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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6905).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6905)

M.

Gilbert Gantier, Mme Béatrice Marre,

MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Jean-Jacques Jégou, Jean Rigal, Laurent Dominati, Jean-Pierre Balligand, Yves Deniaud, Jean Vila, Georges Tron, Michel Suchod.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de rapports (p. 6930).

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 6930).

4. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 6930).

5. Dépôt d'un avis (p. 6930).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6930).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRESIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2584, 2624).

Discusion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, premier intervenant dans le débat budgétaire qui va nous occuper pendant plusieurs semaines, je n'étonnerai sans doute personne en disant que je n'approuve pas ce budget qui ne me paraît pas conforme à l'intérêt national. Je ne suis d'ailleurs pas le seul. Un journal du soir, qui, généralement, n'est pas très méchant avec le Gouvernement, titre aujourd'hui même en première page : « Un budget mal noté ». Et il remarque en page intérieure : « Bruxelles reproche au gouvernement français de ne pas profiter de la conjoncture favorable pour assainir durablement les finances publiques ». Il poursuit : « Vingt mille fonctionnaires de plus en 2001 ».

Ce projet de loi de finances est le quatrième que nous présente le Gouvernement. Il est désormais impossible au Gouvernement de céder à son péché mignon : se retrancher derrière le bilan du précédent gouvernement pour masquer ses erreurs. Or, depuis 1997, ses erreurs sont fort nombreuses.

Nous cherchons, en vain, une politique budgétaire cohérente. Le cafouillage et le soupoudrage semblent servir de ligne directrice à la politique budgétaire. Ainsi, en trois ans, le Gouvernement a plafonné les allocations familiales, puis il les a déplafonnées. Il a envisagé de supprimer l'abattement de 10 % dont bénéficient les retraités pour, dans un temps record, le réinstaurer partiellement.

Il a diminué, contre notre avis, le plafond du quotient familial pour, avec ce projet de loi de finances pour 2001, le réaugmenter légèrement, trop peu selon nous. Tout cela, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ne fait pas très sérieux. Il en est de même avec le soupoudrage des milliards de francs issus de la croissance. Le budget sous gouverne socialiste ressemble à un bateau ivre.

Cette absence de ligne de conduite serait déjà regrettable si tout allait bien, si aucun nuage ne pointait à l'horizon. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Nous sommes entrés dans le temps des incertitudes. Depuis de nombreux mois, le Gouvernement nous répète que la croissance est éternelle, que, grâce à lui, la France a atteint un nouvel eldorado avec la Netéconomie, que le plein emploi est de retour, que le problème du financement des retraites ne se pose pas... Depuis des mois, les membres du Gouvernement tentent de faire croire que nous leur sommes redevables de la croissance, de la baisse du chômage et ils oublient volontairement d'observer que nos voisins obtiennent, en fait, de bien meilleurs résultats que nous.

En réalité, le Gouvernement devrait faire preuve de modestie, car la croissance montre des signes de faiblesse : diminution des ventes de voitures, stagnation du marché informatique, déficit pour le deuxième mois consécutif de notre commerce extérieur, moral en chute libre des ménages. L'INSEE a déjà revu à la baisse le taux de croissance pour l'an 2000 : 3,2 % nous dit-on, au lieu des 3,5 % initialement prévus.

L'envolée des prix du pétrole, la dépréciation et la hausse des taux d'intérêt n'expliquent pas, à eux seuls, cette atonie. Notre économie, mes chers collègues, souffre de maux de nature plus structurelle que conjoncturelle.

Elle souffre de nombreux goulets d'étranglement résultant tout à la fois des décisions du Gouvernement et de son immobilisme, étranglement sur le marché du travail, étranglement fiscal, étranglement administratif.

Etranglement sur le marché du travail, d'abord. En effet, malgré le chômage, qui touche encore plus de 2,3 millions de personnes, les entreprises éprouvent les plus grandes difficultés pour recruter. La pénurie de main-d'oeuvre entrave le développement des secteurs d'activité comme le bâtiment, l'informatique, la restauration.

Du fait d'une politique de l'éducation sans imagination et corporatiste, les jeunes Français sont mal formés, mal préparés pour trouver un emploi, mal orientés.

Les goulets d'étranglement du marché du travail résultent également de l'application de la loi autoritaire sur la réduction du temps de travail. Cette loi malthusienne a eu pour conséquence de réduire le nombre total d'heures travaillées en France, ceci malgré l'augmentation de la population active, ce qui est un comble en période d'expansion.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le solde de notre balance commerciale se dégrade au point d'enregistrer un déficit pour le deuxième mois consécutif, alors que nos voisins - l'Allemagne en tête - ne connaissent pas une telle dégradation, bien qu'ils soient soumis aux mêmes contraintes internationales que nous.

Les 35 heures pèsent sur notre compétitivité. Selon le World Economic Forum, qui établit chaque année un classement de la compétitivité à l'échelle mondiale en prenant en compte des centaines de critères, la France arrive


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seulement au quinzième rang, loin derrière les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume-Uni. Le mauvais côté des 35 heures se révèle ainsi, de jour en jour, et ce n'est sans doute hélas ! pas fini.

Les 35 heures sont synonymes de stagnation du pouvoir d'achat, de conditions de travail plus sévères pour les salariés, d'impôts supplémentaires pour les contribuables.

En effet, elles coûteront plus de 80 milliards de francs pour la seule année 2001, soit l'équivalent du tiers de l'impôt sur le revenu ou, si l'on préfère, de deux points de TVA. La suite est à venir dans les budgets des années suivantes.

Mais ces 35 heures ont-elles au moins contribué à la diminution du chômage ? Non ! Le taux de chômage est inférieur - et je ne parle pas des Etats-Unis - au Royaume-Uni, en Allemagne, et dans maints autres pays européens qui n'ont pas eu recours à la fausse solution d'une diminution générale du temps de travail.

Etranglement fiscal, ensuite. La récente révolte des transporteurs routiers et les derniers sondages ont démontré que la France avait dépassé le seuil de l'acceptable en matière de prélèvements obligatoires. Avec un taux de 45,7 %, le gouvernement de Lionel Jospin a battu tous les records. Tous les ans, à l'automne, le Premier ministre nous affirme qu'il a compris le message et que l'année prochaine, c'est promis, impôts, taxes et cotisations diminueront. Or, à chaque fois, c'est l'inverse qui se produit.

Mme Béatrice Marre.

Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Gilbert Gantier.

En trois ans, les prélèvements obligatoires ont augmenté de plus de 500 milliards de francs.

En trois ans, le Gouvernement a créé plus de quinze nouvelles taxes, impôts et cotisations : écotaxe, exit tax, contribution sociale sur les bénéfices, taxe sur les logements vacants, taxe sur les radiologues, taxe sur les biologistes, j'en passe et des meilleures ! En 1999, plus de 70 % des fruits de la croissance ont été captés par le fisc et le projet de réduction des impôts que nous présente aujourd'hui le Gouvernement est un leurre et une source de nouvelles complications. Notre code des impôts, déjà obèse, va encore s'enrichir de plusieurs feuillets ! Seuls les cabinets fiscaux pourront s'en réjouir.

M. Jean-Pierre Brard.

Il n'y a pas que le code qui est obèse. La fortune de Mme Bettencourt aussi !

M. Gilbert Gantier.

Si vous voulez m'interrompre...

M. le président.

Poursuivez, monsieur Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Etranglement administratif enfin.

Depuis trois ans, le Gouvernement n'a entrepris aucune réforme administrative de grande ampleur. Les structures administratives n'ont pas été simplifiées, la paperasse est encore plus importante.

M. Augustin Bonrepaux.

Et vous, quelles réformes avez-vous faites ?

M. Gilbert Gantier.

Certes, on nous a annoncé la semaine dernière la suppression de la fiche d'état civil.

C'est une mesure dont l'importance est, permettez-moi de le dire, tout à fait symbolique.

La décentralisation, contrairement à ce qu'a prétendu le Premier ministre cet après-midi au cours des questions d'actualité, est en panne.

Mme Béatrice Marre.

C'est vous qui l'avez voulu !

M. Gilbert Gantier.

Nous assistons en réalité, à une recentralisation avec l'étatisation croissance des impôts locaux - plus de 50 milliards de francs en trois ans.

Les pouvoirs des préfets se sont accrus ces dernières années, avec l'adoption des lois sur l'aménagement du territoire et sur l'intercommunalité, avec le projet de loi de solidarité urbaine. Les Français ont de plus en plus de mal à savoir quelle est la collectivité chargée de traiter leurs problèmes. Ils ne constatent qu'une chose : le poids de la réglementation et des prélèvements ne cesse de s'accroître.

Face à ce triple étranglement, étranglement du marché de l'emploi, étranglement fiscal et étranglement administratif, le projet de loi de finances pour 2001 n'apporte aucune réponse. Ce n'est pas le budget des bons comptes mais le budget des mécomptes.

Mécompte, car avec la multiplication des erreurs d'évaluation, qui ont été démontrées cet après-midi même par nos collègues Charles de Courson et Gilles Carrez, il devient de plus en plus difficile de comparer les lois de finances d'une année sur l'autre. Les reports de recettes, l'anticipation des dépenses, la dissimulation des plusvalues générées par la croissance rendent l'analyse des budgets sinon impossible, du moins très difficile. Même la Cour des comptes y perd son latin et l'avoue ! Face à cette anarchie budgétaire, le ministre de l'économie et des finances a fait acte de repentance en promettant de réformer la fameuse ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux finances publiques... Nous verrons bien. La révision de cette ordonnance constitue une urgence car les règles budgétaires appliquées en France datent non pas du XXe siècle finissant mais, mes chers collègues, du

XIXe siècle.

Mme Béatrice Marre.

Qu'avez-vous fait, vous ?

M. Gilbert Gantier.

Le budget de l'Etat, plus de 1 700 milliards de francs, ressemble à celui d'une grosse épicerie il y a cent ans : pas de provisions, pas d'amortissements, pas de comptabilité patrimoniale. Le système repose sur la simple logique de la consommation annuelle des crédits avec une règle de base : toujours plus.

Mécompte, car le déficit budgétaire pour 2001 restera un des plus élevés d'Europe, 186 milliards, soit plus de 2 % de PIB. En quatre ans, la gauche, malgré une croissance supérieure à 3 %, n'aura réduit le déficit que de 80 milliards de francs. La France est le mauvais élève de l'Europe. Le 20 septembre dernier, en même temps que le gouvernement français, le gouvernement suédois a présenté son projet de budget. Mais la parallèle s'arrête là car le budget suédois - écoutez bien - est en excédent de 3,5 % du PIB suédois. Depuis plusieurs années, les EtatsUnis accumulent des excédents budgétaires, plus de 800 milliards de francs pour cette année. D'ici à 2013, la dette publique américaine aura été complètement remboursée.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas la politique sociale qui les tue !

M. Gilbert Gantier.

L'excédent budgétaire britannique dépasse 1 % du PIB et tout récemment, les Espagnols ont décidé de rendre illégal le déficit public, et cela non seulement pour l'Etat mais aussi pour toutes les collectivités publiques. Le déficit allemand est lui-même inférieur à 1 % du PIB et disparaîtra totalement en 2004. Même le budget de la Russie - qui l'aurait cru ? - est aujourd'hui en équilibre !

M. Jean-Pierre Brard.

Tu parles !

M. Jean Vila.

Quel scoop !

Mme Béatrice Marre.

C'est trop !

M. Jean-Pierre Brard.

Agent de Moscou ! (Sourires.)


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M. Gilbert Gantier.

En 2001, les dépenses de l'Etat augmenteront, d'après les chiffres mêmes du Gouvernement, de plus de 1,5 %. Si l'on ajoute le financement des 35 heures, placé hors budget, et la CMU, l'augmentation dépasse les 2 % - mes collègues Charles de Courson et Gilles Carrez ont démontré qu'en fait cette augmentation est supérieure à 3 %. Depuis 1997, les dépenses de l'Etat, en prenant en compte les 35 heures, ont augmenté de plus de 200 milliards de francs.

Ce laxisme budgétaire est d'autant plus coupable qu'il prend la forme d'un emballement des dépenses de fonctionnement. Les dépenses d'investissement, elles, reculent, une fois de plus : moins de 80 milliards en 2001, c'est-àdire à peu près 4 % du budget.

Mécompte, car le Gouvernement a décidé d'accroître le nombre de postes de fonctionnaires de plus de 11 000.

M. Jean Vila.

Bonne initiative !

M. Gilbert Gantier.

A ce chiffre, il convient d'ajouter 4 000 emplois titularisés de vacataires et 5 000 pour les enseignants. Il fait dont tout l'inverse de ce qu'il faudrait faire. Compte tenu de la pyramide des âges au sein de la fonction publique, 45 % des agents en fonction dans l'administration partiront à la retraite d'ici à 2012.

M. Jean Vila.

Place aux jeunes !

M. Gilbert Gantier.

Ces départs massifs auraient dû inciter le Gouvernement à réorganiser l'Etat, à en améliorer la productivité.

M. Gérard Bapt.

Et diminuer le nombre de gardiens de prison ?

M. Gilbert Gantier.

Or il a décidé, non seulement de remplacer tous les départs à la retraite, mais encore d'accroître le nombre de fonctionnaires.

Pour l'année prochaine, il s'agit de 340 créations de postes au ministère de l'agriculture, bien que le nombre des agriculteurs ne cesse de diminuer, et de 5 000 créations de postes dans l'enseignement secondaire,...

M. Gérard Fuchs.

Vous le regrettez ?

M. Gilbert Gantier.

... alors que le nombre des élèves devrait chuter de 400 000 et qu'un rapport du Sénat a démontré que 10 000 enseignants étaient en surnombre ou faisaient tout autre chose que de l'enseignement.

Cette gestion irrationnelle des emplois publics n'est pas surprenante car le Gouvernement se révèle incapable d'indiquer clairement la répartition réelle des emplois. Il ne sait même pas exactement combien il y a d'emplois dans le secteur public.

M. Gérard Fuchs.

Depuis quand ?

M. Gilbert Gantier.

Mécompte car la dette publique continue d'augmenter. Certes, et c'est sans doute ce que nous dit le ministre, son poids relatif par rapport au PIB s'est stabilisé du fait de la croissance. Mais en valeur absolue, la progression de l'endettement des collectivités publiques, en particulier de l'Etat, demeure rapide.

Pendant que nos voisins remboursent les dettes du passé, le gouvernement français continue de dilapider les recettes du futur. La dette publique française s'élève à plus de 5 200 milliards de francs, soit 86 000 francs par habitant. Le service de la dette, qui ne retrace pourtant que le paiement des intérêts, absorbera plus de 240 milliards en 2001, soit 6 milliards de francs de plus qu'en 2000.

Mécompte complet pour le volet fiscal.

Avec les mesures d'allégement de l'impôt sur le revenu, en particulier avec la diminution très légère de son taux marginal, la gauche a semblé avoir compris qu'il est inefficace de pressurer les contribuables, de s'acharner sur les créateurs d'activités. En fait, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances en commission des finances a malheureusement prouvé l'inverse : le sectarisme et l'idéologie ont prévalu. Ainsi, la majorité plurielle de la commission des finances a adopté un amendement supprimant l'abattement de 16 000 francs pour les dividendes lorsque ceux-ci sont perçus par des contribuables imposés au taux marginal. Cette majorité a bien évidemment refusé de réévaluer le barème de l'ISF pour tenir compte de l'inflation, elle a décidé d'accroître les taxes sur l'industrie pétrolière, j'en passe et des meilleures.

A force de montrer du doigt ceux qui réussissent, ceux-ci choisissent d'aller sous d'autres cieux pour mettre en valeur leurs talents au détriment de toute la collectivité, l'Etat y compris, lequel perd ainsi de nombreuses recettes fiscales.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est Coblence !

M. Gilbert Gantier.

Le plan fiscal du Gouvernement n'est donc pas un plan : c'est un saupoudrage sans ligne directrice. Aucune réforme fiscale n'a été engagée les trois dernières années. Le Gouvernement a simplement opéré des transferts d'une collectivité publique à une autre, relevé beaucoup d'impôts et, plus rarement, abaissé certains.

Dans ces conditions, il est inutile de démontrer davantage que ce budget pour 2001 est un budget que les gens raisonnables ne peuvent pas voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Pierre Brard.

Les archiduchesses ont raison de voter pour M. Gantier !

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite bien entendu, contrairement à notre collègue Gilbert Gantier, me féliciter de la poursuite, dans le projet de loi de finances pour 2001, de la mise en oeuvre des trois grands engagements pris depuis 1997 par le Premier ministre et la majorité plurielle en matière de finances publiques...

M. Michel Bouvard.

C'est ça ! Tout va bien, madame la marquise !

Mme Béatrice Marre.

Je veux parler, premièrement, du financement de nos priorités dans le respect de la maîtrise des dépenses publiques ; deuxièmement, de l'allégement des charges, qu'il s'agisse de celles pesant sur les citoyens ou de celles pesant sur les entreprises, et donc de la diminution des impôts ; troisièmement, de la réduction du déficit budgétaire ; le tout grâce au soutien de la croissance, condition première - chacun le sait - de la lutte pour l'emploi.

On ne répétera jamais assez que notre souci n'est pas de favoriser la croissance pour la beauté des courbes, ni même pour la comparaison internationale. Notre volonté est d'améliorer la situation de tous nos concitoyens, ce qui exige à la fois une croissance forte et une politique de répartition des fruits de cette croissance dans le sens de la justice sociale.

C'est ce que nous faisons depuis 1997 et, une nouvelle fois, à travers le projet de loi de finances pour 2001 avec, en premier lieu, une maîtrise de la dépense publique,


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monsieur Gantier, qui, n'augmentant que de 0,3 % en volume, permet de financer nos quatre secteurs prioritaires que sont l'éducation, la justice, la sécurité et l'environnement, lesquels verront la création de onze mille emplois.

J'aimerais que vous nous disiez, monsieur Gantier, où il faudrait supprimer des emplois : parmi les gardiens de prison, les enseignants, les infirmières ?

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est facile !

M. Jean-Pierre Brard.

M. Gantier l'a dit : il préconise de supprimer les postes d'enseignant !

Mme Béatrice Marre.

Nous prévoyons, en deuxième lieu, un allégement des impôts de près de 50 milliards de francs, ce dont les contribuables, eux, se rendront compte : baisse de l'impôt sur le revenu, mais aussi de l'impôt sur les sociétés, avec un effort particulier pour les plus petites entreprises, suppression de la vignette automobile pour les particuliers et - le ministre l'a accepté pour les entrepreneurs individuels, artisans, commerçants et agriculteurs. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Nous prévoyons également un allégement de la fiscalité pétrolière, sans oublier la diminution des charges liée à la réforme de la CSG.

Nous poursuivons, en troisième lieu, la réduction du déficit budgétaire. Pour la première fois depuis des décennies, monsieur Gantier, le déficit budgétaire passera sous la barre des 200 milliards de francs. Cela mérite d'être souligné.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2001 est un bon projet. Nous le soutenons et nous le voterons.

Je concentrerai mon propos sur l'un de ces trois engagements : l'allégement des charges. Je parlerai d'abord du secteur agricole, c'est-à-dire de l'article 11 de projet de loi de finances. Ensuite, en formulant quelques souhaits, j'en viendrai à la question plus générale des entreprises individuelles, qu'elles soient agricoles, artisanales, industrielles, commerciales ou non commerciales.

Pour ce qui est de l'agriculture, à l'automne dernier, Lionel Jospin, Premier ministre, nous avait fait l'honneur, et à moi-même, à Jérôme Cahuzac de nous confier le soin de proposer des mesures d'adaptation de la fiscalité et du mode de calcul des cotisations sociales agricoles, dans le cadre d'un rapport, que nous lui avons remis en avril dernier. Cela faisait suite, du reste, au souhait formulé par notre assemblée lors du vote de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 en son article 141.

L'article 11 du projet de loi de finances, et je remercie le Gouvernement d'avoir, là aussi, tenu ses engagements,...

M. Michel Bouvard.

Si peu !

Mme Béatrice Marre.

... prévoit des dispositions qui répondent à une triple volonté : alléger les charges, favoriser l'installation des jeunes et la pluri-activité, simplifier les règles fiscales.

Ces mesures sont donc positives, même si elle ne couvrent pas - mais le pourraient-elles ? - l'ensemble des attentes de la profession. Je proposerai donc de les adopter.

Je souhaiterais toutefois donner quelques compléments d'information et formuler quelques regrets.

Les compléments d'information d'abord.

Au regard, d'abord, de la politique d'installation des jeunes, des propositions de révision des critère d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs avaient été avancées. Cette dotation, chacun le sait, relève du code rural et non du code général des impôts. Nous ne pouvons donc pas en traiter aujourd'hui. Je rappellerai toutefois que, si le nombre annuel des installations agricoles est malheureusement tout à fait insuffisant, le chiffre le plus souvent cité, c'est-à-dire celui des installations aidées - un peu moins de 8 000 par an, malheureusement -, ne rend pas totalement compte de la réalité puisqu'un nombre à peu près équivalent d'installations se font chaque année sans aides de l'Etat pour toute une série de raisons qu'il serait trop long d'analyser ici.

Afin de tenter de combler en partie les situations d'inégalité ainsi engendrées, je proposerai, à la faveur d'un amendement cosigné par plusieurs de mes collègues, d'étendre l'avantage fiscal accordé à juste titre aux jeunes agriculteurs dans le cadre de l'article 73 B du code général des impôts, à ceux des jeunes agriculteurs qui s'installent sans les aides visées dans cet article dès lors qu'ils seraient signataires d'un CTE, un contrat territorial d'exploitation.

M. Gérard Fuchs.

Très bien !

Mme Béatrice Marre.

Le CTE constitue, je le rappelle, l'un des axes centraux de notre politique agricole et cette mesure serait un encouragement supplémentaire à sa mise en oeuvre.

Dans le même esprit, il serait souhaitable d'étendre à ces mêmes jeunes d'autres allégements, notamment dans le cas de l'achat d'un immeuble rural situé dans un territoire rural de développement prioritaire.

Au regard, ensuite, de la simplification et du rapprochement de la fiscalité agricole avec celle des entreprises industrielles et commerciales, le problème de la date de clôture des exercices se pose. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des articles.

J'en viens à mes quelques regrets.

Il est une question qui n'est pas abordée dans le projet de loi de finances : le régime de la TVA agricole. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous connaissez bien la question, et je sais aussi que cette TVA coûte très cher...

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ça oui !

Mme Béatrice Marre.

... puisqu'on l'évalue à 5 milliards de francs. Je comprends donc qu'il n'en soit pas question dans le projet de loi, mais il faudra bien un jour l'aborder.

J'en viens au problème plus général de la fiscalité de l'entreprise individuelle.

Plusieurs secteurs de notre économie - c'est le cas de l'agriculture, mais c'est aussi celui de l'artisanat et d'une grande partie du commerce, par exemple - ont hérité de l'histoire une organisation prédominante de leur activité dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler l'« entreprise individuelle ». En termes fiscaux, cela signifie qu'ils relèvent du régime de l'impôt sur le revenu. Sont donc confondus pour eux des éléments qui sont, pour les salariés, lesquels constituent l'immense majorité des contribuables, traités distinctement, à savoir les revenus de leur travail et ceux du capital nécessaire à leur activité. Il en va de même pour ce qui concerne les prélèvements sociaux.

Cette situation de confusion entre la personne privée et l'acteur économique engendre des difficultés de tous ordres : inégalités de traitement fiscal au regard de l'impôt, mais aussi extrême complexité de l'usage de l'outil fiscal en termes d'incitation économique.


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Dans le rapport auquel j'ai fait allusion, une réflexion avait été lancée et à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais recueillir votre agrément.

De quoi s'agit-il ? La législation fiscale française s'appuie sur le droit positif - lui-même issu des principes généraux du droit et du code civil -, dont la notion centrale dans le domaine qui nous intéresse est celle du patrimoine attaché à un individu. L'individu est par nature titulaire d'un patrimoine, qui peut d'ailleurs être négatif, et il en dispose en droit dans le cadre de la personnalité physique, quel que soit l'usage qu'il veut en faire.

Au fil du temps et du développement de l'activité humaine, il est devenu nécessaire de reconnaître juridiquement la possibilité d'une mise en commun des moyens pour réaliser une activité. Ainsi est apparu le statut juridique de la « personnalité morale » et s'est développé le droit des sociétés, comme celui des associations et des collectivités.

M. Michel Bouvard.

Mme Marre nous donne un cours de droit !

Mme Béatrice Marre.

Mais, ce faisant, a été transféré au niveau collectif ce qui n'était pas résolu sur le plan individuel, c'est-à-dire l'agrégation dans un même patrimoine de moyens éventuellement destinés à des activités différentes et relevant, de ce fait, de régimes fiscaux différents.

La piste de recherche proposée consiste donc à isoler les moyens affectés à une activité donnée, dans le cadre d'un « patrimoine d'affectation ». Cette solution a d'ailleurs déjà été retenue dans le cadre d'un certain nombre de dispositions fiscales.

La traduction juridique en serait la mise en place d'une troisième catégorie, aux côtés de la personnalité physique et de la personnalité morale, qui pourrait être la « personnalité d'activité », que cette activité soit purement économique ou culturelle, sportive, associative, etc.

Mais, sans attendre cette création qui, si elle se révélait pertinente, entraînerait une longue concertation et des révisions importantes de notre droit positif, la prise en compte fiscale du patrimoine d'affectation, que rien n'interdit juridiquement, permettrait, en premier lieu, de traiter toutes les personnes privées, quel que soit leur statut, de la même manière fiscalement et socialement, en distinguant les revenus du travail de ceux du capital. Cela permettrait aussi de mieux traduire la vocation redistributive de l'impôt, en particulier au regard des plus faibles revenus, et de régler une grande partie des problèmes fiscaux inextricables liés à la pluri-activité.

En deuxième lieu, cette création permettrait de traiter fiscalement, avec la même pertinence économique, toutes les activités, dès lors que le patrimoine d'affectation en identifierait clairement les effets, en particulier pour ce qui concerne le financement des investissements - je pense bien évidemment à la question du foncier agricole.

Enfin, elle permettrait de faire disparaître bon nombre d'imbroglios juridiques, telle l'extraordinaire société unipersonnelle, qui présente une contradiction dans les termes.

L'approfondissement de cette réflexion prendra du temps, mais elle me semble s'inscrire dans le droit fil de nos préoccupations actuelles : la recherche d'un allégement des charges fiscales et sociales pour favoriser la croissance, et donc l'emploi, ainsi que la justice sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Jean-Pierre Brard.

On va maintenant parler de la TVA sur le bois de chauffage ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Nous en parlerons, mais dans la discussion des articles, mon cher collègue ! Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, il y a une semaine, en examinant la loi de règlement du budget de 1999, nous dressions quatre constats : en termes de déficit budgétaire et de capacité de financement des administrations publiques, notre pays se classe plus mal que la moyenne de la zone euro et que celle de l'Europe des Quinze ; les prélèvements obligatoires y atteignent un niveau record ; les budgets d'investissement civil y connaissent une faiblesse chronique et les dépenses de fonctionnement y augmentent rapidement.

Le budget dont nous commençons l'examen permettrat-il d'inverser ces tendances lourdes et de répondre aux attentes de nos concitoyens ? Il ne suffit pas d'affirmer, comme le fait le rapporteur général dans un titre de son rapport, que le projet de loi

« assure la poursuite du redressement des finances publiques » et « permet d'alléger substantiellement les impôts tout en finançant les dépenses prioritaires ».

Encore faut-il vérifier si les dispositions retenues permettent d'atteindre ces objectifs louables, derrière lesquels aucun élu de cette assemblée n'hésiterait à se ranger.

S'agissant du déficit, la promesse d'une baisse supplémentaire ne sera pas réalisée puisque ce déficit demeurera supérieur à 180 milliards de francs pour ce qui concerne le seul budget de l'Etat. Cela ne manquera pas de contribuer, monsieur le secrétaire d'Etat, à la création de ce que Laurent Fabius qualifiait cet après-midi à juste titre d'« impôts différés ». Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle s'accompagne d'une remontée des taux d'intérêt, encouragée par la faiblesse chronique de l'euro. La Banque centrale européenne a relevé ses taux de base de 2,25 points depuis novembre 1999. La conséquence immédiate en est le redémarrage à la hausse de la charge annuelle de la dette, le stock de la dette publique s'étant accru de 800 milliards de francs depuis le début de la présente législature.

C'est paradoxalement cette période que vous choisissez pour vous inscrire en rupture avec la politique de gel des emplois dans la fonction publique suivie jusque-là.

C'est l'embauche de 11 337 nouveaux fonctionnaires, conjuguée à l'intégration de 9 483 emplois supplémentaires, si l'on comptabilise les résorptions des emplois précaires et les emplois sur crédit permanent. Si l'objectif de résorption de l'emploi précaire est louable, car l'Etat ne peut dénoncer le travail précaire dans les entreprises sans donner lui-même l'exemple, était-il compatible avec un niveau record d'embauches nouvelles, qui accroîtra d'autant les dépenses de l'Etat et alimentera les déficits futurs ? Certes, j'entends d'ici les observations de nos collègues de la majorité ou du Gouvernement : voulez-vous moins de policiers, moins de magistrats, moins d'infirmières, moins de ceci, moins de cela ?

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle perspicacité !

M. Michel Bouvard.

Vous me permettrez de persister à croire que des capacités de redéploiement existent.

M. Jean-Jacques Jégou.

Heureusement !

Mme Béatrice Marre et M. Gérard Bapt.

Où ?

M. Michel Bouvard.

Je vais y venir.


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Je persiste également à croire que le départ à la retraite de fonctionnaires de plus en plus nombreux - 50 % dans les dix ans à venir - pourrait être l'occasion de faciliter ces redéploiements budgétaires.

Puisque vous demandez des exemples, je n'en citerai qu'un seul pour illustrer mon propos, celui des postes du ministère des finances, et notamment du service de la redevance télévisuelle, qui représente 1 433 emplois budgétaires.

M. Jean-Pierre Brard.

Il faut les affecter à la lutte contre la fraude !

M. Michel Bouvard.

Si l'on avait été jusqu'au bout de la logique du travail accompli par notre commission des finances et par la mission d'évaluation et de contrôle, en supprimant une redevance dont le coût de collecte représente au dire même du rapporteur général 900 millions de francs au lieu des 480 millions avoués par l'administration des finances, on aurait pu dégager des moyens qui auraient pu, sans accroissement de postes et de dépenses, être affectés à d'autres services de l'Etat.

J'en viens aux prélèvements obligatoires supplémentaires car il s'agit bien de prélèvements obligatoires supp lémentaires. Je donne volontiers acte au nouveau ministre des finances de sa volonté de faire baisser ces derniers, même s'il est le troisième ministre des finances de la législature à prendre cet engagement devant nous, alors que ces prélèvements ont atteint un niveau record en s'établissant à 45,6 % en 1999. Une baisse de 0,2 % avait été promise pour l'année 1999 - sans doute un début de sagesse, puisque, pour l'année 1998, une baisse de 0,5 % avait été antérieurement promise.

Depuis 1997, l'état et les organismes sociaux ont encaissé 470 milliards de recettes brutes supplémentaires, soit près de la moitié de la richesse créée depuis lors.

Certes, des baisses d'impôts sont annoncées pour les trois années à venir et l'on ne peut que se réjouir de cette volonté de ce que j'appellerai plutôt une moindre hausse des prélèvements puisque la vérification de la baisse n'a pas été faite à ce jour.

Les Français ne s'illusionnent d'ailleurs pas, monsieur le secrétaire d'Etat, sur ces baisses annoncées, puisque 90 % ne croient pas qu'il en découlera une hausse significative de leur pouvoir d'achat. Selon un sondage de la SOFRES des 1er et 2 septembre de cette année, 56 % auraient préféré d'autres choix du Gouvernement en matière de baisses d'impôts.

A ce sujet, il convient de s'interroger sur les changements de stratégie du Gouvernement et de la majorité en matière de fiscalité. Lors de la campagne pour les élections législatives, vous preniez l'engagement d'une baisse générale de la TVA pour la ramener à 18,6 %, souhaitant effacer la hausse effectuée par le Gouvernement Juppé dans un contexte économique difficile pour assurer la qualification de la France pour l'euro. Vous critiquiez alors la baisse du barème de l'impôt sur le revenu votée par la majorité sortante, que vous avez annulée.

Aujourd'hui, vous vous ralliez enfin à un effort sur l'impôt sur le revenu, ce dont on pourrait se réjouir si, entre-temps, la charge de cet impôt ne s'était encore accrue par une actualisation du barème inférieur à l'inflation depuis plusieurs années et par la réforme du quotient familial aboutissant à un prélèvement de 4 milliards de francs supplémentaires sur les familles, que les mesures proposées dans la loi de finances pour 2001 ne corrigent d'ailleurs qu'à la marge. Nous proposerons des amendements tendant à mettre fin à cette distorsion qui s'opère au détriment des familles.

S'agissant de la TVA, vous avez d'abord prôné des baisses ciblées. C'était une initiative intéressante, que nous avons soutenue à travers nos votes, notamment lorsqu'il a fallu se prononcer sur des résolutions rédigées en vue de négociations avec la Commission européenne. Par la suite, vous avez préféré vous engager dans une baisse de 1 % du taux ordinaire, très imparfaitement répercutée sur les consommateurs - le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque a bien voulu en convenir -, et, cette année, il semble que vous abandonniez définitivement une politique de baisses ciblées. Vous oubliez ainsi de corriger un certain nombre d'iniquités ou de distorsions de concurrence, par exemple dans le secteur de la restauration. Celles-ci sont préjudiciables à l'emploi et à la compétitivité de la France sur le marché touristique européen et elles ont déjà donné lieu à un abondant contentieux juridique qui ne peut que s'enliser.

Sur ce point aussi, nous proposerons des mesures allant plus loin, considérant que des allégements d'impôts représentant à peine 1 % des sommes prélevées sur les Français au titre du budget de l'Etat et de celui de la sécurité sociale sont insuffisants.

Il était question, j'y reviens, de la suppression de la redevance télé, que tout justifiait : le coût de recouvrement, l'importance de la fraude, le caractère injuste de cette taxe, puisqu'elle frappe lourdement les plus bas revenus, ceux justement pour qui la télévision est le seul loisir, notamment les personnes âgées. Réforme oubliée et apparition surprise d'une nouvelle proposition : la suppression de la vignette, dont il n'avait été question à aucun moment, ni devant la commission des finances ni lors du débat d'orientation budgétaire.

La suppression de la vignette est offerte comme un ersatz de réforme fiscale pour calmer le mécontentement des automobilistes devant la flambée des prix du pétrole.

Au bout du compte, on remplace une mesure juste et efficace, la suppression de la redevance télé, par une mesure injuste. Injuste parce qu'elle accorde un avantage record aux propriétaires des véhicules les plus chers par rapport à ceux des véhicules les moins chers.

M. Marc Dumoulin.

Tout à fait !

M. Michel Bouvard.

... le prix de la vignette va de un à cent, dans le département dont je suis l'élu.

M. Jean-Pierre Brard.

M. Bouvard fait preuve d'esprit de classe !

M. Michel Bouvard.

Injuste parce qu'elle oublie les artisans, même si, à l'initiative de la commission des finances, ce problème sera partiellement réglé. Injuste parce qu'elle prive les collectivités locales d'une recette et aggrave ainsi leur degré de dépendance fiscale vis-à-vis de l'Etat.

M. Marc Dumoulin.

Absolument ! C'est le retour des jacobins !

M. Michel Bouvard.

Où est la logique également lorsqu'on allège l'impôt sur les sociétés dans la loi de finances pour créer parallèlement, dans la loi de financement de la sécurité sociale, une nouvelle TGAP, assise sur la consommation énergétique, dont la structure risque de déstabiliser des secteurs entiers de production industrielle ? Je pense notamment, monsieur le rapporteur général, aux secteurs fortement consommateurs d'énergie installés dans les régions de montagne pour des raisons historiques bien connues.

M. Philippe Auberger.

Comme l'aluminium de Pechiney ! La vallée de la Maurienne doit pouvoir vivre !


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M. Michel Bouvard.

L'aluminium, la chimie, les aciers spéciaux.

Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, nous cherchons quelle est la cohérence de la politique fiscale de la majorité depuis trois ans. C'est sans doute le résultat de l'attelage composite de celle-ci : une partie d'élus réalistes tirant les enseignements de la concurrence européenne et mondiale, une partie de jusqu'au-boutistes fiscalistes, une partie d'élus responsables, conscients de la nécessité de préserver notre potentiel industriel, et une partie d'intégristes verts.

M. Philippe Auberger.

Où sont passés les intégristes verts ?

M. Michel Bouvard.

Mais, certes, votre tâche n'est pas facile, nous voulons bien le reconnaître.

J'en viens enfin à ce qui demeure pour moi le plus préoccupant : l'affaiblissement des budgets d'investissement du pays. Ceux-ci ne figurent-ils pas comme des dépenses prioritaires en période de croissance, pour reprendre votre rapport ? Ceux-ci ne constituent-ils pas le moyen d'assurer une croissance durable en dotant notre pays des équipements structurants dont il a besoin ? Ceux-ci ne constituent-ils pas un atout pour les générations futures, à qui nous ne pouvons laisser que des dettes ? Monsieur le secrétaire d'Etat, ma préoccupation est grande lorsque je constate que les dépenses civiles en capital, qui n'étaient que de 99,5 milliards de francs dans la loi de règlement pour 1999, un niveau équivalent à celui de 1997, vont encore diminuer dans le projet de loi de finances pour 2001, pour s'établir à moins de 80 milliards de francs.

M. Philippe Auberger.

Hélas !

M. Michel Bouvard.

Sans aller jusqu'à la lecture budget par budget des titres V et VI, que le temps ne me permet pas, je relève que la diminution globale de 10 %, à structure constante, des crédits du budget de l'aménagement du territoire, la stagnation, c'est-à-dire la diminution en francs constants, des crédits du budget de l'équipement, des transports et du logement, constituent de graves menaces pour l'avenir. C'est ainsi que le budget de l'investissement routier sera encore en retrait en 2001, malgré la réintégration du FITTVN, avec d'ailleurs une clarté budgétaire qui laisse à désirer, ce que le rapporteur général lui-même a souligné. C'est ainsi que le plan décennal annoncé par le ministre de l'équipement, des transports et du logement pour la SNCF ne sera pas exécuté. C'est ainsi qu'un certain nombre d'investissements dans les transports urbains ne pourront pas être réalisés dans les délais nécessaires - nous y reviendrons lors de la discussion du budget des transports. C'est ainsi également - et j'insiste sur ce point compte tenu de ce que j'ai malheureusement vécu ce week-end dans ma circonscription - que les crédits affecté à la restauration des terrains de montagne sont divisés par cinq dans le contrat de plan qui s'ouvre par rapport à ce qu'ils étaient dans le contrat de plan précédent.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Dans votre région !

M. Michel Bouvard.

Il en va pourtant de la protection des populations.

Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes inquiets quant au devenir des budgets d'investissement de ce pays, nous sommes inquiets parce que la hausse progressive, régulière des dépenses de fonctionnement non maîtrisées accroît la dette mais aussi le déficit des budgets d'investissement, que nous paierons dans l'avenir. C'est pourquoi le groupe RPR ne peut s'associer au projet de loi de finances pour 2001.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

M. Fabius, cet après-midi, justifiait chaque mesure de ce projet de budget en disant :

« Cela crée de l'emploi ». L'emploi, a-t-il dit, est le fil rouge de ce projet de budget. Quand ceux qui nous ont envoyés ici, nous exprimant ainsi leur confiance, nous demanderont légitimement de rendre des comptes, c'est effectivement là-dessus que nous serons jugés, monsieur le secrétaire d'Etat.

Il convient aujourd'hui de se poser la question suivante : comment mobiliser l'ensemble des forces et des moyens pour accentuer la lutte contre le chômage ? Tel doit être le premier enjeu de cette loi de finances.

Alors que la croissance connaît un certain ralentissement, que l'optimisme des ménages semble s'effriter, que la Banque centrale européenne s'obstine à mener une politique monétaire récessionnsite, fort bien décrite par notre rapporteur général, le budget de l'Etat doit être un outil de politique économique et de l'emploi.

Depuis trois ans, le Gouvernement a opté pour une politique inscrite dans la logique du pacte de stabilité, contraignant les dépenses, parfois sans doute au détriment d'une croissance plus riche en emplois.

Les baisses d'impôts ont été importantes, que ce soit au bénéfice des particuliers ou des entreprises. Qu'il s'agisse de la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien ou de la baisse d'un point du taux normal, l'an passé, de la suppression du droit de bail en deux ans, de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ou de la baisse des taux des plus basses tranches de l'impôt sur le revenu, nous les avons soutenues, approuvées, parce qu'elles nous semblaient pouvoir encourager la consommation et donc la croissance.

Nous pensons d'ailleurs qu'il faut aller au-delà et prévoir des mécanismes de dégrèvement, y compris pour la taxe foncière, notamment en direction des personnes âgées isolées, afin de leur permettre de continuer à résider à la maison, même lorsque les accidents de la vie - le décès du conjoint, par exemple - peuvent entraîner une forte diminution des revenus.

A l'inverse, il faut accentuer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Le ton vient de changer à l'égard de Monaco ; c'est l'un des aspects de cette lutte.

M. Gérard Bapt.

Monaco commence à perdre au football. C'est un signe !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais d'autres aménagements restent à effectuer, qu'il s'agisse de la pleine prise en considération de la fraude à la TVA intracommunautaire, sous-estimée par vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'introduction des oeuvres d'art dans la base de l'ISF, question très importante...

M. Jean-Jacques Jégou.

J'y pense !

M. Jean-Pierre Brard.

M. Jégou, qui pense à ses oeuvres d'art, souligne que j'ai raison...

(Sourires.)

... ou qu'il s'agisse encore du moratoire Sarkozy, ce fameux moratoire,...

M. Michel Bouvard.

Qu'est-ce que c'est ?


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M. Jean-Pierre Brard.

Je vais vous le dire, monsieur Bouvard : si vous possédez un navire de plaisance en Méditerranée,...

M. Michel Bouvard.

C'est pour les gros bateaux. Moi, je ne connais que le dériveur !

M. Jean-Pierre Brard.

... grâce à M. Sarkozy, vous êtes dispensé de la TVA sur son avitaillement. Pourquoi ce privilège ? Personne n'en sait rien, mais une chose est sûre : il déroge à nos lois et aux règles de l'Union. Et pourtant, cette anomalie, mise en lumière depuis plusieurs années, n'a pas encore été remise en cause. Cela ne relève pas vraiment de la loi, puisque c'est illégal, mais vous allez certainement nous dire ce que vous comptez faire du moratoire Sarkozy, monsieur le secrétaire d'Etat.

Peut-être le supprimer ?

Mme Nicole Bricq.

Supprimer Sarkozy ? (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Ce Brard est sanguinaire !

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne parle pas de Sarkozy, mais de son moratoire. Pourquoi a-t-il subsisté jusqu'à aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat ? La suppression sans condition de la surtaxe Juppé et la baisse de l'ensemble des taux de l'impôt sur le revenu ne s'inscrivent pas dans la logique qui a prévalu jusqu'à présent. La baisse des impôts n'est plus un outil économique au service d'une politique mais le principe intrinsèque de cette politique. Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que la gauche doit défendre et expliquer l'impôt moins timidement, avec plus de pugnacité ! M. Fabius disait cet après-midi qu'il fallait faire comprendre à nos concitoyens à quoi sert l'impôt. Il faut commencer par là et rappeler que plus on réduit les impôts, moins on a les moyens d'exercer la solidarité qui assoit les valeurs de notre République,...

M. Jean Rigal.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Brard.

... n'en déplaise à certains de nos collègues. Il faut défendre l'impôt.

M. Jean-Jacques Jégou.

Même à Montreuil, il n'ose pas tenir de tels propos !

M. Jean-Pierre Brard.

Nous devons convaincre les contribuables, nos concitoyens, de son utilité. De ce point de vue, les travaux de la Cour des comptes et de la mission d'évaluation et de contrôle nous permettront d'améliorer l'usage de l'impôt et son efficacité au service de tous.

La dépense publique n'est pas néfaste, au contraire, si elle vient satisfaire des besoins de la population qui ne pourraient pas être couverts par le marché ou qui le seraient à des conditions inacceptables pour beaucoup, notamment sur le plan financier. Alors il faut développer la dépense publique. Le maintien des services publics en zone rurale, leur développement dans les quartiers difficiles, le financement d'hôpitaux bien équipés, le développement de l'université, des centres de recherche, la mise en place de formations réellement qualifiantes pour les jeunes en situation d'échec ou les chômeurs de longue durée sont autant de domaines d'intervention où l'Etat ne saurait être absent.

L'exigence qualitative est aussi plus forte. Souvent, cela signifie plus de fonctionnaires, mieux formés, mieux considérés, respectés. Le discours que l'on entend parfoiss ur le nombre pléthorique de fonctionnaires s'accompagne rarement de listes de secteurs dans lesquels les effectifs pourraient être réduits.

M. Michel Bouvard.

Au ministère de l'environnement !

M. Jean-Pierre Brard.

Bien au contraire, ne demandet-on pas toujours plus de magistrats, d'enseignants, de policiers, d'infirmières ? Et j'ai trouvé tout à l'heure que notre collègue Michel Bouvard, dont on connaît pourtant l'engagement au service de ses concitoyens, était un peu schizophrène. Le seul qui a été conséquent, jusqu'à présent, c'est notre collègue Gilbert Gantier,...

M. Laurent Dominati.

Absolument !

M. Jean-Pierre Brard.

... qui se prononce pour la suppression des enseignants. C'est normal puisque, dans le 16e , on ne scolarise pas en priorité à l'école publique mais à Saint-Gilbert ou dans un autre établissement privé.

(Sourires.)

M. Laurent Dominati.

Les enseignants de ces écoles sont aussi payés par l'Etat !

M. Philippe Auberger.

Il y a quand même quelques lycées publics dans le 16e

M. Jean-Pierre Brard.

M. Gantier est cohérent mais ces valeurs ne sont pas exactement celles qui permettent à notre Etat de s'identifier et qui le font rayonner dans le monde. Nous croyons, quant à nous, à d'autres valeurs, qui doivent se traduire dans les priorités budgétaires proposées par le Gouvernement au Parlement.

Les discours démagogiques doivent être combattus...

M. Philippe Auberger.

A qui le dites-vous !

M. Jean-Pierre Brard.

... et nous pouvons nous attacher à défendre l'impôt, si sa charge est équitablement répartie.

M. Michel Bouvard.

S'il est bien utilisé !

M. Jean-Pierre Brard.

L'impôt doit être juste et transparent, et nous en sommes loin.

L'introduction d'une part de progressivité dans la CSG est essentielle : faire peser la charge du financement de la sécurité sociale en fonction des capacités contributives des salariés constituera un progrès. Il faudra toutefois étendre le bénéfice de la mesure jusqu'à 1,5 SMIC au moins, monsieur le secrétaire d'Etat.

Cette mesure devrait permettre d'atténuer le phénomène des trappes à pauvreté en accentuant sensiblement la différence de revenu réel entre les bénéficiaires de minima sociaux et ceux qui gagnent les salaires les plus modestes. Toutefois, l'absence de revalorisation de ces minima en période de croissance va plus encore marquer la rupture entre les bénéficiaires de la croissance, ceux qui ont ou vont retrouver un emploi, et les autres, les exclus.

En effet, malgré l'amélioration progressive de la situation de l'emploi dans le pays, les élus de terrain que nous sommes peuvent constater chaque jour que, dans leur commune, des milliers de personnes - sans doute 1,5 million environ au plan national - restent totalement à l'écart, je dirai même avec l'amertume en plus alors que certains connaissent un sort meilleur. Ces chômeurs, sans travail depuis longtemps, ont vu leurs qualifications devenir obsolètes, parfois leur métier disparaître. Ils sont démolis par le sentiment d'inutilité, la dépression, la maladie. Complètement fragilisés au plan psychologique, ils sont catalogués comme inemployables par M. ErnestAntoine Seillière de Laborde...

M. Charles de Courson.

Le baron ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Il faut lui donner son titre, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Je constate que M. de Courson défend les siens : il tient à ce qu'on ne les ampute de rien, ni de leur particule, ni de leur titre ! (Rires.)


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M. Charles de Courson.

Vous faites du racisme social ! Vous vous déshonorez !

M. Jean-Pierre Brard.

J'en venais donc au MEDEF, qui a tenté d'exploiter cette situation avec le PARE, déjà évoqué aujourd'hui dans cette enceinte.

La gauche, attachée à la justice sociale, à la solidarité nationale, en un mot aux valeurs républicaines, monsieur de Courson, ne peut évidemment pas accepter que perdure cette situation qui fait des ravages chroniques dans nos communes.

Ce constat est commun à toutes les sensibilités de la majorité plurielle. Un groupe de cinq députés, auquel je participe et qui comprend Eric Besson, Marie-Hélène Aubert, Michel Suchod et Chantal Robin-Rodrigo, a réfléchi à un dispositif de retour au travail pour tous ceux qui se trouvent durablement privés de l'accès à l'emploi.

Il faut d'ailleurs souligner que cette démarche d'affirmation et de mise en oeuvre concrète du droit au travail suscite un réel intérêt parmi nombre de nos collègues - nous étions une trentaine, la semaine dernière, issus de tous les groupes de la majorité plurielle - mais aussi au sein des associations de lutte contre l'exclusion, regroupées dans le collectif ALERTE, comme le mentionne le premier bilan associatif de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

Une fraction des excédents de rentrées fiscales que nous connaissons actuellement ainsi qu'une partie des crédits destinés à la formation professionnelle et à l'insertion des RMIstes peuvent être mobilisés pour financer ce projet, qui nous paraît avoir vocation à connaître rapidement une phase expérimentale dans au moins une dizaine de sites. Il faut expérimenter et, à cet effet, sélectionner des lieux en fonction de l'engagement des élus dans le pilotage de ces actions et dans le contrôle de leur efficacité. Dans les villes où les élus seront volontaires, en coopération avec l'ANPE, l'AFPA et tous les partenaires jugés utiles, il faut fédérer les énergies dans un dispositif souple défini avec le Gouvernement.

Dans le cadre de ce que l'on pourrait appeler un

« contrat de retour au travail », tout chômeur volontaire bénéficierait d'un emploi occupé par exemple quatre jours sur cinq, le cinquième étant consacré à la formation, à la recherche d'un autre emploi ou au montage d'un projet professionnel. Il serait rémunéré à hauteur de quatre cinquièmes du SMIC. Il bénéficierait, en outre, d'un conseil et d'un accompagnement personnalisés pouvant revêtir la forme d'un parrainage non seulement par des professionnels, qui restent indispensables, mais aussi par des citoyens qui ont une idée des valeurs devant structurer notre société.

Les personnes morales de droit public et les associations auraient vocation à accueillir ce public sur des emplois socialement utiles.

Parallèlement, la loi créerait une obligation d'insérer pour les entreprises. En fonction de sa taille, l'entreprise se verrait conduite à accueillir en son sein une ou plusieurs personnes dites « prioritaires », choisies parmi des personnes éloignées de l'emploi.

Voilà donc un projet novateur et mobilisateur, porteur d'espoir pour ceux qui en ont le plus besoin, et par là, monsieur le secrétaire d'Etat, facteur de cohésion sociale.

Porteur d'espoir et cohérent avec la politique menée depuis trois ans qui a vu la création des emplois-jeunes, la réduction du temps de travail et la lutte contre les exclusions. Nous devons aller plus loin et ouvrir aux plus démunis les portes de l'emploi. De ce point de vue, la première partie du projet de loi de finances aurait pu être le vecteur de nouveaux dispositifs. Or, à l'exception de la mesure annoncée concernant la CSG qui se trouve dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'outil fiscal n'est que peu mobilisé en faveur de l'emploi.

Nos amendements tendent donc à favoriser l'emploi, à décourager les investissements purement spéculatifs et à privilégier la justice fiscale. Et nous avons bon espoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la discussion s'ouvre dans l'esprit qui nous a été promis cet après-midi, pour qu'à l'image de ce qui se fait depuis trois ans et à la différence de ce qui se passait, lorsque M. Jégou et ses amis subissaient un Premier ministre « droit dans ses bottes », qui ne les voyait même pas quand il regardait devant lui (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) nous puissions, par la défense de nos amendements, donner un contenu plus lisible et plus positif au projet de loi de finances.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je suis très ouvert !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous dites être très ouvert, monsieur le secrétaire d'Etat, mais, adeptes de saint Thomas (Sourires) , nous jugerons aux engagements concrets que vous prendrez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avec la croissance de ces trois dernières années et toutes les belles promesses que vous faites aux Français depuis le début du débat sur les surplus de recettes, nous étions impatients de découvrir ce projet de loi de finances pour 2001 dont on pouvait attendre quelques satisfactions pour le contribuable. La croissance étant toujours l'occasion de pratiquer des réformes de structures, les 120 milliards de baisses d'impôts pouvaient être une bonne entrée en matière.

Malheureusement, tous nos espoirs ont été déçus.

Est-ce par manque d'idées ? Certainement pas. Par manque de courage ? Probablement. Ne serait-ce pas tout simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, calendrier oblige, par nécessité de ne toucher à rien ? Je vous laisse choisir la réponse, mesdames et messieurs de la majorité plurielle ! Aussi ce projet de loi de finances pour 2001 ne constitue-t-il certainement pas un projet pour la France et les Français. C'est uniquement le « plus petit commun dénominateur » de la gauche plurielle. Et cette hypothèse se v oit confirmée par l'attitude des commissaires aux finances de la majorité plurielle qui, la semaine dernière, en deux temps trois mouvements, ont mis la barre « à gauche toute » !

M. Jean-Pierre Brard.

On est là pour ça !

M. Augustin Bonrepaux.

Nous sommes à gauche !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne reviendrai pas sur les oeuvres d'art de M. Brard, qui sera certainement désavoué, comme d'habitude, en deuxième lecture et pour la troisième année consécutive.

M. Jean-Pierre Brard.

Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !

M. Jean-Jacques Jégou.

D'ailleurs, monsieur Brard, il n'y a pas eu de débat. La raison en est simple et vous en êtes un des principaux artisans : comme nous nous en sommes rapidement rendu compte, tout est négocié entre les composantes de la majorité...


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M. Jean-Pierre Brard.

Pas tout !

M. Jean-Jacques Jégou.

... tout au moins celles qui pèsent, monsieur le président, et vous me pardonnerez, car les Verts ne semblent plus faire partie des négociations. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un constat s'impose : plus de débat en commission, pas de débat en séance publique ni, d'après certains hiérarques, au sein du parti socialiste. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Philippe Auberger.

Tout se passe en catimini !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'y a plus que les marchandages, au sein de votre majorité, qui ont droit de cité. La démocratie est mise à mal et le débat finira par se faire ailleurs.

On voit déjà poindre des revendications catégorielles, qui prouvent l'insatisfaction d'un grand nombre de Français. Au sein de la majorité plurielle, votre rôle risque de s'apparenter, monsieur le secrétaire d'Etat, à celui du dompteur de fauves qui se méfie des réactions imprévisibles. Quant aux Verts qui ne s'occupent plus de l'environnement depuis qu'ils font de la politique, vous ne savez plus qu'en faire.

Croyez-vous vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, que les problèmes de la gauche plurielle intéressent les Français ? Non ! Ce qui les intéresse, ce sont les réformes que vous pourriez leur proposer et qu'ils ne voient pas venir. A l'heure qu'il est, vous enregistrez les bonnes rentrées fiscales et vous brûlez joyeusement cette manne en dépenses inutiles et en promesses qui hypothèquent l'avenir.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Oh !

M. Jean-Jacques Jégou.

Or il est de votre responsabilité d'engager les réformes que notre pays attend.

Où en sont ces réformes ? Tout à l'heure M. le ministre Fabius, dans un élan de sincérité, en début d'après-midi, nous a bien dit qu'il n'y en avait pas. Mes chers collègues, vous l'avez entendu.

M. Michel Bouvard.

Quelle lucidité !

M. Jean-Jacques Jégou.

Où en sont donc ces réformes ? Nous n'en trouvons aucune dans ce projet de loi de finances et mon propos est conforté par celui qu'a tenu M. le ministre Fabius. Vous slalomez allègrement à travers les problèmes en évitant soigneusement les portes des réformes structurelles porteuses d'avenir.

Vous donnez un peu par-ci, un peu par-là, sans oublier de reprendre du côté des entreprises tout ce que vous pouvez. Lorsque nous examinerons les articles 6, 7, 8 et 9, il apparaîtra que par un intéressant jeu de bonneteau, vous donnez d'un côté et reprenez de l'autre. En fin de compte, vous reprenez 350 millions, c'est-à-dire que les entreprises ne bénéficient d'aucun allégement.

Avant tout, ce projet de loi de finances pour 2001 fragilise la croissance qui n'en a pas besoin - et expose dangereusement les finances de l'Etat en cas de retournement de conjoncture.

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est faux !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il ne s'agit pas, ici, de jouer les Cassandre, monsieur Balligand !

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est pourtant ce que vous êtes en train de faire !

M. Jean-Jacques Jégou.

Cependant, certains facteurs extérieurs connus entraînent des réactions mécaniques.

Par exemple, on sait que l'euro ne remontera pas tant que la croissance sera plus forte aux Etats-Unis et que le taux de chômage américain sera inférieur au nôtre, car les investisseurs continueront de préférer les Etats-Unis à l'Europe. Même les entreprises françaises, hélas ! investissent plutôt aux Etats-Unis.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Mais non !

M. Jean-Jacques Jégou.

Hélas, si ! Il en est de même du prix du pétrole brut qui, à court terme, freinera notre croissance.

Toutes vos estimations, fondées, entre autres, sur l'euro à 0,95 dollar et le prix du pétrole à 25 dollars, ne tiennent pas compte de ces faiblesses potentielles.

Les Français, d'ailleurs, ne s'y trompent pas, car d'après les dernières enquêtes, leur moral fléchit et le taux d'épargne de précaution remonte.

L'Europe, également, est oubliée. Ce budget est « euroincompatible » pour exactement les mêmes raisons que l'année dernière : aucun effort n'est fait sur la maîtrise des dépenses publiques ainsi que sur le déficit, malgré vos promesses du printemps et vos engagements à Bruxelles avec le programme triennal.

Malgré les manipulations, on voit bien que vous ne respectez plus vos engagements. Concernant les dépenses, vous persistez à afficher, pour la troisième année consécutive, des dépenses en très faible augmentation ; or chaque annnée c'est la même chose : la Cour des comptes vous inflige un cinglant démenti au moment de la loi de règlement, où l'on constate des hausses bien plus importantes. En 2001, d'après nos calculs, il n'y aura pas 1,5 % en volume, mais 4,3 % d'augmentation des dépenses. Là encore, nous sommes loin, très loin des engagements européens. C'est pourquoi vous vous trouvez dans l'impossibilité de baisser le déficit.

On sait déjà que pour 2000 celui-ci pourrait être bien inférieur à ce que vous avez prévu en loi de finances initiale ; et il en sera de même pour 2001. Mais aujourd'hui, compte tenu du niveau sans cesse grandissant des dépenses de fonctionnement, vous êtes à la merci d'unr etournement de conjoncture et ce déficit pourrait remonter au premier grain.

Je l'ai dit, ce budget est euro-incompatible. Vous ne respectez pas vos engagements européens en matière de gestion des finances publiques. C'est un comble, au moment où la France préside l'Union ! L'analyse contredit totalement vos affirmations, monsieur le secrétaire d'Etat. « Alléger l'impôt avec justice et efficacité », c'est le slogan principal que vous avez choisi pour mettre en avant votre politique fiscale, dans le document de presse. Or nous ne pouvons vous suivre sur ce terrain là, surtout lorsqu'on aborde l'impôt sur le revenu.

En premier lieu, une baisse d'impôt malgré ce qu'a dit monsieur le ministre cet après-midi, n'est pas une réforme de l'impôt. Vous baissez les taux de toutes les tranches, mais nous l'avions déjà fait en 1996 ...

M. Michel Bouvard.

Effectivement, c'est bien de le rappeler !

M. Augustin Bonrepaux.

Oui, mais vous ne l'auriez pas fait de la même façon !

M. Jean-Jacques Jégou.

... et votre gouvernement avait tenu à l'abroger au plus vite.

Peut-on parler de justice sociale, lorsque, par exemple, vous refusez de prendre en compte le point de vue de ceux qui vivent seuls, les célibataires qui travaillent, font


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face à des charges lourdes, d'impôts surtout ? Pourquoi ne pas faire un geste en permettant à ces contribuables de ne pas payer plus d'impôt que les autres ? S'intéresser au sort de 8 millions de nos concitoyens me paraît bien être du ressort de la justice sociale. D'autant que l'amendement minimal proposé en commission des finances coûterait moins de 2 milliards de francs. Ce n'est rien comparé aux 31 milliards que vous avez brûlés pour baisser d'un point la TVA, sans qu'aucun Français ne s'en aperçoive...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Quand vous avez augmenté la TVA de deux points, les Français s'en sont rendu compte !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il en est de même pour les concubins qui ont au moins un enfant à charge. Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, il existe bien des couples qui ne veulent ni se marier, ni se pacser. Comme pour les célibataires, vous refusez de les reconnaître et de les prendre en compte. Là encore, c'est de la discrimination sociale et de l'injustice fiscale !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Nous défendons les familles !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous dites tout faire pour encourager l'emploi. Vous auriez dû préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit de l'emploi dans la fonction publique ! 11 000 postes dans la fonction publique...

M. Georges Tron.

Non, 20 000 !

M. Jean-Jacques Jégou.

... que vous gagez sur le paiement des impôts des salariés du secteur privé et des entreprises, qui n'ont pas besoin de cela, matraqués qu'ils sont depuis trois ans déjà ! Ce n'est pas par de telles mesures que vous améliorerez l'emploi dans ce pays.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous connaissez les propositions que Pierre Méhaignerie et moi-même faisons depuis longtemps concernant la baisse des charges sociales salariales pour inciter au retour à l'emploi en améliorant le salaire direct des salariés peu qualifiés.

M. Jean-Pierre Brard.

Qui paie les retraités ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Il faut renforcer notre tissu économique, ce qui aiderait vraiment à créer de nouveaux emplois.

Ce sont les PME qui créent des emplois et non pas l'Etat. Ce sont donc pour elles qu'il faut éventuellement créer des dépenses fiscales plutôt que de créer des dépenses pérennes pour l'Etat. L'exemple type est celui des business angels que l'on refuse de mettre en place dans ce pays. Imaginez quelqu'un qui a réussi sa vie professionnelle et qui, sans avoir fait pour autant fortune, s'est constitué une épargne conséquente ; il peut avoir envie de favoriser le développement d'entreprises. Mais si vous ne lui accordez pas de facilités fiscales, il ne fera pas d'efforts en ce sens. Apparemment, qu'un homme pourrait s'enrichir tout en enrichissant le pays ne vous convient pas.

Elle me paraît pourtant la plus efficace.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est Guizot qui parle !

M. Jean-Jacques Jégou.

En fait, dans cette loi de finances, tout ce qui est donné aux entreprises d'un côté est repris de l'autre. C'est un jeu de bonneteau qui se fait à somme nulle. La conséquence aussi sera nulle pour notre tissu économique et l'emploi en France.

Le pire, dans cette loi de finances qui contient, somme toute, assez peu de choses, est le cas de la vignette. Permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en termes de justice sociale, vous avez déjà fait mieux.

En termes de simplification également. Or, toujours dans votre document de présentation de ce projet de loi de finances, vous parlez de « simplifier l'impôt ». Je me permettrai de faire trois remarques concernant la vignette.

En premier lieu, les Français ont parfaitement compris que c'était une mesure électoraliste.

M. Philippe Douste-Blazy.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Pour vous, baisser l'impôt est une mesure électoraliste ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Elle ne se justifie ni en termes de justice, ni en termes de simplification. Les Français savent bien que, pour la plupart, cela ne leur rapportera rien, à peine, vous l'avez reconnu, un plein d'essence.

M. Jean-Louis Idiart.

12 milliards !

M. Jean-Jacques Jégou.

En second lieu, cette mesure est d'une totale iniquité car vous supprimez la vignette pour les particuliers et vous la maintenez pour les entreprises et les collectivités. C'est bien la preuve de votre démagogie : le propriétaire d'une voiture vote, une société ne vote pas, les collectivités encore moins une collectivité ! Elle est injuste également pour ces dernières qui perdent de plus en plus de leur autonomie fiscale. Et le contrôle sera difficile, entre ceux qui devront la payer et ceux qui n'auront plus à le faire. Je vous souhaite bien du courage, monsieur le secrétaire d'Etat ! En tout cas, il y aura, là encore, des injustices.

Enfin, en termes de simplification, cela ne résout rien.

Vous avez juste réussi à mettre les buralistes en colère.

Mais les fonctionnaires auront encore cet impôt à gérer pour les entreprises et les collectivités, ce qui doit sûrement vous arranger.

Pourquoi ne pas avoir, comme vous l'avait proposé la MEC et notre rapporteur général, Didier Migaud, supprimé la redevance ? C'eût été une vraie mesure de justice sociale. La somme à acquitter est la même pour tous et cette suppression aurait bien arrangé certains petits retraités qui doivent payer 751 francs de redevance, alors qu'ils sont à la limite de la non-imposition. Mais, paraît-il, le service public de l'audiovisuel ne peut fonctionner qu'avec cette redevance. C'est en tout cas ce que nous a dit

Mme Tasca.

Nous pouvons apporter une première réponse à ceux, M. Charasse le premier, qui nous ont adressé ce sempiternel reproche : « Vous dites que vous voulez supprimer des fonctionnaires, mais vous ne dites pas où. » Didier

Migaud, les membres de la MEC et tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet savaient bien que l'on pouvait redéployer 1 300 fonctionnaires. C'était une première idée que vous n'avez pas voulu reprendre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Michel Bouvard.

En effet !

M. Jean-Jacques Jégou.

Voilà pourquoi il y a, d'un côté, ces 1 300 fonctionnaires que l'on ne veut pas priver d'activité, et, de l'autre, 11 000 créations de postes divers.

Je prends à témoin notre rapporteur général et tous les habitués de la mission : nous avons découvert un véritable scandale. Dans la police, où l'on n'est pas capable de le dire officiellement, les fonctionnaires ne travaillent pas plus de 27 ou 28 heures par semaine ! Aujourd'hui, embaucher de nouveaux policiers, c'est donc multiplier les dépenses publiques alors qu'il n'y aurait qu'à faire en sorte qu'ils effectuent les horaires réguliers les 35 heures, notamment, qui doivent être pratiquées dans la fonction publique.


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M. Jean-Pierre Brard.

Voilà un adepte des 35 heures !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est tout au moins ce que j'ai compris, monsieur Brard. Mais ils ne font même pas 35 heures ! Vous ne faites pas partie de la Mission d'évaluation et de contrôle...

M. Jean-Pierre Brard.

C'est la meilleure !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous n'y êtes pas souvent, en tout cas !

M. Jean-Pierre Brard.

Autant que vous, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais M. Feurtet le sait bien et tout le monde a entendu quels sont les horaires pratiqués dans la police.

M. Gérard Bapt.

Et quels sont les horaires des gendarmes ?

M. Michel Bouvard.

Ils sont corvéables à merci !

M. Jean-Jacques Jégou.

Les gendarmes n'ont pas d'horaires. Ce sont des militaires, monsieur Bapt. Et il n'est pas possible de comparer la situation des gendarmes qui sont mobilisables 24 heures sur 24, et celle de certains policiers qui font 27 heures.

M. Michel Bouvard.

C'est comme cela que l'on décourage la gendarmerie !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ils n'ont pas le même engagement, mais il faut le dire.

Vous nous rebattez les oreilles en nous accusant de vouloir supprimez des emplois de policiers ou d'infirmières. Mais ce n'est pas le vrai débat. Nous avons dit où l'on pouvait supprimer des postes de fonctionnaires, ou tout au moins les redéployer.

Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit du budget de l'Etat, de l'argent du contribuable, des Français. Vous n'en disposez pas, vous avez le devoir de l'utiliser au mieux. Est-ce vraiment cela que vous faites avec cette loi de finances ? Les Français répondront d'euxmêmes.

Vous n'écoutez pas la Mission d'évaluation et de contrôle que vous avez vous-même mise en place, en nourrissant les plus grands espoirs quant à ses conclusions et quant à son avenir.

Dernier point : vos propositions fiscales en matière de politique environnementale. En dehors des 3 milliards de francs que vous prenez aux grandes sociétés pétrolières pour diminuer le prix du gasoil belle politique pour les Verts ! -, cette loi de finances est un désert. Alors que vous avez multiplié par deux le nombre de ministres Verts, votre politique fiscale est inexistante et plutôt divisée par deux.

J'en veux pour preuve la fiscalité du gasoil qui est aujourd'hui plus avantageuse que celle du super sans plomb, alors que rien ou presque - n'est fait pour encourager le développement des véhicules qui roulent à l'énergie propre telle que le GPL ou le GNV. Pire encore : le ministère de l'environnement n'a de cesse de sortir de nouveaux règlements qui empêchent tout développement de ce type d'énergies. Et certains services, commme celui des mines monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de bien retenir cela - n'ont d'autre occupation que celle d'empêcher par tous moyens l'immatriculation des véhicules qui roulent au GPL ou au GNV et confisquent leur carte grise ! Le résultat est l'arrêt, pour tous les constructeurs en France, de la fabrication de ces véhicules. Plus aucun constructeur français ne sort un véhicule au gaz. Pis encore, il devient impossible d'importer ces véhicules propres d'autres pays de l'Union. D'Italie, par exemple où le GPL est utilisé, nous ne pouvons pas importer de véhicules alimentés au GPL construits par Fiat, à cause de problèmes de soupapes, dit-on. Les autres carburants remplissent peut-être moins les caisses de l'Etat. On peut, d'ailleurs, imaginer l'origine du statu quo.

Pourtant, il ne faut pas renoncer. A vos amis de la majorité plurielle censés se préoccuper de ces questions, je dis qu'il faut arrêter de faire de la politique avec la santé publique et l'avenir des générations futures. Cet été, pendant les vacances, monsieur le secrétaire d'Etat, tous les Français ont entendu ce que coûtait la pollution des villes et les particules de gazole : 35 000 morts par anticipation.

Notre pays est englué depuis trop longtemps dans une politique conservatrice, inadaptée à la mondialisation de l'économie et à la construction européenne. Les réformes de structure indispensables à la modernisation de notre démocratie sont rangées dans le placard, supplantées par un calendrier électoral qui étrangle nos débats.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est vous qui l'avez décidé !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est triste, messieurs !

M. Jean-Louis Idiart.

Nous ne sommes pas responsables !

M. Jean-Jacques Jégou.

La croissance défile devant les Français, tel un train fou qui oublierait de prendre les passagers attendant sur le quai. Les Français s'en souviendront.

(Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

L'image est audacieuse !

M. le président.

La parole est à M. Jean Rigal.

M. Jean Rigal.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2001, qui est à la fois le quatrième et avant-dernier budget de la législature.

M. Jean-Louis Idiart.

On ne sait jamais !

M. Jean Rigal.

Il s'agit donc d'un moment particulièrement important puisque la discussion budgétaire est l'occasion d'un débat de fond entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale, qui permet aux parlementaires de soumettre leurs propositions au pouvoir exécutif. Ce débat se déroule cependant dans la stricte limite des dispositions de la Constitution et de la loi organique du 2 janvier 1959, totalement obsolète et dont la modification indispensable est actuellement à l'étude sur la proposition de M. le rapporteur général.

Depuis le mois de juin 1997, le Gouvernement a, avec le soutien de la majorité plurielle, défini et mis en oeuvre une stratégie économique et budgétaire volontariste, orientée vers la croissance économique et l'emploi qui est toujours la première préoccupation de nos concitoyens. Il est vrai que gouverner c'est choisir et non subir.

C ette stratégie, fondée sur la stimulation de la demande intérieure et consolidée par la réduction du temps de travail, ainsi que par le plan emplois-jeunes, donne des résultats concrets et positifs en termes d'efficacité économique et de justice sociale, même s'il reste encore beaucoup à faire en matière de lutte contre les inégalités. Nombreux sont ceux qui restent au bord du chemin, en particulier les chômeurs.


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Ainsi, plus d'un million d'emplois ont pu être créés ; le chômage est en baisse : 700 000 chômeurs de moins en trois ans ; dans le même temps, le déficit budgétaire a été réduit, ce qui semblait impossible, voire impensable en 1996 ; des marges de manoeuvre ont été retrouvées pour préserver les jeunes générations ; des baisses d'impôts ont été engagées avant même le présent projet de budget, notamment sur la TVA, la taxe d'habitation, l'impôt sur le revenu ; les dépenses prioritaires ont été financées.

Enfin, en 1997, la France s'est qualifiée, comme on dit, pour la monnaie unique, ce qui paraissait inenvisageable quelques mois plus tôt. L'euro, malgré sa faiblesse et malgré la pression exercée par la Banque centrale européenne avec les taux d'intérêt, joue, dans une certaine mesure, un rôle d'amortisseur face aux turbulences financières internationales.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de finances pour 2001 que vous nous soumettez au nom du Gouvernement ne constitue pas pour nous une véritable surprise au regard, d'une part, du programme pluriannuel des finances publiques 2001-2003 transmis en janvier dernier à la Commission européenne, d'autre part, du débat d'orientation budgétaire qui s'est déroulé le 16 mai dernier à l'Assemblée nationale. Il s'inscrit dans une dynamique de croissance alimentée par la consommation des ménages, les investissements des entreprises et la demande externe.

La prévision de croissance retenue par le Gouvernement est de 3,3 % dans un environnement international toutefois plus incertain en raison notamment de la flambée du prix du pétrole. L'inflation, quant à elle, est prévue, hors tabac, à 1,2 %.

Le projet de loi de finances pour 2001 traduit une constance dans les choix du Gouvernement :...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vrai !

M. Jean Rigal.

... toujours la maîtrise de l'évolution des dépenses publiques, la réduction du déficit budgétaire, les priorités majeures du budget de l'Etat, la baisse et une amorce de réforme des impôts.

En ce qui concerne les recettes et l'équilibre général du budget, le projet prévoit en particulier un plan d'allégement et de réforme des impôts qui se traduira par une réduction globale de 120 milliards de francs, de 2001 à 2003, dont 48,4 milliards en 2001. Ce plan triennal concerne la fiscalité des ménages et celle des entreprises.

Lors du débat d'orientation budgétaire, je m'étais interrogé sur la pertinence et l'opportunité de baisser l'impôt sur le revenu qui ne concerne qu'un peu plus d'un foyer fiscal sur deux et dont le rendement est beaucoup plus faible en France - contrairement à ce qui se dit couramment - que chez nombre de nos partenaires européens. Je continue de penser que la baisse du barème de l'impôt sur le revenu, qui est - ou plutôt qui devrait être - l'impôt citoyen par excellence, ne saurait constituer une priorité, car cet impôt est progressif, donc moins injuste que les impôts indirects, comme la TVA ou la taxe intérieure sur les produits pétroliers. J'observe d'aill eurs que ces impôts indirects, réputés indolores, paraissent de plus en plus douloureux à nos concitoyens.

La proposition d'abaissement progressif du taux de l'impôt sur les sociétés à 15 % sur les 250 000 premiers francs de bénéfices est évidemment positive pour les petites entreprises.

Bien que manquant de lisibilité, les mesures destinées à alléger la fiscalité pétrolière vont dans le bon sens et la contribution demandée aux sociétés pétrolières procède de la justice fiscale.

Parallèlement à ces baisses d'impôts et à diverses mesures de simplification, la suppression de la vignette automobile pour les particuliers est diversement appréciée, et l'on peut surtout regretter qu'elle ne concerne à ce jour que les particuliers.

M. Jean-Pierre Balligand.

Enfin, un grand défenseur de l'artisanat et du commerce !

M. Jean Rigal.

La réduction du déficit du budget de l'Etat se poursuit régulièrement. Le déficit prévisionnel pour 2001 s'établira à 186 milliards de francs contre 285 milliards en 1997.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les députés du parti radical de gauche au sein du groupe RCV ont déposé plusieurs amendements, auxquels ils tiennent beaucoup, tendant à favoriser l'investissement des entreprises artisanales en nom personnel - Mme Marre l'a fort bien dit tout à l'heure -, à améliorer le régime fiscal du salaire du conjoint d'artisan, à étendre la suppression de la vignette automobile aux petites et moyennes entreprises, à supprimer aussi la redevance de l'audiovisuel - c'est un sujet qui a déjà été évoqué -, et à appliquer le taux ré duit de TVA à 5,5 % au secteur de la restauration traditionnelle.

Nous souhaitons, comme l'an dernier, souligner l'intérêt que présenterait la baisse de la TVA sur la restauration en termes de créations d'emplois notamment. L'arrêt rendu le 19 septembre 2000 par la cour de justice des Communautés européennes semble, d'ailleurs, plaider en ce sens. Et, peut-on raisonnablement laisser perdurer l'impression que les dispositions actuelles privilégient systématiquement la « malbouffe » à l'américaine ? Avant d'aborder l'évolution des dépenses publiques et les principaux budgets prioritaires, il n'est pas inutile de rappeler que ceux qui réclament une baisse massive et brutale des impôts, donc des recettes, ne précisent jamais quelles dépenses ils entendent supprimer. Il leur arrive même de réclamer avec insistance des augmentations de crédits sur le budget de tel ou tel ministère. Il est vrai que la notion de solidarité échappe totalement à l'idéologie libérale.

Pour les députés radicaux de gauche, les dépenses publiques sont éminemment nécessaires parce qu'elles préparent l'avenir et contribuent à la cohésion sociale de l a nation. Bien sûr, une évaluation des dépenses publiques au regard des objectifs assignés est absolument indispensable.

Les dépenses du budget général progressent de 0,3 % en volume en 2001, soit une augmentation inférieure à celle de la richesse nationale. Grâce à des efforts d'économie, le projet de loi de finances pour 2001 permet de présenter quatre budgets prioritaires : l'éducation nationale, la sécurité, la justice et l'environnement.

Les députés radicaux de gauche demandent au Gouvernement de porter une attention toute particulière au maintien des services publics dans les zones fragiles à faible densité démographique. Il y va, en effet, du respect du principe d'égalité d'accès des citoyens aux services publics sur l'ensemble du territoire national.

En résumé, monsieur le secrétaire d'Etat, les députés radicaux de gauche partagent globalement les choix politiques qui ont présidé à l'élaboration du projet de loi de finances pour 2001 et forment le voeu que le Gouvernement soit attentif et ouvert à leurs amendements et, plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

généralement, aux propositions d'origine parlementaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, je voudrais rendre justice à M. Fabius...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Très bien !

M. Laurent Dominati.

... qui est injustement accusé.

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est un libéral !

M. Laurent Dominati.

Il est injustement accusé par les amis de M. Brard, la bourgeoisie bien-pensante de Montreuil,...

M. Jean-Pierre Brard.

Nous, on pense, ce n'est pas comme vous !

M. Laurent Dominati.

... ou au parti socialiste d'être - propos infamant - libéral ! Eh bien, monsieur Brard, je vais démontrer comment M. Fabius, tout en ayant un discours libéral, en se donnant les apparences de la modernité et en faisant semblant d'être un peu libéral n'est pas libéral. Vous pouvez donc continuer à le soutenir, fort de votre credo : vive l'impôt, vive la dépense publique, continuons comme avant.

M. Jean-Pierre Brard.

Il vous a acheté ! (Sourires.)

M. Laurent Dominati.

Mes chers collègues, si le ministre de l'économie et des finances a un discours libéral sur l'emploi, sur l'impôt, sur la dépense publique, sa pratique comme son budget sont à rebours de tout ce qui se fait - et qui réussit - en Europe et dans le monde, c'est-à-dire de toutes les politiques libérales. Ce sera la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, votre politique laissera la France en position de vulnérabilité...

M. Jean-Pierre Balligand.

La vulnérabilité, vous connaissez !

M. Laurent Dominati.

... si la croissance et la conjoncture économique venaient à se retourner.

Ainsi, concernant l'emploi, on a pu lire une critique de M. Fabius sur les 35 heures, politique malthusienne d'après lui. Il a également indiqué, il y a quelques jours à peine, dans Libération qu'il fallait pour l'emploi une politique de flexibilité. Je sais combien ces mots vous font horreur mais, ne vous inquiétez pas, il ne s'agit pas du tout pour M. Fabius d'appliquer une telle politique. La preuve en est que la Commission européenne a indiqué, il y a déjà plusieurs jours, qu'en matière d'emploi la France pouvait beaucoup mieux faire au regard de ce qui se passait dans les autres pays européens. Je ne parle même pas des Etats-Unis, mais du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l'Espagne.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Au prix de quelle précarité !

M. Laurent Dominati.

Parce que, en France, il n'y en a pas ? Il y a des gens dans la misère, même si vous avez voté une loi contre l'exclusion, qui est aussi un échec !

M. Jean-Pierre Balligand.

La CMU, elle fonctionne !

M. Laurent Dominati.

L'Etat est le premier pourvoyeur d'emplois précaires et il n'y aurait pas de précarité en France, monsieur le secrétaire d'Etat ? Allons, laissons là ces arguments éculés ! Même si le nouveau ministre de l'économie et des finances, comme le précédent d'ailleurs, se donne des airs libéraux, il n'en est rien, tout simplement parce que votre p olitique de stimulation de la demande intérieure - nombre de mes collègues l'ont déjà dit - est une politique classique, ancienne qui ne fonctionne plus dans la nouvelle économie. Nous avons aujourd'hui besoin de stimuler l'offre. Une véritable politique libérale serait donc une politique stimulant les investissements. Or vous ne le faites pas, pas plus dans les mesures fiscales que dans les dépenses publiques, qui baissent même s'agissant de l'investissement. Donc, tant dans la partie qui vous concerne directement que dans la partie fiscale, vous ne menez pas une politique de l'offre. Or, depuis des années, nous souffrons en France d'un manque d'investissement et nous accusons, à cet égard, un retard, par rapport aux

Etats-Unis notamment. D'ailleurs, les deux derniers chiffres du commerce extérieur sont de nature à nous inquiéter car cette demande de consommation intérieure, qui est forte, fait aujourd'hui appel aux pays étrangers et non plus à la production intérieure. Voilà pourquoi la politique que vous menez, politique de l'emploi notamment, n'est absolument pas moderne. Elle n'a rien d'une politique libérale, ce qui explique - et je le comprends - que vous continuiez, malgré son discours, à soutenir le ministre de l'économie et des finances.

M. Fabius a également fait acte de repentance en ce qui concerne les impôts, indiquant qu'il souhaitait désormais les baisser. Mieux, celui qui était ministre du budget en 1982, qui avait porté le taux marginal de l'impôt sur le revenu à 65 %, fait machine arrière et, pour la première fois, le baisse. M. Fabius a consenti là un très bel effort en faisant tomber un tabou pour la gauche, non sans mal d'ailleurs, puisque je crois savoir qu'il a dû combattre dans les rangs de la majorité plurielle beaucoup de ceux qui s'en tenaient à l'orthodoxie de la gauche. La mise à bas de ce tabou marque en quelque sorte la reconnaissance du fait que c'est véritablement l'Etat qui a confisqué l'essentiel des fruits de la croissance. Les chiffres communiqués par le ministère des finances montrent, en effet, qu'en 1999, le revenu de la croissance a été confisqué par près de 70 % des recettes fiscales. L'année dernière, ce n'était plus que 45 % : en reconnaissant l'existence de la cagnote fiscale et en annonçant, cet été, son plan de baisse des impôts le Gouvernement a convenu de l'excessive pression fiscale et a dû rendre une partie de l'argent de la croissance aux Français.

P our être juste, le prédécesseur de M. Fabius, M. Dominique Strauss-Kahn, disait, lui aussi, chaque année, qu'il fallait baisser les impôts. Mais il ne le faisait pas, Charles de Courson l'a rappelé tout à l'heure.

Chaque année, le gouvernement socialiste nous annonce des baisses d'impôts ; chaque année, en fait de baisses, ce sont des hausses d'impôts que l'on constate.

Cette fois, M. Fabius a voulu frapper plus fort, notamment en touchant au symbolique taux marginal de l'IRPP. Je ne crois pas pour autant que vous vous soyez convertis à une véritable réforme fiscale. D'ailleurs, il l'avouait tout à l'heure, il veut bien dispenser quelques mesures ici ou là pour calmer la révolte fiscale - une première en France, quel bon signe, mes chers collègues ! -, mais aller plus loin serait beaucoup trop difficile.

Une véritable politique libérale conduirait à baisser les impôts dès cette année d'environ un point de PIB. On devrait, comme d'ailleurs vous vous y étiez engagé, poursuivre la baisse de la TVA et procéder à une réforme de l'IRPP visant notamment à ne retenir, comme dans les autres pays, que quatre tranches et à supprimer les niches fiscales, bref à simplifier cet impôt qui est de plus en plus complexe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

La proposition de M. Pierre Méhaignerie, reprise par les autres groupes de l'Assemblée nationale, à savoir l'abattement de 1 000 ou 3 000 francs des charges sociales, est judicieuse. De la même façon, la baisse de la TIPP devrait être préférée au système complexe et administratif que vous avez inventé. Plutôt que de supprimer la vignette, vous auriez dû en rester à l'idée assez simple qui consistait à supprimer la redevance. Vous n'auriez pas dû céder aux pressions, d'un certain nombre de lobbies et l'abandonner.

Voilà ce qui pourrait permettre, dès cette année, une véritable baisse des impôts.

Mais vous avez raison de dire qu'il ne peut y avoir de baisse des impôts qu'avec une véritable baisse de la dépense publique. Mais, là encore, si M. Fabius tient désormais un discours dans lequel il évoque la fin du culte de la dépense publique, ce qui vous effraie un peu, il a hélas abandonné le critère de la maîtrise de la dépense publique et même la promesse du Premier m inistre de stabiliser les effectifs dans la fonction publique. En effet, pour la première fois depuis l'engagement de Lionel Jospin, les effectifs dans la fonction publique ont augmenté.

La Commission européenne ne s'y est pas trompée - pas plus que les députés de l'opposition - puisqu'elle accuse la France de laxisme. Et elle a raison. Le déficit structurel passe de 1 à 1,3 %. Et, comme l'a démontré mon excellent collègue Charles de Courson, on note une augmentation réelle des dépenses publiques de près de 100 milliards.

Vous êtes tout à fait incapables de maîtriser la dépense publique et encore moins de la réduire tout simplement parce que, pour ce faire, il faudrait engager une réforme de l'Etat et que, d'une part, vous êtes les représentants d'un certain conformisme en ce qui concerne l'Etat et ceux qui en vivent et que, d'autre part, vous êtes incapables de faire des réformes, comme l'a démontré le prédécesseur de M. Fabius. Vous n'avez même pas été capables de mener à bien la réforme du ministère des finances. Un ministre a sauté pour cela. Je comprends que M. Fabius hésite et ait peur de se prendre les pieds dans le tapis, comme son prédécesseur M. Sautter.

Pourquoi un tel écart entre le discours de M. Fabius et le budget qu'il propose aux Français ? Il est dû au fait que, que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, le discours libéral devient populaire. Je parlais de révolte fiscale tout à l'heure. J'ai été frappé de voir que, pour une fois, ceux qui avaient manifesté et commencé à bloquer le pays - ce que, du reste, je déplore - protestaient contre les impôts et ne demandaient pas plus d'agent. Cela vous a fait peur. C'est un phénomène populaire que vous craignez. Pour ma part, j'encouragerai volontiers mes concitoyens dans cette voie en leur disant : « Trop c'est trop ! » Vous ne pouvez pas vous défaire de vos traditions, c'est-à-dire du culte de l'Etat, de la dépense publique, de la fonction publique, de l'impôt, qu'un certain nombre d'entre vous veulent réhabiliter. Eh bien, gardez-le ! Mais sachez que le peuple a vu que vous le trompiez, et il ne vous suit plus.

M. Gérard Bapt.

Et les faux électeurs ?

M. Laurent Dominati.

Pour tromper le peuple, vous en êtes réduits à faire un faux budget. Car c'est bien d'un faux budget qu'il s'agit non seulement en ce qui concerne les hypothèses - le dollar, la croissance - ce qui passe encore car, après tout, cela a été fait dans les budgets antérieurs, mais surtout - ce qui n'avait jamais été vu en ce qui concerne les chiffres donnés pour la dépense publique, les recettes fiscales et la réduction du déficit.

Si vous n'avez apporté aucune réponse à l'argumentation qui a été développée tout à l'heure dans l'exception d'irrecevabilité, c'est tout simplement parce que vous savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'analyse de M. de Courson est exacte, tout comme l'est le rapport que fait chaque année, sur chaque budget, la Cour des comptes. Vous êtes même allé jusqu'à proposer une réforme de l'ordonnance de 1959. Et vous avez parfaitement raison. Si la commission réussit à mener ce travail à son terme, je l'en félicite. Le président de l'Assemblée nationale, M. Forni, a lui-même déclaré : « En vingt-sept ans de vie parlementaire, je n'ai jamais compris l'architecture du budget. Tout ce que j'ai compris, c'est qu'on ne servait à rien. »

M. Jean-Louis Idiart.

La citation est sortie de son contexte !

M. Laurent Dominati.

Il a parfaitement raison. Avec le budget que nous examinons, nous nous rendons compte que, non seulement les députés, spectateurs impuissants, ne servent pas à grand-chose - monsieur Brard, perdez vos illusions - mais que le ministre lui-même est impuissant : impuissant à réformer l'Etat, impuissant à mettre ses actes au diapason de ses discours, impuissant à mener u ne véritable politique de maîtrise des dépenses publiques, de baisse des impôts et de politique d'investissement pour la France.

Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que j'aurais aimé dire à M. Fabius, s'il avait été présent. J'aurais ajouté, pour le consoler,...

M. Jean-Louis Idiart.

Il n'a pas besoin de vos commisérations !

M. Laurent Dominati.

... que, s'il a raté sa rentrée budgétaire, c'est parce que Mme Aubry lui a un peu volé la vedette. Vous devriez d'ailleurs méditer là-dessus : les ministres de gauche qui sont loués par les leurs sont ceux qui s'en vont, comme Dominique Strauss-Kahn, JeanPierre Chevènement, Mme Aubry. Que M. Fabius ne rate pas sa sortie après avoir raté sa rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt.

Ça rase le pavé parisien !

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est M. Dominati qui doit surveiller sa sortie !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le plan d'allègement et de réforme des impôts annoncé par le Gouvernement est loin d'être marginal. Comme nous le savons, ce sont près de 120 milliards de francs de baisse d'impôt qui sont prévus pour les trois prochaines années.

Mon intervention portera sur deux points : premièrement, en quoi le changement de la donne fiscale, monétaire et budgétaire européenne peut éclairer nos débats, et, deuxièmement, en quoi la baisse des impôts peut s'avérer utile dans la phase de croissance que nous traversons actuellement.

Premier point : le changement de la donne européenne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

Q ue constatons-nous aujourd'hui en Europe ? Depuis 1997, la croissance est tirée, tout d'abord, par le dynamisme de la consommation, ensuite, par celui de l'investissement et, enfin, par celui des exportations.

Presque partout dans la zone euro, le taux de chômage baisse et atteint aux Pays-Bas et en Irlande des niveaux très comparables au taux de chômage des Etats-Unis. Et dans la plupart des pays où l'on observe un retour de la croissance, on enregistre naturellement un surcroît substantiel de recettes fiscales.

Dans ce nouveau contexte, la question se pose légitimement de savoir que faire du surcroît de recettes fiscales ? Mon sentiment est que le choix des Européens en matière d'affectation des recettes fiscales nous permet d'éclairer autrement le débat récurrent consistant à savoir s'il faut privilégier la baisse des déficits publics, l'accroissement des dépenses publiques ou la baisse de l'impôt ? Faut-il d'abord accroître la dépense publique ?

M. Christian Cuvilliez.

Oui !

M. Jean-Pierre Balligand.

Alors que le chômage recule, la demande privée s'accélère. Une hausse importante de la d épense publique n'a pas de justification macroéconomique. Dans la plupart des pays européens qui connaissent un regain de croissance depuis 1997, les dépenses publiques décroissent par rapport au PIB, bien qu'à des rythmes différents. J'observe même qu'en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas ou en Irlande, on assiste à la fois à une baisse de la dépense publique et à une hausse du taux d'investissement public. Ainsi, pour être en cohérence avec ce qui se passe ailleurs en Europe, le choix raisonnable consiste à ne pas profiter de cette phase de croissance pour accroître les dépenses publiques.

S'il ne faut donc pas augmenter la dépense publique, faut-il alors réduire le niveau des déficits publics ? Au moins deux cas peuvent justifier la réduction des déficits publics.

Premier cas : la dette publique et le déficit public créent un effet d'éviction de l'investissement privé.

Second cas : il faut réduire le déficit public pour être capable de le réaugmenter suffisamment ensuite en cas de récession.

Nous constatons en Europe la persistance de déficits publics, y compris dans un pays comme l'Espagne qui connaît un taux de croissance annuelle de l'ordre de 4 %. En même temps, le taux d'endettement public diminue lentement, sauf aux Pays-Bas et en Irlande. Enfin, la remontée des taux d'investissement privé est encore beaucoup trop récente et fébrile.

Dans ces conditions, il n'est pas illogique que la France accompagne le mouvement européen de réduction des déficits publics. D'ailleurs pour l'ensemble de la zone euro, il n'est pas non plus illogique de réduire les déficits publics alors que la zone dégage un déficit de la balance courante.

Toutefois, à ce stade, il convient de mettre un léger

« bémol ». Les Européens se sont fixé comme objectif à moyen terme de réduire de manière importante la dette publique. Nous observons à l'évidence depuis 1997 en Europe une baisse de l'endettement public qui se traduit par une baisse régulière de la part des intérêts servis sur la dette publique dans le PIB.

Pourtant, si l'on s'oriente vers une réduction progressive du déficit public européen dans les cinq années qui viennent, à quoi l'affecter en priorité ? Mon sentiment est que le dossier du fonds de réserve des retraites n'est pas étranger à notre débat. En effet, une fois le fonds de réserve doté, son rendement sera, sur longue période, largement supérieur aux taux d'intérêts servis sur la dette publique. Je considère qu'il serait plus sage de préconiser l'affectation des sommes correspondant au désendettement public à la dotation du fonds de réserve, plutôt qu'à la réduction immédiate du déficit public. En un mot, oui à une baisse raisonnable et de long terme des déficits publics et donc à une maîtrise des dépenses publiques, mais dans un cadre plus global qui ne néglige pas l'affectation aux fonds de réserve des retraites : c'est notre différence avec les ultras de la baisse idéologique du déficit public ! La réduction du déficit public doit laisser une place à notre gestion sur le long terme du problème des retraites.

Cela dit, à plus court terme, la réduction des déficits publics doit conduire aussi à la réduction des impôts.

Quel enseignement tirer de la concurrence fiscale européenne ? Si l'on se situait dans un cadre d'harmonisation fiscale européenne, on pourrait espérer que les décisions fiscales seraient prises de manière coopérative, de façon à éviter une concurrence fiscale excessive.

M. Michel Bouvard.

Ce n'est, hélas, pas le cas !

M. Jean-Pierre Balligand.

Chaque pays ne chercherait pas à attirer des entreprises et des facteurs mobiles de production. Dès lors, si la tendance en Europe est de baisser les taux d'imposition et si la priorité est la coopération fiscale, il n'est pas choquant de jouer la coopération plutôt que l'inverse.

Le cas se complique évidemment lorsque les Européens jouent le chacun pour soi en matière fiscale. Le risque identifié par tout le monde est qu'en l'absence d'entente, les pays viseraient la baisse des taux d'imposition sur les facteurs de production - travail qualifié, capital, épargne tandis que les facteurs immobiles - tels que le travail non qualifié, l'immobilier, la consommation - monteraient continûment. L'absence de coordination aurait ainsi pour effet de réduire le taux direct d'imposition et la taxation de l'épargne.

Mon sentiment est que nous sommes dans une phase intermédiaire qui nous autorise la réduction des taux d'imposition, sans toutefois verser dans le jeu sans fin de la concurrence fiscale européenne. De ce point de vue, il est tout à fait salutaire de ramener nos taux d'imposition à des niveaux comparables à ceux de nos voisins et en même temps de relancer la coopération fiscale en Europe.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand.

Dans le cas inverse, il est évident que nous serions tous perdants en Europe.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Balligand.

Alors que les investissements à l'étranger des entreprises européennes, et pas seulement françaises, comme l'a dit tout à l'heure M. Dominati, progressent rapidement, les Européens ont, par exemple, tout intérêt à réfléchir à des incitations fiscales commu nes afin de redresser les gains de productivité et le niveau de l'investissement productif.

Je ne voudrais pas terminer mon intervention sans évoquer le rôle de la baisse des impôts dans la phase de croissance que nous traversons actuellement en France.

Avant que ne survienne le choc pétrolier, on était en droit de se demander s'il ne fallait pas viser des mesures destinées à soutenir l'offre plutôt que la demande. Cette


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interrogation était justifiée au regard des indicateurs économiques : jusqu'à une période très récente, ils nous disaient que la demande interne en France progressait plus vite que l'offre. J'ai le sentiment que le choc pétrolier remet à l'ordre du jour des mesures de redistribution du pouvoir d'achat : la baisse de l'impôt en fait naturellement partie. La hausse du prix du pétrole ampute, via l'accélération des prix, le pouvoir d'achat des ménages.

Si nous voulons conserver un dynamisme de la demande interne, la baisse de l'impôt devient un mécanisme stabilisateur efficace. Cette baisse est d'autant plus souhaitable que l'on enregistre des signes de détérioration de la confiance des consommateurs et des entreprises dans la zone euro. La baisse de l'impôt doit pouvoir serv ir d'instrument de politique économique contracyclique. A l'intérieur de la zone euro, on estime que la baisse des impôts devrait atteindre 55 milliards d'euros et profiter directement, à hauteur de 40 milliards d'euros, aux ménages européens, soit l'équivalent de 1 % de leurs revenus disponibles brut.

En conclusion, il me semble que, dans la phase de croissance mouvementée que nous allons traverser, la baisse de l'impôt est utile à la croissance des Européens et de la France en particulier. Il faudra sans doute encore plus l'amplifier à moyen terme. Il est impératif que l'on redistribue une fraction significative des rentrées fiscales à la baisse des impôts, sans quoi le ralentissement de la croissance non compensé par une stimulation de la demande se soldera mécaniquement par une hausse des prélèvements obligatoires.

Enfin, je crois que la baisse des impôts est d'autant plus nécessaire que nous ne pouvons pas compter, demain, sur une politique monétaire européenne expansive : c'est bien à un resserrement monétaire auquel nous assistons depuis quelques mois. La réponse est alors limpide : stimulons la demande interne par la baisse des impôts et encourageons la mise en place d'un cadre fiscal coopératif, pour éviter les effets négatifs de la concurrence fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Michel Bouvard.

Très intéressant !

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord revenir brièvement sur les éléments de cadrage sur lesquels se fonde le projet de budget pour 2001 et qui ont déjà été évoqués par certains orateurs de l'opposition.

Les mauvaises habitudes dénoncées dans le rapport Lambert Marini ont la vie dure, les prévisions hasardeuses aussi, tant pour des raisons de fond que pour des raisons conjoncturelles.

J'en veux pour preuve votre hypothèse de croissance, d'abord : 3,4 % en 2000 ! Nous savons malheureusement déjà que cela ne sera pas tenu. La croissance a été de 1,4 % pour les deux premiers semestres et ceux-ci auront été apparemment les meilleurs, le troisième et le quatrième s'annonçant pleins de redoutables incertitudes, la base de départ pour calculer la croissance 2001 est donc fausse.

M. Jean-Pierre Balligand.

Il faut être prudent !

M. Yves Deniaud.

Le PIB 2000 ne sera pas de 9 188 milliards, comme annoncé dans vos documents, à moins que l'inflation ne s'emballe d'une façon exceptionnelle, mais alors le chiffre n'aurait plus aucune signification.

Quant à atteindre 3,3 % en 2001, les incertitudes sont encore infiniment plus grandes.

L'analyse du moral des Français ne permet sûrement p as d'augurer d'une consommation progressant de 3,5 % ; le prix du pétrole à 25,8 dollars relève de voeux pieux, l'OFEP, dans ses meilleurs élans de générosité, considérant 28 dollars comme un plancher en dessous duquel on ne saurait descendre, mais au-dessus duquel on peut allègrement monter ! Par ailleurs, l'écart de croissance annoncé entre les

Etats-Unis et l'Europe rend illusoire la perspective d'un euro à 0,95 dollar quand il peine tellement à rester proche des 0,85.

M. Philippe Auberger.

Il faudrait que M. Duisenberg se taise !

M. Yves Deniaud.

Cela ne suffirait peut-être pas !

M. Philippe Auberger.

C'est nécessaire à défaut d'être suffisant !

M. Yves Deniaud.

Tout à fait ! Pour ce qui concerne l'investissement des entreprises, le Gouvernement serait bien inspiré d'écouter ce que disait mon collègue tout à l'heure et de tirer les enseignements de l'excellente note, toute récente, du service de la recherche de la Caisse des dépôts. Celle-ci démontre qu'il n'y a pas de problème d'investissement des entreprises françaises - qui savent effectivement se rendre compétitives - ni européennes, mais bien un problème d'investissement en Europe et en France. Nos entreprises, c omme leurs homologues européennes, investissent, certes, mais beaucoup à l'étranger, et l'investissement direct net en France est négatif depuis 1998. Grâce à leurs investissements à l'étranger, leur profitabilité est bonne ; mais, pour que l'investissement devienne un moteur de la croissance, il faudrait améliorer l'attractivité de la France. Malheureusement, vous n'en prenez pas le chemin.

Il y a donc fort à craindre que vos prévisions ne volent en éclats et que la France ne se retrouve en 2001 avec un problème inverse de celui de la cagnotte de l'an dernier : un nouveau creusement du déficit et de la dette, une dette dont d'ores et déjà l'insuffisante maîtrise nous vaut, au passage, un alourdissement de l'annuité, quoi qu'il arrive... Situation ahurissante quand on sait le niveau des recettes supplémentaires engrangées en 1999 et 2000 !

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Yves Deniaud.

La diminution de la dette de l'Etat stricto sensu doit relever de la discipline budgétaire et donc de la maîtrise des dépenses publiques, on l'a abondamment repété. Tel n'est pas le cas.

Cela dit, quelques suggestions me sembleraient utiles pour traiter d'autres aspects de la dette publique : je veux parler des produits possibles des privatisations. La privatisation, vous la pratiquez, mais vous l'avez honteuse...

D'ailleurs, je n'ai pu trouver nulle part, malgré mes recherches, un tableau officiel de la capitalisation boursière détenue par l'Etat. Si ce document existe, je serais heureux qu'on me le communique.

M. Jean-Pierre Balligand.

Demandez à la Caisse des dépôts !

M. Yves Deniaud.

Une chose en tout cas est certaine ; la réalisation d'un partie seulement de ce patrimoine permettrait de dégager quelques centaines de milliards qui pourraient connaître une utilisation fructueuse pour les Français. Pourquoi, par exemple, ne pas en profiter pour


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solder la dette sociale - 200 milliards environ -, ce qui vous permettrait de supprimer la CRDS pour tous les Français, et pas seulement pour une partie d'entre eux ? Les quelque 28 milliards annoncés pour 2001, qu'ils pourraient ainsi dépenser, conforteraient à point nommé une consommation qui risque de faiblir.

Pourquoi ne pas aussi régler le problème du chemin de fer ? Vous versez 13 milliards par an à Réseau ferré de France au titre d'un programme triennal 1999-20002001. Mais chacun sait qu'il faudra continuer ensuite, car on ne voit pas comment RFF pourrait assumer la charge de son annuité, à moins d'augmenter à due concurrence les péages acquittés par la SNCF ; mais à ce moment-là, c'est à cette dernière qu'il faudrait verser la même somme ! Si donc les produits de privatisation étaient affectés à effacer la dette de RFF, le budget de l'Etat y gagnerait 12,6 milliards pour 2001 - soit exactement le montant de la redevance télé. Vous pourriez ainsi la supprimer à la grande satisfaction des Français, comme le demandait naguère notre rapporteur général, Didier Migaud, au nom d'une très large majorité de la commission des finances.

Je ne me fais, bien sûr, aucune illusion quant aux chances de voir le Gouvernement s'engager dans cette voie, mais il était intéressant de montrer comment le dogmatisme fige la capacité à prendre des décisions utiles à l'intérêt général.

Un deuxième aspect de votre politique que je voudrais souligner après mon collègue et ami Michel Bouvard, c'est l'effondrement de l'investissement public...

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Yves Deniaud.

Phénomène tout de même paradoxal, alors que les dépenses de fonctionnement augmentent de 50 milliards par an ! J'ai évoqué tout à l'heure les problèmes de l'investissement privé. Je suis, comme mes amis, de ceux qui croient à l'investissement public. Contrairement aux caricatures parfois véhiculées par la majorité, nous sommes convaincus de la nécessité de l'intervention positive de l'Etat dans l'économie ; vous y renoncez totalement. Non seulement vous n'avez pas profité de la croissance des années écoul ées pour accroître l'effort de l'Etat, mais celui-ci s'effondre littéralement. En 2001 vous proposez de ramener l'investissement civil de 81 milliards à 73 milliards, soit 4,6 % seulement du budget, à peine plus que ce que rapporte l'enregistrement !

M. Michel Bouvard.

Exactement !

M. Yves Deniaud.

Encore ces chiffres ne retracent-il pas la réalité des opérations, puisque vous incluez dans le budget général les 3,5 milliards du fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, qui n'y figuraient pas l'an dernier. La chute est donc en réalité de 84,5 milliards à 79 milliards : moins 7 %, voilà ce qui s'appelle préparer l'avenir ! Outre le rôle de moteur de croissance à long terme, que ne pourra pas remplir l'investissement public dans les prochaines années alors qu'il serait bien utile pour maintenir le rendement de la machine économique, c'est la face la plus significative et la plus appréciée de l'action de l'Etat que vous dévalorisez.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Yves Deniaud.

Alors que nos concitoyens comptent sur l'Etat pour garantir un équipement et un aménagement cohérent des pays, vous vous déchargez sur les collectivités territoriales. Depuis deux ans, leurs investissements ont dépassé ceux de l'Etat et l'écart se creuse de plus en plus, avec des risques croissants d'inégalités entre régions riches et pauves et de manque de cohérence dans les programmes. Qui plus est, le budget de l'aménagement du territoire baisse de 10 %...

M. Michel Bouvard.

Chute libre !

M. Yves Deniaud.

... pour atteindre le niveau ridiculement symbolique d'un millième du budget de l'Etat ! Comment ne pas dénoncer ce désastre pour le futur de l'organisation harmonieuse d'un pays moderne et bien équipé ? Je tenais à insister sur ces deux points particuliers de l'allégement de la dette publique par les privatisations et d u naufrage de l'investissement public, mais sur l'ensemble, comme mes collègues de l'opposition, je ne peux évidemment que dénoncer un budget trop dépensier en fonctionnement, insuffisant pour réduire le déficit et les impôts, et qu'une conjoncture plus médiocre, hélas de plus en plus probable, pourrait faire exploser.

Nous ne sommes qu'au début de la discussion budgétaire. Puisse le Gouvernement écouter la raison dans les deux mois qui viennent ; pour le moment, en tout cas, nous ne pouvons que lui manifester notre désaccord le plus complet. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, nous abordons ce débat budgétaire alors que la reprise de la croissance économique s'est largement confirmée au cours de cette année 2000.

Ces derniers mois ont vu le rythme des créations d'emplois s'accélérer et les recettes fiscales connaître une progression inégalée depuis bien longtemps, qui aura permis un recul significatif du déficit public et le financement d'un collectif budgétaire réservant la priorité aux baisses d'impôts pour les ménages et inspiré d'un souci de justice sociale.

L'année 2001 mériterait de voir se concrétiser de nouvelles avancées dans la voie du changement engagée en juin 1997. Ce débat budgétaire intervient à cet égard dans un contexte économique et politique nouveau.

L'euphorie du printemps a laissé place à une certaine inquiétude et les attentes sociales à l'impatience, voire une certaine exaspération.

Le haut niveau de croissance qu'a connu notre pays ces trois dernières années s'est en effet conjugué avec une aggravation de la précarité et des inégalités sociales et géographiques.

Si la situation s'est largement améliorée, cela n'a malheureusement pas été le cas partout et pour tous. Si les revenus financiers et les patrimoines ont explosé durant la dernière période, les salaires quant à eux n'ont pas progressé plus vite que l'inflation et la pauvreté a gagné du terrain en dépit de tous les efforts entrepris pour faire reculer l'exclusion.

Si les nouvelles technologies de la communication et d e l'information ont tiré l'économie, des bassins d'emplois ont continué à connaître des suppressions d'effectifs et des fermetures de sites, y compris dans les établissements des grands groupes industriels et financiers qui, poussés par les exigences de marchés financierse scomptant un retour sur investissement pouvant


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atteindre 15 ou 20 %, ont développé des opérations de fusion-acquisition et mis en oeuvre des restructurations industrielles meurtrières pour l'emploi.

Mon ami Christian Cuvilliez développera plus largement dans son intervention notre appréciation sur le budget et les propositions de notre groupe.

Pour ma part, je centrerai mon propos sur les collectivités locales.

En nous félicitant des évolutions positives intervenues ces trois dernières années, nous affirmons la nécessité d'avancer beaucoup plus rapidement dans la construction d'un véritable pacte de croissance et de solidarité, qui prenne en compte les besoins des collectivités locales dans toute leur diversité.

Alors que la commission présidée par Pierre Mauroy vient de rendre son rapport, comment ne pas souligner la nécessité d'inscrire les dispositions de ce budget 2001 relatives aux collectivités locales dans une véritable perspective d'avenir, une nouvelle étape dans la décentralisation permettant de mieux répondre aux besoins sociaux tout en favorisant l'intervention citoyenne ? L es collectiviés locales, et particulièrement les communes, doivent aujourd'hui faire face aux conséquences sociales et humaines de la précarité et d'un chômage qui, certes, recule globalement, mais avec de profondes disparités géographiques et sociales.

D es besoins nouveaux en matière d'équipements sociaux concernant l'enfance, la jeunesse ou les plus anciens apparaissent, tout comme la nécessité de mettre en oeuvre des méthodes intégrant la recherche d'une démocratie vivante plus participative. Que dire à cet égard de l'urgence à avancer concrètement vers un véritable statut pour les élus du suffrage universel ? Le passage aux 35 heures, la transformation des emplois-jeunes en emplois statutaires et correctement rémunérés, avec une formation de qualité, supposent des moyens importants.

Le développement de l'intercommunalité consécutive à l'application de la loi de juillet 1999 fera inévitablement exploser la DGF et la DCTP. Les dotations qui financent la mise en place des communautés d'agglomération devraient donc tenir compte des besoins et mériteraient d'être incluses dans un fonds spécial hors DGF.

On ne saurait par ailleurs sous-estimer l'importance des investissements que les collectivités locales devront être en mesure d'engager dans les prochaines années. Leurs obligations légales pour le secteur de l'eau et de l'assainissement ont été ainsi évaluées entre 130 et 170 milliards et entre 60 et 80 milliards de francs pour le traitement des déchets...

M. Michel Bouvard.

Ça, ce sont des investissements !

M. Jean Vila.

... alors que la sécurité et la protection civile nécessiteront plusieurs dizaines de milliards de francs.

C'est dire l'enjeu décisif que représente pour les collectivités locales un bénéfice accru des fruits de la croissance.

Nous considérons, à cet égard, que l'évolution de l'ensemble des dotations - l'enveloppe normée - et la

DGF devraient prendre en compte la progression du PIB dans son intégralité et comprendre dans une première étape, en 2001, au moins une progression de 50 %.

M. Gilbert Meyer.

Très bien !

M. Jean Vila.

La dotation globale d'équipement mériterait de passer progressivement à 10 % pour toutes les dépenses d'investissement. Mais il convient de supprimer, dès cette année, les 0,4 % perçus sur les impôts locaux destinés à financer la révision des bases cadastrales. Cette révision n'ayant pas eu lieu, ce prélèvement de 1,4 milliard de francs n'a plus de raison d'être.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jean Vila.

Le relèvement de la cotisation minimale de la taxe professionnelle, qui est passée de 1 % à 1,2 % en 2000 et qui sera stabilisée à 1,5 %, doit être redistribué aux collectivités au lieu d'abonder le budget de l'Etat, comme cela est le cas actuellement.

Le relèvement des taux de cotisation de péréquation ceux-ci ont doublé en 2000 - doit être affecté au FNPTP.

Il convient également de rendre aux communes la possibilité de modifier le taux de la taxe professionnelle en le déconnectant des autres taux.

Il devient vraiment urgent d'engager le débat et de réaliser les actes concrets d'une réforme d'ensemble de la fiscalité locale donnant de nouvelles ressources et restaurant l'autonomie fiscale de collectivités par trop dépendantes de la compensation des exonérations d'impôt décidées unilatéralement par l'Etat.

Le projet de loi intègre à cet égard la disparition de la vignette. Si la suppression de cette taxe impopulaire, détournée quasiment dès sa création de son objet, est des plus légitimes, elle pose aussi le problème de la mise en place d'une ressource équitable, pérenne et adaptée au financement des départements. Ces derniers méritent en effet d'avoir toute leur place dans la modernisation et la démocratisation des institutions de notre pays.

Ces trois principes pourraient fonder le socle d'une ressource qui s'inscrirait dans le cadre d'un levier fiscal transféré de l'Etat aux départements. Au-delà de ce chantier à ouvrir, il convient dès aujourd'hui d'améliorer les modalités de compensation de la suppression de la vignette.

La compensation au franc le franc, telle qu'elle nous est proposée, pénalise les collectivités départementales qui, bien que supportant des charges d'aides sociales importantes, ont comme la Seine-Saint-Denis mené une politique de modération fiscale en ce domaine.

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Jean Vila.

Nous savons également que des départements, comme la Marne, ont joué la carte du dumping,...

M. Augustin Bonrepaux.

Ce sont eux les responsables !

M. Jean Vila.

... alors que d'autres, pour financer leurs politiques, se sont résolus à augmenter sensiblement la vignette. C'est dire la difficulté à trouver la solution optimale, mais il nous semble possible et nécessaire d'améliorer, d'ici à la deuxième lecture, le dispositif proposé.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jean Vila.

Depuis l'engagement de la réforme de la taxe professionnelle, nous proposons d'intégrer les actifs financiers des entreprises dans l'assiette de cette taxe, avec l'ambition de voir cette réforme contribuer effectivement au développement de l'emploi.

La suppression de la seule part salariale, qui n'a été conditionnée par aucune obligation en matière de création d'emplois a parfois provoqué des effets contraires à ceux recherchés, dans la mesure où le surplus de profits induits par cette suppression pouvait être affecté à des placements financiers au détriment des actifs physiques et matériels.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

L'intégration des actifs financiers dans les bases de la taxe professionnelle, préconisée par de nombreux parlementaires de sensibilités différentes, répond à un double objectif : réalimenter le produit de la taxe professionnelle et inciter les entreprises à prioriser les investissements productifs.

Comment ne pas rappeler qu'une taxe à un taux faible de 0,5 % générerait quelque 70 milliards de francs, soit, rapportés à la population concernée et moyennant une péréquation, un surplus de recettes de 1 250 francs par habitant ? Nous souhaitons que ce dossier très important puisse déboucher sur des dispositions concrètes dès 2001, en tout cas avant la fin de la présente législature.

J'appelle également votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation de France Télécom. Les élus locaux contestent la non-application du droit commun fiscal.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jean Vila.

Dans l'intérêt de cette entreprise, confrontée à la concurrence des autres opérateurs privés, ainsi que dans celui des collectivités locales, il est nécessaire de mettre un terme à cette situation. Nous souhaitons dès cette année un retour au droit commun, assorti d'une certaine péréquation entre les communes.

Une autre question fait également l'unanimité : l'arrêt de la surcompensation au titre de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Si un certain nombre d'aménagement ont été décidés l'an dernier, il faut prendre à bras-le-corps cette question. La CNRACL ne pourra pas tenir très longtemps le rôle de pivot qui lui a été dévolu dans le financement des régimes spéciaux.

Affimer le souci de la justice fiscale suppose d'aller plus loin dans la prise en compte du revenu pour l'établissement de la taxe d'habitation. Aussi proposons-nous le principe d'un plafonnement de la taxe d'habitation à 0,2 % du revenu et d'une exonération pour les revenus inférieurs au SMIC, compensée par l'Etat.

Nous insistons également pour que, dès cette année, un geste concret soit fait en matière d'exonération de la taxe sur foncier bâti pour nos concitoyens les plus modestes.

Le renforcement des capacités d'action des collectivités locales apparaît pleinement complémentaire avec une mobilisation plus efficace des différents leviers de l'action publique et des politiques visant à répondre aux objectifs de progrès social et économique que s'est donnés la majorité de gauche plurielle.

Faire vivre un véritable pacte de solidarité pour une croissance partagée implique de conforter la situation financière encore fragile de certaines collectivités locales.

Ce sont elles qui se retrouvent en première ligne dans la bataille pour l'emploi et pour un développement équilibré du territoire.

C'est avec ce souci de construire et de renforcer davantage encore la cohérence entre les objectifs affichés et les moyens mobilisés que les députés communistes abordent ce débat budgétaire. Ils souhaitent que leurs propositions qui, le plus souvent, se font l'écho de la préoccupation des élus de toute sensibilité, soient étudiées et effectivement prises en compte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le secrétaire d'Etat, à cette heure tardive, je suis sûr que vous serez indulgent si je reprends quelques-uns des propos tenus par certains de mes collègues qui m'ont précédé à cette tribune. Cela ne vous surprendra pas, vous connaissez l'exercice ! Je profiterai des dix minutes qui me sont imparties pour vous faire part de deux remarques.

Charles-Amédée de Courson et Gilles Carrez ont traité de bien des sujets dans des interventions fort complètes, mais j'ai été un peu étonné que, à part Yves Deniaud qui m'a quasiment volé ce que je voulais dire il y a quelques minutes, peu de mes collègues aient évoqué la façon optimiste - le mot est mesuré - avec laquelle le projet de loi de finances a été construit.

M. Gérard Bapt.

Optimale !

M. Georges Tron.

Si cela ne vous dérange pas, ne m'interrompez pas. A cette heure-ci, on gagnera du temps ! Vous direz ce que vous voulez dire après.

M. Gérard Bapt.

Mais pour qui se prend-il ?

M. Georges Tron.

Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais j'ai été étonné, monsieur le secrétaire d'Etat, de voir dans ce projet de loi de finances des chiffres divers que je trouve très optimistes, et je voudrais vous dire pourquoi cela m'inquiète, en prenant l'exemple précis de la fonction publique.

Chiffres optimistes en premier lieu - je ne veux pas tous les reprendre, ils ont été évoqués par Yves Deniaud tout à l'heure : ceux de la croissance.

Le rythme annuel de croissance, vous le savez aussi bien que moi, était de 4 % au second semestre 1999.

Nous sommes passés à 2,5 % au premier semestre de cette année.

Durant l'été 2000, le prix des matériaux de construction a augmenté de 10 % à 40 %. Pour les matières premières et les biens intermédiaires, l'augmentation des prix est de l'ordre de 10 à 30 % depuis le début de l'année, avec une facturation qui se fait en dollars.

Le commerce extérieur : je ne veux pas gloser sur les chiffres, mais, pour le second mois consécutif - les exportations en étaient la cause le mois dernier, les importations ce mois-ci - il accuse un double déficit.

L'emploi marchand progresse toujours. On était sur la base de 150 000 emplois créés au premier trimestre, c'est 90 000 au deuxième trimestre.

L'inflation, vous connaissez les chiffres aussi bien que moi, 0,2 % et 0,6 % pour les deux derniers mois. La hausse de 0,2 % du mois d'août, c'était avant la crise pétrolière que nous connaissons actuellement, et il faut noter une augmentation de 0,7 % du prix des produits manufacturés.

Quant à la consommation des ménages, elle a augmenté de 2,8 % en un an alors que nous étions, d'après les chiffres que votre prédécesseur avait évoqués lors du budget l'année dernière, sur une base de 4,5 %. Tout cela pour vous dire que je trouve ce budget calé sur des prévisions très optimistes. Je suis assez perplexe en lisant tous ces chiffres et je me pose des questions sur la crédibilité que l'on peut accorder à ceux que vous nous présentez vu l'évolution récente. L'actualité récente, par exemple, nous permet-elle de penser que la situation va s'améliorer sur le plan des matières premières et en particulier des produits pétroliers ? Je ne le crois pas. Je n'ai pas entendu, me semble-t-il, un seul mot sur la question de savoir si vous pouviez devancer en quelque sorte les effets des événements qui se déroulent actuellement au Proche-Orient.

M. Michel Bouvard.

Et l'embargo sur l'Irak !


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M. Georges Tron.

Quid, également, en matière monétaire, du montant de l'euro ? Tout ça, ce sont des questions que, à minuit moins dix, je ne vais pas développer, bien que je les trouve intéressantes, mais elles me permettent d'en arriver à la question centrale de mon propos.

A partir du moment où la situation est celle que je viens de décrire, n'aurait-il pas été prudent d'avoir un plus grand contrôle sur les dépenses publiques, et je vais prendre un exemple tout particulier dans le domaine de la fonction publique, avec une réflexion de forme et une réflexion de fond.

En premier lieu, je serais heureux d'avoir de votre part, et je ne doute pas que vous soyez en mesure de le faire, une réponse hors polémique et hors mouvement de manche, si j'ose dire, pour balayer la question, pour connaître votre sentiment sur le fait que, au mois de février de cette année, un mémorandum a été adressé à Bruxelles dans lequel le gouvernement français s'engageait à ne pas augmenter le nombre de fonctionnaires. Je ne prends pas position pour savoir si c'est bien ou si c'est mal, je dis simplement qu'au début de cette année, il y a eu un document très clair qui nous engage à l'égard de Bruxelles.

Il est vrai, cela dit, que Michel Sapin que j'avais interrogé ici-même quelques semaines plus tard, se référant à des propos tenus par le Premier ministre, lui a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'un dogme intangible. Quoi qu'il en soit, disons les choses clairement, c'était un engagement que le Gouvernement avait pris.

Je voudrais donc que vous me répondiez, si possible, à un moment ou à un autre, peut-être demain, aux deux questions simples que je voudrais vous poser : pourquoi nos engagements ne sont-ils pas tenus ? A-t-on eu tort de les prendre ou tort de ne pas les tenir ? Dans les deux cas, il y a forcément quelque chose qui s'est produit.

La seconde question est d'ordre plus général : ne pensez-vous pas qu'en dérogeant à ces engagements européens, alors que le Gouvernement réaffirme régulièrement son engagement européen, ce que je ne mets pas en cause, en nous soustrayant à des règles qui sont applicables et qu'on demande à nos partenaires d'appliquer, c'est en fait toute l'Europe que nous fragilisons ? C'est en tout cas, me semble-t-il, une des questions que se pose le conseil d'analyse économique qui travaille à Matignon auprès du Premier ministre, puisqu'on peut lire dans sa dernière production, Questions européennes, une phrase digne d'intérêt : « On est entré dans une zone de risque, où le flou qui entoure les stratégies économiques et l'absence de coordination ne peuvent être que nuisibles. »

Comme exemple même de l'absence de coordination qui va nuire à la construction européenne, il y a cette rupture des engagements que nous avions pris à l'égard de Bruxelles. Ça, c'est pour la forme.

Pour le fond, je voudrais simplement vous poser quelques questions qui sont, vous le verrez, assez peu polémiques, mais qui néanmoins, me semble-t-il, méritent une réponse sérieuse.

Tout le monde a bien compris que vous créiez en réalité à peu près 11 400 emplois, il y en avait 4 000 qui apparaissaient dans le cadre d'un plan de résorption d'emplois précaires et 5 000 seront créés pour accueillir les enseignants recrutés en surnombre.

Je voudrais que vous ayez l'obligeance de considérer que nous ne rentrons pas, vous et moi, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce débat absolument grotesque et consternant pour ceux qui nous écoutent le mardi et le mercredi lors des questions d'actualité : nous donnons le sentiment, parfois par maladresse, je vous le concède, que lorsque l'on vous interroge sur le nombre de fonctionnaires, c'est pour critiquer les fonctionnaires, et la seule réponse que vous puissiez nous fournir, c'est de nous demander si nous voulons moins de policiers, de ceci ou de cela. Je rends d'ailleurs hommage à mon tour au travail réalisé par la MEC, pour dire qu'on peut avoir une réflexion un peu plus intelligente sur le sujet.

Je voudais tout de même vous poser quelques questions sur ces différentes embauches.

Première question, ne trouvez-vous pas surprenant que ces embauches se fassent alors même que les premiers décrets de mise en oeuvre des 35 heures dans la fonction publique viennent juste d'être pris ? Tout le monde se doute bien que les 35 heures vont modifier l'organisation de la fonction publique et on est d'ailleurs en train de se poser quelques questions, les uns et les autres, pour savoir si on va se caler sur les 1 600 heures annuelles ou si cela va être fait sous une forme différente avec par exemple une décote de 10 %. Ce sont des questions qu'on peut légitimement se poser.

Eh bien, au moment même où sortent les décrets sur les 35 heures dans la fonction publique - on a jusqu'au 1er janvier 2002 pour mettre tout ça en place - vous procédez à une embauche. N'est-ce pas totalement contradictoire ? Deuxième question, cette embauche se fait alors que Michel Sapin n'a pas encore fixé le calendrier des négociations salariales qu'il avait promises pour cet automne et je trouve assez particulier que, dans tout le débat budgétaire, on n'ait pas entendu un mot sur les incidences que vont avoir l'année prochaine les éventuels engagements que, d'ici à la fin de l'année, M. Sapin pourrait prendre à l'égard des fonctionnaires. Quelles seront les conséquences financières ? Où l'argent nécessaire pour honorer les engagements que le ministre pourrait prendre est-il dans le budget ? De quelle marge budgétaire disposez-vous ? Cela me paraît être une question importante et je suis sûr que les fonctionnaires attendent la réponse avec intérêt.

Troisième question, ces embauches de 20 000 fonctionnaires se font sans que nous disposions de la moindre étude, d'une part sur l'impact des nouvelles technologies - M. Fabius a dit quelques mots tout à l'heure à la tribune, mais il y a toute une réflexion à mener en ce domaine et je n'ai rien entendu à ce sujet - et, d'autre part, sur l'équilibre entre l'externalisation et l'internalisation de certaines tâches d'exécution dans la fonction publique. Je note qu'un observatoire de l'emploi public vient d'être installé et que l'une des missions qui lui sont confiées est justement de répondre à ces questions. C'est pourquoi je trouve surprenant qu'on procède à des embauches sans connaître encore les réponses. Cela me paraît tout à fait paradoxal.

En dernier lieu, je voudrais attirer votre attention sur le fait que ces embauches se font, et tout le monde le sait, au moment même où se présente une extraordinaire opportunité qui est relevée par tous les rapports, et une chance pour la France de se moderniser et éventuellement de moderniser sa fonction publique, c'est celle du départ d'ici à 2010 de 40 % des agents de l'Etat, 75 % d'ici à 2020. Il va de soi que tout cela supposera de modifier l'organisation du travail et les relations sociales au sein de la fonction publique.


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Compte tenu du choc démographique qui se caractérise à la fois par ces départs massifs et par l'arrivée de classes d'âge moins nombreuses, il y a deux hypothèses : soit une aspiration par le secteur public d'une partie de ces classes d'âge qui aboutira automatiquement à une sorte de ponction sur le secteur privé et à une pression sur les salaires, soit, effet inverse, un dépeuplement en quelque sorte des gens de qualité dans la fonction publique, ce qui la désorganisera.

Bref, monsieur le secrétaire d'Etat, sans prendre position, vous l'avez noté, sur le fait qu'il y ait une augmentation aussi massive de fonctionnaires dans votre budget, je suis tout à fait dubitatif sur le fait que vous agissiez ainsi sans avoir au préalable cherché sous une forme ou sous une autre à répondre aux questions que je viens de poser, et j'en déduis donc trois observations rapides.

D'abord, nous persistons dans une espèce de spécificité d'exception française en matière de fonction publique qui ne nous apporte rien d'autre que des remarques de tous les instituts d'observation extérieurs ou de la Commission européenne.

Ensuite, cela va rigidifier un petit peu plus notre dépense publique. Or M. Fabius, comme M. Strauss Kahn l'avait fait l'année dernière, insiste longuement et à chaque fois sur le fait que 42 ou 43 % des dépenses du budget sont d'ores et déjà consacrées aux salaires et aux pensions des fonctionnaires.

Enfin, je trouve relativement incohérent que nous nous retrouvions aujourd'hui avec une mesure d'embauche de 20 000 fonctionnaires, qui, après tout, est peut-être justifiée, sans aucune concertation, sans aucune réflexion de fond. La question, je le répète, méritait autre chose que cette façon rapide de nous mettre devant le fait accompli.

C'est la raison pour laquelle, comme je vous l'ai dit en commençant, je trouve qu'à bien des égards il y a dans ce budget des choses surprenantes, pas simplement en termes d'optimisme, mais également en termes de précipitation pour traiter de questions aussi importantes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod, dernier orateur pour ce soir.

M. Michel Suchod.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'analyse si fallacieuse à laquelle conduit l'approche qui compare les surplus budgétaires à des cagnottes à répétition qui viendraient se surajouter les unes aux autres a tout de même l'intérêt de montrer que c'est lorsqu'il y a un surplus de recettes publiques que se pose vraiment la question-clef de la conception d'un budget : que faire de son argent et surtout que faire de l'argent supplémentaire ? Le ministre des finances a parlé d'un triangle des possibles. Je ne pense pas que ce soit le triangle des Bermudes (Sourires) et je voudrais insister sur le premier point qui sera le plus facile : réduire les déficits. Je pense que c'est normal de peser indirectement sur la dette en période de vaches grasses et de donner un signe au moment où les choses vont mieux.

Par conséquent, le déficit budgétaire continue à baisser.

Pour 2001, nous aurons 186 milliards de francs, ce qui est mieux encore que l'année précédente. On va arriver à ce que l'ensemble des déficits publics représentent 1 % du PIB, objectif très maastrichien, le plus bas niveau atteint depuis vingt ans.

J'approuve donc le ministre de ne pas avoir été audelà, d'autant qu'on sait bien que l'exécution des lois de finances en 1999 et cette année montre que le dynamisme spontané des recettes fiscales, dans un contexte macro-économique favorable, permet en fait d'améliorer encore les chiffres du déficit annoncé par la loi de finances initiales, et on peut prévoir une moins-value du déficit de 20 milliards de francs en fin d'année.

Par conséquent, de ce point de vue là, ce qu'il fallait faire est fait et je voudrais insister sur le deuxième point, ce que le ministre a appelé le grand mouvement de baisse des impôts.

On s'en doute, le Mouvement des citoyens n'appartient pas aux religionnaires de la baisse. Je rappelle du reste que Montesquieu, dans l'opulence générale, indiquait que, sans impôt, il n'y a pas de République. Ce qui nous intéresse nous, dans la baisse, c'est : comment ? Pour qui ? Pour quoi faire ? Comment ? Plutôt dans la clarté, bien sûr ! Pour qui ? Plutôt pour tous ! Au deux bouts de l'échelle sociale comme c'est le cas, mais aussi pour les classes moyennes qui sont au milieu, et pour la dynamique économique, la croissance et l'emploi.

Sur la méthode, je pense que l'on dit beaucoup de choses. Que la commission des finances soit informée lorsque tout le monde l'est déjà, lorsque la presse quotidienne régionale a publié tous les tableaux, toutes les données, c'est de mauvaise politique. Il faudrait que le Parlement soit davantage associé.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Michel Suchod.

J'en veux pour preuve ce débat qui agitait l'ensemble des médias : vignette ou redevance télévision. Les seuls qui n'en débattaient pas c'était, mes chers collègues, vous le savez bien, la commission des finances de votre assemblée.

M. Michel Bouvard et M. Jean-Jacques Jégou.

Tout à fait !

M. Michel Suchod.

Cela doit cesser et je le dis au moment où un débat va intervenir sur la réforme de 1959. C'est d'abord une question d'état d'esprit, parce qu'il faut revenir sur une partie de ce qui a été fait pour obtenir le parlementarisme rationalisé, à savoir empêcher le Parlement de débattre trop. Il faut que le Parlement débatte d'avantage ! A qui doivent bénéficier les baisses ? Je suis surpris car nous avions appris, chez quelques bons auteurs, quelques grands principes et mis cinquante ans à obtenir la progressivité de l'IRPP. Or chacun voit bien que, par les mesures proposées sur trois ans sur les 140 milliards de francs concernés, celle-ci va être érodée. On a pu calculer du reste que les gens du premier quartile, c'est-à-dire 25 % des Français les plus riches, vont engranger 78 milliards des 140 milliards concernés. Bien sûr on nous explique, c'est presque une lapalissade, que ce sont forcément ceux qui paient le plus d'impôts qui vont bénéficier des diminutions, mais il y a une limite. Voir le principe de la progressivité de l'IRPP compensé par l'érosion du caractère universel de la CSG ne nous paraît pas davantage bon. C'est un peu l'os que l'on jette aux classes populaires en leur expliquant que tous ceux qui ont un revenu jusqu'à 1,3 % du SMIC bénéficieront de ce dégrèvement. En réalité, cela les stigmatise et supprime cette universalité qui est absolument nécessaire.

Résultat, c'est aux deux bouts de la chaîne que l'on engrange les avantages. Les classes moyennes elles-mêmes apparaissent un peu grugées.


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M. Jean-Jacques Jégou.

Tout à fait !

M. Michel Suchod.

Dans quel but procède-t-on à la baisse ? Evidemment, pour nous, il s'agit de continuer à affirmer la priorité du Gouvernement qui est la défense d e l'emploi. Nous avions suffisamment critiqué les hausses de TVA imposées par M. Juppé pour regretter que l'on n'ait baissé que d'un point et non pas de deux et que l'on ne se soit pas lancé dans des baisses ciblées comme cela avait été amorcé l'an dernier - je pense bien entendu à la restauration ainsi qu'à un certain nombre de charges pour les artisans et les commerçants.

J'ajoute, et c'est le troisième côté du triangle, que, si ces baisses d'impôt avaient été organisées différemment et avaient été un peu moins fortes, il aurait pu être consenti plus de dépenses pour un certain nombre de services publics. Il est curieux de voir qu'avec une croissance qui pourrait être cette année de 3,3 %, on n'augmente les dépenses publiques que de 0,3 %.

Chacun, bien entendu, a à coeur de défendre tel ou tel secteur. J'en citerai brièvement trois.

Le premier vous vous en doutez, c'est la police de proximité. On nous parle de créer 704 emplois dans le budget, mais je me demande si cela correspond véritablement à l'immense basculement qui est nécessaire vers la police de proximité. On sait bien que ce ne sont pas les g ens recrutés dans les compagnies républicaines de sécurité en 1968 qui pourront assurer cette police de proximité. Il faut bien sûr des postes nouveaux qui compenseront les départs à la retraite.

Deuxième secteur, les prisons. Nous avons fait cette année, avec trente parlementaires, un rapport sur la situation dans les prisons françaises. C'est un rapport essentiel.

Bien entendu, on peut nous dire que c'est un plan de dix ans dont nous avons besoin, et que ce n'est pas cette année que nous allons résoudre tous les problèmes. J'ai déjà cosigné avec le président Mermaz une lettre destinée à Mme Guigou sur la prison de Basse-Terre. J'invite ceux d'entre vous qui le voudraient à y aller. Ils feraient à peu de frais un voyage au milieu du

XVIe siècle - non pas même du

XVIIe ou du

XVIIIe . Cela va coûter de l'argent dès ce budget-ci.

Je suis allé avec François Hollande à Tulle et nous avons demandé qu'il y ait un atelier, nous demandons que le centre de Mauzac 1 soit fermé, parce qu'il ressemble trop aux stalags, ce qu'il est en réalité : construit en 1936, il en a totalement le look ! Tout cela demande des traductions budgétaires qui ne sont pas prévues dans ce budget.

J'ajoute que, représentant ici, avec de nombreux collègues, les parlementaires mériodionaux, nous regrettons que les retraités agricoles, qui sont 2 200 000 familles, se voient opposer toute une série de raisons au moment où on parle du plan intéressant certes, mais modéré, qui leur a été proposé. Lorsqu'on voit que sont distribués 140 milliards de francs, on se prend à rêver à un ou deux milliards de plus, qui, pour ces catégories sociales extrêmement marginalisées dans leurs revenus, auraient été une nécessité absolue. Et je ne parle pas ici de la santé, de la défense, de la culture, de la recherche, sur lesquelles il y aurait également beaucoup à dire.

Enfin, dernier point, monsieur le secrétaire d'Etat, il est vrai que dans ces budgets que nous votons année après année, une préoccupation apparaît concernant les collectivités locales. L'an dernier, c'est la part salariale de la taxe professionnelle qui a été supprimée pour moitié, et elle le sera entièrement cette année. On a certes créé un versement représentatif pour les collectivités territoriales, mais il est clair qu'on les prive d'un impôt qui leur était en réalité affecté. Cette année, c'est la suppression de la vignette. Par conséquent, vous comprenez bien qu'il y a une certaine angoisse, ou une certaine inquiétude, qui naît dans les collectivités territoriales.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Michel Suchod.

Je pense, premièrement, qu'il faudra désormais faire ces choses, si elles devaient continuer, avec plus de concertation préalable (MM. Jean-Jacques Jégou et Michel Bouvard applaudissent), et deuxièmement, il faudra certainement avoir le courage de se lancer dans une grande réforme de la fiscalité locale. On nous a beaucoup parlé du rapport Mauroy : j'espère qu'on saura en tirer les conséquences dans des délais que je qualifierai de rapprochés, parce que sinon, une fois de plus, un rapport aura abouti à montrer le problème, mais pas à le traiter, ce qui est de très mauvaise politique, surtout lorsque ces choses s'accumulent au fil des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je voudrais répondre, très rapidement, à cette heure en effet tardive, aux orateurs. Ceux-ci m'excuseront de ne faire parfois qu'effleurer leur intervention, mais j'essaierai d'aller à l'essentiel, afin de gagner du temps, demain, dans le débat, et entrer plus vite dans la discussion des articles.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Gantier a commencé par évoquer les problèmes de croissance. Il faut dire que depuis quatre ans, la croissance est revenue, et que la demande intérieure a, chaque année, augmenté de plus de 3 %. Le cap est fixé, et la politique économique est ainsi active en faveur d'une croissance équilibrée et non inflationnaliste.

Il a eu raison de s'interroger sur la présence de goulets d'étranglements en matière de main-d'oeuvre. Le changement est en effet fort depuis 1997. A l'époque, le problème n'était pas la pénurie de main-d'oeuvre mais la pénurie d'emplois.

Depuis juin 1997, le taux de chômage a baissé de 3 points, passant de 12,6 % à 9,6 %. Et j'espère bien qu'à la fin de la législature, nous serons en dessous de 8 %. Belle évolution qui est, je crois, l'indice du succès d'une politique.

M. Gantier s'est également inquiété, avec d'autres orateurs, de la sincérité des comptes. Une bonne façon de lever ses inquiétudes est de se reporter aux données de la comptabilité nationale harmonisée au plan international : le déficit public en 2001 sera inférieur à 1 % du PIB, soit le chiffre plus faible depuis vingt ans, ce qui nous place à peu près dans la moyenne de la zone euro, alors que nous étions en queue de peloton en 1997.

Quant à la dette, il a raison, son poids a augmenté.

Mais il se trompe de période ! C'est entre 1993 et 1997 qu'elle a augmenté de 20 points. Elle a au contraire baissé de 3 points entre 1997 et 2001.

Mme Marre a fait des remarques fort utiles et tout à fait pertinentes sur les régimes sociaux, la fiscalité agricole et les entreprises individuelles. Et son rapport, cosigné par M. Cahuzac, fera date. Nous nous sommes d'ailleurs inspirés, pour un certain nombre de mesures, notamment celles figurant à l'article 11, des excellentes propositions


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qui sont les siennes. Nous allons étudier ses propositions sur d'autres sujets de fond : suppression du régime forfaitaire pour l'agriculture, réorganisation de la séparation entre patrimoine privé et patrimoine professionnel. Nous prendrons le temps d'une concertation approfondie avec l'ensemble des parlementaires pour aller dans ce sens.

Je ne vais pas revenir, mesdames, messieurs les députés, sur les remarques que j'avais faites au nom du Gouvernement, et que je trouve toujours pertinentes,...

M. Georges Tron.

Cela nous rassure !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... sur l'évolution du besoin de financement, sur celle des prélèvements obligatoires et sur celle de la dette. Je rappellerai seulement que le besoin de financement décroît en France plus rapidement que chez nos partenaires européens.

Pour ce qui est des prélèvements obligatoires, on en a beaucoup parlé la semaine dernière lors de la discussion des deux lois de règlement : c'est pourquoi je ne reprends par l'explication, les députés ici présents sont très avertis de ces questions et connaissent parfaitement les chiffres.

Ceux-ci sont en effet tout à fait parlants : les prélèvements obligatoires devraient baisser de 0,5 point par an en 2000 et 2001. Mais je préfère parler aujourd'hui de baisse d'impôts que de baisse des prélèvements obligatoires, cela me paraît beaucoup plus significatif de la réalité d'une politique de finances publiques.

Quant à la dette publique, j'ai dit la semaine dernière, mais je rappelle à nouveau car c'est un plaisir de dire ces chiffres pour M. le rapporteur général et pour les membres de la majorité, que son poids dans le PIB baisse pour la troisième année consécutive.

M. Michel Bouvard.

C'est le stock de dettes qui baisse !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elle s'élèvera à 57 % du PIB en 2001, contre plus de 60 % lorsque l'actuelle majorité est parvenue au pouvoir.

L e budget de l'Etat est en excédent primaire depuis 2000. Cet excédent sera de plus de 50 milliards je parle bien de l'excédent primaire - en 2001.

M. Brard a abordé différents sujets importants : la priorité de la politique économique de l'emploi, le sens de la baisse de l'impôt, ceux qu'ils a appelés les

« oubliés » de la croissance et un dispositif de lutte contre l'exclusion.

Sur l'emploi, qui est d'ailleurs le seul problème qui compte au fond aujourd'hui, je rappellerai qu'en 1997 le taux de chômage était proche de 13 %, alors qu'il sera inférieur à 8 % à la fin de la législature. Sur les baisses d'impôts décidées par le Gouvernement, redisons aux différents orateurs qui les ont critiquées qu'elles ne sont pas sans principe. Elles ont pour but de favoriser une politique de l'offre, comme je le disais cet après-midi à

M. Méhaignerie en réponse à une question d'actualité.

Cette politique passe par l'investissement, par l'innovation, par l'embauche créatrice d'emplois et d'activités, en baissant l'impôt sur les sociétés. Elle entend aussi rentabiliser le travail par rapport au non-travail, en baissant la cotisation de CSG. Elles veut élever le pouvoir d'achat, adresser un signe positif à la création, à l'innovation, à l'esprit d'entreprise, et compenser l'élévation du prix de l'essence. Il s'agit donc d'une manière générale de produire de la richesse, donc de l'assiette, donc de la solidarité. L'utilité structurelle et l'utilité conjoncturelle se rejoignent ainsi dans une bonne politique économique.

On partage mieux des richesses quand on crée, c'est un truisme.

Pour ce qui concerne les oubliés de la croissance, nous modifions le plan Pons dans les DOM-TOM et nous avons raison en effet de moraliser ce système. Mais, c'est vrai, nous pouvons aller un peu plus loin que 1,3 fois le SMIC pour la baisse de CSG. Nous irons jusqu'à 1,4 fois le SMIC, écoutant ainsi notre majorité. Au-delà, ce ne serait pas posibile, car un dixième de point, par exemple de 1,4 à 1,5 fois le SMIC, cela se traduit par un milliard de recettes fiscales en moins.

Les fraudes, M. Brard a raison d'y insister. Nous les pourchassons. Ceux, d'ailleurs plus rares qu'on ne le croit, qui partent s'établir à Londres ou à Bruxelles, ne doivent pas oublier que, là-bas, ils n'auront ni la même retraite ni le même système éducatif, ni le même système de santé. Les comparaisons ont été faites, elles ont parfois été dites ici.

M. Alain Rodet.

Et l'essence est plus chère.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Et l'essence y est plus chère, en effet, car plus taxée encore. Il faut redire ces vérités simples, pour ceux qui mettent en avant certaines comparaisons avec l'étranger, en affirmant qu'elles seraient au détriment de notre pays. La comparaison est en réalité beaucoup moins flatteuse pour ces différents pays, par ailleurs membres de l'Union, qu'on ne le dit.

Nous avons également bien entendu le propos du groupe communiste sur le dispositif original de lutte contre l'exclusion qu'il propose. Nous y avons retrouvé en effet, comme souvent dans la majorité plurielle, sincérité et générosité. Mme Aubry, ou le ministre qui lui succédera, vous entendra les uns et les autres, comme saint G ilbert ou saint Thomas, cités abondamment par

M. Brard.

M. Jégou s'inquiète de l'importance des baisses d'impôts en faveur des entreprises. Dans le rapport économique et financier, il est indiqué que la baisse des prélèvements sur les entreprises atteindra 80 milliards à l'horizon 2003 : continuation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, suppression des deux surtaxes de 1995 et de 1997 sur l'IS, allègement des charges en fonction de la progression de l'aménagement-réduction du temps de travail. Voilà trois exemples d'une véritable politique dynamique.

Vous proposez, monsieur Jégou, de baisser les cotisations sociales des salariés. Est-il bien raisonnable de baisser les cotisations vieillesse - je crois que c'est l'exemple que vous aviez pris - peu avant le choc démographique qui posera en termes tout à fait nouveaux le problème du financement des retraites et qui devrait intervenir, chacun le sait ici, entre 2005 et 2010 ? Quant aux mesures fiscales, je pense, pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, que la meilleure des mesures est la baisse, vous ne pouvez en disconvenir. Et il faut remarquer l'importance de la baisse de l'IR qui est proposée dans ce projet de loi de finances.

En ce qui concerne la TVA, nous l'avons effectivement baissée, comme je le rappelais ici même cet après-midi, de 60 milliards au total, et cela parce que vous l'aviez augmentée d'à peu près autant en deux ans.

Un mot sur la vignette, qui est injuste et pénalisante pour 98 % des gens. Il y a 30 millions d'automobilistes, mais seulement, il faut le répéter, 30 000 voitures de sport ou de haute cylindrée, qui, d'après le calcul de la vignette, bénéficieront en effet, en valeur absolue, d'uner éduction importante, ce qui veut dire que 2 9 970 000 automobilistes bénéficieront d'une baisse moyenne considérable, importante pour leur pouvoir d'achat.

M. Michel Bouvard.

135 francs !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Chaque année, dans la discussion budgétaire, les critiques portant sur la vignette n'avaient pas manqué. Aujourd'hui, nous la supprimons. Evidemment, un certain nombre de députés, dans l'opposition, critiquent cette mesure. Elle était pourt ant nécessaire. On l'attendait depuis 1956, a dit M. Fabius cet après-midi. Ce sera chose faite, si l'Assemblée nationale veut bien nous suivre.

M. Rigal a souligné des motifs de satisfaction. Il faut en effet distinguer les choix portant sur les impôts indirects et ceux portant sur les impôts directs. Les premiers, grâce à la TVA, ont baissé de 60 milliards en un an. Les seconds, dans lesquels j'inclus la CSG et la taxe d'habitation, concernent tous les citoyens. Ils doivent aussi baisser, avec discernement, et dans la justice.

On a répondu cet après-midi, une fois de plus, à l'objection touchant à la TVA sur la restauration. Je n'y reviens pas, car je pense que de nombreux amendements ont été déposés.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

J'aurai l'occasion, ainsi que M. le rapporteur général, de développer à l'envi l'analyse que nous inspirent ces différents amendements.

M. Michel Bouvard.

C'est de la gourmandise !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Dominati a voulu démontrer que M. Fabius était socialiste, ce en quoi il ne s'est pas trompé.

(Sourires.)

Mais il s'est hasardé à poser une équivalence entre « libéral » et

« moderne », équivalence qui n'est pas évidente pour tout le monde ici, loin de là ! Souffrant sans doute un peu de surdité, il s'est efforcé de défendre une politique de l'offre et de soutien aux entreprises que les gouvernements que vous avez soutenus, messieurs de l'opposition, n'ont en fait jamais mis en pratique, mais que notre budget nous donne les moyens de développer.

Il a affirmé que « la politique économique de l'emploi n'est ni moderne ni libérale ». Je ne vois pas pourquoi le fait de n'être pas libéral serait une faute. Mais il n'y a peut-être pas de chômeurs chez lui, à Paris...

Sur les impôts, M. Dominati a montré nos « insuffisances ». En effet, nous baissons les impôts de 200 milliards de francs en deux ans, ce que l'on peut juger fort modeste, alors que ses amis les avaient augmentés de 90 milliards sous M. Balladur et de plus de 120 milliards sous M. Juppé ! Cela n'est évidemment pas la même chose !

M. Georges Tron.

Et vous ? Combien d'augmentation dans les trois ans passés ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je remercie M. Balligand d'avoir bien voulu souligner la cohérence de nos choix financiers, la force de la maîtrise de la dépense, laquelle constitue un axe essentiel de notre politique ce qui ne nous empêche pas de maintenir des priorités évidentes rappelées par M. Fabius à cette tribune cet aprèsmidi -, et l'importance de la réduction des déficits et de la baisse d'impôts que nous poursuivons. Je conviens avec M. Balligand de la nécessité d'alimenter les fonds de réserve des retraites, pour se prémunir du choc dont je disais à l'instant qu'il viendrait, hélas, à échéance entre 2005 et 2010. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose à votre assemblée l'affectation aux fonds des retraites de l'essentiel des recettes de l'UMTS. Nous en reparlerons dans quelques jours, mais je tiens à dire, dès à présent, que cette position est ferme et qu'elle est logique. Je demande à l'Assemblée de bien vouloir approuver cette démarche forte.

M. Deniaud ne souhaite pas nous suivre, mais il a tort d'affirmer que la baisse des crédits d'équipement est celle qu'il a indiquée. Il faut lui rappeler que dans le projet de loi de finances pour 2001, les moyens d'engagement des investissements civils augmentent de 2,6 %. Ils traduisent d'ailleurs l'engagement considérable du Gouvernement dans la nouvelle génération très dynamique, il faut le reconnaître un autre orateur les a d'ailleurs évoqués des contrats de plan Etat-régions.

M. Yves Deniaud.

Ce sont les crédits de paiement qui comptent !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur Vila, l'augmentation des dotations consacrées aux collectivités locales est très réelle, il faut le redire. Je l'ai évoquée tou t à l'heure en répondant à une autre question cet aprèsmidi. Le contrat de solidarité et de croissance au profit des collectivités locales augmentera de 2,6 % beaucoup plus que l'évolution de la dépense publique -, soit de 4,3 milliards. La croissance du PIB sera prise en compte en 2001 pour la première fois à hauteur de 33 %. La DGF augmentera elle-même de 3,87 milliards, soit 3,42 %. Ce sont les meilleurs chiffres que l'on ait connus au profit des collectivités locales depuis de très longues années.

La compensation de la vignette, pour répondre au même orateur, est non seulement faite au franc le franc, ce qui est d'ailleurs le moins, mais indexée de façon dynamique sur la DGF, qui croîtra en 2001 plus vite que la vignette, je dis bien : plus vite que la vignette. Les départements seront donc gagnants dans la compensation instaurée par le Gouvernement.

M. Tron nous trouve optimistes. Nous ne tablons pas sur un prix du pétrole que la négociation maintiendrait à un niveau élevé, c'est exact. M. Fabius a donné tout à l'heure le prix du baril du pétrole tel que nous le prévoyons, de manière raisonnable, pondérée et qui résultera du dialogue entre les pays producteurs et les pays consommateurs. Nous voulons un euro stable et solide.

Avec l'« Euro-groupe », nous l'obtenons par une sorte de codirection participative pour l'euro, c'est exact. Nous rendons 210 milliards de francs à l'économie en deux ans par les baisses d'impôts considérables, c'est exact. Un tiers de l'investissement nouveau n'est pas consacré au renouvellement, mais à l'accroissement des moyens de production, c'est encore exact. Le pouvoir d'achat est élevé et l'inflation est basse. Oui, la croissance sera supérieure à 3 %.

M. Georges Tron.

Attendez ! Je n'ai pas parlé de cela, ce n'est pas à moi que vous répondez ! Vous ne lisez pas les bonnes fiches, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

L'engagement européen, il porte sur les budgets. Je vous rappelle que le nôtre reviendra à l'équilibre en 2004. Cet engagement ne porte pas sur les effectifs de la fonction publique, dont la progression est équivalente à 2 % de celle de l'emploi privé. Les effectifs ne sont pas calés sur les 35 heures mais sur les besoins exprimés par la jeunesse, notamment dans l'enseignement, et en particulier en ce qui concerne les trois-seize ans. Deux aspects sont à prendre en considération. D'abord, la démographie, qui n'est pas de notre fait. Ensuite, la nécessité de préparer une société du savoir et de l'éducation. Ainsi que le disait M. le rapporteur général, nous sommes fiers de préparer, grâce à ces


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 OCTOBRE 2000

11 607 créations d'emplois - dont l'immense majorité dans l'éducation mais aussi dans la sécurité, la police et la gendarmerie -,...

M. Georges Tron.

Ce n'est pas possible, c'est la fatigue !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... la France de demain, en satisfaisant aux besoins impérieux d'éducation et de qualification de notre main-d'oeuvre. Voilà notre réponse à l'ensemble de vos questions.

M. Georges Tron.

C'est votre réponse, mais ce ne sont pas mes questions !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Suchod a soulevé, à juste titre, un certain nombre de questions tout en soulignant, si j'ai bien compris, qu'il soutenait le projet de budget présenté par le Gouvernement. En effet, même si M. Suchod a pu employer un ton parfois un peu acide ou humoristique, l'essentiel est qu'il ait vu que l'évolution de la dépense publique sera modérée, 0,3 % en moyenne, qu'il y a des priorités affichées et financées par le Gouvernement et qu'il soit prêt à les soutenir activement, avec le groupe du Mouvement des citoyens.

M. Georges Tron.

Pas nous !

M. le secrétaire d'Etat d'industrie.

Je l'en remercie très sincèrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 13 octobre 2000, de M. Marcel Rogemont un rapport, no 2630, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

J'ai reçu, le 17 octobre 2000, un rapport, no 2633, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2606) : de M. Alfred Recours : tome I. - Recettes et équilibre général ; de M. Claude Evin : tome II. - Assurance maladie et accidents du travail ; de M. Denis Jacquat : tome III. - Assurance vieillesse ; de Mme Marie-Françoise Clergeau : tome IV. Famille ; de MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau : tome V. - Examen du rapport annexé à l'article 1er , tableau comparatif et amendements non adoptés par la commission.

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 13 octobre 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 35 de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public et de la poste et des télécommunications, le rapport public annuel 1990/2000 de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION J'ai reçu, le 17 octobre 2000, de M. Daniel Chevallier un rapport, no 2632, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de résolution de Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 90/220/CEE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement du 23 février 1998 (COM [1998] 0085 final/no E 1485) (no 2584).

5 DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président.

J'ai reçu, le 17 octobre 2000, de M. Jérôme Cahuzac un avis, no 2631, présenté au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2606).

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à dix heures, première séance publique : Suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement sur des thèmes européens ; Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 18 octobre 2000, à zéro heure trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 12 octobre 2000 No E 1563. Proposition de règlement du Conseil m odifiant l'annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (produits des technologies de l'information [ATI]) (COM [2000] 557 final).

No E 1564. Proposition de règlement (CECA, CEE, EURATOM) du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes en ce qui concerne les modalités d'adaptation des rémunérations et la contribution temporaire : communication de la Commission sur les rémunérations et pensions (COM [2000] 569 final).

Communication du 16 octobre 2000 No E 1565. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au comité de la sécurité maritime et modifiant les règlements en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution par les navires. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution par les navires (COM [2000] 489 final).

No E 1566. Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 95/408/CE concernant les modalités d'établissement, pour une période transitoire, de listes provisoires des établissements de pays tiers dont les Etats membres sont autorisés à importer certains produits d'origine animale, produits de la pêche et mollusques bivalves vivants (COM [2000] 532 final).

No E 1567. Proposition de règlement du Conseil relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur (COM [2000] 538 final).

Communication du 17 octobre 2000 No E 1568. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les dispositions relatives à l'heure d'été (COM [2000] 302 final).