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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Loi de finances pour 2001 (première partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7061).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 7061)

Article 28 (p. 7061)

Prélèvement au titre du budget des Communautés européennes M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances.

M. Laurent Dominati, Mme Béatrice Marre, MM. Maurice Ligot, Jean-Claude Lefort, Mme Nicole Catala, M. le ministre, MM. Jacques Myard, Gilbert Mitterrand.

Adoption de l'article 28.

M. le ministre.

Après l'article 2 (suite) (p. 7084)

Amendement no 338 de M. Terrasse : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur général, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. - Retrait.

Amendements identiques nos 75 de M. Auberger et 478 de M. Mattei et amendement no 309 de M. Carrez : MM. Philippe Auberger, Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Pierre Brard. - Rejets.

Amendement no 479 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Charles de Courson. - Rejet.

Amendement no 308 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 2 de M. Bernard Charles : MM. JeanJacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 444 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Charles de Courson. - Rejet.

Amendement no 91 de M. Jégou : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Charles de Courson. - Rejet.

Article 3. - Adoption (p. 7091)

Après l'article 3 (p. 7092)

Amendement no 315 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 314 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 4 (p. 7094)

MM. Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Brard.

Amendements de suppression nos 33 de la commission des finances, 151 de M. Cochet et 446 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Philippe Auberger, Charles de Courson. Adoption.

L'article 4 est supprimé.

L'amendement no 92 de M. Méhaignerie n'a plus d'objet.

Après l'article 4 (p. 7097)

Amendement no 35 rectifié de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Philippe Auberger. Adoption de l'amendement no 35 rectifié et modifié.

Amendements nos 445 de M. Cuvilliez et 21 de M. Dray : MM. Christian Cuvilliez, Julien Dray, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Charles de Courson, Jean-Jacques Jégou, Augustin Bonrepaux. - Rejets.

Amendements identiques nos 34 de la commission et 447 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Charles de Courson. - Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7102).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

PREMIÈRE PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles.

Article 28 Prélèvement au titre du budget des Communautés européennes

M. le président.

En accord avec le Gouvernement, nous en venons à l'article 28 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes, que nous allons examiner dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents.

Je donne lecture de l'article 28 : « Art. 28. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué, pour l'exercice 2001, à 99,5 milliards de francs. »

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, le débat spécifique au prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes revêt une double importance : tout d'abord, il s'agit de voter sur un article du projet de loi de finances, qui représente désormais presque 100 milliards de francs ; ensuite, c'est pratiquement la seule occasion donnée à notre assemblée de débattre en séance du projet de budget communautaire.

S'agissant du prélèvement communautaire lui-même, je n'y reviendrai que très brièvement. Chacun d'entre nous sait qu'il s'agit d'une évaluation et que les résultats sont très souvent différents des prévisions initiales. Avec 99,5 milliards de francs en 2001, ce prélèvement progresserait ainsi de 5,3 % par rapport à l'évaluation révisée pour 2000. Les détails sur les éléments techniques ayant conduit à fixer à ce niveau le montant prévu pour 2001 figurent dans mon rapport écrit.

Plus intéressantes sont, me semble-t-il, les caractéristiques du projet de budget communautaire adopté par le conseil « budget » qui s'est tenu le 20 juillet dernier, notamment au regard des souhaits exprimés par notre assemblée dans sa résolution sur l'avant-projet de budget communautaire présenté par la Commission européenne.

A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que ce dernier comportait deux caractéristiques majeures : une progression élevée des dépenses, hélas comme à l'accoutumée, et une proposition de révision des perspectives financières pour la période 2000-2006.

S'agissant du premier point, l'avant-projet de budget prévoyait ainsi une hausse de 3,9 % des crédits d'engagements et de 5 % des crédits pour paiements par rapport à l'exercice précédent.

Une fois encore, et je me permets de le remarquer, la Commission européenne manifestait cet étrange dédoublement de personnalité qui la conduit un jour à s'ériger en juge de la manière dont les Etats membres gèrent leurs finances publiques et, le lendemain, à proposer des budgets communautaires dont le souci premier n'est, à l'évidence, pas de limiter la dépense, notamment en ce qui concerne les dépenses administratives. Je reviendrai d'ailleurs plus loin sur ce dernier point.

De ce point de vue, on ne peut manquer d'être étonné des propos d'un commissaire européen sur le projet de loi de finances pour la France. Il est stupéfiant de voir certains commissaires européens s'ériger en juges...

M. Christian Cuvilliez.

En censeurs !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et oublier de s'apprécier eux-mêmes ! Sans même attendre une éventuelle révision des perspectives financières, la Commission a proposé, dans l'avant-projet de budget pour 2001, de prélever sur la rubrique « marchés agricoles » les sommes jugées nécessaires pour augmenter les crédits consacrés aux actions extérieures. Le même prélèvement serait effectué en 2002 et pour les années suivantes, la Commission proposant de dégager des économies de 300 millions d'euros par an sur l'ensemble du budget, afin de les affecter aux actions menées dans les Balkans.

Outre le fait que l'attitude de la Commission européenne risque de rendre singulièrement plus difficile un accord entre les deux branches de l'autorité budgétaire, la


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proposition de révision des perspectives financières était fondée sur des études incomplètes et discutables, et portait atteinte au financement des dépenses agricoles.

Mme Béatrice Marre.

Très juste !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En conséquence, l'Assemblée nationale, dans sa résolution précitée, a demandé au Gouvernement de rejeter la proposition de révision.

Sur ces deux points, les décisions du conseil « budget » ont permis de corriger l'avant-projet dans le sens souhaitable. Nous tenons, monsieur le ministre, à vous en remercier.

Ainsi, c'est à l'unanimité que la proposition de révision des perspectives financières a été rejetée. Je crois qu'il s'agit d'un message suffisamment explicite pour que la Commission européenne s'abstienne de tenter, comme elle en a trop l'habitude, de revenir sur des arbitrages politiques engageant les finances communautaires pour plusieurs années.

Mme Béatrice Marre.

Très juste !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En ce qui concerne le volume des dépenses, le Conseil a ramené l'évolution du budget vers une tendance plus raisonnable.

Le Conseil a ainsi réduit les crédits d'engagements et les crédits pour paiements, ramenant la progression des premiers par rapport au budget 2000 à 2,7 %, tandis que celle des crédits pour paiement s'établirait à 3,5 %.

Ces nécessaires ajustements sont sensiblement moins importants que par le passé. Il s'agit donc d'un compromis équilibré, qui a obtenu une large adhésion du Conseil.

Ces économies ont été réparties de façon différenciée selon les rubriques et permettent d'une certaine manière de dégager des priorités politiques plus claires.

Ainsi, les crédits pour paiements en faveur de la préadhésion augmentent de 10,9 %, ce qui traduit la priorité accordée par le Conseil à la préparation de l'élargissement.

Par ailleurs, alors que les politiques internes font traditionnellement l'objet de coupes claires de la part du Conseil en première lecture, elles ont été cette année relativement épargnées, la concertation préalable entre les deux branches de l'autorité budgétaire ayant permis de dégager des points d'accord significatifs.

Le Conseil a certes dégagé une marge de précaution sous le plafond de cette rubrique de 208 millions d'euros, mais c'est essentiellement en vue d'aboutir à un accord ultérieur avec le Parlement européen à propos de l'initiative emploi.

Cette dernière constitue une priorité du Conseil et du Parlement européen, dans le prolongement des conclusions du Conseil européen de Feira. Le Conseil attend l'évaluation qui sera transmise par la Commission, sous forme de lettre rectificative, en vue de rechercher, en deuxième lecture, un accord avec le Parlement sur son financement. Les deux parties devront alors s'entendre pour dégager un terrain d'entente entre les 450 à 500 millions d'euros envisagés par le Parlement pour le programme pluriannuel PME et les 230 millions d'euros retenus à ce stade par le Conseil.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, où en est actuellement ce dossier et comment se présente la concertation entre les deux branches de l'autorité budgétaire ? Les actions structurelles sont, quant à elles, stabilisées à un niveau élevé. L'enveloppe des crédits pour paiements votée en 2000 est reconduite afin de financer tout à la fois les projets engagés dans le cadre de la précédente programmation et les mesures nouvelles programmées dans le cadre de l'Agenda 2000.

Le problème des « restes à liquider » demeure donc très présent et ces derniers font peser un poids excessif sur le budget communautaire. Cela devrait conduire à prendre des mesures plus efficaces - en tout cas, nous le souhaitons - et plus économiques, afin d'éliminer les engagements dormants, d'adopter un rythme réaliste d'exécution des programmes et de mieux prendre en compte la réelle capacité d'absorption des bénéficiaires.

Enfin, s'agissant des dépenses administratives, la question est, cette année, complexe et souligne certains des travers habituels de la Commission européenne.

Ainsi, le Conseil a diminué de 58 millions d'euros les crédits pour paiements, justifiant cet ajustement, d'une part, par le souci de dégager des marges, dans l'attente de la présentation par la Commission européenne de la lettre rectificative à l'avant-projet de budget 2001 visant à demander de nouvelles créations de postes, et, d'autre part, par le souhait « d'inciter cette dernière à présenter une lettre rectificative à budget constant ».

Cette lettre rectificative a finalement été présentée le 5 septembre dernier à la commission des budgets du Parlement européen.

La Commission européenne évalue les insuffisances à 1 254 postes. Les efforts de rationalisation qu'elle déclare s'engager à mettre en oeuvre permettraient de ramener les créations nécessaires à 717 postes, ce dernier nombre étant partiellement compensé par la proposition de mise en place d'un système de préretraite.

La Commission européenne indique également que le régime de préretraite proposé sera neutre du point de vue budgétaire. Ce point mériterait, monsieur le ministre, d'être mieux explicité et de faire l'objet d'engagements plus fermes. En effet, la lettre rectificative n'est pas d'une clarté absolue et l'on peut se demander si son obscurité procède de la tendance, malheureusement naturelle, qui affecte les textes bruxellois ou si elle ne relève pas d'une volonté de rester aussi évasif que possible.

L'ensemble des mesures proposées par la Commission européenne dans cette lettre rectificative sera discuté par le Parlement européen lors de sa première lecture du projet de budget, les 25 et 26 octobre prochains. Je souhaite que le Gouvernement, lors de l'examen en seconde lecture par le Conseil dont il assume la présidence, veille à ce que les propositions de créations de postes respectent strictement les plafonds prévus par les perspectives financières de la rubrique définies pour la période 2000-2006.

Là aussi, nous souhaitons que certains s'appliquent à euxmêmes leurs conseils insistants.

Il me semble également nécessaire que les modalités du système de préretraite proposé soient précisées à cette occasion.

Enfin, je crois que le budget communautaire fait partie d'un ensemble de décisions de politique économique et monétaire communautaires dont il ne peut être séparé, sinon artificiellement.

Ainsi, les dépenses programmées représentent un certain pourcentage du PIB de l'Union, ce pourcentage étant susceptible de varier en cas de ralentissement de la croissance. Or, alors que quelques interrogations - et nous en parlons depuis quelques jours - se font jour, une des menaces pesant sur la croissance et l'emploi réside actuellement dans l'incompréhension, voire l'irrationalité, des décisions de la Banque centrale européenne en matière de taux d'intérêts, même si, aujourd'hui, elle a pu


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prendre une décision - ou une non-décision - sage.

Ainsi, la BCE a cru bon, le 5 octobre dernier, de relever une nouvelle fois ses principaux taux, alors même que tous les observateurs s'accordent à dire que l'inflation sous-jacente dans la zone euro reste dans des limites raisonnables. Il y a là une forme de réflexe pavlovien, propre à certains banquiers centraux, qui consiste à surréagir aux moindres signes supposés d'une éventuelle reprise de l'inflation, au mépris de toute autre considération.

Un problème de compétence des personnalités en charge de définir la politique monétaire se pose sans aucun doute, mais cette situation révèle aussi un problème institutionnel et politique. On objectera que la BCE est indépendante, monsieur le ministre.

M. Jean-Claude Lefort.

Heureusement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela signifie-t-il qu'elle est affranchie de tout contrôle et ne peut voir sa responsabilité mise en cause par rien ni personne ? On serait, dans ce cas, proche d'un postulat d'infaillibilité dont on ne voit guère quel pourrait être le fondement.

M. Jean-Claude Lefort.

Très juste !

M. Christian Cuvilliez.

Voilà un langage de vérité !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Les dispositions du traité n'ont d'ailleurs, me semble-t-il, pas entériné un tel système.

Certes, l'objectif principal de la BCE est de maintenir la stabilité des prix. L'article 105 du traité d'Amsterdam précise toutefois que « le système européen de Banques centrales apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l'article 2 ». On notera que parmi les objectifs figurant dans l'article 2 est explicitement mentionnée la promotion « d'un niveau d'emploi élevé » et du « progrès économique et social ». La politique monétaire ne peut donc, selon nous, s'abstraire des objectifs généraux de politique économique des Etats membres que sont la croissance et l'emploi.

(« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe communiste.)

Or je note que l'article 230 du traité stipule que la Cour de justice des Communautés européennes contrôle la légalité des actes de la BCE, autres que les recommandations et les avis et qu'

« à cet effet, la Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du présent traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir, formés par un

Etat membre, le Conseil ou la Commission ».

M. Jean-Claude Lefort.

Voilà !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Compte tenu des résultats des récentes décisions de la BCE, qui pénalisent la croissance et qui, en portant atteinte de facto au niveau de l'euro, risquent d'accentuer l'inflation importée que la banque croyait ainsi combattre, je pense, monsieur le ministre, qu'une telle saisine pourrait rapidement se révéler opportune. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lefort.

Quelle audace !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Au-delà de ces considérations, la commission des finances a adopté l'article 28 du projet de loi de finances pour 2001, portant évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes. J'invite notre assemblée à faire de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'invite les orateurs suivants à placer leurs documents à plat sur le pupitre afin de ne pas masquer le clignotant qui indique la fin de leur temps de parole. Cela leur permettra d'éviter, à l'inverse du rapporteur général, d'intervenir quatorze minutes au lieu de dix.

Quoique, le rapporteur général dispose d'une grande autonomie dans cette maison...

(Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour dix minutes.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

J'avais trouvé la pratique géniale, monsieur le président, et je m'apprêtais à l'utiliser à mon tour.

(Sourires.)

Avant de présenter quelques remarques sur le projet de budget de l'Union européenne pour 2001, je voudrais, en tant que parlementaire national, vous interroger, monsieur le ministre, sur l'articulation entre le déroulement de la procédure budgétaire européenne et celui de notre procédure budgétaire nationale. Je crois en effet que le chevauchement des deux procédures en cette année 2000 a été particulièrement caricatural.

Pour illustrer mon propos, je citerai quatre exemples.

Premier exemple. La Commission a adopté son avantprojet de budget pour 2001 le 10 mai. Nous aurions donc pu espérer disposer de ce document dans les jours qui ont suivi. Or il n'en a rien été, et lorsque la commission des finances a eu le débat d'orientation budgétaire pour 2001, elle n'avait pas encore connaissance de l'avant-projet de budget européen.

Deuxième exemple. L'avant-projet de budget est arrivé non seulement bien après le débat d'orientation budgétaire mais aussi très tardivement, puisque le rapporteur que j'étais sur ce texte pour la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne ainsi que les administrateurs travaillant avec moi n'ont disposé que de quelques jours pour élaborer « à toute vitesse » une réflexion, qui a été ensuite soumise à la commission des finances quelques jours à peine avant que ne se réunisse le conseil des ministres du budget.

Je fais pleine confiance au ministre de l'économie et des finances pour avoir parcouru en quelques jours la résolution adoptée par la commission des finances, mais je suis convaincu que s'il avait disposé d'un délai plus long notre influence aurait été encore plus grande.

Troisième exemple. Le 20 juillet, le Conseil adopte le projet de budget dont nous débattons aujourd'hui. Dès lors, nous nous disons que, entre le 20 juillet et le mois d'octobre - nous sommes aujourd'hui le 19 octobre -, nous allons avoir cette fois-ci le temps de travailler sereinement. Pas du tout ! Les différentes commissions et la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne ont dû s'arracher l'unique exemplaire de ce projet de budget qui a été transmis à l'Assemblée, ce qui n'a pas pu non plus de nouveau faciliter le travail.

Aujourd'hui a lieu le débat public sur ce projet de budget, mais nous n'avons discuté de celui-ci en commission des finances qu'il y a quelques jours seulement. Le Parlement européen, lui, commencera son débat sur le sujet le 23 octobre, ce qui signifie qu'il ne se sera écoulé qu'une semaine entre le moment où les parlementaires français ont débattu du budget de l'Union européenne et celui où les parlementaires européens de notre pays en


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discuteront à Strasbourg. Là encore, est-il raisonnable de penser que, en une semaine, les représentants de la France au Parlement européen peuvent prendre en considération, comme il conviendrait, nos réflexions et nos remarques ? Enfin, quatrième exemple. Nous savons bien que, le 23 octobre, la procédure budgétaire ne fait que commencer. Deux débats auront lieu au Parlement européen, ainsi que des navettes avec le conseil « budget ». Toutefois, en raison de son fonctionnement, l'Assemblée nationale n'aura pas l'occasion d'examiner l'évolution du budget ni d'émettre une opinion définitive sur le résultat de l'accord obtenu. Or, chers collègues, nous savons bien que le budget de l'Union européenne représente, pour 2001, 97 milliards d'euros, somme tout à fait considérable, et que le prélèvement sur recettes que nous allons consentir tout à l'heure, comme nous y invitait Didier Migaud, et comme je vous y inviterai à mon tour, représente 99,5 milliards de francs, soit environ 6,5 % des recettes fiscales de notre pays.

A partir de ces quatre remarques, je voudrais formuler quatre propositions pour renforcer notre pouvoir d'influence sur la construction du budget européen.

Première proposition, au siècle de l'informatique et du courrier électronique, nous devons obtenir des institutions européennes - les parlementaires qui siègent à la Conférence des organes spécialisés aux affaires communautaires, la COSAC, l'ont demandé en début de semaine à Versailles - qu'elles transmettent par courrier électronique le résultat de leurs délibérations. Il faudrait que les documents de la Commission concernant l'avant-projet de budget nous parviennent dans les quarante-huit heures.

C'est techniquement possible. Ensuite, le Parlement s'honorerait s'il fixait les dates du débat d'orientation budgétaire une semaine ou dix jours après réception de ces documents de façon que l'avant-projet puisse faire partie du paquet que nous discutons dans nos orientations budgétaires.

Deuxième proposition, les documents de la Commission nous étant transmis plus vite, nous pourrions avancer les discussions au sein de la Délégation pour l'Union européenne et de la commission des finances de façon que les conclusions de ces deux instances puissent être examinées et éventuellement donner lieu à un dialogue direct avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre pouvoir d'influence serait ainsi renforcé.

Troisième remarque, l'Assemblée devrait pouvoir recevoir sous huit jours le projet de budget adopté par le Conseil des ministres le 20 juillet. La commission des finances pourrait dès lors se prononcer plus tôt et nos collègues du Parlement européen de nationalité française pourraient tenir compte de nos observations dans le débat du Parlement européen. Là encore, notre pouvoir d'influence en sortirait consolidé.

Enfin, quatrième proposition, je souhaiterais que le rapporteur général ou le rapporteur pour avis reçoive mandat pour suivre les navettes entre le Conseil budgétaire et le Parlement européen de manière à transmettre à la commission des finances les éventuelles modifications significatives du budget communautaire.

Telles sont, mes chers collègues, les quelques observations liminaires que je voulais présenter. En quoi consiste en effet le pouvoir de contrôle de notre assemblée si, comme j'en ai le sentiment cette année, les conditions du débat ne permettent pas de tenir compte de nos remarques ?

M. Jean-Claude Lefort.

Je ne vous le fais pas dire !

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial.

Sur le budget luimême, le rapporteur général a dit beaucoup de choses avec lesquelles je ne peux qu'être d'accord.

Je rappellerai juste quelques chiffres : les crédits d'engagements, avec 93,9 milliards d'euros, sont en augmentation de 2,7 % par rapport au budget 2000, tandis que les crédits pour paiements connaissent une progression de 3,5 %. Pour l'essentiel, cette hausse, qui a été corrigée par rapport à l'avant-projet de budget, résulte dese ngagements pris en matière de politique agricole puisque, de façon un peu étrange, la réforme de la PAC, qui visait à réduire les coûts, se traduit en réalité, les d eux premières années, par une augmentation des dépenses.

Sur le budget à proprement parler, je me contenterai de formuler deux remarques.

La première pour regretter, une fois de plus, que la rubrique des politiques internes ne comporte aucune novation. Conformément aux conclusions du Conseil européen de Berlin, les perspectives budgétaires sont pluriannuelles. Cela dit, alors que nous constatons, pour le regretter, le décalage croissant entre l'Union européenne et les Etats-Unis en matière de recherche, d'innovation, de technologies de pointe, le groupe de travail européen, que j'appelle de mes voeux depuis trois ans et malgré les appels répétés de notre assemblée, n'a pas encore été cré é.

Ce groupe de travail serait chargé de définir, à l'instar des grands programmes spatiaux américains ou des grands programmes informatiques japonais, une ou deux directions de recherche qui permettraient, en conjuguant plus efficacement le potentiel de recherche de l'Union européenne, d'avancer et de rattraper notre retard.

Seconde remarque, les perspectives financières et les règles budgétaires telles qu'elles existent aujourd'hui sont encore trop rigides. Didier Migaud a mentionné la tentative de la Commission de faire exploser, dès la première année, les perspectives financières. Cette tentative doit être rejetée pour les raisons qu'il a données et aussi parce que c'était une façon habile de remettre en cause la politique agricole commune. Néanmoins, je pense que ces perspectives ne tiendront pas les sept années qu'elles sont supposées couvrir. Nous verrons bien, à l'occasion de l'accroissement de l'aide que nous serons heureux d'apporter à une Serbie en marche vers la démocratie, si le cadre peut être respecté. Si tel n'est pas le cas, il nous faudra réfléchir et introduire une souplesse qui nous permette de faire face à des imprévus même, et surtout, lorsque ces imprévus sont positifs.

Pour terminer, je m'autoriserai à vous présenter deux remarques plus politiques et qui sortent du strict cadre budgétaire.

La première porte sur la Banque centrale européenne.

M. Migaud s'est clairement exprimé sur la politique conduite par cet organisme. La légère augmentation de l'inflation que connaît l'Europe actuellement a deux causes : D'une part, une cause pétrolière. Mais, sauf guerre au Proche-Orient, que j'écarte aujourd'hui même si, je l'accorde, elle n'est pas totalement à exclure -, le cours du baril de pétrole ne devrait pas continuer à augmenter significativement.

D'autre part, ce que la Banque centrale européenne appelle l'inflation importée, c'est-à-dire qui résulte de la dévalorisation de l'euro par rapport au dollar. Si j'admets, comme la plupart des économistes, que la dévalorisation de l'euro par rapport au dollar résulte essentiellement d'un différentiel de croissance trop important entre


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l'économie américaine et l'économie européenne, je dis que l'attitude actuelle de la Banque centrale européenne est une attitude de gribouille !

M. Christian Cuvilliez.

Irresponsable.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial.

En effet, en augmentant les taux, la BCE n'obtiendra rien d'autre qu'un ralentissement de la croissance en Europe, et donc une dévalorisation encore plus grande de l'euro par rapport au dollar. Nous sommes engagés dans une spirale totalement idéologique de monétaristes dont je croyais l'espèce disparue.

M. Laurent Dominati.

Le problème n'est pas là !

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial.

Soyons clairs, si la Banque centrale européenne devait continuer à prendre des décisions qui n'intègrent pas les perspectives de la croissance et de l'emploi, c'est sa légitimité même qui serait en cause. La porte serait ainsi ouverte à toutes sortes de révision de ses statuts. J'ai défendu l'idée d'une banque centrale européenne parce que c'était alors le prix à payer à nos collègues d'outre-Rhin pour créer cette monnaie unique. Celle-ci est, je crois, bénéfique à tous.

M. Christian Cuvilliez.

Maintenant on paie les intérêts !

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial.

S'il devait apparaître, à l'expérience, qu'elle n'est pas gérée convenablement, je n'exclurais pas la possibilité de revenir sur une position qui, de ma part, n'était que tactique.

S'agissant de la mise en oeuvre de l'euro en tant que monnaie fiduciaire, il existe un comité national de l'euro.

Etant l'un des représentants de l'Assemblée nationale, j'affirme que ce comité travaille bien, efficacement et très concrètement. Mais, et je m'exprime en présence du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget, je considère qu'il serait sans doute souhaitable que l'Assemblée nationale se dote d'un petit groupe ad hoc . Composé de représentants du peuple ayant une dimension politique, ce groupe ou cette commission serait chargé de réfléchir aux problèmes concrets posés par la mise en oeuvre de l'euro, le 1er janvier 2002. Les problèmes ne sont pas seulement économiques. Ils sont aussi psychologiques, politiques. La petite structure que je propose de mettre sur pied ne serait pas concurrente du comité national de l'euro, lequel rassemble des représentants d'organisations syndicales, d'organisations de consommateurs, des représentants des différents milieux patronaux, privés ou publics, et des représentants de l'administration. Elle exprimerait les points de vue de responsables politiques face à une mutation majeure de notre vie quotidienne.

Nous ne manquons pas d'expérience et il est toujours dangereux de ne pas tenir compte des observations pertinentes que les parlementaires tirent de leurs contacts avec le terrain. Je situe mon appel dans ce cadre.

En conclusion, comme M. Migaud, j'appelle l'Assemblée à adopter le prélèvement sur recettes proposé par l'article 28 du projet de loi de finances.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. le président.

Je dis bien « rapporteure » avec un

«e », chers collègues, comme l'a décidé la conférence des présidents.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

C'est un «e » qui n'est pas muet.

(Sourires.)

M. le président.

Vous avez tout à fait raison, madame.

M. Germain Gengenwin.

Il est heureux que nous ayons abandonné Mme la rapporteuse.

M. François Guillaume.

On sauve au moins les apparences !

M. le président.

Vous avez la parole pour dix minutes, madame Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis.

Au nom de la parité, monsieur le président, je demande un temps de parole équivalent aux orateurs précédents.

(Sourires.) Monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, plus ça change, plus c'est pareil ! En effet, le projet de budget des Communautés européennes pour 2001 diffère peu des deux précédents.

M. François Guillaume.

Les choses s'aggravent plutôt !

M me Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis.

Contraint par les perspectives financières adoptées au Conseil européen de Berlin en mars 1999, il reste essentiellement redistributif : 47 % des dépenses seront consacrées à la politique agricole commune, 34 % à la politique régionale, tandis que les politiques internes et les actions extérieures, respectivement limitées à 6 % et 5 % des dépenses, continueront de faire l'effet de parents pauvres.

Cela dit, la France, qui demeure le cinquième contributeur net, devrait rester le premier bénéficiaire de la politique agricole commune réformée sur la période 2000-2006. Elle est aussi le premier bénéficiaire de la politique de développement rural, recevant 760 millions d'euros par an à ce titre. Mais je souhaite souligner que, malgré son coût, la révision de la PAC adoptée à Berlin ne résout pas les problèmes récurrents du monde agricole : baisse constante des emplois, concentration croissante, maîtrise insuffisante des productions, impact sur l'environnement, sécurité alimentaire encore à améliorer, et j'en passe. Les Etats européens les plus concernés, et la France en particulier, ne peuvent se contenter de maintenir une position de blocage sur les aspects quantitatifs de cette politique en repoussant toujours plus loin le débat nécessaire sur ses aspects qualitatifs, au risque de nous paralyser sur toute initiative budgétaire, et de devoir même céder des points importants sur d'autres politiques.

De façon générale, l'accord interinstitutionnel de 1999 est probablement devenu un cadre trop rigide pour permettre à l'Union de répondre à l'ensemble des défis sur le plan extérieur et mettre en oeuvre les politiques communautaires dynamiques et prospectives que les citoyens attendent d'elle.

Le premier défaut du projet de budget concerne la quasi-stagnation des crédits inscrits à la rubrique 4, dite des actions extérieures. Le Conseil européen a réagi à chacun des bouleversements politiques qui ont transformé le visage de l'Europe au cours de la dernière décennie, et les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris des engagements politiques vis-à-vis de nombreux pays tiers, ce dont nous nous réjouissons. Le conflit du Kosovo a en effet légué à l'Union un rôle majeur dans la reconstruction de la province.

Le Conseil a exprimé aussi sa volonté de donner priorité à la reconstruction et à la fourniture d'une assistance à l'ensemble des pays de la région des Balkans occiden-


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taux afin de faciliter leur transition politique et économique. Cette priorité se traduit cette année par le maintien de l'enveloppe consacrée à cette région à un niveau élevé : 614 millions d'euros. Une aide d'urgence devra être prochainement décidée en faveur de la République fédérale de Yougoslavie, il faut s'en féliciter.

Cependant, cette priorité entraînera la diminution de toutes les autres actions extérieures d'environ 9 %, ce qui est difficilement acceptable si l'on considère la politique constructive qui doit continuer à être menée en direction des pays de la Méditerranée notamment, l'aide à apporter a ux pays pauvres d'Asie et d'Amérique latine, par exemple, sans parler des nouveaux partenariats à établir avec les pays ACP même si ces derniers relèvent d'une autre rubrique.

L'Union européenne se trouve donc aujourd'hui mener quatre grands desseins à la fois : réaliser l'élargissement, contribuer à la stabilisation dans les Balkans occidentaux, conduire un partenariat ambitieux avec les pays de la Méditerranée et, enfin, poursuivre son aide, même s'il faut la questionner, en direction des pays les plus pauvres.

S'y ajoute l'actualité internationale, qui contribue aussi à solliciter le budget des Quinze, comme dans le cas du Timor-Oriental.

Le budget de l'Union a pu être contenu l'an dernier sous le plafond des perspectives financières uniquement grâce à l'utilisation de l'instrument de flexibilité, qui devra certainement entrer en jeu cette année encore pour pouvoir tenir les engagements pris vis-à-vis de l'ancienne opposition en Serbie et de M. Kostunica.

L'ambition de l'Union, inscrite dans le traité d'Amsterdam, de conduire une politique extérieure et de sécurité commune, a des répercussion sur le budget communautaire ; de même, l'ambition de lancer les bases d'une politique commune de sécurité et de défense a déjà, ou aura à court terme, une traduction budgétaire, même si la présentation qui en est faite tend à minorer son impact sur le budget. Le financement du dispositif de réaction rapide, qui sera un élément de l'outil européen de gestion civile des crises, devrait ainsi être financé par cette même rubrique 4, déjà sujette à de très fortes tensions.

Je voudrais en outre insister sur la nécessité impérative pour l'Union d'amplifier massivement son aide au développement dans toutes ses dimensions afin d'éviter une déflagration générale. M. James Wolfensohn lui-même, directeur général de la Banque mondiale, que l'on ne peut considérer comme un dangereux illuminé, ne cesse de dénoncer l'indifférence et l'irresponsabilité des Occidentaux face à la pauvreté et à la misère qui sévissent dans de nombreuses régions du monde, et qui représentent une menace que l'on ne veut pas prendre en considération. Or, la lutte contre la pauvreté et la mise en oeuvre d'un développement durable constituent un élément essentiel de sécurité et de prévention des conflits.

L'an dernier, j'avais déjà exprimé, au nom de la commission des affaires étrangères, mes doutes quant à la possibilité de faire face à l'ensemble des enjeux anciens et nouveaux et de remplir les nouvelles missions de l'Union avec un budget aux termes quasi inchangés. Je constate cette année à nouveau que le projet de budget traduit un immobilisme évident, qui correspond peut-être à l'immobilisme politique général que l'on peut, hélas, constater en suivant le déroulement de la Conférence intergouvernementale, même s'il est de bon ton de se congratuler sur les pas de fourmis conquis à chaque fois de haute lutte.

Pourtant, je reste convaincue que l'Union européenne doit se donner les moyens de cette action extérieure ambitieuse annoncée par les chefs d'Etat et de gouvernement en diverses occasions, à grands coups de trompette.

En même temps, il me semble bien entendu souhaitable que la Commission européenne achève sa réorganisation dans de bonnes conditions, afin que l'Union puisse s'appuyer sur un outil administratif et financier modernisé, capable de gérer efficacement, rapidement et de manière transparente les fonds disponibles au titre des programmes d'aide extérieure. Il n'est guère utile en effet de renforcer les moyens financiers si ceux-ci risquent d'être peu ou mal utilisés. Cette question est particulièrement aiguë dans le domaine de l'aide au développement.

J'y reviendrai.

Le deuxième défaut majeur du projet de budget concerne la faiblesse des moyens affectés aux politiques internes.

Les financements prévus pour les politiques internes souffrent, eux aussi, d'une inadéquation avec les grandes ambitions et déclarations d'intention proclamées par les chefs d'Etat et de gouvernement, comme lors du Conseil européen de Lisbonne. Les crédits affectés à la recherche et aux politiques de l'emploi restent, à vrai dire, marginaux. Les crédits consacrés au développement des réseaux transeuropéens sont totalement insuffisants. L'Union doit développer rapidement des réseaux de fret ferroviaire qui répondent à une logique de complémentarité et d'intermodalité, comme l'a déclaré à nouveau le dernier Conseil

« transport » du 20 septembre. Mais où sont les efforts d'accompagnement financier correspondants ? L'Union a pris des engagements en vue de réduire ses émission de gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto. Ces engagements, mêmes faibles, risquent fort de ne pas être respectés s'ils ne sont pas traduits rapidement en politiques lisibles et efficaces. Une véritable politique des grands réseaux en serait une. A ce sujet, la perspective d'un emprunt doit-elle encore rester taboue ? M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Non.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis.

Aussi le cadre financier communautaire devra-t-il évoluer prochainement. J'ai personnellement toujours été favorable à un budget plus ambitieux, donnant un rôle plus significatif aux politiques internes. C'est aussi, je crois, le sentiment d'une très large majorité de la commission des affaires étrangères.

Comme je l'ai mentionné, l'Union doit se donner les moyens humains et financiers d'une bonne gestion de ses politiques. La Commission européenne a présenté récemment des demandes de recrutement de personnel pour remédier au déficit de ressources humaines qui nuit à la gestion de nombreux programmes. Les dernières années ont montré que le manque de personnel a contribué, en obligeant à recourir à des bureaux extérieurs, à des gaspillages et à des fraudes, ce qui a nui gravement à l'efficacité et à la crédibilité de l'Union européenne dans son rôle international.

Les demandes de la Commission doivent, à mon sens, recevoir un accueil favorable, même si elles doivent être discutées, de la part des Etats membres, et en particulier du gouvernement français, d'autant plus que les efforts de redéploiement des fonctionnaires vers les activités prioritaires ont eu lieu, sous l'impulsion du président Prodi.

Les problèmes d'effectifs doivent être résolus et l'efficacité


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comme la transparence des circuits financiers doivent être établies. De façon concomitante, devra être envisagée la montée en puissance du budget communautaire.

En conclusion, la commission des affaires étrangères s'est déclarée favorable - à vrai dire, elle n'a pas vraiment le choix - à l'adoption de l'article 28 en s'alarmant, une fois de plus, de la faiblesse du budget communautaire et de son inaptitude à répondre aux grands enjeux de politique extérieure de l'Union, comme au développement des politiques internes les plus urgentes.

Monsieur le ministre, s'il vous plaît, donnez-nous l'espoir de ne pas devoir répéter encore les mêmes choses en octobre 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat a été introduit par deux rapports dont je partage complètement l'analyse. Je dirai d'emblée que je soutiens la proposition de Gérard Fuchs qui, au-delà de son aspect technique, pose la question de l'enjeu de la place du Parlement français dans le débat budgétaire européen.

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

En effet, malgré notre bonne volonté, la Délégation pour l'Union européenne comme la commission des finances ont examiné des documents qui, en fin de compte, ne seront pas ceux sur lesquels le Conseil des ministres et le Parlement européen auront à trancher le moment venu, en décembre. Nous débattons aujourd'hui sur un projet budgétaire qui, l'expérience passée l'a montré, évolue fortement.

La question de la place de notre assemblée et de notre parlement en général, à côté du Parlement européen qui, dans le débat budgétaire, a un rôle clairement reconnu, est donc une question politique essentielle. En effet, si nous examinons, lors d'une séance du mois d'octobre, le budget communautaire, nous considérons, et ce jugement est assez largement partagé, que nous raisonnons à partir d'un projet de budget qui n'est pas celui qui sera mis en oeuvre l'année prochaine.

Si nous voulons prendre au sérieux le contrôle parlementaire national sur les orientations européennes, non pour empiéter sur les fonctions du Parlement européen, mais pour assumer clairement la mission parlementaire qui est la nôtre sur un plan de responsabilité nationale, nous devons, d'une part, identifier les procédures nous permettant de suivre le débat qui s'instaure à la faveur des navettes entre le Parlement européen et le Conseil jusqu'au mois de décembre et, d'autre part, faire en sorte que ce débat puisse être considéré presque comme un débat d'orientation par rapport aux positions que notre gouvernement défendra au conseil des ministres.

Je vous propose en conséquence de retenir ces deux éléments, ce qui pourrait se faire sans grande modification institutionnelle, sans grand chamboulement dans notre assemblée, car nous souhaitons, comme la commission des finances et la délégation qui se sont clairement prononcées à cet égard, renforcer le rôle parlementaire national sur l'appréciation du budget européen. Ce point de vue, j'en suis certain, sera partagé par tous les groupes de l'assemblée.

J'en viens au contenu même du budget de l'Union européenne.

On a constaté que la structure de ce budget restait, d'une année à l'autre, très semblable. Or les débats d'orientation sur la politique européenne que nous avons eus ici même ont montré qu'une large majorité, pour ne pas dire plus, souhaitait une réorientation de cette politique.

M. Jean-Claude Lefort.

C'est vrai !

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Si nous restons dans un cadre budgétaire qui, d'année en année, reste sur les mêmes rails et que nous n'avons pas la possibilité, en tant que Parlement national, d'influencer la structure même du budget communautaire, il y aura un décalage qui sera absolument inacceptable.

M. Jean-Claude Lefort.

En effet !

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

D'autant que ce décalage peut conduire, dans le cadre de la perspective d'élargissement, à une position a minima : puisqu'il est compliqué de faire ensemble, en étant plus nombreux, un certain nombre de choses, on n'a qu'à s'orienter vers une zone de libre-échange. Ce n'est pas notre point de vue : nous voulons, nous, que l'élargissement ne soit pas un élément de dilution de l'Union, mais qu'il permette au contraire aux pays candidats de bien adhérer à une union économique, commerciale, monétaire et politique de l'Europe.

Bref, si nous ne nous dotons pas des moyens nécessaires pour réorienter la structure même du budget européen, tout ce qui ne se fera pas dans le cadre budgétaire communautaire aura inéluctablement tendance à favoriser des positions qui ne seront pas des positions françaises mais qui seront défendues y compris au sein de pays de l'Union pour faire en sorte que l'élargissement coïncide avec une zone de libre-échange, ce qui n'est pas du tout notre souhait.

Pour illustrer mon propos, je citerai un autre exemple.

Nous nous battons depuis des années en faveur de politiques nouvelles qui, petit à petit, ont pris du corps, telles que la politique de lutte contre le chômage, après le Conseil européen de Luxembourg, et la politique de lutte contre les exclusions, que Martine Aubry vient de faire avancer à l'occasion du dernier conseil des affaires sociales qui vient d'avoir lieu, lui aussi, à Luxembourg. Si ces politiques ne peuvent être inscrites dans un budget européen rénové, qui serait ainsi en évolution, leur perspective de développement s'inscrira forcément dans un cadre de coopération interétatique et non pas communautaire puisque le cadre communautaire est, en gros, figé et que les variations s'opèrent à la marge, ce qui, et c'est logique, pose des problèmes au Conseil.

J'attire donc votre attention sur l'importance que revêtent une évolution possible, une structuration différente du budget européen d'une année sur l'autre, à partir de la volonté politique déterminée par le Conseil européen, sur les propositions que nous pouvons formuler, tant au niveau du Parlement européen qu'à celui des parlements nationaux.

Enfin, le dernier budget de l'Union européenne fait apparaître un certain nombre de glissements, qui sont d'ailleurs condamnés. Pour sa part, M. Migaud a condamné le fait que les financements de plusieurs actions extérieures se fassent au détriment de la politique agricole.


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Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est utile que l'Union puisse réagir, et réagir vite. Il est donc nécessaire de prévoir des financements qui permettent aux actions extérieures de l'Union de bénéficier des moyens adéquats.

On a parlé de la politique extrêmement active qui a été menée par la présidence française concernant le Kosovo, avant même que n'aient lieu les élections en République fédérative de Yougoslavie. A cet égard, monsieur le ministre, je vous félicite pour cette prise de position très claire, dont on peut discuter l'effet d'affichage et l'impact sur le vote du peuple yougoslave, mais qui a été efficace et qui a consisté à annoncer ce que ferait l'Union en cas d'évolution démocratique du pays.

Pour une capacité réactive plus forte de l'Union, il faut que nous proposions à notre gouvernement la conception d'un budget européen qui tienne compte des deux impératifs suivants : en premier lieu, de l'orientation souhaitée par les représentants des parlements nationaux, y compris du nôtre, pour qu'il soit tenu compte de l'importance institutionnelle du Parlement européen dans le débat budgétaire, qui est un acquis ; en second lieu, de la nécessité de créer les conditions pour que les orientations nouvelles que nous souhaitons et sur lesquelles existe, pour certains de leurs aspects, un large consensus politique, se traduisent d'un budget à l'autre.

Il est absurde que l'on soit toujours en train de discuter, en termes de millions d'euros, d'une orientation très claire qui a été affirmée à Luxembourg concernant la lutte contre le chômage, la croissance ou encore la lutte contre les exclusions.

Il faut casser ce carcan et se doter de moyens nouveaux permettant de mettre en oeuvre, d'une année sur l'autre, ce qui n'est pas une exigence considérable, les orientations, ou plutôt les réorientations politiques souhaitées à la fois par notre peuple, que nous représentons, et par le Conseil, qui représente l'ensemble des pays européens.

Telles sont les propositions que je souhaitais formuler, en complément de celles de Didier Migaud et de Gérard Fuchs.

Il faut absolument que nous nous dotions des instruments techniques permettant d'atteindre l'objectif politique dont je parlais à l'instant. Nous serons sinon, par certains côtés, complices de la dilution de l'Union ou de son évolution vers une zone de libre-échange, ce qui n'est pas, me semble-t-il, le souhait majoritaire dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les députés, comme chaque année, le Gouvernement, par la voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte à la représentation nationale du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir et de ses conséquences sur le budget de l'Etat, à travers le prélèvement européen. En ce qui me concerne, c'est la quatrième fois que je me livre à cet exercice devant vous, ce qui rend, comme Mme Aubert l'a fait observer, son renouvellement difficile. (Sourires.)

Le projet de budget commautaire pour 2001 s'inscrit pleinement à l'intérieur des perspectives financières de 2000-2006 - l'Agenda 2000 -, arrêtées par le Conseil européen réuni à Berlin l'année dernière.

A l'intérieur des plafonds de dépenses fixés à Berlin, des enveloppes de crédits ont été arrêtées pour 2001 ; elles permettent de financer l'ensemble des missions de l'Union européenne dans des conditions que j'estime satisfaisantes.

Le budget de la PAC connaît une augmentation importante de 6,3 %, augmentation nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la réforme de la PAC décidée à Berlin.

Les crédits des actions structurelles sont stabilisés au niveau atteint en 2000, conformément à la programmation de Berlin.

Quant aux crédits d'action extérieure, ils augmentent de 8,8 % en crédits de paiement, ce qui traduit pleinement la volonté de l'Union européenne d'assumer ses responsabilités, notamment dans des zones géographiques où elle doit affirmer sa présence - je pense principalement à la reconstruction des Balkans.

Je reviendrai bien entendu sur ces questions de politique extérieure, mais ces premiers éléments de contexte permettent d'emblée de vous fournir les principales bases politiques sur lesquelles le budget communautaire pour 2001 a été construit.

Ce budget, qui finance toutes les actions anciennes et nouvelles de l'Union, reste un budget maîtrisé, avec une croissance limitée à 3,5 % en valeur, soit une augmentation en volume de 1,6 %, compte tenu d'un taux d'inflation communautaire estimé à 1,8 % en 2001.

La contribution française, soumise à votre approbation, évolue à un rythme plus faible de 1 % en valeur, lequel s'explique notamment par un ajustement à la baisse pour tenir compte de l'existence d'un report de solde important au titre de l'exercice 2000.

Avant d'entrer plus avant dans la présentation des principales dotations budgétaires, puis de procéder rapidement à une revue d'ensemble de la présidence française à mi-parcours, je voudrais remercier tout particulièrement M. Didier Migaud, rapporteur général pour le budget de l'Etat, M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, ainsi que M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne, qui exerce en permanence, en particulier en application de l'article 88-4 de la Constitution, le contrôle de l'Assemblée nationale sur les actes de l'Union européenne et leur traduction en droit interne.

Je tiens, en premier lieu, à vous donner quelques éléments d'information sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui. D'ailleurs, plusieurs d'entre vous, tels que le président Migaud et M. Fuchs, se sont interrogés sur ce point.

La Commission a présenté son avant-projet de budget pour 2001 en début d'année, en progression de 3,9 % en crédits d'engagements et de 5 % en crédits de paiement.

Elle a émis une hypothèse de révision des plafonds de Berlin pour les rubriques de la PAC et des actions extérieures de l'Union, nécessaire selon elle pour faire face aux besoins de la reconstruction dans les Balkans.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Je suis tout à fait conscient de la volonté qui peut exister ici ou là, à la Commission ou sur certains bancs du P arlement européen, de remettre en cause cet Agenda 2000 si difficilement négocié. Mais ce n'est pas l'option de la présidence.

Lors du Conseil « budget » du 20 juillet dernier, les Quinze se sont attachés à montrer que l'Union était en mesure d'assumer l'ensemble de ses fonctions dans le cadre des perspectives financières fixées l'année dernière.

Le Conseil a donc arrêté un projet de budget en augmentation de 2,7 % en crédits d'engagements et de 3,5 % en crédits de paiement.

Cet ajustement a été obtenu essentiellement à travers une réduction globale de 330 millions d'euros sur les crédits de dépenses de marché de la PAC et de 192 millions d'euros sur les crédits d'action extérieure. Ces réductions se fondent sur l'estimation réelle des besoins des pays bénéficiaires de l'aide extérieure et sur l'analyse de l'exécution réelle de la dépense sur certaines lignes du budget agricole faisant l'objet d'une sous-exécution chronique.

Elles ne remettent nullement en cause les capacités de l'Union à assumer ses tâches. En revanche, elles contribuent, et je sais le président Migaud très soucieux de cela, à la sincérité du budget communautaire, qui doit s'efforcer d'afficher des prévisions de dépenses aussi proches que possible des perspectives réelles d'exécution.

M. Fuchs s'est interrogé avec raison sur l'amélioration de la procédure. Il est vrai que l'avant-projet de budget de la Commission est connu au printemps et que le projet de budget est adopté au moins de juillet par le Conseil. Je crois, pour ma part, que le fonctionnement de l'article 88-4 doit permettre au Parlement de travailler dans des conditions satisfaisantes, avec des délais d'examen décents.

Il est vrai que le débat en séance publique au Parlement national intervient alors que la procédure communautaire est bien engagée - elle en est même à sa phase terminale -, la première lecture par le Conseil « budget » étant, on le sait, déterminante à cet égard. C'est pourquoi j'avais suggéré l'année dernière, lors d'une discussion au Sénat, que le débat d'orientation budgétaire de printemps comporte un volet plus étoffé concernant le budget communautaire. Je pourrais réitérer ici cette proposition.

J'en viens à présent au fond du projet de budget pour 2001 tel qu'adopté par le Conseil.

Les crédits de la PAC s'établissent à 43,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 6,3 % par rapport à 2000.

Au sein de cette masse financière, les dépenses affectées aux organisations communes de marché augmentent de 6,5 % de manière à financer l'augmentation des aides directes compensatoires dans le secteur des céréales ainsi que dans celui de la viande bovine.

Les dépenses du développement rural - le deuxième pilier de la PAC - poursuivent leur montée en puissance progressive : avec un taux d'augmentation de 4,5 %, ils représentent près de 10 % du montant total des dépenses de la rubrique agricole, ce qui marque une étape tout à fait significative.

La rubrique 2 du budget communautaire, consacrée aux aides régionales et à la politique structurelle, progresse globalement de 6,5 % pour le paquet de Berlin par rapport à la période couverte par ce que l'on appelait alors le « paquet Delors II ». Ce chiffre manifeste la volonté du Conseil de renforcer l'effort de cohésion économique et sociale nécessaire pour continuer de résorber les inégalités de développement économique au sein de l'Union. Conformément à la programmation pluriannuelle adoptée à Berlin, les crédits des fonds structurels feront l'objet d'une stricte reconduction en 2001 par rapport à 2000, pour s'établir à 32,7 milliards d'euros en engagements et à 31,8 milliards en paiements.

L es autres politiques internes, traditionnellement regroupées dans la rubrique 3 du budget communautaire, sont dotées de 6 milliards d'euros en crédits d'engagements et de 5,7 milliards d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire qu'ils augmentent respectivement de 0,2 et de 0,7 % par rapport au budget de l'année 2000.

Ces crédits viennent compléter les moyens mis en place par les Etats membres pour les actions qui présentent une plus-value communautaire indiscutable - je pense notamment à l'Europe de la culture et de la connaissance, à la création d'un espace européen de la recherche et de l'innovation, au développement de la société de l'information et à l'aide aux entreprises innovantes, qui s'inscrivent dans le cadre des priorités de notre présidence.

C'est aussi la raison pour laquelle le Conseil européen de Lisbonne, en mars dernier, avait placé ces politiques internes, dites « de la rubrique 3 », au coeur de la stratégie de développement économique et social, qui constitue désormais le cadre de référence des Quinze pour la décennie à venir.

Les crédits de recherche augmentent de 8,9 % en engagements pour s'établir à 3,9 milliards d'euros, ce qui est conforme à l'échéancier du cinquième programme cadre de recherche et développement, qui couvre la période 1999-2002, même s'il y a une volonté de concentration des programmes.

L'effort communautaire en faveur de l'éducation, de la formation, de l'éducation et de la jeunesse en général fait l'objet d'une transcription budgétaire qui commence à être à la hauteur de ces enjeux qui, pour être immatériels, n'en sont pas moins décisifs pour l'avenir du continent. A cet égard, les conclusions du Conseil européen de Lisbonne ont incité à un renouvellement ambitieux de trois programmes clés dans ce domaine : SOCRATES, LEONARDO et « Jeunesse pour l'Europe ».

En ce qui concerne la rubrique 3, et M. Migaud a évoqué ce point, plusieurs programmes sont en codécision.

Ils feront donc l'objet d'une discussion entre le Conseil et le Parlement européen, qui est actuellement saisi en première lecture du projet de budget. La présidence sera évidemment très réceptive à une éventuelle demande de prol ongation de l'initiative « emploi » décidée par le Parlement européen en 1997 dans le cadre de la préparation du sommet de Luxembourg avec le soutien de la France. Cette initiative concernait les années 1998-2000.

Depuis lors, la situation de l'emploi s'est considérablement modifiée, et dans le bons sens. Mais tout cela n'a fait qu'accroître l'exigence d'une convergence européenne sur les questions d'emploi, telle que décidée à Luxembourg.

J'en viens maintenant aux actions extérieures de l'Union européenne, financées au sein de la rubrique 4 et dotées de 4,6 milliards d'euros en engagements et de 3,8 milliards d'euros en paiements.

Le Conseil a retenu une approche prudente, en laissant une marge de 185 millions d'euros sous le plafond, ce qui contraste avec la proposition de la Commission, qui voulait réviser le plafond de 280 millions d'euros à la hausse. Le Conseil a surtout retenu une approche réaliste, qui tient compte des capacités d'absorption réelle de l'aide communautaire par les zones géographiques bénéfi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

ciaires. Je pense tout particulièrement aux Balkans, qui bénéficient d'une priorité clairement attestée par une enveloppe de 614 millions d'euros en crédits d'engagements, soit une progression de 30 % par rapport au budget 2000.

L'enveloppe pour les Balkans se décompose de la manière suivante : 320 millions d'euros pour le Kosovo ; 224 millions d'euros pour les républiques issues de l'exYougoslavie ; 40 millions pour la Serbie et 30 millions pour l'aide macro-économique générale à la région.

Il va sans dire que les 40 millions affectés à la Serbie en juillet dernier pour faciliter une transition démocratique, qui à l'époque se faisait attendre, devront être maintenus au bénéfice de ce pays après les récents changements à Belgrade, mais ils devront être naturellement réorientés vers des projets de reconstruction d'infrastructures et de développement économique. Dans l'immédiat, comme vous le savez, pour l'année 2000 la Serbie bénéficiera d'une aide d'urgence de 200 millions d'euros, mobilisée par le Conseil européen réuni à Biarritz. Cet effort exceptionnel en faveur des Balkans a pu être financé grâce à des économies ciblées et d'un montant limité, qui concernent principalement, pour 85 millions d'euros, le programme MEDA et, pour 25 millions d'euros, le programme TACIS.

S'agissant du programme MEDA, je tiens à indiquer que le projet de budget prévoit un montant de 701 millions d'euros, qui reste donc supérieur à la moyenne annuelle atteinte durant la période 1995-1999. Par ailleurs, l'amélioration de la gestion de ce programme, marquée par un retard considérable dans la mise en oeuvre des actions, demeure une priorité du Conseil qui entend ainsi réduire le volume important de sous-exécution constaté sur ce programme et promouvoir une meilleure efficacité des actions menées.

Enfin, j'en termine avec cette présentation des différentes rubriques du budget communautaire pour 2001 en vous indiquant que la nouvelle rubrique 7, qui permet de regrouper les aides à la préadhésion, prévoit une forte augmentation de 10,9 % des crédits de paiement qui s'établiront à 1,9 milliard d'euros. Cette augmentation tient compte de la création de deux nouveaux instruments juridiques destinés à accompagner les réformes dans les pays candidats à l'Union européenne : le règlement d'aide structurelle ISPA et le règlement d'aide agricole SAPARD.

Didier Migaud m'a interrogé sur les emplois de la Commission. Celle-ci est engagée dans un mouvement der éforme interne sous l'égide du vice-président Neil Kinnock, qui a publié, en mars 2000, un Livre blanc comportant de nombreuses propositions dont certaines sont d'ores et déjà mises en oeuvre. Cette réforme suppose des créations d'emplois, c'est vrai, et le Conseil a déjà donné son accord pour 400 nouveaux postes, étant entendu que la réforme doit être conduite dans le respect de tous les plafonds de Berlin, notamment celui de la rubrique 5. C'est la condition que nous avons mise pour tout accord avec la Commission. S'agissant des négociations sur les salaires et les pensions, M. Kinnock a proposé de les reprendre fin 2001, pour les conclure avant janvier 2003.

Je souhaiterais maintenant vous livrer mon appréciation sur le récent Conseil européen de Biarritz, parce qu'il faut bien situer tout cela dans un contexte plus politique et parler du bilan d'étape de la présidence française à mi-parcours. Je serai bref, car nous avons eu hier, à l'initiative du président Forni, une séance de questions d'actualité spécialement consacrée à ce sujet.

Cette réunion informelle de Biarritz a bien sûr eu à connaître de la situation internationale, mais elle était surtout consacrée à la question fondamentale de la réforme des institutions et de la Charte. Ce fut, je le crois sincèrement, un bon Conseil européen, qui nous permet d'être plus optimistes quant à la conclusion d'un accord satisfaisant à Nice, même si nous savons que la négociation reste difficile et que rien n'est acquis. Les ministres en charge de cette négociation avaient besoin de cela. Il fallait des orientations politiques de la part du Conseil européen. Il a régné à Biarritz un bon esprit : il est apparu clairement que personne ne souhaitait bloquer la situation par un veto ou une opposition idéologique ou politique. Si cette condition n'est pas suffisante, elle est nécessaire.

Quelles sont concrètement les avancées de ce Conseil ? Tous les Etats membres ont la volonté d'aboutir et de réaliser des avancées sur la majorité qualifiée, avec l'affirmation du principe selon lequel elle doit constituer la base d'un traité ambitieux. Quant aux matières concernées par la majorité qualifiée, des avancées ont été ré alisées dans toute une série de domaines qui permettent de circonscrire à quatre ou cinq sujets les difficultés qui restent.

D'abord, dans l'important domaine fiscal, des réserves de fond demeurent de la part de certains pays membres je vous laisse deviner lesquels -, mais des avancées partielles pourraient être trouvées grâce à des adaptations techniques que la présidence recherchera avec l'aide de la Commission. Le souci principal est d'éviter de toucher aux règles de vote concernant le lieu d'imposition, l'assiette ou la fixation des taux. En revanche, une nette ouverture est à noter sur la coopération en matière de lutte contre la fraude fiscale, ce qui est un point essentiel auquel, je le sais, tient beaucoup M. Lefort qui ne manquera sans doute pas d'en parler tout à l'heure, comme chaque année.

Dans le domaine social, je crois que nous pourrons avancer à condition de ne pas toucher aux principes de la sécurité sociale.

En matière de politique commerciale extérieure, la France refuse, et M. Lefort l'approuvera sans doute, de passer à la majorité qualifiée pour ce qui concerne les mandats de négociation sur les services, notamment en matière culturelle et audiovisuelle.

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il est aisé d'en deviner la raison. La culture n'est pas une marchandise. Nous avons une identité que nous devons faire respecter.

Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, nous pensons, qu'il est difficile d'accélérer le calendrier de passage à la majorité qualifiée. En effet, les questions touchant aux visas, à l'asile et à l'immigration, j'ai encore très présentes à l'esprit les réticences du Parlement lors de la ratification du traité d'Amsterdam. Au total, sur la majorité qualifiée, on constate de bonnes avancées, et les points durs sont bien identifiés.

Quant aux coopérations renforcées, indispensables au fonctionnement d'une Europe plus souple, dans un cadre élargi, il y a désormais un accord sur l'utilité de cet instrument et sur les principes de base.

Sur la procédure de déclenchement, on se dirige aussi vers un accord. On semble s'orienter vers l'idée selon laquelle huit Etats membres pourraient exercer entre eux une coopération renforcée. On supprimerait aussi la


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clause d'appel au Conseil européen, qui s'assimile à un veto institutionnalisé. On pourrait avoir des coopérations renforcées dans le domaine de la sécurité et de la défense, mais cela suppose que l'on trouve des dispositions adaptées. Nous sommes près de trouver un accord et cela marque une très nette évolution depuis le début de la négociation.

Reste les deux sujets les plus politiques, les plus sensibles, ceux où les intérêts nationaux s'expriment le plus crûment : je veux parler de la Commission et de la pondération des voix. A cet égard, le Conseil européen de Biarritz a été utile, même s'il a aussi révélé des divergences.

S'agissant de la Commission, deux options continuent de partager les Etats membres : D'abord, le plafonnement du nombre de commissaires, assorti d'un système de rotation égalitaire entre les Etats, qui a notre préférence parce qu'il permet à la Commission de continuer à incarner l'intérêt général communautaire et de ne pas représenter les Etats, ce qui n'est pas sa philosophie originelle ; E nsuite, la formule d'un commissaire par Etat membre, assortie d'une profonde réorganisation du collège, qui a la préférence de nombreux « petits pays ». Ces deux formules restent sur la table du Conseil.

La question du format de la Commission est étroitement corrélée à celle de la pondération des voix au sein du Conseil. Là encore, deux options restent sur la table : soit la pondération simple, c'est-à-dire un étalement plus large des voix au Conseil, soit la double majorité - majorité des Etats, majorité des voix - représentant strictement la démographie. Au sein du Conseil européen, une légère majorité d'Etats est favorable à la repondération simple, hypothèse que nous privilégions aussi.

Nous allons maintenant poursuivre sur la base de ces orientations avec six rencontres au niveau ministériel, dont quatre en format très restreint, avec notamment deux « conclaves », ce qui devrait nous permettre de préparer au mieux le Conseil européen de Nice.

Je dirai quelques mots de deux autres thèmes qui ont été évoqués à Biarritz et d'abord sur la Charte des droits fondamentaux. Je n'y reviens pas, elle a été évoquée hier.

Le texte présenté par M. Guy Braibant a été jugé excellent et pourra donc être proclamé solennellement, comme prévu, à Nice, par les trois institutions : le Parlement, la Commission et le Conseil. La question de son intégration dans les traités n'était pas à l'ordre du jour à Biarritz. En tout état de cause, je le dis franchement à l'Assemblée nationale, il faudra tenir compte, dans la perspective de Nice, des réticences de certains Etats membres, je pense au Royaume-Uni.

Quant à l'article 7 du traité, un assez large accord s'est dégagé sur l'opportunité de le compléter pour mettre en place un mécanisme de prévention et d'alerte face à des situations de violation grave des valeurs fondamentales. Je pense, par exemple, à l'Autriche. Le point faible des sanctions était qu'elles n'avaient pas de base juridique. Je pense que nous pourrons construire celle-ci. Les résultats du Conseil européen de Biarritz ont donc été conformes à ceux que nous pouvions attendre.

L'ambition de la présidence française, et ce sera ma conclusion, ne se limite naturellement pas au traitement de ces sujets institutionnels. L'Union européenne n'est pas entièrement suspendue aux résultats de la conférence intergouvernementale. Elle assume aussi ses tâches essentielles en faveur des citoyens européens, dans le cadre de ses compétences. Lors de la présentation des grandes orientations de la présidence française, le 9 mai dernier, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre avait ainsi mis l'accent sur la volonté du Gouvernement de mettre ce semestre à profit pour aller à la rencontre des préoccupations des Européens et, dans cette perspective, de montrere n quoi l'Europe peut leur apporter des réponses concrètes.

C'est pourquoi, parvenus à mi-chemin de notre présidence, il peut être utile de faire un premier bilan des treize conseils des ministres qui se sont réunis, ainsi que de la douzaine de réunions informelles de ministres qui ont traité des dossiers de nature sociale ou « sociétale ». Je ne reviens que sur les éléments les plus saillants de ce bilan.

S'agissant de la sécurité maritime, les ministres des transports ont adopté, le 2 octobre, un ensemble de mesures sous la forme d'une position commune concernant l'élimination des pétroliers à simple coque d'ici à 2015, délai que le Premier ministre a demandé de ramener à 2010, en raison de l'existence de certains intérêts économiques.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

On a le temps d'être mazoutés ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cela ne peut se faire du jour au lendemain, mais c'est un progrès très important qui fait gagner près de dix ans par rapport à ce qui est actuellement prévu.

Seront également renforcés les contrôles des navires par l'Etat du port ainsi que les procédures de sélection et de sanction des sociétés de classification. Ce sont des progrès ! La protection de l'environnement a fait l'objet, de la part des ministres de l'environnement réunis le 10 octobre, d'un accord important sur une directive relative à la pollution par l'ozone. Il faut aussi rappeler l'adoption de plusieurs textes importants : la directive-cadre sur l'eau, les directives sur l'incinération des déchets.

La lutte contre la criminalité financière internationale a donné lieu à l'adoption, par le Conseil des ministres de l'économie et des finances - ECOFIN -, le 29 septembre dernier, d'une directive sur le blanchiment des capitaux qui couvre non seulement le trafic de drogue, mais également la criminalité organisée.

De façon plus générale, la mise en oeuvre de l'espace européen de sécurité, de liberté et de justice a fait l'objet d'une attention toute particulière de la présidence.

Dans un tout autre ordre d'idées, il faut noter les progrès réalisés dans l'amélioration de la sécurité alimenta ire, comme le disait Jean Glavany hier.

La présidence a par ailleurs engagé une réflexion active sur les services publics et la recherche d'un meilleur équilibre entre les règles du marché intérieur et les missions d'intérêt général. Quant à l'agenda social, il a commencé à être examiné, non sans difficulté, au Conseil des ministres des affaires sociales, le 17 octobre.

Enfin, dans le domaine de la mobilité des étudiants, d es enseignants et des chercheurs, essentielle pour concourir à l'amélioration de la compétitivité de l'économie européenne, les ministres européens de l'éducation ont élaboré, le 30 septembre, les grandes lignes d'un programme de travail que la présidence souhaite finaliser et faire adopter à Nice.

Je n'ai rien dit sur l'euro, mais il est clair que c'est un sujet de préoccupation qui sera repris, peut-être pas exactement dans les termes suggérés par le rapporteur général, mais ce sera au ministre de l'économie et des finances


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d'apprécier. Nous travaillons avec lui au renforcement de l'Eurogroupe, à l'amélioration de la coordination des politiques économiques, qui demeure une priorité forte.

Nous travaillons aussi - nous en avons parlé, monsieur Fuchs, ce matin lors de la réunion des ministres précédant ce débat - à l'introduction de l'euro fiduciaire, de l'euro pratique. Nous cherchons aussi à mieux associer le Parlement en la matière. Le comité national de l'euro comprend d'ailleurs des parlementaires, dont la qualité du travail a été très récemment saluée par la Commission, qui s'en inspire pour faire des recommandations à l'ensemble des Douze. Je sais que vous y contribuez de façon très importante. Par ailleurs, les comités départementaux de l'euro associent les élus locaux autour du TPG pour suivre les préparatifs au plus près du terrain.

Peut-être l'Assemblée souhaitera-t-elle mettre en place son propre dispositif. On peut y réfléchir.

Mesdames, messieurs les députés, ce bilan rapide n'épuise pas le champ des initiatives de la présidence française. Nous avons revendiqué d'emblée une présidence active, sérieuse, centrée sur des sujets concrets et pratiques comme les avancées de l'Europe sociale, de l'espace judiciaire européen ou de l'Europe de la connaissance.

Dans tous ces domaines, l'Union a été capable, ces dernières années, de donner une impulsion politique nouvelle, notamment à Luxembourg pour l'emploi, à Tampere pour l'espace judiciaire européen et à Lisbonne pour l'Europe de la connaissance - je cite trois sommets qui sont, par hasard, intervenus depuis juin 1997. Nous avons considéré que notre rôle de présidence était de rechercher les voies d'une mise en oeuvre effective de tous ces chantiers essentiels pour le devenir du continent.

Nous assumons pleinement et revendiquons cette configuration.

Pour le reste, nous savons bien sûr que notre présidence sera jugée d'abord et surtout sur notre capacité à relancer la construction politique de l'Europe, à résoudre certains problèmes internationaux. J'ai été sensible à ce que Mme Aubert a pu dire sur les Balkans. A ce propos, j'évoquerai la perspective d'un sommet européen à Zagreb, auquel sera associé M. Kostunica.

Nous souhaitons que tout cela se fasse à partir d'un succès de la conférence intergouvernementale à laquelle nous travaillons pour le Conseil européen de Nice et dont nous pensons légitimement avoir jeté les bases à Biarritz, la semaine dernière. Mme Aubert a dit que nous poursuivions plusieurs grands desseins à la fois. Je crois en fait que tout s'articule. La réforme institutionnelle est indispensable au grand élargissement qui, avec ses formidables virtualités, ses difficultés et ses défis, constitue l'avenir de l'Union pour les décennies à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) (M. Yves Cochet remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Bien que les membres de la commission des finances n'aient pas été formellement consultés à ce sujet, je ne doute pas qu'ils partagent, comme moi, la préoccupation de M. le rapporteur général sur la conduite de la politique monétaire.

C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à auditionner, la semaine prochaine, M. Trichet, à défaut de pouvoir entendre M. le président de la BCE, qui est à la tête d'une autorité indépendante dont l'indépendance, v ous le comprendrez, monsieur le ministre, nous concerne quant à ses retombées. Les diverses décisions qui ont été prises et qui aboutissent à une succession de hausses nous inquiètent. Nous savons en effet que si, de l'autre côté de l'Atlantique, la croissance a été continue pendant une dizaine d'années, cela est dû en grande partie à un taux d'investissement important, de l'ordre de 15 %, ainsi qu'à une forte demande intérieure, suscitée p ar des mécanismes différents des nôtres puisqu'ils reposent davantage sur la progression boursière que sur la progression des salaires. Tout cela nous préoccupe et l'on ne comprendrait pas que l'on ne le dise pas ici à l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, s'agissant de la mise aux normes des pétroliers d'ici à 2015, je viens de vous entendre, monsieur le ministre, et je me permets de protester. Les bénéfices des compagnies pétrolières étant ce qu'ils sont, la structure des prix pétroliers étant ce qu'elle est, aucun pays membre de l'Union européenne ne peut se satisfaire d'un tel délai de quinze ans pour la protection des côtes.

Nous avons vécu un drame à l'automne dernier, nous en vivons régulièrement, et c'est le genre de questions sur lesquelles se creuse le fossé entre l'opinion publique et ce que j'appellerai l'Europe, pour faire bref. Il est incompréhensible que la réaction soit si faible sur un sujet d'une telle sensibilité, d'une telle importance. Je comprends qu'il faille ménager certains intérêts, mais tout de même, ce n'est pas l'argent qui manque dans le secteur ! Je suppose que mon point de vue est largement partagé. Je vous demande donc, monsieur le ministre, car je sais votre préoccupation, s'il n'y a pas moyen de raccourcir le délai.

Personne ne comprendrait que l'on vive encore quinze ans sous la menace de ce que nous avons connu. Nous avons eu des problèmes de sécurité alimentaire et des incompréhensions se sont accumulées. Moi, je suis profondément européen. Je crois que l'Europe est notre avenir, mais si l'on veut que les peuples européens s'intéressent à l'Europe, il faudrait ne pas être aussi éloigné de leurs préoccupations que ce genre de décisions pourrait le laisser croire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la contribution française au budget communautaire avoisine les 100 milliards de francs, ce qui représente 6 % des recettes fiscales nettes.

M. le rapporteur général indiquait tout à l'heure que cela correspondait à une augmentation de 67 % en dix ans.

Mais M. Barrau a remis les choses en perspective et a indiqué - je partage parfaitement son avis - que notre débat avait finalement assez peu d'influence sur le budget communautaire et sur les engagements que nous prenons.

En fait, il est de nature politique, essentiellement et radicalement politique. Nous devons en effet nous demander si nous confirmons, année après année, des engagements que la France a souscrits dans les différents traités d'Union européenne, puisque, dès lors que la France est engagée, cette dépense devient obligatoire.


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Certains de nos collègues pourront évidemment voter contre. Mais, pour notre part, au groupe Démocratie libérale, nous voterons pour l'article 28, tout simplement parce que nous sommes pour la construction européenne et pour son approfondissement, ce qui ne signifie pas que nous approuvions nécessairement ni les orientations budgétaires de la Commission européenne, ni la politique européenne du gouvernement français.

En effet, accepter le principe de cette dépense obligatoire, ce n'est pas pour autant signifier que tout ce qui concerne l'emploi de cette dépense est forcément bon.

Même si l'on peut, après examen, se rallier aux positions prises à Berlin par la France et finalement par l'ensemble des acteurs européens, même si l'on peut les approuver, notamment l'accord sur les plafonds de dépenses pour les années futures, la clarification de la présentation budgétaire et la réforme de la PAC, dont il faudrait d'ailleurs discuter plus avant, on peut aussi considérer qu'il y a beaucoup à dire sur le budget européen. D'abord, parce qu'il est en augmentation constante ; même l'augmentation du budget français apparaît, en comparaison, beaucoup plus modérée. Et surtout en raison des dysfonctionnements relevés, dans le petit rapport qui nous a été remis, par la Cour des comptes européenne, qui a constaté des erreurs dans près de la moitié des paiements engagés par la Commission. Bref, si nous continuons à voter la participation française au budget européen, nous formulons néanmoins bien des réserves sur la façon dont est dépensé cet argent issu des contributions des Etats membres.

Il faut donc bien en venir à se poser quelques questions.

On peut s'interroger sur la réalité du contrôle qui s'exerce sur le budget communautaire, car on a parfois le sentiment que l'on fait faire à l'Europe des choses que l'on n'a pas soi-même envie de faire, et qu'on lui laisse ainsi quelques marges secrètes ou quelques facilités.

On peut s'interroger de temps en temps sur l'efficacité des aides distribuées.

On peut s'interroger sur la conception même du budget européen qui, comme l'a fort bien dit Mme la rapporteure, est de nature particulièrement distributive.

Chaque Etat raisonne-t-il alors en fonction du taux de retour de sa contribution ? Se demande-t-il s'il en a pour son argent ? Et finalement, est-ce vraiment comme cela qu'il faut aborder la question du budget communautaire ? Pour ma part, je ne crois pas que ce soit la bonne façon de voir les choses.

On peut, par exemple, émettre des réserves sur le principe de certains fonds structurels. Il n'est pas tout à fait normal que des routes ou des piscines soient construites en collaboration avec l'Europe. Ce que peuvent faire l'Etat ou les collectivités locales, ce n'est pas la peine de le demander à l'Europe.

Bref, il y a une ambiguïté fondamentale sur la nature du budget européen. On en est resté, en effet, à une conception ancienne où, pour que l'Europe puisse exister, il fallait absolument un budget, car qui dit capacité de dépense dit preuve d'existence. Exister, c'était dépenser.

Il faut, je crois, sortir de cette logique.

Mme Béatrice Marre.

Il faut pouvoir faire, monsieur Dominati.

M. Laurent Dominati.

Cela dépend de ce qu'on fait ! A-t-on vraiment besoin de l'Union européenne pour construire des piscines ? Je n'en suis pas convaincu.

Puisque nous savons après tout que nous devons voter ce prélèvement, autant nous poser la seule question pertinente : que devrait être un vrai budget européen ? A mon sens, il devrait correspondre à des politiques européennes qui ne pourraient être mises en place que par l'Union européenne à défaut de pouvoir l'être par les

Etats. C'est le principe de subsidiarité. Un principe qu'on ne retrouve évidemment pas dans le budget européen tel qu'il est conçu. Un principe qu'on ne retrouve pas toujours de façon très claire dans la répartition des domaines de compétences entre l'Union et les Etats.

Pour moi, comme pour certains de ceux qui m'ont précédé à cette tribune, l'Europe est avant tout un principe politique. L'Union est de nature politique beaucoup plus que de nature comptable ou économique. Ainsi, l'une de ses missions essentielles est de renforcer la démocratie partout en Europe. Certains ont fait allusion à ce qui s'est passé dans l'ancienne Yougoslavie. Ils vous ont félicité, monsieur le ministre, et je peux le faire à mon tour, de l'accueil que vous avez réservé au nouveau président serbe. C'est très bien. On peut cependant éprouver quelques inquiétudes.

Parce que les fonds que vous avez trouvés ont été pris aux dépens du programme MEDA, c'est-à-dire des crédits destinés à l'Afrique du Nord. C'est un peu déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Parce qu'on ne voit pas clairement quelles sont les politiques spécifiquement européennes, qu'il s'agisse de l'adhésion des ex-pays de l'Est, des ex-pays soviétiques, ou des politiques de sécurité et de renforcement de la démocratie en Europe, même si l'on constate une augmentation des budgets de la rubrique 4 concernant l'action extérieure et notamment l'ex-Yougoslavie, et de la rubrique 7, relative aux mécanismes de pré-adhésion.

Parce qu'on ne voit pas du tout - mais là, c'est une question essentiellement politique - ce qui peut être fait par l'Europe pour la sécurité intérieure et la sécurité exté rieure. Voilà des politiques qui devraient être de plus en plus européennes, mais qui n'apparaissent pas dans des lignes budgétaires. Or le budget devrait être la traduction d'engagements politiques, l'expression du sens politique que l'on donne aux actions européennes. Ce n'est pas le cas.

Je ne vous en fais pas le reproche, monsieur le ministre. C'est la construction progressive de l'Europe, un peu anarchique, presque au coup par coup, qui en est la cause. Mais nous voici à un tournant de la constructione uropéenne. L'Union qu'il nous faut maintenant construire ne doit pas être, selon nous, un super-Etat européen, qui dupliquerait certaines politiques nationales.

C'est pourquoi je ne partage pas tout à fait la vision des orateurs précédents en ce qui concerne la politique de l'emploi et la politique sociale. Je ne suis pas sûr que l'on doive confier des budgets particuliers à l'Europe pour ce que les Etats peuvent faire. En revanche, dans les domaines où l'Europe serait beaucoup plus efficace que les Etats, on ne voit pas apparaître, hélas ! les signes budgétaires de son engagement.

Je suis donc beaucoup moins optimiste que vous, monsieur le ministre, sur ce que vous avez appelé

« l'esprit de Biarritz ». Vous dites que l'on a identifié les points durs et quelques solutions. Pourtant, en ce qui concerne la majorité qualifiée et les différents modes envisagés pour son calcul, soit par le seul nombre des Etats, soit par une pondération des votes exigeant une double majorité, celle des Etats et celle des populations qu'ils représentent, ces idées-là étaient déjà dans l'air il y a à peu près trois ans, lorsque vous êtes arrivé au Gouverne-


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ment. Je ne dis pas que vous êtes seul responsable de ces délais, car il faut décider à quinze. Mais on ne peut pas dire qu'il y ait eu, en l'occurrence, un progrès substantiel.

En fait, quand je vois la charte que vous avez signée et qui n'aura pas d'effet juridique propre à moins qu'elle n'entre en concurrence avec la Convention européenne des droits de l'homme, je crains même qu'il n'y ait là une sorte de paravent et que la signature de ce texte nous empêche d'aller plus loin dans la mise au point d'une forme de Constitution européenne qui définirait efficacement le partage des domaines de compétences, selon le principe de subsidiarité, entre l'Union européenne et les

Etats. Voilà la ligne de séparation qui manque à la politique européenne. Et on rejoint ainsi le manque cruel qui a été celui du sommet de Biarritz, où l'on n'a absolument pas avancé - où l'on a même plutôt reculé - sur le calendr ier d'adhésion des pays qui frappent à la porte de l'Europe.

Vous-même venez de nous dire qu'on ne pourrait pas fixer un calendrier d'ici peu, ce qui est revenir sur les propos antérieurs du gouvernement français.

Voilà pourquoi je ne partage pas du tout votre optimisme sur ce qui s'est passé à Biarritz. Voilà pourquoi je suis très inquiet sur ce qui pourrait se passer à Nice.

Mais l'espérance est nourrie d'inquiétude et ma conviction européenne ne désarmera pas pour autant. J'espère donc que vous réussirez et que votre optimisme l'emportera sur mes craintes. A ceci près qu'il nous faut absolument une Constitution européenne, pour mieux définir ce que doit faire l'Union et ce qui reste de la compétence des Etats. A ce moment-là seulement, nous pourrons avoir une véritable discussion budgétaire, un véritable contrôle budgétaire et une véritable influence sur le budget européen.

Avant de conclure comme vous m'y invitez, monsieur le président, je souhaite revenir brièvement à deux points qui ont été abordés.

S'agissant d'abord, monsieur le ministre, de la politique monétaire, on vous a lancé des avertissements solennels :

« Attention ! la Banque centrale européenne fait n'importe quoi ; en tout cas, elle ne va pas dans le bon sens ! »

« Attention, il faudrait une Europe, une autorité politique monétaire ! » Permettez-moi de ne pas m'inscrire dans ce type de discours. Bien sûr, je suis heureux qu'un débat s'ouvre sur la politique monétaire. J'estime, en effet, comme le président de la commission des finances, qu'il est temps de considérer qu'il y a peut-être eu des erreurs dans le relèvement des taux. Mais après tout, l'intervention de la Banque centrale européenne avait été demandée par les gouvernements, notamment par le gouvernement français, et ce fut un échec contrairement à ce qu'a dit M. Fabius, il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale.

Cela étant, je reste attaché à l'indépendance de la Banque centrale européenne, car je considérerais comme une erreur fondamentale de remettre la monnaie européenne sous l'autorité des gouvernements. On sait ce que font les gouvernements avec la monnaie : ils en jouent pour masquer leurs erreurs ! Et le seul moyen de s'assurer sur le long terme une monnaie forte, c'est surtout d'interdire aux politiques et aux gouvernements de jouer avec ! Je m'inscris donc en faux contre ce qui semble être une idée reçue.

Enfin, même si nous pouvons en contester l'utilisation, nous voterons ce prélèvement parce que nous en approuvons le principe, non seulement, je l'ai dit, par conviction européenne, mais aussi parce que nous sommes attachés à ce que le budget communautaire soit financé par la contribution des Etats. Si tel n'était pas le cas, il y aurait nécessairement un impôt européen, idée contre laquelle nous nous élevons, à la différence d'autres groupes de l'opposition comme de la majorité. Etant contre l'impôt européen, nous sommes pour la contribution des Etats.

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en premier lieu m'associer, avec l'ensemble du groupe socialiste, aux remarques de nos collègues Gérard Fuchs et Alain Barrau, mais aussi du rapporteur général, sur le constat que les parlements nationaux, et singulièrement notre assemblée, sont mis à la portion congrue dans le débat budgétaire européen. Cette discussion se transforme dès lors en un exercice purement formel, où nous ne pouvons guère qu'émettre des opinions et formuler l'espoir d'être un jour entendus.

Nous sommes réunis, cet après-midi, pour parler de la contribution de la France au budget communautaire.

L'article 28 du projet de loi de finances ne représente, du reste, qu'une évaluation - le rapporteur l'a expliqué - qui intègre les résultats effectifs du budget communautaire 2000. Il est donc nécessaire, pour en comprendre le sens, de se pencher sur le budget lui-même. Notons toutefois que cette évaluation du prélèvement s'élève à 99,5 milliards de francs, soit 6,1 % des recettes fiscales, ce quir eprésente une somme importante, et surtout en constante augmentation, comme le budget européen luimême au cours des vingt dernières années.

Chacun sait ici, monsieur le ministre, le peu d'enthousiasme soulevé au printemps dernier par l'avant-projet de budget pour 2001 présenté par la Commission européenne. Le projet finalement adopté par le Conseil du 20 juillet dernier, sous présidence française, est à certains égards plus satisfaisant, mais reste extrêmement décevant sur d'autres points, d'ailleurs mentionnés par l'Assemblée nationale dans sa résolution du 28 juin 2000.

Relevons cependant quelques sujets de satisfaction.

Il faut saluer, je crois, la nouvelle présentation du budget par activités, qui, en faisant apparaître le coût global de chacune d'elles, permettra à l'avenir une discussion plus aisée des priorités politiques. C'était une nécessité de transparence ; nous l'apprécions.

Il faut surtout se féliciter, et nous l'avions également souhaité, de la résistance opposée par le Conseil à la révision des perspectives financières de Berlin transmise par la Commission le 15 mai 2000.

A ce sujet, je m'associe, bien entendu, aux propos de notre rapporteur général quant au primat des politiques.

Les politiques, monsieur Dominati, étant élus démocratiquement, ni les commissaires européens ni la Banque centrale européenne ne peuvent ignorer leurs choix.

Il me semble prioritaire de respecter les équilibres difficilement négociés que traduisent les engagements pris par l'Union à Berlin, en mars 1999, notamment en matière de politiques communes pour la PAC et les fonds structurels, ainsi qu'en matière d'élargissement et d'aide à la reconstruction des Balkans occidentaux.

Il ne vous étonnera pas, monsieur le ministre, que je souligne tout particulièrement le refus opposé par le Conseil à la ponction que voulait opérer la Commission


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

sur les crédits consacrés à l'agriculture, ainsi que le résultat final, qui traduit la mise en oeuvre de la réforme de la PAC par une progression de 6,3 % de ces crédits, dont 6,5 % d'augmentation pour les dépenses de marché et surtout 4,6 % pour le développement rural, lequel constitue l'un des axes forts de notre politique agricole.

Ainsi, le principe d'une programmation pluriannuelle n'a heureusement pas été remis en cause, non plus que les grands équilibres prévus pour la période 2000-2006.

Toutefois, et c'est un bémol à la satisfaction que je viens d'exprimer, il serait souhaitable que soit introduite une plus grande flexibilité dans cette programmation, afin que l'Union puisse faire face à des besoins nouveaux sans compromettre le respect de ses engagements antérieurs.

Chacun pense, bien entendu, à la récente et formidable évolution de la situation en Yougoslavie : j'y reviendrai dans un instant.

J'aimerais à présent vous exposer mes regrets, qui sont malheureusement plus nombreux que mes satisfecit.

En tout premier lieu, je ne peux que dénoncer, après Marie-Hélène Aubert, rapporteur de la commission des affaires étrangères, l'absence criante d'actions nouvelles, notamment dans le domaine des politiques internes, - l'espace et les biotechnologies, par exemple -, de même que le caractère encore très marginal des crédits affectés aux politiques de l'emploi.

Je pourrais également citer les crédits dérisoires consacrés au développement des réseaux transeuropéens, alors même que la nécessité pour l'Union de mettre en place des réseaux ferroviaires répondant à une logique de complémentarité se fait de plus en plus sentir.

Enfin, l'augmentation de 8 % des crédits de recherche, que vous avez soulignée, monsieur le ministre, est tout de même modeste pour un budget lui-même extrêmement modeste.

L'enveloppe globale des politiques internes, avec 6,04 millions d'euros, soit moins de 5 % du budget total de l'Union, ne progresse que de 0,23 %.

Je saisis cette occasion pour évoquer à nouveau l'un de mes thèmes favoris, qui prend l'exact contre-pied des propos de M. Dominati : l'insuffisance du budget communautaire. Le fameux plafond de 1,27 % du PNB communautaire, dont je n'ignore pas qu'il n'aura pas été atteint en 2000 et qu'il ne le sera pas davantage en 2001, est le fruit d'un équilibre politique qui traduit très directement le faible niveau d'intégration de l'Union européenne. J'attends personnellement beaucoup du résultat de la CIG le plus directement lié à ces questions : je veux parler de l'élargissement du vote à la majorité qualifiée. Si, comme nous le souhaitons, un nombre substantiel de domaines sortent du champ du vote à l'unanimité, il nous faudra bien alors, aussi difficiles que soient les questions fiscales, reposer le problème du 1,27 % dans le sens d'une augmentation non pas des impôts, mais des transferts entre les budgets nationaux et le budget communautaire, afin de financer de nouvelles politiques communes, notamment en matière de politiques internes.

Je referme la parenthèse en espérant une fois de plus que nous pourrons un jour avoir ce débat au sein de notre assemblée.

S'agissant des politiques externes, on ne peut que se féliciter de l'augmentation des crédits destinés à la reconstruction des Balkans, et l'appréciation du Conseil au regard du Kosovo me paraît plus réaliste que celle de la Commission. Il faudra bien, toutefois, prendre en compte la Serbie. En effet, il est aujourd'hui très clair, et cela ressort notamment des propos tenus à Biarritz, tant dans les demandes du président Kostunica que dans les réponses qui lui ont été apportées par le Président de la République et le Premier ministre, que la question d'un soutien financier de l'Union européenne à la République fédérale de Yougoslavie sera rapidement posée.

Mais les engagements pris, ou à prendre, par l'Union européenne à l'égard des Balkans occidentaux - engagements auxquels il convient de réaffirmer notre soutien ne doivent pas pour autant lui faire perdre de vue ses autres engagements externes, notamment envers les pays méditerranéens et les pays en voie de développement, en particulier les pays les moins avancés. Ces derniers voient, en effet, leurs crédits diminuer de 4,8 % pour l'Asie jusqu'à 10,8 % pour les pays tiers méditerranéens et le Moyen-Orient. De même, les crédits alloués aux activités en faveur des droits de l'homme baissent de 12,3 %.

Cette évolution n'est pas conforme aux positions prises par l'Union européenne dans un certain nombre d'instances internationales : je pense aux propositions faites à Seattle par M. Pascal Lamy, commissaire européen, en faveur des pays les moins avancés. Elle n'est pas non plus cohérente avec la volonté politique de l'Union européenne de se positionner en pôle de paix et de rassemblement, proposant au monde un modèle de développement fondé en particulier sur la solidarité.

Au total, il convient toutefois de saluer la fermeté du Conseil de juillet, y compris au regard d'une rigueur budgétaire souhaitée par certains de nos partenaires. L'Allemagne, par exemple, regrettant l'absence d'économies plus conséquentes, notamment sur les moyens de fonctionnement de l'Union ce que Marie-Hélène Aubert a souligné également -, a voté contre le budget le 20 juillet dernier.

Malgré son manque d'ambition regrettable , ce projet de budget constitue néanmoins un compromis qui me conduit, au nom du groupe socialiste, à proposer d'en adopter l'incidence pour la France, c'est-à-dire l'article 28 du projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la présente discussion doit nous permettre de mettre en relation notre projet de loi de finances pour 2001 avec l'Union europ éenne. Il ne s'agit pas uniquement d'un débat comptable mais d'un véritable débat politique.

Au-delà de l'examen de la contribution de la France au budget de l'Union européenne pour 2001, il convient de conduire une réflexion sur la compatibilité entre la politique budgétaire du Gouvernement et les règles posées par le Pacte de stabilité et de croissance de 1997 qui lie les Etats membres de la zone euro.

Le prélèvement européen sur le budget de la France s'élève à 99,5 milliards, soit 6 % environ du budget de notre pays, en légère diminution par rapport à l'évolution du budget. L'augmentation de ce prélèvement européen est faible, - un milliard, - et la contribution française représente 15 % du budget européen.

Sur cette contribution de la France, j'observe, d'abord, que les conditions de discussion des crédits par l'Assemblée nationale ne sont pas satisfaisantes, plusieurs orateurs l'ont souligné. Mais je ne vois pas bien comment il pourrait en être autrement avec quinze pays membres, donc quinze assemblées, quinze sénats ou chambres diverses, et beaucoup plus demain avec l'élargissement. C'est la raison pour laquelle on pourrait se demander s'il ne serait pas


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utile d'avoir une deuxième chambre européenne quir eprésenterait les parlements nationaux des Etats membres.

Je dirai, ensuite, que ce serait une erreur de ne prendre en considération que cette contribution de 99,5 milliards.

Il ne faut pas oublier que parallèlement à cette dépense, la France, comme d'ailleurs d'autres Etats membres, reçoit du budget européen des crédits importants en faveur de l'agriculture, au titre du vaste chapitre de la politique agricole commune, et dans le cadre de la politique structurelle et régionale, au titre du non moins grand chapitre des aides structurelles. Certes, mettre ces deux chiffres en parallèle ne serait pas justifié. Il reste néanmoins que le budget européen constitue un apport certain et considérable à notre économie.

Enfin, j'ai indiqué que la contribution française au budget européen représente 6 % du budget français et participe pour 15 % au budget européen. Il en ressort que le budget européen est plus faible que celui de la France. En d'autres termes, l'Union européenne, contrairement à ce que beaucoup pensent, a des moyens budgétaires limités. La question mérite d'être posée : ces moyens sont-ils suffisants, dans la compétition politique mondiale, pour faire face aux tâches que l'Europe doit assumer ? Sous réserve d'une croissance en 2001 des dépenses en faveur de la politique agricole commune, je prends quatre exemples qui posent problème.

Premier exemple, les crédits d'actions structurelles sont en diminution et le seront jusqu'en 2006 pour tenir compte de la politique d'élargissement de l'Europe aux PECO, pays d'Europe centrale et orientale. Cette réduction est-elle raisonnable ? Nous en voyons d'ores et déjà les effets néfastes sur nombre de régions françaises. Mais cela est vrai aussi dans beaucoup d'autres pays.

Deuxième exemple, les crédits d'actions extérieures sont stables sur plusieurs années, alors que l'on voit bien, depuis le basculement de la situation dans l'ancienne Yougoslavie, que l'Union européenne aura à faire face à de nouvelles dépenses tout à fait justifiées, compte tenu du changement de régime et de la démocratisation qui s'installera progressivement dans ce pays.

Troisième exemple, les aides de préadhésion, elles aussi, sont stables depuis plusieurs années, alors que, manifestement, les besoins sont considérables et vont croissant.

Ainsi, la Roumanie, où je suis allé récemment pour étudier le processus d'adhésion à la demande de la Délégation pour l'Union européenne, est un pays qui mériterait une attention particulière de l'Union européenne pour surmonter les graves difficultés résultant de retards accumulés. Et je remarque que les crédits pour l'adhésion ne commenceront à se mettre en place qu'à partir de 2002, c'est-à-dire dans le budget suivant celui-ci.

Quatrième exemple, le partenariat euro-méditerranéen, prévu au programme MEDA, qui couvre la période 1995-1999, est loin de tenir ses promesses. Pourtant, il est très important puisqu'il doit promouvoir le rapprochement, le soutien de l'Europe aux pays de la Méditerranée. Sur les 3,5 milliards d'euros alloués, seulement 26 % ont été effectivement versés. A ce rythme, il faudra près de neuf ans pour que l'Europe remplisse ses engagements envers les pays de la Méditerranée ! L'influence de l'Europe serait sans doute beaucoup plus grande au Proche-Orient si la mise en oeuvre des crédits était plus rapide. C'est un point tout à fait important qu'il convient de souligner.

Ces exemples montrent à l'évidence que les prévisions budgétaires de l'Union européenne sont très serrées et ne répondent que de façon insuffisante aux besoins. En outre, les crédits sont consommés beaucoup trop lentement. L'influence et l'efficacité de l'Union européenne ne risquent-elles pas de souffrir de ces insuffisances ? L'évolution budgétaire de 1 % pour l'année 2001, serat-elle plus importante ensuite, par exemple, en 2002 ? Du fait de l'élargissement, je le pense. Certes, l'adhésion d'Etats importants, pour lesquels le volume des aides devrait être considérable, ne commencera au plus tôt qu'en 2003 et s'échelonnera vraisemblablement sur plusieurs années, jusqu'en 2006-2007. Les perspectives font d'ailleurs apparaître, sur cinq années, une croissance du budget de 91 milliards à près de 104.

D'autres politiques européennes nécessitant des ressources nouvelles interviendront-elles ? Si des réformes institutionnelles renforcent l'Europe, cela pourrait avoir lieu, mais nous sommes, là encore, dans une conjoncture incertaine.

On peut s'interroger dès maintenant sur l'évolution du prélèvement sur le budget français pour les prochaines années : une prévision d'évolution de 15 % à 20 % est vraisemblable sur quatre ou cinq ans. Il ne faut pas ignorer ce fait essentiel pour l'élaboration du budget français.

J'en viens, à partir de cet examen, à la réflexion sur le projet de budget dont nous discutons au regard des préoccupations européennes. Au-delà de la discussion sur le contingent proprement dit du budget européen financé par la France, il est intéressant d'examiner le projet de loi de finances à la lumière des préoccupations européennes.

Quelles sont-elles ? Pour alimenter et consolider la croissance, pour donner sa solidité à l'euro, les budgets des Etats membres doivent respecter plusieurs impératifs posés par le Pacte de stabilité et de croissance : la réduction des déficits et donc la réduction de l'endettement de l'Etat et des collectivités publiques ; la réduction, ou à tout le moins le maintien en l'état des dépenses publiques ; la réduction de la fiscalité et des charges.

Or que constate-t-on dans ce projet de budget français pour 2001 ? La vérité exige d'abord de dire que le budget contient de nombreuses augmentations de dépenses, plus ou moins visibles, d'ailleurs - notre collègue M. de Courson l'a montré -, sans contrepartie de réductions de dépenses. Il n'est qu'à voir l'augmentation du nombre des agents de la fonction publique. Alors qu'il y avait stabilité des effectifs depuis 1997, il y aura 20 000 agents supplémentaires cette année, en comptant les personnes qui changeront de statut.

On nous parle, ensuite, de réductions fiscales, réelles mais relativement faibles. Or il y a aussi des augmentations d'impôts, même des créations d'impôts sur les sociétés pétrolières ou celles qui polluent.

Enfin, la réduction du déficit reste faible, ce qui signifie que notre endettement va encore croître en 2001.

Ces trois évolutions sont-elles compatibles avec notre participation à l'Europe ? Sûrement pas : loin d'être un modèle, nous sommes en infraction, le mauvais élève de l'Europe, avec les plus lourds prélèvements obligatoires.

Le Gouvernement et sa majorité ne manifestent aucune détermination pour mener une politique budgétaire en harmonie avec les préconisations de l'Europe. Alors qu'il se prétend partisan de l'harmonisation économique et fiscale, il agit, en fait, à l'inverse de ses discours.


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Ce que j'appellerai une manifestation d'indiscipline par rapport aux dispositions européennes - une manifestation de laxisme, selon la Commission européenne - constitue, avec d'autres motifs, une des raisons de la faiblesse de l'euro. Des budgets en déficit, une augmentation de l'endettement, aucune volonté de réduction des dépenses, des allègements fiscaux modérés, au total, des prélèvements obligatoires trop lourds, telles sont certaines des raisons qui sapent la confiance indispensable au maintien à un bon niveau de la monnaie européenne par rapport au dollar et au yen. Les investisseurs extérieurs préfèrent aller vers la zone dollar et les investisseurs européens placer leurs bénéfices en dehors de la zone euro.

On en voit le résultat : l'afflux de liquidités sur les marchés financiers américains, qui témoigne de l'attractivité de l'économie américaine avec sa croissance et ses facilités fiscales, montre a contrario le manque d'attractivité de l'économie européenne. Le gouverneur de la Banque de France ne cesse de rappeler les règles de la sagesse qui sont celles préconisées par l'Europe, le Pacte de stabilité et de croissance souscrit en 1997 : moins de dépenses, d'impôts et de déficits. Mais il n'est pas écouté par votre majorité, monsieur le secrétaire d'Etat, ni par les membres du Gouvernement qui continuent à mener une politique dépensière. Le danger qui menace - et ce n'est pas une crainte théorique - c'est l'étouffement, à terme, de la croissance.

Comme l'a fait M. Fuchs en sa qualité de rapporteur spécial de la commission des finances, on peut critiquer la Banque centrale européenne quand elle augmente les taux. Mais il faut aussi critiquer en même temps les politiques budgétaires sans courage face aux nécessaires réformes, qui chargent exagérément l'économie et les ménages, hypothèquent l'avenir et préparent, je me permets de le dire, des bombes à retardement avec les retraites ou les 35 heures.

Tout cela nuit à l'économie française. Au-delà même, les décisions françaises ont des conséquences lourdes, qui pourraient s'avérer néfastes pour l'économie de l'Europe et présentement sur le cours de l'euro.

Ces observations étant faites - et je tenais à les faire -, le groupe UDF votera la contribution de la France au budget de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort pour le groupe communiste.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tous les ans, et alors que la partie recettes du budget de la France n'est pas adoptée, nous sommes appelés à voter sur un prélèvement prédéterminé pour le budget européen. Il faut donc redire, une nouvelle fois à nos concitoyens, que cet acte de notre assemblée est purement formel puisque nous ne pouvons ni augmenter ni diminuer ce prélèvement, qui abondera un budget européen dont l'augmentation est plus forte que celle de nos dépenses nationales. L'acte de notre assemblée est donc fixé d'avance.

Cette année, toutefois, la discussion sur la participation au budget européen nous offre l'occasion d'un mini-débat sur la présidence française de l'Union et sur la situation telle que nous la ressentons après le sommet de Biarritz.

J'attribuerai, d'abord, un carton vert, c'est-à-dire positif, au Gouvernement pour la position qu'il a adoptée de ne pas intégrer la politique commerciale européenne dans les domaines qui passeraient demain à la majorité qualifiée. Sur ce point, la France a fait l'objet de multiples pressions, y compris du commissaire européen concerné.

Nous réaffirmons fermement notre volonté de ne pas voir les mandats de négociations internationales de l'Union, spécialement à l'OMC, décidés sans l'accord de tous les pays. Des questions aussi variées que la « diversité culturelle », les OGM, les investissements, la sauvegarde des services publics, sont concernées par ces négociations commerciales internationales qui aboutissent à une libéral isation croissante et incessante des échanges qu'il convient de circonvenir. C'est pourquoi je me réjouis de la position française en cette matière, non sans relever que les propos tenus sur ce point à Biarritz par le Président de la République laissent place au doute.

Que veut dire exactement cette phrase de son discours : « En matière de politique commerciale extérieure, nous devrions pouvoir avancer dès lors que cela ne constitue pas une extension des compétences communautaires et que l'on trouve un traitement satisfaisant pour les secteurs sensibles, notamment dans le domaine culturel » ? Comment tout à la fois « avancer » sans « étendre les compétences communautaires » et trouver un « traitement satisfaisant pour les secteurs sensibles » ? A-t-on en tête de céder sur les services et les investissements relevant actuellement d'une compétence partagée ? En demandant au Gouvernement des précisions sur ce point, nous vous signifions notre franche hostilité à toute modification du système actuel. Chacun mesure, j'imagine, les conséquences qu'auraient sur l'opinion publique un retour de l'AMI par cette porte ou l'ouverture de négociations à l'OMC sur nos services publics.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, vous entendre sur ce point.

Je concéderai, ensuite, un carton orange, cette fois, à propos de la Charte des droits fondamentaux. Elle devait symboliser l'apport spécifique de la France et dégager une conception européenne pas seulement marchande. Son contenu actuel reprend bien les dispositions existantes de la convention européenne des droits de l'homme, que tous les Etats membres ont déjà signée, mais dans un style lapidaire qui pourrait entraîner des difficultés d'interprétation.

Les droits sociaux ne sont pas évoqués en tant que tels et sont rangés dans une rubrique intitulée pudiquement

« solidarité », qui reprend la charte sociale européenne et les quelques directives existantes sur l'Europe sociale. Ces dernières, on le sait, sont bien insuffisantes, au point que le droit de grève ne fut rajouté qu'à la dernière minute.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial.

Mais il y est, grâce à nous !

M. Jean-Claude Lefort.

Le compte n'y est pas sur le droit des femmes et des étrangers non communautaires, le droit au logement, au travail et à un revenu décent.

L orsque la convention européenne des droits de l'homme fut signée en 1950, elle tirait les législations nationales vers le haut. C'était, d'ailleurs, l'objectif affiché en chaque occasion depuis le Traité de Rome. Aujourd'hui, il n'est question que de plus petit dénominateur commun. Je tiens à dire combien je le regrette.

J'adresserai, enfin, un carton orange au budget européen proprement dit. Parmi toutes les critiques énoncées à cette tribune, je n'en retiendrai que deux.

D'abord, l'élargissement a un coût financier que l'on sait très sous-estimé dans l'Agenda 2000. Or les dépenses d'élargissement devraient être sérieusement réévaluées si


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l'on ne veut pas que les pays concernés subissent de plein fouet le choc de leur intégration dans le marché européen. L'adhésion à l'Union européenne est une aspirations aine et positive d'une grande partie de l'opinion publique de ces pays, qu'il faut écouter et à laquelle il convient d'être ouvert. Mais il faut prendre garde aux graves désillusions qui pourraient s'ensuivre si nous ne savons pas construire avec eux une Europe ouverte et généreuse, autre que celle du marché unique, de la monnaie unique et des droits a minima . Le drapeau européen ne peut pas être que cela.

Si, au mois de mai 2000, la Commission a révisé les perspectives financières de l'Union, pour tenir compte de la restructuration des Balkans et plus particulièrement du Kosovo, il faut noter que nous sommes actuellement en décalage par rapport à la révolution démocratique en Serbie, que nous saluons, et la nécessaire reconstruction de ce pays, que nous appelons de nos voeux.

Du côté du Sud, la politique de coopération de l'Union européenne est l'objet d'une contestation croissante. Comment accepter que 9 milliards d'euros - un peu plus de 60 milliards de francs - budgétisés au fonds européen pour le développement, n'aient pas encore été consommés ? De plus, la politique communautaire à destination des pays ACP s'oriente, après les accords de Cotonou, vers la généralisation de zones de libre-échange qui risquent d'aggraver considérablement le fossé NordSud, tout cela pour s'inscrire dans les règles OMC considérées de facto comme immuables.

J'ajoute, toujours dans le même registre, que de nouvelles ressources sont nécessaires et possibles, qui ne reposent pas sur les Etats et leurs contribuables mais davantage sur la spéculation financière. La taxe Tobin représente une de ces possibilités. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.)

Je signale à cet effet que, la semaine dernière, l'assemblée parlementaire paritaire des pays ACP et de l'Union européenne a demandé « aux principaux pays industrialisés et notamment à l'Union européenne d'intaurer une taxe sur les transferts de capitaux, comme le propose le professeur Tobin », afin de financer l'aide au développement. Voilà une mesure que la France devrait reprendre à son compte, ainsi que nous sommes nombreux à le souhaiter sur ces bancs, d'ici à la fin de sa présidence ; elle annoncerait un tournant symbolique fort et qui rendrait enfin l'Europe plus utile.

Enfin, monsieur le ministre, vous seriez surpris - et là c'est un carton rouge que je brandis - si je ne parlais pas des fraudes sur le budget européen, régulièrement constatées par la Cour européenne des comptes, fraudes qui représentent près de 20 % des recettes et 1 % du PNB communautaire. Si l'on me répond, encore une fois, que l'on s'en occupe activement, force me sera de constater l'échec de toutes les mesures annoncées en la matière.

Pour marquer le respect qui est dû à notre assemblée, laquelle doit pouvoir se prononcer sur cette question du budget européen, et pour rester en cohérence avec ce qui précède, je ne comprendrais pas que certains de mes collègues puissent faire autre chose que ce que propose et va faire notre groupe, à savoir de ne pas prendre part à un vote qui n'a aucun sens réel. C'est en tout cas l'appel que je lance à tous, afin d'accorder les paroles prononcées à cette tribune et les actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le versement de la France au budget communautaire représentera cette année près de 100 milliards de francs, 99,5 milliards de francs très exactement.

M. Jacques Myard. C'est trop ! Mme Nicole Catala. Jamais jusqu'ici nous n'avions fourni une telle contribution au budget européen : cette somme représente en effet 6,1 % de nos recettes fiscales et pour en donner une autre mesure, il faut savoir que ce versement a augmenté de 77 % depuis 1990 ! On peut penser que l'amélioration de la situation économique, en France et en Europe, nous permet de faire face à une telle contribution. Mais nous atteignons des sommes tellement considérables que nous devons nous montrer de plus en plus vigilants quant à leur bonne utilisation et de plus en plus exigeants dans la protection des intérêts financiers de l'Union, c'est-à-dire dans l'efficacité de la lutte contre la fraude. Ce sujet n'est pas nouveau, nous nous en préoccupons depuis plusieurs années. Plusieurs des orateurs qui m'ont précédés, notamment M. Dominati et M. Lefort, l'ont abordé. Je ne fais que le mentionner à mon tour en soulignant son importance.

L'importance de notre contribution doit nous conduire également à être plus exigeants quant à l'efficacité des actions communautaires et au bien-fondé des propositions de dépenses que présente la Commission. J'observe à cet égard que, dans la préparation de ce budget, le Conseil a, dans sa sagesse, sensiblement réduit les propositions de dépenses de la Commission qui tendaient, une fois encore, à se montrer dépensière. Ainsi le Conseil n'a pas accepté que le plafond de la rubrique agricole soit réduit, afin de compenser l'augmentation de la rubrique « actions extérieures » et il a refusé de réviser les perspectives financières arrêtées à Berlin pour la période 2000-2006. Il a eu raison.

Les crédits consacrés à la pré-adhésion n'en augmentent pas moins de près de 11 %, concrétisant ainsi notre effort en faveur de l'élargissement, et je m'en réjouis.

Ces orientations-là me semblent aller dans le bon sens, même si j'ai la crainte profonde que le processus de préadhésion, puis d'adhésion, n'implique, de la part des membres actuels de l'Union, des efforts extrêmement importants, auxquels il sera difficile de faire face, même si la croissance se maintient à son rythme actuel.

Au-delà de ces considérations liées au prélèvement budgétaire, le débat d'aujourd'hui nous offre l'une des opportunités - trop rares - que nous avons dans cet hémicycle d'évoquer les questions européennes et, plus spécialement, en ce moment, les perspectives de la présidence française de l'Union.

Je voudrais maintenant évoquer quelques-unes des questions en cours de discussion.

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, à propos de la réforme des institutions que, s'agissant de la réforme de la Commission, deux schémas s'affrontaient : l'un tend à restreindre le nombre de ses membres à dix ou douze, peut-être quinze, l'autre comporte une Commission nombreuse mais structurée et hiérarchisée, à l'image de ce que pourrait être un gouvernement, nombreux, d'un pays membre.

Vous nous avez indiqué que la France préférerait la première formule. Si vous ne nous l'aviez pas dit, je vous l'aurais demandé mais, quelle que soit la formule choisie


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et en tout cas si c'est celle-ci qui l'emporte, elle fera que la France ne pourra plus proposer - du fait de leur rotation sur plusieurs années - de commissaires pendant plusieurs années. Qu'espérez-vous obtenir en contrepartie du sacrifice qui sera ainsi demandé à notre pays ? Je rappelle, à cet égard, que notre délégation a pris clairement position en adoptant les conclusions de notre collègue Gérard Fuchs, dans son rapport, conclusions aux termes desquelles la France ne doit renoncer « à son deuxième commissaire - il se plaçait dans l'autre perspective, celle d'une commission nombreuse - qu'en échange d'une repondération des voix plus représentative des réalités démographiques des Etats ».

Au sujet de cette nouvelle pondération des voix, justement, je voudrais savoir si la France est favorable à une augmentation générale du nombre de voix mais une augmentation proportionnellement plus forte pour les Etats les plus peuplés - ou si elle préférerait que soit adopté un système de double majorité, qui serait plus compréhen-s ible pour les citoyens et permettrait peut-être de contourner la revendication allemande d'un nombre de voix proportionnel à son poids démographique - c'est-àdire supérieur à celui des autres pays.

S'agissant de l'extension du vote à la majorité qualifiée, tout le monde semble d'accord, aujourd'hui, pour considérer qu'elle est nécessaire alors qu'elle m'inspire, personnellement, de sérieuses inquiétudes.

D'abord, s'accompagnera-t-elle du maintien de l'arrangement de Luxembourg ou non ? Personne n'a évoqué, me semble-t-il, ces jours derniers, ce compromis que b eaucoup de pays, pourtant, continuent d'invoquer souvent dans les négociations. Le Gouvernement français défend-il ce maintien ? D'autre part, si la procédure de codécision avec le Parlement européen doit accompagner à l'avenir toutes les décisions prises au Conseil à la majorité qualifiée, nous assisterons non seulement à un affaiblissement de la souveraineté de chaque nation mais aussi à un affaiblissement du Conseil lui-même parmi les institutions de l'Union.

Est-ce acceptable, alors que le Conseil est la seule instance où peuvent s'élaborer les compromis entre Etats, q ui sont indispensables au bon fonctionnement de l'Union ? Un compromis entre Etats ne risque-t-il pas d'être défait, demain, par un vote intervenant au Parlement européen, en raison d'équilibres politiques différents de ceux qui se seront dégagés au sein du Conseil ? Je suis, pour ma part, préoccupée par cette perspective.

Un mot sur le quatrième point en discussion dans le cadre de la CIG, les coopérations renforcées. Tout le monde semble aujourd'hui d'accord pour en faciliter la mise en oeuvre. Mais le Gouvernement en a-t-il analysé toutes les conséquences ? Nous allons, en effet, assister à la constitution de groupes d'Etats membres qui se rassembleront pour mener ensemble telle ou telle politique, mais qui seront, par hypothèse, différents les uns des autres. Si ces groupes d'Etats membres étaient identiques, on aurait

« le noyau dur » qu'avaient préconisé M. Lamers et M. Schable. La perspective actuellement retenue n'est pas celle-là puisqu'on envisage des groupes différenciés.

Une telle évolution ne peut que fragmenter l'Union et poser des questions sérieuses sur la composition et le fonctionnement de ses institutions.

Dans le passé, nous avons déjà rencontré ce type de questions. Ainsi, lorsque la Grande-Bretagne avait refusé de ratifier la charte des droits sociaux fondamentaux, les députés britanniques n'en continuaient pas moins de voter au Parlement européen sur les questions sociales.

C'était pourtant profondément choquant, puisque la Grande-Bretagne n'était pas partie prenante dans la mise en oeuvre de ces droits sociaux.

Depuis l'adoption de la monnaie unique,...

M. Jacques Myard.

Elle est morte !

Mme Nicole Catala.

... a été mis en place un conseil i nformel pour gérer cette politique nouvelle. C'est l'Euro 11, qui semble n'avoir donné aucun résultat satisfaisant, ou en tout cas des résultats insuffisants. C'est toujours, semble-t-il, le Conseil ECOFIN à quinze, qui mène la danse.

Cette innovation de l'Euro 11, qui me semblait répondre à une nécessité et refléter une idée juste, se révélant décevante, comment, monsieur le ministre, allezvous traduire dans le fonctionnement des institutions cette différenciation des politiques menées par plusieurs groupes d'Etats au sein de l'Union ?

Sur le projet de Charte européenne des droits fondamentaux, à propos duquel M. Lefort s'est exprimé, je réitérerai certaines des réserves que j'ai déjà formulées. Le risque de divergences entre la Convention européenne des droits de l'homme et ce projet de charte est en effet réel, à la fois sur le fond, dans la rédaction des textes et dans l'interprétation qui en sera demandée aux deux juridictions compétentes, la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg. Comment vont s'articuler les compétences de ces deux cours ? Quand un citoyen de l'Union devrat-il saisir l'une plutôt que l'autre ? Dans quels cas et sur quelles bases ? En cas de conflit d'interprétation, laquelle l'emportera ?

M. Jacques Myard.

Vous avez raison !

Mme Nicole Catala.

La question va se poser sans tarder, monsieur le ministre, dès lors que la Charte revêtira un caractère obligatoire, et peut-être même avant, puisque j'ai lu, dans les commentaires qui en ont été faits, que, avant même qu'elle ne soit intégrée au traité, les juges pourraient déduire de sa proclamation l'applicabilité de ses principes. C'est donc une question tout à fait actuelle.

Un mot enfin - je m'en tiendrai là bien qu'ayant souhaité évoquer d'autres sujets - pour donner suite à la COSAC dont la 23e session vient de se dérouler à Versailles et qui a été d'une bonne qualité, c'est en tout cas mon point de vue. Je rappelle d'abord que l'un des protocoles joints au traité d'Amsterdam, qui traite du rôle des parlements nationaux au sein de l'Union, renforce le rôle de la COSAC, dans la mesure où il prévoit notamment que celle-ci « peut examiner toute proposition ou initiative d'acte législatif en relation avec la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice et qui pourrait avoir une incidence directe sur les droits et les libertés des individus. » La réalisation de cet «

espace » va susciter, suscite déjà, la préparation de nombreux textes, même si vous nous avez dit tout à l'heure, si j'ai bien compris, que la préparation de ces textes n'était pas aussi avancée qu'on aurait pu le penser.

Je souhaiterais, pour ma part - et je l'ai dit à la COSAC -, que la France, ou, si ces textes ne sont pas prêts sous sa présidence, la Suède, soumette pour examen à la prochaine COSAC l'essentiel des textes déjà prêts, ou qui vont l'être, à propos de ce troisième pilier ou des questions concernant la justice qui ont été transférées dans le premier pilier.

Ainsi, serait entériné le fait que des délégations de parlements nationaux peuvent utilement travailler ensemble et que la COSAC a vocation véritablement à assurer leur représentation collective, que nous sommes très nombreux à souhaiter.


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Voilà, monsieur le ministre, l'essentiel des observations que je voulais formuler et des questions que je voulais poser. Mon groupe votera ce prélèvement communautaire, mais soyez assuré que nous serons vigilants et nous a ttendons beaucoup de cette présidence française.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il est vrai, mesdames, messieurs les députés, que l'exercice auquel nous sommes confrontés - M. Lefort l'a souligné, comme chaque année - est un acte quelque peu formel, mais en même temps fort important parce que nous manquons de moments de discussion au Parlement sur les questions européennes, et parce que le contrôle parlementaire doit s'exercer.

Je commencerai par répondre à la pertinente question du président de la commission des finances, à propos de laquelle il a senti que j'étais politiquement en phase avec lui, celle de la sécurité maritime. Nous sommes confrontés à un problème économique : si on ne laisse pas les pétroliers actuels s'amortir, le coût supporté par les armateurs - tel est l'argument invoqué par un certain nombre de pays au sein de l'Union européenne - sera évidemment répercuté sur le prix du pétrole transporté.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Non, il faut l'imputer sur les bénéfices !

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je ne partage pas cette opinion, je vous dis simplement comment se présente la discussion au sein du Conseil ! Tous les nouveaux pétroliers sont à double coque.

Quant aux autres, je peux vous préciser que le Premier ministre a explicitement demandé, à Biarritz, au président de la Commission, d'avancer le délai prévu de cinq ans, ce qui nous ferait gagner dix ans. Je suis d'accord avec vous, cette situation n'est pas satisfaisante. J'entends aussi votre demande d'aller plus loin. J'en parlerai à JeanClaude Gayssot, le ministre des transports, qui préside le Conseil compétent. Je crois néanmoins que nous sommes sur la voie de quelques progrès.

Comme M. Lefort et Mme Catala, M. Dominati a évoqué le problème des fraudes. C'est vrai, le vingtdeuxième rapport de la Cour des comptes européenne, relatif à l'exercice 1998, a mis en évidence un nombre toujours trop important d'irrégularités dans la gestion des crédits communautaires. Elles portent sur quelque 5 % des crédits, soit 4 milliards d'euros, et sont, dans la plupart des cas, des irrégularités de procédure administrative ou comptables, et non des fraudes. Néanmoins, nous devons corriger cette situation. Les Etats membres ont leur part de responsabilité, 80 % des dépenses étant gérées à leur niveau, mais il faut également que les institutions européennes, et en premier lieu la Commission, fassent leur part d'effort.

L'Office européen de lutte contre la fraude, l'OLAF, a été institué le 25 mai 1999. Cette création va dans le bon sens, et les réponses que nous sommes en mesure de donner, année après année, aux observations toujours aussi justes de M. Lefort, finiront par porter leurs fruits. J'espère que, sur ces questions-là, nous pourrons passer au vote à la majorité qualifiée, ce qui permettra d'avancer davantage. Peut-être demanderai-je à M. Lefort de transformer alors son carton rouge en carton jaune, ce qui est une pratique peu courante en sport, mais envisageable en politique. (Sourires.)

M. Jean-Claude Lefort.

Si je suis le seul arbitre ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Plusieurs orateurs, et M. Dominati le premier, ont fait référence au programme MEDA. On peut, en effet, nourrir des inquiétudes sur l'abandon de tel ou tel programme. La présidence française souhaite cependant arriver à une présentation équilibrée de l'effort pour les Balkans et de l'effort pour la Méditerranée, à travers une enveloppe globale que nous aimerions fixer, pour la période, à 10 milliards d'euros. Sinon, on remet en cause les perspectives financières dont on connaît l'intérêt stratégique pour notre pays.

Le niveau de coopération financière euro-méditerranéenne doit traduire l'importance que l'Union attache à la stabilité et au développement de la région, et, à cet égard, la France plaide pour que le montant de l'enveloppe pluriannuelle du prochain règlement financier MEDA II, qui doit être adopté sous notre présidence, réponde à cette nécessité.

Autrement dit, concrètement, nous savons qu'il y a un écart significatif entre les Etats membres qui proposent de fixer une enveloppe inférieure ou égale à 5 milliards d'euros, ceux qui se sentent plus loin, à tous égards, de la Méditerranée, et ceux qui souhaitent se rapprocher du chiffre indicatif de 6,7 milliards d'euros annoncé par la Commission, qui souhaite, quant à elle, qu'on crève les plafonds financiers.

Avec Hubert Védrine, nous avons plaidé, lors du dernier conseil « Affaires générales », pour qu'on se situe dans une fourchette qui soit au-dessus, en toute hypothèse, de 5,5 milliards d'euros, et qui soit aussi proche que possible de 6 milliards d'euros, donc bien au-delà de la reconduction. Nous souhaitons que cela soit acté à la réunion ministérielle de Marseille qui traitera de la Méditerranée, pour marquer notre priorité en la matière. D'ailleurs, soyons clairs, si nous ne faisions pas ça, cette réunion risquerait d'être un peu houleuse, nous en sommes conscients, et nous voulons satisfaire ces revendications.

Vous avez semblé sceptique, monsieur Domimati, sur l'esprit de Biarritz, ce qui ferait sans doute beaucoup de peine au Président de la République, qui présidait notre délégation et qui préside le conseil européen. Très sincèrement, je ne partage pas votre sentiment. Je crois que nous avons fait, dans un conseil informel, ce que nous pouvions faire et, à mon sens, je le répète, nous avons aujourd'hui un nombre de chances substantiellement accru de conclure à Nice dans de meilleures conditions.

Vous souhaitez qu'on aille vers une réflexion sur le partage des compétences, voire sur une constitution européenne. Cette réflexion n'est pas fermée. Elle s'ouvrira d'ailleurs sans doute après Nice. Restera à voir quelle en sera l'ampleur. Il y a la proposition allemande d'une nouvelle CIG sur la répartition des compétences, notamment pour faire leur place aux Lnder. On peut aussi envisager un processus constituant plus vaste. En tout cas, soyez certain que vous aurez la réponse après le conseil européen de Nice car il faudra poursuivre l'aventure européenne.

Pour le calendrier d'adhésion, comme je l'ai indiqué hier en répondant à Mme Roudy, une date existe, le 1er janvier 2003, date à laquelle l'Union européenne doit être prête à accueillir de nouveaux pays membres. A eux ensuite d'être prêts le plus tôt possible. La perspective de l'élargissement sera analysée au regard des mérites propres


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de chacune des candidatures, c'est-à-dire dans une logique de différenciation. Je crois que nous n'avons pas de raison de modifier cette attitude, qui est à la fois très ouverte et très réaliste.

Mme Béatrice Marre a critiqué l'absence de mesures et de politiques nouvelles sur le budget communautaire, mais nous sommes dans le contexte de l'examen de la loi de finances. Le budget progresse tout de même de 3,5 % en valeur et de 1,7 % en volume, quand la progression des dépenses de l'Etat, programme de stabilité budgétaire communautaire oblige, est de 0,3 %. Le budget de l'Union européenne est financé par les

Etats membres. Si l'on veut plus de dépenses communautaires - je n'y suis pas personnellement opposé, quoiqu'il faille soigneusement examiner l'efficacité de la dépense communautaire relativement à la dépense nationale -, il faudrait savoir où l'on doit faire des coupes sur le budget national. Encore une fois, c'est un problème de rationalisation des choix, comme on dit, et d'arbitrage entre les uns et les autres.

M. Ligot s'est prononcé pour une seconde chambre de l'Union européenne qui représente les Etats membres. Là aussi, il y aura peut-être une réponse après Nice. Joschka Fischer, le ministre allemand des affaires étrangères, ou Tony Blair ont tous deux proposé cette seconde chambre, mais dans un esprit quelque peu différent, l'un plus fédéraliste, l'autre sans doute moins, ce qui prouve que le projet en soi n'est pas encore fixé.

Le coût de l'élargissement, nous savons qu'il sera important, mais nous savons aussi que les premières adhésions ne sont pas pour tout de suite et qu'il y aura des périodes transitoires. Par conséquent, je crois pouvoir dire que ce sera essentiellement l'affaire du prochain paquet financier plus que de l'Agenda 2000. C'est pourquoi nous nous opposerons avec la plus grande fermeté à toute révision des perspectives financières en cours de période, dont nous ne pourrions que souffrir.

Je n'ai pas de motif particulier de répondre à M. Ligot sur la critique générale qu'il a cru devoir faire de la politique budgétaire du Gouvernement. Cela me rappelle un peu l'esprit du débat que nous avons eu hier lors des questions d'actualité sur l'Europe. Je rappelle simplement que notre budget finance nos priorités, mais avec une augmentation contenue à 0,3 %, qu'il réduit fortement les impôts et qu'il réduira notre déficit public de 1,4 % en 2000 à 1 % en 2001. Il me semble que nous n'avons de ce point de vue aucune leçon à recevoir ! Monsieur Lefort, vous m'avez demandé quelques précisions supplémentaires sur l'article 133-5. Il y a vos observations, il y a certaines déclarations qui ont pu être interprétées, il y a eu aussi des articles parus dans le Figaro économique après Biarritz laissant entendre que la Frances erait prête à accepter la majorité qualifiée à l'article 133-5, et donc à sacrifier de la sorte l'exception culturelle.

Je vais vous répondre avec la plus grande clarté.

La France s'oppose et s'opposera à l'extension du vote à la majorité qualifiée à l'article 133, paragraphe 5, relatif aux négociations commerciales dans le domaine de la propriété intellectuelle et des services.

M. Jacques Myard.

Un peu de lucidité dans un océan d'aveuglement !

M. Jean-Claude Lefort.

Tenez bon ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cette opposition repose sur une double motivation. D'abord, la France refuse l'extension des compétences communautaires par le biais des négociations commerciales qui résulteraient de la généralisation du vote à la majorité qualifiée dans ce domaine. Par ailleurs, elle souhaite le maintien de l'unanimité dans les négociations commerciales qui pourrait traiter de la culture et de l'audiovisuel. Ces sujets, bien qu'ils relèvent partiellement déjà de la compétence communautaire au plan interne, sont des questions pour lesquelles nous estimons avoir des intérêts particuliers et particulièrement importants à défendre.

C'est vrai que les négociations ne sont pas conclues et qu'elles se poursuivent. En tant que pays exerçant la présidence, nous prenons en compte les positions des uns et des autres, mais aucune solution proposée ne peut rallier l'accord de la délégation française. La délégation frança ise a demandé aux jurisconsultes de la Conférence de préciser les conséquences juridiques et institutionnelles que pourrait entraîner un passage à la majorité qualifiée en ce domaine, parce que nombre de nos partenaires ne semblent pas conscients du risque que ferait courir un transfert de compétences.

La représentation nationale peut donc être assurée de la volonté du Gouvernement de défendre les intérêts de la France sur l'ensemble des sujets examinés et sur ce dossier en particulier.

Je ne partage pas, en revanche, vos préoccupations sur la charte. Bien sûr, ce texte est un compromis. Bien sûr, il n'est pas à l'image de ce que nous pourrions souhaiter les uns ou les autres. En même temps, je crois que c'est le meilleur compromis que nous pouvions obtenir. C'est une charte qui fera date par sa méthode d'élaboration, qui a associé d'emblée les parlementaires nationaux, les parlementaires européens, la Commission et des représent ants des Etats membres. Le représentant français, M. Braibant, a joué un rôle tout à fait positif ainsi que le député François Loncle et le sénateur Hubert Haenel qui étaient présents.

Je ne crois pas que ce texte soit lapidaire. Je pense qu'il est clair, lisible et percutant, et je ne vois pas d'inconvénients à ce que, pour une fois, un texte européen soit court et compréhensible. Il est tout de même plus facile à lire que les traités et je pense que c'est un peu le rôle d'une charte.

Contrairement à ce que dit M. Myard, ce texte prend en compte l'égalité entre hommes et femmes et nous y avions particulièrement veillé.

M. Jean-Louis Idiart.

Il ne sait pas ce que c'est ! (Sourires.) M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Pour une fois, je l'ai vu défendre un texte communautaire. (Sourires.)

Cela méritait d'être souligné et je suis heureux de lui rendre cet hommage indirect.

Madame Catala, vous avez raison, nous avons une préférence nette pour l'option d'une commission resserrée.

C'est un problème d'intérêt général, ce n'est pas un problème national. Nous sommes conscients que cela représente pour nous un sacrifice puisque nous passerions en toute hypothèse de deux commissaires à un, et même, deux fois sur sept, à zéro, mais il faut voir quelle est l'alternative si nous acceptons un commissaire par Etat membre. Je prends un exemple qui, encore une fois, ne doit pas être utilisé dans un sens détourné.

Imaginons que, dans dix ou quinze ans, les Balkans rejoignent l'Union européenne, et c'est leur vocation, car leur situation va progressivement rejoindre celles des actuels pays candidats. Cela veut dire que les pays de


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l'ex-Yougoslavie auraient sept commissaires. C'est une situation aberrante, et la Commission perdrait petit à petit de sa légitimité et de son rapport avec un esprit communautaire. C'est pourquoi nous sommes prêts à faire un tel sacrifice, notamment pour montrer qu'il n'y a pas des petits Etats d'un côté, des grands Etats de l'autre.

La contrepartie c'est celle que vous appelez de vos voeux : une repondération réelle des voix au Conseil, avec une augmentation du nombre des voix, en tenant davantage compte de la situation démographique, sans pour autant envisager des décrochages avec tel ou tel autre grand Etat de l'Union européenne.

Les Italiens proposent de passer d'un écart de deux à dix voix à un écart de trois à trente-trois voix. Cela ne correspond pas encore à la situation démographique.

Entre le Luxembourg et l'Allemagne, il faudrait un écart de un à deux cents ! Le compromis de Luxembourg, je le répète inlassablement quand vous me posez la question,...

M. Jacques Myard.

Il vaut mieux le répéter ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... existe toujours.

M. François Guillaume.

On a tellement entendu de propos contradictoires sur le sujet qu'il faudrait l'inscrire dans les textes !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Oh, ça va ! Vous arrivez à la fin ! Vous n'avez même pas écouté le début du débat !

M. François Guillaume.

Aucun de vos gouvernements ne l'a évoqué ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Depuis l'origine, il n'a jamais été inscrit dans les textes,...

M. François Guillaume.

Justement ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... parce que c'est un accord sur un désaccord, qui, comme la dissuasion, est d'autant plus efficace que l'on ne s'en sert pas,...

M. François Guillaume.

A l'époque, il y avait une véritable volonté, il n'y avait pas besoin de l'inscrire dans un texte. Ce n'est plus le cas aujourd'hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... mais nous ne nous interdisons pas de l'évoquer pour préserver les intérêts supérieurs de la nation.

Personne ne peut donc dire qu'il n'existe plus ! Pour les coopérations renforcées, madame Catala, notre souci est effectivement de ne pas passer par ce biais à une Europe à deux vitesses. Je crois d'ailleurs que, si nous essayions de faire cela dans le cadre de la CIG, cela n'aboutirait qu'à crisper un certain nombre de pays qui penseraient qu'ils n'appartiennent pas au directoire, à l'avant-garde ou au noyau dur. C'est pour cela que nous privilégions l'hypothèse de la souplesse. Avec des coopérations renforcées, plutôt que l'Europe à deux vitesses, c'est plutôt une Europe à géométrie variable qui se dessinerait ainsi.

Mme Nicole Catala.

Il faut le traduire dans les institutions ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Quant à l'Euro-Douze, j'ai bien noté les voix diverses qui s'exprimaient sur ce sujet. Encore une fois, la volonté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est de renforcer son rôle et la coordination des politiques économiques.

Mme Nicole Catala.

Ma question portait sur les institutions ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Pour la charte, nous avons veillé à ce qu'il n'y ait pas de contradiction de jurisprudence entre les deux cours. C'est fondamental et cela a été pris en compte par ses rédacteurs. Il y a une volonté de travail commun entre les deux cours, et un important recoupement entre les textes.

Vous avez expliqué qu'il y aurait d'emblée une justiciabilité de la charte. Ce n'est pas le cas puisque ce texte est à ce stade une déclaration politique. Je crois en revanche qu'elle peut être une source d'inspiration pour la jurisprudence. Par ailleurs, je ne suis pas opposé, je suis même favorable à une référence à la charte dans l'article 6 du traité de l'Union, qui précise les droits fondamentaux de l'Union européenne. L'article 6 mentionne déjà aujourd'hui la convention européenne des droits de l'homme, à laquelle l'Union européenne, n'ayant pas la personnalité morale, n'a pas adhéré. Il serait tout de même paradoxal qu'un texte proclamé par les trois institutions fondamentales ne soit pas une référence pour l'Union européenne.

Enfin, sur la COSAC, j'ai bien pris note de votre position. Le problème, c'est que la prochaine conférence se tiendra sous la présidence suédoise. Nous ne pouvons donc que transmettre les desiderata à nos successeurs.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les quelques éléments de réflexion que je voulais apporter à ce débat, qui, je crois, manifeste,...

M. François Guillaume.

Beaucoup d'inquiétude ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... avec les différences que l'on connaît, un certain consentement à ce prélèvement, mais aussi à une vision de l'Europe que nous défendons pendant la présidence française dans une situation politique particulière.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard, inscrit sur l'article.

M. Jacques Myard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, mais je me dois de le rappeler en mon nom, le budget de l'Union européenne n'est pas mince, 97,1 giga-euros en crédits d'engagement. C'est beaucoup. La France y contribue pour plus de 14 milliards d'euros, 99 milliards de francs, soit 16,8 % du budget de l'Union européenne et 6,1 % des recettes de l'Etat.

Nous le savons, la France est contributeur net, ce qui doit motiver notre vigilance, puisque nous payons pour les autres. Cela peut s'expliquer, cela peut rentrer dans le cadre de la solidarité européenne, mais il n'en demeure pas moins que c'est un effort direct des contribuables français en faveur d'autres citoyens européens.

Depuis 1990, le budget de l'Union européenne a augmenté de 77 %. C'est loin d'être négligeable. Celui de cette année pourrait être qualifié de jésuitique, puisque la Commission accroît ses dépenses de 3,5 %. Votre budget, monsieur le ministre, n'augmente que de 1,5 ou 1,6 %.

Quelque part, c'est « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais » !


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C'est un lieu commun de dire qu'à côté des grandes actions, on assiste à une véritable dispersion des actions de l'Union européenne jusque dans le détail. Il y a, par exemple, des actions en faveur de la société de l'information conviviale. Voilà un projet qui mérite de remonter au niveau de l'Union européenne ! Ce matin, à la délégation pour l'Union européenne, dont je salue le travail et son président,...

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Merci.

M. Jacques Myard.

... nous avons vu qu'il existait un projet de programme de coordination des politiques nationales en matière d'exclusion sociale pour 70 millions d'euros. Non ! Je crois que ces 450 millions de francs pourraient être beaucoup mieux dépensés au niveau des acteurs qui oeuvrent quotidiennement en France et dans d'autres pays, sans qu'on ait besoin d'une coordination au niveau de l'Union européenne. Cela me paraît véritablement être un gâchis, pour ne pas dire de la gabegie.

Quant aux fonds structurels, que M. Dominati a épinglés, on entre, je crois, dans le ridicule. Des dizaines de milliards remontent jusqu'à Bruxelles pour redescendre ensuite au niveau des trottoirs dans chacun des Etats membres. Très franchement, on pourrait les utiliser au niveau national, quitte à mettre en place des protocoles financiers pour aider tel ou tel Etat. Mais pourquoi une telle lourdeur ? Des collectivités locales viennent solliciter des fonds européens pour construire un équipement sportif, ou même une piscine. Il y a vraiment une déperdition en ligne, une mauvaise utilisation de l'argent de tous les contribuables de l'Union, et il faut remettre cela à plat.

En réalité, ce projet traduit un peu l'activisme de la Commission, qui vibrionne dans tous les sens pour justifier son existence, sans compter le matraquage de sa propagande pour l'euro.

Il faudra tout de même nous dire un jour ou l'autre combien ça a coûté, parce que j'ai l'impression que, pour essayer de vendre cette monnaie qui va à l'échec, on dépense beaucoup d'argent.

Il est clair, cela a été souligné par d'autres, que la politique budgétaire de l'Union européenne reste à inventer, et je crains fort que ce budget ne lui tourne le dos.

Deux traits caractérisent aujourd'hui l'Union européenne : l'enlisement et la fuite en avant.

Depuis le 1er août 1992, date de la réforme constitutionnelle qui remonte à juin, 1 550 textes de valeur législative ont été examinés par notre délégation, et l'on note une accélération depuis douze mois. Entre le 1er octobre 1998 et le 30 septembre 1999, 129 textes de valeur législative ont été examinés, sans compter tous les autres textes moulinés au quotidien. Du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2000, 242 textes, presque le double. Alors qu'il y a quelques années venaient de Bruxelles 1 900 text es ou documents, on est passé à près de 3 000 aujourd'hui. Subsidiaritas, de profundis te clamavi, aurais-je tendance à dire !

Mme Béatrice Marre.

C'est de la cuisine ? (Sourires.)

M. Jacques Myard.

En tout cas, cela veut bien dire ce que cela veut dire, ma chère collègue, et vous m'avez compris. C'était mon objectif ! Le second thème, c'est la fuite en avant, avec cette mauvaise méthode que sera le vote à la majorité qualifiée.

Vous vous êtes aperçu, monsieur le ministre, qu'on allait s'en mordre les doigts et qu'il valait peut-être mieux avoir la possibilité de dire non, car la France est devenue minoritaire sur tous les grands thèmes de la politique européenne, et il y aura systématiquement des majorités contre nous, contre ce que pense le peuple français, que nos représentants appartiennent à une gauche plurielle ou à une droite majoritaire.

C'est encore, je regrette de le dire, la Charte des droits fondamentaux, qui est inutile et dangereuse. Nous avons à notre disposition tous les textes nécessaires et suffisants pour la défense des droits de l'homme, et qui ont leur propre dynamique. Nous avons une Cour européenne des droits de l'homme qui fonctionne bien, qui a sa jurisprudence. Il était possible de subordonner, tout simplement, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés à celle de la Cour européenne des droits de l'homme. Mais non, pour des querelles de boutique, MM. les juges de Luxembourg ont trouvé que cela ne seyait pas à leur dignité, ni à leur statut. On a donc préféré élaborer un texte qui n'est qu'un catalogue, et d'où sont d'ailleurs absents les devoirs des citoyens - on n'en fait qu'une petite mention. C'est véritablement la fuite en avant ! Tout cela est destiné à amuser la galerie et à tromper les opinions publiques. Il s'agit de leur dire : « Voyez combien on agit. » Mais, en réalité, vous ne masquerez

pas l'échec.

M. le président.

Pourriez-vous conclure, monsieur Myard ?

M. Jacques Myard.

J'en termine, monsieur le président, mais ce n'est pas tous les jours qu'on peut s'exprimer sur l'Europe dans cet hémicycle !

M. le président.

Soit, mais vous disposez de cinq minutes, pas plus !

M. Jacques Myard.

Tout à fait, monsieur le président.

Je crains fort que cette Union européenne ne soit une véritable ligne Maginot, un alibi à l'inaction des Etats.

Plus exactement, on lui refile ce que les Etats ne veulent pas faire. En vérité, le temps de la refondation va venir.

Une refondation impérative, qui se fera autour de l'essentiel. Car nous avons besoin de l'échelon européen, j'en conviens : pour la sécurité collective, pour quelques politiques communes. Tout le reste doit redescendre vers les

Etats. Ce temps viendra. Il viendra avec l'élargissement, monsieur le ministre, vous le savez. Et cette refondation sera d'autant plus facile qu'on aura maintenu l'Europe dans les limites de ce qui lui est essentiel et qu'on aura fait redescendre à l'échelon des Etats tout ce qui n'aurait jamais dû remonter à Bruxelles.

Ce temps viendra, je vous rassure, avec l'échec programmé de l'euro, cette monnaie artificielle, je dis bien artificielle. Et vous apprendrez alors à vos dépens que, du Capitole à la roche tarpéienne, il n'y a que quelques marches !

M. François Guillaume.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Attention en descendant !

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Mitterrand.

M. Gilbert Mitterrand.

Monsieur le ministre, je saisis l'occasion de cette discussion sur l'article 28 pour vous poser une question, ou du moins formuler une demande d'information, et surtout pour vous faire part d'une inquiétude - fondée ou non, nous n'en savons trop rien sur les nouvelles modalités des attributions des fonds structurels européens, objectif 3.

Il semblerait en effet que de nouvelles modalités soient programmées, puisqu'il n'y aurait plus de procédure d'appel d'offres et de préaffectation aux conseils régionaux.

Ce qui veut dire que ces fonds seront attribués - ou sup-


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primés ? - selon des modalités dont nous n'avons strictement aucune connaissance, alors que nous sommes au m ois d'octobre et que cela concerne les budgets pour 2001. Je rappelle que la modification a une importance réelle pour beaucoup d'entre nous, parce que ces fonds concernent très directement les missions locales d'insertion sociale et professionnelle des jeunes. En particulier, l'objectif 3, axe 2, mesure 10, concerne l'accueil et l'orientation des jeunes à la recherche d'un emploi. Or nos missions locales sont aujourd'hui dans le flou le plus total. Tout ce qu'elles savent, c'est qu'elles ne bénéficieront peut-être d'aucune disposition, ni de celle qui serait supprimée, ni d'une autre. Il y a là une inquiétude forte sur laquelle je vous alerte, et sur laquelle je vous demande des informations. Si je prends l'exemple de la mission locale que je connais bien, celle qui se trouve dans ma circonscription, les sommes en jeu s'élèveraient à près de 20 % de son budget. Il est évident qu'aucune mission locale ne résisterait à un tel traitement.

Pourrions-nous avoir des informations précises, si ce n'est dès ce soir, du moins d'ici à quelques jours, car le sujet est un peu technique ? Mais l'enjeu, lui, dépasse la technique : c'est un enjeu politique, aussi bien pour le Gouvernement, qui veut favoriser l'emploi des jeunes, q ue pour les élus qui soutiennent cette politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur Mitterrand, je suis tout à fait conscient du caractère sérieux du problème et de l'importance de l'enjeu. En effet, contrairement à M. Myard, je suis absolument persuadé que la politique européenne, au plus près du terrain, peut lutter contre l'exclusion et est un élément de cohésion tout à fait important pour nos régions.

Je n'ai malheureusement pas la réponse à la question que vous posez, en tout cas pas ici et pas maintenant.

Mais soyez certain que je vous transmettrai le plus rapidement possible et, je l'espère, dans les prochaines heures, les éléments de réponse à votre question. Et surtout, nous tâcherons de trouver des solutions si les problèmes soulevés prennent l'ampleur que vous redoutez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Après l'article 2 (suite)

M. le président.

Nous en revenons à l'examen des a mendements portant article additionnel après l'article 12.

M. Terrasse, Mme Guinchard-Kunstler et Mme Bricq ont présenté un amendement, no 338, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts, les mots : "de long séjour ou une section de cure médicale", sont remplacés par les mots : "habilité à recevoir des personnes âgées dépendantes."

« II. La perte de cette recette éventuelle pour l'Etat est compensée par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs prévu par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Louis Idiart.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, je défends cet amendement au nom de mes collègues M. Terrasse, Mme GuinchardKunstler et Mme Bricq.

Depuis 1997, les établissements d'hébergement pour personnes âgées ne peuvent plus obtenir d'autorisation de création de section de cure médicale.

La nouvelle réglementation en matière de tarification au sein des établissements qui accueillent des personnes âgées dépendantes a créé une nouvelle situation, qui pénalise doublement les personnes âgées. En effet, elles doivent, d'une part, prendre en charge des frais de séjour plus élevés, compte tenu de l'absence de financement de l'assurance-maladie accordé aux établissements pour la section cure médicale, d'autre part, elles ne peuvent bénéficier d'une réduction d'impôts.

Cet amendement vise donc à faire bénéficier toute personne âgée dépendante des dispositifs contenus dans l'article 199 quindecies du code général des impôts.

Aujourd'hui, seules les personnes âgées en établissement disposant de cure médicale en bénéficient.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a accepté cet amendement, considérant qu'il y avait là un vrai problème, puisqu'il y a eu une modification de la réglementation tarifaire des établissements en question.

Une adaptation législative nous apparaît donc tout à fait nécessaire.

Nous avons aussi exprimé un avis favorable pour provoquer un débat avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat.

Car si nous avons le sentiment que cette proposition peut ne pas être obligatoirement satisfaisante dans l'immédiat, nous souhaitons que des engagements soient pris pour remédier à cette situation, qui résulte d'une modification de la réglementation et qui concerne beaucoup de personnes dépendantes. Nous attendons de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, des engagements précis pour que ce problème puisse trouver une réponse adaptée.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 338.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement est très conscient qu'il s'agit là d'un problème important. Il vous remercie de le soulever.

Il faut reconsidérer les critères sur lesquels repose actuellement l'attribution de la réduction d'impôts accordée aux personnes hébergées en établissement. Toutefois - et l'on appréciera les nuances que je vais maintenant avancer -, en raison des aspects divers et complexes de cette question, qui ne peuvent pas être traités en dehors du contexte des nouvelles dispositions sociales relatives à la tarification de l'hébergement en établissement et à l'aide à la dépendance - qui doivent faire prochainement l'objet d'un débat devant le Parlement -, je vous propose de repousser l'adoption d'un texte de ce type à la discussion de la loi de finances rectificative pour 2000. Le texte est quasiment prêt, et nous prenons l'engagement qu'il s'agira bien d'une discussion de fond, qui répondra aux préoccupations qui sont les vôtres, notamment sur la question de la nature des dépenses susceptibles d'être prises en compte. Nous prendrons également en compte l'attention que l'on doit porter à la période de transition au cours de laquelle coexisteront des établissements disposant d'une section de cure médicale et ceux au sein desquels cette structure aura été supprimée, conformément à la loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Car j'observe que la rédaction de cet amendement conduit à supprimer la réduction d'impôts pour les personnes qui demeurent hébergées en établissement « de long séjour ou en section de cure médicale ». Vous concluez donc vous-même, monsieur le député, à la complexité d'une question qui ne peut pas être résolue par le seul biais d'un amendement, aussi bien rédigé soit-il, mais qui, malgré tout, simplifie les données. Réfléchissons-y, avançons dans l'approfondissement du problème. Nous serons tout à fait prêts, après une nouvelle concertation avec vous, pour le collectif budgétaire de fin d'année. Et nous traduirons alors dans le droit la réalité d'une préoccupation que le Gouvernement partage avec la commission des finances.

Je vous propose donc de retirer cet amendement, ayant eu les assurances que nous y reviendrons très prochainement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends note de l'ouverture de ce dialogue, et du fait que nous aborderons ce sujet dès la prochaine loi de finances rectificative. Dans ces conditions, au nom de mes collègues, je retire cet amendement.

Mme Béatrice Marre.

Très bien, c'est sage !

M. le président.

L'amendement no 338 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L es deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement no 75 est présenté par M. Auberger et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République ; l'amendement no 478 par MM. Mattei, Debré, Douste-Blazy et les membres du groupe Démocratie libérale, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans la première phrase du troisième alinéa du 1o de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la somme "45 000 francs" est remplacée par la somme "90 000 francs". »

« II. La perte des recettes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 309, présenté par M. Carrez, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans la première phrase du troisième alinéa du 1o de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la somme : "45 000 francs" est remplacée par la somme : "90 000 francs". »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no

75.

M. Philippe Auberger.

L'objet de cet amendement est directement relié au problème dont nous venons de parler à l'occasion de l'amendement précédent. Et ces sujets sont récurrents : année après année, le Gouvernement s'efforce de ne pas les traiter. Il nous renvoie de nouveau, si j'ai bien compris, à un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, mais ce texte était annoncé depuis déjà six mois et il n'est toujours pas venu à l'Assemblée. Quant à la réforme de la dépendance, on avait dit que Mme Aubry ne quitterait pas son ministère sans l'avoir mise en place. Elle vient de quitter son ministère hier matin et ce problème n'est toujours pas résolu.

Dans l'attente de solutions très hypothétiques, et puisque les promesses n'engagent naturellement que ceux qui les reçoivent, comme toujours,...

M. Jean-Louis Idiart.

Vous parlez d'expérience !

M. Philippe Auberger.

... voici au moins une proposition concrète. Un certain nombre de familles, ne pouvant pas supporter les frais de séjour dans des maisons de long séjour, gardent la personne âgée chez elles. Naturellement, cela entraîne des frais importants et c'est pour cela qu'il est urgent de revoir le plafond de la réduction d'impôts prévue pour l'emploi à domicile, pour le porter de 45 000 à 90 000 francs. Tel est l'objet de l'amendement no 75, amendement qui est d'une telle qualité, la modestie de son auteur dût-elle en souffrir (Sourires), qu'il a été repris par l'ensemble des groupes de l'opposition, signataires de l'amendement no 478, qui se trouve par là même, monsieur le président, défendu.

M. le président.

Puis-je considérer que l'amendement no 309 est également défendu, monsieur Carrez ?

M. Gilles Carrez.

A ce que vient de dire notre collègue Philippe Auberger, je souhaite ajouter que le dispositif proposé, qui a été en vigueur jusqu'en 1997, a permis de faciliter des créations d'emplois en nombre important. Or depuis, jamais nous n'avons pu obtenir du Gouvernement les moindres chiffres qui nous permettraient de savoir dans quelle mesure la réduction du plafond de 90 000 à 45 000 francs avait pesé sur le maintien d'emplois à domicile. Je souhaiterias donc que le Gouvernement nous fournisse enfin quelques éléments d'appréciation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission y est résolument hostile. J'ajoute que je ne trouve pas convenable de considérer qu'ils puissent régler le problème soulevé par l'amendement précédent. Seules 0,25 % des familles sont concernées par la mesure que nous proposent nos collègues, puisque, lorsque nous avons réduit le plafond de 90 000 à 45 000 francs, cela n'intéressait que 69 000 contribuables. Comme je le disais ce matin, il y a une grande différence entre l'incitation - qui résultait du dispositif mis en place par Martine Aubry - et le privilège fiscal, celui établi par Nicolas Sarkozy, lequel n'avait d'ailleurs pas caché qu'il y avait là un moyen d'alléger l'impôt sur le revenu des tranches supérieures. Cela, nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi, je le répète, il n'y a pas de lien entre ce problème et le précédent.

L'année dernière, nous avons décidé de maintenir le plafond à 90 000 francs dans un seul cas, celui des contribuables invalides ou ayant à charge une personne invalide, car nous avons estimé que leur situation méritait d'être prise en considération. Mais je veux rappeler la ferme hostilité de la commission des finances à ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le rapporteur général s'est excellemment exprimé et l'opinion de la commission des finances rejoint tout à fait celle du Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Actuellement, les dépenses supportées pour l'emploi d'un salarié à domicile ouvrent droit à une réduction d'impôt de 50 % dans la limite de 45 000 francs. Vous souhaitez porter ce plafond à 90 000 francs, le double.

M. Gilles Carrez.

C'était le cas auparavant !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pourquoi avonsnous inscrit, dans une loi de finances antérieure, cette disposition : 50 %, et 45 000 francs ? D'abord, pour un objectif emploi, qui nous est apparu essentiel. Il y a une réserve d'emplois importante, qui d'ailleurs s'est traduite par plusieurs dizaines de milliers de créations d'emplois, comme le montrent les statistiques du ministère du travail. Et vous pouvez d'ailleurs, puisque vous posiez la question tout à l'heure, monsieur Carrez, vous référer à ces statistiques.

Le deuxième objectif était de poursuivre dans la voie d'une politique fiscale visant à éviter de procurer des avantages indus à des contribuables qui sont dotés de moyens suffisants, c'est-à-dire aux contribuables les plus aisés.

Votre amendement change complètement la logique de cette disposition pour l'étendre, à mon avis de manière tout à fait incorrecte - je rejoins ce qu'a dit le rapporteur général -, et il ignore que les personnes lourdement handicapées bénéficient déjà du plafond de 90 000 francs, après, je crois, l'adoption d'un amendement de la commission des finances à la dernière loi de finances.

Donc, je suis vraiment au regret de vous demander de retirer cet amendement, qui ne me paraît pas vraiment adapté aux objectifs d'une loi de finances de justice fiscale. Sinon, je demanderai à l'Assemblée nationale de le repousser.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Que nos collègues de l'opposition, qui ne sont jamais d'accord entre eux, se mettent d'accord sur cet amendement, voilà qui est très significatif. Car cet amendement à un sens très symbolique. De quoi s'agit-il ? De faire payer par toute la communauté nationale le personnel de maison des bourgeois. C'est quelque chose qui est tout à fait inacceptable. Qui paie cet avantage ? La retraitée modeste, qui va acheter sa baguette de pain, les quelques centimes qui sont prélevés sur le pain au titre de la TVA servent à financer des privilèges que rien ne justifie !

M. Jean-Jacques Jégou.

Oh, pas de misérabilisme !

M. Gilles Carrez.

Le disque est maintenant usé !

M. Philippe Auberger.

D'ailleurs, M. Brard ne sait même pas le prix de la baguette de pain !

M. Jean-Louis Dumont.

Charles-Amédée, c'est de la brioche qu'il achète, pas du pain !

M. Jean-Pierre Brard.

Evidemment, vous ne le présentez pas comme ça, ce serait trop voyant ! Il est au demeurant assez naturel que ce soit Nicolas Sarkozy, quand il était secrétaire d'Etat au budget - une époque heureusement révolue - qui ait fait voter cette mesure. Il suffit d'aller à Neuilly pour voir que nous ne vivons pas dans le même monde que ces gens-là.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 75 et 478.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 309.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Bocquet, Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 479, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le 2 de l'article 200 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter de l'imposition des revenus au titre de 2000, les gains nets obtenus dans les conditions prévues aux articles 92 B à 92 F du code général des impôts sont imposés à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et aux salaires. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Nous nous tenons à l'autre bout de la chaîne, si j'ose dire, avec l'amendement que je vous propose maintenant.

M. Jean-Pierre Brard.

Du côté de la morale !

M. Christian Cuvilliez.

Tout à fait ! Cet amendement participe en effet de la nécessité de réduire les avantages fiscaux accordés aux revenus financiers.

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà !

M. Christian Cuvilliez.

Les plus-values sur les gains de cessions de valeurs mobilières et assimilées sont aujourd'hui soumises au taux de 16 %, auquel il faut ajouter, bien sûr, 10 % de prélèvements sociaux, soit un total de 26 %. Nous sommes loin, très loin, du taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu, fixé pour le moment à 54 % ! Or il s'agit de revenus issus directement de la spéculation boursière. La progression de plus de 50 % de la Bourse de Paris l'an dernier a abouti à un transfert de richesses de plus de 500 milliards de francs en faveur des rentiers des temps modernes, avec des exigences de retour sur investissement pouvant atteindre 10 à 15 % - en cas de taux inférieurs, on va voir ailleurs... et même au-delà ! (Rires.)

Mais cela a un coût social : cette espèce de frénésie vers les placements à risque - mais les risques sont « positivés » à chaque fois -, cette spéculation boursière s'accompagne de restructurations industrielles et de réductions d'effectifs.

Cette spéculation boursière a aussi un coût fiscal : le fascicule des voies et moyens annexé à la loi de finances de 2000 estimait la dépense à 20 milliards de francs pour 2000 contre, 18 milliards en 1999 et 14,4 milliards en 1998. Cela dit, le chiffre de 2000 est révisé à la baisse, puisque, selon le fascicule des voies et moyens annexé à la présente loi de finances, le dispositif n'aurait coûté l'année dernière « que » 14,4 milliards. Nous aimerions obtenir quelques précisions sur ces estimations, car, de toute façon, la dépense fiscale est considérable.

En 1996, ces plus-values représentaient environ 15 % du revenu imposable des contribuables dont les revenus sont supérieurs à 500 000 francs, les mêmes qui sont épargnés par l'IRPP. Le quart d'entre eux, c'est-à-dire 54 000 personnes, détenaient à eux seuls 42,6 % de ces plus-values.

Les contribuables les plus fortunés ont largement recours à ce dispositif pour échapper à l'impôt sur le revenu et aux 54 %. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Alors, réduisons cet avantage exorbitant et nous aurons les moyens de répondre aux revendications - bien modestes, par ailleurs - des contribuables impécunieux quant au foncier bâti ou à celles d'autres personnes en difficulté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous n'avez donc pas fait suffisamment de bêtises la nuit dernière ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas suivi le raisonnement de notre collègue, tout en étant sensible à la nécessité de procéder à un rééq uilibrage entre la fiscalité reposant sur les revenus du travail et celle reposant sur les revenus du capital.

Cela dit, je ferai remarquer à notre collègue que la France ne fait pas partie des pays européens qui taxent le moins les plus-values de cessions. Je lui ferai également observer que la plus-value potentielle est taxée au titre de l'ISF, lequel devrait rapporter en 2001 de l'ordre de 16 milliards de francs. Du reste, depuis quelques années, nous connaissons une augmentation de près de 50 % du produit de l'ISF.

M. Dominique Baert.

C'est vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela traduit notre volonté de prendre en partie en compte les préoccupations de nos collègues communistes mais également d'en rester à l'équilibre actuel. C'est pourquoi je propose le rejet de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le rapporteur général a parlé de rééquilibrage entre les revenus du travail et ceux du capital. Eh bien, c'est ce qui a été réalisé.

Pour illustrer mon propos, je citerai deux exemples : premièrement, le seuil d'exonération des cessions de valeurs mobilières a été abaissé à 50 000 francs à compter du 1er janvier 1998 ; deuxièmement, les prélèvements sociaux auxquels sont soumis ces gains ont été augmentés depuis les dernières lois de finances.

Aujourd'hui, monsieur Cuvilliez, les plus-values de cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les personnes physiques sont soumises à un prélèvement de 16 %, comme l'ensemble des plus-values, auquels'ajoute un prélèvement social de 10 %, soit au total 26 %. Ce taux de 26 % est certes inférieur au taux le plus élevé du barème de l'impôt sur le revenu - et vous avez raison sur ce point -, mais il est très nettement supérieur au taux moyen d'imposition payé par l'immense majorité des Français. Cette comparaison s'impose car c'est la seule qui vaille.

L'an prochain, les taux moyens d'imposition figureront sur les avertissements adressés aux redevables de l'impôt sur le revenu, afin que l'on puisse enfin comparer ce qui est comparable et que l'on cesse de prétendre que quelqu'un peut payer sur son revenu 54 % d'impôt. Le taux de 54 % est le taux marginal supérieur et le taux moyen est en général très inférieur.

J'ajoute que la taxation à un taux proportionnel des plus-values sur valeurs mobilières permet de prendre en compte de manière forfaitaire l'augmentation nominale de la plus-value. Passer à une taxation reposant sur le barême progressif de l'impôt sur le revenu conduirait à distinguer les plus-values à court terme des plus-values à long terme et à instaurer pour les dernières un mécanisme de correction de l'augmentation de la valeur nominale de la plus-value, comme c'est le cas pour l'immobilier.

Il faut donc s'opposer à cet amendement. D'autant que différentes mesures de la présente loi de finances et les orientations suivies au cours de ces dernières années par le Gouvernement sont de nature à donner satisfaction à

M. Cuvilliez.

M. Jean-Jacques Jégou.

Le plat de lentilles déborde ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Je vous la donne, monsieur de Courson, mais soyez bref.

M. Charles de Courson.

Quelle majorité ! Nous avons là un parti communiste farouchement anti-européen ! Au demeurant, j'estime que le rapporteur général et le secrétaire d'Etat auraient pu aller un peu plus loin dans leur démonstration.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est de Courson fossile ! Il ne lit plus les journaux depuis des années !

M. Charles de Courson.

Pendant que le Gouvernement, que les communistes sont censés soutenir, négocie à Bruxelles pour tenter d'obtenir un taux de prélèvement forfaitaire qui n'excédera sans doute pas 15 %, des membres éminents de la majorité plurielle, en l'occurrence des membres du groupe communiste, « castagnent »...

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle vulgarité !

M. Charles de Courson.

... le Gouvernement et lui expliquent qu'il faut soumettre les plus-values au barème de l'impôt sur le revenu, de façon à être bien sûr que l'on ne puisse plus en réaliser en France !

M. Jean-Jacques Jégou.

Voilà !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, vous êtes remarquables ! Eh bien, nous, au sein de l'opposition, nous sommes unis (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) ...

M. Jean-Louis Idiart.

Oh, c'est beau !

M. Jean-Pierre Brard.

Parlez-en à Madelin et à Tiberi !

M. Charles de Courson.

... sur ces différents problèmes. Je constate une nouvelle fois que dans la majorité plurielle, c'est la cacophonie !

M. Jean-Louis Idiart.

Mais pas du tout !

M. Charles de Courson.

Hier soir, n'a-t-il pas fallu que l'opposition s'abstienne...

M. Jean-Louis Idiart.

Oh, c'est faux !

M. Charles de Courson.

... pour rendre possible une petite baisse de l'impôt sur le revenu ? Ah, elle est belle la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 479.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Carrez, et les membres du groupe du Rassemblement pour la République ont présenté un amendement, no 308, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'article 234 nonies du code général des impôts est supprimé.

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Il s'agit de poursuivre dans la voie où s'est engagé le Gouvernement en supprimant le droit de bail prélevé sur les locataires. Il est proposé de supprimer la taxe additionnelle au droit de bail, également de 2,5 % mais qui, elle, est payée par le propriétaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Pourquoi est-il indispensable de procéder à cette suppression ? Tout simplement parce que l'on observe, en particulier dans les communes de l'Ile-de-France, une augmentation du nombre des logements vacants. Et quand on s'interroge sur les raisons de ces vacances, alors que le nombre des demandeurs de logement est élevé, on s'aperçoit que beaucoup de petits propriétaires - des personnes modestes ou des personnes âgées - ayant un petit appartement, voire un petit pavillon qu'ils pourraient donner en location - ne le font pas tant le statut de propriétaire est devenu dissuasif à cause de la fiscalité et difficile à cause des rapports avec les locataires.

Nous nous retrouvons dans une situation pénible car, vous le savez, la construction de logements sociaux s'est l ittéralement effondrée dans notre pays : à peine 20 000 constructions cette année, voire 30 000 dans le meilleur des cas. Jamais depuis des décennies le nombre des logements sociaux construits n'aura été aussi bas. Or si, dans des zones où sévit une pénurie de logements, comme c'est le cas dans l'agglomération parisienne, nous ne faisons pas appel à l'offre de logements privés émanant en particulier des petits propriétaires, nous n'arriverons pas à faire face aux demandes de logements.

Notre amendement s'inscrit donc dans la ligne de l'action conduite par le Gouvernement. Il permettrait, d'une part, d'améliorer le statut fiscal des propriétaires, en particulier des petits propriétaires, d'autre part, d'élargir l'offre de logements.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement a été déposé et rejeté à plusieurs reprises l'année de rnière, tant lors de la discussion du projet de loi de finances que lors de celle du collectif. Chaque fois, nous avons considéré que les locataires et les bailleurs se trouvaient dans des situations suffisamment différentes pour qu'il soit légitime de maintenir une imposition spécifique à l'égard des seconds.

Du reste, la question de la suppression de la contribution sur les revenus de la location relève moins d'une comparaison des situations respectives des bailleurs et des locataires que d'une recherche des moyens les plus efficaces pour diminuer les prélèvements obligatoires. Et on peut douter que la suppression de la contribution sur les revenus de la location puisse figurer parmi les leviers les plus efficaces dans la stratégie de diminution des prélèvements obligatoires. La perte de recettes consentie par l'Etat dans un tel cas serait mieux utilisée pour alléger un impôt de portée plus générale.

J'observe d'ailleurs que les propriétaires bailleurs bénéficient, comme les autres contribuables, des mesures d'allégement du barème de l'impôt sur le revenu. Pour cette raison, la commission demande à l'Assemblée de rejeter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Même avis que la commission.

M. Gilles Carrez.

Puis-je ajouter un mot, monsieur le

président

?

M. le président.

Monsieur Carrez, il n'y a pas de raison pour qu'on puisse défendre un amendement deux fois.

Voilà plus de quarante-huit heures que nous débattons du projet de loi de finances pour 2001...

M. Michel Bouvard.

Comment quarante-huit heures ?

M. le président.

Vingt-quatre heures si vous préférez, monsieur Bouvard ! En tout cas, sur les 435 amendements déposés, l'Assemblée n'en a examiné que 72, soit moins d'un sixième, et n'a voté que deux articles sur vingt-neuf !

M. Jean-Pierre Brard.

Bref, nous serons encore là dimanche matin ? (Sourires.)

M. le président.

Vous êtes optimiste, monsieur Brard ! (Soutires.) A ce rythme-là, nous terminerons dans la nuit de dimanche à lundi. Je vous propose donc d'accélérer un peu le rythme !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'est pas sûr que les transactions au sein de la majorité plurielle nous fassent gagner du temps !

M. le président.

Cela dit, vous avez la parole, monsieur Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

La réponse du rapporteur général ne me satisfait absolument pas. Il me dit qu'il n'est pas question de baisser les prélèvements obligatoires au bénéfice des propriétaires, alors que j'ai présenté l'amendement no 308 uniquement pour accroître l'offre de logements, en particulier dans les agglomérations où elle est insuffisante. Ce n'est absolument pas dans l'esprit de faire diminuer les prélèvements obligatoires au profit des propriétaires.

Par conséquent, la réponse du rapporteur général a une tonalité quasi idéologique. Au demeurant, je ne vois pas pourquoi le petit propriétaire n'aurait pas le droit, lui aussi, de bénéficier d'une baisse d'impôt comme cela a été le cas pour le locataire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 308.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Les deux amendements, nos 2 et 482, pouvaient être soumis à une discussion commune mais le second n'est pas défendu.

L'amendement no 2 est présenté par MM. Charles, Rebillard et Rigal, et il est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 244 sexdecies du code général des impôts est inséré un article 244 septdecies ainsi rédigé :

« Art. 244 septdecies. Les entreprises soumises à un régime réel d'imposition dans la catégorie des b énéfices industriels et commerciaux peuvent déduire chaque année de leur bénéfice une somme plafonnée soit à 15 000 francs, soit à 35 % de ce bénéfice dans la limite de 52 500 francs. Ce plafond est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise entre 150 000 francs et 500 000 francs.

« Cette déduction doit être utilisée dans les cinq années qui suivent celle de sa réalisation pour l'acquisition et la création d'immobilisations amortissables strictement nécessaires à l'activité.

« Lorsque la déduction est utilisée à l'acquisition ou la création d'immobilisations amortissables, la base d'amortissement de celles-ci doit être réduite à due concurrence.

« Lorsqu'elle n'est pas utilisée conformément à son objet, la déduction est rapportée aux résultats de l a cinquième année suivant sa réalisation. Sur demande de l'entreprise, elle peut être rapportée en tout ou partie au résultat d'un exercice antérieur lorsque ce résultat est inférieur d'au moins 20 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents.

Pour le calcul de cette moyenne, il n'est pas tenu compte des reports déficitaires. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

« II. Les dispositions du I sont applicables pour l'imposition des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2001.

« III. La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Vous défendez l'amendement no 2 monsieur Jégou ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est défendu, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 2 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Les amendements nos 144 et 143 de M. Cochet et de quelques uns de ses amis ne sont pas défendus. (Sourires.)

MM. Cuvilliez, Bocquet, Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 444, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Les dispositions des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997 (loi no 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.

« II. Dans le premier alinéa de l'article 199 decies B du code général des impôts, le taux : "15 %", est remplacé par le taux : "10 %". »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Cet amendement va permettre de mesurer encore une fois le niveau de réactivité de l'opposition...

M. Philippe Auberger.

Vous n'êtes pas là pour ça ! Vous êtes ici pour défendre l'honneur de la France, non pour attaquer l'opposition !

M. Christian Cuvilliez.

... face à des mesures proposées pour améliorer la situation des catégories sociales les plus défavorisées.

Cet amendement concerne les retraités et tend à rétablir le plafond de l'abattement de 10 % sur le montant des pensions et retraites, dispositif dont la portée avait été réduite par la réforme Juppé.

M. Charles de Courson.

Non, par vous !

M. Christian Cuvilliez.

L'opposition est donc pleinement interpellée ! Fort heureusement, une disposition de la loi de finances de l'année dernière a stoppé le processus de baisse progressive du plafond à 20 000 francs. A l'époque, le Gouvernement avait présenté cette mesure comme une solution équilibrée.

Le fait que ce projet de loi de finances propose des réductions importantes d'impôt, y compris pour les contribuables les plus riches, nous amène à revenir sur le sujet. Les pensionnés retraités ont droit, eux aussi, à bénéficier des fruits de la croissance. Un premier geste, important et apprécié, a été l'annonce d'une augmentation de 2,2 % des retraites, les plus petites pensions bénéficiant en outre de la suppression de la contribution au remboursement de la dette sociale. Nous pensons que l'aménagement de l'impôt doit aussi profiter aux retraités.

La disposition que nous proposons revient en fait à solder définitivement la réforme Juppé sur ce point. Les arguments qui plaident pour cette mesure ont déjà été évoqués. Permettez-moi seulement de considérer que les pensions et les retraites qui bénéficient de l'abattement de 10 % sont et demeurent représentatives de cotisations versées par les salariés, notamment par les retraités au cours de leur vie professionnelle, tout en sachant bien d'ailleurs que ceux qui sont concernés par notre amendement ne sont pas ceux qui sont touchés par la loi Balladur de 1993 qui allonge les temps de cotisation et qui vise à diminuer le montant des pensions en les liant à des périodes de référence plus longues.

Il s'agit d'une mesure de justice. En effet les retraités ont le sentiment que l'évolution de leur pouvoir d'achat s'écarte de l'évolution générale, qui, comme je l'ai dit hier dans mon intervention, se caractérise par une augmentation : augmentation de la masse salariale globale, augmentation du pouvoir d'achat général avec des progressions différentes selon que l'on est un nouvel accédant à l'emploi, que l'on retrouve un emploi, que l'on occupe un emploi depuis longtemps ou que l'on est un retraité définitif. Nous proposons qu'un geste supplémentaire soit fait en faveur de ces derniers et qu'ils puissent retrouver la situation qui était la leur avant la mesure Juppé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas suivi le raisonnement de M. Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Pourtant, il est logique !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il faut savoir que cet abattement spécifique avait été créé par la loi de finances de 1978, non pour prendre en compte les frais professionnels, puisqu'il n'y en a pas à proprement parler, mais pour tenir compte à l'époque du faible niveau des retraites. J'ajoute que la très grande majorité des foyers de retraités n'atteint pas l'actuel plafond de 20 400 francs, qui correspond à un revenu de 17 000 francs nets mensuels.

Par ailleurs, et M. Cuvilliez l'a rappelé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une revalorisation de 2,2 % pour toutes les retraites, soit une revalorisation supérieure au 1,7 obligatoire, laquelle sera portée à 2,7 % pour les retraités non imposables par la suppression de la CRDS.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je rejoins point pour point l'explication de M. le rapporteur général. Je demande au groupe communiste de bien vouloir retirer l'amendement.

M. le président.

M. Cuvilliez, retirez-vous votre amendement ?

M. Christian Cuvilliez.

Non, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur Cuvilliez, ce que vous avez dit de la réforme Juppé est inacceptable. En fait, cette réforme visait à élargir l'assiette et à réduire les taux. Globalement, elle bénéficiait à tous, y compris aux retraités.

M. Philippe Auberger.

C'est trop compliqué pour M. Cuvilliez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

M. Charles de Courson.

C'est le gouvernement que vous avez soutenu, avec vos amis qui, en interrompant la réforme Juppé sur tous les points mais en poursuivant la suppression des 10 %, l'a rendue totalement incohérente.

A tel point que, au bout de deux ans, face aux hurlements de l'opposition et des retraités, il a fallu interrompre le mouvement.

Alors, monsieur Cuvilliez, prenez-vous en à ceux qui ont interrompu la réforme Juppé pour proposer, trois ans plus tard, dans la loi de finances pour 2001, une baisse insuffisante et pas homogène, parce que non proportionnelle, des taux de l'impôt. L'origine de vos maux est là et non dans la réforme Juppé !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas la peine de lui expliquer, M. Cuvilliez ne peut pas comprendre !

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, chacun écrit l'histoire à sa façon.

M. Philippe Auberger.

Vous l'écrivez, en effet, à votre façon !

M. Christian Cuvilliez.

Nous proposons de réparer une injustice dont les retraités ont été victimes. Qu'elles qu'aient pu être les péripéties qu'il a connues en 1998 ou 1999, et bien que l'année dernière il ait été momentanément stoppé, nous souhaitons arrêter définitivement le processus. Je maintiens donc mon amendement. Qu'au moins, ce soit l'occasion d'une réflexion.

M. de Courson nous a aggressés sur la cacophonie qui régnait dans la majorité plurielle à propos de décisions européennes. Mais l'Europe doit-elle fixer le taux des retraites comme elle fixe le taux des prélèvements sur les valeurs ajoutées de la bourse ? Voilà ce qu'il faut mettre en balance, monsieur de Courson.

Si vous aviez été présent tout à l'heure, monsieur de Courson, vous auriez entendu tous les orateurs, y compris ceux de l'opposition, protester contre les mesures qui sont décidées actuellement dans le cadre de notre contribution au budget de l'Union européenne. Et les contestations qui se sont élevées, y compris sur vos bancs, portaient notamment sur les mesures anti sociales, ou socialement plus floues que claires, proposées par les commissaires européens et par ceux qui dirigent l'Europe à Bruxelles.

M. Charles de Courson.

Pas à l'UDF ! Nous sommes des « euro-optimistes ».

M. Christian Cuvilliez.

Pour conclure, je propose d'optimiser le rattrapage des pensions et retraites, en plus des 2,2 % et du remboursement de la dette sociale dont bénéficieront les plus faibles d'entre eux, et de revenir à la situation qui prévalait avant la réforme Juppé.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Jégou et M. Méhaignerie ont présenté un amendement no 91, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. A compter des revenus perçus au 1er janvier 2000, les personnes vivant en concubinage notoire et ayant au moins un enfant à charge, des exe différent, souhaitant faire une déclaration commune de leurs revenus doivent, au préalable, avoir fourni pendant deux années consécutives, une attestation de concubinage. Chaque année suivant les deux années susvisées, elles feront une déclaration c ommune, accompagnée d'une attestation renouvelée.

« II. Dès lors qu'ils font une déclaration fiscale commune, les concubins sont solidairement responsables du paiement de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation.

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

La législation évolue, la société aussi. Nous voulons en tenir compte, après le refus de l'amendement « célibataire » hier et de l'amendement de M. Baert ce matin - peut-être que si vous aviez été présent, monsieur Baert, votre amendement aurait connu un sort plus enviable...

M. Dominique Baert.

Vous croyez ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Je crois qu'on aurait pu faire quelque chose de positif pour 7 millions de personnes, puisque, grâce à la décote et d'autres mesures, nous serions tombés de 8 millions à 7 millions de contribuables concernés.

Nous voulons donner la possibilité à des couples qui ne sont ni mariés ni pacsés, mais qui vivent en concubinage notoire, selon la définition du code civil, et qui ont au moins un enfant, d'établir une déclaration d'imposition commune après un délai de concubinage déclaré de deux ans, la charge de la preuve incombant au contribuable. Cette déclaration les mettrait dans les mêmes conditions que les personnes mariées.

Ainsi que nous l'avons indiqué hier et encore ce matin à l'occasion de l'amendement de M. Baert, les services fiscaux ont la possibilité de connaître les personnes qui vivent sous le même toit. Depuis deux ans par exemple, les enfants majeurs hébergés à titre gratuit reçoivent des avis de taxes d'habitation. Cette mesure a d'ailleurs surpris les familles et les élus ont dû expliquer les réflexions des pouvoirs publics, que je partage en l'occurrence parce que les cohabitants à titre gratuit sont de plus en plus nombreux dans les foyers français.

Je souhaite obtenir sur ce problème du concubinage une réponse plus argumentée qu'en commission des finances parce que de nombreux Français sont concernés.

Il y a les Français qui sont mariés, ceux qui sont célibataires, ceux qui sont pacsés, et ceux qui vivent en concubinage notoire avec enfants. Certains peuvent le regretter, cette façon de vivre est dorénavant répandue dans notre société. Permettre à des personnes qui ont mis au monde un enfant ensemble d'établir une déclaration fiscale commune ne me paraît pas constituer un avantage indu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons évoqué cette situation à plusieurs reprises. Le concubinage est désormais défini par le code civil, mais le fait de vivre ensemble en concubinage n'impose pas des obligations réciproques.

M. Jean-Jacques Jégou. Et quand il y a des enfants ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'y reviendrai.

Lorsque le Conseil constitutionnel a admis l'imposition commune pour les personnes pacsées, il a tenu compte à la fois de la durée de l'union, trois ans minimum, et des obligations réciproques entre les deux personnes. C'est écrit en toutes lettres dans la décision du Conseil constitutionnel, les personnes qui décident de se pacser se doivent une aide mutuelle et matérielle. Voilà une justification de la distinction entre concubins et personnes pacsés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

S'agissant des enfants, je vous rappelle que les obligations des parents vis-à-vis des enfants sont prises en compte par l'intermédiaire de deux autres dispositifs : d'une part, celui des demi-parts de quotient familial qui s'ajoutent au quotient conjugal ; d'autre part, celui de la déduction du revenu imposable des pensions alimentaires, qui correspond à l'aspect fiscal de l'obligation alimentaire prévue par le code civil. Les concubins bénéficient des dispositions relatives au quotient familial pour leurs enfants à charge.

Eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission des finances n'a pas pu adopter cet amendement dont je demande le rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Que nous ayons eu ce débat chaque année durant les vingt dernières années, alors que le PACS n'existait pas, est tout à fait compréhensible. La situation des concubins par rapport aux couples mariés posait problème lorsqu'il n'y avait que deux solutions : le mariage ou le concubinage. Mais, dès lors que la loi sur le PACS a été adoptée, le choix de ne pas souscrire un contrat de ce type résulte d'une libre décision des intéressés, s'ils ont estimé, par exemple, que ce n'était pas leur intérêt.

Il n'y a donc aucune raison de prévoir un quelconque dispositif fiscal pour les concubins dont les droits et obligations réciproques sont différents de ceux des couples mariés et de ceux des personnes qui ont souscrit un PACS. Le débat que nous avons eu pendant des années et des années sur ce sujet est dorénavant clos : PACS ou mariage, sinon le concubinage, lequel n'ouvre pas droit aux mêmes avantages.

M. Jean-Jacques Jégou. On est en démocratie quand même ! M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Certes, et les Français font ce qu'ils veulent mais, en choisissant, ils optent pour un régime fiscal.

M. Jean-Jacques Jégou. Il faut se pacser pour faire une déclaration commune ? C'est triste !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. M. Jégou pose un vrai problème. Car, contrairement à ce que vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, le PACS a encore aggravé les choses.

Les concubins avec enfants, sont dans une situation moins avantageuse au regard de l'impôt sur le revenu que des pacsés hétéro sans enfant.

M. Jean-Jacques Jégou.

Absolument.

M. Charles de Courson. Le groupe UDF n'a cessé de le dire tout au long du débat sur le PACS, la solution aux problèmes posés par l'évolution de la société était de créer, à côté du statut du célibataire et du statut des personnes mariées, un statut intermédiaire pour les couples hétéros, notamment avec enfants. C'est l'objet de l'amendement Jégou.

M. Jean-Pierre Brard. Le noviciat ! M. Charles de Courson. Le cas des couples homosexuels pouvait être réglé par quelques dispositions qui, en plus, ne leur auraient pas été spécifiques. C'était cela la sagesse ! Aujourd'hui, comme vous avez mélangé les couples hétéros avec ou sans enfant avec les couples homos, qui ne remplissent absolument pas les mêmes devoirs sociaux, les couples pacsés sans enfant bénéficient d'un régime fiscal plus avantageux que les concubins non pacsés avec enfant. Quel paradoxe ! M. Gilles Carrez. Exactement ! M. Charles de Courson. Dire, comme vous le faites, monsieur le secrétaire d'Etat, que les couples concubins avec enfant n'ont qu'à se pacser s'ils veulent bénéficier d'un régime fiscal plus favorable...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. C'est pour ça qu'on a créé le PACS ! M. Charles de Courson. Vous savez bien que ce n'est pas vrai ! M. Jean-Jacques Jégou. Supprimez le concubinage alors !

M. le président.

Monsieur de Courson, nous n'allons pas recommencer le débat de l'an dernier sur le PACS ! M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. D'autant que nous en avons reparlé cette nuit !

M. le président.

En effet.

M. Charles de Courson. Quant aux clauses obligatoires du PACS, il n'y en a pratiquement qu'une, c'est l'obligation d'aide matérielle entre deux personnes pacsées et encore ce n'est pas une obligation législative, puisque son contenu est défini dans le PACS. Lisez des PACS, si vous avez des amis qui se sont pacsés, vous constaterez qu'un PACS peut être signé avec pratiquement aucun contenu.

De plus, il n'y a aucun contrôle sur le contenu des PACS parce que ce n'est pas contrôlable, vous n'allez pas payer des inspecteurs des impôts pour aller voir sous le lit des pacsés ce qui se passe. (Rires et exclamations sur de nombreux bancs.)

M. le président.

Monsieur de Courson, je vous en prie ! Je mets aux voix l'amendement no

91. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. Le code général des impôts est ainsi modifié :

« I. L'article 39 est complété par un 11 ainsi rédigé :

«

11. 1o Pour ouvrir droit à l'exonération prévue au 31o de l'article 81, les charges engagées par une entreprise à l'occasion de l'attribution ou de la mise à disposition gratuite à ses salariés de matériels informatiques neufs, de logiciels et de la fourniture gratuite de prestations de services liées directement à l'utilisation de ces biens, sont rapportées au résultat imposable des exercices au cours desquels intervient l'attribution en cause ou l'achèvement des prestations. Ces dispositions s'appliquent également lorsque les salariés bénéficient de l'attribution ou de la mise à disposition de ces mêmes biens ou de la fourniture de ces prestations de services pour un prix inférieur à leur coût de revient.

« 2o Le dispositif prévu au 1o s'applique aux opérations effectuées dans le cadre d'un accord conclu, selon les modalités prévues aux articles L.

442-10 et L.

442-11 du code du travail, du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, sur option exercée dans le document formalisant l'accord.

L'attribution, la mise à disposition ou la fourniture effective aux bénéficiaires des biens ou prestations de services doit s'effectuer dans les douze mois de la conclusion de l'accord précité. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

« II. L'article 81 est complété par un 31o ainsi rédigé :

« 31o Les avantages résultant des opérations définies au 1o du 11 de l'article 39, dans la limite globale de 10 000 F par salarié, appréciée sur l'ensemble de la période couverte par l'accord mentionné au 2e du même article. »

« III.

Les avantages mentionnés au 31o de l'article 81 du code général des impôts sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

M. le président.

M. Carrez et M. de Chazeaux ont présenté un amendement, no 315, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Le code général des impôts est ainsi modifié :

« I. L'article 39 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

«

12. 1o Sont également déductibles les offres forfaitaires d'accès à Internet, proposées soit au titre d'un réseau téléphonique commuté soit d'un accès haut débit, pris par l'entreprise au nom de ses salariés.

« 2o Le dispositif prévu au 1o s'applique aux opérations effectuées dans le cadre d'un accord conclu selon les modalités prévues aux articles L.

442-10 et L.

442-11 du code du travail, du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005, sur option dans le document formalisant l'accord. »

« II. L'article 81 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 32o Les avantages résultant des opérations définies au 12 de l'article 39. »

« III. Les avantages mentionnés au 32o de l'article 81 du code général des impôts sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

« IV. Les pertes de recettes pour les organismes sociaux sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts.

« V. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Cet amendement, que j'ai préparé avec mon collègue Olivier de Chazeaux, est un amendement d'intérêt général puisqu'il tend à favoriser dans notre pays la diffusion des nouvelles technologies de l'information, en particulier l'accès à l'Internet.

Deux chiffres pour résumer la situation : 19 % seulement des foyers français sont connectés à l'Internet alors que plus de la moitié des foyers américains le sont déjà aux Etats-Unis. Le système que nous proposons est très souple, à l'image de l'Internet, il vise à favoriser l'abonnement à usage domestique des salariés d'une entreprise.

Comme pour le don d'ordinateur mentionné à l'article 3 qui vient d'être voté, l'entreprise, dans le cadre d'une concertation interne, prend à sa charge l'offre forfaitaire à l'Internet et peut la déduire fiscalement.

Un tel dispositif permet de satisfaire plusieurs objectifs.

La liaison à l'Internet au domicile des salariés permet d'améliorer la qualité de vie des employés, de renforcer les relations interpersonnelles en dehors de l'entreprise, d'élaborer de nouvelles formes de télétravail - on en a bien besoin - et de promouvoir toutes les techniques liées au commerce électronique, qui se développent actuellement très rapidement.

Je précise deux points d'ordre technique. Premièrement, il n'est proposé de prendre en charge et de déduire fiscalement que l'offre forfaitaire, ce qui permet une visibilité et une égalité totales. J'ajoute que l'offre forfaitaire d'accès à Internet va se diffuser de la même manière que le forfait téléphonique pour le téléphone portable.

Deuxièmement, et ce point est particulièrement important, en ne prenant en charge que l'offre forfaitaire, on laisse toute liberté pour choisir le type d'accès à l'Internet, que ce soit le câble, le téléphone ou la boucle locale.

J'espère que vous accepterez cette proposition de déduction dans les comptes de l'entreprise du coût de l'abonnement forfaitaire, parce qu'après avoir assisté aux nombreux colloques organisés à l'Assemblée sur ce sujet, nous sommes arrivés à la conclusion, toutes sensibilités confondues, qu'il fallait absolument élargir l'accès à l'Internet dans notre pays. L'article 3, qui favorise le don d'ordinateurs, est à cet égard insuffisant, car vous savez bien que l'on n'accède pas à l'Internet uniquement par ordinateur. Avec cet amendement, nous le complétons heureusement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas retenu cet amendement car il lui est apparu redondant avec le dispositif prévu à l'article 3.

M. Gilles Carrez.

Je viens de montrer le contraire !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Peut-être, mais ce n'est pas notre avis.

M. Gilles Carrez.

Argumentez, alors !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En effet, l'article 3 concerne déjà les accès à l'Internet. C'est pourquoi j'appelle donc l'Assemblée à rejeter l'amendement no 315.

M. Gilles Carrez.

Argumentez au moins, monsieur le rapporteur général ! Ce n'est pas sérieux !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je vais argumenter, monsieur Carrez, car vous venez d'affirmer quelque chose d'incomplet, à moins que je ne vous aie mal compris, ce qui est possible.

Vous réclamez que les avantages en nature tels que ceux que vous préconisez soient une charge déductible dans l'entreprise. C'est le cas si l'entreprise fournit à ses salariés les services et les avantages que vous venez de décrire, elle peut les déduire, puisque c'est, en fait, un accessoire du salaire.

Ce que vous oubliez de dire, c'est que vous voulez que le salarié ne soit pas imposé sur son revenu pour l'avantage qu'il vient, par hypothèse, de recevoir de son entreprise. L'entreprise pourrait déduire du champ de l'impôt sur les sociétés l'avantage qu'il procure au salarié, mais le salarié ne serait pas imposable sur ce qu'il reçoit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

M. Gilles Carrez.

Bien sûr !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cette proposition ne me paraît pas équilibrée.

M. Gilles Carrez.

C'est le cas de l'article 3.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

D'autant que l'Assemblée vient de voter l'article 3. Le rapporteur général le rappelait, le dernier comité interministériel pour la société de l'information a débloqué trois milliards de francs pour la réduction du fossé numérique et un milliard de francs pour la recherche. C'est un des CISI les plus importants de ces trois dernières années.

D'autres mesures ont aussi été décidées : l'achèvement de l'équipement des écoles primaires en 2002 et la connexion à Internet de tous les collèges et lycées. Il est prévu également la mise en place de qualifications nouvelles pour l'ensemble des citoyens. Il sera en effet proposé avant 2002, à 1,2 million demandeurs d'emploi, une formation en technologies de l'information et de la communication. Dans les espaces publics, 7 000 agences de l'emploi, missions locales, bibliothèques, entre autres, disposeront d'ici à 2003 d'un accès Internet et 2 500 offriront aux personnes qui le souhaitent une formation initiale gratuite grâce à l'aide de 4 000 nouveaux emploisjeunes. Au total, nous affectons 1,2 milliard de francs en trois ans à ces opérations. Excusez du peu ! Avec l'article 3, d'une part, et l'ensemble des dispositions favorables à Internet que nous prenons, d'autre part - et le secrétaire d'Etat à l'industrie que je suis est bien placé pour les connaître puisque ces opérations seront lancées à partir de mon ministère - nous nous donnons les moyens d'une véritable politique en faveur d'Internet.

Pour ces raisons, je demande à l'Assemblée de repousser l'amendement no 315. Vous voulez accorder un avantage aux salariés et non pas à l'entreprise. Il y a un vrai problème de compréhension entre nous.

M. Germain Gengenwin.

Voilà qui va compliquer la vie de l'entreprise.

M. le président.

Monsieur Carrez, je vous donne la parole mais soyez bref.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, cette question est extrêmement importante. Je crains que nous ne nous comprenions pas bien, le secrétaire d'Etat, le rapporteur général et moi-même.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avec l'article 3, le don d'ordinateurs n'est pas imposable pour le bénéficiaire dans la limite de 10 000 francs.

L'amendement procède exactement de la même démarche. Les offres forfaitaires d'accès à Internet dont il s'agit, qui concernent des montants sensiblement inférieurs, ne seront pas imposables en tant qu'avantages en nature dans la limite du plafond. Il n'y aura donc aucun avantage indu au profit du bénéficiaire. Nous sommes dans la même philosophie que l'article 3 proposé par le Gouvernement. Voilà pour l'aspect fiscal.

Il y aussi l'aspect technique. Le rapporteur général vient de dire que l'article 3 répondait à la question que l'on peut se poser dans la mesure où le don d'ordinateurs permet l'accès à Internet. Mais cet accès peut se faire également par téléphone ou par la boucle locale radiophonique. Pour accéder à Internet, l'ordinateur n'est pas le moyen exclusif.

J'ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, vos différents arguments sur la promotion des nouvelles technologies. Je les approuve totalement, mais je pense que, compte tenu de notre retard, cette promotion est insuffisante. L'amendement que je propose présente l'avange de permettre, à partir des entreprises, une diffusion extrêmement rapide.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 315.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 343 de M. Lasbordes n'est pas défendu.

M. Carrez et M. de Chazeaux ont présenté un amendement, no 314, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 199 septdecies du code général des impôts il est inséré un article 199 octodecies ainsi rédigé :

« Art. 199 octodecies. - Lorsqu'elles n'entrent pase n compte dans les dispositions visées sous l'article 81, trente et unième alinéa, du code général des impôts, les sommes versées par un contribuable pour l'acquisition de matériels informatiques neufs ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 25 % du montant des sommes versées, dans la limite de 10 000 francs. »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement vise à résoudre un problème que pose l'article 3. Je suis étonné que nos collègues communistes ne l'aient pas évoqué.

Pour bénéficier du don d'ordinateur, il faut en passer, pour utiliser le vocabulaire de nos collègues, par le bon vouloir de l'entreprise : il est indispensable que l'entreprise accepte d'octroyer cet avantage On est soumis à sa bonne volonté L'amendement tend à restituer une liberté totale de choix. Dans l'hypothèse où l'entreprise estime ne pas devoir octroyer ce don à ses salariés, ceux-ci, de façon indépendante, autonome, en tant que particuliers, pourront procéder à l'achat d'un ordinateur avec une franchise fiscale, dans la limite d'un plafond de 10 000 francs, et une réduction d'impôt de 25 %. Il s'agit tout simplement d'une question de liberté individuelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

D'abord, l'amendement serait coûteux. Ensuite, le dispositif de réduction d'impôt proposé ne serait pas la panacée. Il ne concernerait que la moitié de nos concitoyens et serait donc très injuste. Par ailleurs, il créerait un formidable effet d'aubaine dès lors qu'en achetant du matériel on pourrait voir son imposition réduite.

Pour ces raisons et pour des questions de stabilité du marché, l'amendement ne me paraît pas très sérieux. La commission invite l'Assemblée à le rejeter.

M. Gilles Carrez.

L'inspiration patronale de l'article 3 est pourtant très claire !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 314.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié : FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine TARIF APPLICABLE (en pourcentage) N'excédant pas 4 770 000 F

......................................

0 Comprise entre 4 770 000 F et 7 750 000 F

.........

0,55 Comprise entre 7 750 000 F et 15 380 000 F

.......

0,75 Comprise entre 15 380 000 F et 23 870 000 F

....

1 Comprise entre 23 870 000 F et 46 220 000 F

....

1,3 Comprise entre 46 220 000 F et 101 400 000 F

.. 1,65 Supérieure à 101 400 000 F

......................................

1,8 Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Nous abordons un article qui passionne toujours et dont je sais gré à la majorité actuelle et à son gouvernement d'avoir fait depuis deux ans un sujet de réflexion à la fois fiscal et sociétal.

Chaque année, la publication par la revue Challenges du palmarès des cinq cents plus grandes fortunes est toujours un événement attendu.

M. Philippe Auberger.

Par vous. Nous on s'en fout !

M. Christian Cuvilliez.

On retiendra un chiffre, celui du montant cumulé des cinq cents premières fortunes françaises, qui s'établit desormais à 1 259 milliards de francs, soit l'équivalent des deux tiers du budget de l'Etat, contre seulement - si l'on peut dire - 799 milliards en 1999.

Autrement dit, le club très privilégié des éligibles à l'impôt de solidarité sur la fortune a vu son patrimoine grossir de quelque 500 milliards en une année. Les gros patrimoines ont manifestement profité de la reprise et de la croissance.

La concentration des fortunes s'est également renforcée : aujourd'hui, les quinze premiers patrimoines pèsent 657 milliards de francs, contre 393 milliards en 1999.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je parle sous le couvert de la revue Challenges . C'est votre revue, pas la mienne...

M. Philippe Auberger.

Notre revue ? Nous n'avons rien à voir avec !

M. Christian Cuvilliez.

Elle défend un point de vue qui n'est pas loin du vôtre !

M. Philippe Auberger.

Tiens donc ? Nous n'y sommes même pas cités !

M. Daniel Marcovitch.

C'est du dépit ?

M. Christian Cuvilliez.

Je ne dis pas, monsieur Auberger, que vous faites partie du club. Je dis que vous le défendez bien.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous en êtes des supporters bénévoles !

M. Christian Cuvilliez.

Cela reste à vérifier.

M. Philippe Auberger.

Des supplétifs ?

M. le président.

Poursuivez, monsieur Cuvilliez !

M. Christian Cuvilliez.

La revue Challenges ajoute que le ticket d'entrée dans cette catégorie extrêmement intéressante s'établissait, en 1999, à 140 millions de francs.

La fortune minimale d'insertion dans le classement atteint cette année 218 millions de francs.

M. Christian Cabal.

Bon, mais quel intérêt ?

M. Christian Cuvilliez.

Que Jean-Pierre Brard m'excuse de lui voler un peu le sujet qu'il a l'habitude de développer, mais je suis sûr qu'il y reviendra...

M. Jean-Pierre Brard.

Je partage volontiers vos arguments ! (Sourires.)

M. Christian Cuvilliez.

La lecture du classement est également édifiante : nous apprenons que Liliane Bettencourt...

M. Charles de Courson.

Ah, Liliane, Liliane...

M. Christian Cuvilliez.

... a cédé sa première place à Bernard Arnault, ce dernier voyant sa fortune personnelle passer de 67 milliards à 134 milliards de francs ; François Pinault remporte la médaille de bronze...

M. Philippe Auberger.

Le bronze pour la gauche caviar !

M. Christian Cuvilliez.

... et Serge Dassault ne finit que cinquième, grâce à une progression de son patrimoine de 27 milliards de francs.

M. Christian Cabal.

Nous aussi nous savons lire !

M. Christian Cuvilliez.

J'arrêterai là, nous ne sommes pas à Sydney. Mais nous sommes peut-être à la Bourse ! (Sourires.)

Je ne peux que vous renvoyer, chers collègues, à la lecture très édifiante de la revue Challenges de juilletaoût 2000.

M. Philippe Auberger.

Nous ne sommes quand même pas là pour faire de la publicité !

M. Christian Cuvilliez.

Ce ne sont que des cas particuliers, mais il s'agit des principaux capitaines d'industrie de notre pays. Ces quelques exemples témoignent de la polarisation des revenus et, plus encore, des patrimoines à l'échelle de notre société, ce qui confirme la légitimité d'une redistribution plus efficace.

L'INSEE, qui a publié les résultats d'une étude sur la fortune des Français, souligne que l'écart grandit entre ceux qui sont le moins défavorisés et ceux qui le sont le plus.

M. Christian Cabal.

Heureusement pour vous, qu'il y a des gens comme ceux dont vous venez de parler pour faire marcher l'économie française !

M. Christian Cuvilliez.

Naturellement, l'impôt de solidarité sur la fortune n'a pas vocation à régler, à lui seul, cette question décisive de la redistribution. Mais ces quelques exemples démontrent, s'il en est encore besoin, que les patrimoines se constituent bien dans l'industrie, le commerce et la finance, et non plus autour des châteaux et des patrimoines fonciers. C'est dire la nécessité de réformer profondément le mode de calcul même de l'ISF.

Si le produit de l'ISF a progressé ces dernières années, c'est à un rythme bien inférieur à celui qu'ont pu connaître les plus gros patrimoines. Il n'est donc ni abusif ni excessif d'affirmer la nécessité de moderniser l'assiette de cet impôt...

M. Christian Cabal.

Moderniser dans l'archaïsme !

M. Christian Cuvilliez.

... y compris pour améliorer son rendement.

Notre objectif n'est pas de punir les grandes fortunes, mais simplement de rendre l'ISF plus juste, mieux adapté aux réalités économiques de notre temps, et donc plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

efficace. L'argument selon lequel il n'y aurait plus lieu d'y revenir, les arbitrages ayant été rendus, ne prend pas en compte l'explosion des patrimoines durant ces deux dernières années, ni la nécessité d'un effort financier plus important si l'on veut faire reculer l'exclusion et les inégalités.

Je ferai observer au passage que ces gens-là, qui ont connu une telle progression de leur patrimoine en deux ans, n'ont pas envie de délocaliser : ils se trouvent très bien en France et, à mon avis, ils vont y rester ! Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l'adoption par notre commission des finances des deux amendements proposés par notre groupe, notamment de celui qui évite l'actualisation et qui permet de garder dans les finances de l'Etat 170 millions - lesquels pourront être bien employés ailleurs - et nous souhaitons que la raison puisse prévaloir s'agissant de l'intégration des oeuvres d'art dans le calcul de l'ISF, sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

Nous continuons à penser qu'inscrire l'ISF dans cette réforme structurelle de la fiscalité demeure une exigence et suppose de sortir du statu quo en élargissant l'assiette de cet impôt aux biens professionnels.

Pardonnez-moi d'insister, mais une analyse fine de l'ISF permet de confirmer objectivement que l'on s'enrichit à un pôle de la société pendant qu'on s'appauvrit à l'autre. Il y a là l'opportunité, en intégrant nos propositions, d'utiliser le produit à ce pourquoi nous avons été amenés à le prévoir : la solidarité.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je souhaite à mon tour parler de l'intégration des oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt sur la fortune.

Pour la troisième année consécutive, la commission des finances a adopté un amendement dont nous partageons volontiers la paternité avec le rapporteur général.

M. Charles de Courson.

Vive la démagogie !

M. Jean-Pierre Brard.

Comme pour toutes les bonnes choses, il ne faut pas s'en approprier la paternité d'une façon égoïste, monsieur de Courson.

Ces derniers jours, nous avons vu, les uns et les autres, se manifester les lobbies, en particulier...

M. Charles de Courson.

Celui des antiquaires !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas à celui-là que je pensais. Mais je comprends que vous-même ayez fait l'objet d'une démarche particulière. (Sourires.)

Je voulais parler des marchands de tableaux, qui, comme d'autres d'ailleurs, se sont agités ces derniers jours en brandissant un épouvantail pour faire croire au Gouvernement, aux députés et à l'opinion publique que notre amendement ferait fuir les oeuvres d'art de notre pays.

M. Charles de Courson.

Ah, très bien, vous, vous pensez qu'il va les attirer ?

M. Jean-Pierre Brard.

C'est évidemment faux puisque cet amendement n'a pas vocation fiscale. Il a deux vocations principales : lutter contre la fraude et, sur un plan plus culturel, faciliter la présentation des oeuvres d'art dans la mesure où les oeuvres présentées donneraient lieu à exonération de l'impôt.

La première vocation, lutter contre la fraude, est la plus importante. Que l'on ne vienne pas me dire que tous les marchands de tableaux sont honnêtes. Je sais bien qu'il y a eu Kahnweiller, célèbre collectionneur et marchand de tableaux. Mais il y en a eu d'autres - même des commissaires-priseurs défraient la chronique, dont le plus fameux de la place de Paris, qui actuellement a quelques ennuis avec la justice.

Lorsque j'ai réalisé mon travail sur la fraude, j'ai eu l'occasion de voir comment les oeuvres d'art pouvaient être utilisées pour recycler l'argent sale. Par exemple, une oeuvre d'art est vendue à très bas prix fictivement mais, en parallèle, circule de l'argent liquide. L'oeuvre est ensuite revendue à son prix réel. Il n'y a plus qu'à tirer sur la manette, et gling ! gling ! Les piécettes tombent alors dans la poche de ceux qui participent à ces trafics.

Que l'on ne vienne pas nous dire non plus que l'amendement limiterait les possibilités pour l'Etat de bénéficier de donations. Cela n'a rien à voir ! De tels arguments, qui n'en sont pas, visent seulement à faire peur.

Etes-vous allés voir cette magnifique exposition qui est présentée depuis lundi au Musée d'Orsay, « De Cézanne à Giacometti » ? Elle est le fruit d'une donation et le donateur souhaite rester inconnu, ce qui est tout à son honneur.

Qu'est-ce qui compte pour nous ? Que les oeuvres en question, qui appartiennent au patrimoine de l'humanité, soient mises à la disposition du public. En quoi l'intégration des oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF empêcheraitelle les donations ? En quoi gênerait-elle les dations, qui sont également évoquées ? Actuellement, croyez-vous que l'absence de l'intégration des oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF évite quelques marchés un peu étranges ? Peut-être certains de nos collègues n'ont-ils pas encore parcouru la page 33 du Monde paru cet après-midi. Sur cette page figure un article dont je leur recommande la lecture car il tombe à pic : on y évoque la mise en vente du Reniement de saint Pierre - c'est déjà tout un programme en soi (Sourires) -, qui est une oeuvre des frères Le Nain. Savez-vous à quel prix elle a été mise en vente lors de la vente publique ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, constatez que ce n'est pas nous qui retardons le débat !

M. Philippe Auberger.

Si on commence à visiter toutes les expositions, après avoir parcouru les revues, alors...

M. Jean-Pierre Brard.

L'oeuvre a été mise à prix à 100 000 francs. Savez-vous...

M. le président.

Savez-vous, monsieur Brard, que vous avez déjà épuisé votre temps de parole ?

M. Jean-Pierre Brard.

Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président, puisque nous reviendrons sur le sujet en discutant de l'amendement. Mais vous pouvez voir que ce que je dis indispose nos collègues de l'opposition...

M. Christian Cabal.

Oh, la, la, pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard.

... parce que nous passons aux rayons X une réalité qu'ils veulent garder enterrée.

M. Christian Cabal.

Mais non !

M. Jean-Pierre Brard.

Mes chers collègues, la mise à prix du Reniement de saint Pierre avait été fixée à 1 00 000 francs. Or, à la vente, on est arrivé à 8 300 000 francs.

M. Jean-Jacques Jégou.

Et alors ? Les frères Le Nain n'étaient-ils pas de bons peintres !

M. Jean-Pierre Brard.

A la lecture des explications de

Me Leroy,...


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M. le président.

Nos collègues les liront, s'ils le souhaitent !

M. Jean-Pierre Brard.

... on apprend que, dès le début, il avait « senti » la toile et qu'il en avait en fin de compte apprécié la valeur. Mais peut-on lui demander pourquoi, s'agissant d'une oeuvre qui valait 8 millions de francs, il avait fixé la mise à prix à 100 000 francs ?

M. Charles de Courson.

Allez, expliquez-nous !

M. le président.

Nous passons aux amendements. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement no 33 est présenté par M. Migaud, rapporteur général, MM. Cuvilliez, Brard, Bocquet, Feurtet, Vila et Cochet ; l'amendement no 151 par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, M. Mamère et M. Marchand ; l'amendement no 446 par MM. Cuvilliez, Bocquet, Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 4. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, si, à la faveur de cette intervention, je puis défendre aussi l'amendement que vous ne pouvez soutenir vous-même, ne pouvant être à la fois là-haut, au perchoir, et en bas, je le ferai bien volontiers.

Je voudrais illustrer les propos que j'ai tenus sur la manière dont on pourrait « réévaluer » l'assiette de l'ISF en la modernisant et en prenant en compte la façon dont se constituent aujourd'hui les patrimoines.

Adapter l'ISF aux réalités économiques actuelles est décisif si l'on souhaite renforcer sa légitimité sociale.

Actuellement, il s'apparente le plus souvent à un superimpôt foncier, ressemblant un peu en cela aux impôts qui existaient sous l'Ancien Régime, en tout cas dans les temps anciens. Or, les propriétaires de châteaux ne font pas particulièrement partie du club des détenteurs des très grandes fortunes telles que les décline chaque année la revue que j'ai citée.

Nous souhaitons donc que l'évolution du produit de l'ISF corresponde à la fois au rythme auquel se constituent actuellement les grandes fortunes et aux domaines propices à leur développement.

Notre amendement est compliqué et il prévoit un barème que je ne détaillerai pas. Il vise essentiellement à introduire une nouvelle logique d'imposition en confrontant les personnes assujetties à l'ISF à une responsabilité sociale et nationale sur le plan de l'emploi. Ainsi, nous proposons que les biens professionnels soient inclus dans l'assiette de l'impôt...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il me semble que

M. Cuvilliez ne défend pas le bon amendement...

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas grave...

M. Christian Cuvilliez.

... selon des paramètres établissant une discrimination savante entre les biens professionnels utiles à l'investissement et à l'emploi et ceux qui sont au contraire inertes ou parasitaires.

Nous proposons de les intégrer à hauteur de 50 % de leur valeur en modelant le taux d'intégration en fonction des choix de l'entreprise en matière de salaires et d'emplois.

Si, un jour, nous parvenons à intégrer cette dimension dans la loi, nous lui aurons permis un grand progrès.

M. le président.

Monsieur Cuvilliez, nous vous avons écouté, mais j'ai l'impression que c'est l'amendement no 445 que vous avez défendu !

M. Jean-Pierre Brard.

Il sera défendu d'avance !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'amendement no 33 a été adopté par la commission des finances.

M. le président.

Quel est l'avis du gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement est sensible à l'analyse du groupe communiste concernant la nécessaire moralisation de la détention de patrimoines importants, la nécessaire justice fiscale. C'est d'ailleurs pourquoi, dès la loi de finances de 1999, il a tenu compte des mesures proposées au mois de juillet de l'année précédente par M. Robert Hue en alourdissant le barème de l'ISF par la création d'une nouvelle tranche de 1,8 % sur la fraction des patrimoines excédant 100 millions de francs, en prenant en considération les revenus exonérés dans le calcul du plafonnement et en incluant dans l'assiette de l'ISF les actifs immobiliers français détenus par des sociétés contrôlées par des non-résidents.

En outre, monsieur Cuvilliez, le Gouvernement a tenu compte, l'année dernière, de votre volonté de ne pas revaloriser le barème de l'ISF selon l'inflation, comme il devrait l'être chaque année. C'est un facteur d'équilibre qu'il ne faut pas négliger. Dans la réflexion sur l'ISF, il faut également tenir compte du fait que le rendement de cet impôt a beaucoup crû au cours des dernières années.

Il a rapporté 10 milliards de francs au Trésor public en 1997, 11,1 milliards en 1998, 12,7 milliards en 1999 et, en 2000, il devrait atteindre 15,3 milliards de francs. De même, les redevables à l'ISF ont vu leur nombre passer de 179 000 en 1997 à 240 000 en 2000. Cette évolution souhaitée par les groupes de la majorité, par la commission des finances qui a adopté l'amendement no 33, a donc déjà porté ses fruits.

J'ajoute que, pour qu'un impôt soit vraiment légitime, il ne faut pas le modifier trop souvent. En effet, comme je l'ai dit ici même, en tant que rapporteur général, en utilisant une formule qui a été souvent reprise, « un bon impôt est un vieil impôt ». L'ISF doit être bien intégré au p aysage fiscal sur le long cours et ne doit pas constamment faire l'objet de modifications trop importantes.

Vous avez raison dans votre démarche politique, mais, je le répète, il faut stabiliser l'ISF dans le paysage fiscal français. Voilà pourquoi le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Cette discussion est purement symbolique et byzantine !

M. Christian Cuvilliez.

Non, il ne s'agit pas du sexe des anges ! L'argent n'a pas de sexe.

M. Philippe Auberger.

La revalorisation du barème qui nous était proposée devait coûter 150 ou 170 millions, alors que cet impôt doit rapporter 15 milliards, si les estimations de M. le secrétaire d'Etat sont exactes. Nous sommes donc vraiment dans le domaine du symbole ! Avec les années, cet impôt commence à être mieux toléré, et si l'on veut qu'il le soit encore plus, à défaut d'être accepté, il faut naturellement revaloriser les tranches - M. le secrétaire d'Etat l'a dit d'ailleurs -, comme on le fait chaque année pour l'impôt sur le revenu. Ne pas procéder à cette revalorisation ne rapporte pratiquement rien, mais nuit à la crédibilité de cet impôt.

De plus, il s'agit, d'une part, de valeurs immobilières et, d'autre part, de valeurs mobilières. Or, sauf dans certains quartiers de Paris, les premières n'ont pas beaucoup


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augmenté cette année puisque la reprise de l'immobilier est très récente. L'augmentation du rendement de l'impôt est essentiellement due à l'augmentation des valeurs mobilières, car la Bourse de Paris s'est très bien tenue l'année dernière. Mais cette période est révolue, mes chers collègues ! Depuis le mois de janvier, il n'y a eu pratiquement aucune plus-value. Or nous avons besoin que les capitaux s'investissent à Paris. Si non seulement il n'y a pas de plus-values, mais si en outre nous taxons des valeurs nominales qui n'évoluent pas, on sera en pleine aberration, et l'on dissuadera encore un peu plus les épargnants d'investir en Bourse sur des valeurs à risque. Au lieu de cela, ils prendront des bons du Trésor anonymes pour essayer d'échapper à l'ISF. Cette mesure n'a donc aucun fondement. Sa justification est purement symbolique. Je pense que l'Assemblée a plus important à faire que de s'appesantir sur de tels amendements.

M. le président.

Elle va pourtant le faire ! La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Voilà encore un bel exemple de démagogie ! Pensez donc, chers collègues, le Gouvernement nous saisit de l'article 4, déposé devant le Conseil d'Etat puis approuvé en conseil des ministres, et M. le secrétaire d'Etat, qui le représente ici, fait appel à la sagesse de l'assemblée sur un amendement de suppression symbolique, qui ne correspond à presque rien - car 170 millions de francs, ce n'est rien du tout !

M. Jean-Louis Idiart.

Si c'est si dérisoire pourquoi faites-vous tant d'histoires ?

M. Charles de Courson.

Parce que cela met en évidence la totale incohérence de l'actuelle majorité. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez même pas le courage de défendre votre texte.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est nul !

M. Charles de Courson.

Et pourquoi ? Les couloirs de l'Assemblée... Pour que les communistes s'abstiennent lors du vote final sur le projet de budget ! Ainsi, dans les couloirs, ici, on négocie en catimini la suppression des abattements de 8 000 et 16 000 francs sur les revenus des actions et obligations.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela vous nuit ?

M. Charles de Courson.

C'est très intelligent ! Après cette mesurette, on accorde - et encore pour 2002 ! - un tout petit relèvement de 30 à 50 % de la déduction des cotisations syndicales.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela n'a rien à voir !

M. Charles de Courson.

Mais où donc sommes-nous ? Nous sommes face à un gouvernement qui n'assume pas ses responsabilités ! Monsieur le secrétaire d'Etat, assumez vos responsabilités, défendez votre texte et ne cédez pas à vos alliés communistes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La meilleure façon de procéder pour un membre d'un gouvernement de progrès, soutenu par une majorité décidée, elle aussi, à promouvoir le progrès, c'est de s'en remettre, lors des discussions des textes les plus importants au Parlement, à la capacité de celui-ci d'amender et à la discussion entre le Gouvernement et sa majortié. (Appaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 33, 151 et 446.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'article 4 est supprimé.

L'amendement no 92 de M. Pierre Méhaignerie tombe.

Après l'article 4

M. le président.

L'amendement no 481 rectifié n'est pas défendu, non plus que l'amendement no 219.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 35 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 789 A du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Au a, les mots : "huit ans" sont remplacés par les mots : "deux ans" ;

« 2o Au premier alinéa du c, les mots : "huit ans" sont remplacés par les mots : "six ans". »

« II. - L'article 789 B du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Au a, les mots : "trois ans" sont remplacés par les mots : "deux ans" ;

« 2o Au premier alinéa du b, les mots : "huit ans" sont remplacés par les mots : "six ans". »

« III. - A la fin de l'article 1840 G nonies du code général des impôts, les mots : "la moitié de la réduction consentie." sont remplacés par les mots : "20 % de la réduction consentie en cas de manquement survenant au cours des deux premières années suivant la date de l'engagement, à 10 % de cette réduction en cas de manquement survenant la troisième ou la quatrième année suivant cette même date et à 5 % de cette réduction en cas de manquement survenant la cinquième ou la sixième année".

« IV. - La perte de recettes résultant du I, du II et du III est compensée, à due concurrence, par la création, au profit de l'Etat, d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement tend à aménager le régime de l'exonération partielle des d roits de succession applicable lorsque les héritiers s'engagent à reprendre la direction d'une entreprise et à maintenir soit une structure de capital social permettant la prise de décision stratégique au sein d'une société, soit l'affectation économique du patrimoine dans le cas d'entreprises individuelles.

Dans mon rapport d'information sur l'application de la loi fiscale, j'avais fait observer qu'aucun texte d'application n'avait été pris. Je notais que la complexité du texte législatif en cause, qui multiplie conditions et sanctions, ne permettait guère d'envisager une application effective de dispositions qui paraissent pourtant particulièrement utiles. Voilà pourquoi je présente un amendement tendant à réduire la durée totale d'engagement qui serait ramenée à huit ans, deux ans d'engagement collectif et six ans d'engagement individuel. Ces modifications ne remettent aucunement en cause la logique même du dispositif, dont l'objectif d'intérêt général demeure le maintien de structures d'actionnariat et de directions d'entrep rises dont on attend qu'elles garantissent un développement de l'entreprise en France, avec ses structures de direction effective et de recherche.

Un second aménagement du dispositif est également proposé en ce qui concerne les « pénalités » applicables en cas de rupture de l'engagement individuel par l'un des


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héritiers. Compte tenu de l'importance des engagements pris, il est apparu possible de prévoir une dégressivité du montant du droit supplémentaire en fonction de la durée effective de l'engagement.

Je ne reprendrai pas les observations figurant dans mon rapport écrit. La commission des finances a été unanime à ce sujet. Cette mesure est de même inspiration que celle votée l'année dernière, mais permettra une application effective de ce dispositif. J'invite donc l'Assemblée à adopter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il faut reconnaître à M. le rapporteur général une grande constance dans un but économique absolument remarquable, mais la disposition qu'il avait fait adopter l'année dernière par le Parlement, avec le soutien du Gouvernement, n'a pas eu le succès qu'il escomptait.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous l'aviez un peu trop compliquée !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il faut donc cette année alléger les conditions d'application du texte voté l'an dernier. C'est l'objet de votre amendement et j'en suis très heureux. Comme le Gouvernement partage totalement les objectifs poursuivis par le rapporteur général, avec l'appui de la majorité, il lève le gage (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), réalisant ainsi un effort que vous apprécierez, monsieur le rapporteur général !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Totalement !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je ne suis pas étonné de voir arriver cet amendement puisque, l'année dernière, nous avions opposé certaines critiques techniques à la disposition adoptée par la majorité de l'Assemblée. Nous avions en particulier noté que les délais étaient trop longs et que l'on introduisait une rigidité qui conduirait certaines personnes à renoncer à des modifications, pourtant nécessaires, dans la structure du capital pour éviter d'avoir à payer les droits correspondants.

A tout péché miséricorde et, cette année, on nous propose incontestablement un dispositif plus souple, c'est le revers de la médaille, il a fallu attendre ces dispositions plus d'un an et certaines personnes n'ont donc pas pu en bénéficier. Au regard de l'égalité devant les charges publiques, il y a là un problème. Dorénavant, notre rapporteur général serait bien inspiré de nous écouter et de se montrer plus souple tout de suite. Cela nous éviterait d'être obligés, l'année suivante, de revenir sur certaines dispositions, ce qui n'est pas glorieux et exclut de leur bénéfice un certain nombre de personnes sans aucune raison valable.

M. François Brottes.

C'est très injuste !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 35, modifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 445, présenté par MM. Cuvilliez, Bocquet, Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux 885 N à 885 Q du code général des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 6 000 000 francs.

« II. - Après l'article 885 U du même code, est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :

« Art. 885 U bis. - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante : ÉVOLUTION DU RATIO masse salariale/valeur ajoutée % taux d'intégration Egale ou supérieure à une évolution de 2 points

...............................................................

15 Egale ou supérieure à une évolution de 1 point

.................................................................

35 Egale à 1

................................................................

50 Entre 1 et 1

.......................................................

65 Entre 1 et 2

..................................................

85 Entre 2 et 3

..................................................

100 Entre 3 et 4 et au-delà

.............................

125

« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution à l'impôt de solidarité sur la fortune. »

L'amendement no 21, présenté par MM. Dray, Galut, Rossignol et Mme Picard, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les biens professionnels définis aux articles 885 N et 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsque leur valeur totale est supérieure à 25 000 000 francs. »

« II. - Cette disposition s'applique à compter du 1er janvier 2001. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour soutenir l'amendement no 445.

M. Christian Cuvilliez.

Je l'ai défendu par anticipation.

M. le président.

L'amendement no 21 est-il défendu ?

M. Jean-Pierre Brard.

Il a également été défendu par anticipation.

M. le président.

Ce ne sont pas les mêmes signataires ?

M. Jean-Pierre Brard.

Oui, mais c'est la gauche plurielle !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

M. Charles de Courson.

Je demande la parole, monsieur le président ! (« Non » ! sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

M. le président.

Monsieur de Courson, nous devrions procéder au vote (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), mais je vous donne la parole.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, il y a des règles dans une démocratie ! Comment peut-on vouloir priver l'opposition de son droit de parole alors que cette majorité pseudo-plurielle et totalement incohérente donne un spectacle aussi lamentable ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

Qu'est-ce que c'est que ce rescapé de l'aristocratie ?

M. Charles de Courson.

Et fier de l'être, monsieur Brard ! Contrairement à vous, je n'ai aucun complexe social et je ne nourris aucun racisme social !

M. Jean-Pierre Brard.

J'assume l'héritage de Robespierre et de Saint-Just !

M. Charles de Courson.

Voilà maintenant dix ans au moins que M. Brard et un petit « peloton » de la gauche socialiste animé par M. Dray veulent faire croire à leurs électeurs qu'en votant des amendements pour inclure les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il ne s'agit pas de cela !

M. Charles de Courson.

Peu importe ! M. Cuvilliez en a longuement parlé.

Monsieur Brard, vous êtes certainement plus intelligent que tous les spécialistes, vous savez sans doute mieux qu'eux ce qui nuit au marché de l'art ou ce qui lui est favorable, mais vous devriez quand même de temps à autre les écouter ! Vous présentez votre amendement comme de nature à inciter les détenteurs d'oeuvres d'art à les exposer. Mais, monsieur Brard, les gens sont encore libres de le faire ou non ! Et si vous connaissiez un peu mieux le marché de l'art, vous sauriez que certains collectionneurs acceptent de prêter leurs oeuvres, mais qu'il leur arrive de souhaiter rester anonymes, tout simplement parce qu'ils craignent qu'on ne vienne les voler chez eux figurez-vous ! Les collectionneurs ont donc d'excellentes raisons d'accepter que leurs oeuvres soient exposées, mais de refuser qu'on révèle leur nom. Comme il suffit de consulter le Minitel pour savoir où ils habitent ce serait encourager le vol.

M. le président.

Monsieur de Courson, avez-vous remarqué que, dans l'amendement no 445, que vous semblez critiquer, ne figure pas une seule fois les mots

« oeuvres d'art » !

M. Charles de Courson.

Je parle non pas de celui-là, mais de l'amendement no 34 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Peut-être, mais nous examinons pour l'instant les amendements nos 445 et 21 !

M. Charles de Courson.

Monsieur Brard, vous faites, vous, oeuvre de démagogie totale, et j'y reviendrai ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Tout cela forme un tout et l'on ne peut reprocher à Charles de Courson de parler des oeuvres d'art que l'on veut taxer. J'approuve ce qu'il vient de dire, mais je veux évoquer, quant à moi, les biens professionnels. On joue, dans cet hémicycle, un petit jeu qui n'est pas digne de notre pays. Il y a là un vif-argent qui rentre, qui sort, qui fait des amendements, il s'appelle M. Galut. M. Dray, lui aussi, rentre, sort...

M. Jean-Louis Idiart.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Et tout d'un coup, on s'avise qu'il y a de nombreux biens professionnels en France : formidable, il faut les taxer ! Savez-vous, monsieur Dray, que ceux qui, parfois au prix d'une vie de travail, ont créé leur outil de travail et ont des biens professionnels seraient obligés de vendre leur entreprise pour payer ce que vous leur demandez ?

M. Julien Dray.

Et vous, savez-vous qu'il y a des gens qui meurent de faim dans ce pays ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Le savez-vous, vous-même qui défendez l'emploi en faisant du misérabilisme ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

C'est honteux !

M. Jean-Jacques Jégou.

Arrêtons plutôt de faire n'importe quoi !

M. Julien Dray.

En Allemagne, les biens professionnels sont dans l'assiette de l'ISF !

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous en conjure, reprenez en main votre majorité plurielle et faites retirer tous ces amendements scélérats, qui nuiront à l'emploi et au développement de notre pays ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yann Galut.

M. Jégou est un défenseur du grand capital et du MEDEF ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de calme ! Réservez votre énergie pour les amendements que nous examinerons ce soir, car je vais bientôt lever la séance.

M. Augustin Bonrepaux.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux.

Monsieur le président, vous nous avez invités à aller vite et à ne pas perdre de temps.

Eh bien, je vous demande de faire appliquer le règlement.

Il y avait un amendement de M. Brard ; il est normal que M. Brard s'exprime pour et un orateur contre : j'en ai entendu deux.

M. le président.

Mais il y avait deux amendements.

M. Augustin Bonrepaux.

Je crois que nous perdons du temps. Ou bien ce problème est important et il faut le traiter à fond, mais ce ne peut être maintenant. Ou bien, il est seulement symbolique et nous devons passer au vote.

M. le président.

Ce que nous allons faire ! Je mets aux voix l'amendement no 445.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 34 est présenté par M. Migaud, rapporteur général, MM. Brard, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et Vila ; l'amendement no 447 par MM. Brard, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. Au premier alinéa du I de l'article 885-I du code général des impôts, après le mot : "collection", sont insérés les mots : "visés à l'article 795 A ou présentés au moins trois mois par an au public dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les objets d'art dont le créateur est vivant au 1er janvier de l'année d'imposition" ;

« II. Ce même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le décret en Conseil d'Etat prévu au premier alinéa détermine notamment les conditions dans lesquelles les contribuables peuvent justifier que les objets qu'ils détiennent sont présentés au public ainsi que les modalités selon lesquelles ils peuvents ouscrire une convention décennale avec les ministres chargés de la culture et des finances. »

« III. L'article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La valeur des objets d'antiquité, d'art ou de collection autres que ceux exonérés en application de l'article 885-I, est réputée égale à 5 % de l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières du patrimoine déclaré. Les redevables peuvent cependant apporter la preuve d'une valeur inférieure en joignant à leur déclaration les éléments justificatifs de la valeur des biens en cause. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir ces deux amendements, relatifs, cette fois, aux oeuvres d'art.

M. Philippe Auberger.

Mais qui eux-mêmes n'en sont pas ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Il est très désagréable que, comme chaque année, nos collègues de droite, parce qu'ils sont de droite, pensent avoir le monopole de la culture et nous prennent pour des ignares qui ne seraient jamais entrés dans un musée. Vous nous voyez, messieurs, comme vous souhaiteriez que nous soyons, mais nous sommes de la famille des Picasso et des Paul Eluard : vous ne devriez jamais l'oublier.

M. Philippe Auberger.

Vous, vous êtes bon pour entrer au musée : au musée Grévin !

M. Jean-Pierre Brard.

S'il y a une compétence qu'on ne peut pas reconnaître à M. de Courson, c'est bien la connaissance du marché de l'art. Car pour savoir comment va le marché de l'art, il suffit de regarder comment se comportent Sotheby's ou Christie's à Paris. Merci pour eux, les affaires ne vont pas si mal ! Sinon pourquoi développeraient-ils leur implantation dans notre pays ?

M. Christian Cabal.

Ah, et c'est une raison pour les tuer ?

M. Jean-Pierre Brard.

Vos arguments ne tiennent pas la route. Aussi bien n'est-il pas question pour nous de pénaliser les honnêtes collectionneurs. Les piliers de cocktails qui pilonnent notre amendement n'ont même pas pris la peine d'en lire la première ligne. Si vous l'aviez fait, vous auriez vu qu'il s'agit de favoriser la présentation des oeuvres. N'en déplaise à M. de Courson, si, par voie d'héritage, par exemple, telle ou telle famille possède des Picasso ou des Monet, pourquoi ceux qui n'ont pas la chance de naître avec une cuillère d'or dans la bouche en seraient-ils à jamais privés ? Nous accordons en quelque sorte une prime aux honnêtes collectionneurs qui acceptent de présenter leurs oeuvres, en exonérant ces oeuvres de l'impôt. C'est la démonstration qu'il s'agit d'un amendement culturel plus que d'un amendement fiscal. D'ailleurs, 150 millions de francs dans le budget de l'Etat, ce n'est pas négligeable mais, par rapport à ce que rapporte l'ISF, ce n'est pas essentiel. Il n'est pas question non plus de violer l'anonymat des collectionneurs quand ceux-ci souhaitent le préserver.

Par ailleurs, on a écrit dans la presse - certains de nos collègues ont largement contribué à la désinformation que nous porterions atteinte à la création contemporaine.

Pas du tout, puisque nous proposons d'exonérer les oeuvres qui sont le fruit du talent des créateurs vivants.

Nous favorisons, au contraire, la création contemporaine.

Notre amendement, je l'ai dit, est aussi un moyen efficace de lutter contre la fraude fiscale. Parmi ceux le qui combattent, il y en a qui disent - je cite un document qui m'a été remis : « Une oeuvre d'art n'a de valeur et n e provoque d'enrichissement qu'à l'occasion d'une vente. » Eh bien, les mafieux, je l'ai démontré tout à

l'heure, ce n'est pas au moment de la vente, mais au moment de l'achat qu'ils s'enrichissent, puisque c'est à ce moment-là que commence le processus de blanchiment de l'argent. La façon dont certains de nos collègues montent au créneau...

M. Philippe Auberger.

C'est vous qui montez !

M. Jean-Pierre Brard.

... est choquante et indigne, car ce sont des gens informés, qui ne peuvent pas ne pas savoir qu'en s'opposant à cet amendement, ils s'opposent au combat légitime contre la fraude.

Pour ne pas allonger le débat, monsieur le président,...

M. le président.

Oui, vos cinq minutes sont écoulées.

M. Jean-Pierre Brard.

... je vais directement à ma conclusion. L'assemblée a déjà voté à deux reprises cet amendement. C'est un vote qui lui fait honneur, et je n'imagine pas qu'elle se contredise aujourd'hui.

M. Philippe Auberger.

Bon, épargnez-nous les palinodies !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission des finances a adopté l'amendement de M. Brard et l'a fait sien sous le no

34.

M. Philippe Auberger.

Comme d'habitude, vous allez manger votre chapeau en deuxième délibération !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Au niveau budgétaire, l'Etat ne peut attendre de cet élargissement de l'assiette de l'ISF un rapport financier très important. J'ai rappelé que l'ISF rapportait environ 15 milliards de francs par an au Trésor public, et nous discutons d'un produit de 150 à 170 millions de francs.

M. Philippe Auberger.

C'est symbolique !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

J'ai naturellement consulté ma collègue de la culture...

M. Jean-Pierre Brard.

On l'aura mal renseignée !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... pour mettre au point les quelques observations que je souhaitais faire à ce sujet. De l'avis du Gouvernement, donc, cette disposition ne ferait pas progresser la justice fiscale, car les oeuvres d'art sont d'ores et déjà doublement taxées : d'abord à l'occasion d'une donation entre vifs ou d'une succession, à un taux de 5 à 60 % ; ensuite à l'occasion d'une vente au taux de 7 % pour les particuliers ou dans le cadre de l'imposition sur les plus-values.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

Par ailleurs, tous les collectionneurs ne sont pas des spéculateurs. La plupart des analyses économiques ont montré que les oeuvres d'art constituent des placements en vérité assez médiocres et ne peuvent être considérées comme une valeur refuge ou une valeur de spéculation.

L'élargissement de l'assiette de l'ISF, tel qu'il est proposé, par les amendements, vise à toucher les grandes fortunes. Seuls les contribuables déjà soumis à l'ISF sont en effet susceptibles d'être taxés au titre des oeuvres d'art qu'ils sont censés posséder. Or ce postulat est objectivement quelque peu arbitraire. Aucune étude du moins parmi celles dont Bercy dispose - n'a démontré jusqu'ici que les plus grandes fortunes comportaient des collections d'oeuvres d'art. Les éléments d'information dont dispose de son côté la direction des musées de France montrent au contraire qu'à de très rares exceptions, les personnalités les plus riches ne sont pas des collectionneurs.

L'existence de collectionneurs deuxième argument

« culturel » - est utile et avantageuse pour la nation et même l'Etat. Les donations consenties par les collectionneurs privés jouent un rôle capital dans l'enrichissement des collections publiques. Ainsi, plus de 120 donations sont enregistrées, chaque année, par les musées nationaux.

De très importantes libéralités viennent aussi régulièrement enrichir les collections des musées territoriaux. Les maires ici présents le savent. A titre d'exemple, le legs consenti récemment au musée des Beaux-Arts de Lyon par Jacqueline Delubac a permis d'enrichir les collections de quarante toiles d'artistes majeurs. On peut estimer qu'il aurait fallu plus de cinquante ans de crédits d'acquisition pour que ce musée puisse réunir une collection de même valeur.

Si les donations sont importantes, les dations en paiement le sont également. Effectuées par des collectionneurs, elles leur permettent de s'acquitter de leurs obligations fiscales ou de certaines d'entre elles, lorsque l'Etat accepte qu'ils règlent ainsi leurs dettes à son égard.

Les collectionneurs privés contribuent aussi et je me souviens que cet argument avait été invoqué avec force lorsque nous avons institué l'impôt sur les grandes fortunes - au maintien sur le territoire national des oeuvres d'art à fort caractère patrimonial. L'Etat n'a pas toujours les moyens suffisants pour acquérir les trésors nationaux sur le point de quitter le territoire français. Il est avantageux pour lui de partager ses charges avec les collectionneurs privés prêts à acquérir des oeuvres essentielles pour le patrimoine national et qui, ainsi acquises, demeurents usceptibles de rejoindre, à terme, les collections publiques, par voie de donation ou de dation.

Enfin, les expositions temporaires organisées dans les musées français bénéficient de nombreux prêts de collectionneurs privés, qui contribuent ainsi de manière significative à la diffusion de la culture et au succès de ces expositions. Ces prêts sont gratuits ; ils sont le résultat des bonnes relations qu'entretient l'Etat avec les collectionneurs privés ; ils sont indispensables. Ces collectionneurs ont également une utilité pour l'emploi et pour le rayonnement international du marché de l'art français. Je rappelle ce chiffre surprenant : le marché de l'art, en France, procure du travail à cent mille personnes.

M. Michel Bouvard.

Dont de nombreux Savoyards !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les conséquences psychologiques de l'annonce d'une mesure de ce type seraient, de l'avis du Gouvernement...

M. Charles de Courson.

Catastrophiques évidemment !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... mauvaises et négatives. On ne peut même pas écarter le risque d'un enfouissement des collections privées.

M. Charles de Courson.

Exactement !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est pourquoi je demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir repousser ces amendements.

M. Germain Gengenwin.

Voilà qui est clair !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, que signifierait l'adoption de ces amendements ? Que les détenteurs d'oeuvres d'art paieraient, chaque année, un pourcentage de leur valeur ou de 5 % de la valeur de leurs autres biens.

Prenons d'abord le premier cas de figure. Supposons que vous ayez une fortune d'une dizaine de millions et que vous deviez payer 1 % par an sur le prix de vos oeuvres d'art. Comment allez-vous faire ? Ça ne rapporte rien, une oeuvre d'art, pour celui qui la conserve et qui aime les belles choses !

M. Yann Galut.

Nous, nous avons du mal à voir les choses ainsi !

M. Jean-Pierre Brard.

Il suffit au collectionneur de montrer les oeuvres en sa possession !

M. Charles de Courson.

Eh bien, je vais vous expliquer ce qui se passerait : au bout de deux ou trois ans, les collectionneurs en auraient assez de consommer une partie de leur revenu parce que l'impôt sur le capital se paie sur le revenu - pour des oeuvres d'art qui ne leur rapportent rien d'autre qu'un plaisir esthétique. Et que feraient-ils ? Ils vendraient, monsieur Brard, ou bien ils expédieraient leur collection à l'étranger, où, jusqu'à preuve du contraire, il n'est pas interdit de détenir des oeuvres ou de les donner à des fondations en se réservant un droit de jouissance.

Vous atteindrez donc, mon cher collègue, le but exactement inverse de celui que vous prétendez poursuivre, à savoir la chute du patrimoine national, l'expatriation d'une partie de nos oeuvres d'art, qui irait en s'accentuant. Car ce n'est pas l'Etat qui serait capable d'acheter ! Vous m'objecterez qu'il existe une loi permettant de bloquer en France les plus belles oeuvres. Mais vous savez qu'on ne peut le faire que pour une certaine durée.

Ensuite, il faut les acheter. Or à combien s'élèvent les crédits pour l'achat d'oeuvres d'art dans le budget du ministère de la culture ? De mémoire, à un peu plus de 100 millions de francs.

M. Philippe Auberger.

Une misère !

M. Charles de Courson.

C'est tout à fait insuffisant.

Et puis, monsieur Brard, parmi ceux qui aiment les belles choses et qui en possèdent, soit par héritage, soit par acquisition, il n'y a pas que des gens qui veulent les garder pour eux, quitte, comme le font certains collectionneurs, à les enfouir dans leur cave ! Si vous fréquentiez un peu plus les expositions, vous verriez que de nombreux collectionneurs acceptent de prêter les oeuvres qu'ils détiennent, anonymement ou en révélant leur nom, qui est alors indiqué au public.

Pour toutes ces raisons, contrairement à ce que vous pourriez croire, votre amendement est catastrophique. Et pourquoi avez-vous fait ça, monsieur Brard ? Moi, je vais vous le dire. Parce que vous êtes un démagogue et que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 2000

vous voulez faire croire au peuple français mais il est beaucoup plus intelligent que vous ne le pensez - que de grands capitalistes placent tout leur argent dans des collections. Voilà qui montre votre méconnaissance du milieu des collectionneurs. Croyez-vous que toutes les grandes fortunes françaises possèdent de très belles collections ? Non, M. Pierret l'a dit, vous avez des gens très riches qui ne s'intéressent absolument pas à l'art.

Reste le deuxième cas de figure : l'imposition sur la valeur des autres biens. Pour le colllectionneur qui n'a pour toute fortune que des oeuvres d'art, votre système est parfait parce que 5 % de zéro, ça fait zéro ! Voilà un dispositif fiscal intelligent !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson.

Vu votre origine communiste, monsieur Brard, rien de vous ne m'étonne. Vous êtes comme ces vieux bolcheviks...

M. Julien Dray.

Ce n'est pas un déshonneur d'être un vieux bolchevik !

M. Charles de Courson.

... qui croyaient conserver le patrimoine russe en le socialisant. Eh bien, savez-vous où il est maintenant le patrimoine russe ? Il a été vendu par la jeune république soviétique pour payer ses dettes et acheter du pain pour nourrir le peuple !

M. le président.

Un dernier mot, monsieur Brard, et nous passerons au vote.

M. Jean-Pierre Brard.

Décidément, l'humilité fait le charme discret de notre modeste collègue de Courson. Il ne peut s'empêcher de nous asséner son arrogance et sa suffisance aristocratique !

M. Charles de Courson.

Son amour de l'art ! M. Jean-Pierre Brard. Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que les grandes fortunes ne possèdent pas d'oeuvres d'art.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit.

M. Jean-Pierre Brard.

D'abord, ce n'est pas tout à fait vrai. On sait, par exemple, qui va aménager l'île Seguin, à Boulogne, et cela prouve que les grandes fortunes ne sont pas nécessairement étrangères aux oeuvres d'art.

M. Philippe Auberger.

Il faut les encourager !

M. Jean-Pierre Brard.

Quant à ceux qui incarnent la meilleure tradition de notre héritage culturel, ils ne seraient pas pénalisés puisqu'il leur suffirait de montrer leurs oeuvres pour qu'elles soient exonérées. Nous ne nions aucunement le rôle utile des collectionneurs. Il s'agit, en revanche, de dénoncer et de sanctionner les comportements scandaleux, en particulier ceux qui permettent de blanchir l'argent sale.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez dit que vous aviez consulté Mme Tasca, ministre de la culture. Chacun connaît ses qualités et je peux vous d émontrer qu'en l'occurrence Mme Tasca n'a pas exprimé son point de vue personnel mais vous a simplement transmis le texte d'un lobby, un texte que j'ai en ma possession et dont M. de Courson, à l'évidence, s'est également inspiré.

M. Charles de Courson.

Précisément non, moi, je ne l'ai pas ! Et vous oui !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce document de quatre pages, vous ne l'avez pas lu jusqu'à la fin et je pourrais en continuer la lecture. La réponse que vous nous avez faite ne traduit donc pas la position du Gouvernement ; on y voit ce lobby en action, et c'est cela que je conteste. Mais, si vous le voulez bien, nous en reparlerons avec vous-même et avec Mme Tasca.

Aujourd'hui, nous confirmons la position qui a toujours été la nôtre : ne seraient assujetties à l'ISF ni les oeuvres montrées au public ni les oeuvres de créateurs vivants. Nous voulons favoriser la création contemporaine et préserver le patrimoine. Mais nous voulons aussi combattre le blanchiment de l'argent sale. A ces intentions-là, aucun observateur honnête ne peut rien objecter.

Quant aux analyses économiques qui ont été évoquées, je répondrai simplement qu'aucune étude sérieuse n'a jamais été produite. Cela me fait penser à M. Chirac ! Quand il a décidé la reprise des essais nucléaires, il a déclaré qu'il avait consulté des savants. En avez-vous jamais vu la liste ? M. Michel Bouvard. Secret défense !

M. Jean-Pierre Brard.

Il ne l'a jamais produite parce qu'il ne les avait jamais consultés ! Eh bien, c'est la même c hose pour ces fameuses études économiques, elles n'existent pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 34 et 447.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. Charles de Courson. Vive les démagos !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SEANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heure quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT