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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE MME NICOLE CATALA

1. Loi de finances pour 2001. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6937).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 6937)

M.

Alain Rodet, Mme Martine Aurillac,

MM. Gérard Fuchs, François Guillaume, Dominique Baert, Christian Estrosi, Gérard Bapt, Thierry Mariani, Yann Galut, Alain Barrau, Julien Dray, Jean-Louis Dumont.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6953).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE MME NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001 Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente.

Dans la suite de la discussion générale, la parole et à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, j'évoquerai en quelques mots les problèmes touchant à la fiscalité pétrolière, qui ont beaucoup animé la fin de l'été

Le triplement du prix du pétrole exprimé en dollars, entre janvier 1999 et septembre 2000, a été amplifié par la dépréciation de l'euro, et, en réalité, durant cette période, nous avons pratiquement assisté à une multiplication par cinq du prix du pétrole brut.

Fort heureusement, les temps ont changé et ce choc pétrolier n'a pas eu l'impact de celui d'octobre 1973. Je rappelle que les pays européens, parmi d'autres, en ont durement payé le prix : vingt ans de récession, explosion corrélative de l'inflation et du chômage.

Des incertitudes demeurent quant au prix prévisible du baril, avec toutes les interrogations que cela peut nourrir pour la poursuite de la croissance. Les études et les prévisions divergent fortement selon qu'elles émanent de l'OCDE, de l'Agence internationale de l'énergie, des experts de la Caisse des dépôts, de l'université Paris XNanterre ou de la BNP-Paribas.

Cet état de fait a conduit nos concitoyens comme ceux d'autres pays européens à mettre en cause très vivement la fiscalité pétrolière.

Le Gouvernement a cherché des réponses efficaces à cette situation, notamment par la baisse de la TIPP sur le fioul domestique, par la mise en place du système de compensation des variations de recettes de TVA et par d es mesures spécifiques concernant certains secteurs comme le transport routier, l'agriculture et les transports en commun.

Mais la TIPP est toujours perçue comme la taxe à baisser pour effacer l'impact de la hausse du prix du pétrole brut. On oublie en effet trop souvent que la TIPP s'applique sur des quantités et non en pourcentage du prix, qu'en réalité, elle est indépendante du prix hors taxes. C'est la raison pour laquelle le slogan demandant une baisse immédiate d'un franc par litre a connu quelque succès au cours des dernières semaines de l'été.

C'était sans doute aller vite en besogne ; en effet, comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a rappelé hier, une diminution d'un franc par litre représente 50 milliards de francs en moins pour les recettes de l'Etat, soit deux fois le budget de la justice ou plus de 15 % du budget de l'éducation nationale, et l'on passe sous silence l'inertie des prix pratiqués par les compagnies pétrolières.

En réalité, on ne peut mesurer correctement l'impact de la TIPP qu'en calculant son rapport au produit intérieur brut. Celui-ci atteignait en 1993, 1,7 % et il était passé à plus de 2 % en 1996. Durant cette période, qui correspond à la dixième législature de la Ve République, la TIPP a augmenté de près de 90 centimes par litre pour le super sans plomb et de près de 60 centimes par litre pour le gazole. Par contre, depuis 1997, la TIPP n'a pas enregistré de hausse importante et, pour le super sans plomb, elle n'a pas augmenté du tout.

Ainsi, depuis 1996, notre fiscalité pétrolière n'est qu'un peu supérieure à la fiscalité moyenne constatée dans les pays de l'Union européenne, très inférieure, cependant, à celle du Royaume-Uni, qui, bien que pays producteur, impose le plus lourdement les carburants routiers. Une seule comparaison suffit pour illustrer cette situation : en Grande-Bretagne, 6,56 francs de taxes sont prélevés par litre de gazole, contre 3,54 francs en France. On constate donc que l'Angleterre n'est pas ce pays si doux en ce qui concerne la fiscalité, contrairement à ce qu'on affirme un peu trop souvent. Néanmoins, la France est distancée par des pays du sud de l'Europe comme la Grèce, le Portugal et l'Espagne, qui pratiquent une fiscalité beaucoup plus faible sur toute la gamme des carburants. Il est vrai que ces pays ne disposent pas de structures de transports en commun très performantes, ce qui les rend sans doute plus dépendants de l'automobile. La Grèce, championne d'Europe pour le bas pris des carburants routiers - encore faut-il prendre en compte les différences de niveau de vie et le rapport à la PIB -, est aussi le pays qui paie actuellement le tribut le plus lourd à la pollution atmosphérique : la situation de la capitale, Athènes, est à cet égard très inquiétante, en particulier pour les archéologues, notamment ceux qui travaillent sur le site du Parthénon.

En fait, au-delà du débat sur la fiscalité pétrolière, il nous faut porter, dans cette discussion, une attention toute particulière à l'article 9 du projet de loi de finances pour 2001, qui tend à aménager la fiscalité des sociétés pétrolières en modifiant sur plusieurs points le code général des impôts. Ces mesures prolongent utilement les réflexions du rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, qui, ici


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même, l'an dernier, nous faisait part de ses interrogations sur le fonctionnement des mécanismes présidant à la formation des prix des carburants routiers.

M. Gérard Bapt.

C'est vrai ! Je m'en souviens !

M. Alain Rodet.

Le dispositif, aujourd'hui, semble bien fonctionner lorsque le prix du pétrole brut augmente ; il est beaucoup moins efficace en cas de baisse. Ces ratés de la concurrence et du marché libre justifient largement les modifications apportées par l'article 9.

En conclusion, j'indique que, bien sûr, je me rallie à ces mesures, même si certains esprits fatalistes ou chagrins soulignent que le caractère spéculatif des marchés pétroliers fera toujours mauvais ménage avec la transparence.

Précisément, les dispositions de l'article 9 peuvent nous aider à réduire et à dépasser cette antinomie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, on parle beaucoup, au sein de la majorité plurielle, d'un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement. Pourtant, la nouvelle procédure budgétaire, qui, pour l'essentiel des dépenses, évacue le débat en séance publique, est très largement frustrante.

De plus, elle est opaque pour les citoyens, et les électeurs le sentent ; il n'est pas étonnant qu'ils se réfugient dans une abstention exaspérée, quand ils ne défilent pas dans la rue...

Ce que je dis, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'entends tous les jours dans ma mairie, dans ma permanence, sur les marchés, directement ou par l'intermédiaire d'innombrables relais d'opinion, notamment associatifs, qui ne sont pas tous de droite.

Le débat politique n'est plus perçu qu'à travers la partie de pancrace autour des « affaires », vraies ou supposées. La démocratie fonctionne mal parce que tout l'aspect positif du débat politique est occulté, quand il n'est pas réduit à néant.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, et M. Gérard Bapt.

C'est vrai !

Mme Martine Aurillac.

La démocratie moderne est née du consentement à l'impôt et du contrôle des dépenses publiques. La loi de finances en est la traduction constitutionnelle et organique. Mais quel citoyen suivant attentivement toutes nos séances publiques pourrait y retrouver la trace lisible de la politique qu'exprime ce budget, concernant sa vie quotidienne, familiale et professionnelle, en bref ce qui l'intéresse au premier chef ? Ne voyez pas dans mon propos une critique sur le fond, du moins pas encore, mais une réflexion que je souhaite constructive sur la méthode, dans l'intérêt du Parlement tout entier.

J'en viens maintenant à mon analyse de députée de l'opposition, déconcertée par le contraste entre votre présentation majestueuse d'une loi qui serait sans précédent dans les annales de la République et une réalité plus impressionniste, pour ne pas dire pointilliste, qui dissimule mal les contradictions de votre majorité.

Pour réussir à ne pas trop mécontenter ceux dont vous briguez le soutien, vous avez fait appel à la magie - blanche ou noire, nous verrons -, et la logique est mise en défaut, comme il se doit lorsqu'on invoque les esprits.

Vous réduisez les impôts en augmentant les prélèvements fiscaux, vous remboursez la dette en augmentant l'endettement, qui s'élèvera à 250 milliards en 2001, vous augmentez les charges mais vous ne réduisez plus le déficit ; bref, vous n'assainissez pas les comptes de l'Etat, alors même que l'investissement public s'effondre. Plus grave encore, vos hypothèses économiques se placent résolument en haut de la fourchette des prévisions pour la croissance, en bas pour les tensions inflationnistes.

Vous n'avez pas de marge de manoeuvre, sauf si vos chiffres sont truqués, ce qu'on ne saurait imaginer de votre part... Et ce n'est pas en proposant de rendre, en trois ans, un franc sur les quatre francs supplémentaires prélevés depuis 1997 que les Français y retrouveront leur compte.

Mais là où la prestidigitation tourne presque au maléfice, c'est quand votre habileté tourne à nouveau le dos à l'Europe et à l'euro, alors que nos partenaires unanimes réduisent leur déficit budgétaire et leurs dépenses, à marche forcée. Et ce n'est pas la création de 11 337 postes de fonctionnaires qui arrangera les choses ; la Commission de Bruxelles, on le sait, vient à nouveau de nous montrer du doigt à ce sujet.

Voilà qui nous ramène à une réalité préoccupante et, pour être plus terre à terre, à la situation peu enviable des classes moyennes, qui constituent l'ossature sociologique de notre pays. J'en sais quelque chose car, dans ma circonscription, quelques happy few , dont les magazines font leurs choux gras, font oublier la multitude des cadres, chargés de famille et lourdement imposés, qui voudraient bien voir dans votre budget des raisons d'espérer.

En effet, et d'autres voix autorisées l'ont largement démontré, ce sont aujourd'hui les classes moyennes salariées qui subissent le plus la stagnation du pouvoir d'achat dénoncée par Jacques Chirac en juillet dernier.

Nombreux sont les oubliés de la croissance : les retraités, les ménages modestes qui se situent dans la zone des 9 500 à 14 000 francs de revenu. La nouvelle décote n'a rien perdu de son caractère antifamilial elle est simplement plus lissée que la précédente.

Et puisque nous parlons des familles, je prendrai un exemple simple : l'effet de la réduction des taux du barème par tranche et de l'élévation du plafond de

« l'avantage en impôt » - doux euphémisme - par demip art, c'est-à-dire par enfant, de 11 060 francs à 12 440 francs, soit un supplément annuel de 1 380 francs.

Les chiffres de Bercy appliqués à un ménage ayant deux enfants démontrent que l'avantage fiscal, sensible si les deux époux sont rémunérés au SMIC, s'effondre si leurs salaires cumulés atteignent 2,5 fois le SMIC et disparaît totalement si le revenu du ménage provient d'un seul des conjoints. C'est la première fois que les familless ont traitées différemment selon qu'il y a un ou deux salaires : bel encouragement en vérité au congé parental ! Après les mauvais coups portés aux familles depuis 1997, nous étions en droit d'attendre mieux, d'autant plus qu'elles ne bénéficieront pas de l'excédent de la branche famille.

Finalement, avec quelques cadeaux, beaucoup d'incertitudes mais aucune vraie réforme fiscale, votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, vous a certes permis de ressouder la majorité plurielle mais alors même que la croissance vient à votre aide, il ne donne pas aux Français le juste retour de leur peine et ne prépare pas des lendemains qui chantent. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Fuchs.


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M. Gérard Fuchs.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de finances soumis à notre discussion présente une caractéristique très importante : une baisse d'impôt significative de 59 milliards de francs. C'est sur ce point que je souhaite m'exprimer.

Je rappelle d'abord que, pour des socialistes, la réduction des impôts n'est pas une fin en soi. Pour nous, l'objectif premier d'un budget est de définir un certain nombre de priorités et d'assurer à la population du pays des services publics de qualité, garants de la cohésion sociale et de l'égalité des chances.

A cet égard, les quatre priorités retenues dans ce budget me paraissent bien correspondre à ce que doit être la politique d'un gouvernement de gauche : l'éducation ; quel meilleur investissement pour l'avenir, qu'il soit individuel ou collectif ? la justice et la sécurité, qui, nous le savons, sont des droits indispensables à l'exercice d'autres droits fondamentaux, y compris la liberté ; l'environnement, car il nous faut apprendre à travailler pour l'avenir.

Une fois ces priorités chiffrées, grâce à la politique de croissance que nous menons avec succès depuis trois ans, et dont les résultats sont dus pour une petite part à l'environnement international, et pour une grande part à la politique du Gouvernement, il reste un excédent qui peut être affecté à deux destinations : la baisse de la charge de la dette et la baisse des impôts.

Avec un objectif de réduction du déficit à 186 milliards de francs, le projet de loi de finances s'inscrit, n'en déplaise à la Commission de Bruxelles et à quelques collègues de l'opposition, dans une démarche de réduction du déficit et de la dette publique conduite avec ténacité depuis trois ans - et aussi auparavant, je le reconnais.

Le ratio dette publique sur PIB prévu pour 2001 - 57,2 % - est l'un des plus bas que nous ayons connu depuis fort longtemps. Ce projet de loi de finances réalise donc un bon compromis entre la baisse de la charge de la dette et la réduction des impôts.

J'en arrive maintenant au coeur de mon intervention, à savoir les baisses d'impôt. Celles-ci s'inscrivent dans un plan général de 120 milliards de francs de baisse sur trois ans et, si l'on intègre l'année en cours, ce chiffre sera, au total, de 200 milliards, comme le disait le ministre de l'économie et des finances Laurent Fabius.

C'est tout à fait comparable à ce que font nos voisins d'outre-Rhin, même si les priorités sont différentes, et je reviendrai sur ce point. Cette baisse des impôts doit être jugée selon deux critères : son action sur la croissance, donc sur l'emploi, et son efficacité en termes de réduction des inégalités, objectif central des socialistes et du gouvernement de la gauche plurielle.

L'effet sur la croissance sera sans aucun doute positif.

Certes, le prélèvement pétrolier évoqué par Alain Rodet va peser sur la consommation des ménages, mais le bol d'air que représentera pour eux la diminution des impôts permettra à la consommation de se maintenir. Or, vous le savez bien, madame, messieurs de l'opposition, c'est grâce au niveau élevé de celle-ci que notre croissance est ce qu'elle est depuis trois ans. L'effet sera donc positif en termes d'emploi.

S'agissant de la justice sociale, j'ai entendu des commentaires étonnants. J'ai lu, y compris dans des journaux économiques sérieux, que les baisses d'impôts prévues rapporteraient davantage aux plus hauts revenus. Si l'on raisonne en termes de montants, c'est indiscutable, je dirai même inévitable. Prenons l'exemple a priori le plus favorable à cette thèse : une baisse d'un point de TVA pour quelqu'un qui gagne 8 000 francs par mois et consomme la totalité de son revenu représente un pouv oir d'achat supplémentaire de 80 francs, contre 800 francs, soit dix fois plus, pour quelqu'un qui gagne 100 000 francs par mois et ne consomme que 80 % de son revenu. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

Alors, soyons sérieux ! Si l'on veut véritablement mesurer les effets, en termes de réduction des inégalités, d'une mesure de baisse des impôts, tous les économistes le savent bien, il y a une façon et une seule de procéder : il faut mesurer l'évolution du quotient entre un revenu élevé et un revenu faible. Rassurez-vous, compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne me lancerai pas dans un calcul au décile près, mais les membres de la commission des finances ici présents savent que c'est ainsi qu'il faudrait raisonner. Je ferai cependant plus simple.

E n 1996, le gouvernement Juppé a décidé deux mesures : une hausse de TVA de 2 %, qui a eu pour effet d'accroître les inégalités puisque les plus aisées ne consomment pas la totalité de leur revenu, et une baisse de l'IRPP dont l'effet de réduction des inégalités entre ceux qui payent l'impôt sur le revenu a été nul puisque, en pourcentage, cette baisse a été la même pour tous. La hausse de TVA pour tout le monde combinée à la baisse de l'impôt sur le revenu pour une petite moitié des Français a été génératrice d'un fort accroissement des inégalités. C'est, me semble-t-il, l'une des explications de ce qui s'est passé en 1997 et du changement de majorité que nous avons connu alors.

Examinons les mesures proposées, à l'inverse, dans ce projet de loi de finances pour 2001.

La baisse d'un point de la TVA - c'est le contraire de la décision prise par le gouvernement Juppé - engendrera mécaniquement une réduction des inégalités entre hauts revenus et bas revenus.

La diminution de l'impôt sur le revenu, quant à elle, réduira les inégalités entre les citoyens qui payent cet impôt dans la mesure où la baisse de taux est de 1,25 point pour les quatre premières tranches et de 0,75 point seulement pour les tranches les plus élevées.

Si l'on y ajoute la baisse de la CSG - 2,7 % au niveau du SMIC -, la hausse des retraites - 2,2 % - et une diminution de 0,5 % de la CRDS pour les retraités qui ne payent pas d'impôt sur le revenu, on voit bien que ces mesures fiscales auront pour effet de réduire les inégalités.

Je résumerai ma démonstration par ces chiffres : 2,7 % de baisse pour ceux ne payant pas d'impôt sur le revenu, actifs ou retraités, 1,25 % pour les premières tranches des assujettis à l'impôt sur le revenu et 0,75 % pour les tranches les plus élevées. Ce projet de budget s'inscrit donc bien dans une politique de lutte contre les inégalités.

En conclusion, ce projet de loi de finances répond à quatre priorités : éducation, sécurité, justice et environnement. Il aura un effet positif sur l'emploi en permettant de maintenir le niveau de la consommation de nos concitoyens, malgré le prélèvement pétrolier. Il réduira sensiblement les inégalités. C'est donc, à mes yeux, un excellent budget et c'est avec beaucoup de satisfaction que je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

En dépit d'une conjoncture favorable, ce projet de budget n'échappe pas à la critique de laisser filer la dépense et le déficit publics, avec pour


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conséquence l'accroissement de la dette, qu'il faudra bien couvrir par des emprunts souscrits auprès des épargnants.

Une telle liberté n'est pourtant plus de saison. En adhérant à l'euro, la France, conformément aux dispositions du traité de Maastricht, s'est engagée à atteindre l'équilibre entre recettes et dépenses en 2003, sous peine de sanctions financières. Cet exercice imposé, monsieur le secrétaire d'Etat, ne vous laisse donc le choix qu'entre réduire le train de vie de l'Etat ou augmenter les impôts.

Mais votre chance est de bénéficier d'une relance économique qui vous fournit des recettes fiscales supplémentaires à taux d'impôt constant, et qui réduit la charge financière d'un chômage en recul sensible. Malheureusement, vous êtes en passe de gaspiller cette aubaine en péchant par optimisme et par laxisme.

Par optimisme, en fondant votre hypothèse sur le maintien d'une croissance économique de 3,3 % du PIB, d'une inflation de 1,2 %, d'un pétrole à 26 dollars le baril et d'un euro à 0,95 dollar. Certes, chacune de ces prévisions est plausible, mais espérer réunir tous ces indicateurs favorables à la fois est un pari hasardeux.

Votre laxisme concerne les dépenses de fonctionnement. Incapable de conduire la moindre réforme de son a dministration, votre gouvernement embauche 12 000 fonctionnaires supplémentaires alors qu'il aurait dû profiter des mises à la retraite pour resserrer les effectifs. Je vous entends déjà me demander s'il faut supprimer des policiers ou des infirmières. C'est plus simple que cela, monsieur le secrétaire d'Etat : mettez des policiers dans la rue plutôt que de les tenir dans les bureaux, supprimez les impôts qui coûtent plus cher à percevoir qu'ils ne rapportent de ressources fiscales, réduisez le personnel administratif pléthorique des hôpitaux...

M. Gérard Bapt.

Oh ! Vous n'avez jamais travaillé dans les hôpitaux !

M. François Guillaume.

... pour accroître le personnel soignant, stoppez l'inflation paperassière qui agace les citoyens et conduit à embaucher de nouveaux fonctionnaires, écoutez les conseils de votre ex-collègue Claude Allègre qui proposait de dégraisser le mammouth ! En auriez-vous le courage ? Je crains que non si je relève votre renoncement à supprimer la redevance télévision, ...

M. Alain Rodet.

Nous en reparlerons !

M. François Guillaume.

... sous prétexte que vous ne sauriez pas comment recycler les 1 400 fonctionnaires chargés de son recouvrement, alors que vous n'avez pas hésité à supprimer la vignette auto en dépit de la protestation des 35 000 buralistes.

Les dépenses vont donc continuer à croître sous l'effet de ces embauches, et de la hausse des taux d'intérêts qui pèsent sur une dette de 5 500 milliards de francs, ainsi que du coût budgétaire des compensations dues aux entreprises pour la mise en oeuvre des 35 heures. Comment les financer ? Naturellement, par l'impôt, dont vous attendez en 2001 un supplément de recettes de 125 milliards de francs, qui servira, à hauteur de 45 milliards seulement, à financer vos promesses à but électoral de l'été. Le solde, 80 milliards, est tout bénéfice ! La ficelle est grosse, d'autant que vous vous offrez le luxe, dans la présentation de votre équation budgétaire, d'une réduction de quelques dixièmes de point de la pression fiscale rapportée au PIB, mais sans danger pour l'accroissement de vos recettes fiscales. En effet, ce taux en baisse s'applique à un volume d'activité en hausse : une combinaison qui produira en solde un volume fiscal supplémentaire par rapport à 2000. Il résulte de cette alchimie que l'Etat non seulement ne réduit pas sa dette, mais l'accroît, puisque le déficit budgétaire programmé pour 2001 s'ajoutera à celle déjà existante.

Néanmoins, pour semer encore un peu plus la confusion, vous faites savoir que vous vous apprêtez à racheter des bons du Trésor. Cette réalité cache un artifice : à une simple opération de rénégocation des emprunts de l'Etat pour profiter de taux plus favorables, vous donnez l'apparence d'un désendettement. Or, tant que le budget de l'Etat ne sera pas équilibré, les émissions de nouveaux bons ou obligations l'emporteront fatalement sur les rachats de titres en circulation et le solde de ces opérations se traduira inévitablement par l'augmentation de la dette publique.

C'est la perspective offerte par le projet de budget pour 2001, alors que tous les partenaires européens de la France profitent de l'embellie économique pour assainir leurs finances.

En période d'activité soutenue, il est classique de restaurer les finances publiques en réduisant la dette grâce au supplément de recettes fiscales, afin de donner la possibilité de recourir à l'emprunt durant le temps des vaches maigres pour soutenir l'économie. Vous faites tout le contraire. Que se passera-t-il quand la conjoncture faiblira ? Le doute n'est pas permis : la perte de recettes fiscales obligera, en plein marasme économique, à d'insupp ortables prélèvements supplémentaires sur les contribuables, dont les plus fortunés iront planter leur tente ailleurs qu'en France.

En économie, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a plus de sanctions que de miracles. Vous aviez tous les atouts en main. Vous les avez gâchés pour des raisons électorales en distribuant votre cagnotte plutôt que de l'affecter à la réduction du déficit. Pour des raisons doctrinales, vous avez laissé passer l'occasion de réduire d'un quart la dette publique, faute d'avoir osé vendre les participations en capital de l'Etat dans les grands groupes français.

Au total, le Gouvernement aurait dû, dans l'ordre de priorité : Programmer sur plusieurs années une réduction de la dépense publique de fonctionnement, notamment en allégeant les effectifs de fonctionnaires ; Affecter ces économies et les recettes fiscales supplémentaires dégagées par la croissance à l'élimination du déficit budgétaire annuel, ce qu'ont d'ailleurs déjà réussi bon nombre de pays de l'OCDE ; Saisir la chance historique de l'euphorie boursière pour désendetter l'Etat en liquidant ses participations.

Si cela avait été fait depuis 1997, il aurait été possible de réduire durablement la pression fiscale et de rendre aux citoyens méritants la juste part du fruit de leur travail tout en conservant une marge d'intervention en cas de dépression économique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, faute de relever, dans ce projet, ces orientations de bon sens qu'autorisait un contexte économique particulièrement favorable, je me refuserai à cautionner votre politique budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Gérard Bapt.

Tant mieux !

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Ne dit-on pas qu'il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ? Ainsi pourrait-on mettre en cause ceux qui ont estimé, ou estiment encore, que ce budget manque de lisibilité.


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En effet, n'est-il pas lisible, ne voit-on pas que l'action budgétaire est la traduction des priorités du Gouvernement et de la majorité parlementaire ? Ne peut-on se féliciter de voir affirmées, ou plutôt réaffirmées, dans le cadre de dépenses globalement contenues, de vraies priorités pour l'éducation, la sécurité, la justice ou l'environnement ? Ces priorités concernent les conditions de vie concrètes de nos concitoyens, leur vie de tous les jours. Ces priorités, ce sont des moyens et des effectifs, et c'est cela qu'on me demande dans ma circonscription, comme sans doute à beaucoup d'entre vous, mes chers collègues.

N'est-il pas lisible que notre pays diminue son déficit, mais progressivement, j'allais dire intelligemment, pour ne pas heurter ni détruire ? La vérité, c'est que le déficit passe de 3,5 % du PIB en 1997 à 1,4 % en 2000 et 1,0 % en 2001. La vérité, pour reprendre l'affirmation de Galilée à propos de la Terre, qui, finalement, tourne, c'est « et pourtant, le déficit baisse ». Cette ligne politique et budgétaire est celle d'un gouvernement qui a su faire l'euro, qui a su qualifier notre pays pour l'euro. Faut-il, mes chers collègues, que nous écoutions le procès engagé par ceux qui ont dissous l'Assemblée de crainte de n'y pas parvenir ? N'est-il pas lisible, enfin, ce budget qui continue der éformer en profondeur notre système fiscal ? Car, n'ayons aucun complexe, au bout de cinq ans, aucun gouvernement ne pourra aligner un bilan comme celuici : Baisses de TVA générales et ciblées ; Baisse des droits de mutation et d'enregistrement pour le logement ou l'immobilier d'entreprise, notamment pour les commerçants et artisans ; Rééquilibrage de la fiscalité du travail et de la fiscalité du capital, cette dernière étant alourdie ; Allégement de la redevance télévision ; Suppression de la vignette, des taxes sur la carte d'identité, le permis de conduire, les frais d'examen, etc.

; Diminution de la taxe d'habitation - de plus de 8 % dans ma région ; Réforme de la taxe professionnelle, cet impôt stupide et destructeur d'emplois.

Voilà, un ensemble de mesures qui font une vraie réforme fiscale.

Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, la lisibilité de ce budget par rapport à notre stratégie budgétaire, économique et d'emploi à moyen terme ne nous interdit pas de vous demander de donner quelques éclairages supplémentaires.

Et d'abord sur les mesures de compensation pour les buralistes, suite à la suppression de la vignette. Ces buralistes assurent une présence, un lien social dans nos quartiers ; il faut répondre rapidement à leur requête. Mais il vous faut aussi, à mon sens, continuer à baliser la route de la réforme fiscale pour les toutes prochaines années, dans trois directions.

La fiscalité des personnes seules, en premier lieu, en ce qui concerne spécifiquement l'impôt sur le revenu, non seulement par équité, mais aussi parce que la fiscalité doit être le reflet le plus précis possible des capacités contributives et des conditions de vie réelles de chacun. Voilà pourquoi la personne seule, qu'elle l'ait voulu ou subi, doit connaître une fiscalité spécifique et allégée, notamment pour les premières tranches d'impôt sur le revenu.

Nous en reparlerons au cours de ce débat.

Deuxième piste de travail : la baisse du plafonnement de la taxe professionnelle en pourcentage de la valeur ajoutée. Avant 1997, ce taux avait été relevé. Aujourd'hui, nous en avons parlé, les entreprises industrielles de taille moyenne - il y en a dans ma région, dans le textile ou l'agro-alimentaire - qui ont subi de plein fouet cette mesure d'avant 1997, sont toutes très consommatrices de main-d'oeuvre, ne profitent pas encore de l'allégement de la part salaires de la taxe professionnelle, parce qu'elles sont plafonnées à 3,8 %. Revenez à un taux de 3,5 %, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous aiderez ces entreprises qui, aujourd'hui, sont souvent en difficulté ! Troisième piste : la suppression de la redevance télévision. L'an dernier, ici même, j'avais dit que cette redevance était « une taxe vétuste, inutile, injuste et inefficace ». Je le maintiens. Un amendement corrigera un peu son injustice - et j'en sais gré à Didier Migaud -, mais c'est sa disparition complète qu'il faut programmer.

Abandonnons les comportements fétichistes attachés à la redevance ! Abandonnons ce qui serait un attachement virtuel de nos concitoyens à cette redevance ! Il faut une ressource affectée, via un compte d'affection spécial, à l'audiovisuel public, d'accord ! Et Didier Migaud, avec une fraction des taxes sur les jeux, et moi-même, avec une part de l'impôt sur le revenu, avons proposé une assiette possible.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout à fait !

M. Dominique Baert.

La redevance, à l'heure de l'ordinateur et d'Internet, est aussi réaliste que l'impôt sur les portes et fenêtres à l'heure d'une urbanisation tous azimuts.

Mme Nicole Bricq.

Très bien ! M. Didier Migaud, rapporteur général.

Absolument !

M. Dominique Baert.

Un bon impôt est non seulement un impôt juste, mais aussi un impôt adapté à son temps.

Il vous reste là, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous reste, mes chers collègues, à faire une avancée en ce sens.

Continuons à moderniser : c'est ce qu'on attend de nous et c'est notre volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Intervention pleine de bon sens !

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Ce projet de budget est bien dans la tradition du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat : il est marqué par une absence de choix. Vous ne répondez ni à l'exaspération des Français face à la pression fiscale, ni à celle des entreprises qui croulent sous les charges.

Face à la sclérose de notre fiscalité, il nous faut aujourd'hui une véritable révolution fiscale et non pas des réformettes. La tâche est ardue, il est vrai. L' INSEE prévoit une croissance inférieure à vos prévisions. La réforme de l'administration fiscale et sociale piétine. La consommation baisse, les prélèvements obligatoires n'ont jamais été aussi élevés. Le déficit public se creuse alors qu'en Allemagne, pour ne citer qu'un seul exemple, il devrait disparaître d'ici à 2004.

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas ce que prévoit la

CDU !

M. Christian Estrosi.

La France est désormais la lanterne rouge de l'Union européenne en matière de déficit, à tel point que la Commission européenne s'en est inquiétée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

Ce qui manque à votre budget, finalement, c'est l'ambition : l'ambition de doter notre pays d'atouts économiques qui le placeraient dans le peloton de tête, plutôt que de procéder à un nivellement par le bas, l'ambition de permettre aux Français de vivre mieux et de profiter des fruits de leur travail.

Car il faudra bien, un jour, nous expliquer comment 10 % des Français rapportent près de 70 % des ressources.

Il faudra bien, un jour, nous expliquer pourquoi les Français ont les salaires bruts les plus élevés d'Europe et pourquoi, en fin de compte, leurs portefeuilles se vident.

Il vous faudra bien, enfin, un jour, expliquer comment ce plan ambitieux va engendrer de nouvelles recettes fiscales.

La croissance, probablement... Mais, précisément, ce budget n'est pas de nature à la soutenir. Les 35 heures coûteront plusieurs milliards. Les entreprises étouffent sous les charges et peinent à investir. Si l'on étudie de près les données de l'OCDE sur les liens étroits qui unissent chômage, temps de travail et prélèvements obligatoires, la conclusion est sans appel : moins on travaille, plus la réglementation du travail est rigide, plus les dépenses collectives pèsent sur la richesse nationale, plus les prélèvements obligatoires sont lourds et plus le chômage est élevé. Vous avez « doté » notre pays de ces quatre handicaps.

Notre pays a aujourd'hui besoin d'une vraie réforme fiscale, qui doit viser des objectifs simples : engager une diminution des prélèvements obligatoires d'un point par an ; entreprendre une véritable politique de maîtrise des dépenses plutôt que de laisser filer les déficits ; recentrer les missions de l'Etat sur ses fonctions régaliennes ; supprimer les impôts inutiles, qui ne sont maintenus que pour gonfler fictivement les emplois publics, comme la redevance télévision ; diminuer les charges sociales qui pénalisent les entreprises et privent les salariés des augmentations de pouvoir d'achat qu'ils sont en droit d'attendre ; baisser la CSG, privilégier les investissements, qui ne cessent de diminuer. A cet égard, nous voyons le budget du génie civil baisser d'année en année alors que nous manquons d'infrastructures de transports, et alors que, de plus en plus, les transports routiers polluent l'ensemble de nos axes de communication. Nous avons besoin de nouvelles liaisons transalpines et d'une véritable politique des transports qui modernise à la fois le rail et la route.

M. Jean-Louis Idiart.

Donc, il faut augmenter les impôts !

M. Christian Estrosi.

Vous ne saisissez pas l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de relancer un plan de grands travaux. Il conviendrait enfin d'engager une baisse réelle de la TIPP, plutôt que de concevoir une nouvelle usine à gaz fiscale.

Parce que votre gouvernement pousse à une politique d'augmentation constante des dépenses et des effectifs publics, parce que vous avez fait voter une réduction unilatérale et autoritaire du temps de travail, vous désarmez l'économie française en vous condamnant à fonder votre action et vos prévisions sur l'économie américaine. Quel paradoxe quand on connaît votre idéologie ! En réalité, les Français sont les grands oubliés de votre projet. Les baisses d'impôts ne sont pas suffisantes, les entreprises individuelles - artisans, commerçants, professions libérales - sont exclues du bénéfice de la diminution de la taxe professionnelle, l'application du taux réduit de TVA dans certains secteurs, comme la restauration pourtant en difficulté, est balayée d'un revers de la main, les baisses de charges sont imperceptibles, les classes moyennes sont oubliées et les familles pénalisées.

Autant de mesures qui auraient pourtant permis de relancer durablement l'économie et non de servir d'alibi à la veille d'échéances électorales ! Comment pouvez-vous prétendre que c'est un bon projet ? Il faut que vous cessiez le jeu qui consiste à dire :

« Quand c'est bien, c'est le Gouvernement ; pour le reste, adressez-vous à l'Europe ou à la conjoncture internationale. » Quand ce n'est pas à l'OPEP... Je vous ai

entendu hier, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faire un exposé sur la TIPP. Il s'agit non pas de se demander : « à qui la faute ? », mais plutôt de résoudre les vrais problèmes des Français. C'est pour cela que nous avons été élus ! Je regrette que ce budget soit une nouvelle occasion ratée d'armer notre pays face à la concurrence internationale. Pour notre part, sans esprit partisan, nous ferons de nombreuses propositions en espérant que, pour une fois, votre majorité adoptera une attitude responsable et prendra en compte les attentes des millions de Français qui, légitimement, ne supportent plus le poids de l'impôt et appellent de leurs voeux une véritable révolution fiscale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de finances pour 2001 se caractérise par quatre qualités : dynamisme de la croissance et de l'emploi, maîtrise des dépenses, allégement des impôts et du déficit, justice sociale.

Dans votre hypothèse, la croissance devrait se maintenir à 3,3 %, ce qui apparaît raisonnable si l'on se réfère aux prévisions des organismes spécialisés, et cela malgré les incertitudes liées aux évolutions du marché pétrolier.

Cette croissance repose d'abord sur une demande soutenue des ménages - qui aurait augmenté de 3,5 % en 2001 -, signe, bien entendu, de leur confiance. Après le récent petit « trou d'air » dû à l'augmentation brutale du prix de l'essence à la pompe, les indices montrent que les Français ont déjà commencé à relativiser l'incidence des fluctuations du cours du brut. Nous pouvons trouver deux raisons à cette attitude : la volonté affichée par le Gouvernement d'agir pour amortir ces fluctuations et la poursuite de la décrue du chômage, élément fondamental du moral des ménages et du dynamisme de la demande, qui soutient la croissance et la création d'emplois.

Ainsi le pouvoir d'achat des salaires augmentera-t-il, en masse, de 4,2 % en 2001, contre 3,9 % en 2000.

Compte tenu de l'accroissement des effectifs salariés, l'augmentation du pouvoir d'achat par tête sera de 1,7 %.

Elle sera donc nettement plus importante que cette année.

Cela est dû à une logique économique : maintien du cercle vertueux croissance-emploi-investissement ; à une logique sociale : partage de la richesse nationale, celle-ci étant désormais mieux orientée vers les salariés ; à une logique politique enfin : car le recul du chômage et ce nouveau partage ne sont pas sans conséquences sur le rapport de force existant sur le marché du travail et, au-delà, dans la société.

A une croissance faible et mal distribuée succède une croissance plus forte et mieux partagée. Votre projet de loi de finances poursuit dans ce sens en mettant l'emploi


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

et la préparation de l'avenir au centre de l'action du Gouvernement. Les choix budgétaires et fiscaux prolongent et amplifient cette action dans la durée, s'agissant en premier lieu de la baisse des impôts : engagée cette année, celle-ci sera amplifiée dans les trois ans qui viennent, jusqu'à représenter une masse de quelque 200 milliards de francs.

Cette baisse s'imposait, ne serait-ce qu'en raison du caractère élevé de nos prélèvements obligatoires par rapport à la moyenne européenne. Elle répond aussi aux engagements pris. Mais, surtout, elle permet de redistribuer les fruits de la croissance retrouvée et constitue une mesure contracyclique opportune face au renchérissement du pétrole. Enfin, bien ciblée, elle sert l'emploi, en favorisant la sortie de l'activité pour les allocataires des minima sociaux, ainsi que la création d'emplois par les petites et moyennes entreprises.

Cette baisse bénéficiera à l'ensemble des salariés, notamment ceux qui sont au niveau ou proches du SMIC. Ainsi le Gouvernement contribue-t-il à l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés. Aux chefs d'entreprise, de leur côté, d'agir dans le même sens.

La maîtrise des dépenses permet de respecter les priorités indiquées par le Gouvernement en matière de sécurité publique, d'éducation, de justice et d'environnement, l'emploi restant l'axe central de la politique gouvernementale, même si le budget du travail et de l'emploi, stricto sensu , est stabilisé en masse.

S'agissant de la politique publique de l'emploi, lesr edéploiements budgétaires permettent d'adapter les dépenses aux évolutions du marché du travail et à la structure des files d'attente des demandeurs d'emploi, dont la durée moyenne de chômage diminue. Le nombre des demandeurs d'emploi de longue durée est descendu au-dessous du million en un an : on note une diminution de 15 %, dont 12 % pour les demandeurs d'emploi de plus de deux ans. L'amélioration de la situation de l'emploi a permis de ramener le taux de chômage à 9,7 % en juillet ; elle concerne désormais, de façon significative, le chômage de longue durée et de très longue durée.

Le budget prévoit la poursuite de la montée en charge des moyens attribués à l'ANPE et à l'AFPA, qui agissent en partenariat pour assurer le succès du programme

« Nouveau départ », lequel vise à mettre en place de manière individualisée un accueil, un bilan de compétences, une orientation, un parcours de formation et un suivi pour chaque demandeur d'emploi. Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, si un accord est bien trouvé entre les partenaires sociaux et le Gouvernement concernant la convention assurance-chômage, sur la base d'une contribution financière de l'UNEDIC de 20 milliards de francs en 2001 et 2002, il serait juste qu'une partie de cette contribution soit dirigée vers le service public de l'emploi pour assurer une meilleure prise en charge des demandeurs d'emploi qui ne sont pas directement concernés par les projets des partenaires ; je pense aux demandeurs d'emploi non indemnisés et aux chômeurs indemn isés par le régime de solidarité, c'est-à-dire aux personnes les plus éloignées de l'accès à l'emploi et en situation de chômage d'exclusion.

Cette contribution pourrait permettre d'expérimenter, dès 2001, la mise en place d'un parcours individualisé d'insertion pour les adultes, alors que le programme TRACE pour les jeunes commence à faire ses preuves. Il s'agirait d'un programme TRACE pour les adultes, d'un processus d'insertion faisant intervenir l'ANPE, l'AFPA, mais aussi les instruments territorialisés du service public de l'emploi, comme les comités de bassin d'emploi et les plans locaux d'insertion par l'économique, ainsi que les entreprises et les associations d'insertion.

Je suis de ceux qui pensent que la priorité, en matière de politique publique de l'emploi et de formation professionnelle, est la territorialisation, qui doit prolonger l'adaptation, engagée par Martine Aubry, du service public de l'emploi sur les bassins d'emploi et de vie, en s'appuyant sur l'expérience des réseaux existants que font vivre les acteurs locaux - élus, partenaires sociaux, animateurs de l'économie solidaire, artisans du développement local - autour de projets partagés, au service de la création d'emplois, de l'adaptation des systèmes de formation, de la lutte contre l'exclusion ou de la création d'entreprises.

L'accord sur l'assurance chômage pourrait être l'occasion de donner une impulsion nouvelle à l'action décentralisée et partenariale contre le chômage d'exclusion, le plus douloureux ; l'expérience sociale des dernières décennies a en effet amplement montré les effets destructeurs qu'il avait sur celles et ceux qui subissent durablement cette épreuve.

Loin des variations hasardeuses sur le thème de la « fin du travail », qui avaient pu être agitées au milieu des années 90, à l'apogée du chômage de masse, il est clair aujourd'hui que le rôle du travail comme vecteur de socialisation et de construction de l'identité de l'individu est irremplaçable. Voilà pourquoi je me permets de faire cette proposition.

Au cours de la discussion, nous aurons l'occasion de revenir sur des amendements concernant la communauté rapatriée, que j'ai à nouveau déposés cette année. Bien entendu, j'apporte mon entier soutien à ce budget mis au service de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Le projet de loi de finances pour 2001 restera dans l'esprit de nos concitoyens comme un immense gâchis.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous bénéficiez d'une conjoncture très favorable que vous auriez pu mettre à profit pour - enfin - mener un plan de réforme ambitieux des prélèvements et taxes dans notre pays. Et vous bénéficiez de quelques marges de manoeuvre que vous auriez pu utiliser pour réduire significativement le poids de la dette qui pèse lourdement sur le budget de l'Etat, et, par là même, sur les contribuables. Or, au lieu de mener des réformes de bon sens, vous présentez un projet qui est un catalogue de « mesurettes ». Les Français n'ont pas été dupes, comme en témoigne l'accueil très critique qu'ils ont réservé à votre plan de réformes pourtant annoncé comme étant « d'une ampleur exceptionnelle », ou encore comme « le plus ambitieux de ces dernières décennies ».

La déception de nos concitoyens est bien légitime.

Vous leur annonciez une « révolution fiscale ». Au lieu de cela, ils sont une nouvelle fois confrontés à un budget qui gaspille leurs impôts au nom d'une vision idéologique de la société qui vous pousse à toujours plus d'impôts, plus de dépenses publiques, plus d'administration.

L'essentiel de mon propos concernera les oubliés de la prétendue réforme dont vous nous aviez dit qu'elle toucherait « l'ensemble des Français ». Rassurez-vous, je n'ai pas le temps de citer toutes les catégories déçues. Je n'en citerai que deux, qui symbolisent le gâchis auquel j'ai fait allusion : les restaurateurs et les débitants de tabac.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

Les restaurateurs sont les premiers oubliés de votre plan de baisse d'impôts. Pourtant, leur demande d'abaissement du taux de la TVA à 5,5 % au lieu de 19,6 % est connue, légitime, opportune au regard des prélèvements et des charges qui pèsent sur la profession.

Vous ne pouvez pas ignorer, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce secteur est particulièrement dynamique dans notre pays et pourvoyeur d'emplois. Votre refus de faire avancer ce dossier pénalise doublement nos concitoyens, qu'ils soient clients ou professionnels de la restauration. En effet, la restauration traditionnelle n'est pas un luxe pour nombre de nos concitoyens ; elle permet bien souvent à de nombreux salariés qui sont dans l'impossibilité de rentrer à leur domicile de se restaurer dans des conditions correctes. Sur ce point particulier comme sur d'autres, la justice sociale que ce budget devait promouvoir est une nouvelle fois absente. Pourtant, je parle de millions de salariés qui, chaque jour, payent au prix fort l'opposition du Gouvernement à de vraies réformes, nécessaires pour améliorer le quotidien de nos concitoyens.

Du point de vue des professionnels de la restauration, le maintien du taux de TVA à 19,6 % est une aberration pour leur activité propre comme pour l'activité économique dans son ensemble.

Je suis président du comité départemental de tourisme du Vaucluse, qui figure parmi les départements les plus touristiques de France. Croyez bien que je mesure l'importance du secteur de la restauration dans le développement de notre pays. Sachez que ce développement se fait au prix d'efforts très importants, voire de lourds sacrifices, consentis par nos restaurateurs. Ces derniers ne comptent pas leurs heures et leur peine pour régler les charges qui pèsent sur leur activité ou pour compenser une situation de sous-effectif due à la lourdeur des charges assises sur les salaires.

Par ailleurs, du point de vue économique global, alors qu'une baisse de TVA un taux réduit de 5,5 % était tout à fait envisageable dans le contexte budgétaire actuel, malgré les contraintes européennes derrière lesquelles vous vous dissimulez, vous préférez le statu quo sans vous soucier des répercussions positives qu'une telle baisse aurait généreuses sur l'ensemble de l'économie nationale.

L'industrie hôtelière tient une place de premier ordre dans l'économie française. Une baisse significative eût été un gage d'encouragement en direction de ce secteur placé au coeur du développement touristique et dont vous ne pouvez ignorer l'importance dans la formation du produit intérieur brut.

Force est de constater que votre choix consistant à distiller des baisses d'impôts à dose homéopathique vous a empêchés de mener une vraie réforme en direction des restaurateurs.

Mais la liste des oubliés ne s'arrête pas là. Pour finir, je ferai allusion aux débitants de tabac.

Ces derniers n'ont pas été oubliés ni même trompés, ils ont été carrément poignardés et trahis, du fait de l'incapacité du ministère des finances à mener des réformes d'envergure et équitables.

La suppression de la vignette est un petit pas bien timide vers l'allégement des taxes qui pèsent sur nos concitoyens. Comme l'ont souligné à plusieurs reprises mes collègues du RPR, il eût été plus juste et plus équitable de baisser de manière significative la taxe intérieure sur les produits pétroliers ou de supprimer le paiement de la redevance audiovisuelle.

Une fois de plus, vous avez amputé les collectivités locales d'une ressource non négligeable et vous avez préféré maintenir la redevance qui, elle, est inéquitable puisque non proportionnelle, et très coûteuse si l'on en juge par le nombre de fonctionnaires affectés à son recouvrement. Vous avez pénalisé les débitants de tabac, dont les moyens de pression sont inférieurs à ceux déployés il y a plusieurs mois par les fonctionnaires du ministère pour faire abandonner une éventuelle réforme de cette redevance qui pèse si lourdement sur le budget des familles françaises.

Aujourd'hui, les débitants de tabac sont dans une situation très critique. monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas l'ignorer. Il est vrai que j'ai déjà pu constater à plusieurs reprises le désintérêt du Gouvernement à l'égard de ce secteur.

J'ai eu l'occasion d'interroger, par le biais d'une question écrite en date du 6 mars 2000 et par des courriers successifs, la secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur les nombreuses difficultés des débitants de tabac ; à ce jour, je n'ai pas encore de réponse.

L'insécurité et l'insuffisance des rémunérations figuraient parmi les préoccupations prioritaires des débitants de tabac, exprimées dans un rapport très complet, rédigé avant même l'annonce de la suppression de la vignette.

La vente de cette dernière pemettait à certains d'entre eux de se constituer un treizième mois bien utile pour une profession, qui, je le répète, traverse une période très difficile.

Sur l'ensemble du réseau, 20 000 débitants retirent du tabac un revenu correspondant à peine au SMIC, et 500 disparaissent annuellement, en particulier en milieu rural.

Or cette profession ne travaille pas 35 heures ! Faut-il encore des centaines, voire des milliers de fermetures, pour que vous daigniez vous préoccuper de son avenir ? La non-compensation des pertes de revenus pénalise une nouvelle fois ce secteur, déjà lourdement mis à contribution lors de la réforme des timbres fiscaux il y a deux ans. Sans compter que les buralistes financent en permanence 4 milliards de stock, dont 76 % concernant la fiscalité sont réglés avant même la vente du produit.

Un comble ! Le constat accablant, mais le ministère demeure sourd aux demandes, pourtant bien légitimes, des débitants de tabac, comme l'allongement du délai de paiement des stocks de tabac de quatorze à vingt-huit jours et l'augmentation des recettes perçues sur la vente du tabac. Ils vous demandent de l'aide depuis des mois. En guise de réponse, vous les étouffez un peu plus ! Dans ces conditions, vous comprendrez que la profession soit de plus en plus déçue, voire dépitée.

Avec les débitants de tabac, vous avez les avantages sans les inconvénients : cette profession ne peut se permettre le luxe de faire grève comme bon lui semble ; elle risquerait, sinon, de mettre en péril le devenir de son activité.

Vous constaterez, que, si le plan laisse de côté des millions de nos concitoyens le budget en révolte bien d'autres, parmi lesquelles les débitants de tabac.

Face à ce constat, comment osez-vous encore parler de plan de baisse pour tous ? Le racket fiscal du gouvernement socialiste est très mal ressenti, compte tenu des dissimulations qui l'accompagnent.

Les Français ne sont pas dupes de vos tours de passepasse budgétaire, ils savent combien ils donnent, et que notre pays figure parmi les plus imposés d'Europe. Ils


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

sont conscients de l'effort important qu'ils fournissent mais aussi la faible contrepartie perçue en échange des sacrifices consentis.

Je le répète, ce budget restera comme celui des occasions manquées.

Nos concitoyens ne demandent pas une baisse de l'essence catégorielle ou dérisoire, mais une diminution significative du prix des carburants. Ils ne demandent pas à être découragés dans leur travail en étant lourdement imposés, mais souhaitent développer leur capacité d'innovation et d'initiative. Ils ne veulent pas forcément moins d'Etat mais mieux d'Etat. Or ils vont payer très cher les 35 heures, les emplois-jeunes et votre décision d'embaucher près de 19 000 nouveaux fonctionnaires l'an prochain. Quelle aberration pour un pays dont il faut diminuer le train de vie en modernisant l'administration pour la rendre encore plus efficace ! Pour conclure, ce budget sans vision à long terme, au lieu de contenter les Français, les agace et, au bout du compte, décuple leur exaspération.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas ce projet de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Yan Galut.

M. Yann Galut.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais faire part de ma profonde déception, voire de ma consternation, après le rapport du ministère des finances, rendu en catimini à la fin du mois d'août, concernant la faisabilité de la taxe Tobin.

Ainsi, Bercy a rendu son verdict sans que l'on sache vraiment s'il s'agit de la position du ministre ou de celle de l'un de ses services. La taxe Tobin serait infaisable, impraticable et contreproductive.

Il y aurait deux raisons de dire non. Mais, comme souvent lorsque deux raisons justifient un refus, on peut se demander si ce n'est pas une troisième qui l'explique.

Car, sur le fond, le rapport de la direction du Trésor ne fait que confirmer la position de cette administration, déjà exprimée dans un rapport du ministère de l'économie en 1998. Depuis deux ans, c'est le statu quo ; les fonctionnaires auteurs de ces documents, enfermés dans leur citadelle, n'ont pas vu que, sur cette question, la donne politique avait changé tant en France que dans le reste du monde. Mais il est vrai que, aussi longtemps qu'on considérera que la décision politique dépend d'un rapport rédigé par un énarque bien classé, on n'avancera pas, sur ce sujet comme sur d'autres.

Aux réponses techniques avancées par Bercy, il est de mon rôle de parlementaire de répondre par des arguments politiques. Je veux cependant vous dire que, aidé par des experts aussi talentueux que ceux du ministère - professeurs d'université, membres du comité scientifique de l'association ATTAC, experts internationaux -, j'aurais pu répondre point par point aux arguments tendant à démontrer l'impossibilité d'instaurer une taxe de 0,05 % à 0,1 % sur les transactions internationales sur les devises. Bien sûr, mes arguments auraient été aussitôt contrés par les experts de la pensée unique du ministère.

Je veux donc m'écarter du débat technique dans lequel on souhaiterait enfermer ce projet pour poser ce qui est, de mon point de vue, la véritable problématique, à savoir la nécessité d'un débat politique de faisabilité qui puisse provoquer un échange de vues autres que simplement comptables.

En vérité, la question est beaucoup plus importante qu'il n'y paraît. Qui décide de la politique de notre pays ? Qui est dépositaire de la légitimité démocratique ? Je suis persuadé que les parlementaires ont, aux yeux de l'ancien président de l'Assemblée nationale, autant de poids que son administration, et qu'il tiendra compte du rapport Fuchs-Feurtet de la commission des finances, qui prône l'instauration de la taxe Tobin, ou encore de la résolution de la délégation pour l'Union européenne qui souhaite que la taxe Tobin soit une priorité de la présidence française.

Nous considérons l'adoption de la taxe Tobin par notre assemblée comme une mesure pédagogique par laquelle notre gouvernement marquerait sa volonté d'affirmer le primat du politique sur la sphère financière.

Sans courage politique depuis trois ans, nous n'aurions pas mené le combat des 35 heures en France. C'est une rupture importante avec la politique libérale, et je rappelle qu'à l'époque on nous expliquait que cette loi était infaisable car elle allait entraîner des distorsions avec nos partenaires européens.

Sans courage politique, nous n'aurions pas légiféré avec succès contre les inégalités en adoptant la loi contre les exclusions, autre rupture importante avec la politique libérale.

Sans courage politique, nous n'aurions pas non plus légiféré pour instaurer la CMU.

Le Premier ministre a été le premier homme politique à prôner, à l'occasion de la campagne présidentielle de 1995, l'instauration de la taxe Tobin. Je suis persuadé que M. Fabius partage cette vision de la politique. Vision que M. Jospin a confirmée, le 1er juillet 2000, devant les jeunes socialistes européens réunis à l'occasion de la présidence française de l'Union, estimant qu'il était temps de

« faire avancer la taxe Tobin dans les instances internationales ».

La France doit s'appuyer sur l'écho que rencontre la taxe Tobin dans un nombre de plus en plus grand de pays, en Europe et ailleurs, et sur la nouvelle opinion publique mondiale qui s'est exprimée à Seattle, à Washington et à Millau, pour prendre une initiative européenne dans le cadre de sa présidence et exprimer sa position dans un protocole de principe.

Bien entendu, cette taxe ne réglera pas tous les désordres et toutes les inégalités du monde actuel. Ce n'est ni sa vocation, ni l'objectif de celles et ceux qui, avec nous, souhaitent accroître substantiellement l'impact du politique sur la financiarisation déshumanisante de nos économies.

Cependant, quelle qu'en soit la forme technique, la taxe Tobin est une proposition concrète pour commencer à agir contre la domination des marchés financiers et à redistribuer autrement les richesses de la planète. C'est une question de justice mondiale. Et une discussion tronquée, truffée de concepts comptables, ne tiendra pas longtemps face à cette légitime aspiration.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous déposerons une série d'amendements à ce sujet dans la discussion budgétaire.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce qui m'intéresse dans le projet de loi de finances pour 2001, c'est qu'il rend compatibles trois de nos objectifs fondamentaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

Le premier consiste à diminuer la dette, ce qui est bon, à moyen terme, pour l'emploi, pour nos enfants et pour l'économie française.

Le second est de diminuer les impôts. Après les premières baisses effectuées depuis 1997, le Gouvernement manifeste aujourd'hui la volonté de les réduire substantiellement, de 120 milliards sur trois ans. Ces mesures, j'y insiste, concernent l'ensemble des impôts. L'analyse des baisses déjà réalisées montre en effet que les ménages aussi bien que les entreprises en ont bénéficié. Ce fait n'est d'ailleurs plus contesté sur les bancs aujourd'hui désertés de la droite. Il s'agit de savoir s'il y a une réforme globale de la fiscalité. On peut en effet discuter sur ce point. Mais je crois que l'argument invoqué hier par Laurent Fabius dans sa présentation du projet de loi de finances est à prendre en compte. A un certain niveau de réduction fiscale, l'action quantitative a nécessairementt une répercussion qualitative sur la nature même de la fiscalité. Complémentaires de ceux déjà entrepris sur les impôts indirects, les efforts consentis cette année, qui porteront surtout sur les impôts directs, vont bien dans la même direction.

Parallèlement à la réduction de l'endettement et de la fiscalité, le troisième objectif que j'estime fondamental est la création d'emplois publics. C'est peut-être celui qui, personnellement, m'intéresse le plus, et vous savez que j'étais déjà intervenu en ce sens lors de la discussion du collectif budgétaire. Cet objectif est également réalisé dans le projet de budget, puisque le Gouvernement nous propose, conformément à une demande déjà présentée par le groupe socialiste et l'ensemble de la majorité plurielle lors des précédents débats budgétaires, la création de 11 337 emplois publics. Ce choix est essentiel non seulement parce qu'il permet de répondre à de réelles priorités, mais aussi sur le principe même. Il démontre en effet que l'on peut mener une politique économique efficace, qui tienne compte de notre environnement européen, qui s'attache à la nécessaire modernisation de l'économie et accorde une priorité absolue à l'emploi, tout en étant elle-même, en faisant appel à l'emploi public, créatrice d'emplois.

Quant aux priorités, elles sont clairement identifiées : 6 671 créations d'emplois sont destinées à l'éducation, 800 à la sécurité, 1 614 à la justice, 320 à l'environnement, et elles répondent à des besoins réels. Quand, comme hier, à l'occasion des questions d'actualité, certains membres de l'opposition demandent à l'Etat de mieux aider les collectivités locales à faire face à telle catastrophe naturelle dans le Sud-Est de la France, quand ils réclament ainsi, en quelque sorte, plus d'Etat, ils sont en complète contradiction avec le discours général de l'opposition sur la baisse indispensable des effectifs des agents publics.

La création d'emplois publics va dans le bons sens parce que, tout en restant compatible avec la politique budgétaire d'ensemble, elle permet de répondre à des besoins clairement exprimés.

J e prends l'exemple de l'éducation. Certes, ces 6 671 nouveaux postes ne seront pas uniquement consacrés à régler les questions posées l'année dernière par l es parents d'élèves et les enseignants dans l'Hérault et dans le Gard, même s'ils doivent, bien sûr, y contribuer. Mais il y a eu, par exemple dans ma région, une prise de conscience collective - chez les parents d'élèves, les enseignants, le recteur, les élus - qu'il existait une forte demande pour la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans. Or cela nécessite évidemment des moyens humains supplémentaires. Ce n'est pas être « mangeur » d'emplois publics que de les demander, c'est simplement essayer de répondre aux aspirations qui s'expriment autour de nous, et il n'y a pas de honte à faire appel, dans ce but, à l'Etat et à la création d'emplois publics.

Je ferai une seule observation à propos des priorités retenues. Il me semble en effet, sans trop vouloir m'étendre sur le sujet, qu'il eût été utile de compléter dans ce budget l'apport indéniable du collectif en faveur des hôpitaux publics. Dans nos villes, l'hôpital s'affirme de plus en plus comme un lieu de réassurance pour l'ensemble de la politique de santé, et la création de postes dans ce secteur répondrait aux attentes des populations, au même titre que la création de postes d'instituteurs, de policiers, de juges ou de professionnels des métiers de l'environnement.

Notre groupe a déposé en commission des finances un certain nombre d'amendements qui tendent à améliorer encore le projet de budget. Mais je voulais souligner, dans cette brève intervention, combien nous apprécions que le Gouvernement ait su faire preuve de toute la volonté nécessaire pour rendre compatibles ces trois objectifs essentiels que sont la baisse de l'endettement, la réduction des impôts et la création d'emplois publics destinés à satisfaire des besoins quotidiens de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'arrive un peu comme une voiture-balai dans ce débat budgétaire. Vous me permettrez donc de ne pas vous asséner une démonstration charpentée avec ses parties, sous-parties et alinéas que vous auriez corrigés avec délectation. Je préfère, au terme de cette première partie de la discussion générale, vous faire part de mes sentiments sous forme de notes d'ambiance.

Je suis député de la majorité, mais je l'ai été aussi de l'opposition, et certains, sur les bancs de celle d'aujourd'hui, s'en souviennent peut-être encore. Je dois donc dire que c'est la première fois que je constate aussi peu de conviction, de détermination, bref de motivation chez nos collègues de l'opposition. Les formes y sont, mais le coeur n'y est pas. A tel point que, ce matin, ils ont déserté l'hémicycle.

Mme Nicole Bricq.

Ils n'ont rien à dire !

M. Julien Dray.

Vous me permettrez la comparaison avec ces canards auxquels on a coupé la tête et qui continuent de courir par automatisme.

Mon jugement peut paraître sévère. Pourtant, quelle faiblesse d'argumentation ! Hier soir, on pouvait se demander ce qui leur arrivait. Manque de vitamines ? Mauvaise préparation olympique ? Ou encore, et c'est certainement plus grave, panne idéologique ? En fait, leur problème est simple : l'ensemble des dogmes qui fondaient leurs certitudes se heurtent à la réalité d'une société qui supporte de moins en moins les conséquences d'un capitalisme dur, façonné par le libéralisme. Notre peuple accepte de moins en moins les déréglementations. Nos concitoyens admettent de moins en moins la logique de flexibilisation du marché du travail, car ils constatent à l'usage que ces notions se traduisent invariablement par des gains toujours plus grands pour une poignée et des conditions de vie toujours plus difficiles pour les autres.

Il leur est alors difficile de venir dans cet hémicycle réclamer encore plus de déréglementation et de flexibilité, au nom d'une prétendue sagesse et d'une soi-disant prudence qui conduisent au dogmatisme budgétaire.


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Pour conclure cette première note d'ambiance, et sans vouloir tirer sur l'ambulance de l'opposition, je dirai que, avec ou sans cravate, avant ou après les séances psychanalytiques freudiennes, leurs propositions sont réactionnaires. Je ne donne aucun sens péjoratif à ce terme. Je l'emploie dans son sens littéral, dans la mesure où leurs propositions s'opposent aux aspirations profondes de la société. Ils le sentent bien et c'est d'ailleurs ce qui explique leur manque de dynamisme.

Je prendrai trois exemples.

Ils nous disaient, bardés de leurs certitudes libérales, que les 35 heures étaient vouées à l'échec. Force est de constater qu'elles ont été créatrices d'emplois.

Ils nous disaient que l'augmentation de l'emploi public serait une charge insupportable pour la société. Aujourd'hui, et leurs collègues du Sénat viennent d'ailleurs de le reconnaître dans un récent bilan, les emplois-jeunes ont permis la création de 250 000 emplois et ont joué un rôle déterminant dans la baisse du chômage.

Ils nous disaient « La sécu, c'est fini ! Vive le système assurantiel ! ». Aujourd'hui, avec le retour de la croissance, la vieille dame s'offre une deuxième jeunesse.

Bref, pour nos collègues de l'opposition, les belles constructions idéologiques n'ont pas résisté à l'épreuve des faits.

J'en viens à ma deuxième note d'ambiance. Le fameux grand quotidien du soir qui sert de référence faisait état hier de la mauvaise note attribuée par la Commission de Bruxelles à ce budget. Pour paraphraser un illustre révolutionnaire, je dirai : « Lorsque la Commission m'applaudit, je me demande quelle erreur j'ai commise ». Je le reconnais sans difficulté quand Bruxelles veut mettre une mauvaise note à quelqu'un, cette personne m'est déjà sympathique. Ces gens dogmatiques et si sûrs d'eux mériteraient notre respect s'ils pouvaient afficher des résultats équivalents à leurs certitudes.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vrai !

M. Julien Dray.

On nous reproche notre manque de discipline budgétaire. Mais c'est bien parce que, depuis trois ans, nous n'avons pas suivi à la lettre les recommandations de la Commission que l'outil budgétaire a pu conforter la croissance.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vrai aussi !

M. Julien Dray.

Je me permets de retourner la question à Bruxelles : cet enfant bien sage, bien propre sur lui, bien discipliné et qui se nomme Banque centrale européenne, a-t-il un bulletin scolaire si satisfaisant qu'il puisse nous donner des leçons ? En réalité, la leçon que l'on peut retirer des deux années d'existence de la Banque centrale européenne, c'est qu'il n'y a pas de monnaie forte sans politique économique forte...

M. Yann Galut.

Exactement !

M. Julien Dray.

... et qu'une politique économique forte, c'est une politique tournée vers la croissance, pour la porter et la développer.

Je reste persuadé que, en économie, conforter la croissance, c'est d'abord et surtout soutenir la consommation des ménages.

Je reste persuadé que c'est la prise en compte de cette réalité qui a placé la gauche plurielle sur la voie du succès depuis 1997. C'est pourquoi, chaque fois que l'on s'écarte de ce chemin tracé pour retourner vers des politiques de l'offre, je suis dubitatif.

Je le dis dans le cadre de cette discussion budgétaire si l'on veut éviter qu'une politique anti-inflationniste dogmatique n'aboutisse, par l'augmentation des taux d'intérêt, à étouffer la croissance jusqu'à la fragiliser, il faudra bien avoir un débat sérieux sur la question de l'indépendance de la Banque centrale européenne.

Car, à force de se vouloir indépendante, elle a fini par être indépendante de la réalité sociale, du chômage, de la misère.

Le paradoxe est d'ailleurs que les marchés, qui sont, pour certains, l'alpha et l'oméga, ont compris les dangers de cette indépendance et la sanctionnent par une absence de confiance envers les banquiers centraux européens.

Conséquence directe : les errements de l'euro et le relèvement des taux d'intérêt nous font perdre de précieux points de croissance, comme l'atteste le différentiel négatif que nous entretenons par rapport à la croissance américaine.

Cela me permet d'en venir à ma troisième note d'ambiance. M. le ministre de l'économie et des finances a fabriqué un nouveau concept, celui de « stabcroissance ».

Au stade de la définition, il ne peut guère y avoir de divergences. Oui, il faut une croissance qui ne soit pas inflationniste, mais qui soit soutenue et durable. Cependant, je ne pense pas, pour ma part, que ce soit en privilégiant la réduction des déficits au détriment des dépenses sociales d'urgence que l'on parviendra à une croissance stable.

Je me contenterai de prendre l'exemple de certaines zones urbaines, que l'on qualifie pudiquement de « banlieues sensibles » et que je nomme pour ma part « ghettos ». Eh bien, je suis convaincu qu'il ne peut y avoir de croissance durable si l'on n'engage pas les mesures budgétaires d'urgence pour parvenir à casser ces ghettos.

Peut-on penser sérieusement qu'il est possible de projeter un pays tout entier dans une croissance durable et juste si 20 % de sa population vit dans de telles conditions ?

M. Jean-Louis Dumont.

C'est impossible !

M. Julien Dray.

Je ne crois pas non plus que ce soit en invoquant la modération salariale que l'on confortera la croissance, bien au contraire. Je ne fais pas mien le discours sur le coût excessif du travail qui pénaliserait la compétitivité de nos entreprises. D'ailleurs, après vingt ans de crise sociale et de modération des revenus, l'heure ne peut plus être à la rigueur salariale. Elle est au contraire à la satisfaction des attentes salariales et au relèvement des minima sociaux.

Aujourd'hui, le couvercle des revendications est soulevé et, à moins de vouloir subir un échec cuisant, il serait illusoire de penser que l'on peut placer efficacement un étouffoir sur le chaudron des luttes sociales.

Cela m'amène à une quatrième note d'ambiance sur la question de la baisse des impôts. Au préalable, je tiens à affirmer que le Gouvernement n'a pas nécessairement à se transformer en une sorte de super patron en se mettant en position, par le biais des baisses d'impôts, de répondre aux revendications salariales nées à juste titre dans les entreprises.

Sur la baisse des impôts en tant que telle, je veux écarter tout faux débat. Tout le monde est favorable aux baisses d'impôts. Mais toutes les baisses d'impôts ne sont pas bonnes à prendre ! Surtout, je veux mettre en garde contre le danger qu'il y aurait à opérer des baisses d'impôts sans grille de lecture citoyenne. Car, faute d'une telle grille, on ouvre la porte à un poujadisme antifiscal dont on sait qu'il n'est


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pas neutre idéologiquement. Or, ce qui m'inquiète dans le plan de baisse des impôts qui nous est proposé, c'est que j'ai du mal à y trouver une grille de lecture claire.

La majorité doit opérer des choix clairs en matière de fiscalité, et notamment choisir de renforcer l'insuffisante progressivité de notre système fiscal et de rééquilibrer les fiscalités du capital et du travail. Cela doit nous amener à défendre et à développer l'outil de redistribution sociale que constitue l'impôt sur le revenu. A contrario, les taxes, qui représentent les deux tiers de nos prélèvements, ne correspondent pas à notre conception de la justice fiscale puisqu'elles sont proportionnelles. Pour cette raison, je reste persuadé que le maintien des taux de l'impôt sur le revenu doit être notre priorité et je continue de plaider pour des baisses ciblées de TVA.

On m'objectera peut-être qu'il est inutile de s'arcbouter sur le taux de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Je reconnais qu'il s'agit essentiellement d'un symbole, mais avouez, mes chers collègues, que c'est un symbole qui compte pour ceux qui vivent avec moins de 4 000 francs par mois.

Quant aux réductions de TVA, on m'objectera peutêtre leur coût prohibitif. C'est une objection classique mais qui ne résiste pas à l'épreuve des faits. Car, lorsqu'on fait le bilan des baisses ciblées, on se rend fréquemment compte qu'elles ont eu des effets positifs en termes de consommation et d'emploi dans les secteurs concernés.

Certes, je comprends que l'approche des échéances électorales ne favorise pas les grandes manoeuvres pour la réforme de notre fiscalité. Il serait tout de même souhaitable que l'on engage au moins la réflexion devant la représentation nationale.

L'accumulation de réformes successives qui, parfois, manquent de lisibilité, ne permet pas à nos concitoyens de s'y retrouver et, surtout, de retrouver les principes qui doivent guider l'action des gens de gauche que nous sommes.

Pour conclure mon intervention sur une ultime note d'ambiance, je parlerai des dépenses publiques. Je le dis tout net : la croissance ne règle pas tout. Je comprends certes qu'après vingt ans de crise, la croissance retrouvée soit louée, mais j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la nécessité de rompre avec un certain angélisme. On ne peut pas se contenter de s'asseoir sur le bord de la route et de regarder la croissance en s'exclamant avec béatitude : « Ah ! Qu'elle est belle ! », comme si on contemplait un beau coucher de soleil.

Un de vos collègues, M. Bartolone, a d'ailleurs bien traduit les paradoxes de la croissance en déclarant qu'il n'y aurait pas de pire danger qu'une croissance qui s'arrêterait à la portes de nos cités. A certains égards, la situation est même pire aujourd'hui que durant la crise, car ceux qui vivent dans les cités constatent que certains en profitent alors que, pour eux, tout continue comme avant.

Comment faire pour casser les ghettos ? Ceux-ci ne tomberont pas tout seuls, en effet. Il n'y a qu'à regarder du côté des Etats-Unis pour s'en convaincre. Là-bas, les ghettos sont toujours debout. La croissance a seulement permis de les repousser à vingt-cinq kilomètres des centres-villes.

Pour éviter une telle situation, qui traduirait une grave incapacité de la République à régler les problèmes qu'elle rencontre, il est indispensable de prendre des mesures. Je constate en effet, chaque jour, à quel point l'Etat manque d'outils et de moyens pour venir à bout des difficultés auxquelles la population est quotidiennement confrontée.

Que ce soit en termes de rénovation profonde des quartiers, de présence réelle de tous les services publics, de renforcement des effectifs de police et d'encadrement, de lourds investissements sont nécessaires.

Bien sûr, tout cela a un coût. Mais qui peut nier que ces objectifs ne doivent pas être visés ? Et si l'on est d'accord sur la nécessité de les atteindre, quand le feronsnous si ce n'est dans une phase de croissance exceptionnelle ? En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut être audacieux. En effet, les marges de manoeuvre existent pour répondre aux attentes sociales. Et il n'y aurait rien de pire que de ne pas les utiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je pourrais presque dire « chers camarades » ... (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Nicole Bricq et M. Julien Dray.

Tu peux le dire !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il n'y a en effet personne sur les bancs de l'opposition !

M. Jean-Louis Dumont.

... la discussion générale sur le projet de loi de finances nous donne l'occasion d'échanger nos réflexions et de poser des questions sur les sujets qui nous occupent, voire nous préoccupent. Baisse des impôts, simplification des procédures, modernisation de notre fiscalité, croissance, taux d'inflation, taxe Tobin : chacun a pu s'exprimer sur ces différents points.

Pour ce qui me concerne, j'aborderai plus modestement les problèmes de la fiscalité agricole, les problèmes de l'économie sociale dans l'agriculture et du fonctionnement du ministère de l'économie et des finances.

Je m'arrêterai tout d'abord sur l'article 11 du projet de loi de finances, qui vise à modifier l'article 72 D du code général des impôts afin de simplifier le régime fiscal relatif aux souscriptions de parts sociales des coopératives agricoles et de prévenir d'éventuels comportements frauduleux. Mais les termes de « souscription » et de « cession » utilisés dans la nouvelle rédaction de l'article ne sont pas totalement adaptés au fonctionnement d'une société coopérative à capital variable. En effet, les parts sociales d'une coopérative agricole peuvent s'acquérir par voie de succession ou de cession, opérations d'ailleurs souvent liées à une reprise d'exploitation.

Il convient surtout d'éviter les comportements abusifs d'éventuels cédants, qui pourraient se manifester au détriment des jeunes agriculteurs. L'article 11 méritera d'être amendé, afin précisément de mieux tenir compte de la réalité économique et de s'attacher davantage aux valeurs qui fondent l'économie sociale. On peut également souligner que les divers cas de rupture entre un adhérent et une coopérative ne se traitent pas comme une rupture entre un particulier et une société privée, et que, par conséquent, le retrait de l'adhérent nous semblerait une formule mieux appropriée.

S'agissant de l'installation des jeunes agriculteurs, je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ayez lu avec la plus grande attention les propositions de Béatrice Marre, notamment celle visant à bien distinguer les notions de patrimoine privé et d'outil de travail. Procéder à cette distinction est une « ardente obligation » pour le foncier agricole.


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Il faut préserver la propriété foncière pour conserver des agriculteurs, permettre aux jeunes de s'installer et ne pas faire disparaître la notion même d'exploitation familiale. Si l'on décourage la petite propriété foncière - et certains pourraient penser que tel est le cas aujourd'hui par une fiscalité inadaptée, voire une rentabilité nulle du fermage, on aboutira presque obligatoirement à un processus de vente qui défavorisera l'installation des jeunes agriculteurs et pèsera lourdement sur les agrandissements.

Il importe donc d'encourager les baux à long terme et les baux de carrière. Seule la fiscalité peut y contribuer, en améliorant la rentabilité de la terre agricole. Je proposerai ainsi d'augmenter les seuils pour la déduction forfaitaire. Par exemple, pour les baux de neuf ans, la déduction pourrait passer de 14 à 20 %, et, pour les baux à très long terme, voire les baux de carrière, d'une durée parfois supérieure à vingt-cinq ans, on pourrait faire passer le taux de 15 % à 30 %, éventuellement par étapes. Il faudrait également tenir compte des baux qui favorisent l'installation des jeunes. Je souligne au passage que la distinction entre patrimoine personnel et bien professionnel pourrait servir de référence dans une réflexion portant sur les professions artisanales.

Par ailleurs, la reconnaissance d'un système de provision pour l'adaptation des exploitations agricoles permettrait de mieux prendre en compte les évolutions économ iques, sinon les révolutions économiques, que connaissent nos agriculteurs du fait de règles européennes fort mouvantes.

J'insiste aussi sur la nécessité d'une clarification juridique des diverses formes de sociétaires et de leurs conséquences sur la fiscalité. Un seul exemple : la mise en place des GAEC est caractéristique d'une réforme non aboutie. Le statut doit évoluer pour mieux prendre en compte la réalité économique et sociale de l'exploitation, car c'est souvent le conjoint qui en fait les frais, c'est-àdire, généralement, l'épouse du chef d'exploitation.

La proposition de notre collègue Béatrice Marre devrait donc être prise en compte. Elle nous propose en effet la neutralité des formes juridiques. Je souscris à cette suggestion. On pourrait espérer votre accord, monsieur le secrétaire d'Etat, voire celui du rapporteur général.

Mes chers collègues, les mesures fiscales que nous votons année après année s'empilent sans toujours trouver une bonne cohérence. Leur application sur le terrain n'est pas toujours évidente et peut même se faire au détriment de l'efficacité fiscale, sinon économique. On peut considérer que, souvent, le contribuable est de bonne foi. C'est pourquoi la réorganisation du ministère de l'économie et des finances, sa modernisation et une action encore plus proche du terrain passent par la remise en cause de la gestion des ressources humaines, non seulement en ce qui concerne la formation initiale des agents, mais aussi et surtout leur formation continue. Cela relève, me semblet-il, d'une obligation, compte tenu de l'effort de simplification des procédures et de modernisation entrepris par le ministère.

Permettez-moi enfin de dire un mot sur la vente de licences pour les réseaux de communication. Monsieur le sécrétaire d'Etat, vous connaissez la Meuse, vous venez des Vosges. N'oubliez pas l'ensemble du territoire, n'oubliez pas le monde rural.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

L'ai-je déjà fait ?

M. Jean-Louis Dumont.

N'oubliez pas que les nouvelles technologies peuvent servir à maintenir une population en milieu rural. C'est tout le territoire qui doit donc être couvert par les nouveaux réseaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mesdames, messieurs, je vais m'efforcer de répondre avec précision aux interventions de grande qualité que nous avons entendues ce matin.

Tout d'abord, l'excellent propos de M. Rodet concernant les problèmes du pétrole m'amène à souligner, après Laurent Fabius hier après-midi, que le Gouvernement avait, sur ces questions, un devoir d'écoute et de vérité, qu'il a respecté. Ecoute des attentes des Français, de leur déception quant à l'évolution des prix du pétrole à la pompe, vérité quant aux contraintes économiques qui sont les nôtres. Cela a conduit à une baisse du prix du carburant de vingt centimes au 1er octobre, par le jeu combiné du mécanisme de stabilisation et de notre décision de procéder à une minoration exceptionnelle. Le 1er décembre prochain, nous serons, d'ailleurs, éventuellement amenés à faire jouer à nouveau le stabilisateur mis en place par M. Fabius et Mme Parly, compte tenu de l'évolution récente du prix du pétrole.

En outre, M. Rodet a souligné fort justement que le fait que la taxe intérieure sur les produits pétroliers soit assise sur les quantités consommées et non sur les prix a tendu à amortir les effets de la hausse du pétrole. Il faut effectivement répéter que le poids relatif de la fiscalité sur le prix à la pompe a baissé d'environ dix points en dix ans. Certes, ce n'est pas une raison pour ne pas être très attentif à cette contrainte qui pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des Français, mais cela explique la faiblesse de notre marge de manoeuvre.

En tout cas, un dialogue ferme a été engagé avec les compagnies pétrolières. Et un dialogue très ouvert doit se poursuivre entre les pays consommateurs et les pays producteurs. Je participerai, au nom du Gouvernement, à la conférence internationale consacrée à ces questions qui se tiendra dans quelques semaines à Ryad. Nous aurons à y faire entendre la voix de la France, dans un concept de compréhension et de partenariat avec les pays producteurs de pétrole. Il s'agira non pas d'opposer les uns aux autres, mais de tenter de trouver des solutions conformes à l'intérêt global du monde et de promouvoir une croissance maximale au service de l'emploi.

J'en viens à Mme Aurillac, dont je regrette qu'elle ne soit plus là. Elle juge nos prévisions de croissance, comprises entre 3 et 3,6 %, excessivement optimistes. Je la renvoie à l'intervention de Laurent Fabius, qui a montré ici même, hier, combien cette prévision était au contraire fort raisonnable. En effet, si l'on prolonge sur un rythme annuel la croissance constatée par l'INSEE au mois de septembre 2000, on devrait enregistrer une croissance annuelle de 3,25 %. Nous sommes donc au milieu de la fourchette prévue par la loi de finances, qui soustend l'ensemble des calculs de prévisions économiques auxquelles nous nous sommes livrés.

Je rappelle que, pour nous, la croissance doit essentiellement servir à améliorer encore la politique de l'emploi. Il faut redire ici combien les succès remportés par la politique de l'emploi que nous menons ont d'ores et déjà modifié en profondeur la « vie quotidienne » des Français, expression utilisée, pour nous critiquer, par

Mme Aurillac, qui a qualifié ce résultat de magique.


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En 2001, notre déficit public atteindra en effet son niveau le plus bas depuis vingt ans ; c'est mathématique.

Mme Aurillac n'a pas tort : c'est la magie du succès d'une politique économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) qui nous permet aujourd'hui de desserrer la contrainte sur les finances publiques. Nous sommes ainsi en mesure de conduire une politique dynamique en matière d'économie et d'emploi et de procéder à un assainissement de nos finances publiques jamais réalisé par l'opposition lorsqu'elle était au pouvoir.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Aurillac a également évoqué la famille. Que peut-on reprocher à un projet de loi de finances qui relève de manière substantielle le plafond de la demi-part supplémentaire ? Celui-ci est porté de 11 060 francs à 12 440 francs, ce qui représente une augmentation de 1 380 francs. Et ce sont les fameuses classes moyennes, dont on a à juste titre parlé tout au long du débat, qui vont tirer bénéfice de cette mesure qui concernera un million de foyers fiscaux.

Je prendrai un exemple chiffré très parlant ; comme il sera publié au Journal officiel, il permettra aux députés de montrer la portée réelle de ces baisses d'impôts dans la vie quotidienne.

Soit un couple marié avec deux enfants à charge, ayant un revenu imposable - les deux conjoints travaillent - de 300 000 francs. Propriétaire de son habitation principale, il possède en outre deux voitures de 7 chevaux, de moins de cinq ans et immatriculées dans les Yvelines.

M. Alain Barrau.

C'est le département où la vignette est la plus chère ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Non, c'est simplement pour prendre un exemple précis. (Sourires.)

A revenu constant et par rapport à l'impôt sur le revenu de 1999 - c'est la seule comparaison qui vaille la réforme de l'impôt que nous avons lancée va réduire l'impôt de ce couple de 2 766 francs en 2001, de 4 425 francs en 2002 et de 5 531 francs en 2003.

La suppression de la vignette automobile lui permettra en outre d'économiser 940 francs par an. Quant à l'allégement de la TVA et de la TIPP sur le fioul domestique, pour une consommation estimée à 3 500 litres par an, il assurera un gain de 660 francs.

Vous le voyez, ce ménage profitera d'un abaissement considérable de sa charge fiscale.

Je remercie M. Fuchs d'avoir dit avec beaucoup de talent tout le bien qu'il pense de nôtre politique de gestion de la dette et de baisse des impôts. Il faut revenir une nouvelle fois sur ce dernier point. L'opposition, même si cela lui déplaît, doit entendre cela. Ce budget, dont certaines mesures s'appliqueront au cours des trois prochaines années - 2001, 2002 et 2003 -, réduira au total de 210 milliards l'ensemble des prélèvements fiscaux.

M. Jean-Louis Dumont.

Impressionnant !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Certains intervenants nous ont opposé la situation allemande. Il faut rappeler clairement que la comparaison n'est pas au désavantage de la France. En effet, les baisses d'impôts pratiquées en France sont à peu près équivalentes à celles auxquelles procède notre voisin d'outre-Rhin.

S'agissant de la dette, je me bornerai à citer deux chiffres : en 1997, la dette représentait 59,3 % du PIB ; en 2001, elle atteindra 57,2 % du PIB. De plus, ce phénomène de décroissance tend à s'accélérer. C'est, là encore, le résultat d'une bonne politique budgétaire, d'une politique sérieuse des finances publiques.

J'aurai quelque peine à répondre à M. Guillaume, qui a préféré les formules à l'emporte-pièce aux jugements financiers et budgétaires. Il nous accuse de gaspiller l'« aubaine » de la croissance. Mais comment parler d'aubaine en la matière ? Nous avons surtout mené une bonne politique économique, une bonne politique fiscale, une bonne politique de l'emploi, une bonne politique de dynamisation des entreprises, une bonne politique de croissance, une bonne politique d'innovation - n'est-ce pas, monsieur Destot ? C'est bien le résultat d'une politique économique qui nous permet de diminuer les impôts et non un effet d'aubaine, à moins que M. Guillaume ne doute de l'avenir.

M. Alain Barrau.

Très juste !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il a cependant reconnu, ce qui est important dans sa bouche, que « chacune de nos prévisions est plausible ». Voilà un effort remarquable, et c'est ce que je retiendrai de son intervention polémique.

M. Baert a posé la question de la suppression de la redevance audiovisuelle.

M. Jean-Louis Dumont.

Très bonne question !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Si ce problème est important et mérite d'être étudié, si l'on peut blâmer la redevance, rappelons tout de même qu'elle finance le service public de la télévision ;...

M. Jean-Louis Dumont.

Le budget pourrait y pourvoir !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... dont le statut, le dynamisme - qu'il faut saluer -, et le périmètre sont également des sujets qu'il ne faut pas oublier. Mais M. Baert a utilement, au nom du groupe socialiste, et sans doute au nom de l'ensemble de la majorité plurielle, évoqué, avec science - financière et budgétaire - et talent, une question qui, sans doute, ne manquera pas de se poser au cours des prochaines années. Je le remercie de définir un cadre de réflexion qui, M. le rapporteur général en conviendra, est aussi utile pour le Gouvernement que pour la commission des finances.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'entends bien cette remarque !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Baert a, par ailleurs, souligné son souci constant de la modernisation de notre économie, et je l'en remercie.

Il a souligné un autre point très intéressant - évoqué également, pour l'opposition, par M. Mariani, le problème des buralistes. Soyez assurés qu'un dialogue approfondi, lancé avec une véritable volonté d'aboutir par ma collègue Florence Parly, est engagé avec les buralistes pour examiner non seulement les moyens de compenser la perte de la vente des vignettes qu'ils assurent à 85%, mais aussi ceux permettant de franchir une nouvelle étape dans la modernisation de la profession de buraliste.

Mme Florence Parly s'est notamment attachée à faire en sorte que les petits buralistes fassent l'objet d'une attention prioritaire. Je crois pouvoir dire que les négociations sont sur le point d'aboutir positivement et que, peut-être cette journée ou les prochains jours verront l'aboutissement d'un travail patient, discret mais efficace au profit de cette corporation. M. Mariani a bien tort de ne plus assister à cette séance ; il aurait appris que nous avons beaucoup progressé et que nous allons probablement vers un accord.


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M. Estrosi nous appelle - et c'est étrange venant de lui - à une « révolution fiscale ».

M. Julien Dray.

Plutôt une contre-révolution !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il nous accuse de ne pas l'avoir faite alors que nous supprimons la part salariale de la taxe professionnelle, que nous diminuons la TVA, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés dans le sens de la dynamisation des entreprises et de l'économie. Comment M. Estrosi peut-il dire que les prélèvements obligatoires augmentent, alors qu'ils baissent ? J'ai ici les chiffres officiels, qui sont, je crois, indubitables, comme le rappelait M. Guillaume : avec un taux des prélèvements obligatoires de 44,9 % en 1998, de 44,7 % en 2001, avec des baisses d'impôts de 80 milliards en 2000, de 60 milliards en 2001, la réalité est bien différente de celle que M. Marioni a décrite. Je ne lui ferai pas l'injure de lui demander de bien vouloir se reporter aux chiffres réels plutôt qu'à ses fantasmes. Et les chiffres réels se trouvent à la fois dans les déclarations du Gouvernement et dans celles de M. le rapporteur général,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... dont le rapport, je le répète, nourrit ma réflexion personnelle comme celle de mes collègues Florence Parly et Laurent Fabius.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Merci !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Bapt a été très positif,...

M. Alain Barrau.

C'est vrai !

M. Jean-Louis Idiart.

On ne peut pas le nier !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... comme à son habitude, dans son jugement sur le budget et sa dynamique. Il a raison de souligner que notre politique, depuis 1997, est tout entière tournée vers une croissance riche en emplois - 35 heures, allégements de charges destinés à l'emploi, emplois-jeunes -, mais aussi de noter combien cette politique s'enrichit d'une attention qualitative. Après les premiers succès quantitatifs - 1 million d'emplois nets nouveaux à durée indéterminée créés depuis juin 1997, 550 000 emplois supplémentaires en l'an 2000 -, la qualité de l'emploi devient maintenant une préocupation, notamment en ce qui concerne la qualification et l'adéquation entre la demande et l'offre d'emploi.

M. Bapt a eu raison de poser le problème particulier, mais ô combien important, de l'extension d'un programme de type TRACE en faveur des adultes, car ce programme très adapté à la situation des jeunes doit maintenant être prolongé. Ma collègue Elisabeth Guigou y travaille...

M. Jean-Louis Dumont.

Depuis quelques minutes ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et y travaillera certainement avec beaucoup d'attention.

Merci, monsieur Bapt, d'avoir souligné la situation particulière des rapatriés. Nous allons étudier avec précision vos propositions ; elles sont bienvenues et nous y reviendrons au cours de la discussion des articles. Le Gouvernement est très attentif à la situation des rapatriés et ne doutez pas que nous ferons des progrès dans le sens que vous souhaitez.

M. Mariani a évoqué la situation des débitants de tabac - sur laquelle je ne reviens pas - et la baisse de la TVA sur la restauration. Le Gouvernement ne s'abrite pas derrière le droit communautaire. La vérité, c'est qu'il s'agit vraiment d'une contrainte qui s'impose à chacun des Etats membres. Que cela plaise ou non, c'est à l'intérieur de ces lignes directrices, sur ces rails, que nous devons évoluer.

En outre, une telle mesure coûterait une vingtaine de milliards de francs, somme que l'on n'est pas certain de retrouver dans l'assiette, je l'ai déjà dit hier en répondant à une question d'actualité.

M. Galut a évoqué, une nouvelle fois avec beaucoup de pertinence, un problème très important, ...

M. Jean-Louis Idiart.

D'habitude, il est plutôt impertinent ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... la taxe Tobin.

Le groupe socialiste est, je le sais, très attaché à une réflexion sur cette taxe. Il ne faut pas se désoler qu'un rapport ait été remis au Gouvernement. D'ailleurs, ce rapport a été rédigé avec beaucoup de conscience et de science par des fonctionnaires dépendant de Bercy.

Je ne veux pas laisser caricaturer cette réflexion qui me paraît très positive et très fructueuse. Je veux redire ici combien le Gouvernement en apprécie les objectifs politiques de cette réflexion. Comment s'opposer à la lutte contre les fonds spéculatifs et accroître la moralisation des transactions financières ? Ce sont des objectifs que partage le Gouvernement, le Premier ministre et le ministre des finances l'ont mille fois répété.

Il est vrai que les 1 300 milliards de dollars qui s'échangent chaque jour entre les différentes places financières posent question. Nous devons en effet affirmer une attitude politique ferme à l'égard des fonds spéculatifs en faveur d'une moralisation des transactions. Mais nous devons réfléchir à des moyens internationaux de coopération qui seraient liés, non pas à la seule décision française, mais à celle de l'ensemble de nos partenaires de la c ommunauté financière internationale, pour dépasser cette situation, qui n'est en effet pas satisfaisante.

Il faut envisager la problématique de la taxe Tobin avec respect - c'est le cas du rapport -, mais aussi avec réalisme. Nous ne pouvons pas faire seuls le pas en avant dans cette direction. Nous essayons de promouvoir dans toutes les instances internationales concernées la volonté de moraliser et contrôler les flux financiers pour lutter contre la déstabilisation. Nous devons le faire avec réalisme et ne pas envisager des mesures qui ne seraient pas p raticables techniquement. Je rappelle que ce sont 1 300 milliards de dollars qui s'échangent chaque jour entre les places financières. La maîtrise et, donc, la taxation, même très faible, de ces masses financières considérables sur une multitude de places financières différentes pose des problèmes techniques dont nous sommes prêts à discuter avec nos partenaires de la communauté financière. Mais, je le répète, nous ne pouvons pas avancer seuls, dans cette direction, même si la volonté politique dans ce domaine a été clairement exprimée.

M. Barrau, avec talent et maîtrise, a souligné les principales caractéristiques du projet de budget : l'importance quantitative et le ciblage des baisses d'impôts. On l'aura compris, la priorité budgétaire dans le volet des dépenses porte sur celles qui sont directement liées à l'emploi, notamment à l'éducation nationale et à la préparation du futur. Elle porte également sur d'autres questions évoquées par plusieurs orateurs, comme la sécurité ; M. Dray, par exemple, a souligné ce point en évoquant la politique de la ville.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

J'ai beaucoup aimé, monsieur Barrau, votre réflexion de philosophie financière sur le changement de nature d'une politique fiscale lorsqu'un certain seuil quantitatif est atteint. Lorsque les baisses d'impôts atteignent une certaine proportion, en effet, l'orientation générale de la politique fiscale change. C'est bien ce que nous souhaitons avec des baisses d'impôts ciblées sur la reconquête de l'emploi. Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'ores et déjà d'un succès. En disant qu'elles visent également la promotion de l'initiative, l'esprit d'entreprise, l'encouragement à la création d'entreprises - préoccupations à la fois d'emploi et entrepreneuriales -, nous prouvons que nous organisons notre vision de la politique fiscale. L'orientation que nous avons choisie exprime une vision de la politique fiscale tournée vers la satisfaction des besoins de l'économie française et de la justice fiscale. Votre réflexion est très fertile et je ne saurais trop vous féliciter de suivre cette voie et de soutenir les orientations fondamentales du Gouvernement.

M. Dray a évoqué, lui aussi avec brio,...

M. Julien Dray.

Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.

N'en faites pas trop !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... les problèmes de la Commission et de l'Europe. Je ne peux pas vous rejoindre, monsieur Dray,...

M. Julien Dray.

C'est dommage !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... sur ce que j'appellerai votre « euroraillerie ». Nous sommes engagés très fermement, et avec nous la majorité plurielle, dans une croissance qui nécessite un euro stable. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les retraites sont revalorisées de 2,2 %. Le pouvoir d'achat des salariés augmentera par ailleurs de 4,2 % en masse. Et, comme je viens de le rappeler aux orateurs précédents, nous avons choisi de baisser l'impôt sur le revenu de manière graduelle, notamment en faveur des classes moyennes. S'il est une catégorie de contribuables qui fait l'objet de l'attention la plus soutenue, ce sont bien les petits contribuables et les classes moyennes. Je veux redire ici que les classes moyennes, qui constituent maintenant une grande partie des douze millions de contribuables, sont concernées par plusieurs mesures de ce budget qui leur sont favorables.

La tranche de 54 %...

M. Julien Dray.

La fameuse !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... évoluera à la baisse moins vite que les tranches du bas du barème. En maintenant ainsi un principe politique d'allégement plus que proportionnel pour les basses tranches du barème et en diminuant l'allégement fiscal à mesure que l'on se rapproche de la tranche supérieure, nous sommes cohérents avec une politique fiscale assise sur la justice fiscale qui demande plus d'efforts à ceux qui disposent des moyens les plus importants.

D'ailleurs, les comparaisons européennes - c'est une remarque importante pour votre réflexion, mesdames, messieurs les députés - doivent être faites avec prudence.

Certains d'entre vous, en particulier dans l'opposition,o nt établi une comparaison avec l'Allemagne, par exemple. A ceux-là, je répète que les taux français s'appliquent à une assiette limitée par le jeu de la déduction de 10 % pour frais professionnels et de 20 %. Le taux allemand, dont on nous rebat les oreilles qu'il passerait à 45 %, s'applique à une assiette beaucoup plus large, sans abattement, et cotisations sociales incluses dans le calcul de l'impôt. Il serait donc très intéressant de comparer, à situation égale, à quoi conduisent en Allemagne, le taux affiché de 45 %, et, en France, le taux, qui va d'ailleurs évoluer, de 54 %.

M. Dray a également parlé des crédits de la ville, tendant au Gouvernement une perche qu'il lui est agréable de saisir. Il souligne donc que ces crédits augmenteront de 70 % en 2001 - j'ai bien dit 70 % -, après d'autres augmentations très significatives, de l'ordre de 30 %, en 1999 et en 2000. Les crédits consacrés à la ville vont donc augmenter d'un milliard de francs en 2001. Je rappelle que les crédits de base de la ville, même si le ministère délégué à la ville en trouve dans chacun des autres ministères, notamment sociaux, s'élèvent à 1,5 milliard environ. Il s'agit donc d'un effort sans précédent en faveur de la ville.

M. Julien Dray.

Mais insuffisant !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur Dumont, je conclurai sur votre excellente intervention, à la fois technique, ce dont vous nous avez donné l'habitude, et fondée quant à son raisonnement politique. Je suis certain que des progrès peuvent être réalisés dans le sens des amendements que vous avez proposés sur les questions agricoles. Voilà une vision positive, monsieur le député. Nous en parlerons en détail lors de la discussion de l'article 11. Votre apport ainsi que la réflexion de vos collègues Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac conduisent le Gouvernement à structurer sa politique sur plusieurs années, en prenant en compte les justes préoccupations que vous exprimez les uns et les autres. Nous allons donc poursuivre la concertation, vous donner satisfaction dès la discussion du projet de loi de finances pour 2001 et montrer ainsi la détermination du Gouvernement, non seulement à défendre, mais à promouvoir l'activité dans le monde rural, notamment l'activité agricole, en tenant compte de la réalité des exploitations et des objectifs sociaux, notamment pour les petites exploitations,...

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... ainsi que des difficultés que rencontre souvent le monde agricole. Nous sommes à votre écoute. Nous continuerons la concertation sur la base de votre excellent rapport et nous irons, dès l'article 11 de cette loi de finances initiale, dans le sens que vous souhaitez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2000

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Question au Gouvernement sur des thèmes européens ; Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT