait L'Aurore. Le journaliste Serge Groussard lui demande : « Vous étiez, assure-t-on, très partisan, monsieur Pompidou, de limiter la durée du m andat présidentiel à cinq ans. Avez-vous changé d'avis ? » M. Pompidou répond : « Je n'ai jamais énoncé pareille affirmation. Je ne crois pas raisonnable de réduire ainsi la durée du mandat du chef de l'Etat. Chez certains de ceux qui ont proposé cette modification de la Constitution, il y aurait... » - je vous laisse savourer le dernier

mot - « ... des arrières-pensées. »

Nous y sommes, monsieur le président. Dans cette affaire, on voudrait emballer la machine parlementaire et d'ailleurs, vous y avez contribué, pardonnez-moi de le rappeler, il y a encore un court instant. Je ne reviens pas sur la procédure, mon collègue Brunhes en a très bien parlé ce matin, par deux fois. « Surtout, Français, ne réfléchissez pas ! On ne change rien, on fait un quinquennat sec, cela ne changera rien du tout ! » Quelle profonde erreur, mais surtout quel profond mensonge au peuple !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est vous qui parlez du peuple !

M. Pascal Clément.

Je tiens à le dire, parce que je le pense profondément, le quinquennat sec ouvrira la voie à deux évolutions possibles. Soit il sera un quinquennat bancal, et alors nous connaîtrons la confusion des pouvoirs du Président et du Premier ministre, une incroyable implication du Président dans les affaires du quotidien, dans les affaires parlementaires, dans les affaires partisanes. Mais alors, selon le mot du général, qui s'occupera de l'essentiel ? Soit, c'est la deuxième évolution possible, et c'est bien celle que je crains, le quinquennat aboutira à un régime présidentiel : séparation totale des pouvoirs ; la loi de finances fabriquée par l'Assemblée après le discours sur l'état de l'Union, pour reprendre l'expression du Président des Etats-Unis, en espérant que la majorité soit unie - ce qui implique, soit dit en passant, le scrutin majoritaire à un tour, car il n'est pas possible de maintenir une coalition dans un système présidentiel. Vous auriez ainsi un changement radical du paysage constitutionnel.

Et on nous fait croire qu'en une petite demi-journée, nous allons simplement moderniser les institutions !

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Clément ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Pascal Clément.

Ce n'est pas une modernisation, monsieur le président, et j'en ai terminé, c'est une véritable révolution institutionnelle. Je veux bien que l'on fasse la politique de l'autruche, mais je vous fais ma modeste prophétie : pour couronner le tout, vous connaîtrez bientôt la cohabitation, mais cela risque d'être dans un sens opposé. Voilà le succès que l'Assemblée est en train de préparer.

Je pense, pour ma part, que c'est fort grave, que l'héritage le plus concret, le plus présent, et que j'espérais le plus pérenne, laissé par le général était les institutions.

On est en train de déboulonner la Constitution française.

Je le déplore pour ma part vivement. (Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Hervé Morin et M. Pierre-André Wiltzer applaudissent.)

M. le président.

Une petite précision, monsieur Clément : M. Chandernagor est, je vous rassure, toujours des nôtres.

M. Pascal Clément.

Je m'en excuse auprès de lui.

M. le président.

Il est en excellente santé.

M. Pascal Clément.

Je m'en réjouis.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voulais simplement vous prier de bien vouloir m'excuser. Je dois me rendre au Sénat pour la discussion de la proposition de la loi de M. Fauchon concernant les délits non intentionnels, et je remercie Daniel Vaillant de bien vouloir représenter le Gouvernement pendant mon absence.

M. le président.

Merci, madame la garde des sceaux.

M. Pascal Clément.

La précipitation continue ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Sous le gouvernement Balladur, on a souvent vu le ministre des relations avec le Parlement représenter le Gouvernement. Il était là plus que de coutume !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, je vous remercie tout particulièrement aujourd'hui de me donner la parole, dans le contexte qui est celui de cette discussion.

Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, les institutions de la Ve République sont ce qu'elles sont. Elles ne sont pas parfaites. Quelles institutions le sont ? Mais elles ont fait leurs preuves depuis quarante-deux ans et ont permis à la société française d'affronter et de dépasser bien des crises, dont certaines majeures ! Et puis, au risque d'être provocatrice, je dirai qu'elles ne sont pas essentielles, car il n'est de valeur que d'hommes et de femmes. Et la loi à ce sujet est, hélas ou heureusement, totalement impuissante.

Allons-nous, mes chers collègues, céder encore une fois au mal français qui consiste, contrairement à nos voisins européens, à changer sans arrêt les règles du jeu ? Depuis plus de deux siècles, nous détenons le record absolu des réformes constitutionnelles et, depuis 1958, nous avons pratiqué quatorze révisions de l'actuelle Constitution.

Faut-il en voter une quinzième ? Peut-être, mais à coup sûr pas dans les conditions que vous nous proposez.

Les responsables politiques s'honorent en posant les bonnes questions et en toute honnêteté, sans ambiguïté.

Je dirai même plus, ils se doivent de le faire, tout particulièrement quand ils envisagent de demander au peuple français de répondre par référendum.

Tout le monde s'accorde à penser, et quelques-uns le disent, que l'adoption du quinquennat n'est pas une réforme anodine et qu'elle va perturber profondément l'équilibre des pouvoirs.

Alors, septennat ou quinquennat ? La question est mal posée. La vraie question que nous devons poser aux Français est celle consistant à savoir s'ils veulent changer les institutions de leur pays.

On nous répète, faisant allusion à un sondage IFOP des 11 et 12 mai dernier, que 75 % des Français sont favorables au quinquennat. Soit ! Mais, au passage, on oublie de dire que, selon un autre sondage IFOP des 25 et 26 mai, la réforme du quinquennat n'est prioritaire que pour 4 % de nos concitoyens, tandis que 50 % d'entre eux pensent qu'il est plus urgent de réformer les impôts et 44 % de lutter contre la précarité de l'emploi.

Mais ces 75 % de Français ont-ils réalisé que cette réforme entraînera un bouleversement de nos institutions ? Et veulent-ils vraiment changer de République ? Je n'en suis pas sûre. Mais si tel était le cas, ils seraient en droit de savoir, avant de répondre, quelle République on leur prépare, afin de ne pas donner un chèque en blanc.

En vérité, personne ne sait vraiment quelles seront les suites constitutionnelles du quinquennat, mais tout le monde s'accorde à penser, sinon à dire, que ce n'est pas une réforme anodine.

Le quinquennat sec est un choix hasardeux, opéré en aveugle, une aventure institutionnelle dans laquelle nous n'avons pas le droit de lancer notre pays.

Si réforme il doit y avoir, elle doit être globale.

Pour prévenir le risque de cohabitation, il ne suffit pas de réduire la durée du mandat du Président de la République et la rendre identique à celle de la législature.

Encore faut-il que l'élection présidentielle coïncide avec celle des députés et que le Président n'ait plus la possibilité de dissoudre l'Assemblée nationale. A moins qu'une élection présidentielle entraîne automatiquement une dissolution et l'élection d'une nouvelle chambre des députés.

Toutes ces dispositions doivent être inscrites simultanément dans la Constitution.

Par ailleurs, pour essayer de rétablir tant bien que mal un équilibre des pouvoirs profondément perturbé par le quinquennat, la réforme doit inclure obligatoirement un renforcement des pouvoirs budgétaires et de contrôle du Parlement. Cela implique notamment une réforme de l'ordonnance de 1959, un droit de tirage de l'opposition pour la création de commissions d'enquête ou encore la suppression d'une partie de l'arsenal de la rationalisation parlementaire, comme les articles 40 et 44, alinéa 3.

Une telle réforme devra aussi clarifier les règles de la décentralisation, pour conforter les initiatives des régions, et inscrire dans la Constitution le droit à l'expérimentation pour les élus locaux, droit défendu par le Président de la République dans son discours de Rennes.

Il est évident que ces réformes - et bien d'autres - qui devront accompagner le quinquennat ne peuvent se faire dans l'urgence, sur un coin de table, en moins de deux mois ! Hier c'était jamais ; aujourd'hui, c'est tout de suite et tel quel ! Nos concitoyens ont du mal à suivre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Certes ils ont compris qu'il s'agissait d'une question d'opportunité pour nos leaders politiques. Mais au-delà de l'intérêt personnel de quelques-uns, où est l'intérêt général ? Où est l'intérêt, pour notre pays, d'un quinquennat sec ? On nous parle de modernité, mais qu'est-ce que la modernité ? En quoi cinq ans sont-ils plus modernes que sept ans - pourquoi pas - ou trois ans ? Dans une société où le temps s'accélère, ne faut-il pas au contraire des repères fixes et des durées plus longues ? La modernité n'est-elle pas, d'ailleurs, plus qu'un temps...

M. le président.

Madame la députée, il faut conclure, s'il vous plaît !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je me dépêche, monsieur le président.

La modernité n'est-elle pas d'ailleurs, disais-je, plus qu'un temps, l'équilibre subtil entre les pouvoirs et les contre-pouvoirs, le contrôle de l'action du Gouvernement et de l'administration par les représentants de la nation, pour parvenir à un Etat plus transparent et plus efficace au service de tous ? De plus, est-ce le moment de toucher aux institutions de la France alors que nous sommes à la veille d'exercer la présidence européenne, dont on dit qu'elle est fondamentale pour l'évolution justement des institutions européennes ? Est-il sain, par ailleurs, que notre pays soit en campagne pendant si longtemps : référendum à l'automne, éléctions municipales, cantonales et sénatoriales en 2001, élections législatives et présidentielles en 2002 ! Pendant près de deux ans, l'immobilisme sera de mise. Aucun des grands problèmes de notre société ne sera abordé ni traité. Cela a déjà commencé avec l'abandon du projet de loi de modernisation sociale.

François Mitterrand déclarait pour expliquer le vote hostile des socialistes, des communistes et des radicaux en 1973 sur le projet de réforme constitutionnelle proposé par le Président Pompidou : « A quoi bon remanier la Constitution si c'est simplement pour desserrer un boulon.. »

M. le président.

Madame, permettez-moi de vous dire...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'ai fini, monsieur le

président

!

M. le président.

... que vous intervenez maintenant depuis sept minutes, alors que vous ne disposiez que de cinq minutes. Ma mansuétude a des limites et il ne faut pas en abuser.

Maintenant, je vous demande de conclure d'une phrase.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Aujourd'hui, le boulon, c'est le quinquennat sec. M. Mitterrand ajoutait que c'était un jeu inutile. Plus sévère, je dirai que ce jeu n'est pas inutile mais dangereux pour notre pays et, paraphrasant Milan Kundera, je parlerai de « l'insoutenable légèreté de cette réforme ».

Je vous remercie pour votre mansuétude, monsieur le

président

! Rappels au règlement

M. Hervé Morin.

Rappel au règlement !

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Morin.

Que la ministre chargée de la garde des sceaux de la Constitution, cet acte qui fait l'objet du contrat collectif qui unit l'ensemble des Français, puisse s'absenter durant un débat qui va déboucher sur une transformation profonde de l'équilibre institutionnel de la Ve République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) démontre à quel point on considère avec désinvolture cette réforme fondamentale. Je trouve ça profondément choquant,...

M. Pascal Clément.

Tout à fait !

M. Hervé Morin.

... même si le ministre des relations avec le Parlement, qui est chargé de la suppléer, est un homme de qualité.

Jamais dans toute l'histoire de la Ve République, un ministre ne s'est permis de traiter les parlementaires avec autant de désinvolture, alors qu'il s'agit d'une réforme qui, qu'on le veuille ou non, doit aboutir à un profond bouleversement de nos institutions.

T rès franchement, monsieur le président, là, on dépasse totalement les bornes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur le député, certes vous n'avez pas voté la réforme de 1995 - moi non plus d'ailleurs, puisque j'avais voté contre - qui a instauré la session unique...

M. Hervé Morin.

Cela n'a rien à voir !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cela n'a peut-être rien à voir, mais, aujourd'hui, le Sénat se réunit sur un ordre du jour réservé. Je tiens à vous rappeler que la Constitution prévoit deux chambres...

M. Hervé Morin.

Allez là-bas !

M. Pascal Clément.

C'est à la garde des sceaux d'être ici et non l'inverse !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Toujours est-il que la garde des sceaux a expliqué qu'elle devait se rendre au Sénat pour participer à la discussion d'une proposition de loi déposée par vos amis de la majorité sénatoriale.

Pour ma part, je crois être parfaitement digne...

M. Hervé Morin.

Bien entendu ! Mais pourquoi Mme Guigou porte-t-elle le titre de garde des sceaux ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... de représenter le Gouvernement dans cette enceinte.

Cela dit, nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous, monsieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Hervé Morin.

En tout cas, l'attitude de la garde des sceaux est honteuse !

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Clément.

Monsieur le Président, je ferai un rappel au règlement identique.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Scandaleux !

M. Pascal Clément.

Monsieur le ministre, il ne s'agit pas de chicaner. Il s'agit de savoir si, oui ou non, nous sommes aujourd'hui saisis d'une réforme fondamentale...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Hervé Morin.

Constitutionnelle !

M. Pascal Clément.

... ou d'une simple loi.

S'agissant de la proposition de loi sénatoriale, jusqu'à preuve du contraire, c'est une simple loi.

En revanche, le texte que nous examinons est, comme l'a rappelé Hervé Morin, d'ordre constitutionnel. Or, que le ministre symboliquement chargé de la Constitution préfère une loi technique, certes importante, à une loi constitutionnelle, c'est-à-dire quelque peu sacrée, constitue un désordre que nous ne pouvons accepter.

Monsieur le ministre, nous vous demandons donc de bien vouloir aller au Sénat pour dire à Mme la garde des sceaux de revenir ici, c'est-à-dire à la place où elle devrait se trouver.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Hervé Morin.

Très bien !

Mme Hélène Mignon.

Non !

M. le président.

Mes chers collègues, le Gouvernement est un et il est représenté par l'ensemble des ministres.

Nous n'allons pas, là encore, passer un long moment sur un sujet qui a déjà été épuisé à différentes repris es.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président.

Pourquoi ? Pour faire un rappel au règlement ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Pour indiquer que je suis parfaitement d'accord avec ce que vient de dire

M. Clément et pour demander une suspension de séance.

M. Hervé Morin.

Jusqu'à ce que la garde des sceaux revienne !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je trouve inadmissible que, s'agissant d'une réforme d'une telle importance,

Mme la garde des sceaux ne soit pas présente.

M. Hervé Morin.

Que Mme la garde des sceaux revienne ou il n'y aura pas de débat !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Par conséquent, nous souhaitons une suspension de séance jusqu'à ce que

Mme la garde des sceaux soit de nouveau parmi nous.

M. le président.

Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas à vous d'en décider, d'autant, madame Boisseau, que vous n'avez pas de mandat de votre groupe vous permettant de demander une suspension de séance.

M. Hervé Morin.

Moi j'en ai un et je demande une suspension de séance.

M. le président.

En effet, vous avez un mandat, monsieur Morin. Vous avez la parole.

M. Hervé Morin.

Avec Pascal Clément, qui a un mandat pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, je demande une suspension de séance jusqu'à ce que la garde des sceaux revienne en personne pour défendre ce texte.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est un diktat !

M. le président.

Monsieur Morin, il ne vous appartient pas d'exiger la présence de tel ou tel ministre. Vous allez obtenir une suspension de séance puisqu'elle est de droit, mais n'en abusez pas, car cette faculté risque de se réduire considérablement au fil de l'après-midi.

La séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 14, 15, 9, 10 et 8, présentés par M. Brard, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela me paraît difficile !

M. le président.

Etant donné votre talent, je suis sûr que vous allez y parvenir.

L'amendement no 14 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 6. Le Président de la République est élu pour sept ans non renouvelables au suffrage indirect par un collège dont les membres sont élus à cet effet de la même manière que les électeurs sénatoriaux.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique. »

L'amendement no 15 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 6. Le Président de la République est élu pour sept ans au suffrage indirect par un collège dont les membres sont élus à cet effet de la même manière que les électeurs sénatoriaux.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique. »

L'amendement no 9 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« I. L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 6. Le Président de la République est élu pour sept ans, non renouvelables, par les parlementaires des deux assemblées.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique.

« II. Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots "le deuxième dimanche suivant" sont supprimés. »

L'amendement no 10 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« I. L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 6. Le Président de la République est élu pour sept ans, renouvelables une fois, par les parlementaires des deux assemblées.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique.

« II. Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots "le deuxième dimanche suivant" sont supprimés. »

L'amendement no 8 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« I. L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 6. Le Président de la République est élu pour sept ans par les parlementaires des deux assemblées.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique.

« II. Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots "le deuxième dimanche suivant" sont supprimés. »

Vous avez la parole, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

En 1981, François Mitterrand, alors candidat aux élections présidentielles, était favorable à un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une fois, ou un mandat de sept ans non renouvelable. Mais, en 1989, le quinquennat lui paraissait un peu passé de mode.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

En 1974, le président Giscard d'Estaing était favorable à un raccourcissement du mandat présidentiel. Or, en 1976, alors qu'il était Président de la République, la question ne lui paraissait plus d'actualité et, en 1981, il préférait le mandat de six ans à celui de cinq ans. Mais, très récemment - effet 2000 peut-être -, il a relancé le débat.

L'attitude du président Giscard d'Estaing montre que Montaigne avait tort lorsqu'il écrivait : « Bien souvent femme varie, bien fol qui s'y fie. »

Mme Véronique Neiertz.

Quoi ! Du sexisme dans cette assemblée ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Non, justement pas ! Je suis en train de souligner que, en matière de versatilité, la parité est déjà réalisée et donc que le président Giscard d'Estaing fait mentir notre bon Montaigne.

M. Hervé de Charette.

Vous vous emberlificotez, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Moi, monsieur de Charrette, je ne dispose pas du bocage vendéen pour m'y perdre ! (Rires.)

En 1981, le président du RPR - je parle sous le contrôle de M. Jean-Louis Debré qui est le gardien des tables de la loi en la matière ...

M. Jean-Louis Debré.

N'importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard.

... était favorable au septennat non renouvelable. Je crois qu'il s'appelait Jacques Chirac ! En 1986, il semblait préférer le quinquennat, même si celui-ci à son sens n'était plus d'actualité en 1995. Est-ce l'effet an 2000 ? Je vous le demande.

Le sujet est devenu d'une actualité si brûlante qu'il faut dans des délais extrêmement brefs, toutes affaires cessantes, saisir le Parlement pour, à l'automne, donner peut-être la parole au peuple, si, d'ici là, le palais de l'Elysée ne change, une fois encore, d'opinion. J'ai un peu de mal à m'y retrouver, même si Lionel Jospin semble, lui, avoir fait preuve de plus de constance sur ce sujet puisqu'il a toujours été favorable au quinquennat.

Soyons sérieux, n'y a-t-il pas des sujets plus urgents que le quinquennat ? Les Français nous le disent dans nos circonscriptions, ils attendent des réformes économiques et sociales essentielles.

On a quand même l'impression d'un gadget politicien, assez en phase avec la personnalisation à outrance du régime. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter l'amendement no

14.

M. le président.

Monsieur Brard, nous avons parlé des amendements nos 15, 10, 9 et 8 qui portent tous sur le même sujet ?

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, c'est plutôt vous qui avez parlé de ces cinq amendements.

(Sourires.) Moi, j'ai parlé de l'amendement no

14.

M. le président.

Ils peuvent faire l'objet d'une présentation commune, monsieur Brard, vous en conviendrez.

M. Jean-Pierre Brard.

Si vous le voulez.

M. le président.

Ce serait en effet préférable. Ils demandent tous la suppression de l'élection du Président de la République au suffrage universel. Nous n'allons pas recommencer cinq fois la même explication.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, je vous demande pardon, il ne s'agit pas de présenter cinq fois la même explication, mais de donner cinq explications complémentaires, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Mais pour vous être agréable, je serai bref.

M. le président.

Merci !

M. Jean-Pierre Brard.

Après Jacques Chirac et François Mitterrand, je citerai Anicet Le Pors.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Hervé de Charette.

Grand philosophe !

M. Jean-Pierre Brard.

Celui-ci considérait, et personne ne peut mettre en cause son sens de l'Etat, qu'on ne dénoncerait jamais assez pour la vie politique, pour la démocratie, le caractère intrinsèquement pervers - comme on dirait au Vatican ...

M. Hervé de Charette.

M. Brard est un spécialiste du Vatican, c'est bien connu.

M. Jean-Pierre Brard.

... de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

M. Brard demande la suppression de l'élection du Président de la République au suffrage universel. C'est une réforme audacieuse à laquelle les Françaises et les Français n'adhèrent pas du tout, j'en suis persuadé. Nous sommes en train de décider - et ce n'est pas un gadget - de donner aux Françaises et aux Français davantage d'occasions de s'exprimer. Ces amendements, qui nous ramènent bien au-delà de 1962, ne sont pas bons et la commission, au nom de la démocratie, les a rejetés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est défavorable à ces cinq amendements.

L'amendement no 14 prévoit l'élection pour sept ans du chef de l'Etat par un collège de grands électeurs. Par la durée du mandat maintenue à sept ans et en raison du mode de scrutin proposé, cet amendement détache l'élection du Président de la République de l'expression du suffrage universel alors que l'ambition du présent projet est de les rapprocher. Il ne s'agit ni de revenir sur la révision constitutionnelle de 1962 ni de bouleverser l'équilibre actuel de nos institutions.

Les autres amendements participent de la même idée.

L'amendement no 15 ne diffère de l'amendement no 14 que par le fait que le mandat du Président de la République est renouvelable. L'amendement no 9 précise que le Président de la République est élu par les parlementaires des deux assemblées pour un mandat non renouvelable. L'amendement no 10 propose quant à lui un mandat qui ne soit renouvelable qu'une fois. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement y est défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Je voudrais répondre à M. Brard sur l'ensemble des amendements.

Monsieur Brard, le parti auquel vous êtes rattaché...

M. Jean-Pierre Brard.

Je m'en suis détaché.

M. Jean-Louis Debré.

Détaché, rattaché, apparenté, on ne sait plus où vous êtes. (Sourires.)

Il n'empêche, vous avez toujours manifesté votre opposition aux institutions de la Ve République, vous êtes constant dans votre erreur. En 1958, avec le succès que l'on connaît, vous vous êtes opposé aux nouvelles institutions. En 1962, lorsqu'il s'est agi de donner la parole au peuple, de faire que le Président de la République ne soit plus l'élu d'un collège électoral spécial, vous avez refusé le suffrage universel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Monsieur Brard, je sais que le parti communiste n'évolue pas, ou évolue peu. Mais vous-même ne tirez aucun enseignement des erreurs de la IVe République. Vous préférez le régime des partis à un régime qui tire sa légitimité, ni des partis, ni des états-majors, mais du peuple.

Ce qui nous différencie, c'est le peuple : nous, nous respectons le peuple, tandis que vous, vous en avez peur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Tout à l'heure, mon ami JeanPierre Brard a indiqué, très honnêtement, qu'il défendait ses amendements à titre personnel. Il ne me paraît pas très honnête de faire, comme M. Debré à l'instant, un amalgame et une confusion entre les amendements du groupe et des amendements individuels.

M. Jean-Claude Lenoir.

Et que va voter le groupe communiste ?

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

La mauvaise foi de M. Debré fait son charme discret, chacun le sait ici. Lui qui faisait référence au parti communiste, il a réinventé le principe d e la cellule, puisque, du Rassemblement pour la R épublique, sont nés le Rassemblement pour la République et le Rassemblement pour la France, et ce n'est sans doute pas fini. Il est donc expert en politique politicienne.

M. Jean-Louis Debré.

Ça n'a rien à voir ! Vous préférez le parti unique.

M. le président.

Revenons aux amendements, si vous le voulez bien, messieurs.

M. Jean-Pierre Brard.

M. le rapporteur invoque la démocratie et M. Debré veut donner la parole au peuple.

En fait, nous sommes en train d'inventer la monarchie non héréditaire en donnant une durée égale au mandat du Président et au mandat des députés.

En faisant élire le Président de la République au suffrage universel, on donne en réalité l'illusion de la démocratie. Comme l'écrivait fort justement François Mitterrand dans Le Coup d'Etat permanent, dans ce régime pseudo-monarchique, le suffrage universel n'est appelé qu'à désigner l'héritier du trône, certainement pas à intervenir sur les grands choix du pays. Il est vrai que, en termes de démocratie, M. Debré n'est sûrement pas le mieux placé pour donner des conseils.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Louis Debré.

Ça alors !

M. René André.

C'est le défenseur du parti unique, le défenseur du goulag qui s'exprime !

M. Jean-Pierre Brard.

On va vous y envoyer ! (Sourires.)

M. le président.

Ce débat a du mal à démarrer dans des conditions sereines. C'est curieux. ( Sourires.)

La parole est à M. Robert Pandraud, qui pourra peutêtre rétablir le calme dans l'hémicycle.

M. Robert Pandraud.

Je ne tirerai pas sur M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je vous remercie, monsieur Pandraud ! Voilà un humaniste ! ( Sourires.)

M. Robert Pandraud.

Il a la fidélité de ses convictions.

Je sais bien que le Président de la République d'Algérie nous a conviés à des contritions permanentes. Je sais bien que nous sommes dans l'ère des repentances et des autocritiques.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est le jubilé !

M. Robert Pandraud.

Je suis cependant obligé de noter que la gauche semble avoir complètement oublié les campagnes très dures, diffamatoires qu'elle a menées en 1962 contre l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Mme Nicole Bricq.

Nous n'avons pas oublié !

M. Robert Pandraud.

Je sais gré à M. Brard de nous avoir rappelé ce qui avait été dit à l'époque, et ce qu'é tait le respect du suffrage universel dans les partis de gauche.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14.

M. Jean-Louis Debré.

Comment va voter le parti communiste ? (L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Louis Debré.

Lefort est pour ? Il va être exclu... ou détaché ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Monsieur Brunhes, vous souhaitez intervenir ?

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, comme vous appelez seulement les « pour » je ne vous ai pas entendu demander qui votait contre -, je suis contraint de faire une explication de vote : j'ai voté contre ces amendements.

M. le président.

Cela m'avait paru évidemment, monsieur Brunhes !

M. Jacques Brunhes.

Cela vous a peut-être paru évident, mais je tiens quand même à le dire.

Je vote contre, et je ne suis pas tout seul, les amendem ents personnels qu'a déposés M. Brard, ce qui témoigne, chacun l'aura compris, d'une modification de n otre réflexion sur l'élection du Président de la République au suffrage universel.

M. Jean-Louis Debré.

Ah ! le groupe communiste évolue !

M. Robert Pandraud.

C'est l'autocritique permanente !

M. René André.

C'est la repentance !

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 58, 11, 62, 95 et 12, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 58, présenté par M. Clément et M. Maurice Leroy, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, substituer aux mots : "cinq ans", les mots : "un mandat de sept ans non renouvelable". »

L'amendement no 11, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, substituer aux mots : "cinq ans", les mots : "sept ans non renouvelables". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Les amendements nos 62 et 95 sont identiques.

L'amendement no 62 est présenté par Mme Boisseau ; l'amendement no 95 est présenté par M. Wiltzer.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, substituer au nombre : "cinq", le nombre : "sept". »

L'amendement no 12, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, après les mots : "cinq ans", insérer les mots : "non renouvelables". »

La parole est à M. Pascal Clément, pour soutenir l'amendement no

58.

M. Pascal Clément.

A la suite des déclarations des uns et des autres, et particulièrement de la proposition de loi d'un de nos collègues proposant une modification de la constitution pour établir le quinquennat, je voudrais faire une proposition.

Il est des moments particuliers dans ce pays où tout s'agite, et celui qui souhaite rester fixe est alors taxé de conservatisme, voire d'être hermétique à tout changement. J'ai donc considéré opportun de faire un léger mouvement. Puisque le septennat, qui est né il y a cent vingt ans, dans une conjoncture rappelée très souvent depuis deux jours, n'avait aucune légitimité, il fallait donc en changer. Puisque les Français, les médias surtout eux - et les députés, ceux qui sont à la mode, dans le vent, ceux qui sont modernes, ne veulent plus de ce qui est, à nos yeux, l'idéal, à savoir un septennat renouvelable, puisque les gens veulent changer souvent de tête, je propose un septennat non renouvelable.

Le septennat non renouvelable présente deux intérêts majeurs : le mandat du Président n'a alors pas la même durée et il a une durée supérieure au mandat du député.

A mes yeux, et c'est un des points fondamentaux de mon opposition au quinquennat, on ne peut pas donner un mandat de même durée à deux fonctions différentes et on ne peut pas donner à la fonction la plus importante de l'Etat, une durée inférieure à celle du député. Nous pourrions prévoir six ans, sept ans, ou même plus, pourquoi pas ? Cet argument, je ne l'ai d'ailleurs pas inventé, je l'ai puisé dans un livre écrit par M. Valéry Giscard d'Estaing en 1983, Deux Français sur trois. Dans cet ouvrage, que j'ai lu avec attention, l'auteur soulignait le danger de donner au mandat du Président de la République la même durée qu'au mandat du député. A l'époque, parce que c'est un homme moderne, et je m'incline devant cette modernité, il avait proposé le sextennat.

M. Robert Pandraud.

Pourquoi pas huit ans ?

M. Pascal Clément.

De la même manière, j'aurais pu proposer, au lieu du septennat non renouvelable, le sextennat, qui, d'un point de vue philosophique, respecte la différence essentielle entre les deux mandats que je viens de rappeler.

En effet, à mes yeux, l'erreur principale que constitue le quinquennat vient de ce qu'il aura la même durée que le mandat du député, ce qui transforme le futur Président en un super-député, un homme qui non seulement ne sera pas au-dessus des partis mais qui, malheureusement, restera englué dans le quotidien et l'esprit partisan. D'une manière ou d'une autre, les conséquences de cette réforme seront mauvaises.

Le septennat non renouvelable présente l'intérêt de donner à son titulaire une vision à long terme, traditionnelle. Il ne faut jamais ironiser sur la durée. Je sais que la France souffre de la maladie du changement - nous sommes les champions des pays occidentaux en ce qui concerne les modifications constitutionnelles.

M. Jean-Louis Idiart.

Certains pays n'en ont pas ! Ils ne peuvent donc pas en changer !

M. Pascal Clément.

Mais, pour ma part, j'éprouve plutôt de l'admiration pour les pays que ne modifient pas trop leur Constitution. Pour être moderne, en France, il faut changer souvent.

Le septennat non renouvelable donne une hauteur de vue, un temps suffisant, et surtout empêche le titulaire d'être en campagne électorale. C'est important quand on est en charge de l'essentiel, quand on a la responsabilité de l'équilibre des pouvoirs, quand on incarne la France à l'étranger - et je suis de ceux qui croient encore au rôle, non seulement significatif mais même unique, de la France dans le monde.

Le septennat non renouvelable permet à son titulaire de prendre la dimension de la fonction, rare et unique, qu'il faut d'ailleurs occuper avec une infinie modestie, parce que pour un Français, rien n'est plus beau, rien n'est plus important que de représenter la France. Il lui permet également de ne pas être au quotidien mêlé aux affaires du Gouvernement. Le septennat non renouvelable pourrait être une alternative à présenter aux électeurs lors du référendum qui a été plus ou moins annoncé. On pourrait très bien imaginer une double question : première question, voulez-vous oui ou non le quinquennat, seconde question, voulez-vous oui ou non le septennat non renouvelable ? Un « non » à ces deux questions signifierait le maintien du système actuel. Si le Parlement avait le courage de présenter cette double question référendaire au peuple français, nous aurions peut-être la surprise de voir une majorité se dessiner en faveur du septennat non renouvelable, qui correspond, au fond, à ce qu'attendent les Français du Président de la République : qu'il soit un homme désintéressé, qui ne se consacre qu'à la France, pendant toute la durée de son mandat.

M. le président.

Monsieur Brard, pouvez-vous défendre les amendements nos 11 et 12 ?

M. Jean-Pierre Brard.

M. le président, je vous soupçonne d'avoir quelque relation familiale avec Stakhanov, parce que vous m'obligez à un rendement qui dépasse mes capacités. (Sourires.)

M. le président.

Pas du tout, monsieur Brard : votre amendemnt est exactement le même, à un mot près, que celui qui vient d'être présenté par M. Clément.

M. Jean-Pierre Brard.

Certes, mais c'est un mot qui change tout (Rires) , et vous imaginez que l'argumentation n'est pas nécessairement la même.

M. le président.

Bien sûr, d'autant que le mot dont je parle se trouve dans les titre du projet en ce qui concerne l'amendement de M. Clément, et en ce qui concerne votre amendement, dans le texte même du projet de loi, c e qui change fondamentalement les choses, j'en conviens. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Absolument. Vos propos sont très intéressants, monsieur le président, ils prouvent que tout tient à l'exégèse. (Sourires.

)

Il n'est guère besoin de s'apesantir sur cet amendement qui vise en effet à instituer un mandat présidentiel de sept ans non renouvelable. Puisque le Président de la République et le Premier ministre ont le sentiment que l es Français attendent une réforme constitutionnelle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

portant sur le mandat du Président, cette proposition me semble davantage de nature à contribuer au rééquilibrage des pouvoirs.

Elle présente en outre l'avantage de ne pas modifier substantiellement les mécanismes de nos institutions. Le septennat sec permettrait au Président de la République de se consacrer entièrement à ses tâches, sans être distrait par des échéances électorales qui le poussent à lancer des idées un peu hasardeuses, comme celle du quinquennat sec. En effet, l'idée du quinquennat sec a été lancée, et M. Debré pourra certainement le confirmer, non par M. Giscard d'Estaing mais par l'Elysée. M. Debré galéjait tout à l'heure sur l'évolution de certaines personnes, parlant de mes amis et camarades qui sont sur ces bancs.

Sans doute veut-il faire oublier qu'il évolue à la vitesse du vent ? Il n'y a pas si longtemps, en effet, M. Debré était pour le septennat. Maintenant que le généralissime lui a demandé d'appuyer le quinquennat, il se bat pour le quinquennat ! En tout cas, on peut le penser si nous en croyons l'adage « qui ne dit mot consent ».

Quant à mon amendement no 12, il peut être considéré comme un amendement de repli par rapport à l'amendement no 11. J'espère que l'un d'entre eux sera adopté.

Les sujets d'importance qui sont en discussion, qu'il s'agisse de la place du Parlement dans les institutions, de la séparation des pouvoirs ou de l'articulation des institutions françaises et des institutions européennes, méritent débat. Mais il semblerait qu'il nous soit interdit d'en discuter puisque, si j'en crois l'interview à laquelle j'ai tout à l'heure fait référence, le Président de la République, violant notre Constitution, aussi bien dans sa lettre que dans son esprit, a annoncé que nous ne pourrions amender le texte et que, si nous l'amendions, le processus serait arrêté.

Reste le débat sur les institutions. Mais j'avoue que je suis de plus en plus sceptique et que je me sens de plus en plus proche de Saint Thomas.

M. Christian Jacob.

Conversion tardive ! (Sourires.)

M. Didier Quentin.

Thomas l'imposteur ! (Nouveaux sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour présenter l'amendement no

62.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Après avoir dit « non » tout à l'heure en m'exprimant sur l'article, je dis, par cet amendement, « non » au texte qui nous est soumis avant de dire « non » la semaine prochaine, lors du vote sur la réforme qui nous est proposée.

Je ferai d'abord part à l'Assemblée d'une petite anecdote.

Discutant avec des élus bretons du contrat de plan, on m'a expliqué qu'il fallait que le contrat de plan devrait passer de cinq à sept ans parce qu'il fallait prendre du recul, parce qu'il fallait adopter une stratégie à long terme, parce que c'était mieux pour les régions. Et voilà que, parallèlement, on voudrait ramener la durée du mandat du Président de la République de sept à cinq ans.

On a parlé de cohérence. En la matière, elle ne me semble pas évidente.

Dans la symbolique des pouvoirs, plus longue est la durée d'une charge et plus assurée, me semble-t-il, est la position de celui qui l'occupe...

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Et pourquoi ne pas élire le Président à vie ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... et les choix sont faits de plus haut et pour plus loin.

Mais nous sommes à l'ère du zapping. Plus vite défilent les images et plus vite s'étiolent les chefs politiques et les responsabilités.

Rabaisser sans autre forme de procès, par le symbole fort de la durée d'une mission, le Président de la République au niveau d'une sorte de super-député dont la circonscription serait toute la France n'augmente, me semble-t-il, ni son poids, ni son autorité et encore moins sa force d'arbitrage. Notre société tout entière risque d'en pâtir. C'est pourquoi je demande que l'on revienne au septennat.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-André Wiltzer, pour défendre l'amendement no

95.

M. Pierre-André Wiltzer.

J'aurais pu déposer un simple amendement de suppression de l'article unique du projet de loi, mais j'ai préféré une autre formule qui, partant du texte qui nous est proposé, consiste à proposer de porter de cinq à sept ans la durée du mandat présidentiel. Je souhaite exprimer ainsi une conviction, celle qu'un mandat de sept ans, c'est-à-dire plus long que celui des députés, est plus cohérent avec la nature et le rôle de la fonct ion de Président de la République dans notre Constitution, et donc plus conforme à l'esprit de nos institutions.

Il ne s'agit pas là d'un attachement dogmatique au septennat. Tout le monde sait dans quelles circonstances historiques très particulières le septennat est entré dans nos moeurs républicaines, et Mme la garde des sceaux l'a encore rappelé hier.

Si l'on veut bien regarder ce qui se passe hors de la France - je sais bien que l'on a tendance à ne pas le faire -, on constatera que d'autres pays que le nôtre, qui ont une histoire différente de la nôtre, ont eux aussi choisi le septennat comme durée du mandat de leur Président de la République. Il en est ainsi de l'Italie et de l'Irlande.

Plus nombreux encore sont les pays qui, même s'ils n'ont pas retenu la durée de sept ans, ont donné à leur chef de l'Etat un mandat plus long que le mandat parlementaire. Après l'Italie et l'Irlande, que je viens d'évoquer, on peut citer l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la Grèce et le Portugal.

Autrement dit, la proposition qui nous est faite de modifier la Constitution dans le sens du quinquennat va nous faire entrer dans la catégorie minoritaire des pays qui ont aligné la durée des mandats présidentiels sur celle des mandats parlementaires.

Peut-on soutenir qu'il s'agit d'un simple hasard ? Evidemment non. Il existe un lien très fort - je le répète à mon tour - entre la durée du mandat présidentiel et la nature de la fonction présidentielle. Le débat précipité qui se déroule en ce moment sur la réduction du mandat présidentiel ignore délibérément cette question qui est pourtant la question centrale.

Si le général de Gaulle et les constituants de 1958 ont choisi de conserver la durée de sept ans pour le mandat présidentiel, ce n'est certainement pas par un réflexe de vénération pour la IIIe et la IVe République, car on connaît la sévérité de leur jugement à l'égard de ces deu x régimes. Mais c'est bien évidemment parce que cette durée correspondait à la répartition des rôles et des pouvoirs dans les nouvelles institutions.

M. Pascal Clément.

Très juste !

M. Pierre-André Wiltzer.

L'élection du Président au suffrage universel en 1962 n'a fait que confirmer cette répartition. On pourrait multiplier les citations - mais


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cela a déjà été fait - de déclarations du général d e Gaulle et d'autres Présidents de la République définissant très clairement la mission du Président par rapport à celle du Gouvernement, en référence directe à la durée de leur mandat.

Si des difficultés de fonctionnement ont surgi depuis 1986 dans nos institutions, notamment avec l'apparition du système ambigu de la cohabitation, la faute n'en revient certainement pas à la Constitution. Certes, elle n'est pas parfaite, mais il n'existe pas de Constitution parfaite. La faute en revient à l'application qui en a été faite : on a respecté la lettre, mais on n'a pas respecté l'esprit.

Je suis convaincu qu'il ne sert à rien de modifier constamment le texte de notre Constitution si l'on use en même temps toutes les ressources de notre imagination pour en tourner les dispositions.

J'en terminerai par une ultime observation.

Pour justifier le projet de loi, on a avancé, au cours du débat relativement court qui a précédé cette séance étrange de l'Assemblée nationale - je qualifierai même cette séance de surréaliste compte tenu de l'importance du sujet -, divers arguments. Le principal consistait à soutenir que la réforme allait mettre un terme ou du moins réduire beaucoup les inconvénients de la cohabitation. Curieusement, cet argument s'est évanoui assez vite et on ne l'entend plus guère. Il ne reste plus qu'un seul argument : le mandat de cinq ans serait plus moderne que le mandat de sept ans.

M. Jean-Luc Warsmann.

Oui : il est plus court ! (Sourires.)

M. Pierre-André Wiltzer.

D'abord, cela reste à démontrer. Ensuite, cela n'a pas grand-chose à voir avec le problème de fond qui est posé, celui de l'équilibre des pouvoirs et de l'efficacité des institutions de notre pays.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Assurément !

M. Pierre-André Wiltzer.

A mes yeux et aux yeux de plusieurs de mes collègues, cette réforme ne résoudra aucun des problèmes de fonctionnement de nos institutions. Elle introduira même quelques éléments de confusion et d'instabilité supplémentaires. En disant cela, nous prenons date.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Pierre-André Wiltzer.

Nous nous trouvons devant une réforme de circonstance, menée à un rythme accéléré, et dans une parfaite ambiguïté.

Nous sommes sans doute menacés de vivre désormais dans un état de transe électorale permanente (Exclamations sur divers bancs)...

M. Pascal Clément.

L'expression est de François Mitterrand !

M. Pierre-André Wiltzer.

... selon l'expression imagée qu'avait employée le Président Mitterrand le jour où on lui demandait ce qu'il pensait du quinquennat.

M. Pascal Clément.

Très juste !

M. Pierre-André Wiltzer.

Mais j'ai peu d'espoir que ce rappel conduise le Gouvernement à accepter mon amendement. J'ai en tout cas voulu, en ce moment important, marquer mon opposition convaincue à la réforme qui nous est présentée.

(Mme Marie-Thérèse Boisseau et M. Pascal Clément applaudissent.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur les cinq amendements en discussion.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La commission a rejeté tous ces amendements, à l'exception de celui de M. Wiltzer, qu'elle n'a pas examiné.

Les amendements rejetés l'ont été pour des raisons simples.

Tout d'abord, si nous les adoptions, nous pourrions interrompre immédiatement notre débat et nous en resterions par conséquent au septennat.

Ensuite, la non-reconduction du mandat ferait de la fonction du Président de la République, compte tenu des pouvoirs que la Constitution donne à celui-ci, notamment en son article 5, un bloc d'irresponsabilité totale, surtout si ce Président de la République n'organisait pas de référendum ni ne démissionnait après une dissolution ratée. Bref, ce Président-là serait encore plus irresponsable.

Monsieur Wiltzer, vous avez comparé notre Président de la République à ceux de l'Irlande et de l'Italie. Pardonnez-moi, mais les pouvoirs de ces Présidents n'ont rien à voir avec ceux du Président de la République française !

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La Ve République, c'est autre chose ! On peut comprendre que le Président italien ou le Président irlandais président, ou plutôt arbitrent pendant sept ans dans une situation de neutralité, au-dessus des nuages. Mais le Président de la République française a quant à lui des pouvoirs très forts. Par conséquent, il ne nous est pas possible de vous suivre.

D'autre part, à M. Pascal Clément, qui préconise le non-renouvellement, je poserai la question suivante : pourquoi alors ne pas étendre le non-renouvellement à tous les mandats ? Je n'oserai pas parler de la présidence du conseil général de la Loire (Sourires), mais je ferai remarquer que le même principe d'interdiction devrait en toute cohérence s'appliquer à l'ensemble des mandats, de celui de maire à celui de parlementaire, en passant par tous les autres mandats locaux et nationaux.

Enfin, mes chers collègues, ainsi que je l'ai rappelé à M. Brard, dans cette réforme, l'essentiel est de donner la parole au peuple. Nous sommes tout de même en l'an 2000...

M. Hervé de Charette.

Merci du renseignement !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Les Françaises et les Français veulent s'exprimer. Ils l'ont montré, ils le disent, et tous les sondages le prouvent. Cela signifie qu'en l'occurrence il faut laisser le peuple décider. Si le peuple a envie de vous réélire, libre à lui ! Et s'il n'en a pas envie, libre à lui également ! Le peuple a toujours raison.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les cinq amendements en discussion ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

On comprendra que le Gouvernement, qui a proposé un projet de loi en accord avec le Président de la République visant à ramener de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel sans prévoir de renouvellement ou de nonrenouvellement, ne peut être que contre cette série d'amendements. Ceux-ci sont contradictoires avec le texte même, aussi simple soit-il, du projet gouvernemental.

Avis défavorable, donc.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Jean-Louis Debré.

N'en déplaise à M. Brard, il appartient aux Français d'élire au suffrage universel direct leur Président de la République. Leur choix ne doit pas être limité.

Au nom de quel principe démocratique pourrait-on réduire la liberté de choix des Français ? Il faut faire confiance à nos concitoyens. Les Français sont souverains, et c'est justement au nom de cette souveraineté qu'il convient de s'opposer au mandat « non renouvelable ».

Répondant à M. Wiltzer, je rappellerai que, ainsi que cela a été affirmé par de nombreux orateurs ce matin, il n'existe pas de lien automatique entre la durée du mandat présidentiel et la nature du régime.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très juste !

M. Jean-Louis Debré.

J'en veux pour preuve que, de 1875 à 1914, et bien que le septennat ait été maint enu, nos institutions étaient plutôt parlementaires.

Après 1914 jusqu'en 1940, elles ont évolué vers un régime d'assemblée. De 1945 à 1958, elles ont été marquées du sceau du régime d'assemblée, de la confusion des pouvoirs. Avec le retour du général de Gaulle, on choisit le septennat parce qu'il s'agissait de faire élire le Président de la République par un collège électoral - ce n'était pas le suffrage universel -, par un collège électoral particulier, formé des parlementaires, et, au-delà, des conseillers généraux, des maires et des délégués des conseils municipaux. Il fallait à ce moment-là donner au Président de la République une assise différente.

Le régime de la Ve République a commencé à fonctionner de 1958 à 1962 sans phénomène majoritaire. On avait alors un véritable régime parlementaire.

Enfin, en 1962, après l'arrivée du phénomène majoritaire, on a vu évoluer les institutions de la Ve République vers un régime plutôt présidentiel.

Les constituants de 1958 avaient voulu une Constitution qui permette des lectures différentes, en fonction de la concordance ou de la non-concordance entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle. Mais

M. Wiltzer oublie une chose : le Président de la République, de par la Constitution, qu'il ne faut pas toucher sur ce point, a des pouvoirs propres contenus dans l'article 19. Cet article lui donne un rôle, une fonction qui dépassent le rôle et la fonction du Parlement.

Et la Constitution de 1958, ce sont aussi les dispositions du parlementarisme rationalisé qui ont fait que nos institutions sont originales.

Par conséquent, il ne faut pas revenir sur le mandat renouvelable. Il faut permettre au peuple de se prononcer aussi longtemps qu'il le veut pour un homme, quelle que soit sa personnalité. Il faut aussi faire en sorte qu'il n'y ait pas d'autres évolutions.

Respectons donc la Constitution ! Respectons les pouvoirs propres du Président de la République ! Respectons le parlementarisme rationalisé et ne faisons pas de lien entre la durée du mandat présidentiel et la nature du régime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

58. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par une seul vote les amendements nos 62 et 95.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 13 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 13, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, après les mots : "cinq ans", insérer les mots : "renouvelables une fois". »

L'amendement no 1, présenté par M. de Charette et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :

« Nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs de Président de la République. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no

13.

M. Yvan Jacob.

Cet amendement a déjà été défendu !

M. le président.

En effet...

M. Jean-Pierre Brard.

Pas autant qu'il aurait fallu. La preuve en est que, pour l'instant, je n'ai pas réussi à convaincre ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Debré.

Pas même vos amis, vos camarades !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce sont toujours ceux-là qui sont le plus difficile à convaincre. En ce qui vous concerne, la mission est désespérée. (Sourires.)

M. le président.

M. Debré en sait donc quelque chose... (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, M. Debré, comme tout nouveau converti, oublie sa foi ancienne et prêche avec un aveuglement qui, s'il est touchant, n'est pas rassurant.

M. Jean-Louis Debré.

Je ne suis en tout cas pas converti au parti communiste et je ne suis pas Saint Thomas !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est bien dommage pour vous, monsieur Debré ! Vous devriez aller toucher de temps en temps pour être sûr que vous n'êtes pas dans l'erreur.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Si l'on en revenait au débat, monsieur le président ?

M. Jean-Louis Debré.

La faucille et le marteau ont été remplacés par l'auréole !

M. Jean-Pierre Brard.

Nous sommes à l'ère des nouvelles technologies, monsieur Debré ! Sortez un peu de la pré-histoire ! (Sourires.)

M. le président.

Nous en sommes au mandat présidentiel renouvelable une fois ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Absolument, monsieur le président ! Je ne suis pas sûr que les arguments qui sont opposés à m es amendements soient toujours empreints d'une grande bonne foi, surtout quand on fait référence à son histoire, à son engagement politique, dans l'épaisseur du temps.

Beaucoup de choses qui ont été dites ne tiennent pas, et c'est ce qui justifie aussi cet amendement, qui vise à n'autoriser qu'un seul renouvellement. Il s'agit, chacun l'aura compris, d'un amendement de repli.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Monsieur Debré, vous nous dites qu'il faut laisser les Françaises et les Français décider, sinon la procédure ne serait pas démocratique. Mais en quoi est-ce ou non démocratique que de limiter l'accumulation des mandats dans le temps ?

M. Jean-Louis Debré.

Laissez les Français décider ! C'est cela, la démocratie !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous qui êtes un grand admirateur des Etats-Unis,...

M. Jean-Louis Debré.

Qu'en savez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard.

... diriez-vous que les Etats-Unis ne sont pas un pays démocratique...

M. Patrick Devedjian.

C'est vous qui prônez le système américain !

M. Jean-Pierre Brard.

... parce que le Président ne peut être candidat que deux fois ? Evidemment non ! Qu'est-ce qui compte dans une politique ? Est-ce l'homme ou la femme qui la soutient ou le projet qui la sous-tend ?

M. Pascal Clément.

Bonne question !

Mme Nicole Bricq.

Les deux comptent !

M. Jean-Pierre Brard.

Si l'on n'est pas dans un régime monarchique, c'est le projet qui compte, et non d'abord l'homme ou la femme qui le soutient.

M. Pascal Clément.

Très juste !

M. Jean-Pierre Brard.

A moins, monsieur Debré, que vous ne croyiez à l'existence d'hommes ou de femmes providentiels, l'esprit divin, veillant sans doute à ce que, dans chaque période historique, il n'y en ait qu'un ou qu'une qui soit capable d'assumer telle fonction. Moi, je suis sûr qu'il n'en est rien. Même au Rassemblement pour la République, vous avez pléthore : regardez à la mairie de Paris ! Alors, à l'échelle de la France tout entière, il est certain que vous auriez encore plus de candidats. Ma proposition va donc dans le sens d'un régime plus démocratique, quoi que vous en pensiez.

M. Arthur Dehaine.

Certainement pas !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je ne vois pas le rapport !

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charrette, pour soutenir l'amendement no

1.

M. Hervé de Charette.

Mon amendement porte le no 1, ce qui signifie que je suis le premier à avoir déposé un amendement, avec l'idée que le Parlement devait assumer, débarrassé de toute pression extérieure, la plénitude de ses fonctions.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'ennui, c'est que les premiers seront les derniers !

M. Hervé de Charette.

Mais avant d'en venir aux arguments que je souhaite faire valoir au nom du groupe UDF, je voudrais, monsieur le président, réagir à ce que vous disiez tout à l'heure. Vous sembliez vous plaindre que le débat ait du mal à démarrer. Si l'on peut en effet se plaindre, c'est en vérité que le débat, pour l'essentiel, soit escamoté.

Lorsque M. Giscard d'Estaing a proposé que soit enfin abordée la question de la réduction éventuelle de la durée du mandat présidentiel, on pouvait s'attendre à un débat, débat dans la société française et débat des partis politiques, le temps de la décision venant ensuite. Or nous avons assisté à une précipitation tous azimuts, qui s'est d'ailleurs confirmée ici même puisque, finalement, les principaux groupes de l'Assemblée ont décidé de ne pas déposer d'amendements. Moins, si j'ai bien compris, parce qu'ils n'avaient pas de nuance à apporter au texte que parce qu'ils souhaitaient que le débat aille le plus vite possible.

La procédure de révision constitutionnelle comprend, je le rappelle, deux étapes : une première étape parlementaire et une seconde étape plutôt présidentielle, soit référendaire, soit à nouveau parlementaire. Eh bien, cette première étape parlementaire, qui est, par définition, le lieu de l'expression des forces politiques françaises, a été gommée, escamotée. Et si nous sommes assez peu nombreux dans cette enceinte, c'est précisément parce que la plupart d'entre nous pensent - non sans raison, hélas, je le crains - que tout est réglé d'avance et que nos débats n'ont pour objet que de respecter les procédures convenues.

L'UDF, quoi qu'il en soit, a décidé de présenter deux amendements et je vais maintenant défendre le premier, qui vise à limiter à deux le nombre de mandats successifs pouvant être exercés par le Président de la République.

Nous sommes guidés, dans cette affaire, par deux idées simples.

D'abord, il est vrai que le quinquennat introduit une modification importante dans le système institutionnel français. Il faut probablement s'attendre - c'est d'ailleurs l'un des objectifs poursuivis et le calendrier de 2002 y contribuera - à ce que le Président de la République et l'Assemblée soient de la même couleur politique. Ce n'est pas mal en soi, bien au contraire, puisque nous vivons aujourd'hui tous les inconvénients de la cohabitation.

Mais, dès lors qu'un certain glissement présidentiel de nos institutions est possible et que, en toute hypothèse, leur nature est de donner au Président de la République des pouvoirs étendus - ce à quoi nombre d'entre nous, et moi le premier, souscrivons -, il est légitime de mettre en place des contrepoids. Autoriser un seul renouvellement du mandat présidentiel est une limitation qui répond à cet objectif. Nous sommes également nombreux à penser qu'il faudra, à l'avenir, prendre des mesures pour revaloriser la fonction parlementaire afin que l'équilibre des institutions leur permette d'assurer pleinement le fonctionnement de notre démocratie.

En demandant que le mandat présidentiel ne soit renouvelable qu'une fois, nous poursuivons également un autre objectif : il est hautement souhaitable que la démocratie française assure un renouvellement suffisamment rapide des élites dirigeantes.

Cela étant, mes chers collègues, des arguments ont été invoqués, non sans raison, pour démontrer que cette proposition n'était pas bonne. Mon excellent collègue JeanLouis Debré a dit, pour s'opposer à la limitation du renouvellement du mandat, qu'il fallait laisser la souveraineté du peuple s'exercer. J'avais déjà entendu cet argument, je ne me souviens plus où, mais récemment.

(Sourires.) Et c'est un argument qui a son poids : il faut laisser le peuple décider. Sans doute, monsieur Debré, mais cela ne dispense pas de fixer des règles. Si on s'en tenait à l'idée que le peuple souverain doit décider, il n'y aurait pratiquement pas de Constitution. Nous n'aurions pas adopté de règles visant à encourager la parité dans le système électoral. Nous n'aurions pas non plus, et depuis fort longtemps, de règles limitant le cumul des mandats.

Autrement dit, il n'est pas illégitime de présenter des dispositions ayant pour objet de régler le fonctionnement de la démocratie française.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Enfin, et j'en aurai fini, monsieur le président, le dernier argument invoqué est le risque de « contagion ».

Ceux qui emploient un tel mot pensent, on le sent bien, qu'il s'agit là d'une maladie dont il faudrait se mettre à l'abri : et si jamais la limitation du nombre des mandats venait à s'appliquer aux députés, aux sénateurs, aux maires, aux membres des instances régionales et départementales ?...

M. Patrick Devedjian.

Aux ministres : pas plus de deux fois !

M. Hervé de Charette.

Faut-il vraiment le redouter ? D'abord, pour tous ces mandats, ce n'est pas tout à fait la même chose. On n'accède pas au rang de Président de la République au même moment de sa vie politique qu'aux fonctions de maire d'une commune rurale.

Et puis, quand ce serait ? Je ne suis pas certain que nous devions décider à l'avance qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la question du nombre des mandats que nous pouvons exercer.

Mais j'en reviens au fond. Le groupe UDF attache de l'importance à cet amendement no 1, parce que dans la perspective de la réduction de la durée du mandat présidentiel, il apporte le contrepoids qui devrait assurer le bon fonctionnement de la démocratie française.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Chacun aura compris que la commission a rejeté l'amendement de M. de Charette et celui de M. Brard pour les raisons que j'ai déjà évoquées.

Votre amendement, monsieur de Charette, a beau porter le numéro 1, rang assurément méritoire, il reste malh eureusement qu'il n'a pas été défendu devant la commission. Si nous vous avions entendu, peut-être aurions-nous changé d'avis... Je le dis pour vous donner quelque espoir. Mais il se trouve que le représentant du groupe UDF a même indiqué qu'il s'agissait d'un amendement personnel.

Ne croyez pas pour autant que je cherche à esquiver vos arguments. Vous avez dit que le débat était un peu escamoté et le résultat presque acquis d'avance. Moi, j'ai un raisonnement simple : lorsqu'il y a un désaccord entre nous, il y a débat ; lorsqu'il y a consensus, ne fût-ce que sur le plus petit dénominateur commun, on peut considérer que le débat a eu lieu. Car l'idée du quinquennat ne remonte pas, tout le monde l'a dit, à l'intervention de M. Giscard d'Estaing. Elle remonte au moins à 1973, ce qui fait vingt-sept ans. Par conséquent, le débat a eu le temps de mûrir et on ne peut pas dire qu'il ait été escamoté, ni ici même ni à la commission. Au contraire, le moment de le trancher arrive à point.

En ce qui concerne le fait que certains groupes n'ont pas présenté d'amendements, là aussi, il faut être très clair. Cela ne veut pas dire que ces groupes - j'en suis certain, en tout cas, pour celui auquel j'appartiens n'aient pas quelques idées en réserve et n'aient pas fait, à l'occasion de tel congrès ou de telle convention, des propositions qui sont d'ailleurs publiques. Mais il faut avoir un certain sens des responsabilités. A trop charger la barque, on la ferait couler ! Dans ces conditions, il me semble préférable de s'en tenir à la position des gens respectables qui ont déjà évoqué ce problème : je pense au Comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par un homme éminent, le doyen Georges Vedel.

M. Pierre-André Wiltzer.

Les sages du comité n'ont pas retenu cette solution !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Non, monsieur Wiltzer, mais laissez-moi vous lire ce qu'ils écrivent à propos du renouvellement du mandat : « Une majorité des membres du comité a, au contraire, rejeté l'interdiction du renouvellement qu'elle a regardée comme très choquante dans son principe. C'est tout d'abord une atteinte au principe démocratique lui-même que de priver le peuple souverain du droit de choisir de renouveler le chef de l'Etat dans son mandat. Il est, par ailleurs, difficile à justifier que le titulaire du mandat soit, en toute hypothèse, dispensé de rendre compte à la fin de l'exercice de celui-ci. »

M. Hervé de Charette.

Ce qu'écrit un comité

« machin » ne doit pas être considéré comme la Bible !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Je citerai enfin une formule qui n'est pas dénuée de bon sens, puisqu'elle fait référence à l'histoire : « Le principe de la non-rééligibilité adopté par la Constituante puis par la IIe République a au demeurant eu dans l'histoire des résultats pour le moins négatifs. » Je sais bien que nous ne sommes pas en

1848 ni en 1851, heureusement, mais je crois, mes chers collègues, que tout a été dit à ce sujet.

Pour ces raisons, la commission a, bien entendu, rejeté les deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Ces amendements ont pour objet de limiter à deux le nombre des mandats successifs exercés par le même président de la République. Ils vont au-delà de la réforme constitutionnelle proposée aujourd'hui ; en réalité, ils remettent en cause son économie générale. Le Gouvernement, parce qu'il est attaché à l'aboutissement de cette étape de la modernisation de nos institutions, souhaite que ces amendements ne soient pas adoptés.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Plusieurs éléments m'ont surpris dans la défense de ces amendements.

Le premier est la crainte permanente de l'expression du peuple. J'en suis stupéfait, même si on l'a constatée à l'occasion de nombreux autres débats. Voilà des gens qui en appellent en permanence au peuple, mais dès qu'ilr isque de s'exprimer, ils sont comme paralysés, et s'écrient : « Bon sang, il faut vite l'encadrer ! » Aujourd'hui, c'est en lui interdisant de renouveler le mandat présidentiel.

Quant au renouvellement des élites, monsieur Brard, si vous y tenez tant, je suis surpris que vous continuiez à vous présenter aux élections. C'est la troisième fois, je crois.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'êtes pas là depuis assez longtemps pour le savoir !

M. Christian Jacob.

Et M. Giscard d'Estaing a été élu pour la première fois député en 1956. Je suis surpris que tous ces gens qui veulent à tout prix limiter le nombre des mandats ne s'imposent pas cette règle à eux-mêmes.

Vous-même faisiez référence à saint Thomas. Quel est cet évangile qui consiste à dire : « Faites ce que je dis, mais ne faites surtout pas ce que je fais » ?

M. Jean-Pierre Brard.

Cet évangile ? Vos références ne sont pas les bonnes !

M. le président.

Mes chers collègues, les évangiles n'ayant rien à voir avec le renouvellement du mandat présidentiel...

M. Patrick Devedjian.

Qui sait ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. le président.

... revenons à notre sujet.

Mme Nicole Bricq.

Exactement, nous sommes dans une enceinte laïque !

M. Christian Jacob.

Monsieur le président, je voulais simplement, au nom de mes collègues, manifester l'inquiétude que m'inspire une telle crainte de l'expression populaire chez les auteurs de ces amendements ; ils veulent à tout prix interdire le renouvellement d'un mandat, alors qu'eux-mêmes ont été candidats et réélus à plu sieurs reprises.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Je soutiens l'amendement présenté par M. de Charette. Vos arguments, monsieur Jacob, n'ont pas, loin s'en faut, la hauteur de vue dont il a su faire preuve.

M. Christian Jacob.

Vous êtes, on le sait, un grand démocrate !

M. Noël Mamère.

Et pour une raison très simple, c'est que vous faites un amalgame. Le Président de la République, dans la Constitution de la Ve République, est en effet devenu le pivot de la vie politique. Depuis 1962, on peut quasiment dire que l'élection au suffrage universel le « sanctuarise » et en fait le véritable chef de l'exécutif.

Mais nous sommes aujourd'hui en cohabitation, et c'est sans doute ce qui explique la timidité du Gouvernement sur la limitation des mandats du Président de la République. Sans doute, en d'autres temps et d'autres lieux, aurons-nous l'occasion, avec la majorité plurielle, de montrer que ce qui est aujourd'hui un dégât collatéral de la cohabitation peut être réparé.

Le Président de la République, en France, a un statut très particulier par rapport à celui qui lui est dévolu dans les autres pays européens. Or, même dans ces pays où il n'est pas le pivot de la vie politique, le nombre de ses mandats est limité. Ce n'est donc pas porter atteinte à la souveraineté du peuple que de vouloir déterminer, par la loi constitutionnelle, le nombre des mandats auquel peut accéder le Président français.

D'autant que notre vie politique est tout de même très marquée par le déséquilibre entre l'exécutif et le Parlement.

Mme Nicole Bricq.

Il n'est pas là, le déséquilibre !

M. Noël Mamère.

Nous avons inventé des mots qui traduisent bien cette forme de mépris et d'humiliation où l'on tient le Parlement. Ne parlons-nous pas de « niches » parlementaires pour désigner ces séances où l'initiative du Parlement est réduite à une matinée par mois pour examiner les propositions émanant de ses membres ? Si l'on veut vraiment réformer la vie politique française, il faut aussi revoir la capacité d'initiative du Parlement, pour désanctuariser la fonction de Président de la République et la désacraliser, pour rééquilibrer, dans l'esprit qui était celui de nos pères fondateurs, les pouvoirs du Président de la République et du Parlement.

La proposition de M. de Charette vise précisément à instaurer un peu plus d'équilibre entre l'exécutif et le législatif.

M. le président.

L'Assemblée est maintenant informée.

Un mot pour conclure, monsieur de Charette, et nous passerons au vote.

M. Hervé de Charette.

Vous avez ironisé, monsieur Gouzes, en disant qu'il s'agissait d'un amendement personnel.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Ce n'est pas moi qui l'ai dit !

M. Hervé de Charette.

Attendez ! Je vais vous donner des informations que vous n'avez peut-être pas et dont vous ferez certainement votre miel.

J'ai en effet pris l'initiative de déposer cet amendement. Mais ensuite, le groupe UDF en a débattu. Je suis donc en mesure, aujourd'hui, de vous informer que l'amendement no 1 a été adopté par le groupe au terme de ses délibérations, et c'est donc en son nom que je l'ai défendu.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Dont acte !

M. Hervé de Charette.

Cela dit, monsieur le président, j'ai scrupule à embarrasser l'Assemblée nationale, dont je sens la hâte à en terminer avec ce débat. Je veux donc bien renoncer à demander un scrutin public. J'en ai toujours l'envie profonde, mais je ne le fais pas car je vois bien que vous êtes tous pressés d'en finir.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas du tout ! Allez-y !

M. Hervé de Charette.

Ce débat ne semble pas vous passionner. Mais je veux au moins qu'il apparaisse clairement que l'UDF, d'un côté, et votre groupe, de l'autre, monsieur Mamère, soutiennent cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous avons tout notre temps, monsieur de Charette !

M. le président.

Mes chers collègues, je constate en effet que l'amendement no 1 est signé de M. de Charette et des membres du groupe UDF.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Dont acte !

M. Patrick Devedjian.

Le groupe n'apparaît pas sur les amendements qui nous ont été distribués.

M. le président.

C'est une mention manuscrite qui a été portée sur mon exemplaire, monsieur Devedjian, sans doute après la décision du groupe UDF, qui aura demandé cette régularisation.

M. Jean-Luc Warsmann.

Et nous n'avons pas eu connaissance de cette demande.

M. le président.

N'épiloguons pas, monsieur Warsmann. Les choses sont bien assez compliquées ! (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement no 3, ainsi rédigé :

« Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :

« L'âge limite au dépôt de la candidature est fixé à soixante-dix ans accomplis. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

J'estime important, à l'occasion de ce débat, de poser la question d'un éventuel âge limite pour être candidat à l'élection présidentielle. Il semble normal, en effet, qu'au-delà d'un âge que je qualifierai pudiquement d'avancé on ne puisse plus se présenter.

Ultérieurement, nous aurons à débattre d'un amendem ent similaire concernant les parlementaires. Pour ceux-ci, toutefois, je propose de retenir une limite d'âge inférieure, à savoir soixante-cinq ans, alors que, pour le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Président de la République, je suggère soixante-dix ans au moment du dépôt de la candidature. Nous avons trop vu, à l'étranger comme en France, de chefs d'Etat gravement malades, atteints y compris dans leur capacité de gouverner.

Mme Nicole Bricq.

On peut être malade à cinquante ans !

M. Jean-Pierre Brard.

Et puis, à partir d'un certain âge, la vie offre toute sorte de plaisirs et de centres d'intérêt.

M. Patrick Devedjian.

Même avant !

M. Jean-Pierre Brard.

Après tout, avoir consacré des décennies au service de la chose publique n'oblige pas à renoncer au droit de mieux profiter de la sphère privée.

Autant ne pas permettre à des personnes qui ne se rendent plus compte qu'elle existe de s'acharner à exercer un mandat public. On sait bien qu'avec le nombre des ans, on n'a plus forcément la vivacité d'esprit et la capacité de travail qui conviennent.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, estimant que les Français sont parfaitement capables de juger si un candidat est ou non trop vieux. Faisons-leur confiance.

Cela dit, je vous fais observer qu'avec une telle règle, jamais Rome n'aurait été sauvée par Cincinnatus ! Jamais Clemenceau ne serait devenu président du Conseil pendant la Grande Guerre !

M. Patrick Devedjian.

Et Brejnev ! Et Andropov ! Et Tchernenko ! (Rires.)

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Attention, monsieur Brard, la jeunesse est une maladie dont on guérit très vite. Cela vaut pour vous aussi !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Les arguments de M. Gouzes ne sont guère convaincants. Même au Vatican (Rires) qui est rarement à la pointe de la révolution et du progrès, on a limité l'âge, monsieur Gouzes.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Le pape est élu par un collège.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur.

De ce point de vue, vous sous-estimez la rapidité de la détérioration biologique.

M. le président.

Vous m'inquiétez, monsieur Brard.

Vous qui vous intéressez de près aux sectes, je trouve votre langage de plus en plus religieux. (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique.

(L'article unique est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 81 et 16, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 81, présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 11 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition de l'une ou l'autre des deux assemblées, publiées au Journal officiel , peut soumettre au référendum tout projet ou proposition de loi, après avoir fait l'objet de deux lectures dans chaque assemblée et dans la mesure où celui-ci ou celle-ci a d'ores et déjà été adopté par au moins une des deux assemblées. »

L'amendement no 16, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 11 de la Constitution, les mots "peut soumettre" sont remplacés par le mot "soumet". »

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement no

81.

M. Noël Mamère.

Cet amendement vise à renforcer le pouvoir d'initiative du Parlement.

Rien ne justifie de restreindre le champ du référendum, ni d'en réserver l'initiative au Président ou au Gouvernement. Avec cette nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 11, l'initiative en appartient concurremm ent au Gouvernement et aux deux assemblées conjointement ou séparément. C'est pourquoi il est proposé que tout projet ou proposition de loi puisse être soumis à référendum sur proposition du Gouvernement ou sur proposition de l'une ou l'autre des deux assemblées. La rédaction actuelle de l'article 11 réserve en effet l'initiative au Gouvernement ou aux deux assemblées conjointement, ce qui suppose que la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée soient identiques. Nous avons vu qu'il a été quelquefois difficile d'organiser des référendums à cause du blocage conservateur du Sénat.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il n'est pas du tout conservateur !

M. Noël Mamère.

Une telle rédaction permettra de soumettre plus fréquemment des textes politiques importants à référendum, ce qui est souhaitable si l'on veut associer davantage et plus directement les citoyens aux choix politiques. A cet égard, la position des Verts est de renforcer le pouvoir citoyen et la démocratie participative.

Néanmoins, pour éviter toute dérive plébiscitaire, le projet ou la proposition de loi doit d'abord recueillir une majorité dans l'une ou l'autre des deux assemblées, et donc y être débattu et amendé. L'Assemblée retrouverait tout son pouvoir d'initiative et les citoyens auraient l'occasion de donner leur point de vue sur la modification des institutions.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no

16.

M. Jean-Pierre Brard.

Dans la Constitution de 58, le référendum n'est pas obligatoire : le Président de la République a la faculté, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre un texte au référendum.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Jean-Pierre Brard.

De ce fait, celui-ci a souvent pris des allures de plébiscite. Il a d'ailleurs souvent été utilisé comme tel par le général de Gaulle. Cette personnalisa-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

tion à l'extrême n'est pas saine, les Français répondant en effet à celui qui pose la question plus qu'à la question elle-même.

Aussi, je propose de rendre le référendum obligatoire, dès lors que le Gouvernement ou les deux assemblées le proposent conjointement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Un peu plus de souplesse, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Enfin, on me permettra de regretter que le référendum soit envisagé pour le passage au quinquennat, par exemple, mais pas pour des sujets extrêmement importants comme les réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de référendum pour les privatisations ? Il s'agissait du patrimoine de la nation. Or il a été

« bazardé », si j'ose dire, en catimini.

M. Jean-Luc Warsmann.

Proposez-le ! Vous êtes dans la majorité.

M. Jean-Pierre Brard.

Gageons que des référendums sur de tels thèmes rencontreraient un intérêt populaire et provoqueraient un débat d'une autre envergure que celui d'aujourd'hui.

Si, d'aventure, un référendum est organisé sur le quinquennat, je serais curieux de savoir quel intérêt il suscitera et quel sera le taux de participation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La commission n'a pas examiné l'amendement no 81, et elle a rejeté l'amendement no 16. Les deux expriment une volonté d'étendre le champ du référendum à tous les types de projet de loi.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement est-il recevable ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Or, chacun sait que la loi du 4 août 1995 a déjà étendu les dispositions de l'article 11 de la Constitution.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'amendement est-il recevable ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Par conséquent, je suis défavorable à l'amendement no

81. Quant à l'amendement no 16, il priverait le Président de la République de tout pouvoir en matière de référendum. Ce serait une rupture profonde avec nos institutions.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement est-il recevable ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Je vous répondrai, mon cher collègue, qu'il s'éloigne du sujet dont nous devons traiter aujourd'hui.

M. Patrick Devedjian.

Singulièrement, en effet !

M. le président.

M. Warsmann pose une bonne question, celle de la recevabilité de ces amendements. A l'évidence, ils me paraissent en dehors du cadre fixé par le projet de loi constitutionnelle. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 98, alinéa 5, de notre règlement, la discussion sur la recevabilité donne lieu à un débat dans les mêmes conditions que la défense de l'amendement. Si nous nous engageons dans cette voie, je ne suis pas sûr que nous gagnions beaucoup de temps, monsieur Warsmann...

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous avons beaucoup de temps, monsieur le président !

M. le président.

... même s'il est toujours intéressant de laisser s'exprimer les auteurs sur leurs projets.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

L'amendement no 81 risque de banaliser le référendum et, en tout état de cause, est étranger à l'objet de la réforme proposée.

L'amendement no 16 propose d'insérer dans le projet de loi constitutionnelle un article additionnel tendant à supprimer le pouvoir de choix quant à l'opportunité dont dispose le Président de la République pour donner suite à une proposition de consultation référendaire émanant soit du Premier ministre, soit du Parlement. Ce débat est donc également étranger à l'objet de la réforme. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

81. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement, no 21, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Président de la République soumet au référendum tout texte portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, présenté par voie de pétition par 500 000 électeurs inscrits sur les listes électorales, au moins, cela après que le Conseil constitutionnel ait décidé la conformité dudit texte à la Constitution et aux engagements internationaux de la France. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Cet amendement a le même objet que le précédent.

Monsieur le président, un débat vient de s'instaurer pour savoir si ces amendements étaient en dehors du cadre. Peut-être le sont-ils. En tout cas, ils sont dans le sujet. Quel est, en effet, l'argument d'une partie de ceux qui soutiennent le projet de loi qui nous est soumis ? C'est « moderniser ». Moderniser, cela présente un gros inconvénient : personne ne sait ce que cela veut dire.

Ainsi, en Allemagne, un débat oppose les modernisateurs et les traditionnalistes.

M. Patrick Devedjian.

Comme au PC !

M. Jean-Pierre Brard.

Les traditionnalistes sont les tenants du progrès social, et les « modernes » utilisent le mot pour se renier discrètement.

Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de favoriser le développement démocratique dans notre pays. Il est important d'ouvrir aux Français la possibilité d'être consultés sur des projets de leur choix, qui ne résultent p as seulement du bon plaisir du Président de la République.

Peut-être les Français souhaiteraient-ils être consultés sur le non-cumul des mandats ? Peut-être souhaiteraientils être consultés sur la chasse ? Rappelez-vous, mes chers collègues, l'avant-dernière nuit dans cet hémicycle : si j'en crois ce que j'ai vu et si je mesure l'intérêt de ce projet à l'aune du nombre de députés présents, je peux affirmer sans me tromper que le projet sur la chasse était certainement beaucoup plus important pour l'avenir du pays que le quinquennat !...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Hélas !

M. Jean-Pierre Brard.

Les Français, de ce point de vue, ont plus de bon sens que ceux qui les représentent. On pourrait aussi imaginer la possibilité d'étendre le référendum au droit au travail ou à la préservation de notre système social.

Je vous propose donc, mes chers collègues, que les Français puissent enclencher le processus du référendum par voie de pétition signée par 500 000 électeurs inscrits sur les listes électorales. Evidemment - et je vois M. Debré qui m'approuve parce qu'il a deviné ce que je vais dire - après vérification des listes électorales. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Louis Debré.

A Aubagne !

M. Olivier de Chazeaux.

Vous êtes experts en la matière ! A La Seyne-sur-Mer par exemple !

M. Jean-Pierre Brard.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel vérifierait la conformité du texte soumis à référendum à la Constitution et aux engagements internationaux de la France.

Personne ne peut nier qu'il s'agirait d'un élargissement de la pratique démocratique dans notre pays. Cela existe du reste déjà chez nos voisins : en Suisse, avec les fameuses votations, ou en Italie, et personne ne s'en plaint.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Défavorable, car la France n'est pas la Suisse.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre des relations avec le Parlement Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément a présenté un amendement, no 59, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le taux de participation au référendum est inférieur à 50 % des électeurs inscrits, son résultat est annulé ».

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Lors de son intervention télévisée, le Président de la République a déclaré que le résultat du référendum n'aurait d'incidence ni sur le chef de l'Etat ni sur le Gouvernement.

J'ai plutôt souvenir qu'en 1969 le général de Gaulle s'était appliqué la règle inverse. Je ne dis pas qu'il avait raison, je constate l'évolution. D'ailleurs, pour vous donner mon point de vue personnel, je me sens assez proche de la déclaration du Président Chirac.

Cette évolution permettra d'interroger plus fréquemment les Français sur les problèmes d'organisation des pouvoirs publics. Nous avions, il y a quelques années, ouvert la voie en proposant d'étendre le droit référendaire aux grands problèmes économiques et sociaux. J'eusse aimé à l'époque, c'était l'objet de mon amendement, ouvrir le référendum aux problèmes de société : cela a été refusé au motif - et je résume la pensée de ceux qui s'y étaient opposés - que les problèmes de société sont trop graves pour être confiés à l'appréciation des Français.

Telle est l'hypocrisite institutionnelle dans laquelle nous vivons ! Tout m'amène à penser que ce référendum sera suivi par d'autres référendums puisque son résultat n'entraînera, dans son succès ou son échec, ni le chef de l'Etat ni le Gouvernement.

A partir du moment où le référendum sera banalisé, il faut tenir compte du fait qu'aucune condition de validité n'est prévue. S'agissant du référendum sur le quinquennat, vous connaissez l'hypothèse le plus fréquemment annoncée par ceux qui pensent pour l'ensemble du peuple - vous aurez reconnu, je n'en doute pas, les instituts de sondages. Les sondages prévoient en effet à la fois une faible participation et une grosse majorité en faveur du « oui ». Autrement dit, beaucoup de gens vont voter pour le quinquennat, mais plus nombreux encore sont ceux qui n'iront pas voter.

A ussi serions-nous peut-être inspirés d'aller voir l'exemple italien. Vous avez suivi comme moi l'actualité récente. Un référendum, comprenant une dizaine de questions, a été proposé au peuple italien. Or la participation fut tellement faible que, malgré l'adoption de la plupart des questions, le référendum n'a pas été validé.

Puisque le système référendaire va, si l'on interprète les déclarations du président Chirac, se développer dans notre pays, je propose que lorsque le taux de participation au référendum est inférieur à 50 % du nombre d'électeurs inscrits, son résultat soit annulé. Car si une réforme aussi importante que celle dont nous sommes en train de débattre à la sauvette était adoptée dans l'indifférence générale, avec une participation électorale passablement inférieure à 50 %, se poserait la question de sa légitimité.

Le référendum doit s'appuyer sur un minimum de participation électorale, à savoir au moins 50 % : tel est l'objet de mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel avis défavorable, car M. Clément ne m'a pas du tout convaincu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Pensezvous, monsieur le député, que le référendum sur la Nouvelle-Calédonie, où au demeurant la participation a été faible, n'a pas été utile pour la paix en NouvelleCalédonie ? Pensez-vous que le référendum de 1972 sur l'élargissement de l'Union européenne n'a pas été utile ? J'imagine que vous étiez plutôt pour, malgré la faible participation.

Le Gouvernement n'a pas été convaincu par vos arguments et est donc défavorable à votre amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Je voudrais dire à M. Clément, qui est très européen - et je l'en félicite (Sourires) -, que je ne l'ai pas entendu demander l'annulation du référendum de 1972, qui a permis l'entrée de la GrandeBretagne dans l'Union européenne...

M. Pascal Clément.

C'est parce que je n'y ai pas pensé !

M. Jean-Louis Debré.

Je sais bien que M. Clément pense beaucoup, mais pas très rapidement...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Mme Véronique Neiertz.

Eh bien, eh bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Voilà qui constitue un fait personnel !

M. Jean-Louis Debré.

... car entre 1972 et aujourd'hui, il n'a pas pensé à cette disposition.

M. le président.

Ne m'obligez pas, monsieur Debré, à vous rappeler à l'ordre pour avoir été désobligeant à l'encontre de votre collègue ! (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 12 de la Constitution est abrogé. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, à qui je demande de bien vouloir être bref.

M. Jean-Pierre Brard.

Permettez-moi de développer mon argumentation sur cet amendement. Je serai plus concis sur les amendements suivants qui portent sur le même sujet.

La révision constitutionnelle qui nous est soumise, si elle était adoptée en l'état, modifierait en profondeur les institutions. En effet, elle ne pourrait que conduire à une présidentialisation accrue, sans toutefois comporter les éléments essentiels des régimes présidentiels, au premier chef desquels un Parlement fort, placé sur un pied d'égalité avec l'exécutif.

Or la Constitution française contient diverses dispositions qui subordonnent le Parlement, dont le droit de dissolution. Ce droit évoque le bronze que l'on peut voir dans la salle située derrière vous, monsieur le président, et qui représente le marquis de Dreux-Brézé chargé par Louis XVI de renvoyer les députés.

Le problème aujourd'hui n'est pas tant que nous manquions de Mirabeau - sans doute y en a-t-il qui sommeillent sur ces bancs, fût-ce discrètement ; c'est surtout que nous n'avons pas la possibilité de faire ce que Mirabeau a fait à son époque ! Avec un mandat ramené à cinq ans et la maîtrise du droit de dissolution, la concomitance entre les élections présidentielles et les élections législatives pourra être assurée, garantissant au chef de l'Etat une assemblée obéissante - des béni-oui-oui, aurions-nous dit en d'autres temps, monsieur Pons !

M. Bernard Pons.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est vous qui êtes un bénioui-oui aujourd'hui !

M. Christian Jacob.

Ou plutôt un béni-non-non !

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur Warsmann, je ne l'ai jamais été, tandis que vous, vous l'êtes depuis le biberon !

M. le président.

Monsieur Warsmann, ne provoquez pas M. Brard.

M. Jean-Louis Debré.

D'abord, vous ne savez pas ce que M. Warsmann a bu au biberon ! (Rires.)

M. Olivier de Chazeaux.

Ce serait plutôt de la vodka que M. Brard a bu au biberon !

M. Jean-Pierre Brard.

Sans doute était-ce vous, monsieur Debré, qui prépariez le mélange. Mais vous pourrez nous expliquer cela ailleurs que dans l'hémicycle...

M. le président.

Si nous en revenions à l'article 12 de la Constitution, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard.

Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que vous soyez un modèle d'indocilité raisonnée, mariant l'esprit de liberté et l'esprit de responsabilité.

Vous, vous faites plutôt dans l'alignement, comme à Carnac ! Avec vous, on ne voit qu'une tête !

M. Jean-Louis Debré.

Et vous, vous faites dans le mauvais esprit !

M. Gérard Gouzes.

rapporteur Et si nous revenions au sujet ?

M. Jean-Pierre Brard.

Revenons en effet à notre sujet.

Avec un mandat à cinq ans et la concomitance des élections présidentielles et des élections législatives, c'est à une assemblée bien obéissante que nous risquons fort d'aboutir.

Comme l'indique le constitutionnaliste Georges Burdeau, la dissolution permet à l'exécutif de se débarrasser d'une assemblée qui le gêne.

Or une assemblée qui gêne peut aussi être un outil de contrôle démocratique. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement, qui tend précisément à supprimer le droit de dissolution.

Monsieur le rapporteur, je ne sais quel argument votre imagination fertile va trouver à m'opposer. Mais je suis sûr que si nous faisions une piqûre de sérum de vérité à tous ceux qui siègent aujourd'hui sur ces bancs, nous en trouverions beaucoup qui partageraient mon opinion, sans compter ceux qui, victimes de la dernière dissolution, fameuse et hasardeuse, ne sont plus là pour s'exprimer.

M. le président.

Monsieur Brard, puis-je considérer que vous avez également défendu vos amendements nos 22, 6 et 7 ?

M. Jean-Pierre Brard.

Oui, monsieur le président. Ce sont des amendements de repli.

M. le président.

L'amendement no 22 est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 12 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Président de la République peut, une fois par mandat, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. »

L'amendement no 6 est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 12 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le Président de la République ne peut pas prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale dans les deux premières années de l'élection de celle-ci." » L'amendement no 7 est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 12 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le Président de la République ne peut pas prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale dans la première année de son mandat." » Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Votre inquiétude, monsieur Brard, est significative. Vous-même paraissez avoir du mal à trouver votre argumentation solide : demander la suppression du suffrage universel pour l'élection du Président de la République et, dans l'amendement suivant, la suppression du droit de dissolution témoigne pour le moins de quelque confusion...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Christian Jacob.

Et on n'a pas encore tout vu !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il est vrai que tout cela n'est pas très démocratique !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Force est de remarquer que, petit à petit, tel le bateau du port, nous nous éloignons du sujet pour lequel nous sommes aujourd'hui réunis.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous avons toute la nuit !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Loin de moi l'envie d'escamoter le débat. Mais votre amendement conduirait à nous faire changer totalement de régime, pour arriver à un véritable régime présidentiel. Or, cela a été clairement indiqué, telle n'est pas la perspective tracée par cette révision, même si tout un chacun peut avoir sur le sujet des idées intéressantes.

Encore une fois, restons français. Les Américains ont leur régime, nous avons nos habitudes.

M. Christian Jacob.

C'est peut-être à un autre régime que pense M. Brard !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Le moment venu, il sera peut-être utile de mener une réflexion en profondeur, y compris sur le droit de dissolution. Mais, pour l'instant, la commission a rejeté les amendements nos 17, 22, 6 et 7, tout comme l'amendement no 2 de M. Sarre que nous examinerons tout à l'heure.

M. Jean-Luc Warsmann.

De toute façon, elle a rejeté tous les amendements !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Tous ces amendements ont pour but de supprimer la prérogative présidentielle en matière de dissolution. Contrairement à ce qu'affirme M. Brard, la réduction de la durée du mandat présidentiel n'affecte pas l'équilibre des pouvoirs institués. Il n'y a donc pas lieu d'aller au-delà de cette étape pour l'instant.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Navrant !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Contrairement à ce que M. Brard a l'air de considérer - ce qui témoignerait d'une perte de mémoire étonnante -, le droit de dissolution ne permet pas au Président de se débarrasser d'une assemblée qui ne lui convient pas.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La preuve ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian.

Nous en savons effectivement quelque chose !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Ne le dites pas en pleurant !

M. Patrick Devedjian.

Vos amendements conduiraient à l'évidence à nous faire changer de régime. Mais ils laissent aussi à penser que vous avez oublié ce qu'est notre peuple. A plusieurs reprises, sous des présidents de droite comme de gauche, notre pays a connu des manifestations d'au moins un million de personnes et des crises très graves menant à la paralysie, voire à des risques de guerre civile. Le droit de dissolution apparaît comme une soupape de sécurité qui maintient la paix civile en permettant de rendre la parole au peuple et de recourir à son arbitrage face à un risque de conflit ou de blocage des institutions.

Les Français ne sont pas suédois, ni des Américains. Ils ont leur tempérament et parfois la tête près du bonnet, c'est bien connu. Ce serait la plus grande folie que de priver un pays qui connaît souvent de si graves tensions de cette soupape de sécurité. Ce serait non seulement changer de régime, mais nous exposer au risque d'une guerre civile. Sans la possibilité de rendre la parole au peuple pour prononcer son arbitrage, comment pourrions-nous mettre un terme aux conflits que nous connaissons régulièrement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

La discussion devient surréaliste : voilà maintenant que la guerre civile se pointe à l'horizon ! Ce n'est pas très sérieux.

En Italie, il n'y a pas, et pour cause, de droit de dissolution, le rapporteur nous en a expliqué les raisons tout à l'heure. Ce n'est pas pour autant la guerre civile ; il y a un équilibre des pouvoirs. Cessons de nous considérer comme le centre du monde en laissant penser que nous aurions les institutions les plus démocratiques de la planète. Ce n'est pas vrai du tout !

M. Christian Jacob.

Personne n'a dit cela !

M. Jean-Pierre Brard.

Aux Etats-Unis - et Dieu sait qu'ils ne sont pas un modèle pour moi - lorsque le Congrès a pris position sur le budget, le Président est obligé de composer avec le Congrès.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Oui, et il est arrivé que des fonctionnaires ne soient pas payés !

M. Jean-Louis Debré.

Vous êtes un admirateur du régime américain, monsieur Brard !

M. René André.

Un pro-américain !

M. Christian Jacob.

Un représentant du PCUS ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Nous changerions de régime, dites-vous. Et M. Gouzes d'opposer mes amendements les uns aux autres. Mais dans la mesure où vous n'avez pas adopté le premier, il faut bien que j'en dépose d'autres pour essayer de limiter le caractère pervers du projet de loi tel qu'il nous est proposé.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Ils n'en sont pas moins contradictoires !

M. René André.

Brard, c'est la voix de l'Amérique ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne propose pas le régime présidentiel comme une solution idéale : je dis simplement que, par rapport à la monarchie non héréditaire, dans l'esprit de ce que décrivait François Mitterrand dans Le Coup d'Etat permanent, que votre projet de loi instaurera, je le crains, mes propositions sont meilleures, même si, vote après vote, je suis obligé de me rabattre sur des amendements de repli.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est le repli américain !

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le rapporteur, vous n ous suggérez de mener cette réflexion plus tard, reconnaissant par là l'intérêt du problème posé. Mais vous savez fort bien qu'une fois ce projet de loi adopté en l'état, c'est-à-dire une fois rendue possible la simultanéité de l'élection du Président de la République et de celle des députés, à peine ce cap passé, toute perspective de débat sera définitivement fermée.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mais si !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Jean-Pierre Brard.

Votre argument est donc totalement fallacieux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Sarre a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 12 de la Constitution, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Après une dissolution, la nouvelle assemblée peut, dans les quinze jours suivant sa réunion de plein droit, délibérer sur une motion de défiance au Président de la République. »

« En cas d'adoption de cette motion à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée, le Président de la République est déclaré démissionnaire.

Un scrutin pour l'élection d'un nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente jours au plus après la date d'adoption de la motion de défiance. »

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

La réduction du mandat présidentiel à cinq ans constitue un premier pas dans la bonne direction. Il faudra sans doute, dans l'avenir, aller plus loin si l'on veut parvenir à un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement.

Seul un régime présidentiel, qui, comme son nom ne l'indique pas, renforce les pouvoirs du Parlement, permettrait d'atteindre cet objectif. Le Parlement deviendrait le seul maître de la loi et du budget et ne pourrait être dissous. Le Président serait le chef de l'exécutif et le Gouvernement serait responsable devant lui.

La gestion du pays serait confiée à un exécutif stable, contrôlé par un pouvoir législatif efficace. Afin d'éviter les risques de blocage en cas de crise entre l'exécutif et le législatif, le peuple devrait être amené automatiquement à trancher.

Pas de dissolution sans élection présidentielle : telle devrait être la version nouvelle d'un vrai contrat de législature entre législatif et exécutif.

D élivrée de l'obligation de fournir des majorités stables, l'Assemblée nationale serait munie d'une nouvelle légitimité pour maîtriser son ordre du jour, élaborer la loi, voter le budget et contrôler le Gouvernement. Dans un tel contexte, l'introduction d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés apparaîtrait tout à fait possible, en assurant une meilleure représentation du pays sans remettre en cause la stabilité du régime.

En attendant que les conditions politiques soient réunies pour faire aboutir ces réformes, le Mouvement des Citoyens propose, par cet amendement, d'encadrer le droit de dissolution actuellement reconnu au Président de la République par la Constitution. En prévoyant le droit pour une assemblée issue d'une dissolution de démettre le Président de la République, nous organiserions en quelque sorte une petite force de dissuasion au bénéfice du Parlement. Le Président de la République y regarderait vraisemblablement à deux fois avant de prendre le risque de dissoudre. Associé à l'élection concomitante et pour la même durée du Président de la République et de l'Assemblée nationale, cet amendement contribuerait à limiter considérablement les risques de cohabitation, cette machine à fabriquer du consensus mou qui tue le débat politique.

Cet amendement, vous le comprenez, est un amendement de dissuasion. Il se veut symbolique d'une évolution inéluctable et souhaitable assurant un rééquilibrage entre exécutif et législatif. Ce n'est qu'une étape vers la réforme plus large qui apparaît indispensable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Je tiens à remercier M. Sarre d'avoir indiqué tout de go qu'il s'agissait en quelque sorte d'un amendement de réflexion. L'idée d'une motion de défiance envers le Président de la République, il est vrai, nous heurte : elle n'est en tout cas pas dans nos traditions. Je crains au passage que l'application d'une telle mesure soit délicate, dans la mesure où la dissolution de l'un succéderait à la démission de l'autre dans un mouvement perpétuel. C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement. Nous vous remercions néanmoins, monsieur Sarre, d'avoir précisé qu'il s'agissait d'un amendement de réflexion pour l'avenir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement, en modifiant l'article 12 de la Constitution, permettrait à une assemblée nationale nouvellement élue après une dissolution de voter une motion de défiance à l'encontre du Président de la République. La réforme aujourd'hui proposée, je le rappelle, se limite à la réduction de la durée du mandat présidentiel. Elle n'a pas pour objet de modifier l'équilibre des pouvoirs institués. Cet amendement créerait à l'évidence un mécanisme de misee n cause de la responsabilité du Président de la République devant l'Assemblée nationale, inédit dans nos institutions et contraire à leur esprit. Je vous demande donc, mesdames et messieurs les députés, de ne pas l'adopter.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il est heureux que notre collègue ait prévenu qu'il s'agissait d'un amendement symbolique, car il ne rééquilibrerait en rien nos institutions.

Tout au contraire, il remettrait en cause des principes fondateurs de nos institutions, dont celui de respect du mandat. Le Président de la République est élu au suffrage universel ; dès lors que le peuple s'est prononcé, il détient un mandat pour une durée assurée. En donnant à l'Assemblée la possibilité d'y mettre fin avant son terme, cet amendement consacrerait le retour à un régime d'assemblée dans sa pire caricature. Ce serait la mise en place d'un système d'instabilité permanente, la négation complète des principes fondateurs de la Ve République comme des principes de stabilité de l'exécutif que nous défendons sur de nombreux bancs dans cette assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

M. Sarre et ses collègues ont défendu en commission le régime présidentiel, ou plutôt un système présidentiel. Je veux redire notre hostilité à ce type de régime qui ne correspond ni à notre histoire, ni à nos coutumes politiques, ni à nos pratiques, ni enfin à la


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configuration de notre pays qui n'est pas une fédération.

C'est la raison pour laquelle nous sommes tout à fait opposés à une telle démarche.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 5, 40 et 76.

L'amendement no 5 est présenté par M. Brard ; l'amendement no 40 est présenté par M. Brunhes et les membres du groupe communiste ; l'amendement no 76 est présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 16 de la Constitution est abrogé. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Jean-Pierre Brard.

La suspension provisoire de l'application des règles constitutionnelles, prévue par l'article 16 de la Constitution, constitue une atteinte majeure au fonctionnement de la démocratie. Comme on ne saurait traiter le problème d'ensemble par petits bouts, j'ai déposé toute une série d'amendements. Il fallait un toilettage de la Constitution pour aller vers un fonctionnement plus démocratique, dont le quinquennat aurait été un volet important.

L'exercice des pouvoirs exceptionnels par le Président de la République ne s'est produit qu'une fois depuis 1958, en avril 1961. Or force est de reconnaître que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, au sens de la Constitution, n'était pas interrompu - et donc qu'une condition pour la mise en oeuvre de l'article 16 n'était pas remplie. Si le général de Gaulle y a eu recours à l'époque, ce recours était totalement illégitime. C'est précisément parce que cet article peut être, on le voit, mis en oeuvre sans contrôle et dans des conditions manifestement attentatoires à la démocratie que mon amendement propose la suppression de ce fameux article 16.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour défendre un amendement identique.

M. Jacques Brunhes.

Cet amendement est le premier d'une série de quatorze, dont vous me permettrez de défendre l'esprit dans une rapide présentation générale.

Ces amendements ont pour unique objet de rééquilibrer les pouvoirs et de corriger le défaut originel de notre régime, dont on a maintes fois parlé dans cette assemblée, qui tend à un excès de présidentialisation et à un amoindrissement du rôle du Parlement. En d'autres termes, nous proposons un rééquilibrage.

Permettez-moi, à cette occasion, monsieur le ministre, d'exprimer un regret. Notre droit d'amendement est certes préservé, c'est heureux et même, pardonnez-moi, la moindre des choses. Le problème est qu'il est vidé de tout sens, de toute efficacité. Nos amendements étant étrangers à l'objet de la réforme, puisque celle-ci vient d'être votée par le biais de l'article unique, c'est par une forme de générosité que l'on nous permet de les discuter.

Je trouve cela extrêmement préoccupant. Pour la première fois dans l'histoire, un Président de la République nous interdit dans les faits d'adopter quelque amendement que ce soit. C'est là un diktat humiliant à l'égard du Parlement, que je regrette infiniment.

Revenons à l'article 16 de la Constitution. Cet article n'a effectivement été appliqué qu'une fois. Sa suppression semble tout à fait justifiée. Nous ne sommes plus en 1961. La commission Vedel elle-même, rappelons-le pour mémoire, avait proposé son abrogation. Le recours à l'article 16 apparaît moins comme une nécessité face à une menace potentielle que comme une survivance totalement inutile.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement no

76.

M. Noël Mamère.

Nous aussi proposons la suppression de l'article 16, avec à l'appui des arguments similaires à ceux de nos collègues du groupe communiste. Cet article constitue tout à la fois une anomalie et la confirmation du fait que la Constitution de la Ve République a été conçue pour le seul Président de la République, auquel il confie les pleins pouvoirs, et non pour établir un meilleur équilibre entre l'exécutif et le législatif.

Rappelons au passage dans quelles conditions a été voté, en 1958, la Constitution de la Ve République.

M. François Goulard.

Par le peuple !

M. Jacques Godfrain.

A une majorité de 80 % !

M. Jean-Pierre Brard.

Après un putsch !

M. Noël Mamère.

Le fait que cette constitution ait été votée, dans les conditions que l'on connaît, à une très large majorité certes,...

M. René André.

Parfaitement régulière !

M. Noël Mamère.

... ne saurait constituer une raison suffisante pour justifier ce pouvoir exorbitant accordé au Président de la République dans un régime qui, je vous le rappelle, reste tout de même de nature parlementaire.

Rien ne justifie de telles dispositions dans une démocratie, pas plus en France qu'ailleurs. Les dispositions constitutionnelles et légales qui confèrent au Gouvernement la mission de maintien de l'ordre et les pouvoirs de police dont il dispose pour cela devraient suffire à faire face aux situations de crise, comme l'a montré l'histoire de notre pays depuis 1958.

C'est le Gouvernement qui, selon l'article 20 de la Constitution, conduit la politique de la nation et à ce titre il est doté d'un certain nombre de pouvoirs.

La meilleure façon de prévenir les utilisations abusives de cette disposition constitutionnelle est donc de la supprimer, sauf à prendre le risque de ce que François Mitterrand appelait « le coup d'Etat permanent ».

La seule expérience d'utilisation de l'article 16 en 1961, évoquée par M. Brunhes tout à l'heure, a d'ailleurs montré qu'il avait été utilisé bien au-delà de la durée q ui avait motivé le recours à l'article 16 et donc à ses pouvoirs exceptionnels.

C'est la raison pour laquelle notre assemblée s'honorerait de supprimer cet article 16 qui est non seulement une anomalie, mais un affaiblissement de la démocratie.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Je disais tout à l'heure que nous commencions à sortir du port. J'ai le sentiment que maintenant nous allons vers la haute mer ! Je rappelle que le sujet traité est la réduction du mandat présidentiel.

(Protestations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jacques Brunhes.

Alors, ce n'est pas la peine de débattre ! Vous ne pouvez répéter cela sans arrêt !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Cela dit, c'est vrai que l'article 16 est prévu pour des situations exceptionnelles.

S'agissant d'un article s'appliquant à des situations excep-


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t ionnelles, le Président François Mitterrand, le 30 novembre 1992, demandait à la commission Vedel non de le supprimer mais de préciser les conditions dans lesquelles la gravité de la situation pouvait justifier son application.

Alors, mes chers collègues, l'article 16 existe. Peut-être est-il démesuré, donnant les pleins pouvoirs au Président dans des conditions bien particulières.

L'amendement de M. Brunhes est un amendement de réflexion. Pour des lendemains plus sérieux, il incite l'Assemblée à poursuivre la sienne.

Voilà la raison pour laquelle la commission a rejeté ces amendements.

M. le président.

Merci, monsieur le rapporteur. Nous sommes sur la bonne voie !

M. Jean-Pierre Brard.

Nous réfléchirons !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Et à force de réfléchir...

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Monsieur le ministre, faites-nous réfléchir un peu plus !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Comme Mme Guigou l'a expliqué dans son intervention avant la discussion générale, je comprends que les parlementaires veuillent s'exprimer et émettre des idées sur cette question à l'occasion du présent débat. Mais je ne puis, et M. Brunhes le comprendra, que rappeler la position du Gouvernement : il est défavorable à ces amendements allant bien au-delà de la simple réforme d'aujourd'hui qui ne touche pas aux prérogatives du Président de la République, pas plus qu'à l'architecture constitutionnelle de la Ve République.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 5, 40 et 76.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement, no 86, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article 16 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Parlement y autorise le Président de la République à la majorité des deux tiers des membres en exercice. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

86. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement, no 87, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« I. L'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Parlement comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.

« Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage direct, pour six ans.

« Le Sénat est élu au suffrage indirect, pour six ans. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat.

« II. En conséquence, dans le premier alinéa de l'article 25 de la Consitution, les mots : « la durée des pouvoirs de chaque assemblée, » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

87. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 41, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Au début de l'article 24 de la Constitution il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Parlement vote la loi. Il en évalue les résultats. Il contrôle l'action du Gouvernement. »

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Je suis un peu inquiet de voir la manière dont notre rapporteur commence chacune de ses interventions. Mme la garde des sceaux nous a expliqué que nous pouvions ne pas nous contenter de l'article qui nous était proposé et avoir des réflexions d'ensemble sur les institutions car un chantier était ouvert. J'ai même entendu dire que l'article unique, maintenant adopté, était une poignée qui permettait d'ouvrir une porte, celles des institutions, sur lesquelles nous pouvions débattre. J'ai même entendu Mme la garde des sceaux exprimer le souhait que ce débat ait lieu.

Or, à chaque fois que nous entamons l'un de ces débats, M. Gouzes nous oppose qu'il n'y a pas lieu de débattre parce que nous avons déjà voté l'article unique ! Je trouve que c'est discourtois, en plus d'être contraire à ce qu'a dit le Gouvernement. En revanche, je comprends parfaitement, c'est la logique du texte, que le Gouvernement soit défavorable à nos amendements pour les raisons que nous avons, depuis le début, bien comprises.

L'amendement que nous déposons à l'article 41 n'a rien de subalterne. L'article 5 de la Constitution donne une définition du rôle du Président de la République, l'article 20, du rôle du Gouvernement. Nulle part, on n'en trouve une du rôle de l'Assemblée nationale, sauf à l'article 34 où il est écrit : « La loi est votée par le Parlement. »

Voilà pourquoi nous avons repris à notre compte dans cet amendement une proposition de la commission Vedel, qui vise à définir le rôle du Parlement. Il ne s'agit là que d'une modification minimale. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ce sujet, afin de donner au Parlement d'autre pouvoirs encore.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Je n'ai pas l'intention d'être discourtois avec M. Brunhes. Mais que « le Parlement vote la loi », c'est déjà dans la Constitution. Quant à en évaluer les résultats et à contrôler l'action du Gouvernement, c'est ce que nous essayons de faire quotidiennement.


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C'est la raison pour laquelle la commission a pensé que cet amendement n'était pas utile et l'a repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement se situant hors du champ de la révision constitutionnelle, le Gouvernement y est défavorable pour les motifs que j'ai exposés précédemment.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 42 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 42, présenté par M. Brunhes et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage direct à la représentation proportionnelle.

L'élection législative ne peut en aucun cas être organisée dans les douze mois qui précèdent, ou qui suivent l'élection du Président de la République. La dissolution de l'Assemblée nationale ne peut avoir lieu dans l'année suivant l'élection du Président de la République. »

L'amendement no 63, présenté par M. Mamère,

Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Marchand, Touret, Charles, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Pontier, Rebillard, Rigal, Mme Robin-Rodrigo, M. Vernaudon et M. Warhouver, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct, la moitié d'entre eux étant élue dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l'autre moitié étant élue sur des listes régionales au scrutin de liste proportionnel à un tour. »

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l'amendement no

42. M. Jacques Brunhes. La Constitution n'évoque pas le mode d'élection des députés. Nous proposons cependant, par cet amendement, d'y inscrire le principe de la proportionnelle.

Il s'agit également d'éviter toute concomitance entre l'élection de l'Assemblée et celle du président de la République qui signifierait une présidentialisation du régime, laquelle nous paraît dangereuse, en ce qu'elle va déséquilibrer encore les institutions au profit du Président et au détriment du Parlement. C'est exactement le contraire que nous voulons, et notre amendement a pour but de rétablir un bon équilibre.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, pour présenter l'amendement no 63, qui est de même nature.

M. Noël Mamère.

Pas tout à fait, monsieur le président.

La représentation de tous les courants de pensée et d'opinion au sein de l'Assemblée nationale est pour nous une nécessité démocratique. C'est même le seul moyen de donner véritablement corps à l'idée de représentation nationale.

Or, tout le monde peut aujourd'hui le constater, le mode de scrutin majoritaire dans 577 circonscriptions déforme considérablement la volonté politique des Français, telle qu'elle s'exprime dans les urnes aux différentes élections, y compris au premier tour des élections législatives.

M. Laurent Dominati. Pas du tout ! M. Noël Mamère. L'expérience prouve d'ailleurs qu'un parti politique qui représente 10 % des suffrages exprimés, voire 15 %, peut très bien se trouver privé de toute représentation à l'Assemblée nationale.

Cela contribue évidemment à creuser le fossé, que nous déplorons, entre les citoyens et les élus, et donc entre les citoyens et la politique.

L'analyse sociologique de la composition de notre assemblée, à laquelle je faisais référence tout à l'heure, o u encore la faible proportion de femmes sur nos bancs, montrent également le grand fossé qui peut exister entre la réalité sociale de notre pays, et la représentation politique que l'actuel mode de scrutin fabrique.

Le seul véritable moyen de remédier à ces maux qui minent notre démocratie est donc d'introduire, comme les Verts le réclament depuis longtemps, la proportionnelle dans le mode d'élection des députés. Afin de combiner les avantages des deux types de modes de scrutin, majoritaire et proportionnel, les Verts proposent que la France adopte un mode de scrutin mixte, tel qu'il existe en Allemagne. L'expérience allemande est de ce point de vue une réussite depuis plus de cinquante ans.

Contrairement à certaines idées reçues, l'introduction de la proportionnelle ne mettrait nullement en péril la stabilité gouvernementale. En effet, l'exemple allemand montre qu'un mode de scrutin mixte permet de dégager des majorités, sous réserve que l'on accepte de former des coalitions mais, après tout, à de rares exception près, les gouvernements de la Ve République ont tous été soutenus par des coalitions de partis représentant des sensibilités différentes de la gauche ou de la droite. C'est le cas de la majorité plurielle.

Par ailleurs, notre constitution donne suffisamment de moyens au Gouvernement pour éviter tout blocage ou toute paralysie.

C'est pourquoi les députés Verts...

M. Christian Jacob.

« Le » député Vert !

M. Noël Mamère.

... que je représente ici souhaitent l'adoption de cet amendement, qui présenterait en outre le double avantage de constitutionnaliser le mode de scrutin, donc de le mettre à l'abri des intérêts des majorités successives, et de réaliser une promesse qui a été faite avant la constitution de ce Gouvernement.

M. Pierre-André Wiltzer. Ah !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La commission a rejeté ces deux amendements, non en raison de la nature des modes de scrutin proposés mais tout simplement parce qu'elle a considéré qu'il était dangereux d'inscrire le mode de scrutin dans la Constitution.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre des relations avec le Parlement. On peut comprendre la logique des auteurs des amendements qui veulent faire évoluer le mode de scrutin. A ce sujet, les choses ont été clairement dites, notamment par le Premier ministre, pour la période où nous sommes. Cela dit,


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je rappelle qu'il n'est pas dans la tradition constitutionnelle française d'inscrire dans notre charte fondamentale le mode de scrutin pour l'élection des députés ou des sénateurs.

Ces deux amendements dépassent donc, par leur objet, le cadre de la présente révision. Ne serait-ce que pour cette raison, le Gouvernement y est défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann. Et l'accord entre les Verts et le parti socialiste ! Et la promesse ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

63. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 64, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 24 de la commission est ainsi rédigé :

« Le Sénat est élu au suffrage universel direct au scrutin de liste proportionnel dans des circonscriptions régionales. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Monsieur le président, mes chers collègues, je pense que nous serons nombreux à voter cet amendement qui propose une modernisation de notre vie parlementaire, en particulier la fin de cette citadelle du conservatisme que représente aujourd'hui le Sénat. Il suffit d'ailleurs de voir comment cette institution, cette chambre haute, a bloqué la question de la limitation du cumul des mandats.

Cet amendement a pour objectif de réformer en profondeur une assemblée qui est en complet décalage avec la société française, ce qu'elle a démontré sur des sujets aussi divers que la parité, le cumul des mandats, la réforme de la justice ou même, plus récemment, de la chasse.

Tous les débats récents montrent que le mode d'élection des sénateurs fait perdurer ce que M. le Premier ministre n'avait pas hésité à appeler « une anomalie d émocratique ». Tout au Sénat rappelle davantage l'Ancien Régime et sa Chambre des pairs de France qu'une authentique démocratie ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il faut en finir avec l'élection au suffrage indirect et cet incroyable système dit des grands électeurs.

Je vous rappelle que la France est l'un des rares pays européens à avoir appliqué la recommandation du traité de Maastricht sur le vote des étrangers communautaires en traînant les pieds : ceux-ci ne peuvent être ni adjoints, ni maires, pour la raison simple qu'ils deviendraient grands électeurs, ce qui menacerait, dit-on, la souveraineté de la France. Voilà qui contribue encore un peu plus au non-respect de la diversité politique et sociale de notre pays.

Les Verts souhaitent, en effet,...

M. Christian Jacob.

« Le » Vert !

M. Noël Mamère.

Je représente mes collègues, en faisant mon travail de parlementaire, comme vous le faites, vous aussi, au nom de vos amis RPR, qui ne sont pas tous ici !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le fait est qu'il n'y a qu'un Vert dans l'hémicycle !

M. Noël Mamère.

Outre l'élection au suffrage indirect avec l'incroyable système des grands électeurs, il y a le renouvellement par tiers qui empêche toute alternance.

Quant au mandat de neuf ans, il va devenir encore plus anachronique dans la mesure où notre assemblée va voter la réduction du mandat présidentiel.

Il n'est certes pas question de calquer le Sénat sur l'Assemblée nationale. L'intérêt de maintenir le bicamérisme réside justement dans le fait que chaque Assemblée joue un rôle différent. Les Verts souhaitent que le Sénat devienne la chambre de la diversité politique et régionale de la France. Le Sénat ne jouant pas de rôle dans l'investiture du Gouvernement et l'Assemblée gardant le dernier mot en matière législative et budgétaire,...

M. Didier Quentin.

Alors, il fallait voter oui en 1962 !

M. Noël Mamère.

... il n'est pas gênant d'y introduire un mode de scrutin intégralement proportionnel pour qu'il devienne un véritable Sénat des régions. Les Verts proposent que la circonscription d'élection soit la région et non plus le département, circonscription par ailleurs trop petite pour permettre une authentique proportionnelle.

C'est pourquoi les Verts proposent que le Sénat soit élu au suffrage universel direct, au scrutin de liste proportionnel, dans le cadre des régions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Gérard Gouzes rapporteur.

Même avis que précédemment, défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre en relation avec le Parlement.

Bien évidemment, le Gouvernement sera défavorable pour les mêmes raisons que j'ai déjà précédemment évoquées. Je tiens tout de même à dire que le Gouvernement n'est pas resté inerte sur l'évolution du mode de scrutin des élections sénatoriales. Malgré l'opposition ici et la majorité à la Haute Assemblée, le Gouvernement fait évoluer le mode de recrutement des sénateurs. Je pense que, dès la fin de cette session, ce sera chose faite.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

64. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement, no 85, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 24 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'âge limite de dépôt des candidatures est fixé à 65 ans accomplis. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Vous serez probablement bref, monsieur Brard, car il a déjà été défendu : c'est la limite d'âge à soixante-cinq ans pour les députés et les sénateurs.

M. Jean-Pierre Brard.

En effet, monsieur le président, il s'agit de faire en sorte que nos assemblées ne deviennent pas des maisons de retraite !

M. François Goulard.

C'est une insulte pour les personnes âgées !

M. Jean-Pierre Brard.

Pas du tout, monsieur Goulard ! Vous voulez préserver votre propre avenir ? (Sourires.)

En réalité, il s'agit de favoriser le renouvellement de nos assemblées et de permettre que du sang neuf y arrive en permanence, même si, grâce au Président de la République, un renouvellement récent a contribué à mon objectif...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brard a présenté un amendement, no 19, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 24-1. - Les mandats de député et sénateur sont incompatibles avec l'exercice d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président d'un conseil général, maire, président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Il est question dans cet amendement des incompatibilités. Je voudrais faire référence à l'excellent rapport de Bernard Roman, le président de la commission des lois : « Les critiques sont abondantes, elles sont presque toutes justifiées. Le cumul des mandats engendre des conflits d'intérêt entre les échelons local et national difficilement acceptables. Les circuits de décision n'apparaissent pas clairement, les responsabilités non plus.

Il empêche les élus d'assumer convenablement les trop nombreuses missions qui leur sont confiées. Composée de cumulards, la société politique est ainsi fermée. Cette tendance oligarchique peut conduire à la sclérose et, nous le craignons, à une forme de nécrose. Quant au Parlement, large réunion d'élus locaux, il est inévitablement déserté. »

Qu'ajouter, monsieur le président, à ces propos parfaitement lumineux dont je sais, par avance, que M. ler apporteur dira qu'ils constituent un élément de réflexion ! Je souhaiterais que l'on aille un peu plus loin, à moins que l'on nous dise quand la réflexion pourra être entaméee t quand, enfin, nous pourrons dépoussiérer notre Constitution, qui en a bien besoin.

M. Bernard Roman, président de la commission.

En 2002 !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Avis défavorable. Je crois que nous avons suffisamment parlé, ici même, et M. Bernard Roman pourrait en témoigner, des problèmes de cumul des mandats. Mais l'amendement no 19 est exactement le même que l'amendement no 66 présenté par M. Mamère...

M. le président.

Sauf qu'ils ne sont pas situés au même article de la Constitution, monsieur le rapporteur.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est exact, monsieur le président.

Avis défavorable, par conséquent, à l'amendement no

19.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je n'insiste pas sur le fait que cette proposition est sans lien avec l'objet de la révision constitutionnelle.

L'objectif poursuivi par l'auteur de l'amendement est partagé par le Gouvernement. Il a été pris en compte, d'ailleurs, dans la réforme sur le cumul des mandats initiée par le Premier ministre, qui a donné lieu au vote de la loi no 2294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux, pas autant, bien évidemment, concernant la loi organique, que le Gouvernement ou que certains ici l'auraient souhaité. Mais le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 65, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution est ainsi rédigé :

« La durée du mandat des députés et sénateurs est fixée à cinq ans. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Il s'agit d'harmoniser la durée du mandat des sénateurs et celle du mandat des députés.

Rien, en effet, ne justifie une durée de neuf ans, ni même une durée plus longue pour le mandat des sénateurs que pour celui des députés.

Pour rapprocher les institutions des citoyens, ce qui est une des obsessions politiques des Verts, et ils ont bien raison, il convient de raccourcir les mandats et d'en uniformiser la durée.

Une harmonisation de la durée des mandats et des modes de scrutin, que j'ai évoquée tout à l'heure dans un autre amendement, permettrait de clarifier le fonctionnement de nos institutions et d'envisager ce rapprochement tant souhaité entre l'ensemble des citoyens et leurs élus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Quel que soit le mérite de cet amendement, nous traitons de la réduction du mandat présidentiel, et là, on parle du mandat des députés et de celui des sénateurs. C'est la raison pour laquelle nous avons rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

65. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 66, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Un député ou un sénateur ne peut détenir aucun autre mandat au sein de l'exécutif d'une collectivité locale. »

On vient d'en traiter avec l'amendement de M. Brard.

Vous souhaitez vous expliquer, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère.

Si la solution du problème posé par le cumul des mandats initiée par le Gouvernement de la majorité plurielle n'est pas allée à son terme, avec une situation calquée sur ce qui existe dans l'ensemble des démocraties européennes avec le principe « un homme,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

un mandat », c'est bien parce que le Sénat s'y est opposé.

Un tel principe peut avoir un caractère démagogique, s'il ne s'accompagne de ce que j'ai évoqué tout à l'heure dans la discussion sur l'article unique, à savoir d'une réforme du statut de l'élu local, car nous ne rapprocherons pas les citoyens de la fonction publique, des élus et de cette noblesse de l'action politique si nous ne donnons pas à ceux qui, dans notre France profonde, ont envie de donner six ans de leur vie à la collectivité, les garanties et les moyens d'exercer leur mandat. Toute réforme du cumul des mandats doit s'accompagner d'une réforme du statut de l'élu local.

M. Patrick Devedjian.

Vous parlez d'or.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

66. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 43, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 35 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute intervention des forces armées françaises à l'extérieur de la République fait l'objet d'une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, suivie d'un débat et d'un vote. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. »

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Je le présenterai rapidement, mais c'est un amendement qui nous paraît important.

La déclaration de guerre est décidée par le Parlement, mais il y a de nombreuses interventions des forces armées sans déclaration de guerre.

M. François Goulard.

Comme l'entrée des chars soviétiques en Tchécoslovaquie, par exemple...

M. Jacques Brunhes.

Ce fut le cas au Tchad, au Liban, en Yougoslavie, etc. Il est tout de même un peu choquant que les représentants de la nation soient mis devant le fait accompli sans avoir de moyens d'intervention, avec tout au plus la possibilité que le Gouvernement vienne s'exprimer et un débat sans vote. C'est un droit pour le Parlement de débattre, d'exprimer une opinion et de voter en dehors de la session du Parlement. Celui-ci serait réuni spécialement pour décider de l'envoi des forces armées hors de France.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Pourquoi pas ? Votre amendement, monsieur Brunhes, est, en effet, plein de bon sens, mais nous nous éloignons de plus en plus du sujet traité.

M. Patrick Devedjian.

On n'est plus à ça près !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Par conséquent, la commissioin a été en quelque sorte contrainte de le repousser.

M. Patrick Devedjian.

Pour les DOM-TOM, qu'est-ce qu'on fait ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

C'est vrai que cette proposition est sans rapport avec la révision proposée.

M. Jacques Brunhes.

Il ne faut pas dire ça !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Toutefois, préciser les conditions dans lesquelles le Parlement est associé à l'engagement des forces armées nationales est bien évidemment une perspective que le Gouvernement n'écarte pas.

Sur le fond, pour répondre au souhait de M. Brunhes tout à l'heure, qui ne voulait pas aller trop vite et trouvait normal de débattre, le rapport de votre collègue M. Lamy sur le contrôle du Parlement et les opérations extérieures est l'objet d'une grande attention de la part du Gouvernement, dans un esprit d'ouverture, et vous savez que nous avancerons prochainement dans cette voie, mais cela n'a rien à voir avec la révision d'aujourd'hui.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 44, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 37 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Gouvernement prend les mesures d'application des lois. Au cas où le Gouvernement ne prend pas les textes nécessaires à l'exécution de la loi dans un délai d'un an après sa promulgation, le rapporteur du projet ou de la proposition de loi présente devant la commission permanente compétente un rapport sur les raisons de la non-application de la loi. Si, après injonction de l'Assemblée nationale, le Gouvernement ne prend pas les textes d'application dans un délai de deux mois, l'Assemblée nationale peut les prendre elle-même par une disposition législative. »

C'est un sujet qu'on vient de voir, Monsieur Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

J'irai vite, monsieur le président, mais je veux quand même dire à M. Gouzes que nous ne nous éloignons pas du sujet traité, ou alors Mme la garde des sceaux et les représentants du Gouvernement ont tenu tout à l'heure ou hier soir dans la nuit des propos contraires à la vérité.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ça ne leur arrive jamais !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Merci, monsieur Warsmann !

M. Jacques Brunhes.

En 1996, le groupe socialiste a voté une convention sur les institutions dans laquelle figurait la réduction du mandat présidentiel à cinq ans avec la suppression de l'article 16,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Ils ont oublié depuis !

M. Jacques Brunhes.

...précisant qu'il fallait rendre sa souveraineté législative au Parlement. Nous pouvons bien évoquer cette question, et qu'on ne prétende pas que c'est hors sujet...

M. Patrick Devedjian.

C'est tout de même hors sujet !

M. Jacques Brunhes.

... puisqu'on nous a dit ce matin et hier que c'était au coeur de réflexions nouvelles qu'il faudrait engager.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Patrick Devedjian.

Vous n'avez pas de coeur !

M. Jacques Brunhes.

Nous pouvons donc au moins les entamer ! La question posée est lancinante, et les parlementaires l'ont déjà relevée. Il s'agit d'empêcher le blocage de la mise en oeuvre de certaines lois par l'absence de publication de décrets d'application, en donnant à l'Assemblée, d'abord, un pouvoir d'injonction, ensuite le droit de se substituer à un gouvernement défaillant, et on sait trop les dégâts dus au fait que les décrets ne sont pas promulgués.

Il y a quinze ans, pour prendre un exemple parmi d'autres, les décrets d'intégration des agents de l'Etat dans les statuts de la fonction publique n'ont pas été pris.

Depuis, des centaines de milliers d'agents sont précarisés dans leur carrière, et le Gouvernement doit devoir gérer ce type de problème. Nous avons donc un problème de fond.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Il y a le projet relatif à la réduction du mandat présidentiel, et puis le sujet débattu. C'est vrai, monsieur Brunhes, que nous avons ici le droit de débattre comme nous l'entendons, et ce que vous faites est très intéressant dans la mesure où vous soulevez un vrai problème, mais, sur un plan technique, la procédure que vous proposez me paraît trop lourde, c'est-à-dire que vous donnez une réponse trop complexe à un sujet réel sur lequel il faut réellement débattre, je suis d'accord avec vous.

M. Jacques Brunhes.

Oui, débattons ensemble !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Le Parlement aurait-il tous les moyens de préparer et de voter les décrets dont vous parlez ?

M. Jacques Brunhes.

D'un seul coup, ce n'est plus hors sujet !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Est-ce que ce ne serait pas inciter le Gouvernement à faire preuve d'inertie ? Je demande donc à voir, monsieur Brunhes, de manière qu'on puisse trouver dans les semaines, les mois, les années qui viennent, les solutions aptes à donner plus de pouvoirs au Parlement, mais, en l'occurrence et en l'espèce, la commission a repoussé votre amendement pour les raisons que je viens de vous indiquer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement entend réécrire l'article 37 de la Constitution et modifie radicalement le partage du pouvoir normatif entre le Parlement et le Gouvernement. A cet effet, il supprime implicitement la notion de pouvoir réglementaire autonome. Tel n'est évidemment pas l'objet de la révision constitutionnelle qui ne doit pas avoir pour effet de modifier la séparation des pouvoirs, à laquelle il faut, je crois, rester attaché.

M. Jacques Brunhes.

On ne va pas tout de même pas continuer à attendre quinze ans l'application des lois !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je suis d'accord avec votre démarche, monsieur Brunhes, même si votre amendement n'a pas sa place dans le débat d'aujourd'hui et dans ce projet de loi. Il pose, en effet, franchement un problème de fond, le fait que nous parlementaires, votions des textes et attendions parfois éternellement les décrets d'application. Ainsi, il y a quinze jours, était mis en place le fichier d'empreintes génétiques. Le texte avait été voté en 1998 : il a fallu plus de deux ans pour qu'une disposition très pratique que nous avions votée entre dans les faits ! Il faudrait que nous inventions un système. Je trouverais normal et légitime que, dans les semaines qui suivent la promulgation d'une loi, le Gouvernement s'engage visà-vis du pouvoir législatif sur un calendrier d'application des différentes dispositions. On ne peut pas continuer dans le chemin actuel, surtout dans certains domaines.

On sait bien qu'en matière fiscale, par exemple, les administrations centrales jouent à fond de leur pouvoir d'inertie pour ne jamais traduire dans les faits des dispositions que nous votons.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est tout à fait vrai !

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Je ne sais pas bien dans quel monde nous sommes. Sommes-nous en train de voter un projet de loi constitutionnelle, sommes-nous à la conférence Molé-Tocqueville, ou dissertons-nous sur des sujets divers, certes intéressants ?

M. Patrick Devedjian.

L'inventaire de Prévert !

M. Robert Pandraud.

Je pense que nous sommes hors sujet sur de nombreux points. Ce que vous venez de dire est juste, monsieur Brunhes, mais ce n'est pas un problème de conflit entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, cela traduit une carence totale du pouvoir réglementaire. Les ministres, quels qu'ils soient et quelles que soient les majorités, sont rarement capables de commander à leur administration.

M. Jacques Brunhes.

C'est pour cela qu'il faut faire une proposition !

M. Robert Pandraud.

Soit les décrets ne sortent pas, soit ils sortent et on attend la parution de la lettrecirculaire, qui est illisible et va même à l'encontre des textes.

Il serait effectivement bon de prévoir de façon générale qu'un an après le vote d'une loi, le Gouvernement fasse un bilan de son application.

Il y a un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec M. Warsmann. Quand le Gouvernement nous fait voter une augmentation d'impôt, elle est appliquée à la date précise. Pour tous les autres textes que nous votons, les administrations font ce qu'elles veulent et il y a des bibliothèques de volumes de droit consacrés à des lois inutiles, non applicables et non appliquées.

M. le président.

Merci, monsieur Pandraud. C'est une remarque que j'ai faite tout à l'heure à propos de la recevabilité de ces amendements. Effectivement, on a peutêtre un peu trop tendance à confondre cet hémicycle avec une chambre de réflexion, au sens où on l'entend en ce moment. Nous sommes une instance de décision bien entendu, ...

M. Jean-Louis Debré.

On fait la loi !

M. le président.

Certes, mais la loi doit être précédée de la réflexion, et la réflexion, permettez-moi de le rappeler, c'est plutôt dans les commissions permanentes qu'elle a lieu et pas forcément ici.

M. François Goulard.

Cela ne m'a jamais frappé !

M. le président.

En tout cas, il serait important que la commission des lois, par exemple, se saisisse de cette question - et je l'y invite - de manière à faire des propositions dans un délai raisonnable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 45, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 39 de la Constitution est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« L'initiative des lois appartient concurremment au peuple, à ses représentants, au Premier ministre.

« Lorsqu'une proposition de loi émane d'au moins deux pour cent des électeurs inscrits, elle est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans un délai de six mois.

« Toute proposition de loi émanant des membres du Parlement fait l'objet d'un avis de la commission compétente dans un délai de six mois. »

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Sur la recevabilité de ce type d'amendement, je conteste, monsieur le président, votre interprétation, le Gouvernement ayant accepté, dans la mesure où il s'agit d'un débat constitutionnel et général, qu'il y ait un débat pour essayer de trouver des idées sur le rééquilibrage des institutions. Ne soyons pas en-deçà ! Si nous nous arrêtions à l'article unique et au quinquennat sec, le débat serait vite achevé et, pour le peuple, qui sera peut-être consulté, ce serait un peu mince.

Il faut bien essayer de réfléchir à ce rééquilibrage. C'est la raison pour laquelle nous proposons de confier l'initiative des lois non plus seulement aux membres du Parlem ent et au Premier ministre, comme le prévoit l'article 39, mais aussi au peuple, en autorisant 2 % des électeurs inscrits à déposer une proposition de loi. Par ailleurs, l'amendement prévoit que toute proposition de loi émanant des membres du Parlement fait l'objet d'un avis de la commission compétente dans un délai de six moix, de manière que ces propositions ne soient pas enterrées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Il est proposé que 2 % des électeurs inscrits puissent inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une proposition de loi. Chacun peut imaginer ce qu'ils pourraient être ! De plus, une telle disposition conduirait incontestablement à l'engorgement de l'Assemblée. Cette proposition de loi d'initiative populaire n'a donc pas été agréée par la commission, qui a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

45. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de sept amendements, nos 46, 20, 54, 57, 60, 89 et 91, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 46, présenté par M. Brunhes et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 40 de la Constitution est abrogé. »

L'amendement no 20, présenté par M. Brard, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 40 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 40. Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit la diminution des ressources publiques,s oit la création ou l'aggravation des charges publiques. »

Les amendements nos 54, 57, 60, 89 et 91 sont identiques.

L'amendement no 54 est présenté par M. Plagnol ; l'amendement no 57 est présenté par M. Clément ; l'amendement no 60 est présenté par Mme Boisseau ; l'amendement no 89 est présenté par M. Morin et M. Maurice Leroy ; l'amendement no 91 est présenté par

Mme Boutin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« A la fin de l'article 40 de la Constitution, les mots : "soit la création ou l'aggravation d'une charge publique", sont remplacés par les mots : "soit la création ou l'aggravation des charges publiques sans compensation". »

La parole est à M. Brunhes, pour soutenir l'amendement no

46.

M. Jacques Brunhes.

C'est un amendement sur lequel n ous n'avons pas besoin d'épiloguer longtemps.

L'article 40 est une disposition injuste. Il évoque l'image d'Epinal d'un député dépensier par nature d'un argent public qui ne lui appartient pas et ayant besoin de la tutelle paternelle du Gouvernement. Ce n'est pas acceptable ! A cause de cet article 40, une série de propositions et d'amendements qui sont déposés ne viennent pas en discussion et ne sont pas débattus. C'est une véritable censure et nous proposons la suppression de cet article.

M. le président.

Pour l'amendement no 20, monsieur Brard, vous êtes tellement apparenté à M. Brunhes (Sourires) que vous vous en remettez à son explication...

M. Jacques Brunhes.

Oh, non, il a une explication bien meilleure !

M. Jean-Pierre Brard.

M. Brunhes, qui est pétri de modestie, dit que j'ai une explication bien meilleure.

C'est vrai, mais je ne veux pas rallonger les débats, aussi je m'en remets à la sienne. (Sourires.)

M. le président.

C'était un compliment, évidemment.

Nous arrivons aux cinq amendements identiques.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'associe à mon amendement, si vous le permettez, M. Plagnol, M. Clément, M. Morin, Mme Boutin, ainsi que M. Wiltzer et

M. Baguet qui sont présents dans cet hémicycle.

Cet amendement, le suivant que je défendrai, ainsi que celui de M. Méhaignerie ont une cohérence. Nous dénonçons, en effet, le risque d'aller, avec ce quinquennat sec, non vers une démocratie modernisée, mais vers un régime où la personnalisation du pouvoir sera poussée à l'extrême. Ces trois amendements vont donc dans le sens d'un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement. Il ne s'agit pas d'une réflexion, monsieur le président, il s'agit de procéder à ce rééquilibrage.

Cet amendement, plus précisément, tend à accroître le pouvoir budgétaire du Parlement. En effet, aujourd'hui, l'article 40 de la Constitution interdit pratiquement toute initiative en la matière aux parlementaires, cela vient d'être dit.

En matière de recettes, la diminution des ressources publiques peut être compensée par un autre type de ressource, mais, en matière de charges, aucune compensation


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n'est aujourd'hui autorisée. C'est pourquoi cet amendement propose, de manière très raisonnable parce que très encadrée, d'assurer cette possibilité, soit par création de recettes, soit par compensation de charges.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

La commission les a tous rejetés.

Certes, l'article 40 est un article désagréable mais nous somme très loin du texte que nous examinons. Or il y a dans notre règlement, je suis tout de même obligé de le dire, un article 98, alinéa 5, qui impose un lien avec le texte en discussion.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Sur l'amendement no 46 comme sur les autres, l'avis du Gouvernement sera défavorable. Quelques précisions, toutefois, sur cet amendement. Il vise à supprimer l'examen de recevabilité, au regard des exigences de l'article 40 de la Constitution, des propositions parlementaires ayant pour effet d'accroître les dépenses publiques.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Non !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Il modifie l'équilibre des pouvoirs.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Non !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Il est sans rapport avec la révision constitutionnelle qui vous est proposée, cela, je pense que c'est incontestable.

Vous savez par ailleurs que votre rapporteur général, M. Didier Migaud, travaille à une réforme de la procédure budgétaire qui a pour but l'accroissement concret du contrôle parlementaire. Le Gouvernement n'est pas hostile à cette perspective, le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs souvent eu l'occasion de le rappeler et de le manifester.

M. François Goulard.

Surtout avant qu'il soit ministre !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Mais, à ce stade, bien évidemment, le Gouvernement est défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

46. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 54, 57, 60, 89 et 91.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 67, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les projets et propositions pour lesquels une telle demande n'a pas été faite sont envoyés à l'une des commissions permanentes dont le nombre, qui ne peut excéder douze, est déterminé à l'issue d'un débat et d'un vote au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat au début de chaque législature et ne peut être modifié en cours de législature. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Il s'agit de renforcer les pouvoirs du Parlement et son organisation, afin qu'il exerce mieux son pouvoir d'initiative. Cette question avait d'ailleurs été évoquée par votre prédécesseur, monsieur le président, et i l serait peut-être utile que vous poursuiviez cette réflexion sur le nombre des commissions.

Pour travailler, nos commissions ne peuvent pas être p léthoriques. Actuellement, l'Assemblée compte six commissions, dont certaines sont composées de cent membres. Cent membres !

M. Robert Pandraud.

Pour combien de présents ?

M. Noël Mamère.

Il faut que les électeurs sachent dans quelles conditions nous travaillons. Six commissions, avec des effectifs aussi pléthoriques, cela ne facilite pas le travail parlementaire.

M. Robert Pandraud.

Si vous saviez combien il y a de présents !

M. Noël Mamère.

En outre, il n'est pas logique de limiter le nombre de commissions à six alors que les gouvernements comptent plusieurs dizaines de membres. Le Gouvernement de M. Jospin lui-même, alors qu'il est pourtant considéré comme un gouvernement resserré, compte déjà trente-deux membres.

L'organisation actuelle du Parlement est une manière parmi d'autres de brider son droit d'initiative législative et son devoir de contrôle sur le Gouvernement.

M. le président.

Puisque vous m'avez interpellé, monsieur Mamère, je vous dirai qu'il n'est pas nécessaire de faire connaître aux médias que la réflexion se poursuit dans cette maison sur la réforme du règlement, le nombre de commissions permanentes ou la réforme de l'ordonnance de 1959, par exemple.

M. Noël Mamère.

Nous ne sommes pas à la télévision, ici. Nous sommes à l'Assemblée nationale !

M. le président.

Cela signifie, pour vous répondre clairement, que la réflexion se poursuit. Vous le savez d'autant plus qu'un certain nombre de vos collègues siègent au bureau de l'Assemblée nationale. Interrogez M. Cochet, il vous répondra.

M. Noël Mamère.

Je le sais, monsieur le président, je suis député. Je vous remercie de me le dire !

M. Jean-Louis Idiart.

Le groupe RCV, ça existe, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère.

Mais que voulez-vous dire par là ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission a rejeté cet amendement, dans le cadre contraint de notre discussion.

Au-delà du nombre de commissions à fixer dans la Constitution, il faut s'interroger sur le fait même, qui peut sembler choquant, que le nombre de commissions de l'Assemblée soit fixé par la Constitution et que ce ne soit pas dans le cadre de l'élaboration du règlement de l'Assemblée que nous ayons à réfléchir sur cette question.

En 1958, le nombre de commissions a été arrêté à six p arce que la pléthore de commissions sous la IVe République avait conduit à certains dérèglements. Il serait assez sain, à l'avenir, puisque nous reprendrons ces discussions, de déplacer le curseur afin de donner à l'Assemblée les moyens de sa propre administration.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Dévaforable.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

J'ai bien compris ce que vous avez dit sur le règlement, monsieur le président de la commission. Mais il ne s'agit pas du règlement. Le nombre de commissions est fixé par la Constitution.

M. Patrick Devedjian.

C'est ce qu'on vient de dire !

M. Jacques Brunhes.

C'est donc seulement par une réforme constitutionnelle que nous pouvons le changer. A ce propos, je rappellerai simplement, pour mémoire, que la convention socialiste de 1996 avait proposé vingt et une commissions.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Ce ne sont pas les vingt et une conditions, monsieur Brunhes ! ( Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

M. Mamère est apparenté à la convention socialiste !

M. Noël Mamère.

Les Verts sont plus socialistes que les socialistes !

M. le président.

Monsieur Brunhes, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais avant d'examiner un texte de portée constitutionnelle, il faut bien que la réflexion ait lieu à l'intérieur de cette maison. Cela me paraît une évidence.

M. Christian Jacob.

Surtout que nous n'avons pas été associés à la convention socialiste, nous ! ( Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

67. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 68, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 43 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une commission ne peut délibérer d'un projet ou d'une proposition de loi que quinze jours francs après leur dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Cet amendement vise également à favoriser le bon travail législatif, qui nécessite le respect de délais minimaux. La situation actuelle, qui rend impossible tout calendrier prévisionnel pour les députés et les sénateurs, est encore un facteur d'affaiblissement du Parlement.

J'ajoute que nous avons pu constater dans certaines situations, et je pense en particulier à celle que nous connaissons aujourd'hui même, que la précipitation n'est pas toujours bonne conseillère.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Amendement rejeté par la commission, dans le cadre qui est le nôtre, et ce malgré l'intérêt de ce type de proposition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Compte tenu du hors sujet, le Gouvernement est défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

68. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 55, 56, 61, 88 et 92.

L'amendement no 55 est présenté par M. Plagnol ; l'amendement no 56 est présenté par M. Clément ; l'amendement no 61 est présenté par Mme Boisseau ; l'amendement no 88 est présenté par M. Morin et M. Maurice Leroy ; l'amendement no 92 est présenté par

Mme Boutin.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 43 de la Constitution, il est inséré un article 43-1 ainsi rédigé :

« Art. 43-1.Chacune des Assemblées peut créer des commissions d'enquête destinées à recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, sur la gestion des services publics ou des entreprises n ationales, ou sur l'évaluation des politiques publiques. Ces commissions ne peuvent pas porter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

« Chaque groupe de parlementaires a droit à la création d'une commission d'enquête par législature.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

Vous défendez tous ces amendements, madame Boisseau ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Si vous le voulez bien, monsieur le président.

M. le président.

Je vous en prie.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je défendrai ces cinq amendements, en y associant, encore une fois, M. Wiltzer et M. Baguet.

Je redis à l'attention du rapporteur, mais il n'est plus dans la salle, qu'il y a une logique dans nos amendements et que nous ne sommes pas hors sujet. Le quinquennat sec va tendre, très vraisemblablement, vers un régime présidentiel fort. Il s'agit ici, de manière tout à fait incomplète, je le reconnais, mais significative, d'établir des contre-pouvoirs.

En l'occurrence, il s'agit de renforcer le rôle de contrôle du Parlement. Actuellement, les conditions de ce contrôle sont définies par l'ordonnance du 17 novembre 1958. Nous proposons de constitutionnaliser les commissions d'enquête parlementaires. Celles-ci doivent pouvoir être mises sur pied à l'initiative d'un groupe parlementaire, afin que le Parlement ne soit pas totalement subordonné, en la matière, à l'accord de la seule majorité.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Non examinés par la commission.

Je vais donner mon avis à titre personnel, monsieur le président. Je ne vois vraiment pas l'intérêt de la constitutionnalisation des commissions d'enquête.

Prenons l'exemple de cette législature. Un certain nombre de commissions d'enquête ont été créées. Je citerai par exemple la commission d'enquête sur la Corse, que vous connaissez bien, monsieur le président, ou encore celle sur les tribunaux de commerce. Elles ont montré par le contenu de leurs travaux, d'une part, et par les suites qui y ont été données, d'autre part, leur excellent fonctionnement. Je ne vois donc pas l'intérêt de la constitutionnalisation des commissions d'enquête.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ces commissions ontelles été créées à l'initiative de l'opposition, monsieur Roman ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement sera défavorable, puisque nous ne sommes pas là dans le cadre de l'examen de la stricte révision constitutionnelle.

Je veux quand même faire remarquer que, comme le dit M. le président Roman, des commissions d'enquête ont pu fonctionner, et des conclusions en ont été tirées.

Et je peux vous dire que le Gouvernement est tout à fait favorable aux commissions d'enquête. Il en tient compte, car elles l'éclairent aussi pour le travail qui est le sien. Je voulais le dire ici devant votre assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-André Wiltzer.

M. Pierre-André Wiltzer.

Je voulais simplement faire observer au président de la commission des lois, mais il l'avait certainement remarqué, que la disposition proposée par l'amendement défendu par Mme Boisseau comporte un élément nouveau : le début de la reconnaissance du droit de l'opposition en tant que telle dans notre assemblée. Elle a très clairement expliqué que, dans la mesure où nous allons probablement vers un renforcement, un resserrement du pouvoir excécutif, il est important que le pouvoir législatif puisse lui aussi voir renforcés ses moyens, et notamment ses moyens de contrôle. Il y a donc là une disposition nouvelle.

Nous avons bien compris que le débat d'aujourd'hui est verrouillé et que tout ce qui ne s'inscrit pas directement dans l'article unique - et dans la pensée unique n'est pas pris en compte, mais nous tenons à insister sur l'importance de ce droit de l'opposition, qui doit trouver sa place dans nos institutions.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Effectivement, il est important de donner à l'opposition les moyens de s'exprimer. Mais je crois que c'est dans le règlement de l'Assemblée nationale ou dans celui du Sénat qu'il faut instituer ces règles, et non pas dans la Constitution. De grâce, évitons de faire en sorte que notre Constitution devienne un texte inapplicable. C'est dans le règlement des assemblées que l'on doit donner à l'opposition, quelle que soit cette opposition, les moyens de s'exprimer et de prendre l'initiative de la création de commissions d'enquête.

Voilà ce que voulais dire, et je souhaite que l'on rejette cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements no 55, 56, 61, 88 et 92.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 47 et 69.

L'amendement no 47 est présenté par M. Brunhes et les membres du groupe communiste ; l'amendement no 69 est présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé. »

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l'amendement no

47.

M. Jacques Brunhes.

Je voudrais tout d'abord prier mes collègues socialistes de m'excuser. J'ai fait une erreur tout à l'heure : à la page 23 de leur convention, le chiffre de vingt et une commissions concernait le Bundestag. Ils proposaient quant à eux dix commissions.

M. Christian Jacob.

Nous avions rectifié de nousmêmes. (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais pas les socialistes, qui l'avaient eux-mêmes oublié !

M. Jacques Brunhes.

C'était une erreur de ma part, due à une lecture un peu hâtive. Je tenais à revenir sur ce point.

M. le président.

Tout le monde avait rectifié, monsieur Brunhes. J'ai eu des remontées jusqu'ici, j'ai reçu des mots ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes.

S'agissant de l'amendement no 47, il s'agit de supprimer le dernier alinéa de l'article 44 de la Constitution, qui, comme vous le savez, institue le fameux vote bloqué. L'abaissement du Parlement a été banalisé, et l'usage du vote bloqué a été invoqué par les ministres à l'occasion de n'importe quel texte. Il s'est révélé surtout un instrument de facilité, un mécanisme arbitraire qui dispensait le Gouvernement de rechercher le dialogue avec l'Assemblée, et même avec sa propre majorité.

Sa suppression conduirait à la recherche de compromis dans la rédaction d'un texte de loi et, en cas de désaccord persistant avec sa majorité, au retrait par le Gouvernement de telle ou telle disposition. Il me semble que le vote bloqué est quelque chose qui freine naturellement l'initiative parlementaire, et c'est très regrettable.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l'amendement no

69.

M. Noël Mamère.

Rien ne justifie que le droit d'amendement du Parlement puisse être entravé par le Gouvernement, comme le prévoit l'actuel article 44 de la Constitution. C'est pourquoi il vous est proposé de supprimer purement et simplement le dernier alinéa de cet article.

Le pouvoir législatif, je le rappelle, appartient au Parlement. Il n'est donc pas logique que le Gouvernement puisse limiter de façon discrétionnaire le droit d'amendement des députés et sénateurs, et ce alors même que leur initiative législative est déjà très limitée par la Constitu tion. L'invention de cette expression ignoble de « niche parlementaire » montre d'ailleurs l'état où nous sommes réduits et à quel point notre pouvoir d'initiative est limité.

M. le président.

Monsieur le président de la commission, qu'en pensez-vous ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il ne faut pas me demander ce que j'en pense, monsieur le président,...

M. Noël Mamère.

Il en pense du bien !

M. Bernard Roman, président de la commission.

... sinon cela risque d'aller loin.

L'avis de la commission a été négatif. Je voudrais dire à M. Brunhes et à M. Mamère que tous les amendements qui contribuent à renforcer le pouvoir du Parlement me semblent ouvrir des pistes qui vont dans le bon sens, mais nous devons faire entrer en ligne au moins deux éléments de réflexion.

Le premier, c'est que, de toutes les démocraties occidentales, la nôtre est sans doute celle où le Parlement examine en séance publique le plus grand nombre


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d'amendements. Le vote bloqué n'existe pas dans les pays où le Parlement n'a pas, en amont, le droit d'amendement que nous avons. Il faut aussi intégrer cette dimension.

Deuxième observation, il arrive que le vote bloqué soit utilisé, dans l'une ou l'autre des deux assemblées, parce que, dans un souci de gestion cohérente de la majorité, cela peut s'avérer nécessaire. L'histoire, même la plus récente, nous l'a montré.

Donc, ces amendements ouvrent une piste qu'il faut creuser, parce qu'il est vrai qu'on se sent quelquefois ligoté dans la délibération parlementaire, mais une piste qui n'est pas aussi simple qu'on veut bien le dire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur le président, je ne voudrais pas que vous pensiez que je fais un duo avec M. Roman, mais je partage beaucoup de ce qu'il a dit.

M. Jean-Louis Debré.

C'est un roman d'amour !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

En second lieu, nous sommes là, bien évidemment, en dehors du champ de la révision.

Troisièmement, vous reconnaîtrez, mesdames, messieurs les députés, que ce Gouvernement n'utilise que trèsr arement cette disposition constitutionnelle, comme d'autres d'ailleurs dont j'imagine que nous allons discuter à l'occasion des prochains amendements. Il peut néanmoins être amené à l'utiliser. Puisque M. Roman vient d'évoquer l'histoire récente, je vous dirai que je ne suis pas sûr que Mme Guigou ne soit pas en train, au moment où je vous parle, d'utiliser cette disposition au Sénat. Et je pense que ce sera, pour ceux qui découvriront le sujet, bien utile.

M. le président.

Je ferai remarquer à M. Mamère que nous n'utilisons plus l'expression de « niche », ...

M. Noël Mamère.

On parle en effet de plus en plus de la « fenêtre ».

M. le président.

Nous utilisons maintenant la notion de « plage parlementaire ».

M. Bernard Roman, président de la commission.

Sea, sex and sun !

M. Jean-Louis Debré.

Je croyais que c'était le placard !

M. le président.

Vous me direz que dans les deux endroits on se couche, mais quand même.

(Sourires.)

M. Patrick Devedjian.

On se couche ou on s'étend.

M. Noël Mamère.

Avec la « niche », la cabane peut tomber sur le chien !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 47 et 69.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 70, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Lorsqu'il y a un désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, le Gouvernement convoque une commission mixte paritaire, chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Il convient de tenter la conciliation des points de vue dès que la première lecture d'un projet ou d'une proposition de loi a eu lieu dans chaque assemblée. Il s'agit ainsi de ne pas encombrer inutilement l'ordre du jour des assemblées avec de nombreuses navettes, dont l'expérience prouve qu'elles sont inutiles, puisque l'Assemblée rétablit toujours les textes dans la version où elle les avait votés en première lecture.

M. Patrice Martin-Lalande.

Hélas !

M. Noël Mamère.

Il suffit pour s'en convaincre de se référer au dernier projet de loi que nous avons discuté pendant toute une nuit et qui concernait un sujet finalement très secondaire dans la société française, je veux parler du projet de loi sur la chasse.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Rejeté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

70. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 71, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, après les mots : "le Gouvernement peut", les mots : "après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat", sont supprimés. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Il s'agit tout simplement de ne pas encombrer inutilement l'ordre du jour des assemblées avec de nombreuses navettes, dont l'expérience prouve qu'elles sont inutiles, puisque l'Assemblée... Et vous savez la suite ! (Sourires.)

M. le président.

C'est en effet un amendement de repli par rapport au précédent. La commission et le Gouvernement ont bien sûr le même avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement no

71. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 72, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la Constitution est supprimé. »

M. Noël Mamère.

L'amendement no 72 n'a pas du tout le même objet. L'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la Constitution prévoit que le Sénat dispose d'un droit de veto sur les sujets qui le concernent directement. Cette disposition est d'autant moins acceptable que la légitimité démocratique du Sénat est sujette à caution, comme j'ai essayé de vous le démontrer à l'occasion de plusieurs amendements, puisque les sénateurs ne sont pas élus au suffrage universel.

Encore récemment, le Sénat a pu empêcher l'adoption du projet de loi limitant le cumul des mandats, qui était pourtant souhaité par une très large majorité des Fran-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

çais. Le Sénat ne colle pas à la réalité de notre pays et il est, comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, une citadelle du conservatisme. Rien ne justifie que la volonté populaire exprimée par le suffrage universel direct à l'occasion des élections législatives puisse être entravée par une assemblée comme le Sénat.

Je vous rappelle en outre que nous discutons de la réduction de la durée du mandat du Président de la République, qui, depuis 1962, est élu au suffrage universel au motif que cela lui donne une légitimité pleine et entière déléguée par le peuple. Pourquoi les sénateurs ne se plieraient-ils pas à la même logique ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Cet amendement a été rejeté par la commission.

Cependant, j'indique à M. Mamère, à titre personnel, comme j'ai eu l'occasion de le préciser sur d'autres amendements, que j'aurais voté un tel amendement avec un grand plaisir si le cadre de cette discussion n'était pas contraint et si je ne voulais pas autant le quinquennat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement, qui tend à supprimer l'exigence d'un vote conforme pour les lois organiques relatives au Sénat, est évidemment étranger à la discussoin d'aujourd'hui. Le Gouvernement y est par conséquent défavorable.

Néanmoins, j'invite M. Mamère à ne pas tenter le ministre des relations avec le Parlement que je suis.

(Sourires.) Pour l'heure, je résiste !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

72. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 73, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour des assemblées est fixé tous les mois par celles-ci dans les conditions fixées par une loi organique. Le Gouvernement peut demander une fois par mois de session l'examen prioritaire d'un projet ou d'une proposition de loi. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Je regrette que mes quelques collègues de la majorité plurielle qui étaient virtuellement favorables à mon amendement précédent aient résisté avec trop de force à leur inclination.

(Sourires.)

M. le président.

C'est un succès d'estime, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère.

Voilà une chose qui me manquait beaucoup.

M. Patrick Devedjian.

Nous en reparlerons dans vingt ans !

M. Noël Mamère.

Nous verrons bien les réformes que nous pourrons engager. En tout cas, les propos que vient de tenir Bernard Roman illustrent les limites de la cohabitation, puisque la majorité se trouve empêchée de mener à bien les réformes qu'elle souhaite. En effet, chacun s'accorde à reconnaître que plusieurs des amendements que je propose...

M. Jean-Luc Warsmann.

Non, pas chacun ! Seulement des membres de la majorité !

M. Noël Mamère.

... vont dans le sens de ce que souhaite notre majorité pour la démocratisation de la vie politique française et de nos institutions, ...

M. Patrick Devedjian.

Une majorité n'a pas tous les droits !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Mais nous voulons le quinquennat !

M. Noël Mamère.

... mais qu'il n'est pas possible de les voter parce qu'on est en période de cohabitation et que le Président a décidé ex cathedra que si des amendements étaient adoptés, il arrêterait la procédure. Cela ne me paraît pas être le meilleur moyen de favoriser la réconciliation des Français avec leurs élus, en particulier avec les représentants de la nation, puisque je crois savoir que nous sommes ici la représentation nationale.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ah, si Mitterrand avait fait le quinquennat !

M. le président.

Venons-en au sujet !

M. Noël Mamère.

Monsieur le président, nos amis de droite sont en quelque sorte en train de nous dire : « Si Mitterrand n'était pas resté quatorze ans ! » Dans ce cas, je leur demande pourquoi ils n'ont pas voté l'amendement de Hervé de Charette visant à limiter à deux mandats de cinq ans la durée du mandat du Président de la République.

M. Patrick Devedjian.

Mais nous sommes pour le quinquennat ! Depuis vingt-cinq ans d'ailleurs ! (Sourires.)

M. Noël Mamère.

La maîtrise de son ordre du jour par le Parlement - M. le président comprendra bien ce que je veux dire - est une condition sine qua none du rééquilibrage des pouvoirs constitutionnels en faveur de ce dernier. En effet, le régime institué par la Constitution de la Ve République ne garantit pas une réelle séparation des pouvoirs, puisque le Gouvernement est seul maître de l'ordre du jour des assemblées. Je rappelle pour information que les propositions de loi représentent à peu près 2 % des lois que nous votons. Bref, 98 % de l'ordre du jour est fixé par le Gouvernement. Cette constatation atteste du déséquilibre dont je parlais précédemment, lequel ne permet pas un travail autonome de notre assemblée et vide de son sens l'idée d'initiative législative qui devrait normalement appartenir en priorité au Parlement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Cet amendement a été rejeté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement, qui tend à inverser les modalités de détermination de l'ordre du jour du Parlement en en conférant la maîtrise à ce dernier, n'entre évidemment pas dans le cadre de la disposition qui est examinée aujourd'hui.

Cette fois-ci, j'ai envie de dire à M. Mamère, de manière un peu badine, que sa proposition ne me tente pas du tout ! (Sourires.)

Puis-je aussi rappeler que, depuis trois ans, un tiers des lois adoptées émanent du Parlement ? (Exclamations sur de nombreux bancs.)

M. Patrick Devedjian.

Ce ne sont pas de vraies lois ! Elles le sont juste formellement !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Nous sommes là pour réformer la Constitution et non pour en changer. Or les amendements de M. Mamère consistent purement et simplement à proposer de revenir au système de la IVe République,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. Noël Mamère.

Absolument pas !

M. Jean-Louis Debré.

... système dans lequel l'exécutif ne dispose d'aucun pouvoir, le Parlement est maître de tout et les pouvoirs sont confondus.

Je souhaite vraiment que l'on s'en tienne à la modification de la durée du mandat présidentiel et que l'on ne cherche pas à modifier de manière aventureuse toute la Constitution, pour en revenir à des institutions qui ont conduit ce pays à la dérive et - mais peut-être en étiezvous satisfait - à la disparition de l'Etat. Pour ma part, je veux des institutions qui permettent à l'Etat d'exister, des institutions...

M. Jean-Pierre Brard.

Nées d'un putsch !

M. Jean-Louis Debré.

... qui assignent à chacun un rôle et qui permettent à la France d'être dirigée, même en période de cohabitation.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Je suis effaré qu'un parlementaire puisse dire que le Parlement doit continuer à ne pas avoir de pouvoirs !

M. Jean-Louis Debré.

Manipulateur !

M. Patrick Devedjian.

M. Debré n'a jamais dit cela !

M. Noël Mamère.

En cela, monsieur Debré, vous êtes fidèle aux hommes politiques qui ont rédigé la Constitution de la Ve République, et qui l'ont fait pour un homme (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et pour renforcer ses pouvoirs.

Vous êtes ici le législateur, monsieur Debré, et vouss avez parfaitement que, depuis le début de la Ve République, les pouvoirs d'initiative et de contrôle du Parlement ont été systématiquement rognés. Il a fallu attendre le gouvernement soutenu par la majorité plurielle pour qu'on réhabilite dans cette maison les commissions d'enquête parlementaire qu'évoquait tout à l'heure le président de la commission des lois ; mais il s'agit-là uniquement de notre pouvoir de contrôle. Pour ce qui est de notre pouvoir d'initiative, vous savez très bien qu'il reste extrêmement limité.

Ce n'est pas parce que des amendements - raisonnables, à mon sens - visent à toiletter la Constitution de la Ve République pour lutter contre le déséquilibre qui existe entre l'exécutif et le législatif, que, pour autant, il s'agit de changer de Constitution et de revenir à ce que vous considérez comme l'enfer, autrement dit à la IVe République !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous invite tout de même à éviter de répéter sans cesse que le Parlement n'aurait pas de pouvoirs.

M. Noël Mamère.

Pas suffisamment !

M. le président.

J'ai envie de vous dire : utilisez déjà ceux dont vous disposez ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. le président.

Et les choses iront sans doute mieux ! En tenant ce genre de langage, je crains que vous ne participiez à une opération qui discrédite le Parlement tout entier.

M. Noël Mamère.

Je ne suis pas d'accord !

M. le président.

En tant que président de l'Assemblée, je ne peux pas m'associer à ce type de démarche.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il faut cesser de tenir des discours, qui font sans doute plaisir, mais qui ne correspondent pas tout à fait à l'expérience qui est la mienne, monsieur Mamère, et dont je me permets de vous faire remarquer qu'elle est peut-être un tout petit peu plus longue que la vôtre !

M. Noël Mamère.

Ce n'est pas une raison, ni suffisante ni nécessaire !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Juste un mot pour répondre à mon collègue : je préfère la Constitution rédigée par mon père à celle voulue par Mamère ! (Rires.)

M. le président.

Je reconnais, monsieur Debré, que vous étiez le seul dans cette enceinte à pouvoir faire ce bon mot ! La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Je siège dans cette enceinte depuis de nombreuses années. Eh bien, je tiens à dire sans malice, mais avec une certaine solennité, que c'est la première fois que j'entends un président de l'Assemblée nationale dire que celle-ci a suffisamment de pouvoirs !

M. le président.

Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Il n'a pas dit ça !

M. Jacques Brunhes.

Bien avant la création de la commission Vedel, destinée à examiner les problèmes institutionnels qui pouvaient se poser, tous les présidents de l'Assemblée et tous les parlementaires expliquaient que l'Assemblée n'avait pas suffisamment de pouvoirs par rapport au Président de la République et qu'il fallait procéder à un rééquilibrage.

M. Noël Mamère.

Bien sûr !

M. Patrick Devedjian.

C'est un faux procès, M. le président n'a jamais dit cela ! On nous dit, quand on veut bien nous écouter, qu'il y a une piste à creuser. Mme la garde des sceaux a même parlé d'une multitude de pistes à creuser sur lesquelles nous pourrions travailler. Cela dit, ainsi que je l'ai souligné dans mon intervention générale, j'entends dire depuis vingt ans qu'il y a des pistes à creuser, sauf que je ne vois jamais, au grand jamais, une seule piste terminée.

De temps en temps, une petite modification est opérée, mais, en général, elle est d'ordre fonctionnel et concerne rarement les pouvoirs du Parlement. C'est dommage.

J'aimerais bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président, que vous nous disiez :

« Mettons-nous au travail sur l'ensemble de ces propositions. » Quand il s'était agi d'instaurer la session unique,

nous avions eu des réunions de travail utile avec

M. Séguin...

M. Patrice Martin-Lalande.

Un excellent président !

M. Jean-Luc Warsmann.

Et qui fera un bon maire de Paris !

M. Jacques Brunhes.

... et avec M. Mazeaud. Eh bien, faisons la même chose maintenant, et mettons-nous au travail !

M. le président.

Nous n'allons pas ouvrir une polémique, monsieur Brunhes. Les propos que j'ai tenus ne sont pas ceux que vous me prêtez et qui motivent votre critique. Je vais les répéter, au cas où vous ne les auriez pas entendus. Je n'ai pas prétendu que le Parlement était


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dans une situation idéale ; j'ai simplement dit qu'en ne cessant pas de nous lamenter sur les conditions qui étaient les nôtres, nous participions à une entreprise qui finit par atteindre le Parlement tout entier. Et j'ai encouragé les parlementaires à utiliser tous les droits dont ils disposent, ce que, à mon avis, ils ne font pas suffisamment. Mais fermons-là la parenthèse et passons au vote de l'amendement no

73. Je mets au voix l'amendement no

73. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 48, 74 et 4, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 48, présenté par M. Brunhes et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Une séance par semaine est réservée par priorité à la discussion de propositions de loi, de résolutions ou de débats présentés par les différents groupes à la représentation proportionnelle. »

L'amendement no 74, présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Une séance par semaine est réservée par priorité à la discussion des propositions de loi présentées par les différents groupes des assemblées selon des modalités déterminées par une loi organique. »

L'amendement no 4, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le dernier alinéa de l'article 48 de la Constitution, le mot "mois" est remplacé par le mot "semaine". »

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l'amendement no

48.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, je ne polémiquerai pas avec vous, mais je ne partage pas vos propos car ils sont trop limitatifs.

J'en viens à l'amendement no

48. La pratique des niches parlementaires - dont le nom a été changé sans doute après que M. Louis Mermaz en eut trouvé la définition dans le Larousse - mériterait un examen approfondi et consensuel. Il est dommage, monsieur le ministre, que le Gouvernement tende à faire de ces niches sa propriété, décide du rythme des réformes, reprenne parfois à son compte sous forme d'un projet de loi un texte d'origine parlementaire plutôt que d'amender celui-ci, ou encore refuse la discussion des articles d'une proposition de loi dont il a autorisé la discussion. Tout se passe comme si le Gouvernement était troublé de ne plus être le seul maître de la loi, et ce alors qu'il est lui-même pris en flagrant délit de non-publication de décrets d'application des lois.

Une telle confusion a pour effet principal de favoriser l'irresponsabilité. Il me semble que si, chaque semaine, et non plus une fois par mois, l'Assemblée pouvait, comme nous le proposons, discuter d'une proposition présentée par un groupe en tenant compte de la représentation proportionnelle des forces politiques présentes dans cet hémicycle, une deuxième phase des plages parlementaires - pour reprendre la nouvelle terminologie - pourrait s'ouvrir et conduire ainsi à l'adoption de davantage de lois d'origine parlementaire.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement no

74.

M. Noël Mamère.

Les arguments utilisés par Jacques Brunhes valent pour mon amendement.

Ainsi, les Verts, qui font partie du groupe RCV, n'ont jusqu'à présent bénéficié que de deux niches parlementaires : la première leur a permis de faire voter la proposition de loi tendant à la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale ; la seconde de faire adopter la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. S'agissant de ce dernier texte, je regrette d'ailleurs que le Gouvernement n'ait pas suivi le vote unanime de la majorité plurielle et ait refusé de présenter devant le Sénat cette proposition de loi qui vise à supprimer une discrimination. Or, d'ici à la fin de la législature, les Verts ne pourront plus présenter de proposition de loi, puisqu'ils ne bénéficieront plus d'un espace, d'une niche, d'une plage ou d'une fenêtre - appelez cela comme vous voulez - parlementaire.

Cette procédure a clairement montré ses limites, puisque l'examen complet d'une proposition de loi ne peut même pas être garanti.

Le fait d'avoir réservé ue seule matinée ou une seule journée à la discussion des textes d'origine parlementaire montre bien quelle place occupe le Parlement dans l'actuelle Constitution.

Mon amendement vise donc à restaurer une véritable capacité d'initiative législative du Parlement. Il est évid emment complémentaire de l'amendement no

73. L'adoption de ces deux amendements aurait d'ailleurs permis à notre assemblée d'avoir enfin une réelle maîtrise de son ordre du jour. Ce n'est pas affaiblir notre institution parlementaire que de dire qu'il faut restaurer la capacité d'initiative du Parlement, et ce n'est pas cautionner l'idée selon laquelle celui-ci ne sert à rien. D'ailleurs, ce n'est pas ce que j'ai prétendu.

Enfin, sans vouloir entrer dans une polémique, je soulignerai que quand des parlementaires utilisent leur droit de parole, vous les rappelez à l'ordre, monsieur le président. Peut-être pourriez-vous réfléchir aux propos que vous tenez quand vous incitez les parlementaires à utiliser un tel droit de parole et à faire leur travail.

M. Jean-Louis Debré.

C'est une mise en cause de la présidence !

M. le président.

Monsieur Mamère, quand les parlementaires font leur travail, je ne les rappelle pas à l'ordre, je les encourage. Mais quand, en revanche, ils mettent en cause le Président de la République,...

M. Noël Mamère.

Surtout ne prononcez pas son nom !

M. le président.

... je les rappelle à l'ordre. Cette procédure est tout à fait normale et est prévue par les dispositions qui régissent le fonctionnement de notre assemblée.

M. Jean-Louis Debré.

Respectez la Constitution, monsieur Mamère !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no

4.

M. Jean-Pierre Brard.

Je serai très bref, car mon amendement est presque identique à ceux de mes collègues.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

Tous ces amendements dont nous discutons et dont on nous dit qu'ils sont hors sujet montrent bien à quel point la Constitution a besoin d'être renouvelée et profondément transformée.

M. Debré a cru devoir invoquer la filiation paternelle de la Constitution, mais cela ne saurait nous faire oublier que celle-ci porte les stigmates de sa matrice qui fut un coup d'Etat : le putsch du 13 mai ! (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Patrick Devedjian.

La Constitution a été adoptée par le peuple !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission les a rejetés.

Je ne crois pas, monsieur le président, que vos propos soient en contradiction avec ceux qui motivent les amendements visant à renforcer l'initiative parlementaire en transformant les niches parlementaires, aujourd'hui mensuelles, en plages hebdomadaires.

Cela dit, le Parlement a montré sa volonté par le choix des propositions de loi. Quant au Gouvernement, je rappelle qu'il a inscrit à l'ordre du jour prioritaire la suite de la discussion de proposition de loi dont l'examen n'aurait pu être achevé faute d'un temps suffisant dans les niches parlementaires. Cela a d'ailleurs été le cas du texte sur le droit de vote des étrangers résidant en France, monsieur Mamère.

Je crois que nous sommes nombreux à partager l'inspiration de fond de ces amendements. Toutefois, compte tenu des contraintes dont il a été maintes fois question, ils ont été repoussés par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Encore une fois, ces amendements n'entrent pas dans le cadre de la révision ; le Gouvernement y est donc défavorable.

Cela étant, je voudrais rappeler un certain nombre de choses.

D'abord, je confirme que, depuis le début de cette législature, en dehors des conventions internationales, 30 % des lois promulguées sont d'origine parlementaire.

Je publierai bientôt le bilan pour cette session, comme je l'ai fait pour les précédentes.

Par ailleurs, je souligne que le Gouvernement n'a pas hésité à inscrire des propositions de loi à l'ordre du jour prioritaire du Sénat ou de l'Assemblée nationale.

M. Patrick Devedjian.

Le PACS, par exemple !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je me souviens aussi d'avoir inscrit à l'ordre du jour prioritaire la première proposition relative à la révision du mode de scrutin des élections régionales dès le soir même de son dépôt. M. Mazeaud était encore là.

Quant au PACS, on peut tout de même pas dire que ça a été une petite loi.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Celle relative à la prestation compensatoire non plus !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Du reste, tout le monde est maintenant satisfait de son adoption.

Je rappelle à M. Brunhes que la proposition de loi de M. Robert Hue sur le contrôle des fonds publics versés aux entreprises a cheminé normalement grâce à l'action du Gouvernement, de même que la proposition de loi du groupe communiste concernant l'ouverture des droits à la retraite pour les travailleurs de plus de soixante ans ayant cotisé plus de quarante annuités.

Bref, ce Gouvernement démontre que l'initiative parlementaire n'est pas mise sous le boisseau.

M. René André.

Ce n'est pas très courtois !

M. Patrick Devedjian.

C'est une attaque personnelle contre Mme Boisseau ? (Sourires.)

M. le président.

En fin de séance, les faits personnels.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je maintiens.

Au regard de l'expérience qui est la mienne en matière de fonctionnement du Parlement et de la session unique, je considère qu'il n'y a pas de disproportion entre le temps de législation consacré aux projets de loi et le temps laissé aux propositions d'initiative parlementaire. Je rappelle que depuis l'instauration de la session unique, vous tenez tous beaucoup à ne légiférer que trois jours par semaine.

M. Pierre-André Wiltzer.

Et trois nuits !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

48. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

74. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 49, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 48 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets et les propositions de loi adoptés dans une assemblée sont inscrits à l'ordre du jour de l'autre assemblée dans un délai d'un mois. »

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Les textes peuvent être bloqués entre les assemblées. Par exemple, le Sénat bloque la discussion de la proposition de loi sur la reconnaissance du génocide arménien, du projet de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature et du projet de loi sur le cumul des mandats.

Pour éviter de tels blocages, nous proposons l'obligation d'inscrire à l'ordre du jour d'une assemblée, dans un délai d'un mois, les projets et les propositions qui auront été adoptés dans l'autre.

M. Patrick Devedjian.

Je ne suis pas insensible à l'argumentation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Nous savons pertinemment pourquoi le Sénat n'a pas voté la reconnaissance du génocide arménien. Parce que la France est liée par des accords


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

militaires avec la Turquie, parce que la France fait du commerce avec ce pays, il fallait oublier les droits de l'homme. Notre pays se serait honoré à reconnaître enfin le génocide arménien.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

49. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 18, 50 et 75, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 18 et 50 sont identiques.

L'amendement no 18 est présenté par M. Brard ; l'amendement no 50 est présenté par M. Brunhes et les membres du groupe communiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'avant-dernier alinéa de l'article 49 de la Constitution est supprimé. »

L'amendement no 75, présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'avant-dernier alinéa de l'article 49 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La procédure décrite au présent alinéa ne peut être utilisée plus de trois fois par session. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement no

18.

M. Jean-Pierre Brard.

L'article 49-3 de la Constitution est une des armes imaginées par le constituant de 1958 pour soumettre le Parlement. Au risque d'être désagréable avec M. Debré, je crois qu'il n'y a pas de quoi en être fier. Il s'agit d'une procédure dirigée non pas contre l'opposition - encore que... - mais bien contre la majorité, le Gouvernement pouvant ainsi contraindre à la discipline les députés indécis ou rebelles ou leur offrir une échappatoire pour leur éviter de prendre leurs responsabilités.

M. Patrice Martin-Lalande.

Elle aura bien servi !

M. Jean-Pierre Brard.

Le texte n'est alors pas voté mais il est considéré comme adopté si aucune motion de censure n'est adoptée. C'est là une curieuse forme du débat démocratique : plutôt que de rechercher les voies d'un accord de la majorité, le Gouvernement prend le risque d'une crise politique qui est alors supportée par les parlementaires.

Depuis trois ans, nous vivons l'expérience d'un Gouvernement qui, parce qu'il a une autre vision de la vie politique, fait une plus grande place à la confrontation, à la démocratie, d'ailleurs certains dans l'opposition ne manquent pas d'user de ces possibilités, même parfois d'en abuser. Mais il vaut mieux qu'il y ait excès en la matière qu'insuffisance. Nous pouvons donc très bien vivre sans le 49-3. Le supprimer reviendrait à reconnaître un espace supplémentaire au Parlement. La décision politique du Premier ministre de ne pas y avoir recours pour l'instant conduit à la recherche du compromis, sans aller à la compromission, et donc contraint à la confrontation.

On sent bien, chers collègues de l'opposition, que vous êtes à la recherche de cette poudre de perlimpimpin miraculeuse qui permet de s'entendre même quand on n'est pas d'accord. Mais c'est le débat, la libre confrontation qui permet de déboucher sur l'accord librement consenti et qui exclut la contrainte à laquelle vos gouvernements ont si souvent eu recours dans le passé.

M. Christian Jacob.

Vous n'êtes pas mal en matière de liberté !

M. Jean-Pierre Brard.

Notre parlement s'honorerait donc, chers collègues, en supprimant l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution.

M. le président.

Monsieur Brunhes, l'amendement no 50 est identique...

M. Jacques Brunhes.

Un mot simplement.

Ce qui a rendu le système pervers, c'est l'abus qu'en ont fait les gouvernements successifs, à l'exception de l'actuel - je le souligne volontiers. Souvent ce fut l'aboutissement d'un rapport de forces, le gouvernement ayant la volonté de brider totalement l'Assemblée nationale. On voit, par là, le rôle de domination, et non de dialogue et de recherche d'un consensus acceptable, que le Gouvernement joue en recourant à l'article 49-3. Il a même été utilisé subtilement. Ainsi, en 1982, alors que les communistes avaient dit clairement leur opposition au blocage des salaires, le gouvernement fit jouer l'article 49-3 pour que son propre groupe, pourtant majoritaire à lui seul, n'ait pas à voter. La pratique l'a montré, le 49-3 n'est qu'un instrument d'autorité et non pas un moyen de stabilité. Il est souhaitable de mettre fin à ce mécanisme autoritaire, voire caricatural.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement no

75.

M. Christian Jacob.

Est-ce bien nécessaire ?

M. Noël Mamère.

Nous considérons que l'article 49-3 conduit à exercer un véritable chantage à l'encontre du Parlement, toujours sur le même thème : la stabilité gouvernementale. En effet, si le Parlement souhaite rejeter le texte qui lui a été proposé, il est obligé de voter une motion de censure contre le Gouvernement. Le Parlement est en quelque sorte obligé de se résigner à accepter sans discussion un projet de loi, à moins de renverser le Gouvernement et d'ouvrir par là même une grave crise politique.

Nous pensons néanmoins que la procédure n'a pas de grande nécessité. Ainsi, en trois ans d'existence, l'actuel gouvernement ne l'a jamais utilisée. Il est pourtant issu d'une coalition dans laquelle aucun parti n'a la majorité à lui tout seul.

La procédure du 49-3 peut être utile en cas d'absence de majorité absolue au sein de l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi l'amendement que nous vous proposons vise non pas à le supprimer, mais simplement à restreindre son utilisation, qui doit revêtir un caractère exceptionnel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission a rejeté ces trois amendements, même si l'usage répété du 49-3 peut être choquant au regard de l'organisation d'une démocratie parlementaire. J'appartiens à une formation qui propose d'ailleurs depuis longtemps de modifier la Constitution pour limiter l'usage de cette procédure. Mais, entre l'interdiction du 49-3 et la limitation de son usage, s'ouvre un champ de discussion pour l'avenir qui me semble intéressant.

M. Jacques Brunhes.

Voilà de la politique !

M. Jean-Luc Warsmann.

Des mots !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Ces amendements, qui entendent supprimer l'article 49-3 de la Constitution relatif à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement et à la motion de censure, n'entrent pas dans le cadre de la révision d'aujourd'hui.

Plusieurs parlementaires l'ont relevé, pour s'en féliciter, je crois, ce Gouvernement ne l'a jamais utilisé depuis trois ans. C'est très bien. Nous allons continuer ainsi, je l'espère, dans les deux ans qui viennent.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est de l'autosatisfaction !

M. René André.

Vous serez bien content de le trouver si vous en avez besoin !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

En tout cas, sachez que nous sommes à l'écoute de la majorité, tant il est vrai que l'article 49-3 est plutôt utilisé en direction de la majorité que de l'opposition.

M. Jean-Louis Debré.

N'oubliez pas l'histoire !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je pense, pour ma part, que le Parlement doit être respecté et que l'utilisation abusive de l'article 49-3 n'est pas une manière de respecter le Parlement. A ce stade, bien évidemment, le Gouvernement est défavorable à la modification de la Constitution sur ce point.

M. Jean-Louis Debré.

Quelle méconnaissance de l'histoire constitutionnelle !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18 et 50.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

75. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 51, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 52 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'Assemblée nationale exerce un contrôle régulier de l'activité internationale de l'Etat. »

La parole est à M. Jacque Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Il nous paraît logique que l'activité internationale du Gouvernement, non pas ses activités diplomatiques ordinaires ou militaires mais ses activit és d'ordre économique ou social, puisse être régulièrement contrôlée par le Parlement, par exemple lors des grands congrès comme Seattle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission est défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est également défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

51. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 84, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 61 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Toute loi et loi organique, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

La saisine du Conseil constitutionnel est une conquête pour les citoyens. Les possibilités actuelles de saisine sont aujourd'hui trop restrictives pour permettre un contrôle de constitutionnalité a priori de t outes les lois. Ainsi, des lois anticonstitutionnelles peuvent être votées et entrer en application. Pour ne pas multiplier les sources de contentieux, il apparaît sage de soumettre désormais toutes les lois à un contrôle de constitutionnalité a priori

M. Jean-Louis Debré.

Quelle défiance à l'égard du Parlement !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis vigoureusement opposé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

84. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 83, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 61 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel lorsqu'il estime qu'une loi qui lui est appliqué, qui n'a jamais fait l'objet d'un contrôle de constitutionalité, n'est pas conforme à la Constitution et qu'il a épuisé toutes les autres voies de recours judiciaires. Une loi organique détermine les conditions du présent article. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Le contrôle de constitutionnalité n'ayant été introduit que très récemment dans notre pays, la plus grande part de la législation actuellement applicable aux justiciables n'a jamais été déclarée conforme ou non à la Constitution et à ses grands principes. En outre, les modalités de saisine étant encore aujourd'hui limitées, le Parlement peut de fait voter des lois anticonstitutionnelles, je viens de le dire. L'introduction d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori est la seule voie raisonnable et conforme au respect des droits de chacun p our garantir qu'aucune loi anticonstitutionnelle ne puisse être appliquée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 77, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 72 de la Constitution, les mots ", les départements" sont remplacés par les mots ", les regroupements de communes institués par la loi, les départements, les régions". »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de la réforme de l'intercommunalité, qui est un des éléments essentiels de la décentralisation, de la réforme de nos institutions et de la démocratisation de notre vie publique.

Les régions et les communautés de communes, d'agglomération ou les communautés urbaines doivent être reconnues comme des collectivités à part entière.

Je vous rappelle que, dans sa grande hypocrisie, le législateur a évacué les représentants des communautés urbaines du champ de la loi sur le cumul des mandats.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission est défavorable. Je suis, pour ma part, très favorable à cette idée, j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans le débat sur l'intercommunalité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

77. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 78, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin de liste proportionnel dans les conditions déterminées par une loi organique. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

L'introduction de la proportionnelle est réclamée par les Verts depuis longtemps, et elle figurait dans les accords Verts parti socialiste, je le rappelle.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Malheureusement, elle n'est toujours pas d'actualité.

Nous souhaitons uniformiser la durée des mandats et les modes de scrutin sur la base du mode de scrutin proportionnel. Cela permettrait d'en finir avec ce que M. le Premier ministre appelle l'anomalie démocratique des conseils généraux, avec l'élection au suffrage indirect des conseils de communautés de communes, communautés d'agglomération et communautés urbaines. Nous sommes nombreux à penser par exemple que les conseillers communautaires devraient être élus au suffrage universel direct plutôt qu'au second degré, afin de dégager des logiques d'agglomération.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Rejeté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Avis défavorable, pour des raisons que vous connaissez. Je ne crois pas que le Premier ministre se soit exprimé sur les collectivités évoquées par M. Mamère. Quant au Sénat, c'est le fait qu'il n'y ait pas de perspective possible d'alternance qui, selon lui, représente une anomalie démocratique, et non le Sénat lui-même. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Jacob.

Il y a une possibilité d'alternance !

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous n'avez qu'à gagner les élections !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

En ce qui concerne les propositions de M. Mamère, le débat est ouvert.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

78. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand ont présenté un amendement, no 79, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut être procédé par la loi à des transferts de compétences, y compris législatives et fiscales, aux différentes collectivités territoriales. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Nous proposons de modifier l'article 72 de la Constitution pour permettre de procéder, par la loi, à des transferts de compétences, y compris législatives et fiscales, en direction des différentes collectivités territoriales, ouvrant la voie à une réelle décentralisation des pouvoirs en France, qui avait été commencée par

M. Defferre en 1982.

Les lois votées par la majorité réformatrice de l'époque ont permis de réelles avancées en matière de décentralisation. Elles ont montré que le développement des pouvoirs des collectivités locales était un facteur de dynamisme et de multiplication des initiatives et des expériences bénéfiques pour l'ensemble du pays. C'est aussi un facteur important de démocratisation de la vie politique, puisque cela contribue fortement à rapprocher les lieux de décision des citoyens. Il est désormais nécessaire de franchir une étape supplémentaire dans la décentralisation, y compris en utilisant des voies nouvelles, qui passent par de réels transferts de compétence de l'Etat central vers les collectivités locales, au premier rang desquelles les régions et les structures intercommunales.

Le présent amendement doit permettre, le cas échéant, l'adoption de statuts particuliers pour les régions qui le souhaitent, sous la forme qu'elles auraient déterminé démocratiquement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le débat sur la décentralisation est bien sûr essentiel.

Comme il a été indiqué lors de la discussion générale, le


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Gouvernement a décidé de relancer la réflexion en instituant la commission présidée par M. Pierre Mauroy. Il faut relever que les transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités locales devraient pouvoir se faire dans le cadre de la Constitution existante, sans qu'il soit nécessaire de modifier l'article 72. Mais ces questions n'ont pas leur place dans le cadre d'aujourd'hui.

M. Jean-Louis Debré.

Bien sûr !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

79. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Méhaignerie et les membres du groupe Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 94, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités locales disposent du droit à l'expérimentation dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je soutiens l'amendement de M. Méhaignerie au nom de l'ensemble du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Dans la logique de ceux que j'ai défendus tout à l'heure à titre personnel, il vise un rééquilibrage des pouvoirs, en permettant la mise en place de contre-pouvoirs face à un régime présidentiel qui, en soit, serait un danger.

Mais il a aussi une autre ligne de force, si j'ose dire, la modernisation.

Pour moi, un Etat moderne, c'est un Etat lisible, dans lequel les compétences des uns et des autres sont simplifiées, clarifiées. C'est un Etat proche des citoyens, qui propose des solutions humaines, efficaces, adaptées à la réalité extrêmement diversifiée du terrain. Nous n'y arriverons jamais sans pratiquer l'expérimentation. Le rapport Picq le dit très clairement, l'expérimentation est un passage obligé pour une meilleure conduite de l'action publique.

Le Conseil constitutionnel a ses limites, c'est l'égalité devant la loi. Mais l'égalité n'est pas toujours synonyme de justice et d'efficacité. L'expérimentation permettrait de mieux faire la loi, d'engager dans certains cas des réformes difficiles, qui font peur et qui, pourtant, sont nécessaires.

Un exemple entre mille, celui de la police municipale qui provoque des conflits idéologiques et engendre des blocages. Laissons les collectivités locales expérimenter sur ce sujet et notre appréhension à tous du problème des polices municipales en sera certainement modifiée et des solutions concrètes, authentiques seront trouvées.

Il faut constitutionnaliser l'expérimentation ; c'est ce que propose l'amendement no 94 : « Les collectivités locales disposent du droit à l'expérimentation dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Bernard Roman président de la commission.

Non examiné par la commission mais avis défavorable dans le cadre qui est le nôtre aujourd'hui.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

La loi peut déjà prévoir des expérimentations au sein des collectivités locales. Les limites ont été définies par le Conseil constitutionnel dans une décision du 28 juillet 1993, qui exige notamment que le législateur encadre très précisément les cas dans lesquels il peut être procédé à des expérimentations, ainsi que les procédures d'évaluation et d'extension de celles-ci. La reconnaissance dans la Constitution d'un droit à l'expérimentation, allant au-delà de ce qu'autorise cette jurisprudence, pose de questions qui sont étrangères au débat de ce jour. Le Gouvernement est donc défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

94. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 52 et 80.

L'amendement no 52 est présenté par M. Birsinger et les membres du groupe communiste ; l'amendement no 80 est présenté par M. Mamère, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet et Marchand.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :

« Art.

72-1. Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour soutenir l'amendement no

52.

M. Jean-Claude Lefort.

Notre ami M. Birsinger et le groupe communiste voudraient profiter de l'occasion qu'offre la révision constitutionnelle pour inscrire dans notre loi fondamentale un droit qui nous tient particulièrement à coeur, le droit de vote des étrangers aux élections municipales, et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, on ne pourra indéfiniment disserter sur la démocratie en continuant de priver plus de deux millions de citoyens qui sont installés durablement dans notre pays du droit de désigner leurs représentants.

Ensuite, pour accorder ce droit, il faut modifier la Constitution. Or c'est précisément la tâche qui nous est assignée aujourd'hui.

Enfin, nous ne pouvons que constater que les conditions sont réunies. En effet, le 3 mai dernier, notre assemblée a déjà adopté un texte dont cet amendement est la copie conforme. Il convient donc de poursuivre le processus jusqu'au bout.

En adoptant cet amendement, l'ensemble des parlementaires de la gauche plurielle, qui ont su se rassembler le 3 mai dernier pour poser ce jalon historique, seraient logiques avec eux-mêmes et fidèles à la ligne de conduite qu'ils se sont fixées.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l'amendement no

80.

M. Noël Mamère.

Je ne peux que confirmer ce que vient de dire mon collègue Lefort puisque ce sont les députés Verts qui ont été à l'initiative du vote unanime, le 3 mai dernier, de la majorité plurielle.

Pourquoi attendre une hypothétique inscription de la proposition de loi constitutionnelle à l'ordre du jour du Sénat quand la réforme constitutionnelle qui nous est soumise nous offre la possibilité d'inscrire dans la loi le vote des étrangers non communautaires aux élections locales ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

J'ajouterai un argument qui me paraît décisif. Vous savez qu'il y a beaucoup de discussions, même au sein de notre majorité, autour de la notion de citoyenneté. Nous sommes partisans d'une citoyenneté adossée à la résidence et non à la nationalité. D'ailleurs, un certain nombre de responsables politiques, de droite comme de gauche, ont indiqué, dans des instances importantes, qu'il serait nécessaire, compte tenu des enjeux du renouvellement des générations, de favoriser l'immigration dans notre pays.

On ne peut pas comprendre aujourd'hui qu'il y ait, d'un côté, des citoyens à part entière, ce que nous sommes ici dans cette assemblée, et de l'autre, des citoyens de seconde zone...

M. Patrick Devedjian.

Des citoyens étrangers !

M. Noël Mamère.

... que sont les étrangers communautaires, qui peuvent voter aux élections locales, dans des conditions d'ailleurs très restrictives, ce qui est déjà endeçà de ce qui se fait dans d'autres pays européens.

M. Jean-Louis Debré.

Tout ça, vous l'avez déjà dit !

M. Noël Mamère.

On leur demande leur force de travail, on leur demande de respecter les lois de la République, on leur demande de payer des impôts et on leur dit, quand il s'agit pour eux de décider de leur destin collectif : « Circulez, il n'y a rien à voir ! ».

Cette discrimination doit être abolie de notre pays.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Ces deux amendements ont été rejetés par la commission, non pas pour des raisons de fond, mais eu égard au cadre contraint de notre discussion : notre volonté de voir adopter le quinquennat nous conduit à ne pas amender le projet de loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 52 et 80.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Lefort et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 53, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une loi organique définit les conditions dans lesquelles le Gouvernement négocie au sein du Conseil européen, dans le respect d'orientations définies par le Parlement, et lui en rend compte. »

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Si les derniers sont les premiers, le destin de cet amendement devrait être positif.

(Sourires.)

M. Christian Jacob.

Retirez-le plutôt !

M. Jean-Claude Lefort.

Cet amendement a toute sa place dans notre discussion.

Le président de la commission des lois, dans son intervention liminaire, a insisté sur l'intérêt qu'il y aurait, au sein de notre assemblée, à repenser les relations de cette dernière avec les institutions européennes. Il a également insisté sur le temps qu'il importerait de consacrer à cette question.

L'article 88-4 de la Constitution, qui a déjà été modifié en Congrès, laisse apparaître de larges insuffisances.

Chacun le comprendra, le poids des institutions communautaires sur la législation française est tel qu'il convient de repenser - il ne faut pas simplement y réfléchir - à la place du Parlement français.

Vous-même, monsieur le président, m'avez objecté au cours d'un débat précédent, où je m'appuyais sur une résolution de la délégation pour l'Union européenne, que cette dernière n'avait pas de valeur puisqu'elle « ne se raccrochait pas » à un acte communautaire. C'est dire la complexité et, en même temps, le poids que représentent les initiatives d'origine communautaire pour le Parlement.

J'ajoute qu'en vue de la présidence française de l'Union, une révision des institutions fait actuellement l'objet d'une réflexion et qu'elle verra certainement le jour lors du Conseil de Nice, à la fin de l'année. Il est notamment prévu de faire passer l'ensemble du premier pilier sous le régime de la majorité qualifiée, ce qui modifierait naturellement les équilibres au sein des institutions communautaires. Le poids de notre assemblée devra donc être repensé. Et je ne parle pas des coopérations renforcées du nombre des commissaires, de la pondération des voix de chacun des Etats membres, non plus que de l'élargissement.

En pleine harmonie avec le président de la commission des lois, en pleine harmonie avec la révision constitutionnelle qui nous occupe aujourd'hui, nous pouvons planter, en prenant une décision, un nouveau décor pour renforcer le rôle de notre Parlement, et notamment de notre assemblée, au sein des institutions européennes afin que ces dernières soient plus proches des citoyens.

M. le président.

Je suis admiratif, monsieur Lefort ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

L'amendement a été rejeté par la commission.

M. Patrice Martin-Lalande.

Evidemment !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Nous avons achevé l'examen de l'article unique et des amendements portant articles additionnels.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle qui, après le rejet des articles additionnels, se limite à l'article unique, auront lieu mardi 20 juin, après les questions au Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 JUIN 2000

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi no 2456 modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2471).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT