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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 6861).

SUPPRESSION D'EMPLOIS DANS L'INDUSTRIE DU PNEUMATIQUE (p. 6861)

MM. Pierre Goldberg, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

ASSURANCE CHÔMAGE (p. 6862)

MM. François Liberti, Lionel Jospin, Premier ministre.

MAIN-D'UVRE ET CROISSANCE (p. 6863)

MM. Pierre Méhaignerie, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

AVENIR DE LA DÉCENTRALISATION (p. 6864)

MM. Marc-Philippe Daubresse, Lionel Jospin, Premier ministre.

CONCORDE (p. 6865)

MM. Jean-Pierre Blazy, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

ASSOCIATIONS D'AIDE A DOMICILE (p. 6866)

Mmes Martine David, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

MODERNISATION DE L'ÉTAT (p. 6866)

MM. André Vallini, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

TGV EST (p. 6867)

MM. Jean-Yves Le Déaut, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

SERVICE PUBLIC POSTAL (p. 6868)

MM. Jean-Pierre Michel, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

TVA SUR LA RESTAURATION (p. 6868)

MM. Dominique Dord, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

BILAN DE MME AUBRY (p. 6870)

MM. Bernard Accoyer, Lionel Jospin, Premier ministre.

INTEMPÉRIES DANS LES VALLÉES ALPINES (p. 6870)

MM. Michel Bouvard, Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

MESURES EN FAVEUR DES PME ET DE L'ARTISANAT (p. 6872)

M. Jean-Paul Charié, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Suspension et reprise de la séance (p. 6873)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 6873).

3. Fin de mission d'un député (p. 6873).

4. Saisine pour avis d'une commission (p. 6873).

5. Loi de finances pour 2001.

Discussion d'un projet de loi (p. 6873).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 6884)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Charles de Courson, Michel Inchauspé, Jean-Louis I diart, Jean-Pierre Brard, François d'Aubert, Pierre Méhaignerie. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 6892)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Gilles Carrez, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Jean-Jacques Jégou, Mme Nicole Bricq, M. Philippe Auberger. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6900).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, conformément à l'accord intervenu entre les groupes en conférence des présidents, les questions au Gouvernement de demain porteront exclusivement sur des thèmes européens.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe communiste.

SUPPRESSION D'EMPLOIS DANS L'INDUSTRIE DU PNEUMATIQUE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, au mépris des intérêts humains, économiques, régionaux et nationaux, Michelin annonçait il y a un an la suppression de 7 500 emplois, dont 1 000 à ClermontFerrand, en même temps que des profits financiers faramineux. Cela venait s'ajouter aux 15 000 emplois déjà supprimés en dix ans. Or, à part quelques pétitions orales de principe, aucune disposition, notamment au niveau gouvernemental, n'a été prise pour arrêter cette course au profit qui écrase l'emploi.

Se nourrissant de cette impunité, d'autres groupes empruntent aujourd'hui le même chemin. C'est DunlopGoodyear à Montluçon qui veut supprimer 700 emplois en fermant un atelier ultramoderne pour poids lourds au coeur d'une usine dans laquelle a été investi plus de 1 milliard de francs, y compris des fonds publics. C'est Hutchinson à Châlette-sur-Loing, dans le Loiret, qui veut fermer un atelier moderne de raccord employant 674 salariés pour le transférer en Pologne, après avoir en secret racheté ou construit dix usines à l'étranger. C'est à Amiens, dans la Somme, où rien n'indique que, dans un proche avenir, on n'aura pas à souffrir de pareils choix patronaux sachant que, si le projet Goodyear à Montluçon se réalise, ce sont plus de 250 salariés intérimaires qui ne seront jamais embauchés chez Dunlop.

M. Lucien Degauchy.

Cela va plutôt mal !

M. Pierre Goldberg.

D'autres exemples pourraient encore être cités. C'est l'activité industrielle du pneumatique en France qui est ainsi gravement menacée. Le Gouvernement est-il conscient de cette situation si dangereuse pour le pays et les salariés concernés ?

M. Lucien Degauchy.

Même pas !

M. Pierre Goldberg.

Va-t-il prendre les dispositions qui s'imposent en urgence pour empêcher cette course meurtrière au profit financier, au mépris de l'emploi et de l'intérêt national ? Que va faire le Gouvernement...

M. Thierry Mariani.

Rien !

M. Pierre Goldberg.

... pour prendre position nettement et rapidement afin d'empêcher le démantèlement industriel à Châlette-sur-Loing et à Montluçon ? Va-t-il prendre position en faveur des plans de maintien et de développement des activités concernées et des emplois,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Non !

M. Pierre Goldberg.

... comme le proposeront demain à l'Assemblée nationale les salariés, les syndicats de Dunlop et, avec eux, les élus et la population ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, il existe en effet de fortes difficultés dans le secteur du caoutchouc et du pneumatique en France.

Vous le savez, le Gouvernement, le Premier ministre ont eu une attitude ferme face au projet de Michelin. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

On voit le résultat !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

A ce jour, la restructuration annoncée n'a pas été mise en oeuvre et Michelin a dû négocier l'application des 35 heures et du dispositif de cessation anticipée d'activité.

Par les mesures qu'il a proposées, le Gouvernement a ainsi donné aux salariés les moyens de se faire entendre clairement et de participer à la définition de l'avenir de ce type d'entreprise. Il aura la même position vis-à-vis de Dunlop et aussi d'Hutchinson si les menaces à Châlettesur-Loing se confirment.

Dans le cas de Dunlop, nous nous sommes impliqués ensemble, vous et moi, monsieur le député, pour que toutes les solutions industrielles alternatives soient étudiées. Le travail de fond des salariés et des élus a fait ressortir la possibilité d'un plan de développement de l'activ ité « poids lourds » à Montluçon au lieu de sa disparition pure et simple, parfois évoquée.

Ce plan pose des questions très importantes. J'estime i ndispensable que Dunlop y apporte des réponses concrètes et pragmatiques dans le cadre de la concertation avec les salariés. Dunlop doit en effet dialoguer.

M. Thierry Mariani.

A quoi cela sert-il ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement soutiendra les solutions réellement industrielles, les solutions impliquant une concertation avec les salariés, les


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solutions replaçant l'entreprise face à ses responsabilités dans son environnement et sur les territoires où elle est installée, les solutions favorisant l'innovation. Si ces q uatre conditions sont remplies, le Gouvernement appuiera tout ce qui permettra de consolider l'avenir de l'entreprise. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

ASSURANCE CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Les dernières tractations portant sur la réforme de l'assurance chômage ont une fois de plus montré l'intransigeance du patronat français. Destiné de nouveau à arracher l'agrément du Gouvernement, ce compromis de dernière minute a un goût d'autant plus amer qu'il fut trouvé lors de la journée mondiale du refus de la misère.

Bien qu'il ne soit pas encore à la disposition de tous les partenaires sociaux, le texte de ce projet de convention semble s'attacher davantage à satisfaire les exigences financières du MEDEF qu'à répondre véritablement aux attentes sociales des chômeurs. C'est pourquoi les députés communistes réaffirment leur souhait de voir s'instaurer un débat citoyen, qui permettrait à tous ceux, sans exclusion, qui sont privés d'emploi, d'accéder à une meilleure indemnisation.

Cette meilleure prise en charge doit s'accompagner d'une consolidation du dispositif de reclassement et d'une formation choisie de qualité, seuls garants d'un retour à l'emploi efficace. Rappelons-le une fois encore, 41 % seulement des chômeurs sont aujourd'hui indemnisés par l'UNEDIC, les autres relevant uniquement de la solidarité nationale. C'est pourquoi nous continuons à juger nécessaire une extension de la couverture, une réduction de la période de référence pour l'indemnisation, toujours fixée à quatre mois de cotisations sur les dix-huit derniers mois, ainsi que la non-dégressivité des allocations chômage. La grande loi d'ensemble, pour refondre l'UNEDIC dans le progrès social, que nous exigeons doit donc aller dans le sens de l'affectation de nouveaux moyens massifs de financement et non vers la réduction des cotisations sociales que les employeurs rattachent à la baisse du coût du travail.

Monsieur le Premier ministre, dans un contexte d'excédent des caisses de l'UNEDIC, et face au MEDEF, qui, tout en agitant le spectre d'une prétendue étatisation, se satisfait d'écarter la représentation syndicale majoritaire et persiste à jouer au chantage pour clarifier, sur le dos des chômeurs, ses relations financières avec l'Etat, quelles garanties comptez-vous mettre en oeuvre pour faire échouer cette nouvelle tentative dont nous nous accordions tous à dire, jusqu'à présent, qu'elle restait dangereuse pour l'égalité et la liberté des chômeurs dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, lorsque le MEDEF a proposé aux organisations syndicales, dès le début de 1999, d'ouvrir plusieurs chantiers de négociation, et que celles-ci ont accepté, le Gouvernement a accueilli cette initiative avec intérêt.

M. Yves Bur.

Avec méfiance !

M. le Premier ministre.

Nous sommes en effet favorables à une démarche contractuelle. (Exclamations et riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Thierry Mariani.

On voit le résultat !

M. André Santini.

L'exercice est difficile, monsieur le Premier ministre !

M. le Premier ministre.

Dans le même temps, le Gouvernement a rappelé aux partenaires sociaux, et notamment au patronat, qu'il aurait, le moment venu, son mot à dire. Dans le domaine de compétence du législateur, les propositions sont sans doute les bienvenues, mais c'est au Gouvernement et au Parlement qu'il appartient de décider en dernier ressort. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Thierry Mariani.

Martine n'est pas d'accord !

M. Lucien Degauchy.

Démagogie !

M. le Premier ministre.

Dans le cas de l'assurance chômage, le Gouvernement, par la voix de Martine Aubry et de Laurent Fabius, a fait part très tôt de ses inquiétudes sur certaines propositions en discussion, et notamment sur le risque de la mise en place d'un système à double vitesse dans l'aide à la recherche d'un emploi. Les ministres ont rappelé la nécessité de trouver un accord financièrement équilibré englobant une nécessaire clarification des relations entre l'Etat et l'UNEDIC. Mais ces mises en garde n'ont pas été entendues par les signataires de l'accord du 14 juin et de la convention du 29 juin conclus entre le patronat et deux organisations syndicales.

M. Yves Bur.

Excellente convention !

M. le Premier ministre.

Si le Gouvernement partageait certains des objectifs affichés, comme le développement d'une aide personnalisée aux demandeurs d'emploi, il a dû constater à l'époque que les dispositions concrètes de la convention ne coïncidaient pas avec ces objectifs et, pour certaines d'entre elles, comportaient des risques importants pour les chômeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le Gouvernement a donc logiquement refusé son agrément à ce texte et appelé les partenaires sociaux à le renégocier.

Le nouveau texte, présenté le 23 septembre avec une organisation syndicale signataire de plus...

M. Thierry Mariani.

Laquelle ?

M. Jacques Godfrain.

Citez-la !

M. le Premier ministre.

... a apporté certaines évolutions, en particulier en termes de couverture chômage.

Mais il n'a pas répondu pleinement aux objections du Gouvernement,...

M. Christian Jacob.

De la majorité plurielle ?

M. le Premier ministre.

... notamment sur la question des sanctions et de l'équilibre financier.

M. Thierry Mariani.

Démago !

M. le Premier ministre.

Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a donc repris, avec l'énergie et la détermination qu'on lui connaît (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie fran-


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çaise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) les discussions avec les organisations signataires et non signataires. Elle leur a fait clairement connaître les objections du Gouvernement en cherchant à aboutir à une solution négociée permettant d'envisager l'agrément du Gouvernement et donc d'éviter une action par décret.

C'est à ce stade des discussions qu'elle m'a demandé, le week-end dernier, d'intervenir personnellement, notamment auprès du président du MEDEF. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Zorro est arrivé !

M. Christian Jacob.

Et les chevilles, ça va ?

M. le Premier ministre.

Ce sont des choses que vous ne faisiez pas quand vous étiez aux responsabilités. Et aujourd'hui, vous n'avez rien à faire si ce n'est critiquer et vous diviser ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je suis intervenu, non pour négocier ou pour passer un accord qui n'est pas de ma compétence, mais pour éclairer les parties concernées sur les conditions qui permettraient au Gouvernement d'envisager un agrément, ce qui est de ma responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Mégalo !

M. le Premier ministre.

Parmi ces conditions, il y a notamment le refus du Gouvernement d'accepter une modification du régime légal et réglementaire de contrôle et de sanctions des chômeurs. Celui-ci ne doit pas être un instrument de culpabilisation ou de chantage vis-à-vis des demandeurs d'emploi et il ne peut relever pour nous que du service public de l'emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) En particulier, il doit être clair que le refus de signer tel ou tel document ne saurait constituer en soi un motif de suppression des allocations. (Mêmes mouvements.)

Il semble aujourd'hui que les choses bougent (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et que les organisations signataires du précédent accord soient prêtes désormais à prendre en compte cese xigences et à présenter un nouveau texte. C'est l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles qui doit être réuni pour en discuter, chaque organisation devant avoir la possibilité de faire valoir son point de vue.

Le Gouvernement sera attentif au respect de cette procédure. Il examinera le nouveau texte proposé après qu'aura eu lieu une telle rencontre.

Dans cette affaire, le Gouvernement est constamment resté fidèle à ses principes. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Santini.

Ça c'est sûr !

M. le Premier ministre.

Il respecte le dialogue social, mais il est aussi le garant de l'intérêt général, le gardien vigilant des droits des salariés et des chômeurs. Il a refusé ce qui ne pouvait être accepté et a recherché une issue par la négociation. Beaucoup la jugeaient impossible.

Nous sommes - espérons-le - en passe de la trouver.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. Thierry Mariani.

Cette réponse était bien longue, monsieur le président !

M. le président.

J'ai considéré que le sujet était suffisamment important pour justifier une réponse un peu p lus longue que d'habitude. Mais chacun apprécie comme il l'entend.

M. Thierry Mariani.

C'est le RPR qui va en subir les c onséquences puisque c'est le dernier à intervenir aujourd'hui !

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

MAIN-D'UVRE ET CROISSANCE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances. Mais, puisqu'il n'est pas là, peut-être le Premier ministre pourra-t-il répondre.

Depuis plusieurs mois, nous interpellons sans succès le Gouvernement sur la pénurie de certaines catégories de main-d'oeuvre et ses conséquences négatives tant sur la croissance que sur l'inflation. Il y a deux mois, M. Fabius, dans un article remarqué, avait manifesté la même crainte et demandé un assouplissement dans l'application des 35 heures pour les PME.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie.

Et puis, depuis deux mois, plus rien. Sauf hier, un autre article appelant une nouvelle fois à prendre en compte la diversité des situations concrètes des salariés des entreprises et à veiller à ce que les entreprises ne se heurtent pas à une impossibilité de produire davantage, au risque de pénaliser l'économie française.

Monsieur le Premier ministre, ma question est double.

Quelle est la nature des blocages qui vous empêchent d'appliquer le discours de M. Fabius ? Etes-vous au moins décidé, s'agissant des heures supplémentaires, à laisser la liberté aux salariés de choisir entre le repos compensateur et le salaire majoré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, je vous réponds à la place de M. Fabius, qui ne reviendra de Luxembourg, où il assistait à une réunion européenne, que dans quelques instants.

M. Fabius a eu raison de souligner les problèmes relatifs à la croissance et aux nécessités de développer une offre française compétitive. Tel est le sens des articles auxquels vous vous référez. La Gouvernement a précisément la volonté de résorber les goulets d'étranglement qui empêchent l'offre de s'adapter avec suffisamment de rapidité aux exigences du monde du travail. La politique


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économique que vous suivons depuis trois ans et demi vise à créer un environnement favorable à l'entreprise s'agissant notamment de formation professionnelle, de développement de l'informatique, de formation de techniciens supérieurs et d'ingénieurs - il en manque chaque année plusieurs dizaines de milliers -...

M. Maurice Leroy.

Répondez à la question !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... ou d'incitation à l'investissement, à l'innovation et à la créativité.

M. Maurice Leroy.

Répondez à la question !

M. Christian Pierret.

Cette politique démontre que le Gouvernement est attaché à favoriser le développement d'une offre compétitive, au plan européen et au plan mondial. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Répondez à la question !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Comment interpréter autrement, d'ailleurs, la très bonne tenue des entreprises françaises au plan mondial dans pratiquement tous les secteurs industriels ou de services où nous comptons des champions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Comment interpréter autrement l'encouragement à la création d'entreprises, notamment par les fonds de capital-risque, les incubateurs d'entreprises, et les dispositions fiscales favorables à la création d'entreprises ? (Huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

La question !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Voilà, monsieur le député, la véritable réponse à la question que vous posez : il faut adapter en permanence l'offre de nos entreprises pour permettre à la croissance et à l'emploi d'atteindre un niveau maximum. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations et huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Vous n'avez pas répondu à la question ! AVENIR DE LA DÉCENTRALISATION

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous constatons une fois de plus que le Gouvernement répond à côté des questions. En l'occurence, le secrétaire d'Etat n'a pas répondu à une interrogation majeure sur l'application des trente-cinq heures.

Nous espérons que M. Fabius le fera.

Monsieur le Premier ministre, le rapport de la commission présidée par M. Pierre Mauroy sur l'avenir de la décentralisation est très attendu par l'ensemble des élus locaux. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous souhaitons avec ardeur, la mise en oeuvre d'un acte II de la décentralisation (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) ... Plusieurs députés du groupe socialiste.

L'opposition était contre l'acte I !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... pour permettre plus d'efficacité, plus de proximité et plus de lisibilité dans l'organisation territoriale de notre pays.

C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, notre déception est aujourd'hui à la hauteur des espoirs que nous avions mis dans cette commission. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) D'une part, les actes du Gouvernement sont venus démentir les déclarations d'intention initiales et, jour après jour, s'accumulent les actes de recentralisation...

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... qui portent atteinte à l'autonomie financière des collectivités locales, ce qui a provoqué le départ de nos représentants dans cette commission.

D'autre part, les propositions avancées par M. Mauroy manquent d'audace et de cohérence. Elles déçoivent tous ceux qui attendaient une véritable refondation de l'action publique locale. On y trouve fort peu de mesures volontaristes sur la simplification de l'organisation administrative de notre pays, qui est pourtant souhaitée par une très large majorité de Français. On y trouve fort peu de mesures sur la clarification des compétences, que nous souhaitons tous. On y trouve fort peu de mesures audacieuses sur une vraie réforme de la fiscalité locale. On n'y trouve rien sur le droit à l'expérimentation, qui est pourtant la solution à nombre de nos problèmes.

Monsieur le Premier ministre, après l'échec de la commission Mauroy (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , après le recul de la décentralisation, quelle route allez-vous suivre désormais et quelle suite comptez-vous donner à la proposition de loi qui va être déposée prochainement par M. le président du Sénat sur l'autonomie financière des collectivités locales ? Bref, que comptez-vous faire pour que la république intègre vraiment, en ce début de

XXIe siècle, l'enjeu territorial, et pour que la démocratie redevienne le fait de tous les citoyens ? (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocraie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, rappelons brièvement, d'abord, que les grandes lois de décentralisation ont été votées à l'initiative de Pierre Mauroy (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), grâce au travail inlassable de Gaston Defferre au sein de cette assemblée et au Sénat. A ce moment-là, l'opposition d'alors, redevenue opposition aujourd'hui, a voté contre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Rappelons ensuite que, quand vous êtes revenus au pouvoir, comme pendant les années qui ont précédé 1981, où vous aviez largement le temps d'agir, vous n'avez rien fait pour remédier à la vieille centralisation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Patrick Ollier.

Scandaleux !

M. le Premier ministre.

Disons encore que, grâce, notamment, à l'action, de Jean-Pierre Chevènement (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemble-


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ment pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et à la loi sur l'intercommunalité, nous avons fait faire de nouveaux pas en avant à la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Ollier.

Et la loi Pasqua de 1994 ?

M. le Premier ministre.

Enfin, c'est à mon initiative qu'une commission a été réunie autour de Pierre Mauroy.

A cet égard, je regretterais, mesdames, messieurs les députés, que vous affirmiez ici que les propositions de cette commission sont extrêmement décevantes car, pour une bonne part et malgré le départ un peu théâtral et politique d'un certain nombre des membres de cette commission appartenant à l'opposition, c'est sur la base d'un consensus qu'elles ont été présentées. Ne dites donc pas du mal de votre propre travail, effectué sous l'autorité de Pierre Mauroy ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Terminons d'un mot sur la méthode, en vous disant que, le 27 octobre, je me rendrai à Lille (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), pour participer à l'inauguration des nouvelles lignes de métro, et que je m'exprimerai sur l'avenir de la décentralisation.

Je tirerai les conclusions de la démarche suivie et des propositions de la commission Mauroy. Néanmoins, je peux d'ores et déjà vous indiquer que je proposerai au Parlem ent un débat sur l'avenir de la décentralisation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je serais très heureux que, ce jour-là, vous n'esquiviez pas la discussion de fond, en prônant je ne sais quelle autonomie fiscale et que vous vous prononciez sur le fond.

Je serais notamment heureux de savoir comment on concilie, par exemple, les positions de M. Raffarin, régionaliste, et de M. Puech, départementaliste ! Faites donc votre synthèse avant de venir dialoguer avec nous et nous ferons avancer les choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Démagogie !

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

CONCORDE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, le 25 juillet dernier, à 16 heures 44, un Concorde, après une minute de vol, s'écrasait sur un hôtel de la commune de Gonesse, à quelques centaines de mètres du centre-ville et de l'hôpital. Le bilan de cette catastrophe est de 113 morts : passagers, membres de l'équipage et victimes au sol.

Je tiens d'ailleurs à remercier les collègues qui, sur tous les bancs de cette assemblée, m'ont témoigné leur sympathie et leur soutien dans les moments difficiles que nous avons connus.

Il est évident que cet événement tragique a rendu plus perceptibles les risques encourus aux abords des aéroports et plus impérieuse la nécessité tant de maîtriser le développement du trafic aérien que de créer un troisième aéroport dans le Grand Bassin parisien.

Monsieur le ministre, vous avez, conjointement avec les Britanniques, pris la bonne décision : celle de suspendre le certificat de navigabilité des Concorde. Cette décision sans précédent en France révèle que cet avion n'est plus aéronautiquement aux normes. Cependant, vous avez déclaré que Concorde revolera, ce dont nous pouvons douter fortement en l'état actuel des choses et ce que je ne souhaite pas en tant que maire de Gonesse.

Dès lors, pouvez-vous, devant la représentation nationale, faire le point sur les premiers résultats des enquêtes et expertises techniques après la publication du rapport préliminaire du Bureau enquêtes-accidents ? Alors qu'une nouvelle réunion du groupe de travail franco-britannique s'est déroulée la semaine dernière et que des voix par trop impatientes s'élèvent, pouvez-vous également nous préciser dans quelles conditions de sécurité suffisante vous prendriez, le cas échéant, la décision politique d'autoriser la reprise des vols du supersonique ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, les expertises et investigations techniques menées dans le cadre des deux enquêtes, judiciaires et techniques, se poursuivent.

Un groupe de travail a été constitué à mon initiative réunissant des représentants du Gouvernement français et des administrations françaises et britanniques de l'aviation civile. Il a tenu plusieurs réunions, la dernière ayant eu lieu le 22 octobre.

Ce groupe suit de très près les progrès de l'enquête et coordonne, en concertation avec la DGAC et la CAA britannique, les travaux techniques menés par les constructeurs : EADS, qui comprend Aerospatiale, Matra et British Aerospace.

Les axes de travail retenus sont les suivants : réduction du risque d'éclatement des pneus et développement éventuel d'un nouveau modèle de pneu ; réduction des risques de dommages causés au réservoir à la suite d'un éclatement de pneu ou pour toute autre raison ; réduction ou élimination des possibilités d'inflammation du carburant à la suite de fuites consécutives à des dommages causés au réservoir. Bref, vous comprenez qu'il s'agit de tout faire pour qu'un tel enchaînement dramatique ne puisse se reproduire.

Ce travail est conduit avec l'objectif de mettre les autorités aéronautiques britanniques et françaises en mesure de valider des dispositions techniques de nature à répondre aux préoccupations que je viens d'énumérer et conformes aux exigences réglementaires applicables à la certification des appareils.

La volonté clairement affichée de tous les acteurs - y compris les compagnies exploitantes et les constructeurs -, ainsi que les efforts consentis dans la recherche de solutions, permettent de penser que ce travail sera couronné de succès, que les mesures appropriées pourront être définies avec la plus grande rigueur et que, la sécurité des vols étant ainsi assurée sans équivoque, l'exploitation du Concorde pourra reprendre, dans un délai raisonnable.

C'est en tout cas mon voeu le plus cher.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

ASSOCIATIONS D'AIDE À DOMICILE

M. le président.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, un nombre de plus en plus grand de familles vit au quotidien les conséquences du vieillissement de notre population. Cette tendance lourde et durable étant désormais connue, nous devons l'anticiper.

Sa première conséquence est l'accroissement considérable des besoins pour accompagner, accueillir et soigner dignement les personnes âgées. A ces dernières, l'aide à domicile apporte une réponse particulièrement pertinente et appréciée. Pourtant, plusieurs associations oeuvrant dans ce domaine ont lancé collectivement un véritable appel de détresse. Elles réclament, en substance, d'abord une meilleure reconnaissance de leur mission par la mise en oeuvre d'une filière professionnelle et par la création d'une grille de salaires ; ensuite, des moyens réellement adaptés à l'ampleur des besoins. Elles s'inquiètent du retard pris dans l'agrément et le financement des accords de réduction du temps de travail dans cette branche.

Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d'Etat, quelles dispositions il vous semble possible de prendre pour répondre à cet appel qui, on le sait, cache parfois des situations humaines très préoccupantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Madame la députée, j'ai déjà eu l'occasion de répondre plusieurs fois ces dernières semaines à la préoccupation des relais de ces associations d'aide à domicile qui oeuvrent notamment, mais pas seulement, auprès des personnes âgées.

Depuis 1999, ces associations ont bénéficié d'une attention particulière de la part du Gouvernement qui connaît le rôle qu'elles jouent dans la réponse aux besoins de nos concitoyens en situation de vulnérabilité. Cela leur a permis de faire face à leur mission dans de meilleures conditions.

D'abord, a été décidée en leur faveur une exonération totale des charges salariales patronales, et 30 millions de francs du budget de l'Etat ont été attribués aux associations en difficulté pour leur venir en aide.

Depuis 1998, 2000 places supplémentaires de soins infirmiers à domicile ont été créées et cet effort sera accentué dans le cadre du plan d'amélioration des soins infirmiers à domicile qui bénéficiera de 1,2 milliard de francs pour les cinq années à venir, comme l'a annoncé

M. le Premier ministre.

Par ailleurs, ce secteur profitera, l'an prochain, de l'augmentation de l'enveloppe médico-sociale de l'assurance maladie, qui sera portée à 5,8 %, alors qu'elle a été de 4,9 % cette année.

De plus, vous le savez, la révision de la prestation spécifique dépendance pour en faire une véritable allocation pour l'autonomie - ce projet devrait être déposé devant votre assemblée d'ici à la fin de l'année -, permettra à un nombre beaucoup plus élevé de personnes âgées d'avoir recours aux services de ces associations.

En ce qui concerne les difficultés de mise en oeuvre des 35 heures dans ce secteur, une première phase de discussions a eu lieu au printemps dernier, qui n'a pu aboutir avec les partenaires sociaux car les accords n'étaient pas financés. Actuellement de nouvelles discussions sont en cours, qui devraient aboutir d'ici à la fin de l'année et assurer tant la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail que la garantie de l'emploi dans ce secteur.

Cela permettra d'améliorer les conditions de travail ainsi que le niveau de rémunération des aides à domicile.

Des négociations ont également lieu pour permettre à ces associations de bénéficier d'un engagement pour le développement de la formation, avec l'aide de l'Etat, afin d'assurer la valorisation et la professionnalisation de cette filière que vous appelez de vos voeux, madame la députée.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

MODERNISATION DE L'ÉTAT

M. le président.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini.

Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, la semaine dernière le comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'est réuni, sous la présidence du Premier ministre. A l'issue de cette réunion, la presse a beaucoup parlé de la suppression des fiches d'état civil et des justificatifs de domicile pour la grande majorité des démarches administratives de nos concitoyens. Il est vrai que les Français sont très demandeurs de telles mesures et nous devons continuer à leur simplifier les démarches administratives les plus courantes.

Au-delà de ces mesures très concrètes et immédiates, les Français sont aussi demandeurs d'une réforme profonde qui rende l'Etat plus souple, plus performant et plus transparent. Il s'agit d'un vaste chantier, interministériel de surcroît, dont la mise en oeuvre va demander plusieurs années.

Pouvez-vous donc nous indiquer, monsieur le ministre, selon quel calendrier et dans quel délai vous inscrivez votre action de modernisation de l'Etat ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député,...

M. Jean-Louis Debré.

Je vous remercie d'avoir posé cette question ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... vous avez souligné l'importance des décisions prises sous l'autorité du Premier ministre la semaine dernière au sein du comité interministériel pour la réforme de l'Etat.

La première a été la réforme spectaculaire...

M. Thierry Mariani.

Modeste ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... mais, dans ce domaine, le spectaculaire est aussi le reflet d'un profond besoin des Français - qui a consisté à supprimer les fiches individuelles ou familiales d'état civil, devenues inutiles, ce qui représente 60 millions de formulaires.

Nous avons souhaité mettre l'usager au coeur de nos préoccupations.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. Thierry Mariani.

C'est beau ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

On part de l'usager pour réformer l'Etat et réformer l'administration.

M. Philippe Auberger.

C'est original ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Quand une démarche devient inutile, mieux vaut carrément la supprimer au lieu de chercher des simplifications qui, au bout du compte, sont rattrapées par d'autres complications.

Cette démarche très concrète procède d'une philosophie de la relation entre l'administration et l'usager qui consiste à faire confiance plutôt que de faire preuve de défiance.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démoc ratie libérale et Indépendants.) L'administration fait confiance aux usagers pour que les usagers aient confiance dans l'administration.

(Mêmes mouvements.)

Au-delà de cette réforme, le Premier ministre souhaite le développement de l'utilisation des techniques modernes d'information et de communication pour simplifier et moderniser l'action de l'administration.

Néanmoins cela n'est pas tout, car réformer l'Etat c'est aussi prendre aujourd'hui des décisions de fond difficiles, destinées à avoir des effets progressifs dans les années qui viennent.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est donc pas vous qui les verrez ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Ainsi, la réforme de l'ordonnance de 1959, attendue me semble-t-il sur tous les bancs de cette assemblée et qui fait l'objet d'une proposition parlementaire vous souhaitez d'ailleurs, monsieur le président, qu'elle soit examinée le plus tôt possible -, aura des effets tant sur la transparence et sur l'efficacité du débat démocratique au Parlement, que sur l'organisation de l'administration, sur la manière de dépenser l'argent public et de rendre service aux usagers.

C'est pourquoi nous préparons d'ores et déjà les administrations et l'ensemble de l'Etat à cette grande réforme voulue par le Parlement et qui devra être votée l'année prochaine puis entrer progressivement en application.

Le principe de la responsabilité du fonctionnaire, de la responsabilité des services sera alors au coeur du fonctionnement de l'Etat.

Enfin, monsieur le député, j'aimerais insister sur une autre réforme que nous menons dès maintenant.

(« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues ! M. ministre de la fonction publique et de réforme de l'Etat.

Elle concerne la gestion prévisionnelle des effectifs de l'administration.

En effet, nous entendons beaucoup, nous allons encore beaucoup entendre, sur certains bancs de cette assemblée, parler du nombre des fonctionnaires. Or cette approche est aujourd'hui dépassée. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Vous ne savez pas combien il y a de fonctionnaires ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

En effet, si nous n'y prenons garde, si, dès maintenant, nous ne mettons pas en place des mécanismes de prévision des besoins et de suivi de l'évolution des effectifs, dans quelques années il faudra parler non plus du nombre des fonctionnaires, mais de celui des postes vacants dans la fonction publique. Il faut donc se préparer dès maintenant à la grande transformation de la fonction publique qui s'imposera à la suite du départ à la retraite d'au moins 50 % des fonctionnaires dans les douze ans qui viennent. Voilà une vraie réforme de l'Etat, concrète, précise et qui tend à répondre aux besoins des usagers. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mesdames, messieurs les députés, nous avons une vision exigeante de la réforme de l'Etat, car nous croyons en l'Etat et en l'efficacité du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

TGV EST

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, une de mes premières interventions à l'Assemblée nationale en 1986 portait sur le TGV Est.

M. Eric Doligé.

Vous n'êtes guère efficace !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Et si les annonces gouvernementales successives ont depuis confirmé le programme du TGV Est vers Strasbourg et vers l'Allemagne, le Gouvernement dirigé par Lionel Jospin est le premier entré dans la phase de réalisation concrète en octroyant les moyens financiers pour sa réalisation. Pouvez-vous nous confirmer, ainsi qu'à tous mes collègues d'Alsace, de Champagne-Ardenne et de Lorraine, le calendrier de réalisation de la ligne et la date à laquelle le TGV Est reliera effectivement Paris à Strasbourg ou à Nancy ? Un autre problème nous préoccupe : celui de la localisation de la gare lorraine. Cette question dépasse le cadre régional, car selon qu'elle sera située en pleins champs ou à l'intersection de la ligne Bruxelles-Bâle via Luxembourg et de la ligne Paris-Munich via Strasbourg, le TGV Est présentera ou non un intérêt pour nos voisins allemands, belges ou luxembourgeois. La SNCF et Réseau ferré de France privilégient cette solution d'intersection plutôt que celle d'une gare en pleins champs, sans intérêt en termes de développement économique et d'aménagement du territoire.

M. Denis Jacquat.

C'est faux !

M. Jean-Yves Le Déaut.

N'allons pas répéter l'erreur de la gare picarde que l'on appelle la gare aux betteraves ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quel est le choix du Gouvernement sur cette localisation ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Guy Teissier.

Ce sera Béziers !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

D'abord une bonne nouvelle, monsieur le député : l'ensemble des collectivités territo-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

riales concernées ont délibéré sur leur participation au financement du TGV est-européen. La convention sera établie dans les prochains jours. Les quelques mois de retard pris du fait de quelques collectivités devraient pouvoir être rattrapés et les délais finalement respectés.

Pour ce qui concerne la gare lorraine, la déclaration d'utilité publique prévoit, vous le savez, que la gare lorraine sera installée à Cheminot. (Sourires.) Le Gouvernement, comme toujours, entend respecter ses engagements.

Mais, tout comme vous, d'autres élus avaient souhaité voir cette gare située à l'interconnexion de la liaison ferroviaire Nord-Sud, à Vandières. Nous étions convenus, le 29 janvier 1999, d'étudier cette possibilité, sachant que son financement n'est pas inclus dans la convention de financement général dont je viens de parler.

Je ne puis guère en dire plus à ce stade, sinon que cette question ne fait pas encore l'unanimité parmi les élus. Mais je sais que RFF et la SNCF ont plutôt une préférence pour Vandières. En conséquence, j'estime nécessaire de réserver les emprises à Vandières et de prévoir les aménagements de voies et de sécurité de manière à y réaliser la gare si cette possibilité est finalement retenue. Bien entendu, un protocole financier complémentaire sera nécessaire pour la prise en charge du surcoût qui en découlera, de l'ordre de 80 millions de francs.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe RCV.

SERVICE PUBLIC POSTAL

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, La Poste remplit des fonctions indispensables au bénéfice des populations isolées ou en difficulté, en particulier dans le domaine financier. Elle joue un rôle irremplaçable en termes d'aménagement du territoire grâce à ses 17 000 points de contact et au système de péréquation tarifaire. Or ces missions de service public sont aujourd'hui gravement remises en cause par les directives européennes de libéralisation du secteur postal.

Après la directive de 1997, un nouveau texte en préparation à Bruxelles risque en effet d'affaiblir La Poste sur le plan financier, ce qui aura immanquablement un impact sur le plan général, qu'il s'agisse des envois postaux, des prestations relatives aux moyens de paiement de transferts de fonds, des produits de placement et de l'épargne.

Anticipant sur cette libération à outrance, et obsédée par la recherche de la rentabilité à court terme, la direction de La Poste prend d'ores et déjà des décisions contraires à l'intérêt général et qui défient le bon sens

Elle a ainsi annoncé la suppression du train postal quotidien Besançon-Paris, qui transporte colis et paquets pour la Franche-Comté et le sud de l'Alsace. Ce train devrait être remplacé par des camions à partir du 4 décembre prochain. On croit rêver ! Voilà qui va à l'encontre de la politique du Gouvernement qui souhaite privilégier le transport de fret par rail, particulièrement dans une région où, vous le savez fort bien, la fermeture du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines a provoqué un afflux de transport sur route et sur autoroute totalement insupportable, cause d'accidents mortels quotidiens et multiples sur tout le réseau.

Ma question sera double : premièrement, le Gouvernement compte-t-il oui ou non défendre le service public à Bruxelles ? (« Non ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est oui !

M. Jean-Pierre Michel.

Deuxièmement, entendez-vous intervenir auprès de la direction de La Poste, en liaison avec la SNCF pour qu'elle revienne sur cette décision totalement ubuesque de supprimer le train postal entre Besançon et Paris ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Thierry Mariani.

On ne voit que lui !

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, la défense du service public au sein du concept européen de service universel est l'axe politique fondamental de la présidence française de l'Union européenne. Elle se matérialise à Bruxelles par une défense résolue des acquis du service public postal français. Il n'est pas question pour le gouvernement français d'accepter le projet de directive qu'a présenté M. Bolkestein voilà quelques semaines devant le collège des commissaires.

S'agissant du transfert progressif, du rail à la route, d'un certain nombre de produits de La Poste, dont vous soulignez à juste titre le caractère inquiétant, la position du Gouvernement est tout aussi ferme et claire : il n'est pas question pour La Poste de choisir par principe le transport routier plutôt que le transport ferroviaire. Tout au contraire, La Poste doit rester un partenaire important de la SNCF. Ainsi en est-il du TGV sur l'axe ParisMéditerranée, qui passera prochainement à la norme

« 300 kilomètres-heure », sur lequel La Poste investira 20 millions de francs. En témoigne également le montant des achats de transport ferroviaire à la SNCF par La Poste, qui représente 150 millions de francs par an.

Cela dit, l'organisation de La Poste a évolué. Si l'on veut rester au plus près de ses clients et les servir jusqu'aux endroits les plus éloignés, on ne saurait exclure la route, pour les colis rapides notamment, mais également pour d'autres objets postaux. (Protestations sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Encore faut-il le faire avec discernement, avec équilibre, mais surtout avec la volonté de préserver au maximum, malgré les évolutions techniques et technologiques, malgré des comparaisons en matière de coûts parfois défavorables, le transport par train des objets postaux, en particulier pour les petits colis et le courrier. Telle est la politique du Gouvernement.

J'inviterai La Poste, à la suite de votre question, à se rapprocher de la SNCF afin d'étudier les modalités concrètes de cette démarche nouvelle que nous souhaitons vis-à-vis du train. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

TVA SUR LA RESTAURATION

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le Premier ministre, nous voudrions vous faire part de notre vive inquiétude (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) devant les chan-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

gements de pied fréquents et répétés de votre ministre de l'économie et des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) A cet égard, je prendrai un exemple d'actualité, celui la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration.

Voilà à peine quelques semaines, M. Fabius, encore assis à la place de notre cher collègue Forni, jugeait que cette baisse de la TVA était légitime,...

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Eh oui !

M. Dominique Dord.

... qu'elle apporterait aux entreprises de la restauration, à ses yeux asphyxiées par le poids des charges sociales, le ballon d'oxygène nécessaire à leur survie.

M. Alain Tourret.

Bravo !

M. Dominique Dord.

De surcroît, il estimait que cette mesure permettrait de créer des centaines de milliers d'emplois dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République), qui plus est des emplois à faible valeur ajoutée, ceux dont nous avons le plus besoin.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Dominique Dord.

Or, à notre grande surprise, la semaine dernière, en réponse à une question de l'un de nos collègues, M. Fabius, devenu ministre, a changé radicalement d'avis. Il nous a expliqués doctement que cette baisse de la TVA était impossible, parce que nous étions bloqués par une directive européenne - pour laquelle le Portugal a réussi à obtenir une dérogation, à moins qu'il ait décidé de l'enfreindre... M. Fabius nous a également expliqué que cette mesure coûterait cher - il ne s'était pourtant jamais montré effrayé par des mesures tout aussi coûteuses et bien moins utiles - (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), et enfin, j'ose à peine répéter l'argument tellement il était trivial, que cette baisse de la TVA ne se répercuterait pas sur la facture de restauration que paieraient les consommateurs ! A-t-on le droit de brandir pareil argument au regard des centaines de milliers d'emplois que cette mesure peut créer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) M. Fabius étant une personnalité politique éminente de notre pays, nul ne saurait imaginer qu'il l'ait soudain découvert à l'occasion de son récent passage au Gouvernement ! Aussi, monsieur le Premier minsitre, je vous pose très simplement et très solennellement la question : sur ce sujet précis, pouvez-vous demander à votre ministre de l'économie et des finances de se ressaisir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui me permettra de vous rafraîchir la mémoire sur deux points : la baisse de la TVA, jugée plus juste que celle de plusieurs autres impôts, est portée et a été très souvent demandée par la majorité plurielle.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Chiche ! Faites-le !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

A preuve tout ce que le Gouvernement a réalisé dans ce domaine depuis trois ans et demi.

Rappelons, puisque vous nous en donnez l'occasion, l'oeuvre accomplie dans ce domaine (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : baisse de la TVA sur les travaux d'entretien et de rénovation 40 000 emplois créés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ; baisse de la TVA sur les abonnements EDF (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du g roupe Démocratie libérale et Indépendants)... Je comprends que ce soit désagréable pour vous : vous ne voulez pas admettre que nous avons réalisé tout cela ! (Mêmes mouvements.) Baisse encore sur le tri sélectif et le traitement des déchets ; baisse enfin d'un point, de 20,6 % à 19,6 %, du taux normal de TVA ! Au total, et je vous remercie de me permettre de le souligner, monsieur le député, 60 milliards de réduction portant sur les impôts indirects, soit 60 milliards gagnés sur la TVA depuis trois ans et demi ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais, comme M. Fabius l'a expliqué ici même la semaine dernière...

M. Lucien Degauchy.

Du baratin !

M. Bernard Deflesselles.

Rendez-nous Strauss-Kahn !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... nous n'avons pas pu retenir la baisse de la TVA sur la restauration.

Outre le coût qu'elle représenterait - 20 milliards de francs - alors que nous avons par ailleurs l'obligation de maintenir une gestion rigoureuse des finances publiques (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), cette baisse ne serait pas autorisée par l'Union européenne, dans la mesure où la diminution de la TVA a déjà fait l'objet d'un accord européen portant sur les travaux d'entretien et de bâtiment.

M. François Goulard.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Par ailleurs, la restauration n'a évidemment pas été oubliée. Ma collègue Marylise Lebranchu m'a demandé de préciser deux choses. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Tout d'abord, la réduction des cotisations patronales, notamment pour la taxe professionnelle, mise en oeuvre depuis plusieurs années, bénéficie directement aux entreprises de restauration...

M. Thierry Mariani.

Comme les 35 heures !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ensuite la ristourne de la CSG décidée par le Gouvernement et proposée pour la période 2001 à 2003 augmentera les salaires nets de nombreux salariés du secteur et devrait ainsi contribuer à atténuer les réelles difficultés de recrutement que celui-ci connaît.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

C'est là une politique équilibrée, une politique de justice fiscale, une politique de dynamisation de nos secteurs économiques essentiels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

BILAN DE MME AUBRY

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Vous me permettrez, avant de poser ma question, de rappeler que les Français ont dû s'acquitter de plus de 400 milliards de francs de prélèvements supplémentaires, sans que la TVA sur la restauration soit baissée, comme le demande depuis longtemps notre collègue Michel Bouvard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M onsieur le Premier ministre, en l'absence de Mme Aubry, votre ministre des affaires sociales, je souhaiterais vous interroger sur une question particulièrement importante, puisqu'il s'agit de son héritage. La nécessité d'une continuité dans la politique du Gouvernement et de l'Etat mérite que vous apportiez quelques précisions de nature à rassurer les Français sur le règlement de la facture de cet héritage.

L'héritage de Mme Aubry, c'est d'abord l'étatisation : étatisation en ce qui concerne les 35 heures, contre les partenaires sociaux.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Bernard Accoyer.

Etatisation lorsqu'il s'agit de définir l'avenir de l'UNEDIC, une fois de plus contre les partenaires sociaux ; étatisation lorsqu'il s'agit de la CMU, contre les mutuelles et les assurances complémentaires ; étatisation lorsqu'il s'agit de la santé, contre la CNAM, contre les professions de santé qui sont désespérées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cet héritage, ce sont également ces 180 milliards de francs de dépenses nouvelles annuelles, sans pour autant d'ailleurs que le problème de la dépendance soit réglé et moins encore que l'avenir de nos retraites soit garanti.

Parce que la stratégie de financement repose sur la croissance, cette question est particulièrement grave, surtout lorsque votre ministre de l'économie et des finances s'interroge à haute voix sur la croissance elle-même ou encore sur l'effet d'une des mesures de Mme Aubry - les 35 heures - pour les PME et le pouvoir d'achat.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment pourrez-vous expliquer et faire croire aux Français que cette facture de 180 milliards de francs de dépenses nouvelles, bien réelle et qu'il faudra bien payer, ce ne sont pas les Français eux-mêmes qui devront la régler par des baisses de pouvoir d'achat et des prélèvements nouveaux ? Bref, qui paiera cette nouvelle et lourde traite sur leur propre avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, il n'y a pas beaucoup d'élégance à profiter du fait que Mme Aubry soit à Luxembourg, au conseil affaires sociales-emploi, pour travestir et caricaturer ce que vous appelez son « héritage »,...

M. Michel Herbillon.

Il faudrait que l'on nous dise les questions que l'on peut poser !

M. le Premier ministre.

Aussi est-ce de ma part, moi qui me félicite de l'avoir eue pendant trois ans et cinq mois comme ministre, un geste d'élégance minimum que de vous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Sur le bilan de ce ministre, de cette personnalité politique de cette femme,...

M. Edouard Landrain.

Assez !

M. le Premier ministre.

... j'ai le même regard que les Français. Il est fort différent de celui que vous jetez sur son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour moi, Mme Aubry, c'est aussi, même si elle n'en a pas seule le mérite, les 800 000 chômeurs de moins dans notre pays. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) C'est la couverture maladie universelle, c'est la semaine des 35 heures pour plus de la moitié des salariés, sans baisse de salaire, avec même une légère progression du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Ce sont les comptes de la sécurité sociale remis en équilibre, sans toucher aux prestations, sans augmenter les cotisations.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre.

Je pourrais continuer, monsieur le député, mais je pense que, dans les nouvelles responsabilités qui seront les siennes,...

M. Michel Herbillon.

Pourquoi n'est-elle pas Premier ministre ?

M. le Premier ministre.

... dans le chemin qu'elle continuera à emprunter à nos côtés,...

M. Edouard Landrain.

Aubry président !

M. le Premier ministre.

... elle aura elle-même l'occasion de vous répondre et de faire justice de cette attaque mesquine. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Une autre ! Une autre ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

INTEMPÉRIES DANS LES VALLÉES ALPINES

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Je souhaiterais, monsieur le Premier ministre, que vous puissiez y répondre ni en dehors de tout esprit polémique, comme j'entends moi-même la poser. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Je souhaite y associer mes collègues Hervé Gaymard, député de la Haute-Tarentaise, et Patrick Ollier, député du Queyras.

Les vallées savoyardes de la Tarentaise, de la Maurienne, que je représente, et celle du Queyras ont subi ce week-end de graves intempéries qui ont entraîné plusieurs


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dizaines de millions de dégâts, heureusement sans pertes humaines, contrairement à nos voisins d'infortune du Valais, du Piémont et du Val d'Aoste vers lesquels vont nos pensées amicales.

Pour la vallée de la Maurienne dont je suis l'élu, c'est la quatrième crue en l'espace de six ans. Une quatrième crue qui a créé un véritable traumatisme, vous l'imaginez bien, dans la population.

Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais vous dire ce que ces populations et ce que les élus locaux attendent du Gouvernement. Nous attendons d'abord que la solidarité nationale s'exprime, fortement et financièrement, comme cela fut le cas après la grande crue de 1993 où des moyens avaient été très rapidement délégués aux pré fets pour faire face aux travaux d'urgence. N'oublions pas que l'hiver approche.

Nous souhaitons ensuite que le Gouvernement revoie à la hausse l'enveloppe des crédits de restauration des terrains en montagne, en forte diminution dans le contrat de plan qui s'ouvre alors même que ces travaux ont prouvé leur utilité, tout comme les ouvrages de protection, on l'a vu en 1993 avec ceux qui ont été réalisés lors de la création de l'autoroute de Maurienne.

Nous souhaitons également, enfin, au-delà de ce relèvement de crédits sévèrement touchés par la baisse générale des crédits d'investissement de l'Etat, qu'une politique pragmatique soit mise en place par l'administration.

Qu'on nous laisse curer les rivières comme nous avons eu la possibilité de le faire en modifiant la loi ici même, et qu'on arrête de céder aux dictatures de lobbies écologistes qui empêchent de prélever des matériaux...

M. Patrick Ollier.

Bravo !

M. Michel Bouvard.

... alors qu'il en descend des centaines de mètres cubes à chaque crue dans le lit des cours d'eau ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Que l'on nous autorise à construire des digues pour protéger des villages qui, contrairement à ce que prétendent certains, n'ont pas été faits n'importe comment ! Ce sont des constructions qui sont là depuis des siècles, et que l'on ne nous dise pas que la présence de telle ou telle plante rare interdit de construire ces digues et de protéger les habitations permanentes ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Nous souhaitons, enfin, que l'on arrête de nous promener d'étude en étude et que cessent les conflits entre administrations sur la nature des travaux à réaliser.

E n clair, nous demandons, monsieur le Premier ministre, que la solidarité nationale s'exerce, que les administrations de l'Etat gèrent ces problèmes au plus près du terrain et que le rôle des préfets, qui ont souvent une approche positive de ces questions, soit renforcé en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer... (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) en l'absence de M. le ministre de l'intérieur.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Messieurs les députés, M. le ministre de l'intérieur est aujourd'hui au Conseil européen « Affaires intérieures », comme il est de sa responsabilité, et c'est pourquoi je souhaite, en son nom, vous fournir quelques informations.

Ce sont, en effet, quatre départements de montagne qui ont été frappés par de fortes précipitations et par les inondations de samedi et dimanche derniers : la Savoie, la Haute-Savoie, les Alpes-Maritimes et les Hautes-Alpes.

Immédiatement, les services de secours y ont, bien sûr, été mobilisés, les préfets y ont organisé des cellules de crise, et des centres d'hébergement ont été ouverts. Je me réjouis avec vous tous, mesdames et messieurs les députés, qu'on n'ait à déplorer, dans le secteur français, aucune victime.

De nombreuses routes secondaires ainsi que la route nationale 6 ont été coupées par des coulées de boue et des inondations.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

On le sait !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Vous en avez rappelé, monsieur le député, la gravité. Il conviendra certainement d'en tirer, encore un fois, un certain nombre de leçons.

M. Lucien Degauchy.

Il est nul !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

En Savoie, votre département, monsieur le député, plusieurs hameaux ont été évacués à titre préventif...

M. Thierry Mariani.

Il le sait !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

... c'est-à-dire une centaine de personnes.

Chaque fois que nécessaire, des déviations ont été systématiquement mises en place.

Il convient de rendre hommage,...

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas ce qu'on vous demande !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

... après cet épisode particulièrement difficile, à tous ceux qui ont paricipé aux secours et à tous les services publics mobilisés.

Le faisant au nom du Gouvernement, je suis sûr le faire aussi au nom de l'ensemble des parlementaires de ces départements. Je pense, bien sûr, aux services d'incendie et de secours et à la gendarmerie, mais également aux services du ministère de l'équipement mobilisés sans limite pendant plusieurs jours, à ceux d'EDF et de France Télécom qui ont fait le maximum pour rétablir les réseaux.

M. Jean-Louis Debré.

Ce n'est pas la question !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

De fait, depuis lundi, on constate un retour progressif à la normale, non sans difficulté et non sans un engagement acharné de tous les services de l'Etat.

Le ministre de l'intérieur a envoyé d'importants renforts dans ce département, notamment, dès le 15 octobre, une unité de sécurité civile à Chambéry.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela a permis de renforcer les moyens habituels et permettra, si nécessaire, de venir en aide à nos voisins italiens très touchés. C'est aussi cela la solidarité nationale.

Enfin, monsieur le député, le Gouvernement et le ministre de l'intérieur apporteront une attention toute particulière, en relation avec vous, à toutes les demandes


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de déclaration de l'état catastrophe naturelle qui pourront être transmises par les communes de votre département et de l'ensemble des départements concernés.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Thierry Mariani.

Réponse consternante !

MESURES EN FAVEUR DES PME ET DE L'ARTISANAT

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

En entendant M. le Premier ministre et M. Pierret se faire applaudir assez facilement en s'appropriant la croissance, alors que chacun sait que ce sont d'abord les PME, le commerce et l'artisanat et les entreprises qui sont à l'origine de la croissance, on voit combien il y a un décalage entre votre majorité, votre façon de faire de la politique, et ce que vivent commerçants et artisans sur le ter-r ain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ainsi, pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, les artisans vont-ils devoir continuer de payer la vignette automobile alors que leur revenu est nettement inférieur à celui de la moyenne des Français et que, dès qu'ils bénéficient d'une baisse d'impôts, on sait bien qu'ils investissent directement dans la formation des jeunes, dans l'emploi et dans le développement de leur entreprise ? C'est injuste et vexatoire.

Par ailleurs, les prêts bonifiés qui permettent aux artisans d'obtenir un taux relativement proche de celui qui est consenti aux grandes entreprises, sont fondamentaux pour le développement de l'économie. Pouvez-vous nous garantir que ce système sera maintenu, que le taux de 3,5 % ne sera pas dépassé et que, dans l'intérêt même de la France, ces prêts bonifiés seront étendus aux investissements nécessaires pour la reprise - transmission des entreprises.

Madame la secrétaire d'Etat, j'attends de vous une réponse technique et non politicienne, comme celles que nous avons eues jusqu'à maintenant.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Monsieur le député, depuis plus de trois ans, les petites entreprises du commerce et de l'artisanat se portent mieux. Vous qui êtes attentifs à leur situation, vous savez qu'après la bouffée d'oxygène, presque affective, qu'ont reçue tous les consommateurs français lorsqu'ils ont compris que, oui, décidément, le chômage allait diminuer grâce aux 35 heures et aux emplois-jeunes, parce que tout le monde s'y était mis (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), elles ont été les premières à ressentir la hausse de la consommation.

Mais venons-en à la réponse technique puisque c'est cela que vous voulez.

Concernant la vignette, la commission des finances a déposé un amendement tendant à exonérer, comme le d emande l'UPA, les entreprises individuelles de la vignette sur ces automobiles qui servent de véhicule utilitaire pendant la semaine et souvent de véhicule familial pendant le week-end.

(« Voilà ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Car c'est ça la réalité pour les commerçants et les artisans de notre pays.

L'ensemble des parlementaires y a souscrit. Le Premier ministre et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - répondant favorablement à une demande d'audience de l'UPA - m'ont demandé d'estimer, avec les services de Mme Parly, le coût d'une telle mesure - actuellement nous l'évaluons entre 250 et 300 millions de francs - que le Gouvernement est prêt à soutenir.

Convenez que le Gouvernement ayant déjà présenté son projet de loi de finances, il se devait d'examiner si on pouvait le faire et à quelles conditions. Nous y travaillons. Je pense que cette réponse technique devrait vous satisfaire. Mais ça, monsieur Charié, c'est de la politique aussi ! J'en arrive au second point, les prêts bonifiés. J'ai souvent, dans cette assemblée, discuté, avec vous et avec d'autres, de l'entrée de nos petites entreprises dans le monde de l'économie générale. Elles ne constituent pas un monde à part qu'il faudrait hyperprotéger, et ce n'est p as ce qu'elles demandent. Ce qu'elles nous ont demandé, c'est de leur permettre l'accès au crédit en garantissant par les fonds publics - SOFARIS puis, depuis juin 1999, la SIAGI et les SOCAMA, les fonds de caution mutuelle que tout le monde connaît - leurse mprunts. Ainsi sont garantis de 50 à 70 % les 250 000 francs d'emprunt à l'installation et à 50 % les 500 000 francs d'emprunt à l'extension de l'entreprise - et une extension d'entreprise est toujours une bonne nouvelle ! Pour garantir ces emprunts et pour éviter que ces petites entreprises n'aient à faire appel ou à la caution familiale ou la caution solidaire qui leur coûte tant, surtout affectivement, il faut que nous trouvions des fonds.

Avec vous, avec d'autres, comme Didier Chouat, JeanClaude Daniel ou Béatrice Marre, qui se sont intéressés à ces questions, nous avons constaté que les 210 millions de francs qui avaient été réservés aux prêts bonifiés n'o nt été utilisés qu'à 60 %, parce que ceux-ci ne sont plus concurrentiels sur le marché actuel. Ainsi, vous le savez, le taux des CODEVI a baissé. Ou bien, constatant cela, on se contente de dire : tant pis, on verra bien l'année prochaine, Ou bien l'on pense que 60 % d'exécution des crédits, c'est un vrai problème, et on en garde une partie pour garantir les prêts bonifiés nécessaires à l'accompagnement de la mise aux normes, laquelle ne rapporte pas un centime aux entreprises, et à l'accompagnement du passage à l'euro, qui ne leur rapportera pas grand-chose non plus, alors qu'elles seront les premières à le réaliser avec leurs clients, l'autre partie de l'enveloppe servant à continuer à garantir des prêts car c'est grâce à eux que ces entreprises retrouveront leur pleine santé.

Ça aussi, monsieur Charié, c'est de la politique ! Et j'espère qu'au moment du débat budgétaire vous vous ferez le supporteur de l'UPA, qui pense avoir besoin des deux systèmes quelque temps encore et qui pense surtout être passée d'une économie super-protégée à une économie efficace.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


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Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 3 novembre 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, en application de l'article 65-1 du règlement, la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 auraient lieu le mardi 31 octobre 2000, après les questions au Gouvernement.

3 FIN DE MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le président.

Par lettre du 6 octobre 2000, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Bernard Derosier, député du Nord, avait pris fin le 13 octobre 2000.

4 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2606).

5 LOI DE FINANCES POUR 2001 Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je commencerai la présentation du budget par des remerciements, à toutes celles et tous ceux qui sont ici, dont la qualité supplée la quantité, à la commission des finances, à son président, M. Emmanuelli et à son rapporteur général, M. Migaud, à tous ses membres, à celles et ceux qui, spécialistes ou non ce ces questions, sont ici aujourd'hui et vont suivre ce débat pendant plusieurs semaines.

Je voudrais remercier également, on le comprendra, M. Christian Pierret, qui, sortant un instant de sa compétence industrielle mais se rappelant ses fonctions passées...

M. Michel Bouvard.

Ça le rejeunit ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... va m'épauler dans cette tâche, et peut-être n'est-il pas totalement incongru d'avoir un mot d'amitié et même d'affection pour Mme Parly (Applaudissements sur divers bancs),...

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

Et pour son fils ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui, en cet instant, vous regarde, peut-être.

Cela me rappelle une période déjà lointaine où je m'occupais du budget, où mon épouse avait eu un enfant...

M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jégou.

Vous aussi ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui me ressemblait tellement que les infirmières l'appelaient Budgetino. (Sourires.) Peut-être en est-il de même pour Mme Parly ! Mesdames et messieurs les députés, un budget, c'est toujours une certaine idée du contexte économique, une façon de s'inscrire dans ce contexte et d'essayer de l'améliorer. C'est d'ailleurs la première caractéristique de ce budget que de tourner autour de la croissance.

Je sais bien que, ces jours-ci, par une tradition assez française qui consiste non pas à réagir, mais à surréagir, on a le sentiment qu'en peu de temps on est passé d'une situation magnifique à une difficulté abyssale. Telle n'est pas du tout la réalité ! Nous sommes dans une période de croissance soutenue et il en sera de même l'an prochain.

S'il faut se rappeler un trait de ce budget, de ce contexte macroéconomique, comme on dit, c'est bien cette croissance soutenue.

Les chiffres, vous les connaissez, vous les avez en tête : nous anticipons une croissance, et la fourchette est large à dessein, qui doit se situer entre 3 et 3,6 % - je pense que vous aurez l'occasion d'y revenir -, fondée sur quelques éléments centraux : une demande qui, dans nos prévisions, doit rester soutenue, puisque nous l'avons estimée pour l'an prochain à 3,5 % ; une inflation, qui, elle, devrait faiblir l'an prochain puisque le chiffre retenu dans le rapport économique et financier est de 1,2 % hors tabac, c'est-à-dire 1,3 % ; un solde extérieur qui restera nettement positif, le chiffre prévu dans les comptes associés à nos travaux étant légèrement inférieur à 90 mil liards de francs ; un investissement - c'est une très bonne chose - qui, cette année, a fortement progressé et qui continuera à progresser l'an prochain, puisque nous l'avons établi à 6,9 %. Bref, un certain nombre de grandeurs économiques qui, toutes, convergent vers cette croissance soutenue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. Philippe Auberger.

Idyllique ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le point qui, jusqu'à présent, a fait le plus l'objet de la discussion, c'est le pouvoir d'achat. Comme je l'ai indiqué l'autre jour en réponse à une question qui m'était posée ici même, nous avons prévu une hausse du pouvoir d'achat de 1,7 % du salaire par tête, ce qui est appréciable. Cette année, selon nos estimations - je ne sais pas si elles seront confirmées ou infirmées en décembre -, nous sommes autour de 0,6 %.

Le plus important peut-être, au-delà de cette progression de 1,7 %, c'est une progression de 2,5 % due aux emplois créés. Si l'on tient compte à la fois de la progression du pouvoir d'achat par tête et de l'augmentation des salaires liés aux nouveaux emplois, on arrive à des chiffres historiquement très élevés, une hausse de la masse salariale d'environ 4,2 %, ce qui constitue évidemment un aliment puissant pour la croissance.

Voilà quelques éléments qui caractérisent le paysage macroéconomique.

A partir de cela, au moins deux questions se posent.

J'imagine que vous les poserez parce qu'elles sont parfaitement légitimes : ces prévisions sont-elles fiables et quels sont les derniers indicateurs dont nous disposons ? Au moment où nous avons établi ces prévisions, c'està-dire en juillet, en août et au début de septembre, de grandes institutions se situaient plutôt un petit peu audessus de notre milieu de fourchette, 3,3 %.

M. Philippe Auberger.

Plus elles sont grandes, plus elles se trompent ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les prévisions du Fonds monétaire international parues à cette époque donnent pour la France 3,4 ou 3,5 % et tous les économistes également.

Inversement, il faut faire attention à ce qui se passe sur le front prétrolier et sur celui de l'euro. Nous avons anticipé un taux de change de 0,95 euro pour un dollar et, surtout, nous avons pris une hypothèse pétrolière qui me paraît raisonnable mais qui, bien sûr, comme l'ensemble des prévisions pétrolières, peut être sujette à variation : un prix moyen du baril de pétrole à 25,6 dollars, ce qui signifierait, les chiffres étant ce qu'ils sont aujourd'hui, que nous redescendrions au niveau de 25 dollars au mois de février prochain.

J'ai demandé à mes services de calculer ce qui se passerait si cette baisse se produisait non pas à la fin de l'hiver, au mois de février, mais plus tard, par exemple au mois de juin. Cela amputerait la croissance de l'ordre de 0,2 %.

Et si, ce qu'à Dieu ne plaise, le prix moyen du baril se situait à 40 dollars, la croissance serait amputée d'au moins 1 %.

Bien sûr, ce n'est pas aussi mécanique que cela parce que s'y mêleraient les taux d'intérêt, l'effet inflationniste...

mais cela situe à peu près les choses.

Bref, nous prévoyons un taux de croissance de l'ordre de 3,3 % avec une hypothèse sur le pétrole que j'ai donnée, la fiabilité étant assez bonne mais jamais, bien sûr, à l'abri d'un accident majeur.

Je voudrais ajouter un dernier aspect lié à ce qu'on a pu observer au premier semestre et au cours des derniers mois connus.

Au cours du premier semestre de cette année, la France a connu un rythme annuel de progression de la croissance de 2,75 %, chiffre inférieur à nos prévisions qui se situaient un petit peu au-delà de 3 %.

Pourquoi ces 2,75 % ? La demande a été soutenue puisque elle a été de l'ordre de 5 %, ce qui est considérable, mais, dans un article publié hier, j'ai émis l'hypothèse qu'a pu se produire, dans des conditions qu'il va falloir expertiser - j'ai d'ailleurs demandé à la direction de la prévision une étude sur ce point - un certain phénomène lié à l'offre. Vous le constatez tous, vous qui êtes élus locaux et en contact avec des entreprises, des sociétés ont des difficultés à embaucher,...

M. Charles de Courson.

Les 35 heures ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... les appels d'offres de certaines collectivités locales sont difficilement conclus aux prix fixés et des phénomènes de files d'attente apparaissent. Il faut évidemment voir si cela perdure car une telle situation peut avoir des incidences sur notre politique économique.

Toutefois, je dois signaler que, selon les dernières estimations, les chiffres du mois de septembre sont excellents. Nous ne retrouvons pas le même phénomène, le trend de croissance annuelle étant de l'ordre de 3,2 % ou 3,25 %.

Enfin, et j'arrive de Luxembourg où ont eu lieu ce matin un conseil Ecofin et une réunion JAI, l'inflation en France est nettement inférieure à celle de nos voisins,...

M. Pierre Méhaignerie.

Pour le moment ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... ce dont il faut se féliciter.

Après ces deux journées de réunions européennes, j'ai le sentiment que la croissance reste soutenue en France comme dans le reste de l'Europe. Ce budget se situe donc dans le cadre d'une croissance qui restera soutenue.

Deuxième point qui caractérise le projet de budget qui vous est présenté : la maîtrise que nous nous sommes efforcés de mettre en oeuvre en ce qui concerne aussi bien les dépenses que les déficits.

Je suis certain que vous avez pris connaissance des chiffres et que vous les avez examinés avec la plus grande attention. Les principaux chiffres qu'il faut avoir à l'esprit sont les suivants.

Nous avons retenu pour la dépense une progression en volume de 0,3 %. Ajoutée à l'inflation hors tabac, cela fait 1,5 %.

M. Charles de Courson.

Mais non ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est tout de même, et je pense que ce n'est pas sérieusement contesté, un chiffre rigoureux.

M. Charles de Courson.

Cela fait 4,6 % ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il n'est possible d'atteindre ce chiffre que si l'on choisit quelques priorités. A vrai dire, le Premier ministre, M. Jospin, nous a demandé d'en retenir quatre.

La première - la priorité des priorités -, c'est l'éducation. Les chiffres sont considérables. Songez que, cette année, le budget de l'éducation nationale atteint 388 milliards, en progression de 2,7 % par rapport à l'an dernier, avec plus de 6 600 créations d'emplois. C'est vraiment la priorité numéro un. On peut discuter des chiffres. Mais ce gouvernement choisit incontestablement de mettre l'accent avant tout sur l'éducation et sur la formation, parce que c'est vraiment la clé du futur, nous le savons bien, en même temps que le moyen d'assurer l'égalité des chances.

La deuxième priorité que nous avons retenue, c'est la justice. C'est un budget qui a été très souvent négligé, et il y a évidemment un effort à faire. Les crédits pro-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

gressent de 3 %, avec la création d'un peu plus de 1 600 postes, ce qui n'était pas arrivé depuis assez longtemps. Encore faut-il préciser qu'il y a de nombreux autres besoins à satisfaire.

Le troisième poste qui a été privilégié, c'est l'environnement. Evidemment, c'est un budget plus petit en volume, mais il augmente d'un peu plus de 8 %, ce qui est considérable,...

M. Michel Bouvard.

Et l'aménagement du territoire ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... avec la création de 324 postes déconcentrés qui, je crois, pourront rendre service.

La quatrième priorité, c'est la sécurité, entendue au sens large. Les crédits augmentent de 4,9 %, avec 8 00 postes supplémentaires pour les policiers et 1 000 pour les gendarmes.

Ce budget, dans l'ensemble positif, s'accompagne - je cite ces chiffres parce qu'ils vous intéressent à tous les titres - d'un budget des collectivités locales qui est bon.

La dotation globale progresse de 3,4 %, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps, et les dotations intègrent non pas, comme par le passé, 20 ou 25 % de la croissance, mais 33 %. Au total, le budget de l'intérieur progressera de près de 3 %. C'est donc également un bon budget.

Telle est la façon dont nous essayons de maîtriser les dépenses : une progression générale de 0,3 % et quatre priorités. Nous ne pouvons pas, bien sûr, élargir le nombre de ces priorités, à moins de faire éclater l'enveloppe.

De la même façon, nous nous sommes attachés, et je sais que c'est un sujet de controverse, à maîtriser les déficits, et je vous demande d'être attentif aux chiffres. Il est très difficile d'éviter les chiffres dans un exercice budgétaire, et je pense qu'ils ne sont pas contestables.

Lorsqu'on regarde le déficit prévu au cours des années qui se sont écoulées depuis 1997, les chiffres sont de 285 milliards en 1997, 258 en 1998, 237 en 1999 et 215 en 2000.

M. Charles de Courson.

En prévision ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette année, c'est 186 milliards. Les chiffres définitifs ont été en permanence en dessous de ceux qui avaient été prévus. Il y a une espèce de parallèle entre la ligne de prévision et la ligne d'exécution et j'espère que cela va continuer. Dans ces conditions, nous devrions avoir l'an prochain, toutes masses publiques confondues, un déficit de l'ordre de 1 % du PIB, un peu moins de 100 milliards, chiffre que nous n'avions pas atteint depuis des années. De plus, critère qui ne trompe pas, la part de la dette par rapport au PIB, qui était de 60 % en 1997, va redescendre assez sensiblement pour atteindre 57,2 % l'année prochaine.

Voilà quelques éléments qui permettent d'affirmer, je crois d'une façon sérieuse, qu'il y a un effort très soutenu de maîtrise tant en termes de dépenses que de déficits.

Maintenant, en ce qui concerne cet aspect de la maîtrise, j'ai noté, dans les analyses et les commentaires qui ont été faits ici ou là, deux critiques de sens contraire.

Peut-être les ferez-vous à nouveau dans ce débat, mais cela permet d'engager dès maintenant la discussion.

D'abord, certains parmi vous, ou parmi les observateurs extérieurs à cette assemblée, disent qu'il aurait fallu aller plus loin en matière de maîtrise, avoir des dépenses un peu moins lourdes et des déficits un peu moins lourds.

M. Michel Herbillon.

Oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je dois dire que, fonctionnellement - et j'ajouterai, peut-être, à titre personnel -, telle est plutôt mon inclination.

M. Charles de Courson.

Vous avez bien dit : « plutôt » ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais d'une part, il faut savoir que nous avons des demandes à satisfaire, y compris des demandes sociales, sur lesquelles on ne peut pas faire l'impasse, et, d'autre part, il faut avoir à l'esprit les priorités que j'ai rappelées il y a un instant.

En tout cas, je suis très intéressé par les suggestions qui pourront être faites sur ce point.

M. Jean-Jacques Jégou.

Chiche !

M. Michel Herbillon.

Il faudra les retenir ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Simplement, si certains d'entre vous voulaient jouer - je dis cela facétieusement - les Robespierre budgétaires en proposant des économies sur le budget...

M. Jean-Pierre Brard.

Robespierre, c'est ici ! Là-bas, c'est au mieux Mirabeau ! (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... ils ne devront pas seulement dire qu'il faut des économies, ils devront indiquer lesquelles. Ce sera très intéressant.

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous dirons lesquelles.

M. Jean-Pierre Brard.

En fait là-bas, c'est la Pompadour !

M. le président.

Monsieur Brard ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'hésite à vous laisser entre vous ! (Sourires.)

L'autre critique va en sens inverse, et il faut aussi honnêtement la relever. Elle consiste à dire : non, il y a tel besoin qui n'est pas satisfait, il y a telle dépense supplémentaire qui devrait être faite. Et il est vrai que lorsqu'on regarde tel ou tel budget - et j'en discutais encore il y a un instant en entrant en séance, avec un parlementaire qui m'interpellait amicalement sur un budget - on a toujours envie de dire : ne faudrait-il pas faire davantage sur tel ou tel secteur ?

M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jégou.

Toujours plus ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais le problème, mesdames et messieurs, que vous connaissez comme moi, c'est qu'il s'agit de créer une solidarité durable, c'est-à-dire de faire en sorte que les mesures que nous prenons soient réellement et durablement financées.

M. Michel Bouvard.

C'est un problème, en effet.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il s'agit aussi, puisque nous avons fait le choix de l'Union européenne et qu'il n'est bien sûr pas question de ne pas honorer ce choix, de faire en sorte que notre réalité budgétaire corresponde à nos engagements.

Or force est de constater que si la France a fait des progrès, d'autres pays en ont fait également...

M. Jean-Jacques Jégou.

Et de meilleurs ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et parfois, sur le plan budgétaire, des progrès encore plus importants que les nôtres.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. Charles de Courson.

Oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous sommes donc obligés d'en tenir compte.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ecoutez, messieurs de la majorité, ce que dit le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est là quelque chose dont nous ne pouvons pas nous abstraire. Il nous faut donc trouver un point d'équilibre. D'une part, il ne faut pas trop charger les déficits, faute de quoi ce mot de "déficit" serait un nom prétentieux pour désigner les impôts de demain. Mais d'autre part, on ne peut pas non plus faire comme si les demandes sociales n'existaient pas : il faut essayer de les satisfaire.

Voilà, donc, le deuxième point sur lequel je voulais insister : nous avons fait, et nous assumons, le choix d'une croissance soutenue tout en maintenant notre effort de maîtrise, à la fois sur les dépenses et sur les déficits.

Le troisième point sur lequel je voulais dire quelques mots, c'est le point qui a peut-être été le plus relevé dans ce budget, concerne les allégements d'impôt.

M. Charles de Courson.

Non, les moindres hausses ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces allégements correspondent à la fois à une situation structurelle et à un moment particulier.

L orsqu'on regarde les monographies qui rendent compte de la fiscalité en France - à quoi il faut ajouter, bien sûr, les prélèvements sociaux -, on s'aperçoit, bien que ce ne soit pas le cas dans tous les domaines, que les prélèvements sont quand même élevés. Cela a des incid ences économiques, politiques, psychologiques, pratiques. Le Gouvernement a donc fait le choix d'opérer un certain nombre d'allégements de ces impôts, dans le sens d'une plus grande justice. Ce choix ne date pas de cette année, puisque l'an dernier nous avions déjà procédé à une baisse très sensible, en particulier par le biais de la TVA, de la taxe d'habitation, d'autres impôts encore.

L'effort se fait sur plusieurs années. Sur trois ans, il représente un peu plus de 120 milliards. Sur quatre ans, c'est de l'ordre de 200 milliards. Ce qui correspond à des chiffres annuels tout à fait comparables à ce qui est fait ailleurs, notamment en Allemagne, puisqu'on parle beaucoup de « l'exemple allemand ».

J'ajoute que ce choix d'un allégement des impôts tombe bien, si je puis dire, parce que nos concitoyens subissent actuellement un prélèvement pétrolier important.

M. Michel Bouvard.

Ça, c'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a beaucoup de difficultés que nous connaissons autour de nous. Par conséquent, dans ce contexte où le pouvoir d'achat ne progresse pas d'une manière très forte, pouvoir bénéficier de progressions de pouvoir d'achat disponible, aussi bien, à travers la baisse de l'IRPP qu'à travers la baisse ou même la suppression de la CSG, c'est quelque chose d'important et qui va donner un plus à des millions de nos concitoyens.

Voilà les raisons pour lesquelles nous avons fait le choix de ce plan sur trois ans. Seules deux années, cependant, feront l'objet d'un vote lors du budget pour 2001.

Si l'on passe en revue - mais très rapidement, parce que ce sera l'objet, bien sûr, de discussions au fil des articles - les principaux chapitres fiscaux, on constate un allégement sensible à la fois de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de la CSG. Pourquoi l'impôt sur le revenu des personnes physiques ? Parce que nous nous étions attaqués l'an dernier à la TVA, et le Premier ministre a voulu que l'action soit prolongée sur l'impôt direct. C'est ce qui est fait à travers l'impôt sur le revenu.

Mais en même temps, il n'aurait pas été juste, ni compréhensible, puisque seule la moitié de nos concitoyens paient l'impôt sur le revenu, qu'un effort puissant ne soit pas fait sur la CSG. C'est la raison pour laquelle il vous est proposé, dans le texte initial, un abaissement de la CSG pour les revenus compris entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC. Mais nous sommes tout à fait d'accord pour envisager, et même pour accepter l'amendement qui proposera de passer à 1,4 fois le SMIC. Pour des millions de nos concitoyens, qui ont des petits revenus, ce sera un plus très important, puisque cela signifie que dès le mois de janvier prochain, à la fin du mois, sur leur bulletin de paie, ils auront une progression de l'ordre de 160 francs par mois. Au bout de trois ans c'est donc une sorte de treizième mois supplémentaire qui leur sera attribué. En outre, on sait qu'une des difficultés majeures que connaît notre pays est le phénomène des trappes à inactivité : il arrive qu'on ne gagne pas plus, voire que l'on gagne moins, en travaillant qu'en ne travaillant pas. Or cette mesure touchant la CSG nous permettra, après d'autres je pense à ce que nous avons fait pour la taxe d'habitation, ou pour le cumul entre le RMI et un autre revenu -, d'aller petit à petit vers la disparition de ce phénomène, qui est un handicap assez lourd.

M. Jean-Jacques Jégou.

Cela fait longtemps que nous le disons ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Donc, une action puissante, qui représente plusieurs dizaines de milliards de francs, pour baisser l'IRPP et la CSG.

De même un choix a été fait et vous sera proposé en matière d'impôt sur les sociétés. Là aussi ce sera discuté , mais nous sommes obligés de tenir compte de la réalité économique. La réalité économique telle qu'elle va encore être décrite par un rapport très bien documenté sur la situation européenne, qui va sortir dans les jours qui viennent, c'est que nous avons un impôt sur les sociétés qui est l'un des plus lourds en Europe.

M. Michel Bouvard.

Sans parler de la TGAP, qui va augmenter. Une taxe énergétique qui va faire fermer nos usines ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela, qui est une réalité, est largement dû, il faut le dire, à un certain nombre de surtaxes...

M. Christian Cuvilliez.

Celle de Juppé notamment ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui ont été opérées en particulier, vous le rappelez, monsieur Cuvilliez, par le gouvernement de M. Juppé.

Cela dit, il ne s'agit pas de démanteler les impôts. Et s'il faut parler de l'allégement des impôts, il faut aussi rappeler que l'impôt est un moyen de solidarité,...

M. Michel Bouvard.

C'est vrai.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... un moyen de contribution publique. On ne peut pas, par je ne sais quel mouvement démagogique, dire que oui, il faut des écoles ; oui, il faut des hôpitaux ; oui, il faut des routes ; oui, il faut une défense nationale ; oui, il faut des forces de sécurité, mais sans dire comment les financer. Il faut donc, tout en allant vers des impôts


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plus justes et si possible moins lourds, réhabiliter d'une certaine façon la fonction démocratique de l'impôt, parce qu'il joue un rôle dans la cohésion sociale. Et je pense que l'une des choses que nous demandent nos concitoyens, c'est, peut-être autant que d'alléger l'impôt lorsque c'est possible et nécessaire, d'expliquer à quoi sert l'impôt...

M. Gérard Saumade.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et comment il est utilisé. Car beaucoup de nos concitoyens ont le sentiment que cela tombe dans un puits sans fond.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie françaie-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Herbillon.

Ce n'est pas tout à fait faux !

M. Jean-Pierre Brard.

Et l'avoir fiscal ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons un travail important à faire.

Je parlais de l'impôt sur les sociétés. Il est vrai qu'à la suite des surtaxations opérées par des gouvernements conservateurs...

M. Charles de Courson.

Et par le vôtre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... cet impôt est particulièrement lourd. Il est donc proposé de revenir au taux de 33,33 % pour l'impôt sur les sociétés. Et en ce qui concerne les petites entreprises, celles dont le chiffre d'affaires est de moins de 50 millions, il vous sera proposé, pour les 250 000 premiers francs de bénéfices, de passer à un taux de 15 %, un taux qui, là, à coup sûr, est l'un des plus légers d'Europe. Voilà qui devrait encourager la création d'emplois dans les PME, et chacun sait qu'elles en ont absolument besoin.

Le troisième domaine dans lequel nous avons voulu faire porter notre effort, c'est la fiscalité pétrolière. Je voudrais profiter de ce débat budgétaire pour réaffirmer la ligne du Gouvernement en la matière.

Il y a eu des hausses considérables, liées aux prix fixés par les pays producteurs et par les sociétés productrices.

M. Philippe Auberger.

Liées aussi aux taxes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons tous à l'esprit les difficultés rencontrées à la fin du mois d'août et au début du mois de septembre...

M. Michel Bouvard.

Aggravées par la baisse de l'euro ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui ne sont pas, bien évidemment, totalement supprimées. Le Gouvernement, après des négociations avec un certain nombre de professionnels, a pris des dispositions pour le fioul domestique, pour les carburants agricoles, pour les professionnels, bref, toute une série de dispositions qui d'ailleurs, en termes financiers, sont comparables à ce qui a été fait dans beaucoup d'autres pays. Et c'était nécessaire, parce que nous pensons que le Gouvernement ne peut pas avancer s'il n'a pas l'écoute de ses concitoyens.

Mais, en même temps, le Premier ministre et moimême avons toujours insisté, et je veux le faire à nouveau à cette tribune, sur le fait qu'on ne peut pas penser régler les questions pétrolières par une disparition de la fiscalité.

Ce n'est pas du tout ainsi que le problème se pose. Car si l'on branchait je ne sais quel tuyau imaginaire entre, d'un côté, les décisions des pays producteurs ou des sociétés productrices et, de l'autre, les budgets publics, cela représenterait des coûts, c'est-à-dire des amputations pour tout ce qui est nécessaire pour le fonctionnement de l'Etat, qui seraient énormes. Je rappelle qu'un franc de baisse de la TIPP, cela représente 50 milliards. Mais en plus, cela signifierait pour ces sociétés pétrolières ou ces pays producteurs une très forte incitation à augmenter leurs tarifs.

Car à partir du moment où ils sauraient qu'ils ont en face d'eux des pays qui disent : il suffit de puiser dans les budgets publics, le baril de pétrole ne seraiet pas à 32 ou à 35 dollars, mais à 45, à 50 ou à 70 dollars. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas partager cette manière d'appréhender les choses.

C'est la raison pour laquelle, comme cela a été dit, et fort bien dit, au récent sommet de Biarritz par le Premier ministre, et également par le Président de la République, la politique qui doit être la nôtre en matière pétrolière es t une politique de dialogue à long terme entre pays consommateurs et pays producteurs. C'est une politique qui doit diversifier les sources énergétiques. C'est une politique qui doit chercher des économies d'énergie. Bref, c'est une politique qui doit être de long terme. Il ne faut pas croire que l'on pourrait régler les problèmes en supprimant la fiscalité, ce qui serait à la fois inefficace et démagogique.

Quant au dernier point qui a fait couler beaucoup d'encre, il concerne la vignette. Vous savez que la vignette avait été créée en..

M. Michel Bouvard.

Par un socialiste !

M. Jean Vila.

En 1957 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non, avant 1957.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

En 1956 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En 1956, je crois, par Ramadier. C'est un peu l'anti-exemple, puisque c'est un impôt qui devait être prélevé pour un an...

M. Edouard Landrain.

Pour les vieux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et d'autre part, qui devait alimenter, si je puis dire, les personnes âgées. Bon, mais 1956 plus 1, cela fait 1957. Or nous sommes en 2000 et l'impôt existe toujours. Eh bien, la proposition qui est celle du Gouvernement - et de la majorité, mais j'espère que cette proposition trouvera d'autres soutiens -...

M. Jean-Louis Idiart.

Oui, ils doivent être cohérents ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... est donc de supprimer la vignette dans les conditions que nous avons dites. Je pense que personne, en tout cas pas grand-monde, ne la regrettera.

M. Michel Bouvard.

Et surtout pas les propriétaires de Rolls Royce ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Maintenant, si vous êtes contre sa suppression, vous voterez contre,...

Mme Béatrice Marre.

Ils n'oseront pas ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... cela ne nous empêchera pas d'avancer.


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Par ailleurs, à la suite des discussions qui ont déjà eu lieu concernant les artisans, par exemple, ou telle ou telle autre catégorie, des propositions sont faites, auxquelles le Gouvernement est ouvert, dès lors qu'il s'agit de chiffres raisonnables. Je tiens, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs, à vous l'indiquer.

Voilà, donc, ce qui est prévu en matière fiscale. Au total, nous devrions avoir une baisse d'impôts très sensible, s'étalant sur plusieurs années, et qui sera la marque du budget qui vous est présenté.

J'ai bien entendu les critiques qui ont été faites, et on les retrouvera sans doute au cours du débat. Certains nous ont dit : oui, mais vous ne prenez pas suffisamment en considération les classes moyennes. Nous avons refait, bien sûr, toutes nos simulations, toutes nos prévisions, et nous constatons que les classes moyennes - encore faut-il bien sûr définir de qui il s'agit -...

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui. Parce que nous n'avons peut-être pas les mêmes !

M. Philippe Auberger.

En effet, nous n'avons pas la même moyenne ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... sont bien sûr prises en compte dans ces baisses d'impôts, non seulement à travers l'impôt sur le revenu, mais aussi à travers d'autres baisses : la baisse de la TVA, la baisse de la taxe d'habitation, la baisse du fioul domestique. Et, bien évidemment, il est tout à fait normal que les classes moyennes puissent elles aussi bénéficier de ces baisses.

Autre critique qui nous a été faite : ces allégements ne sont pas suffisamment importants, parce que vous ne faites que rendre l'argent que vous aviez pris.

M. Charles de Courson.

Mais c'est vrai !

M. Michel Herbillon.

Oui, rendez l'argent ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je laisse de côté l'élégance de l'expression ! Mais sur le fond, il ne s'agit évidemment pas du tout de cela. Chaque année, depuis maintenant quatre ans, la croissance, comme vous pouvez vous-mêmes le constater dans vos collectivités locales, dégage un certain nombre d'excédents. C'est normal. Jusqu'à cette année, ces excédents représentent à peu près 460 milliards. Or, à quoi ont été utilisés ces 460 milliards ? A quatre séries de dépenses, sur lesquelles il est très intéressant de s'attarder un peu.

D'abord, à la réduction des déficits : 120 milliards y ont été consacrés, parce que nous avons pensé, nous, que c'était nécessaire.

Ensuite, à diverses prestations sociales nouvelles, à hauteur, et le chiffre est très important, de plus de 180 milliards.

En troisième lieu, à l'investissement des collectivités locales : 90 milliards.

En quatrième lieu, sur à peu près 65 milliards, un peu plus de la moitié a été consacré aux emplois-jeunes.

Voilà à quoi ont servi ces 460 milliards. Donc on ne peut pas dire qu'il faut, pour reprendre cette élégante expression « rendre l'argent ». Cet argent, ces 460 milliards, ont été utilisés comme je viens de le dire. En fait, la question doit être retournée : fallait-il ou non créer les emplois-jeunes, fallait-il ou non réduire les déficits, etc.

?

M. Jean-Jacques Jégou.

Et qu'est-ce que cela a donné ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous ne sommes pas ici pour faire assaut de démagogie. Il faut dire à quoi les sommes ont été employées. Et c'est sur cette base qu'il peut y avoir débat.

Enfin, dernier point qui a été soulevé à propos de cette question fiscale, on nous dit : les allégements c'est bien, bravo, mais il fallait une réforme.

M. Philippe Auberger.

C'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'ai eu tendance à répondre, parce que je crois que c'était la plus évidente des réponses à faire, que la première réforme des impôts, c'est d'abord leur allégement ! Je pense que nos concitoyens veulent avant tout, mais pas uniquement, qu'une telle réforme se traduise par un certain nombre d'allégements et non comme cela a souvent été le cas dans le passé, par des alourdissements !

M. François Goulard.

Ça, ce n'est certainement pas de la démagogie !

M. François d'Aubert.

C'est un peu court, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'ajoute qu'en France, nous avons une espèce de tradition consistant à dire que la bonne réforme, c'est toujours l'autre. Or il faut bien prendre les sujets l'un après l'autre.

L'année dernière, nous avons allégé le taux de la TVA : c'était une réforme. Cette année, nous baissons l'impôt sur le revenu : c'est une réforme. Nous supprimons la vignette : c'est aussi une réforme. Nous modifions la fiscalité pétrolière en imputant très largement les modifications de cette fiscalité pétrolière - et ce n'est que justice sur les sociétés pétrolières, qui ont réalisé cette anné e de super-bénéfices : c'est encore une réforme.

Bref, je ne dis pas que d'autres dispositions ne sont pas nécessaires, mais si la réforme fiscale ne consiste pas, impôt après impôt, à modifier l'assiette, le taux, la base de ces impôts, il est difficile de se mettre d'accord sur le sens même de l'expression « réforme fiscale. »

La réforme, ce sera précisément le dernier point sur lequel je voudrais faire porter mon intervention dans cette introduction à la discussion budgétaire.

Que je parle de maîtrise des dépenses ou des déficits, ou que j'évoque la réforme fiscale, à chaque fois, la notion de réforme est présente. A cet égard, je voudrais vous rendre attentif au contenu de la réforme qui figure dans le projet de budget, à cause non seulement de ce qui y est inscrit, mais aussi de l'environnement qui sera le nôtre l'an prochain.

Mesdames et messieurs les députés, au travers du budget qui vous est proposé, et dans la ligne d'un processus qui avait été engagé par mes prédécesseurs, on voit déjà un certain nombre de réformes se mettre en place. D'ici à quelques semaines, nous aurons la possibilité, je le confirme à cette tribune au nom du Gouvernement, de discuter ensemble - et ce sera un changement considérable - de la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sur les finances publiques. Songez que, depuis 1958, il y a eu beaucoup de réformes de la Constitution, mais pas une seule réforme de la « constitution » du budget qu'est l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 !

M. Charles de Courson.

Elle a tout de même fait l'objet de vingt-quatre propositions ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Grâce au travail accompli - et je tiens à leur rendre hommage - par M. Forni, M. Emmanuelli,


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M. Migaud, par vous toutes et vous tous, en particulier par les membres de la commission des finances et par ceux de la mission d'évaluation et de contrôle, nous serons en situation d'avancer d'une façon qui devrait, je le crois, marquer pour de longues années notre fonctionnement budgétaire et plus généralement notre pratique de la réforme. En effet, il s'agira de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats, de donner plus de transparence à ce que nous faisons.

Déjà, j'adresse - ce qui n'était pas le cas de mes prédécesseurs lointains - des situations bihebdomadaires au rapporteur général et au président de la commission des finances ainsi qu'à leurs homologues au Sénat. En outre, nous essayons - nous le faisons dans ces chapitres - d'établir des comptes rendus de gestion, de faire en sorte que tout soit disponible le plus immédiatement possible, même si beaucoup de progrès restent à faire - et la réforme de l'ordonnance de 1959 nous permettra de réaliser ces progrès.

Nous tendons aussi de donner plus de cohérence à notre suivi, puisque, désormais, le gestionnaire se verra attribuer une responsabilité. Au lieu d'avoir le regard perdu entre huit cents et quelques chapitres, nous ferons porter l'accent et l'examen sur au maximum une centaine d'agrégats. Il y aura un gestionnaire, une responsabilité et une capacité de juger les résultats.

Cette réforme, dès le début de l'année prochaine, il sera possible de la voter.

Par ailleurs, je sais qu'on a beaucoup glosé sur la réforme - ou sur la non-réforme - du ministère de l'économie et des finances. Je vous indique donc que, sur ce point-là, sans faire trop de bruit, les choses avancent.

A la fin de l'an 2000, nous aurons défini ensemble - je l'ai proposé aux syndicats à la fin du mois d'avril - une réforme-modernisation du ministère des finances. Du reste, un secrétaire général chargé de la réforme-modernisation a été nommé au mois de mai. Par ailleurs, j'ai demandé à Jean Launay, parlementaire en mission, de travailler sur la mise en place de maisons de service public, économique et financier : actuellement, plus de 170 expérimentations ont lieu dans plus de quarante départements.

Pour ce qui est de l'année 2001, nous ouvrirons une direction des grandes entreprises pour que ces dernières puissent dialoguer avec les services, nous mettrons en place un institut de gestion public, car il n'y a pas de raison que l'état d'esprit de la gestion publique ne diffuse pas et ne soit pas en retour irradié par un certain nombre d'éléments venant de l'extérieur, et nous développerons tout ce qui est relatif au contrôle de gestion.

Bref, je crois que, grâce aux mesures déjà prises et à celles qui vont l'être, une réforme du ministère de l'économie et des finances se met en place sans difficulté majeure.

Puis, deux ou trois changements importants, voire très importants, interviendront dans notre environnement économique et financier.

C'est ainsi que, avant la fin de l'année, je présenterai une réforme du code des marchés publics se caractérisant par un accroissement de l'aide aux PME, une diminution de la bureaucratie, un élargissement du degré d'européanisation et une accentuation de la simplicité.

Nous n'avons pas pu, dans le cadre de la loi sur les nouvelles régulations, présenter une réforme de l'autorité des marchés financiers, mais nous le ferons dès que l'examen dudit texte sera achevé. Cette réforme ira dans le sens de ce que souhaitent certains d'entre vous, qu'il s'agisse de la fusion de la COB et du CMF ou du rapprochement entre la commission de contrôle bancaire et la commission de contrôle des assurances.

A cela s'ajoutera ce très grand changement, qui sera aussi une sorte d'exemple même de la réforme qui commence déjà à s'appliquer, changement auquel il faut que vous soyez très étroitement associés, je veux parler de la mise en place du passage concret à l'euro, passage qui va s'accompagner de transformations que nos concitoyens n'imaginent pas encore et qu'il va falloir mettre en oeuvre à partir de l'an prochain. Ainsi, dès la 1er janvier prochain, nombre d'entreprises passeront directement à l'euro. De même, le 1er juillet 2001, tous les fonctionnaires de l'Etat seront payés en euros tandis que les banques libelleront les comptes en euros. Au 15 décembre, les pièces de la monnaie européenne seront mises dans le circuit, alors que les billets, eux, commenceront à être mis en circulation le 1er janvier 2002. Enfin, le 17 février 2002 verra la fin de la double circulation et, à la fin du mois de juin, il ne sera plus possible de changer dans les banques les billets libellés en monnaie nationale.

Cela signifie que l'environnement d'ensemble sera transformé. Cela contribuera, avec les dispositions du présent budget, à créer un cadre de réformes, qui est absolument indispensable si nous voulons être plus efficaces.

Je terminerai mon intervention en faisant deux observations. La première concerne la tonalité d'ensemble de la situation économique dans laquelle nous sommes et dans laquelle nous entrons. Cette situation se caractérise par une croissance qui restera soutenue. J'ai dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas surréagir, c'est-à-dire passer d'un extrême à l'autre, passer de l'euphorie à la dépression, car le climat économique reste bon, à certains égards très bon, mais, bien sûr, nous devons continuer de le soutenir. J'estime que le budget qui a été préparé va tout à fait en ce sens : il s'agit d'un budget sérieux sur le plan des finances publiques, car on n'obtient rien de durable si l'on n'est pas sérieux.

Ma seconde observation sera pour caractériser ce budget. Ce dernier pourrait se résumer ainsi : moins d'impôts, des impôts plus justement répartis et plus d'emplois.

Et c'est cette notion d'emploi que l'on retrouve du début à la fin de ce budget.

Pourquoi soutenons-nous une croissance plus forte ? Parce que c'est la clé de l'emploi.

Pourquoi voulons-nous maîtriser à la fois les dépenses et les déficits ? Parce que c'est la clé de l'emploi.

Pourquoi allégeons-nous et cherchons-nous à rendre plus justes les impôts ? Parce que c'est la clé de l'emploi.

Pourquoi voulons-nous développer la réforme ? Parce qu'il n'y a pas, dans notre pays, de réforme durable, profonde, possible et efficace si elle n'a pas pour objectif l'emploi.

L'emploi est donc le fil rouge de ce budget. J'espère que vous l'examinerez en ayant ce point à l'esprit et que, ensuite, vous le voterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le ministre, permettez-moi, après vous, d'adresser un amical


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salut à Florence Parly, que nous devrions retrouver parmi nous à l'occasion de la seconde lecture de ce projet de loi de finances.

L'examen du projet de loi de finances fournit l'occasion - et vous l'avez fait, monsieur le ministre - de situer notre pays dans son environnement. L'économie mondiale a bénéficié en 1999 et au cours du premier semestre de l'année 2000 d'une conjoncture favorable grâce à la généralisation de la croissance à l'ensemble des économies des pays industrialisés et des pays émergents d'Asie et d'Amérique latine.

Les pays de l'Union européenne ont, en particulier, connu une accélération de la croissance à partir de l'été 1999. Pour les pays de la zone euro, la croissance du PIB a atteint 2,3 % sur l'ensemble de l'année.

Malgré un certain regain de tension sur les prix, l'inflation reste sous contrôle dans la zone euro. L'inflation sous-jacente, mesurée par la seule base des prix des produits industriels non énergétiques et des services, est ainsi estimée à 1,75 % sur l'année 2000. Une telle perspective devrait limiter le risque d'un resserrement monétaire préjudiciable à la poursuite de la croissance : j'y reviendrai.

En 1998, l'inquiétude était née de la crise économique en Asie, de la crise financière en Russie, étendue bientôt aux autres marchés émergents, et surtout du « coup de tabac » sur les marchés financiers des pays industrialisés.

En 1999, la bonne résistance de l'économie mondiale commandait un optimisme, vérifié ensuite par les faits.

En 2000, l'expérience des crises surmontées peut amener à considérer avec une certaine sérénité les chocs qui, à l'heure actuelle, affectent l'économie mondiale, qu'il s'agisse du niveau élevé des prix du pétrole ou de la baisse excessive de l'euro sur les marchés des changes.

Cette sérénité n'exclut pas les incertitudes. Concernant la hausse des prix du pétrole, la première interrogation porte sur le niveau auquel ils se stabiliseront. Se maintiendront-ils à 30 dollars par baril ou redescendront-ils à 25 dollars ? Ces doutes sur l'évolution des prix euxmêmes se doublent d'une interrogation quant aux incidences de l'augmentation des prix du pétrole sur la croissance mondiale.

Des facteurs rassurants tiennent au fait que la dépendance des pays de l'OCDE vis-à-vis du pétrole a significativement diminué depuis les années 1970 : leurs importations pétrolières comme leur consommation de pétrole ont diminué. En France, la part des importations énergétiques dans les importations totales était de 28 % en 1980 et de 7 % seulement en 1999.

Un autre facteur favorable tient au fait que, dans les grands pays industrialisés, l'inflation était notablement supérieure lorsque se sont produits les deux précédents chocs pétroliers, à ce qu'elle est actuellement.

Il faut, bien sûr, être attentif aux conséquences du renchérissement du pétrole sur le pouvoir d'achat des ménages et sur l'équilibre économique des entreprises. Le Gouvernement l'est, puisqu'il nous a fait des propositions. Nous pensons que la prévision moyenne de prix associée au projet de loi de finances, 25,6 dollars par baril en moyenne sur 2001, contre 28,3 dollars par baril en 2000, est crédible et réaliste.

L'année 1999 a été marquée par un retournement progressif des conditions monétaires, alors qu'une tendance à la baisse s'était manifestée depuis 1995, contribuant à la reprise économique et allégeant progressivement le poids du service de la dette publique.

Dans ce contexte, très récemment, le 5 octobre dernier, la Banque centrale européenne a surpris les marchés en portant le « refi » à 4,75 %. Au moment où certains signes de ralentissement de la croissance sont perceptibles dans la zone euro, ce nouveau relèvement du coût de l'argent paraît d'autant plus discutable et risqué que l'inflation sous-jacente reste, je l'ai dit, peu préoccupante.

Je veux rappeler que, parmi les objectifs conférés à la Communauté européenne par les traités et que le système européen de banques centrales doit contribuer à réaliser, figurent expressément la promotion d'un niveau d'emploi élevé et celle du progrès économique et social. La politique monétaire ne peut s'abstraire des objectifs généraux de politique économique des Etats membres que sont la croissance et l'emploi. A mes yeux, une nouvelle hausse du taux de refinancement serait donc contre-productive.

Le ralentissement de la dynamique de croissance qui pourrait en résulter ne manquerait pas de nuire à la crédibilité de la BCE, et de provoquer de réelles difficultés pour l'euro. D'ailleurs, M. Duisenberg devrait s'interroger : chaque fois qu'il s'exprime, l'euro flanche.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance.)

M.

Christian Cuvilliez.

Il n'a pas d'états d'âme !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Dans un contexte européen qui reste donc favorable à la croissance, malgré des incertitudes liées à l'évolution du marché pétrolier, à la situation du marché des changes et des marchés financiers, la direction de la prévision retient l'hypothèse d'une croissance de l'économie française quasiment égale à celle attendue pour 2000 : 3,3 %. Outre la stabilité de l'environnement international, ce scénario repose sur l'idée que

« les ressorts de la croissance sont solides et s'appuient toujours sur le cercle vertueux emploi-revenu-consommation ».

La situation de l'emploi devrait continuer de s'améliorer. L'accélération du rythme des créations d'emplois aboutit à des résultats que l'on finissait par désespérer de connaître à nouveau depuis la fin des Trente glorieuses.

Pour la période 2000-2001, la direction de la prévision table sur la création de près de 900 000 emplois. L'investissement des entreprises devrait rester vigoureux en 2001 afin, pour l'essentiel, de répondre à la vigueur de la demande interne.

La hausse des revenus d'activité résulterait de l'accélération de la hausse du salaire réel. Le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête devrait croître de 1,8 % en 2001, la direction de la prévision, toujours elle, retenant l'hypothèse d'une accélération sensible des salaires dès le second semestre de cette année. Toutefois, une telle augmentation n'impliquerait pas, selon elle, d'augmentation des coûts salariaux unitaires au-delà de 2 %. Des conséquences inflationnistes ne seraient donc pas à redouter car l'économie française finit seulement de combler son retard conjoncturel de demande.

A court terme, l'impact favorable des baisses d'impôt sur le pouvoir d'achat du revenu disponible brut apparaît suffisamment important et concentré sur les bas revenus pour que, comme le souligne la direction de la prévision, la baisse des prélèvements obligatoires sur le travail élargisse le potentiel d'offre de l'économie française en écartant toute dérive inflationniste et tout déséquilibre trop prononcé sur le marché du travail. A moyen terme, cependant, la question des capacités d'offre de l'économie française risque de se poser de façon plus pressante.

M. Gérard Saumade.

Oui !


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M. Didier Migaud, rapporteur général. Je considère donc pertinent le cadrage macro-économique associé par le Gouvernement au projet de loi de finances pour 2001.

Le maintien de la confiance retrouvée, situation à laquelle les choix du Gouvernement, soutenu par sa majorité, ont très largement contribué, devrait se poursuivre. C'est ce dont témoignent les enquêtes d'opinion les plus récentes effectuées auprès des chefs d'entreprise. Elles autorisent à penser que l'accès de scepticisme lié aux craintes d'un possible choc pétrolier devrait bientôt céder la place à un retour à une appréciation plus favorable de nos concitoyens.

Quelles sont les conséquences de ce scénario économique pour le budget de l'Etat ? En 1999 et en 2000, la croissance économique a largement alimenté la dynamique des recettes publiques.

L'analyse des recettes supplémentaires constatées en 1999 ainsi que leur incidence sur l'exercice 2000 ont été débattues la semaine dernière, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement du budget de 1999. Lors de la discussion du projet de collectif budgétaire de printemps, les recettes du budget général ont été réévaluées de 51,4 milliards de francs par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2000. Pour plus des deux tiers, ces recettes supplémentaires ont résulté du dynamisme des recettes fiscales nettes, le reste provenant de recettes non fiscales non encaissées en 1999. Ces recettes supplémentaires ont été affectées à hauteur d'un plus de 40 milliards de francs à des allégements fiscaux supplémentaires v enant s'ajouter, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, aux 40 milliards de francs d'allégements prévus dans la loi de finances initiale.

La bonne tenue de la conjoncture économique devrait permettre de réduire, en exécution, le déficit budgétaire.

Ces réévaluations successives ne sont pas sans effet sur les recettes prévues pour 2001. Les excédents de recettes apparaissent suffisamment significatifs pour permettre leur utilisation conformément aux orientations fixées par le Gouvernement en 1997 et maintenues depuis : le financement d'une dépense publique évoluant de façon maîtrisée et concentrée sur des actions prioritaires parallèlement à la réduction des déficits contribuant elle-même à la réduction de la dette, et enfin la baisse des prélèvements obligatoires. Ce dernier objectif devrait commencer à avoir une traduction concrète en 2000.

M. Jean-Jacques Jégou et M. Charles de Courson.

Ah !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avant d'envisager les moyens de cette gestion active de la dépense publique, il convient de dire quelques mots de l'effort de présentation budgétaire fait dans le présent projet de loi de finances.

Les modifications de structure qui y sont proposées ont, en règle générale, des répercussions sur les recettes comme sur les crédits. Elles contribuent à rendre le périmètre de la loi de finances plus exhaustif et mieux adapté aux domaines d'actions réels de l'Etat.

Nous nous réjouissons de constater que le Gouvernement a présenté, dans le projet de loi, une charte de budgétisation...

M. Charles de Courson.

Nous allons en parler !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... qui vise à faciliter les comparaisons de grandeurs budgétaires et fiscales d'un exercice à l'autre. Ce faisant, le Gouvernement tient l'engagement qu'il avait pris devant notre assemblée à l'occasion du débat d'orientation budgétaire du mois de mai.

Pour autant, cette charte de budgétisation est centrée sur le budget général alors que, pour juger de l'évolution des charges de l'Etat, la commission des finances retient de préférence un agrégat plus large, formé par la somme des charges du budget général, des charges définitives des comptes d'affectation spéciale et de la charge nette des opérations temporaires.

Je vous renvoie, sur les questions de méthode, à mon rapport écrit, me limitant, à ce stade, à indiquer qu'après correction des changements de structure, l'agrégat de la commission des finances enregistre une progression des charges du budget de l'Etat de 2,6 % en valeur, soit 1,4 % en volume.

Cette observation ne remet pas en cause l'évolution des dépenses telle que le Gouvernement la présente en prenant en considération son propre agrégat : la progression en volume - 0,3 % - s'inscrit dans le programme pluriannuel de finances pulbiques notifié à l'Union européenne au début de cette année.

Avant d'aborder les choix faits en matière de dépenses, je voudrais réagir positivement face à la méthode suivie par le Gouvernement. Conformément aux conclusions du groupe de travail de notre assemblée sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, des avancées sont perceptibles vers une plus grande lisibilité. On peut avoir une meilleure appréhension tant des coûts que des résultats de ces actions, avec les progrès constatés en matière de présentation des agrégats budgétaires et la publication de comptes rendus de gestion ministériels annexés au projet de loi de règlement du budget de 1999, que l'Assemblée, fait sans précédent, aura été en mesure d'examiner avant la discussion du projet de loi de finances pour 2001.

Cela dit et ainsi que je l'ai déjà fait observer, notre marge de progression reste importante.

Je veux également rappeler que nous avons présenté ici une proposition de loi révisant les dispositions organiques relatives aux finances de l'Etat, encore régies par une ordonnance de 1959 qui apparaît aujourd'hui dépassée, à la fois en termes de méthode de gestion publique et en termes de pouvoirs budgétaires du Parlement.

C ette proposition est l'aboutissement d'un travail entrepris dès octobre 1998, sous votre impulsion, monsieur le ministre, lorsque vous présidiez notre assemblée.

La Cour des comptes a apporté son concours à cette réflexion. L'essai doit maintenant être transformé. En constituant une commission spéciale, notre assemblée y est prête. Son nouveau président, M. Raymond Forni, y met tout son poids. Il reste au Gouvernement - nous ne doutons pas que vous y aiderez - et au Sénat à apporter leur plein concours pour que l'intention soit concrétisée.

S'agissant de l'évolution des dépenses de l'Etat, les orientations budgétaires que traduit le projet de loi de finances s'inscrivent dans la continuité de la politique définie à l'été 1997 : stimuler et accompagner la croissance pour développer l'emploi et approfondir la solidarité.

La répartition proposée cette année des marges dégagées par la croissance paraît compatible avec les prévisions économiques et en ligne avec le consensus des économistes, sur lequel le Gouvernement a fondé son projet : la baisse des impôts, pour un peu plus de 48 milliards de francs, confortera utilement la progression du pouvoir d'achat et stimulera l'esprit d'entreprise ; la croissance des dépenses, à hauteur de 25 milliards de francs, permettra, avec des efforts de gestion, de répondre aux attentes de nos concitoyens ; la réduction du déficit, de 30 milliards


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de francs, s'inscrit dans une perspective d'avenir : la croissance retrouvée est mise à profit pour alléger les charges qui pèseront sur les générations futures et pour « recharger l'arme budgétaire » en vue de faire face dans de meilleures conditions à d'éventuels aléas.

Si, comme je l'ai dit, la plupart des observateurs s'accordent à estimer que les turbulences affectant le marché pétrolier n'exerceraient que des effets somme toute limités sur la croissance et l'inflation, il reste que les facteurs d'incertitude sont plus importants que par le passé.

La continuité de la politique budgétaire équilibrée qui a, depuis trois ans, remis et maintenu la France sur un sentier de croissance soutenue, constitue à cet égard un facteur rassurant à nos yeux.

Comme il l'a fait depuis trois ans, le Gouvernement a identifié certaines priorités sur lesquelles des efforts significatifs ont été consentis. C'est le cas de l'éducation nationale, de la justice, de la sécurité et de l'environnement.

Vous avez procédé à des redéploiements de crédits à hauteur de 28 milliards de francs, en tenant compte des économies enregistrées sur les budgets annexes. La révision des services votés apparaît particulièrement significative dans le budget de la défense, pour 3 milliards de francs, et dans celui de l'emploi, pour 2 milliards de francs. Sur ce dernier budget, il faut ajouter près de 7 milliards de francs de mesures d'ajustements aux besoins, la bonne conjoncture économique et l'enrichissement de la croissance en emplois permettant d'alléger les crédits consacrés aux publics en difficulté ou aux mesures de retrait d'activité ou de conversion.

J'en viens aux concours de l'Etat aux collectivités locales.

L'année 2001 sera la dernière année d'application du contrat de croissance et de solidarité. Globalement, le montant total des subventions consenties, hors fiscalité transférée, atteint 336,8 milliards de francs. Cette évolution est essentiellement imputable à la progression de la compensation liée à la suppression de la part salariale des bases de taxe professionnelle et à la compensation de la suppression de la vignette.

L'article 26 du projet de loi de finances prévoit une majoration de 500 millions de francs du prélèvement sur les recettes de l'Etat prévu par la loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement de la coopération intercommunale afin de financer la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération. Le succès des communautés d'agglomération est tel que les prévisions ont été dépassées dès 1999, entraînant un financement pour 2000 par un prélèvement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Malgré les mesures adoptées dans le collectif de printemps, le Gouvernement a pris conscience de l'insuffisance du prélèvement sur recettes prévu par la loi du 12 juillet 1999. Il propose donc de porter celui-ci à 1 milliard de francs jusqu'en 2004, soit un effort de 4,5 milliards de francs de 2000 à 2004.

Pour la commission des finances, cette majoration ne suffira pas pour financer les communautés d'agglomération créées en 1999 et 2000. C'est la raison pour laquelle elle propose - c'était d'ailleurs un souhait de l'ensemble des groupes de la majorité plurielle - de majorer le prélèvement sur recettes de 200 millions de francs.

Enfin, en plus de l'augmentation des crédits de la dotation de solidarité urbaine prévue à l'article 27 du projet de loi, la commission des finances a souhaité majorer la fraction bourgs-centres de la dotation de solidarité rurale de 150 millions de francs.

Les marges de manoeuvre offertes par la croissance retrouvée et confortée sont également affectées à la poursuite de la diminution des déficits. Le déficit du budget général passerait en 2001 de 218 milliards de francs à 195 milliards de francs, soit une réduction de 10,6 %. Le besoin de financement de l'Etat serait ainsi ramené de 3 % du PIB en 1998 à moins de 2 % en 2001 - 1,95 % p récisément - tandis que celui des administrations publiques serait dans le même temps ramené de 2,7 % à 1 % du PIB, hors recettes liées à l'octroi des licences UMTS.

Rejoignant la moyenne attendue dans la zone euro selon l'OCDE, la France aura ainsi réalisé, depuis le début de la présente législature, l'une des meilleures performances européennes : compte tenu du niveau de déficit constaté en 1997 - 3,5 % du PIB, hors soulte de France Télécom -,...

M. Georges Tron.

Combien en 1999 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... la baisse sera de 2,5 points de PIB. Seule l'Espagne aura fait mieux au cours de la période.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous avons fait le choix d'un certain rythme de réduction du déficit. J'attire l'attention de nos collègues sur le fait que l'OCDE, tout en adressant des remarques à la France vous avez sans doute eu l'occasion d'évoquer le sujet lors de la réunion des ministres des finances de l'Union -, a fait observer que, si nous accélérions le rythme de réduction du déficit, cela risquerait de provoquer une tension sur l'évolution de la croissance et, à court terme, une augmentation, ou tout au moins une réduction moins sensible du chômage. C'est pourquoi nous jugeons que le rythme choisi est bon. Bien évidemment, cela ne nous dispense pas des effots nécessaires auxquels vous nous appelez.

L a dynamique de la dette des administrations publiques est ainsi inversée : passant de 54,6 % du PIB en 1995 à un maximum de 59,7 % en 1998, celle-ci est revenue à 58,9 % en 1999, le taux devant s'établir à 57,2 % en 2001.

Pour la troisième année consécutive, le solde primaire du budget de l'Etat, c'est-à-dire hors charge de la dette, est positif : il devrait atteindre 56,9 milliards de francs.

L'objectif de diminution des prélèvements obligatoires devrait commencer à trouver sa réalisation effective, les prévisions de taux de prélèvements obligatoires rapportés au PIB s'élevant à 45,2 % en 2000 et 44,7 % en 2001, venant après un exercice 1999 où les baisses d'impôt n'ont pas permis de compenser la hausse spontanée du taux de ces prélèvements.

Ces résultats apparaissent compatibles avec le cadre fixé par le programme pluriannuel de finances publiques, qui a retenu, sur la base d'hypothèses hautes de croissance, un taux de prélèvements obligatoires de 43,7 % en 2003.

Les mesures fiscales incluses dans le projet de loi de finances ainsi que certains des amendements adoptés par la commission des finances contribuent à alléger la charge des impôts. Sans entrer dans le détail des mesures qui seront discutées de façon approfondie à l'occasion de l'examen des articles, je ferai néanmoins quelques observations.

En ce qui concerne les baisses d'impôts pour les ménages, il convient de répondre à la critique concernant un prétendu saupoudrage.

M. Charles de Courson.

Il n'est pas « prétendu » !


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M. Didier Migaud, rapporteur général.

Les baisses d'impôts doivent être une mesure de redistribution juste, afin que chacun puisse en profiter. De ce point de vue, à côté des mesures concernant l'impôt sur le revenu prévues dans le présent projet de loi, il faut tenir compte de l'allégement de CSG et de CRDS pour les plus bas revenus.

L'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 prévoit une exonération totale, sur trois ans, de la CSG et de la CRDS sur les revenus d'activité inférieurs au SMIC, qu'il s'agisse ou non d'une activité salariale.

Ensuite, un mécanisme de ristourne dégressive est prévu jusqu'au niveau de 1,3 fois le SMIC, que la commission des finances a proposé d'étendre à 1,4 fois le SMIC.

L'évolution des revenus n'est pas le résultat des seules baisses d'impôts. Elle est d'abord le résultat de l'évolution des revenus primaires, tout particulièrement des revenus d'activité et des prestations sociales. Depuis 1997, la politique du Gouvernement a permis, comme je l'ai dit, de faire reculer le chômage d'une manière inconnue depuis très longtemps. Or le chômage est facteur d'exclusion et d'accroissement des inégalités.

T outes les mesures prises par le Gouvernement concourent à cet objectif d'accroissement du revenu et de lutte contre les inégalités. Vous en avez rappelé, monsieur le ministre, quelques-unes. Mais je trouve souvent le Gouvernement trop modeste : il devrait de temps en temps rappeler quelques ordres de grandeur.

T outes les mesures prises par le Gouvernement c oncourent, disais-je, à l'objectif d'accroissement du revenu : l'allégement général de cotisations sociales, la politique de relèvement des rémunérations les moins élevées, qu'il s'agisse de la fonction publique ou des augmentations du SMIC au-delà des obligations légales, la lutte contre les exclusions, la revalorisation des minima sociaux, la création de la couverture maladie universelle, des aides au logement avec l'unification du barème de ces dernières.

L'ensemble de ces mesures se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de francs et cela justifie la politique du Gouvernement.

La politique familiale...

M. Charles de Courson.

Quelle politique familiale ?

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

... y a également contribué avec l'augmentation des prestations sous condition de ressources, comme la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Cela représentait un effort important, et ce n'est pas parce qu'il a été réalisé il y a trois ans qu'i l doit être oublié aujourd'hui.

Enfin, le basculement, depuis le 1er janvier 1998, de la totalité du financement de l'assurance maladie sur la CSG s'est traduit par un gain de pouvoir d'achat pour les salariés et les retraités et par un alourdissement de la charge supportée par les revenus du patrimoine.

L'article 23 nous permet également de préparer l'avenir. Il concerne les licences d'exploitation des réseaux UMTS.

Le Parlement est saisi de ce dossier, et c'est une bonne chose car en certains lieux on a tendance à considérer que ce sujet est trop sérieux pour être traité par les députés.

(Exclamations sur divers bancs.)

Notre position, monsieur le ministre, est bien évidemment différente et nous trouvons quelque peu caricatural le préjugé, qui peut exister ici ou là, selon lequel le fait d'être élu ne serait pas obligatoirement un critère de sérieux ou de responsabilité.

Or il s'agit de 130 milliards. Cette somme doit concerner les députés et l'ensemble du Parlement.

Nous avons deux préoccupations essentielles.

Nous souhaitons d'abord que l'on réponde à plusieurs questions.

Pourquoi y a-t-il en France une telle lenteur pour libérer des fréquences qui pourraient être disponibles pour ces prochaines licences ? Pourquoi avons-nous fait le choix de quatre opérateurs alors que d'autres pays ont opté pour cinq opérateurs, voire six ?

M. Gérard Bapt.

Très bonne question !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Sans que soit remise en cause la procédure de soumission comparative, que nous avons approuvée, pouvons-nous avoir quelques explications sur le prix retenu de 32,5 milliards, sur la réalité de ce chiffre compte tenu du fait qu'il s'agit de francs courants ? Qu'en est-il, en outre, du traitement fiscal des redevances ? Voilà autant de questions pertinentes qui ne nous semblent pas avoir reçu de réponses de la part de l'Autorité de régulation des télécommunications ou du Gouvernement. Le Parlement n'est pas là seulement pour ratifier un dispositif préparé en dehors de lui, même s'il peut finalement en appouver les principales mesures : encore faut-il que des réponses lui soient apportées. Je souhaite pour ma part que la discussion de l'article 23 en fournisse l'occasion.

Ensuite, s'agissant de la couverture du territoire, sujet sur lequel reviendra le président de la commission des finances, il apparaît, à la lecture du cahier des charges, qu'une grande partie de la population française ne bénéficierait pas des nouvelles licences UMTS. Il y là une dimension « aménagement du territoire » incontestable et un risque d'aggravation de ce qu'on appelle la « fracture numérique ». Nos collègues membres de la commission ont posé des questions à ce sujet.

N ous souhaitons qu'à l'occasion de l'examen de l'article 23, un certain nombre de réponses nous soient apportées aussi bien sur les raisons du choix du dispositif que sur les risques qu'il peut présenter du point de vue de l'aménagement du territoire.

En ce qui concerne la fiscalité des entreprises pétrolières, vous nous proposez de créer une taxe exceptionnelle assise sur la provision pour hausse des prix due par les entreprises dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer des carburants issus de cette transformation.

La commission des finances propose de porter le taux de cette contribution exceptionnelle de 20 % à 25 %. Il lui est en effet apparu possible d'augmenter le rendement de la taxe, compte tenu de la capacité contributive des sociétés pétrolières. Elle a ainsi relevé que TotalFinaElf a réalisé, au cours du seul premier semestre de cette année, un résultat opérationnel supérieur de 7 % à celui réalisé pour tout l'exercice 1999. Une contribution exceptionnelle peut donc être parfaitement acceptée.

Avant de conclure, je souhaite dire un mot de l'article 12, qui tend à créer un nouveau dispositif d'aide à l'investissement outre-mer. Cet article confirme en effet


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

que les réformes engagées - notamment à l'initiative de la commission des finances en 1998, initiative qui avait suscité quelque émotion - ne posent pas de problème sérieux quant à leur mise en oeuvre. A vrai dire, aucune des réformes de la défiscalisation réalisée depuis 1997 n'est remise en cause, ce qui confirme le caractère pertinent des propositions que nous avions pu faire.

La commission des finances vous propose enfin, mes chers collègues, d'adopter trois mesures allant dans le sens d'une plus grande justice fiscale.

La première, adoptée à l'initiative de nos collègues du groupe communiste et apparentés, tend à réduire la charge supportée par les organismes HLM au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Ces organismes sortent actuellement, pour la plupart d'entre eux, de la période d'exonération de quinze ou vingt-cinq ans dont ils bénéficiaient. Leur entrée dans le droit commun constitue une charge financière substantielle d'autant plus difficile à supporter que le parc locatif est situé dans des zones défavorisées. Votre commission vous propose d'inst ituer un abattement sur la base d'imposition des immeubles détenus par les organismes HLM dans les zones urbaines sensibles. Elle propose également un dégrèvement de la taxe sur les locaux vacants de ces organismes dont la démolition ou une importante rénovation a été programmée.

La deuxième proposition tend, à la demande des groupes de la majorité plurielle, à exonérer de redevance audiovisuelle les personnes âgées de plus de soixantedix ans qui ne sont ni imposées à l'impôt sur le revenu ni passibles de l'impôt de solidarité sur la fortune. Les préconisations de la mission d'évalutation et de contrôle de la commission des finances en vue d'une suppression, en deux étapes, de la redevance audiovisuelle n'ayant pas été retenues pour l'instant par le Gouvernement, il apparaît souhaitable d'élargir les conditions de son exonération pour les personnes âgées, conditions qui avaient été durcies par la précédente majorité. En effet, si un certain nombre de personnes ont été assujetties à la redevance télévision, c'est tout simplement parce que M. Balladur et M. Sarkozy étaient passés par là !

M. Gérard Fuchs.

Eh oui !

M. Gérard Bapt.

Il fallait le rappeler !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous passons par là, à notre tour, mais pour élargir l'exonération.

La troisième proposition de votre commission consiste à relever de 28 à 30 francs le plafond sous lequel la contribution de l'employeur à l'acquisition par ses salariés de titres-restaurants est entièrement exonérée d'impôt sur le revenu.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est soumis par le Gouvernement est donc un budget positif, au service de l'emploi et de la croissance, alliant les principes de justice fiscale et d'efficacité économique. La commission des finances a souhaité s'inscrire dans cette logique en l'amplifiant et en la renforçant.

Pour toutes les raisons que j'ai indiquées, et compte tenu d es amendements qu'elle vous proposera, elle vous demande d'adopter le projet de loi de finances.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Charles de Courson, pour une durée qui, aux termes du règlement, ne peut excéder une heure trente.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est déjà long, surtout quand on n'a rien à dire ! (Sourires.)

M. le président.

Ecoutez, monsieur Brard, vous jugerez après !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances pour 2001 va, cette année, débuter par le vote sur l'exception d'irrecevabilité déposée par le groupe UDF au nom de l'ensemble de l'opposition.

Le projet de budget que vous nous présentez démontre une nouvelle fois, messieurs, que vous ne tenez pas vos engagements budgétaires,...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Oh !

M. Charles de Courson.

... notamment à l'égard de l'Union européenne, et que, pour masquer vos faiblesses de gestionnaires, vous pratiquez l'art de la dissimulation et de la non-transparence, parfois en allant jusqu'à violer la loi organique du 2 janvier 1959.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle perversité ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Lorsque vous étiez encore, monsieur le ministre, président de l'Assemblée nationale, vous dénonciez avec force le manque de transparence des documents budgétaires...

M. Jean-Jacques Jégou.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

... et vous déclariez, dans une interview accordée aux Echos , le 27 décembre 1999, que le problème de fond était la sincérité des budgets. Je ne peux qu'être d'accord avec vous, quand vous étiez président de l'Assemblée nationale,...

M. Jean-Jacques Jégou.

M. Fabius aurait-il changé ?

M. Charles de Courson.

... ainsi qu'avec la Cour des comptes qui a insisté sur ce point à plusieurs reprises.

Votre constat était juste à l'époque, mais force est de constater que la solution semble faire défaut. Au regard du manque de lisibilité de votre projet de loi de finances, il est grand temps, à n'en pas douter, que la sincérité des budgets constitue pour l'Etat une réelle exigence. En effet, votre charte de budgétisation n'est, hélas ! qu'une pâle tentative de dissimulation de la dérive des finances publiques. En voulant faire croire à votre vertu, vous ne faites que mettre en relief votre absence de vertu.

Le Gouvernement tente de faire croire qu'il mène une politique budgétaire rigoureuse, axée sur un triptyque ainsi constitué : une faible croissance des dépenses qui, à ce qu'il prétend, n'augmenteraient que de 1,5 % en valeur ou 0,3 % en volume, soit 25 milliards de francs ; des allègements d'impôts qui atteindraient 48,4 milliards de francs ; une réduction du déficit qui s'établirait à une trentaine de milliards de francs.

O r l'examen détaillé des documents budgétaires montre que l'apparence de rigueur dissimule un réel laxisme. C'est également le constat établi par la Commission européenne au regard du taux français de croissance des dépenses publiques.

Qu'en est-il, d'abord, des dépenses de l'Etat ? De combien augmentent-elles ?

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Pas assez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. Charles de Courson.

Pas assez, en effet, par rapport à la réalité. Car je vais vous démontrer, mers chers collègues, que les dépenses de l'Etat s'accroissent en 2001 non pas de 1,5 %, comme l'indiquent les documents budgétaires, mais de 4,6 %, soit presque autant que la croissance de la richesse nationale, estimée à 4,8 %.

M. Pierre Méhaignerie.

C'est ce que dit la Commission européenne !

M. Charles de Courson.

Pour tenter de prouver que les dépenses de l'Etat ne s'accroissent que de 1,5 %, soit 25 milliards, le Gouvernement prend le montant net des dépenses du budget général de l'Etat en 2001 - hors comptes spéciaux, j'y reviendrai -, celles qui figurent à l'article 29, l'article d'équilibre. De ces 1 723,8 milliards de francs, il déduit tout d'abord 18,5 milliards au titre des recettes de coupons courus, ce qui est logique et non critiquable, et obtient ainsi 1 705,3 milliards, somme qui figure dans la charte de budgétisation. Or si l'on compare ce chiffre à celui du projet de loi de finances initiale pour 2000, soit 1 664,9 milliards, on ne trouve pas 25 milliards d'écart mais 40,4 milliards, soit 2,4 % de hausse.

A lors, me direz-vous, comment le Gouvernement peut-il passer de 40,4 à 25 milliards ? C'est tout simple : il soustrait 15,5 milliards, qu'il prétend liés à ce qu'il appelle pudiquement des « opérations de changement de périmètre ». Eh bien, mes chers collègues, cette déduction n'est en rien justifiée. Ouvrez tous votre projet de loi de finances à la page 35 (Sourires) , et vous constaterez avec moi que ce ne sont pas 15,5 milliards mais seulement 4,6 milliards qu'il faut déduire pour assurer une comparaison significative entre les périmètres des deux budgets.

M. Jean-Pierre Brard.

Ne serait-ce pas plutôt 4,7 milliards ? (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Comment sont composés ces 4,6 milliards ? Il y a tout d'abord 1,9 milliard de francs liés à la budgétisation de fonds de concours ou de comptes de tiers.

Conformément à une vieille demande émanant tant de la Cour des comptes que de la commission des finances, on poursuit la budgétisation des fonds de concours. C'est bien, et la soustraction de cette somme est justifiée.

Il y a ensuite 1,6 milliard au titre de la suppression d'un compte d'affectation spéciale, le fameux Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables créé par la loi Pasqua. Là aussi, c'est tout à fait normal.

Il y a enfin 1,1 milliard au titre de la prise en charge par l'Etat de la subvention jusque-là versée par la CNAF au FASTIF, le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles.

J'observe par parenthèse que la suppression du FITTVN se traduit par une baisse du déficit du budget général de 2,9 milliards de francs. L'Etat rebudgétise en effet 1,6 milliard en dépenses, mais il bénéficie de deux recettes fiscales nouvelles à hauteur de 4,5 milliards de francs.

Au total, l'addition de ces trois éléments montre que l'on peut soustraire des dépenses de l'Etat la somme de 4,6 milliards. Par contre, et c'est le coeur du problème inhérent à votre charte de budgétisation, monsieur le ministre, quatre opérations pour un total net de 10,9 milliards de francs ne peuvent être déduites.

Il s'agit d'abord des 12,5 milliards de francs liés à las uppression de la vignette. Pour votre part, monsieur Fabius, bien que cette somme soit imputée sur le budget du ministère de l'intérieur sous forme d'une augmentation de la dotation globale de décentralisation, vous nous expliquez qu'il ne s'agit pas d'une dépense, car elle recouvre une baisse d'impôt. Votre raisonnement serait exact s'il s'agissait d'un impôt de l'Etat, mais tel n'est pas le cas.

La deuxième opération critiquable consiste à retirer du périmètre de 2001 les 6,1 milliards de francs liés à la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. Mais là encore, cette dépense ne peut être déduite, car elle constitue également une charge pour l'Etat, imputée sur le budget du ministère de l'intérieur en remboursement aux conseils régionaux.

Troisième opération, que je cite pour mémoire, la soustraction des 0,2 milliard de francs de subvention versés au Centre technique des industries mécaniques. Cette charge nouvelle liée à la suppression d'une taxe parafiscale affectée à cet organisme correspond bien à une dépense permanente et ne peut donc être déduite.

Quatrièmement, enfin, et j'y reviendrai longuement car il s'agit de la plus grosse débudgétisation : l'affaire du FOREC. Vous diminuez les dépenses au titre de 2000 ou plutôt majorez celles de 2001 de 7,9 milliards seulement, somme qui recouvre, d'une part, la suppression de la subvention d'équilibre versée au FOREC en 2000, à hauteur de 4,3 milliards ; d'autre part, deux mesures correspondant à des opérations de transfert du budget de l'Etat vers le FOREC, l'une d'un montant de 3,5 milliards, l'autre d'un montant de 0,13 milliard. En réalité, il faut rebudgétiser le FOREC pour le calcul, c'est-à-dire établir les comptes consolidés des transferts entre le budget général de l'Etat et le FOREC pour déterminer l'augmentation réelle des dépenses de l'Etat en 2001.

Par conséquent, à ce stade du raisonnement, ce ne sont p as 15,5 milliards qui doivent être soustraits des 1 705,3 milliards de francs de dépenses de l'Etat, mais 4,6 milliards seulement, ce qui ramène la base de comparaison à 1 700,7 milliards pour 2001 contre 1 664,9 milliards en 2000. L'écart est donc de 35,8 milliards, soit 2,2 % de hausse.

J'en viens maintenant à cinq grandes mesures de débudgétisation ou d'habillage du budget destinées à faire croire à une faible augmentation du déficit de l'Etat. Il s'agit des prélèvements sur recettes ; des remboursements et dégrèvements ; de la débudgétisation du FOREC ; de l'abaissement de la CSG et de la CRDS sur les bas salaires, pris en charge à travers un transfert de recettes ; enfin, mais je n'ai pas pu le calculer, de l'utilisation abusive des dotations en capital de façon à soulager les dépenses de fonctionnement de l'Etat.

Reprenons chacun de ces cinq points.

Les prélèvements sur les recettes de l'Etat s'accroissent - tenez-vous bien, mes chers collègues ! - de 19 milliards.

Ces prélèvements constituent des charges pour l'Etat, et leur soustraction en produits comme en charges dans le budget aboutit à une présentation erronée de la réalité du budget, comme le dénonce depuis des années la Cour des comptes dans ses rapports sur les lois de règlement. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997, ainsi que dans celui de 1999, la Cour des comptes réaffirme encore les inconvénients de la formule du prélèvement sur recettes, notamment en ce qui concerne les concours aux collectivités territoriales. L'absence de principe lisible régissant le traitement budgétaire de ces concours n'est pas de nature à fournir au Parlement une vision claire et exhaustive des flux financiers correspon-


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dants. Elle ne permet pas non plus de rendre lisibles les orientations stratégiques de l'Etat en matière d'autonomie des collectivités locales.

Ces raisons militent pour une remise en ordre qui passe par un strict encadrement du recours au mécanisme de prélèvement sur recettes, dans le respect de la définition qu'en donne le Conseil constitutionnel. Si la distinction entre les charges qui incombent à l'Etat et celles qui incombent aux collectivités territoriales peut se révéler difficile à établir, il conviendrait, en revanche, que tous les concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui, à l'évidence, ne peuvent s'analyser comme la rétrocession d'une recette que l'Etat aurait encaissée sans qu'elle lui soit destinée, soient inscrits dans la loi de finances, en subvention, aux titres IV ou VI, selon leur nature.

Estimés à 307 milliards dans le projet de loi de finances pour 2001 contre 288 milliards en 2000, les prélèvements sur recettes sont en forte hausse : de 19 milliards, je l'ai dit, soit 6,6 %. Pourquoi ? En raison presque uniquement de l'augmentation sensible de 18 milliards des prélèvements en faveur des collectivités locales, qui atteindront 207,5 milliards de francs en 2001 contre 189,5 milliards en 2000. Et non en raison de l'évolution de la subvention au budget de l'Union européenne, qui ne s'accroît que d'un milliard de francs : 99,5 milliards en 2001 contre 98,5 milliards en 2000. La hausse de 18 milliards des prélèvements en faveur des collectivités locales s'explique essentiellement, pour 12,5 milliards, par le coût de la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle et pour 3,8 milliards par la hausse de la DGF.

Au total, en tenant compte des prélèvements sur recettes, les dépenses de l'Etat passent de 1 952,9 milliards de francs en loi de finances initiale 2000 à 2 007,7 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, soit une hausse de 54,8 milliards ou de 2,8 %. Deuxième redressement auquel il faut procéder : les remboursements et les dégrèvements, qui s'accroissent de 9,3 milliards de francs.

S'il est logique de ne pas comptabiliser en dépenses des dégrèvements relatifs aux impôts de l'Etat, il n'en est pas de même pour les dégrèvements concernant la fiscalité locale. Or, si l'on se réfère à la page 54 des voies et moyens, ligne 16, on trouve 45 milliards de francs pour le plafonnement en 2001 de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée. Aux lignes suivantes, ligne 17 sur la taxe d'habitation et ligne 18 sur la taxe foncière, on trouve respectivement 18,7 milliards et 2,3 milliards. Enfin, à la ligne 32, on trouve 4,5 milliards pour les admissions en non-valeur sur des produits revenant aux collectivités locales. Or la commission des finances demande depuis fort longtemps que l'on distingue les admissions en non-valeur concernant les impôts de l'Etat de celles concernant les impôts des collectivités locales, car il s'agit bien, dans la seconde hypothèse, d'une charge pour le budget de l'Etat.

Pour les remboursements, il s'agit notamment d'une nouvelle ligne, qui apparaît très discrètement, dotée de 1,7 milliard de francs en 2001 pour le remboursement d'une partie de la TIPP accordé essentiellement aux transporteurs routiers après le mouvement social qui avait paralysé tout le pays pendant plusieurs jours. Ce sont bien des dépenses de l'Etat découlant de négociations entre les transporteurs et le ministère des transports.

M. Claude Gaillard.

C'est évident !

M. Charles de Courson.

Il faut donc en tenir compte dans l'évolution de la dépense, car il s'agit d'impôts tiers par rapport à l'Etat.

En tenant compte de tous ces éléments, les dépenses de l'Etat passent de 2 016,8 milliards en loi de finances initiale 2000 à 2 080,4 milliards dans le projet de loi de finances pour 2001, soit une hausse de 63,6 milliards, atteignant 3,2 %. Mais rassurez-vous, mes chers collègues, ce n'est pas fini !

M. Claude Gaillard.

C'est le ministre qu'il faut rassurer !

M. Charles de Courson.

J'en viens en effet à un troisième redressement nécessaire - et là c'est une affaire grave - lié à la poursuite, via le FOREC, de la débudgétisation des dépenses à hauteur de 25,3 milliards supplémentaires en 2001.

En 2000, vous vous en souvenez, le Gouvernement a créé un établissement public à caractère administratif, le Fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales. Pour la petite histoire, c'était un deal entre M. Strauss-Kahn et Mme Aubry. M. Strauss-Kahn ne voulait pas faire apparaître dans le budget la forte hausse des dépenses publiques résultant des 35 heures, c onsidérant que cela ne le concernait pas et que Mme Aubry devait s'en occuper. On a donc créé ce

« machin ». Les décrets d'application liés à la création de cet établissement public ne sont d'ailleurs pas sortis, mais cela n'a pas empêché de percevoir les recettes ni de mettre à la charge du fonds les 64 milliards - devenus entre-temps 67 - auxquels on estimait pour 2000 le coût des 35 heures, afin de ne pas montrer la forte hausse des dépenses de l'Etat.

Ce fonds finance donc les exonérations de cotisations patronales instituées par les deux lois sur la réduction du temps de travail. Il vous permet aussi d'amplifier dans le projet de loi de finances pour 2001 les pratiques de débudgétisation.

Quels sont les chiffres ? Les dépenses du FOREC vont passer de 64 milliards en 2000 à 85 milliards en 2001, soit une hausse de 21 milliards, dont 3,6 représentent le transfert du budget de l'Etat au FOREC du coût de la loi Robien, qui était resté dans la loi de finances pour 2000 à la charge du ministère de l'emploi et de la solidarité, et 0,13 milliard celui des exonérations de cotisations sociales d'allocations familiales sur les salariés agricoles.

Cependant, la suppression de la subvention versée à partir du budget de l'emploi - 4,3 milliards en 2000 - porte ce chiffre à 25,3 milliards. Ainsi, les dépenses du budget général majorées du FOREC passent de 2 076,5 milliards en loi de finances initiale pour 2000, à 2 165,4 milliards en projet de loi de finances initiale 2001. A ce stade du raisonnement, la hausse est donc de 89 milliards, soit 4,3 %. J'en viens à la quatrième manipulation budgétaire : il s'agit de la prise en charge par la CNAM, la CNAF et le FSV du coût de l'abaissement de la CSG et de la CRDS.

Le coût estimé de l'abaissement de la CSG et de la CRDS sur les revenus professionnels modestes est de 7,5 milliards en 2001. Or cette dépense ne figure pas dans le projet de loi de finances initiale pour 2001.

M. Jean-Jacques Jégou.

Encore une astuce budgétaire !

M. Charles de Courson.

Pourtant, elle est financée par un transfert aux trois organismes de sécurité sociale subissant une perte de recettes d'une partie - 7,5 milliards du produit estimé à 28,3 milliards dans son produit 2001.

L'astuce budgétaire consiste à gagner en présentation 7,5 milliards sur l'augmentation des dépenses. Ainsi,


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l'ensemble des dépenses du budget de l'Etat, y compris le FOREC, passe de 2 076,5 milliards en loi de finances initiale pour 2000 à 2 172,9 milliards dans le présent projet de loi de finances initiale, soit une hausse - tenezvous bien, mes chers collègues ! - de 96,4 milliards, ou encore plus 4,6 %. Cela est proche de la croissance du PIB en valeur qui est de 4,8 %. Vous le voyez, le Gouvernement avait annoncé 25 milliards de hausse en volume et nous sommes quatre fois au-delà de ce chiffre.

Mais ce n'est pas fini. J'en arrive, en effet, à une dernière opération, qui est régulièrement dénoncée dans les rapports de la Cour des comptes sur les lois de règlement : l'utilisation abusive des produits de cessions de titres.

Estimées à 26,5 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, ces dotations imputées hors budget général sur un compte d'affectation spéciale sont très largement utilisées afin de financer les dépenses de fonctionnement d'un certain nombre de grandes entreprises publiques déficitaires. En voici trois exemples.

Premièrement, on a utilisé en 1999 une dotation de 12,5 milliards de francs en faveur de Réseau ferré de France dont le déficit a été de 10,5 milliards de francs. Il en a été de même en 2000. En 2001, cette pratique continuera puisque la subvention à RFF est réduite de 715 millions de francs. Qu'est-ce que cela signifie ? Trad itionnellement, tous les gouvernements - celui-ci comme les autres - refusent d'expliquer, y compris au rapporteur général, comment ils comptent utiliser les dotations en capital figurant sur ce compte d'affectation spéciale. Moi, je peux le faire, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Brard.

Dommage que M. de Courson ne soit pas au Gouvernement !

M. Charles de Courson.

Comme d'habitude, une partie des 26,5 milliards sera attribuée à RFF, qui est en situation de faillite. En effet, le montant des dettes nettes de RFF fin 1999 est de l'ordre de 150 milliards de francs.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela ne vous gêne pas puisque vous venez en chaise à porteur ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Deuxième exemple, Charbonnages de France. Nous notons un déficit après subvention de 3,5 milliards de francs et une dotation en capital de 3,5 milliards, ce qui a permis de minorer la subvention d'exploitation en 1999. Pour 2000, le déficit tournera autour de 3,5 milliards de francs. Peut-être sera-t-il un peu moins élevé en 2001 grâce à l'augmentation du prix du charbon liée à l'augmentation du prix du pétrole.

Attendons de voir.

Troisièmement, enfin, l'EPFR, qui est l'établissement public de couronnement de la structure de cantonnement du Crédit lyonnais. C'est via l'EPFR, et non le CDR, que l'on essaie de boucher les trous. En 1999, on a encore donné 3,5 milliards. Certes, me direz-vous, c'était mieux que l'année précédente où l'on était monté à plus de 10 milliards de dotation. Sachez qu'aujourd'hui l'essentiel des actifs du CDR est maintenant cédé. Il restera de 60 à 65 milliards de dettes nettes.

On le voit bien, dans un budget clair et transparent, il faudrait prévoir une subvention de fonctionnement à l'EPFR représentant les intérêts de la dette - grosso modo, 7 % d'une soixantaine de milliards de francs, soit quelque 5 milliards de francs -, plus le remboursement du capital, soit 6 milliards de francs par an sur dix ans.

Or ce n'est pas du tout ce qui est fait. On a, au contraire, prévu des dotations en capital via des comptes spéciaux du Trésor pour ne pas faire apparaître la réalité au sein du budget général.

M. Jean-Jacques Jégou.

CQFD !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, je n'ai pas tenu compte de ces opérations dans le calcul de la hausse des dépenses de l'Etat car le Gouvernement ne nous a pas donné la future répartition de cette dotation de 26,5 milliards entre les entreprises publiques.

En tout cas, la preuve est faite et vous comprenez mieux pourquoi sur ce premier volet des dépenses, la Commission européenne a eu des propos très durs à l'égard du Gouvernement français et de ce projet de loi de finances initiale. Elle a fait observer qu'alors que le Gouvernement avait notifié une augmentation de 1,5 % en valeur, c'est-à-dire 0,3 % en volume, qui devait théoriquement être tenu pendant trois ans, on en était en fait à 4,6 %. Ces critiques figuraient dans Le Monde qui ne passe pas pour être un journal particulièrement antisocialiste.

M. Jean-Pierre Brard.

Ça, c'est une erreur ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Mes observations portant sur le volet des recettes sont tout aussi graves. Je vais vous démontrer en effet que les plus-values de recettes fiscales ne sont que pour les deux tiers rendues aux Français et que les recettes non fiscales sont reportées de 15 milliards de 1999 à 2001. Chaque année, on progresse dans les

« galipettes budgétaires ». (Sourires.)

Autrefois, on se contentait de reporter d'une année sur l'autre ; à présent, c'est de l'année n à l'année n + 2. Tout cela à des fins politiques.

M. Jean-Louis Idiart.

Les termes de « galipettes budgétaires » sont-ils vraiment appropriés ?

M. le président.

Monsieur Idiart, n'interrompez pas M. de Courson, sinon je lui demande de recommencer sa démonstration. (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Commençons par les recettes fiscales. Le Gouvernement ne rend, sous forme de baisse d'impôt, que le tiers de la croissance des recettes fiscales, qui s'établit en fait à 6,9 %. Le montant des recettes fiscales nettes de l'Etat avant dégrèvements sur les impôts locaux et remboursement d'impôts à des tiers, va passer de 1 614,6 milliards de francs en loi de finances initiale pour 2000 à 1 701,9 milliards dans le projet de loi de finances initiale pour 2001.

La hausse est donc de 87,3 milliards, auxquels il faut rajouter 47,5 milliards de baisse d'impôts pour obtenir le montant de la hausse spontanée des recettes fiscales, ce qui nous donne 134,8 milliards d'augmentation des recettes fiscales de l'Etat, soit une hausse de 8,4 %. Ainsi les baisses d'impôts ne représentent qu'un gros tiers de la hausse spontanée et permettent de limiter cette hausse à 5,4 %. Mais ce pourcentage n'est pas exact. Le fait que le Gouvernement dissimule cette hausse en comparant les recettes nettes du projet de loi de finances pour 2001 - 1 701,9 milliards - aux estimations révisées en septembre 2000 des recettes nettes de l'exercice 2000 - 1 661,5 milliards -, ce qui réduit optiquement la hausse de 40,4 milliards, ne doit pas dissimuler la réalité.

Il ne faut comparer que les projets de loi de finances initiale. En effet, il y a encore une sous-estimation des recettes due à un effet de base sur lequel je reviendrai.

Il faut en outre tenir compte des recettes fiscales affectées au FOREC. Pour financer les 64 milliards du FOREC, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoyait 59,7 milliards auxquels s'ajoutait la fameuse subvention d'équilibre de 4,3 mil-


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liards. En 2001, les recettes fiscales du FOREC devraient s'élever à 85 milliards, dont 11,1 milliards transférés du budget de l'Etat.

Que recouvre cette somme ? C'est tout d'abord les 3,1 milliards sur le tabac. Il restait un petit reliquat sur les 54 ou 55 milliards - estimation 2001 - des droits de consommation sur le tabac. Dorénavant, il n'y aura plus rien. C'est ensuite 4 milliards sur la taxe sur les conventions d'assurance dont on rappelle au passage que 7,5 milliards sont affectés à trois organismes de protection sociale. C'est enfin 4 milliards sur la taxe sur les véhicules de société.

Taxe sur les conventions d'assurance - il peut s'agir d'assurance incendie -, taxe sur les véhicules de société : avouez que ce projet de loi de finances s'apparente à un poème de Prévert. N'est-il pas merveilleux d'affecter une partie de l'assurance incendie aux 35 heures ? Comme le dirait M. Fabius dans certains de ses articles, c'est sûrement prémonitoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ainsi, les recettes fiscales de l'Etat, y compris le FOREC, vont passer de 1 674,3 milliards en 2000 à 1 786,9 milliards en 2001. Nous en sommes à 112,6 milliards de hausse, soit 6,7 %. De plus, il faut tenir compte des 7,5 milliards de la taxe sur les conventions d'assurance transférés du budget de l'Etat vers les organismes de sécurité sociale pour financer la baisse de la CSG et de la CRDS sur les revenus modestes.

A l'inverse, certaines recettes qui ne figuraient pas dans la loi de finances initiale pour 2000 ont été réintégrées dans le projet de loi de finances pour 2001. Cela ne représente toutefois que 4,5 milliards, suite à la suppression du FITTVN : 1,7 milliard au titre de la taxe sur les ouvrages hydroélectriques - la fameuse taxe créée dans la loi Pasqua - et 2,8 milliards sur la taxe sur les concessions d'autoroutes - quelques centimes sur les péages.

Au total, les recettes fiscales nettes doivent donc être majorées d'encore 3 milliards - 7,5 milliards moins 4,5 milliards -, ce qui porte la hausse des impôts de 112,6 milliards à 115,6 milliards. Eh oui, mes chers collègues, cela représente une augmentation de 6,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, y compris l e FOREC, c'est-à-dire à périmètre constant. Pour mémoire, la croissance de la richesse nationale est estimée l'année prochaine à 4,8 %.

Enfin, on peut souligner que les estimations de recettes fiscales pour 2001 sont sous-estimées du fait de la sousestimation du montant des recettes réévaluées en 2000 d'une vingtaine de milliards si l'on extrapole les résultats constatés fin août 2000 - seul le Gouvernement dispose de ceux du mois de septembre - et si l'on tient compte des mesures de la loi de finances rectificative. Cela donnera probablement 20 à 25 milliards en 2001.

M. Claude Gaillard.

Ce sera la future cagnotte !

M. Charles de Courson.

Alors que la France a le taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde occidental, on en rajoute dans la pression fiscale.

Je voudrais à ce propos rappeler l'énorme écart entre les promesses et la réalité. Souvenez-vous : lorsqu'ils sont arrivés aux affaires en 1997, les socialistes nous ont expliqué que M. Juppé avait sous-évalué les recettes fiscales d'une vingtaine de milliards. Et ils nous ont collé vingtdeux milliards supplémentaires, soit 0,2 point de PIB. Or on s'est aperçu dans la loi de règlement de 1997 que les prévisions de recettes fiscales du gouvernement Juppé avaient été correctement évaluées.

M. Jean-Pierre Brard.

Il n'était pas bon, Juppé !

M. Charles de Courson.

Si, puisqu'il avait correctement prévu les recettes !

M. Augustin Bonrepaux.

Depuis on a baissé les prélèvements. On tient nos promesses, nous !

M. Charles de Courson.

En 1998, ils avaient annoncé en loi de finances initiale une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point, soit une vingtaine de milliards de moins. Il n'en a rien été. Et nous en étions à un écart de 0,4 entre les promesses et la réalité.

Mais le pompon, c'est 1999.

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle trivialité !

M. Charles de Courson.

Cette année-là, en effet, ils en ont rajouté une couche : on s'est retrouvé avec une hausse de 0,8 à la place du 0,2 de baisse annoncé.

M. Jean-Pierre Brard.

Ça, c'est fort, c'est comme au bonneteau !

M. Augustin Bonrepaux.

Quel prestidigitateur !

M. Charles de Courson.

On en est donc à 1,4 point de PIB d'écart entre les promesses et la réalité.

M. Jean-Pierre Brard.

M. Inchauspé perd le fil. (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Hélas ! ce n'est pas fini ! Dans le genre « Regardez comme je suis beau », le Gouvernement en a encore rajouté, en effet.

M. Jean-Louis Idiart.

Il n'est pas le seul !

M. Charles de Courson.

Il a annoncé 1 point de baisse, alors que l'opposition lui a fait observer qu'il faudrait déjà qu'il tienne les dépenses. De fait, il est indiqué dans le projet de loi de finances initiale pour 2001 que la baisse ne sera que de 0,5. Mais la semaine dernière, dans une séance de questions au Gouvernement, M. Fabius a déclaré qu'elle ne sera finalement que de 0,4. Eh bien, monsieur le ministre, avec les 15 à 20 milliards supplémentaires de recettes fiscales sur le budget de l'Etat et les 30 milliards de plus-values sur la CSG, la CRDS et les cotisations sociales, j'ai parié avec le secrétaire d'Etat au budget une bouteille de champagne que l'on ne dépasserait pas 0,2 à 0,3 point.

Ainsi, l'écart cumulé entre les promesses gouvernementales et la réalité de mai 1997 à décembre 2000 sera compris entre 2 et 2,2 points de PIB, soit presque 200 milliards de francs.

M. Jean-Jacques Jégou.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Et c'est toujours une forte hausse par rapport à la situation que les socialistes avaient trouvée en arrivant à la mi-1997.

M. Jean-Jacques Jégou.

Eh oui !

M. Jean-Louis Idiart.

Situation que vous nous avez laissée !

M. Charles de Courson.

Même si l'on prend en compte la promesse de réduire les impôts de 120 milliards, il n'y aura pas de baisse de la fiscalité. La gauche ne fera que rendre une partie de la hausse spontanée des recettes fiscales. Telle est la dure vérité.

M. Jean-Pierre Brard.

Si c'était pour en arriver là, il fallait le dire tout de suite !

M. Jean-Jacques Jégou.

Le pire, c'est que c'est vrai !

M. Charles de Courson.

Je dois donc féliciter le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) pour avoir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

réussi, en quatre ans, à obtenir un écart de près de 200 milliards entre ses promesses et la réalité. Bravo messieurs, mais, surtout, ne donnez plus de leçons de morale à vos prédécesseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et le groupe Démocratie libérale.)

J'en viens à une opération grave concernant les recettes non fiscales, car, en la matière, le Gouvernement reporte 15 milliards de francs de recettes de l'exercice 1999 à celui de 2001 pour limiter l'impact sur le déficit. J'y reviendrai, mais voyons comment est effectuée cette opération.

M. François Guillaume.

Il faut préparer les législatives.

M. Charles de Courson.

Les recettes non fiscales avaient été évaluées à 183,3 milliards en loi de finances intiale 2000, puis elles avaient été réévaluées en juin, vous vous en souvenez tous, de 15,2 milliards dans la loi de finances rectificative, soit un total de 198,5 milliards de francs. C'était déjà un peu bizzare !

M. Jean-Pierre Brard.

Très ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Or la nouvelle évaluation du projet de loi de finances pour 2001, les fait dégringoler à 1 80,3 milliards. C'est-à-dire qu'après être passé de 183,3 milliards à 198,5, on redescend à 180,3.

M. Jean-Pierre Brard.

Comment explique-t-on ça ?

M. Charles de Courson.

J'y viens, mon cher collègue.

L'essentiel de cet écart s'explique par la décision de reporter 15 milliards de francs de recettes qui auraient dû être perçues sur le budget 1999 sur l'exercice 2001, après les avoir déjà reportées de 1999 sur 2000. Cela avait d'ailleurs été dénoncé par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999 :

« La Cour constate que certains reports de comptabilisation sur l'exercice suivant, et la constitution de réserves financières en dehors des dispositions prévues dans l'ordonnance du 2 janvier 1959, ont eu pour effet de minorer le résultat des recettes non fiscales de 1999 ».

Une fois encore, monsieur le ministre, vous ne respectez pas votre engagement de transparence. Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indepéndants.) Ainsi l'estimation des recettes non fiscales de 2001 à 180,3 milliards de francs intègre 15 milliards de francs de report dont 8 milliards sur les fonds d'épargne et 7 milliards de francs sur la COFACE.

Une autre opération, que j'ai récemment découverte en consultant les fascicules, monsieur le ministre, est un report de recettes non fiscales entre deux exercices.

M. Jean-Pierre Brard.

Il les a lus à deux heures du matin, à la bougie !

M. Charles de Courson.

Il concerne le compte spécial du Trésor : « Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France ».

Mon attention a été appelée sur ce compte, car j'ai constaté que les remboursements passaient de 3,5 milliards en 2000 à 6,1 milliards dans le projet de loi de finances pour 2001, alors que, symétriquement, les dépenses étaient réduites de 3,5 milliards en 2000 à 1,5 milliard en 2001. Quelle n'avait en effet pas été ma surprise, en lisant dans le rapport du rapporteur général, que le solde bénéficiaire de ce compte atteindrait 4,6 milliards ! Il explique que cela tient au fait que l'on reporte sur 2001 les refinancements prévus en 1999 et en 2000 pour certains pays en voie de développement, dont le Nigeria.

Or on peut douter, monsieur le ministre, de la réalité de ces futures recettes qui allègent, en apparence, de 4,6 milliards le déficit affiché par le projet de loi de finances initial pour 2001.

J'en viens à la troisième partie de ma démonstration : il est grave, mes chers collègues, que le déficit réel ne baisse pas. Il augmente même légèrement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ah !

M. Charles de Courson.

D'après la loi de règlement relative à l'exercice 1999, le déficit du budget de l'Etat aurait été de 206 milliards de francs. Cependant, d'après le rapport de la Cour des comptes, ce chiffre doit être redressé de 34,3 milliards : 17,1 milliards de recettes non fiscales qui auraient du être imputées sur l'exercice 1999, et qui ont été reportées sur 2000, puis à hauteur de 15 milliards, sur l'exercice 2001, comme je l'ai déjà exposé ; 11,4 milliards de francs de recettes fiscales - d'après l'estimation de la Cour des comptes, qui considère qu'il s'agit d'une violation de la loi organique, ce qui est grave - maintenues en 1999 sur des comptes d'imputation provisoire - essentiellement de la TVA et de l'impôt sur les sociétés - et basculées sur 2000 ; enfin 5,8 milliards de dépenses imputées à tort sur l'exercice 1999 au lieu de l'exercice 2000, là encore en violation de la loi organique toujours selon la Cour des comptes.

Dans ces conditions le déficit réel de 1999 a été inférieur de 34,3 milliards aux 206 milliards annoncés, soit 171,7 milliards de francs. Même si l'on tient compte des dépenses imputées à tort, d'après la Cour des comptes, sur l'exercice 1999 alors qu'elles relevaient de l'exercice 1998, le déficit réel de 1999 se situe à 180 milliards environ. Or, actuellement, le déficit estimé en loi de finances initiale puis en loi de finances rectificative pour 2000 est de 215 milliards. Comme il faut y ajouter les 34,3 milliards imputés à tort à l'exercice 1999 au lieu de 1998, le déficit réel de 2000 devrait être estimé à 249 milliards. Dans la mesure où l'on peut en retirer une vingtaine de milliards de plus-values fiscales, au-delà de l'estimation révisée de septembre 2000, le déficit devrait se situer autour de 230 milliards, même s'il ne faut paso ublier quelques dépenses supplémentaires, dont le manque à gagner qui résultera de la suppression de la vignettte, laquelle aura, en effet, une incidence dès le budget 2000.

Même si nous prenons en considération le déficit prévisionnel d'environ 200 milliards affiché par le Gouvernement pour 2000, nous savons qu'il s'agit en fait de 230 milliards. Cela constituera de toute façon une forte augmentation par rapport à l'exercice 1999 dont le déficit réel a été de 180 milliards.

En fait, toutes ces manipulations budgétaires s'expliquent par un souci politique simple : ne pas faire apparaître une augmentation du déficit budgétaire en 2000 par rapport à 1999.

Pour 2001, le déficit estimé est de 186 milliards, soit un chiffre un peu plus élevé que le déficit réel de 1999.

Néanmoins, il faut ajouter à ce chiffre les 15 milliards de recettes reportés de 1999 sur 2001, ce qui donne un déficit de l'ordre de 201 milliards, en hausse par rapport à celui réellement constaté en 1999. Et si l'on tient compte de certains artifices comptables, dont les 4,6 milliards du solde du compte spécial du Trésor relatif à la consolidation de dettes d'Etats étrangers, le déficit doit être établi aux environs de 206 milliards.

En conclusion, on voit clairement qu'il y aura non pas une réduction de 30 milliards du déficit du budget de l'Etat en 2001 par rapport à 2000, mais une hausse de


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près de 30 milliards par rapport à 1999, et une quasistabilité par rapport au déficit que va afficher le Gouvernement pour l'exercice 2000.

Vous comprenez maintenant pourquoi la Commissione uropéenne commence à s'inquiéter ; en effet ses membres sont tout aussi capables que les députés français de lire nos documents budgétaires.

J'en viens à la quatrième et, je vous rassure, dernière partie de cet exposé. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il s'agit de montrer que votre budget, monsieur le ministre, traduit votre mépris des principes de sincérité budgétaire et du respect tant de la lettre que de l'esprit de la loi organique du 2 janvier 1959.

Au-delà des multiples rapports de la Cour des comptes, nos craintes sont hélas ! relayées également par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Certes, depuis 1997, aucune loi de finances présentée par votre gouvernement n'a été entièrement invalidée. Cependant différentes déci sions du Conseil constitutionnel mettent en lumière le non-respect de principes fondamentaux inscrits dans la loi organique de 1959. Je pense notamment aux principes d'universalité et d'unité budgétaires.

En ce qui concerne le principe d'universalité, dans une décision du 27 décembre 1982, le Conseil constitutionnel avait précisé qu'il « répond au double souci d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et de permettre, par là même, un contrôle plus efficace du Parlement ». En conséquence, les recettes comme les dépenses doivent figurer au budget pour leur montant brut sans être contractées.

Vingt ans plus tard, force est de constater que la situation n'a guère évolué. En effet, ce qui était dit du principe d'universalité budgétaire est aujourd'hui encore valable pour les prélèvements sur les recettes de l'Etat opérés au profit des collectivités territoriales et des Communautés européennes. Certes, pour ne parler que des collectivités locales ; de tels concours, selon la haute j uridiction qui l'a rappelé dans sa décision du 29 décembre 1998, « peuvent donner lieu à un mécanisme de prélèvement sur recettes ». Idéalement, cependant, comme le suggère d'ailleurs la proposition de loi organique relative aux lois de finances présentée par M. le rapporteur général, Didier Migaud, les prélèvements sur recettes devraient être prohibés.

Au regard, ensuite, du principe de non-affectation de recettes déterminées à des dépenses déterminées, vos tours de passe-passe budgétaires mettent à mal la sincérité des lois de finances. Tel a été le cas, entre autres, avec la tentative d'affecter au FOREC, dans la loi de financement de la sécurité sociale, la contribution sur les heures supplémentaires qui a été annulée par une décision du Conseil constitutionnel du 21 décembre 1999. Il en est résulté une perte de recettes de 7 milliards qui a été compensée par divers prélèvements, notamment une hausse des droits sur les alcools.

Il en est de même de l'affectation de la redevance due par chaque titulaire d'autorisation d'établissement et d'exploitation de réseaux mobiles de troisième génération au provisionnement des charges de retraite et de désendettement de l'Etat. A cet égard, dois-je vous rappeler que le Conseil constitutionnel contrôle l'adéquation des recettes affectées à des dépenses des comptes d'affectation spéciale ? Au titre des débudgétisations qui vous permettent de minimiser, comme je l'ai démontré dans mes première et deuxième parties, les recettes fiscales du budget de l'Etat, comme ses dépenses, on doit vous décerner la médaille d'or. En la matière le clou du clou est constitué par le FOREC pour lequel il faut accorder à Mme Aubry et à

M. Strauss-Kahn une mention particulière, car, en trois ans, auront été débudgétisés 105 à 110 milliards.

Cela constitue une opération remarquable pour dissimuler la réalité du coût des 35 heures.

On pourrait tenir le même langage pour la CMU qui a été créée pour dissimuler 9 à 10 milliards de dépenses, un peu moins, semble-t-il, en exécution.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, l'article 5 du projet de loi de finances pour 2001 instituant la suppression partielle de la vignette automobile porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt puisqu'elle concernera uniquement les personnes physiques et non les véhicules de société. Cela entraînera donc une discrimination selon que l'activité professionnelle est exercée en exploitation directe ou dans le cadre d'une société, par exemple une EURL.

On doit même considérer que cette mesure n'est pas conforme aux principes du droit de la concurrence dans la mesure où elle engendrera une charge supplémentaire pour certains et non pour d'autres qui sont pourtant dans une situation équivalente. Prenons ainsi l'exemple des artisans qui ont des véhicules servant tout à la fois à des fins personnelles et à des fins professionnelles : s'ils figurent au bilan de leur entreprise individuelle, ils devront acquitter la vignette ; dans le cas inverse, ils en seront exemptés.

Un autre cas très intéressant est celui des loueurs de véhicules qui paieront toujours la vignette puisque ce sont des sociétés, bien qu'ils les louent autant à des fins personnelles qu'à des fins professionnelles.

M. Jean-Claude Daniel.

Et ils sont nombreux dans la Marne !

M. Charles de Courson.

Il y aura donc discrimination fiscale selon que vous serez propriétaire de votre véhicule ou que vous utiliserez des véhicules de location.

Enfin, le Conseil constitutionnel a souligné la nécessaire cohérence entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit d'un problème grave qui est soulevé à chaque projet de loi de finances et à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale : la première n'est considérée sincère que si elle intègre les éventuelles conséquences de la seconde, préalablement adoptée pour le même exercice. La haute juridiction a même précisé que « le législateur organique a entendu mettre le Parlement en mesure de tenir compte, au cours du projet de loi de finances, des incidences économiques et fiscales des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale ». Cela ressort de décisions de 1997 et de 1999.

Pour illustrer mes propos, je vais vous donner quelques exemples de non-coordination.

Ainsi, le fascicule budgétaire du BAPSA dont je suis le rapporteur spécial, annexé à la loi de finances, doit, en principe, prévoir la totalité des dépenses pour l'année suivante. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 comporte des mesures concernant les exploitants agricoles et dont le coût n'est pas retracé dans le projet de budget du BAPSA pour 2001. Pourtant il s'agit de près de 300 millions, 286 millions pour être précis. En effet, l'augmentation des retraites de 2,2 % prévue par la loi de financement de la sécurité sociale représentera 274 millions de francs de dépenses supplémentaires qui ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2001. L'écart atteint 259 millions.


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De plus, la revalorisation de l'indice servant pour le calcul des prestations familiales, qui est relevé de 1,7 % par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, n'est prévu qu'à hauteur de 1,2 % dans le projet de loi de finances, ce qui entraîne une sous-évaluation des dépenses de 12 millions de francs.

Je peux encore citer le cas du FOREC, pour l'équilibre duquel le produit de la TGAP-énergie sera un élément essentiel. En effet il apportera entre 3,8 et 4 milliards de recettes pour financer les 85 milliards de dépenses. Pourtant vous chercherez en vain dans le projet de loi de finances ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale l'article définissant et créant cette taxe.

Certes il nous a été indiqué que, les arbitrages au sein du Gouvernement étant intervenus tardivement, cela figurera dans un prochain projet de loi de finances rectificative ou sera opéré par voie d'amendement. Vous avouerez cependant qu'on peut trouver mieux comme façon de présenter des documents budgétaires cohérents et équilibrés.

Mes chers collègues, en conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), la rédaction actuelle de l'ordonnance de 1959 est devenue insuffisamment exigeante en matière de transparence et de sincérité. Elle ne permet donc plus ni un réel contrôle parlementaire ni une gestion budgétaire efficace.

Une hausse de la croissance des dépenses de l'Etat pour 2001 presque aussi rapide que la croissance de la richesse nationale, alors que le Gouvernement prétend les maintenir à une quasi-stabilité en francs constants ; des impôts qui s'accroissent beaucoup plus vite que la richesse nationale parce que les baisses d'impôts décidées et présentées comme considérables ne représentent en fait que le tiers de leur croissance spontanée ; enfin, un déficit réel stagnant, voire en légère hausse si l'on tient compte de la réalité des recettes non fiscales, alors que le Gouvernement prétend réduire sensiblement le déficit : telles sont les trois caractéristiques d'une politique budgétaire que l'on peut qualifier clairement de laxisme dissimulé.

C'est pourquoi il convient de voter cette motion d'irrecevabilité, pour mettre un terme à une dérive des dépenses publiques qui est en contradiction avec nos engagements communautaires et viole la loi organique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Inchauspé, pour le groupe du RPR.

M. Michel Inchauspé.

Monsieur le ministre, force est de constater que la démonstration de M. Charles de Courson est particulièrement probante.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas du tout !

M. Jean-Jacques Jégou.

Remarquable !

M. Augustin Bonrepaux.

Vous n'y croyez pas vousmême !

M. Michel Inchauspé.

Nous tenons les paris ! Nous serions d'ailleurs ravis que l'Assemblée tout entière soit associée à celui fait par M. de Courson avec M. Christian Pierret, et que le champagne coule à flots. Je ne sais pas qui le paiera, mais, de toute façon, ce ne sera pas le budget de la nation. (Sourires.)

Pour le moins son intervention appelle des explications et j'espère qu'elles nous seront fournies soit par le Gouvernement, soit par M. le rapporteur général.

Contrairement à ce que dit M. Brard, j'ai suivi la démonstration de M. de Courson de façon très précise, car elle a été très claire. On pouvait la suivre chiffre par chiffre sans qu'il soit besoin d'explication complémentaire.

Le groupe RPR votera donc la motion d'irrecevabilité qu'il a défendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Idiart.

M. de Courson nous a fait un brillant exposé...

M. Jean-Jacques Jégou.

Ça, c'est vrai !

M. Jean-Pierre Brard.

Il ne faut pas exagérer ! (Rires.).

M. Jean-Louis Idiart.

Lorsqu'on a trouvé un exposé un peu trop long, il est de bon ton de le juger brillant, ne serait-ce que par respect à l'égard de l'opposition qui, en toute logique, a parfaitement le droit de déposer une exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Jacques Jégou.

Et bien charpentée !

M. Maurice Leroy.

Monseigneur est trop bon !

M. Jean-Louis Idiart.

M. de Courson aurait d'ailleurs pu en profiter pour remonter un petit peu plus loin dans l'histoire budgétaire, en commençant à partir de 1993, au moment où il a été élu. Sur la partie 1993-1997, il aurait été encore plus sévère, puisque la transparence budgétaire a depuis lors fait l'objet d'un effort particulier...

M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jégou.

6,3 % de déficit !

M. Jean-Louis Idiart.

... et plusieurs initiatives pour modifier l'ordonnance ont été prises par cette majorité : c'est elle qui l'a souhaité et qui le fait. Il n'est donc pas nécessaire d'insister là-dessus.

Le groupe socialiste ne votera évidemment pas cette exception d'irrecevabilité, pour une raison bien simple : Il est urgent que nous examinions cette loi de finances, parce que c'est une bonne loi, parce que le contexte est bon, vous le reconnaissez vous-même, parce qu'il est nécessaire de baisser les impôts, comme vous-même le souhaitez, à tel point que vous semblez prêts à vous y associer. Il est tout aussi urgent d'examiner les dépenses indispensables au fonctionnement de notre pays et qui tendent, nous l'avons déjà rappelé, à améliorer l'éducation, la justice, la sécurité.

Ne perdons donc pas de temps et mettons-nous rapidement au travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe communiste.

M. Jean-Pierre Brard.

Et apparentés, monsieur le président.

(Sourires.)

Notre collègue Charles-Amédée de Courson est une étoile qui brille au firmament par temps couvert. (Sourires.) Quand je l'entends, il me fait penser à un personnage de Balzac, à un patron avec ses manches de lustrine et son crayon sur l'oreille, tel qu'on en voyait dans les merceries, les bonneteries ou les épiceries de luxe.

M. Maurice Leroy.

Que vous fréquentez !

M. Charles de Courson.

Respectez les commerçants, monsieur Brard !


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M. Jean-Pierre Brard.

Je trouve que M. de Courson excelle dans ce rôle, à ceci près qu'il se trompe de siècle : c'était il y a cent cinquante ans !

M. Pierre Méhaignerie.

C'est toujours le même refrain !

M. Maurice Leroy.

Il n'y a que l'année qui change dans ses interventions !

M. Jean-Pierre Brard.

Depuis, l'eau a coulé sous les ponts ! Si nous sommes ici, si les Français vous ont renvoyé chez vous en 1997...

M. Charles de Courson.

Pas moi en tout cas !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Il est là, lui !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais vous parlez au nom de ceux qui ne sont plus là ! ... c'est parce qu'ils ne voulaient plus de cette logique.

Nous sommes ici pour discuter d'un budget qui doit correspondre à un projet pour notre société, un projet construit sur des valeurs, non des valeurs cotées en Bourse comme les vôtres, monsieur de Courson, mais des valeurs qui structurent une société et qui lui donnent du sens : la solidarité, la justice sociale...

M. Maurice Leroy.

L'épargne salariale !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais vous n'en avez point parlé, parce que vous n'êtes pas ici pour cela.

M me Bernadette Isaac-Sibille.

C'est insupportable d'entendre cela !

M. Jean-Pierre Brard.

Et si nous avons de quelque chose à discuter, monsieur le ministre, c'est justement de la façon dont nous traduisons ces valeurs, afin qu'elles se voient au quotidien pour nos concitoyens. C'est pourquoi nous ne voterons évidemment pas l'exception d'irrecevabilité telle que l'a défendue M. de Courson. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour le groupe Démocratie libérale.

M. François d'Aubert.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera naturellement l'exception d'irrecevabilité brillamment défendue par M. de Courson.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Brillamment, brillamment...

M. François d'Aubert.

Car il s'agit tout simplement, il faut le répéter, d'une véritable expertise sur le budget, une expertise conduite avec de réels moyens, argumentée, sérieuse et que ni la majorité ni le Gouvernement ne devraient prendre à la légère. Elle montre tout simplement que, sur trois points essentiels qui constituent toute l'articulation de la loi de finances : les dépenses, les recettes et le déficit, les chiffres présentées par le Gouvernement sont tout simplement faux. Ce budget est très loin de l'idée que l'on peut se faire de la sincérité budgétaire et de la transparence, pour employer un terme un peu plus politique.

En fait, M. de Courson a très largement repris ce qu'avait dit la Cour des comptes à propos du budget de 1999. Une autre expertise, effectuée par le Sénat il y a quinze ans - et l'Assemblée nationale aurait tort de la mépriser - arrive exactement aux mêmes conclusions : premièrement, en matière de baisse d'impôts, le Gouvernement ne fait pas l'effort qu'il prétend faire, car les hausses d'impôts, en d'autres termes ce qui a été pris dans le portefeuille des Français, sont beaucoup plus élevées que ce que vous avez écrit ; deuxièmement, là où le Gouvernement nous explique qu'il maîtrise bien les dépenses, il ne les maîtrise en réalité pas du tout ; troisièmement enfin, alors que vous nous promettez un déficit en baisse, il sera en fait, dans le meilleur des cas, au même niveau qu'en 2000 et supérieur à ce qu'il était en 1999. Telle est la réalité.

Je ne comprends pas que l'on ne vote pas cette exception d'irrecevabilité qui montre très clairement que le budget présenté par le Gouvernement est tout simplement faux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est

M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Dans quelques mois, la Cour des comptes reviendra devant la commission des finances et, pour la troisième année consécutive, elle nous dira que le budget n'était ni sincère ni transparent...

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Ne faites pas dire à la Cour des comptes ce qu'elle ne dit pas !

M. Pierre Méhaignerie.

Et nous continuerons à fonctionner ainsi une quatrième année au mépris de toute vérité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux.

Vous manquez de mémoire !

M. Pierre Méhaignerie.

Cela avait peut-être commencé avant, monsieur Bonrepaux, mais cela s'est drôlement aggravé au cours de ces dernières années ! Pourquoi ? On peut se le demander. N'est-ce pas tout simplement parce que le budget est devenu une arme purement médiatique ?

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Pierre Méhaignerie.

Le Parlement ne comptant pour rien, il faut donc satisfaire à la fois ceux qui veulent respecter l'accord européen de maîtrise de la dépense publique, mais en même temps, comme le dit M. Fabius, une partie de votre majorité, toujours dépensière et étatocrate. D'un côté, un chiffre de 0,3 % pour répondre à ceux qui veulent un budget sérieux ; de l'autre une augmentation de 4 % pour satisfaire un certain nombre de revendications catégorielles.

Monsieur le ministre, vous avez, paraît-il, passé vingtquatre heures difficiles. Il faut reconnaître que lorsqu'un c ommissaire européen comme l'ancien ministre des finances de Felipe Gonzalez dénonce la trop forte montée de nos dépenses publiques et le non-respect par le Gouvernement français de ses engagements, c'est tout de même une lourde sanction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

De quoi se mêle-t-il ?

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.


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La parole est à M. Gilles Carrez, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.

M. Gilles Carrez.

Baisse des impôts, maîtrise des dépenses, clarté et sincérité des comptes ; on attendait beaucoup, monsieur le ministre, du premier budget Fabius. Il faut dire qu'avant de prendre vos fonctions, vous n'aviez pas été avare de déclarations ambitieuses.

J'en reprendrai quelques-unes. Sur les dépenses de l'Etat, dans votre avant-propos au rapport qui a débouché sur la création de la mission d'évaluation et de contrôle : « Il faut partir d'un constat simple. Depuis trente ans, la dépense publique n'a cessé d'augmenter. Or il n'est pas certain, et c'est même l'inverse, que l'argent public soit dépensée au mieux. » Sur la vérité des comptes

: « Priorité doit aller à l'amélioration de la transparence et de la signification des comptes publics, telle la présentation d'une comptabilité patrimoniale et de comptes consolidés. » Sur les prélèvements, l'an dernier

: « La gauche ne court pas beaucoup de risques d'être battue par la droite, mais elle peut l'être par les impôts et par les charges. »

M. Charles de Courson.

Il ne faut jamais dire cela !

M. Gilles Carrez.

Or votre première loi de finances initiale puise son inspiration dans une tout autre philosophie. L'opacité l'emporte sur la transparence, la dépense est si peu tenue que Bruxelles s'en inquiète déjà, les baisses d'impôt ignorent les gros bataillons des classes moyennes, la vulnérabilité de nos finances s'accroît dans une conjoncture incertaine. En une phrase, monsieur le ministre, pour vous, le poids des mots, pour les Français, le choc des impôts. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Aussi la question préalable que je vais défendre prendelle tout son sens. Y a-t-il lieu de délibérer sur un projet de budget si éloigné des légitimes préoccupations qui furent les vôtres voici peu ? Est-ce bien votre budget, engageant votre responsabilité ? Ou sa paternité est-elle à rechercher ailleurs ? Quelques questions d'abord sur la méthode. Votre b udget nous oblige à évoluer dans une tuyauterie complexe où les changements de périmètres, les transferts avec la sécurité sociale, avec les collectivités locales, avec les autres lois de finances, autorisent toutes les approximations, voire toutes les manipulations.

M. Philippe Auberger.

Sans compter les gesticulations !

M. Pierre Méhaignerie.

C'est un spécialiste de la tuyauterie !

M. Gilles Carrez.

Vos dépenses nouvelles sont considérées comme tellement nouvelles qu'on ne les compte pas, car elles « modifient le périmètre » ! Sic ! Ainsi, en comparaison avec 2000, la suppression de la vignette, la baisse de la CSG sont supposées ne rien coûter à l'Etat. Il est facile dans ces conditions de présenter des dépenses en progression de seulement 0,3 % en volume alors qu'en réalité, c'est dix fois plus ! Charles de Courson nous en a apporté une démonstration éclatante. Imaginons plus simplement un ménage qui comparerait ses dépenses d'une année sur l'autre en disant : « Je ne compte pas la voiture cette année, car nous n'en avions pas l'an dernier ! » Espérons que les experts de Bruxelles à qui vous avez transmis le programme pluriannuel des finances publiques françaises se contenteront de votre présentation avantageuse. Mais y gagnerez-vous vraiment en crédibilité ? Autre exemple : les baisses d'impôt. Dans votre rapport sur le budget, dans votre présentation à la presse figure en bonne place la baisse de la CSG pour les bas salaires ; Mme Aubry, dans son projet de financement de la sécurité sociale, s'en empare aussi et s'en flatte à son tour, comme le fera probablement Mme Guigou bientôt.

Comme si en quelque sorte vous vouliez les compter deux fois ! Mais dès qu'il s'agit de l'écotaxe, de la taxe sur l'énergie, ni vous, ni votre collègue ne l'évoquez... Vous vous en gardez bien : pas un mot ! Il faudra peut-être attendre la fin de l'année pour savoir si le gouffre des 35 heures sera comblé.

M. Philippe Auberger.

Très partiellement !

M. Gilles Carrez.

Ce souci de vérité, auquel je vous sais pourtant attaché, vous obligerait plutôt à mettre en avant le fait que, entre la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés et l'élargissement de son assiette, la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle et la hausse de l'écotaxe, il n'y a en réalité guère d'allégements fiscaux nets pour les entreprises.

Autre exemple encore : la cagnotte. A peine avionsnous examiné avant l'été la loi de finances rectificative, votre première loi de finances, que vous nous annonciez, quarante-huit heures après, trente nouveaux milliards de plus-values fiscales ! Cette première entorse à la transparence était peut-être excusable - il fallait les soustraire à la boulimie dépensière de la majorité plurielle et des années préélectorales -, mais à coup sûr regrettable.

Aujourd'hui, qu'en est-il de la cagnotte, c'est-à-dire du surcroît d'impôt que l'on refuse de rendre aux Français en manque de pouvoir d'achat ? Seront-ce dix, vingt, trente milliards en fin d'année, alors que, malgré la faible baisse intervenue en loi de finances rectificative, l'impôt sur le revenu 2000 est déjà à l'heure qu'il est réévalué de plus de huit milliards de francs ? Pourquoi continuer à dissimuler aux Français la vérité, le constat objectif de la d érive fiscale, alors même que leur exaspération démontre, mes chers collègues, qu'ils ne sont pas dupes ? Peut-on ajouter foi aussi à la prévision de déficit pour 2001, quand une si grande liberté est prise avec l'évaluation et le rattachement des recettes non fiscales, qu'il s'agisse de celles de la Caisse des dépôts ou de la

COFACE ? Décidément, la Cour des comptes a encore bien du pain sur la planche avec les comptes socialistes de l'Etat.

M. Philippe Auberger.

Et de beaux jours devant elle !

M. Gilles Carrez.

Pourtant, vos intentions étaient honorables lorsque, président de l'Assemblée nationale, vous avez créé la mission d'évaluation et de contrôle. J'ai lu avec attention la proposition de loi organique du rapporteur général, M. Migaud, visant à modifier l'ordonnance de 1959. C'est un travail extrêmement intéressant, mais nous sommes obligés de nous poser la question : où est votre vérité ? Votre vérité est-elle dans la MEC en laquelle vous sembliez avoir foi ? Est-elle dans l'indispensable réforme de l'ordonnance de 1959 que, pour notre part, nous soutiendrons, car la fonction budgétaire du Parlement doit être revalorisée et la transparence des comptes de l'Etat garantie ? Ou bien votre vérité est-elle dans la résignation d'un ministre des finances qui laisse filer les dépenses, qui laisse basculer les impôts vers un fonds de réforme des cotisations sociales, le fonds des 35 heures contrôlé par personne et en déficit permanent ? A défaut d'être ministre de la réforme de Bercy, vous auriez pu être celui de la consolidation des comptes de l'Etat et de la sécurité sociale, pour sortir enfin de cet imbroglio irresponsable.


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Même analyse pour les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales : il est trop facile de dissimuler l'énorme coût pour l'Etat - quatre vingt milliards de francs au terme des réformes - de la prise en charge d'une partie de la fiscalité locale au motif que, pour l'essentiel, Charles de Courson le disait à l'instant, ces coûts sont considérés budgétairement comme des prélèvements sur recettes et que, de ce fait, ils n'apparaissent pas ! Le premier apprenti en comptabilité sait parfaitement que la contraction entre les recettes et les dépenses doit être proscrite : or ce n'est pas le cas dans le budget de l'Etat.

Rétablir la vérité des comptes, c'est faire apparaître un nouveau dérapage des dépenses de l'Etat pour 2001. Je confirme totalement le chiffre de 3 % en volume, cité à l'instant, soit dix fois plus que le 0,3 % indiqué par le programme pluriannuel ! En 1999, la Cour des comptes avait déjà démontré que l'exercice s'était achevé à plus 3 % au lieu du 1 % affiché. Cette année, la stabilité prévue en francs courants n'a aucune chance d'être tenue. La France se singularise donc par une dépense publique qui n'en finit pas de déraper depuis 1997.

La création de vingt mille nouveaux postes de fonctionnaires est à cet égard emblématique - vingt mille, monsieur le ministre, et non pas onze mille comme vous le prétendez ! Car pour ne prendre que l'exemple de l'éducation nationale, l'ouverture de milliers de postes pour des lauréats de concours en surnombre ou encore la transformation de crédits d'heures en postes permanents constituent des créations nettes d'emplois, non des consolidations. Dans ce domaine également, la transparence devrait s'imposer aussi. Nous aurons, monsieur le rapporteur général, des propositions précises à vous faire dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1959.

Est-il également sincère ou réaliste de ne prévoir en 2001 aucune revalorisation du point d'indice des fonctionnaires ? Or on ne trouve trace dans vos propositions de dépenses d'aucune augmentation du traitement des fonctionnaires. Pour l'année 2001, - c'est-à-dire celle qui précède l'année 2002, comme chacun sait - pouvez-vous nous confirmer que les fonctionnaires ne seront pas augmentés ? Rappelons qu'une hausse de 1 % du point d'indice génère pour la seule fonction publique d'Etat une dépense supplémentaire de six milliards, et du double pour l'ensemble des fonctions publiques. Et ne parlons pas de la bombe à retardement que constitue la consolidation des emplois-jeunes.

Autre sujet d'inquiétude, les intérêts de la dette : à 243 milliards, ils augmentent de cinq milliards de francs, ce qui prouve à quel point la baisse du déficit a été insuffisante, malgré la période de croissance que nous connaissons.

La remontée des taux d'intérêt est elle aussi inquiétante. Tous nos voisins en Europe se sont engagés dans la maîtrise des dépenses publiques en réduisant le coût de leur dette et en diminuant leurs dépenses de personnel et d'intervention. La France est la seule à s'écarter de ce chemin vertueux, la seule aussi à n'accepter des efforts qu'en sacrifiant l'avenir. Car n'est-ce pas sacrifier l'avenir que de réduire à nouveau en 2001 les travaux d'invest issements civils ? Seulement 78 milliards prévus pour 2001, contre 81 milliards en 2000 ! La chute n'est pas enrayée depuis plusieurs années. Sans parler du militaire, laminé au mépris des lois de programmation ! Si la France est incapable en période de croissance d'accroître son effort d'investissement, par exemple dans le domaine des infrastructures, quand le fera-t-elle donc ? Le ministre de l'équipement, des transports et du logement est vraiment le partenaire idéal, disposé à toutes les concessions, à tous les reculs.

M. François Guillaume.

Ça, c'est vrai !

M. Gilles Carrez.

S'il n'y avait qu'une comparaison à retenir dans ce projet de budget pour 2001, ce serait la suivante : en 2001, le coût des 35 heures pour le seul contribuable dépassera déjà de 10 milliards de francs la totalité de l'effort d'investissement nos routes, nos hôpitaux, nos universités, notre patrimoine historique national, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement !

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas beau, cela ?

M. Gilles Carrez.

Quelle inconscience face aux enjeux de l'avenir ! C'est la dictature du court terme, la dictature des échéances électorales qui vous fait renoncer à l'indispensable réforme de l'Etat.

Depuis 1997, de budget en budget, les dépenses de fonctionnement enflent, s'empilent, de plus en plus rigides, de moins en moins réversibles, rendant impossible l'adaptation aux aléas de la conjoncture.

P ar exemple, il est frappant de constater que, pour 2001, est prévue une augmentation des crédits de RMI, à 30 milliards de francs, ce qui montre à quel point la croissance a peu de prise sur l'exclusion.

Et ce n'est pas en période de vaches maigres que peuvent être menées à bien les réformes de structures.

Déjà, on peut poser le diagnostic : la période 1997-2001 ressemble aux années 1988-1991, celle des occasions gâchées et du gaspillage.

Pourquoi, par exemple, le gouvernement Jospin a-t-il engagé aussi fortement l'Etat dans la prise en charge de la fiscalité locale, ce qui a pour conséquence à la fois une recentralisation financière inacceptable et un alourdissement considérable des frais généraux de l'Etat ? A ce stade, mes chers collègues, je souhaite appeler votre attention sur la véritable rupture dans le domaine de la décentralisation que nous subissons depuis trois ans.

Quelques chiffres sont parlants.

En considérant que la réforme de la taxe professionnelle sera achevée en 2001 - elle le sera, en vérité, en 2003 -, compte tenu de la suppression d'une partie des droits de mutation, de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette, la fiscalité locale ne constituera plus que 31 % des recettes de fonctionnement des collectivités locales, alors que le budget de l'Etat, les concours de l'Etat, c'est-à-dire le contribuable national, en apporte 43 %. Comment, dans de telles conditions, garantir l'autonomie des communes, des départements et des régions ? Comment préserver le lien fiscal local qui fonde la responsabilité, laquelle est au coeur de la démocratie et de la citoyenneté locales ? Savez-vous aussi, notamment ceux qui sont maires, que demain, lorsqu'un conseil municipal voudra augmenter de 5 % ses dépenses de fonctionnement, il devra majorer de 13 % les taux de l'assiette fiscale dont il a encore la maîtrise ? C'est pire encore pour les régions, à l'exemple de l'Ile-de-France pour laquelle la fiscalité propre ne constitue plus qu'un cinquième des ressources.

L'autre chiffre sur lequel nous devons ensemble réfléchir, c'est celui du poids démesuré dans le budget de l'Etat des concours aux collectivités locales : plus de


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300 milliards de francs aujourd'hui, en incluant les dotations et les compensations fiscales. Avec 14,3 % des dépenses de l'Etat, ce poste budgétaire arrive désormais au deuxième rang derrière l'éducation nationale.

Je vous pose à tous, de droite comme de gauche, d'opposition comme de majorité, la question suivante : tout gouvernement, tout ministre des finances, de gauche comme de droite, ne sera-t-il pas tenté, ne sera-t-il pas obligé de rogner sur ce budget, l'un des rares dont il aura la maîtrise ? L'histoire - malheureuse - de la dotation de compensation de la taxe professionnelle prouve que je dis la vérité : elle a, je le rappelle, été divisée par plus de deux en dix ans, et chaque gouvernement s'est attelé à cette tâche.

Il faut donc se ressaisir et telle aurait dû être la mission de la commission Mauroy sur la relance de la décentralisation. Se ressaisir, ce n'est pas plaider pour le statu quo de la fiscalité locale, mais c'est affirmer un principe : la fiscalité locale soit être rénovée et s'il faut la remplacer dans telle ou telle de ses composantes, elle doit l'être par des impôts localisables et en aucun cas par des subventions de l'Etat.

Telle est l'ambition d'ailleurs de la proposition de loi sénatoriale qui va être présentée demain et qui vise à garantir, dans la Constitution, l'autonomie fiscale des collectivités locales. Mais c'est vrai, cette démarche suppose du courage politique, car il en faut pour mettre en oeuvre enfin la révision des valeurs locatives qui garantit une plus grande justice de l'impôt local...

M. François Guillaume.

Mais oui !

M. Gilles Carrez.

... et mieux répartir l'impôt avec la taxe foncière, la taxe d'habitation à la commune, échelon de proximité, la taxe professionnelle à l'intercommunalité et des impôts modernes à mettre en place à l'échelon régional.

La réflexion est ouverte et nous attendons du Gouvernement des propositions.

Ainsi, nous pouvons comprendre la suppression de la vignette que près d'un demi-siècle d'existence ne fait pas mieux accepter par les Français, mais nous refusons qu'elle soit remplacée par une dotation d'Etat qui renforce la recentralisation si chère à la gauche jacobine.

Pour résumer, la dérive des dépenses réelles de l'Etat, mesurée comme l'a fait Charles-Amédée de Courson, sans contraction, en consolidant les comptes, en incluant les prévisions de cette loi de finances initiale pour 2001, cette dérive depuis 1997, telle qu'elle sera mesurée indubitablement par le Cour des comptes, est de 20 % en valeur. Là nous battons le record de tous les pays européens.

Aussi, cet accroissement incompressible, quasi culturel, de la dépense depuis 1997, explique pourquoi les baisses d'impôt, régulièrement annoncées, sont aussi illusoires et ne résistent pas, année après année, à la dure réalité de la marée fiscale.

M. François Guillaume.

Voilà !

M. Gilles Carrez.

Rappelons, et sans en rajouter, quelques données incontestables. De 1997 à 2001, les prélèvements obligatoires se seront accrus de 470 milliards de francs, sécurité sociale et Etat arrivant largement en tête, Laurent Fabius nous le confirmait, cet après-midi.

Fin 1999, dernière année connue, le taux maximum des prélèvements obligatoires a battu tous les records : 45,7 % du PIB. Et, en 1999, plus des deux tiers des surplus de la croissance ont été confisqués par la sphère publique dans son ensemble.

Aussi, dans un tel décor, vos baisses d'impôts, « les plus amples depuis la Libération », comme l'a écrit Laurent Fabius fin août, se sont fracassées sur le prix de l'essence. On peut le dire, mes chers collègues : le plan Fabius, c'est 120 milliards de francs de bonnes nouvelles qui auront fait 60 millions de mécontents.

M. Philippe Auberger.

Vive la productivité !

Mme Nicole Bricq.

Vous comptez les bébés !

M. Gilles Carrez.

Eh oui ! Madame Bricq, chaque bébé qui naît aujourd'hui trouve une dette de 10 000 francs dans son berceau !

M. Charles de Courson.

Pensez à Cyril Parly !

M. Gilles Carrez.

Les Français ont-ils donc tort de ne pas croire aux 48 milliards de francs de baisses d'impôts annoncées pour 2001 ? La baisse de l'impôt sur le revenu illustre parfaitement le hiatus fiscal qui s'accentue entre le Gouvernement Jospin et le contribuable.

Rappelons d'abord qu'en 1996, la gauche minoritaire a voté contre la diminution de l'impôt sur le revenu, contre la réforme Juppé, qu'ensuite, devenus majoritaires, vous vous êtes empressés d'annuler, et cela au nom d'un raisonnement particulièrement spécieux, qui consiste à dire qu'il est injuste de baisser l'impôt sur le revenu car seulement la moitié des foyers fiscaux l'acquittent.

Puis, devant l'envolée de l'impôt sur le revenu - plus 10 % sur la seule année 1999 - il a bien fallu vous rendre à une évidence électorale, évidence électorale que vous ressentez, vous aussi, celle de la souffrance des classes moyennes, celle, par exemple, de la souffrance du couple d'instituteurs. Et aujourd'hui, vous nous proposez un dispositif tout à fait insuffisant parce qu'à nouveau il n'apporte pas grand-chose aux catégories de revenus intermédiaires.

D'ailleurs, quand Henri Emmanuelli déclare que « la baisse des impôts ne peut être une priorité en soi », croyez-moi, les classes moyennes, reçoivent le message cinq sur cinq !

M. Charles de Courson.

Lui, il l'avoue !

M. Gilles Carrez.

Alors, nous approuvons, bien sûr, les dispositions prises en faveur des revenus tant dans la loi de finances rectificative de 2000 que dans le projet de loi de finances pour 2001 - baisse des taux, réforme de la décote - car elles doivent faciliter le retour au travail.

Mais attention à leurs conséquences, avec la sortie en deux ans de deux millions de foyers fiscaux du barème de l'impôt sur le revenu.

Il faut, c'est vrai, limiter les effets de seuil, assurer une progressivité plus lente mais pas pour autant exonérer de tout impôt la majorité des Français. Car les autres, sur qui repose la totalité de la charge, avec une extrême concentration - 10 % des foyers acquittent 65 % de l'impôt sur le revenu...

M. Jean-Jacques Jégou.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

... ne comprennent pas, n'acceptent pas, ils se découragent, ceux qui le peuvent se délocalisent, tout cela au détriment de la collectivité dans son ensemble.

Alors nous voterons la baisse de l'impôt sur le revenu.

Car toute baisse d'impôt venant de votre part est si rare et si ténue qu'elle est bien entendu bonne à prendre.

Mais nous aurons des regrets pour le gros bataillon des classes moyennes qui sont tout juste effleurées par ces baisses, des regrets pour les familles qui sont toujours pénalisées par la réduction du quotient familial !


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Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Nous aurons des regrets pour les retraités dont la réduction du revenu imposable demeure plafonnée.

Quant à l'instauration de la progressivité de la CSG, elle poursuit un objectif louable, celui de l'accroissement du pouvoir d'achat autour du SMIC sans ponction supplémentaire sur l'entreprise. Mais sur le plan général de l'équilibre de notre fiscalité, c'est une erreur.

La participation du citoyen à la communauté, l'exercice de ses droits mais aussi de ses devoirs, exigent de chacun une contribution, aussi minime soit-elle.

Et nous, dans l'opposition, nous ne vous proposons pas de transformer l'impôt proportionnel qu'est la CSG en un nouvel impôt progressif, mais plutôt de poursuivre dans la voie ouverte par les gouvernements Balladur et Juppé, celle de l'abaissement des cotisations tant patronales que salariales sur le travail, notamment s'agissant des bas revenus. Tout cela pour développer le pouvoir d'achat, mais aussi pour favoriser l'emploi.

M. Philippe Auberger.

Et la justice sociale !

M. Gilles Carrez.

Car le malaise des Français, qui est grand, vient du blocage du pouvoir d'achat. Il est dû aux 35 heures, c'est sûr, mais aussi à une fiscalité excessive.

La croissance est là depuis trois ans et nos compatriotes n'en touchent pas les dividendes. C'est, à l'évidence, inacceptable.

Et c'est aussi dangereux pour la majorité plurielle. Le mois dernier à La Rochelle, Lionel Jospin a revendiqué

« l'alliance entre les exclus, les classes populaires et les classes moyennes ».

Mme Nicole Bricq.

Et c'est très bien !

M. Gilles Carrez.

Déjà, pour les communistes, le plan de baisse d'impôts Fabius, c'est l'alliance des classes populaires et des classes aisées, grâce à la suppression de la vignette et à la baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu. Quoi qu'il en soit, une évidence s'impose : les classes moyennes ne sont plus seulement les oubliées de la réforme fiscale, elles en sont d'abord les dupées - et la bienséance m'interdit d'employer un mot beaucoup plus fort et beaucoup plus juste.

M. Charles de Courson.

Cocu est français !

M. Gilles Carrez.

J'en viens à la fiscalité des entreprises.

La baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour les PME est une bonne chose. La suppression de la surtaxe aussi, mais elle est trop lente. Cela dit, à y regarder de plus près, on voit bien que vous donnez d'une main ce que vous reprenez de l'autre. L'élargissement de l'assiette, avec l'aménagement du régime fiscal des sociétés mères et filiales, la réduction des coefficients d'amortissement dégressif permettent à Bercy, une fois de plus, de réformer à produit fiscal constant. Il n'y aura donc pas de baisse réelle de la pression fiscale sur les entreprises. Et c'est d'autant plus préoccupant que nos voisins européens sont tous en passe de réduire fortement la fiscalité des entreprises : taux de l'impôt sur les sociétés à 25 % dès l'année prochaine en Allemagne, inférieur en GrandeBretagne. La compétition fiscale bat son plein en Europe et la France va être, de ce fait, de plus en plus vulnérable.

Vous avez accepté, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, au printemps dernier, de lever un coin du voile sur les délocalisations pour raisons fiscales.

L'effet sur les particuliers de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur la fortune a été démontré. Je cite les chiffres de Bercy : ils coûtent à la collectivité des dizaines de milliards de francs en revenus annuels, mais des centaines de milliards de francs en transferts de patrimoine. Pour les entreprises, la mesure des transferts d'investissement ou d'emploi est plus difficile, je le reconnais, et les excellentes rentrées de l'impôt sur les sociétés n'incitent pas à l'inquiétude.

Par ailleurs, toujours dans les bonnes nouvelles, notre compétitivité extérieure est encore bonne, malgré la dété rioration du solde du commerce extérieur.

Mais le contexte change rapidement. Depuis dix ans, à l'exception de l'Irlande ou de tel ou tel petit paradis fiscal, la fiscalité d'entreprise, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés ou sur les plus-values, était assez comparable entre les grands pays européens, mais, dans deux ou trois ans, il n'en sera plus de même, car nos partenaires ont su gagner des baisses substantielles d'impôts sur une véritable maîtrise des dépenses. Avez-vous bien compris cette évolution ?

M. Charles de Courson.

Eh non !

M. Gilles Carrez.

La mise en oeuvre de la fiscalité écologique est, elle aussi, particulièrement critiquable. Plutôt que l'incitation, le Gouvernement a fait le choix de la sanction en mettant en place une fiscalité aussi punitive que disparate. Les taxes existantes ont été consolidées et élargies en 2000. En 2001, même si l'on n'en trouve pas trace, je le disais, il y a un instant, ni en loi de finances initiale ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 4 milliards supplémentaires vont être ponctionnés sur les entreprises en taxant les consommations intermédiaires d'énergie.

Et s'il fallait, à l'extrême, accepter ces nouvelles taxes au nom de la protection de l'environnement, quelle aberration de les affecter au financement des 35 heures dont chacun sait, c'est le bon sens, qu'il n'a rien à voir avec la défense de l'environnement, avec l'écologie !

M. François Guillaume.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Que vos alliés Verts protestent contre le gel de la taxe sur le gazole...

Mme Nicole Bricq.

Vous l'avez déjà expliqué, l'année dernière !

M. Gilles Carrez.

... peut s'admettre, ils sont dans leur rôle. Mais que, par un tour de passe-passe, avec un débat à retardement, dont on ne sait même pas s'il aura lieu, la taxe sur l'énergie s'engloutisse dans le puits sans fond des 35 heures, nous ne pouvons pas l'admettre. Car nous, dans l'opposition, nous nous battons pour la défense de l'environnement et pour les incitations fiscales qui doivent l'accompagner, et nous, nous préférons les actes aux beaux discours.

Pour résumer, une dépense publique en hausse bien réelle, des baisses d'impôts bien illusoires et, pour solde, un déficit budgétaire en 2001 évalué à 186 milliards de francs, soit le même niveau que celui qui va être constaté très certainement à la fin de cette année.

Autrement dit, la dette de l'Etat progressera à nouveau de 200 milliards de francs. Elle a progressé de plus de 800 milliards entre 1997 et 2001 et dépasse aujourd'hui les 5 000 milliards de francs ! En ne désendettant pas l'Etat en période de croissance, le gouvernement Jospin aura réalisé une performance unique. Les Espagnols vont s'interdire tout déficit public de fonctionnement dès 2002. Les finances de plusieurs

Etats européens sont d'ores et déjà excédentaires.

M. Philippe Auberger.

Les socialistes sont des cigales !


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M. Gilles Carrez.

La baisse de la dette, la constitution de réserves pour l'avenir grâce à la croissance sont au coeur de la plupart des politiques budgétaires de nos voisins alors que, chez nous, persiste un déficit budgétaire élevé et le fonds de réserve pour les retraites n'en finit pas de décoller. Il est à peine doté de 10 misérables milliards de francs !

M. Philippe Auberger.

Et encore, il n'est même pas créé !

M. Gilles Carrez.

Or, la conjoncture internationale s'assombrit. Je ne me risquerai pas à corriger les prévisions économiques qui sous-tendent cette loi de finances pour 2001. Il y a eu beaucoup trop de déclarations péremptoires à cette tribune qui ont été rapidement démenties par les faits ! Cela étant dit, contrairement aux deux années précédentes, il semble, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'ayez que peu de marge de précaution. La croissance française a été tirée, depuis 1997, successivement par la demande extérieure, puis par la consommation interne, et l'investissement des entreprises s'est redressé.

Or depuis un an et uniquement en un an, le solde du commerce extérieur français se sera réduit de moitié. La consommation ralentit, mettant d'ailleurs en lumière la stagnation du pouvoir d'achat, et l'inflation reprend - on vient de le voir avec le dernier indice - inflation importée, c'est vrai, par le coût du pétrole et par le décrochage de l'euro.

Aussi, l'hypothèse du baril à 25 dollars, M. le ministre l'évoquait tout à l'heure, est, reconnaissons-le, plutôt optimiste et la « stabcroissance » qui lui est si chère me paraît bien menacée.

J'appelle surtout votre attention sur le fait que l'extraordinaire rigidité des dépenses publiques en France rend problématique tout ajustement, non seulement à un changement de conjoncture mais également à un essoufflement passager, à un trou d'air par exemple.

Bien sûr, je ne souhaite pas une telle dégradation, mais le traumatisme que nous avons subi il y a bientôt dix ans devrait nous inciter à la prudence. Or le budget que vous nous proposez est imprudent, avec une progression réelle d es dépenses de 3 % en volume. Vos marges de manoeuvre sont réduites, pour ne pas dire nulles, tant l'investissement a déjà été sacrifié.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite au nom du groupe RPR vous faire quelques propositions dont il est encore temps de vous inspirer en ce début de débat budgétaire.

En premier lieu, la maîtrise des dépenses passe par la réforme de l'Etat : décentralisation, déconcentration, redéploiement d'effectifs, pour que l'Etat soit à la fois moins coûteux et plus efficace.

Je réponds précisément à la question que posait Laurent Fabius : nous refusons la facilité du recrutement de nouveaux fonctionnaires, alors que la France bat les records dans ce domaine et que les dépenses de personnel constituent 43 % du budget.

Mme Nicole Bricq.

Et les départs en retraite ?

M. Gilles Carrez.

La priorité est donc au redéploiement des moyens au bénéfice de la sécurité et de certains secteurs de l'éducation nationale.

Mme Nicole Bricq.

On le fait !

M. Gilles Carrez.

Le blocage général provoqué par l'abandon de la réforme de Bercy est un échec dramatique pour l'avenir.

Ensuite, nous, dans l'opposition, nous proposons de véritables baisses d'impôt bénéficiant à l'ensemble des Français et, en premier lieu, une réduction substantielle et égale de toutes les tranches de l'impôt sur le revenu, dans la ligne de la réforme Juppé.

Pour améliorer le pouvoir d'achat autour du SMIC et inciter à la reprise du travail plutôt qu'au maintien dans l'assistance, nous proposons de réduire les cotisations salariales, car la solidarité et la cohésion de la communauté nationale exigent le maintein de l'impôt universel et proportionnel que constitue la CSG.

C'est donc sur les cotisations sociales salariales qu'il faut agir. C'est ce que nous vous proposons.

Pour des raisons de justice fiscale et pour respecter la décentralisation, nous proposons de supprimer la redevance audiovisuelle plutôt que la vignette.

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

S'agissant du prix des carburants, dont la hausse est loin d'être compensée par la disparition de la vignette - nous proposerons d'ailleurs qu'elle soit également supprimée pour les véhicules utilitaires de toutes les professions indépendantes : commerçants, artisans -,...

M. Philippe Auberger.

Professions libérales ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

... la véritable bonne mesure consiste à supprimer la TVA sur la fraction du coût que constitue la TIPP, car l'impôt sur l'impôt doit être banni dans un système fiscal équitable.

Et puis, dans une conjoncture incertaine, il nous faut consolider la croissance. L'économie française doit être libérée, libérée du fardeau fiscal que fait peser sur elle la gestion socialiste, libérée aussi des entraves, goulets d'étranglement, blocages, pénuries que provoque en particulier la rigidité de la mise en oeuvre des 35 heures.

Hier, dans un article intéressant, Laurent Fabius critiquait, à mots à peine couverts, ces blocages de nos capacités de production.

M. Philippe Auberger. Libérez-nous des 35 heures !

M. Gilles Carrez.

Vous vous en inquiétez, nous aussi, et j'espère que le départ du Gouvernement de Mme Aubry autorisera le ministre des finances à faire preuve d'une plus grande liberté d'expression et surtout d'action dans ce domaine.

Mme Nicole Bricq.

Il ne faut pas exagérer !

M. Gilles Carrez.

Il rejoindra alors les propositions que l'opposition présente depuis longtemps pour relancer la croissance.

Laurent Fabius, qui a toujours été le premier de la classe, devrait se méfier de voir sa copie recalée par le professeur Romano Prodi.

M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas drôle !

M. Gilles Carrez.

En l'état, la copie budgétaire de Bercy mérite la mention « médiocre ».

M. Philippe Auberger.

Peut mieux faire !

M. Jean-Jacques Jégou.

Non ! A refaire ! M. Gilles Carrez. Aussi, mes chers collègues, en adoptant la question préalable que j'ai défendue au nom du groupe RPR et de l'opposition dans son ensemble, donnez-vous la chance d'un rattrapage. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je vais faire très court, étant donné l'heure avancée, mais je voudrais répondre, au nom du Gouvernement, à M. de Courson, ce que je n'ai pu faire tout à l'heure, et à

M. Carrez.

Monsieur de Courson, je serai sans doute sommaire par rapport à votre raisonnement, et trop rapide, et je vous prie de m'en excuser mais je crois vraiment que ne tient pas votre accusation selon laquelle nous aurions minoré l'évolution des dépenses en volume du budget général. Je maintiens qu'un taux de 0,3% est un chiffre honnête et voici pourquoi.

Les dépenses que vous évoquez sont en réalité, pour l'essentiel, des compensations de baisses de charges, impôts et cotisations sociales, et c'est bien ainsi qu'on doit les analyser.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce sont bien des dépenses de l'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous souhaitez, vous, compter parmi les dépenses des baisses d'impôts,...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Bien sûr !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... ce qui est tout de même assez funambulesque, et vous faites une sorte de tour de passe-passe dans ce raisonnement assez curieux.

Par ailleurs, nous avons sorti de la structure 2000 les dépenses consacrées au FOREC, de manière que la norme de dépenses calculées sur un socle excluant cette dépense soit honnête, parce qu'on peut ainsi comparer 2000 et 2001 sur les mêmes bases. Vous devriez reconnaître ce souci de clarté et de transparence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

C'est vraiment spécieux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Enfin, sur un plan macro-budgétaire, la dépense publique, c'est-à-dire la somme, au sens européen du terme, de l'ensemble des dépenses des administrations publiques doit se réduire de 1,8 point entre 1999 et 2001 pour passer de 53,9 % à 52,1 % du produit intérieur brut.

C'est ce qu'il fallait démontrer : la dépense publique évolue bien...

Mme Bernadette Isaac-Sibille. Ça, c'est sûr !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... comme le Gouvernement l'a indiqué, et comme il continue à le prétendre, en dépit de votre intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vais répondre maintenant à quelques objections que vous avez soulevées, monsieur Carrez. J'évoquerai l'impôt sur les sociétés, la situation des classes moyennes et les collectivités locales, de manière cursive également, vous m'en excuserez.

En parlant de l'évolution de l'impôt sur les sociétés, vous oubliez la surtaxe Juppé ! C'est fondamental et vous devriez commencer par là ! Vous avez augmenté l'impôt sur les sociétés de manière prétendument exceptionnelle...

M. Gilles Carrez.

Temporaire !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et c'est nous qui sommes obligés aujourd'hui de réduire cette surtaxe que vous avez par ailleurs votée.

M. Gilles Carrez.

Vous auriez pu le faire avant !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous savez bien que la réforme, équilibrée en 2001, sera nettement en faveur des entreprises pour 2002 et 2003. Si nous restions l'arme au pied, votre critique concernant l'Europe serait juste, mais nous agissons au niveau des institutions européennes pour éviter cette sorte de surenchère perpétuelle au niveau fiscal, ces différences de compétitivité fiscale entre les pays, et c'est la France qui se bat avec le plus d'ardeur pour que l'on aille vers une harmonisation fiscale qui permette d'égaliser les conditions de la concurrence entre les différents pays, notamment pour les entreprises. C'est la véritable porte de sortie dans ce domaine et c'est ainsi que nous sommes les plus européens parmi nos partenaires.

Vous avez beaucoup insisté sur le fait que, selon vous, les classes moyennes sont privées d'une véritable réforme fiscale. Voyons les chiffres ! Baisse de l'impôt sur le revenu pour les revenus de 1999, dans le collectif 2000 : 11 milliards de francs ;...

M. Gilles Carrez.

Ce n'est pas une mesure en faveur des classes moyennes !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... extension beaucoup plus généreuse des dégrèvements de taxe d'habitation dans le collectif : 5 milliards de francs ; suppression de la vignette : 12 milliards de francs ; abaissement du taux normal de TVA et assujettissement d'un certain nombre de biens et services au taux minimum de 5,5 % : 60 milliards de francs, dont bénéficient naturellement aussi, et à titre principal, les classes moyennes ; stabilisation des taxes sur le pétrole ; enfin, ristourne de la CSG : 25 milliards de francs sur trois ans. Si on n'appelle pas ça un allégement de l'imposition sur les classes moyennes, je ne sais pas ce que veut dire les termes « baisse d'impôt » ! Voilà ce que le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont la prétention et la rigueur de mettre en oeuvre : une véritable baisse des impôts pour les ménages destinée aussi aux classes moyennes, contrairement à vos affirmations.

M. Alain Cacheux et M. Dominique Baert.

Bravo !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En ce qui concerne les collectivités locales, l'essentiel pour nous est de laisser le plus libre cours possible à l'application de l'article 72 de la Constitution : « Les collectivités locales s'administrent librement. » Nous en avons d'ailleurs déjà

discuté dans cette enceinte à l'occasion d'autres projets de loi.

Aujourd'hui, il faut mettre les points sur les « i » et j'ai trouvé dans votre excellent rapport, monsieur le rapporteur général, le pourcentage des ressources fiscales des collectivités locales par rapport à leurs ressources totales.

En France, les ressources fiscales représentent 42 % des ressources totales des collectivités locales. La moyenne européenne est de 25,7 %.

M. Charles de Courson.

Ça n'a rien à voir !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les collectivités locales trouvent dans leurs ressources fiscales l'instrument de leur autonomie.

M me Bernadette Isaac-Sibille.

Mais vous les supprimez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Leur situation fiscale est donc en adéquation avec l'objectif sacré défini par la Constitution.

M. Gilles Carrez.

Ce sont des chiffres d'avant les réformes !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

France 42 %, Europe 25,7 %, avec 35 % en Allemagne où c'est l'Etat qui prend les décisions à la place des collectivités en matière de ressources fiscales, 31 % en Italie et 25 % en Grande-Bretagne : s'il fallait démontrer qu'il y a bien un pays dans l'Union européenne où les collectivités locales disposent, dans l'exercice libre et autonome de leur pouvoir de décision, des ressources qui leur sont nécessaires pour assumer leurs missions, c'est bien dans le rapport de M. le rapporteur général que nous en trouverions la preuve.

M. Gilles Carrez.

C'était vrai, ça ne l'est plus !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous avez par ailleurs critiqué l'évolution de la situation d'ensemble de ces collectivités locales sur le plan financier. Elles bénéficient d'abord de la forte croissance économique due à la politique économique du Gouvernement. C'est le cas en 2000, ce sera le cas en 2001. C'est la plus forte depuis dix ans. Par la croissance de leurs recettes directes, notamment fiscales, par l'évolution des dotations de l'Etat, les collectivités locales sont remarquablement t raitées dans le projet de loi de finances initiale pour 2001. La croissance de la DGF sera en effet en moyenne de 3,42 %. Je veux ici, pour terminer, rappeler deux objectifs des rapports entre l'Etat et les collectivités locales.

Premier objectif : l'emploi. La compensation de la part salariale de la taxe professionnelle passera de 22,9 à 35,4 milliards dans le cadre de la montée en charge de cette compensation jusqu'à la suppression totale de la p art salariale en 2003. Cet allégement d'impôt a d'ores et déjà eu un impact positif sur l'emploi dans les entreprises. Il est intégralement compensé par l'Etat.

Second objectif : contrairement à vos affirmations, monsieur Carrez, l'intercommunalité est bien un objectif central de notre politique économique.

Les abondements supplémentaires au titre de l'intercommunalité et au titre des villes les plus défavorisées sont remarquables dans le projet de loi de finances pour 2001. Ainsi, 500 millions de francs supplémentaires de prélèvement sur les recettes de l'Etat pour financer l'intercommunalité, au-delà des 500 millions déjà prévus par la loi de juillet 1999.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas suffisant !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ainsi encore, 350 millions supplémentaires pour la DSU, au-delà des 500 millions prévus par la loi de finances initiale pour 1999, pour trois ans. C'est ainsi que les collectivités locales qui sont le plus soumises aux problèmes du développement des villes verront une nouvelle fois, et en supplément de ce qui a déjà été fait par ce gouvernement et voté par cette majorité, leurs ressources considérablement augmenter.

Enfin, le montant total des abondements exceptionnels atteint le même niveau qu'en 2000 alors que la DGF obéit à une croissance beaucoup plus forte en 2001 - 3,42 %, ai-je dit tout à l'heure - qu'en l'an 2000.

Il y a là toutes les raisons de penser que votre raisonnement est vraiment vicié à la base.

M. Philippe Auberger.

Oh !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il est totalement faux par rapport à la réalité de la loi de finances initiale présentée par le Gouvernement, et je demande donc à l'Assemblée nationale de repousser la motion de procédure que vous avez présentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai entendu dire qu'il ne vous avait pas été possible de répondre à M. de Courson. Je rappelle que vous parlez quand vous voulez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est pourquoi je lui ai répondu.

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour le groupe UDF.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes exprimé avec fougue mais vous n'avez pas pu nous convaincre alors que nous avons entendu Charles de Courson faire une analyse implacable du budget, puis, Gilles Carrez, qui est un spécialiste des collectivités locales, nous expliquer, avec son talent habituel, que votre budget n'était pas sincère, freinait la croissance et volait les Français de celle-ci.

Je voudrais simplement donner deux exemples. Vous nous accusez d'avoir augmenté l'impôt sur les sociétés en 1997. Vous avez continué avec la CSB. Quant aux recettes fiscales, Charles de Courson a démontré qu'elles avaient été supérieures de 200 milliards à vos prévisions sur les trois dernières années. Les baisses d'impôts n'étaient donc pas réelles. Et nous avons vu que le poids des dépenses publiques dans le PIB ne baissait pas.

C'est pourquoi le groupe UDF votera la question préalable.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste.

Mme Nicole Bricq.

M. Carrez a bien commencé. Il voulait évoquer la baisse des impôts, la maîtrise des dépenses, la transparence fiscale ! Mais, finalement, il nous a parlé de l'utilisation des dépenses, de l'affectation des recettes et longuement, parce que c'est sa spécialité, de la fiscalité locale.

En fait, cette intervention montre que l'opposition est finalement devant cette loi de finances initiale pour 2001 comme une poule devant un couteau. Elle ne sait pas trop comment s'y prendre ! Elle ne nous a pas démontré qu'elle disposait d'une doctrine budgétaire, elle ne nous a pas démontré que ses propositions avaient de la cohérence.

Je ne dirai qu'une chose qui justifiera de repousser votre question préalable, monsieur Carrez. Vous avez fait référence à la Commission européenne, mais vous vous êtes trompé de commissaire et de nationalité : ce n'est pas M. Prodi mais M. Pedro Solbes qui a fait une remarque sur le rythme d'assainissement des comptes publics dans le budget français.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est un social-libéral !

Mme Nicole Bricq.

Cela dit, au fond, vous savez bien que le rythme retenu dans le programme pluriannuel d'assainissement des comptes publics est le bon. Il permet un soutien à une croissance forte. Il permet une décrue de la dette publique et une baisse des prélèvements obligatoires, qui a, vous le savez bien, un effet structurel sur l'économie. C'est ce qu'on va essayer de vous démontrer pendant toute la discussion générale et pendant l'examen


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

des amendements. C'est, en effet, un moteur de la croissance, une source d'augmentation du pouvoir d'achat, une aide à la consommation, à l'activité des entreprises et à la réduction des trappes à inactivité. Au fond, vous n'avez pas grand-chose à dire, ni globalement ni en pointillé. En tout cas, vous ne nous l'avez pas dit lors de la défense de la question préalable, que nous rejetterons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe du RPR.

M. Philippe Auberger.

J'avoue que j'ai été beaucoup plus convaincu par l'éloquence de mon excellent collègue Gilles Carrez que par les explications du ministre.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes de parti pris ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Je n'évoquerai que trois points.

Premièrement, on prétend que le déficit public est en baisse, mais ce n'est pas nous qui avons affiché l'objectif de 30 à 40 milliards de plus-values fiscales pour cette année, c'est M. Fabius, au mois de juin ! On est parti de 215 milliards et l'on ramène le déficit d'exécution à 180 milliards, qui est le chiffre annoncé pour 2001.

Donc, pour l'instant, il n'y a absolument aucune baisse du déficit public pour 2001.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Philippe Auberger.

Deuxièmement, on nous dit que les dépenses publiques n'augmentent pas, ou qu'elles augmentent très peu. Mais je lis dans le rapport économique et financier que l'ensemble des dépenses publiques vont augmenter de 1,8 % en 2001, alors qu'il était prévu dans la programmation triennale une augmentation de 1,1 %. Il y a donc bien un dépassement de l'objectif de progression des dépenses publiques. Les dépenses publiques ne sont pas maîtrisées, contrairement à ce qui est affirmé.

Troisièmement, on nous dit que les prélèvements obligatoires vont baisser. Mais cela fait déjà trois ans que l'on nous promet cela ! Au mois de mars dernier, le Premier ministre est venu à la télévision, devant huit millions de téléspectateurs, et nous a dit : c'est vrai qu'en 1999 les prélèvements obligatoires ont augmenté de huit dixièmes de point, mais nous allons résorber cette augmentation en 2000. Et qu'est-ce qu'on a vu ? Eh bien, M. Fabius a avoué qu'il n'y aurait qu'une résorption pour moitié en 2000, et qu'il faudrait sans doute attendre la fin de 2001 pour arriver à effacer cette calamiteuse année 1999. Nous montrons donc par là même que les allégements fiscaux qui sont promis sont tout à fait insuffisants eu égard à la situation.

Il est donc clair que nous ne sommes pas d'accord sur les attendus de ce projet de budget. Il est clair que nous avons des observations très sérieuses à faire, que les chiffres qui nous sont fournis ne sont pas les bons. C'est pour cela que la question préalable défendue par Gilles Carrez est parfaitement fondée et que nous la voterons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 17 octobre 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 17 octobre au vendredi 3 novembre inclus a été ainsi fixé : Mardi 17 octobre 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585-2624 à 2629).

Mercredi 18 octobre 2000 : Le matin, à neuf heures , l'après-midi, à quinze heures , après les questions au Gouvernement sur des thèmes européens, et le soir, à vingt et une heures : Jeudi 19 octobre 2000 : L'après-midi, à quinze heures , et le soir, à vingt et une heures : Vendredi 20 octobre 2000 : Le matin, à neuf heures , l'après-midi, à quinze heures , et le soir, à vingt et une heures : et éventuellement Samedi 21 octobre 2000 : Le matin, à neuf heures , l'après-midi, à quinze heures , et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 25852624 à 2629).

(Le débat sur le prélèvement au bénéfice des Communauté s européennes aura lieu le jeudi 19 octobre 2000, à 15 heures.) Mardi 24 octobre 2000 : L'après-midi, à quinze heures , après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585 - 2624 à 2629).

Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2606).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

Mercredi 25 octobre 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Jeudi 26 octobre 2000 : L'après-midi, à quinze heures , et le soir, à vingt et une heures : et éventuellement Vendredi 27 octobre 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures , et le soir à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2606).

Lundi 30 octobre 2000 : Le matin, à dix heures , l'après-midi, à quinze heures , et le soir, à vingt et une heures : Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585 à 2629) : Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.

Légion d'honneur et ordre de la Libération.

Justice (nouvelle procédure)

Aménagement du territoire.

Mardi 31 octobre 2000 : Le matin, à neuf heures : Culture.

L'après-midi, à quinze heures , après les questions au Gouvernement : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Eventuellement, suite ordre du jour du matin.

Jeudi 2 novembre 2000 : L'après-midi, à quinze heures : Tourisme.

Le soir, à vingt et une heures : Recherche et technologie.

Vendredi 3 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures , l'après-midi à quinze heures, et éventuellement, le soir à vingt et une heures : Anciens combattants.

Environnement.