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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

1. Questions au Gouvernement (p. 5590).

IMMIGRATION EN EUROPE (p. 5590)

MM. Rudy Salles, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

ASSURANCE CHÔMAGE (p. 5591)

M. Renaud Dutreil, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

EMBARGO CONTRE L'IRAK (p. 5592)

MM. Jean-Pierre Michel, Alain Richard, ministre de la défense.

DROITS DES FEMMES (p. 5593)

M. Gérard Charasse, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

DÉCLARATIONS DU CHEF D'ÉTAT ALGÉRIEN

SUR LES HARKIS (p. 5593)

M. Thierry Mariani, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

JOURNAL D'INFORMATION DU MINISTÈRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS (p. 5595)

M. Gérard Hamel, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

AVENIR DU NUCLÉAIRE CIVIL EN FRANCE (p. 5595)

M. Jean-Claude Guibal, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

ACCORD SUR L'UNEDIC (p. 5595)

M. Jean-Claude Sandrier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PETITE ENFANCE (p. 5596)

Mmes Hélène Mignon, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

IMMIGRATION CLANDESTINE (p. 5597)

MM. André Capet, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

SOINS PALLIATIFS ET LUTTE CONTRE LA DOULEUR (p. 5598)

M. Jean-Jacques Denis, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

PILULE DU LENDEMAIN (p. 5599)

Mmes Catherine Picard, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

DÉCLARATIONS DE M. BOUTEFLIKA EN FRANCE (p. 5599)

M. Pierre Lequiller, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

2. Quinquennat. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi constitutionnelle (p. 5601).

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 5601)

Mme Marie-Hélène Aubert,

MM. José Rossi, Jean-Marc Ayrault, Jean-Louis Debré, Jacques Brunhes, Renaud Donnedieu de Vabres.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5601)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 5606)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

3. Prestation compensatoire en matière de divorce. - Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (p. 5606).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission mixte paritaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5608)

MM. Patrick Delnatte, Bernard Outin, Yves Nicolin, Gérard Gouzes, Emile Blessig.

Clôture de la discussion générale.

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (p. 5612)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

4. Lutte contre la corruption. - Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (p. 5612).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission mixte paritaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5614)

MM. Patrick Braouezec, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Montebourg, Dominique Bussereau, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Michel Hunault.

Clôture de la discussion générale.

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (p. 5618)

Adoption de l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.


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Suspension et reprise de la séance (p. 5620)

5. Loi de finances rectificative pour 2000. - Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 5620).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5623)

M. Pierre Méhaignerie.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 5624).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que la séance ne sera pas suspendue à la fin des questions au Gouvernement.

Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

IMMIGRATION EN EUROPE

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La mort de cinquante-huit immigrants découverts à Douvres dans un camion frigorifique, au-delà de l'horreur qu'elle suscite, met en lumière la difficulté de lutter efficacement et en amont contre l'immigration clandestine.

Elle relève que, dans le domaine du contrôle de l'immigration comme dans celui de la justice avec le problème de l'extradiction de Rezala, ce n'est pas de trop d'Europe que nous souffrons, mais au contraire de l'absence d'Europe.

Le Président de la République lui-même a exprimé ce point de vue hier, au sommet de Feira, au Portugal, en demandant le renforcement de la coopération entre les

Etats membres et l'accélération de la mise en oeuvre des conclusions du conseil européen de Tempere en matière d'asile et d'immigration.

En effet, la chute du mur de Berlin et la prospérité de l'Union européenne ont eu pour conséquence d'amener les filières de la honte à se développer, puisque ce sont près de 500 000 immigrés clandestins qui arrivent chaque année en Europe.

L'UDF a toujours plaidé pour l'harmonisation des politiques européennes en la matière et surtout pour la création d'un corps de douane et d'un corps de police des frontières européen, de façon à les rendre véritablement opérationnelles en exerçant plus efficacement les contrôles aux frontières extérieures de l'Union et en traquant ces odieux trafics d'innocents.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) De la même façon, nous souhaitons un renforcement des peines à l'encontre des passeurs.

Ma question est simple : quelles initiatives entendezvous prendre dans ce domaine pendant la période où la France exercera la présidence de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, votre question relative au drame de Douvres nous renvoie à une problématique plus générale : celle de la capacité de l'Europe à maîtriser les flux migratoires dans des conditions humaines, d'une part, en aidant les pays source à se développer et à retenir leur population, d'autre part, en permettant une intégration convenable des étrangers légalement établis sur notre sol.

C'est cette problématique qu'a reprise le Conseil européen de Tampere. Vous reconnaissez, à travers ce triptyque codéveloppement - intégration - maîtrise des flux migratoires, la politique que le Gouvernement a développée ici même à l'occasion de l'examen du projet de loi dit RESEDA, que vous avez combattu mais qui est devenu une loi votée par le Parlement.

Je pense sincèrement, monsieur le député, que vous devez prendre en compte les problèmes au niveau où ils se posent. Je vous entends flétrir l'absence d'Europe...

M. Jacques Limouzy.

Il y en a trop !

M. le ministre de l'intérieur.

Peut-être savez-vous que la Grande-Bretagne comme l'Irlande se sont mises en dehors du traité d'Amsterdam par le biais d'une clause dite opting out ...

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas le problème !

M. le ministre de l'intérieur.

... et que, de ce fait, des c ontrôles sont toujours exercés aux frontières entre l'Europe continentale et la Grande-Bretagne, particulièrement entre Zeebrugge et Douvres.

Le sommet européen de Tampere a défini plusieurs orientations que j'entends appliquer afin de parvenir à maîtriser ces flux migratoires qui vont en se développant.

Le nombre de demandes d'asile à la frontière en France a doublé depuis l'an dernier. Il atteint déjà 10 000 pour le premier trimestre alors que, pour toute l'année 1997, les d emandes d'asile ne dépassaient pas 17 000. Sans a tteindre le niveau de la Grande-Bretagne, 71 000 demandeurs d'asile l'an dernier, ou en Allemagne, avec 98 000 demandeurs d'asile, cette vague ne nous épargne pas.

Aussi ai-je préparé deux textes qui seront soumis, pendant la période de la présidence française de l'Union européenne, au conseil des ministres « justice et affaires intérieures ». Le premier tend à remplacer la répression contre les filières d'immigration clandestine, ceux que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

l'on appelle les « passeurs », activité criminelle dont nous voyons les effets. Il faut savoir que des malheureux paient souvent plus de 100 000, voire 200 000 francs pour être acheminés dans le pays de destination, qu'il leur faut ensuite rembourser par des années de travail clandestin.

Cette criminalité doit être résolument combattue. Il faut donc des sanctions harmonisées à l'échelle de l'Unione uropéenne tout entière, ainsi que des pénalités à l'encontre des transporteurs. Ce dernier point fait également l'objet d'un texte, déjà prêt, que je proposerai à la présidence française pendant les six prochains mois et lors du prochain conseil « JAI » formel.

Deux initiatives ont par ailleurs été prises : d'abord un séminaire consacré à la répression des filières d'immigration clandestine, le 21 juillet ; ensuite, un conseil « JAI » informel les 29 et 30 juillet sur les problèmes, à l'évidence considérables, posés par l'immigration sur le long terme, au moins pour les cinquante prochaines années.

M. Charles Cova.

Depuis le temps qu'on le dit !

M. le ministre de l'intérieur.

Il importe que nous nous dotions des moyens propres à lui apporter une réponse efficace.

Cela dit, lorsque je compare la France avec d'autres pays voisins, je considère que la situation est, à cet égard, bien meilleure dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République), en tout cas moins mauvaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ASSURANCE CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Renaud Dutreil.

M. Renaud Dutreil.

Monsieur le Premier ministre, je vous avais posé, la semaine dernière, une question sur la réforme du régime d'assurance chômage. Je vous ai demandé, premièrement, de nous dire si votre gouvernement entendait respecter le dialogue social en donnant son agrément à l'accord intervenu entre la CFDT, la CFTC, le MEDEF, la CG-PME et l'UPA au sujet de la réforme de l'UNEDIC ; deuxièmement, de nous donner votre avis sur le plan d'aide au retour à l'emploi destiné à améliorer l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, l'indemnisation des demandeurs d'emploi, en contrepartie d'un engagement à rechercher effectivement un emploi.

A ces deux questions vous n'avez pas répondu, et pas davantage Mme Aubry, qui s'était exprimée à votre place.

Sur le dialogue social, elle s'est bornée à nous dire qu'elle était à l'origine des lois Auroux - ce qui fait remonter à près de vingt ans sa dernière contribution au renouveau de la négociation collective.

(Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

De fait, ce ne sont pas les 35 heures, i mposées unilatéralement par le Gouvernement, qui auront redonné du lustre au dialogue social. Mais surtout, sur le fond, elle nous a livré une réponse tout à la fois véhémente et confuse.

Au moment où votre gouvernement semble à la recherche d'un nouveau souffle (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en panne d'idées, tétanisé par les échéances électorales et embarrassé par les divisions de sa majorité, je vous renouvelle la question à laquelle vous n'avez pas donné de réponse : que pensezvous du plan d'aide au retour à l'emploi ? Etes-vous favorable à donner l'agrément de votre gouvernement à l'accord intervenu sur le texte que la CFDT et le MEDEF ont signé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse aussi brève que possible.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, au moment où des succès déterminants sont remportés sur le front de l'emploi, notre responsabilité collective est de tout faire pour assurer le retour à l'emploi des chômeurs, de tous les chômeurs, et dans les mêmes conditions pour tous.

Le Gouvernement a eu à maintes reprises l'occasion de dire combien il se réjouissait de voir les partenaires sociaux rechercher une utilisation tout à la fois plus efficace et plus juste des fonds de l'UNEDIC.

Les organisations patronales et deux organisations syndicales vont prochainement conclure un protocole d'accord. Le meilleur moyen de les respecter, monsieur le député, c'est d'abord d'attendre qu'ils l'aient signé, et plus encore qu'ils aient signé une convention, puisque c'est seulement sur la convention d'indemnisation chômage que le Gouvernement doit s'exprimer en donnant ou non son agrément. J'attends donc d'avoir cette convention ; elle devrait d'ailleurs arriver rapidement, car le régime d'indemnisation chômage, vous le savez, se termine fin juin. Passé ce délai, nous devrons le proroger par décret si aucune convention n'est signée.

Je voudrais d'abord faire deux observations.

Premièrement, l'UNEDIC renoue avec les excédents.

Nous pouvons tous nous en rejouir. C'est pour une large part le fruit de notre politique : il y a davantage de cotisations car davantage d'hommes et de femmes sont au travail, et moins d'indemnisation à verser car moins de gens sont au chômage.

Le Gouvernement, comme d'ailleurs tous les Français, pense que le retour aux excédents de l'UNEDIC est l'occasion d'améliorer la couverture chômage. Rappelons qu'en dix ans, le nombre de chômeurs couverts est passé de 52 % à 42 %. A cet égard, le protocole d'accord prévoit que des indemnités chômage seront accordées à ceux qui auront travaillé quatre mois sur les quatorze derniers mois au lieu de quatre mois sur les huit derniers mois.

C'est évidemment un progrès car, nous le savons, les plus en difficulté restent les précaires et les jeunes.

Permettez-moi de noter cependant que ce coût de la couverture élargie ne représente que 3,8 milliards de francs sur trois ans et demi, à comparer au coût global de 97 milliards du protocole d'accord, dont 71 milliards au titre de baisses de cotisations.

Deuxièmement, le Gouvernement partage très clairement les intentions exprimées de favoriser le retour à l'emploi des chômeurs par une utilisation plus active des fonds.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Depuis maintenant deux ans, par le nouveau départ, nous aidons les chômeurs de longue durée en les accompagnant pour retrouver un emploi.

Mme Odette Grzegrzulka.

Et ça marche !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les résultats sont là.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Aussi le Gouvernement est-il tout à fait prêt à donner une suite positive à toute proposition qui irait dans ce sens en mobilisant le service public de l'emploi pour apporter un « plus » aux chômeurs.

Mais au-delà de ces deux observations, je souhaite très rapidement rappeler les trois principes...

M. Yves Nicolin.

C'est trop long !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que nous avons été amenés à exposer à l'ensemble des partenaires sociaux avant la négociation et que nous avons, avec mon collègue des finances, rappelés aux signataires.

Premier principe : chaque demandeur d'emploi doit avoir accès au service d'aide au retour à l'emploi dans les mêmes conditions. Comme l'a très bien dit le président de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jean le Garrec, un système à double vitesse irait à l'encontre de l'objectif de retour à l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est pourquoi nous ne saurions accepter que l'UNEDIC ne prenne en charge que les demandeurs d'emploi indemnisés et bénéficie des offres d'emploi des entreprises, alors que les fins de droit ou les titulaires des minima sociaux reviendraient à l'ANPE, restant ainsi dans l'assistance.

En ce qui concerne les sanctions, il est normal, je le dis clairement, de sanctionner des chômeurs qui n'acceptent pas un emploi correspondant à leurs compétences et qui ne font pas de réels efforts. Ce n'est pas à moi, qui ai fait voter la loi de 1992, qu'il y a lieu de rappeler ce p rincipe. Mais, pour être impartiales, ces décisions doivent rester de la responsabilité de l'Etat, avec des voies de recours qui permettent aux chômeurs de s'expliquer en tant que de besoin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Il ne saurait en aucun cas être question de contraindre les demandeurs d'emploi à accepter n'importe quoi.

(« Trop long ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous vouliez une réponse, je vous fais la réponse ! (Mêmes mouvements.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le sujet est important. M. le député, tout à l'heure, nous reprochait de ne pas apporter de réponse précise. Je vous en apporte une ! Deuxième principe : le Gouvernement est attaché à la bonne utilisation des deniers publics. Je rappelle que l'Etat a versé 30 milliards à l'UNEDIC, au moment où la situation de l'emploi n'était pas bonne. Cet effort du contribuable ne peut rester à sens unique. C'est d'ailleurs ce qu'ont rappelé les organisations syndicales unanimes dans une déclaration en janvier, en demandant une clarification entre l'Etat et l'UNEDIC.

Troisème principe enfin, il ne saurait en aucun cas être question de préjuger en démocratie la position du législateur. Or beaucoup de dispositions qui figurent dans le protocole sont de sa compétence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. François Goulard.

Et le reste de la compétence des socialistes !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mesdames et messieurs les députés, ceux qui prônent aujourd'hui la négociation doivent savoir que la négociation n'est pas la politique du tout ou rien, ni entre le patronat et les syndicats, ni entre les partenaires sociaux et l'Etat, tout particulièrement lorsqu'ils se partagent un domaine de responsabilités communes : aider les chômeurs à retrouver un emploi et les indemniser lorsque nous ne sommes pas capables de le faire.

L'Etat, pour sa part, n'a jamais prôné le tout ou rien.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il est prêt au dialogue. Je le dis et le redis, et c'est dans cet état d'esprit que nous examinerons la convention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

EMBARGO CONTRE L'IRAK

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

L'embargo contre l'Irak va-t-il enfin cesser ? Les justifications avancées à l'époque, si elles ont jamais existé, se sont depuis considérablement amenuisées. Mais surtout, les conséquences de cette mesure sont absolument terribles pour le peuple irakien, privé de nourriture et de médicaments. La hausse de la mortalité infantile notamment est devenue vertigineuse.

Peut-être, me dira-t-on, aurais-je dû poser la question à Mme Madeleine Albright. Mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale et c'est à notre Gouvernement que je la pose, pour lui demander si la France entend, rapidement et unilatéralement, cesser de respecter cette mesure absurde et criminelle et ne plus se faire la complice de ce qui s'apparente dorénavant à un véribale crime contre l'humanité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le député, vous me permettrez de répondre à la place de Hubert Védrine qui, en ce moment même, est sur le vol de retour du sommet de Feira.

Cette question est en effet majeure, mais le régime dont vous parlez, monsieur le député, est un régime des Nations unies. Or vous savez la place cardinale que tiennent les Nations unies dans la conduite de la politique étrangère de notre pays et notamment dans la solution des crises internationales.

Depuis les résolutions de 1991, la France a toujours agi pour renforcer le volet humanitaire. Elle a développé ses propres programmes de soutien, notamment sur le plan médical et universitaire. Elle a soutenu de nombreuses initiatives européennes dans le cadre des programmes ECHO.

Nous avons obtenu, après des mois et des mois de démarches diplomatiques, une nouvelle résolution. Adoptée voilà quelques mois, cette résolution 1284 ouvre la perspective d'une suspension des sanctions. Nous ne l'avons pas votée. La France s'était en effet abstenue, car elle entendait s'engager dans une première marche de réduction des sanctions. Or nous n'avons pas été suivis jusqu'à ce point au sein du Conseil de sécurité ; d'où notre abstention. Cela dit, il ne s'agit pas moins d'un pas en avant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Bien entendu, nous souhaitons maintenant que les a utorités irakiennes coopèrent avec les objectifs de contrôle des armements prévus par cette résolution et qui restent justifiés. Nous agissons également au sein du comité des sanctions pour que davantage de contrats puissent être agréés dans le cadre du programme « pétrole c ontre nourriture », notamment pour tout ce qui concerne les infrastructures de base.

La France ne se contente donc pas de cette situation et poursuit ses démarches auprès de ses partenaires du Conseil de sécurité afin d'ouvrir davantage les échanges avec l'Irak et de rétablir ainsi des conditions de vie normales pour sa population, tout en contribuant au désarmement contrôlé.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

DROITS DES FEMMES

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la secrétaire d'Etat, la question du droit des femmes est venue récemment devant notre assemblée à l'occasion du vote de la loi instituant la parité entre hommes et femmes en politique. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais, à moins que l'on ne célèbre ce que les chansonniers ont autrefois appelé « la République du verbe », il est indispensable, vous en conviendrez, que cette grande volonté soit également déclinée sur le territoire par des gestes qui, s'ils sont peu spectaculaires, n'en sont pas moins porteurs de sens politique.

Je veux ainsi parler des difficultés que rencontrent les délégations départementales et régionales aux droits des femmes à travailler dans de bonnes conditions, pour des raisons liées en premier lieu au manque de personnel.

Certes, ce problème n'est pas nouveau, mais il prend aujourd'hui des proportions inquiétantes. Dans certaines délégations - c'est le cas de celle de l'Allier depuis près d'un an - le poste peut rester vacant, notamment quand la titulaire est en congé de maladie ou en congé de maternité. Dans d'autres - c'est le cas de la délégation régionale d'Auvergne - l'effectif est réduit au minimum, c'est-à-dire que l'ensemble de la charge de travail, dont on sait qu'elle est abondante, repose sur les seules épaules de la déléguée régionale.

Comment concilier alors permanences à la délégation, représentation publique, réunions de travail à l'extérieur, surtout quand il faut en plus assumer, de fait, les respon-s abilités des délégations départementales, elles-mêmes vacantes ou débordées ? Il ne semble pas possible de travailler dans ces conditions. Le respect des droits des femmes s'en ressent inévitablement sur le terrain.

Madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous me disiez votre sentiment sur cette situation et que vous indiquiez à la représentation nationale quelles mesures vous comptez prendre pour que, sur le terrain, là où l'action de vos déléguées a le plus de sens, la volonté politique de cette majorité, dans ce domaine, soit claire et s'incarne dans l'action.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le député, le t emps me manque pour vous démontrer que la République du verbe est aussi la République de l'action.

(« Ah ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Action, en effet, puisque la parité sera appliquée dès les municipales de 2001.

Un député du groupe Radical, Citoyen et Vert.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Action encore sur mon budget qui est passé de 80 millions en 1999 à 100 millions en 2000, soit une augmentation de 25 % : beaucoup plus que ce qu'ont obtenu la plupart de mes coll ègues ! Action aussi grâce à une méthode de gouvernement qui m'a permis de travailler en partenariat avec tous mes collègues, en particulier avec Martine Aubry, pour des raisons évidentes de proximité, sur la reprise d'activité des femmes, avec un engagement budgétaire de 100 millions de francs, ce qui est égal à mon budget annuel « droits des femmes ».

Par conséquent, les actions se multiplient, et c'est bien pourquoi le réseau « femmes » de l'administration doit assumer, je le reconnais, un travail intensif, auquel je rends hommage.

Ma priorité pour l'an 2000 a été l'intégration de toutes les chargées de mission départementales et de toutes les déléguées régionales en catégorie A dans les grilles d'emplois de notre ministère, même celles qui n'avaient pas la formation initiale exigée, et ce au nom de la validation des acquis que je construis dans mon autre domaine de compétence.

Ma priorité pour 2001 sera de pourvoir tous les départements d'une chargée de mission. Dix-sept délégations départementales sont encore vacantes. C'est vrai, monsieur le député, ce n'est pas normal. Je prends l'engagement de les pourvoir en 2001. Et comptez sur mon énergie pour que, demain, l'ensemble du service soit encore renforcé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux querstions du groupe du Rassemblement pour la République.

DÉCLARATIONS DU CHEF D'ÉTAT ALGÉRIEN

SUR LES HARKIS

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le Premier ministre, une partie de la communauté nationale est aujourd'hui meurtrie. Je veux parler, en premier lieu, des harkis mais également de tous ceux qui, à leurs côtés, des appelés du contingent aux militaires de carrière sans oublier les pieds-noirs, ont vécu ce drame que fut la guerre d'Algérie. Ils sont blessés par les propos tenus, sur notre sol, par un chef d'Etat étranger qui a traité publiquement ces combattants de « collabos » ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils sont aussi, et surtout, meurtris par le silence de votre gouvernement qui n'a pas répondu à ces paroles outrageantes. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)


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Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas de bons et de mauvais anciens combattants pour la France. On ne peut pas honorer les combattants de la Première Guerre mondiale morts à Verdun et, dans le même temps, insulter ceux qui, en 1962, ont continué à choisir notre pays, refusant de renier leur engagement pour la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

« Algérie française ! »

M. Thierry Mariani.

Les hommes et les femmes qui ont servi la France ont le droit, quelle que soit leur confession, quelle que soit leur origine, à une égale dignité, et qu'ils soient anciens combattants de Verdun ou d'Algérie.

Toute la communauté des anciens d'Algérie est aujourd'hui meurtrie. Alors que votre gouvernement annonce de nouvelles facilités pour les Algériens désirant entrer sur notre territoire, pourquoi ne réclamez-vous pas au moins la réciprocité de cette mesure en faveur des harkis ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils doivent avoir le droit, s'ils le souhaitent, de revoir leur sol natal.

L'égalité figure au fronton de nos bâtiments publics.

Alors, ma question est toute simple : que comptez-vous faire pour garantir, enfin, cette égalité entre tous nos concitoyens, quelles que soient leur origine et leur confession, afin qu'ils soient accueillis de la même manière à l'étranger, car cette discrimination est intolérable ?

M. Christian Bataille.

Qu'avez-vous attendu pour le faire ?

M. Thierry Mariani.

On ne peut pas vouloir faire table rase du passé tout en ressuscitant de vieilles haines qu'on croyait révolues.

M. Maxime Gremetz.

Fidèle à l'OAS !

M. Thierry Mariani.

A cause de votre silence, monsieur le Premier ministre, les harkis se sont sentis une nouvelle fois abandonnés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - M. Georges Frêche applaudit aussi.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Du calme, mes chers collègues !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, j'ai entendu les propos de M. Bouteflika. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises devant l'Assemblée, nous avons à l'égard des harkis un devoir de mémoire, mémoire du rôle qu'ils ont joué dans notre histoire. Nous devons, en permanence, nous souvenir - et j'aurais aimé que ce soit sur ce ton que vous parliez, monsieur le député - ce que vous avez voté à l'unanimité, le 11 juin 1994, c'est-à-dire la reconnaissance que la République doit aux harkis pour les sacrifices consentis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Ce n'était pas à l'initiative de votre majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, du calme, s'il vous plaît.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je déplore toute parole pouvant rouvrir des blessures déjà fort difficiles à cicatriser parce que, reconnaissons-le, la France n'a pas su répondre, dans la dignité, par la préparation de ses jeunes à l'avenir, à ce qu'elle devait à la communauté harkie.

Nous avons décidé d'apposer une plaque sur une vingtaine de monuments aux morts transférés d'Algérie...

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce n'est qu'un symbole mais les symboles sont importants, je le sais bien, moi qui rencontre souvent la communauté harkie ! Mais, puisque vous persistez, monsieur le député, à ne pas vouloir poser cette question de manière globale, comme le souhaiteraient les harkis, je veux vous rappeler dans quelle situation nous les avons trouvés en arrivant au pouvoir. Ils comptaient 30 % de chômeurs.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Un précédent gouvernement avait interrompu prématurément, fin 1998, les mesures en faveur des harkis et de leurs familles.

(Même mouvement.)

M. le président.

Du calme !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons décidé, pour notre part, de prolonger ces mesures et même de les améliorer. Voilà la bonne réponse à leur apporter ! S'agissant de l'aide aux harkis lourdement endettés pour acquérir un logement, qui représentait, sur le plan national, 1,4 million de francs pour les années 1996-1997, elle a été portée à 31 millions.

En ce qui concerne l'emploi, nous en avons fait un programme prioritaire. Cette année, 9 000 jeunes harkis ont retrouvé un emploi dont 45 % en contrat à durée indéterminée, grâce au travail accompli par les préfets, avec la communauté harkie et avec les missions locales, partout sur le terrain.

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Certes nous devons, tous ensemble, rappeler aujourd'hui la reconnaissance que nous devons aux harkis. Mais, monsieur Mariani, derrière les paroles, il y a les actes ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et, pour nous, les actes, c'est aider les endettés, favoriser l'accès au logement, à la formation et à l'emploi pour les jeunes. Voilà ce que la République doit aujourd'hui aux enfants de ceux qui nous ont aidés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huéess ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

JOURNAL D'INFORMATION DU MINISTÈRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS

M. le président.

La parole est à M. Gérard Hamel.

M. Gérard Hamel.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports, j'ai quelques questions à vous poser à propos du journal de votre ministère, Droit des jeunes.

Je vous remercie de bien vouloir y répondre avec précision.

Premièrement, le journal est-il réalisé avec des fonds publics ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Oui !

M. Gérard Hamel.

Deuxièmement, quel est le rôle des partenaires officiels,...

M. Pierre Carassus.

Eminent !

M. Gérard Hamel.

... notamment de L'Humanité, organe officiel du parti communiste ? (Protestations sur les bancs du groupe communiste.) Ce partenariat résulte-t-il d'une convention signée entre le parti communiste et vous-même, membre éminent du PC ?

M. Jean Ueberschlag.

Très bonne question !

M. Gérard Hamel.

Troisièmement, pourquoi cette annonce pour la fête de l'Humanité dans un journal diffusé auprès de tous les jeunes Français ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe pour l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Oui, monsieur le député, c'est l'honneur de ce gouvernement de consacrer des fonds publics à informer les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il est légitime que les jeunes puissent connaître tous leurs droits. Beaucoup nous demandent des informations sur les lois, sur les possibilités dont ils disposent en fait de lutte contre les discriminations, de droit à la santé, à la formation et à l'emploi. Il est de notre devoir de les informer.

Je vous annonce, d'ailleurs, que deux journaux sont déjà sortis et que deux autres sont prévus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Vous aurez donc l'occasion de poser d'autres questions...

Il est exact que des partenariats ont été noués, notamment entre des radios, mais aussi avec des journaux pour l'édition du guide des droits des jeunes. Mais vous vous êtes trompé de journal : c'est Libération qui s'est associé à cette information.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Debré.

C'est un mensonge ! AVENIR DU NUCLÉAIRE CIVIL EN FRANCE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Hier, à Berlin, Mme Dominique Voynet, ministre de l'environnement, a déclaré devant la presse que la France pourrait renoncer à l'énergie nucléaire, citant à l'appui de ses déclarations les conclusions d'un scénario étudié par le Gouvernement et par le Commissariat au Plan. Ce scénario prévoirait, à l'horizon 2020-2021, une sortie du nucléaire « confortable et assumable par la société ».

Mme Voynet a-t-elle fait cette déclaration avec votre accord, monsieur le Premier ministre ? Cette déclaration engage-t-elle le gouvernement français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous auriez dû lire en totalité la dépêche d'agence dont vous avez extrait une phrase : cela vous aurait permis de répondre à votre propre question.

En effet, c'est en répodnant à une question d'un journaliste allemand sur les différents scénarios sur lesquels travaille le Commissariat au Plan que j'ai indiqué que l'un d'entre eux envisageait, de façon explicite, pour la France, un avenir énergétique sans recours à l'énergie nucléaire. J'ai précisé, cela figure dans la dépêche, qu'au sein du gouvernement français, j'étais, pour l'instant, la seule franchement hostile au nucléaire (Applaudissement sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) mais que je souhaitais que le débat se poursuive.

Le Premier ministre en a admis le principe en demandant à trois économistes de se charger d'une mission d'évaluation sur les conséquenes de la filière nucléaire.

Plusieurs pays développés ont pris des positions qui pourraient faire pencher la balance vers l'abandon de l'atome civil. Ce ne sont pas des secrets. Ce débat se poursuit au niveau européen et la majorité plurielle dans ses différentes composantes n'éprouve aucune difficulté à assumer la complexité d'un tel débat.

(Applaudissement sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons à une question du groupe communiste.

ACCORD SUR L'UNEDIC

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, nous vous avions alertée à deux reprises sur les menaces qui pèsent sur l'UNEDIC. Le patonat n'en finit plus de remettre en cause les acquis sociaux.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Oui, il faut une meilleure couverture sociale du chômage accordant des droits nouveaux et améliorant l'indemnisation, ce que les excédents de l'UNEDIC permettent de réaliser. Or ce que propose aujourd'hui le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

MEDEF est tout autre : il rend les chômeurs responsables de leur situation et propose de punir les victimes ! En outre, le PARE, c'est remettre en cause les contrats de travail à durée indéterminée, la qualification et la rémunération. C'est faire des économies sur le dos des chômeurs et reporter leur indemnisation sur la collectivité et donc sur l'impôt.

Le Gouvernement et la majorité plurielle ne peuvent accepter une telle régression sociale. Nous ne devons pas céder au chantage du MEDEF qui exigera toujours plus au détriment des salariés et des personnes en situation précaire.

Seul le Gouvernement peut valider les accords UNEDIC. Il dispose là d'un moyen efficace de peser sur les négociations. Devant l'attitude extrêmement préoccupante de l'organisation patronale, il doit faire preuve de fermeté et refuser de valider des propositions que seuls deux syndicats ont acceptées.

Les députés communistes vous demandent solennellement, madame la ministre, de faire obstacle à cette régression sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, comme vous, je pense que la négociation sur l'indemnisation du chômage doit permettre, alors que la situation économique est meilleure, d e mieux indemniser les chômeurs, notamment, le groupe communiste en a parlé à plusieurs reprises, les jeunes et les chômeurs ayant eu des emplois précaires.

S'il s'agit d'utiliser une partie de l'excédent de l'UNEDIC pour mieux accompagner les chômeurs dans leur recherche d'emploi - bilans de compétence, procédures d'insertion, formations -, nous ne pouvons qu'être d'accord. C'est ce que nous faisons avec les chômeurs de longue durée. Je rappelle que l'ANPE en a accompagné, au cours des quatorze derniers mois, 1 300 00, dont 55 % étaient sortis du chômage quatre mois après.

Je le répète, le Gouvernement et sa majorité ne peuvent qu'être d'accord avec cette logique.

Ce que nous ne souhaitons pas, nous l'avons écrit et dit à plusieurs reprises aux partenaires sociaux, c'est qu'il y ait un service à deux vitesses : l'UNEDIC recevrait les offres d'emploi et traiterait les chômeurs indemnisés les moins fragiles ; quant aux chômeurs en fin de droits, à ceux qui sont titulaires de minima sociaux, aux chômeurs de longue durée, ils seraient reclus dans l'assistance.

Nous souhaitons, si un accord permettait d'apporter une aide à l'ensemble des chômeurs, que le service public de l'emploi puisse accompagner cet accord et faire en sorte que tous les chômeurs aient les mêmes droits pour pouvoir aller vers l'emploi.

Je le répète, parce que c'est important, les chômeurs qui refusent des emplois correspondant à leur qualification peuvent être radiés à condition que ce soit confirmé et contrôlé par une instance indépendante - l'Etat - et qu'il y ait des modes de recours. C'est ce que prévoit aujourd'hui la loi. Nous ne pouvons accepter que certains soient à la fois juge et partie.

Enfin, et je le redis très clairement, l'UNEDIC est en excédent, nous nous en réjouissons. La solidarité nationale assume aujourd'hui des dépenses qui devraient relever de l'UNEDIC. Nous devons négocier avec les partenaires sociaux, comme nous avaient invité à le faire les organisations syndicales en début d'année.

J'attends la convention. J'espère qu'elle respectera ces principes, dont le respect relève de la reponsabilité de l'Etat. Dans ces conditions, nous négocierons, nous discuterons pour assumer ensemble notre responsabilité : donner à chacun les moyens d'existence si nous n'arrivons pas à lui trouver un emploi et faire en sorte que chaque chômeur ait les mêmes chances de retrouver un emploi.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

PETITE ENFANCE

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Madame la ministre, le 15 juin dernier a eu lieu la troisième conférence de la famille. Le Premier ministre a annoncé la création du congé spécifique pour enfant gravement malade, assorti d'une allocation de présence parentale. Cela montre bien tout l'intérêt que le Gouvernement porte aux familles, même en situation d'exception. Je me plais à rappeler aussi que ce sujet a souvent été abordé par les enfants du parlement des enfants.

Des familles nous interpellent dès à présent pour connaître la date de mise en application de cette nouvelle mesure.

Par ailleurs, la politique en faveur de l'accueil des jeunes enfants est particulièrement favorisée et répond à l'attente des Françaises et des Français si l'on en croit les derniers sondages.

L'effort consenti va permettre une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale de nombreux parents puisque 3 milliards de francs seront consacrés à l'accueil de 70 000 enfants, que ce soit de façon collective ou individuelle.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser si une attention particulière sera apportée au développement des différents modes de garde en milieu rural ? Pouvez-vous nous préciser également si des actions seront développées en faveur des pré-adolescents et des adolescents également en milieu rural ? En effet, l'environnement de ces enfants apparaît quelquefois plus favorable, mais eux aussi ont besoin d'une vie sociale et d'un encadrement de leurs activités.

Ne pensez-vous pas que, sur ces deux points, c'est aussi l'intercommunalité qui peut être dynamisée et crédibilisée aux yeux de nos concitoyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Madame la députée, le Premier ministre a, en effet, présidé jeudi dernier la conférence de la famille en rassemblant tous les partenaires de la politique familiale.

L'ambition de ce gouvernement, dans la foulée de ce qu'il fait depuis trois ans, c'est d'épauler les parents, tous les parents,...

M. Thierry Mariani.

Vous faites le contraire !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... pour qu'ils puissent mieux assumer leurs responsabilités éducatives à l'égard des enfants et des adolescents.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Les mesures qui ont été décidées représentent 10 milliards de francs, le Gouvernement donnant ainsi aux familles les excédents des comptes de la branche famille.

Il le fait en répondant aux problèmes quotidiens des familles et en introduisant davantage de justice et de simplicité dans les prestations familiales, par exemple en faisant un très gros effort pour permettre aux parents, et aux femmes en particulier, de mieux concilier travail et enfants. Un effort considérable est ainsi fait pour favoriser les accueils collectifs dans des crèches fonctionnant de manière souple, des crèches à la carte, des crèches parentales. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas vous qui payez !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Bref, 1,5 milliard de francs sont mis à disposition des collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Jégou.

Démago !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

A elles de saisir cette opportunité nouvelle.

Quant au milieu rural, on ne peut qu'encourager les communautés de communes à se saisir, en liaison avec les conseils généraux, de la compétence petite enfance pour faire en sorte que les structures innovantes mises en place correspondent bien aux besoins des familles et aux nécessités d'avoir de la souplesse dans l'accueil.

Le Gouvernement a également décidé, pour qu'il y ait plus de solidarité, de réformer les aides au logement : 6 ,5 milliards de francs concernent ainsi plus de quatre millions d'allocataires, puisque nous élevons vers le haut l'ensemble des barèmes de l'aide au logement pour encourager la reprise du travail. Aujourd'hui, vous le savez, le titulaire d'aides au logement bénéficiant du revenu minimum d'insertion perd ses allocations en retrouvant un travail. C'est une réforme attendue depuis de nombreuses années et elle est aujourd'hui réalisée. C'est un effort considérable que consent la collectivité nationale.

Enfin, le Gouvernement souhaite soutenir la responsabilité parentale conjointe. Il le fait, vous l'avez dit, avec la création du congé pour enfant gravement malade. Il le fait également en soutenant les réseaux d'aide aux parents, en particulier à destination de l'éducation des adolescents. C'est ainsi que le fonds d'action sociale de la CNAF augmentera de 1,7 milliard de francs, ce qui permettra de favoriser des actions de réseaux de soutien aux parents, d'accompagnement scolaire, d'articulation entre l'école et les familles, bref, d'épauler au plus près l'oeuvre éducative des parents.

En un mot, le Gouvernement souhaite que toutes les familles soient bonnes à vivre pour les enfants et pour les adolescents et qu'elles soient partout sur le territoire, urbain comme rural, des lieux d'affection, d'éducation et de solidarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

IMMIGRATION CLANDESTINE

M. le président.

La parole est à M. André Capet.

M. André Capet.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

L'Europe entière est bouleversée par la tragédie de Douvres où ont péri cinquante-huit immigrants clandestins. Ceux-ci avaient embarqué à Zeebrugge en Belgique, mais ce drame aurait tout aussi bien pu se produire à partir du territoire français, Calais étant le premier port européen de voyageurs et donc le principal point de passage de clandestins vers la Grande-Bretagne.

De fait, depuis le mois d'août dernier, près de 10 800 d'entre eux ayant été interpellés, le centre d'accueil de S angatte, créé récemment, prévu initialement pour 250 réfugiés, en héberge actuellement plus de 600. Si d'un point de vue humanitaire, ce centre se révèle d'une absolue nécessité, il n'est, en fait, que l'antichambre d'un hypothétique passage clandestin vers l'Angleterre, souvent au risque de la vie des clandestins eux-mêmes.

Aussi, monsieur le ministre, confronté à un drame aussi atroce, quelles mesures entendez-vous prendre pour renforcer efficacement la lutte contre les filières d'immigration clandestine, notamment celles organisées au port de Calais, 400 passeurs ayant été arrêtés à ce jour ? Par ailleurs, dans le cadre de la très prochaine présidence française de l'Union européenne, la France ne doit-elle pas être à l'initiative d'une politique de développement de la coopération avec les pays d'origine des réfugiés afin de mettre un terme à cette immigration clandestine ? Enfin, dans le même esprit, comment la France entend-elle favoriser une véritable politique commune d'asile et d'immigration conforme aux accords de Schengen, que seuls le Royaume-Uni et l'Irlande n'ont pas encore signés à ce jour ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, le drame de Douvres illustre l'augmentation de la pression migratoire sur la GrandeBretagne, mais cette pression migratoire est générale et les flux migratoires traversent la France, notamment à partir de l'Italie, de Modane, ou de Menton, et à partir de Roissy où le nombre d'arrivées de demandeurs d'asile atteint 1000 par mois, ce qui n'est pas sans poser de nombreux problèmes quant à l'accueil dans des zones d'attente.

La prolongation du maintien en zone d'attente est d'ailleurs refusée dans un cas sur trois par les juridictions compétentes, et un nombre très élevé de demandeurs d'asile se retrouvent dans la nature ; 80 % d'entre eux ne donnent d'ailleurs par suite à leur demande, ce qui montre le détournement du droit d'asile chez nous.

J'ajoute à cela 10 000 clandestins interceptés chaque année dans les transports routiers.

Ces personnes se retrouvent donc notamment à Calais, où toute une série de mesures ont été prises depuis août dernier.

Un dispositif combiné de contrôles de grande ampleur a été mis en oeuvre, en liaison avec le parquet de Boulogne - renforcement des effectifs de police, création d'un centre d'hébergement géré par la Croix-Rouge, qui est aujourd'hui surpeuplé -, dispositif qui a tout de même permis d'interpeller 11 000 étrangers, d'écrouer 255 pas-s eurs, de prononcer 1 704 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.

Cela dit, il faut être bien conscient que, derrière ces réseaux de passeurs qui exploitent la misère humaine dans des conditions que j'ai évoquées tout à l'heure, il y a des mafias, les triades chinoises, des mafias russes, qui exploitent Sri-Lankais ou Chinois, des mafias turques, qui s'occupent des Kurdes, des mafias albanaises, qui gèrent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

le trafic en provenance des Balkans. Il y a là un trafic honteux d'être humains, contre lequel nous devons réagir avec détermination.

La difficulté vient de ce que les contrôles ne sont réellement possibles qu'à la frontière extérieure de l'espace Schengen et que certaines pénalités ne peuvent pas être appliquées, par exemple à la frontière italienne. La police aux frontières et l'office central de lutte contre l'immigration clandestine ont donc fort à faire. Je rends d'ailleurs hommage à leur excellent travail, car ils arrivent à démanteler des dizaines de filières d'immigration clandestine.

Il n'en reste pas moins qu'il est absolument nécessaire qu'il y ait une prise de conscience au niveau européen. Je m'y attache, croyez-le, avec beaucoup d'énergie. Deux textes sont prévus pour renforcer les sanctions et les pénalités contre les passeurs et contre les transporteurs. Un séminaire aura lieu en juillet (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), comme je l'ai dit à M. Mariani, et un conseil des ministres informel à la fin du mois de juillet.

Nous devons absolument harmoniser nos politiques, mais cela suppose qu'il y ait un égal degré de conscience politique dans chaque pays. C'est à quoi je m'emploie car je crois que nous avons tout de même pris ici la mesure de la complexité immense de ce problème (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , et je dois apporter des solutions en luttant contre t outes les plus affreuses démagogies, d'où qu'elles viennent, mais nous le faisons avec résolution. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

SOINS PALLIATIFS ET LUTTE CONTRE LA DOULEUR

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Denis.

M. Jean-Jacques Denis.

Ma question s'adresse à

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez présenté hier, un an après l'adoption par le Parlement d'une proposition relative au développement des soins palliatifs, un bilan d'étape sur les plans gouvernementaux en faveur des soins palliatifs et de la lutte contre la douleur. Outre que cette proposition ouvre un chapitre sur les droits des personnes malades, et nous souhaitons qu'elle soit enrichie par un prochain projet de loi, celle-ci tout comme les plans gouvernementaux commence à porter leurs fruits.

Notre pays était très en retard dans ces deux domaines, par rapport à nos voisins européens, mais surtout par rapport aux besoins et aux attentes, comme l'ont démontré les états généraux de la santé. Notre médecine technique, trop technique parfois, peut cependant être fière de ses résultats - l'espérance de vie n'augmente-t-elle pas d'un trimestre par an ? - mais elle délaisse souvent le côté humain dont notre société a besoin, et plus particulièrement les malades en fin de vie et leurs proches.

La lutte contre la douleur, la prise en compte de las ouffrance sont les objectifs d'une médecine plus humaine, médecine organisée en réseaux où les frontières entre l'hôpital et la ville ne sont pas étanches, où la multidisciplinarité est de règle et où les freins administratifs et financiers à ces nouveaux modes d'exercice seraient enfin levés.

Pouvez-vous nous indiquer les objectifs que vous vous fixez dans ces deux domaines et nous préciser que les moyens dont vous disposez sont à la hauteur de ces enjeux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Monsieur le député, votre question me permet de revenir sur le bilan d'étape que j'ai souhaité faire sur les deux plans gouvernementaux mis en oeuvre pour trois ans en 1998.

Le développement des soins palliatifs et la lutte contre la douleur sont et resteront des priorités du Gouvernement en matière de santé publique.

Les soins palliatifs représentent 225 millions de francs supplémentaires dans le budget des hôpitaux cette année, 500 emplois équivalent temps plein supplémentaires, dont 80 emplois de médecin, 184 équipes mobiles supplémentaires - elles étaient 80 à la fin de l'année 1998 , 50 millions de francs affectés à l'assurance maladie pour financer des formations de bénévoles, de gardes malades à domicile, des substituts nutritionnels par vois entérale, car c'est parfois trop lourd pour les familles.

Bref, les chiffres parlent d'eux-mêmes, mais les efforts devront être poursuivis pour corriger les inégalités qui persistent à travers les régions et encourager le développement d'équipes hospitalo-universitaires de nature à favoriser le travail interdisciplinaire et la formation de proximité que vous évoquez.

Mon objectif est qu'à la fin du plan, le droit à l'accès aux soins palliatifs, qui respectent la dignité de l'ensemble de nos concitoyens et les aspirations légitimes de tous, devienne un droit effectif sur l'ensemble du territoire et que, les réponses se situant à l'hôpital ou au domicile, elles soient organisées au niveau du bassin de vie.

Concernant la lutte contre la douleur, vous savez bien qu'il s'agit de modifier les mentalités. La douleur n'est pas une fatalité. Il est important que les malades et les futurs malades soient conscients que des moyens existent pour dépasser la douleur et que les soignants aient comme préoccupation d'évaluer et de soulager la douleur de leurs patients.

Pour cela, un certain nombre de mesures concrètes ont été engagées, notamment une campagne d'information grand public pour un budget de 3 millions de francs, dont l'impact a été évalué très positivement. Un million de réglettes d'auto-évaluation de la douleur ont été distribuées dans les établissements - c'est un outil de dialogue i mportant entre les soignants et les malades -, 1 400 pompes d'auto-analgésie supplémentaires ont été acquises par les hôpitaux en 1999 et 1 500 pompes ont d'ores et déjà été commandées. Je vous rappelle que Bernard Kouchner avait annoncé qu'à la fin du plan, il devait y avoir 1 000 pompes supplémentaires : nous avons déjà multiplié par trois cet objectif. Un livret d'information sur la douleur de l'adulte est systématiquement délivré et nous venons de mettre au point un livret de lutte contre la douleur de l'enfant.

Vous le voyez, là aussi, des mesures concrètes sont mises en oeuvre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Les régions se sont mobilisées pour désigner la lutte contre la douleur comme un thème prioritaire dans les schémas d'organisation régionale. Nous allons poursuivre dès l'année prochaine pour que ces mesures entraînent des modifications de comportement durables dans nos établissements hospitaliers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

PILULE DU LENDEMAIN

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

Mme Catherine Picard.

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Madame la ministre, vous avez été amenée à prendre, dans le cadre de vos fonctions antérieures de ministre de l'enseignement scolaire, une décision courageuse en édictant une circulaire autorisant la délivrance aux élèves par les infirmières scolaires de la pilule du lendemain.

Cette décision, soutenue par Mme la secrétaire d'Etat à la santé et par M. le ministre de l'éducation nationale ici présent, Jack Lang, entendait répondre à des situations concrètes de détresse. Elle visait à éviter les issues dramatiques pour les adolescentes pouvant résulter de grossesses non désirées. Rappelons à ce propos que, chaque année, 10 000 jeunes filles sont concernées.

Je souhaite donc vous exprimer, au nom des membres de la délégation aux droits des femmes, notre soutien total à cette décision.

Or, vendredi dernier, la commissaire du Gouvernement, se prononçant sur un recours intenté à l'encontre de votre circulaire par certaines associations, a rendu des c onclusions recommandant son annulation. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Il semble que cet avis méconnaisse la réalité de la sexualité des adolescents et leurs droits en matière de contraception, parce que les adolescents ont aussi des droits en matière de contraception.

De nombreuses situations montrent l'inadaptation du droit actuel à la réalité de ce sujet. Elles témoignent de la nécessité de mettre en place un dispositif permettant de mieux prendre en compte l'ensemble des cas de figure rencontrés.

Je souhaite savoir, madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement à ce sujet et quelles mesures seront prises pour rectifier ce manquement à votre décision. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Madame la députée, le Gouvernement attend la décision du Conseil d'Etat dans quelques jours et, bien évidemment, il s'y conformera. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Accoyer.

Encore heureux !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

D'ailleurs, ce ne sera pas la première fois qu'il faudra recaler un texte pour des raisons juridiques.

Il le fera avec beaucoup de détermination, car les considérations qui avaient conduit le Gouvernement à prendre cette décision sont toujours là : le fait que 6 000 adolescentes subissent des avortements, une détresse repérée dans les établissements scolaires, une injustice que subissent les adolescentes les plus mal informées, les plus défavorisées, celles qui subissent des actes de violence.

Par conséquent, je vous le dis ici solennellement, le Gouvernement a la ferme intention, les ministres chargées de la santé, Martine Aubry et Dominique Gillot, le ministre chargé de l'éducation, Jack Lang, et moi-même de faire en sorte que le dispositif qui a été mis en place puisse perdurer.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée pour rendre hommage aux infirmières scolaires, celles qui sont en première ligne du malaise des adolescents. Selon les chiffres connus, ceux de la région parisienne, face à plus de 200 demandes, les infirmières ont délivré exactement seize contraceptions d'urgence du lendemain, ce qui veut dire que, dans tous les autres cas, elles ont parfaitement appliqué le protocole : soit elles ont réussi à faire prendre en charge ce problème par les parents, soit elles ont réussi à orienter les jeunes filles vers un centre de planification familiale ou vers un médecin. Pour les cas de détresse, de risque de suicide, de problèmes graves, elles ont pris leur responsabilité d'infirmières scolaires, en liaison avec la médecine scolaire.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je rappelle, pour terminer, vu toutes les insinuations que j'entends ici ou là, selon lesquelles cette décision aurait été précipitée...

M. Yves Nicolin.

La preuve !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... ou n'aurait pas fait l'objet d'une consultation suffisante, que tous les syndicats d'enseignants l'ont soutenue,...

M. François d'Aubert.

Ce n'est pas une raison !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... que la principale fédération de parents d'élèves, la FCPE, l'a soutenue également, et que l'Académie de médecine, dans un avis rendu à l'unanimité,...

Mme Christine Boutin.

C'est un problème juridique !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... le 7 mars dernier, en a souligné le bien-fondé en constatant qu'elle était intégrée dans une éducation globale à la sexualité et à la responsabilité.

Par conséquent, il est de l'obligation morale de ce gouvernement, contrairement à la loi du silence ou à la loi de l'hypocrisie que vous semblez défendre, de répondre à la détresse des adolescentes, et nous le ferons. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

DÉCLARATIONS DE M. BOUTEFLIKA EN FRANCE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, je voudrais revenir sur la question relative aux déclarations de M. Bouteflika, et dire à Mme Aubry qu'elle a répondu complètement à côté de la question. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Elle a parlé de symbole tout à l'heure. Le symbole, ce serait qu'on veuille bien répondre à notre question précise sur les déclarations de M. Bouteflika.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Pierre Lequiller.

C'est ce qu'attendent et les Harkis et les Français.

Nous avons réservé, la semaine dernière, un bon accueil au président algérien, M. Bouteflika.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Heureusement !

M. Pierre Lequiller.

A cette occasion, nous avons rééchelonné une partie de la dette algérienne,...

M. Jean-Pierre Brard.

C'est normal !

M. Pierre Lequiller.

... et augmenté le nombre de visas octroyés aux citoyens algériens.

Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est scandaleux !

M. Pierre Lequiller.

En revanche, en marge de cette amélioration des relations entre nos Etats respectifs, le président algérien a fait des déclarations sur les Harkis qui ont inutilement ravivé les haines passées et étaient profondément blessantes à l'égard des 120 000 Français concernés.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Très bien !

M. Pierre Lequiller.

A propos de l'octroi de visas pour l'Algérie, M. Bouteflika a assimilé les harkis, déjà citoyens français à part entière, à des collaborateurs de l'Allemagne nazie.

M. Jean-Pierre Brard.

Et ton casque colonial, où est-il ?

M. Pierre Lequiller.

L'analogie était non seulement inacceptable pour les harkis, mais aussi, au-delà d'eux, pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

L'absence de réaction de votre gouvernement, que l'on a pu encore constater tout à l'heure, a été ressentie comme un abandon par la communauté harkie, elle qui a tant donné à la France,...

M. Didier Boulaud.

Electoralisme !

M. Pierre Lequiller.

... elle qui a subi tant de souffrances,...

Mme Martine David.

Démago !

M. Pierre Lequiller.

... elle qui, après l'annonce de la fin de la guerre, a assisté au massacre de 150 000 des siens, enfants, vieillards, femmes,...

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Pierre Lequiller.

... elle qui, aujourd'hui, et quoi qu'en dise Mme Aubry, est mal assimilée dans notre pays.

M. Jean-Pierre Brard.

Combien y a-t-il de harkis à Louveciennes ?

M. Pierre Lequiller.

Je pose des questions précises, auxquelles j'attends des réponses précises : que pensez-vous de ces déclarations d'un président étranger sur le sol français à l'égard de citoyens français à part entière ? Que comptez-vous faire pour rassurer la communauté harkie, en France même et dans ses relations avec l'Algérie, elle qui est fortement choquée par votre silence cette semaine, et encore aujourd'hui ?

Mme Martine David.

Démago !

M. Pierre Lequiller.

Nous attendons plutôt que cette communauté soit défendue par le gouvernement de la France, qui est le pays de cette communauté harkie et pour laquelle elle a vécu tant de tragédies. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, ce n'est pas parce qu'on ne répond pas ce que vous souhaitez que l'on ne répond pas à la question.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce n'est pas parce que je n'ai pas employé les mêmes termes que vous que je n'ai pas répondu profondément à la question. J'ai dit que les propos qui rouvraient des cicatrices n'avaient pas à être tenus ici, dans notre pays.

(Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le français, c'est le français ! Rien ne sert aujourd'hui d'en rajouter dans l'opposition, et par rapport à un pays étranger. J'ai dit ce que j'avais à dire.

Nous faisons en sorte que ces cicatrices se referment.

Nous savons ce que nous devons aux harkis. Nous connaissons la reconnaissance de la France. Nous avons un devoir de mémoire, que nous n'avons pas su porter pendant des années - et c'est là que j'ai parlé de symbole.

Ecoutez-moi au moins avant de dire que je ne réponds pas à la question.

M. Michel Herbillon.

Vous êtes embarrassée !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Enfin, monsieur le député, je le dis clairement, je connais ces harkis, et leurs enfants.

M. Guy Teissier.

Nous aussi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je connais la douleur, pour ces enfants, de ne pas savoir se positionner vis-à-vis de leurs pères, qui sont rejetés par leur communauté d'origine et que nous n'avons pas réussi à intégrer dans notre pays.

Croyez-le bien, je suis allée les rencontrer à plusieurs reprises, car je suis chargée des harkis dans ce gouverment.

M. Jean Ueberschlag.

Comme lorsqu'ils manifestaient place des Invalides et que vous avez refusé de les recevoir ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

S'ils manifestaient, c'est justement parce que vous aviez arrêté le plan d'aide au désendettement (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), ce plan que nous avons repris. Et je rappellerai que, sur le logement, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes passés de 1,4 million d'aide en 1996-1997 (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - et je comprends que cela vous gêne ! (Mêmes mouvements) - à 31 millions en 1998-1999.

Pour ce qui est de l'emploi, je voudrais simplement signaler qu'un membre de l'opposition a lui-même jugé

« excellent » le travail effectué par M. Blisko dans son


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rapport sur les mesures que le Gouvernement a prises dans ce domaine. Il a considéré que nous disposions désormais « d'un panorama complet et non partisan », qui nous permet en effet d'avancer en matière d'emploi.

La rente viagère, qui l'a fait voter ? Je l'ai fait voter, et un décret du 26 avril 2000 en définit les conditions d'attribution.

Alors, les propos et les paroles, c'est bien, mais ce qu'attendent les harkis, derrière ces paroles de reconnaissance - que la France entière leur doit -, ce sont des actes concrets et précis. Et c'est ce que fait ce gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

QUINQUENNAT Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, au nom du groupe Radical, Citoyen et Vert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, voilà donc une affaire rondement menée : en un mois, faisant mentir tous ceux qui nous expliquent à longueur de session que l'ordre du jour est surchargé et qu'on ne peut rien y introduire de plus, un projet de loi constitutionnelle réduisant le mandat présidentiel à cinq ans est en passe d'être adopté. Vite fait, bien fait. Bien fait ? Pas vraiment, si l'on en juge d'abord par la proposition faussement impromptue de M. Valéry Giscard d'Estaing qui n'a pas manqué de renvoyer la patate chaude à Lionel Jospin pour in fine provoquer une intervention embrouillée et, à vrai dire, assez piteuse du président Jacques Chirac. C'est vraiment du grand art !

M. Jean-Marie Demange.

Ce sont vos propos qui sont lamentables ! C'est scandaleux.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Pas vraiment de quoi pavoiser non plus quand on voit à quel point le débat parlementaire a été escamoté, après avoir été formellement prohibé par le chef de l'Etat sous peine de blocage immédiat. C'est dire si la méthode même adoptée pour traiter une question pourtant plus importante qu'il n'y paraît montre, s'il en était besoin, à quel point les institutions de la Ve République sont dominées par la prépondérance, que nous jugeons excessive, de l'exécutif, Gouvernement et Président de la République. Le quinquennat vise justement à la réduire et c'est pour cela d'abord que le groupe Radical, Citoyen et Vert s'y déclare favorable.

Ce sera toujours ça de pris.

Pour autant, toutes les questions légitimes que suscite la réduction à cinq ans du mandat présidentiel restent en suspens,...

M. Maurice Leroy.

Très bien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... et notamment la nécessité, à nos yeux, de refonder une VIe République, plus adaptée aux réalités de la société d'aujourd'hui, dans le contexte extrêmement mouvant et prégnant de la mondialisation économique. C'est là, aussi, le vrai problème.

Celle-ci, entraînée par la vague libérale et la puissance des Etats-Unis, a pour effet de marginaliser progressivement le pouvoir politique au profit de la sphère économique et financière et de vider peu à peu de sa substance le projet collectif de nos démocraties, fondé sur des valeurs non marchandes, au profit, cette fois, d'un individualisme essentiellement consumériste. Il est de bon ton de dire que tout cela n'intéresserait pas les Français. Ce n'est pas si sûr !

M. Bernard Charles.

Eh oui !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Fatigués de débats politiciens, beaucoup expriment néanmoins le désir, dans un pays où le pacte républicain est fort, de voir nos institutions évoluer vers plus de transparence, de souplesse, de réactivité, de simplicité et de proximité, et aussi vers plus de considération pour les identités : de genre, culturelles,r égionales. Et ce d'autant plus que l'indispensable construction européenne nous contraint par ailleurs, à la veille de la présidence française de l'Union, à nous interroger sur l'architecture institutionnelle la plus pertinente et la plus efficace pour assurer à nos concitoyens un développement durable, démocratique, solidaire, écologique.

Il faudra bien, donc, que la VIe République française s'articule, à terme, avec la première Constitution européenne.

L es chantiers qui sont devant nous sont donc immenses et la fenêtre incidemment ouverte sur le quinquennat ne doit pas se refermer, comme le voudrait trop commodément le Président de la République, lui qui trouve qu'en VIe République tout va bien.

C'est pourquoi nous avons voulu, malgré tout, esquisser un nouveau projet constitutionnel, à travers des amendements portant notamment sur : la réforme des modes de scrutin dans le sens de la proportionnelle ; le non-cumul des mandats, y compris dans le temps ; la réforme du Sénat ; la poursuite de la décentralisation ; le renforcement des pouvoirs du Parlement ; et aussi le droit de vote des étrangers aux élections locales, lié à la question cruciale de l'immigration - il en était largement question cet après-midi - que nos gouvernements devront bien un jour traiter avec courage et lucidité si nous voulons vraiment éviter, et de bonne foi, le drame de sanspapiers désespérés et les événements tragiques de ce weekend en Angleterre.

C'est tout cela, tout cet ensemble, qu'il faudra vraiment, à terme, soumettre à nos concitoyens par référendum, et pas seulement un « quiquennat sec », comme on dit, qui, dans les circonstances présentes, n'a malheureusement pas toute la portée souhaitée.

Les parlementaires du groupe Radical, Citoyen et Vert l'adopteront néanmoins, avec le sentiment amer d'une opportunité pour l'instant gâchée. Il ne nous reste, en effet, que deux ans avant la prochaine élection présidentielle. C'est peu pour présenter aux Français un projet institutionnel cohérent et lancer un vaste débat sur le sujet au sein de notre société. C'est pourtant indispensable, et c'est possible. La vitalité démocratique de notre


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pays aurait tout à y gagner, et notre devoir est d'animer ce débat et d'en éclairer les enjeux en les reliant au quotidien des Français.

Nos concitoyens se demandent, en effet, de plus en plus en quoi ils peuvent rester maîtres de leur destin, en quoi et comment ils sont représentés par leurs élus, en quoi nos institutions peuvent reconstruire un vivreensemble qui se délite, dans un monde de compétition permanente et aux inégalités croissantes.

Voilà un projet qui devrait motiver la gauche plurielle dans sa diversité et qu'en aucun cas elle ne devrait minimiser sous prétexte que les sondages portant sur l'unique question du quinquennat expriment la moue dubitative des Français. Donnons-leur plutôt l'occasion de s'exprimer enfin sur la profonde mutation que connaît notre pays et sur l'organisation institutionnelle qui doit en découler, dont le quinquennat ne constitue qu'un élément, souhaitable mais aujourd'hui inachevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. José Rossi, au nom du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. José Rossi.

Monsieur le président, chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour mettre un point final, à l'Assemblée nationale, à la réforme qui nous est proposée par le Gouvernement, avec un engagement fort du Président de la République, et qui repose aussi sur une initiative parlementaire prise par un ancien Président de la République. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Que cette réforme se fasse dans un climat consensuel, concernant précisément le cadre constitutionnel dans lequel nous allons bâtir ensemble des politiques pour notre pays au cours des prochaines années, cela témoigne, pour la première fois peut-être depuis un certain temps, qu'une volonté commune existe dans cet hémicycle, lorsqu'il s'agit de l'essentiel, de faire un choix cohérent et lucide.

Il est heureux, après tout, que nous fassions enfin ce choix, même s'il survient peut-être à la suite d'un concours de circonstances que nous n'aurions pas pu prévoir il y a quelques mois encore. Les Français, en effet, depuis maintenant vingt-sept ans qu'ils sont régulièrement consultés, par d'autres voies que le vote de leurs représentants ou celle du référendum - qui sera peut-être employée demain -, disent qu'ils sont favorables à un mandat présidentiel de cinq ans. Car s'ils sentent que le septennat, fruit d'une longue histoire et de plusieurs républiques, était tout à fait adapté au personnage historique qu'était le général de Gaulle, ils constatent également, en voyant ses successeurs, élus dans un autre cadre politique, dans un autre environnement, qu'il s'agisse du président Pompidou, de Valéry Giscard d'Estaing, de François Mitterrand ou de Jacques Chirac, que la pratique du pouvoir politique au sommet de l'exécutif n'est incontestablement plus la même que celle qui était adaptée au général de Gaulle, dans un moment précis de notre histoire, celui de la fondation de la Ve République.

Il est donc nécessaire de procéder à une adaptation, pour permettre au Président de la République de garder tous les attributs et les pouvoirs qui sont les siens, dans l'esprit de la Constitution de la Ve République. Il faut s'adapter à notre temps. Maintenant que le général de Gaulle n'est plus là, alors que depuis 1986 la cohabitation est pratiquée de manière régulière, et depuis que le référendum n'est plus considéré par tous, me semble-t-il, comme un plébiscite, il paraît logique que le Président de la République cherche plus régulièrement auprès du peuple le ressourcement de sa légitimité. Et un mandat de cinq ans correspond, à une année près, à ce qui se fait dans la plupart des démocraties occidentales. Il y a là incontestablement une avancée de la démocratie. Le retour régulier devant le peuple permet aussi au Président de la République, quel qu'il soit, de retrouver et de garder une autorité qui, même en période de cohabitation - et pour des cohabitations qui, si elles existaient encore, seraient sans doute moins fréquentes - lui permettra de peser, conformément à l'esprit de la Ve République, sur le cours des choses.

Voilà pourquoi, au groupe Démocratie libérale, à quelques exceptions près, nous sommes, de manière franche et massive, favorables à la réforme qui nous est proposée.

Mais, en même temps, nous avons aussi le sentiment, à travers tout ce que nous avons entendu au sein de cet hémicycle mais aussi à l'extérieur, que la réforme qui a été initiée dans les conditions que l'on sait a posé toute une série de questions. Certaines tiennent à la recherche d'une nouvelle Constitution, d'une VIe République, qui nous ferait évoluer soit vers le régime présidentiel, avec une séparation des pouvoirs, soit, au contraire, vers un régime parlementaire renforcé. Ce débat n'est sans doute pas celui qu'il faut avoir à l'occasion de cette révision constitutionnelle. Au moment des élections législatives, et surtout au moment de l'élection présidentielle, il sera sans doute au coeur des propositions des uns et des autres. Ne créons pas la confusion aujourd'hui, ne mélangeons pas les sujets qu'il faut traiter : cette question viendra le moment venu, puisque, aujourd'hui, le quinquennat ne met pas en cause l'équilibre des institutions, mais est au contraire de nature à affirmer l'autorité du Président de la République par un recours plus fréquent à l'élection au suffrage universel.

Par contre, le signal fort qui est donné avec cette réforme du quinquennat, c'est aussi un signal qui doit concerner l'Etat tout entier. Car on constate, et vous permettrez à l'opposition de le constater de manière très claire, que la réforme de l'Etat au cours des deux ou trois dernières années est restée en panne. Cette réforme de l'Etat reste encore à faire, et elle ne le sera pas d'ici aux prochaines consultations nationales. Alors, dès à présent, saisissons en effet l'occasion du débat sur le quinquennat pour poser, pendant la campagne que nous allons conduire au mois de septembre prochain en cas de réfé-r endum, les vraies questions. Comment allons-nous moderniser notre Etat ? Comment allons-nous aller vers un pouvoir local fort, qui soit au diapason de ce qui se fait aujourd'hui partout en Europe, alors que la France est sans doute l'un des rares pays d'Europe à ne pas aller suffisamment loin vers l'institution d'un véritable pouvoir local ? Le principe de subsidiarité reste encore à mettre en oeuvre pour notre démocratie locale en France. Ce sera sans doute aussi au coeur des propositions que nous ferons, les uns et les autres, à l'occasion des prochaines consultations nationales.

Vous pensez, monsieur le président, que j'ai épuisé mes cinq minutes ? (« Oui, largement ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Oui. Mais le sujet est d'importance, donc...

(Sourires.)

M. José Rossi.

Puisque vous m'invitez à conclure, monsieur le président, et que nous sommes déjà tous convaincus, à quelques exceptions près, je dirai simple-


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ment pour terminer que, au bout du compte, le quinquennat pourrait donner un sens à la construction d'un nouvel édifice démocratique.

Ce débat, je le répète, prendra toute sa dimension après les consultations nationales de 2002.

Une démocratie renforcée au sommet de l'Etat, un vrai pouvoir local qui reste encore à créer : telle est la suite qu'il faudra, de manière incontournable, donner à la réforme constitutionnelle qui nous est proposée.

Ce projet de loi constitutionnelle est un signal fort de modernisation de notre démocratie, qui doit permettre de libérer aujourd'hui les énergies réformatrices dont la France de demain aura besoin. C'est ainsi que le groupe Démocratie libérale pense que le quinquennat peut constituer demain, si nous le voulons tous ensemble, une véritable rampe de lancement pour la refondation de notre démocratie.

Nous voterons donc massivement pour le quinquennat.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratique libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques instants l'Assemblée nationale va donc voter la réduction du mandat du Président de la République de sept à cinq ans.

Reconnaissons que, il y a quelques semaines, la discussion que nous allons clore aujourd'hui à l'Assemblée n'était pas prévisible.

M. Maurice Leroy.

Ça, c'est sûr !

M. Jean-Marc Ayrault.

Tout au moins n'était-elle pas attendue.

Nos délibérations ne mettent naturellement pas fin aux débats sur ce sujet important. Mais les politologues retiendront que si nous avons été conduits à discuter de ce sujet, c'est à la suite d'un dialogue dans cet hémicycle entre un ancien Président de la République et le Premier ministre, dialogue dont les conclusions ont été tirées par le Président de la République.

Mme la garde des sceaux a rappelé, dans sa présentation du projet de loi aujourd'hui soumis à notre vote, l'histoire du septennat.

Cette durée de sept ans n'avait pas été fixée par une réflexion de nature constitutionnelle. Elle trouve sa source dans l'opportunité du moment :...

M. Maurice Leroy.

Ça alors !

M. Jean-Marc Ayrault.

... il s'agissait d'attendre la disparition du comte de Chambord. Mme Elisabeth Guigou a justement souligné que le septennat est un « héritage des monarchistes que les républicains ont accepté puisqu'il paraissait sans inconvénient ». Elle a souligné également que la question aurait pu se poser en 1958 mais n'a tout simplement pas été débattue.

En d'autres termes, le septennat n'appartient pas à notre ordre constitutionnel, si ce n'est comme référence historique. (Murmures sur divers bancs.)

Mme la garde des sceaux a, dans une démonstration excellente, souligné les avantages de la réduction du mandat présidentiel à cinq ans : rapprochement par rapport aux durées de mandat appliquées chez nos voisins, dans les autres grandes démocraties ; harmonisation avec la durée des différents mandats électifs à cinq ans, comme l'a souhaité, le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale en juin 1997 ; meilleure articulation des relations entre le Président de la République, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ; enfin « respiration » plus démocratique du corps électoral.

François Hollande, au nom des socialistes, a fort opportunément rappelé que Lionel Jospin avait fait du quinquennat l'une de ses propositions lors de la campagne présidentielle de 1995 - celui-ci avait même annoncé que s'il était élu, il se l'appliquerait à luimême -, tandis que le parti socialiste avait repris cette proposition à l'occasion des élections législatives qui ont suivi la dissolution de 1997.

Par ailleurs, il a souligné que, pour les socialistes, le raccourcissement du mandat présidentiel s'inscrit dans un ensemble de modifications de nos institutions : renforcement du pouvoir du Parlement, rejet de toute évolution vers le régime présidentiel, nécessité d'une claire majorité à l'Assemblée nationale - ce qui limite l'introduction de la proportionnelle - et nécessité aussi d'une nouvelle étape de la décentralisation.

Il a conclu que ce que les socialistes veulent, « c'est un meilleur contrôle des gouvernants, une plus grande initiative du pouvoir législatif et une plus grande participation des citoyens ». Ils « veulent le quinquennat non comme un aboutissement mais comme une étape vers une démocratie plus vivante ».

Mes chers collègues, telles sont les intentions qui sont les nôtres au terme de ce débat à l'Assemblée nationale.

Et je ne me hasarderai pas, pour ma part, à gloser sur celles des autres. Mais dans ce débat constitutionnel, en ce moment et en cette matière, les socialistes peuvent se sentir proches d'Emmanuel Kant : « L'intention est la fin qui dirige l'action. C'est elle et non le résultat de l'acte qui en fait la valeur morale. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet et M. Maurice Leroy.

Oh ! la la !

M. Jean-Marc Ayrault.

C'est dans cet esprit, et avec conviction, que le groupe socialiste votera pour le projet de loi du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré, pour le groupe RPR.

M. Jean-Louis Debré.

Madame la garde des sceaux, les députés du groupe du RPR voteront pour le projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République, et ils le feront pour des raisons de fond et pour des raisons d'opportunité.

L'instauration du quinquennat répond aux exigences d'une démocratie moderne. Elle permet au peuple de se prononcer plus fréquemment sur les grandes orientations de la politique nationale. Elle facilite la mise en jeu de la responsabilité politique du chef de l'Etat. Elle atténue, sans les rendre totalement impossibles, les risques liés à la cohabitation.

P our autant, cette modification du rythme de l'échéance électorale majeure de notre vie politique ne bouleverse pas l'équilibre général de notre Constitution.

Les institutions de la Ve République, qui nous ont apporté stabilité et efficacité, demeurent notre loi fondamentale. Elles continuent de s'adapter à la réalité politique sans pour autant changer de nature. Ainsi, la distribution des rôles au sein de l'exécutif entre le Président de


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la République, qui tient sa légitimité et sa suprématie de l'élection au suffrage universel direct, et le Premier ministre, dont l'autorité repose pour une part importante sur le soutien de la majorité parlementaire, n'est pas modifiée par cette réforme.

De même, les mécanismes du parlementarisme rationalisé, sur lesquels certains voudraient revenir et qui évitent confusion des pouvoirs et régime des partis, restent, heureusement, intacts.

Le fait majoritaire, confirmé par le refus du Gouvernement d'utiliser le quinquennat comme paravent de l'introduction de la proportionnelle, fait que cette réforme ne remet pas en cause l'équilibre de nos institutions.

Bref, l'architecture générale de la Constitution de 1958 ne subit pas les altérations que certains auraient pu craindre ni les transformations profondes que d'autres espéraient.

En matière constitutionnelle, mes chers collègues, il est bien rare, en France, de voir un accord à peu près général s'établir entre les principales formations politiques représentées au Parlement. C'est le cas aujourd'hui pour le quinquennat et il est temps de le matérialiser.

Voilà vingt-sept ans, en effet, que le débat sur le passage au quinquennat est ouvert. Vingt-sept ans que, en raison des circonstances politiques, des arrière-pensées des uns et des autrs, il n'a pu être refermé. Il aura fallu sans doute la concomitance de l'entrée dans le nouveau siècle, de l'évolution générale de l'esprit public et de la société, et d'une nouvelle et inédite situation de cohabitation institutionnelle pour que l'on décide de passer à l'acte.

L'initiative conjointe du Président de la République et du Gouvernement tire les justes conséquences de cet état de fait. Leur responsabilité partagée en cette circonstance ne signifie nullement connivence stratégique ou collusion tactique. Les différences d'approche, les divergences qui les séparent sur la teneur de la politique à conduire, y compris peut-être sur l'avenir des institutions ellesmêmes, ne sont pas reléguées au second plan par ce vote d'un jour. Elles continueront, à n'en pas douter, à fournir l'essentiel des débats et des controverses qui animeront à l'avenir l'échiquier politique.

L'accord réalisé sur le quinquennat empêche qu'un bénéfice unilatéral à caractère exclusivement partisan soit tiré d'une réforme utile correspondant à l'aspiration de nos concitoyens à une association plus étroite, parce que plus fréquente, à la gestion du pays.

Le consensus réalisé au sein de cette assemblée, et, demain, espérons-le, parmi nos compatriotes, évite de donner prise à tout soupçon de manoeuvre, de manipulation à des fins personnelles ou de démarche oblique. Loin de dénaturer les institutions de la Ve République, ce consensus renforce l'attachement de nos concitoyens à des institutions qui ont fait la preuve à la fois de leur solidité et de leur faculté à s'adapter.

Tels sont les arguments de fond et d'opportunité qui font que les députés RPR apporteront aujourd'hui leur approbation à cette réforme et se mobiliseront pour qu'elle soit approuvée dans le pays par le plus grand nombre.

(Applaudissements de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe communiste.

M. Jacques Brunhes.

La réforme constitutionnelle qui nous est proposée est une réforme majeure dont les conséquences prévisibles sont considérables. Dès lors, permettez-moi de regretter, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire au cours de la discussion générale, les modalités de son examen, où à la précipitation suspecte s'ajoute, fait unique, l'interdiction dans la pratique par le Président de la République d'amender le texte proposé.

M. Hervé de Charette.

M. Brunhes n'a pas tort !

M. Jacques Brunhes.

Le débat de fond est ainsi volontairement escamoté.

M. Hervé Morin.

Tout à fait !

M. Jacques Brunhes.

Ce n'est pas digne du Parlement.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Jacques Brunhes.

Nous avions pourtant l'occasion d'aborder les questions clés de la crise de nos institutions que chacun s'accorde à relever.

Les raisons de cette crise sont multiples. Elles ont la même origine que la crise de la société et que celle de la politique. Il est logique que les inégalités croissantes conduisent les Français à s'interroger sur le fonctionnement de la démocratie représentative et à se montrer plus exigeants à l'égard de leurs élus.

Une autre des raisons essentielles de cette crise de nos institutions tient à un défaut originel : le déséquilibre entre l'exécutif et le législatif. Face à la réduction à l'e xcès du rôle du Parlement, pour reprendre la formule de François Mitterrand, ou à la dérive monarchique de nos institutions dont parlait le candidat Jacques Chirac, la commission Vedel rappelait « un voeu unanime exprimé sous des formes diverses, mais avec force, par les acteurs du jeu politique et par l'opinion : donner au Parlement une place et un rôle qui doivent être, dans une démocratie, les siens ».

Or la réforme qui nous est proposée peut-elle résoudre ce défaut originel du régime ? A l'évidence, non ; elle l'aggrave. Elle conduit, qu'on le veuille ou non, à une présidentialisation accrue.

M. Hervé Morin.

Tout à fait !

M. Jacques Brunhes.

La coïncidence, prévisible à terme, des scrutins présidentiel et législatif renforcerait les prérogatives du chef de l'Etat au détriment du Parlement.

Ce couplage favoriserait la bipolarisation politique.

M. Maxime Gremetz.

Absolument !

M. Jacques Brunhes.

Nous irions alors vers un dangereux appauvrissement du pluralisme et des choix offerts aux citoyens.

Hormis l'insondable « modernité », quel est le seul argument qui reste aux signataires et aux partisans du texte ?

M. Maxime Gremetz.

Ce sont les vieux qui parlent de modernité !

M. Jacques Brunhes.

Le quinquennat sec serait, comme nous venons de l'entendre dire, une première étape des réformes futures.

Mais l'expérience m'amène à constater que le rééquilibrage est toujours remis à plus tard.

M. Hervé Morin.

Bien sûr !

M. Jacques Brunhes.

Jusqu'à présent, ce « plus tard » a toujours été un « jamais ».

M. Maurice Leroy.

Rendez-vous dans vingt-sept ans !

M. Jacques Brunhes.

C'est notre crainte aujourd'hui, après une discussion où, hélas, comme annoncé, aucun de nos amendements n'a été retenu et où, surtout, aucune piste n'a été ouverte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

M. Alain Bocquet.

Tout à fait !

M. Jacques Brunhes.

Or je rappelle que certaines réformes peuvent se faire par des lois...

M. Hervé Morin.

Absolument !

M. Jacques Brunhes.

... ou par des résolutions ordinaires, qu'il s'agisse de statut de l'élu, de l'introduction de la proportionnelle ou du renforcement du droit d'initiative à l'Assemblée, pour ne prendre que quelques exemples.

Nous sommes prêts, madame la garde des sceaux, à ouvrir immédiatement le chantier de ces réformes indispensables.

M. Maurice Leroy.

Chiche !

M. Jacques Brunhes.

A ceux qui parlent de renforcer les pouvoirs du Parlement, Charles Pasqua répond « qu'il vaudrait mieux renforcer les pouvoirs du Président de la République », c'est-à-dire en faire un monarque républicain ou un président impérial. L'aveu est de taille. Il est contraire à toute notre philosophie.

Mais ce n'est pas, madame la garde des sceaux, la réduction à cinq ans du mandat présidentiel qui nous pose problème, car les Français souhaitent être consultés plus souvent, entendus et respectés, et souhaitent pouvoir se mêler davantage des affaires publiques. Mais cette mesure ne peut être prise isolément, de façon purement arithmétique...

M. Maurice Leroy.

Voilà !

M. Jacques Brunhes.

... sans que s'engage une réflexion d'ensemble sur les institutions, sinon nous aurons la même désaffection des citoyens, qui est un signe fort et inquiétant.

Le quinquennat sec, répétons-le, aggrave au lieu de les résoudre les problèmes de fond. Une telle réforme est inacceptable.

M. Maxime Gremetz.

Très juste !

M. Jacques Brunhes.

Devant le fiasco de l'opération politicienne, des voix s'élèvent pour renoncer à soumettre le projet à référendum, au prétexte d'aller vite et simple.

M. Maurice Leroy.

Il faut voter contre !

M. Jacques Brunhes.

Elles témoignent d'une grande inquiétude. Disons le tout net : ce serait particulièrement grave d'ajouter à l'escamotage du débat parlementaire le refus du débat national. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le parti communiste entend quant à lui, après consultation de ses adhérents, conduire dans le pays un grand débat sur des institutions modernes, démocratiques, favorisant la participation citoyenne et faisant apparaître l'exigence d'une démocratie de nouvelle génération. Nous appelons à travailler avec tous ceux qui le souhaitent à un projet de nouvelle République.

La crise des institutions, mes chers collègues, est un formidable défi. Ce qui nous est proposé reste en deçà de cet enjeu. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste, en l'instant, refuse de participer au vote.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. - Exclamations sur divers bancs.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour le groupe UDF.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il aura fallu l'humanisme concret et prospectif du Président Pompidou, la détermination passionnée du Président Giscard d'Estaing (Vives exclamations sur divers bancs)...

M. Maxime Gremetz.

Quelle détermination !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... et la décision courageuse et résolue du Président Chirac pour qu'un Gouvernement, en l'occurrence celui de Lionel Jospin, présente à l'Assemblée nationale le projet de loi constitutionnelle instituant le quinquennat.

Le parcours du combattant d'une telle réforme ne s'achève pas aujourd'hui, il commence. Celui de la nécessaire modernisation de nos institutions ne s'interrompt pas davantage aujourd'hui, il démarre.

Le quinquennat n'est pas un habit sur mesure conçu pour un Président de la République quel qu'il soit. C'est un progrès pour les Français. Cette idée populaire doit apparaître comme une réforme nécessaire. Ce n'est pas encore le cas, et c'est la raison pour laquelle nous devons aller à la rencontre des Français pour ouvrir un grand débat. Nous avons les uns et les autres un travail de conviction à entreprendre.

A l'UDF, nous ne nous satisfaisons pas de l'éloignement des Français face à la politique, de leur abstention, de leur scepticisme, de leur protestation plus ou moins larvée selon les circonstances.

Nous acceptons que les idées se combattent, mais nous refusons que l'action politique soit méprisée, dénigrée, jugée parfois inutile, inopérante, inefficace, décalée.

Redéfinir qui est responsable de quoi dans notre pays est une priorité : un problème, un interlocuteur unique ! Concevoir un projet, le présenter au peuple souverain, le mettre en oeuvre avec un responsable identifié et une équipe, être jugé sur ses résultats au terme du mandat, telle est la méthode, la démarche de démocratie directe que nous appelons de nos voeux aussi bien pour l'échelon européen que pour l'échelon national et l'échelon local.

La contractualisation tous azimuts, la dyarchie au sommet de l'Etat créée par la cohabitation, l'absence de Constitution permettant de clarifier les responsabilités entre l'Europe et la France, tout cela concourt à l'égarement du citoyen qui s'impatiente face aux problèmes éternellement non réglés, aux réformes toujours différées , ces véritables fardeaux que nous allons porter sur nos épaules en entrant dans le

XXIe siècle.

L'instauration du quinquennat est une étape féconde, qui en annonce obligatoirement d'autres.

Au renforcement des pouvoirs du citoyen appelé tous les cinq ans à choisir un Président, son équipe, son projet, doivent correspondre, d'une part, un développement du contrôle parlementaire, qui n'attend, pour se déclencher fortement, que notre volonté et non un texte, la reconnaissance des droits de l'opposition pour échapper à la pesanteur du fait majoritaire, ainsi que, d'autre part, une reconnaissance de véritables contre-pouvoirs locaux proches du terrain et des réalités, permettant l'expérimentation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Telle est la conviction profonde de l'UDF.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Très rares sont ceux parmi nous qui s'opposent fondamentalement au quinquennat pour préférer le septennat non renouvelable. Mais ils existent et nous les respectons.

Quelques-uns, et non des moindres, auraient souhaité d'utiles précautions pour éviter une présidentialisation excessive de nos institutions.

Dans notre large majorité, nous approuvons aujourd'hui le quinquennat dans les habits de la Ve République.

Au non passionné de certains, aux silences faussement habiles d'autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , nous opposons un oui résolu, un oui prospectif.

La rencontre avec les Français ne nous fait pas peur.

Nous la souhaitons pour les convaincre que ce débat les concerne au plus haut point.

Parce que nous sommes dans l'opposition, nous ne pouvons pas aller plus loin aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Attendre 2002 pour proposer un vaste champ de réformes est pour nous une obligation. Pour le Gouvernement et sa majorité dite plurielle, attendre 2002, c'est un alibi.

Aujourd'hui commence la première étape de la modernisation de nos institutions.

Le Gouvernement UDF à l'Assemblée nationale...

( Rires et exclamations sur divers bancs.)

Pardonnez-moi ce lapsus, mes chers collègues.

Le groupe de l'Union pour la démocratie française de l'Assemblée nationale, voulais-je dire, apportera au succès de cette initiative son énergie et sa détermination.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique que Mme la ministre interviendra après le scrutin.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

503 Nombre de suffrages exprimés .................

494 Majorité absolue .......................................

248 Pour l'adoption .........................

466 Contre .......................................

28 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je remercie l'Assemblée nationale pour ce vote très majoritaire en faveur du quinquennat, réforme prise à l'initiative du Président de la République sur proposition du Premier ministre.

C'est une bonne réforme qui se suffit à elle-même car elle introduit davantage de démocratie dans nos institutions en permettant à nos concitoyens de se prononcer plus fréquemment sur les grands choix de politique nationale.

Cette réforme n'interdit pas que s'ouvrent plus tard d'autres perspectives, comme l'a excellemment rappelé tout à l'heure le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault. D'ailleurs, vos débats ont montré que vos idées sont nombreuses et certaines fort intéressantes.

Mais aujourd'hui, votre vote permet d'espérer que cette importante réforme voie enfin le jour. N'oublions pas que le débat est ouvert depuis maintenant près de quarante ans ! Le Sénat examinera le projet de loi constitutionnelle le 29 juin prochain. Ensuite, si le Sénat vote ce texte dans les mêmes termes que l'Assemblée, il appartiendra au Président de la République et à lui seul de choisir la voie du référendum ou celle du congrès, comme l'article 89 de la Constitution lui en attribue la prérogative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3

PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 7 juin 2000

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (no 2461).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

La parole est à Mme la ministre de la justice, garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous voici au terme du processus législatif de réforme du régime de la prestation compensatoire en matière de divorce.

Une dernière fois, je salue le consensus qui, depuis le début, a guidé cette réforme. La qualité des travaux menés par les rapporteurs de chacune des commissions des lois y est sans doute pour beaucoup ; qu'ils en soient remerciés.

La réussite de la commission mixte paritaire concrétise l'aboutissement de cette réflexion commune. Enrichi au cours des lectures successives, le texte définitif qui vous est soumis permettra de régler, je n'en doute pas, l'essentiel des difficultés dont vos débats se sont fait l'écho.

Des ajustements s'avéraient nécessaires. La législation était devenue inadaptée aux évolutions sociales - notamment à la plus grande implication des femmes dans la vie professionnelle - comme à la réalité patrimoniale des débiteurs.

Sans bouleverser totalement le mécanisme de la prestation compensatoire, vous en avez, sous l'impulsion de votre rapporteur, substantiellement modifié le régime.

Désormais, l'attribution de la prestation en capital ne sera plus un vain principe, grâce à l'ensemble des amendements que vous avez adoptés, que je rappellerai pour mémoire : abandon de biens en propriété, extension des garanties légales, possibilité d'étaler le paiement du capital sur huit années et, enfin, aménagements fiscaux. Le Gouvernement, sur ce point, je crois, a répondu à vos attentes.

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission mixte paritaire.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

L'octroi d'une rente viagère ne sera plus qu'une alternative résiduelle réservée aux cas exceptionnels, lorsque, du fait de son âge ou de son état de santé, le créancier ne peut pas subvenir à ses besoins.

L'équité justifie alors pleinement l'octroi d'une rente viagère, qui pourra être révisée si la situation des parties est amenée à changer en profondeur.

C'est encore le respect de l'équité et le souci de ne pas faire succéder une nouvelle injustice à celle que nous connaissons aujourd'hui qui vous a guidés quant au choix difficile sur la question de la transmissibilité de la prestation aux héritiers du débiteur.

Certains, à l'intérieur comme à l'extérieur de cet hémicycle, auraient souhaité voir affirmé le principe de l'extinction de la prestation au décès du débiteur. Je pense que le maintien de la transmissibilité, atténué par les nouvelles mesures que vous avez adoptées, constitue la solution la plus respectueuse de l'équilibre entre protection du créancier et intérêts des héritiers du débiteur.

Ces mesures - déduction automatique des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé, possibilité pour les héritiers du débiteur de demander la transformation de la rente en capital ou encore ouverture du droit à la révision de la rente si le décès se traduit par un changement important de la situation des parties - constituent une gamme de solutions souples qui se substitueront à la rigidité actuelle.

Enfin, vous avez étendu l'ensemble des dispositions nouvelles aux rentes en cours, à l'exception de la déduction automatique de la pension de réversion. Sur ce dernier point, les deux assemblées se sont ralliées à l'avis du Gouvernement et je les en remercie. Certaines créancières ont pour seule source de revenu une prestation compensatoire d'un montant modeste, après avoir sacrifié leur propre carrière au profit de celle de leur mari. Les courriers qu'elles m'adressent, inquiètes des conséquences de la réforme sur leur situation, me confortent dans le choix de cette solution.

Encore une fois, je remercie tous les acteurs de ce débat, au premier rang desquels se trouve le rapporteur de votre commission des lois, Alain Vidalies, pour la qualité et la sagesse de leurs réflexions, dont la manifestation la plus éclatante a résidé, à chaque étape de l'examen de la proposition de loi, dans le vote unanime de chaque assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie le 7 juin 2000, est parvenue facilement à un accord sur les quatre articles qui restaient en discussion.

Elle a adopté l'article 1er AA nouveau relatif à la déclaration sur l'honneur, introduit en seconde lecture à l'initiative de M. Blessig dans le texte de l'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification, proposée par le rapporteur pour le Sénat : la déclaration sur l'honneur devra être fournie au juge, que la prestation compensatoire soit fixée par lui ou par les parties dans la convention soumise à son homologation, en cas de divorce sur demande conjointe des époux.

La commission a adopté l'article 2 bis relatif à la transmission de la charge de la rente et à la déduction de la pension de réversion, dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale.

De même, la commission a adopté l'article 2 octies A nouveau dans le texte de l'Assemblée nationale. Il s'agissait d'un amendement de coordination.

Enfin, la commission a supprimé l'article 2 undecies nouveau, ainsi que l'avait fait l'Assemblée nationale en deuxième lecture, le rapporteur pour le Sénat ayant consenti à renoncer provisoirement à introduire ce dispositif relatif à l'exonération de la valeur de capitalisation de la rente viagère dans le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En conséquence, la commission mixte paritaire a adopté à l'unanimité le texte soumis aujourd'hui à votre approbation.

Cette réforme, très attendue, permettra, dans les prochaines semaines, d'ouvrir la possibilité de révision des rentes en cours, en cas de changement important dans les ressources et les besoins des parties. Elle met un terme à la condition d'« exceptionnelle gravité », qui, jusqu'à présent, rendait irrecevables les procédures de révision. Il convient de souligner que cette possibilité concernera aussi bien les débiteurs que leurs héritiers.

La modification ne porte pas seulement sur la suppression de la référence à l'« exceptionnelle gravité » au bénéfice de la notion de « changement important », mais également sur la possibilité de prendre en compte l'évolution des ressources du créancier, ce que le droit positif interdisait jusqu'à présent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Par ailleurs, notre réflexion collective nous a amenés à modifier le régime de la prestation compensatoire, pour l'avenir, en revenant aux principes dégagés en 1975 par le législateur.

Dorénavant, la prestation compensatoire sera fixée en capital, éventuellement payable en huit annuités. Le montant du capital ne sera jamais révisable et seules les modalités de paiement pourront être aménagées ou suspendues temporairement par le juge.

Les rentes viagères seront réservées à des situations particulières liées à l'état de santé et à l'âge du cré ancier, qui ne lui permettraient pas de subvenir à ses besoins. Ces rentes seront elles-mêmes révisables en cas de changements importants dans les ressources et les besoins des parties.

Nous n'avons pas voulu remettre en cause le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire et, en conséquence, par cohérence juridique, nous avons maintenu la transmissibilité de la rente, mais en imposant la déduction automatique de la pension de résersion et en ouvrant largement, comme je l'ai déjà dit, les conditions de révision.

Nous avons mis sur pied, pour assurer la cohérence de nos propositions, un dispositif fiscal particulièrement adapté : il sera notamment possible de déduire les versements échelonnés du capital sur huit années. Pour la première fois, également, le débiteur qui versera le capital dans un délai de douze mois bénéficiera d'une réduction d'impôt de 25 % du montant versé, dans la limite de 2 00 000 francs, soit un abattement maximum de 50 000 francs.

Il me semble qu'il s'agit d'une loi juste, équilibrée, résultat de notre réflexion collective. Je souhaite, à cet instant, remercier les collègues qui, sur tous les bancs, ont participé à son élaboration, ainsi que les administrateurs de la commission des lois qui ont mis leurs compétences et leur disponibilité à notre service.

Enfin, à travers vous, madame la ministre, je remercie le Gouvernement d'avoir permis à cette initiative parlementaire - il s'agissait à l'origine d'une proposition de loi sénatoriale - d'aboutir. Les propositions fiscales du Gouvernement ont révélé sa volonté de répondre à l'attente des Français, qui appelaient de leurs voeux la modification de ce dispositif, rendu largement incompréhensible par la jurisprudence, et peut-être par la rédaction insuffisamment précise de la loi de 1975.

Je vous demande, en conséquence, d'adopter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est donc appelée à se prononcer en dernière lecture sur la prestation compensatoire en matière de divorce, plus précisément sur le texte adopté à l'issue de la dernière réunion de la commission mixte paritaire, qui s'est tenue le 7 juin.

Il faut reconnaître que le travail de cette commission a été grandement facilité par la qualité de celui intervenu au cours de la navette entre l'Assemblée et le Sénat, puisque seules quatre dispositions de nature technique restaient en discussion. Un accord s'est en effet très rapidement dégagé sur le principe essentiel à la réforme de la prestation compensatoire : l'incitation au versement de la prestation sous la forme d'un capital.

Rappelons que de nombreuses personnes se trouvent aujourd'hui dans des situations délicates du fait de l'inadaptation de la loi de 1975 à l'évolution de la société française. Cela tient en partie au fait que les tribunaux se sont éloignés du principe du versement de cette prestation sous forme de capital, pour appliquer, dans 80 % des cas, la formule subsidiaire de versement : la rente viagère ou temporaire. Dans le même temps, ils refusaient la moindre adaptation aux aléas des conditions de vie du débiteur en interprétant de façon très restrictive la notion de « gravité exceptionnelle », condition nécessaire pour la révision de cette rente. Il est vrai que les tribunaux ont pu être encouragés en ce sens par le régime fiscal des rentes viagères, nettement plus avantageux que celui du capital.

C'est pourquoi, au-delà du principe posé par le Parlement, il importait d'obtenir du Gouvernement des dispositions fiscales adaptées, notamment la déductibilité de la prestation compensatoire dans des conditions aussi incitatives, qu'elle soit versée sous forme de capital ou de rente.

C'était indispensable à la réussite de cette réforme. C'est désormais chose faite.

Le maintien de la transmission de la charge de la prestation compensatoire aux héritiers a donné lieu à plus de discussions au sein de nos deux assemblées. Il est finalement apparu difficile de revenir sur ce principe sans risquer de créer de nouvelles injustices. Il a tout de même été décidé d'inscrire dans la loi que les prestations compensatoires dues par les héritiers du débiteur pouvaient également être révisées.

Ces deux points essentiels étant tranchés, il restait donc à la commission mixte paritaire à s'accorder sur quelques points techniques comme la proposition du Sénat tendant à exonérer de l'impôt de solidarité sur la fortune la valeur de capitalisation de la rente viagère - qui n'a pas été retenue, mais qui pourrait trouver sa place dans une prochaine loi de finances - ou la remise d'une déclaration sur l'honneur certifiant l'exactitude des ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie pour la fixation d'une prestation compensatoire ou pour l'examen d'une demande de révision. Cette dernière disposition sera d'autant plus utile que le Gouvernement n'a pas accepté, dans ce texte, de lier procédure de divorce et liquidation du régime matrimonial.

Outre la qualité du travail parlementaire, qui nous permet aujourd'hui d'envisager l'adoption de ce texte, il y a un autre motif de satisfaction. Cette proposition de loi, déposée en décembre 1996 par un parlementaire de l'opposition, le sénateur Nicolas About, a été inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour des travaux parlementaires. Elle a pu ainsi faire l'objet d'une discussion réelle et efficace, contrairement à ce qui tend malheureusement à devenir la règle pour les textes déposés dans les « niches parlementaires ».

L'opposition a d'autres propositions utiles à formuler en matière de droit de la famille. Signalons, par exemple, la proposition de loi de Renaud Muselier, membre du groupe RPR, sur la prestation parentale d'assistance aux parents d'enfants hospitalisés et gravement malades, qui, après avoir été refusée, lors de la discussion à l'Assemblé e, le 14 décembre dernier, par le Gouvernement, vient d'être reprise par ce dernier à l'occasion de la conférence sur la famille. Plusieurs propositions en faveur de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

famille mériteraient un tel accueil de la part du Gouvernement ; je me permettrai de citer le texte que j'ai déposé avec le groupe RPR tendant à la création d'un congé de solidarité familiale.

Les dossiers qu'il importe de traiter pour faire avancer le droit de la famille sont nombreux. Mis à part le PACS et quelques réformes ponctuelles, comme celle que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui, l'actuel gouvernement n'a pas entamé ce chantier, si ce n'est par des commandes de rapports et la tenue de colloques.

Lors de la dernière conférence sur la famille, l'annonce a été lancée d'une réforme portant sur la filiation, le mariage et le divorce, qui devrait avoir lieu d'ici à la fin de l'année. Nous espérons que ces dates seront tenues, tant il devient urgent de revaloriser le mariage civil, de conforter l'autorité parentale et d'apaiser les conflits familiaux.

M. Gérard Gouzes.

C'est sans doute devenu urgent quand les socialistes sont entrés au Gouvernement...

M. Patrick Delnatte.

En votant le présent texte, le groupe RPR vous demande donc, madame la garde des sceaux, de vous inspirer de la façon dont ont été menés les travaux sur la prestation compensatoire, pour favoriser l'adoption d'une réforme ambitieuse du droit de la famille, confortant cette institution comme élément structurant de la société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce long débat, n ous allons répondre favorablement, je pense, aux attentes de milliers de familles en adoptant cette proposition de loi portant réforme de la prestation compensatoire.

Les absurdités générées aujourd'hui par l'application du dispositif issu de la loi de 1975, devenu obsolète, ont convaincu l'ensemble des groupes parlementaires de la nécessité de procéder à une révision en profondeur de ce dispositif. Chacun d'entre nous, en effet, a vu déferler, ces derniers mois, une avalanche de situations des plus impensables et insupportables. Nous ne pouvions laisser des divorcés en situation de victimes de cette prestation.

Il est important de souligner que cette initiative a été prise par les parlementaires eux-mêmes et complétée par un travail sérieux, au sein des deux chambres, auquel vous avez bien entendu contribué, madame la garde des sceaux.

Les avancées sont réelles, notamment au travers des dispositions qui permettront aux futurs divorcés, dans la grande majorité des cas, de régler définitivement les problèmes financiers de l'après-divorce.

Demeurent cependant quelques inquiétudes chez les débirentiers d'aujourd'hui, qui auraient souhaité des améliorations plus sensibles, concernant notamment la prise en compte des sommes déjà versées, en cas de capitalisation des rentes en cours. Nous souhaitons que les décisions d'ores et déjà prises par plusieurs tribunaux, qui tiennent compte des situations et règlements antérieurs, servent d'exemples.

Il reste que les tribunaux ont de fortes chances de se trouver submergés par les demandes de révision. Le renforcement des moyens humains au sein des juridictions va donc se révéler nécessaire, afin de ne pas pénaliser encore plus lourdement les débiteurs d'aujourd'hui. Rappelons-le, c'est grâce à la mobilisation de ces derniers que la prise de conscience de la nécessité de réformer la prestation compensatoire a été possible.

Comme en première et en seconde lectures, les députés communistes voteront donc pour ce texte.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme de la discussion sur la réforme de la prestation compensatoire. A ce stade du débat, tout a été dit ou presque.

D'abord, je me réjouis que nous arrivions au terme de nos débats. La réforme de la prestation compensatoire était en effet urgente. Il était devenu évident qu'elle se trouvait en décalage complet avec l'évolution de notre société. Ce système est effectivement issu d'une époque où le patrimoine reposait sur la propriété foncière, ce qui justifiait que l'accent ne fût pas mis sur un versement en capital. Or je n'apprendrai rien à personne en disant que la nôtre est plutôt dominée par la mobilité et l'influence du système bancaire. La prestation compensatoire ne pouvait donc en aucun cas demeurer sous sa forme actuelle.

J'irai même plus loin. Je pense que les dispositions que nous nous apprêtons à adopter définitivement ne seront que provisoires. Affirmer le principe d'un versement en capital est assurément une bonne chose. Mais le simple fait d'étaler son versement sur huit ans contribue à créer une distorsion entre cette procédure et la réalité de la famille d'aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle, dès la première lecture, j'avais déposé des amendements tendant à faire de la prestation compensatoire, non pas un capital, mais une indemnité, qui serait évaluée au moment du prononcé du divorce.

Cette disposition aurait d'ailleurs permis de répondre au délicat problème de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, source des situations les plus injustes, et qui est à l'origine même du dépôt de ce texte.

C'est ce problème qui a suscité les plus nombreuses réactions, voire les protestations des associations, qui ont mené là un juste combat.

Car les situations les plus dramatiques, ou jugées les plus injustes, concernent le plus souvent des familles recomposées, des enfants de second lit contraints à verser une prestation compensatoire à une première épouse que, parfois, ils ne connaissent même pas.

Les témoignages d'héritiers désemparés se multiplient.

Il me vient par exemple à l'esprit celui d'un homme, issu d'un premier mariage et abandonné par son père à six ans. Le jugement prononçant le divorce, huit ans plus tard, n'octroya à ce garçon et à sa mère qu'une maigre pension alimentaire. Quelle ne fut, par conséquent, l'indignation de ce dernier lorsqu'il reçut, en 1997, une lettre recommandée d'un avocat lui réclamant le paiement d'une prestation compensatoire pour la seconde épouse de son père ! Ces situations ne peuvent laisser insensible. Là est tout le problème de la réforme de la prestation compensatoire.

Conscients de la douleur et de la colère que pouvaient engendrer les situations de ce type, vous avez néanmoins fait le choix de maintenir le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, puisque


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celle-ci a la nature d'un capital. Certes, ce choix se défend, mais je ne suis pas persuadé qu'il soit véritablement en adéquation avec les situations rencontrées.

La déduction des pensions de réversion est un autre point sensible, et nous avons eu à coeur de trouver la solution la plus juste possible. Nous avons évité un écueil juridique, que nous avaient d'ailleurs signalé d'éminents juristes, concernant l'évaluation du patrimoine des exépoux. Cette réforme risquait en effet d'être totalement inefficace car elle n'était pas liée à la liquidation de la communauté. Après coup, on peut effectivement se demander pourquoi nous n'y avions pas pensé.

En effet, la liquidation de la communauté a, par définition, un impact sur le patrimoine des ex-époux. L'allocation d'une part importante de cette communauté peut, par exemple, réduire la disproportion de revenus que la prestation compensatoire est précisément supposée limiter. Il paraît donc logique de lier prestation compensatoire et liquidation de la communauté, afin de permettre au juge de mieux apprécier le patrimoine des époux.

C'est pour remédier à cette lacune, qui risquait effectivement de mettre notre réforme à mal, que nous avons adopté un amendement prévoyant une déclaration sur l'honneur, de la part des ex-époux, qui certifie l'exactitude de leurs ressources, de leurs revenus, de leur patrimoine ou encore de leurs conditions de vie.

C'est toujours dans le souci de rendre efficace la réforme de la prestation compensatoire que le dispositif a été affiné et complété par la commission mixte paritaire, qui l'a logiquement étendu au divorce non contentieux.

Il a donc été décidé que les pensions de réversion seront déduites de plein droit de la rente versée au créancier, et en l'absence de décision contraire du juge, saisi par le créancier, une déduction du même montant continuera à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion.

Le principe demeure donc la déductibilité de plein droit. Cette solution paraît la plus juste et la plus équilibrée car elle permet d'éviter aux héritiers de voir leurs charges augmenter du fait du remariage ou du concubinage notoire de l'ex-époux créancier, tout en gardant la possibilité, pour le créancier, de contester cette déduction.

Bien sûr, cette réforme ne pourra pas contenter tout le monde. Je pense que nous avons tous conscience qu'elle ne règlera pas la totalité des problèmes et qu'un certain nombre de situations difficiles perdureront.

Néanmoins, à ce stade de la discussion, je pense que nous avons effectué des progrès notables, même provisoires, comme je l'ai déjà dit, qui permettront à la prestation compensatoire de renouer avec son objectif premier, à savoir assurer l'équilibre des situations matérielles des différentes parties.

A cet égard, je tiens à saluer les associations qui, par leur travail, ont su convaincre même un bastion comme Bercy, qui a finalement accepté d'ouvrir les cordons de la bourse. Leur succès apparaît d'autant plus louable quand on sait à quel point le ministère des finances est réticent à faire ce type de concession : les commissaires-priseurs, par exemple, sont bien placés pour le savoir.

Cette réforme n'a en effet de sens que si elle s'accompagne de dispositions fiscales. Dans le cas contraire, le risque de voir la prestation compensatoire retomber dans les mêmes travers, à savoir des rentes qui n'en finissent pas, était réel.

Si j'ai tenu à saluer le juste combat des associations, je ne tiendrai pas tout à fait le même discours s'agissant du Gouvernement, qui s'est montré quelque peu à la remorque de la réforme.

M. Alain Vidalies, rapporteur, et M. Gérard Gouzes.

Oh !

M. Yves Nicolin.

C'est presque à contrecoeur, sous la pression des associations et du Sénat, qu'il s'est résolu à l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avec, reconnaissons-le, un peu de retard.

Depuis plus de deux ans, les textes appelant à une réforme en la matière se sont succédé. Dès 1997, on l'a dit, une proposition de loi avait été déposée au Sénat, proposition adoptée le 25 février 1998, il y a plus de deux ans, par la Haute assemblée. Depuis lors, plusieurs propositions de loi émanant de parlementaires de toutes tendances politiques ont été déposées. Et même si je me réjouis que celle dont je suis l'auteur soit intégrée aux discussions, je regrette que le débat ait été ouvert aussi tardivement.

Quoi qu'il en soit, le groupe Démocratie libérale votera ce texte qui, même s'il n'est pas totalement satisfaisant, apporte une amélioration à des situations devenues intolérables.

M. Patrick Delnatte et M. Emile Blessig.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Après les deux lectures qui se sont déroulées dans chaque assemblée, nous sommes parvenus à un accord en CMP, et nous voici donc réunis, mes chers collègues, pour le vote définitif de ce texte.

Permettez-moi tout de suite, madame la garde des sceaux, de vous dire ma satisfaction. Il nous aura fallu en effet attendre vingt-cinq ans - et bien des gouvernements se sont succédé depuis 1975...

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Voilà, monsieur Nicolin !

M. Gérard Gouzes.

... pour donner enfin satisfaction à des hommes, pour la plupart, à quelques femmes aussi, qui devaient verser des prestations compensatoires dans des conditions absolument scandaleuses.

M. le rapporteur l'a également relevé, le premier soir où nous avons parlé de ce texte, nous avons vu dans les tribunes un monde incroyable ! Et les personnes qui assistaient à nos débats, plus nombreuses que les députés présents dans l'hémicycle, sont restées jusqu'au bout, à une heure pourtant tardive. Cela démontre la passion avec laquelle elles attendaient un geste du Parlement et du Gouvernement. Et je dois dire, madame la garde des sceaux, que vous êtes intervenue au moment opportun pour résoudre de nombreux cas douloureux.

A présent, la loi est à la fois plus juste et, je dirai, plus juridique.

Plus juste, car la situation est plus claire. Dans le principe, il n'y aura plus désormais de rente mais un capital forfaitaire, ce que tout le monde attendait. La rente ne sera plus prononcée qu'à titre exceptionnel, dans des situations très particulières, pour des conjoints âgés ou malades, par exemple.

Restait à apurer le passé, et c'est là que les associations ont joué tout leur rôle en nous signalant les cas les plus difficiles. L'ARPEC, en particulier, a fait un travail remarquable ; c'est grâce à elle que nous avons pu demander au Gouvernement de saisir la balle au bond, en complétant ce texte sénatorial par une mesure autorisant la révision pour tout ce qui concerne l'arriéré.


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De fait, des dizaines de milliers de personnes sont aujourd'hui en grande difficulté parce qu'elles doivent continuer à verser une rente qui ne correspond plus à leurs moyens. Je connais personnellement des gens qui se retrouvent avec des revenus minimes, parce qu'ils sont au chômage ou traversent une période difficile, mais qui sont toujours astreints au paiement des mêmes mensualités, l'« exceptionnelle gravité » de leur situation, critère exigé par la Cour de cassation et les tribunaux, étant bien entendu impossible à démontrer. Désormais, toutes ces personnes pourront voir la rente dont ils sont redevables non seulement révisée à la baisse ou éventuellement supprimée, mais quelquefois même suspendue en fonction de changements importants intervenus dans leur situation.

Quant aux exonérations fiscales, voilà encore, monsieur Nicolin, un avantage que n'avaient jamais consenti les g ouvernements qui se sont succédé depuis 1975.

Reconnaissez avec moi que le seul gouvernement qui ait accepté d'exonérer le versement en capital est celui de M. Lionel Jospin, dans lequel Mme Guigou occupe le poste de garde des sceaux. Il faut rendre à César ce qui appartient à César ! M. Alain Vidalies, rapporteur, et Mme Nicole Feidt.

Très bien !

M. Gérard Gouzes.

Des exonérations fiscales, à la fois logiques, raisonnables et substantielles, permettront désormais de prendre en compte la valeur du capital.

La déduction de la pension de réversion, voilà, monsieur le rapporteur, une mesure que vous avez suffisamment défendue pour que je n'y insiste pas. C'est là encore une mesure de justice, à laquelle je m'étonne que l'on n'ait pas pensé avant nous.

La plus juste, loi plus juridique aussi.

On a dit en 1975 que le devoir de secours avait disparu. En bien, madame la garde des sceaux, je compte sur la chancellerie pour que les magistrats reçoivent les instructions nécessaires afin qu'ils ne retombent pas dans l'erreur, qu'ils ne reviennent pas, avec le temps, à la rente classique, ordinaire, commune, à la rente si commode, alors que c'est bien le versement d'un capital qui doit êre prononcé à l'occasion d'un divorce.

E nfin, on l'a clairement démontré, la prestation compensatoire est une indemnité, non une pension alimentaire. C'est ce qui nous a amenés à confirmer le caractère de transmissibilité aux héritiers. Cette présentation a pu troubler ; ce sont peut-être là les aspects imparfaits dont parlait M. Nicolin et auxquels je voudrais remédier. On ne peut pas, en effet, avoir le beurre et l'argent du beurre. Dès lors qu'il ne s'agit pas d'une pension alimentaire mais d'une prestation indemnitaire, la dette entre dans le patrimoine et doit, par conséquent, être transmise aux héritiers.

Je pense même que nous sommes allés au-delà de ce que nous étions tenus de faire en permettant, au moment de la transmission, la révision du montant, voire la suppression du versement, en fonction, bien entendu, des moyens des héritiers. De toute façon, chacun peut refuser une succession. Si on ne la refuse pas, c'est bien qu'il doit y avoir plus d'actif que de passif. Là encore, la loi est à présent plus juridique, donc plus juste.

Madame la garde des sceaux, je conclurai en vous disant qu'il ne faut pas s'arrêter là. Nous sommes tous d'accord, je crois, pour considérer que le divorce est une institution à réviser. Nous souhaitons un divorce moins coûteux, un divorce plus rapide, un divorce où tout ce qui touche à la liquidation de la communauté et, par conséquent, aux moyens d'existence respectifs des parties soit déconnecté, en quelque sorte, de l'aspect affectif, souvent « fautif », dont certains jouent parfois pour faire durer la procédure et certainement pour faire souffrir leur conjoint, de qui ils ont peut-être à se venger, mais qui, incontestablement, ne mérite pas d'être réduit à une situation financière souvent tragique et inextricable.

Voilà pourquoi j'attends de la réforme du divorce qu'elle fasse de la prestation compensatoire une institution très exceptionnelle. Le divorce étant aussi plus rapide, je suis persuadé que tous les problèmes qu'ont connus ceux qui se plaignent depuis vingt-cinq ans auront totalement disparu de notre droit civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, dernier orateur inscrit.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, intervenant le dernier dans la discussion générale, je m'associe à l'ensemble des arguments techniques qui ont été avancés, notamment par M. Vidalies, dont le rapport a su synthétiser le cheminement de ce texte, parti d'une proposition sénatoriale reprise et inscrite à l'ordre du jour par le Gouvernement et améliorée à la faveur de discussions approfondies. Certes, tous les acteurs de ce débat, tant dans cette enceinte qu'au dehors, n'ont pu obtenir satisfaction, mais nous avons élaboré, je crois, un texte équilibré et plus juste.

Equilibré et plus juste, car nous avons su adapter les orientations de la loi de 1975 aux conditions de vie actuelles.

En 1975, le législateur a voulu supprimer les idées de faute, de sanction et de devoir de secours en les remplaçant par les notions de responsabilité et de réparation.

Malheureusement, une culture juridique plus portée sur la notion de pension alimentaire que sur celle d'indemnité avait provoqué certaines dérives dont les conséquences ont été exposées tout au long de nos débats.

Grâce aux mesures que nous avons prises, nous avons rétabli plus d'équité et plus de justice pour permettre à c ette institution qu'est le divorce de s'adapter à deux grandes modifications de notre société : la moindre durée du mariage et l'allongement de la durée de vie. Les prestations compensatoires sous forme de rente étaient et sont toujours versées sur des périodes qui dépassent quelquefois, et de loin, la durée même du mariage, ce qui est à la fois incompréhensible, illogique et injuste. Le versement d'un capital permet d'y remédier, tout en confirmant le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire.

Ce texte est aussi l'illustration d'un travail parlementaire de qualité. C'est une étape, une pierre sur le chemin. Mais le chemin est encore relativement long, dans la perspective de la réforme annoncée du droit de la famille, et notamment du droit du divorce. Puisque nous considérons désormais que la notion de communauté et de partage de la communauté est indissociablement liée à celle de divorce, il faudra, dans le cadre de cette réforme, réfléchir à la fois à la nouvelle composition de la communauté et à la manière de procéder à sa liquidation.

Ainsi, bien que la composition des communautés soit aujourd'hui largement fondée sur les droits à retraite, ces droits ne sont pas encore comptabilisés dans l'actif de communauté. Mon collègue Charles de Courson avait proposé un amendement pour les y intégrer. C'est une mesure qu'il faudra prendre un jour ou l'autre.


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A l'occasion de cette dernière lecture, le groupe de l'Union pour la démocratie française se félicite à la fois de la qualité du travail accompli et de la bonne collaboration entre les deux assemblées. Cette coopération a permis d'aboutir à un texte qui ne peut, par définition, faire l'unanimité de toutes les personnes concernées, mais qui marque une étape décisive sur la voie de la justice et de l'équité. C'est pourquoi nous voterons le texte de la commission mixte paritaire.

M. Patrick Delnatte et M. Yves Nicolin.

Très bien !

M. le président.

La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

TITRE Ier DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE

« Art. 1er AA. L'article 271 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties dans la convention visée à l'article 278, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »

....................................................................

« Art. 2 bis. L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente viagère passe à ses héritiers. Les pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit de la rente versée au créancier. Sauf décision contraire du juge saisi par le créancier, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit à pensio n de réversion. »

....................................................................

« Art. 2 octies A. Dans le premier alinéa de l'article 285 et dans l'article 294 du code civil, après la référence : "275-1", est insérée la référence : ", 277".

....................................................................

« Art. 2 undecies. Supprimé. »

....................................................................

TITRE II

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

....................................................................

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole pour une explication de vote ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

4

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 21 mars 2000.

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (no 2260).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement mène une politique déterminée de prévention et de répression de la délinquance économique et financière.

Le projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption, qui revient devant votre assemblée pour son adoption définitive après accord en commission mixte paritaire, revêt en la matière une importance particulière.

Au cours des précédents débats parlementaires, je me suis déjà longuement expliquée sur ce texte.

Face à une corruption qui s'internationalise, la France se devait de promouvoir, en concertation avec ses partenaires de l'OCDE et de l'Union européenne, une réaction des plus fermes, et d'adapter son droit interne aux engagements internationaux et européens souscrits pour cela.

Je ne peux donc que me féliciter de la teneur de ce projet de loi, qui permettra à la France non seulement de respecter ses engagements, mais aussi d'être l'un des pays les mieux armés juridiquement pour lutter contre la corruption internationale.

A cet égard, je remercie tout particulièrement votre rapporteur, M. Jacky Darne, pour l'excellente qualité du travail accompli tout au long de la procédure parlementaire et, en dernier lieu, au sein de la commission mixte paritaire.

Ce projet de loi comble une faille importante dans notre droit interne : la corruption de fonctionnaire étranger est désormais punissable.

Les principales dispositions de ce texte, comme vous le savez, traduisent la volonté du Gouvernement de lutter de façon implacable contre la corruption sous toutes ses formes : extension de la répression de la corruption aux versements faits à des fonctionnaires « à tout moment » ;


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large éventail et quantum satisfaisant des peines prévues pour les personnes physiques et morales ; large compétence territoriale reconnue aux juridictions françaises pour connaître des faits de corruption d'un fonctionnaire communautaire ou d'un autre Etat membre commis à l'étranger ; prohibition de toute déductibilité fiscale des commissions versées postérieurement à l'entrée en vigueur en France de la convention de l'OCDE.

J e m'arrêterai un court instant sur le nouvel article 3 bis.

La commission mixte paritaire a, en effet, souhaité réserver à la juridiction parisienne une compétence facultative pour les faits de corruption active d'agent public étranger dans les transactions commerciales internationales.

Cette centralisation parisienne, dont j'observe qu'elle n'est que facultative, peut être légitime pour certaines affaires particulièrement complexes de corruption internationale qui, d'ailleurs, en raison du lieu des sièges sociaux, relèvent de fait de cette juridiction. Elle ne fera pas obstacle à la politique déconcentrée de modernisation et de renforcement de la justice économique et financière voulue par le Gouvernement.

Le texte adopté sera ainsi, tant sur un plan procédural qu'au fond, une pierre angulaire de la lutte contre la délinquance économique et financière.

Soyez assurés qu'après la constitution des pôles économiques et financiers, avec l'amélioration constante du dispositif de coopération judiciaire et le renforcement de la lutte contre le blanchiment d'argent tel qu'il est proposé au Parlement dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, le Gouvernement poursuivra ses efforts, dans la ligne des conclusions du sommet de Tampere, des recommandations du GAFI et des orientations de l'OCDE pour conduire une lutte efficace contre toutes les formes que revêt la délinquance financière organisée.

Ce sera, pendant la présidence française de l'Union européenne qui commence dans quelques jours, l'un de mes engagements majeurs.

Je souligne, d'ailleurs, pour conclure concrètement, que ce projet de loi permet la mise en oeuvre, à côté de la convention de l'OCDE, de cinq instruments de l'Union européenne relatifs à la lutte contre la corruption et la fraude aux intérêts communautaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il ne faut désespérer de rien. Alors que, après les deux lectures de ce texte de lutte contre la corruption à l'Assemblée nationale et les deux lectures au Sénat, la plupart pronostiquaient la tenue d'une CMP extrêmement brève, les désaccords étant estimés trop grands entre nos chambres, la commission mixte paritaire a abouti.

J'en suis très satisfait, car il est important que, sur des questions comme celle-ci, les élus trouvent un accord. La part de l'éthique est telle qu'il est plus difficile d'ériger en norme un comportement s'il n'est pas soutenu par une grande partie du corps social chargé de le suivre et, à travers lui, par ses élus.

Heureusement, chacun avait exprimé le même souhait : voir la corruption internationale désormais condamnée et non plus reconnue comme une pratique licite, ce qui est le cas aujourd'hui. C'est un comble que les pays qui se réclament d'un marché et qui souhaitent une concurrence, sinon pure et parfaite, du moins loyale, aient pu accepter, jusqu'à présent, que les marchés à l'étranger soient gagnés en corrompant élus et fonctionnaires des pays clients.

Les conséquences, pour le monde, ont été et sont encore lourdes. Que de dictatures n'existent que pour tirer des bénéfices matériels résultant de la corruption ! Que d'endroits où le développement économique a été freiné parce que les pratiques de corruption ont conduit à surenchérir les coûts pour tous au profit de quelques-uns ! Que de pays où la perte de confiance dans les élus a fait douter de la possibilité de voir naître des régimes démocratiques ! Néanmoins, si cet objectif était commun à beaucoup d'entre nous, des divergences existaient sur les moyens à mettre en oeuvre et sur les conditions d'application de la loi.

Sans reprendre tous les débats que nous avons eus au cours de l'examen de ce texte, je crois nécessaire de préciser les arbitrages qui ont été réalisés en commission mixte paritaire.

D'abord cette dernière a accepté la modification apportée par l'Assemblée à la définition du délit de corruption en supprimant la nécessité de prouver l'antériorité du pacte de corruption. Cette très importante modification qui ne résulte pas de la simple transposition des textes de l'OCDE ou de l'Union européenne, évitera que le juge doive qualifier, parfois à tort, d'abus de biens sociaux ou de recel d'abus de biens sociaux des faits qui constituent des délits de corruption, mais pour lesquels le juge ne pouvait prouver l'antériorité du pacte de corruption.

La commission mixte paritaire a également accepté de reprendre la version de l'Assemblée nationale, qui était celle du projet de loi initial, quant aux peines encourues tant par les personnes physiques - dix ans d'emprisonnement - que par les personnes morales. Même s'il existe une grande diversité des peines applicables dans le monde et même s'il est vrai que les peines prévues en France sont, en général, plus lourdes que celles appliquées dans la plupart des pays, il n'était pas concevable d'édicter, dans la loi, des peines plus faibles pour la corruption d'élus et de fonctionnaires étrangers que celles applicables pour la corruption de fonctionnaires et d'élus français.

Cette égalité des peines était d'ailleurs demandée par la directive de l'OCDE.

La troisième différence significative entre le texte de l'Assemblée nationale et celui du Sénat était la plus difficile à surmonter. Elle portait sur le deuxième alinéa de l'article 2, c'est-à-dire sur le traitement à réserver aux commissions versées après l'entrée en vigueur de la loi pour des contrats signés avant.

Le débat sur cet alinéa fut à la fois juridique et politique.

Il a d'abord été juridique car la question posée est compliquée par le fait que l'application de la loi plus sévère, est conditionnée à la fois par un principe généra l, celui de non-rétroactivité de la loi pénale et par une approche particulière, celle de la recherche du fait constitutif du délit de corruption : s'agit-il du contrat ou du paiement ? Si c'est le contrat, il n'y a pas de problème : il suffit de savoir qu'il est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi et le paiement ne constitue pas une infraction ; en revanche, s'il s'agit du paiement, tout versement postérieur à l'entrée en vigueur de la loi peut entraîner poursuite. Là réside le problème.


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En définitive l'analyse politique a conduit les membres de la CMP, sénateurs et députés, à supprimer cet alinéa, considérant, d'une part, que les principes généraux du droit existent et qu'il n'est pas utile de les rappeler dans ce texte ; d'autre part, que si nous indiquions que certains paiements postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n'étaient pas susceptibles de poursuites, nous donnerions un signe de laxisme. Aucun pays n'a l'équivalent dans sa législation. Nous aurions donc laissé entendre aux entreprises et aux autres pays que nous avions une incertitude quant à la légalité de ces paiements.

Certes le problème demeure et il serait utile que l'OCDE s'en saisisse afin que tous les pays signataires appliquent la même méthode pour les paiements postérieurs aux entrées en vigueur de lois sur le fondement de contrats antérieurs.

En ce qui concerne, enfin, la question de la procédure pénale relative aux juridictions compétentes, l'Assemblée nationale n'avait pas retenu la proposition des sénateurs de réserver au procureur général de Paris, au juge d'instruction et au tribunal correctionnel de Paris une compétence concurrente donc facultative. Cependant la CMP a retenu la proposition des sénateurs, se laissant d'autant plus volontiers convaincre de la nécessité d'homogénéiser la jurisprudence que, dans la pratique, la plupart des affaires de corruption internationale sont le fait d'entreprises dont le siège social est dans la région parisienne. Il n'empêche que, lorsque des pôles financiers seront structurés et opératoires, il faudra peut-être modifier cette disposition.

Telles sont, pour l'essentiel, les propositions de la CMP que je vous propose d'approuver. Nous aurons alors franchi une étape supplémentaire dans la lutte contre le gâchis économique et contre ces comportements qui discréditent l'action publique.

Ainsi que Mme la garde des sceaux l'a souligné, il reste encore une autre étape à franchir. Elle le sera peut être lors de la présidence française de l'Union européenne car elle est strictement politique et économique. Il s'agirait d'appliquer à tous les pays de l'OCDE cette apostrophe qu'adressait M. René Backman, lors d'un colloque du Nouvel Observateur , relatif à la corruption, à M. Léon Cutler, conseiller du président Clinton : « Il serait intéressant de se pencher sur la contradiction qui fait que les

Etats-Unis - cela est vrai pour d'autres pays - adoptent de nombreux textes contre la corruption tout en soutenant des régimes extrêmement corrompus, sous prétextes que ceux-ci sont des alliés fidèles ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec.

Très bien ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, l'aboutissement positif de la commission mixte paritaire réunie le 21 mars dernier témoigne, s'il était besoin de le rappeler, de la volonté de nos deux assemblées d'adopter une législation permettant de lutter efficacement contre la corruption internationale et, ainsi, de contribuer à la transparence dans les transactions commerciales entre les pays. Il s'agit, à nos yeux, d'un enjeu essentiel de la démocratie auquel nous ne pouvons que souscrire au moment où la corruption constitue un véritable fléau économique, politique et social.

En effet, les dégâts causés par la corruption au plan international sont considérables, tant l'argent issu des trafics illicites de la fraude fiscale circule en toute impunité et alimente souvent l'économie légale. La France s'honore en prenant des mesures fortes, radicales, à la hauteur du défi auquel notre société continue d'être confrontée. Permettre à la France de sanctionner ces pratiques jugées répréhensibles, condamnables, voire criminelles contribue à lier, en ce domaine, transparence et efficacité et à redonner à l'opinion une plus grande confiance dans la démocratie et la vie politique.

S'il est vrai que quelques divergences d'appréciation entre les deux chambres avaient généré des débats intéressants au cours des deux premières lectures, nous devons nous féliciter qu'elles aient pu être surmontées. Il en est ainsi, notamment, de l'alignement des peines d'emprisonnement prévues en matière de corruption d'agents publics étrangers sur celles encourues pour corruption d'agents publics nationaux, ainsi que de l'éventail des sanctions applicables aux personnes morales. Répondre à une autre logique aurait contrarié l'efficacité et l'obligation de résultat en faveur desquelles la France s'est engagée.

Madame la ministre, en votant ce projet de loi, les députés communistes entendent donner à notre pays les moyens de sanctionner cette corruption en incluant la fermeté et la rigueur nécessaires dans les dispositions de notre droit interne.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, nous examinons enfin, après plusieurs reports, un texte définitif sur les modifications des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives à la lutte contre la corruption.

Notre rapporteur a très bien défini les inquiétudes partagées par l'ensemble des députés et des sénateurs.

Elles portaient d'abord sur la nécessité de ne pas placer la France en retrait par rapport à ses engagements internationaux, qu'ils aient été contractés dans le cadre de l'OCDE ou au sein de l'Union européenne, pour faire en sorte que la lutte contre ce fléau soit un enjeu national et fasse l'objet d'une décision unanime. Il est, en effet, inadmissible que notre pays tolère que soient versés, au niveau international, des pots de vin qui faussent la concurrence et qui empêchent les pays les plus pauvres de bénéficier des lois normales du marché. Tel était le premier enjeu.

Par ailleurs, il convenait de protéger les entreprises françaises et de ne pas les placer en situation de faiblesse face à leurs concurrentes. Nous savons, en effet, parce que nous ne faisons pas preuve d'angélisme, que tous les pays du monde n'adopteront pas ce genre de dispositions.

Je peux citer la Russie ou Israël. Même parmi ceux qui ont signé de tels accords, certains, comme les Etats-Unis, ont un droit interne qui met leurs ressortissants relativement à l'abri de la lutte affichée contre la corruption, dans la mesure où il permet de gérer de manière transactionnelle les peines ou les délits.

Ce double objectif et la recherche de ce nécessaire équilibre ont conduit les députés et les sénateurs à débattre sur plusieurs sujets.

Le premier était le point de savoir s'il fallait harmoniser les peines prévues en France avec celles appliquées dans les autres pays européens. Bien que nous ayons défendu une position selon laquelle la France ne devait


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pas imposer des peines plus lourdes que les autres pays, il nous a paru logique de faire en sorte que les peines encourues par les fonctionnaires français, pour des actes de corruption réalisés dans le cadre européen ou à l'échelon international, soient identiques à celles prévues pour des faits semblables en France.

Le deuxième sujet était plus complexe. Il faisait l'objet du deuxième alinéa de l'article 2 qui évoquait le principe de non-rétroactivité de la peine pénale plus sévère. Ce rapport pouvait sembler inutile puisque cela allait de soi.

Néanmoins, comme l'a souligné le rapporteur, l'échelonnement du versement de commissions pour des actes de corruption pouvait faire en sorte que celle-ci se poursuive après l'entrée en vigueur de la loi.

Or nous savons très bien que la jurisprudence considère que tout versement équivaut à un acte de corruption renouvelé, même pour un contrat passé antérieurement à une loi et peut donc être puni. C'est la raison pour laquelle nous avons finalement opté pour une position qui paraissait plus constitutionnelle : le respect du principe de non-rétroactivité de la peine plus sévère en matière pénale, mais en acceptant d'éliminer la protection supplémentaire qui nous avait particulièrement paru utile.

En revanche - je dirais presque en échange puisque, dans toute CMP, interviennent des compromis qui correspondent à des concessions réciproques - Mme la garde des sceaux s'est engagée d'une part à inciter l'ensemble des entreprises françaises à passer de tels contrats par actes notariés pour prouver leur antériorité par rapport à l'entrée en vigueur de la loi et, d'autre part, à donner des consignes générales pour ne pas pénaliser les entreprises françaises Enfin, la concentration sur la juridiction parisienne nous a paru un élément rassurant, non pas parce que les juges parisiens seraient plus compétents que ceux de province, mais parce que la concentration en un même lieu pouvait favoriser une certaine spécialisation et, surtout, une harmonisation de la jurisprudence dans ce domaine, laquelle offrirait à Mme la garde des sceaux des indications de nature à lui permettre de donner des directives plus lisibles et mieux suivies.

En définitive, le texte proposé par la CMP est un compromis légèrement éloigné de la position défendue initialement par le groupe UDF. Néanmoins ses membres ont participé honnêtement à son élaboration et ils considèrent qu'il ne s'agit que d'une étape. Ils incitent donc le Gouvernement à profiter de la présidence française de l'Union pour faire en sorte que les mots se traduisent dans les faits et à agir sur le plan international, afin que la volonté de protectionnisme des Américains ne se traduise pas dans les faits par des actions permettant ou facilitant la corruption.

C'est dans ce contexte et avec cette volonté d'ouverture que l'UDF votera ce projet de loi équilibré.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, les députés du groupe socialiste se réjouissent de l'issue positive de la CMP et des conditions consensuelles dans lesquelles ce texte vient devant nous pour adoption définitive. En effet, il n'est pas excessif de dire qu'il marque d'une pierre blanche l'évolution de notre arsenal judiciaire en la matière, qu'il s'agisse du renforcement de dispositions qui sont un peu passées inaperçues, ce que je regrette, ou de la clarification de l'existant.

Peut-être devrions-nous remercier Mme la garde des sceaux et notre rapporteur, Jacky Darne, pour la fermeté dont ils ont su faire preuve tout au long de ces débats et leur constance sur la question délicate, voire dangereuse, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, de l'application que le législateur entendait faire du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Il y avait en effet un véritable risque de déstabilisation d'un ensemble pourtant rendu cohérent par la jurisprudence depuis plusieurs années.

Nous sommes heureux que cette loi s'insère harmonieusement dans l'ensemble des décisions rendues par la chambre criminelle de la Cour de cassation depuis plusieurs années. Nous avons ainsi des éléments de clarification et de renforcement du dispositif de lutte contre la corruption internationale.

Nous avons, et je tiens à ce que cela soit souligné une dernière fois au cours de nos débats, travaillé au renforcement et à la clarification des textes relatifs à la lutte c ontre la corruption interne. Peut-être n'a-t-il pas échappé à nos collègues que nous avions fait sauter la condition du délit de corruption qui était l'un des freins et l'une des raisons pour lesquels, dans la répression de la corruption, les juges préféraient utiliser le dispositif relatif au recel d'abus de biens sociaux et non à celui touchant au délit de corruption.

Le pacte d'antériorité, tel qu'il était défini en droit interne français par le texte initial ainsi que par la jurisp rudence, toujours confirmée, a été modifié afin d'harmoniser les dispositions du délit de corruption en droit interne et en droit international. Ainsi, grâce à l'appui de l'Assemblée nationale et du Sénat, les juges d'instruction qui appelaient de leurs voeux une libéralisation du texte réprimant la corruption en droit interne auront été entendus.

Il est du reste assez intéressant de lire la littérature en provenance de nos magistrats. L'une d'eux, bien célèbre, vient d'écrire un livre dans lequel elle se déclare sceptique sur l'évolution de notre législation qui à ses yeux tendrait vers une sorte d'amnistie douce. Je ne la cite pas textuellement, mais puisque nous nous exprimons dans une enceinte publique et que nos propos pourront ête connus d'elle, je voudrais qu'elle sache qu'à son scepticisme, nous avons envie de répondre par la fermeté. En effet, tous les amendements déposés par plusieurs groupes parlementaires de l'opposition, notamment du RPR, tendant à amnistier indirectement, par le biais de la prescription, des infractions relatives aux abus de biens sociaux, ont été fermement et à plusieurs reprises rejetés par la représenation nationale. Ces juges d'instruction peut-être sceptiques voudront bien considérer qu'un progrès non négligeable a été apporté dans le renforcement de notre arsenal judiciaire, donnant ainsi à nos magistrats les moyens d'aller rechercher directement le délit de corruption sans avoir à le déguiser en recel d'abus de biens sociaux.

Bref, nous avons amplement progressé et il y a évidemment lieu de se réjouir. Aussi le groupe socialiste soutient-il ce texte qu'il votera avec force et enthousiame.

Lord Mountbatten, mort dans des conditions tragiques, disait : « La corruption, c'est un peu comme les escaliers : il faut commencer à les nettoyer par le haut ».

Avec l'humour britannique qui le caractérisait, j'ai envie de lui faire écho en disant que nous y sommes.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.


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M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous voilà réunis pour le dernier acte de l'examen de ce projet de loi relatif à la lutte contre la corruption. Le moins que l'on puisse dire est que le processus a été long et laborieux.

La discussion de ce texte nous apparaît en effet emblématique de certains marathons dont on ne voit venir la fin. Si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que ce texte est dans ce que l'on appelle communément le

« tuyau parlementaire » depuis le mois de décembre 1999.

Sans refaire l'histoire de son cheminement, je pense que les avatars de notre discussion ne sont pas anodins et révèlent des difficultés plus profondes. Rappelez-vous, mes chers collègues, le calendrier : ce texte a fait l'objet d'un accord définitif en CMP le 21 mars dernier, puis a été adopté par le Sénat le 4 avril. Depuis, il ne s'est rien passé. Au contraire, il semblerait que le Gouvernement n'ait eu de cesse de retarder son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : initialement programmé le 6 avril, puis le 24 mai, il a été curieusement, à chaque fois, retiré.

Dès lors, il n'est pas difficile, madame la garde des sceaux, de deviner les pressions dont Matignon et vousmême avez certainement fait l'objet de la part d'entreprises sans doute prises de court par certaines de ses dispositions. Pourquoi ? Certainement parce que le Gouvernement n'a pas su faire preuve de suffisamment de sagacité, alors que ce projet de loi touche à un domaine particulièrement sensible, le commerce international.

En se contentant d'adapter notre droit pénal et notre procédure pénale à six accords internationaux, le Gouvernement n'a pas voulu prendre en compte les spécificités du commerce international. Ce qui, nous le savons, a provoqué un tollé parmi nos entreprises. En voulant à un certain noment aller trop vite, la machine fut bloquée.

Les péripéties de ce texte nous rappellent une fois de plus, et nous le disons souvent au sein de notre commission des lois, que la précipitation en matière législative est mauvaise conseillère. Si l'on avait pris davantage de temps en amont pour écouter les entreprises, ce projet de loi aurait certainement abouti et pu être voté plus tôt. Ce contretemps évitable est la preuve d'un certain amateurisme ; de ce fait, l'examen de ce texte, qui ne posait pas de problèmes particuliers au départ, a pris un retard assez considérable.

Sur de tels sujets, qui demandent rigueur et célérité, nous trouvons regrettable cette forme d'improvisation.

Sur le texte lui-même, notre sentiment est mitigé. Evidemment, personne ne peut dire le contraire dans cette assemblée, son objectif est louable. L'on sait trop bien à quel point la corruption peut gangrener le développement économique et par voie de conséquence la démocratie.

La commission d'enquête parlementaire qu'animent certains de nos collègues sur le blanchiment de l'argent est d'ailleurs là pour nous rappeler et pointer du doigt la véritable toile d'araignée internationale formée par les réseaux de la corruption, des réseaux qui, leurs travaux l'ont montré, élisent domicile aux portes mêmes de notre pays.

Le danger est donc bien réel. Mais si le but n'est pas contestable, est-il certain que, sur le fond, ce texte soit à la hauteur des enjeux ? Lorsqu'on observe la complexité des réseaux, la multiplicité de leurs ramifications, des intermédiaires, sans parler de la tolérance bienveillante de certains pays qu'ont évoquée plusieurs collègues, on ne peut croire qu'il changera réellement quelque chose. J'irai même plus loin : si cette loi ne risque pas d'apporter une pierre significative à l'édifice de la lutte contre la corruption, elle peut paradoxalement déstabiliser et mettre à mal la sécurité juridique des contrats internationaux, donnée fondamentale de toute négociation d'envergure.

Je pense évidemment, on en a déjà parlé, à la pratique des commissions, jusqu'à présent tolérée et qui dorénavant ne le sera plus. C'est bien sur ce point que le Gouvernement aurait dû, à mon avis, montrer davantage de rigueur. Parce que votre démarche n'a pas été assez explicite, soufflant d'abord le chaud puis le froid - ce qu'on veut aujourd'hui, selon que l'on se trouve à l'extérieur et à l'intérieur de cet hémicycle (Sourires) -, vous avez été contraints de laisser une sorte de délai de grâce aux entreprises afin qu'elles puissent bien vérifier si leurs contrats conclus à ce jour tombent ou non sous le coup de la nouvelle loi. Et si cette question apparaît désormais réglée, nous comprenons parfaitement les difficultés des entreprises, compte tenu des sommes en jeu.

Comme l'a rappelé notre rapporteur, en raison de la philosophie globale de ce texte, c'est fort logiquement que la commission mixte paritaire a abouti. Je ne reviendrai donc pas sur les débats relatifs à la présence d'une clause de non-rétroactivité. Les autres points en revanche sont révélateurs de ce que je disais à l'instant : si cette loi ne révolutionnera pas les pratiques commerciales et a toutes chances de rester un coup d'épée dans l'eau, le risque de la voir porter préjudice aux entreprises françaises ou installées en France est bien réel.

Le caractère quelque peu symbolique de ce texte se retrouve aux articles 1er et 1er A, examinés par la CMP, selon lesquels le délit de corruption pourra être constitué à tout moment. Cette précision rédactionnelle a pour but d'éviter au juge d'avoir à prouver l'antériorité du pacte de corruption. C'est donc bien un assouplissement destiné à faciliter l'action de la justice, mais qui reste bien peu de chose face à l'ampleur du phénomène.

En revanche, comme l'avait souligné le Sénat lors de ses différentes lectures - on l'a rappelé - les peines encourues en cas de corruption d'agent public étranger apparaissent excessives. Ramener les durées maximales d'emprisonnement à cinq ans ne me paraît pas de nature à réduire à néant l'effort de lutte contre la corruption. En revanche, les porter à dix ans, c'est-à-dire mettre en place des peines deux fois plus sévères que dans la plupart des autres pays, ne nous paraît guère opportun. De la même façon, certaines des sanctions prévues à l'encontre des personnes morales risquent de faire plus de mal que de bien. Des peines telles que l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, la fermeture pure et simple des établissements ou leur placement sous surveillance judiciaire apparaissent disproportionnées. De telles dispositions peuvent être de nature à pénaliser le dynamisme des transactions effectuées en France et à faire fuir certaines entreprises du territoire français.

En conclusion, monsieur le président, nous avons été, lors de ces débats, les témoins d'une mauvaise appréciation du contexte dans lequel ce projet est destiné à s'appliquer et qu'il se traduit à certains égards par un certain manque de rigueur. Parce qu'il partage l'objectif, louable, de cette loi, mais parce que celle-ci ne fournit pas les cartouches nécessaires à une véritable lutte contre la corruption, notre groupe s'abstiendra.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.


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Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous nous réjouissons du passage en dernière lecture de ce texte d'application de la convention de l'OCDE relative à la lutte contre la corruption.

Je ne reviendrai pas longuement sur les conséquences à l'évidence néfastes de ces pratiques, pour les entreprises d'abord, qui sont soumises à des systèmes généralisés, parfois qu'elles le veuillent ou non ; pour nos Etats exportateurs, investisseurs qui voient leur image ternie par des pratiques peu reluisantes sur lesquelles ils ferment trop souvent les yeux ; enfin et surtout pour les Etats du tiers monde dans lesquels ces mécanismes constituent un puissant frein à la mise en place de véritables Etats de droit et d'un développement durable.

Lors de l'examen de ce texte en première lecture s'est posé le problème de la non-rétroactivité de la loi pénale, le Gouvernement puis le Sénat ayant tenu à en rappeler le principe à l'article 2 bis. Un tel rappel, outre son caractère quelque peu spécieux, pouvait faire peser sur la France une certaine suspicion - et nos partenaires n'ont pas manqué de réagir - quant à sa volonté de lutter contre la corruption. Les Verts se sont battus contre cette éventuelle dérive, dont heureusement les lectures successives et la CMP ont fini par en avoir raison.

La convention de l'OCDE ainsi que ce texte d'application constituent à nos yeux de réels progrès en matière d'investissement et de commerce international. En effet, les sommes en jeu sont considérables. Trente-deux pays partagent désormais ce moyen de lutte. C'est une bonne chose, ce n'est pas négligeable, même si nous sommes conscients que cette convention ne résout pas l'ensemble du problème de fond.

On peut néanmoins éprouver quelques regrets en constatant, une fois de plus, le rôle joué par le Sénat et sa volonté de réduire les peines encourues, et en entendant certaines interventions vanter la possibilité, dans le système américain notamment, d'éviter, par une transaction entre la justice et l'entreprise, une mise en cause publique de celle-ci. Nous pensons tout au contraire que, dès lors qu'un délit a eu lieu, la confidentialité n'est pas opportune et qu'il est bon pour tous, y compris pour les citoyens, de connaître les pratiques d'entreprises dont ils consomment les produits ou les services et dont ils peuvent acheter ou revendre les actions. Le consommateur comme l'actionnaire peuvent et doivent être aussi des citoyens ; encore faut-il un minimum de transparence.

C'est un minimum en effet que de tenter de moraliser un système économique mondial où la course à la concurrence et au profit, à la minimisation des coûts sociaux et environnementaux contribuent à exercer toutes les « astuces » en matière de corruption ou de recours aux paradis fiscaux.

Contrairement à ce que disait notre collègue de l'opposition, nous n'avons pas dans cette affaire à jouer les porte-parole des entreprises ; ce n'est pas notre rôle. Mais cela ne nous interdit pas de nous soucier de leurs préoccupations concrètes.

Nous apprécions, pour notre part, la volonté du Gouvernement et de nos collègues, notamment notre rapporteur, Arnaud Montebourg, et Vincent Peillon, de faire avancer ces exigences en matière de lutte contre la corruption. Nous souhaitons, pour notre part, que la France soit exemplaire. Nous savons aussi que beaucoup reste à faire, dans notre pays comme en Europe, qu'il s'agisse de la réforme des assurances-crédits à l'exportation, qui fait actuellement l'objet de larges discussions, au sein du G 8 notamment, ou encore des moyens accordés à la lutte contre la délinquance financière.

Bien entendu, nous nous prononcerons pour cette transposition de la convention de l'OCDE en espérant que cette étape, qui fut en effet longue et difficile, soit suivie de bien d'autres afin d'améliorer nos dispositifs de lutte contre la corruption.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Madame la garde des sceaux, cette troisième et dernière lecture du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption vise, vous l'avez rappelé, à transposer dans notre droit cinq engagements souscrits dans le cadre de l'Union européenne, ainsi que la convention du 17 décembre 1997 relative à la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signées dans le cadre de l'OCDE.

Ainsi, à l'instar des trente-trois autres pays signataires, la France s'engage à modifier son droit pour le mettre en conformité avec les dispositions de cette convention.

Les Etats-Unis disposaient déjà, nous le savons, d'une loi qui interdisait, sous peine de sanctions pénales, la corruption de fonctionnaires étrangers en vue de l'obtention de marchés à l'exportation. Ils ont joué un rôle moteur dans la négociation et l'aboutissement du projet de convention de l'OCDE, dont l'objet est précisément de contraindre tous les pays signataires à introduire des dispositions similaires dans leur propre droit interne.

Après notre vote de cet après-midi, il y aura donc lieu de transposer effectivement cette convention. En attendant, je voudrais revenir sur nos débats de première et seconde lecture et sur le résultat de la commission mixte paritaire.

J'avais eu l'occasion de rappeler que tous les pays du monde ne sont pas membres de l'OCDE, ce qui, de fait, crée un risque de distorsion en matière de contrats internationaux. En effet, des pays aussi importants que la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, la Russie, pour ne citer que quelques-uns, ne sont pas concernés par cet accord.

Ce texte ne pouvait s'appliquer qu'à des contrats signés après notre vote de cet après-midi. Je me souviens des débats que nous avons eus, le rapporteur les a rappelés tout à l'heure, sur l'application de cette convention aux contrats déjà signés et à exécution et paiement successifs.

Contrairement à ma collègue, je veux noter l'intérêt des travaux de la commission mixte paritaire et de l'apport du Sénat. Je vous avais, madame la garde des sceaux, interpellée à la tribune en vous demandant d'être très ferme sur le principe de non-rétroactivité de la loi ; c'est à mes yeux un point essentiel.

Sur le fond du dossier, les députés du groupe du Rassemblement pour la République exprimeront un vote positif.

Nous savons en effet que la corruption est un phénomène répandu dans les transactions commerciales internationales et dans les domaines des échanges et de l'investissement, et qu'elle fausse les conditions internationales de la concurrence.

L'adoption de la convention est nécessaire. Elle est l'illustration de la prise de conscience, dans les pays les plus économiquement avancés, du danger à encourager des pratiques de corruption d'agents publics étrangers.


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J'irai un peu plus loin. Il ne faut pas se cantonner à l'incrimination de la corruption. Il est également nécessaire de refuser toute déductibilité des pots de vins versés à des agents publics étrangers. Cette pratique, nous le savons, était communément admise, y compris dans notre pays, quand elle n'était pas également cautionnée par la

COFACE ! L'adoption de la convention de l'OCDE ne doit pas, pour autant, mettre les pays européens et leurs entreprises en état d'infériorité concurrentielle par rapport aux EtatsUnis. Leur régime fiscal, spécifiquement mis en place pour avantager les exportateurs américains, a donné lieu à une condamnation de l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce. Le système de dégrèvement a ccordé aux filiales et grandes sociétés américaines implantées dans les paradis fiscaux équivaut bien à l'octroi de subventions à l'exportation, contraire aux engagements affichés par les Etats-Unis. On peut estimer qu'une grande part du commerce extérieur américain est aujourd'hui concernée par des pratiques de contournement des règles internationales. Cette réglementation ne doit donc pas se limiter à l'incrimination de la corruption ; il convient d'élaborer une norme juridique contraignante s'appliquant de manière équivalente à tous les pays membres de cette organisation internationale.

On sait que la convention est entrée en vigueur le 15 février et que la remise en cause de la déductibilité des commissions versées aux agents publics étrangers sera effective dès le présent exercice fiscal. Il s'agit là de dispositions d'une portée considérable pour les entreprises européennes et françaises, alors que les concurrents américains, eux, ont su s'adapter, depuis plusieurs années, à un dispositif contraignant. Mon collègue Bussereau a rappelé les hésitations du Gouvernement à inscrire la ratification définitive de ce texte à notre ordre du jour.

La définition d'une incrimination pénale, susceptible d'être poursuivie dans chaque Etat membre, doit être établie en assurant l'équivalence fonctionnelle entre les divers systèmes juridiques. L'application de la convention de l'OCDE imposera des contraintes nouvelles aux entreprises françaises.

En conclusion, si nous approuvons, sur le fond, la ratification de cette convention, il nous faudra veiller à son harmonisation dans l'application des sanctions, et surtout à ce que nos concurrents, sur le plan du commerce international, ne contournent pas les nouvelles dispositions.

M. le président.

La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« Art. 1er A. I. Dans le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« II. Dans le premier alinéa de l'article 433-1 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« Dans le dernier alinéa du même article, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

« III. Dans le premier alinéa de l'article 434-9 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".

Dans le deuxième alinéa du même article, après les mots : "le fait", sont insérés les mots : ", à tout moment,".

« Art. 1er Il est créé, dans le titre III du livre IV du code pénal, un chapitre V intitulé : "Des atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des Etats membres de l'Union européenne, des autres E tats étrangers et des organisations internationales publiques" comprenant trois sections ainsi rédigées :

« Section 1

« De la corruption passive

« Art. 435-1. Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou de son mandat.

« Section 2

« De la corruption active

« Sous-section 1

« De la corruption active des fonctionnaires des Communautés européennes, des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, des membres des institutions des Communautés européennes

« Art. 435-2. Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un f onctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire national d'un autre d'Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres,


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des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abtenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« Sous-section 2

« De la corruption active des personnes relevant d'Etats étrangers autres que les Etats membres de l'Union européenne et d'organisations internationales publiques autres que les institutions des Communautés européennes

« Art. 435-3. Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Art. 435-4. Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un magistrat, d'un juré ou de toute autre personne siégeant dans une fonction juridictionnelle, d'un arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction, soit par les parties, ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation, dans un

Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Section 3

« Peines complémentaires et responsabilité des personnes morales

« Art. 435-5. Non modifié.

« Art. 435-6. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 435-2, 435-3 et 435-4.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Pour une durée de cinq ans au plus :

« l'interdiction d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« le placement sous surveillance judiciaire ;

« la fermeture des établissements ou de l'un des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

« l'exclusion des marchés publics ;

« l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;

« l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;

« 3o La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;

« 4o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. »

« Art. 2. Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ainsi que l'article 689-8 du code de procédure pénale entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur sur le territoire de la République des conventions ou protocoles visés par ces articles. »

....................................................................

« Art. 3 bis I. L'article 706-1 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 706-1 Pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes incriminés par les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République de Paris, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 282 du second alinéa de l'article 663 et de l'article 706-42.

« Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des infractions prévues aux articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l'étendue du territoire national. »

« II. A la fin du premier alinéa de l'article 693 du même code, les mots : "et 706-17" sont remplacés par les mots : ", 706-1 et 706-17". »

« Art. 4. Le deuxième alinéa (1o ) de l'article 704 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 1o Délits prévus par les articles 222-38, 313-1, 313-2, 313-4, 313-6, 314-1, 314-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 et 435-2 du code pénal. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

« Art. 4 bis Le début du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé : « A compter de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention sur la lutte contre la corruption... (le reste sans changement). »

....................................................................

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole pour une explication de vote ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Dominique Bussereau.

Le groupe DL s'est abstenu.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président.

La séance est reprise.

5 LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000 Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 13 juin 2000.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 7 juin 2000.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 2468, 2474).

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous examinons aujourd'hui, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2000, la commission mixte paritaire n'étant malheureusement pas parvenue à un accord sur ce texte.

En effet, le Sénat a choisi d'altérer profondément l'équilibre du texte voté ici même en première lecture. Il l'a fait avec le sérieux et la compétence que chacun lui reconnaît, mais il l'a fait aussi en excluant manifestement toute possibilité de rapprochement avec la majorité de votre assemblée. A défaut d'en être surprise, permettezmoi de le regretter.

En effet, je souhaite vous redire ici pourquoi le Gouvernement est extrêmement attaché à l'adoption de ce texte et particulièrement attentif au contenu de vos déclarations, de vos remarques, de vos amendements, et, pour finir, de vos délibérations.

Le collectif que j'ai l'honneur de vous présenter à nouveau aujourd'hui est, je le répète, celui d'une croissance retrouvée et solide que le Gouvernement s'emploie à rendre durable et solidaire.

Qu'il me soit possible de m'arrêter un instant sur cette conviction critiquée par certains d'entre vous mais dont la portée objective s'impose à tous.

Grâce notamment à la politique menée depuis trois ans, un million d'emplois ont été créés et nous avons pour objectif la création d'un million d'emplois supplémentaires d'ici à la fin 2002, afin de passer sous la barre des deux millions de chômeurs. Il y a trois ans la France était en queue de peloton des pays de l'Union quant à la croissance. Elle est aujourd'hui parmi les meilleurs élèves de la classe européenne.

A croissance exceptionnelle, recettes exceptionnelles.

C'est de ce succès que viennent les 51 milliards de francs de recettes qui figurent dans ce projet de loi de finances rectificative.

Si le politique ne peut pas tout, la conjoncture internationale n'est pas non plus l'explication de tout. Le Gouvernement et sa majorité ont travaillé durement pour parvenir au résultat que j'évoquais à l'instant. Une des traductions concrètes de ce travail en profondeur vous est présentée au travers de ce texte.

Je sais qu'en cette fin de session nous avons tous en tête, Gouvernement et Parlement, les premières esquisses de ce que doit être le contenu de la prochaine loi de finances pour 2001. Pourtant, et la qualité des débats que nous avons eus en première lecture m'y autorise, je ne me résous pas à ce que nous passions purement et simplement par profits et pertes les acquis de cette année budgétaire 2000.

En effet, cet exercice me semble être un excellent indicateur des choix du Gouvernement et de sa manière d'articuler la mise en oeuvre d'une politique volontariste avec une gestion saine des finances publiques. Je vous en rappelle les grands principes.

Les 51 milliards de recettes supplémentaires effectivement constatés sont mis au service d'une stratégie de croissance grâce à des allégements d'impôts favorables à l'emploi et au pouvoir d'achat. Au total, pour la seule année 2000, ce sont donc 80 milliards d'allégements d'impôts qui seront venus augmenter le pouvoir d'achat des Français.

Néanmoins, le Gouvernement se veut fidèle à la même démarche politique depuis 1997, et cette stratégie de croissance passe aussi pour lui par le renforcement des services publics avec dix milliards de francs de dépenses nouvelles au titre de l'indemnisation des tempêtes et de la solidarité dans des domaines aussi essentiels de la vie des Français que l'hôpital ou l'éducation nationale.

Je sais que cette articulation des priorités est parfois contestée, que certains souhaiteraient voir le Gouvernement reprendre le cheval de bataille du « toujours


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

moins » : moins d'Etat, moins de protection sociale. Bien sûr, dans le même temps, les mêmes nous pressent de créer des emplois visant à assurer la sécurité des Français, l'éducation des plus jeunes et la santé de tous. J'ai encore eu l'occasion de le vérifier lors du débat qui a eu lieu devant le Sénat. Tout cela fait partie d'un débat démocratique dont j'apprécie la franchise et la qualité. Mais il est clair que cette approche n'est pas la nôtre.

M. Charles de Courson.

Ça, c'est vrai !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Si je rappelle ces quelques évidences, c'est parce qu'il me semble que nous avons tous, majorité comme opposition, intérêt à éviter les faux débats.

M. Charles de Courson.

Sur la cagnotte ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Permettez-moi, à ce propos, de revenir sur celui qui a eu trait à la sincérité des comptes et à la transparence des procédures ou des évaluations.

J'assume chacun des termes que je viens d'évoquer ici - pas celui que j'ai entendu, à l'instant, sur les bancs de l'opposition - comme je l'ai fait lors de la première lecture, dans chacune des assemblées.

A ce titre, je souhaite vous préciser à nouveau les principes qui ont guidé le Gouvernement sur ces sujets.

Transparence pour les évaluations de recettes, d'abord, puisque le montant qui figure dans le collectif a été en partie évalué, sur la base du rapport que Didier Migaud, votre rapporteur général, avait déposé en mars dernier, sur les fruits de la croissance retrouvée. Cette évaluation a entre-temps été confirmée par l'étude qui a été demandée à l'OFCE par la commission des finances du Sénat.

Transparence de nos débats, ensuite : plutôt que der ecourir à des méthodes réglementaires qualifiées d'opaques, le Gouvernement a fait le choix du débat démocratique devant la représentation nationale.

Transparence dans le comportement du Gouvernement, enfin, puisque Laurent Fabius et moi-même nous sommes engagés à ce que tout surplus de recettes, au-delà de ce qui est prévu dans ce collectif, et tout produit résultant d'une moindre dépense qui pourrait être constatée en exécution soient affectés à la réduction du défici t, donc à la réduction de la dette et des impôts de demain.

Y aura-t-il un surplus de recettes ?

M. Charles de Courson.

Oui !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

De combien dépassera-t-il ce qui est prévu dans le collectif ? Il est encore difficile de le dire.

M. Marc Laffineur.

Vous le savez déjà !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

D'abord, je ne suis pas en mesure de chiffrer de manière précise le taux de croissance qui sera finalement celui de l'année 2000.

Lorsque nous avons discuté en première lecture de ce projet de collectif, l'INSEE situait la croissance dans une fourchette allant de 3,4 % à 3,8 %, ce qui explique le taux de croissance de 3,6 que nous avons retenu. Et lorsque, il y a quelques semaines, je défendais ce projet de loi en première lecture, des hypothèses de croissance allant parfois au-delà de 4 % ont pu être avancées par certains instituts de conjoncture. Mais début juin, l'INSEE a publié un chiffre de croissance au premier trimestre de 0,7 %, inférieur à la prévision de 0,9 % qui avait été faite en mars.

Dans ces conditions, il ne me semble pas y avoir de raison de modifier l'évaluation des recettes qui figure dans le projet de collectif.

De même, il importe de préciser que toutes les dépenses, cela va de soi, ne seront pas effectuées au centime près jusqu'au plafond qui est autorisé par vous.

C'est ainsi chaque année, dans des proportions variables et sans que nous sachions dire a priori sur quel chapitre et avec quelle ampleur.

Tous ces éléments réunis nous font donc espérer un déficit, en exécution 2000, de l'ordre de 200 milliards de francs. Tel est bien notre objectif. Telle est aussi notre volonté de transparence vis-à-vis du Parlement.

Mais nous ne saurions, à cette époque de l'année, le traduire dans notre projet de loi sans prendre de risques.

Nous aurons donc l'occasion d'en reparler au moment de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2001 et du collectif de fin d'année, sur la base de nouvelles évaluations qui seront, cette année, pour la première fois, expertisées par la Commission économique de la nation, comme vous l'a indiqué Laurent Fabius il y a quelques semaines. Dès cette année, le Parlement disposera donc d'un avis extérieur sur les évaluations de recettes à la fois sur l'année 2000 et sur l'année 2001.

Si j'insiste sur ce point, c'est que j'estime qu'il est de la responsabilité du Gouvernement d'éclairer le Parlement sur les choix auxquels il est confronté et qu'en cette matière comme dans tant d'autres, des progrès sont toujours possibles mais que cela ne doit empêcher personne de constater ceux qui sont avérés.

Je sais aussi que votre commission des finances, notamment son président et le rapporteur général, travaille très sérieusement à une réforme de l'ordonnance organique de 1959. Ces sujets ne doivent pas seulement alimenter des polémiques, à mon sens dépassées, mais constituer, au contraire, de véritables points d'appui pour les réformes à venir.

Compte tenu de la qualité des débats que nous avons eus en première lecture, je ne reviendrai que très brièvement sur les deux grandes orientations politiques de ce collectif : la baisse des impôts et les dépenses nouvelles qui sont prévues en faveur de la solidarité.

La baisse des impôts, vous le savez, est massive : 40 milliards, qui s'ajoutent aux 40 milliards déjà décidés dans la loi de finances pour 2000. Elle est aussi instantanée et porte à la fois sur le revenu, sur la taxe d'habitation et sur la TVA. Enfin, elle est productive et solidaire pour faire bénéficier tous les Français de la croissance et les aider à retrouver un emploi.

Quant aux 10 milliards de francs de dépenses nouvelles, ils s'inscrivent dans une logique claire, celle de la solidarité, solidarité pour aider nos concitoyens qui ont souffert des deux ouragans qui ont balayé notre territoire, du cyclone Lenny aux Antilles ou de la marée noire de l' Erika, solidarité aussi pour l'école, la santé et la ville notamment.

Telles sont les grandes lignes de ce qu'il m'a semblé important de rappeler dans le cadre de cette nouvelle lecture. D'ici à la fin de nos travaux, ce collectif sera devenu le vôtre et, si l'Assemblée suit les avis éclairés de la commission des finances, le Gouvernement en sera pleinement satisfait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers col-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

lègues, je ne reprendrai pas la présentation de ce collectif dont nous avons déjà longuement débattu en première lecture. Je me contenterai de quelques observations inspirées de ce que vous venez de dire, madame le secrétaire d'Etat, et de la lecture faite par le Sénat.

Tout d'abord, ce collectif est déjà le nôtre puisque nous l'avons adopté, et la commission des finances souhaite, pour l'essentiel, que nous revenions au texte adopté en première lecture.

M. Pierre Méhaignerie.

Sa majorité.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La stratégie budgétaire, nous la partageons. Nous l'avons faite nôtre depuis juin 1997. Elle repose sur trois orientations que vous avez vous-même rappelées : le financement de nos priorités dans le cadre d'une recherche du meilleur rapport coût-efficacité au niveau de l'ensemble de nos services publics, la réduction du déficit budgétaire et la réduction du poids des impôts et taxes...

M. Marc Laffineur.

Vous aviez battu tous les records !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... étant entendu qu'il s'agit d'une politique équilibrée. Il ne s'agit pas de sortir une orientation de l'ensemble de la stratégie. Sinon, la lisibilité de notre politique budgétaire ne serait plus aussi forte.

Ce que je constate, comme vous, c'est que, compte tenu de cette politique équilibrée, notre pays obtient de bons résultats sur le plan économique avec des conséquences que nous ressentons sur le marché de l'emploi.

Là aussi, c'est positif. Bien sûr, il faut conforter ces résultats, notamment en matière de réduction du chômage, mais, puisque nous sommes sur la bonne voie, il est très important que nous puissions conforter les orientations qui sont les nôtres, et j'aimerais pour ma part que chacun puisse agir en ce sens à la place où il est. Je souhaiterais de ce point de vue que la politique monétaire conduite par la Banque centrale européennne ne remette pas en cause le climat positif engendré dans notre pays et en Europe par les bons résultats économiques obtenus sous prétexte qu'il y a une reprise de l'inflation que seuls, pour le moment, les banquiers centraux sont capables d'entrevoir. Sous le prétexte d'un retour de l'inflation, il ne faudrait pas décourager la reprise à laquelle nous assistons.

Bref, madame la secrétaire d'Etat, nous sommes tout à fait d'accord sur la stratégie et sur les orientations qui nous sont proposées dans le cadre de ce collectif.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2000, tel qu'il a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, comportait trente-sept articles, le texte de quinze articles initialement déposé par le Gouvernement ayant été enrichi du fait de l'adoption de vingt-deux articles additionnels.

A l'issue de sa première lecture, le Sénat a adopté vingt et un articles conformes et en a modifié seize, adoptant en outre vingt-deux articles additionnels.

Ainsi, après la première lecture par chacune des assemblées, trente-huit articles restaient en discussion.

Réunie le 13 juin 2000 au palais du Luxembourg, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l'échec de ses travaux.

La commission des finances n'en a pas moins examiné dans un esprit d'ouverture les dispositions votées par le Sénat, retenant dans son esprit, et, bien souvent, dans sa lettre, la position du Sénat sur une douzaine des articles restant en discussion, soit le tiers.

Pour autant, elle n'a pas pu retenir un certain nombre d'initiatives relevant de choix selon nous contestables ou de mesures quelque peu démagogiques, je crois, et non financées, ou de modifications indicatives des dotations, initiatives sénatoriales qui ont d'ailleurs été à l'origine de l'échec de la commission mixte paritaire, vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'Etat.

Dans la première catégorie, le Sénat a, à l'article 6, choisi de remplacer la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation par une suppression des frais d'assiette perçus par l'Etat sur la taxe d'habitation et une diminution desdits frais pour la taxe foncière.

Nous avons choisi une mesure simple et lisible concernant la taxe d'habitation. L'abattement se traduit par une baisse de 7,8 % en moyenne de la taxe pour une majorité de contribuables, qu'il soient locataires ou propriétaires occupants. Le dispositif du Sénat dilue à coût identique la réduction d'impôt et, finalement, privilégie les propriétaires. Nous souhaitons donc, bien évidemment, revenir au texte adopté en première lecture.

Dans la seconde catégorie, des initiatives très clairement démagogiques et non financées, le Sénat a rajouté à l'abaissement du taux normal de la TVA, mesure d'un coût de quelque 30 milliards de francs, des dispositionss upplémentaires concernant les protections pour les incontinents, l'utilisation des installations sportives, le nettoyage des voies publiques, ainsi que la restauration.

Il n'est pas possible de tout faire en même temps, même si le dossier des réductions ciblées de TVA peut ne pas être clos. Il va de soi qu'il faut agir selon des priorités. C'est ce que nous avons fait dans la dernière loi de finances et c'est ce que nous faisons dans ce collectif. Je rappelle qu'en ce qui concerne la TVA, ce sont 60 milliards de francs, soit une somme correspondant aux deux points d'augmentation de la TVA sous le gouvernement de M. Juppé, qui ont été d'une certaine façon rendus aux Français depuis que cette nouvelle majorité est au pouvoir.

De même, en matière d'impôt sur le revenu, le sénat a procédé à des anticipations quelque peu hasardeuses sur des décisions que nous serons appelés à étudier, a priori à l'automne prochain, puisque les prélèvements directs sont un chantier que nous avons décidé d'ouvrir pour la loi de finances 2001.

Par ailleurs, le Sénat a appliqué sans discernement des abattements forfaitaires sur nombre de dotations sans s'interroger sur les besoins effectifs des administrations ou des bénéficiaires des transferts économiques et sociaux effectués par l'Etat. Cette pratique, qui procède de l'idéologie selon laquelle toute dépense publique est nécessairement illégitime, n'est pas acceptable.

Pour le reste, le Sénat a adopté diverses mesures techniques que, naturellement, l'Assemblée nationale est invitée à examiner avec l'esprit d'ouverture qu'elle manifeste traditionnellement vis-à-vis des propositions du Sénat, lorsqu'elles sont responsables.

A titre d'exemple, mais nous y reviendrons de façon plus détaillée lors de l'examen des articles, nous pouvons retenir l'amendement du Sénat à l'article 3 qui précise que les travaux d'entretien des sentiers forestiers sont inclus dans les travaux sylvicoles et d'exploitation forestière réalisés au profit d'exploitants agricoles et sont donc éligibles au taux réduit de la TVA.

Nous pouvons également adopter l'article 5 bis A, introduit par le Sénat, qui vise à combler un vide juridique concernant le régime national des contributions indirectes sur les alcools et les boissons alcooliques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

La commission des finances vous propose donc d'adopter ce projet de loi de finances rectificative, modifié par les amendements de la commission visant à rétablir le texte adopté ici en première lecture et compte tenu des modifications apportées par le Sénat qui nous ont paru mériter d'être retenues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

L'échec de la CMP nous conduit à examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2000, mais permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, de faire part de notre sentiment que l'esprit d'ouverture ne règne pas beaucoup dans cette assemblée...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oh ! vous ne pouvez pas dire ça !

M. Pierre Méhaignerie.

... ni vis-à-vis de l'opposition quand elle propose des amendements, ni vis-à-vis du Sénat. Nous le regrettons.

J'aborderai très simplement deux questions : le cadre dans lequel s'inscrit ce débat et le choix contestable des catégories de baisses d'impôt au regard de l'emploi et de la solidarité.

Sur le contexte dans lequel s'inscrit ce débat, nous voudrions d'abord noter la profonde déception qui est la nôtre quant au décalage qui existe entre les déclarations d'hier du ministre de l'économie et ses décisions. Il y a là une interrogation profonde quant aux choix de l'actuel ministre de l'économie par rapport à ses déclarations.

L'absence de transparence des chiffres - et je crains que nous n'ayons le même débat sur le surplus fiscal dans les mois qui viennent -, une dépense publique non maîtrisée quand on regarde bien l'ensemble des éléments, une accentuation des dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement et un déficit budgétaire élevé qui nous place dans les derniers de la classe européenne : telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas partager votre assurance quand vous parlez d'une croissance durable et solidaire.

J'ajoute que la politique gouvernementale qui consiste à baisser les impôts sans maîtriser la croissance des dépenses publiques risque d'accentuer le grand décalage qui existe entre l'orientation des politiques budgétaires de nos principaux partenaires européens et celle de la France.

En effet, après avoir mené une politique volontariste d'assainissement budgétaire, nos principaux partenaires européens ont entrepris les réformes fiscales qui s'inscrivent dans un contexte plus large de réforme structuelle de l'économie. Nous en sommes loin. C'est la raison pour laquelle cette situation nous rappelle la période 1988-1991 quand M. Rocard parlait de la réhabilitation de la dépense publique. Le retournement de la conjoncture a conduit à un déficit jamais atteint qu'il a fallu plusieurs années pour résorber. On peut comparer la situation d'hier et celle d'aujourd'hui en voyant que nos partenaires ont engagé des réformes structurelles mais absolument pas le Gouvernement français.

M. Marc Laffineur.

Cigale !

M. Pierre Méhaignerie.

Voilà donc la divergence quant au contexte qui nous conduit à penser que les conditions d'une croissance durable et solidaire ne sont pas réunies.

Par ailleurs, vous avez parlé d'allégements d'impôt favorables à l'emploi. Je reconnais qu'il y a eu un progrès et des allégements d'impôts peuvent favoriser l'emploi. Le fait pour la majorité de le reconnaître est déjà un progrès, mais il faut rappeler qu'elle les avait auparavant fortement augmentés.

M. Marc Laffineur.

Et comment !

M. Pierre Méhaignerie.

La divergence porte aussi sur le choix de l'impôt à baisser. Je ne crois pas que les conditions d'un retour à l'emploi passent nécessairement aujourd'hui par une baisse de la TVA et encore moins par une baisse de la taxe d'habitation, dont l'effet déresponsabilisant est important. Vous n'avez jamais répondu quant aux conditions injustes des dégrèvements qui existent aujourd'hui selon les régions, départements et villes, certains ayant un fort taux d'imposition et d'autres faisant un effort de maîtrise fiscale. J'attends toujours la réponse, comme nous attendons une réponse à propos des régions qui ont augmenté la taxe professionnelle de 18 % cette année...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons répondu !

M. Pierre Méhaignerie.

Oui, mais c'est une récompense, monsieur le rapporteur, pour ceux qui augmentent la pression fiscale par rapport à ceux qui font un effort de maîtrise, et je ne vois pas en quoi le principe de responsabilité et d'équité est respecté.

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Ce serait vrai si l'augmentation n'avait porté que sur la taxe d'habitation !

M. Pierre Méhaignerie.

Sur ces deux points, madame la secrétaire d'Etat, les injustices des dégrèvements et l'injustice consistant à récompenser ceux qui ont mis en place une pression fiscale importante en 1999-2000,...

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Pierre Méhaignerie.

... vous n'avez pas répondu.

M. Charles de Courson.

Provence-Côte-d'Azur et Nord-Pas-de-Calais !

M. Pierre Méhaignerie.

Exactement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Et la Lorraine !

M. Pierre Méhaignerie.

L'alternative nous paraissait être un allégement des charges sociales bénéficiant aux salariés dans la mesure où, aujourd'hui, l'un des freins essentiels à l'emploi est le faible écart qui existe entre les revenus de prestations et les revenus du travail.

S'il y a des problèmes liés à la formation professionnelle, à la perte de confiance en soi-même, au sentiment que les personnes ne vont bénéficier que d'emplois précaires, il y a aussi un élément extrêmement important, le faible écart qui sépare les revenus du travail des revenus de prestations.

La proposition que nous avions faite, une première étape, avec une baisse de six points de cotisations sociales, ce qui aurait permis une amélioration de 420 francs à 520 francs pour 7 millions de salariés, aurait eu plusieurs avantages : faciliter le retour à l'emploi, corriger une certaine injustice au détriment de l'industrie quand on compare les salaires en France et les salaires à l'étranger et compenser l'effet de stagnation dû aux 35 heures.

C'est la raison pour laquelle nous estimons que le choix de l'allégement d'impôt ne va dans le sens ni de la responsabilité ni de la suppression des trappes à pauvreté, tout en reconnaissant que la modification de l'allocation logement peut être un élément, mais trop partiel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Je voudrais terminer simplement par cette réflexion permanente, madame la secrétaire d'Etat, qui n'est ni à votre honneur ni à celui de certains ministres. Lorsque nous estimons qu'il faut maîtriser les dépenses de l'Etat, nous ne demandons pas nécessairement moins d'Etat, mais mieux d'Etat.

Un grand nombre de nos partenaires européens nous ont montré que, sans remettre en question l'efficacité de la police ou celle des administrations, il était souhaitable d'améliorer la productivité dans le secteur public. L'année dernière, la MEC avait évoqué plusieurs hypothèses. Rappelons simplement les horaires qui ont cours dans certaines administrations. Je crois que, dans ce domaine, nous prenons un retard important.

Il ne s'agit pas d'avoir moins d'Etat, il s'agit, comme le fait le secteur privé, d'améliorer la productivité du service public. Or rien n'est fait à cet égard pour aborder pédagogiquement cet effort nécessaire.

Les conditions d'une croissance durable et solidaire ne sont pas rassemblées, des allégements d'impôt favorables à l'emploi auraient dû être privilégiés, en passant par la réduction des cotisations sociales, et aucune des trois réformes de l'Etat qui conditionnent l'avenir d'une croissance durable et solidaire - réforme de l'Etat, maîtrise des dépenses publiques et réformes des systèmes de retraite n'est engagée, telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative pour l'an 2000. (Appaludissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2468 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2474).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 20 juin 2000 SCRUTIN (no 250) sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du président de la République.

Nombre de votants .....................................

503 Nombre de suffrages exprimés ....................

494 Majorité absolue ..........................................

248 Pour l'adoption ...................

466 Contre ..................................

28 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Pour : 236. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie AndrieuxBacquet , MM. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , JeanMarc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , Jean-Pierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude B eauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , A ndré Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Maxime Bono , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. JeanPaul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , A lain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André C apet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mme Odette Casanova , MM. Jean-Yves Caullet , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Michel Charzat , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme MarieFrançoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , F rançois Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Jean D elobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique Denise , MM. Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Julien Dray , Tony Dreyfus , P ierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. Jean-Louis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Philippe Duron , Henri Emmanuelli , Jean Espilondo , Michel Etiévant , C laude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Floch , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Michel Fromet , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , J ean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mme Catherine Génisson , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain G ouriou , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mme Odette Grzegrzulka , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Serge Janquin , Jacky Jaulneau , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André L abarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , Pierre-Claude Lanfranca , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , André Lebrun , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Jean-Claude Leroy , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou , MM. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , Guy Malandain , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Didier Marie , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Guy Menut , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Gabriel Montcharmont , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Jean-Pierre Pernot , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , René Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mme Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane Abstentions : 2. - M. Gérard Gouzes et Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Non-votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (137) : P our : 115. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , François Baroin , Christian Bergelin , André Berthol ,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 JUIN 2000

Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Bruno Bourg-Broc , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Jean-Charles Cavaillé , Richard C azenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , JeanPierre Dupont , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , J ean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé G aymard , Jean-Marie Geveaux , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , JeanClaude Guibal , Lucien Guichon , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques Lafleur , Robert L amy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre L ellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud Lepercq , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Frantz Taitt inger , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann Contre : 5. - MM. Franck Borotra , Michel Bouvard , Xavier Deniau , François Guillaume et Jacques Myard

Abstentions : 2. - MM. Olivier de Chazeaux et Charles Miossec

Groupe U.D.F. (69) : Pour : 51. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Jacques Barrot , Dominique Baudis , Claude Birraux , Emile Blessig , Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Loïc Bouvard , Yves Bur , Dominique Caillaud , Jean-François Chossy , Charles de Cour-s on , Yves Coussain , Marc-Philippe Daubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donned ieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Renaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaill ard , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , H ubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr ,

M mes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , Maurice Ligot , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre

M enjucq , Mme Louise Moreau , MM. Jean-Marie Morisset , Dominique Paillé , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet et Michel Voisin

Contre : 14. - MM. Raymond Barre , Jean-Louis Bernard ,

M mes Marie-Thérèse Boisseau , Christine Boutin , MM. Jean Briane , René Couanau , Germain Gengenwin , Jean-Jacques Jégou , François Léotard , Maurice Leroy , Pierre Micaux , Hervé Morin , Henri Plagnol et Pierre-André Wiltzer

Abstentions : 2. - MM. Hervé de Charette et Roger Lestas

Groupe Démocratie libérale et indépendants (44) : Pour : 37. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Antoine Carré , Georges Colombier , Bernard Deflesselles , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Jean-Pierre Soisson , Guy Teissier et Gérard Voisin Contre : 4. - MM. Pascal Clément , Claude Gatignol , Aimé Kerguéris et Yves Nicolin

Groupe communiste (35) : Contre : 2. - MM. Jean-Pierre Brard et Georges Hage

Groupe Radical, citoyen et vert (30) : Pour : 24. - M. André Aschieri , Mme Marie-Hélène Aubert , MM. Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Jean-Pierre Defontaine , Roger Franzoni , Robert Honde , Guy Lengagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. JeanPierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Michel Suchod , Alain Tourret , Emile Vernaudon et Aloyse Warhouver

Abstentions : 3. - MM. Pierre Carassus , Jacques Desallangre et Alfred Marie-Jeanne.

Non-inscrits (7).

Pour : 3. - MM. Marcel Cabiddu , Marc Dumoulin et André Thien Ah Koon.

Contre : 3. - MM. Jean-Jacques Guillet , Lionnel Luca et Philippe de Villiers.

Mises au point au sujet du présent scrutin (no 250) (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) M. Gérard Gouzes et Mme Paulette Guinchard-Kunstler, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter

« pour ».