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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 6585).

CONVENTION UNEDIC (p. 6585)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

GROUPEMENT D'INTERVENTION DE LA POLYNÉSIE (p. 6586)

MM. Alain Tourret, Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

RESPONSABILITÉ PÉNALE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE (p. 6587)

M. Noël Mamère, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

« AFFAIRES » (p. 6588)

M me Roselyne Bachelot, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

POLITIQUE AGRICOLE (p. 6588)

MM. Christian Jacob, Jean-Jacques Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

PROFESSIONS PARAMÉDICALES (p. 6589)

Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

NIVEAU DES SALAIRES (p. 6590)

MM. Alain Bocquet, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CÔTE D'IVOIRE (p. 6591)

MM. Jean-Yves Gateaud, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

PÉDOPHILIE (p. 6592)

M. Louis Mexandeau, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

SOINS PALLIATIFS (p. 6593)

Mmes Odette Trupin, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

PRISONS (p. 6593)

M. Jacques Floch, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

MANIFESTATIONS D'ANTISÉMITISME À PARIS (p. 6594)

MM. Laurent Dominati, Lionel Jospin, Premier ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 6595)

PRÉSIDENCE DE M. CLAUDE GAILLARD

2. Election du Président de la République. - Discussion d'un projet de loi organique (p. 6595).

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

M. Bernard Derosier, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6598)

MM. Jean-Luc Warsmann, Jacques Brunhes, Renaud Donnedieu de Vabres, François Cuillandre, Pascal Clément.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES Article 1er (p. 6607)

Amendement no 1 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Warsmann, Renaud Donnedieu de Vabres. - Adoption de l'amendement no 1 deuxième rectification.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2 (p. 6609)

Amendement no 2 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Pascal Clément, Renaud Donnedieu de Vabres, François Cuillandre, Jean-Luc Warsmann. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 6612)

Amendement no 4 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 (p. 6612)

Amendement no 5 rectifié de la commission : MM. Arnaud Montebourg, le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Warsmann, Pascal Clément. - Adoption.

Article 4 (p. 6615)

Amendement no 6 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5. - Adoption (p. 6616)

Après l'article 5 (p. 6616)

Amendement no 7 de M. Sarre : MM. Georges Sarre, le rapporteur, le ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Brunhes, François Goulard. - Retrait.

M. le président de la commission.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 6619)

MM. Jean-Luc Warsmann, Pascal Clément, Renaud Donnedieu de Vabres, François Cuillandre.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 6620)

Adoption de l'ensemble du projet de loi organique.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6621).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CONVENTION UNEDIC

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les principaux partenaires sociaux sont parvenus cet été à un accord équilibré concernant l'assurance chômage.

Trois questions fondamentales qui intéressent tous les Français y sont traitées : quel montant et quelle durée sont garantis pour l'indemnisation du chômage ? Quelle insertion professionnelle réelle est prévue pour un chômeur ? Quelles cotisations les entreprises doivent-elles verser ? Vous avez immédiatement rejeté ce texte. Depuis, il a été amendé par les signataires eux-mêmes. Aujourd'hui, vous persistez à faire planer la menace de la publication d'un décret étatisant l'assurance chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Cette attitude témoigne du peu de cas que vous faites des partenaires sociaux...

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas nouveau !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... et de votre refus du dialogue social dès lors qu'il sort d'un cadre que vous avez autoritairement fixé.

En témoignent les propos d'Edmond Maire, l'ancien secrétaire général de la CFDT (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui vous accuse, je le cite, d'avoir, « en accord avec Jospin, conduit une politique d'étouffement de la société civile et de ses acteurs sociaux ».

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Eh oui !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Edmond Maire qui vous accuse d'avoir conforté les députés de la majorité dans une conception archaïque et dirigiste des rapports sociaux...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Eh oui !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Edmond Maire qui vous accuse d'apparaître comme un des acteurs majeurs de la régression culturelle de la gauche, une gauche autoritaire qui remet en selle un Etat jacobin.

M. Jean-Pierre Michel.

Bravo, Martine !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ma question est donc double : allez-vous remettre en cause le paritarisme en France en refusant l'accord conclu ?

M. Maurice Leroy.

Non !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Dans ce cas, si vous préparez un décret, ce qui serait, à l'heure de votre bilan, une erreur historique,...

M. Thierry Mariani.

Historique !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... acceptez-vous préalablement un débat d'orientation parlementaire sur son contenu ? Si vous refusez ce débat, vous aurez interdit aux parlementaires de redire l'attachement des Français à ce qui est une originalité et la richesse de notre modèle social.

Vous leur aurez interdit de traiter d'une question qui concerne la vie quotidienne de nombreuses familles françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, comme vous le savez, le Gouvernement a été conduit à plusieurs reprises, avant même la signature de l'accord sur l'UNEDIC, à dire ce qu'il en pensait, non parce qu'il aurait autoritairement fixé un cadre, mais parce que, pour la première fois, les partenaires sociaux intervenaient dans le domaine de la loi et que nous respectons le Parlement - je m'étonne que vous n'en fassiez pas de même dans vos propos. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je ne reviendrai pas sur les inquiétudes que nous avions exprimées ; fidèles à notre méthode, nous avons engagé une concertation avec les signataires de l'accord comme avec les non-signataires, afin de sortir par la négociation de ce problème de l'UNEDIC dans l'intérêt de tous. L'intérêt d'abord des chômeurs, bien évidemment, qui doivent tout à la fois être mieux indemnisés et mieux accompagnés - et c'est la raison pour laquelle nous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

participons, dans sa philosophie, à la conclusion du PARE ; l'intérêt de l'UNEDIC ensuite, du point de vue de son équilibre financier - à cet égard, vous ne pouvez pas me reprocher d'appliquer l'article de la loi qui nous demande d'agréer cet accord dès lors qu'il est équilibré ; si nous ne le faisions pas, nous ne ferions pas notre travail ; l'intérêt de l'Etat enfin, en lui permettant de profiter d'une conjoncture plus favorable pour récupérer son dû.

Voilà les termes du passé, allais-je dire, puisque nous poursuivons la discussion. Nous nous en sommes expliqués et j'espère bien que tout cela a été entendu et que nous parviendrons à sortir par la concertation. Si tel n'était pas le cas, mais je le ne crois pas, chacun devra prendre ses responsabilités.

Un petit mot maintenant sur les propos d'Edmond Maire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je me réjouis de voir combien l'opposition reconnaît sa grande qualité - pour son passé de grand syndicaliste, j'imagine... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il se trouve, je vous l'ai déjà dit, qu'Edmond Maire est un des hommes qui m'a le plus inspirée (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et il continue d'ailleurs à le faire. C'est lui qui m'a appris que la négociation collective tenait une place importante dans notre pays. Il l'a défendue et il avait raison. C'est lui qui depuis trente ans défend la réduction de la durée du travail pour créer des emplois, et il avait raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Peut-être la méthode que nous employons en l'an 2000 ne correspond-elle pas à celle qu'il défendait à l'époque.

Mais comme Edmond Maire est un homme qui préfère les faits à l'idéologie, je suis convaincue qu'il reconnaîtra un jour que les 40 000 accords signés sur la durée du travail - 60 % des Français sont d'ores et déjà aux trentecinq heures -, c'est ce qu'il défendait dans les années 70, avec un particulier talent, à la tête de la CFDT. C'est ce que je préfère retenir de lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

GROUPEMENT D'INTERVENTION DE LA POLYNÉSIE

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le Premier ministre, l'Assemblée de Polynésie française, sur proposition de son président, M. Flosse, a décidé de créer un groupement d'intervention de la Polynésie, dit «

GIP », fort de plusieurs centaines de personnes.

Le motif invoqué peut paraître sérieux : le remplacement des militaires de la légion appelés à quitter Tahiti, pour intervenir au profit des populations civiles en cas de calamités naturelles.

La vérité est tout autre. Cette garde présidentielle s'est vu confier pour première mission la surveillance des installations publiques, autrement dit une mission de police peu en rapport avec l'aide aux personnes sinistrées. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Alain Tourret.

Les membres du GIP patrouillent dans Tahiti et y défilent en chemise rouge ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En deux ans, son effectif, sur une île au demeurant petite, est passé de 160 à 600 personnes, pour certaines en délicatesse avec la justice, choisies naturellement selon le bon vouloir du président du territoire.

Quels que soient les mérites de l'autonomie en Polynésie, le maintien de l'ordre y relève de l'Etat, de la République, et non du conseil du territoire. La population tahitienne est inquiète devant de telles possibilités de dévoiement de la loi républicaine.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement laissera-t-il M. Flosse faire sans réagir, alors même que l'ensemble des forces politiques qui se retrouvent pour défendre l'Etat de droit souhaitent que vous puissiez rappeler avec force votre volonté de faire respecter les prérogatives de l'Etat pour tout ce qui touche à l'ordre républicain en Polynésie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le député, il n'y a pas et il n'y aura pas, sur le territoire de la République, de police parallèle.

M. Jean-Pierre Soisson.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le GIP, groupement d'intervention de la Polynésie, a été créé, vous l'avez rappelé, en mai 1998, dans le but de faire face aux degâts causés par les cyclones et autres calamités naturelles. C'est en effet un service rattaché à la présidence du gouvernement de Polynésie. Ses missions ont évolué vers la réalisation de chantiers de travaux publics. Parallèlement, c'est vrai, certains de ses membres ont été employés pour la surveillance des locaux du gouvernement du territoire et de ses services. Ils ont aussi pu concourir parfois à des missions de service d'ordre, et c'est ainsi que la participation du GIP à certaines de ces missions a effectivement donné lieu à une véritable controverse.

Dans le cadre du contrôle de légalité des actes pris par l'assemblée territoriale et par le gouvernement de Polynésie française, le haut-commissaire a été amené à plusieurs reprises à adresser des observations officielles portant n otamment sur les conditions de recrutement des membres du GIP et, par voie de conséquence, sur le respect des règles de recrutement de la fonction publique territoriale, ainsi que sur l'obligation de ne recourir à ces personnels que dans le cadre de leurs statuts et de leurs compétences. Ainsi que vous le voyez, les services de l'Etat se sont montrés vigilants. J'ai moi-même récemment renouvelé au haut-commissaire des instructions qui vont très clairement dans ce sens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Dans notre Etat de droit, monsieur le député, la sécurité publique doit être assurée par l'Etat ou par les polices municipales dans le strict cadre de la loi républicaine. L'Etat veillera sans aucune faiblesse, n'en doutez pas, à ce que les missions du GIP restent strictement cantonnées dans le cadre défini par la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

RESPONSABILITÉ PÉNALE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Madame le garde des sceaux, ma question a trait à l'immunité pénale du Président de la République pour des faits commis avant son entrée en fonctions.

Cette immunité résulte prétendument d'une conjonction de deux facteurs, aussi inacceptables l'un que l'autre au regard du droit.

Le premier est la fameuse décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, qui a accordé dans les conditions que l'on sait cette immunité au chef de l'Etat, alors que l'on ne lui demandait rien sur ce sujet,...

M. Lucien Degauchy.

Vos propos sont lamentables !

M. Noël Mamère.

... comme l'a d'ailleurs précisé le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud. Il fallait en effet protéger le Président de la République d'une action en justice conduite par l'écologiste Pierre-Alain Brossault (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sur les emplois fictifs à la ville de Paris.

Le second est l'étonnante décision de M. le procureur général près la Cour de cassation de ne pas saisir cette juridiction de la question que tout le monde se pose à propos de la responsabilité de l'actuel Président de la République dans les affaires aujourd'hui instruites par certains juges.

M.

Charles Ehrmann.

Ces propos sont scandaleux !

M.

Lucien Degauchy.

Provocateur !

M.

Noël Mamère.

De tout ce qui précède, les Français tirent la pénible conclusion que la justice a accordé une sorte d'impunité au Président de la République, puisqu'il est déclaré au-dessus des lois pour des faits antérieurs à ses fonctions.

M.

Arnaud Montebourg.

M. Mamère a raison !

M.

Noël Mamère.

A juste titre, ils sont choqués, comme l'indiquent de récentes enquêtes d'opinion qui ne laissent pas la place au doute. Or ces prétendus arguments de droit que nous entendons tous les jours des uns et des autres sont faux et je vais essayer ici de le démontrer brièvement.

Tout étudiant de première année de droit connaît l'autorité relative des décisions du Conseil constitutionnel en matière pénale depuis qu'en 1973 ce même Conseil constitutionnel était intervenu sous la forme d'une petite phrase pour déclarer que le pouvoir réglementaire ne pouvait fixer des peines de prison. Fort heureusement, quelques mois plus tard, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappela que le juge pénal appliquait les textes et qu'il n'avait pas à contrôler la constitutionnalité des lois.

M.

Laurent Dominati.

Cela n'a strictement rien à voir !

M.

Noël Mamère.

L'avis du Conseil constitutionnel devenait par là même sans effet.

De la même manière, le Conseil constitutionnel ne saurait aujourd'hui créer de toutes pièces une immunité pénale non prévue par la loi, ni dicter au parquet sa politique pénale.

La preuve nous en a été donnée par l'affaire Giscard d'Estaing, dans laquelle la justice pénale avait déjà tranché la question de savoir si un Président de la République pouvait être poursuivi pour un délit commis avant son entrée en fonctions.

M.

Arnaud Montebourg.

Très bien !

M.

Yves Fromion.

Cela n'a rien à voir ! Il parle en procureur !

M.

Noël Mamère.

Cette affaire remonte à 1974, alors que notre ami René Dumont avait poursuivi le Président de la République, fraîchement élu, devant la dix-septième chambre correctionnelle de Paris pour infraction à la loi sur l'affichage électoral.

Le tribunal, dans une décision confirmée par la cour d'appel, avait relaxé M. Giscard d'Estaing, mais il s'était aussitôt prononcé sur la seule question qui nous intéresse aujourd'hui, c'est-à-dire sur sa compétence. Voici ce qu'il avait écrit : « Attendu que cette compétence n'a jamais été contestée par M. Giscard d'Estaing malgré son accession à la Présidence de la République,...

M.

François Goulard.

Cela n'a rien à voir !

M.

Noël Mamère.

... qu'ainsi la partie civile a valablement saisi la juridiction de droit commun ».

Ce qu'une partie civile a pu faire en 1974, la parquet de la République peut donc le faire en 2000, à moins de prendre le risque d'une régression du droit et de la démocratie.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M.

le président.

Venez-en à votre question, monsieur Mamère.

M.

Noël Mamère.

Et le parquet peut le faire, puisque le journal Le Monde du 22 septembre 2000 nous a appris qu'un certain M. Méry aurait, selon ses propres déclarations, remis 5 millions de francs en argent liquide directement sur le bureau de M. Roussin, en présence de M. Chirac.

M.

Charles Ehrmann et

M.

Lucien Degauchy.

Scandaleux !

M.

le président.

Votre question, s'il vous plaît !

M.

Noël Mamère.

Madame la garde des sceaux, nous aimerions savoir, et les Français avec nous, ce qui vouse mpêche d'ordonner au parquet de la République, comme vous en avez le pouvoir et le devoir, de mettre en mouvement l'action publique par citation directe contre personne dénommée afin qu'un tribunal indépendant et impartial puisse connaître de la réalité ou de la fausseté des graves accusations portées contre le chef de l'Etat par

M. Méry.

Enfin...

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), si le Gouvernement ne faisait pas son devoir, des parties civiles pourraient éven-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

tuellement déclencher elles-mêmes l'action publique possibilité dont la faisabilité est actuellement à l'étude.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, quel est le régime applicable à la responsabilité pénale du Président de la République ?

Je vous rappelle les termes de l'article 68 de la Constitution, qui dispose : « Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice. »

Par une décision en date du 22 janvier 1999, le C onseil constitutionnel a estimé qu'« il résulte de l'article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité. Au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice selon des modalités fixées par le même article. »

Je rappelle que cette décision du Conseil constitutionnel a été prise alors qu'il était saisi de l'examen de la conformité avec la Constitution des stipulations du traité sur la Cour pénale internationale. Il ne m'appartient pas d'apprécier le bien-fondé de cette décision.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Pourquoi ne pas avoir enjoint au procureur général de la Cour de cassation de former un pourvoi dans l'intérêt de la loi à l'encontre de l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles ? Je n'ai pas voulu ordonner au procureur général de la Cour de cassation d'introduire ce pourvoi. Dans ce dossier comme dans les autres, je m'en suis tenue à ma ligne de conduite constante : respecter totalement l'indépendance de la justice et ne pas intervenir dans une affaire individuelle, fût-ce par la voie d'un recours exercé dans l'intérêt de la loi.

Je rappelle que c'est la ligne de conduite définie par le Gouvernement et, ici même, par le Premier ministre, en juin 1997, qu'il n'y a pas eu d'exception et qu'il n'y en aura pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

« AFFAIRES »

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République s'est expliqué devant les Français, expliquant que la vidéo le mettant en cause relevait d'une manipulation et d'une opération mensongère pour ce qui le concerne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les faits intervenus depuis le confirment.

Monsieur le Premier ministre, vous ne vous êtes pas encore expliqué directement devant les Français, alors que cette cassette vous met personnellement en cause en tant que premier secrétaire du Parti (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et alors même que l'un de vos proches, M. Monate, a confirmé avoir reçu, pour le Parti socialiste, des sommes importantes.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Urba !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Le Président de la République s'est exprimé. Nous souhaitons qu'à votre tour vous nous apportiez les éclaircissements nécessaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Madame la députée, j'ai du mal à comprendre la logique ...

M. Henri Emmanuelli.

Nous aussi !

M. le Premier ministre.

... qui vous conduit à ne pas ajouter foi à une cassette dont le script a été publié par un grand journal du soir, comme l'on dit, pour ce qui concerne des imputations directes et précises portées à l'égard d'une personnalité publique, ...

M. Jean-Louis Debré.

Mais il y a aussi Monate !

M. le Premier ministre.

... et, en revanche, à attacher du prix ou de la crédibilité à des imputations qui n'évoquent en rien, à aucun moment, une autre personnalité publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le Premier ministre.

Je vous suggère donc de laisser la presse s'exprimer sur ces sujets,...

M. Franck Dhersin.

Baratin !

M. le Premier ministre.

... de laisser, quand il y a lieu, la justice mener les enquêtes nécessaires ou les procédures qu'elle a à conduire ; et, pour le reste, de faire comme moi : vous garder de vouloir utiliser ce qu'on appelle les affaires dans le débat public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Dites-le au président de l'Assemblée nationale et à Mme Voynet !

POLITIQUE AGRICOLE

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

L e nombre d'installations de jeunes agriculteurs... (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je me réjouis de l'intérêt porté par les socialistes aux agriculteurs, c'est bien la première fois que je le constate.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Le nombre d'installations, disais-je, est passé de 7 700 en 1995 à 8 900 en 1997. Cette augmentation de 15 % était due, chacun le sait, à l'implication forte du Président de la République, mais aussi à la politique conduite par Alain Juppé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Depuis trois ans, monsieur le Premier ministre, vous avez, vous, fait passer ce nombre de 8 900 à moins de 6 000, soit 30 % de baisse ! Telle est la politique que vous avez conduite ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

V ous annonciez, le 21 octobre 1999, que 50 000 contrats territoriaux d'exploitation seraient signés d'ici à la fin de l'année 2000 ; seulement 1 400 ont été signés, soit 2,5 % de votre objectif.

M. Lucien Degauchy.

Encore une promesse non tenue !

M. Christian Jacob.

Belle réussite pour ce Gouvernement en matière d'agriculture ! En outre, pour mettre en place cette utopie, vous n'avez pas lésiné sur les moyens puisque vous allez prélever plus d'un milliard de francs sur le dos des agriculteurs, le mois prochain ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « Absolument » sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Et cette nouvelle cagnotte n'est pas seulement constituée aux dépens des gros agriculteurs comme vous le prétendez souvent, puisque certains des agriculteurs concernés ont des revenus annuels inférieurs à 60 000 francs par an bien en dessous du SMIC !

M. Alain Le Vern.

Allez Bové !

M. Christian Jacob.

Devant la chute catastrophique du nombre d'installations de jeunes agriculteurs,...

Je vois que cela vous fait sourire. Les agriculteurs beaucoup moins ! ... devant l'utopie que représente le contrat territorial d'exploitation puisque, je le répète, seulement 2,5 % des objectifs que vous vous étiez assignés sont atteints, allezvous poursuivre cette politique de la terre brûlée engagée maintenant depuis trois ans, ou allez-vous surseoir, enfin, à la mise en application de la modulation et à la création de cette nouvelle cagnotte sur le dos des agriculteurs ? Merci de me répondre, monsieur le Premier ministre, et merci pour l'attention que vous porterez aux agriculteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur le député, je vous prie d'excuser M. Glavany qui préside aujourd'hui le Conseil « Pêche » à Bruxelles. Je vous apporterai donc les réponses dont je dispose concernant la politique agricole du Gouvernement.

Des fonds sont prévus pour l'installation des jeunes agriculteurs.

M. Christian Jacob.

Elle a connu une baisse de 30 % en trois ans !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Mais le problème aujourd'hui, monsieur Jacob, c'est le manque de candidats. Aussi, le Gouvernement travaille ainsi que les organisations agricoles à inciter les jeunes à choisir la profession agricole. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Quant aux contrats territoriaux d'exploitation, à ce jour, 1 512 ont été signés.

M. Christian Jacob.

C'est un échec patent !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Mais des projets collectifs sont déposés devant les commissions départementales et ils concernent 64 000 agriculteurs.

M. Christian Jacob.

Mais non !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Ce qui prouve, monsieur Jacob, que la loi de juillet 1999 s'applique effectivement. La dotation prévue sera reconduite en 2001 pour permettre la montée en charge des contrats territoriaux d'exploitation. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il est vrai, monsieur Jacob, que vous êtes élu d'un département, la Seine-et-Marne, où les organisations agricoles dont vous vous faites le porte-parole sont contre la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation. Par là-même, vous allez contre les intérêts des agriculteurs (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et contre le développement d'une véritable agriculture durable.

Voilà bien votre politique, monsieur Jacob ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendats.)

PROFESSIONS PARAME

DICALES

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je souhaite interpeller Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les pénalités financières décidées à l'encontre des kiné sithérapeutes et sur l'application du projet de soins infirmiers qui soulève la colère des infirmiers libéraux.

Une grande manifestation nationale regroupant des milliers d'infirmières et de kinésithérapeutes a eu lieu le 6 octobre à Paris. Pourquoi manifestaient-ils ? Les kinésithérapeutes parce que vous avez accepté de diminuer, sur proposition de la Caisse nationale d'assurance maladie, la rémunération de leurs actes et leur quota annuel d'actes ; les infirmiers libéraux à cause du contenu du projet de soins infirmiers.

Que signifient, en effet, ces deux décisions ? La mesure qui concerne les kinésithérapeutes est particulièrement injuste puisque les actes de cette profession sont entièrement prescrits, qualitativement et quantitativement : les kinésithérapeutes ne font qu'exécuter les ordonnances des médecins et des chirurgiens. Ils ne peuvent donc être tenus pour responsables de l'augmentation du volume des actes.

Pour les infirmières, en même temps que pour leurs patients, il s'agit également d'une mesure injuste. En effet, le projet contient en germe des risques médicaux qui n'ont pas été pris en compte, puisqu'il vise à limiter les soins des professionnels de santé qualifiés auprès de personnes dépendantes.

C'est aussi une mesure injuste pour les malades, qui sollicitent de plus en plus ces professionnels, tant les soins qu'ils prodiguent sont utiles et même indispensables.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Madame la ministre, d'un côté, vous prétendez vouloir favoriser le maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie alors que, de l'autre, vous interdisez aux infirmiers et aux kinésithérapeutes, qui s'imposent comme les garants de tels soins, de les assurer ! De telles mesures démontrent du mépris à l'égard de ces professionnels de santé. Et même lorsque vous les qualifiez de mesures de régulation, elles ne peuvent être ressenties que comme des sanctions qui pénalisent la profession tout entière.

Quand cesserez-vous de privilégier la sanction économique et l'affrontement sur le dialogue et le partenariat tant avec les kinésithérapeutes qu'avec les infirmières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, il y a deux points dans votre question, qui relèvent de deux intervenants différents.

L'Assemblée a voté, l'année dernière, une délégation de gestion à la Caisse nationale d'assurance maladie, à la demande d'ailleurs de la majorité de son conseil d'administration, pour qu'elle puisse travailler avec les professionnels afin d'améliorer la qualité des soins, de respecter les objectifs et de négocier avec eux en cas de dérapage.

Pour les masseurs-kinésithérapeutes, l'évolution des dépenses pendant les six premiers mois de l'année n'est pas seulement due à des prescriptions lourdes mais aux pratiques de certains d'entre eux - je dis bien certains consistant, par exemple, à recevoir 80 à 100 malades par jour, c'est-à-dire beaucoup en même temps ? (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les fédérations le reconnaissent elles-mêmes ! Ces pratiques ne permettent pas d'assurer la qualité des soins.

Nous avons besoin de nouer un dialogue avec ces professionnels - je me réjouis d'ailleurs que la principale fédération des masseurs-kinésithérapeutes en ait convenue et j'ai incité la CNAM à faire de même - afin que soient formulées des recommandations de bonne pratique, et que l'ensemble des masseurs-kinésithérapeutes ne pâtissent pas de la conduite de certains.

Par ailleurs, toujours pour ce qui concerne les masseurs-kinésithérapeutes, le Gouvernement a publié, vendredi dernier, un décret qui modifie la nomenclature et revalorise, de manière très importante, les actes des masseurs-kinésithérapeutes, leur permettant d'accroître de 5 francs la valeur moyenne de l'acte, qui passe ainsi à 87 francs.

J'en viens aux soins infirmiers. A la suite des rapports Brocas sur la place des professions paramédicales dans le système de soins, le Gouvernement a souhaité que les masseurs comme les infirmières à domicile aient l'opportunité, non pas seulement d'exécuter les demandes des médecins, mais aussi de pratiquer un diagnostic et de proposer un catalogue de soins pour chaque malade ou usager.

M. François Goulard.

Ce sont des professions libérales !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Infirmiers comme kinésithérapeutes ont interprété cela comme la reconnaissance de leur rôle dans le système de santé.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'ensemble des textes sur ce sujet sont aujourd'hui sortis.

Enfin, je rappelle que le projet de soins infirmiers qui, selon vous, entraîne une réaction négative de tous les infirmiers libéraux, émane de la principale fédération nationale des infirmiers, qui a négocié avec la CNAM.

M. François Goulard. Elle ne représente rien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est vrai qu'il est contesté par une organisation représentant actuellement 5 % des infirmiers.

De quoi s'agit-il ? De faire en sorte de valoriser les soins infirmiers à domicile, notamment pour les personnes âgées dépendantes. Je tiens à votre disposition l'évolution des coûts et la revalorisation des tarifs liées à ce projet.

Il est un point sur lequel je partage votre analyse, madame la députée. Au moment où nous souhaitons que davantage de personnes âgées puissent rester à leur domicile, nous devons faire en sorte que soit reconnu le professionnalisme des infirmiers libéraux, afin d'organiser un véritable soutien aux personnes dépendantes et de garantir leur autonomie.

Ce sont les propositions que Mme Guinchard-Kunstler avait avancées, et sur lesquelles des discussions ont actuellement lieu avec les deux professions. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer. Laissez-leur le champ libre !

M. le président.

Nous passons au groupe communiste.

NIVEAU DES SALAIRES

M. le président.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En cette rentrée, les revendications salariales tendent à se multiplier. « Il y a un besoin criant d'augmentation des salaires », vient de déclarer Bernard Thibault, le secrétaire de la CGT. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quant à Marc Blondel, pour Force ouvrière, il appelle à la mobilisation sur les salaires.

Quoi de plus normal ? Les salariés entendent et lisent que les profits financiers des entreprises n'ont jamais été aussi florissants.

M. Lucien Degauchy.

Ça ne va pas durer !

M. Alain Bocquet.

Ces profits servent à peine à l'emploi. Ils servent d'abord à la spéculation financière et à des fusions géantes. Au premier semestre, les grands groupes industriels et commerciaux avouent avoir réalisé autant de bénéfices que durant toute l'année 1999.

« Et nous ! et nous ! » disent les salariés et les familles modestes, qui ont tout à fait raison de réclamer leur juste part des fruits de la croissance. Il est vrai que ça ne peut pas toujours être pour les mêmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Donner davantage de pouvoir d'achat aux salariés, notamment à ceux payés au SMIC, et aux sans-emploi, c'est également donner un nouveau souffle à la croissance, qui connaît des premier signes de faiblesse.

Les experts de l'INSEE viennent, en effet, de confirmer dans une étude que « le relèvement de la croissance s'explique surtout par celui de la consommation des ménages qui, après avoir progressé de 0,8 % au premier trimestre, n'a pas dépassé les 0,2 % les trois mois suivants ». De plus, ces experts ajoutent que « le revenu disponible des ménages ralentit légèrement au dernier trimestre ».

A l'évidence, remédier à cette tendance préoccupante, c'est redonner un élan à la consommation populaire en augmentant le pouvoir d'achat. Le meilleur moyen, c'est l'augmentation sensible des salaires, et prioritairement les plus bas et les moyens salaires. Le salaire, on le sait, est le point d'appui tangible du pouvoir d'achat.

Alors, monsieur le ministre, avec le Gouvernement comptez-vous répondre à l'attente forte qui s'exprime et décider une augmentation exceptionnelle du SMIC de 3 % et une revalorisation des minima sociaux ?

M. Christian Jacob.

Voilà qui est très clair !

M. Alain Bocquet.

De même, comme le demandent les retraités qui auront une journée d'action ce jeudi 12 octobre, entendez-vous réindexer les pensions sur l'évolution des salaires ? Tout cela ne serait pas du luxe et aurait le mérite de c onjuguer justice sociale et efficacité économique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Bocquet, c'est vrai, cette année, certaines grandes entreprises enregistrent des résultats souvent spectaculaires.

La question est de savoir à quoi ils sont dus, d'une part, et à quoi ils vont servir, d'autre part. C'est donc à juste titre que vous posez à cet égard la question des salaires.

De ce point de vue, je voudrais vous rendre attentif, et avec vous toute l'Assemblée, aux deux raisons pour lesquelles un grand nombre de salariés de notre pays ressentent un contraste, et parfois même un divorce, entre l'évolution générale de la croissance et celle de leur propre pouvoir d'achat.

Quand vous regardez comme vous le faites attentivement les réalités et les chiffres, vous vous apercevez que, sur l'an 2000, la masse salariale globale a crû fortement, mais essentiellement grâce aux nouveaux emplois. Le pouvoir d'achat par tête des personnes déjà employées a augmenté, lui, beaucoup plus faiblement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est le même phénomène qui est prévu pour 2001, à ceci près que, heureusement, le pouvoir d'achat par tête devrait croître davantage.

La seconde raison, c'est que la réduction de la durée du travail a été accompagnée très souvent d'une modération salariale (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), comme c'était prévu dans les accords.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Les salariés sont bien sûr contents de travailler moins, mais ils souhaiteraient que leur pouvoir d'achat soit augmenté.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est évident que nous devons prendre en compte cette préoccupation, tout en veillant bien sûr aux équilibres financiers globaux.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Pour les retraites, en particulier, et cela sera inscrit dans les documents qui vous seront prochainement transmis, il est prévu des augmentations qui sont peutêtre moins importantes que celles qu'on pouvait espérer mais qui devraient tout de même se traduire par des augmentations de pouvoir d'achat.

M. Jean Auclair.

Et la CSG ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il faudra en plus ajouter les baisses d'impôts et les baisses ou la suppression de CSG prévues.

Au total, sur la ligne que j'ai définie, nous devrions pouvoir avoir à la fois une progression sensible du pouvoir d'achat et le maintien d'une croissance forte et des équilibres nécessaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair.

Marchand d'illusions !

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

CO TE D'IVOIRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Gateaud.

M. Jean-Yves Gateaud.

Ma question s'adresse à M. le ministre de la coopération.

Une élection présidentielle doit se tenir en Côte d'Ivoire le 22 octobre prochain. Sur les dix-neuf candidats à la candidature, cinq seulement ont été déclarés él igibles par la juridiction constitutionnelle de ce pays. Plusieurs candidats représentant des forces démocratiques reconnues ont été écartés.

Le développement par certains dirigeants du thème de l'« ivoirité » est une source importante de difficultés et d'inquiétudes, pour la Côte d'Ivoire elle-même dans son accession à une vie démocratique respectueuse des droits de l'homme, pour les pays voisins, notamment le Burkina Faso et surtout le Mali, dont sont originaires nombre d'habitants de la Côte d'Ivoire et dont l'économie est largement soumise à la libre circulation sur le territoire ivoirien, voire, enfin, pour nos concitoyens français et européens nombreux là-bas.

Monsieur le ministre, quelle est la position du gouvernement français sur cette élection présidentielle ivoirienne et son appréciation de cette situation ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, bien avant la mutinerie de décembre qui a porté au pouvoir le général Robert Gueï, la Côte d'Ivoire retenait l'attention de la France.

C'est un grand pays, un des premiers partenaires de la France, la présence de 20 000 de nos ressortissants en témoigne, mais les difficultés économiques de ce pays


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

retentissaient, comme vous l'avez rappelé, sur l'ensemble de la région de l'Afrique de l'Ouest, et, surtout, le débat politique était alourdi par cette question de l'« ivoirité », d'autant plus sensible que le pays compte 30 % d'étrangers. Nous avions d'ailleurs déjà eu l'occasion d'évoquer cette question dans cet hémicycle.

Au début de l'année, après avoir exprimé sa volonté de rendre le pouvoir aux civils, le général Gueï a entrepris de réformer la Constitution. Le nouveau texte a été adopté par référendum au mois de juillet avec une forte participation et une large majorité. Les dispositions relatives à l'éligibilité des candidats s'en sont trouvées, comme vous le savez, renforcées puisqu'il ne suffit pas d'être né de père et de mère ivoiriens pour occuper un emploi public, il faut aussi ne pas s'être prévalu d'une autre nationalité.

Il est clair que cette disposition visait particulièrement M. Alassane Ouattara, ancien Premier ministre du président Houphouët-Boigny.

Comme tous les partis politiques avaient appelé à voter cette constitution, nous avons salué le référendum comme une première étape vers le retour de la Côte d'Ivoire à la démocratie et espéré que la Cour suprême ferait de cette constitution une application qui n'écarterait aucune sensibilité politique du débat. Contrairement à ce que certains ont voulu entendre, nous n'avons voulu ni écarter ni désigner qui que ce soit comme candidat ! Dans un climat rendu plus lourd par les manifestations et les incidents que vous savez, la Cour suprême a rendu sa décision. Nous la connaissons depuis vendredi soir.

Comme vous l'avez rappelé quatorze des dix-neufs candidats ont été éliminés, notamment le président du RDR, Alassane Ouattara, mais aussi tous les candidats se prévalant du PDCI, l'ancien parti au pouvoir, qui faisait 63 % des suffrages aux élections de 1995. Sans faire insulte aux trois autres candidats de moindre importance, en réalité, ne restent en lice que le général Gueï et le président du Front populaire ivoirien, Laurent Gbagbo.

La France et, avec elle, ses partenaires européens ont d'ores et déjà regretté une décision qui, bien que relevant de la responsabilité des instances juridiques ivoiriennes, limite fortement la liberté de choix des électeurs ivoiriens et compromet la crédibilité du scrutin du 22 octobre.

Tout en souligant l'importance qu'elle attache au caractère libre, ouvert et transparent du processus électoral, l'Union européenne demande que le retour à la légalité constitutionnelle s'effectue dans le calme et dans des conditions de régularité incontestables. L'Union européenne a fait savoir qu'elle n'apporterait aucun financement nouveau au processus électoral en cours.

Des incidents violents se sont produits à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris, hier matin. En Côte d'Ivoire, la situation est calme, un calme auquel d'ailleurs tous les dirigeants appellent. Nous souhaitons, bien sûr, que toutes les dispositions prises rassurent totalement la communauté française de Côte d'Ivoire.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

PE

DOPHILIE

M. le président.

La parole est à M. Louis Mexandeau.

M. Louis Mexandeau.

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Un procès douloureux vient d'avoir lieu dans le département du Calvados, relatif à la pédophilie. L'opinion publique a été bouleversée d'apprendre que la souffrance d'enfants avait pu durer si longtemps dans une terrible loi du silence.

Vous qui, justement, avez levé la loi du silence sur les abus sexuels dans l'éducation nationale en utilisant pour la première fois dans une instruction officielle le mot de pédophilie et en rappelant à chacun l'obligation de signaler les crimes et délits commis sur des enfants, que comptez-vous faire en tant que ministre délégué à la famille et à l'enfance pour poursuivre cette action au sein de toutes les institutions ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur le député, je continue tout simplement, au nom du Gouvernement et avec l'ensemble des ministres concernés, et ils sont nombreux - solidarité, éducation, justice, intérieur pour la police, défense pour la gendarmerie, jeunesse et sports pour les associations -, à faire en sorte de continuer à abattre le mur du silence pour éradiquer définitivement toute possibilité d'étouffer les dossiers, de muter discrètement les pédophiles qui récidivent, bref, pour en finir avec ces crimes et ces délits abjects commis sur des enfants. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Je viens de mettre en place un plan d'ensemble, dans une dynamique interministérielle. Je n'évoquerai que trois actions.

D'abord, on continue avec le travail accompli dans l'éducation nationale pour que, dès l'école primaire, les enfants apprennent ceci : « Mon corps, c'est mon corps, j'ai le droit de dire non. » Un film a été réalisé. Il doit

être diffusé et servir de base de débat dans toutes les classes.

Ensuite, j'ai créé il y a quelques semaines une mission de prévention et de lutte contre la violence en institution, que j'ai confiée à un magistrat détaché qui dispose d'une solide expérience de juge des enfants et de substitut du procureur. Il a pour mission de veiller à l'application des textes, de traiter les signalements qui arrivent sur le numéro 119 et de faire en sorte qu'aucune affaire ne soit étouffée.

Si les victimes se taisent, c'est parce qu'elles ont honte, q u'elles se sentent coupables dès lors qu'elles ont commencé à se taire. Elles ont peur qu'on leur demande pourquoi elles n'ont pas parlé plus tôt. Elles ont peur aussi, si elles ne sont pas écoutées, de vivre après une situation pire que ce qu'elles ont vécu avant.

De ce point de vue, le déroulement d'un procès est essentiel : lorsque la justice met les mots justes sur les faits réels, désigne clairement les auteurs des faits, qui savaient parfaitement ce qu'ils faisaient, désigne clairement les victimes en leur expliquant qu'elles ne sont pas responsables de ce qui leur est arrivé, alors peut commencer la lente reconstruction de ces victimes, qui ont été profondément blessées.

C'est la raison pour laquelle il est essentiel d'abattre le mur du silence pour que la justice accomplisse son oeuvre réparatrice, et je remercie le groupe socialiste qui a pris l'initiative de soumettre au Parlement, dans deux jours, un dispositif qui protégera contre les licenciements et les mesures de rétorsion tout salarié qui signalera des faits de maltraitance dans les institutions.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

SOINS PALLIATIFS

M. le président.

La parole est à Mme Odette Trupin.

Mme Odette Trupin.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés et concerne les soins palliatifs.

La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat, et elle a représenté une formidable avancée pour le développement des soins palliatifs et la prise en charge des personnes atteintes de maladie grave.

Aujourd'hui, en l'absence de publication d'un décret d'application, les équipes soignantes s'interrogent sur le devenir de cette loi.

Je tiens en particulier à appeler votre attention sur les articles 5 et 10.

L'article 5 prévoit des conditions particulières d'exercice des professionnels de santé exerçant à titre libéral ou salariés des centres de santé. Ces conditions peuvent porter sur des modes de rémunération particuliers autres que le paiement à l'acte et sur le paiement direct des professionnels par les organismes d'assurance maladie. Cette disposition est indispensable, notamment pour le développement des soins palliatifs à domicile.

L'article 10 concerne les bénévoles d'accompagnement qui apportent leur concours à l'équipe de soins en participant à l'ultime accompagnement du malade et en confortant l'environnement psychologique et social de la personne malade et de son entourage.

Madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais connaître, d'une part, la version finale de l'article 10 puisqu'il aurait été validé par le Conseil d'Etat avec quelques modifications et, d'autre part, l'avancée des travaux sur les textes d'application de l'article 5. Il m'apparaît indispensable, en effet, de rassurer les soignants en les informant de la date exacte de publication du décret d'application pour que le contenu de cette loi devienne une réalité concrète sur le terrain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Effectivement, madame la députée, le développement des soins palliatifs reste une priorité du Gouvernement, et le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale le confirmera. Nous en débattrons dans quelques jours.

Votre question porte sur la sortie de deux décrets attendus par la profession, l'un concernant l'article 5, et l'autre l'article 10.

Le décret relatif à l'article 10, qui précise les conditions d'intervention des associations de bénévoles auprès des personnes en fin de vie et dans les établissements, qu'ils soient publics, privés, sociaux ou médico-sociaux, est assorti d'une convention type qui organise la collaboration de l'association de bénévoles et de l'établissement concerné. L'élaboration de ce décret a fait l'objet d'une longue et étroite concertation avec les parties concernées.

Examiné en Conseil d'Etat, il est actuellement à la signature ministérielle et sera publié au Journal officiel dans les prochains jours.

Le décret qui concerne l'article 5 porte sur les conditions d'exercice et de rémunération des professionnels exerçant en libéral ou salariés dans les centres de santé qui dispensent des soins palliatifs à domicile. Accompagné d'un contrat type, il précisera les liens entre les professionnels et les organismes d'assurance maladie. Finalisé sur le plan technique, il vient d'être envoyé à la consultation des professionnels.

Je profite de votre question, madame la députée, pour rappeler qu'en 1997, quarante-sept départements seulement disposaient de services de ce type. Aujourd'hui, tous les départements disposent d'un service équivalent, et nous comptons 280 unités ou équipes mobiles.

Le développement de ces soins est un impératif. Le Gouvernement s'attache à concrétiser sur le terrain les dispositions législatives et réglementaires. Nous le devons aux malades, à leurs familles, aux professionnels qui effectuent déjà, discrètement et dans l'anonymat, un travail remarquable que je tiens à saluer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

PRISONS

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.

En juillet dernier, la commission d'enquête sur la situation dans les prisons a rendu son rapport. Madame la garde des sceaux, vous vous êtes félicitée de son contenu. Je vous en remercie.

Aujourd'hui, les personnels de l'administration pénitentiaire montrent leur impatience de voir leur rôle reconnu comme l'un des éléments assurant la sécurité de nos concitoyens. Pour répondre à leur légitime inquiétude, vous avez notamment repris l'idée que nous avons émise d'élaborer une loi pénitentiaire. Pouvez-vous nous préciser quelles en seraient les orientations et quel calendrier de mise en oeuvre vous envisagez ? Nous avons salué la qualité des personnels de l'administration pénitentiaire, mais sont-ils assez nombreux ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Leur niveau statutaire correspond-il à leurs charges de travail et à leurs missions républicaines ? (« Non ! » sur les mêmes bancs.)

Madame la garde des sceaux, nous devons, ensemble, vous l'exécutif, nous le législatif, poser cette simple question : à quoi sert la prison aujourd'hui ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Très bien ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Bonne question !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

S'agissant, monsieur le député, de la loi pénitentiaire préconisée dans le rapport que j'avais commandé à

M. Canivet, premier président de la Cour de cassation, proposition que vous avez vous-même soutenue, j'ai fait connaître mon accord, ainsi que celui du Gouvernement, à l'idée d'une telle loi.

Cette loi aurait le mérite de provoquer un débat national sur la question pénitentiaire. Elle devrait comprendre trois chapitres principaux : la condition des détenus et donc le sens de la peine, les missions des personnels et les contrôles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Cette loi redéfinira les missions de l'administration pénitentiaire. En lien avec la réflexion qui doit porter sur la réduction et l'aménagement du temps de travail, elle devrait contenir des dispositions sur l'organisation du travail des personnels et concerner également leur statut et leur déontologie.

Elle contiendra également des éléments sur l'organisation de la vie en détention, sur les droits et devoirs des détenus, qu'il s'agisse des relations avec l'extérieur, de la formation, du travail ou de la discipline des détenus.

Mes services travaillent d'ores et déjà sur les grands chapitres de cette loi. Bien entendu, les organisations syndicales, les associations qui interviennent en prison et le Parlement seront activement associés à cette réflexion, et le Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire sera consulté.

Vous m'interrogez ensuite sur la politique pénitentiaire en précisant que les personnels souhaitent, à juste titre, voir leur rôle mieux reconnu, rôle extrêmement difficile, et en soulignant la qualité de leur comportement professionnel.

Ces personnels expriment actuellement des revendications qui portent sur les conditions de travail, la sécurité, les effectifs, les mesures d'ordre indemnitaire et statutaire.

J'ai demandé au directeur de mon cabinet de recevoir les représentants des organisations syndicales demain matin pour examiner les termes d'une négociation que je crois en effet souhaitable.

Sur les effectifs, la situation est tendue parce que l'administration pénitentiaire doit faire face aux départs à la retraite induits par « la bonification du cinquième », qui a été décidée en 1995, mais malheureusement, à l'époque, sans les effectifs correspondants.

Nous sommes précisément en train de remonter ce courant. En 2001, l'administration pénitentiaire bénéficiera de 545 emplois, ce qui la place en tête des services du ministère de la justice. Chacun de ces emplois viendra soulager les établissements.

Nous nous sommes penchés également sur le nombre de postes vacants. L'an prochain, les personnels recrutés à la sortie de l'école seront 2 360. Si l'on retranche les 1 200 départs à la retraite, cela fait plus de 1 000 postes supplémentaires ! Quant au sens de la peine, nous devons bien entendu nous interroger sur l'activité de réinsertion et sur le sens du temps passé en prison.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs de groupe communiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

MANIFESTATIONS D'ANTISÉMITISME À PARIS

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que je m'adresse, compte tenu de l'importance de la question. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le samedi 7 octobre à Paris, place de la République, a eu lieu une manifestation contre Israël, à l'appel, notamment, du parti communiste et du MRAP, et en présence de certains élus Verts. Au cours de cette manifestation, des slogans antisémites ont été lancés. Je les cite dans cette assemblée, pour que vous en mesuriez la gravité :

« Mort aux Juifs ! », « A bas les Juifs ! » « Chers collègues, c'est la première fois qu'à Paris, depuis la guerre, on prononce de tels slogans. Durant ce week-end, des synagogues ont été attaquées. Monsieur le Premier ministre, en vertu des lois de juillet 1881 et des 12 et 13 juillet 1990, le Gouvernement a-t-il engagé des poursuites pénales à l'encontre des organisateurs ou des auteurs de tels slogans pour lutter, comme le lui demande la loi, contre l'incitation à la haine raciale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Exclamations sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Nous sommes naturellement tous frappés et alarmés par la gravité de la situation qui se développe au Proche-Orient. Nous appelons chacun de ceux qui sont engagés dans ce conflit à la retenue. Nous voulons nous souvenir que des pas en avant considérables avaient été faits dans le traitement des grands dossiers qui opposent Palestiniens et Israéliens, et même des avancées sensibles sur la question majeure, symbolique, de Jérusalem. Dans des conditions que je ne veux pas rappeler et sur lesquelles le ministre des affaires étrangères s'est exprimé devant votre assemblée, une situation de déchaînement de la violence s'est produite.

La France a un rôle à jouer, et les contacts nombreux pris par le Président de la République, que j'ai moi-même noués avec un certain nombre de chefs d'Etat ou de responsables politiques dans cette région (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), la politique conduite par le ministre des affaires étrangères, tendent à apaiser les passions, à préconiser le retour au processus d'Oslo, à chercher à nouveau la paix. La paix est encore possible si nous la voulons.

M. Guy Teissier.

Vous ne répondez pas à la question ! Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Et à Paris ?

M. le Premier ministre.

En France, dans l'esprit de la République, dans le respect des différentes communautés qui existent dans notre pays, mais dont nous ne souhaitons pas, au nom de l'esprit républicain, la communautarisation,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Alain Madelin.

Et que souhaite le parti communiste ?

M. le Premier ministre.

... nous devons veiller à ce que les hommes et les femmes, citoyens ou non-citoyens, qui demeurent sur notre terre (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et même si leur coeur bat au rythme de passions qui se sont trop violemment mises en mouvement ces derniers jours au Proche-Orient, vivent ensemble dans le respect des valeurs de la communauté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est ce que nous faisons.

Dimanche, après le Président de la République, j'ai reçu les représentants du CRIF et d'autres institutions juives françaises.

M. Guy Teissier.

On sait tout ça !

M. Alain Madelin.

Répondez à la question !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. le Premier ministre.

Je leur ai assuré que le ministre de l'intérieur avait pris et prenait toutes dispositions pour que les institutions et lieux de culte de la communauté juive française soient protégés.

M. Alain Madelin.

Et le parti communiste !

M. le Premier ministre.

Des contacts ont été pris et des appels ont été lancés par des représentants des grands courants spirituels de notre pays pour pousser à la concorde.

A l'occasion d'une manifestation à Paris, des mots d'ordre antisémites ont été prononcés. Ils n'engagent en aucun cas les personnalités et les formations politiques de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) qui ont appelé à des rassemblements mais se sont dissociées intellectuellement, politiquement et même physiquement de ces formes de manifestation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Nicolin.

Il faut assumer un peu !

M. Francis Delattre.

Responsables mais pas coupables !

M. le Premier ministre.

Les informations dont nous disposons nous montrent que, dans le pays et dans les communautés, en France, c'est l'esprit de mesure, de respect qui l'emporte. Je vous prie, dans votre mission de représentants du peuple, de contribuer à ce que ce soit bien cet esprit de respect et de concorde qui l'emporte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Claude Gaillard.)

PRÉSIDENCE DE M. CLAUDE GAILLARD,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE Discussion d'un projet de loi organique

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique modifiant la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (nos 2564, 2614).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi organique qui vous est aujourd'hui soumis en première lecture vise à apporter des modifications techniques à la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République à la suite des observations faites par le Conseil constitutionnel à l'issue de l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995.

L'article 58 de notre Constitution confie en effet au Conseil constitutionnel la tâche de veiller à la régularité de l'élection du Président de la République et d'en proclamer les résultats.

Le présent projet de loi organique prend en compte l'essentiel des observations du Conseil constitutionnel dans un souci de clarification et de simplification de l'organisation et du contrôle de l'élection présidentielle. Il propose aussi d'adapter les dispositions de la loi organique de 1962 aux évolutions du droit électoral.

Par ailleurs, le Gouvernement prépare un projet de décret modifiant le décret du 14 mars 1964 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi organique du 6 novembre 1962. Ce texte prendra en compte des observations techniques et à caractère réglementaire présentées par le Conseil constitutionnel.

Ce projet de loi organique a donc pour axe essentiel la prise en compte des observations du Conseil constitutionnel.

Celui-ci, dans ses observations publiées au Journal officiel le 15 décembre 1995 et complétées le 22 juin 2000, a soulevé, eu égard à la présentation des candidats, la question du rattachement départemental des membres de l'assemblée de Corse et des conseillers régionaux, qui seront bientôt élus dans le cadre d'une circonscription régionale. Le projet de loi prévoit de transposer à l'élection du Président de la République les modalités de répartition départementale prévues par le code électoral pour la composition du collège électoral sénatorial que le Parlement a validées, en votant la loi du 19 janvier 1999 qui porte réforme du mode d'élection des conseillers régionaux. Ces dispositions, immédiatement applicables pour l'assemblée de Corse, ne seront bien sûr mises en oeuvre qu'à partir de 2004, ou avant cette date dans le cas, peu probable, d'un renouvellement anticipé des conseils régionaux.

Ce projet de loi organique propose, par ailleurs, plusieurs améliorations du cadre financier dans lequel se déroule la campagne pour l'élection présidentielle. Ainsi, la dissolution de l'association de financement et la cessation des fonctions des mandataires financiers sont reportées de trois mois après le dépôt des comptes à un mois après la publication des décisions du Conseil constituitionnel. Cette mesure permettra d'améliorer les conditions de clôture des comptes de campagne et de règlement des relations financières entre le candidat et son mandataire, puisqu'elle permettra de connaître le solde du compte de campagne une fois arrêté le montant du remboursement forfaitaire accordé par l'Etat.

L'interdiction, introduite dans ce projet de loi, des prêts et avances remboursables consentis par des personnes physiques résulte, de même, de la volonté de renforcer la transparence des modes de financement des candidats à la magistrature suprême s'agissant de pratiques dont le contrôle s'avère souvent délicat et peut être source de critique lorsque les montants en jeu sont d'une grande ampleur. Dans le même esprit, il convient de supprimer toute référence dans la loi organique à des dons de personnes morales, ceux-ci étant interdits depuis la loi organique du 19 janvier 1995.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

A la demande du Conseil constitutionnel, le Gouvernement propose dans ce texte d'inscrire aux comptes de campagne les frais d'expertise comptable liés à leur établissement. Ces dépenses, prévues à l'article L. 52-12 du code électoral, applicable à l'élection présidentielle, s'imposent en effet aux candidats et peuvent représenter des montants importants restant à leur charge personnelle.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs souhaité que ses pouvoirs d'investigation et d'appréciation des comptes de campagne soient étendus.

En matière d'investigation, il est judicieux de permettre à tous les rapporteurs adjoints de la haute juridiction d'avoir accès aux informations fiscales et bancaires lors de leur contrôle des comptes des candidats, grâce à la levée du secret professionnel des agents des administrations financières.

En matière d'appréciation du non-remboursement des frais de campagne, il est apparu souhaitable d'accorder au Conseil constitutionnel les marges de manoeuvre nécessaires à l'application de ses pouvoirs de sanction. En effet, le Conseil constitutionnel a constaté en 1995 qu'il était particulièrement difficile pour les candidats à ce type d'élection se déroulant dans le cadre national de maîtriser à la marge les dépenses engagées en fonction d'une multiplicité d'initiatives locales sur l'ensemble du territoire. Le projet de loi organique prévoit donc, en cas d'irrégularités non intentionnelles ou de portée très réduite, d'attribuer au Conseil constitutionnel la capacité d'accorder le remboursement forfaitaire, notamment au regard des conséquences pécuniaires lourdes que le non-remboursement aurait non seulement pour le candidat mais aussi pour les partis qui le soutiennent.

Par ailleurs, la loi donne au Conseil constitutionnel le pouvoir de fixer le niveau des sanctions financières à appliquer en cas de dépassement du plafond des dépenses de campagne.

Ces dispositions sont ici envisagées comme la résultante de la spécificité de l'élection présidentielle qui, tant par son droit applicable que par les enjeux politiques et financiers qu'elle soulève, relève d'un traitement spécifique.

Outre la prise en compte des observations du Conseil constitutionnel, ce projet de loi organique souhaite mettre à jour le droit applicable à l'élection du Président de la République.

Le Gouvernement souhaite profiter de cette opportunité que lui offre la modification de la loi organique pour contribuer à une amélioration d'ensemble. Il convient ainsi d'actualiser les références au code électoral pour rendre applicables à l'élection présidentielle les textes votés récemment en matière électorale, notamment l'inscription d'office des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales.

La conversion en euros des montants fixés par la loi organique est aussi utile car, d'une part, l'élection présidentielle de 2002 se déroulera sous le régime de la monnaie unique européenne et, d'autre part, l'ordonnance récente du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs ne peut s'appliquer aux textes ayant valeur de loi organique.

Enfin, je conclurai sur la dernière mesure prévue par ce projet de loi organique : la modification du plafond de remboursement des dépenses électorales. Fixé en 1995 à 25 %, mais porté à 36 % par un dispositif transitoire valable pour la seule élection de 1995, le plafond des dépenses remboursables pour un candidat ayant obtenu plus de 5 % des suffrages est inférieur de moitié à celui de toutes les autres élections. Il convient donc, dans un souci d'harmonisation du droit mais aussi de réalisme, de supprimer cette minoration qui n'a aucune raison légitime de subsister et de porter ce taux à 50 % pour tous les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages. La prochaine élection présidentielle se déroulera en effet sous le régime de l'interdiction totale des dons des entreprises et, plus généralement, des personnes morales autres que les partis politiques.

Ce projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République est, vous le constatez, un projet technique, qui répond au souci de garantir la transparence et la régularité de l'élection. Ce texte confère au Conseil constitutionnel les moyens nécessaires à l'exercice de sa mission et doit permettre d'aborder la prochaine élection présidentielle dans les meilleures conditions.

Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les objectifs de ce projet de loi qui est maintenant soumis à votre discussion et à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Derosier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Bernard Derosier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le ministre, le texte relativement bref que vous nous proposez - cinq articles pourrait, aux yeux d'observateurs non avertis, présenter un caractère technique plus que politique. Pourtant, qui pourrait douter un seul instant que ce texte n'est pas important, dès lors qu'il traite de l'élection du premier personnage de l'Etat ? Il est important, en effet, parce qu'il modifie un m onument du droit constitutionnel : la loi du 6 novembre 1962 adoptée par référendum et relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. Ce texte avaient soulevé, il y a près de quarante ans, un débat de fond qui n'est pas clos : évoluons-nous, en France, vers un système présidentiel ou non ? Cette loi avait été fortement contestée, y compris par les juristes les plus éminents, parce qu'elle modifiait la Constitution de 1958 par une procédure que la Constitution elle-même ne permettait pas.

M. Jean-Luc Warsmann. C'est une interprétation !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Et déjà, à l'époque, le Sénat que présidait Gaston Monnerville, grand républicain, avait, d'une certaine façon, fait blocage. Fallait-il pour cela malmener le texte de la Constitution ? Certains, à l'époque, avaient parlé de « viol », et l'on connaît la réponse célèbre du général de Gaulle.

En 1962, les Français ont dit « oui ». Malgré les réserves exprimées alors, l'élection du Président de la République au suffrage universel direct n'a pas été, à ce jour, remise en question.

Ce projet de loi organique modifiant la loi de 1962 est également important parce qu'il permet à la majorité parlementaire de mettre en oeuvre son ambition, d'une part, d'une plus grande transparence des modalités de financement de la campagne électorale pour l'élection du Président de la République et, d'autre part, d'une application rigoureuse et cohérente des règles d'organisation de cette élection.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

L'illustration de cette double exigence, dans le projet de loi et dans les amendements des députés socialistes, est d'une incontestable pertinence.

Notre double exigence restera limitée à la seule question de l'élection du Président de la République, puisque tel est l'objet de ce projet de loi organique qui précise la situation des différents candidats, et pas seulement de celui qui est élu.

Pour autant, d'autres questions mériteraient un examen approfondi, mais elles ne relèvent pas de la discussion de ce projet de loi.

La question de l'irresponsabilité pénale du chef de l'Etat en particulier,...

M. Jean-Luc Warsmann. Il n'est pas « irresponsable » !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... qu'une décision récente et fort discutée du Conseil constitutionnel nous invite à comprendre comme une « immunité présidentielle absolue », appelle la modification de notre Constitution, pas moins. Ce n'est donc pas l'objet d'un projet de loi organique.

La prochaine campagne présidentielle permettra, je le pense, de donner les explications que nos concitoyens sont en droit d'attendre. Ils retrouveront également la prérogative de porter à la Présidence de la République celui ou celle qui aura su convaincre de l'intérêt de propositions nouvelles pour nos institutions républicaines et, en particulier, pour notre démocratie parlementaire qu'il convient de conforter.

La modification du calendrier électoral alimente aussi les chroniques. Là encore, nous sommes hors sujet sur la forme. Quant au fond, c'est une question trop importante pour qu'elle soit traitée au détour d'un amendement.

La réduction du mandat présidentiel à cinq ans, décidée dans les conditions que l'on sait, a été pour la majorité parlementaire et le Gouvernement la première décision qui participe à un nouvel équilibre des institutions de la Ve République.

Il n'est pas question pour nous aujourd'hui, par un bouleversement des dates,...

M. Jean-Luc Warsmann. Aujourd'hui !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... de confirmer la

« présidentialisation » du régime politique, hors des périodes de cohabitation, alors que le mandat du chef de l'Etat, ramené à cinq ans, contribuera à renforcer les pouvoirs du Parlement, à condition que d'autres modifications constitutionnelles interviennent.

Les dispositions de ce projet de loi organique sont, ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, proposées par le Gouvernement à la suite des observations que le Conseil constitutionnel a coutume de formuler après l'élection présidentielle ou dans la perspective du scrutin à venir.

En l'occurrence, il s'agit d'observations formulées en décembre 1995 et renouvelées en juin dernier.

Les principales dispositions du projet de loi sont les suivantes : Le « rattachement départemental » des conseillers régionaux et des membres de l'Assemblée de Corse pour l'application de la législation relative à la présentation d'un candidat à l'élection présidentielle ; Le report de la dissolution des associations de financement et de la cessation des fonctions des mandataires financiers ; L'interdiction des prêts et avances remboursables par des personnes physiques ; La prise en compte des frais d'expertise comptable liés à l'établissement des comptes de campagne ; La dévolution au Conseil constitutionnel d'un pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'application des sanctions financières en cas de dépassement des plafonds de dépenses électorales prévus par la loi ; La suppression formelle de la référence aux dons des personnes morales autres que ceux des partis et des groupements politiques - cette référence existe encore dans la l oi de 1962, alors que ces dons sont prohibés depuis 1995 ; La levée du secret professionnel des agents de l'administration des impôts à l'égard des rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel ; La conversion en euros des montants relatifs à la campagne électorale ; La modification du plafond de ces dépenses.

Pour mieux satisfaire aux objectifs de ce projet de loi, la commission des lois a, sur ma proposition, adopté un certain nombre d'amendements.

Partant du principe républicain défendu et adopté au moment du débat sur la limitation du cumul des mandats, j'ai proposé de maintenir à dix-huit ans l'âge d'éligibilité du Président de la République (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République) pour une plus grande cohérence avec la démarche engagée par l'Assemblée nationale. Tout Français, toute Française ayant la qualité d'électeur ou d'électrice pourra faire acte de candidature à toutes les élections et être éventuellement élu.

Donner aux jeunes, dès leur majorité, la plénitude de leurs droits politiques (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) ,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

La majorité à dixhuit ans, c'est nous qui l'avons instaurée !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... - on entend les adversaires de la jeunesse s'exclamer sur les bancs de la droite -, c'est une condition nécessaire pour que l'on puisse exiger qu'ils se comportent en citoyens à part entière, c'est rapprocher la fonction présidentielle des réalités de tous, et des jeunes en particulier.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Soyez sérieux !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Par amendement, je vous proposerai de modifier le projet de loi dans ce sens.

M. Jean-Luc Warsmann. M. le rapporteur a de l'humour !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Pour une application rigoureuse de la législation relative au financement des campagnes électorales, pour maintenir à celle-ci son caractère dissuasif tout autant que son caractère répressif, pour la transparence la plus absolue du financement de la vie politique, j'ai souhaité ne pas permettre au Conseil constitutionnel d'apprécier l'opportunité des sanctions prévues par la loi en cas de dépassement des plafonds de dépenses électorales et de toute autre irrégularité.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est ridicule !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Le ridicule ne tue pas ! M. Jean-Luc Warsmann. Heureusement !


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M. Bernard Derosier, rapporteur.

En effet, sinon il n'y aurait plus grand monde sur les bancs de la droite ! M. Jean-Luc Warsmann. Quel sectarisme !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Enfin, j'ai proposé de permettre à de nouvelles catégories d'élus de faire à leur tour acte de responsabilité politique en soutenant eux aussi la présentation d'un candidat à l'élection présidentielle.

Ces nouveaux élus seraient les maires délégués des communes associées, les maires d'arrondissement de Paris, de Lyon et de Marseille, les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes, ainsi que les ressortissants français membres du Parlement européen.

Par ailleurs, la commission a souhaité une disposition nouvelle tendant à permettre au Conseil constitutionnel de procéder au réexamen du compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle lorsque des faits nouveaux de nature à modifier sa première décision apparaissent à l'occasion d'une procédure judiciaire. Nous avons assorti cette possibilité d'un délai de trois ans pour la prise en compte des faits considérés.

Ainsi, les dispositions du projet de loi organique et celles des amendements adoptés par la commission et proposés à la discussion de l'Assemblée doivent permettre à la prochaine élection présidentielle de se dérouler dans des conditions à la fois rigoureuses et plus transparentes.

Les observations du Conseil constitutionnel seront donc prises en considération tant par le Gouvernement que par le Parlement.

La commission des lois et son rapporteur ont assurément la volonté de mieux satisfaire encore aux objectifs de transparence, de cohérence et de rigueur du projet de loi avec les propositions d'amendements soumis à l'examen de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Constitution a placé le Conseil constitutionnel au coeur du dispositif d'organisation et de contrôle de l'élection présidentielle.

Son article 58 prévoit en effet que « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République » et qu'il « examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ».

Ce travail s'effectue dans un contexte législatif de plus en plus complexe et dans le cadre d'une réglementation renforcée. Sans revenir sur les propos quelque peu partisans, voire sectaires qu'a tenus le rapporteur, je rappellerai simplement que, depuis la loi du 13 janvier 1988, toutes les majorités ont, les unes et les autres, tenté de mettre en place des dispositifs pour plus de transparence, et notamment des dispositifs de campagne électorale qui soient corrects.

En 2002, ce sera la septième fois que les Français seront appelés à élire leur Président de la République au suffrage universel. Le Conseil constitutionnel nous a fait connaître un certain nombre de ses observations, certaines juste après l'élection présidentielle de 1995 - elles ont ét é publiées au Journal officiel du 15 décembre 1995 - et d'autres, dans la perspective de la prochaine, au mois de juillet dernier.

De quoi s'agit-il ? Le projet de loi qui nous est soumis prévoit d'abord le rattachement départemental des membres des conseils régionaux et de l'Assemblée de Corse. Cette disposition est rendue nécessaire par le fait que, pour être candidat à la présidence de la République, il faut recueillir la signature de cinq cents élus dans au moins trente départements.

Cette disposition n'appelle pas de remarques. J'avoue par contre être plus sceptique sur le choix fait par le rapporteur de constituer un département fictif dans lequel on rassemblerait les députés européens. Voilà une mesure assez étrange, qui aurait de surcroît pour conséquence de faciliter le rassemblement des signatures pour les candidats soutenus par un parti bénéficiant de représentants à l'Assemblée européenne. D'autres dispositifs auraient pu être choisis.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Lesquels ? M. Jean-Luc Warsmann. Le projet de loi prévoit ensuite le report de la date de dissolution des associations de financement, ce qui n'appelle aucune objection.

Il interdit également les prêts et avances remboursables aux candidats dans la mesure où le Conseil ne pourra pas avoir connaissance de l'éventuel remboursement de ces prêts à la date où il rendra sa décision. Cette disposition n'appelle pas non plus de contestation.

Il est aussi prévu de prendre en compte les frais d'exp ertise comptable. C'est une disposition nécessaire, puisque la loi en vigueur définit les comptes de campagne comme l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, ce qui exclut de fait les dépenses d'expertise comptable.

Le projet de loi tend en outre à donner au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation.

Dans le cas où un candidat voit son compte de campagne refusé parce qu'il excède le plafond des dépenses autorisées, le Conseil constitutionnel a souhaité disposer d'un pouvoir d'appréciation concernant les sanctions. Ces sanctions sont prévues par l'article L. 52-15 du code électoral : si le candidat a dépassé le plafond, il doit reverser au Trésor public une somme égale au dépassement et il est privé du remboursement des dépenses par l'Etat.

De quoi s'agit-il concrètement ? Lorsqu'un candidat recueille moins de 5 % au premier tour, il est privé de près de 5 millions de francs. Lorsqu'un candidat peut se présenter au deuxième tour, il se voit privé d'un remboursement de 65 millions de francs. Le Conseil constitutionnel a mis en évidence l'énormité de la sanction imposée aux candidats.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il y a pire, tout de même ! M. Jean-Luc Warsmann. Dans les faits, que se passet-il ? Un candidat se présente à l'élection présidentielle. Des élus de tous les départements le soutiennent, organisent des réunions, parfois pour soutenir ce candidat, parfois pour se soutenir eux-mêmes. Au final, le candidat doit rassembler toutes les dépenses. Comme le Conseil constitutionnel l'a relevé, un candidat de parfaite bonne foi peut se voir réintégrer des dépenses dans son compte de


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campagne, et donc finir par dépasser le plafond. Le Conseil constitutionnel a, ce qui me semble légitime, demandé en la matière un pouvoir d'appréciation d'ailleurs conforme au droit français car toutes nos juridictions dispose d'un pouvoir d'appréciation, sauf peut-être celles qui sont susceptibles de retirer des points au permis de conduite.

Le Conseil constitutionnel a donc souhaité disposer d'un pouvoir d'appréciation. Ce souhait, dicté par la pratique, est aussi une critique implicite à l'adresse du législateur et, en conséquence, une occasion pour celui-ci de se remettre en question. Sur ce sujet, nous avons en effet voté une disposition qui est trop complexe et qui manque de souplesse.

Le rapporteur refuse ce pouvoir d'appréciation. Je pense que ce refus est une erreur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

C'est également la position de la commission ! M. Jean-Luc Warsmann. Le rapporteur et la majorité de la commission sont en effet contre ce pouvoir d'appréciation.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Vous n'étiez pas présent lorsque celle-ci s'est prononcée !

M. Jean-Luc Warsmann.

Le projet de loi autorise également la levée du secret professionnel des agents des administrations financières de manière à faciliter le travail du Conseil constitutionnel. Cette disposition ne pose pas de problème, non plus que celles, ponctuelles, qui suppriment la référence aux dons des personnes morales, modifient le plafond de remboursement ou opèrent la conversion en euros.

En revanche, un certain nombre de questions évoquées au cours de la discussion me laissent très dubitatif.

En premier lieu, je relèverai le développement plutôt étonnant de notre rapporteur sur la prétendue irresponsabilité du Président de la République. J'ai lu la Constitution et, d'après son texte, le Président de la République n'est absolument pas irresponsable !

M. Bernard Derosier, rapporteur. J'ai parlé de responsabilité pénale ! M. Jean-Luc Warsmann. La manière de mettre en cause la responsabilité du Président de la République a été organisée par un dispositif qui exige le vote des assemblées et la réunion de la Haute Cour de justice.

Toutes les démocraties ont organisé un dispositif pour que puisse être mise en cause la responsabilité de leur Président de la République.

Notre rapporteur souhaiterait-il que n'importe quel Français, déposant une plainte avec constitution de partie civile, puisse aller devant n'importe lequel des six cent cinquante juges d'instruction pour obtenir la convocation du Président de la République ? C'est une conception qui peut se défendre, mais qui n'est partagée par aucune des démocraties actuelles.

En deuxième lieu, je remarquerai que l'examen du projet de loi a été l'occasion du dépôt de plusieurs amendements qui, je le dis comme je le pense, font parfois sourire ou semblent incongrus. En tout état de cause, ils ne participent nullement à la revalorisation du rôle du Parlement, qui est pourtant appelée des voeux de nos collègues sur tous les bancs de cet hémicycle.

Que penser de l'amendement instituant l'éligibilité à la Présidence de la République dès l'âge de dix-huit ans ? Je ne peux m'empêcher de sourire.

J'ai lu dans le rapport de la commission que notre rapporteur, pour défendre cette idée tendant à moderniser la démocratie française, était allé chercher Napoléon Bonaparte et Jeanne d'Arc. J'avoue que nous, dans l'opposition, avons d'autres perspectives pour moderniser la démocratie que celles qui se réduisent à évoquer Napoléon Bonaparte et Jeanne d'Arc.

Un député de la majorité a fait observer que, dans cette affaire, on faisait travailler la commission des lois plus pour les chansonniers que pour les juristes. Je souscris entièrement à ce jugement. J'espère que l'Assemblée, d ans sa sagesse, opérera le redressement nécessaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Derosier, rapporteur. M. Warsmann se démasque : c'est un adversaire de la jeunesse !

M. Jean-Luc Warsmann.

Quant à la procédure de réexamen des comptes de campagne, on nous a soumis un amendement qui pose quelques problèmes puisque nous avons été invités à le rectifier en commission dans le cadre de l'article 88 du règlement. Selon cet amendement, le Conseil constitutionnel pourrait, trois ans après avoir accepté un compte de campagne, revenir sur sa décision.

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est moral ! M. Jean-Luc Warsmann. Il s'agit d'une proposition qui est contraire à tous les principes du droit !

M. Bernard Roman, président de la commission. Le droit, nous sommes là pour le faire ! M. Jean-Luc Warsmann. S'il existe un principe en France, c'est bien celui qui veut que, lorsqu'on est jugé par une juridiction, on ne peut pas être rappelé à nouveau devant cette juridiction pour la même affaire et pour les mêmes faits.

M. Bernard Roman, président de la commission. Nous avons pourtant introduit l'appel en assises ! M. Jean-Luc Warsmann. L'amendement est également contraire à la position constante du Conseil constitutionnel, qui décide de manière définitive.

Si l'amendement était adopté, à quoi aboutirait-on ? Tout simplement à fragiliser le mandat du Président de la République. Mais au fait, mes chers collègues, pourquoi prévoyez-vous une telle disposition uniquement pour le Président de la République ? Pourquoi ne la voteriez-vous pas pour les députés ou les maires ?

M. Bernard Roman, président de la commission. C'est une bonne idée ! M. Jean-Luc Warsmann. Fragilisons donc l'ensemble de la démocratie ! Rendons donc contestables l'ensemble des décisions d'une juridiction ! Je ne vois pas très bien où l'on veut aller ! J'ajoute qu'à mon sens la disposition est contraire à la définition des décisions du Conseil constitutionnel donnée par l'article 62 de la Constitution. Elle est aussi contraire à tous les principes qu'ont repris nos constitutions.

L'un de nos collègues a eu le mot juste - j'allais dire : l'aveu - puisqu'il a reconnu que l'amendement était déposé « dans un contexte politique particulier ». Discuter d'amendements liés à un « contexte politique particulier » ne grandit pas le Parlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Enfin, dans le cadre de l'article 88 du règlement, un amendement visant à déplacer la date des élections a été examiné. Il me laisse très dubitatif, d'abord parce que ses auteurs ne sont pas venus le défendre et, ensuite, parce qu'il aboutirait à prolonger le mandat des députés - mais, comme le président de la commission nous l'a précisé luimême tout à l'heure, ne devrait pas s'appliquer à la présente législature. Je n'ai pas très bien compris pourquoi on voudrait prolonger jusqu'au mois de juin le mandat des députés qui seront élus en 2002.

Mis à part ces quelques amendements étranges, ces q uelques amendements gadgets ou stupéfiants, je reconnais que, si le texte reste tel qu'il nous a été présenté, il marquera un certain nombre d'avancées en vue d'assurer une meilleure organisation, une meilleure transparence de l'élection du Président de la République. En conséquence, s'il n'est pas modifié, le groupe RPR le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'apporter des modifications techniques au déroulement des élections présidentielles en donnant force de loi aux observations formulées par le Conseil constitutionnel en 1995 et au mois de juin dernier.

Il n'appelle pas de remarque particulière de notre part.

Nous sommes en effet très attachés à tout ce qui témoigne de la volonté du législateur d'instaurer la transparence la plus absolue pour le financement de la vie politique. Aussi ne reviendrai-je pas sur les différents aspects du texte.

On peut cependant s'interroger sur quelques-uns des problèmes évoqués.

L'amendement de la commission qui vise à élargir la liste des catégories d'élus habilités à présenter un candida t à l'élection présidentielle n'est pas en soi choquant. Il est même normal compte tenu de la responsabilité de ces élus, et donc de leur qualité. Toutefois, ne risque-t-on pas, en ouvrant le champ des parrainages, de faciliter plus encore des candidatures fantaisistes, publicitaires ou de convenances personnelles ? Je pose la question.

Nous devons veiller - et je pense encore à certain amendement de la commission - à éviter d'étendre les pouvoirs du Conseil constitutionnel sur ce sujet.

Vous connaissez notre position : il n'est pas bon pour la démocratie que les élus de la nation soient placés sous la tutelle permanente de personnes ou d'organismes irresponsables qui n'ont de comptes à rendre à personne puisque leur légitimité ne procède pas du suffrage universel.

Monsieur le ministre, je voudrais, à propos du projet de loi, rappeler deux points qui nous tiennent à coeur.

Après l'adoption du quinquennat par une minorité du corps électoral, la situation institutionnelle reste, et d'une manière récurrente, déséquilibrée.

M. le Premier ministre a indiqué, au soir du référendum, qu'il souhaitait engager une vaste réforme des institutions. C'est aussi le souhait que nous formulons depuis des années, et c'est également l'attente des Français, qui se prononcent en majorité pour un renforcement des pouvoirs du Parlement.

Or, pour redonner sa souveraineté législative au Parlement, il n'est pas obligatoire de réformer la Constitution.

On peut le faire par des lois ordinaires ou des lois organiques relatives au mode d'élection des députés, en menant parallèlement une réflexion sur les diverses modalités de la mise en place de la proportionnelle, sur le statut de l'élu, sur la réduction de la durée des mandats, notamment de celui des sénateurs, sur l'initiative accrue du Parlement sur le plan législatif,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres. M. Brunhes a raison !

M. Jacques Brunhes.

... sur son rôle d'initiateur de grands débats politiques publics, sur son rôle de contrôle en matière européenne, comme pour ce qui concerne les droits de l'opposition, la décentralisation ou les droits nouveaux des salariés dans l'entreprise.

Bref, monsieur le ministre, après ce qu'a indiqué M. le Premier ministre au lendemain du résultat du référendum sur le quinquennat, nous sommes prêts, comme nous l'avions dit précédemment, à ouvrir immédiatement le chantier des réformes indispensables. Et, s'agissant du rééquilibrage de nos institutions, nous pensons qu'il y a urgence.

Je voudrais maintenant évoquer le problème de la quasi-concomitance, au printemps 2002, des élections législatives et de l'élection présidentielle. Sur ce sujet, quifait couler beaucoup d'encre, notre position est claire : nous sommes hostiles à l'inversion de l'ordre des deux élections tel qu'il ressort de la législation en vigueur.

Pour l'opinion publique et l'ensemble du corps électoral, toute modification qui ferait passer l'élection présidentielle avant les élections législatives apparaîtrait inévitablement comme un jeu politicien, comme une manoeuvre électorale lourde d'arrière-pensées.

Mais notre crainte est aussi plus fondamentale : ainsi que nous l'avions déjà dit sur ces bancs avant l'été, lors du débat sur le quinquennat, l'inversion des échéances électorales a vocation à subordonner l'élection des députés à celle du Président de la République, avec le risque de renforcer le déséquilibre exorbitant des pouvoirs en faveur de ce dernier. Cette inversion conduirait, qu'on le veuille ou non, à une présidentialisation accrue du régime, que nous ne souhaitons pas, à une bipolarisation qui verrait, face à deux grosses « écuries présidentielles », l'affaiblissement des autres candidats et, avec lui, pour les législatives également, celui du pluralisme et de la diversité de pensée, qui sont l'une des caractéristiques et l'une des richesses de notre pays.

Nous sommes donc très attachés, monsieur le ministre de l'intérieur, à ce que soit respecté le calendrier électoral, et nous vous le redisons avec insistance.

Telles sont les quelques réflexions du groupe communiste sur ce texte ou à partir de lui, texte que, naturellement, nous voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi organique qui modifie la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

La réforme de 1962 initiée par le général de Gaulle a représenté une étape fondamentale dans la démocratisation de nos institutions. Elle a conforté la place prépon-


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dérante de la Présidence de la République sans remettre en cause le caractère parlementaire de notre Constitution.

Elle a renforcé la capacité d'expression et de choix des citoyens en leur conférant le droit de désigner directement le chef de l'Etat.

Un lien particulier s'est créé entre le Président de la République et le peuple. Ce lien, unique au sein de nos institutions, il faut savoir le préserver. La responsabilité principale du Président de la République s'exerce devant le peuple. C'est lui qui choisit, et c'est lui et lui seul qui aura la responsabilité politique suprême de désigner le Président de la République.

Depuis cette réforme essentielle, le paysage politique de la France, à l'instar de toutes les autres grandes démocraties d'ailleurs, a profondément évolué. L'impact croissant des médias de masse n'a pas été sans marquer les modes de communication politique et les campagnes des candidats aux élections, notamment présidentielles.

Dans le même temps, a émergé un besoin de transparence et d'encadrement du financement des campagnes électorales. Cela correspond à une attente forte et légitime des citoyens, à laquelle notre cadre normatif s'est efforcé de répondre. Le projet de loi organique qui nous est aujourd'hui soumis est censé s'inscrire dans ce mouvement. D'essence technique, ce texte comporte une dimension politique très forte. Mais, d'essence technique, ce texte doit le demeurer, sous peine de perdre sa force même et son sens politique, au sens noble du terme, en sombrant dans des manoeuvres de tactique politicienne.

L'objet de ce projet organique est de prendre en compte les observations formulées par le Conseil constitutionnel, chargé de veiller à la régularité de l'élection du Président de la République. Sa légitimité consiste, par conséquent, à s'efforcer de répondre à ces observations, après les avoir soumises à un débat éclairé et au vote de la représentation nationale.

Malheureusement, le texte élaboré par le Gouvernement a été sensiblement modifié en commission des lois et par voie d'amendements, au point que sa portée et sa signification ont été dénaturées. L'équilibre même de l'élection fondamentale de nos institutions risque d'être bouleversé.

Je n'aborderai pas l'abaissement de l'âge d'éligibilité de vingt-trois à dix-huit ans, qui relève d'une volonté d'affichage, sans portée concrète immédiate, et d'un effet de mode confinant au ridicule. Je le dis d'autant plus volontiers que le Président de la République qui a pris la décision de soumettre au Parlement l'abaissement de la majorité à dix-huit ans était un ancien membre de l'UDF. Je veux parler de Valéry Giscard d'Estaing. Cette disposition ne nous choque donc pas. Simplement, elle ne nous semble ni urgente ni prioritaire. Non, ce qui nous choque, c'est le traitement que la commission des lois a i nfligé à ce texte : tout d'abord, en refusant de reconnaître au juge de l'élection un pouvoir d'appréciation ; ensuite, en introduisant une procédure de réexamen des comptes de campagne par le Conseil constitutionnel.

Il paraît juridiquement déraisonnable et infondé de refuser au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les conséquences à tirer d'un dépassement des plafonds de dépenses en cas d'irrégularités non intentionnelles ou de portée très réduite.

Cette prérogative légitime du Conseil constitutionnel s'inscrit dans le cadre d'une application intelligente des règles électorales par la jurisprudence.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le rôle du juge ne saurait en aucun domaine être limité à une application strictement mécanique de règles normatives indépendamment de toute appréciation des circonstances de l'espèce, sinon ce serait très méprisant pour les membres du Conseil constitutionnel auxquels serait déniée la capacité de juger en toute sérénité. C'est là que réside toute la difficulté, mais aussi toute la dignité de la fonction de juge. Au nom de quels principes juridiques notre droit accorderait-il toute la plénitude de leur rôle et de leur responsabilité aux juges ordinaires, tant en matière civile qu'en matière criminelle, tout en continuant de la refuser aux juges de l'élection ? Le Conseil constitutionnel a fait ainsi valoir que des irrégularités non intentionnelles ou de portée très réduite ne sauraient justifier les graves conséquences pécuniaires qu'elles emportent en termes de non-remboursement des frais de campagne et de reversement au Trésor public.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le projet de loi initial a prévu de lui accorder la faculté d'apprécier la nature et la portée d'éventuelles méconnaissances de la législation applicable afin d'éviter qu'elles entraînent des effets disproportionnés. Il ne s'agit pas là de permettre une application laxiste du droit ; il s'agit d'en garantir une application intelligente.

Par ailleurs, la commission des lois a ajouté une disposition accordant au Conseil constitutionnel la possibilité de procéder au réexamen du compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle lorsque des faits nouveaux de nature à modifier sa première décision apparaissent à l'occasion d'une procédure judiciaire.

Dans la période que traverse notre démocratie, on ne saurait, sans réfléchir à deux fois, prendre le risque de fragiliser nos institutions.

M. François Léotard.

Très juste !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Légiférer au gré des circonstances ne peut qu'ébranler le processus de désignation de la clef de voûte de nos institutions. Laisser libre cours à la seule polémique politicienne ne peut qu'alimenter la crise de la démocratie et affaiblir ses fondements mêmes.

Le dispositif proposé risque d'accroître la judiciarisation de la vie politique française et de saper la légitimité des élus de la nation au profit d'organes juridictionnels non légitimés par le suffrage universel. Par là, c'est le principe même de sécurité juridique qui est nié. Par là, c'est le sens et le devenir même de la démocratie qui sont affectés.

Car c'est pour le moins une curieuse manière de servir la démocratie que d'adopter un dispositif susceptible d'ébranler, à tout moment, la légitimité du Président de la République élu. Cela va à l'encontre du principe constitutionnel de l'immunité juridictionnelle du Président, qui ne saurait être levée qu'au terme de ses fonctions, au risque sinon de l'affaiblir tant vis-à-vis de ses concitoyens que de ses partenaires étrangers. Je ne parle pas, bien sûr, des manquements graves aux devoirs de la charge qui sont traités dans d'autres articles de notre Constitution.

D'autant que le dispositif proposé, qui sera obligatoirement soumis au contrôle du Conseil constitutionnel dans la mesure où il relève du domaine de la loi organique, ne pourrait se limiter à la seule élection présidentielle. Il encourrait sinon une censure pour atteinte disproportionnée au principe fondamental d'égalité.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !


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M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Autrement dit, la faculté de réexamen des comptes de campagne serait inévitablement étendue à toutes les élections, avec le risque de fragiliser l'ensemble des mandats électoraux.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Vous pensez que tout le monde truande ? Drôle de conception des candidats !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ainsi, le projet tel qu'il a été amendé par la commission des lois témoigne à la fois d'une profonde méconnaissance du rôle et de la fonction du juge de l'élection et d'un réel mépris pour la démocratie et le suffrage universel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est le contraire !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mes chers collègues, ne piétinons pas les institutions de la République au gré des règlements de compte, des combats préélectoraux et des volontés plus ou moins légitimes d'exister politiquement en faisant des coups. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Les Français, médusés, sont choqués, heurtés. Leur abstention récente lors du référendum est un avertissement clair. Ecoutons-le ! Ayons le courage, même si, aujourd'hui, c'est difficile, de défendre les principes qui fondent notre République et notre démocratie. Le juge de l'action du Président de la République, le juge de son comportement politique, dans une démocratie, c'est le peuple. Ayons le courage de reconnaître cette suprématie et de lui accorder un certain nombre de garanties. Donnons sans hypocrisie une autre image du débat politique. Quand je dis « sans hypocrisie », je fais référence à la séance des questions d'actualité qui s'est tenue tout à l'heure. Comment peut-on commencer par attaquer pour ensuite dire que les affaires doivent être à l'abri du débat électoral. C'est trop facile ! La démocratie ne sort pas grandie de ces attaques de bas étage.

M. Arnaud Montebourg.

C'est excessif.

M. François Cuillandre.

Excessif et hors sujet.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Et puis, mes chers collègues, nous n'avons pas à attendre 2002 pour que la pratique politique soit rénovée. Prenons le rôle du Parlement. Qu'attend le Gouvernement pour qu'il y ait un vrai débat, ici, dans cet hémicycle, sur les accords de Matignon ?

M. François Léotard.

Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Qu'attend le Gouvernement pour faire précéder d'un débat d'orientation la publication d'un décret sur l'UNEDIC ? Point n'est besoin de réviser la Constitution ou d'attendre 2002.

M. Robert Lamy.

Non !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est la pratique politique qui est en cause.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Tout à fait !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Aujourd'hui le débat démocratique est menacé dans notre pays. Nos concitoyens se détournent de la vie politique. Il nous appartient de faire en sorte de les y intéresser à nouveau.

L'ordre des élections ne doit pas être un enjeu de basse polémique. C'est une question fondamentale qui mérite un débat serein. Or, force est de constater que les conditions de cette sérénité n'existent pas aujourd'hui.

Dans ces conditions, il est sain que le prochain rendezvous avec les Français soit les municipales. L'élection des maires et conseillers municipaux, qui ont pour devoir de se consacrer à la vie quotidienne, est un rendez-vous de réconciliation avec la politique. C'est une occasion particulièrement heureuse dans la conjoncture actuelle.

Le groupe UDF s'opposera aux initiatives anarchiques, prématurées et confuses qui dénaturent le débat d'aujourd'hui. Nous regrettons les amendements déposés à des fins de publicité personnelle, contraires à la recherche de la sérénité nécessaire au bon fonctionnement de nos institutions. (Applaudissement sur les bancs de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Cuillandre.

M. François Cuillandre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'élection présidentielle est l'événement majeur de la vie politique de notre pays.

Elle doit, par conséquent, se dérouler dans un climat de régularité juridique incontestable. C'est le Conseil constitutionnel qui, en premier lieu, est chargé d'assurer le bon déroulement du processus aboutissant à l'élection du Président. Aux termes de l'article 58 de la Constitution, il

« veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». Ce cadre général d'intervention a été précisé à plusieurs reprises avec un souci du détail et une volonté de ne laisser dans l'ombre ou dans l'incertitude aucune situation pouvant entacher l'élection à la magistrature suprême.

Les principes généraux de l'élection présidentielle sont déterminés par les articles 6 et 7 de la Constitution. Ils renvoient pour leur application à une loi organique, ellemême complétée par un décret. Le projet de loi organique qu'il nous est proposé d'examiner et de voter se situe dans le droit fil des modifications successives de la loi organique destinées à clarifier les modalités d'organisation de l'élection présidentielle. Il reprend, pour l'essentielle, les observations faites en décembre 1995 et en juin 2000 par le Conseil constitutionnel qui a pris l'habitude de faire part de ses remarques sur le déroulement de chaque élection présidentielle.

Le texte que notre commission des lois a souhaité améliorer contient des dispositions techniques qui ne bouleversent pas le déroulement du processus électoral, mais qui éclairent ou précisent certains aspects de celui-ci. On peut les classer dans deux grandes catégories : les unes relèvent de la mission traditionnelle du Conseil constitutionnel, à savoir son intervention durant le déroulement de l'élection, les autres de sa mission nouvelle, à savoir le contrôle des comptes de campagne des candidats.

A la différence d'autres scrutins, la liberté de candidature n'existe pas pour l'élection présidentielle. Les candidats doivent être parrainés par des élus rattachés à un d épartement. Le texte du Gouvernement prend en compte les modifications du mode de scrutin pour les conseils régionaux et les élus de l'Assemblée de Corse. Le groupe socialiste a souhaité ajouter à la liste des parrains potentiels les députés européens, les maires des arrondissements pour Paris, Lyon et Marseille, enfin, anticipant sur leur nécessaire élection au suffrage universel direct, les présidents des structures intercommunales.

Nous avons également souhaité abaisser de vingt-trois à d ix-huit ans l'âge d'éligibilité du Président de la République, quitte à faire sourire M. Warsmann, ce qui n'est déjà pas si mal !


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M. Jean-Luc Warsmann.

Cela m'arrive souvent !

M. François Cuillandre.

En ce qui concerne les règles de financement de la campagne électorale, le projet apporte des améliorations au dispositif en place.

La première concerne la durée de vie des associations de financement électoral, dont la dissolution interviendra désormais un mois après la publication des décisions du Conseil constitutionnel. Dans la législation actuelle, le délai est trop bref. Soit le Conseil constitutionnel est contraint d'accélérer son contrôle dans des conditions qui peuvent en compromettre le sérieux, soit la dissolution de l'association intervient à un moment où la haute juridiction peut encore modifier le solde des comptes.

La deuxième amélioration consiste à interdire les prêts et avances remboursables par les personnes physiques dans la mesure où il est difficile de s'assurer qu'il ne s'agit pas, en fait, de dons déguisés. C'est le problème qu'a eu à trancher le Conseil constitutionnel en 1995, sa décision ayant alors abouti au rejet du compte de campagne d'un candidat à l'élection. La suppression de la référence aux dons des personnes morales et la modification du plafond du remboursement de l'Etat ne font que tenir compte de la législation relative aux autres scrutins.

Reste la délicate question du pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel lorsqu'il peut être amené à rejeter un compte ou à constater le dépassement du plafond autorisé des dépenses. Soyons clairs : il paraît bien difficile d'imaginer que le Conseil constitutionnel puisse annuler une élection présidentielle...

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce n'est pas possible !

M. François Cuillandre.

Ecoutez-moi jusqu'au bout, monsieur Warsmann ! ... pourtant financée de manière irrégulière, comme il peut le faire pour l'élection d'un député.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il ne peut pas le faire pour cause de dépassement de plafond !

M. François Cuillandre.

Cette compétence nécessiterait - je parle au conditionnel, monsieur Warsmann soit l'examen des comptes avant la proclamation des résultats, ce qui est matériellement impossible, soit un report de la proclamation tant que les comptes n'ont pas été validés, ce qui est politiquement ingérable.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est n'importe quoi ! Relisez la loi !

M. François Cuillandre.

La loi est faite pour être éventuellement modifiée, sinon nous ne servirions pas à grand chose ! Les seules sanctions possibles pour le non-respect des règles de financement sont précisément les sanctions financières existantes. Les demandes d'assouplissement d'un système, aussi rigide qu'il paraît, ne peuvent aller trop loin sous peine de vider le dispositif de son sens.

Dans le même esprit, notre groupe soutiendra un sousamendement présenté par notre collègue Montebourg qui prévoit un délai de prescription de trois ans à compter de la décision du Conseil constitutionnel pour réexaminer le compte de campagne d'un candidat lorsque des faits nouveaux apparaissent. Là aussi, par définition, les sanctions ne peuvent être que financières.

Je terminerai par trois remarques.

Premièrement, le texte proposé ne règle pas tous les problèmes inhérents à la complexité du déroulement de l'élection présidentielle. Je pense, par exemple, à l'articulation des compétences entre le Conseil constitutionnel et la commission nationale de contrôle, articulation qui apparaît peu claire.

Deuxièmement, il serait souhaitable que soient élargis aux autres scrutins certains dispositifs que nous allons adopter aujourd'hui, notamment l'intégration dans les dépenses de campagne des frais d'expertise comptable.

Tous les candidats aux cantonales ou aux municipales de mars 2001 seront sûrement d'accord avec moi.

Troisièmement, enfin, le groupe socialiste n'a pas voulu que soit posée aujourd'hui une question qui n'a pas sa place dans ce texte : je veux parler du calendrier électoral de 2002. La question mérite peut-être d'être posée, même si la proximité toujours plus grande des échéances la rend plus délicate, mais elle ne saurait l'être à la sauvette ou en catimini.

En conclusion, monsieur le ministre, les députés socialistes voteront un texte qu'ils auront contribué à améliorer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Monsieur le ministre, vous avez présenté ce projet de loi organique en respectant le périmètre conforme à son inspiration, celui d'un texte technique qui, comme le précise l'exposé des motifs, tire les conséquences des observations formulées par le Conseil constitutionnel à l'issue de la dernière élection du Président de la République. Mais il n'a pas fallu plus que ce projet technique pour qu'un certain nombre de députés, notamment de gauche, en profitent pour parler de tout autre chose, d'où deux sortes d'amendements : les uns politiques, les autres politiciens.

Mais restons-en pour le moment au texte lui-même.

Ce projet de loi organique ne donnait lieu, à mes yeux, à aucune discussion possible, sauf sur un point, un seul, que vous n'avez évidemment pas loupé, monsieur le rapporteur : la demande du Conseil constitutionnel d'obtenir une marge d'appréciation en ce qui concerne les sanctions applicables en cas de dépassement du plafond légal des dépenses électorales.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est le bon sens !

M. Pascal Clément.

Pardonnez-moi de jouer les anciens combattants, mais je suis amusé de voir que c'est aujourd'hui le Parti socialiste qui demande à réduire la marge d'appréciation du juge, en l'espèce du juge constitutionnel. Je ne vois pas grand monde ici qui était présent en 1980, quand la loi « Sécurité et liberté » de M. Alain Peyrefitte avait été déposée sur le bureau de notre assemblée.

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est de la préhistoire !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Et ne réveillez pas les mauvais souvenirs !

M. Pascal Clément.

Sachez donc qu'à l'époque, les socialistes et la gauche en général, mais aussi certains autres membres de cette honorable assemblée, dont votre serviteur, s'étaient sévèrement opposés à la loi « Sécurité et liberté » sur un point qu'ils jugeaient fondamental. A telle enseigne que j'avais, que nous avions décidé de nous rapprocher.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Vous sentiez déjà le vent tourner !

M. Pascal Clément.

Nous étions tous d'accord pour dire qu'on ne pouvait en aucun cas réduire la marge d'appréciation du juge. Ce que nous reprochions à cette


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loi, c'était d'obliger le juge à appliquer mécaniquement des peines qui, par-dessus le marché, étaient plus sévères, et de lui interdire toute appréciation du caractère particulier soit de la situation de l'accusé, soit des circonstances. C'est la raison de fond pour laquelle la gauche s'opposait au projet de loi « Sécurité et liberté ».

Et je pense encore qu'elle avait raison.

M. Arnaud Montebourg.

Il s'agissait alors de juger des personnes ! C'était du droit pénal, alors que nous parlons aujourd'hui de comptes de campagne !

M. Pascal Clément.

Or que constate-t-on aujourd'hui ? Qu'à l'issue d'élections certes de moindre importance, mais qui nous concernent peut-être plus directement et en tout cas plus fréquemment, le juge administratif, m ême pour un dépassement relativement modeste, déclare le candidat inéligible. Et je me souviens de nos conversations au sein de la commission des lois lorsque, tous partis confondus, nous nous inquiétions de cet aspect mécaniste de la décision.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Pascal Clément.

Quant aux juges eux-mêmes, du tribunal administratif en premier ressort ou du Conseil d'Etat, lorsque nous les interrogions à ce sujet, ils nous répondaient en écartant les bras : « Que voulez-vous, nous appliquons la loi que le Parlement nous a donnée ! » Nous sommes tous conscients de cela, et pourtant, si l'on vous suivait, mes chers collègues, on retomberait dans les mêmes errements ! Comment est-ce possible ? Comment peut-on ne pas avoir la moindre mémoire non seulement du passé, mais même du présent ? Comment ne pas voir que plus on enferme le juge, plus la justice s'éloigne de l'équité ? A chaque fois, on se demande comment on a pu voter des choses pareilles ! Et de surcroît, en l'espèce, cette restriction concerne la plus haute juridiction française, dont les membres sont une fois de plus l'objet d'une mise en cause, sinon d'une mise en doute. Je sais bien que cela n'impressionne pas certains qui, comme on a pu le voir lors des questions au Gouvernement, attaquent froidement le Conseil constitutionnel. Je rappelle que cela ne s'était jamais fait jusqu'à une date assez récente. Il a fallu attendre cette année, monsieur le ministre, pour voir attaquer dans cette assemblée une décision du Conseil constitutionnel.

M. Arnaud Montebourg.

C'est peut-être qu'il est devenu critiquable !

M. Pascal Clément.

Il a fallu voir arriver cette nouvelle génération, à laquelle vous appartenez, monsieur Montebourg, pour que l'on trouve normal de ne plus rien respecter. C'est sans doute cela que l'on appelle « faire avancer la démocratie ». Pour ce qui me concerne, monsieur le ministre, je souhaite profondément que l'on maintienne la tradition juridique constante qui veut qu'on laisse une marge d'appréciation au juge.

J'en viens aux amendements, et d'abord à l'amendement politique, ce « cavalier » qui tend à intervertir dès à présent les dates des élections législatives et présidentielle.

Je suis de ceux qui ont regardé avec beaucoup de tristesse le passage du septennat au quinquennat. Mais quand j'entendais dire par tous que les Français réclamaient à cor et à cris cette « modernisation » de nos institutions, je me disais en moi-même que j'avais sûrement tort et qu'ils allaient voter cette réforme de façon écrasante et massive.

Le pourcentage de oui a certes été écrasant, mais les électeurs ont été pour le moins peu nombreux.

Cela veut dire au fond, mes chers collègues, que le peuple français fait confiance à ses représentants et que, dans cette affaire comme dans bien d'autres, nous nous montrons indignes de cette confiance.

Cela veut dire aussi qu'avant de tout chambouler, il faut réfléchir un peu à ce que l'on fait. L'interversion qui nous est proposée est incontestablement conforme à l'esprit de la Ve République. Car il est clair que, si l'on maintient l'ordre prévu, les législatives vont commander l'élection présidentielle. Mais je constate comme vous tous, en lisant les sondages, que les Français, traumatisés sans doute par la dissolution encore récente...

Mme Nicole Feidt.

A qui la faute ?

M. Pascal Clément.

... ne veulent plus qu'on touche aux dates des élections. Si encore nous étions tous attachés aux institutions de la Ve République, la question ne se poserait pas, et nous intervertirions les dates. Mais il se trouve peu de gens, finalement, pour faire grand cas de l'esprit des institutions tel que l'avait voulu le général de Gaulle. Il estimait que le chef de l'Etat doit être l'homme de la nation et qu'il existe entre elle et lui un lien particulier. Mais on a abandonné, et à travers la durée du mandat présidentiel, et à travers l'ordre des élections, la primauté du chef de l'Etat. De plus, la classe politique elle-même est divisée. Il ne paraît donc pas urgent d'inverser l'ordre des élections dans un texte qui n'a rien à voir avec cette question. Il est urgent, en revanche, de faire l'unanimité des esprits avant de proposer ce type de mesure. Manifestement, nous ne l'avons pas encore faite.

Quant à l'amendement politicien - M. Montebourg aura reconnu le sien - ...

M. Arnaud Montebourg.

Pas du tout, monsieur Clément !

M. Pascal Clément.

... il ne m'impressionne pas sur le plan juridique, ou bien, s'il m'impressionne, c'est dans le mauvais sens. Comment peut-on oublier un principe de droit que nous avons appris quand nous étions tout jeunes :...

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Il y a longtemps !

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas tant que ça !

M. Pascal Clément.

... l'autorité de la chose jugée ? Remettre en question ce principe me paraît au moins surprenant, sauf à vouloir faire de la politique au sens le plus navrant du terme. Il serait grave en effet de considérer que, sous prétexte de transparence au quotidien, tout doit être remis en cause tout le temps.

Je pense que l'élection vaut pour la durée du mandat.

C'est à son terme que l'électeur sanctionne. Toute sanction en cours de mandat non seulement serait source d'instabilité institutionnelle, mais mettrait en cause la durée nécessaire à l'exécution de toute politique quelle qu'elle soit.

De plus, il y a le respect des hommes. Je vous le disais à l'instant, il a fallu attendre ces jours derniers pour voir mettre en cause le Conseil constitutionnel. Puis-je vous rappeler qu'on n'avait jamais vu, sous l'ancien Président de la République, les députés mettre en cause, comme on le voit aujourd'hui, le chef de l'Etat ?

M. Arnaud Montebourg.

Vous avez la mémoire courte !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Jacques Toubon avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. Pascal Clément.

J'allais vous le rappeler, monsieur Derosier !

M. Bruno Le Roux.

Ainsi que M. d'Aubert !

M. Pascal Clément.

M. Toubon, M. d'Aubert et aussi

M. Madelin.

Ce n'était d'ailleurs pas un simple rappel à l'ordre, monsieur Derosier. Je vous le précise car cela permet d'apprécier cette évolution que vous croyez favorable et que je crois, moi, défavorable pour la démocratie. A l'époque, ces trois députés avaient fait observer que M. Mitterrand, dans l'immédiat après-guerre, avait été recruté par M. Schueller, chef d'entreprise, pour un journal qui s'appelait Votre beauté.

M. Jean-Louis Bianco.

C'est faux, monsieur Clément ! Vous mentez !

M. Pascal Clément.

C'est la vérité !

M. Jean-Louis Bianco.

Ecoutez le témoignage de M. Dalle dans le film diffusé hier soir sur François Mitterrand !

M. Pascal Clément.

Justement, c'est ce que M. Dalle a déclaré !

M. Jean-Louis Bianco.

Non, il l'a infirmé !

M. le président.

M. Clément a seul la parole et je vais d'ailleurs lui demander de conclure.

M. Pascal Clément.

Monsieur Bianco, M. Dalle, hier soir, a confirmé...

M. Jean-Louis Bianco.

Non !

M. Pascal Clément.

... que M. Mitterrand avait été recruté par le journal Votre beauté qui appartenait au groupe de M. Schueller.

M. Jean-Louis Bianco.

M. Dalle a dit le contraire de ce que vous affirmez ! Regardez la cassette ! (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Roman, président de la commission.

Vous n'avez pas regardé la même chaîne ! (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg.

Ce n'était pas la même cassette !

M. Pascal Clément.

La cassette, je sais que vous êtes des spécialistes, moi pas !

M. Arnaud Montebourg.

Revoyez-la !

M. Jean-Luc Warsmann.

Appelez Dominique !

M. le président.

Ce n'est pas l'objet du débat ! Je vous demande d'être calmes, mes chers collègues, et j'invite

M. Clément à conclure.

M. Pascal Clément.

Tout cela pour dire qu'à l'époque, et regardez comme M. Bianco défend l'ancien Président de la République,...

M. René Dosière.

Provocateur !

M. Pascal Clément.

... l'indemnité de ces trois députés avait été suspendue pour plusieurs mois.

Aujourd'hui, nous sommes dans un système où tout est dit...

M. Arnaud Montebourg.

Il était temps !

M. Pascal Clément.

... et où l'on croit ainsi faire progresser la transparence et la démocratie.

M. Arnaud Montebourg.

Et la vérité !

M. Pascal Clément.

Eh bien, autant je pense qu'il est nécessaire de vivre dans un monde totalement transparent...

M. Jacques Brunhes.

Enfin !

M. Pascal Clément.

... autant je pense qu'il faut respecter les institutions et les hommes qui exercent des responsabilités, quelles qu'elles soient. Vouloir mettre en péril nos institutions, compromettre les hommes qui les occupent, ignorer la durée de leur mandat, en permettant qu'on puisse invalider une élection plusieurs années après - ce que propose l'amendement de M. Montebourg cela relève, à mes yeux, d'une inconséquence qui pourrait, à terme, aller jusqu'à l'anarchie.

J'espère, monsieur le ministre, qu'au nom du Gouvernement vous saurez rappeler à la commission des lois qui, par un errement incompréhensible, a adopté un tel amendement, où se trouve le bon sens, afin que l'avenir de notre République ne soit pas celui que certains voudraient lui préparer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'admnistration générale de la République.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le m inistre, mes chers collègues, quelques mots pour reprendre très rapidement les trois problèmes qui, finalement, semblent faire débat dans le cadre de l'examen de ce projet de loi.

Auparavant, laissez-moi vous dire que nous pourrions, en ouvrant ce débat, prendre le parti de ne pas nous accuser mutuellement de tous les maux et d'essayer de sortir du contexte politique pour nous prononcer objectivement...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous êtes plutôt sur la ligne Jospin que sur la ligne Chevènement !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Oui, c'est tout à fait la ligne Jospin. Je me retrouve tout à fait, monsieur Donnedieu de Vabres, dans l'expression de Lionel Jospin et non pas dans celle de Mme Bachelot...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

De M. Forni, de M. Hollande...

M. Bernard Roman, président de la commission.

... dans l'expression de Mme Guigou et non pas dans celle de M. Mamère cet après-midi.

Je me place donc dans ce contexte et je m'interroge pour savoir comment, en prolongement des lois que nous avons votées sur le financement des activités politiques et des campagnes électorales, nous pouvons calibrer pour l'avenir le texte le plus juste, le plus adapté, le plus équitable, en tenant compte des recommandations du Conseil constitutionnel et de notre histoire récente, mais l'histoire des élections et non pas celle à laquelle on faisais allusion tout à l'heure.

Cette question, je me la pose objectivement, et d'abord en faisant une comparaison entre les différents niveaux d'élection. La sanction la plus grave - c'est le sens des propos de M. Cuillandre - imposée non pas au Président de la République, mais à un candidat à la Présidence de la République qui ne respecte pas le plafond de dépenses autorisées, est certes lourde en termes financiers,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. Jean-Luc Warsmann.

65 millions de francs !

M. Bernard Roman, président de la commission.

... mais ô combien légère par rapport à celle que nous avons décidée pour les têtes de listes municipales, régionales demain, pour les conseillers généraux ou pour les députés.

M. Arnaud Montebourg.

Très juste !

M. Pascal Clément.

C'est bien ce que j'ai dit !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Eux, quand ils dépassent le plafond de leurs comptes de campagne, sont invalidés sans aucun pouvoir d'appréciation par le juge de l'élection, Conseil constitutionnel ou juge administratif selon le cas.

M. Pascal Clément.

Justement, c'est ce qu'il faut changer.

M. Bernard Roman, président de la commission.

La commission nationale des comptes de campagne vérifie les comptes et, si elle constate que le plafond a été dépassé, transmet sa décision au juge de l'élection qui annule l'élection et invalide le député, le conseiller général ou la tête de liste élue.

M. René Dosière.

Jack Lang en sait quelque chose !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Le juge a cependant un pouvoir d'appréciation qu'il utilise comme il l'entend - et quelquefois, on a un peu de mal à comprendre ses motifs - pour décider ou ne pas décider l'inéligibilité du candidat durant un an. Et quand je dis que l'on a parfois quelques difficultés de compréhension, il ne s'agit pas seulement de la majorité, c'est sur tous les bancs que l'on a entendu par le passé des interrogations sur les élus invalidés, certains étant déclarés inéligibl es, d'autres non.

La sanction infligée aux candidats à la Présidence de la République, il faut donc la mesurer. C'est une sanction lourde, mais ce n'est qu'une sanction financière. D'ailleurs, M. Cuillandre le disait également, aurions-nous pu prendre le risque d'imposer une sanction qui aurait pu conduire à une invalidation ? Certains auraient pu être tentés. Mais, très franchement, cela n'aurait pas été conforme à la dignité de nos institutions.

M. Pascal Clément.

Alors, votre argument ne vaut rien !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Monsieur Clément, je vous ai écouté attentivement, permettez-moi de conclure.

M. Pascal Clément.

Il y a une contradiction dans votre raisonnement.

M. François Cuillandre.

Pas du tout !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Regardons maintenant les propositions que nous faisons pour amender le texte du Gouvernement et essayer - je crois rester objectif - de l'améliorer. Qu'en est-il, d'abord, du pourvoir d'appréciation ? Je n'étais pas là en 1980, vous voudrez bien m'en excuser, monsieur Clément (Sourires) ...

M. Pascal Clément.

Vous êtes tout excusé !

M. Bernard Roman, président de la commission.

... mais je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas parler, comme l'a fait un de nos collègues, d'interprétation intelligente ou laxiste du droit.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Si !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il faut faire le droit le plus intelligent possible pour que la marge d'appréciation soit la plus restreinte possible. Et j'imagine mal que le plafond de campagne étant fixé, l'organisation de la campagne présidentielle étant régie par la désignation d'un mandataire par département, qui est aussi, je le rappelle, le mandataire financier responsable de la globalisation des comptes en fin de campagne, il y ait matière à interprétation.

Ce système, d'ailleurs, n'est pas très différent de celui qui s'applique aux autres élections. Dans certaines circonscriptions, des candidats députés, conseillers généraux ou maires prennent des initiatives dans leur coin avec l'obligation de tout consolider à la fin et donc le risque d'oublier quelque chose et de se voir sanctionner par l'invalidation et l'inéligibilité. Le fait de fixer un plafond précis au candidat à la Présidence de la République - je dis bien au candidat - le conduira à le respecter, quitte à prendre, comme nous le faisons dans nos circonscriptions, une marge de sécurité pour éviter tous les incidents. C'est une loi beaucoup plus saine que celle qui consisterait à accepter que le plafond puisse être plus ou moins dépassé en laissant au Conseil constitutionnel le pouvoir d'en juger.

M. Pascal Clément.

C'est impraticable !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est la bonne foi des candidats que le juge apprécie, pas le dépassement !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Nous ne ferions pas correctement notre travail si nous laissions une marge d'appréciation aussi large.

La deuxième difficulté touche à la possibilité de recours. A cet égard, la dernière rédaction de l'amendement proposé par Arnaud Montebourg permet de sortir d'un éventuel problème d'interprétation. Actuellement, en effet, si un candidat battu s'aperçoit, deux ou trois mois après la validation d'une élection ou d'un compte de campagne par le Conseil constitutionnel ou par le Conseil d'Etat - et pas forcément à l'occasion d'une procédure pénale ou devant un tribunal -, qu'ont été commises des irrégularités qui auraient été de nature à modifier la décision de ces instances ou d'un tribunal administratif, il ne peut même pas porter ces éléments objectifs, patents à la connaissance de ceux qui ont validé.

Cela n'est tout de même pas anormal.

Loin de constituer un acte anti-démocratique ou politicien, la disposition proposée traduit une certaine conception de la démocratie qui devrait honorer les parlementaires sur tous ces bancs. Si nous voulons réellement que la démocratie soit transparente, nous devons être les premiers à agir en ce sens. L'un des orateurs a indiqué que si nous mettions en place cette possibilité de recours pour l'élection présidentielle, nous devrions la prévoir pour toutes les autres. Je lui réponds oui ; cent fois, mille fois oui ! Il faut que nous rendions notre démocratie transparente, car lorsque les règles que nous édictons ne sont pas acceptées, les citoyens nous regardent avec une certaine suspicion.

Le troisième sujet, par lequel je terminerai, est très sérieux et je regrette que certains le traitent sur le ton de la plaisanterie. Il s'agit de la fixation de l'âge minimal à dix-huit ans. A cet égard, je me permets de faire un petit rappel historique.

Lors de la discussion de la loi sur le cumul des mandats, la majorité avait proposé de placer le seuil d'éligibilité à dix-huit ans pour tous les mandats dans notre pays.

Cette disposition a même été inscrite ici, tant dans la loi


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

ordinaire que dans la loi organique pour tous les mandats : conseiller municipal, maire, conseiller général, conseilleur régional, député, sénateur et, puisque son élect ion a un lien avec les députés, Président de la République. Or, si la loi ordinaire a été adoptée définitivement en ces termes, fixant donc à dix-huit ans l'âge minimal d'éligibilité pour les mandats municipaux, départementaux, régionaux, vous savez dans quelles conditions est intervenu l'accord avec le Sénat pour un vote en termes identiques de la loi organique. Cet âge est donc resté à vingt-trois ans pour les députés et pour le Président de la République, à trente-cinq ans pour les sénateurs.

Avec la disposition proposée aujourd'hui, l'âge minimal serait de dix-huit ans, tant pour les députés que pour le Président de la République puisque, pour ce dernier, il est fixé par référence à celui des députés.

Très franchement, qui peut croire qu'il y aura un candidat à l'élection présidentielle âgé de dix-huit ans seulement ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pascal Clément.

Pourquoi le proposer ?

M. Bernard Roman, président de la commission.

Cela m'évitera surtout d'être mal à l'aise quand je m'adresse aux jeunes citoyens. Actuellement, en effet, si je peux leur indiquer que la citoyenneté est constituée à la fois de devoirs et de droits, je dois préciser que s'ils ont tous les devoirs des citoyens, ils en ont tous les droits des citoyens, sauf celui de se présenter à certaines élections.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pascal Clément.

Vous venez de dire que vous n'y croyez pas vous-même ! C'est incohérent !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il faut notamment avoir vingt-trois ans pour être digne de se présenter à certaines élections.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je ne peux pas être élu au Sénat et je le vis très bien ! (Sourires.)

M. Bernard Roman, président de la commission.

Monsieur Warsmann peut-être le Sénat le vit-il moins bien que vous.

(Sourires.)

En effet, il serait sans doute intéressant pour lui d'avoir des candidats de votre âge, même s'ils ne doivent pas forcément tous être de votre couleur politique.

Pourquoi ne serait-on pas digne de se présenter à la Présidence de la République parce que l'on a moins de vingt-trois ans ou au Sénat parce que l'on n'est pas âgé de trente-cinq ans ? De qui se moque-t-on ?

M. Pascal Clément.

Cela n'a rien à voir avec la dignité.

Il faut de l'expérience, c'est tout !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Créons une majorité qui donne des droits et des devoirs, tous les devoirs et tous les droits. Je crois que les jeunes s'y retrouveront.

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous mélangez tout !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Et si nous amendons le texte du Gouvernement comme le proposent le rapporteur et la commission des lois, nous aurons fait un pas en faveur de la transparence et de la démocratie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Un gadget !

M. Pascal Clément.

Quelle bouillie intellectuelle !

M. le président.

La discussion générale est close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi organique dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Le troisième alinéa du I de l'article 3 de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est complété par la phrase suivante :

« Aux mêmes fins, les conseillers régionaux et les conseillers à l'Assemblée de Corse sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis selon les modalités prévues aux articles L. 293-1 et L. 293-2 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de p ublication de la loi organique no du modifiant la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. »

M. Derosier, rapporteur, a présenté un amendement, no 1 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« Le I de l'article 3 de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :

« I. Après le mot : "maires", la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : ", maires délégués des communes associées, maires des arrondissements de Paris, de Lyon ou de Marseille, présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; les ressortissants français membres du Parlement européen peuvent également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l'élection présidentielle". »

« II. Après la première phrase du troisième alinéa sont insérées les dispositions suivantes :

« Pour l'application des mêmes dispositions, les ressortissants français membres du Parlement européen sont réputés être les élus d'un même département ou territoire d'outre-mer. Aux mêmes fins, les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes sont réputés être les élus du département auquel appartient la commune dont ils sont délégués. »

« III. Le troisième alinéa est complété par la phrase suivante :

« Aux mêmes fins, les conseillers régionaux et les conseillers à l'Assemblée de Corse sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis selon les modalités prévues aux articles

L. 293-1 et L.

293-2 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique no du modifiant la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. »

La parole est à M. le rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. Bernard Derosier, rapporteur.

A l'heure du développement de la coopération intercommunale, il semble normal de permettre à ceux qui assument des responsabilités à la tête des organismes de coopération intercommunale que sont les communautés urbaines, les c ommunautés d'agglomération, les communautés de communes, de participer à la désignation des candidats à la Présidence de la République.

Nous voulons également accorder cette possibilité aux parlementaires européens, ainsi qu'aux maires délégués des communes associées et aux maires des arrondissements de Paris, Lyon et Marseille. Cela étant, les maires des arrondissements de Paris étant forcément des conseillers municipaux de la ville, donc des conseillers généraux - ce qui n'est pas vrai pour Lyon et Marseille - je suis disposé à modifier cet amendement, en retirant la r éférence à Paris. J'attends de connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'amendement présenté par votre rapporteur pose des questions légitimes, mais la situation des différents élus concernés n'est pas identique.

Pour les maires d'arrondissement, M. le rapporteur vient de préciser que ceux de Paris sont tous des conseillers de Paris. Ils sont donc déjà en mesure de parrainer des candidats. En revanche, ceux de Lyon et de Marseille ne sont pas tous dans cette situation. Je suis donc favorable à l'élargissement du collège de parrainage en leur faveur.

Je suis également favorable à l'ouverture aux présidents d e communautés urbaines, d'agglomérations ou de communes, car il me semble utile de permettre à ces responsables, dont le rôle va s'accroître, une plus grande implication dans la vie institutionnelle de notre pays.

S'agissant des maires délégués des communes associées ils étaient 750 au 1er janvier 2000 - je pense que la possibilité de parrainage renforcera leur poids dans la vie locale. J'y suis donc aussi favorable.

Enfin, pour les représentants au Parlement européen, se pose un problème juridique, car il faut explicitement prévoir un rattachement départemental pour les intégrer dans le collège de parrainage. Puisque l'amendement rectifié de la commission prévoit désormais ce rattachement, j'y suis encore tout à fait favorable.

M. le président.

Confirmez-vous la suppression des mots : « de Paris », dans l'amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Il devient donc l'amendement no 1 deuxième rectification.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

La première partie de l'amendement comprend des dispositions qui vont dans le bon sens. Ainsi, il est très positif de donner aux maires délégués la possibilité de parrainer.

En revanche, je m'interroge sur le problème des députés européens. Que signifie l'expression : « les ressortissants français membres du Parlement européen » ? Un français élu député européen par les Allemands ou par les Italiens pourra-t-il parrainer ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Bien sûr !

M. Jean-Luc Warsmann.

Un Allemand élu député européen par les Français en aura-t-il la possibilité ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Bien sûr que non !

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela figurera au compte rendu.

Ensuite, comme je l'ai souligné dans la discussion générale, je trouve assez compliqué le dispositif retenu pour les membres du Parlement européen. En quelque sorte, on crée un département fictif. Aujourd'hui, pour être candidat, il faut recueillir 500 signatures dans au moins trente départements. Désormais existera un département fictif supplémentaire dans lequel on affectera tous les députés européens. J'aurais préféré un système plus simple, par exemple, en affectant les députés européens au département où ils sont inscrits sur une liste électorale, ceux votant à l'étranger étant pris en compte au même titre que les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Cela aurait été beaucoup plus concret qu'un dispositif juridique visant à créer un département fictif.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je pense aussi que pour les membres du Parlement européen on aurait pu retenir le département où ils sont électeurs.

M. Jean-Luc Warsmann.

Bien sûr !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cela aurait constitué un rattachement généralement incontestable.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Je serais tenté de dire à M. Warsmann : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué », si nous le suivions.

La proposition présentée dans l'amendement que j'ai défendu et qui a reçu l'accord du Gouvernement est vraiment très simple. Elle procède des dispositions selon lesquelles les sénateurs représentant les Français établis hors de France et les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger sont réputés être les élus d'u n même département ou territoire d'outre-mer. Contrairement à ce que prétend M. Warsmann, il n'y a donc pas création d'un département fictif. J'insiste, car je ne voudrais pas que cette idée soit accréditée. Il est simplement fait référence à un texte existant.

J'avais également pensé à la solution avancée par M. Donnedieu de Vabres, mais je n'ai pas su où placer les députés européens qui sont Français, représentent la France à Strasbourg, mais sont électeurs aux élections locales en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne.

Il m'a donc semblé plus simple de mettre l'ensemble des députés français au Parlement européen dans le même dispositif que les sénateurs représentant les Français de l'étranger.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le rapporteur, la solution est extrêmement simple : il suffit de prévoir que le parrainage des députés européens est réputé fait au titre du département où ils sont électeurs, ceux qui sont électeurs à l'étranger étant comptabilisés dans le secteur des Français de l'étranger.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

C'est bien ce que j'ai d it : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

M. Jean-Luc Warsmann.

En tout cas, vous allez bien créer un département fictif, parce que les Français de l'étranger constituent une catégorie à part : il s'agit en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

effet de Français qui ne vivent plus sur le territoire national, alors que, pour les députés européens, vous réalisez une construction juridique abstraite, fictive, qui ne répond à aucune réalité. C'est la réalité et non une idé e à accréditer ! Ainsi que je l'ai déjà souligné, cette disposition est porteuse d'iniquité entre les candidats à l'élection présidentielle car elle favorisera ceux qui seront soutenus par des partis ayant des élus au Parlement européen. En effet, la signature d'un seul de ces élus permettra aux intéressés de n'avoir plus besoin de signatures que dans vingt-neuf départements. Je me demande si le Conseil constitutionnel ne va pas le relever.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Les trois premiers alinéas du II de l'article 3 de la même loi sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Les opérations électorales sont organisées selon les règles fixées par les articles L.

1er , L.

2, L.

5 à L.

7, L.

9 à

L. 21, L.

23, L.

25, L.

27 à L.

43, L.

45, L.

47 à L.

52-2,

L. 52-4 à L.

52-11, L.

52-12, L.

52-16, L.

53 à L.

55,

L. 57 à L.

78, L.

85-1 à L.

111, L.

113 à L.

114, L.

116,

L. 117, LO 127, L.

199, L.

200, L.

202 et L.

203 du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique no du modifiant la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, sous réserve des dispositions suivantes :

« Le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 est fixé à 13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du Président de la République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour.

« Les personnes physiques ne peuvent, dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, accorder des prêts et avances remboursables aux candidats.

« Les frais d'expertise comptable liés à l'application de l'article L. 52-12 du code électoral sont inscrits dans le compte de campagne.

« Le compte de campagne et ses annexes sont adressés au Conseil constitutionnel dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise. Le Conseil constitutionnel dispose des pouvoirs prévus au premier, au quatrième et au dernier alinéas de l'article L. 52-15 et à l'article L. 52-17 du code électoral.

« Dans les cas mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral, le Conseil constitutionnel fixe, dans la limite du montant du dépassement constaté, la somme que le candidat est tenu de verser au Trésor public.

« Pour l'application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 52-5 et du quatrième alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral, le délai pour la dissolution de plein droit de l'association de financement électoral et pour la cessation des fonctions du mandataire financier est fixé à un mois à compter de la publication des décisions du Conseil constitutionnel prévue au troisième alinéa du III du présent article. »

M. Derosier, rapporteur, a présenté un amendement no 2 rectifié, ainsi rédigé :

« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 2, supprimer la référence : "L.

43,".

« II. - En conséquence, dans le même alinéa, supprimer la référence : "LO 127". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'exposé sommaire est pertinent !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Certes, mais il faut lire tout le rapport alors que vous n'en avez lu qu'une partie, monsieur Warsmann, quand vous avez fait référence aux comparaisons que j'avais présentées.

Il est vrai que vous être l'élu d'une région qui n'est pas très éloignée de l'endroit où Jeanne d'Arc a fait ses premières armes.

M. Jean-Luc Warsmann.

Assez éloignée quand même, et elle n'était pas candidate à l'élection présidentielle ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes.

Elle n'était pas députée non plus ! (Sourires.)

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Si, à l'époque, on avait tenu compte de son âge, elle n'aurait peut-être pas influé sur notre histoire comme elle l'a fait. C'est ce que j'ai voulu dire en citant ce personnage qui a tout de même marqué l'histoire de notre pays.

Comme cela a souvent été répété au cours de ce débat, cet amendement, tend à prendre en compte la notion de citoyen.

Monsieur Warsmann, vous êtes parmi les plus jeunes députés, mais vous ne pouvez pas être sénateur.

M. Jean-Luc Warsmann.

J'y survis !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Nous, nous voulons que tout citoyen puisse être candidat dès l'âge de dixhuit ans à l'Assemblée nationale, au Sénat - ce n'est pas l'objet de la loi - et à la Présidence de la République.

Cela étant, il doit remplir d'autres conditions. Si, un jour, un jeune de dix-huit ans parvient à rassembler 500 signatures, tant mieux ! S'il arrive à faire campagne et à obtenir un nombre de voix qui lui permette d'être élu, ce sera une surprise, qu'il sera alors temps de commenter. Mais nous n'en sommes pas encore là !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je comprends parfaitement le souci de la commission des lois de poursuivre l'action engagée à l'occasion de la loi relative à la limitation du cumul des mandats.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Tout de même !

M. le ministre de l'intérieur.

Toutefois, si la loi du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux a ramené à dix-huit ans l'âge requis pour être élu conseiller général, conseiller régional ou maire, elle a maintenu à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité des représentants au Parlement européen. De même, la loi organique du 5 avril 2000 a conservé au même niveau celui pour être élu député et à trente-cinq celui exigé pour être sénateur.

Ainsi, cet amendement aurait pour résultat de rendre les conditions d'éligibilité plus restrictives pour les parlementaires que pour le Président de la République. En conséquence, je m'en remets à la sagesse et à l'appréciation de l'Assemblée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Luc Warsmann.

La démocratie est sauvée !

M. le président.

M. Derosier, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 2. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

La discussion générale et l'intervention du président de la commission des lois ont suffisamment souligné l'intérêt de cet amendement pour que je ne développe pas davantage nos arguments.

Je me borne donc à rappeler qu'il tend à supprimer le pouvoir d'appréciation que le projet de loi, qui s'est largement inspiré de ses observations, laisse au Conseil constitutionnel, lequel a pratiquement suggéré qu'on lui accorde cette capacité d'appréciation.

Alors que vous apparteniez au Gouvernement, monsieur Clément, nous avons eu, avec le président Mazeaud, un débat sur la capacité d'appréciation des juges des élections et des juges des tribunaux lors de l'examen de la future loi de 1995 sur le financement des campagnes électorales. Il me semble qu'en édictant dans la loi les c onditions qui obligeront le Conseil constitutionnel constatant le dépassement du plafond imposé à prononcer la sanction prévue par la loi, nous nous mettons à l'abri de toute interprétation possible et de tous les procès d'intention qu'on pourrait faire au Conseil constitutionnel.

Alors qu'il est quelque peu malmené en ce moment,...

M. François Goulard.

Par qui ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... au point d'éprouver le besoin de publier un communiqué pour se justifier, je veux le préserver de toutes les critiques possibles. C'est pourquoi je propose cet amendement.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière.

Il faut le protéger contre lui-même !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'avant-dernier alinéa de l'article 2 dont la suppression est demandée n'exclut nullement qu'un candidat qui aurait dépassé le plafond des dépenses ait à reverser au Trésor public le montant de ce dépassement. Il confère simplement au juge des comptes de campagne, en l'occurrence le Conseil constitutionnel, un pouvoir de modulation du montant à rembourser qui se justifie par la nature de la campagne et par les sommes éventuellement en cause.

En effet, à la lumière de son expérience, le Conseil constitutionnel a estimé que, du fait d'initiatives locales, certains dépassements pouvaient échapper à la volonté des candidats au cours d'une campagne se déroulant dans le cadre du pays tout entier, de sorte que le dépassement pourrait être non intentionnel.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. le ministre de l'intérieur.

Je l'ai souligné dans mon intervention liminaire.

Cela étant, le Gouvernement est tout de même sensible à l'exigence de clarté qui a guidé les auteurs de l'amendement. Il s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Je vais soumettre au président de la commission et à M. le rapporteur un cas pratique sur lequel ils pourront sans doute m'aider parce que je ne suis pas sûr de mes chiffres.

Imaginons que l'amendement soit voté. Deux ou trois ans après l'élection,...

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Ce serait trop tard : il y a un délai de six mois !

M. Pascal Clément.

... on s'aperçoit que les comptes de campagne de l'élu sont critiquables. Le Conseil constitutionnel, saisi, lui demande de rembourser la différence entre la somme constatée et 90 millions de francs.

M. Arnaud Montebourg.

Vous ne traitez pas de l'amendement en discussion !

M. René Dosière.

Ce sera 125 millions avec le deuxième tour.

M. Pascal Clément.

Excusez du peu ! Cela conforte plutôt ma démonstration.

On pourra donc demander à l'élu de rembourser 30, 40 ou 65 millions de francs. Dans ces conditions, qui va oser se présenter à la Présidence de la République, sinon des personnes ayant la fortune nécessaire pour faire face à un éventuel dépassement constaté postérieurement à l'élection ?

M. Arnaud Montebourg.

Ceux qui respectent la loi oseront se présenter !

M. Pascal Clément.

Monsieur Montebourg, essayez d'être digne de votre mandat. Vous me choquez beaucoup.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Oh, monsieur Clément !

M. Arnaud Montebourg.

Cela vaudrait presque un fait personnel, mais laissons parler M. Clément !

M. Pascal Clément.

Vous pourrez demander la parole pour le faire, mais en fin de séance ! Revenons à l'aspect pratique des choses.

Qui pourrra rembourser de telles sommes ? A peu près personne. Cette disposition est donc ridicule et inapplicable.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Alors il faut invalider l'élu !

M. Pascal Clément.

Par ailleurs, le président de la commission des lois a relevé que, dans le cadre d'une circonscription, on pouvait être responsable de ce qui se dépense d'un canton à l'autre. Ayant quelque expérience dans ce domaine, je l'admets, même si c'est un peu à contrecoeur. A cet égard il nous appartient d'être vigilants. En revanche, cela est impossible pour l'ensemble de l'Hexagone. Soyons réalistes ! Vous avez sans doute, comme moi, participé de plus ou moins près à une campagne présidentielle. Vous savez donc combien un candidat peut être disponible pour les choses matérielles et pratiques. En revanche, il est pratiquement exclu de lui parler de quoi que ce soit dans le domaine financier. En la matière, il est obligé de faire confiance à des collaborateurs triés sur le volet. Comment pourrait-on alors lui imputer, plusieurs années après l'élection des dépenses effectuées à Perpignan ou en Seine-Saint-Denis ? Cela est irréaliste ! Vous qui voulez toujours plus de transparence, messieurs, souvenez-vous de cette vieille maxime révolutionnaire : un pur trouve toujours un plus pur qui l'épure...

Avec vous, on a l'impression de se retrouver en 1790, avec des gens de la même race, pour le moins excessifs -


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

pour ne pas dire davantage. Je vous le demande, monsieur le ministre : mettez l'autorité du Gouvernement en jeu. Cet amendement est totalement irréaliste, il n'est pas praticable. J'espère que le Gouvernement aura la sagesse de s'opposer à son adoption.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Dans un tel domaine, le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel doit être réel. J'en donnerai un exemple qui vaut en fait pour toutes les élections : je veux parler de cette distorsion de concurrence entre les sortants ou les gens investis de fonctions officielles offrant certain moyens d'existence politique, et les autres, ceux qui n'ont ni fonction ni mandat.

Prenons des cas très concrets, car il n'y a aucune sorte de règlements de compte personnels dans ce que je veux vous expliquer, par exemple celui de la prochaine élection présidentielle.

Admettons que M. Chirac et M. Jospin y soient tous les deux candidats. L'un est Président de la République, l'autre Premier ministre ; autant dire que les moyens officiels de l'Etat dont ils disposent, de par les fonctions qu'ils continueront à exercer en dépit ou à côté de la campagne présidentielle, ne figureront pas dans leurs comptes de campagne. Et pourtant, ils leur auront permis d'agir politiquement.

Chacun d'entre vous qui avez, à un moment ou à un autre, été compétiteur ou challenger dans une élection locale, imagine bien et constate cette formidable dissymétrie entre d'un côté les sortants, ceux qui sollicitent une réélection et qui ont la possibilité de mettre en oeuvre, en toute légalité, certes, les moyens de communication de leur collectivité ou de l'Etat, et de l'autre ceux qui ne le peuvent pas et qui se retrouvent par conséquent « sur le marché » pour toutes leurs dépenses politiques.

Dans de telles conditions, le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel, notamment sur ce qu'il doit réintégrer dans les comptes de campagne, au-delà des simples dépenses de meeting ou de propagande est à mes yeux essentiel et de surcroît tout à fait normal.

Le Conseil constitutionnel doit pouvoir, le cas échéant, décider la réintégration de certaines dépenses qui, sans être directement de nature électorale, n'en auront pas moins eu une conséquence sur le plan électoral. C'est une question d'équité.

Face à nos concitoyens qui peuvent nous écouter, puis analyser nos débats, la transparence absolue n'est finalement pas en soi la valeur suprême. La valeur suprême, c'est qu'il y ait des règles, et qui permettent un fonctionnement harmonieux et légitime de la démocratie. Et lorsque nous vous formulons des recommandations, ce n'est pas que nous voulions dissimuler quoi que ce soit dans la vie politique ; c'est tout simplement que nous voulons amener les citoyens à être réalistes.

Sitôt que nous parlons de dispositions financières sur le financement des campagnes électorales, nous donnons parfois le sentiment de nous accuser nous-mêmes. Mais rappelons-nous suffisamment à nos concitoyens que, du fait de l'interdiction des dons des personnes morales, c'est-à-dire des entreprises, il revient aux citoyens euxmêmes de participer au financement de la vie politique ? Certes, il y a les financements de l'Etat, il peut y avoir les dons de nos partis politiques respectifs. Reste que, normalement, c'est aux citoyens eux-mêmes d'apporter ce genre de financement. Je ne souhaite donc pas que nos débats donnent le sentiment que la vie politique ne saurait être que nauséeuse.

Il est normal que le Conseil constitutionnel ait un pouvoir d'appréciation, non pour dissimuler quoi que ce soit, mais tout simplement pour garantir des décisions équitables.

M. le président.

La parole est à M. François Cuillandre.

M. François Cuillandre.

Comme l'ont déjà indiqué plusieurs orateurs, la seule sanction applicable en cas de nonrespect des règles financières est de nature elle-même financière.

M. Jean-Luc Warsmann.

Soixante-cinq millions de francs !

M. François Cuillandre.

A nos yeux, l'atténuer risquerait de vider le dispositif de tout sens. C'est pourquoi le g roupe socialiste votera l'amendement présenté par

M. Derosier.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Je suis d'accord avec M. Donnedieu de Vabres lorsqu'il nous dit qu'il faut des règles. Or les règles qui vous sont proposées, notamment par le biais de cet amendement, nous mettent précisément à l'abri de tout risque d'interprétation.

Quant à M. Clément, qui, manifestement, ne m'écoute pas, il n'a pas tout à fait compris les problèmes que nous traitons, au point qu'il continue à ne pas m'écouter.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il a très bien compris !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Ce n'est pas à vous que je parle, monsieur Warsmann, mais à M. Clément.

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous parlez à tout le monde !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Je vous ai renvoyé, monsieur Clément, à la page 22 du rapport, où voustrouverez des chiffres très évocateurs. Vous avez à votre actif un certain nombre de campagnes électorales, dont p lusieurs déjà soumises aux règles de financement.

Connaissant votre habileté, je suis persuadé que vous vous êtes donné une marge...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est sûr !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... de façon à éviter toute rectification de vos comptes de campagne susceptible de vous invalider et de vous rendre inéligible pour un an.

M. Pascal Clément.

En effet, je suis très en dessous...

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Malheureusement, cela n'a pas été le cas pour tous les candidats aux élections présidentielles de 1995 ! M. Balladur avait dépensé 89 776 119 francs, il ne lui restait plus que 0,25 % de marge. Quant à M. Chirac, il ne lui en restait plus que 0,034 % ! C'est dire le risque qu'a couru le Président de la République de ne pas être remboursé et de se retrouver avec une amende à payer.

M. Pascal Clément.

Vous croyez réellement à ces chiffres ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

En adoptant les règles qui vous sont proposées aujourd'hui et en invitant demain les candidats à se donner la petite marge indispensable pour éviter de se trouver dans une situation de non-remboursement, nous servons la démocratie et la transparence des campagnes électrorales. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour commencer, monsieur le rapporteur, vous avez donné un prodigieux argument contre toute votre démarche : si vous ne pouvez la justifier que par ce qu'ont dépensé les deux candidats de l'actuelle opposition aux dernières présidentielles, cela ne la grandit pas ! En fait, de quoi s'agit-il ? Imaginez qu'un candidat ait clos son compte de campagne et qu'ensuite le Conseil constitutionnel prenne une position tendant à prendre en compte des dépenses qui jusqu'alors n'étaient pas imputées, comme les frais de déplacement des journalistes qui accompagnent le candidat ou autres.

De ce fait, notre candidat aura en toute bonne foi dépassé, disons de 200 000 francs, le montant du plafond. Quelle sera la sanction ? Payer les 200 000 francs plus 65 millions de francs, soit 65 200 000 francs au total... C'est délirant !

M. Arnaud Montebourg.

C'est proratisé !

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela revient au même, puisqu'il n'aura plus le droit au remboursement des dépenses publiques ! Voilà pourquoi le pouvoir d'appréciation demandé par le Conseil constitutionnel nous semble tout à fait justifié.

En fait, derrière tous les arguments utilisés aujourd'hui, derrière le retrait du Gouvernement qui se refuse à prendre ses responsabilités vis-à-vis de cet amendement, je sens à nouveau une défiance vis-à-vis du Conseil constitutionnel. Lorsque l'on prétend parler de moderniser la démocratie, je ne crois pas que l'on se grandisse à multiplier les sous-entendus et les gestes de défiance à l'égard de la plus haute juridiction du pays.

M. Pascal Clément et M. Emile Blessig.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Monsieur le président, je crois qu'il vous faudra redonner la parole à M. Warsmann, qui, visiblement, depuis le début de ce débat, veut toujours avoir le dernier mot ! Et comme, une fois de plus, il vient d'interpréter ce que j'ai pu dire, je veux reprendre la parole pour le renvoyer à l'ensemble de la page 22. Car si j'ai parlé de deux candidats qui ne disposeraient plus que d'une faible marge de manoeuvre, j'aurais pu en citer bien d'autres - ce qu'a fait d'ailleurs M. Cuillandre. Il n'y avait de ma part aucun procès à l'encontre de tel ou tel.

Quant au rôle du Conseil constitutionnel, il n'y a pas d'un côté ceux qui le défendraient contre vents et marées et de l'autre ceux qui voudraient le mettre en difficulté.

M. Jean-Luc Warsmann.

Non !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Bien au contraire, je vous l'ai dit et je le répète, je cherche à le protéger de toute interprétation possible...

M. Jean-Luc Warsmann.

En l'obligeant à rendre des décisions ridicules !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... au moment même où ce pauvre conseil est obligé de se défendre face aux attaques des uns - surtout des uns - et des autres ! C'est précisément pour le protéger que je propose d'inscrire dans la loi des références précises qui ne lui laissent pas de possibilité d'interprétation.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Excellent !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. François Goulard.

C'est de la folie furieuse !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Le troisième alinée du III de l'article 3 de la même loi est modifié comme suit :

« I. - Dans la première et la troisième phrases, les mots : "troisième alinéa", sont remplacés par les mots : "cinquième alinéa". »

« II. - La phrase : "Pour chaque candidat, la publication comporte la liste exhaustive des personnes morales qui lui ont consenti des dons, avec l'indication du montant de chacun de ces dons" est supprimée. »

« III. - L'alinéa est complété par la phrase suivante :

« Les agents de l'administration des impôts sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres du Conseil constitutionnel et de ses rapporteurs adjoints à l'occasion des enquêtes qu'ils effectuent pour contrôler les comptes de campagne des candidats à l'élection du Président de la République. »

M. Derosier, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de l'article 3 :

« II. - La deuxième phrase est supprimée. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel qui, je l'espère, n'appellera pas de débat particulier.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Cet amendement n'a pas d'incidence sur le texte. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement no

4. (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3

M. le président.

M. Derosier, rapporteur, M. Montebourg et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 5 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Le III de l'article 3 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque, dans le cadre d'une procédure judiciaire, des faits relatifs aux dépenses électorales d'un candidat apparaissent, le parquet en informe le Conseil constitutionnel. Si ce dernier a déjà rendu, depuis moins de trois ans, sa décision sur le compte de campagne dudit candidat, sur le fondement des alinéas précédents, et qu'il estime que ces faits sont de nature à modifier sa décision, il procède au réexamen de ce compte. A l'issue de ce nouvel examen,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

s'il constate un dépassement du plafond prévu au deuxième alinéa du II du présent article, les dispositions du dernier alinéa de l'article L.

52-15 du code électoral sont applicables. En outre, si le candidat a bénéficié du remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans son compte de campagne, il est tenu de le reverser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Je laisse à M. Montebourg le soin de le défendre.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Avant même d'avoir été présenté, cet amendement a donné lieu à bien des discussions. Je commencerai par remercier le président de la commission des lois, qui, dans un plaidoyer convaincant, a donné un certain nombre d'arguments que je n'aurai pas à reprendre.

Nous ne sommes pas là à débattre sur l'invalidation d'une élection mais sur le remboursement par les caisses publiques à tout candidat à une élection, sortant ou non, et nous ne parlons pas du passé mais exclusivement de l'avenir, c'est-à-dire ce qui se passera en 2002.

Si je donne cette précision, c'est tout simplement pour éviter je ne sais quel procès d'intention. Nous parlons bien d'argent public, c'est-à-dire de la somme que le contribuable acceptera de verser en contrepartie du respect par un candidat d'un contrat, en l'occurrence le plafond des comptes de campagne. Cette contrepartie se présente sous la forme d'une somme, conséquente il est vrai, mais à la mesure de la dépense exposée par le candidat.

Telle est la philosophie des textes en matière de financement public de la vie politique et des candidatures aux élections. Elle repose sur le contrat passé entre le candidat à l'élection et les contribuables, dans la mesure où toute autre source de financement est désormais proscrite. Ce qui fut autrefois l'usage a été dans un premier temps ramené à une simple possibilité, avant d'être purement et simplement interdit. Et cette interdiction fait l'objet d'une vérification particulièrement tatillonne des juridictions électorales, le juge, en l'occurrence le Conseil constitutionnel lorsqu'il s'agit de l'élection du Président de la République au suffrage universel, étant chargé du contentieux électoral.

Ou bien le contrat est respecté, ou bien il ne l'est pas.

Si nous avons édicté un plafond en 1995, il était logique de trouver les moyens de nous assurer de l'effectivité de son respect ; si tel n'est pas le cas, supprimons-le. Je ne connais pas de ligne blanche sans possibilité de contrôle ou de gendarme ni retrait de permis. La notion de règle n'a jamais pu se concevoir sans celle de sanction.

Un mot maintenant sur les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel pourra, comme le propose cet amendement, procéder au réexamen d'un compte. Rappelons pour commencer que lorsqu'il statue en matière de comptes de campagne, le Conseil ne dispose pas des pouvoirs d'enquête illimités auxquels nous habituent d'autres juridictions, à tel point que le secret a parfois pu être opposé aux demandes d'information formulées par ses agents et les magistrats travaillant à la vérification de comptes de campagne. C'est donc bien la preuve qu'il ne s'agit pas d'un contentieux au sens habituel du terme. Du reste, chacun aura remarqué que les recours sont très rares ; ce sont des décisions prises d'initiative.

Les comptes de campagne font par ailleurs l'objet de très peu de discussions : le contrôle découle naturellement d'une « navette » entre l'autorité, c'est-à-dire le Conseil, et les divers candidats.

Que se passerait-il donc lorsque, parallèlement, à l'occasion d'un autre contentieux, sur le plan cette fois le plus grave, c'est-à-dire le plan pénal, il apparaîtrait que cette campagne a été financée dans des conditions qui permettent de penser que le plafond a pu être dépassé ? Voilà un point qui n'est pas mince et doit nous appeler à la vigilance : n'oublions pas que la contrepartie, ce sont tout de même les contribuables qui la paient. S'il apparaissait, de manière suffisamment claire - et c'est le sens de notre amendement - que, dans le cadre d'une procédure judiciaire, un dépassement significatif puisse être considéré comme vraisemblable, le parquet devrait transmettre au Conseil constitutionnel les faits nouveaux dont celui-ci n'aurait pas eu forcément connaissance, à charge pour le Conseil de décider de ce qu'il en fera. En d'autres termes, si l'on découvrait 40 millions d'emplois fictifs je dis cela au hasard -...

M. François Lamy.

A Monaco !

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Terrot.

A la

MNEF !

M. Arnaud Montebourg.

... dont on pourrait penser qu'ils ont pu participer au financement d'une campagne électorale - d'une manière qui pourrait être d'ailleurs parfaitement démontrée dans la procédure judiciaire - sans que cela n'ait jamais été évoqué dans le cadre...

M. Michel Terrot.

De la MNEF !

M. Arnaud Montebourg.

... de la validation, déjà effectuée, du compte de ladite campagne, et entraîner par voie de conséquence un dépassement du plafond, le parquet prendrait ses responsabilités. Il ne s'agirait pas d'une obligation, mais d'une décision d'initiative ; il considérerait qu'il a le devoir d'en informer, comme en toute autre procédure, le juge électoral, lequel décidera de ce qu'il fera de cette information.

Tel est l'objet de l'amendement no 5 dont on fait tant de bruit. Il vise simplement à faire en sorte qu'il n'y ait pas, d'un côté, un train qui circule sur une voie pas trop encombrée, la voie pénale et judiciaire, et, de l'autre, un train bloqué sur la voie électorale, en ménageant de temps en temps, un petit aiguillage...

M. Jean-Luc Warsmann.

Notre collègue déraille !

M. Michel Terrot.

Ce n'est pas un aiguillage, mais un dérailleur !

M. Arnaud Montebourg.

... pour les cas qui, de l'avis du parquet, apparaîtront les plus graves.

A tout cela, on nous a opposé une petite objection à laquelle je veux répondre : mais comment allons-nous faire ? L'article 62 de la Constitution nous interdit, prétend-on, de remettre en cause une décision du Conseil constitutionnel. En fait, l'article 62 ne dit qu'une chose : les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de voie de recours. Mais qu'est-ce qu'une voie de recours ? C'est la possibilité d'en appeler à une juridiction supérieure au sens strict du terme. Peut-on considérer comme une voie de recours le fait pour un parquet d'informer un Conseil constitutionnel, dont nous ne savons même pas si, en matière de comptes de campagne, il statue sur le plan contentieux ? Du reste, je ne connais pour ma part que l'autorité de la chose jugée et non l'autorité de la chose décidée. La décision du Conseil constitutionnel est-elle une décision de justice ? Qui sait comment la justifier ? Personne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est le peuple qui est souverain !

M. Arnaud Montebourg.

Il n'est même pas question d'autoriser une partie à demander la réouverture des débats. Et pourtant, dans une affaire récente, nous avons vu qu'une candidate aux élections législatives qui paraissait avoir des éléments convaincants de fraude électorale contre son adversaire...

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous parlons des présidentielles ! Cela n'a aucun rapport !

M. Arnaud Montebourg.

Si. Car si, mutatis mutandis, nous avions le même dispositif, peut-être pourrions-nous éviter ce genre de discussions un peu désagréables qui ruinent la réputation de l'action politique.

Une candidate arrive devant le Conseil constitutionnel en présentant les éléments : il y aurait à peu près 2 000 faux électeurs dans cette circonscription. Le Conseil constitutionnel l'admet, mais estime que ce n'est pas de nature à remettre l'élection en cause. Et voilà que deux ans après, à la faveur d'une procédure judiciaire, on s'aperçoit qu'ils étaient en réalité 8 000 et que s'il l'avait su, le Conseil aurait peut-être revu sa position ! Dans une affaire aussi grave - encore ne s'agit-il pas là d'invalidation, mais d'argent public indûment versé à un candidat qui n'aurait pas respecté le contrat passé avec la nation quel mal y aurait-il à permettre au Conseil constitutionnel de reconsidérer une décision qu'il aurait lui-même prise ? Au demeurant, ce sera à lui d'apprécier s'il le fera ou non, en toute souveraineté, monsieur Clément.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Après la brillante démonstration que vient de faire M. Montebourg, je voudrais à mon tour attirer l'attention de nos collègues sur le débat que nous avons eu, en commission certes, où tout le monde n'était pas. Ce débat nous a néanmoins permis d'apprécier si, oui ou non, par cet amendement, nous allions porter atteinte à la Constitution, en particulier à l'article 62, qui rend définitives les décisions du Conseil constitutionnel.

Eh bien non ! Ni dans son esprit ni dans sa lettre, la rédaction de cet amendement ne remet en question l'article 62 de la Constitution.

Qui, sur l'un quelconque de ces bancs, pourrait contester à la justice de notre pays la possibilité d'engager une procédure, de la mener à son rythme, car la procédure peut durer parfois quelques années, ce qui peut conduire le parquet, à un moment de la procédure, à constater des faits délictueux ? Par cette disposition, le parquet en informe le Conseil constitutionnel, qui a été juge de l'élection, et le Conseil constitutionnel reste maître de sa décision puisqu'il est bien précisé : « s'il estime que ces faits sont de nature à modifier sa décision ».

Cet amendement contient donc tous les garde-fous utiles, ce qui met à l'abri de toute interprétation, de tous procès concernant tel ou tel candidat futur, puisque nous légiférons pour l'avenir et non pour le passé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il est clair que cet amendement a pour conséquence d'octroyer au Conseil constitutionnel un pouvoir d'appréciation étendu quant à l'opportunité, au vu de l'ouverture d'une procédure judiciaire, de procéder au réexamen du compte de campagne d'un candidat.

Dans cette mesure, il présente une certaine contradiction avec les amendements nos 3 et 6 qui visent, au contraire, à restreindre le pouvoir d'appréciation du juge des comptes de campagne.

M. Jean-Luc Warsmann.

Une contradiction totale !

M. le ministre de l'intérieur.

Enfin, et surtout, l'article 62 de la Constitution dispose effectivement que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours, et s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. De ce point de vue, l'amendement se heurte donc à une question constitutionnelle qui peut apparaître comme sérieuse.

J'ai bien noté que la modification qui vient d'être ajoutée à l'amendement limite désormais les risques de controverses juridiques sur la rétroactivité des décisions.

Dans ces conditions, le Gouvernemnt veut bien s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, en attirant son attention sur le fait que le Conseil constitutionnel, nécessairement appelé à se prononcer sur ce projet de loi organique, sera en fait le juge de la pertinence de cet amendement.

M. Arnaud Montebourg.

Juge et partie, monsieur le ministre !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

J'admire notre rapporteur pour sa faculté à nous expliquer, à dix minutes d'écart, deux choses exactement inverses.

Nous avons eu, tout à l'heure, tout un discours sur le thème : il faut ôter tout pouvoir d'appréciation au Conseil constitutionnel. Je cite le rapporteur : « Je veux protéger le Conseil constitutionnel. » Dix minutes plus

tard, il nous propose de mettre le Conseil constitutionnel en situation de se demander, en permanence, s'il rouvre ou ne rouvre pas tel ou tel dossier ! Et dans quel cas rouvrirait-il ? Je cite l'amendement :

« des faits relatifs aux dépenses électorales d'un candidat qui apparaissent... » Il n'est pas question de dépassement

de plafond - ça c'est pour les discours - mais de faits relatifs aux dépenses électorales.

Mais qu'est-ce que « des faits relatifs aux dépenses électorales qui apparaissent » ? Un témoin ? Un procèsverbal ? L'audition d'un témoin dans une procédure ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Lisez la ligne suivante !

M. Jean-Luc Warsmann.

En tout cas, ce n'est pas un jugement puisqu'il n'est pas écrit : « lorsqu'un jugement d'une juridiction devenu définitif fait apparaître des faits ».

On ouvre donc une possibilité, qui n'est pas définie j uridiquement. Par conséquent, le procureur de la République, lui aussi, devra avoir une appréciation délirante. Avoir connaissance d'un fait, que le fait soit prouvé, reconnu et donne lieu à une condamnation définitive, entre tout cela, il y a mille possibilités ! Or que se passe-t-il aujourd'hui ? Le Conseil constitutionnel examine les comptes de campagne, juste après l adite campagne électorale qui est, en général, un moment assez « sportif ». Il le fait au vu de la déclaration des candidats, ou des déclarations de n'importe quel citoyen qui aurait des doutes sur ce qui s'est passé et qui, dans ce cas, peut fort bien prendre sa plume et écrire au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel peut diligenter ses rapporteurs et ses rapporteurs adjoints sur des enquêtes. Nous avons même voté tout à l'heure la suppression du secret de tous les fonctionnaires des services financiers, et notamment des services fiscaux, pour lui donner plus de pouvoir. Si le Conseil constitutionnel s'aperçoit qu'un problème nécessite quelques mois de travail, il sursoit à statuer.

Bref, le Conseil constitutionnel fait un travail de juridiction, il procède à toutes les auditions et expertises nécessaires, et prend le temps qu'il faut avant de rendre sa décision, laquelle, une fois rendue, est définitive.

C'est un principe de base de tout notre fonctionnement républicain que lorsqu'une décision judiciaire est rendue, elle est définitive. C'est le principe de stabilité juridique. Je ne vois pas pourquoi on le remettrait en cause dans des conditions mal définies.

Il n'a échappé à personne que l'amendement no 5 une fois rectifié a limité cette possibilité à un délai de trois ans. L'ouvrir ad vitam aeternam a semblé aux auteurs de l'amendement, après quelques jours de réflexion, excessif.

Mais le délai de trois ans est tout aussi indéfendable et tout aussi dépourvu de justification En réalité, nous avons une juridiction, le Conseil constitutionnel. Donnons-lui les moyens de travailler et d'enquêter. Dès lors qu'il a enquêté, il rend ses décisions.

Ensuite, respectons-le !

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Cet amendement est un amendement de circonstance. Au cas où nous en aurions douté, M. Montebourg nous l'aurait prouvé en citant, par trois fois, « au hasard », l'actualité.

Il est désolant que, sur un sujet aussi important, on puisse penser légiférer pour une trentaine, une cinquantaine d'années, voire plus, à partir de querelles politiciennes d'un niveau consternant. Cet amendement est donc vicié par son origine conjoncturelle.

On ne légifère pas ainsi. Sinon, on n'est pas digne de faire la loi ; on fait autre chose : écrire dans des journaux polémiques et satiriques, par exemple. Que les parlementaires de ce pays gardent quelque dignité ! C'est du fond du coeur que me viennent, monsieur Montebourg, ces propos pas très agréables, je suis désolé, mais je suis scandalisé. On ne peut pas faire n'importe quoi dans ce Parlement, du moins je le souhaite.

Cet amendement est un amendement indigne ! Il s'oppose à tous les principes, celui de l'autorité de la chose jugée comme celui de la stabilité juridique. Imagine-t-on le Conseil constitutionnel saisi, et par quoi ? Un parquet ? Mais ce n'est pas encore jugé ! Un juge d'instruction ? Mais l'ordonnance n'est pas encore rendue. Et même si elle est rendue, l'affaire n'est toujours pas jugée ! Sur quoi va se fonder le Conseil constitutionnel ? Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Pascal Clément.

A la fin du jugement ? Mais le jugement, ce sera connexe, on n'en parlera pas.

Ou alors ces faits seront totalement accessoires, et l'on ne voit pas de quel droit un seul juge d'instruction pourrait remettre en cause l'élection d'un Président de la République ou le remboursement des frais de campagne.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nouveau jeu : qui veut payer des millions ?

M. Pascal Clément.

Cet amendement est totalement irréaliste, même sur le plan de la procédure. Non seulement il est indigne, mais il est stupide ! Une seule chose a trouvé grâce à mes yeux et, au surplus, m'a amusé.

Monsieur Montebourg, je me réjouis : vous et vos collègues de la commission, vous êtes, enfin, pour la prescription des délits au bout de trois ans. C'est ma thèse !

M. Jean-Pierre Michel.

Sauf pour l'abus de biens sociaux ! (Sourires.)

M. Pascal Clément.

Bien évidemment ! Seriez-vous en train de montrer le bout du nez ? Penseriez-vous qu'on ne peut pas revenir sur une affaire cinq ans, sept ans, quinze ans plus tard ? Avouez que c'est drôle ! Cela ne manque pas de sel, non ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Le V de l'article 3 de la même loi est modifié comme suit :

« I. - Au deuxième alinéa, les mots : "d'un million de francs" sont remplacés par les mots : "de 153 000 euros". »

« II. Au troisième alinéa, les mots : "au quart dudit plafond" sont remplacés par les mots : "à la moitié dudit plafond". »

« III. Le dernier alinéa est rédigé de la façon suivante :

« Le remboursement forfaitaire prévu à l'alinéa précédent n'est pas accordé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des deuxième et cinquième alinéas du II ci-dessus ou à ceux dont le compte de campagne a été rejeté, sauf décision contraire du Conseil constitutionnel dans les cas où la méconnaissance des dispositions applicables serait non intentionnelle ou de portée très réduite. »

M. Derosier, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Après le mot : "rejeté", supprimer la fin du dernier alinéa du III de l'article

4. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

C'est un amendement de coordination avec l'amendement qui concerne le pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Cette disposition du projet de loi, par ailleurs très encadrée puisqu'elle ne confère de pouvoir d'appréciation au Conseil constitutionnel que dans le cas où la méconnaissance des dispositions légales serait non intentionnelle et de portée très réduite, se justifie par la nature de la campagne pour l'élection présidentielle et le montant des sommes en cause.

Il pourrait être, à titre d'exemple, disproportionné d'appliquer la sanction du non-remboursement, qui représente 60 millions de francs pour un candidat présent au second tour, pour un dépassement minime de plafond ou un retard de quelques jours dans la transmission du compte de campagne au Conseil constitutionnel.


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Parallèlement, le Gouvernement est sensible à la volonté de clarté qui inspire les auteurs de l'amendement et c'est donc pour cela qu'il s'en remet, une fois de plus, à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

6. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - I. - Les dispositions de l'article 1er concernant les conseillers régionaux entreront en vigueur à compter de la date du prochain renouvellement de chaque conseil régional selon les modalités prévues par les articles 2 à 9 de la loi no 99-36 du 19 janv ier 1999. L'Assemblée de Corse procédera à la répartition prévue au I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 précitée dans le mois qui suivra la publication de la présente loi.

« II. Les modifications apportées par les articles 2 et 4 de la présente loi respectivement au deuxième alinéa du II et au deuxième alinéa du V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 précitée entreront en vigueur le 1er janvier 2002. »

Je mets aux voix l'article

5. (L'article 5 est adopté.)

Après l'article 5

M. le président.

MM. Sarre, Carassus, Desallangre, Jean-Pierre Michel, Suchod, Saumade ont présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« L'article L.O. 121 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 121. - Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le quatrième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. »

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le ministre, voici un amendement politique dans un texte plutôt technique.

Que l'on s'en félicite ou bien qu'on le regrette, l'élection du Président de la République au suffrage universel c onstitue, dans la logique des institutions de la Ve République, l'élection directrice, celle qui structure la vie politique française.

Chaque élection présidentielle a été marquée par une large mobilisation des électeurs. Chacune de ces consultations a correspondu à des évolutions fondamentales de la société française, annonçant souvent des bouleversements futurs. Elle a toujours marqué durablement les rapports de force politiques. En 1965, ce fut la mise en ballotage surprise du général de Gaulle, deux ans avant mai

68. En 1969, le retour de balancier à droite, mais aussi l'effrondrement de la gauche socialiste qui permit sans doute la prise de conscience, prélude à la création du parti socialiste d'Epinay. En 1974, la victoire de la droite libérale et atlantiste sonna le glas du gaullisme, alors qu'une gauche unie et rénovée, en frôlant la victoire, se mettait sur l'orbite du succès historique de 1981.

L'élection de 1988 fît apparaître au grand jour la nécessité pour les forces politiques de réagir au plus vite face à la montée d'une extrême droite, nourrie de l'échec des élites françaises à combattre le chômage, à lutter contre la montée des inégalités sociales et à porter l'intérêt national.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'histoire est réécrite !

M. Georges Sarre.

L'année 1995 enfin vit la défaite au premier tour du candidat de la pensée unique et permit à Lionel Jospin, avec le soutien du Mouvement des citoyens, de remettre la gauche sur les rails après le naufrage historique des législatives de 1993.

Constatons également qu'à chaque fois qu'un Président de la République élu a dissous l'Assemblée nationale immédiatement après son élection, il a retrouvé la majorité qu'il demandait, y compris quand il ne la souhaitait que relative, comme François Mitterrand en 1988.

(Riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

On le voit, l'élection présidentielle structure la vie politique française. C'est le premier argument en faveur de l'amendement qui vous est soumis.

Le second argument a trait à la nécessaire réflexion que tout responsable politique attaché à une démocratie vivante doit engager devant les citoyens sur le système de la cohabitation.

On a longtemps fait dire aux Français, par sondages interposés, qu'ils étaient de grands supporters de la cohabitation. Il semble que les événements de ces dernières semaines les aient fait sensiblement évoluer. Au-delà des sondages qui ne doivent pas guider, en tous domaines, l'action des responsables politiques, il nous faut tirer les conséquences des effets dévastateurs de la cohabitation sur le débat public dans notre pays.

Le relatif attachement des Français à ce système durant un certain temps s'explique sans doute par les effets de la pensée unique et de la seule politique possible. Dès lors que le citoyen ne percevait plus clairement de différences entre la droite et la gauche sur le fond de la politique suivie, il lui apparaissait, en effet, comme une sorte de garantie que la droite et la gauche se partagent les postes de responsabilités. Mais, dans le même temps, les citoyens français ont sanctionné, à intervalles réguliers, les majorités successives qui mettaient en oeuvre la seule politique possible.

Entre 1981 et 1997, aucune majorité n'a pu conserver le pouvoir à l'élection générale suivante. De cette crise de la démocratie, il faut tirer quelques conclusions. La cohabitation tue le débat public, elle obscurcit les enjeux, elle empêche que des politiques alternatives puissent être clairement présentées aux Français. Mettant face à face deux têtes de l'exécutif appelées à se présenter l'une contre l'autre à l'élection présidentielle suivante, la cohabitation agit comme un élément de paralysie de l'action. Elle fait la part belle aux entourages et aux conseillers sans légitimité démocratique qui, les yeux rivés sur les sondages, font passer au second plan l'exigence démocratique de responsabilité politique et de courage nécessaires pour que s'élaborent des décisions conformes à l'intérêt du pays.

En associant l'adoption du quinquennat, qui harmonise la durée du mandat du Président de la République avec celui des députés, et notre amendement, nous limiterions de manière drastique les risques de cohabitation.


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Nous rendrions ainsi service à la démocratie en évitants urenchère, immobilisme et confusion. Qui décide aujourd'hui ? Les responsabilités doivent être clairement identifiées par le peuple.

Le Mouvement des citoyens ne limite pas ses objectifs en matière d'évolution institutionnelle à cette proposition. La Ve République a besoin d'évoluer. Nous proposons, pour notre part, un régime présidentiel qui, comme son nom ne l'indique pas, permettrait un rééquilibrage institutionnel au profit du Parlement et d'abord de l'Assemblée. Mais en attendant que ce type d'évolution soit possible, il est cohérent de remettre les choses à l'endroit, d'où l'amendement que nous présentons aujourd'hui.

Enfin, je voudrais m'adresser à M. le rapporteur et à M. le président de la commission des lois pour leur dire que certains prétendent que cet amendement, tel qu'il est rédigé, ne pourrait s'appliquer au prochain renouvellement de l'Assemblée nationale. Cette analyse, mes chers collègues, est contestable et je la conteste. Mais cet amendement est pédagogique et permet de lancer le débat, et nous verrons bien comment cela se passera à l'occasion des prochaines échéances, parce qu'il est tout de même normal et naturel que l'on place la charrue après les boeufs ! (Sourires.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Merci pour les boeufs !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Derosier, rapporteur.

A l'heure de l'agriculture industrialisée, je ne voudrais pas utiliser un tracteur pour apporter le point de vue de la commission, laquelle n'a pas retenu cet amendement - M. Sarre en connaît peut-être les raisons - ni sur la forme, ni sur le fond.

Elle ne l'a pas retenu sur la forme parce que nous sommes saisis d'un projet de loi organique sur l'élection du Président de la République et que l'amendement porte sur l'élection des députés.

Nous ne l'avons pas retenu non plus sur le fond, considérant que les arguments, sous-jacents dans l'amendement mais développés par notre collègue Georges Sarre, ne méritaient pas un amendement, mais un débat beaucoup plus élaboré.

M. Sarre a d'ailleurs clairement présenté les choses puisqu'il a expliqué à la fin de son intervention que son mouvement était favorable à un régime présidentiel. Or, pour l'instant, il y a, je crois, dans cette assemblée une majorité de députés plutôt favorables à un régime parlementaire, et votre rapporteur en fait partie, et je ne voudrais pas qu'au détour d'un amendement, comme on a instauré la République avec l'amendement Wallon, et ce fut une bonne chose,...

M. Georges Sarre.

Vous voyez !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

... on instaure un régime présidentiel avec l'amendement Sarre. Ce serait tout de même un peu trop rapide ! (Sourires.)

L'élection présidentielle, avez-vous dit, mon cher collègue et ami Georges Sarre, structure la vie politique française. Eh bien, je ne partage pas du tout cette approche, qui est une approche gaullienne de la conception de la Ve République.

M. Georges Sarre.

Et alors ? C'est conforme à la réalité !

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Ce n'est pas conforme à la réalité. C'est peut-être ce que voulait à l'époque le père de la Constitution de la Ve République, mais il y en avait quelques-uns qui s'y opposaient et, pour moi, Le Coup d'Etat permanent demeure encore la référence ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bruno Le Roux.

Bravo.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je note d'abord, monsieur le député, que vous saisissez l'occasion de l'examen de ce projet de loi pour soulever une tout autre question.

Le Gouvernement, vous le savez, respecte les échéances fixées par les lois de la République. Il n'a pas pris d'initiative pour modifier le calendrier électoral de 2002, ce qui nécessiterait en effet de proroger le mandat de cette assemblée.

Dans l'hypothèse où l'évolution du débat politique ferait apparaître un très large accord pour inverser l'ordre des échéances électorales, le Gouvernement serait alors disponible pour en débattre, naturellement, mais c'est loin d'être le cas aujourd'hui. Il est donc défavorable à cet amendement et ne peut que souhaiter son retrait.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

L'amendement déposé par Georges Sarre pose de vraies questions.

L'ordre des élections est un débat très important, qui ne doit pas apparaître pour nos concitoyens comme un règlement de comptes, un débat de convenances pour savoir ce qui est favorable à telle candidature, à telle coalition politique, et ce qui est défavorable à telle ou telle autre.

Il est évident, nous l'avons dit à de nombreuses reprises, que la réforme du quinquennat est une première étape, féconde, en vue d'une révision plus profonde de nos institutions. Pour nous, le débat institutionnel ne doit pas être traité en vase clos, sans que cela concerne les citoyens, cette question touche directement à l'efficacité de l'action politique.

Redéfinir qui fait quoi dans notre pays, qui a la charge de quoi est évidemment très important. Les jeux de la c ohabitation sont souvent pervers. Ils freinent les réformes nécessaires qu'attendent nos concitoyens et qui sont nécessaires à notre pays dans la compétition actuelle.

Mais ce débat sur l'évolution de nos institution ne peut pas survenir par la petite porte, il doit être précédé par une réflexion d'ensemble sur leur évolution ultérieure.

Il y a des progrès que nous pourrions faire dès aujourd'hui dans la pratique politique, parce que ceux qui souhaitent de leurs voeux - et, je crois que c'est le cas de tous les parlementaires présents dans cet hémicycle - que les droits du Parlement soient davantage reconnus ne devraient pas avoir à attendre une réforme constitutionnelle ou 2002 pour que ce soit effectif.

J'ai donné tout à l'heure deux exemples que je rappelle, la Corse et l'UNEDIC.

M. Jean-Luc Warsmann.

Et la cagnotte !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous sommes ici, dans cet hémicycle, privés d'un débat démocratique légitime, et nous n'avons pas besoin d'attendre 2002 et une révision de la Constitution pour que les droits d'expression légitimes du Parlement soient davantage reconnus.

Effectivement, il faut afficher comme une priorité la redéfinition des compétences au sein du Gouvernement, de l'Etat et des collectivités locales et la clarification qui semble nécessaire pour l'ordre des élections, mais cela doit se passer dans un climat serein.


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C'est la raison pour laquelle l'UDF, qui s'est exprimée à de très nombreuses reprises sur cette question en considérant que l'élection présidentielle doit précéder les él ections législatives, ne souhaite pas aujourd'hui s'associer à cet amendement ou le voter. Nous souhaitons un vrai débat sur ces questions, nous ne voulons pas que cela apparaisse comme l'occasion de positionnement hasardeux, de règlement de comptes ou un premier acte de campagne électorale.

Ces questions institutionnelles se posent, elles sont importantes. On voit bien que le quinquennat a modifié en profondeur le fonctionnement de nos institutions et qu'il va falloir en tirer un certain nombre de conclusions, mais cela ne peut pas se faire ainsi, par la voie d'un amendement de circonstance.

Nous ne sommes pas dans un colloque de réflexion.

Nous votons la loi et, comme c'est un acte évidemment très important, nous ne pouvons pas le faire dans n'importe quelles conditions. C'est la raison pour laquelle, si cette question du calendrier se pose, elle ne se présente pas aujourd'hui dans des conditions qui nous permettent de voter cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Je me suis déjà exprimé tout à l'heure au nom de mon groupe dans la discussion générale, mais je veux rappeler comment nous ressentons cette question.

Le problème essentiel de la Ve République, c'est le déséquilibre des institutions en faveur de l'exécutif, qui a été relevé par tout le monde. Le candidat Chirac a dénoncé une dérive monarchique des institutions, et le président Mitterrand, quant à lui, a expliqué dans une lettre de mission qu'il y avait un excès de pouvoir exécutif et qu'il fallait y remédier, confiant le soin de présenter des propositions à la commission Vedel.

Avec ce problème de calendrier, c'est en définitive un problème de fond qui nous est posé. J'entends bien ce que vient de dire George Sarre : il est pour un régime présidentiel, c'est-à-dire un régime à l'américaine, avec un président, une chambre des représentants et un sénat, dans lequel il n'y a plus de gouvernement. Nous y sommes totalement hostiles, et je crois bien quenous ne sommes pas les seuls. Nous sommes favorables à un régime équilibré, avec un Président de la République, un Gouvernement et un Parlement ayant chacun des responsabilités, le Parlement ayant davantage de pouvoirs qu'il n'en a aujourd'hui. Pour reprendre une formule de la commission Vedel, il faut rendre au Parlement son rôle, qui devrait être le premier.

Outre le fait que cela apparaîtrait comme un jeu politicien à la veille des élections de changer le calendrier, que ce serait parfaitement mal compris par nos concitoyens, il y a un très grand risque sur lequel je voudrais attirer l'attention. On nous dit, et Georges Sarre nous dit, élégamment, que le régime présidentiel renforce le pouvoir du Parlement : regardez aux Etats-Unis, le Parlement a un très grand pouvoir.

M. Georges Sarre.

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Jacques Brunhes.

Si nous inversons le calendrier, de façon que l'élection présidentielle précède les électi ons législatives et qu'elles soient concomitantes, régulièrement concomitantes, nous aurons nécessairement des écuries présidentielles qui affaibliront fortement le pluralisme et les petits candidats. Lors des élections législatives, ce sont ces grandes écuries présidentielles qui présenteront leurs candidats et la bipolarisation va s'accentuer. Les petites formations seront affectées, pour l'élection présidentielle comme pour les élections législatives, et la représentation, que nous souhaitons la plus représentative de l'état de la nation française, sera également affectée.

C'est un problème de fond qui est posé par cet amendement. Ne changeons pas le calendrier et donnons au Parlement les pouvoirs qui doivent être les siens ! Je partage l'opinion que je viens d'entendre, et je l'ai déjà répété si souvent, ce n'est donc pas une nouveauté : il y a des moyens, monsieur le ministre, de donner des pouvoirs supplémentaires au Parlement sans modifier la Constitution. Engageons immédiatement ce type de débat. Nous y sommes prêts et nous avons des propositions à faire.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Nous sommes, je crois, à peu près tous d'accord pour dire qu'une raison conduit à elle seule à s'opposer à l'amendement déposé par M. Sarre, c'est la méthode : on ne peut modifier nos institutions sur un point important en adoptant un amendement d éposé subrepticement dans un texte relativement secondaire. Mais, au-delà de la question de méthode, la question posée ce soir par M. Sarre appelle de notre part une réponse. Même si c'est de façon rapide, nous ne pouvons pas ne pas nous prononcer sur cette question.

Les réponses à cette question de l'ordre dans lequel interviennent les élections législatives et présidentielle ont un fondement parfois assez contestable, parfois plus sérieux.

Nous avons entendu diverses explications fondées sur la conception que nous avons les uns et les autres de nos institutions. Ce sont des raisons parfaitement respectables.

D'autres le sont moins, je les évoque simplement pour mémoire. C'est le cas quand c'est par commodité qu'on préfère que les choses se déroulent dans un ordre plutôt que dans un autre. M. Sarre est un homme politique proche d'un autre homme politique qui est un éventuel candidat assez marginal à la Présidence de la République.

De telles raisons de convenance ne conviennent pas dans un débat comme celui-ci.

J'en viens au fond. C'est extrêmement simple.

Ceux pour qui la légitimité du Président de la République, qui résulte de son élection au suffrage universel, doit l'emporter de manière incontestable sur la légitimité de l'Assemblée nationale, la légitimité que nous avons en tant qu'élus de l'ensemble de la nation, sont nettement favorables au fait que l'élection présidentielle ait toujours lieu avant les élections législatives. C'est le moyen pour eux d'affirmer la suprématie de l'élection présidentielle sur les élections législatives. C'est le moyen pour eux de trancher entre deux sources de légitimité qui existent dans notre Constitution depuis 1962, depuis l'élection au suffrage universel du Président de la République. Pour eux, le Président l'emporte toujours sur l'Assemblée. Leur position est logique et, pour eux, il est choquant que l'Assemblée nationale soit élue immédiatement avant le Président de la République.

Tous ceux qui, au contraire, ont une conception authentiquement parlementaire de nos institutions considéreraient comme une sorte de reniement de ne pas accepter que le hasard du calendrier place des élections législatives avant une élection présidentielle. Ce serait en quelque sorte renier la légitimité qui est la nôtre, et qui, à mon avis, est l'égale de celle du Président de la République. Ceux qui refusent la hiérarchisation des légi-


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timités du Président de la République, d'une part, de l'Assemblée nationale, de l'autre, refusent l'inversion du calendrier !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Si le calendrier est tel qu'on le connaît aujourd'hui, c'est dû à des événements tout à fai t imprévisibles : la mort prématurée du président Georges Pompidou...

M. Jacques Brunhes.

Non ! La dissolution !

M. Georges Sarre.

Si vous permettez !

M. le président.

M. Sarre a la parole.

M. Georges Sarre.

Le décès prématuré du président Georges Pompidou, disais-je, et, bien sûr, en 1997, la dissolution de l'Assemblée nationale par le Président Jacques Chirac. C'est simple !

M. Jacques Brunhes.

Il savait ce qu'il faisait en 1997 !

M. Georges Sarre.

Et je ne vous demanderai pas, monsieur Goulard, si vous êtes proche d'un candidat possible tout à fait marginal ! Je me détermine en fonction de l'intérêt général et du bien du pays...

M. Pascal Clément.

Il a raison !

M. Georges Sarre.

...et bien malin est celui qui, aujourd'hui, peut dire dans quelles conditions se présentera l'élection présidentielle de 2002.

La cohérence, le bon sens et l'intérêt supérieur du pays feront que les choses évolueront tout naturellement. Le Gouvernement et le Président de la République ne peuvent rien faire aujourd'hui pour des raisons évidentes, mais si, comme M. Vaillant, ministre de l'intérieur, vient de l'expliquer, elles évoluent par la pédagogie, si on avance progressivement, formation par formation, leader par leader, on ira vers une solution de bon sens, qui est absolument nécessaire.

M. Jacques Brunhes.

Les Français n'en veulent pas !

M. Georges Sarre.

Les intérêts du parti communiste et ceux des Français ne sont pas forcément les mêmes !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est très « pluriel » cet après-midi !

M. Georges Sarre.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, je retire mon amendement (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), celui des députés du Mouvement des citoyens. L'heure n'a pas encore sonné pour un tel changement, mais elle approche !

M. le président.

L'amendement no 7 est retiré ! La parole est à M. le président de la commission.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il y a bien des choses à dire sur cette question ! Aurions-nous eu un débat dans les mêmes conditions si nous n'avions pas, il y a quelques mois dans cette assemblée, il y a quelques semaines à l'occasion d'un référendum, voté le quinquennat ? Je pense que certains l'auraient engagé.

Je reconnais à Georges Sarre de faire preuve d'une certaine constance dans sa vision de l'évolution de nos institutions, dans sa volonté, réitérée aujourd'hui, de voir instaurer un régime présidentiel, en précisant que, dans un régime présidentiel, le Parlement n'est pas laissé pour compte, comme le laisse entendre le nom de ce régime.

La constance existe aussi du côté de M. Brunhes. J'ai le souvenir d'un certain nombre de débats, comme la limitation du cumul des mandats, ou l'intercommunalité, au cours desquels il a exprimé de nombreuses fois au nom de son groupe la nécessité de renforcer, dans l'équilibre des pouvoirs de la Ve République, le rôle du Parlement par rapport à celui des exécutifs.

Reprendrai-je une formule que j'ai utilisée sur le quinquennat ? Je suis de ceux qui préfèrent se répéter que de se contredire. Le quinquennat, nous l'avons toujours souhaité...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mais vous ne l'aviez jamais mis en place auparavant !

M. Bernard Roman, président de la commission.

... et nous avons toujours souhaité que ce soit le prélude à l'approfondissement d'une démocratie parlementaire.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est pour cela que vous ne l'avez jamais instauré !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Dans ces conditions, je pense que ce serait une erreur de vouloir régler à la va-vite la question de l'ordre des élections p our 2002. Les Français auraient un mal fou à comprendre les intérêts des uns et des autres et, surtout, les sous-entendus tactiques - j'ai dit ce que je pensais du MDC et de la constance de la proposition de M. Sarre qui pourraient les inciter à vouloir une inversion du calendrier en 2002.

Ce serait tout autant une erreur de ne pas réfléchir de façon approfondie à l'indispensable évolution des institutions à partir du quinquennat. De ce point de vue-là, chacun a son avis. Nous avons exprimé le nôtre. Nous présenterons des propositions qui viendront en leur temps. En 2002, nous aurons des échéances rêvées pour débattre avec les Français des évolutions que les uns et les autres proposeront. Nous, en tout cas, nous souhaitons une démocratie parlementaire renforcée, un exécutif gouvernemental issu de la majorité parlementaire, avec une prééminence du Parlement sur la fonction présidentielle.

Le débat aura donc lieu, en son temps. Je crois que la pédagogie souhaitée par M. Sarre est absolument indisp ensable parce que c'est un débat qui concerne l'ensemble des Français, mais ce n'est pas le moment de régler ce type de problème.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous abordons le vote avec de nombreux regrets. Le texte aurait pu faire la quasiunanimité. Il était fondé sur un travail du Conseil constitutionnel, il avait fait l'objet de débats profonds. Mais la majorité a voté des amendements stupéfiants, marquant, pour l'un, l'importance de sa défiance vis-à-vis du Conseil constitutionnel auquel elle retire tout son pouvoir d'appréciation, permettant, pour l'autre, de remettre en cause une décision définitive du Conseil constitutionnel.

Je le dis tel que je le pense : je regrette profondément que le ministre ait joué, cet après-midi, les Ponce Pilate et laissé faire dans l'espoir secret que le Conseil constitutionnel effacerait les erreurs de sa majorité.

Néanmoins, nous l'avons dit avec force, nous ne pouvons pas approuver ces amendements. Cela expliquera le vote négatif du RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pascal Clément.

Le groupe DL avait l'intention de voter ce texte technique, car il n'imaginait pas qu'il donnerait lieu à des amendements politiques ou politiciens. A l'issue de ces débats, nous ne pouvons plus l'adopter.

Je voudrais formuler trois remarques rapides. Aujourd'hui, la gauche a voté un texte qui réduit la marge d'appréciation du Conseil constitutionnel en matière de plafond de dépenses, alors que le candidat lui-même n'a pas la capacité physique de maîtriser toutes les dépenses engagées pour sa campagne sur le territoire national, ce qui risque d'obliger un Président de la République à rembourser de ses deniers plusieurs dizaines de millions de francs.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est ridicule !

M. Pascal Clément.

C'est tout simplement inconséquent.

D'autre part, l'amendement, que je qualifie de politicien, de M. Montebourg est profondément choquant sur le plan des principes juridiques, de l'autorité de la chose jugée, de la stabilité juridique. Pour ce qui est de sa valeur d'amendement de circonstance, personne n'en a douté, il suffisait pour s'en convaincre d'entendre son auteur. C'est à croire que la France voudrait, en ce domaine, imiter les Etats-Unis. Outre-Atlantique, une affaire de moeurs a provoqué l'instabilité institutionnelle ; ici, demain peut-être, des affaires financières risquent de nous la faire subir. N'avons-nous rien compris à cette leçon ? Ne sommes-nous pas en train de courir derrière cette triste réalité de la démocratie américaine que nous connaissons depuis quelques dizaines d'années - depuis le Watergate exactement ? Enfin, je voudrais rendre hommage à M. Sarre, qui a défendu un amendement politique, car - j'ose le dire à titre personnel - je pense rigoureusement comme lui. J'ai désormais la conviction que nous quittons les rives de la Ve République. Je pouvais nourrir quelques doutes lorsque nous sommes passés du septennat au quinquennat : ils n'étaient pas nombreux, mais il subsistait une chance : il aurait fallu en profiter immédiatement pourr eplacer les élections dans le bon ordre. Pour la Ve République, l'élection majeure est celle du Président de la République. Celle des membres du Parlement ne peut, à l'évidence, se dérouler qu'après celle-ci. A partir du moment où l'on fait l'inverse, cela signifie que l'on veut réduire le Président de la République aux utilités, quand bien même il est élu au suffrage universel.

M. Jacques Brunhes.

Non ! Caricature !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il n'a rien compris !

M. Pascal Clément.

Nous allons vers une déperdition de l'autorité du Président de la République, qui ne sera plus, comme disait le général, « l'homme du pays ».

Certes, je reconnais, avec le Gouvernement, que le texte dont nous débattons n'avait pas pour objet de supporter ce type d'amendement. Mais, nous le voyons bien, aucun projet de loi allant dans ce sens ne nous sera soumis, et nous subirons donc cette situation pour les cinq ans, les dix ans, les quinze ans qui viennent, car qui aura, à l'avenir, le courage d'inverser les dates si cela n'est pas fait dès maintenant ? A la faveur de la réduction du mandat du P résident de la République, nous avions l'occasion d'engager cette modification ; personne n'osera la faire demain et, dans vingt ans, nous continuerons à élire les d éputés trois semaines avant le Président de la République.

C'est clair, nous avons quitté la Ve République pour entrer, de manière quasi officielle, dans la VIe . Je le déplore quant à moi, tout en reconnaissant que cette question n'était pas l'objet de notre débat et constituait un cavalier.

Telles sont les deux raisons - la troisième m'étant pas personnelle - pour lesquelles le groupe DL ne votera pas ce texte qui a été amendé d'une façon qui peut choquer de nombreux démocrates. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Compte tenu des amendements adoptés par la majorité, nous ne voterons pas ce texte. Nous le regrettons, car nous traversons une période où il faut essayer de clarifier les règles du jeu et, parfois, avoir le courage d'être un peu à contretemps.

Une démocratie doit reposer sur des principes clairs.

L'élection du Président de la République au suffrage universel est l'acte majeur. Le peuple est souverain et il y a un lien particulier entre le Président de la République et le peuple. Nous devons donc tenter d'éviter les amendements de circonstance qui augurent mal de la future campagne présidentielle. J'espère que nous arriverons à des débats plus sereins et à ce que nos discussions soient dégagées de petites arrière-pensées liées aux affaires judiciaires actuelles. Si ce n'était pas le cas, il faudrait en conclure qu'on nous tient un double langage : le Premier ministre s'exprime à quinze heures pour faire des déclarations qui sont aussitôt après contredites par sa majorité.

Nous sommes, les uns et les autres, soucieux du lien qui doit exister entre le citoyen et la politique. Et ce n'est pas en s'envoyant certaines choses à la figure qu'on le reconstruira. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte. Nous espérons, à l'occasion d'une prochaine lecture, que plus de sagesse prévaudra, pour le groupe socialiste.

M. le président.

La parole est à M. François Cuillandre, pour le groupe socialiste.

M. François Cuillandre.

Le groupe socialiste se félicite que ses amendements, qui améliorent le texte, aient été adoptés. Ce texte va contribuer à rendre plus grande la régularité juridique qui doit conduire à l'élection du Président de la République. Le rôle du Conseil constitutionnel, qui est central, est précisé, encadré. Les règles applic ables en matière de financement électoral sont éclairées.

Ce texte ne bouleverse pas notre dispositif, déjà bien élaboré, qui conduit à l'élection du Président à la magis trature suprême, il le précise.

Le groupe socialiste votera donc ce texte sans réserve.

M. Bernard Derosier, rapporteur.

Très bien ! Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 OCTOBRE 2000

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 2482, d'orientation pour l'outre-mer : M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 26174).

M. Michel Tamaya, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 2608).

M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2611).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT