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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CLAUDE GAILLARD

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7419).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 7419)

MM. François Goulard, Gérard Terrier, Pierre Morange, Jean-Pierre Foucher, André Aschieri, Bernard Perrut, Mme Hélène Mignon,

MM. Philippe Auberger, Maxime Gremetz, Jacques Barrot, Jean-Paul Bacquet, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia,

MM. Pascal Terrasse, Jean-Michel Dubernard,Philippe Nauche, Thierry Mariani, François Brottes, Patrick Delmatte, Mmes Paulette Guinchard-Kunstler, Odette Grzegrzulka, Françoise Imbert, Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances. (p. 7451).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CLAUDE GAILLARD,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quinze.)

11

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (nos 2606, 2633).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Dans la suite de cette discussion, la parole est à

M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, nous n'attendons pas Mme Guigou ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non ! Elle arrivera dans la matinée.

M. François Goulard.

Très bien.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La commission est là, monsieur Goulard, et nous vous écoutons avec intérêt.

M. François Goulard.

La réciproque est vraie...

Hier, les rapporteurs et la ministre nous ont reproché de critiquer une absente, en l'occurrence Mme Martine Aubry.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

On ne peut pas parler d'absence !

M. François Goulard.

Mais nous y sommes contraints, par la décision qu'elle a prise de partir à la veille de l'ouverture d'un débat extrêmement important pour tout le secteur de la protection sociale. Il est inévitable que nous prononcions des critiques en son absence. C'est elle qui l'a voulu et je ne crois pas que vous puissiez nous le reprocher.

Sincèrement, Mme Aubry laisse à son successeur un budget inachevé, voire « bricolé ». Et vous êtes amenée à défendre, madame la secrétaire d'Etat, un budget social cafouilleux, plutôt incohérent et inconséquent, et pour tout dire, irresponsable.

Parlons d'abord de son contour, de sa présentation, de son articulation avec le budget de l'Etat.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est placé cette année sous le signe de la confusion délibé-r ée, du flou entretenu, de la dissimulation par complexité.

Des recettes, d'une année sur l'autre, passent de la loi de finances à la loi de financement. C'est le cas de la taxe générale sur les activités polluantes figurant l'an dernier dans la loi de financement de la sécurité sociale et destinée, nous dit-on, à être votée dans une loi de finances rectificative - pratique pour le moins curieuse.

Des dépenses qui relèvent en toute orthodoxie du budget de l'Etat sont inscrites en loi de financement de la sécurité sociale. Les subventions liées au passage aux 35 heures qui auraient dû figurer au budget de l'Etat, en constituent le meilleur exemple.

Des crédits faisant l'objet de débudgétisations, aussitôt rebudgétisés en loi de financement, comme la charge des majorations pour enfant dans les régimes de retraite qui va désormais incomber à la branche famille.

En un mot, tout est fait pour empêcher une lecture claire, une vision d'ensemble, des comparaisons faciles, la lisibilité des évolutions. Chacun sait qu'en matière financière, l'opacité est l'arme première de ceux qui ont quelque chose à cacher : en l'occurrence, l'exercice est réussi.

Très concrètement, cette loi de financement de la sécurité sociale a permis au Gouvernement de dissimuler l'évolution réelle du budget de l'Etat par des transferts habiles et difficiles à détecter. Charles de Courson, en présentant une exception d'irrecevabilité sur le projet de loi de finances pour 2001, avait établi de manière très claire que la dérive des finances publiques était non pas de 1,5 %, comme l'a affiché le Gouvernement, mais en réalité de 3,2 %.

Comment qualifier la répartition des différentes ressources affectées au financement de la sécurité sociale entre les différents fonds et régimes ? Le terme très galvaudé « d'usine à gaz » a été fréquemment utilisé hier dans nos débats. Mais il me semble insuffisant. Nous pouvons parler, pour le moins, de « chimie fine », car le degré de complexité des affectations dépasse l'entendement. Le rapporteur, M. Recours, a d'ailleurs, dans un geste ironique, offert à Mme Guigou un tableau remarquable, quoiqu'incomplet, et qui montre à quel point on a cherché à compliquer les choses.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Il a parlé au nom de l'ensemble des rapporteurs !

M. François Goulard.

Merci, Denis Jacquat, de le préciser.

Autant dire que le principe d'autonomie des branches de la sécurité sociale, principe fort qui devrait être respecté scrupuleusement, est sérieusement battu en brèche cette année.

L'innovation majeure en matière de ressources, c'est l'allégement de la contribution sociale généralisée sur les bas salaires. Le sujet a été largement débattu la semaine


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dernière lors de l'examen du projet de loi de finances.

C'est qu'il concerne, d'une certaine façon, la fiscalité du revenu des personnes physiques.

L'introduction de la CSG par le gouvernement Rocard p ouvait être présentée comme un élargissement de l'assiette - en tout cas d'une partie minoritaire de l'assiette - des cotisations sociales. Depuis, notamment dans la loi de financement pour 1998, le poids relatif de la CSG a fortement progressé au point que son produit dépasse aujourd'hui très nettement celui de l'impôt sur le revenu.

Dans ce projet de loi de financement, vous franchissez une étape qui nous éloigne un peu plus de la notion de cotisation et nous rapproche un peu plus de celle d'impôt. Cela dit, on s'est arrêté au milieu du gué et l'incohérence de la formule retenue par le Gouvernement saute aux yeux.

Vous souhaitiez, et c'est louable, aller dans le sens de l'équité. Curieuse conception de l'équité, cependant, qui fait bénéficier le contribuable d'allégements non pas en fonction de ses capacités contributives réelles, mais en fonction d'une seule catégorie de revenus, les salaires, sans considération des charges des ménages, notamment familiales.

Si vous faites de la CSG la première marche de l'impôt sur le revenu, il vous faudra aller jusqu'au bout de votre logique et considérer, non pas le salaire pour déterminer un droit à allégement mais bien le quotient familial pour tenir compte de l'ensemble des ressources du foyer et de ses charges de famille. Avec cette mesure d'allégement, vous vous engagez sans le dire, sans même peut-être en être totalement conscients, sur un chemin qui vous conduira à d'autres remises en cause.

Il ressort, des conditions dans lesquelles cet allégement a été annoncé début décembre avec d'autres cadeaux fiscaux, que ce n'est pas un souci de réforme qui vous anime. C'est un souci strictement électoraliste, la distribution d'« aménités fiscales » étant censée vous attirer les faveurs de telle ou telle fraction de l'électorat.

L a même philosophie, si l'on peut dire, anime l'ensemble du texte. Elle consiste à ne pas s'attaquer aux sujets qui fâchent, qui gênent ou qui imposent des décisions courageuses. Vous vous limitez donc systématiquement aux mesures de court terme, en négligeant ce qui engage réellement l'avenir. C'est vrai pour les retraites, pour l'assurance maladie, pour la famille : aucune réforme d'avenir pour ces pans essentiels de notre protection sociale.

M. Antoine Carré.

Hélas !

M. François Goulard.

De ce point de vue, et de nombreux orateurs de l'opposition l'ont déjà mis en évidence, l e dossier des retraites est proprement caricatural.

Trois ans et demi d'atermoiements, de rapports succédant aux rapports, de concertations annoncées - n'est-ce pas, Denis Jacquat ? - mais jamais engagées, de non-décisions.

On commence - c'était le propos en 1997 - par nier l'ampleur du problème. Puis on multiplie les prises de p osition contradictoires pour mieux embrouiller les choses. On caricature allégrement les positions des adversaires politiques que nous sommes, en laissant entendre que nous voulons la fin des régimes par répartition, alors que nous plaidons au contraire pour leur renforcement.

Face à la critique d'immobilisme dans un dossier crucial que nous vous adressons constamment, et nous ne sommes pas les seuls, vous avez depuis deux ans une réponse : le fonds de réserve. Créé mais non doté la première année, puis doté pour un montant dérisoire, le fonds de réserve est aujourd'hui alimenté grâce à quelques recettes de poche, à quelques excédents temporaires et à une manne providentielle qui provient du téléphone mobile de troisième génération. Alors, madame la secrétaire d'Etat, on suppose que vous anticipez l'attribution de licences de téléphonie mobile de quatrième, de cinquième, de sixième, pourquoi pas de septième génération ? pour alimenter sérieusement et durablement ce fonds. Car si, au prix d'élucubrations qui lui sont personnelles, le Premier ministre a pu annoncer qu'il atteindrait 1 000 milliards - excusez du peu ! - en 2020, il nous faut constater que vous y mettez quelques dizaines de milliards seulement pour faire face à un besoin qui se comptera chaque année en centaines de milliards. Le fonds de réserve n'est donc rien d'autre, de manière totalement objective et chiffrée, qu'une solution cosmétique, un cache-misère, un trompe-l'oeil, destiné à masquer l'absence de réformes de fond dans un domaine vital.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia et M. Antoine Carré.

Exactement !

M. François Goulard.

On attend au demeurant de savoir comment le fonds de réserve sera géré, question évoquée par le rapporteur. Mme Aubry avait prévu des dispositions à ce sujet dans l'avant-projet de loi. Elles n'ont pas résisté à l'examen du Conseil d'Etat - bravo pour la compétence des services ! - mais nous en connaissons à peu près la teneur : vous prévoyez une gestion des plus classiques, platement administrative, qui interdira de rechercher la performance des sommes placées dans ce fonds, faute notamment d'une vraie diversification internationale.

Il ne doit pas vous échapper, en effet, que nous aurons à faire face, avec le déficit démographique que nous connaîtrons, à une moindre croissance, à une économie atone, tant il est vrai que les populations qui diminuent ne font pas preuve d'une vitalité économique remarquable. Dans ce contexte, il faudra pouvoir profiter de la vigueur d'autres économies, c'est-à-dire diversifier les placements. Et je doute profondément que la gestion que vous envisagez pour ce fonds puisse satisfaire à cette exigence.

Face à une telle imprévoyance, le message adressé aux Français est dramatiquement réconfortant. Le Gouvernement rassure alors que la situation est alarmante. Il calme les inquiétudes alors qu'elles sont parfaitement fondées.

Contrairement à ce que vous dites, l'Etat ne prend pas les précautions qui éviteraient à chacun d'entre nous d'avoir à se soucier de ses revenus de futur retraité.

Un langage de vérité consisterait à dire aux Français qu'ils doivent constituer d'urgence un revenu complémentaire pour leur retraite. Or c'est un message exactement contraire que vous leur adressez. Que ne prenezvous exemple sur le gouvernement socialiste allemand de Gerhard Schreder ! Alors que l'Allemagne est confrontée à une situation démographique très comparable à la nôtre, le ministre du travail, M. Walter Riester, a présenté à la fin du mois de septembre un plan de réforme des retraites comportant des régimes de capitalisation qui permettront, dit-il, de « compenser la baisse inéluctable des retraites du régime de répartition ». C'est un ministre socialiste qui le dit ; ce qui est tabou de ce côté-ci du Rhin ne l'est pas, à l'évidence, de l'autre côté !

Ces fonds de pension allemands, pour les appeler par leur nom, sont des produits individuels et non pas collectifs. Je précise aussi que, dans la conception du gouvernement socialiste allemand, aucune contribution obligatoire


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des entreprises n'est exigée. Cette réforme coûtera à l'Etat allemand 20 milliards de marks par an, c'est-à-dire, chaque année, la totalité de ce qu'il est prévu d'affecter à notre fonds de réserve.

Cette comparaison éclairante nous permet de dire que votre gouvernement, sur le dossier capital des retraites, n'est pas sérieux. S'agissant de l'une des formes les plus importantes de notre protection sociale, il n'est tout simplement pas responsable.

Pour l'assurance maladie, vous n'avez rien réglé non plus, absolument rien. L'équilibre ou le quasi-équilibre - il s'en faut tout de même de 6 milliards - de la branche maladie ne doit pas faire illusion. Il est d'abord le fruit d e la croissance, qui augmente mécaniquement les recettes à règles de prélèvement inchangées. Il est aussi le résultat d'un sérieux élargissement de l'assiette des prélèvements : opéré en 1998, le transfert massif des cotisations maladie vers la CSG s'est traduit par un surplus de recettes de l'ordre de 30 milliards de francs, excusez du peu ! Ces rentrées en forte croissance permettent une apparente générosité dans la détermination de l'ONDAM : 3,5 %, auxquels s'ajoute le dépassement constaté par rapport à l'objectif de 2000. Malgré cela, les réactions des professions de santé vont, suivant les catégories, du mécontentement à la révolte. Les pénuries et les files d'attente touchent les hôpitaux, tandis que les fortes disparités régionales dans l'offre de soins demeurent choquantes.

Mme Guigou nous a dit hier que la croissance était imputable au talent prétendu de ce gouvernement. C'est, par parenthèse, supposer que tous les gouvernements ont du talent au même moment ou qu'ils en sont dépourvuss imultanément, puisque les autres économies européennes, obéissant aux mêmes facteurs, connaissent la même croissance qui a les mêmes effets positifs sur l'emploi. Mais il faut surtout rappeler que la phase de construction de l'euro que nous avons connue avant 1997 a été une période de difficultés, avec des hausses d'impôts inévitables et obligatoires, avec des taux d'intérêt à des niveaux prohibitifs et tous leurs effets négatifs sur la conjoncture. Depuis trois ans et demi, madame la secrétaire d'Etat, nous touchons collectivement les dividendes de cette période d'efforts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Gardez-vous de les gaspiller inconsidérément. Gardez-vous surtout de penser qu'ils seront éternels. Tout comme il est illusoire de penser que nos retraites vont être sauvées par quarante ans de croissance - nous l'avons lu dans un rapport très sérieux.

M. Philippe Auberger.

Il n'était pas sérieux !

M. François Goulard.

Je parlais par antiphrase.

Tout comme il est illusoire de penser que vous pourrez gérer l'assurance maladie avec la facilité financière apparente d'aujourd'hui.

Le jour où un ministre, Mme Guigou ou un autre, un gouvernement, celui-ci ou un autre, s'aviserait de mettre en oeuvre, sur une large échelle, les mécanismes d'encadrement des dépenses que vous faites jouer aujourd'hui partiellement, on peut tenir pour certain que la grogne, le mécontentement, les révoltes localisées auxquelles nous assistons aujourd'hui laisseraient place à un embrasement généralisé, à un rejet massif et définitif. Vous devez êt re consciente, madame la secrétaire d'Etat, que l'arme laissée par Mme Aubry pour tenter de maîtriser les dépenses de santé est en réalité inutilisable, car c'est une arme inacceptable pour tous ceux contre qui elle est employée. Elle est injustifiable en termes d'équité et elle est inefficace en termes strictement économiques.

Cette arme a un nom : la sanction collective. Elle a revêtu des formes différentes. Le mécanisme initialement retenu, le reversement en cas de dépassement de l'objectif de dépenses, a été justement annulé par le Conseil constitutionnel à la fin de 1998. Le mécanisme en vigueur depuis l'an passé est celui des lettres-clés flottantes. Il est dommage que le Conseil constitutionnel ne l'ait pas analysé pour ce qu'il est réellement, c'est-à-dire l'équivalent exact des reversements. Qoui qu'il en soit, les tares sont les mêmes.

Le caractère collectif de la sanction la rend profondément inacceptable. Car à supposer que certains, dans une profession, se comportent moins vertueusement que d'autres en poussant à la dépense, pourquoi sanctionner, en même temps que ceux-là, tous ceux dont le comportement est irréprochable ? C'est profondément inéquitable.

M. Antoine Carré.

Eh oui !

M. François Goulard.

Au demeurant, encore faudrait-il établir que la responsabilité du dérapage de la dépense par rapport aux prévisions incombe à une profession et non à des facteurs extérieurs comme le vieillissement de la population ou les progrès thérapeutiques.

S'agissant des masseurs-kinésithérapeutes, victimes cette année de la vindicte de Mme Aubry, le cas est flagrant.

Voilà une profession de santé qui n'a aucune initiative en matière de dépenses puisque ses actes dépendent des prescriptions des médecins et d'un accord préalable de l'assurance maladie. Comment voulez-vous qu'ils acceptent une réduction de leurs tarifs alors qu'aucune responsabilité ne peut sérieusement leur être imputée ? Si l'on ajoute que cette profession a régulièrement perdu du pouvoir d'achat depuis de nombreuses années, on comprend la vigueur parfaitement justifiée de leurs protestations.

Quant à l'efficacité de la sanction collective par voie tarifaire, on peut sérieusement la mettre en doute. On peut aussi redouter des effets pervers qui peuvent prendre la forme d'un véritable rationnement des soins.

D'autres outils, qu'ils figurent ou non dans le projet de loi de financement, relèvent de la même volonté de contraindre de manière aveugle sans examiner les situations réelles.

La profession des infirmières et infirmiers libéraux est ainsi devenue la cible de la Caisse nationale d'assurance maladie avec le fameux PSI, le plan de soins infirmiers.

Ce plan, sous couvert de rationalisation, transfère à des services de soins à domicile financés par les départements une activité exercée aujourd'hui par les infirmières et les infirmiers libéraux de manière compétente, très économique pour la collectivité et extrêmement appréciée, en particulier par les personnes âgées.

Dans un autre domaine, celui de l'hospitalisation privée, c'est non seulement une volonté de contrainte qui s'observe, c'est une véritable menace que vous faites peser sur la survie même de tout un secteur avec les mesures figurant dans ce projet de loi. Défavorisée depuis de longues années par des évolutions tarifaires trop faibles, l'hospitalisation privée, qui rend d'inestimables services dans des conditions de performance médicale et économique remarquables, ne peut pas supporter à la fois les 35 heures, la pénurie d'infirmières et l'augmentation salariale imposée par de nombreux départs vers l'hôpital public, avec les 3,3 % d'augmentation que vous lui accordez généreusement.

Quant à l'industrie pharmaceutique, c'est, là aussi, la méthode qui est en cause. Que l'assurance maladie soit sélective dans ses remboursements, chacun d'entre nous


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ne peut que s'en féliciter. Mais fixer un objectif de 3 %, déjà mangé par l'introduction de la CMU et par les progrès thérapeutiques, pour la progression des dépenses de médicaments, en prévoyant un prélèvement de 70 % du chiffre d'affaires en cas de dépassement, est une mesure absurde. A infliger de pareilles règles à tout un secteur économique, on récolte immanquablement des effets pervers, on pénalise l'innovation et la mise sur le marché de spécialités nouvelles, par définition plus coûteuses, et donc, au bout du compte, le patient et la qualité de notre médecine.

Notre conviction profonde, constamment réaffirmée, est que la contrainte bureaucratique exercée de façon aveugle au niveau national, avec une fausse délégation à l'assurance maladie, engendre un système condamnné par les faits, incompatible avec l'époque dans laquelle nous vivons et avec les attentes toujours plus fortes de la population en matière de santé. Nous ne ferons pas l'économie d'une vraie réforme de l'assurance maladie à l'instar de celle qu'ont réalisée les Allemands, les Hollandais, les Suisses et beaucoup d'autres, et à l'opposé de l'antimodèle qu'est pour nous la médecine étatisée de la GrandeBretagne.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Je termine, monsieur le président.

Cette réforme prévoira immanquablement que les responsabilités de gestion, dans un cadre général fixé bien sûr par l'Etat, soient exercées dans un dialogue direct et contractuel par les acteurs de l'assurance maladie, c'est-àdire les caisses, les mutuelles, les assureurs complémentaires et les offreurs de soins, hôpitaux tant publics que privés et médecine de ville. En attendant, nous connaîtrons au mieux le mécontentement des professions de santé, au pire leur révolte et - pourquoi pas ? - celle des Français.

J'ose à peine évoquer, ayant épuisé mon temps de parole, la politique familiale. Traditionnellement absente depuis trois ans, elle est oubliée, une fois encore, à peu près totalement.

M. Philippe Auberger.

C'est à pleurer !

M. François Goulard.

Vous ironisez chaque année, mesdames et messieurs de la majorité, sur la grande loi famille. Il est vrai qu'elle était incomplètement financée, mais elle avait au moins le mérite de tracer une voie que v ous avez malheureusement abandonnée. Je crains, madame la secrétaire d'Etat, et je m'adresse par votre intermédiaire à Mme Guigou, qu'en dix-huit mois de période préélectorale, vous n'ayez pas le temps, à supposer que vous en ayez la volonté, d'infléchir le cours des choses. Cela veut dire que le grand chantier de la sauvegarde de notre protection sociale restera demain à ouvrir.

(Applaudissement sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Auberger.

Remarquable ! Quel mordant !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 est un bon projet.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Ouf !

M. Gérard Terrier.

Pourtant, à en croire nos collègues de l'opposition, il serait truffé de défauts majeurs et il n'y aurait pas de mots assez durs pour le condamner.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Il peut être amélioré !

M. Gérard Terrier.

Par souci d'objectivité, je souhaiterais n'évoquer que des faits qui ne peuvent être contestés.

M. Jean-Pierre Foucher.

Ce sera bref !

M. Gérard Terrier.

Au cours de la période 1993-1997, alors que vous aviez, mesdames et messieurs de la minorité, la gestion des affaires...

M. Philippe Auberger.

Et que vous étiez pris par les vôtres !

M. Gérard Terrier.

... la sécurité sociale a enregistré un déficit de 265 milliards de francs, soit 53 milliards par an. A moins de faire preuve d'amnésie ou de malhonnêteté, ce dont je ne saurais vous suspecter, c'est là un fait qui ne peut être contesté.

M. Philippe Auberger.

Mais dans quel état aviez-vous laissé les comptes en 1993 ?

M. Gérard Terrier.

Autre fait non contestable, la commission des comptes de la sécurité sociale, réunie le 21 septembre dernier, confirme que, pour la première fois depuis quinze ans, le régime général a atteint, et même légèrement dépassé, l'équilibre en 1999 - plus 700 millions - et que, pour l'exercice en cours, il est prévu un excédent de 3,3 milliards de francs. Tels sont les faits, je n'y peux rien.

M. Jean-Pierre Foucher.

Ce sont des prévisions, pas des faits.

M. Gérard Terrier.

Pour 1999, les chiffres sont acquis, et, pour 2000, l'exercice est presque clos. En tout cas, la déclaration de la commission des comptes établit des faits.

M. Philippe Auberger.

C'est un peu vaseux, tout ça !

M. Gérard Terrier.

Je comprends que cela vous dérange.

De plus, l'excédent prévu prend en compte des charges nouvelles sur le budget social, notamment la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et l'abondement du fonds de réserve des retraites qui, contrairement aux affirmations de l'opposition, est effectivement alimenté. Sans ces mesures, l'excédent aurait été de 16,2 milliards en 2000 et atteindrait 17,7 milliards en 2001. Voilà la réalité.

Ce retour à l'équilibre durable constitue une priorité de la majorité. Nous y sommes parvenus, et ce seul constat, tellement attendu, devrait recueillir l'approbation de tous. Les Français sauront, eux, dans leur sagesse, reconnaître cette amélioration.

En effet, les déficits permanents menaçaient notre système de protection sociale, basé sur la solidarité, et ouvraient la porte aux tentations d'une privatisation que prônent les plus libéraux d'entre vous.

J'entends bien évidemment dire que ces bons résultats sont liés à la croissance. Toujours par souci d'objectivité, je ne peux pas nier la réalité de cette affirmation.

Cependant, je tiens à réaffirmer que la croissance a été accompagnée de mesures structurelles. Ainsi le Gouvernement a pris des dispositions de soutien à la consommation intérieure. L'actualité nous démontre d'ailleurs que, dans ce domaine comme dans bien d'autres, rien n'est jamais acquis et qu'il nous faut encore poursuivre nos efforts.


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La politique menée par le Gouvernement en faveur de l'emploi n'est pas non plus étrangère à ce redressement.

Cet assainissement rapide est aussi le résultat de la réforme du financement de la sécurité sociale et d'une politique structurelle qui permet de mieux soigner en dépensant moins. Le rapport de l'OMS démontre, si besoin était, que notre système de santé est des plus performants.

J'informe ceux qui attribuent uniquement ces bons résultats à la croissance que, sans les mesures de restructuration de la sécurité sociale, le régime général serait encore en déficit de 30 milliards, et ce malgré la croissance.

Il convient aussi de souligner que ce rétablissement a été obtenu sans augmentation des prélèvements.

M. Philippe Auberger.

Ah bon ?

M. Gérard Terrier.

Dans cette intervention limitée, j'aborderai deux sujets : l'ONDAM et le fonds de réserve des retraites.

L'ONDAM est fort critiqué par l'opposition d'aujourd'hui. Cela surprend. En effet, cet outil qui fait partie des dispositions législatives du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été mis en place, contre notre avis, par cette même minorité.

M. Jean-Pierre Foucher.

Mais vous l'avez gardé !

M. Gérard Terrier.

Pourquoi alors l'avez-vous voté ? Cet outil serait-il bon quand il vous appartient de l'utiliser et mauvais quand il nous revient de le maîtriser ? Je crois que telle est votre pensée.

En effet, l'usage que nous en faisons est différent de celui que vous auriez voulu en faire.

Je lui reconnais des défauts qu'il nous faudra corriger, mais cela, et vous l'avez bien compris, ne constituait pas la priorité. Celle-ci était le retour à l'équilibre.

L'usage que vous vouliez en faire était uniquement comptable et coercitif. Nous en faisons, certes, un usage comptable mais aussi un usage d'amélioration de la politique de santé. J'en veux pour preuve son rebassage, puisque sont désormais prises en considération non pas les sommes votées, qui ne sont qu'un objectif, mais les dépenses constatées. De plus, à cette base revalorisée nous appliquerons, grâce à ce projet, une augmentation de 3,5 %. Nous savons que cet outil peut et doit être amélioré, mais nous en faisons un usage intelligent, et je vous demande de mesurer son évolution par rapport au PIB.

Vous constaterez alors une amélioration des moyens consacrés à la politique de santé.

En ce qui concerne le fonds de réserve des retraites, toujours avec un maximum d'objectivité, je rappellerai deux faits : d'abord ce fonds est aujourd'hui créé, et mes collègues de l'opposition qui jouaient, hier, les Cassandre doivent bien admettre son existence ; ensuite il est alimenté à hauteur de 50 milliards en 2001. Bien entendu, nous entendons que les besoins pour 2020 ne sont pas atteints à ce jour. Il est prévu qu'il disposera de 1 000 milliards en 2020, dont 300 milliards proviendraient des intérêts financiers.

M. Philippe Auberger.

On n'en prend pas le chemin !

M. Gérard Terrier.

Il me paraît démagogique de demander que ce fonds soit, dès aujourd'hui, pourvu de sommes dont nous aurons besoin dans dix ou quinze ans.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Il est tout de même mal alimenté !

M. Gérard Terrier.

L'essentiel est de se doter dès aujourd'hui de mécanismes de financement qui nous permettront de faire face aux besoins de demain.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

D'accord !

M. Gérard Terrier.

C'est une politique prévisionnelle que nous mettons en oeuvre car, contrairement aux vieilles habitudes de la droite, nous, nous finançons nos politiques. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Ridicule !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Quelle exagération ! Pas vous, monsieur Terrier.

M. Gérard Terrier.

Oh si, monsieur Jacquat !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est de la politique politicienne !

M. Gérard Terrier.

M. Goulard l'a admis en déclarant que l'ancienne majorité n'avait pas financé la loi sur la famille mais qu'il s'agissait d'un bon texte. Vous pourrez le consulter le Journal officiel.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Ce n'est pas vous, monsieur Terrier ! Vous êtes un garçon bien !

M. Gérard Terrier.

Ça, je ne le conteste pas. (Sourires.)

Le discours sur les excédents de recettes dus à la croissance ue vous tenez est fort intéressant. En effet, nous entendons, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances, qu'il faudrait affecter ces excédents aux déficits ; qu'il faudrait les affecter à la diminution du prix des produits pétroliers ; qu'il faudrait les affecter à la diminution des charges patronales ; qu'il faudrait les affecter au fonds de réserve pour les retraites, et à bien d'autres choses encore.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Ce sont des propositions !

M. Gérard Terrier.

Comme ce sont les mêmes qui préconisent des affectations, il suffit de faire le cumul de ces souhaits pour s'apercevoir que les excédents constatés sont amplement insuffisants pour satisfaire l'ensemble des demandes. Il faut donc choisir, et nos choix se portent sur ceux qui en ont le plus besoin : les familles, les retraités, les classes moyennes et les plus défavorisées. En effet la solidarité nationale que nous souhaitons nous impose ces choix.

M. Germinal Peiro.

Très bien !

M. Gérard Terrier.

Le texte de loi qui nous est proposé est donc un bon projet. Il nous faudra, au cours de nos débats, enrichir ses orientations par des amendements qui renforceront la volonté exprimée par le Gouvernement à travers ses articles.

Parmi ceux-ci, nous insisterons sur l'exonération de la CRDS pour les chômeurs et les préretraités qui ne sont pas imposables et dont les allocations sont inférieures au SMIC brut. Nous souhaitons aussi l'extension de la réduction de la CSG et de la CRDS jusqu'à 1,4 fois le SMIC, ce qui a été validé dans la première partie de projet de loi des finances ; l'extension du bénéfice de l'exonération des cotisations sociales pour l'emploi d'aides à domicile et, bien entendu, le remboursement à la branche famille des frais de gestion des prestations qu'elle gère pour le compte de l'Etat.

N ous approuvons également un certain nombre d'amendements acceptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la branche vieillesse,


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notamment pour les veuves, pour la branches assurance maladie et pour la branche accidents du travail, en particulier sur le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Enfin, je souhaite que nous engagions une étude sur les effets de seuil, car il me paraît injuste que ces effets, trop mécaniques, amputent la totalité des mesures positives mises en place pour les familles qui ont la chance d'avoir des gains supplémentaires, ce qui se traduit, dans certains cas, par une perte nette sur l'ensemble de leurs ressources. Je sais que tel n'est pas le souhait du Gouvernement, mais il faudrait corriger ces effets.

Ce débat s'inscrit donc sous les meilleurs auspices qui soient et vous pouvez être assurée, madame la secrétaire d'Etat, de notre soutien actif pour faire de ce bon projet de financement de la sécurité sociale un projet de loi excellent que le groupe socialiste votera avec fierté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 est largement critiquable dans la forme et insuffisant sur le fond.

En effet une vision strictement comptable est inadaptée dans le domaine de la santé publique. L'absence d'objectifs précis basés sur des recommandations issues du Haut comité de la santé publique et de la Conférence nationale de la santé, et servant de ligne directrice à une politique sanitaire font cruellement défaut. Seule une évaluation des besoins de la population française à partir de données médicales fiables doit déterminer nos priorités et permettre de définir les moyens financers nécessaires à la réalisation de ces objectifs.

A titre d'exemple, notons l'insuffisance de la politique de dépistage et de prévention du cancer, mais également de la prise en charge de certaines thérapeutiques onéreuses, qui a été dénoncée dans le rapport de la Cour des comptes.

L'objectif national des dépenses de l'assurance maladie, déterminé en 1999 pour cette année 2000, a fait la démonstration de son absurdité : il a été jugé totalement irréaliste par M. Joxe, premier président de la Cour des comptes, mais aussi par le prédécesseur de Mme Guigou, Mme Martine Aubry qui a elle-même déterminé l'ONDAM 2001 sur la base des dépenses effectivement réalisées pour l'année 2000.

C'est pourtant en se fondant sur ces chiffres erronés que M. Spaeth, président de la CNAM, a pris des sanctions injustes à l'encontre des spécialistes, des chirurgiensdentistes, des kinésithérapeutes, des infirmiers, des biologistes et j'en passe. Je demande tout simplement à Mme la ministre d'user de son autorité de ministre de tutelle pour annuler ces mesures iniques, prises sous la forme d'une décotation des actes basée sur le principe des lettres flottantes. Je vous rappelle que ces sanctions aveugles et collectives violent les accords conventionnels, au mépris de toute concertation.

Pour mémoire, le projet de soins infirmiers supposé être l'alpha et l'oméga du maintien à domicile n'aboutira qu'à fragiliser financièrement la majorité des infirmiers libéraux, sans répondre aux besoins des familles de parents dépendants puisque les auxiliaires de vie chargés d'assumer cette tâche sont en nombre insuffisant.

Et que dire des kinésithérapeutes dont la cotation a été ramenée au tarif de 1997, alors même qu'ils agissent sur prescription ? De plus, après des années, vous n'avez toujours pas voulu entendre la revendication légitime des professions de santé paramédicales de créer des instances ordinales, conformément à la loi votée dans cet hémicycle.

Par ailleurs, l'inégalité de traitement entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée, notamment sur le plan des avantages catégoriels, aboutit à une hémorragie des personnels les plus compétents au profit du secteur public, fragilisant ainsi l'équilibre financier des cliniques, alors qu'elles assument également des missions de service public. Ne serait-il pas temps de coter les actes par pathologie ? Dans la mesure où les professionnels de santé ne sont pas des ordonnateurs de dépenses, malgré certaines assertions, les objectifs de l'ONDAM devraient être prévisionnels et négociés dans le cadre d'accords conventionnels entre les praticiens et les caisses. Ils devraient être déterminés sur la base des besoins sanitaires exprimés par région et après définition par le Parlement du panier de soins remboursables.

L'optimisation de l'offre et la coordination des soins ne peuvent se faire que dans le respect de l'indépendance et du statut libéral des professions de santé, auxquels les Français sont très attachés.

Au contraire d'une démarche fondée sur la qualité des soins et sur la responsabilité individuelle du praticien, le Gouvernement oppose et impose une irresponsabilité collective. Cette responsabilité individuelle est présente dans chacune des actions médicales, du devoir d'information des patients à l'obligation de tout mettre en oeuvre, quel qu'en soit le coût, pour assurer son bien-être. Veut-on réellement entraver cette démarche en pratiquant une chasse aux sorcières et un rationnement des soins basé sur une vision strictement comptable de la santé des Français ? Puisque le Gouvernement ne se fixe que des objectifs prévisionnels de recettes, comment peut-il exiger des objectifs précis de dépenses de la part des professionnels de santé dans un domaine aussi inquantifiable que la souffrance humaine ? Je conclurai sur les graves insuffisances des branches famille et vieillesse.

Pour la première, si nous nous félicitons de la création de l'allocation de congé pour enfant malade, dont il ne faut pas oublier qu'elle a été initiée par nos collègues Renaud Muselier et Lucien Neuwirth, il convient de dénoncer clairement le transfert, sans concertation, à la Caisse nationale d'allocations familiales, du financement des majorations de pensions accordés aux parents ayant élevé au moins trois enfants.

Dans le domaine de la retraite, l'évolution démographique inéluctable de notre pays n'est pas prise en compte si l'on en juge par la maigreur du fonds de réserve auquel vous avez refusé d'affecter les sommes nécessaires malgré des rentrées fiscales exceptionnelles.

Ce faisant, vous n'assurez pas l'équilibre de la branche retraite pour l'avenir, alors que vous en aviez les moyens.

Votre manque de courage se traduit également par le refus d'entamer les réformes de fonds qui s'imposent p our cette branche, notamment l'harmonisation des régimes de retraite et la mise en place de fonds de pension en complément de la répartition.

Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous soumettez ne propose aucune réforme de fonds quelles que soient vos déclarations d'intention. Malgré le poids des prélèvements obligatoires que vous imposez aux Français et l'exceptionnelle croissance


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internationale, vous ne parvenez pas à assurer la pérennité des régimes sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Unnion pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à ce stade de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, beaucoup de choses ont déjà été dites. Aussi limiterai-je mon propos aux sections de la loi qui traitent de la branche maladie et des dépenses d'assurance maladie.

Néanmoins, d'emblée et d'une façon générale, je veux souligner que, comme beaucoup de mes collègues, j'ai été surpris par l'état d'impréparation de ce projet.

Le nombre impressionnant d'amendements déposés par les rapporteurs en témoigne. Ils visent à réparer des oublis, à corriger des incohérences, à préciser des dispositions incompréhensibles, ou à supprimer des dispositions qui n'ont pas leur place dans cette loi et qui sont de véritables cavaliers législatifs.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est le rôle du Parlement !

M. Jean-Pierre Foucher.

Avouez, madame la secrétaire d'Etat, que c'est faire bien peu de cas de la représentation nationale que de lui soumettre un projet de loi aussi peu clair. Cela témoigne d'un grand mépris pour les rapporteurs qui ont été obligés de réécrire des pans entiers de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est le rôle des rapporteurs !

M. Jean-Pierre Foucher.

Je tiens donc à rendre hommage à Alfred Recours et à Claude Evin, même s'ils ne sont pas présents ce matin, car ils ont déposé de nombreux amendements pour améliorer le texte.

M. Philippe Auberger.

C'est un brouillon qui nous a été présenté !

M. Jean-Pierre Foucher.

L'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, prévoit pour 2001 une progression de 3,5 % des dépenses d'assurance maladie par rapport à celles attendues en 2000. En réalité ce « rebasage » dissimule une augmentation beaucoup plus importante, montrant que vous ne maîtrisez pas les dépenses de santé, contrairement à ce que vous prétendez.

Ainsi, il faut savoir que, l'année dernière, l'augmentation n'a pas été de 2 %, comme le prévoyait l'ONDAM voté, mais de 4,9 %. L'accroissement est donc plus près de 10 % que des 3,5 % que vous annoncez.

Au sujet de cet ONDAM, j'avoue ne pas bien comprendre bien que vous affirmiez qu'il y a une grande cohérence entre sa variation et l'augmentation du PIB pourquoi et comment est fixé ce pourcentage de 3,5 %.

Jamais, sauf en 1997, l'ONDAM n'a été respecté.

Nous savons aujourd'hui qu'il ne pourra pas l'être davantage en 2001 car, en dehors des menaces de sanctions financières collectives pesant sur les acteurs de santé, aucune véritable mesure n'est proposée pour réguler intelligemment les dépenses d'assurance maladie. Il est donc urgent de mettre en place un calcul de l'ONDAM « nouvelle manière ». En effet, avec le recul, il nous semble nécessaire de fixer cette progression selon des règles claires, différentes de celles actuellement utilisées, s'il y en a jamais eu ! Pour l'UDF, cet objectif doit être prévisionnel et professionnel, non opposable collectivement, et déterminé après analyse de la situation sanitaire et après négociations avec les professionnels. Nous dénonçons et nous refusons les sanctions collectives, les relations conventionnelles qui conduisent à des systèmes de lettres-clés flottantes appliquées à des professions qui, pour la plupart, ne font qu'exécuter des ordonnances médicales. Il faut rappeler qu'un médecin ne peut limiter ses prescriptions si l'état du patient les nécessite et que les professions paramédicales ne font que les exécuter.

Par exemple, limiter le taux d'évolution des dépenses liées aux actes dispensés par les kinésithérapeutes en l'an 2000 à 0,6 % par rapport à 1999 n'est pas raisonnable.

De plus, les sanctionner par une baisse de 40 centimes de la lettre-clé AMK est particulièrement injuste. Ce n'est pas de leur faute s'ils ont dépassé le taux fixé à 0,6 %. Il en est de même pour les infirmières, les orthoptistes, les biologistes, les sages-femmes, les médecins spécialistes, les médecins généralistes, les orthophonistes.

Par ailleurs, il est évident que le taux de 3,5 % correspond à l'augmentation totale de l'enveloppe. Il est donc différent pour chaque profession. Ainsi, l'année dernière, pour la plupart des professions dont je viens de parler, la progression a été inférieure à 2 %, taux d'augmentation de l'ONDAM prévu pour l'an 2000.

Après ces remarques générales, je vais aborder d'autres points relatifs à la branche maladie.

L'article 31 révèle malheureusement l'esprit de ce projet de loi : il n'a pas de rapport avec le financement des dépenses d'assurance maladie. En effet, madame la secrétaire d'Etat, il crée une nouvelle procédure disciplinaire.

Il n'a donc pas sa place dans le texte sauf si - et je souhaite avoir une réponse - il est nécessaire de mettre ces nouvelles dispositions en place rapidement car l'examen de la loi dite de modernisation du système de santé est repoussé sine die . Mais est-ce la vraie raison ? A propos de l'article 31, je souligne aussi que nous sommes pour la suppression des comités médicaux régionaux qui sont de véritables tribunaux d'exception. En revanche, pourquoi supprimer aussi les comités médicaux paritaires locaux mis en place par les conventions nationales ? Y a-t-il eu concertation avec les professionnels pour proposer ces dispositions ? A plusieurs reprises, dans cette loi, nous constatons un traitement très inégal entre le secteur public et le secteur privé. Ainsi le fonds créé pour la modernisation sociale des établissementss de santé ne concerne que le secteur public. De même, pour les activités d'urgence, les établissements publics ont bénéficié d'une enveloppe spécifique. Pourquoi les établissements privés ne peuvent-ils pas en bénéficier ? Les dispositions proposées par l'article 34 les intègre dans l'objectif de dépenses d'assurance maladie, ce qui n'est pas réaliste et constitue un véritable piège car elles vont inévitablement conduire au dépassement de l'objectif.

Par ailleurs l'abondement du fonds pour la modernisation des cliniques privées de 150 millions de francs pour 2001 est dérisoire : cela ne permet même pas une opération par région.

Sur l'article 38 relatif à la publicité pour un médicament remboursable en devenir de non-remboursement, je m'interroge : ne s'agit-il pas de dispositions qui, sans jeu de mots, sont destinées à « faire passer la pilule ». De telles mesures ne me semblent pas sérieuses non seulement parce qu'elles remettent en cause la situation


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actuelle qui est saine, mais aussi parce que les laboratoires ne pourront pas investir dans une communication grand public compte tenu du faible prix de ces médicaments qui sera bloqué par une convention - on enlève d'une main ce que l'on donne de l'autre. Néanmoins, cet article pose le véritable problème de la médication officinale sur laquelle un débat doit avoir lieu pour clarifier la situation des médicaments concernés.

La création d'un fonds de promotion de l'information médicale pose une autre question : pourquoi considérer que l'information sur les médicaments fournie par les laboratoires pharmaceutiques est l'un des responsables du niveau élevé des dépenses de médicaments ? Un médecin prescrit un médicament parce que l'état du malade l'exige. Que le médicament soit commercialisé par tel ou tel laboratoire n'influe en rien sur le montant de cette dépense inéluctable car deux produits à action pharmaceutique voisine ont en général un prix de vente équivalent. Que l'information soit donnée par un fonds de promotion de l'information médicale ne change rien, si ce n'est qu'une fois encore la liberté de prescription risque d'être menacée car elle sera rapidement très encadrée par ce qui est appelé dans l'article 39 « la stratégie thérapeutique ».

Puisque nous parlons des laboratoires pharmaceutiques, je tiens à préciser que j'approuve pleinement les dispositions relatives aux médicaments orphelins et je souhaite qu'une réflexion soit menée pour prévoir également des incitations au développement des formes pédiatriques qui posent beaucoup de problèmes dans les services hospitaliers pédiatriques comme aux jeunes parents.

mais aussi pour les jeunes parents.

Par contre, nous n'approuvons pas du tout le maintien de la taxe sur les ventes directes ni la proposition de fixer à 70 % le montant de la contribution dite « clause de sauvegarde » que les laboratoires pharmaceutiques devront payer si « l'ONDAM Médicament » est dépassé de 3 %. En effet, d'une part, le déclenchement dès le premier f ranc est économiquement incompréhensible, d'autre part, le taux de 70 % est confiscatoire. Nous l'avons déjà dit et tout le monde le sait : le seuil de dépassement de 3 % est irréaliste - c'est le terme utilisé par la Cour des comptes pour l'exercice 1999. Il ne sera donc pas tenu, et vous le savez bien puisque vous inscrivez dans les recettes prévisibles pour 2001 une part importante de cette contribution.

M. François Goulard.

C'est invraisemblable !

M. Jean-Pierre Foucher.

Nous proposerons par amendement de ramener le taux maximum à 65 % comme actuellement, avec une taxe progressive en fonction du pourcentage de dépassement par rapport à la clause de sauvegarde.

M. François Goulard.

C'est le bon sens.

M. Jean-Pierre Foucher.

Madame la ministre, vous nous dites vouloir lutter contre le cancer. Cette lutte fait entre autres appel à des médicaments spécifiques. Or le prix de ceux-ci a augmenté de 30 % en 2000 par rapport à 1999. Le coût de ces traitements entre dans l'ONDAM Médicament et va donc contribuer à son dépassement, mais ces traitement médicamenteux vont permettre de réduire d'autres dépenses - hospitalisation, soins infirmiers, arrêts de travail, etc. - et ainsi de faire des économies dans d'autres domaines.

Où est la cohérence dont on nous parle tant ? Pour terminer, madame la ministre, je voudrais insister sur la nécessité, dans ces domaines très sensibles que représentent les dépenses de santé, de ne pas avoir une vue purement financière. Tout le monde souhaite une maîtrise. Mais celle-ci ne doit plus se faire comme aujourd'hui sans concertation avec les professionnels concernés, avec des objectifs définis selon des méthodes peu claires et assortis de menaces de sanction collective.

En France, nous avons tout pour donner d'excellents soins à notre population. Ne gâchons pas cette énorme chance et utilisons au mieux les moyens qui sont à notre disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la réforme de la sécurité sociale engagée depuis trois ans va dans le bon sens. Mais la loi votée l'an dernier n'était qu'une étape qu'il nous faut améliorer. Il est important de réaffirmer ici un certain nombre de principes qui, me semble-t-il, ont été oubliés.

Il est essentiel de replacer le malade au coeur de la protection sociale. Pour cela, il faut réorganiser un système de santé qui réponde à la demande de soins des malades et aux besoins de santé de la population, un système qui soit sûr au plan médical, économe des deniers publics et accessible à tous.

Dans la préparation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, il me semble que le dialogue avec les professionnels de santé a été un peu oublié.

M. Jean-Pierre Foucher.

Ah oui !

M. Philippe Auberger.

Seulement un peu ?

M. François Goulard.

C'est encore un compliment pour Martine !

M. André Aschieri.

C'est pourquoi, madame la ministre, je me félicite de votre nouvelle nomination qui, j'en suis sûr, permettra de réorienter ce budget vers les besoins réels des malades.

La loi de financement de la sécurité sociale doit être construite à partir des besoins de la population et non uniquement en fonction de considérations budgétaires.

M. François Goulard.

Très bien !

M. André Aschieri.

Je m'interroge aussi sur la révision des moyens octroyés aux infirmières. Le projet de soins infirmiers est, me semble-t-il, incompatible avec la réalité des soins dispensés auprès des patients âgés.

M. François Goulard et M. Jean-Pierre Foucher.

Très bien !

M. André Aschieri.

En effet, les infirmières à domicile consacrent une part importante de leur temps, en dehors des soins, à des actes d'hygiène et d'accompagnement.

Depuis plusieurs années souvent, aux côtés de patients atteints de handicaps sévères - tétraplégie, sclérose en plaques - elles assurent un suivi indispensable en considérant dans sa globabilité le patient à traiter.

Le PSI prévoit le remplacement de ces infirmiers par des personnels moins qualifiés et la prise en charge en totalité des soins autrefois remboursés au patient.

M. François Goulard.

Il a raison !

M. André Aschieri.

Le patient ne peut qu'espérer une hypothétique aide au titre de la prestation d'autonomie.

Nous refusons ce système qui instaure une médecine à deux vitesses.


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M. François Goulard.

C'est exactement ce que nous disons !

M. André Aschieri.

Il risque de mettre en cause le maintien à domicile des personnes âgées ou dépendantes.

M. François Goulard.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mais enfin, monsieur Aschieri !

M. Philippe Auberger.

C'est le bon sens !

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

L'avez-vous au moins lu le texte avant de dire ça ?

M. François Goulard.

Nous l'avons lu avant vous, madame !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Pourquoi caricaturer ainsi ?

M. le président.

Je vous en prie, laissez l'orateur s'exprimer ! Monsieur Aschieri, vous avez la parole !

M. André Aschieri.

J'ai pour habitude d'écouter. Je n'ai jamais interrompu qui que ce soit ! Il nous faut placer le malade au coeur du système, c'est-à-dire être proche de lui. C'est pourquoi nous refusons également les dispositions prises à l'encontre des médecins.

M. Pierre Morange.

Et des infirmiers !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Evidemment, monsieur Aschieri, évidemment !

M. André Aschieri.

Si nous devons être vigilants sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, nous ne pouvons pas nous contenter d'une approche uniquement comptable.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Vous voyez monsieur Goulard, nous avons aussi nos problèmes !

M. André Aschieri.

L'objectif imposé aux professionnels de la santé doit être déterminé après analyse des résulta ts, après définition des besoins sanitaires de chaque région et après concertation.

M. François Goulard.

Bien sûr !

M. André Aschieri.

L'été dernier, des baisses d'honoraires ont été décidées à l'encontre des professionnels de santé. Ces décisions comptables prises par la CNAM conduiront inévitablement au rationnement des soins et la perte du libre choix des patients. (M. Pierre Morange applaudit.)

J'ai la conviction que des mesures de ce type sont, au bout du compte, contre-productives.

Je pense également qu'il faut mettre un terme au gel de la création de places en section de cure médicale dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur la situation de la gynécologie médicale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

C'est incroyable !

M. André Aschieri.

Les trois arrêtés de la gynécologie médicale, signés au mois d'août, ne satisfont ni les gynécologues médicaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste...)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais enfin !...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Oh !

M. André Aschieri.

... ni même certains obstétriciens, ni les patientes. D'ailleurs plus de 1 200 000 d'entre elles ont signé une pétition.

Il est nécessaire aujourd'hui de rétablir la formation de g ynécologie médicale, avec un diplôme spécifique.

Celui-ci a été supprimé en 1986.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

C'est scandaleux !

M. André Aschieri.

Il faut également former, de façon urgente, un nombre suffisant d'internes en gynécologie.

Le besoin est évalué à 80 postes supplémentaires par an.

M. Philippe Auberger.

Au secours ! La majorité implose.

M. André Aschieri.

Enfin et cela me semble le plus important , les Verts insistent pour que soit conservé le libre accès des femmes au gynécologue de leur choix.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il n'est pas menacé !

M. André Aschieri.

Cette disposition doit s'inscrire dans les textes législatifs, réglementaires et conventionnels.

Les Verts tiennent au maintien du remboursement du coût des consultations et des soins par l'assurance maladie dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.

C'est par la prévention, par le libre accès au médecin, que nous éviterons la multiplication des cancers de l'appareil reproductif, que nous permettrons le suivi des maternités dans de bonnes conditions.

Après dix ans de déficit, le régime général de la sécurité sociale connaît un excédent de 235 millions de francs. Ce résultat doit à mon avis servir à améliorer certaines prestations. Je regrette qu'il soit utilisé en partie pour financer les 35 heures. Je m'inquiète des ponctions opérées sur la branche famille.

De la même manière, la TGAP devrait à mon sens être utilisée pour réparer les dégradations subies par l'environnement. (« Bien sûr ! C'est évident ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Perrut.

Excellent !

M. André Aschieri.

Elle pourrait être consacrée au financement, par exemple, de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, sur laquelle je travaille depuis trois ans, et que les Verts se réjouissent de voir pour la première fois inscrite dans le budget de 2001.

L'excédent des comptes de la sécurité sociale doit permettre d'améliorer la vie quotidienne des malades. Nous sommes encore loin d'avoir instauré une véritable démocratie sanitaire.

Nous devons replacer l'usager au coeur du dispositif, lui redonner la parole, organiser le système de soins, décloisonner le sanitaire et le social pour permettre une prise en charge pluridisciplinaire et personnalisée.

Trop de malades vivent aujourd'hui dans des conditions précaires, parce qu'ils ont des maladies orphelines ou mal prises en charge, parce que le seuil de la CMU est trop bas.

En l'état actuel des textes, nombreuses sont les personnes aux revenus modestes qui sont exclus de la CMU en raison du plafond de ressources. Lors de la discussion


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de la loi, il me semblait juste que les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit 3 800 francs par mois, puissent accéder à une gratuité des soins. Les Verts avaient déposé un amendement afin d'éviter que ne soient exclus des soins les bénéficiaires du minimum vieillesse, d'une pension d'invalidité, ou de l'allocation adulte handicapé, mais il a été rejeté par le Gouvernement.

Enfin, je tiens à souligner ici les difficultés que rencontrent les victimes de maladies professionnelles et d'accidents du travail. Depuis de nombreuses années, les associations de victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles se battent pour que soient reconnu leur droit à des indemnités justes. Plus d'un siècle après la première loi de 1898, le système actuel d'indemnisation reste encore injuste.

C'est vers une réparation intégrale que nous devons aller, alors qu'aujourd'hui la plupart des autres systèmes d'indemnisation reposent sur la responsabilité sans faute ou pour risque et assurent une réparation intégrale du dommage.

C'est pourquoi, les députés Verts rappellent qu'ils souhaitent une véritable loi d'indemnisation assurant la réparation intégrale et rapide des préjudices subis par toutes les victimes de l'amiante, quelles que soient les circonstances de leur exposition : fabrication, transformation, transport, utilisation.

Nous avons déposé une proposition de loi en ce sens que nous aimerions voir inscrite rapidement à l'ordre du jour de notre assemblée.

J'aimerais un instant revenir sur la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Si les Verts se félicitent de la prise en compte...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des a ffaires culturelles.

Tiens ! Enfin ! Merci, monsieur Aschieri !

M. André Aschieri.

Si les Verts se félicitent de la prise en compte tardive...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tardive ! Merci, monsieur Aschieri.

M. André Aschieri.

... mais certaine de ces malades, il apparaît dangereux de traiter différemment les victimes de l'amiante et celles du travail.

En effet, les personnes contaminées l'ont été à 95 % dans le cadre de leur travail ou dans leur environnement domestique. C'est pourquoi les accidentés du travail atteints d'un cancer autre que ceux causés par l'amiante devraient être soignés de la même manière. Aujourd'hui nous ne connaissons pas, par exemple, les risques à long terme des expositions aux benzènes ou aux éthers de glycol. Le Gouvernement entend-il créer un fonds d'indemnisation pour chaque pathologie ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est ça !

M. André Aschieri.

Pour nous, ces questions sont essentielles.

Vous le savez, monsieur Le Garrec, les maladies professionnelles sont très importantes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Je les connais aussi bien que vous, monsieur Aschieri.

M. André Aschieri.

Je travaille sur ces maladies depuis trois ans.

M. Pierre Morange.

Vous avez raison, monsieur Aschieri.

M. André Aschieri.

C'est pourquoi les Verts souhaitent que deux aspects soient revus dans cette loi de financement de la sécurité sociale.

Premièrement, nous voulons une réforme du dispositif de prévention des risques professionnels : il est aujourd'hui trop largement influencé par l'intérêt des industriels et, vous le savez aussi, monsieur Le Garrec, les médecins du travail n'ont pas toujours l'indépendance qu'ils souhaiteraient.

Deuxièmement, il apparaît urgent de généraliser pour toutes les victimes le principe de réparation intégrale des préjudices subis.

Aujourd'hui, nous devons appliquer le principe « pollueur-payeur », si j'ose dire, au domaine de la santé au travail.

Comme le mettent en évidence de nombreux rapports officiels, et notamment les rapports Déniel et LevyRozenvald, les entreprises ne supportent pas la totalité des coûts inhérents aux accidents du travail.

Nous plaçons beaucoup d'espoirs en vous, madame la ministre. Votre arrivée au ministère chargé des questions de santé peut redonner enfin une parole à ce que l'on a appelé « un ministère sans voix ».

Nous attendons qu'un véritable dialogue s'instaure avec tous les acteurs de la santé et de la protection sociale afin que les patients, les professionnels de santé et le Gouvernement puissent travailler en confiance.

Les députés Verts sont disponibles pour apporter leur contribution à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

C'est ça !

M. André Aschieri.

Je sais que vous saurez les écouter.

Croyez bien qu'ils sauront vous témoigner leur confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, madame le ministre, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, si la santé et la protection sociale constituent un sujet qui concerne et intéresse tous les Français, la loi de financement de la sécurité sociale qui nous est soumise ne facilite ni la lecture, ni la compréhension de cet important budget, le premier de la nation ! Nous sommes devant un tableau d'une invraisemblable complexité, François Goulard l'a rappelé, et cette loi qui apparaît avant tout comme un instrument de gestion est une « loi hybride » liée à des transferts du budget de l'Etat et finançant des dépenses sans rapport avec la santé comme les 35 heures. On peut alors s'interroger : qui paye quoi et pour qui ? Votre texte est un merveilleux exemple de maquis budgétaire, j'allais dire de manipulation budgétaire. On y trouve les recettes les plus diverses : de la taxe sur les véhicules de société et de la taxe générale sur les activités polluantes aux droits sur les tabacs ou les alcools... De quoi tranquilliser peut-être ceux qui boivent ou qui fument puisqu'ils financent la sécurité sociale ! Ce projet ne révèle en tout cas aucune innovation importante. Et les quelques mesures prévues, dues aux recettes liées à la croissance, ne peuvent faire oublier l'absence de réforme structurelle. C'est une vraie réforme


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de l'assurance maladie, passant par une décentralisation forte, que nous souhaitons, mais vous ne répondez pas à cette attente.

Nous sommes entrés, avec Mme Aubry, dans une pratique totale et unique de maîtrise quantitative des dépenses d'assurance maladie qui ne prend en compte ni les besoins réels de santé, ni les efforts qu'accomplissent les praticiens.

M. Pierre Morange.

Absolument !

M. Bernard Perrut.

Ce système, en tout cas, ne fonctionne pas. Et, alors que vous vous tournez sans cesse vers le passé, nous, nous proposons une meilleure utilisation de l'argent qui permette de prendre en compte les besoins de la population et de promouvoir une politique de santé de proximité en responsabilisant tous ses acteurs.

Incontestablement, la politique de santé et de solidarité ne constitue pas l'une des priorités du Gouvernement et les avis défavorables rendus par l'ensemble des conseils d'administration des caisses maladies, vieillesse, famille, témoignent de l'incapacité du Gouvernement à engager le dialogue et à répondre aux vraies attentes. C'est grave ! Certains se réjouiront toutefois d'obtenir à l'occasion de votre réforme électoraliste le relèvement des revenus d'activité les plus bas, mais faut-il pour autant toucher à la CSG qui paraissait constituer un prélèvement universel et juste, appelant à la responsabilité citoyenne ? D'autres mesures étaient envisageables pour soutenir les personnes aux revenus les plus faibles.

Il n'est pas bon, vous le savez, que la sécurité sociale soit tributaire des compensations que le budget de l'Etat voudra bien lui accorder pour tenir compte des dégrèvement de CSG. Et il n'est pas juste que cet abattement sur la CSG ne tienne pas compte des ressources globales du ménage. Ce qui était une cotisation devient alors un impôt et vous n'avez pas voulu prendre en compte la situation des familles qui ont des enfants à charge. Quelle injustice !

M. François Goulard.

Très juste !

M. Bernard Perrut.

Nous ne pouvons, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, vous suivre dans cette voie et vous devriez vous-mêmes abandonner cette

« virtualité », évoquée hier dans un article par le président de notre groupe, Jean-François Mattei, qui caractérise vos argumentaires, et au contraire écouter les professionnels de santé qui vous interpellent.

Les entendez-vous, ceux que vous aimez sanctionner, les médecins spécialistes, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les biologistes... que nous recevons c haque semaine dans nos permanences ? Ils ne comprennent pas, et nous non plus d'ailleurs, l'utilité de l'ONDAM puisque son « rebasage » conduit en quelque sorte à effacer d'un coup d'éponge le dépassement des dépenses constatées pour cette année, après même que vous avez sanctionné un certain nombre d'entre eux ! Cela pose, avouons-le, la question de l'utilité de voter un objectif de dépenses si celui-ci peut être dépassé sans conséquences. L'ONDAM ne serait-il pas une fiction ? Jeudi, les professionnels de santé exprimeront leur opposition à votre politique et au maintien d'un système d e régulation comptable des dépenses qui vont à l'encontre de l'obligation qui est la leur de tout mettre en oeuvre pour la santé des patients venus les consulter librement.

M. Pierre Morange.

Très bien !

M. Bernard Perrut.

Les relations entre les professionnels et les caisses ne sauraient se limiter à des objectifs.

Elles doivent concerner l'offre et la qualité des soins.

L'urgence, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, est de renouer un vrai dialogue avec les professionnels de la santé. Définissons un code de bonne conduite et sachons surtout faire confiance aux bons praticiens : ils sont très nombreux.

Les entendez-vous, nos infirmières, mal rémunérées, bénéficiant de frais de déplacement insuffisants ; la CNAM veut changer le champ d'exercice de leur profession à travers un projet de soins infirmiers dont vous n'avez pas mesuré toutes les conséquences tant pour cette profession que pour les malades et leurs familles qui devront assumer certaines charges financières ? N'oubliez pas le rôle important des infirmières, dont la présence et le dévouement sont appréciés par les personnes âgées et les personnes handicapées, et qui peuvent constituer ce lien essentiel entre l'hôpital et la ville.

Dans le même temps, les associations d'aides et de soins à domicile vous disent - elles ont manifesté, samedi dernier, à Paris - qu'elles ne peuvent plus faire face à des missions pourtant indispensables, auprès des personnes âgées, handicapées ou malades.

J'aimerais aussi évoquer les difficultés que rencontrent les directeurs d'hôpitaux pour obtenir des équipements lourds - scanners ou IRM - pourtant indispensables, et pour faire face aux dépenses de fonctionnement. Les personnels infirmiers et aides-soignants en nombre insuffisant ont un travail de plus en plus important à accomplir. Ils n'en peuvent plus.

Quant aux cliniques, elles déplorent une revalorisation décevante de leur enveloppe des dépenses autorisées, qui ne permet pas de faire face à la restructuration du secteur ni d'assumer leurs missions dans les urgences.

Les gynécologues-obstréticiens, tant publics que privés, vous ont aussi alertées sur la dégradation de la qualité des soins dans ce secteur qui concerne, ne l'oublions pas, un million de femmes enceintes chaque année. Et les spécialistes du cancer nous disent que la situation actuelle est très difficile pour certains établissements qui connaissent un déficit grave en raison de la progression inquiétante de la consommation des médicaments, indispensables eux aussi, et de leur coût.

L'examen de cette loi, mes chers collègues, nous conduit aussi à aborder la question des solidarités qui doivent s'exprimer. Je voudrais évoquer les personnes handicapées pour lesquelles il reste encore beaucoup à faire. Les parents d'enfants autistes attirent notre attention sur le fait que, aujourd'hui, un grand nombre d'enfants et d'adolescents ne bénéficient toujours pas d'une prise en charge et d'une éducation adaptées à leur handicap.

M. Philippe Auberger.

C'est vrai, et cela en dépit des promesses de Mme Aubry !

M. Bernard Perrut.

Ils sont plus de 700 dans le Rhône ! Que de difficultés aussi pour obtenir le financement d'un centre d'action médico-sociale précoce dans ma propre ville, alors que le préfet a autorisé son ouverture depuis plusieurs années et que de nombreux enfants handicapés de moins de six ans attendent d'être pris en charge.

M. François Goulard.

Et l'autorisation est accordée au bout de trois ans !


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M. Bernard Perrut.

Par ailleurs, quand aura lieu, madame la ministre, la discussion de ce projet de loi, tant attendu, portant réforme de la loi du 30 juin 1975 sur les établissements sociaux et médico-sociaux ? Quant aux veufs et aux veuves, ils sont les grands oubliés de cette loi alors qu'il faudrait améliorer le taux de réversion des conjoints survivants, d'autant qu'un certain nombre d'entre eux sont pénalisés par le plafond du cumul de la pension de réversion avec un avantage personnel de retraite.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est vrai !

M. Bernard Perrut.

Notre ami Jacquat l'a déjà très bien évoqué dans son rapport.

Il faut modifier les conditions d'obtention de l'allocation veuvage qui sont trop restrictives et faciliter l'insertion professionnelle de ces jeunes femmes confrontées à la solitude et aux difficultés.

J'en viens à la famille et j'espère, mesdames, que vous saurez donner un élan nouveau à la politique familiale qui dépasse d'ailleurs le cadre de cette loi de financement de la sécurité sociale et qui a été, on peut le dire, quelque peu malmenée ces dernières années.

Je voudrais évoquer les familles en difficulté et rappeler le récent rapport, faisant suite à la mission de l'IGAS et de l'Inspection générale des services judiciaires, qui évoque l'amoncellement de structures et de dispositifs, d'actions et d'interventions qui tiennent plus de l'interventionnisme que de l'accompagnement et du soutien.

M. Patrick Delnatte.

Très juste !

M. Bernard Perrut.

Je le rappelle, il y a en France, selon l'INSEE, 1 790 000 enfants qui vivent dans des situations difficiles, dont 960 000 dans des familles ne disposant que d'un minimum social. Je crois que nous devrions nous attaquer plus courageusement à ce mal et trouver les véritables causes des difficultés rencontrées.

Je considère pour ma part comme essentielles toutes les actions qui peuvent contribuer au soutien de l'exercice des fonctions parentales et à la réhabilitation de la parentalité. La création de réseaux d'écoute me paraît indispensable.

Les structures familiales, qui subissent toutes les tensions liées à la situation économique et aux formes modernes d'urbanisme, n'ont jamais été aussi fragilisées.

Il faut le dire. En témoigne le « vide parental » constaté par bien des observateurs de la vie des quartiers et qui indiquent un « démaillage » social. Cette situation, mesdames les ministres, n'a malheureusement pas suscité de réponse globale dans le projet que nous examinons.

Sur un autre point, reprenant la proposition de l'un de nos collègues de l'opposition, vous mettez en place un congé et une allocation de présence parentale. Il s'agit là d'une bonne mesure car elle va permettre d'assister un enfant gravement malade. Mais elle mériterait à mon sens d'être étendue à l'assistance d'une personne âgée ou handicapée, car une telle mission relève aussi de la politique familiale et de la solidarité.

L es familles attendent encore autre chose : par exemple, l'élévation à vingt-deux ans de l'âge limite de versement des allocations familiales prévue dans la loi du 4 juillet 1994 que vous avez abrogée en décembre 1999.

Allez-vous satisfaire cette demande pressante des familles qui ont du mal à assumer la charge d'enfants poursuivant des études ? Je m'interroge encore sur l'incitation faite aux parents de reprendre leur activité professionnelle avant l'expiration du congé parental d'éducation. Une telle mesure, mesdames, est-elle guidée simplement par votre volonté de réduire le coût de l'APE ou bien par une vision « travailliste » de la famille, la mère restant au foyer pour s'occuper de ses enfants étant considérée par vous, comme une femme inactive ? Cette innovation ne profitera d'ailleurs pas, ou peu, aux personnes qui connaissent des difficultés d'insertion professionnelle en raison d'une qualification insuffisante.

D'autres solutions, à mon sens, visant à mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle existent, de même que pour faciliter le retour dans l'entreprise, à temps complet ou à temps partiel, après un congé parental.

D'un côté, vous découragez les parents de s'occuper de leurs enfants en bas âge et vous les incitez à retravailler et, de l'autre, vous limitez les aides pour la garde d'enfant à domicile.

M. François Goulard.

Eh oui !

M. Bernard Perrut.

C'est le cas encore aujourd'hui, lorsque vous faites basculer l'AFEAMA dans le groupe des prestations sous condition de ressources.

M. Marcel Rogemont.

Et alors ? Heureusement !

M. Bernard Perrut.

Quant à votre programme d'investissement pour les crèches, êtes-vous sûres qu'il faille donner la priorité au développement de ce mode de garde ?

M. Marcel Rogemont.

Oui !

M. Bernard Perrut.

Les parents, beaucoup d'enquêtes le montrent, privilégient des modes de garde différents, axés sur la proximité...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Ce n'est pas contradictoire, monsieur Perrut !

M. Jacky Jaulneau.

L'un n'empêche pas l'autre !

M. Bernard Perrut.

... et les assistantes maternelles demandent une meilleure reconnaissance, un meilleur statut, de meilleures conditions de rémunération.

M. François Goulard.

Il a raison !

M. le président.

Je vous demande de vous acheminez vers votre conclusion, monsieur Perrut.

M. Bernard Perrut.

Enfin, et ce sera ma conclusion, votre projet, madame la ministre, prévoit de mettre à la charge de la CNAF la majoration de 10 % que le régime général accorde aux retraités qui ont élevé trois enfants ou plus.

Cette majoration a toujours été considérée, vous le savez, depuis son institution par le législateur, comme une prestation de solidarité et non comme une prestation familiale, d'où son financement par le fonds de solidarité vieillesse. Votre transfert n'a, en fait, d'autre objet que d'alléger le FSV afin de lui permettre, grâce à un système de tuyauteries, d'alimenter le FOREC qui finance le coût des 35 heures.

Cette charge financière supplémentaire pour la CNAF empêchera, pour les années à venir, toutes nouvelles actions de la branche famille. On peut craindre que le partage des ressources de la branche famille devienne alors un sujet d'affrontement entre les générations. Ce serait grave.

Ce texte, véritable Meccano comptable, n'a ni le souffle ni l'ambition que nous pourrions attendre et, en tout cas, espérer. Les professionnels de santé seront dans la rue demain pour vous le dire ; les familles ne sont pas


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satisfaites - vous le savez. Le problème des retraites n'est pas réglé. En un mot, ce projet de loi ne prépare pas l'avenir et ne peut être accepté en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion s'est engagée depuis quelques heures sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et quelques contrevérités ont été assénées, par exemple s ur la gynécologie médicale et sur le décret sur les infirmières, sans oublier l'interprétation que vient de faire M. Perrut des modifications éventuellement apportées à l'APE.

Je souhaite qu'au cours des débats importants qui nous attendent, le ton soit à la sérénité, que les propositions soient constructives et non passéistes, en particulier en ce qui concerne le chapitre sur la famille.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

Mme Hélène Mignon.

La société évolue, les aspirations des familles aussi, mais pourtant on reconnaît toujours un rôle fondamental à la famille dans le domaine social, comme facteur de cohésion et de lien intergénérationnel ou même dans le domaine économique comme facteur d'emploi et de consommation.

Si l'on doutait de l'intérêt que porte aux familles le Gouvernement, il suffirait de se souvenir que c'est depuis l'arrivée de Lionel Jospin que la conférence de la famille se tient régulièrement. La nomination de Mme Ségolène Royal à la tête d'un ministère à la famille et à l'enfance, montre bien la volonté d'allier les actes aux discours.

En effet, ce ministère est à mes yeux un creuset - qui nous permet, au-delà des grandes rencontres que sont le vote du budget ou la conférence de la famille, d'avancer vers une appréhension de plus en plus pointue de tout ce qui entoure ce mot ou ce concept.

Notre politique veut et doit s'adapter aux familles dans leur diversité ; respectueuse des libertés de chacun, elle doit accompagner les évolutions en gardant le cap sur des valeurs partagées.

Les problèmes sont complexes, parfois difficiles à déceler puis à résoudre. Il ne suffit pas d'en faire le diagnostic, il faut proposer, décider des remèdes à apporter.

L'esprit de solidarité et d'égalité républicain doit en être le pilier porteur.

Ce que l'on attend d'une politique de la famille c'est bien sûr que, par ses aides financières, elle permette une meilleure prise en charge des enfants au sein de la famille, c'est l'universalité des allocations. Mais c'est aussi tout ce qui peut être mis en oeuvre pour aider de façon indirecte les familles et leur permettre une meilleure prise en charge des enfants au sein de la famille, c'est l'universalité des allocations. Mais c'est aussi tout ce qui peut être mis en oeuvre pour aider de façon indirecte les familles et leur permettre d'accéder à une citoyenneté réelle, d'assumer la responsabilité qui est la leur en tant que parent, et ne jamais perdre de vue que l'enjeu est important : le devenir d'un enfant et l'avenir d'un adulte.

Si la famille doit rester le lieu où se situent les liens les plus précieux et les plus profonds - l'affection, l'aide, les conseils - nous devons bien reconnaître que, dans la réalité, certains parents, enfermés dans leurs propres difficultés et leur désespérance, ne peuvent jouer ce rôle et que c'est là peut-être plus qu'ailleurs qu'est notre responsabilité. Les aider dans leur parentalité plutôt que de les suppléer, tel est l'objet des réseaux d'aide et d'accompagnement des parents, de la réflexion sur l'autorité parentale et le rôle des parents et de la réforme du droit de la famille.

Madame la ministre, nous ne pouvons que nous réjouir de voir prise en compte dans ce budget la nécessaire création de structures d'accueil pour la petite enfance. Nous ne pouvons en effet, fort légitimement, reventiquer l'égalité professionnelle sans permettre dans le même temps aux jeunes parents, en particulier aux jeunes femmes, de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Le fonds d'investissement, doté de 1,5 milliard, mais aussi le fonds de fonctionnement vont rassurer les maires qui savent combien les crèches et haltes-garderies coûtent à leur collectivité. En ce qui me concerne, je souhaite que ces structures se développent dans le monde rural, car l'inégalité géographique est encore grande.

A côté des sommes débloquées, ce qui me semble presque aussi important, et peut-être même plus important, c'est la souplesse qui est autorisée, d'une part, en ce qui concerne le nombre d'enfants accueillis dans ces structures, d'autre part, dans les horaires.

Je ne suis pas sûre qu'une femme travaillant dans la grande distribution - la plupart du temps à temps partiel - puisse encore y trouver satisfaction totale, tant ses horaires sont peu compatibles avec la vie normale d'une nfant, mais peut-être trouvera-t-elle, du moins je l'espère, une réponse dans l'emploi d'une assistante maternelle agréée, puisque nous enregistrons dans vos propositions une majoration de l'aide pour les familles modestes et moyennes.

En revanche, je suis sûre qu'une maman à qui l'on propose un stage ou un emploi pourra trouver rapidement - au moins pour quelques jours - une réponse à la garde de son enfant, dans l'assouplissement des normes.

Cela facilitera avec d'autres mesures prises par ailleurs, et sur lesquelles je ne reviendrai pas, le retour dans l'emploi des mères de famille.

Quant à la création de classes passerelles, ce n'est pas une façon de pallier l'insuffisance de places en école maternelle, mais cela correspond à une interrogation. En effet, la question se pose toujours à nous, individuellement et collectivement, de savoir quelle est la structure la mieux adaptée à l'enfant entre deux et trois ans : le besoin de socialisation ne se manifeste pas dans toutes les familles pour chaque enfant de la même façon, mais le choix des parents se fait souvent par rapport à un facteur économique : gratuité de l'école contre coût des modes de garde.

La relation qui devra s'instaurer de façon plus positive entre les responsables de la crèche et de l'éducation nationale ne pourra qu'être bénéfique pour l'enfant, sa prise en charge n'en sera que meilleure. Peut-être la violence déjà détectée dès les premiers mois de la vie trouverat-elle dans cette organisation une réponse plus conforme aux besoins.

C'est, madame la ministre, l'un de mes soucis quand, dans des quartiers difficiles en particulier, les puéricultrices me disent déceler cette violence et qu'elle se confirme à l'école maternelle. A-t-on pris, toujours et partout, la mesure de ce problème ? Je salue aussi la décision du Gouvernement de s'occuper des enfants atteints de dysphasies ou dyslexies qui étaient les oubliés de notre système.


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Il ne suffit pas toujours de mettre en place des relais parents-enfants ; il faut quelquefois aller plus loin dans la prise en charge de ces familles et c'est là un problème délicat.

Quant à la création d'un congé parental pour enfant malade, je ne peux que dire : enfin ! comme nombre de parents confrontés à ce problème.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très bien !

Mme Hélène Mignon.

En votant cet article, je penserai à ces enfants d'une classe de ma circonscription qui, préparant une proposition de loi dans le cadre du Parlement des enfants, m'avaient demandé de faire en sorte qu'une maman qui s'absentait pour être auprès de son enfant gravement malade ne perde pas son emploi. Ils venaient de vivre douloureusement ce cas avec un camarade de classe et en étaient très choqués.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

M. Muselier l'avait proposé, il y a déjà six mois !

Mme Hélène Mignon.

Ainsi, les enfants et les adultes ont été entendus.

Madame la ministre, mes chers collègues, je ne crierai pas au hold-up quand est envisagée la prise en charge progressive de la majoration de pension servie aux parents de trois enfants et plus par la branche famille et je ne trouve pas scandaleux - puisque les fonds sont là - que l'allocation de rentrée scolaire entre dès cette année et totalement dans les compétences propres des caisses.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais oui !

Mme Hélène Mignon.

En revanche, j'entends bien ceux qui s'interrogent sur le bien-fondé de la prise en charge par la CNAF des frais de gestion du RMI en particulier.

La question de la modulation de l'ARS en fonction du niveau de scolarisation ne manquera pas de se poser. Il faudra bien prendre en considération les frais très importants qui pèsent sur des familles modestes dont les enfants suivent la filière technologique.

La politique familiale que le Gouvernement met en oeuvre nous convient. La réflexion doit se poursuivre en fonction de l'évolution de notre société, c'est évident, et pour l'heure, les députés du groupe socialiste soutiendront ce projet.

Aider les familles, c'est mener une politique sociale juste, poursuivre le combat contre le chômage, aider au retour à l'emploi, pour que les enfants s'épanouissent dans un climat familial serein, sans peur du lendemain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Ça va changer de ton !

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les années se suivent et, malheureusement, se ressemblent.

Nous avons déjà dénoncé l'opacité de cette loi de financement de la sécurité sociale et son articulation très difficile avec la loi de finances, les multiples transferts entre l'une et l'autre, les changements d'affectation des recettes et des dépenses, ce qui, au total, ôte à la réforme de janvier 1996 une grande partie de sa signification.

Et, cette année, ceci est aggravé par le fait que les annexes de la loi de financement ont été déposées très tardivement, la semaine dernière. Lorsque Mme Aubry est venue, en compagnie de Mme Gillot, devant la commission des finances, ces annexes n'étaient pas disponibles.

C'est dire le degré d'impréparation de cette loi de financement ! Je limiterai mon intervention à trois problèmes : la modification de la CSG, le financement du FOREC et le financement du fonds de réserve des retraites.

S'agissant, d'abord de la modification de la CSG, la réforme de 1998 qui a tendu à basculer en une seule fois les cotisations d'assurance maladie sur la CSG a été trop brutale. Nous l'avions dit à l'époque ; on ne nous a pas écoutés et on en voit maintenant les résultats.

M. Maxime Gremetz.

Vous avez voté pour ! Moi, j'ai voté contre !

M. Philippe Auberger.

De ce fait, il n'y a plus suffisamment de différence entre les revenus d'activités à niveau modeste, le SMIC par exemple, et les revenus de remplacement, parfois moins de 1 000 francs, d'où ce qu'il est convenu d'appeler une trappe à inactivité, dont l'existence a d'ailleurs été reconnue, notamment dans la loi sur l'exclusion.

Le nouvel allégement proposé entre 1 SMIC et 1,3 ou 1,4 SMIC permet d'atténuer cet effet mais, comme cela a été souligné à juste titre dans une excellente étude de l'OFCE, la trappe à inactivité a été remplacée par une trappe à bas salaires puisque, selon les calculs de cet office, il faut 334 francs versés par l'employeur pour améliorer de 100 francs une rémunération nette au niveau du SMIC. Dans ces conditions, il aurait été préférable de rechercher un autre moyen pour alléger les charges sociales des salariés, par exemple introduire un abattement à la base sur les cotisations payées par les plus modestes.

M. Marcel Rogemont.

C'est ce qui est fait !

M. Philippe Auberger.

Par ailleurs, si l'on a bien prévu la compensation de cet allégement pour les trois régimes qui se répartissent le produit de la CSG, on peut se demander pourquoi cette compensation est décidée dans la loi de finances alors que l'allégement de la CSG est prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il y a là un manque de cohérence manifeste.

On peut surtout se demander si la ressource prévue en compensation, la taxe sur les conventions d'assurance, qui n'a aucun rapport avec cet allégement, est bien la ressource appropriée et si elle sera suffisante au terme de la réforme, compte tenu du fait qu'une partie du produit de c ette taxe est également utilisée pour financer les 35 heures.

La même opération d'allégement concerne la CRDS, dont le produit est versé à la CADES, mais cette opération ne fait l'objet d'aucune compensation, ce qui correspond à un manque à gagner de 500 millions de francs pour la CADES, ce qui laisse à penser que l'on considère qu'elle se porte suffisamment bien.

M. Marcel Rogemont.

C'est l'économie qui se porte bien !

M. Philippe Auberger.

C'est en quelque sorte un hommage rendu à ses créateurs et à ceux qui ont décidé de la doter de ressources permanentes. On les reconnaîtra ! Passons au financement des 35 heures.

Il faut d'abord constater que le compte de dépenses est arrêté à 85 milliards de francs en 2001 contre 67 milliards cette année. Le passage aux 35 heures représente désor-


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mais une charge très lourde, difficilement supportable, dont le montant dépasse le montant des investissements civils de l'Etat.

Pour faire face à cette charge, on a été obligé d'affecter au FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, pas moins de six ressources fiscales différentes : taxe sur les tabacs, droits sur les boissons, contribution sociale sur les bénéfices, taxe sur les conventions d'assurance, taxe sur les véhicules de société, taxe générale sur les activités polluantes. C'es t dire que l'équilibre de ce compte, qui doit être assuré en présentation et en exécution, est bien difficile, problématique, et exige la mobilisation de ressources sans aucun lien avec les 35 heures, au mépris des règles habituelles d'universalité et de non-affectation des recettes aux dépenses, règle essentielle de notre droit budgétaire.

Pour deux ressources au moins, la contribution sociale sur les bénéfices, qui passe de 4 à 6 milliards de 2000 à 2001, et la TGAP, qui passe de 3 à 7 milliards, on ne sait pas comment exactement sera assurée une pareille augmentation.

On a encore moins de perspectives sur l'évolution de ce fonds, qui devrait à terme représenter 115 ou 120 milliards de francs. Il aurait pourtant été indispensable, lors de sa création, comme cette année, de nous donner une programmation à moyen terme des recettes et des dépenses, pour savoir comment on pourra faire face à sa montée en charge.

Il serait aussi utile que le texte précisant les modalités d'organisation, de fonctionnement et de gestion du fonds soit enfin pris, un an après sa création.

Parlons du fonds de réserve des retraites.

Après de nombreux atermoiements on nous a annoncé sa création. On nous a même annoncé qu'il serait doté de 23 milliards de francs avant la fin 2000, et de 55 milliards de francs à la fin de 2001, compte tenu en particulier des p remiers versements au titre des licences téléphoniques UMTS.

En fait, on a peine à imaginer ce fonds, puisque, un an après la décision de le créer, les textes constitutifs ne sont toujours pas pris, et qu'il n'existe par conséquent que sur le papier. Le rapporteur général de la commission des finances, dans son rapport écrit, s'en étonne, et presse le Gouvernement d'apporter une solution.

On voit bien, avec l'affectation du produit des parts sociales de la réforme des caisses d'épargne, et maintenant d'une partie du produit des licences UMTS, que ce fonds est constitué de bric et de broc, au hasard des recettes qui peuvent se présenter.

M. Maxime Gremetz.

Il faut que tout ça soit plus clair !

M. Philippe Auberger.

C'est un fonds attrape-tout ! Le seul document de référence en la matière, en ce qui concerne les perspectives d'avenir, émane de la conférence de presse du Premier ministre du 21 mars 2000. C'est dire la faiblesse et le peu de transparence des informations.

Par ailleurs, les placements autorisés pour ce fonds de réserve ne seraient, semble-t-il, que des obligations du Trésor. Actuellement, les quelque 5 milliards de francs disponibles seraient placés, nous a dit Mme Aubry à la commission des finances, en obligations du Trésor à deux ans, ce qui fait que les produits financiers attendus sont d'un montant ridicule : moins de 1 % pour 2000, et 2,5 % pour 2001.

M. Maxime Gremetz.

Plaçons les chez Axa ! Ça rapportera plus ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Avec de telles méthodes de placement, il paraît impossible d'atteindre l'objectif très ambitieux de 330 milliards de francs de produits financiers à l'horizon 2020 qui nous est annoncé par le Premier ministre.

On peut se demander quel est l'intérêt de multiplier les fonds prétendus autonomes pour gérer un portefeuille de dettes publiques de l'Etat, entre la Caisse d'amortissement de la dette publique, la CADES, et ce fonds de réserve des retraites.

Plus généralement, n'est-il pas temps d'annoncer que, si l'on veut correctement valoriser ce fonds de retraite, il faudra l'autoriser à faire des placements plus diversifiés et plus rémunérateurs ?

M. Maxime Gremetz.

Bien sûr !

M. Philippe Auberger.

De toute façon, ce fonds ne permettra pas de faire l'économie d'une réforme des retraites, privées et publiques. Ce serait un leurre de croire le contraire. Or le Gouvernement nous dit tout le contraire.

Enfin, mesdames les ministres, je m'étonne de ne retrouver dans l'ensemble des documents et documents annexes de cette loi de financement aucun compte d'ensemble en recettes et en dépenses pour la couverture maladie universelle. Voilà une mesure qui aboutit à prélever et à redistribuer près d'une dizaine de milliards de francs, et qui n'est retracée dans aucune partie de cette loi de financement. J'ai tout juste trouvé dans le bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale le fait qu'au chapitre 46-82, le crédit prévu à 7 milliards de francs dans la loi de finances de 2000 passerait à 6,6 milliards de francs en 2001, sans aucune explication. On peut se demander comment les crédits de la CMU, qui entre progressivement en application, peuvent diminuer.

Tout cela, évidemment, empêche un contrôle correct du Parlement.

En définitive, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte de nombreuses zones d'ombre et même d'obscurité. Ce débat devrait les faire disparaître, mais tout est présenté de façon si confuse que cela paraît impossible. Un progrès décisif dans ce domaine serait indispensable, faute de quoi la présentation de ces comptes sera toujours sujette à caution.

En l'état actuel, naturellement, nous ne pouvons que rejeter un tel projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, Jacqueline Fraysse, dans son intervention, hier, a donné notre appréciation globale sur la loi de financement de la sécurité sociale : celle-ci traduit des progrès intéressants, mais elle est peu ambitieuse et ne répond pas totalement aux besoins et aux attentes du pays.

Ainsi, on ne peut ignorer les attentes fortes des professionnels de santé, en particulier, des personnels hospitaliers, et celles des malades, qui ont des problèmes de sécurité.

A Amiens, des machines ultra-modernes ne sont pas utilisées par manque de personnel. C'est un vrai problème ! On ne peut profiter des progrès scientifiques et technologiques ! C'est la vérité, chacun peut le constater.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Mon amie Muguette Jacquaint interviendra sur la famille. Je veux aborder, moi, deux aspects, et d'abord les retraites.

J'ai fait des recherches ce matin et je mets quiconque au défi de me montrer une étude indiquant que le pouvoir d'achat des pensions et des retraites a augmenté. Il a baissé, et sérieusement ! Rappelons-nous ce que l'on a prélevé dès le départ sur les retraites avec la CSG, que vous avez votée, messieurs, et la CRDS. Ne nous racontons pas d'histoires, regardons la réalité ! Chacun peut consulter les chiffres ! Il faut donc faire un effort pour les pensions et les retraites. Il y a 12 millions de retraités, qui ont travaillé, produit des richesses, cotisé. Ils ont le droit d'être respectés. Et c'est bon pour la consommation et l'économie.

Je suis membre du conseil d'orientation des retraites.

Nous travaillons et réfléchissons. Il y a toute une série de problèmes mais réaffirmons-le clairement : oui au système par répartition et à l'universalité du système de retraite ! Je ne suis pas de ceux qui pensent que, parce que la durée de vie s'allonge et qu'il y a un problème de démographie entre les actifs et les inactifs, il faut remettre en cause le droit à la retraite à soixante ans. Quelle régression ce serait pour un gouvernement de la gauche plurielle ! Rappelez-vous, avec M. Balladur, le passage de trente-sept annuités et demie, à quarante annuités ! En tout cas, ce n'est pas du tout ce que je souhaite, et ce n'est pas la solution.

Et puis est-il juste d'indexer les retraites sur les salaires, alors qu'ils augmentent si peu ? Il n'y a qu'à regarder l'évolution des chiffres sur trois ans selon les comptes de la nation. Part des salaires dans la valeur ajoutée : 56,7 % en 1997, 56,8 % en 2000. Pouvoir d'achat : 0,4 % en 1997, 0,3 % en 2000. Ce n'est pas moi qui le dis ! Il faut regarder la réalité en face ! Les gens ne sont pas fous. Ils voient ce qu'il y a dans leur porte-monnaie ! Une indexation sur l'inflation serait bien plus juste que l'indexation sur les salaires, d'autant que le patronat et le MEDEF s'acharnent à ne pas augmenter les salaires, à les faire baisser, et à multiplier les situations précaires.

Nous voulons aller de l'avant, mais est-il imaginable, par exemple, qu'une loi de financement de la sécurité sociale ne fasse pas un geste fort vers les familles, avec une augmentation des allocations familiales ? Moi, cela me paraît impossible ! On nous dit que cela coûte cher. Parlons chiffres ! Une augmentation des allocations familiales de 2,2 %, comme nous le proposons, cela fait 1,5 milliard ! Pour les retraites, on parle d'une augmentation de 2,2 %. Il faut aller vers un rattrapage. Allons jusqu'à 3 %, 0,8 % de plus. Cela fait 1,5 milliard de plus ! Ce sont les chiffres, et qu'on vienne me prouver le contraire ! On a parlé de la CMU, mais va-t-on oui ou non rembourser les soins dentaires pour les enfants et les lunettes comme on nous le promet depuis trois ans ? Cela coûterait 800 millions mais on n'est pas capable de le faire ! Ce n'est pas possible ! Si on ne va pas de l'avant, les gens ne peuvent pas faire la différence entre la droite et nous ! Moi, je veux faire la différence. Vous savez bien que nous, c'est le progrès social,...

M. Jean-Michel Ferrand.

La preuve que non !

M. Maxime Gremetz.

... la justice sociale et fiscale et eux la réaction, le conservatisme. Alors, faisons-le ! C'est aux actes qu'il faut juger ! On nous parle de financement mais, selon un sondage récent, les retraites sont la préoccupation première de 61 % des Françaises et des Français. Soyons donc attentifs aux attentes des gens ! Selon les derniers chiffres de l'évolution des salaires et des prix, que j'ai ici, pour les salaires comme pour les retraites, il y a stagnation du pouvoir d'achat. Pour les salaires, c'est la première fois depuis de très nombreuses années, et ce n'est pas moi qui le dis ! Regardez les chiffres ! Pendant ce temps-là, et je sors une autre fiche officielle pas la peine d'en inventer, de nombreux instituts travaillent et font les comptes -, les entreprises font des profits historiques. Les vingt premiers groupes industriels et commerciaux en ont réalisé autant au cours des six premiers mois que l'an dernier.

M. Germain Gengenwin.

C'est la vieille rengaine.

M. Maxime Gremetz.

Vous n'aimez pas, je sais ! Votre vieille rengaine à vous, c'est faire des cadeaux riches,...

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est vous qui faites des cadeaux aux riches !

M. Maxime Gremetz.

... et faire payer les pauvres.

C'est ça la différence entre la gauche et la droite !

M. le président.

Monsieur Gremetz, vous avez à peu p rès doublé votre temps de parole. Pourriez-vous conclure ?

M. Maxime Gremetz.

Tout à l'heure, un de mes collègues qui avait droit à dix minutes en a parlé vingt !

M. le président.

Pas du tout.

M. Maxime Gremetz.

Moi, je ne doublerai pas mon temps de parole !

M. le président.

Vous y êtes quasiment.

M. Maxime Gremetz.

Laissez-moi faire ma démonstration, ce sera très utile pour eux. Je leur donnerai mes fiches ! (Sourires.)

Les recettes, a dit avec raison l'un de mes collègues tout à l'heure, elles vont, elles viennent. J'ai parlé hier du tabac, de l'alcool, de la pollution : il faut polluer, fumer, etc., pour financer. Ce n'est pas l'avenir ! Quel est l'avenir ? Les actifs financiers des entreprises sont passés de 272 milliards en 1970 à 25 000 milliards en 1998 !

M. Yves Bur.

C'est un scandale !

M. Maxime Gremetz.

Comment peut-on avoir des ressources suffisantes si l'on s'en tient à l'assiette de la valeur ajoutée sur les machines, alors que les profits sont de plus en plus financiers ? Les patrons ne payent plus rien pour la sécurité sociale.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ce n'est pas vrai !

M. Maxime Gremetz.

Non seulement ils ne payent plus rien, mais on leur accorde des exonérations : 410 milliards d'exonérations ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie France-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Yves Bur.

C'est pour les salariés !

M. Maxime Gremetz.

C'est ça la réalité ! Vous voyez comme vous êtes drôles ! Dès que je parle de ça, vous vous fâchez tout rouge !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

M. Germain Gengenwin.

Haro sur les patrons !

M. Jean-Michel Ferrand.

Qui est au pouvoir ? Vous ou nous ?

M. Maxime Gremetz.

C'est moi qui suis un rouge.

Vous, vous êtes les patrons. Alors, arrêtez !

M. Yves Bur.

C'est vous qui votez ces lois.

M. Jean-Michel Ferrand.

Pourquoi n'avez-vous pas voté contre hier ?

M. le président.

Concluez, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Tout le monde s'excite. Il n'y a pas de consensus mou. Il faut faire des choix.

M. Jean-Michel Ferrand.

Nous, nous avons voté contre !

M. Maxime Gremetz.

Je vais vous donner un autre chiffre.

M. Jean-Michel Ferrand.

Nous sommes convaincus, c'est vous qui ne l'êtes pas !

M. Maxime Gremetz.

Vous avez bien dormi cette nuit, vous êtes en forme, mais moi, j'étais là !

M. le président.

Concluez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Voilà comment on fait payer les revenus du capital, et ce sont les chiffres officiels du conseil d'orientation des retraites. Le prélèvement de 2 % sur les revenus du capital a rapporté 5,410 milliards en 2000 et en rapportera 5,750 milliards en 2001. Vous avez vu à quel point les profits ont augmenté ? De 213 % c hez Total-Fina, et je peux vous donner d'autres exemples !

M. le président.

Non, vous n'avez plus le temps. Je vais vous couper la parole si vous ne concluez pas.

M. Maxime Gremetz.

Je répète : le produit prévu pour 2001 du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital s'élève à 5,570 milliards. Incroyable ! Jamais les exonérations patronales n'auront été aussi importantes. On va faire payer les patrons 200 millions de plus pour la protection sociale. Les malheureux !

M. Yves Bur.

Merci la gauche !

M. Jean-Michel Ferrand.

Les riches se sont toujours enrichis avec vous !

M. le président.

Monsieur Gremetz, veuillez conclure !

M. Maxime Gremetz.

Si l'on veut revaloriser les allocations familiales, les pensions et les retraites, ce qu'il faut faire, ce n'est pas augmenter les dépenses, mais c'est augmenter la cotisation sociale sur les bénéfices que nous avons mise en place.

Souvenez-vous ! Nous nous sommes battus sur la cotisation sociale sur les bénéfices. Combien rapporte-t-elle ? L'an dernier, elle n'a rapporté que 4,5 milliards. Quelle est la prévision pour cette année ? Seulement 6 milliards.

Vous en rendez-vous compte, alors que tout explose ? Et l'on ne voudrait pas faire l'effort nécessaire ? Moi, je propose qu'on réfléchisse sur cette cotisation sociale sur les bénéfices.

M. Jean-Michel Ferrand.

Réfléchissez vite !

M. Maxime Gremetz.

Elle est actuellement de 3,3 %. Je propose de la faire passer à 5 %, ce qui rapporterait 9 milliards au lieu de 6 et permettrait de répondre aux attentes. Ce serait un geste fort pour les allocations familiales, les pensions et les retraites, et autoriserait de meilleurs remboursements de la lunetterie et des soins dentaires.

Monsieur le président, je vous prie de m'excuser d'avoir abusé de votre patience, mais j'ai voulu répondre pleinement aux interrogations qui m'étaient adressées du côté droit de l'hémicycle. (Sourires.)

M. le président.

Ma patience est immense, mais les temps de parole doivent être respectés. La prochaine fois, ne demandez pas cinq minutes à votre groupe, mais beaucoup plus. Vous serez ainsi plus à l'aise dans vos démonstrations et cela vous évitera de tripler votre temps de parole.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, je vous salue cordialement. Vous êtes à la tête d'un ministère passionnant, mais parfois difficile.

J'insisterai, dans cette brève intervention, sur les problèmes de ressources de la sécurité sociale.

La loi de financement a été largement conçue pour donner l'assurance que les recettes de la sécurité sociale seraient clairement identifiées chaque année et revêtiraient le plus de stabilité possible afin de mieux adapter l'effort de la nation aux besoins.

Or, avant que vous n'arriviez à la tête du ministère de l'emploi et de la solidarité, les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale avaient émis de fortes réserves, voire des désaccords sur la loi de financement, précisément à cause du choix des recettes.

Il y a un réel danger à faire financer notre système de solidarité sur des ressources plus aléatoires, tributaires d'apports budgétaires eux-mêmes liés, il faut le dire, à des arbitrages rendus par le ministère des finances.

La sécurité sociale a connu ces dernières années bien des péripéties. Elle a été sollicitée pour soutenir des poli tiques qui ne relèvent pas de son objet social.

L'aide apportée aux entreprises obligées de réduire le temps de travail à 35 heures aurait pu prendre la forme de provisions pour investissements. Le choix d'une baisse de cotisations, pour éviter une augmentation du coût du travail préjudiciable à l'emploi, entraîne la nécessité de compenser cette baisse à hauteur de 85 milliards de francs, à l'aide du FOREC. Ainsi, le FOREC devient en quelque sorte une roue de secours pour la sécurité sociale, amputée d'une partie de ses recettes pour un autre but que le sien.

Le FOREC sera alimenté par un cocktail de ressources pour le moins hétéroclite, voire incertain : contribution sociale sur les bénéfices, TGAP, droits sur les tabacs - jusqu'à présent destinés à l'assurance maladie -, droits sur les alcools - qui abondaient le FSV -, taxe sur les véhicules des sociétés, taxe sur les conventions d'assurance. Tous ces petits ruisseaux alimenteront le FOREC, apportant à la sécurité sociale une compensation qui, espérons-le, sera pérenne.

Mais franchement, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, n'aurait-on pas pu faire l'économie de cette confusion des politiques et prévoir - M. Auberger y a fait allusion tout à l'heure - une compensation budgétaire établie selon des règles claires et simples ? La sécurité sociale a été aussi sollicitée pour une autre politique, au demeurant très louable : le revalorisation des revenus issus du travail des salariés les moins qualifiés, c'est-à-dire les plus modestes. Bien sûr, je ne conteste pas l'objectif. Mais je pense, et je le dis d'autant plus volon-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

tiers que vous n'avez pas été partie prenante à l'arbitrage, que l'on aurait pu imaginer un dispositif de crédit d'impôt. Certes, un tel dispositif supposerait que tous les ménages français fassent une déclaration de revenus. Mais il permettrait de soutenir les revenus d'activité d'une manière beaucoup plus sélective et beaucoup plus juste.

Par ailleurs - mais je dois, pour être honnête, reconnaître que le travail a déjà été engagé - il faut revoir les règles d'attribution de certains avantages aujourd'hui réservés aux titulaires de revenus d'assistance, alors qu'ils devraient être accordés en fonction du niveau de revenu.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Jacques Barrot.

Cela étant, le ministère des finances, grand maître des arbitrages en la matière, a préf éré dégrever en trois ans les salaires inférieurs à 1,3 SMIC. Il en découlera des disparités de traitement.

Un ménage français composé de deux salariés touchant le SMIC ne paie plus de CSG. Le ménage d'à côté, dont le chef de famille touchera deux fois le SMIC alors que son conjoint n'aura aucun revenu, acquittera la CSG à son taux plein.

M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. Jacques Barrot.

Dans un ménage où il y aura un revenu relativement élevé et un autre revenu égal au SMIC, on ne paiera la CSG que sur une partie des revenus.

Franchement, je ne vois pas où est la justice et la lisibilité de cette contribution ! Et n'oublions pas l'effet de seuil ! J'attire d'autant plus votre attention sur ce point, monsieur Recours, que vous avez dit hier que l'on pourrait faire coïncider la limiite du dégrèvement jusqu'à 1,8 SMIC avec celle à laquelle s'arrête la baisse des cotisations patronales. On peut dès lors prédire que le salarié sera peu encouragé à progresser : pour 100 francs de revenus supplémentaires, il devra donner près de 40 francs pour la CSG. Quant à l'entreprise, elle sera tentée de figer les salaires au bas de l'échelle.

Je crains qu'après avoir parlé des « trappes à inactivité », on n'en vienne à parler de « trappes à salaires bas » et des freins à la progression de la carrière. Or s'il y a bien une chose qu'il faut faire avancer en France, c'est l'idée de carrière salariale.

Mais revenons à la sécurité sociale. Le problème, c'est qu'il y a 30 milliards de pertes de recettes. On a été chercher la taxe sur les conventions d'assurance. En fait, c'est le ministère des finances, dont je sais, pour avoir été ministre des affaires sociales, combien il peut être peu soucieux des ressources du système de solidarité car s'il veut bien en consentir certaines, ce ne sont pas toujours les meilleures qui a eu cette idée.

Ainsi, pour compenser la baisse de la CSG, on a fait appel à la taxe sur les conventions d'assurance. Or cette ressource est beaucoup moins dynamique que ne l'était une CSG assise sur l'ensemble des revenus. Cela permettra à peu près, cette année, la compensation. Mais pour ce qui concerne l'année prochaine, on ne peut pas affirmer qu'elle apportera la compensation voulue. En fait, cette compensation sera tributaire des subtiles négociations où le ministère des affaires sociales est souvent, hélas, en situation d'infériorité.

Enfin, madame la ministre, je regrette la perte de l'universalité de la CSG car cette universalité est un signe fort.

J'ai lu ici et là que l'opposition avait été au départ quelque peu réticente sur la CSG. D'ailleurs, je m'étais abstenu moi-même. Mais nous avons par la suite utilisé la CSG parce que nous y avons vu le moyen d'affirmer le caractère universel de la sécurité sociale. Dès lors que tous sont appelés à y contribuer, tous sont assurés d'en bénéficier.

La CSG est l'expression forte de l'universalité de notre système de solidarité.

Avant de terminer, j'aurais voulu, mais le temps me manque, dire un mot sur les transferts de branche à branche, notamment sur celui que la branche famille subit à son détriment. J'aurais aussi voulu déplorer la création de fonds spéciaux, qui ne me paraissent pas nécessaires : on aurait pu conduire une politique de crèches à partir du fonds d'action sociale des caisses d'allocations familiales.

M. Yves Bur.

C'eût été trop simple !

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, je souhaite vivement vous puissiez, maintenant que vous êtes chargée du ministère de l'emploi et de la solidarité, mettre fin à cette espèce de dérive que connaît la loi de financement de la sécurité sociale. C'est à la condition que les politiques s'engagent à assurer un pilotage clair, transparent et beaucoup plus fin du financement de notre sécurité sociale que l'on pourra demander à tous les acteurs un effort de responsabilité.

M. François Sauvadet.

Evidemment !

M. Jacques Barrot.

C'est d'ailleurs ce que vous avez fait hier : vous avez demandé à chacun d'être plus responsable de notre sécurité sociale. Mais avec un pilotage clair, ce sera plus facile.

Votre appel sera d'autant plus entendu que les règles de financement ne sombreront pas dans cette complexité, dans cette opacité qui ne peuvent que nuire à notre sécurité sociale elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Madame la ministre, il y a trois ans, la sécurité sociale était en déficit - elle l'était depuis 1985. Il était ambitieux, et même un peu risqué, d'assurer, lors du débat de la loi de financement, que l'objectif était le retour à l'équilibre.

Or, après un déficit de 54 milliards en 1996, de 33,3 milliards en 1997, de 16,5 milliards en 1998 et de 0,7 milliard en 1999, l'année 2000 confirmera le retour à l'équilibre des comptes avec un excédent prévu de 3,3 milliards. L'excédent tendanciel devrait s'élever à 15,4 milliards en 2001 et, compte tenu des nouvelles mesures arrêtées par le Gouvernement, celui-ci pourrait être ramené à 3,4 milliards.

C'est là le résultat d'une gestion rigoureuse et de mesures courageuses que nous devons à Mme Aubry.

Aujourd'hui, on peut non seulement se féliciter de ce retour à l'équilibre, mais aussi constater que les comptes sociaux aident désormais puissamment à la réduction des déficits publics.

Dans le même temps, des avancées notables se sont fait jour en matière de santé publique. J'en citerai quelquesunes : Premièrement, la volonté de mieux indemniser les victimes d'accidents de travail et de maladies professionnelles, en diminuant les délais de réponse, en pratiq uant une refonte des tableaux des maladies professionnelles ou en décidant des mesures en faveur des victimes de l'amiante ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Deuxièmement, la mise en place de la CMU, qui assure à tous les résidents en France une conveture maladie depuis le 1er janvier 2000 et une couverture complémentaire à 6 millions de personnes ; Troisièmement, l'ambition de faire voter un projet de loi de modernisation du système de santé renforçant les droits fondamentaux des malades, améliorant la qualité des soins et accentuant une politique de prévention et d'éducation de la santé tout en instaurant un dispositif de prise en charge des risques thérapeutiques.

Pour 2001, la progression de l'ONDAM est fixée à 3,5 %, non pas par rapport à celui de l'an passé mais par rapport aux dépenses attendues, ce qui permettra un certain nombre d'avancées concernant en particulier le fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante dont nous m esurons chaque jour l'impérieuse nécessité, et les mesures en faveur du développement de médicaments orphelins afin d'éviter que la production de l'industrie pharmaceutique ne soit régulée que par le marché et de faire en sorte que la recherche puisse permettre la commercialisation de médicaments dont la distribution demeure confidentielle parce qu'ils sont destinés à des pathologies rares.

Je n'oublie pas la propagation du délai pour les actions expérimentales de filières et de réseaux car nous savons maintenant que nombre de pathologies ne peuvent être traitées correctement que grâce à une collaboration étroite entre l'hôpital et la médecine de ville et que les dispositifs actuellement expérimentés laissent entrevoir des possibilités d'intervention particulièrement intéressantes.

En revanche, pour ce qui concerne les procédures litigieuses entre les professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie, je souhaite, à l'instar de tous les groupes de l'Assemblée, la suppression de l'article 31 car je crains que le système qu'il prévoit ne soit que répressif.

J'ai bien sûr conscience qu'il existe des pratiques excessives, voire aberrantes, de la part de certains professionnels. Mais je suis sûr que ceux-ci sont très minoritaires et je suis persuadé que c'est sur eux qu'il faut cibler les interventions à venir, en utilisant les données disponibles en matière d'expertise de santé publique, non exploitées actuellement, et en refusant les sanctions collectives, particulièrement injustes.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général,

M. Yves Bur et M. Pascal Terrasse.

Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet.

Il y a un an, lors de la discussion du PLFSS pour 2000, j'avais exprimé mes réserves sur un article dont l'application risquait de bafouer le secret médical.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 décembre 1999, confirmant cette inquiétude, a défini les conditions pour assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations médicales.

C'est pourquoi, tout en souhaitant la suppression de l'article 31, je ne peux accepter que les CMR actuels, véritables tribunaux d'exception, soient maintenus en l'état, même à titre transitoire. Je souhaite qu'ils deviennent au moins paritaires.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia et M. Yves Bur.

Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet.

Au-delà du strict budget de l'assurance maladie, il faut avoir conscience, et une récente étude de l'INSERM nous le confirme, que persistent en matière de santé un grand nombre d'inégalités dans notre pays.

Au XXe siècle, l'espérance de vie est passée de 43,4 ans à 74 ans pour les hommes, et de 47 à 82 ans pour les femmes. Mais à 35 ans, l'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de 6,5 années à celle d'un cadre.

M. Pascal Terrasse.

C'est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet.

Un manoeuvre risque trois fois plus qu'un ingénieur de mourir entre 35 et 65 ans. De même, si le taux de mortalité périnatale est passé de 21,3 décès pour mille naissances en 1972 à 7,4 en 1994, il est fondamentalement différent selon les catégories sociales.

Il existe aussi de véritables inégalités régionales en ce qui concerne non seulement la prévalence de maladies, mais aussi la démographie médicale.

Maintenant que l'équilibre est atteint, il est désormais indispensable que tous les acteurs du système de santé f inanceurs, gestionnaires, professionnels - définissent ensemble des priorités d'interventions pour les années à venir.

Dans cet esprit, notre rapporteur Claude Evin déclarait, dans Le Panorama du médecin paru il y a quarantehuit heures : « Le système conventionnel est mort. Cela fait deux ans que je le dis. Je le répète dans le rapport que je viens de rédiger pour la commission des affaires sociales, il faut redéfinir les relations entre le financeur soit l'Etat soit les caisses - et les professionnels de santé.

Comme rien n'a encore bougé jusqu'à présent, je propose donc qu'un groupe de travail soit mis en place par le Gouvernement. A mons sens, c'est important que ce soit lui qui le fasse, mais s'il ne le veut pas, nous le ferons au niveau de la commission des affaires sociales. »

Nous nous devons donc de redéfinir le rôle des caisses d'assurance maladie par rapport à l'Etat. M. de Kervasdoué, dans un article paru dans Le Monde , posait clairement la question : « A quoi servent encore les caisses d'assurance maladie ? » En effet, leurs recettes sont de moins en moins assises sur les salaires, 40 % d'entre elles venant de l'impôt ou de la CSG.

Il faut renouer le dialogue avec les professionnels de santé, qui traversent une crise de confiance grave. Il serait simpliste d'expliquer celle-ci par la baisse de leurs revenus. Selon l'UNASA, le pouvoir d'achat des médecins généralistes a baissé de 8 % en quatre ans et, l'an passé, si leurs recettes augmentaient de 0,8 %, leurs revenus baissaient de 4,02 %.

M. Yves Bur.

Eh oui !

M. Jean-Paul Bacquet.

L'évolution démographique est aussi inquiétante. De 1998 à 2008, la baisse du nombre de généralistes en France aura été de près de 2 %. Très inégale selon les régions, elle peut aller jusqu'à 18 %, la proportion de praticiens pouvant varier de 81 à 132 pour 100 000 habitants.

Les conditions d'exercice sont devenues de plus en plus difficiles et astreignantes, dans un système où le malade, malheureusement devenu souvent un simple consommateur de soins, considère le praticien comme un distributeur, quelquefois même comme un prestataire de services.

Tout cela explique le découragement, voire le désinvestissement que l'on observe : effondrement des effectifs dans les spécialités les plus pénibles, non-renouvellement des postes en médecine rurale, refus quasi systématique dans certaines régions d'assurer les gardes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Tout cela traduit le profond malaise des professionnels de santé, qui n'acceptent pas d'être considérés comme des déviants potentiels ou - l'expression est d'un ancien médecin-conseil chef - responsables de tous les maux.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est pourquoi, s'il est indispensable de redéfinir les relations entre les différents acteurs de la santé, je reste convaincu que rien ne se fera sans la participation des professionnels eux-mêmes.

Madame la ministre, je vous ai entendu déclarer, sur une station de radio nationale : « J'ai une méthode de travail, j'écoute beaucoup, je pratique énormément la concertation. Quand je suis arrivée à la justice, j'ai commencé par écouter, par entendre tous les acteurs. Là, je vais faire la même chose : je vais d'abord écouter avant de parler. » Soyez assurée que nous vous accompagnerons

dans cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur.

Bravo !

M. Jean-Michel Dubernard.

J'applaudis à la deuxième partie de l'intervention !

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, tout en partageant chacune des critiques formulées à l'encontre de ce projet de loi par mes collègues de l'opposition, j'insisterai tout particulièrement sur l'esprit qui a dicté les articles de la section maladie. Il y aura des résonances, d'ailleurs, avec ce que vient de dire M. Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Merci.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Après vous avoir a ttentivement écouté vous louer réciproquement du retour à l'équilibre des comptes et de l'excellence de votre projet de loi, je me demande de quelle schizophrénie les professionnels de santé peuvent bien être atteints. En effet, jamais ils n'ont été aussi mécontents.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Si, du temps de M. Juppé !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Jamais, il n'y a eu autant de manifestations de colère et de révolte.

M. Jean-Michel Dubernard.

Tout à fait !

Mme Brigitte Douay.

Vous avez la mémoire courte !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ecoutez-moi donc.

Sans revenir sur les mouvements qui ont émaillé toute cette année - notamment ceux des personnels des hôpitaux et des praticiens, puis, plus récemment, ceux des kinésithérapeutes et des infirmiers -, je vous le rappelle, c'est une journée « santé morte » qui vous attend demain, le 26 octobre, et qui, cette fois, va réunir tous les professionnels de santé dans une réprobation générale.

Il se passe donc quelque chose. Il faut avoir le courage de le reconnaître, de reconnaître que notre système de santé est trois fois malade au plan moral : malade de l'injustice, malade de l'inéquité, malade de l'autoritarisme étatique.

Injustice lorsque, brutalement, les praticiens qui font leur travail se le font reprocher et se voient imposer une réduction de leurs honoraires, au motif que trop de patients font appel à eux ! Est-ce leur faute si nos concitoyens ont besoin de soins ? Inéquité lorsque l'on répond aux demandes, par ailleurs justifiées, des hôpitaux publics - Martine Aubry a dû leur céder en promettant 3 milliards de francs par année pendant trois ans - et que, a contrario, l'on traite par le mépris celles qui émanent des hôpitaux privés.

Ceux-ci assurent pourtant plus du tiers des hospitalisations dans notre pays et ils ont tout autant besoin de restructuration et d'investissements.

Inéquité encore lorsque l'on reporte à plus tard la mise en place des 35 heures dans les hôpitaux publics, alors qu'on l'impose aux hôpitaux privés. Les conséquences financières de cette exigence sont connues : les difficultés dans lesquelles ces établissements se débattent seront encore aggravées.

Autoritarisme étatique qui démoralise et désespère même les plus courageux. Comment, en effet, continuer à vivre sa profession, faite de dialogue, d'écoute et de confiance, alors que, progressivement, toute liberté disparaît, tout acte est contingenté et toute thérapeutique est passée au crible de son coût ? Alors que les professionnels de santé deviennent peu à peu de simples outils au service d'une réglementation toujours plus lourde et tatillonne ? Alors que leurs priorités de soins sont encadrées dans des limites dont la seule justification est la nécessité absolue de ne pas dépasser une enveloppe fixée arbitrairement, en dehors de la profession médicale elle-même ? J'en terminerai par l'ONDAM, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, enveloppe calculée de façon arbitraire, voire un peu fantaisiste.

M. le rapporteur Recours en a parlé hier, mais pour s'en féliciter, en qualifiant le « rebasage » de « pilotage » et en baptisant « maîtrise souple » la méthode de calcul avec ou sans les dépassements !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

En fait, il s'est félicité des dépassements de l'ONDAM et de la façon désinvolte dont on les inclut dans le calcul de l'enveloppe de l'année suivante.

M. Alfred Recours, rapporteur.

L'ONDAM n'est pas un budget, c'est un objectif !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Comme je le disais hier, nous acceptons que le calcul permette une augmentation de l'enveloppe, c'est évident. Mais alors pourquoi laisser persister l'injustice des sanctions et des tracasseries diverses dont sont victimes les professionnels de santé ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est précisément pour cela que nous supprimons l'article 31 du projet de loi de financement.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Nous nous sommes réjouis qu'il ait été supprimé en commission et nous espérons que ce sera confirmé en séance plénière.

En conclusion, je reviendrai à des questions simples et claires que chacun peut comprendre. Quelle politique de santé voulons-nous donner aux Françaises et aux Français ? Combien coûtera-t-elle ? De combien disposonsnous pour la mener ? Pour répondre à ces questions - j'insiste sur ce point, madame la ministre, comme beaucoup d'autres intervenants avant moi -, il faudra associer les professionnels de santé, car c'est sur eux que reposera, pour une grande part, la réussite de la politique qu'ils auront contribué à mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

M. Jean-Paul Bacquet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui nous a été présenté hier en fin d'après-midi, répond à un double impé-r atif : garantir une meilleure protection sociale des assurés, tout en tenant compte du nécessaire équilibre des comptes de la sécurité sociale. Je rappellerai quelques données afin d'éclairer mon propos.

T out d'abord, le déficit chronique, coutumier, devrais-je dire, des comptes de la sécurité sociale, était, en 1996, de 56 milliards de francs. Pour 2000, l'excédent s'élèvera à 3,4 milliards de francs. On mesure les efforts consentis entre ces deux exercices.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est grâce à la cagnotte !

M. Pascal Terrasse.

Ce résultat n'est-il pas la meilleure preuve d'une gestion saine, équilibrée et juste des comptes ? Nous le savons tous, laisser glisser les dépenses d'assurance maladie, cela entraîne inévitablement des prélèvements complémentaires sur le revenu des contribuables.

Mais les laisser glisser au niveau de 1996, cela entraînerait aussi inévitablement, à terme, la privatisation de notre système de protection sociale, et nous serions alors engagés dans la voie d'un système de retraite par capitalisation.

L'objectif que nous nous sommes fixé ne doit pas, pour autant, s'arrêter aux seules données économiques : il doit tenir compte des réalités sociales nouvelles. A titre d'exemple, j'ai noté que le budget de l'assurance maladie représentait, en moyenne, 3,10 % du PIB entre 1990 et 1996, contre près de 4,70 % en 2000. Je pourrais d'ailleurs citer les grandes avancées sociales obtenues ces dernières années, mais ce ne sera pas nécessaire, car nombre de mes collègues ont eu la justesse de le faire.

Il me semble donc essentiel de continuer dans la voie étroite qui permet de résoudre l'équation difficile entre une juste protection sociale et de justes prélèvements. On ne peut, en effet, tenir un double langage : dans ce débat, demander toujours plus de dépenses, et, dans les assemblées générales du MEDEF, prôner la baisse des prélèvements fiscaux et sociaux.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est pourtant ce que certains font !

M. Pascal Terrasse.

Pour en revenir au projet de loi de financement, j'ai noté un certain nombre d'avancées significatives, au premier rang desquelles je place la suppression progressive de la CSG et de la CRDS sur certains salaires. D'aucuns prétendent que cette mesure ne s'adresse qu'aux « bas salaires ». Malheureusement, dans notre pays, tout le monde ne gagne pas 35 000 ou 40 000 francs par mois. Il ne faut jamais oublier que le salaire moyen est de l'ordre de 8 000 francs.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nets !

M. Pascal Terrasse.

En effet, 8 000 francs nets. Or la mesure que nous préconisons touchera précisément tous les salariés gagnant moins de 8 000 francs. Il ne s'agit donc pas des seuls bas salaires.

Ce dispositif législatif est de nature à améliorer sensiblement le pouvoir d'achat des salariés : au terme de son application, un salarié rémunéré sur la base du SMIC, par exemple, devrait voir augmenter ses revenus de près de 6 000 francs par an.

En complément de cette mesure essentielle, il y a lieu de noter des avancées significatives en faveur des familles.

La poursuite de la rénovation de la politique familiale traduit la mise en oeuvre des décisions de la conférence de la famille du 14 juin dernier. Des mesures nouvelles viennent d'être annoncées pour plus de 10 milliards de francs, avec surtout un effort sans précédent en direction de la petite enfance et de l'aide au logement.

S'agissant de la branche vieillesse, nous avons noté avec satisfaction que le Gouvernement, comme l'avait d'ailleurs promis le Premier ministre, le 21 mars dernier, s'engageait dans une meilleure répartition des fruits de la croissance. Cela va se traduire par la plus forte revalorisation des pensions de retraite intervenue depuis plusieurs années, avec un gain de pouvoir d'achat sans précédent, il fallait le souligner. Il convient de rappeler que, si nous nous en étions tenus aux lois « retraite » adoptées par le gouvernement Balladur en 1993, l'augmentation du pouvoir d'achat des retraités aurait été pratiquement limitée à la moitié de celle proposée dans ce projet de loi de financement. Cette mesure exceptionnelle marque la réelle volonté du Gouvernement de répondre aux attentes légitimes des représentants des retraités. Et c'est possible grâce à la meilleure santé économique de notre pays.

Par ailleurs, la suppression de la CRDS sur les petites retraites va toucher près de 5 millions de personnes.

Cette mesure aussi entraînera un gain de pouvoir d'achat, tout comme la suppression de la redevance audiovisuelle accordée aux retraités de plus de soixante-dix ans.

Avec ces deux dispositifs législatifs, nous revenons sur deux mesures anti-retraités prises par les précédents gouvernements.

Le Conseil national des retraites, institué il y a quelques mois par Lionel Jospin et auquel participent plusieurs parlementaires, a pour mission de débattre des nécessaires améliorations que nous proposerons prochainement aux Français. Si la réforme de notre système de retraite est certes nécessaire, il ne faut pas pour autant remettre en cause le système par répartition, auquel sont très attachés nos compatriotes. Nous devons également tenir compte de la situation de catégories en situation difficile comme les conjoints survivants ou les retraités de certains régimes spéciaux - régime agricole, régime des commerçants et artisans.

D ans l'attente des orientations que proposera le Conseil national des retraites, nous avons d'ores et déjà instauré le fonds de garantie des retraites - je préfère cette expression à celle de « fonds de réserve ». Ce fonds, déjà doté de 22 milliards de francs, devrait être doté de 50 milliards de francs d'ici à la fin 2001. Je note que deux dotations pérennes devraient alimenter ce fonds : la taxe de 2 % sur les revenus du patrimoine votée en 1997 et les 8,2 % qui devraient être prélevés sur les produits de l'épargne salariale - cette mesure a été adoptée en première lecture il y a quelque jours, dans le cadre du projet de loi sur lequel j'avais la responsabilité d'être rapporteur pour avis. Toutefois, il me semble nécessaire d'aller audelà de ces ressources pour abonder de manière régulière le fonds de garantie des retraites.

S'agissant du secteur social et médico-social, j'ai noté de nombreuses avancées, notamment en direction des personnes handicapées et des victimes de maladies rares.

Cependant, bien des zones d'ombre subsistent.

D'abord, la mise en place des 35 heures dans ce secteur ne se passe pas très bien ; la commission d'agrément est trop restrictive dans ses avis, trop technocratique et pas assez proche des réalités.


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Le secteur médico-social est également impatient de voir aboutir sa réforme. Le projet de loi mérite peut-être quelques améliorations, mais nous devrons rapidement réformer la loi de 1975.

La mise en oeuvre de l'aide à l'autonomie des personnes âgées - grand projet destiné à se substituer à la mauvaise loi sur la prestation spécifique dépendance comme la réforme de la tarification des établissements tardent à se concrétiser sur le terrain. Ce sont des urgences absolues.

Enfin, comment ne pas s'alarmer du cruel déficit d'infirmières intervenant au domicile des personnes âgées ? Vous le savez, madame la ministre, il faut travailler trois ans en institution avant d'avoir accès au secteur libéral.

Par conséquent, dans de nombreux secteurs, et en milieu rural, notamment, on ne trouve plus du tout d'infirmières libérales. On est alors obligé de recourir à l'hospitalisation, qui coûte beaucoup plus cher. Un décret suffirait pour régler partiellement ce problème. Il y a vraiment urgence à réagir.

M. Jean-Michel Dubernard.

Très juste !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Tout à fait !

M. Pascal Terrasse.

Pour terminer, je pense aussi qu'il est nécessaire d'améliorer la qualité de nos discussions sur le financement de la sécurité sociale. Pourquoi ne pas organiser, à l'instar du débat d'orientation budgétaire, un débat d'orientation sur le financement de la sécurité sociale, préalablement à l'examen du projet de loi de financement - qui aurait toujours lieu à partir d'octobre afin d'en examiner les grandes lignes ? Ce débat pourrait avoir lieu au mois de juin, par exemple. Il traduirait dans les faits, madame la ministre, la volonté que vous avez exprimée d'accorder une attention particulière aux parlementaires lors de la préparation des projets de loi dont vous avez la responsabilité.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur le député !

M. Pascal Terrasse.

Je conclus, monsieur le président.

Ces quelques interrogations ne doivent pas masquer les avancées très positives contenues dans ce texte de loi, notamment dans son volet vieillesse. Les retraités vont enfin disposer de mesures correspondant à leurs attentes ; il fallait le souligner.

C'est pourquoi, sans état d'âme, après quelques améliorations et ajustements nécessaires, le groupe socialiste votera votre projet de loi de financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Evin, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

Je vous rappelle qu'il faut s'en tenir à son temps de parole. Mais cinq minutes, c'est court.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour dix minutes.

M. Claude Evin, rapporteur.

Il a de la chance !

M. Jean-Michel Dubernard.

Madame la ministre, j'aborderai la question des hospitalisations publiques et privées : les personnels considèrent que votre prédécesseur a négligé la première et maltraité la seconde.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça alors !

M. Claude Evin, rapporteur.

Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Michel Dubernard.

Je vis dans ce milieu. Je connais bien le poids des traditions, le poids des corporatismes administratifs, médicaux, infirmiers, qui freinent toute adaptation et modernisation. L'attitude des élus locaux, sénateurs-maires ou députés-maires, pèse aussi dans l'inertie.

M. Bernard Charles.

Comment ?

M. Jean-Michel Dubernard.

Et pourtant, l'hôpital, public ou privé, reste et restera la clé de voûte de notre système de santé. On naît, on meurt à l'hôpital, on s'y précipite en cas d'urgence, on y retrouve l'espoir.

Madame la ministre, une lourde responsabilité vous incombe. Sur tous les bancs de cette assemblée - les propos tenus par les collègues le confirment -, nous savons que l'évolution de nos structures d'hospitalisation est inéluctable.

Avant 1958, l'hôpital était réservé aux pauvres, pris en charge par des religieuses. Les médecins gagnaient leur vie en ville. La recherche médicale était presque inexistante.

La réputation de la médecine française reposait sur quelques individualités prestigieuses.

C'est le mérite de l'ordonnance de 1958 - baptisée

« réforme Debré » - d'avoir créé les centres hospitalouniversitaires et d'avoir instauré le plein temps hospitalier pour donner, sur des bases solides, un formidable élan à notre médecine.

Mais, au fil du temps, des effets pervers sont apparus.

La tendance à l'hospitalo-centrisme et le plein temps hospitalier, imposant aux jeunes médecins un choix précoce entre médecine publique et médecine privée, ont coupé l'hôpital de la médecine de ville, empêchant le développement des réseaux de soins. Les deux systèmes d'hospitalisation, public et privé, évoluaient différemment et indépendamment, dans un esprit de concurrence souvent préjudiciable, alors que leur fonctionnement dépend de la même source de financement : les cotisations sociales des Français.

La loi de 1991 a marqué une évolution en créant l'ANDEM, l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale, en mettant en place les comités régionaux d'organisation sanitaire et sociale, en proposant de timides regroupements de services hospitaliers par départements ou fédérations de services, et en instituant un nécessaire service de soins infirmiers, qui donne à cette catégorie de personnels la place qu'elle mérite, à côté du personnel administratif et du personnel médical.

L'extrême lenteur du milieu à absorber les réformes a conduit Alain Juppé à publier l'ordonnance hospitalière d'avril 1996, qui transformait l'ANDEM en ANAES, faisait évoluer les CROSS en SROS, instituait une régionalisation souhaitée de tous - par l'intermédiaire des agences régionales d'hospitalisation rapprochant enfin la prise de décision du terrain -, proposait des contrats d'objectifs et de moyens, autorisait les regroupements de services hospitaliers en centres de responsabilités dotés d'une délégation de gestion et coordonnés par un médecin désigné par ses pairs. Ces axes étaient acceptés par tous ; il aurait suffit de les appliquer, c'est-à-dire d'appliquer la loi ! Où en est-on aujourd'hui ? Le bilan est en demi-teinte. En 1997, au moment du changement de gouvernement, l'arsenal réglementaire de la nouvelle réforme hospitalière était en place. Toutefois, pendant les dix mois suivants, le Gouvernement n'a rien fait de marquant. Il s'est contenté d'expédier les affaires courantes sans apporter le moindre souffle politique ou la moindre dynamique. La réforme, en quelque sorte, s'est appliquée toute seule, comme si le Gouvernement avait décidé de ne rien faire.


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Devant cette apathie, le mécontentement s'est installé chez les hospitaliers. Parallèlement, les restructurations de l'offre d'hospitalisation, publique ou privée, se poursuivaient, cornaquées par des ARH à l'esprit souvent trop préfectoral. Les fermetures de sites s'accompagnaient trops ouvent d'un affligeant déficit de communication.

L'ANAES aurait pu contribuer à la campagne d'explication nécessaire à cette vaste entreprise de restructuration du parc hospitalier. Or, elle s'est laissée piéger et n'a retenu que le volet transversal de sa mission d'accréditation hospitalière, aux dépens de l'accréditation des services, qui figurait pourtant au fronton de son décret constitutif. Si bien que les personnels hospitaliers, notamment les cadres soignants, se sont englués dans une « réunionnite » chronique, démotivante, sans perspective claire, avec l'impression confuse que, en définitive, tout le monde serait accrédité.

M. Claude Evin, rapporteur.

Si les chefs de service étaient tous présents à l'hôpital, cela irait mieux !

M. Jean-Michel Dubernard.

Pas d'attaques personnelles, monsieur Evin ! Cette ambiance délétère s'est appesantie jusqu'au printemps 2000 où sont survenus des mouvements sociaux dans de nombreux établissements : grève des internes, grève des urgentistes, etc.

A partir des Assises nationales de l'hospitalisation de mars 1998, le Gouvernement a essayé de « botter en touche » et de calmer le désarroi des hospitaliers par de bonnes paroles. La formule « démocratie sanitaire » est apparue, l'abnégation des personnels soignants a été saluée par des hommages répétés, la révision des SROS a été anticipée. Tout cela n'a pas été réellement efficace.

Les grèves de l'hiver dernier en témoignent.

Le printemps 2000 a vu le paysage s'éclaircir. La croissance économique a permis de desserrer les cordons de la bourse. Le statut des praticiens hospitaliers, celui des internes ont été modifiés, avec de substantielles augmentations des rémunérations, comme pour les infirmières. Mais ces dossiers, traités corporation après corporation, ne laissaient apparaître aucune autre finalité que celle de répondre au coup par coup aux multiples revendications catégorielles. S'est ajouté le desserrement de l'étau budgétaire des objectifs de dépenses hospitalières, à q uelques péréquations régionales près. Parallèlement, l'Etat reprenait en main les ARH.

M. Bernard Charles.

Il les coordonnait, conformément à ce que nous avons souhaité dans cette assemblée !

M. Jean-Michel Dubernard.

Si c'était vrai, ce serait formidable ! Mais, je maintiens : l'Etat reprenait en main les ARH ! Le rôle de la direction des hôpitaux se renforçait, à l'encontre de la nécessaire déconcentration voulue par l'ordonnance de 1996. Finalement, l'impression est que ce gouvernement n'a pas suffisamment pris la mesure de l'ampleur de la réforme hospitalière engagée par son prédécesseur. Au lieu de la poursuivre, dans l'intérêt du pays, avec la même ardeur, le Gouvernement a laissé aller les choses pour des raisons purement politiciennes.

M. Claude Evin, rapporteur.

La réforme date de 1991 !

M. Jean-Michel Dubernard.

Oui, mais l'horloge est restée bloquée depuis 1991 ! Vous connaissez peut-être ma position : en 1991 j'avais voté pour la réforme ! La pierre angulaire du dispositif de la réforme, à savoir la création de centres de responsabilités disposant d'une réelle délégation de gestion de leurs moyens en fonction de leurs activités, n'a jamais vu le jour, en dehors de quelques expériences, comme à Nantes, plus proches des fédérations de services modèle 1991 que d'authentiques centres de responsabilités.

Madame la ministre, vous allez avoir à gérer les problèmes liés au passage aux 35 heures dans l'hôpital public, qui n'a pas encore digéré complètement les 39 heures. Les dépenses prévisibles en matière de masse salariale risquent de compenser largement les économies générées par la fermeture des 9 500 lits de court séjour réalisée depuis 1997. L'hospitalisation privée, qui a joué le jeu, est elle-même à bout de souffle. Qui paye ? Qui payera encore, au propre et au figuré ? Le malade, toujours lui ! Madame la ministre, je m'adresse à vous. Beaucoup reste à faire dans le domaine de l'hôpital. Le pays risque de payer très cher le temps perdu par votre gouvernement à chercher ses marques dans ce secteur particulièrement réactif. Vous avez une lourde responsabilité. Le remaniement ministériel, qui met à la tête du ministère de l'emploi et de la solidarité et de celui de la santé deux personnalités nouvelles, est une chance pour notre système d'hospitalisation. Si vous ne la saisissez pas, il s'effondrera, l'état déplorable du patrimoine hospitalier s'aggravera, la qualité des soins se dégradera encore. Prenez les mesures urgentes qui s'imposent, madame la ministre, sinon la menace se fera plus précise de voir s'imposer un système copié sur le système américain qui pourrait alors apparaître comme idéal, même si c'est loin d'être le cas aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos aux sujets liés à l'assurance maladie et à la politique de santé.

O n peut se féliciter du niveau de l'ONDAM pour 2001 : plus 3,5 % après rebasage. C'est un niveau compatible avec l'évolution de notre richesse nationale.

Grâce à l'équilibre retrouvé, la question de la pérennité de notre système de protection sociale ne se pose pas aujourd'hui. Cette évolution va permettre de continuer dans la voie de la qualité et de l'égalité d'accès aux soins de tous nos concitoyens. Cela est de nature à satisfaire les besoins de la population, du moins peut-on le penser, car c'est bien là l'un des problèmes aujourd'hui : comment définir les besoins de santé, ou plutôt les besoins de soins ? C'est une notion à laquelle nous faisons tous appel et pourtant ces besoins sont bien difficiles à définir. Nous n'en n'avons au fond collectivement qu'une vague idée liée à la demande de soins et au volume constaté de consommation de biens médicaux, données accompagnées de chiffrages très généraux sur l'état de santé supposé de nos concitoyens.

Comme le relève la mission prospective « Santé et territoires » de la DATAR, il faut aujourd'hui tenir compte : Du vieillissement, dont les effets ne sont pas forcément mécaniques car le « vieillissement qualitatif », tel qu'il est aujourd'hui, retarde l'âge d'entrée dans la maladie lourde et la dépendance ; Du développement d'une exigence de qualité, de résultats, de transparence et de démocratie sanitaire de la part de la population ; De la poursuite du progrès technique et de son accessibilité qui doit être égalitaire dans l'esprit de chacun.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Cette meilleure connaissance des besoins est un enjeu majeur de l'évolution du système et ne peut être acquise, à mon sens, qu'à partir de données recueillies au plus près des réalités du terrain. C'est dire l'importance de l'enjeu d'une régionalisation plus poussée de notre système et de l'évaluation des besoins autour de la notion de

« bassin de santé » inscrite dans la loi depuis mai 1999.

En effet, c'est en partant du patient potentiel, centre du système, que l'on pourra mieux apprécier les besoins de santé, ou plutôt de soins. Quelles sont les caractéristiques des fonctions de qualité qui doivent être accessibles à c ette personne ? D'abord, la proximité immédiate ; ensuite, un environnement un peu plus éloigné, mais avec une sécurité et une fiabilité accrues. En recours ultime, la proximité ne joue plus dans la mesure où l'enjeu est l'hyperspécialité et la compétence.

P lus que les analyses statistiques globales, cette démarche de proximité peut nous amener à mieux définir les besoins de soins. Depuis quelques années, des économistes cherchent à évaluer les besoins d'un pays en la matière en se référant aux moyennes de certains pays étrangers, lesquels sont eux-mêmes engagés dans la même démarche.

Cet ONDAM rebasé en progression de 3,5 % reflète avec réalisme, comme le disait le rapporteur Alfred Recours, l'augmentation constatée des dépenses. On le sait, la CNAM a été amenée à prendre des mesures de régulation, cet été, mais des mesures structurelles ont aussi abouti.

La réforme de la nomenclature des masseurs-kinésithérapeutes sera désormais mieux représentative de leur activité et valorisera les actes effectués de façon beaucoup plus importante que la diminution de leur lettre clef de juillet.

Quant au plan de soins infirmier, véritable outil rémunéré de la reconnaissance de la fonction d'infirmière libérale, il va bien au-delà du seul rôle prescrit puisqu'il met en jeu le diagnostic et l'évaluation infirmière dans la prise en charge globale des patients. C'est une avancée considérable, même si certaines modalités pratiques peuvent être simplifiées et s'il est nécessaire de clarifier les rôles des différents intervenants autour des personnes dépendantes.

Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen des textes sur la dépendance et l'autonomie auquel nous procéderons bientôt.

Pourtant, malgré un ONDAM rebasé et augmenté, malgré des mesures positives, un mécontentement s'exprime aujourd'hui chez certains professionnels de santé.

Le système est en crise et l'on assiste à une montée des corporatismes.

C'est la crise - certains disent même la mort - du système conventionnel en vigueur depuis presque trente ans.

Ce système avait pour vocation de dépasser les seules discussions tarifaires. Sa fragilité juridique est importante. Il est donc nécessaire de redéfinir rapidement les relations et les responsabilités des différents partenaires - professionnels, patients, assurance maladie, Etat -, de redéfinir, comme le disait Claude Evin, les places respectives de la loi, des règlements et de la convention ou du contrat.

Mais cette évolution se fera avec les professionnels de santé ou ne se fera pas.

Si l'on souhaite une meilleure évaluation du système, aller vers le codage des actes et des pathologies, pour que le dialogue entre les partenaires soit plus individualisé et que les médecins et autres professionnels puissent s'approprier les bonnes pratiques, si l'on souhaite développer des alternatives au « tout-paiement-à-l'acte » qui ne peut refléter seul les pratiques de réseau et filière en médecine ambulatoire et le développement nécessaire de la prévention, il est nécessaire d'amplifier le dialogue et de construire notre futur système de soins avec les professionnels de santé et les autres partenaires.

Concernant plus précisément le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, on peut se féliciter de certaines avancées venant après d'autres en matière structurelle depuis trois ans. Pour mémoire, je rappellerai : La mise en place des SROS de deuxième génération et leur accompagnement social et en investissement ; La prise en compte des préoccupations du monde hospitalier par les accords de mars dernier, négociés par Mme Aubry et les organisations représentatives, concernant en particulier l'amélioration des conditions de travail, l'accroissement du remplacement des agents absents, la démocratisation du fonctionnement de l'hôpital, l'amélioration sensible du statut des praticiens hospitaliers - M. Dubernard l'a rappelée -, l'augmentation du nombre d'étudiants en soins infirmiers.

Je rappellerai aussi la mise en place de la CMU, gage d'accessibilité aux soins, et les mesures qui l'ont accompagnée - en particulier la création de 300 PASS hospitaliers depuis 1999 -, le renforcement de la sécurité avec l'Etablissement français du sang, l'Agence française de sécurité des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et bientôt l'agence de sécurité sanitaire de l'environnement.

Je pense encore à la montée en puissance de l'ANAES et de l'accréditation, gage d'une meilleure transparence, au développement des politiques de sécurité des soins, s'agissant de l'anesthésie, et de la prévention des infections nosocomiales, au développement des politiques de prévention s'agissant tant des pratiques addictives que du suicide, à la lutte contre la douleur, au développement des soins palliatifs, à une politique du médicament favori-s ant le développement des médicaments génériques, même si les résultats sont encore modestes, enfin à cet élément majeur qu'a été l'évaluation du service médical rendu, démarche qualitative essentielle pour que nos concitoyens soient soignés avec les meilleurs médicaments possible.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra des avancées significatives prolongeant celles que je viens de citer. Par exemple, en matière hospitalière, la réduction des inégalités inter et intrarégionales sera poursuivie. La sécurité sera améliorée, grâce à la poursuite de la réorganisation des services d'urgence et de périnatalité. La coopération sanitaire sera intensifiée. La mise en place des accords de mars 2000 sera poursuivie.

Il faut aussi souligner la création d'un fonds de modernisation des établissements de santé doté de 800 millions de francs et amplifiant les mesures précédentes, l'augmentation des aides à l'investissement et la création d'une agence technique de l'information sur l'hospitalisation nécessaire à une évaluation correcte de l'activité hospitalière.

Je citerai également, concernant le secteur privé, le fonds de modernisation des cliniques privées, porté cette année à 150 millions de francs, et la création, qui vaut reconnaissance, d'une rémunération pour les soins d'urgence effectués dans les établissements privés.

En matière de médicament, j'évoquerai l'incitation au développement des médicaments orphelins pour tenter d'améliorer la situation dramatique que vivent des milliers de familles dans notre pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

En matière de soins de ville, au-delà de l'alimentation importante du fonds d'aide à la qualité des soins de ville, je citerai la création du fonds pour la promotion de l'information médicale et médico-économique ayant pour objet la diffusion d'une information objective et indépendante en direction des prescripteurs et des professionnels ; la consolidation des filières et réseaux présente dans ce PLFSS 2001 que nous souhaitons voir se développer au niveau régional - des amendements de la commission ont été déposés en ce sens.

Je terminerai par la création du fonds pour les victimes de l'amiante, avancée historique qui ouvre la voie à une amélioration significative du droit à réparation.

Cela dit, les problèmes de frontière entre la branche maladie proprement dite et la branche accidents du travail et maladies professionnelles ne sont pas résolus.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est vrai !

M. Philippe Nauche.

En 2000, l'assurance maladie n'atteint pas encore tout à fait l'équilibre. La branche accidents du travail et maladies professionnelles, quant à elle, semble excédentaire. En fait, si l'on imputait réellement à cette dernière les pathologies et les soins liés au travail, déchargeant ainsi la branche maladie, nous serions probablement aujourd'hui dans une situation inverse.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très juste !

M. Philippe Nauche.

En conclusion, au-delà des avancées significatives sur l'assurance maladie que je viens de rappeler, les interventions de Mme la ministre montrent bien le souhait du Gouvernement d'approfondir le dialogue avec les professionnels de santé, parallèlement à la nécessaire prise en compte des attentes en matière de droit des patients. Cette volonté, associée à la confirmation du retour à l'équilibre des comptes sociaux et à la progression de l'ONDAM pour 2001, nous permet d'être très optimistes sur la capacité du système de soins à se réformer afin d'être toujours plus au service de nos concitoyens. C'est donc sans états d'âme que les parlementaires du groupe socialiste soutiendront et voteront ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

J'ai chaque année l'impression de me répéter en intervenant sur la branche retraite de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Tout d'abord, s'agissant des conditions de travail, permettez-moi une nouvelle fois de rappeler que ce n'est pas en disposant des rapports indispensables à notre travail parlementaire à peine vingt-quatre heures avant le début de notre discusion que nous parviendrons à convaincre les Français que le Parlement légifère avec sérieux et séré nité ! Le rapport de la commission des affaires sociales n'a en effet été mis en distribution que lundi dernier. Permettez-moi d'insister sur nos très critiquables conditions de travail en espérant, sans y croire, être entendu. Chaque année, le constat est identique : rien ne change !

M. Claude Evin, rapporteur.

Cette situation résulte de la loi organique de 1996 !

M. Thierry Mariani.

Décidément, c'est sur ce refrain,

« Rien ne change », qu'il convient depuis 1997 d'articuler toute intervention sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Claude Evin, rapporteur.

Aidez-nous à modifier la loi organique !

M. Thierry Mariani.

Mon intention n'est pas de vous servir aujourd'hui le même disque rayé, comme le fait le Gouvernement depuis des années concernant la branche vieillesse. L'heure du sursaut, de la prise de conscience, doit sonner et je préfère, quant à moi, tirer la sonnette d'alarme.

La récente prise de fonction de Mme Guigou a laissé entrevoir à certains un espoir de changement - ils seront vite déçus. J'espère que Mme la ministre se montrera particulièrement attentive aux difficultés qui attendent notre système de retraite par répartition, car le texte qui nous est présenté aujourd'hui ne peut, hélas ! qu'attiser nos craintes.

Dans le rapport annexé à ce projet de loi de financement pour 2001, nous sommes ravis d'apprendre que le Gouvernement a bien compris les deux défis que nos régimes de retraites devront relever prochainement et que les rapports mettent en évidence depuis vingt ans, à savoir : « l'allongement constant de la durée de la vie et l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre ». Ce diagnostic, vous l'avez bien assimilé à force de le répéter. Tous les colloques, les rapports, les symposiums et les études, sans oublier les tables rondes, vous ont au moins éclairé sur ce point. C'est pourquoi je ne reviendrai pas sur l'évolution démographique de notre pays qui se traduira - chacun le sait par une diminution du rapport entre actifs et inactifs dans quelques années. En revanche, il me semble nécessaire de vous préciser que c'est sur les remèdes que nous vous attendons aujourd'hui, madame la ministre.

Dans ce rapport, on peut également lire : « La perspective désormais crédible d'un retour rapide au pleinemploi, même si elle atténue l'ampleur des déficits, ne résout pas tous les problèmes. Des adaptations sont donc nécessaires pour assurer l'avenir de nos régimes par répartition... » Certes, il y a du progrès. Vous admettez que la

politique que le Gouvernement mène pour nos retraites depuis 1997 n'est pas suffisante. Votre humilité est la bienvenue, mais elle ne vous dispense pas de la suite, c'est-à-dire des adaptations que vous évoquez.

Le problème, c'est que j'ai beau lire et relire ce projet de loi, je n'y trouve pas l'ombre d'une adaptation ! Alors que c'est une réforme en profondeur que les Français attendent, vous vous contentez de faire dépendre notre sécurité sociale de la croissance et du plein emploi. Mais sans vouloir être pessimiste, que se passerait-il si nous devions rencontrer demain un revers de croissance ou une nouvelle crise économique ? Le Gouvernement se contente malheureusement de bricolages et de déclarations de bonnes intentions. Les bricolages se traduisent par des changements d'affectation et par des transferts entre les différentes branches de la sécurité sociale. Ainsi, vous financez la branche vieillesse en détournant les excédents de la branche famille ; vous détournez une partie des ressources de la branche vieillesse, la totalité des droits sur les alcools, jusqu'à présent versés au fonds de solidarité vieillesse, pour financer les 35 heures. Avouez qu'il est difficile de s'y retrouver ! Ces bricolages sont destinés à masquer votre immobilisme. Mais rien ne sert de le cacher : il est flagrant, comme en témoigne la prolongation du dispositif de limitation de cumul emploi-retraite auquel, cette année encore, vous ne touchez pas. Datant de 1982, ce dernier aurait cependant bien mérité que l'on s'y attarde.

Nous attendions la réflexion du Gouvernement sur les conditions de prolongation de l'activité, sur celles du départ à la retraite, mais, apparemment, cela ne vous a


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pas passionnés. Pourtant, certains retraités expriment le désir de continuer leur activité professionnelle. Mais j'oubliais que vous êtes pour la réduction « imposée » du temps de travail, à tous les niveaux...

Concernant les bonnes intentions maintenant, on ne peut que sourire du taux de revalorisation des retraites, fixé à 2,2 % au 1er janvier 2001. Là encore, il ne s'agit que d'une mesure ponctuelle alors qu'il faudrait revaloriser les retraites sur le long terme et prévoir un plan d'ensemble. Sur ce point, votre projet de loi manque cruellement d'ambition. Le Gouvernement d'Edouard Balladur vous montrait pourtant la marche à suivre. Mais vous n'avez pas souhaité réactualiser le mécanisme de revalorisation qu'il avait mis en place.

Vous créez ensuite un répertoire national des retraites et des pensions. Ce fichier nominatif des retraités et de leurs ayants droit, présenté comme un outil permettant d'améliorer la connaissance statistique des effectifs de retraités, me paraît bien inutile. Nous disposons aujourd'hui de suffisamment d'organismes et d'observatoires susceptibles de nous renseigner dans ce domaine. En revanche, vous continuez à faire la sourde oreille aux revendications des retraités que vous avez décidé de ficher et d'étudier.

Mais le pire, c'est le fonds de réserve pour les retraites, créé in extremis l'an dernier par décret deux jours avant le début de la discussion du projet de loi de financement.

Vous en faites le fondement de votre politique de défense de nos régimes de retraites. Quand on examine son contenu, on s'aperçoit que ce n'est pas crédible.

D'abord, ce fonds de réserve constitue toujours l'une des sections du fonds de solidarité vieillesse. Pourtant, tous les partenaires sociaux consultés ont formulé le souhait d'une transformation de ce fonds de réserve en établissement public autonome, doté de la personnalité juridique. Qu'attendez-vous pour le faire ? Ensuite, le Gouvernement l'a affirmé à plusieurs reprises, l'utilisation des sommes disponibles sur ce fonds de réserves n'est pas prévue avant 2020. Or le rapport Charpin souligne qu'une dégradation de l'équilibre démographique interviendra dès 2005. En d'autres termes, c'est le flou total pour la période 2005-2020.

Enfin, il convient de s'interroger sur l'alimentation de ce fonds. Votre projet de loi prévoit de lui affecter 50 % du prélèvement social de 2 % sur le capital, ce qui constitue en fait sa seule ressource pérenne. Nous le savons tous, c'est nettement insuffisant. Mme Aubry ne prétendait-elle pas que, si le fonds de réserve était doté de 1 000 milliards de francs en 2020, il pourrait couvrir « la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraites entre 2020 et 2040 » ? Or, aujourd'hui, ce fonds n'est doté que de 23 milliards de francs. Le rapport Charpin a estimé à 310 milliards de francs en 2020 le déficit annuel des régimes de retraites, dans l'hypothèse très optimiste d'un taux de chômage de longue durée stabilisé à 6 %. Ne me dites pas, madame la ministre, que vous comptez sur la seule manne de la vente des licences des téléphones mobiles de troisième génération pour résoudre les problèmes de financement des retraites à partir de 2020 ! Voilà donc les adaptations que vous proposez... Permettez-moi de vous dire et de vous répéter que c'est un peu court ! Il y avait pourtant d'autres pistes à explorer.

La répartition est l'expression d'une solidarité indispensable entre les générations et les Français y sont attachés.

Mais il faut admettre qu'elle ne suffira plus dans quelques années à offrir une retraite décente à toute la génératio n issue du baby boom.

Que doit-on dire à ces futurs retraités ? Qu'ils doivent désormais préparer leur avenir par eux-mêmes, par le biais d'un effort d'épargne que vous vous empressez de taxer et de ponctionner ? Madame la ministre, ayez le courage de bousculer les tabous et d'admettre que l'instauration de fonds de pension à la française présenterait un meilleur rendement sur le long terme. Le texte présenté par le Gouvernement sur l'épargne salariale constituait une lueur d'espoir puisque le projet de loi, dans sa version originelle, prévoyait une possibilité de sortie en rentes pour les plans d'épargne à long terme. Malheureusement, la commission des affaires sociales s'est empressée d'écarter d'un revers de manche cette mesure d'épargne retraite.

Pouvons-nous continuer encore longtemps à négliger cette solution secourable ? Faudra-t-il attendre que nous soyons au bord du gouffre pour que l'idéologie socialiste et communiste s'ouvre aux remèdes qui ont fait leurs preuves au-delà de nos frontières ? Rappelons que la Suède se mettra aux fonds de pension à partir de novembre 2000.

Attention, soyons très clairs : il ne s'agit pas, à mes yeux, de renoncer au système par répartition, mais de mettre en place un système mixte, en intégrant des mécanismes de capitalisation volontaires.

Les Français y étant aujourd'hui favorables, vous ne prendriez pas le risque de perdre des voix ou des points dans les sondages. Alors, un peu de courage, madame la ministre ! Une autre piste est à explorer : il y a quelques semaines, cette assemblée a adopté une proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations. Mme Aubry nous a même confié qu'elle trouvait dans ce texte une raison d'être fière de son bilan. Nous sommes donc fondés à attendre de son successeur qu'il continue à lutter contre les inégalités.

Or, en matière de retraite, il existe bien des disparités entre le secteur privé et le secteur public. Je ne vous apprends rien en vous disant que les salariés du public cotisent moins, et moins longtemps, pour recevoir plus, et plus longtemps ! La durée de cotisation nécessaire pour l'obtention d'une retraite à taux plein est de trentesept ans et demi pour les fonctionnaires, contre quarante ans dans le secteur privé ! En outre, le salaire de référence pour le calcul de leur pension est celui des six derniers mois d'activité, et non la moyenne de leurs meilleures années comme c'est le cas dans le privé.

Au nom du principe d'équité, et dans l'intérêt général, allez-vous enfin avoir le courage de réformer les régimes spéciaux ? Les artisans, les industriels et les commerçants, les professions libérales et les exploitants agricoles en ont assez de ces inégalités. L'avenir de nos systèmes de retraite est l'affaire de tous. Quelle que soit la durée de leur trav ail, artisans, fonctionnaires, commerçants, salariés doivent, en toute justice, cotiser le même nombre d'années.

Gardez-vous bien, madame la ministre, de voir dans mes propos une quelconque volonté de montrer du doigt les fonctionnaires. Car c'est à vous et votre gouvernement que s'adressent mes critiques. Dans l'intérêt des bénéfi-


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ciaires des régimes spéciaux, la réforme est indispensable car ces dossiers ne sont pas à l'abri des prochaines évolutions démographiques.

Le groupe RPR milite depuis des années pour une harmonisation progressive de la durée des cotisations entre le secteur public et le secteur privé.

Enfin, la question de l'âge du départ à la retraite, troisième et dernière piste que je vous suggère d'explorer, devrait être traité avec plus de souplesse dans le secteur privé. L'allongement de l'espérance de vie ne nous laisse plus le choix. Donnez, madame la ministre, la liberté au salarié de choisir l'âge de son départ à la retraite en levant les pénalités qui frappent les départs anticipés, en valorisant les départs tardifs et en tenant compte de la diversité des situations et des obligations de chaque domaine d'activité.

Les artisans et les exploitants agricoles qui exercent un emploi manuel ne sont pas confrontés aux mêmes conditions de travail qu'un employé de bureau. Les efforts qu'ils fournissent sont plus physiques, requièrent une santé plus solide. Il faut tenir compte de ces réalités.

Soyons donc plus pragmatiques ! Mais le pragmatisme, mes chers collègues, n'est décidément pas au rendez-vous aujourd'hui ! Le courage non plus ! Alors que vous reste-t-il, madame la ministre ? Des talents de démagogie et beaucoup de culot pour mentir aux Français en affirmant que tout va bien ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La situation que Mme Aubry vous a laissée, madame la ministre, n'est pas un cadeau, nous l'admettons. Mais c'est à vous que revient la difficile tâche de désamorcer les bombes à retardement. Comme à l'accoutumée, la gauche espère que la droite revenue au pouvoir se chargera de la besogne et prendra les mesures, parfois impopulaires, qui s'imposent, mais que vous n'osez pas prendre ! Prenez enfin vos responsabilités ! Ayez un peu de courage ! Débarrassez-vous de vos préjugés. Les rapports commandés depuis vingt ans contiennent, pour beaucoup, des solutions qui nous permettraient de sauver nos retraites. Sortez-les des placards et mettez-vous au travail ! Nous ne pouvons pas vous pardonner cet immobilisme, alors que vous connaissez les dangers qui nous guettent.

Le groupe RPR ne peut que voter contre ce texte, qui n'assure en rien l'avenir de la branche vieillesse.

M. Patrick Delnatte.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Madame la ministre, chers collègues, l'expérience personnelle de la joie intense comme de la souffrance insupportable ou de la douleur inacceptable laisse toujours des traces indélébiles. Et lorsque la loi s'attache à la vraie vie, elle redonne la force de combattre. Je veux ici en quelques mots m'arrêter à l'article 15 du projet de loi, relatif à la branche famille.

Il y a des expériences, chers collègues, qui ne se racontent pas, peut-être par pudeur, peut-être par obstination, acharnement à rester positif, à rester digne, à conserver l'énergie de l'espoir.

Je veux d'abord rendre hommage au travail de soutien, d'accompagnement, à l'action discrète et efficace des associations auprès des femmes et d'hommes touchés au plus profond, dans leur vie de mère et de père parce qu'un jour ils ont su, sans jamais l'admettre, qu'ils devraient mener un combat inégal, un combat déloyal, le combat pour la vie d'un enfant : un jour celle de leur enfant, un autre jour celle de l'enfant d'une famille qui leur ressemble, d'une famille en détresse, d'une famille en révolte et dans l'incompréhension.

La concrétisation d'un double dispositif création d'un congé de présence parentale pour enfant gravement malade, assortie d'une allocation constitue à n'en pas douter une mesure salutaire et une avancée incontestable.

M. Thierry Mariani.

Proposée par le RPR il y a quelques mois, et refusée !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ce n'était pas tout à fait la même chose !

M. François Brottes.

C'est la reconnaissance d'un droit à congé exercé jusqu'alors dans la presque clandestinité : celui d'être absent de son travail pour pouvoir être auprès de son enfant.

C'est une avancée incontestable, une vraie première étape que cette aide financière qui permettra de faire face à l'urgence, d'alléger le fardeau, afin de ne pas ajouter de nouvelles complications à une situation déjà tellement difficile à gérer.

Ce dispositif sur lequel j'avais travaillé dans le cadre d'une proposition de loi avec Christian Paul lorsqu'il était encore député, vous avez décidé, presque dès la création de votre ministère, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, chère Ségolène Royal, de lui donner très vite une réalité législative, financement à l'appui.

Vous l'avez bien compris, ce dispositif était attendu, non seulement sur tous les bancs de notre assemblée mais aussi par des milliers de familles obligées de composer avec des employeurs pas toujours conciliants, obligées de culpabiliser par rapport à des collègues de travail sollicités plus souvent qu'à leur tour pour effectuer des remplacements. Il était également très attendu par des associations se battant à mains nues face à des murs d'incompréhension, ces associations qui ont toujours revendiqué la dignité plutôt que la charité.

Avec la reconnaissance de ce droit à congé, qui garantit à l'issue du congé le retour à l'emploi et le maintien des acquis sociaux, nous apportons une réponse qui va tout à fait dans ce sens. Elle intéresse autant la mère que le père, voire les deux conjointement.

Bien sûr, il faudra faire le bilan de l'application de ces mesures dans quelque temps, il faudra rester à l'écoute pendant leur mise en oeuvre, car chaque cas est spécifique, chaque situation familiale est particulière. A ce titre, je remercie mes collègues de la commission des affaires sociales, et en particulier Marie-Françoise Clergeau, d'avoir déposé un amendement destiné à prendre en considération la spécificité de la situation des familles monoparentales.

Votre juste préoccupation, madame la ministre, de mettre en place rapidement ce dispositif ne vous a pas permis, par souci bien compris d'efficacité, de prendre en compte toutes les suggestions ni l'amplitude de toutes les situations.

Vous nous proposez une mesure simple, lisible qui devra certainement être ajustée à l'usage.

La question d'une bonne articulation avec l'allocation d'éducation spéciale.

Le problème de l'inégalité des revenus.

Celui de l'inégalité devant la distance, parfois très longue, qui sépare les familles concernées de l'hôpital où leur enfant est soigné.

La question des médicaments considérés de confort, souvent à tort, et qui ne sont pas ou mal remboursés.


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Le problème de la continuation de la scolarité pour l'enfant concerné.

L'inadaptation du logement lorsque l'enfant revient à la maison entre deux séjours à l'hôpital.

Le vrai problème des frères et soeurs qui peuvent finir par se sentir abandonnés.

La réalité, parfois imparable : des parents épuisés dont la santé se dégrade.

Vous le savez, madame la ministre, la liste des problèmes à résoudre pour faciliter ce combat pour la vie est encore longue et, même si tous ne sont pas du ressort de la loi ni du budget, la mesure que nous allons voter constitue un premier pas vers un dénouement de ces situations de la vie ordinaire qui basculent dans l'inacceptable.

Derrière ces mots, il y a bien sûr, pour moi, comme pour beaucoup trop d'autres, le prénom d'un enfant, une tranche de vie et d'amour qui donne toujours de l'énergie. Et, aujourd'hui, ce n'est plus l'énergie de la colère, car j'ai vraiment le sentiment que cet article de loi va enlever un peu de cynisme à la pitié. Car la société décide enfin d'assumer ces situations aux côtés des familles.

Oui, les enfants gravement malades ont besoin, davantage que les autres, de la présence, de la disponibilité la plus sereine possible de leurs parents. Ce n'est pas une faveur, c'est une nécessité.

Oui, ce dispositif doit être ouvert aux parents salariés, non salariés et aux chômeurs.

Oui, la décision, pour chaque cas concerné, devra pouvoir être mise en oeuvre rapidement.

Oui, comme les associations le demandent, le contrôle médical doit jouer pleinement son rôle pour valider les cas qui relèvent sincèrement de ce dispositif.

En conclusion, tout en me félicitant de cette mesure nouvelle, je voudrais bien évidemment souhaiter, avec vous tous, que ce congé de présence parentale pour enfant gravement malade et que cette nouvelle allocation n'aient besoin d'être utilisés... que le plus rarement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « politique familiale ambitieuse », « rénovation de la politique familiale », « avancées historiques », voici quelques citations extraites des déclarations de membres du Gouvernement ou de la majorité au sujet des mesures relatives à la branche famille contenues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Dans le même temps, on entend, on lit des réactions allant du « sentiment mitigé » au « casus belli », en passant par « hold-up », « agression », « inacceptable », « inadmissible » ou « cache-misère ». Ce sont les intéressés euxmêmes qui s'expriment ainsi, à savoir les représentants des familles et des institutions familiales. Il y a là un vrai problème. Malheureusement, ce problème n'est pas nouveau.

Face aux décisions contradictoires, aux effets d'annonce démentis par les faits - ainsi les 4,4 milliards de francs annoncés lors des conférences successives sur la famille, et qui n'ont été réalisés que pour 1,8 milliard selon la commission des comptes de la sécurité sociale -, on ne peut parler d'une véritable politique familiale.

Un constat s'impose : celui de l'excédent de la branche famille. Le Gouvernement s'en réjouit en passant sous silence le fait qu'il est en partie le résultat des précédentes restrictions qu'il a imposées aux familles. De surcroît, une partie de cet excédent est détourné au profit des autres branches. Et tout cela intervient dans un contexte d'absence de concertation avec les principaux acteurs de la politique familiale.

Depuis 1997, vous avez réservé quelques mauvaises surprises aux familles : mise sous condition de ressources des allocations familiales ; abaissement du quotient familial ; diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile ; réduction de la déduction fiscale pour l'emploi d'une personne à domicile ; déplafonnement des cotisations d'allocations familiales des non-salariés ; diminution du montant déductible de la pension alimentaire versée aux enfants majeurs et baisse du montant de l'abattement accordé par enfant marié rattaché. Cette énumération apporte un peu d'objectivité au discours introductif de Mme Guigou.

Les acteurs de la politique familiale déplorent le fait que les excédents de la branche famille sont détournés par le Gouvernement au profit des autres branches. Notre position est claire et rejoint celle exprimée par le Président de la République le 6 avril dernier à Nantes : « Il est indispensable de garantir la progression des recettes de la branche famille... »

Mme Odette Grzegrzulka.

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs !

M. Patrick Delnatte.

« ... et d'appliquer scrupuleusement ce principe fondamental de la sécurité qui veut que les excédents de la caisse nationale d'allocations familiales ne puissent être dérivés pour le financement d'autres branches. »

A ces restrictions et à ce détournement s'ajoute l'absence totale de concertation du Gouvernement avec les principaux partenaires de la politique familiale, à tel point que le conseil d'administration de la CNAF a dû émettre un avis défavorable sur le PLFSS, sans aucune voix pour.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est tout à fait exact !

M. Patrick Delnatte.

Mme la rapporteure, pour la famille l'a d'ailleurs reconnu en commission.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Tout de même pas comme vous le dites !

M. Patrick Delnatte.

Dans ces conditions, la grandmesse de la conférence de la famille devient un simple exercice de style. Les représentants familiaux ont le sentiment d'avoir été floués.

Le Gouvernement met en exergue quelques mesures, mais il faut reconnaître qu'elles sont de moindre ampleur.

Il convient, en effet, de se réjouir de celles qui doivent permettre de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle : le renforcement de l'aide à la garde d'enfant par une assistante maternelle ; la création d'un fonds

« temporaire » d'investissement pour les crèches. Rien n'indique toutefois que l'aide prévue à destination des collectivités locales pour leur permettre de faire face aux dépenses de fonctionnement correspondantes sera, elle, pérenne ; le cumul possible de l'allocation parentale d'éducation avec des revenus d'activité. Cette mesure ne doit toutefois pas viser à culpabiliser la femme ou l'homme qui souhaite aller jusqu'au bout du congé parental. Pour elle ou lui, un dispositif reste à trouver pour faciliter son retour à l'emploi.

Concernant l'APE, on aurait pu espérer que le Gouvernement répare à cette occasion une injustice dont il est responsable. Par voie de circulaire, il a en effet supprimé


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le droit à l'APE pour les salariés dont l'entreprise de plus de vingt personnes n'a pas encore signé un accord de réduction du temps de travail et qui travaillent à 80 % des 39 heures. Or les fonctionnaires et assimilés bénéficient toujours de l'APE à temps partiel pour un travail à 80 % des 39 heures, alors même que la fonction publique n'est pas passée aux 35 heures. Cette différence de traitement n'est pas acceptable ; il est inconcevable que des personnes déjà pénalisées par un emploi précaire le soient encore davantage par l'administration, au simple motif que la gestion de leur dossier est complexe.

En fait, face à un objectif aussi ambitieux et primordial que la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, seul un dispositif d'ampleur est de nature àr elever efficacement ce défi. Le Président de la République a tracé la voie en proposant, en juin dernier, la création d'un « chèque famille », qui permettrait aux entreprises, avec l'aide des caisses d'allocations familiales, de soutenir non seulement la garde des enfants, mais aussi leurs activités éducatives, culturelles ou sportives.

Notons, par ailleurs, qu'il a, à juste titre, regretté que la négociation collective ne soit pas assez active pour que l'organisation du travail prenne davantage en compte les impératifs familiaux.

Saluons également la création de l'allocation de présence parentale, directement recopiée du dispositif plus généreux proposé par Renaud Muselier et discuté à l'occasion de la « niche » RPR le 14 décembre 1999. Ce dispositif, repris et voté au Sénat, proposait une prestation du même montant que le SMIC pour tout parent amené à prendre un congé non rémunéré ou à cesser son activité professionnelle pour rester auprès de son enfant malade.

Il aurait été préférable que la majorité accepte de transcender les clivages et ne fasse pas masse dans l'hémicycle pour repousser de six voix une proposition à laquelle elle se rallie aujourd'hui. Les familles concernées y auraient gagné une année.

Reste que plusieurs mesures significatives s'avèrent décevantes, voire totalement inacceptables. A commencer par l'institution d'une réduction de la CSG qui entraîne une grande incohérence du fait de la non-prise en compte de la situation familiale des contribuables. On passe d'une cotisation proportionnelle à un impôt progressif sans quotient familial.

Décevante également la revalorisation des prestations familiales de seulement 1,8 %, à comparer aux 2,2 % pour la revalorisation des pensions de retraite de base du régime général. Le pouvoir d'achat des familles continue à s'éroder. Elles ne bénéficient pas des fruits du retour de la croissance.

M. Marcel Rogemont.

En quatre ans, vous n'avez jamais augmenté les allocations familiales !

M. Patrick Delnatte.

De même est inadmissible la prise en charge progressive par la CNAF de la majoration des pensions de retraite de 10 %, servie aux parents de trois enfants ou plus et qui était jusqu'à présent financée par le FSV. Ce transfert, décidé sans concertation préalable avec la CNAF, permet d'assurer, par un système de tuyauteries complexe, le financement du coût des 35 heures. Il est facile de s'extasier sur un bilan quand on laisse à d'autres le soin de payer les additions.

A ce tour de passe-passe s'ajoute la suppression pour la CNAF des ressources provenant du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine.

Le Gouvernement a enfin décidé la prise en charge intégrale par la CNAF, dès 2001, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Or, le Premier ministre avait annoncé le principe d'un transfert progressif de son financement de l'Etat à la CNAF sur plusieurs années.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Non ! Dès que la branche famille pourrait l'assumer.

M. Patrick Delnatte.

Une durée de cinq ans avait même été évoquée. Cette décision gouvernementale prive la CNAF d'une marge de manoeuvre indispensable pour mener une politique familiale dynamique dont la France a pourtant le plus grand besoin.

Reste aussi que ce transfert devait être en partie et progressivement compensé par la reprise par l'Etat des charges indues supportées par la branche famille. Or, nous n'en sommes toujours qu'au seul milliard du FASTIF, déjà annoncé l'année dernière mais non encore transféré, à comparer aux 7 milliards de francs de l'ARS.

Le problème des charges indues demeure : gestion du RMI et de l'allocation aux adultes handicapés, évaluée à 4 milliards de francs, ou encore gestion de l'assurance vieillesse pour les parents au foyer.

De plus, le Gouvernement ne s'est pas attaché à permettre les modulations de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge des enfants, modulation pourtant à la fois logique et parfaitement consensuelle.

En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale démontre, cette année encore, pour la branche famille, à quel point le Gouvernement limite sa politique familiale à une action sociale, certes indispensable, pour les seules familles les plus démunies, en évitant soigneusement de repenser le fondement même d'une politique familiale moderne.

La famille concerne tout être humain. Réussir la vie familiale, c'est donner à chacun plus de chances tout au long de sa vie. C'est essentiel pour que notre société puisse lutter contre l'exclusion, la violence et toutes les dérives qui brisent le lien social. C'est enfin indispensable pour l'avenir du pays.

La préoccupation nataliste est relayée au rayon des idées ringardes ; peu importe le taux de natalité et le fait que l'âge du premier enfant recule chaque année.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Le taux de natalité augmente !

M. Patrick Delnatte.

Temporairement, c'est

« l'effet 2000 » !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Non !

M. Patrick Delnatte.

Lorqu'un pays n'assure pas le renouvellement des générations, il devrait être du devoir des responsables politiques de se demander si les jeunes hommes et jeunes femmes ont bien autant d'enfants qu'ils le souhaiteraient. Pour notre part, nous pensons que la réponse est négative et que cela implique une politique beaucoup plus ambitieuse et volontariste. Telle n'est pas la voie suivie par le Gouvernement, et c'est la raison de notre profond désaccord avec vous, madame la ministre.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

Madame la ministre, je ne vous parlerai pas de la médecine « hightech » ni de la médecine de ville. Je souhaite intervenir aujourd'hui sur un aspect qui me semble essentiel dans notre politique de santé : les soins de ville.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

L'évolution des techniques de soins, la réduction des durées de séjour à l'hôpital, le souhait des personnes de pouvoir vivre à domicile malgré ou plutôt avec leur maladie, avec leur handicap, avec leur dépendance, tout cela entraîne une évolution profonde des pratiques et fait des soins à domicile un élément essentiel de notre système de santé, de nos politiques médico-sociales et gérontologiques.

C'est dans ce secteur que les dépenses augmentent le plus d'où, même si elle est légitime, une recherche active de la maîtrise des dépenses alors que la demande augmente effectivement et correspond à des besoins réels. Il n'est donc pas surprenant que ce soit aussi dans ce secteur que s'expriment les plus vives inquiétudes des professionnels, des malades et de leurs familles.

Or, et je souhaiterais que tout le monde en prenne conscience, aussi bien les professionnels et les responsables financiers que les responsables politiques que nous sommes, on ne peut que constater, dans ce domaine, que la réponse est hachée, non coordonnée et trop peu construite. Ecoutez les familles : chaque jour, elles voient passer à domicile une infirmière, un kiné, une aide ménagère, sans cohésion entre leurs interventions, sans prise en charge globale.

Que faire ? Les personnes concernées et leur entourage viennent régulièrement nous voir pour exprimer une demande de présence accrue, d'accompagnement, de qualité des soins, d'amélioration de la prise en charge, que ce soit pour la maladie, le handicap ou la dépendance.

Il y a trois catégories d'intervenants : les médecins, les professions paramédicales, comme les kinésithérapeutes et les infirmières, et les aides à domicile. Parce que la demande de prise en charge est complexe, parce que, comme l'a dit François Brottes, il faut tenir compte de la souffrance des familles, qui réclament un soutien moral et un accompagnement de la vie quotidienne, la réponse doit être améliorée et surtout beaucoup mieux coordonnée.

M. Jean-Paul Bacquet.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Chacun de ces acteurs doit tenir toute sa place dans cet effort de coordination.

Les médecins ont vu revaloriser leurs visites chez les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans...

M. Jean-Paul Bacquet.

Quand elles sont en longue maladie.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

... pour leur permettre de mieux organiser la coordination du maintien à domicile. Il serait bon de procéder à une évaluation de ce nouveau dispositif.

Quant aux deux autres groupes d'intervenants, ils nous font part, depuis quelques mois, de leurs inquiétudes. Audelà de la bagarre syndicale, la réaction des infirmières libérales est très symptomatique des difficultés de ce sect eur. Alors que leurs représentants professionnels demandent une juste revalorisation de leur rôle, elles voient dans le décret sur les soins infirmiers une dévalorisation de leur métier et ne perçoivent pas l'amélioration réelle de la nomenclature qui en résulte. Certains de nos collègues, y compris M. Aschieri, ont d'ailleurs tenu des propos qui me semblent en totale contradiction avec le contenu de ce décret.

M. Jean-Paul Bacquet.

Il n'avait pas lu le texte !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Ainsi, les infirmières libérales conserveront la responsabilité de la toilette des malades. En réalité, le décret leur donne la possibilité de jouer pleinement leur rôle et représente, pour elles, un véritable progrès. Nous devons, toutes et tous, accompagner l'évolution fondamentale qui leur est proposée.

Ne nions pas, cependant, que le métier d'infirmière libérale s'exerce dans la solitude, car elles sont souvent

« coincées » entre les prescriptions des médecins libéraux et ce qu'elles appellent leurs « quotas », c'est-à-dire la limitation de leurs actes.

Elles vivent très difficilement cette contradiction. Tous les jours, en effet, je reçois dans ma permanence des familles qui me demandent l'aide d'une infirmière libérale pour prodiguer des soins à une personne de leur entourage. La demande est bien réelle et je souhaite que l'on examine les moyens d'y répondre.

M. Marcel Rogemont.

Tout à fait !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Quant aux associations d'aide à domicile, elles expriment également leur inquiétude face à l'échec de la PSD. Elles veulent et doivent former les aides à domicile afin de s'engager dans une recherche de qualité et d'améliorer leurs prestations.

C'est un enjeu important. Les associations veulent aussi améliorer les conditions de travail de leurs salariés et, sachant ce qu'elles sont actuellement, nous ne pouvons qu'entendre leurs demandes. Dans ce cadre, nous avons fait des propositions visant à élargir les exonérations de charges sociales dont bénéficient les associations de maintien à domicile. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous les accueillerez avec beaucoup de compréhension.

F ace à toutes ces interrogations, des possibilités existent, des solutions sont proposées.

Tout d'abord, et c'est une mesure évidemment très positive, les textes prévoient d'ores et déjà une augmentation non négligeable des capacités des services de soins infirmiers à domicile, puisqu'elle permettra de doubler le nombre de places créées chaque année.

Ensuite, le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi réformant la PSD afin de mettre en place une allocation autonomie qui est attendue avec impatience par les personnes âgées et leurs familles. C'est aussi un progrès. Mais nous devons être très vigilants. Ce texte ne sera efficace et ne fera réellement évoluer la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes que si, parallèlement, nous construisons une véritable organisation des soins et du maintien à domicile. Une proposition du ministère tend ainsi à créer de véritables services de maintien à domicile. Je souhaite que nous travaillions sur cette proposition pour la reprendre dans la loi relative à la prestation autonomie.

Les centres d'information et de coordination gérontologiques expérimentaux, que j'avais proposés, doivent aussi faire partie de la réponse aux attentes des familles. Le Gouvernement a fait part de sa volonté de les étendre. En outre, sur le terrain, des réseaux de soins se sont mis en place et ceux qui les animent tentent d'imaginer des moyens de coordonner les interventions de tous les acteurs du maintien à domicile en plaçant la personne au coeur du dispositif. Je pense en particulier au réseau gérontologique de la MSA. Prenez le temps d'observer les expériences en cours ; l'intelligence y est à l'oeuvre.

Mais un travail de fond doit encore être réalisé pour répondre à l'évolution des besoins. Il faut organiser la collaboration des différentes professions qui contribuent au maintien à domicile et assurer la liaison entre les soins et l'accompagnement. En réalité, nous payons le prix de la séparation entre le champ de la santé et le champ du


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social. Les familles et les malades attendent qu'il y soit remédié. La CNAM doit entendre cette demande de rapprochement entre politique de la santé et politique sociale.

M. Jean-Pierre Blazy.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Nous devons, dans les années à venir, imaginer de nouvelles solutions car, comme l'a souligné François Brottes, l'ensemble des malades soignés à domicile souhaitent une prise en charge globale, qui tienne compte non seulement des soins du corps mais aussi de l'accompagnement psychologique, qui soit attentive à la souffrance morale aussi bien que physique. C'est cette demande que nous devons entendre, celle d'une collaboration de la santé et du social, des association d'aide à domicile, des SSIAD et des médecins. Tel est, me semble-t-il, l'enjeu principal du travail que nous avons à accomplir. Des pistes sont ouvertes, des signes forts sont donnés dans ce projet de loi.

Enfin, et je regrette que Mme Guigou ne soit pas là pour m'entendre, j'estime que le principal problème que nous devons régler pour améliorer encore la prise en charge des personnes âgées, des malades ou des enfants, tient aux aides à domicile. C'est un vrai métier, qui exige une formation adaptée et dont la nécessaire évolution doit être accompagnée. Le rapport que j'ai rendu au Premier ministre contient des propositions sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour remédier à l'isolement des professionnels et à la souffrance que les malades et leurs familles connaissent actuellement.

Voilà, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais vous livrer. Soyons capables, tous ensemble, de faire évoluer profondément les soins à domicile.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

M me Odette Grzegrzulka.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ayant l'honneur de présider le conseil de surveillance du fonds de financement de la couverture maladie universelle et d'en assurer le suivi dans son application quotidienne pour la commission des affaires sociales, c'est à la CMU que je consacrerai mon intervention.

Mes premiers mots seront pour adresser des félicitations et un hommage très appuyé à tous les partenaires - caisses, mutuelles, associations, praticiens - qui, sur le terrain, ont rendu possible un formidable et rapide succès de la CMU.

Mme Guigou a rappelé que plus de 4,7 millions de nos concitoyens en bénéficient d'ores et déjà, et chaque mois nous enregistrons plus de 100 000 nouveaux bénéficiaires. Il y a encore un an, 3 millions de personnes seulement étaient titulaires de l'aide médicale gratuite. Quel progrès ! Le chemin accompli est immense et le rattrapage sanitaire pour les populations les plus défavorisées est réellement en marche.

J'ai voulu faire ce bref rappel car on ne parle pas assez de ce qui marche bien.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très juste !

Mme Odette Grzegrzulka.

Néanmoins, je voudrais appeler l'attention de Mme la ministre, à l'occasion de l'examen du PLFSS, sur certaines difficultés et sur quelques ajustements qui semblent opportuns. Souhaités par les professionnels et les bénévoles que j'ai rencontrés dans plusieurs départements, ils permettraient, à peu de frais, de perfectionner le dispositif et de limiter au maximum le nombre d'exclus de la CMU.

Qui sont ces exclus de la CMU qu'il est urgent de ne pas laisser au bord du chemin ? Je mentionnerai d'abord ceux qui sont l'objet de refus de soins. La CMU exige le respect du tarif opposable.

Trop de praticiens qui opèrent des dépassements tarifaires refusent les soins à des personnes en situation de précarité, au nom d'une perte de rentabilité. Cette situation est déontologiquement et juridiquement inacceptable. Le conseil de l'ordre des médecins l'a affirmé. Il serait temps que le conseil de l'ordre des dentistes en fasse autant car, chez eux, la tradition des dépassements d'honoraires est encore plus forte.

J'évoquerai ensuite tous les bénéficiaires actuels de la CMU qui ont fait l'objet, le 1er janvier dernier, d'un basculement automatique de l'aide médicale gratuite à la CMU. Conformément à la loi, les caisses de sécurité sociale ont jusqu'au 31 octobre pour vérifier leurs ressources, afin de ne prendre en charge désormais que ceux qui touchent moins de 3 500 francs par mois. Cela posera des problèmes particuliers dans les huit départements où le seuil retenu pour l'aide médicale gratuite était supérieur à celui de la CMU. Parce que leurs ressources sont supérieures à 3 500 francs, des dizaines de milliers de personnes, je pense même plusieurs centaines de milliers, seront exclues de la CMU dès le mois prochain, sans que des relais aient été systématiquement trouvés localement.

Je veux donc saluer, par exemple, l'initiative très positive de la caisse primaire de Charente-Maritime, qu'elle a appelée « Médiane ». Elle a décidé d'offrir aux assurés sociaux rejetés prochainement de la CMU, et dont les ressources se situent jusqu'à 500 francs au-dessus du seuil, une aide à la mutualisation pour un tarif modique. Il serait regrettable que cette aide ne soit pas relayée dans tous les départements et que nos concitoyens doivent revivre des inégalités que la CMU avait précisément vocation de résorber.

Au demeurant, je m'étonne et je déplore que les conseils généraux qui, l'an dernier, assuraient l'aide médicale gratuite, ne se préoccupent plus de la situation des personnes dont les ressources dépassent légèrement le seuil, alors qu'ils ont conservé, à leur demande, 5 % de la dotation qu'ils consacraient précédemment à l'aide médicale gratuite.

M. Alfred Recours, rapporteur.

En invoquant la nécessité de faire face à cette situation !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Exactement !

M me Odette Grzegrzulka.

Avez-vous, madame la ministre, des informations sur l'utilisation de cette dotation de 5 % ignorée par les partenaires de la CMU, par les usagers, et même par beaucoup de conseillers généraux ? J'espère qu'elle ne sert pas au financement des réverbères et des caniveaux ! Il est temps de lever la chape de plomb qui pèse sur l'utilisation de cette somme considérable.

J'insisterai enfin sur certaines conséquences du seuil que nous avons voté, car elles sont douloureuses pour ceux qu'il exclut, voire vécues comme de véritables injustices.

Je formule d'abord une remarque : après de longs débats, qui ont duré des heures et des nuits, nous avons voté un niveau de ressources théoriquement fixé à


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3 500 francs. Je dis bien « théoriquement », car en fait je ne connais aucun citoyen disposant de ce modeste montant de ressources, qui bénéficie de la CMU. En effet, f orfaitairement et arbitrairement, une somme de 300 francs correspondant à l'APL est systématiquement prise en compte pour l'appréciation de leurs revenus. Il est fait de même pour de très modestes propriétaires de bicoques, voire de pavillons insalubres. Seules les personnes logées à titre gratuit sont exclues de cette opération comptable.

Quelles sont les conséquences de notre choix et de la réalité que je viens de rappeler ? Parce que le seuil que nous avons choisi est de 3 500 francs théoriquement, et non de 3 575 francs, comme la plupart des minima sociaux - l'allocation aux adultes handicapés, le minimum vieillesse, le minimum invalidité - sont de fait exclues de la CMU - pour 75 francs par mois seulement ! - plusieurs centaines de m illiers de personnes, peut-être un million, dont 600 000 handicapés.

Je vais illustrer mon propos en prenant l'exemple d'un département cher à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité : le Vaucluse. J'aurais pu prendre les DeuxSèvres, madame la ministre déléguée.

M. François Brottes.

Cela aurait été mieux !

Mme Odette Grzegrzulka.

Le Vaucluse compte actuellement 62 000 bénéficiaires de la CMU, soit d'ailleurs le taux le plus élevé de métropole. Mais, parce qu'elles perçoivent les 75 francs « de trop » que je viens d'indiquer, au titre des minima sociaux, 6 000 personnes ne bénéficient pas de la CMU, et n'en bénéficieront pas si nous ne changeons rien.

Plusieurs propositions m'ont été soumises pour remédier à cette situation, en partant d'un constat simple : nous avons prévu 9 milliards de francs en faveur de la CMU pour six millions de personnes dont chacune peut bénéficier d'un panier de soins égal à 1 500 francs. Or il est probable que le chiffre de six millions ne sera pas atteint, compte tenu du rythme où l'on enregistre les nouveaux arrivants - 100 000 par mois - et, surtout, du fait que, le mois prochain, plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de milliers de personnes seront exclues de la CMU car leurs ressources seront trop élevées.

Le calcul est éclairant : la différence entre les prévisions - 6 millions de bénéficiaires - et le nombre réel qui ne dépassera pas les 5 millions de personnes parce que l'embellie économique et la baisse du chômage augmentent le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus défavorisés, pourrait facilement être comblée en intégrant les bénéficiaires des minima sociaux que j'ai cités.

Vous pourriez dès lors, madame la ministre, faire des propositions d'assouplissement et de plus juste couverture sociale sans, bien sûr, dépasser le montant du fonds de financement fixé à 9 milliards de francs.

Redonner l'accès à la santé à tous les accidentés de la vie, à tous ceux qu'une situation de précarité a exclus peu à peu de notre système de santé jugé pourtant comme le plus performant du monde, n'est-ce pas un impérieux et exaltant défi que vous saurez, j'en suis sûre, relever ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert, qui, compte tenu du non-respect systématique des temps de parole de cinq minutes, sera le dernier orateur de la matinée.

M me Françoise Imbert.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que nous examinons aujourd'hui, souligne une politique volontariste, notamment dans le domaine de la famille.

Depuis 1997, le Gouvernement a impulsé une nouvelle politique familiale et l'on ne peut que s'en féliciter. Dans le projet de budget pour 2001 je retiens notamment : l'attribution d'une allocation de présence parentale, en cas de maladie grave ou de handicap de l'enfant, une aide financière pour permettre aux mères en difficulté de retrouver une activité, enfin, la mise en place d'un dispositif d'intéressement financier à la reprise d'activité anticipée pour toutes celles qui perçoivent l'allocation parentale d'éducation.

La conférence de la famille du 15 juin dernier a notamment permis d'annoncer des dispositions nouvelles en faveur de la petite enfance. Outre le renforcement de l'aide versée aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle, la mise en place d'un fonds d'aide aux crèches est prévu. Ce fonds, exceptionnel, a pour objet d'apporter aux collectivités locales et associations gestionnaires, des aides à la création d'équipements et de services d'accueil de la petite enfance.

Cette mesure me semble répondre parfaitement à la demande de diversification des modes de garde collective, à la demande de souplesse au niveau des horaires, par exemple. Elle correspond aussi au souhait des parents, des femmes en particulier, qui désirent concilier vie professionnelle et vie familiale, et elle prend en compte les évolutions du temps travaillé des parents.

Madame la ministre, il est un point que je souhaite particulièrement aborder. En effet, il est prévu que cette aide permette une accession facilitée pour tous les enfants et que les établissements soient tenus d'accueillir les enfants handicapés ou atteints de maladies chroniques.

Cette précision me paraît être fondamentale, car l'intégration des enfants handicapés en milieu ordinaire n'est pas évidente et rencontre encore de trop nombreux obstacles.

D ans ma circonscription, plusieurs parents m'ont confié qu'ils éprouvaient de grandes difficultés à trouver une structure collective susceptible d'accueillir leur bébé.

Certes, ces enfants peuvent être acceptés dans les crèches, mais à condition que le handicap soit léger et que l'accueil d'un ou plusieurs types de handicap soit organisé. Ils peuvent être accueillis dans les haltes-garderies, si l'état de l'enfant n'exige pas une charge de travail trop importante et spécialisée pour le personnel.

Il faut savoir que lorsqu'un bébé est handicapé, 30 % des femmes quittent leur travail pour s'en occuper, 30 % font appel à une aide à domicile, et 40 % ont recours à des établissement spécialisés. Pourtant, les spécialistes s'accordent pour affirmer qu'un bébé présentant un handicap, s'il est admis en crèche, puis à l'école maternelle, sera un enfant épanoui.

Plus tard, les différents soutiens nécessaires lui permettront, au cours de sa vie d'adulte, d'être mieux intégré dans la société.

Une éducatrice de ma circonscription a effectué un excellent travail de réflexion et de recherche sur l'accueil du jeune enfant handicapé et son environnement. Elle montre bien, dans son étude, qu'intégrer un enfant porteur d'un handicap, c'est lui donner des moyens de vivre parmi les autres enfants, favoriser une stimulation générale dans son langage, sa motricité, son développement psycho-affectif.


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La socialisation permet aussi de structurer l'enfant en lui donnant des repères.

Madame la ministre, il est important que l'enfant handicapé puisse grandir parmi les enfants de son quartier afin d'éviter qu'il ne devienne un sur-handicapé. L'intégration peut normaliser la vie quotidienne de la cellule familiale, ses rythmes, son ouverture au monde extérieur et la poursuite de la vie professionnelle des parents.

Nous nous devons de faire en sorte que les problèmes souvent évoqués - manque de personnel, rigidité administrative, peur du handicap, crainte du regard des autres, environnement et matériel souvent inadaptés - qui rendent difficile l'inscription, en milieu ordinaire, des bébés porteurs d'un handicap, soient vaincus.

Madame la ministre, je pense que des règles claires doivent être établies afin que tous les parents qui le désirent puissent bébéficier pour leur enfant d'un accueil en milieu ordinaire. Il faut donc donner des moyens aux structures de la petite enfance pour qu'elles puissent recevoir ces enfants.

M. Jean-Louis Dumont.

Très juste !

Mme Françoise Imbert.

Madame la ministre, je sais que ce sujet vous tient à coeur, et nous vous faisons confiance pour prendre en compte les préoccupations de ces familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Mes chers collègues, avant de lever la séance, je vous indique que la commission des affaires culturelles se réunira, pour examiner les amendements relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale à quatorze heures quinze, au lieu de quatorze heures trente, comme prévu.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, (no 2606) : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tomes I à V du rapport no 2633) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 2631).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT