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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 7455).

JOURNÉE « SANTÉ MORTE » (p. 7455)

M. Pierre Morange, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

INSÉCURITÉ (p. 7456)

MM. Christian Estrosi, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

PRIX DU GAZ (p. 7457)

MM. Jean-Claude Lemoine, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

EMPLOIS-JEUNES ET 35 HEURES (p. 7458)

MM. Francis Delattre, Lionel Jospin, Premier ministre.

POLITIQUE EUROPÉENNE DE DÉFENSE (p. 7459)

Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Alain Richard, ministre de la défense.

CINÉMA (p. 7460)

M. Marcel Rogement, Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE (p. 7461)

MM. Armand Jung, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

PRÊTS À LA CRÉATION D'ENTREPRISES (p. 7462)

MM. Eric Besson, François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

PRIX DU GAZ (p. 7462)

MM. Jean-Paul Bacquet, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

35 HEURES (p. 7463)

M. Hervé Morin, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PÉNURIE DE MAIN-D'UVRE (p. 7464)

M. Léonce Deprez, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SÉCURITÉ SANITAIRE (p. 7465)

MM. Félix Leyzour, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

DROITS DE L'ENFANT (p. 7466)

M. Bernard Birsinger, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Suspension et reprise de la séance (p. 7467)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7467).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 7467)

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

M. Marcel Rogemont.

Mme Muguette Jacquaint.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 7477)

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Louis Debré :

M. Bernard Accoyer, Mme la secrétaire d'Etat, MM. Maxime Gremetz, Gérard Terrier, Yves Bur, François Goulard. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7488).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe du Rassemblement pour la République.

JOURNÉE « SANTÉ MORTE »

M. le président.

La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et je la pose au nom des groupes RPR, UDF et Démocratie libérale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, sur les bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Il manque Tiberi à votre bel ensemble !

M. Pierre Morange.

Demain, l'ensemble des professionnels de santé, excédé, a décidé de mener une journée d'action « santé morte ». Peut-être cette décision de dernier recours surprend-elle certains de nos concitoyens qui connaissent la conscience professionnelle et le dévouement des médecins, des infirmiers, des kinésithérapeutes, des chirurgiens-dentistes et de l'ensemble des auxiliaires médicaux qui nous entourent de leurs soins jour et nuit et malgré des conditions de travail difficiles.

C'est votre gouvernement, madame la ministre, qui accule nos professionnels de santé à cette extrémité. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Cela fait maintenant plus de trois ans que vous gérez le pays. Ne rejetez donc pas la faute sur les gouvernements antérieurs.

Quelle profession accepterait sans broncher ce que les praticiens ont subi, depuis les dernières sanctions imposées sans concertation par la Caisse nationale d'assurance maladie en août dernier ? Le chiffrage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, le fameux ONDAM 2000, établi en 1999 par votre ministère, s'est révélé totalement irréaliste, de l'avis même de la Cour des comptes. Il n'est pas normal que la rémunération d'un acte médical soit sans cesse remise en cause à la baisse, à tel point que les professionnels de santé travaillent chaque jour sans savoir quels seront leurs revenus le lendemain.

A titre d'exemple, le projet de soins infirmiers, mis en place par Mme Aubry, instaure le transfert d'une partie des actes dévolus aux infirmiers à des auxiliaires de vie en nombre insuffisant. Ce dispositif est d'ailleurs dénoncé par la majorité des infirmiers libéraux et va minorer considérablement leurs revenus, sans répondre aux besoins des personnes dépendantes.

Que dire des kinésithérapeutes, dont la cotation des actes est ramenée au tarif de 1997 ? C'est un recul des acquis sociaux pour toutes ces professions et la voie ouverte au rationnement des soins pour l'ensemble des Français. C'est inacceptable.

(Exclamations plusieurs les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous demande donc, madame la ministre, au nom de l'ensemble de mes collègues de l'opposition, RPR, UDF et DL...

M. Didier Boulaud.

Et Tiberi !

M. Jérôme Lambert.

Et Soisson !

M. Pierre Morange.

... d'user de votre autorité de ministre de tutelle afin d'annuler ces mesures iniques prises sous la forme d'une décote des actes basée sur le principe des lettres flottantes et sur la foi de chiffres erronés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, pourquoi y a-t-il un mouvement des professionnels de santé demain ? L'origine principale réside dans les mesures d'économie prises par les caisses d'assurance maladie cet été. Or, vous savez que celles-ci sont responsables, depuis le PLFSS voté par le Parlement l'an dernier, de la fixation des honoraires des professions de santé.

Je rappelle que, parallèlement à ces mesures d'économies prises par les caisses d'assurance maladie, le Gouvernement a prévu - d'ailleurs sur proposition de ces caisses - des mesures positives à l'égard des professions de santé.

Par exemple, pour les 48 800 infirmières...

M. Maurice Leroy.

... qui sont dans la rue !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... nous avons décidé de consacrer 400 millions de francs à l'amélioration des prestations fournies aux personnes âgées dépendantes, ce qui représente environ 8 000 francs de plus par personne et par an. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)


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Pour les quelque 38 000 kinésithérapeutes, nous avons également pris des actes favorables en matière de nomenclature, qui aboutissent à un coût de 800 millions de francs par an, ce qui, compte tenu d'autres mesures négatives, représente un gain net de 400 millions de francs, c'est-à-dire environ 10 000 francs par kinésithérapeute.

M. Jean-Michel Ferrand.

Il faut le leur expliquer !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souligne en outre que les honoraires de l'ensemble des professions médicales, y compris des médecins, ont augmenté depuis 1998, après une baisse en 1996 et 1997. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Didier Boulaud.

C'était Juppé à l'époque !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Peutêtre le dialogue n'a-t-il pas été suffisamment soutenu avec les professions médicales. Ce que je puis vous assurer, c'est que je reprendrai ce dialogue moi-même (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et ce sans attendre, c'est-à-dire dès après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Quant à la journée de demain, nous avons pris les mesures nécessaires pour que les soins puissent être assurés. Les hôpitaux fonctionneront, les urgences aussi et, par conséquent, la sécurité des soins sera assurée en dépit de ce mouvement. (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Je souhaite bon courage aux malades ! INSÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Au nom de l'ensemble des groupes RPR, UDF et DL (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et de plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le sentiment d'insécurité n'a jamais été aussi fort en France et ce malgré les chiffres que vous venez de publier et qui reflètent assez mal la réalité d'une situation qui s'aggrave de jour en jour.

Mme Odette Grzegrzulka.

Apocalypse Now !

M. Christian Estrosi.

De toute évidence, vous cherchez à camoufler aux Français la réalité de la situation de l'in-s écurité puisque vous mélangez les statistiques qui touchent aux infractions contre les biens et celles qui touchent aux infractions contre les personnes. Or, si les infractions contre les biens diminuent du fait d'une meilleure efficacité des protections techniques et des alarmes, les formes de violence sur les personnes connaissent une véritable explosion. (« Eh oui ! sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Didier Boulaud.

Comme à Paris, avec Tiberi !

M. Christian Estrosi.

Preuves à l'appui, la police a recensé 20 000 incidents de violence urbaine en 1997. Ce nombre devrait être au minimum de 30 000 pour l'année 2000. Tous les jours, des centaines de Français sont victimes de menaces et d'agressions physiques, dans la rue, dans leur cage d'escalier, à leur domicile.

M. Didier Boulaud.

A la mairie de Paris !

Mme Odette Grzegrzulka.

A la permanence d'Estrosi !

M. Christian Estrosi.

Après les transports publics, la violence fait son apparition à l'école, menaçant ainsi l'un des piliers du pacte républicain.

Face à cette situation, aucune action d'envergure n'est véritablement engagée à la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Les Français attendent aujourd'hui une plus grande fermeté face à la montée de la délinquance. Dois-je rappeler en effet que la sécurité fait partie des droits imprescriptibles de l'homme et qu'elle doit constituer la première des libertés ? Monsieur le Premier ministre, quels moyens supplémentaires et nouveaux comptez-vous engager pour lutter enfin efficacement contre l'insécurité ? Il faut que vous vous expliquiez car, si vous avez voulu tromper les Français avec vos chiffres, les Français, eux, ne sont pas dupes face à cette situation intolérable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, vous le savez, le Premier ministre a confirmé que la lutte contre l'insécurité était la seconde priorité du Gouvernement après la lutte contre le chômage.

M. Jean-Michel Ferrand.

On ne le dirait pas !

M. Thierry Mariani.

On voit les résultats !

M. le ministre de l'intérieur.

Je m'emploierai dans le cadre de ma responsabilité, et parce que la police, et son utilisation, est un élément essentiel pour concourir à la lutte contre l'insécurité, à ce que la prise en compte de cette priorité soit effective sur l'ensemble du territoire pour l'ensemble de nos concitoyens.

M. Thierry Mariani.

C'est du baratin !

M. le ministre de l'intérieur.

La lutte contre l'insécurité devrait rassembler celles et ceux qui y voient une injustice sociale supplémentaire.

M. Jean-Michel Ferrand.

Oui, mais apparemment pas vous !

M. le ministre de l'intérieur.

Il semble que ce ne soit pas votre cas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Ce ne sont que des mots tout ça !

M. le ministre de l'intérieur.

Puis-je me permettre de vous rappeler que si, pour les huit premiers mois de l'année 2000,...

M. Thierry Mariani.

C'est creux !

M. le président.

Monsieur Mariani...

M. le ministre de l'intérieur.

... la délinquance générale a légèrement augmenté - de l'ordre de 3,3 % - essentiellement, hélas ! à cause des infractions économiques et


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financières (Exclamations divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et notamment de l'usage frauduleux des cartes de crédit,...

M. Didier Boulaud.

Il y a aussi les fausses cartes électorales !

M. le ministre de l'intérieur.

... la délinquance de voie publique, en revanche, diminue légèrement, notamment les cambriolages. (Mêmes mouvements.)

Le sujet est trop sérieux pour que vous le traitiez avec autant de désinvolture, mesdames, messieurs les députés de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamation sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Alors, traitez-le sérieusement !

M. le ministre de l'intérieur.

Les sites d'expérimentation de la police de proximité représentent peut-être un concept nouveau pour vous mais, pour nous, ils sont la mise en oeuvre d'un projet ancien.

M. Jean-Michel Ferrand.

On voit les résultats !

M. Lucien Degauchy et M. Yves Fromion.

Ce n'est pas brillant !

M. le ministre de l'intérieur.

Ces sites ont enregistré une diminution sensible de la délinquance sur la voie publique. (« C'est faux » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Après une première phase qui a touché 10 millions de nos concitoyens, une deuxième phase de généralisation de la police de proximité sera mise en place au début de l'année prochaine. Je viens d'arrêter la liste des 180 circ onscriptions de police supplémentaires qui seront concernées par le dispositif.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Arrêtez les malfaiteurs plutôt ! Ce sera mieux !

M. le ministre de l'intérieur.

Je souhaiterais que la mise en oeuvre de cette police de proximité, au service de la sécurité de nos concitoyens ne vous fâche pas trop, mesdames et messieurs de l'opposition.

Par ailleurs, afin de renforcer l'efficacité de la police, la direction de la police nationale a mis à la disposition d'une dizaine de départements particulièrement sensibles des unités de forces mobiles supplémentaires. Elles viendront s'ajouter aux douze compagnies républicaines de sécurité qui ont été fidélisées dans douze départements depuis le début du mois d'octobre.

Mesdames et messieurs, la sécurité des personnes et des biens est une valeur de la République. C'est la première des libertés. Nous devons, les uns et les autres, sans polémique, y contribuer.

En tout cas, sachez que le Gouvernement fera en sorte que la police y contribue à la hauteur de son engagement,...

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas toujours facile dans les commissariats de police !

M. le ministre de l'intérieur.

... la sécurité étant évidemment un acte partenarial, une coproduction.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Miossec.

Tout ça n'est que du baratin !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, à qui je demande d'être bref, tout comme un ministre qui lui répondra.

PRIX DU GAZ

M. Jean-Claude Lemoine.

Je vais être très bref, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et je la pose moi aussi au nom des trois groupes de l'opposition parlementaire. Nous sommes en effet capables, nous, de travailler en parfaite symbiose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Tiberi avec nous !

M. le président.

Chers collègues !

M. Jean-Claude Lemoine.

Monsieur le Premier ministre, les Français ont appris hier, par la presse, qu'ils devaient s'attendre à une augmentation du prix du gaz de 12 à 15 %. Preuves à l'appui, certains utilisateurs du gaz ont déjà vu leur facture grimper de plus de 26 % depuis le début de l'année et d'autres, ceux qui sont exclus du circuit de gaz de ville, de 72 % alors que cette énergie coûte 10 % de plus que le fioul et est notablement moins polluante. De plus, ces utilisateurs n'ont bénéficié ni de la trop faible et trop tardive réduction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ni de l'amortissement fiscal.

Face à cette situation intolérable, monsieur le Premier ministre, quelles mesures avez-vous décidé de prendre afin de permettre aux foyers qui utilisent le gaz, lesquels sont souvent modestes et représentent plus de 10 millions de clients, de se chauffer cet hiver ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, je répondrai à la place de Christian Pierret, qui a la grippe.

M. Lucien Degauchy.

Il n'a pas de chauffage au gaz ! (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

Vous le savez certainement, monsieur Lemoine, les prix du gaz sont fixés en fonction d'une convention tarifaire qui a été établie entre Gaz de France et l'Etat en 1997.

M. Eric Doligé.

Il faut la changer ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette convention, d'une part, établit des avantages pour le gaz - en particulier, vous y avez fait allusion, il n'y a pas l'équivalent de la TIPP et la TVA payée sur les abonnements est à 5,5 % - et, d'autre part, aligne


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le coût de la ressource sur le pétrole. Les augmentations du prix du pétrole de ces derniers mois ne peuvent donc pas ne pas avoir de répercussion sur celui du gaz.

Enfin, il faut avoir à l'esprit, d'un côté, l'intérêt des abonnés du gaz et, de l'autre, l'intérêt de Gaz de france qui est un grand service public qui entend se développer.

Gaz de France fera des propositions dans les jours à venir puisque c'est au 1er novembre que doivent être fixés les tarifs. L'augmentation devrait tourner autour de 13 %. Les dernières hausses en Allemagne ont été de l'ordre de 34 %. En Belgique, elles ont également été supérieures à 30 %. L'ensemble de ces facteurs ayant été pris en considération, les prix seront arrêtés au 1er novembre.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

EMPLOIS-JEUNES ET 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Je pose moi aussi ma question au nom des trois groupes de l'opposition, RPR, UDF et DL (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ailleurs, cela doit vous gêner, chers collègues qui siégez de l'autre côté de cet hémicycle, car les trois groupes de la majorité seraient bien incapables de poser une question commune au Gouvernement, surtout sur les recettes du budget ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissement sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ma question s'adresse au Premier ministre et concerne les promesse sur lesquelles il a fondé sa majorité politique en 1997.

Le vote des Français ne vous a pas été acquis sur un programme, monsieur le Premier ministre - vous n'aviez pas eu le temps d'en faire un -, mais sur un habile slogan à deux têtes : les emplois-jeunes et les 35 heures.

Vous aviez promis la création de 700 000 emploisjeunes. Je n'aurai pas la cruauté de vous demander comment vous comptez faire pour créer les 450 000 manquants pendant les dix-huit prochains mois. Je me bornerai à vous demander - et ce sera ma première question ce que vous allez faire pour consolider et pérenniser les 250 000 emplois existants.

Pour ce qui concerne les 35 heures, ce sont de vos propres rangs, monsieur le chef du Gouvernement, qu'émanent de fortes interrogations sur la pertinence à appliquer autoritairement les 35 heures dans les PME-PMI et des critiques acerbes sont portées, il faut bien le dire, sur le rapport coût-efficacité de l'ensemble du dispositif de la loi Aubry.

Pour essayer de vous convaincre, monsieur le Premier ministre, je souhaite vous soumettre un certain nombre d'éléments qui jusqu'à présent ont rarement été mis en avant, et qui sont de nature à vous amener à contrition.

Ainsi, une enquête réalisée par Ernst & Young portant sur l'attractivité de notre pays auprès de 350 groupes internationaux installés en France démontre qu'un sur deux de ces groupes envisage de relocaliser son siège social ou une partie de ses activités en dehors de la France et ce pour deux raisons : l'hyperfiscalité et les rigidités administratives autoritaires dans la gestion des ressources humaines liées aux 35 heures.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) De grands groupes internationaux hésitent également à s'installer en France et préfèrent le faire dans d'autres grands pays européens.

Or hyperfiscalité et contraintes administratives vont cumuler leurs effets pour les trois années qui viennent.

Ainsi, à plein temps, le dispositif Aubry coûtera 110 milliards au budget de l'Etat, soit presque autant que la baisse des impôts de 120 milliards annoncée sur trois ans.

Ce qui revient à dire que, sans l'usine à gaz des 35 heures, le Gouvernement pourrait quasiment doubler la baisse des impôts promise.

Justifiées par la lutte contre le chômage, les 35 heures, par l'affichage bureaucratique qu'elles présentent et le coût fiscal qu'elles représentent, sont aujourd'hui plus destructrices que créatrices d'emplois dans le secteur marchand.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pourriez-vous conclure, monsieur Delattre ? (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je ne fais qu'appliquer les dispositions du règlement. Je n'innove pas en ce qui vous concerne, monsieur Delattre.

M. Francis Delattre.

En m'interrompant, vous ne m'aidez guère à aller plus vite, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Vous parlez depuis trois minutes trente !

M. Francis Delattre.

Tout cela a un coût pour le pays et vous devriez ouvrir dans le budget que nous sommes en train d'examiner, à la rubrique de la dette, une sousrubrique sur la générosité à crédit ou le transfert sur les générations futures des errements d'aujourd'hui.

(« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Les salariés aussi découvrent que les 35 heures ont un coût pour eux. Pour les salariés, les particuliers, les 35 heures, c'est d'abord le gel des salaires et 28 % des salariés aujourd'hui n'ont qu'une augmentation inférieure au taux de l'inflation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Et je lis, mes chers collègues, dans la revue du ministère du travail, que 47 % des salaires de ce pays sont aujourd'hui gelés, en particulier les salaires ouvriers, ce qui donne une haute idée du caractère progressiste de votre majorité plurielle.

M. le président.

Monsieur Delattre, au moment ou je parle, il reste très exactement vingt secondes au ministre pour vous répondre ! La question est de savoir si vous voulez une réponse !

M. Francis Delattre.

Je vais conclure. Les 35 heures, handicapantes pour les finances publiques, néfastes pour le pouvoir d'achat des salariés, pénalisantes pour les relations sociales de notre pays auxquelles elles donnent une image étatiste, décrétées d'en haut, sont aujourd'hui un véritable boulet pour notre pays.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ma question sera donc


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simple : qu'allez-vous faire pour nous en débarrasser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Ce n'est pas, monsieur le député, parce que l'un des vôtres vous a invités à l a repentance qu'il faut m'inviter à la contrition ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

En tout cas, si ce vocabulaire religieux n'a pas sa place ici, dans notre république laïque, il me paraît en revanche légitime de répondre à vos questions.

Naturellement, je pense que nous n'aurions pas de difficulté à poser, ensemble, des questions communes à nos trois groupes de la majorité.

M. Jean-Louis Debré.

Mais vous ne votez même pas ensemble !

M. le Premier ministre.

Ce qui nous manque pour vous poser des questions, c'est que vous ayez pu former un gouvernement et, apparemment, ce n'est pas ce que les Français ont décidé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je m'inspire de vos propres propos ! Par ailleurs, je me réjouis que, désormais, semaine après semaine, comme si, en insistant sur le symbole de la forme qui vous unit, vous vouliez masquer la profondeur des divergences de fond qui vous séparent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), vous nous dites que vous êtes désormais capables de poser des questions ensemble ! Nous attendons, et les Français avec nous, le moment où vous serez capables, ensemble, d'apporter des réponses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais nous en sommes loin ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale.) Je ne sais pas si nous avions un programme, mais cela fait trois ans et demi maintenant que nous gouvernons, ensemble. A chaque moment, la majorité a...

M. Jean-Louis Debré.

Implosé !

M. le Premier ministre.

... été aux côtés du Gouvernement pour lui permettre de faire voter ses lois.

(« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous avons effectivement réalisé le programme des 35 heures. Nous sommes sur le chemin des 350 000 emplois-jeunes créés dans le secteur public, auxquels nous nous étions engagés. Nous ne pouvions pas décider à la place du secteur privé - qui, par ailleurs, a embauché, pour les 350 000 qui devaient s'y créer éventuellement. Et comme l'a dit Martine Aubry, il y a quelques jours, nous allons, sur les propositions d'Elisabeth Guigou, et après en avoir discuté en réunion des ministres la semaine dernière, faire nos propositions pour pérenniser ou solvabiliser les emplois-jeunes dans ce pays.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Pour ce qui est des 35 heures, elles constituent une innovation sociale qui a de plus des effets économiques sur l'emploi.

M. Jean-Louis Debré.

Les 35 heures n'en sont pas la cause !

M. le Premier ministre.

Les salaires n'ont pas baissé, loin de là, et nous constatons que ceux qui ont gardé le m ême salaire et qui sont à 35 heures travaillent quatre heures de moins en gagnant autant.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Charié.

Donc pas plus !

M. le Premier ministre.

C'est donc un gain de pouvoir d'achat relatif.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En outre, le pouvoir d'achat individuel des salariés en France a progressé trois fois plus vite que sous les gouvernements Juppé et Balladur.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Quant aux problèmes de délocalisation, il me semble que s'il y a un pays aujourd'hui, où on se pose le problème du départ de firmes industrielles, c'est bien plutôt la Grande-Bretagne en raison de la hausse de la livre, que la France où, après Toyota, de nombreuses grandes entreprises viennent profiter de la qualité de notre maind'oeuvre, de nos infrastructures et de notre système de formation et ne se sentent découragées ni par notre fiscalité, parce que nous la faisons baisser, ni par les complications administratives, parce que nous en supprimons semaine après semaine.

Alors, nous avançons, nous travaillons, nous acceptons vos questions (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), vos interpellations et vos critiques. Mais je ne crois pas que le moment soit encore venu pour vous de nous faire la leçon.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

POLITIQUE EUROPÉENNE DE DÉFENSE

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le ministre de la défense, l'Europe de la défense est l'une des priorités affichées par la présidence française de l'Union européenne. Vous revenez de Strasbourg où vous êtes intervenu devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen. Il me semble important que vous puissiez faire part à la représentation nationale de l'avancement de vos travaux.

Premièrement, qu'en est-il de l'objectif, fixé par la déclaration d'Helsinki, de la constitution d'une force de réaction rapide européenne d'ici à 2003 ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Deuxièmement, quel bilan tirez-vous de la mise en place du corps européen au Kosovo depuis six mois ? Troisièmement, sentez-vous chez nos partenaires européens la volonté de créer les conditions de l'indépendance de l'Europe en matière de défense ? E nfin, comment des avancées dans ce domaine peuvent-elles s'articuler avec la préservation de notre outil industriel de défense, je pense tout particulièrement au GIAT ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Madame la députée, c'est, en effet, le bon moment pour faire le point sur l'avancée de cet important projet européen qui a bénéficié jusqu'à présent d'un large soutien au sein du Parlement, ce qui nous a beaucoup aidés.

En ce qui concerne la force européenne, qui est notre premier défi, la liste des unités et des moyens militaires qui doivent la constituer a été adoptée par les ministres européens, il y a quinze jours. Les engagements de participation des quinze nations, sur lequels les principes sont déjà fixés - et chacune des nations m'a assuré de sa volonté d'apporter un bon niveau de contribution de manière que la force soit complète, dans sa définition la plus large - seront formalisés dans un Conseil « affaires générales » le 20 novembre prochain. Nous serons au rendez-vous et la France, pour sa part, apportera, comme c'est son rôle, compte tenu des responsabilités qu'elle a prises dans ce projet, une contribution de l'ordre de 20 % de l'ensemble de la force européenne que nous voulons constituer.

Les outils de gestion de crise qui pourraient avoir à agir au nom de l'Union européenne sous l'autorité du Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement sont maintenant définis d'un commun accord et devraient pouvoir être mis en place après leur validation au sommet de Nice au cours du premier semestre 2001.

Donc, sur tous ces points, les objectifs ambitieux de la présidence française sont en bonne voie d'être atteints.

En ce qui concerne le rôle de l'Eurocorps dans la KFOR, je le résumerai simplement en disant : mission accomplie. Quand nous comparons - et j'ai pu le dire aux soldats lors de la prise d'armes que nous avons faite à Strasbourg pour leur retour - ce qu'est la situation de contrôle et de remise en route d'un schéma de vie civile démocratique au Kosovo, aujourd'hui, avec ce qu'elle était en début d'année lorsqu'ils ont pris leur mission, nous constatons que nous avons accompli des progrès considérables. C'est aussi l'illustration de la plus-value qu'apporte la méthode européenne en matière de rétablissement de la paix.

Sur le plan politique, je constate - j'ai pu le dire au Parlement européen, hier - une approche très convergente de nos quinze nations, bien qu'elles aient eu, dans le passé, des positions, on le sait, très différentes. Ainsi la position des uns et des autres par rapport à l'Alliance atlantique n'est plus facteur de contradiction entre les Européens aujourd'hui pour la réalisation de ces objectifs concrets. Nous avons même vu, lors d'une récente réunion de l'Alliance atlantique, nos partenaires américains, par la voix du secrétaire à la défense, William Cohen, exprimer clairement leur assentiment pour une organisation européenne en matière de défense. Là aussi, nous avons su convaincre.

Quant à la politique d'armement, nous devons continuer un travail commencé de longue date. Nous avons signé beaucoup d'accords au cours de ces dernières années pour des programmes conjoints. Nous avons harmonisé nos règles en matière d'industrie de défense. Il nous faut maintenant, sur le plan interne, préparer l'avenir de toutes nos industries. Certaines figurent déjà au sein de grands groupes européens. D'autres ont encore des efforts de modernisation à accomplir comme le GIAT. Le Gouvernement, vous le savez, les accompagne avec beaucoup de vigueur et avec des crédits publics importants.

Que ce soit devant le Parlement européen ou devant le Parlement national, nous pouvons désormais faire état d'une progression marquante, si bien que l'Europe, qui prend déjà toute sa stature et sa force d'expression sur le plan politique pourra, demain, dire son mot, de façon autonome, face aux crises que le monde rencontrera encore. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

CINÉMA

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les Françaises et les Français vont de plus en plus au cinéma : 116 millions de spectateurs en 1992, 155 millions en 1999, et probablement plus de 160 millions pour l'année en cours. Cette bonne santé ne peut gommer cependant deux questions respectivement sur les multiplexes et sur la carte d'abonnement.

Il n'est pas question d'interdire les multiplexes, sorte de supermarchés où l'on trouve dix à trente salles de cinéma dans un même lieu, mais d'encadrer leur création afin de respecter les équilibres et de ne pas tuer les cinémas de centre-ville et les cinémas d'art et d'essai. Il faut donc faire en sorte qu'il n'y en ait pas trop sur une même agglomération.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

La carte d'abonnement, qui permet à son détenteur de voir autant de films qu'il veut, est plébiscitée par les usagers depuis sa création. Ainsi, sur la place de Paris, UGC en aura vendu près de 130 000 depuis la fin du mois de mars. MK2 et Gaumont se sont également lancés dans l'opération.

Cet incontestable succès n'appelle pas moins deux questions sur le financement des films et sur la concurrence.

Le lien entre le film vu par un spectateur et le prix des places était absolument nécessaire pour garantir la juste rémunération de l'auteur, du producteur et des distributeurs. La carte d'abonnement actuelle ne permet plus la transparence de ce lien ni donc la juste rémunération des acteurs du cinéma.

A Paris, en six mois, UGC a vu croître ses parts de marché de 26 %, ce qui pose le problème de la concurrence, lequel sera plus aigu encore lorsque ces cartes arriveront dans les agglomérations où les positions dominantes sont souvent plus tranchées.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La question ! La question !

M. le président.

Monsieur Rogemont, veuillez poser votre question.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

M. Marcel Rogemont.

Là encore, il ne s'agit pas d'interdire, ce n'est pas notre philosophie, mais d'encadrer.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sur ces deux points, madame la ministre, nous souhaiterions connaître votre position.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, comme vous l'avez très justement indiqué, la fréquentation cinématographique se porte assez bien dans notre pays, et même elle progresse, et avec 30 % de films français à l'écran, chiffre que n'ont pas pu atteindre les pays voisins pour leur propre cinématographie.

Pourtant, de lourdes menaces pèsent aujourd'hui sur l'exploitation et donc sur toute la chaîne du cinéma, pour deux raisons : la multiplication et l'implantation insuffisamment maîtrisées des multiplexes et, plus récemment, le lancement de ces fameuses cartes d'accès illimité. Dans les deux cas, selon moi, la juste concurrence n'est pas assurée, pas plus que la préservation des intérêts de l'art du cinéma. Je partage donc vos interrogations.

Je rappelle notre attachement à la diversité du parc de salles qui est garant de la diversité des films. C'est d'ailleurs une constante des politiques publiques de soutien au cinéma, rappelée par le Premier ministre Lionel Jospin lors du dernier festival de Cannes. C'est pourquoi, au nom du Gouvernement, j'ai présenté au Sénat, la semaine dernière, plusieurs dispositions d'encadrement, par voie d'amendements à la loi sur les nouvelles régulations économiques.

Pour l'essentiel, j'ai proposé que les commissions d épartementales d'équipement cinématographique fondent désormais leurs décisions sur des critères d'appréciation supplémentaires, que le seuil d'examen soit abaissé à 800 fauteuils et que les multiplexes aient à souscrire des engagements fermes de programmation dont le nonrespect serait sanctionné financièrement.

S'agissant de la carte d'accès illimité, cette nouvelle pratique commerciale a vraiment un double visage. Certes elle est bien accueillie par un très large public qui y voit d'abord une baisse du prix d'entrée dans les salles de cinéma, baisse qui confine d'ailleurs parfois à la gratuité.

Mais elle risque de faire disparaître tout un pan de l'exploitation des cinémas indépendants et d'art et d'essai. En outre, comme vous l'avez souligné, elle n'offre pas de garanties sérieuses pour la rémunération des ayants droit.

Là aussi, pour encadrer ces formules, j'ai proposé un système d'agrément des cartes d'accès, que le Sénat a adopté à l'unanimité. Lorsque ce texte aura achevé son parcours parlementaire, il assurera à la fois la remontée des droits et l'ouverture du système aux salles indépendantes dans des conditions équitables.

Le Gouvernement ne peut pas accepter que des initiatives privées, prises sans aucune concertation, viennent compromettre une politique d'aide à la création et d'aménagement culturel du territoire où tout le monde a trouvé son profit jusqu'ici.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, le monde dans lequel nous vivons est vraiment paradoxal. D'un côté, on organise des campagnes publicitaires sur les performances techniques de voitures qui circulent de plus en plus vite, et de l'autre, on constate des hécatombes meurtrières sur les routes françaises : 8 000 morts par an, voilà un bilan qui ne peut satisfaire personne.

Vous avez mis en oeuvre des moyens importants, notamment en mobilisant massivement les services de police et de gendarmerie. Comment analysez-vous les résultats de cette initiative sur l'ensemble du territoire français ? Pour ma part, je me félicite de la baisse de 13 % du nombre des tués sur les routes de mon département, le Bas-Rhin.

Nous savons tous ici que la fatalité seule n'explique pas l'ampleur et la gravité de ces drames humains, de ces destins brisés. La vitesse, l'alcool et le non-respect du code de la route demeurent les causes premières. Mais il faut y ajouter la fatigue au volant des conducteurs. Faut-il rappeler qu'environ la moitié des accidents ont lieu la nuit et que les piétons et les cyclistes demeurent les usagers les plus vulnérables ? La sécurité routière a été classée, en l'an 2000, « grande cause nationale », ce qui se traduit, du 21 au 27 octobre, par une semaine de la sécurité sur la route, que vous avez initiée.

Aujourd'hui même, le Gouvernement doit rendre publiques différentes mesures prises lors d'un comité interministériel de sécurité routière dont vous êtes à l' origine. Pouvez-vous nous donner les grandes orientations qui conduiront votre réflexion lors de ce comité ? En cette semaine de la sécurité sur la route, quel message adressez-vous à l'ensemble des conducteurs de ce pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, je connais votre engagement pour la sécurité routière.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous l'avez prouvé au cours de la discussion de la loi sur la sécurité routière, l'an dernier.

Dans moins de deux heures, le Premier ministre va présider un conseil interministériel sur la sécurité routièr e. C'est le troisième qui se tient depuis 1997. Ne vous moquez pas, mesdames et messieurs de l'opposition, car vous n'en aviez pas tenu de 1994 à 1997.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Vous comprendrez que nous attendions la réunion de ce comité interministériel pour annoncer toutes les propositions, mais vous m'avez posé deux questions essentielles auxquelles je veux répondre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Depuis cinq mois, 400 vies ont été épargnées dans notre pays grâce à la mobilisation de tous : préfets, justice, police, gendarmerie, associations. Pour le début de l'année, il y a environ 7 % de tués en moins sur les routes de France, mais il reste beaucoup à faire.

Sur un an, nous sommes à 7 600 tués, soit le chiffre le plus bas depuis 1954, mais tout cela est fragile et il faut poursuivre la mobilisation.

Les orientations sont évidentes. Il faut agir à la fois sur les infrastructures, sur les véhicules - les vélos, les motos, les piétons n'ont pas de carrosserie, vous l'avez dit, et il faut les protéger davangage -, sur les contrôles et les sanctions et, enfin, sur la formation et le changement des comportements.

J'en profite, puisque de nombreux téléspectateurs nous regardent, pour appeler à la prudence pendant les vacances de la Toussaint. Ne nous tuons pas sur les routes de France dans cette période qui s'ouvre ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

J'en profite, mes chers collègues, pour vous inviter à visiter la magnifique exposition sur la sécurité routière qui est présentée par l'Assemblée natio nale dans un salon voisin de l'hémicycle.

M. Renaud Muselier.

C'est une page de publicité ! PRÊTS À LA CRÉATION D'ENTREPRISES

M. le président.

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

Ma question s'adresse à M. François Patriat, auquel je suis heureux de poser sa première question d'actualité.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, en avril dernier, lors des états généraux de la création d'entreprise qui avaient été organisés et préparés par Mme Lebranchu, le Premier ministre avait annoncé des prêts à la création d'entreprises, accédant ainsi aux voeux de tous ceux - associations, entreprises d'insertion, acteurs du développement local - qui se plaignaient de la faiblesse de l'accès au financement des créateurs de petites entreprises, qui ont du mal à accéder à un financement, notamment bancaire.

Six mois après,...

M. Jean-Paul Charié.

Un an après !

M. Eric Besson.

... et je tiens à saluer ce délai parce que le Gouvernement a respecté ses engagements sur ce point,...

M. Yves Fromion.

« Sur ce point » !

M. Eric Besson.

... les premiers prêts à la création d'entreprises sont aujourd'hui disponibles.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais que vous nous donniez des précisions sur les modalités d'accès à ce prêt à la création d'entreprises. Est-il d'ores et déjà disponible sur l'ensemble du territoire ? Depuis trois ans et demi, le Gouvernement a beaucoup fait en matière de création d'entreprises,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Eric Besson.

... qu'il s'agisse d'entreprises innovantes ou de petites entreprises traditionnelles. Pouvezvous nous dire quelles sont les priorités de votre action et comment vous comptez continuer l'action engagée par vos prédécesseurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, que je salue.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Monsieur Besson, vous avez remis un rapport l'année dernière à Mme Lebranchu (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), intitulé

« plan d'urgence pour la création d'entreprises », et vous avez été entendu.

Avant de donner mes priorités, j'aimerais saluer tout le travail réalisé par Mme Lebranchu pour la création d'entreprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Elle part de son ministère avec l'approbation générale de tous les consommateurs et de tous les professionnels qu'elle a rencontrés.

En France, en effet, monsieur le député, vous avez raison, une entreprise sur cinq en création peut accéder au prêt.

Mme Lebranchu a organisé sur le territoire des rencontres régionales, notamment à Montélimar, chez vous (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la d émocratie française-Alliance), et elle a pu vérifier l'ampleur des besoins, la réalité et l'inquiétude des jeunes créateurs d'enteprises.

M. le Premier ministre, lors des états généraux de la création d'entreprises, a annoncé, en avril dernier, le prêt à la création d'entreprises. Voilà une réalité traduite immédiatement sur le terrain ! Ce prêt est disponible depuis le 10 octobre, auprès de toutes les banques classiques ou des réseaux comme Agir, les plates-formes d'initiative locale ou « Entreprendre en France ». Son montant sera plafonné à 50 000 francs, un montant équivalent pouvant être accordé par les banques.

C'est un prêt sur cinq ans, sans aucune garantie et je crois que cela répond à une demande réelle. Il en est prévu 20 000 pour l'année 2001, pour un montant de 300 millions de francs.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Je voudrais aussi vous donner une statistique. En 1998, 167 000 entreprises ont été créées. 170 000 en 1998 et 5 % de plus actuellement pour l'année 2000. Ce n'est pas une raison pour nous arrêter en cours de route, il faut conforter ces résultats.

Je pense que nous pourrons avancer lorsque nous aurons le rapport sur cette question dont M. le Premier ministre a confié la réalisation le 25 septembre dernier à Jean-Marie Bockel. Gageons qu'après avoir réalisé le pari de la création, nous réaliserons demain celui de la transmission. C'est dans ce sens que j'entends répondre à vos propositions et travailler avec l'ensemble du Gouvernement pour réussir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Paul Charié.

Il était temps ! PRIX DU GAZ

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Nous avons assisté ces derniers mois à une hausse massive du prix des carburants, du fioul domestique, et ce bien sûr en raison de la flambée du prix du baril de pétrole.

Les Français ont manifesté leurs inquiétudes et, dans la concertation, le Gouvernement a apporté des solutions dans le temps pour amortir l'impact de cette hausse brutale pour les transporteurs routiers, les agriculteurs, les marins-pêcheurs, les ambulanciers et les taxis.

M. Bernard Accoyer.

Et les automobilistes ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Aujourd'hui, et cela a déjà été évoqué, on nous annonce une hausse du prix du gaz de 10 à 15 %, hausse qui s'ajouterait à celle de 6,5 % déjà réalisée au mois de mai dernier. Il est facile d'imaginer les conséquences que cela aura sur le budget des ménages, surtout en cette période pré-hivernale, et sur les industries qui utilisent cette source d'énergie, Le Gouvernement, pour le pétrole, a su trouver les moyens pour limiter dans la durée des variations trop fortes du prix en fonction des fluctuations du prix du baril. Peut-on espérer que le Gouvernement interviendra pour amortir les augmentations du prix du gaz pour les ménages ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Cova.

Il y a bien quelques milliards qui traînent !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme je l'ai expliqué il y a un instant à un de vos collègues qui posait la même question, j'interviens à la place de M. Pierret, qui était atteint par la grippe tout à l'heure et qui n'est pas encore remis.

(Rires.)

En ce qui concerne le fond de votre question, nous devons tenir compte du fait que le prix du gaz naturel évolue comme le cours du pétrole. C'est donc une augmentation absolument massive. En France, je le rappelle, 5 % seulement de la consommation est d'origine nationale, 95 % sont donc liés à l'évolution générale et finalement au prix du pétrole. Il faut également prendre en considération l'entreprise, ses capacités de développement.

Le prix initial est heureusement plus avantageux.

Lorsque le Gouvernement devra, sur proposition de l'entreprise, arrêter le prix définitif, il devra tenir compte de l'intérêt des usagers, car, pour les familles, cela peut représenter une augmentation considérable. Cette décision n'a pas encore été prise au moment où je parle, il nous reste quelques jours pour le faire, mais c'est dans cet esprit que nous aborderons la question. Nous ne devons pas oublier que le gaz est une très bonne énergie, une ressource utile, qu'il permet une diversification énergétique, et que cela nous permet de ne pas dépendre uniquement du pétrole. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Avant de poser ma question à Mme Guigou, je voudrais conseiller à M. le Premier ministre de faire preuve d'un peu plus de modestie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) La loi de finances a été adoptée hier avec dix voix de majorité. Si j'en crois un grand journal du soir, M. le Premier ministre a dû déployer des efforts téléphoniques considérables pour faire en sorte que son budget soit adopté, et les communistes et les Verts ont finalement décidé de s'abstenir. En matière de cohésion, je crois qu'il y a à faire aussi au sein de la majorité ! (Mêmes mouvements.) Madame la ministre, vous n'avez pas répondu hier à une question de M. Deniaud sur les 35 heures. C'est pourquoi je souhaite vous la poser à nouveau.

Puisque vous n'étiez pas ministre de l'emploi et de la solidarité au moment du vote de la loi, je voudrais vous rappeler les mises en garde incessantes que l'opposition a formulées sur la mise en oeuvre des 35 heures. Aujourd'hui, toutes ces mises en garde se sont malheureusement révélées...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Fausses !

M. Hervé Morin.

... réalité.

Nous avons d'abord dit que les 35 heures allaient marquer la mort du SMIC unique. Depuis le 1er juillet 2000, le SMIC unique n'existe plus.

Nous avions dit que les 35 heures entraîneraient l'accroissement de la flexibilité et de l'intensité au travail.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Faux !

M. Hervé Morin.

Malheureusement, les faits nous ont donné raison.

Nous avions dit que les 35 heures coûteraient cher au contribuable. Elles coûteront, en 2001, la bagatelle de 85 milliards de francs.

M. Bernard Accoyer.

Quel gâchis !

M. Hervé Morin.

Nous avions dit que les 35 heures provoqueraient une stagnation du pouvoir d'achat et que les salariés touchant les revenus les plus bas souhaitaient gagner plus plutôt que travailler moins.

M. Lucien Degauchy.

Tout à fait !

M. Hervé Morin.

Jamais le pouvoir d'achat n'a augmenté aussi peu qu'en l'an 2000. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous avions dit enfin que les 35 heures ne permettraient pas à l'économie française de profiter pleinement de la croissance mondiale retrouvée. Aujourd'hui, au moins sur ce point, un membre de la majorité nous a rejoints, en l'occurrence Laurent Fabius.

M. Maurice Leroy Bienvenue !

M. Hervé Morin.

Alors, madame la ministre, ma question est claire. Oui ou non allez-vous différer la mise en oeuvre des 35 heures, notamment dans les PME, par un régime différent des heures supplémentaires ou par la modification du contingent ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Hervé Morin.

Oui ou non, allez-vous demander aux partenaires sociaux de vous faire des propositions en la matière, car il faut toujours, d'abord et avant tout, écou-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

ter le terrain, celui de l'économie et des entreprises, plutôt que d'en rester au niveau des dogmes ? Merci de répondre précisément à ces deux questions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, ce n'est pas en jouant les imprécateurs et les Cassandre que vous regagnerez la confiance des Français ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Vous n'aimez pas les 35 heures, vous venez de le dire et de le répéter. Ce n'est pas nouveau puisque vous vous êtes opposé aux deux lois...

M. Maurice Leroy.

Et on a eu raison !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui ont permis cette grande mesure sociale qui a puissamment contribué à la reprise de la croissance et à la création d'emplois. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

N'oublions pas que, depuis 1997, 800 000 personnes ont retrouvé un emploi. Ce sont 800 000 familles qui ont retrouvé l'espoir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Nicolas Forissier.

Ça n'a rien à voir !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

N'oublions pas que 1 300 000 emplois ont été créés et que les 35 heures ont puissamment contribué à ce mouvement...

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Nicolas Forissier.

N'importe quoi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... puisque 40 000 accords ont été signés, concernant la moitié des salariés de ce pays, plus de 4 millions de personnes, qui n'auraient pas signé si les 35 heures ne leur avaient pas paru favorables.

M. Lucien Degauchy.

Et combien n'ont pas signé ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela a permis de créer 200 000 emplois et d'en sauvegarder 30 000.

Et surtout, je voudrais vous rappeler que 80 % des personnes qui travaillent 35 heures sont satisfaites,...

M. Lucien Degauchy.

C'est faux.

M. Charles Cova.

C'est vous qui le dites ! Il y en a qui préfèrent travailler plus et être payé plus !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... tout simplement parce que cela a entraîné une amélioration des conditions de travail dans les entreprises, sans baisse des salaires (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , et une amélioration considérable de la qualité de vie.

Alors, oui, monsieur le député, nous maintiendrons le cap...

M. Maurice Leroy.

Et les salaires ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... fixé dans les lois sur les 35 heures. Il est d'ailleurs prévu que l'on fasse preuve de souplesse pour les petites et moyennes entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, et nous aiderons celles qui ont des difficultés bien identifiées et bien concrètes en améliorant nos dispositifs d'expertise et d'aide.

Voyez-vous, monsieur le député, fidèle à la méthode que j'ai toujours utilisée,...

M. Jacques Myard.

Mauvaise !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... je pratiquerai la concertation, et je vous annonce que je recevrai les partenaires sociaux la semaine prochaine, dès que le PLFSS aura été voté par cette assemblée,...

M. François Goulard.

S'il l'est ! Ce n'est pas sûr !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et que ce sera évidemment l'un de nos sujets de discussion et de concertation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

PÉNURIE DE MAIN-D'UVRE

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre de l'emploi, dans un calme revenu, je voudrais vous dire que les entreprises françaises, nous le constatons dans toutes nos régions, subissent actuellement une pénurie de maind'oeuvre de plus en plus préoccupante,...

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que dit Fabius !

M. Léonce Deprez.

... ce qui est assez paradoxal alors que la France est l'un des pays où le chômage, malheureusement, est l'un des plus élevés d'Europe.

On connaît les causes de cette pénurie de maind'oeuvre.

P remière cause, l'insuffisance de l'attractivité des salaires nets compte tenu des charges sociales trop lourdes qui pèsent sur le coût du travail. Les restaurateurs sont venus le dire il y a huit jours, le premier industriel du Pas-de-Calais est venu le dire hier, et c'est le deuxième site industriel français au nom duquel il parlait.

Il y a aussi l'insuffisance de la différence entre le revenu résultant des prestations de chômage et le revenu résultant du travail.

Et puis il y a les 35 heures, qui, on ne peut le nier, provoquent une augmentation du coût de revient de 5 % dans les entreprises.

M. le président.

Votre question, monsieur Deprez.

M. Léonce Deprez.

Je pose ma question en termes brefs, monsieur le président, contrairement à ce qui a été fait tout à l'heure.

Madame la ministre, êtes-vous prête à augmenter de façon sensible le contingent d'heures supplémentaires annuel jusqu'à 188 heures pour offrir une marge aux


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entreprises et améliorer leur fonctionnement et à donner aux travailleurs le droit de renoncer à un repos compensateur et de percevoir en échange la rémunération correspondante ?

M. Michel Vergnier.

Et ceux qui ne travaillent pas ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une brève réponse.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je serai très brève, monsieur le président, puisque je me suis déjà exprimée hier et à l'instant sur cette question.

La forte reprise de la croissance, 3 % cette année, plus de 3 % prévus l'année prochaine, crée une nouvelle situation sur le marché du travail. Auparavant, notamment lorsque vos amis étaient au gouvernement, monsieur le député, il y avait énormément de demandes d'emploi p our une seule offre. Aujourd'hui, les demandeurs d'emploi sont en situation de regarder de plus près les emplois qu'on leur offre. C'est la situation générale.

Il existe dans certains secteurs des difficultés de recrutement qui tiennent souvent à la pénibilité du travail, au fait qu'on travaille le soir ou le week-end. Ce sont des difficultés bien localisées. Il faut faire un effort spécifique, aider à la formation, à l'information sur ces métiers, et faire en sorte que les responsables rendent ces métiers plus attractifs, notamment pour les jeunes. La concertation a déjà commencé.

Pour le reste, je vous répète que nous maintiendrons le cap des 35 heures et que nous apporterons les aides nécessaires à la condition d'avoir très précisément, sur un plan géographique et selon les secteurs et des métiers très précis, évalué les difficultés.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

SÉCURITÉ SANITAIRE

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je souhaite, en vous interrogeant, revenir sur le problème de la transparence et de la sécurité sanitaire de la filière alimentaire, qui préoccupe l'ensemble des Français.

Dans la récente affaire de l'ESB, qui continue de faire des vagues et sur laquelle la justice doit faire toute la lumière, des négociants sont suspectés d'avoir triché, créant de nouveau le trouble chez les consommateurs, jetant le discrédit sur les éleveurs, pourtant honnêtes dans leur très grande majorité, et mettant en péril l'emploi dans des abattoirs.

Quand on cherche à comprendre ce qui s'est passé, tout conduit à penser que les premières mailles du filet de précaution ont été contournées par le retrait du troupeau d'un animal présentant des signes évidents d'ESB et par la mise dans le circuit commercial d'animaux qui n'étaient pas forcément porteurs de la maladie mais pour lesquels, puisque l'un d'entre eux était malade, il aurait dû y avoir, en l'état actuel des connaissances et en application du principe de précaution, élimination par abattage et incinération.

Fort heureusement, le système de détection de l'animal malade qui a été frauduleusement introduit dans un autre lot, présenté lui aussi à l'abattoir, a bien fonctionné. Le système de traçabilité concernant les lots de viande pour lesquels il y avait un doute a également fonctionné. La question que l'on est en droit de se poser est de savoir pourquoi il n'a pas fonctionné à la même vitesse partout, dans tous les groupes de distribution.

Dans les affaires comme celles-là, autant il ne faut pas provoquer la panique, qui n'est jamais bonne conseillère, autant il ne faut pas faire preuve de complaisance à l'égard de qui que ce soit. Les tricheurs, les fraudeurs et les margoulins, où qu'ils soient, doivent être sanctionnés.

Dans le même temps, il faut continuer d'améliorer et de perfectionner notre système de sécurité. Vous avez décidé, monsieur le ministre, d'élargir le système de dépistage du prion. C'est une bonne décision. Je voudrais vous demander quels sont les délais que se donne l'AFSSA pour évaluer les tests Biorad et Enfer Technology, dont on pense qu'ils permettraient un dépistage plus systématique de la maladie.

Pour ce qui est des farines animales, dont on sait que, légalement, elles ne doivent être aujourd'hui fabriquées qu'à partir de déchets sains sortis des abattoirs, et que, en outre, elles sont interdites dans l'alimentation des ruminants, il serait utile que vous nous précisiez ce que préconise déjà l'AFSSA par rapport à l'utilisation des graisses animales, où celle-ci en est dans son travail de recherche et d'évaluation des risques par rapport à l'ensemble du dossier des farines, et où en est également l'autorité europ éenne, dont on attend qu'elle tire vers le haut l'ensemble des problèmes de sécurité.

Sécurité alimentaire pour les consommateurs et intérêts de tous les acteurs honnêtes de la filière sont liés et sont ici en jeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous m'avez posé beaucoup de questions. Je vais essayer d'aller directement à l'essentiel.

Vous avez employé des mots forts et sévères à l'égard de certains comportements. Je voudrais redire, au nom du Gouvernement, ce que j'ai déjà indiqué hier ici : quels que soient les réglementations et les contrôles rigoureux qui pourront être mis en place - et, je le répète, les règle ments et les contrôles français sont sans doute parmi les plus rigoureux du monde -, nous ne serons jamais à l'abri de fraudes ou de malversations.

Puisque la justice s'est intéressée au comportement auquel vous avez fait allusion, je n'ai pas d'autre commentaire à faire que de souhaiter, tout en respectant la liberté de la justice et son indépendance, que la plus grande sévérité puisse s'appliquer si les fraudes en question étaient avérées.

La décision, prise par le Gouvernement et que j'ai annoncée hier, d'étendre le dispositif des tests, de sorte que nous puissions désormais procéder à ceux-ci dans les abattoirs d'une manière aléatoire sur des viandes apparemment saines, peut et doit constituer une dissuasion à l'égard des éleveurs qui seraient tentés par la fraude ou qui voudraient avoir des comportements malveillants.

Vous m'interrogez sur notre capacité à rendre les tests fiables. Je répète ici, parce que c'est très important - et vous avez raison d'y revenir - que le programme de tests que nous engageons, une fois encore le plus important du monde, est un programme d'évaluation scientifique, non seulement de l'épidémie, mais aussi des tests eux-mêmes.


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Ces derniers sont en effet très récents et n'ont fait l'objet d'aucune évaluation scientifique sérieuse. C'est d'ailleurs pourquoi les scientifiques ont choisi le plus basique d'entre eux, le Prionics, qui a déjà connu un début d'expérimentation dans son pays d'origine, la Suisse. Mais les autres tests vont être évalués à leur tour, notamment le Biorad, qui est le test français et qui est probablement plus sensible. Pour répondre concrètement à votre question, plusieurs mois seront sans doute nécessaires pour évaluer scientifiquement la fiabilité de ces tests.

En ce qui concerne les farines, je rappellerai simplement, comme je l'ai dit hier ici même, que le Gouvernement va demander à l'AFSSA d'évaluer le risque global présenté par le maintien de l'autorisation de l'utilisation de ces farines dans l'alimentation des porcins et des volailles. L'AFSSA ne s'est jamais prononcée de cette manière. Jusqu'à présent, ses décisions ont consisté à di re que si la fabrication des farines était garantie, il n'était pas nécessaire de les interdire. Nous allons donc à nouveau saisir l'AFSSA de cette question dans les tout prochains jours.

En outre, ainsi que je l'ai signalé hier, le Gouvernement a décidé d'accélérer l'étude commencée il y a plusieurs mois sur les solutions alternatives aux farines animales. Supprimer et interdire ces dernières du jour au lendemain est sûrement une décision simple à énoncer, mais beaucoup plus complexe à mettre en oeuvre.

Enfin, en guise de conclusion, je voudrais mettre en garde contre certains discours tenus soit par des politiques, soit par des commentateurs de la presse, voire par des agents économiques, discours qui invitent à procéder à des tests systématiques ou à interdire les farines animales et qui sont intellectuellement sensés, mais dont leurs auteurs savent pertinemment qu'ils ne sont pas concrétisables immédiatement. Même si nous décidions de nous engager dans une telle voie - et le Gouvernement ne rejette pas ces idées -, il faudrait sûrement des mois pour rendre le dispositif applicable, y compris parce que les tests ne sont pas encore opérationnels.

Pourquoi fais-je cette « mise en garde » ? Tout simplement, parce que nos discours publics s'adressant à l'opin ion, notre responsabilité veut, selon une formule fameuse, que nous disions ce que nous faisons et que nous fassions ce que nous disons. Or si nous disons que nous voulons faire quelque chose dont nous savons qu'il est impossible de le faire maintenant - même si nous pourrons peut-être le faire plus tard -, cela signifie que nous trompons l'opinion. Et celle-ci serait ensuite en droit de se retourner contre nous et de nous reprocher non seulement de ne pas faire ce que nous avions dit mais aussi de l'avoir dit tout en sachant que ce n'était pas possible.

Dans ces domaines sérieux et rigoureux, notre responsabilité consiste à rester sereins et à dire la vérité aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

DROITS DE L'ENFANT

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, voilà près de quatre ans, notre assemblée adoptait à la quasi-unanimité une proposition de loi des parlementaires communistes instaurant une journée nationale des droits de l'enfant. On peut mesurer aujourd'hui à quel point une telle journée est utile pour faire progresser les droits de l'enfant dans notre pays. A cette occasion les militants des droits de l'enfant ont pu faire connaître la convention internationale des droits de l'enfant et faire prendre conscience aux pouvoirs publics de l'importance qu'il y a à promouvoir ces droits.

Ainsi, le Parlement des enfants a été créé, des mesures ont été prises pour lutter contre la maltraitance et, plus récemment, une loi instituant un défenseur des enfants a été votée. Cette dernière institution est un atout supplémentaire pour les enfants eux-mêmes qui peuvent la saisir de leur cas personnel et pour les associations qui défendent les droits des enfants.

Malgré ces avancées, il reste beaucoup à faire en France et dans le monde pour passer d'une conception considérant l'enfant comme un objet de droit à une conception faisant de celui-ci un sujet de droit.

Dans notre pays, la principale atteinte aux droits de l'enfant réside dans la persistance d'inégalités en matière de réussite scolaire, de santé et d'accès aux loisirs.

Trois milliards d'enfants peuplent notre planète. La majorité d'entre eux souffrent d'une vie douloureuse, d'un développement altéré par la guerre, par l'exploitation ou par une économie mondiale qui les bafoue.

Notre pays est le seul, pour l'instant, à avoir instauré une journée nationale des droits de l'enfant. Nous vous proposons d'agir auprès de l'assemblée générale des Nations unies afin que le 20 novembre devienne une journée internationale des droits de l'enfant. A l'occasion de la présidence de l'Union européenne, la France pourrait donner l'exemple en proposant l'instauration rapide d'une telle journée en Europe. Le groupe communiste souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette proposition et surtout savoir s'il entend agir pour la faire aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur le député, c'est en effet dans les conditions que vous venez de préciser qu'une journée nationale des droits de l'enfant a été créé à l'initiative d u groupe communiste.

Dès ma nomination au ministère de la famille et de l'enfance, j'ai réfléchi à l'initiative que pourrait prendre la France en ce domaine dans le cadre de la présidence de l'Union française. J'ai donc décidé d'inviter tous les ministres chargés de l'enfance pour une journée de travail, le 20 novembre prochain. Mon ambition est de jeter, au cours de cette journée, les bases d'une Europe de l'enfance et d'établir les devoirs des pays à son égard.

Et puisque je n'oublie pas que l'enfance dure jusqu'à dix-huit ans, c'est-à-dire concerne aussi les adolescents, j'ai proposé à Mme Marie-George Buffet, ministre chargée de la jeunesse, que nous animions ensemble cette journée de travail.

J 'ai organisé activement les travaux préparatoires.

Ceux-ci, qui ont cours actuellement, s'articulent autour de deux idées : d'abord, le droit de l'enfant à être éduqué par sa famille, par l'école et par une meilleure télévision ; ensuite, le droit de l'enfant à être protégé, en particulier contre toutes les formes de violence.

Autrement dit, monsieur le député, si les ministres c hargés de l'enfance, rejoignant vos préoccupations, décident de faire du 20 novembre une journée européenne des droits de l'enfant, la France ne pourra que


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soutenir cette décision. Cela nous permettra de construire pour le long terme, en profondeur et avec les moyens nécessaires, cette Europe de l'enfance, c'est-à-dire cette Europe de la dignité humaine, cette Europe des valeurs, cette Europe de la civilisation. Je n'oublie pas que cette Europe que nous construisons, nous la construisons d'abord pour nos enfants, pour qu'ils vivent mieux demain et pour que leur dignité soit mieux respectée.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (nos 2606, 2633).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion générale.

La parole est à Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, mes chers collègues, en 1997, la branche famille accusait un déficit de 14,5 milliards. Depuis 1999, elle est excédentaire. L'excédent prévisionnel pour 2000 est évalué à 6,8 milliards.

Cette évolution a nécessité certes des mesures de redressement, mais elle s'est également opérée par la recherche de plus de justice sociale dans le versement des prestations familiales, en concertation avec la Caisse nationale d'allocations familiales et le mouvement familial.

J e rappellerai quelques mesures importantes : l'extension de dix-huit à dix-neuf ans, puis à vingt ans de l'ensemble des prestations familiales, l'extension à vingt et un ans, en 2000, du complément familial et des aides au logement, l'attribution de l'allocation de rentrée scolaire sous condition de ressources à partir du premier enfant. Et nous pouvons nous féliciter des actions prévues dans le projet de loi pour 2001 en faveur de la petite enfance, de l'aide au logement et de la solidarité pour les parents ayant un enfant gravement malade.

C'est parce que les dépenses ont été maîtrisées que l'on peut aujourd'hui mettre en oeuvre les décisions de la conférence de la famille de juin dernier avec un effort financier de plus de 10 milliards de francs.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Eh oui !

M me Sylvie Andrieux-Bacquet.

Elue d'un secteur urbain en difficulté au fort taux de chômage, je mesure les besoins des familles et l'urgence d'une intervention v olontariste en faveur de celles-ci pour éviter leur déstructuration et favoriser la sociabilisation des enfants.

D ans le département des Bouches-du-Rhône, 1 800 000 habitants, il n'y a à ce jour que 4 676 familles bénéficiaires de l'aide pour l'emploi d'une assistance maternelle agréée, dont 1 301 sur Marseille-ville.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas beaucoup.

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Un grand nombre d'enfants sont gardés par des assistantes maternelles sans agrément, non déclarées. Cela pose nombre de problèmes, en particulier en matière d'accidents domestiques.

M. Bernard Accoyer.

Il est dommage d'avoir supprimé la réduction d'impôt.

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Le renforcement de cette aide et le fait de faire varier son montant en fonction des revenus seront, j'en suis sûre, une incitation à choisir la qualité et la sécurité en matière de garde d'enfants et permettront à nombre d'assistantes maternelles de sortir de la clandestinité pour bénéficier d'un véritable statut.

De même, de nombreuses associations de parents demandaient depuis plusieurs années des mesures pour accompagner leurs enfants atteints de graves maladies.

A ujourd'hui, dans le meilleur des cas, ces parents p rennent sur leurs congés le temps nécessaire. Malheureusement, ce congé est souvent suivi d'une démission professionnelle ou, pire, les parents se retrouvent dans l'impossibilité même d'apporter à leurs propres enfants, par manque de disponibilité, l'affection et la présence dont ils ont besoin lors de maladies graves à l'issue quelquefois malheureusement fatale, comme le soulignait c e matin avec talent et émotion notre collègue

M. Brottes.

Vous avez décidé, madame la ministre, et je vous en remercie au nom des familles que j'ai rencontrées, la création d'un congé de présence parentale pour enfant gravement malade, assortie d'une allocation.

M. Bernard Accoyer.

C'est une bonne idée : c'était celle de M. Muselier !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Cette mesure de solidarité volontariste et protectrice était très attendue ! De plus, elle sera immédiatement opérationnelle, avant même l'avis du contrôle médical.

Ce congé parental assure un soutien du couple à l'enfant malade car les deux parents peuvent en bénéficier. Il est protecteur pour le salarié car il lui garantit un retour à l'emploi et n'exclut personne puisqu'il est même accessible aux chômeurs.


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Parmi les autres mesures, je soulignerai le bien-fondé de la création d'un fonds d'investissement pour les crèches à partir du 1er janvier 2001. Dans ma ville, à Marseille, il n'y a que 4 000 places de crèches et partout des listes d'attente. Les besoins sont tels que l'on ne s'aventure même plus à les évaluer avec précision. Ces besoins seront d'ailleurs plus importants demain avec les mesures d'intéressement qui, en permettant le cumul temporaire de l'allocation parentale d'éducation et d'un revenu, favoriseront le retour à l'emploi pour les femmes.

Madame la ministre, au moment où l'on note en France une très nette reprise de la natalité - la France est même en la matière championne d'Europe derrière l'Irlande, avec 744 000 naissances en 1999, chiffre jamais atteint depuis 1992 - on ne peut que vous soutenir dans la mise en place des mesures qui sont proposées en faveur des familles dans ce projet de loi, d'autant que ces mesures répondent aux attentes de la population.

Je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer, comme d'autres orateurs ce matin, la crise de confiance que traversent les professionnels de santé. Il est urgent, madame la ministre, de rétablir un dialogue constructif avec eux car les conséquences de cette démotivation sont dramatiques.

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est sûr !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Ainsi, les gardes sont désertées. A Marseille, la situation est particulièrement grave.

M. Bernard Accoyer.

C'est la crise !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Le préfet m'expliquait il n'y a pas plus de quarante-huit heures que plus de 44 % des médecins n'assuraient plus de gardes.

M. Bernard Accoyer.

C'est effrayant !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

Il était dans l'obligation, en collaboration avec l'ordre des médecins, de mettre en place une structure expérimentale d'un an sur la ville pour assurer la continuité des soins.

M. Bernard Accoyer.

On en est là, en effet !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet.

D'autres problèmes de santé publique se font jour mais je sais pouvoir compter sur votre volonté de concertation pour leur trouver des solutions pérennes. Sachez, madame la ministre, que nous aurons plaisir à vous accompagner dans ces difficiles missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer la présence de Mme la ministre qui, pour la première fois, défend un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle le fait avec un sourire à la fois paisible et déterminée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Vous êtes plein de galanterie !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

C'est un séducteur !

M. Marcel Rogemont.

Et elle a raison. En effet, la sécurité sociale ne se porte pas si mal que cela, elle se porte même bien, et dans le même temps, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit un approfondissement de la solidarité. D'ailleurs, vos détracteurs, madame, ne trouvent pas de nouvelles dépenses à proposer.

M. Bernard Accoyer.

On va vous en suggérer quelquesunes.

M. Marcel Rogemont.

C'est dire que l'équilibre est trouvé.

Après ce propos liminaire, je voudrais m'intéresser à la CSG et à la politique familiale.

Madame la ministre, vous avez en charge les dépenses de la sécurité sociale mais aussi les recettes. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être équilibré et si possible avec des recettes adaptées à la sécurités ociale, c'est-à-dire non budgétaires, dynamiques et pérennes.

Parmi ces recettes, figure la CSG. La CSG fait encore partie du PLFSS cette année. Nous espérons que ce point restera acquis pour les prochaines années.

M. Bernard Accoyer.

En êtes-vous sûr ?

M. Marcel Rogemont.

Sous couvert d'universalité, on est en train d'essayer de nous refaire le coup des allocations familiales, pour lesquelles on donne la même somme aux riches et aux pauvres. Avec la CSG, on voudrait prendre la même chose aux smicards et aux personnes qui disposent de ressources plus importantes, sans tenir compte de la capacité contributive la chacun. Nous devons nous opposer à cette casuistique.

Au regard de ses revenus, c'est le smicard qui paie le plus d'impôts, c'est le smicard qui a le taux de prélèvement le plus élevé. Si nous pouvons alléger son fardeau, lui redonner du pouvoir d'achat, faisons-le. Et faisons-le sans états d'âme. La mesure proposée équivaudrait à faire bénéficier le smicard de 6 480 francs de plus en 2003.

C'est bien, d'autant que cela favorisera le retour à l'emploi. On associe souvent RMI et SMIC. On culpabilise ainsi le RMIste, condidérant qu'il pourrait toucher trop d'argent. Ainsi, lors d'une réunion que j'organisais, un commerçant m'a expliqué qu'un RMIste avait refusé sa proposition d'embauche pour dix-sept heures de travail. Il lui a alors augmenté son nombre d'heures et s'est arrangé avec un autre commerçant qui lui a proposé également un travail. Les deux emplois combinés correspondaient davantage à ses attentes. Tant mieux ! Le RMI permet de fixer un plancher quant aux conditions de travail offertes sur le marché du travail. Les gens ont raison de refuser des salaires de 2 800 francs, de 3 000 ou 4 000 francs.

La question du RMI et du SMIC ne sera résolue qu'avec l'augmentation de salaires et notamment du SMIC. Il me paraît à cet égard essentiel de rappeler le rôle que doit jouer le RMI. Il l'a d'ailleurs bien rempli lorsque la crise était profonde. Tant mieux, cela nous a évité d'avoir trop de personnes totalement démunies. Il faut donc envisager sans états d'âme d'augmenter le pouvoir d'achat des smicards. L'universalité n'est en fait que l'esthétique administrative de ceux qui ne manquent de rien. Il faut en finir avec ce principe d'universalité qui, sous couvert d'égalité, s'avère préjudiciable aux plus démunis.

Un mot sur la politique familiale. La crise économique de ces dernières années a conduit les caisses d'allocations familiales à diminuer les crédits pour les actions sociales collectives notamment dans les centres sociaux, au profit d'actions individuelles pour permettre aux familles d'entrer dans leurs droits. Dès lors que la sécurité sociale est quelque peu renflouée, nous devons renouer avec une action sociale collective. Les savoirs domestiques les plus essentiels ont du mal à se transmettre entre les générations, nous le savons. Pour faciliter leur transmission, il


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faut absolument reprendre un travail collectif, replacer les travailleurs sociaux dans les centres sociaux. Cette action collective permettra par exemple à des groupes d'adultes de réfléchir à leurs fonctions parentales. Certes, des mesures sont prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il est indispensable de remettre au goût du jour cette politique sociale collective.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

J'ai terminé, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'ensemble du dispositif de la branche famille est l'instrument essentiel de la politique familiale dans notre pays. Grâce à lui, 164 milliards de francs sont distribués directement ou indirectement aux familles. Ce simple chiffre démontre son importance mais aussi le rôle de redistribution et de solidarité des prestations familiales, élément important dans la relance de la consommation.

Toutefois, les règles d'attribution sont parfois en retrait par rapport aux fondements mêmes de la politique familiale. Les allocations, sauf certaines comme les allocations familiales, sont conditionnées aux ressources des ménages et les plafonds qui y ouvrent droit demandent à être revus à la hausse. En outre, de nombreuses associations familiales regrettent toujours le non-versement des allocations familiales dès le premier enfant. Le coût de cette mesure a souvent été mis en avant par le Gouvernement pour démontrer l'impossibilité de sa mise en oeuvre. Il représente, selon les économistes de la sécurité sociale, environ 14 milliards de francs par an. Mais le basculement de la prise en charge financière de la majoration de 10 % des pensions de retraites pour les personnes ayant élevé au moins trois enfants, représente à terme, selon les associations familiales et les syndicats, près de 20 milliards de francs par an.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

Mme Muguette Jacquaint.

Au vu de ces montants, le versement des allocations au premier enfant ne paraît pas irréalisable. Il est regrettable et préjudiciable pour les familles et la politique familiale que cette proposition d'amendement ait été écartée en commission en prenant prétexte de l'article 40 de la Constitution.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

L'autre aspect primordial pour les familles est le pouvoir d'achat des prestations familiales. L'indexation sur l'évolution des salaires moyens est une juste aspiration ; elle permettrait leur amélioration. Là encore, un amendement, bien que gagé, a été repoussé en commission. De surcroît, on ne prévoit pas, cette année, de revalorisation particulière égale aux pensions de retraite. Cette rupture entre le pouvoir d'achat des allocations et celui des pensions nous paraît injuste.

Naturellement, les allocations familiales sont les prestations les plus connues de la CNAF. Toutefois, elles ne sont pas les seules. D'autres sont versées, notamment celles qui tendent à une meilleure harmonisation de la vie familiale et de la vie professionnelle.

La majoration de l'AFEAMA prévue dans le projet est indispensable, elle rencontre naturellement notre approbation. Toutefois, elle doit être accompagnée d'autres mesures, notamment en ce qui concerne l'évolution des plafonds de ressources prévus dans le dispositif.

La création du fonds pour les crèches répond à un réel b esoin. Elle était réclamée depuis plusieurs années, notamment par mon groupe dans cet hémicycle mais aussi par d'autres ! Ce fonds apportera une aide pour la création d'un équipement ou d'un service d'accueil du jeune enfant, mais on ne peut oublier le coût de fonctionnement laissé pour l'instant à la charge de la collectivité ou de la famille, même si, à travers les contrats enfance, des efforts ont été faits par la CNAF.

Ces mesures qui prennent en compte la vie professionnelle et la vie familiale étaient attendues. Elles constituaient même l'un des aspects importants de la conférence sur la famille. Elles répondent aussi à un souci des parents et des femmes. Mais ces mesures ne seront efficaces qu'à condition qu'elles ne soient pas effacées par une organisation du travail contraire aux conditions de vie. Je pense à la flexibilité, à la précarité, au projet de rétablissement du travail de nuit des femmes dans l'industrie.

L'allocation de présence parentale versée aux parents d'enfants gravement malades, handicapés ou accidentés, est une avancée importante. Elle prend en compte des moments très difficiles de la vie qui, jusqu'à présent, étaient quasiment sans solution pour de très nombreux parents. La mise en oeuvre rapide de cette mesure est attendue par tous.

Cependant, plusieurs autres questions restent en suspens.

Par exemple, la conférence sur la famille et le débat sur la sécurité sociale avaient, l'an passé, posé la problématique du jeune adulte. En effet, toutes les études démontrent que le départ du domicile parental est de plus en plus tardif du fait du chômage, des études et de la précarité de l'emploi. Ce fait de société engendre des besoins nouveaux qui ne peuvent être ignorés.

D'un point de vue global, plusieurs dizaines de prestations et des milliers de règles de droit rendent aujourd'hui la politique familiale trop complexe pour la population. De ce fait, des droits sont méconnus, ils ne sont pas respectés, souvent au détriment des familles les plus modestes.

Madame la ministre, j'appelle votre attention sur les difficultés que rencontrent les assurés sociaux pour obtenir des informations ou un simple rendez-vous à la CAF.

La prise en charge du RMI et la faiblesse des effectifs en personnels ont aggravé les conditions de travail. Certes, les effectifs ont été revus à la hausse. Cependant, les structures d'accueil de la CAF, en particulier dans les quartiers défavorisés, où elles jouent un très grand rôle sur le plan de l'action sociale et des relations sociales, manquent encore de moyens.

M. le président.

Madame Jacquaint, pourriez-vous conclure ?

Mme Muguette Jacquaint.

Je vais conclure, monsieur le président.

D'année en année, des améliorations sont apportées, et c'est encore le cas cette année. Mais les transformations de la société et l'évolution de la famille nécessitent un débat national et, dans cette optique, une remise à plat de l'ensemble du dispositif de la politique familiale est indispensable. Je suis persuadée, madame la ministre, que


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c'est dans ce sens que votre volonté s'exprimera. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'abord à remercier les orateurs de la majorité qui, après les rapporteurs, ont soutenu le projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'apporterai ensuite quelques éléments de réponse aux différents orateurs.

Trois grandes questions semblent se dégager des interventions, de la majorité comme de l'opposition : l'évolution des dépenses, en particulier de l'assurance maladie ; la complexité des financements ; la CSG, qui a fait l'objet de nombreuses remarques.

En ce qui concerne les dépenses de santé, j'ai entendu les remarques de Claude Evin et de Jean-Paul Bacquet, qui souhaitent tous deux que soient redéfinies les relations entre l'Etat, les caisses et les professionnels de la santé. Ce souhait fait écho à celui de nombre de professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie souhaitent elles-mêmes une clarification de leur rôle. Une réflexion doit s'engager sur ce point.

Mesdames, messieurs les députés, l'an dernier, vous avez, dans le PLFSS, adopté des dispositifs qui visaient à clarifier le rôle de chacun en confiant aux caisses le soin de fixer les dépenses d'honoraires des professions de santé. Il convient de dresser un premier bilan du dispositif.

Pour ma part, j'aborde la réflexion avec deux convictions.

D'abord, on ne peut pas faire évoluer notre système de santé sans la participation ni l'adhésion des professionnels de la santé. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Hier, j'en ai appelé à leur responsabilité. Je souhaite, sachez-le, pouvoir les associer à cette démarche. J'ai d'ailleurs indiqué tout à l'heure, à l'occasion des questions au G ouvernement, que je recevrai dans les jours qui viennent tous les partenaires sociaux et, bien entendu, les représentants des professionnels de la santé.

M. Jean-Paul Bacquet.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ensuite, il ne faut pas, j'en ai la profonde conviction, céder à la facilité : la maîtrise des dépenses, à condition de savoir comment l'organiser intelligemment, est un impératif car il nous faut en permanence vérifier que les ressources de la sécurité sociale sont utilisées au mieux.

Nous le devons aux contribuables et aux usagers (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) puisque, au final, tout cela pèse sur eux.

Il y va de surcroît de la pérennité de notre système de soins et de l'amélioration de la qualité des soins.

Je vais donc engager la réflexion en ayant en tête ces deux éléments.

Je n'arrive pas à me résigner aux contradictions des discours de l'opposition. En effet, nous avons entendu un certain nombre d'intervenants qui critiquent le rebasage des objectifs, dénoncent les dépassements, défendent une approche purement comptable de l'ONDAM - sans que le mot soit jamais prononcé - et qui refusent dans le même temps de tirer de cette position de principe la moindre conséquence pratique puisqu'ils demandent la suppression de tout mécanisme de régulation de dépenses.

Je sais bien qu'il est tentant de flatter les professionnels de la santé...

M. Philippe Auberger.

Vous l'avez souvent fait dans le passé ! Vous parlez d'expérience !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... en souhaitant qu'ils aient oublié le plan Juppé. Mais cela ne marche pas car les professionnels de la santé, comme l'ensemble des citoyens et des acteurs économiques et sociaux dans ce pays, n'ont rien oublié du plan Juppé...

M. Jean-Michel Dubernard.

Ils vous le diront demain !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils sont, d'autre part, adultes et responsables.

M. Philippe Auberger.

Vous avez beaucoup manié la démagogie, à l'époque !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai senti très clairement cette contradiction dans les propos qui ont été tenus par MM. Foucher, Perrut et Mariani, à la lecture des propos qu'ils avaient tenus après mon départ de l'hémicycle.

On ne peut à la fois se réclamer du plan Juppé dans ses principes et en récuser absolument toutes les conséquences pratiques. Il faut choisir ! Toutes les conséquences doivent être, à travers les différentes dispositions du texte, tirées.

J'ai aussi entendu des critiques sur le plan de soins infirmiers et sur d'autres dispositifs qui portent sur la qualité des soins. A cet égard, j'avoue avoir été surprise par le discours de mon ami André Aschieri.

M. Marcel Rogemont.

Ils nous a surpris nous aussi !

M. Philippe Auberger.

C'est normal : il était frappé au coin du bon sens !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je connais bien M. le député Aschieri et je lui ai dit que je voulais m'entretenir directement avec lui. Je sais à quel point il peut être réfléchi, mais là, j'ai trouvé que ses affirmations n'étaient pas fondées.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas notre avis ! En ce qui nous concerne, nous les avons appréciées !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vais tenter de répondre aux inquiétudes qui ont été exprimées.

En matière de maîtrise des dépenses, trois stratégies sont possibles.

La première consiste à ne rien faire, à laisser filer les dépenses.

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que vous avez fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je le dis tout de suite, telle n'est pas mon orientation. Les conséquences de cette démarche sur notre économie et sur notre système de soins seraient en effet incalculables.

A l'opposé, il y a la maîtrise comptable des dépenses, assortie de sanctions financières collectives, qui sont inhérentes à la réforme Juppé. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Pas du tout ! C'est complètement faux ! Les lettres clés flottantes, c'est vous !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et c'est bien pourquoi la réforme Juppé a été rejetée et qu'elle a laissé un si mauvais souvenir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

M. Bernard Accoyer.

Oh ! Madame la ministre...

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

La ministre énonce des contrevérités, monsieur le président !

M. Philippe Auberger.

Qui a appliqué des sanctions financières ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous devons nous engager dans une stratégie de maîtrise intelligente des dépenses.

L'an dernier, vous avez voté une clarification des rôles entre l'Etat et la CNAM. C'est dans le cadre de ses compétences nouvelles que la CNAM a mis en oeuvre, en juillet dernier, une série de mesures de régulation de dépenses pour différentes professions de santé.

M. Bernard Accoyer.

Avec votre plein accord !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Depuis le PLFSS de l'an dernier, l'Etat n'a pas à se substituer à la CNAM...

M. Bernard Accoyer.

Alors, pourquoi Mme Aubry s'est-elle exprimée ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et j'ai rappelé que l'Etat, sur proposition des caisses d'ailleurs, avait pris des mesures positives, ...

M. Philippe Auberger.

On n'en a plus rien à faire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... concernant la nomenclature pour les kinésithérapeutes et les infirmières. Je les ai chiffrées : 400 millions de francs de dépenses pour les infirmières et 800 millions de francs pour les kinésithérapeutes. Si l'on déduit les mesures négatives, cela fait 400 millions de francs de gain net pour les 38 000 kinésithérapeutes de France.

Si l'opposition critique ce système, elle pourrait peutêtre, pour être cohérente, défendre un amendement qui tendrait à revenir à l'état antérieur du droit, c'est-à-dire à la régulation directe par l'Etat. Mais je n'ai rien entendu de tel.

M. Jean-Luc Préel.

Nous sommes pour la non-régionalisation et pour une individualisation des pratiques !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il nous faut trouver un système qui associe suffisamment les professionnels à la régulation du système car le dispositif de sanctions collectives est loin d'être parfait.

M. Bernard Accoyer.

Il est nul !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La raison en est qu'il frappe aussi bien...

M. Jean-Paul Bacquet.

Il frappe tous les médecins !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... le bon praticien que le moins bon.

M. Jean-Luc Préel.

C'est ce que le Gouvernement avait voulu l'année dernière !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est dans la voie médiane de la définition des bonnes pratiques - c'est là ce que souhaitent les infirmières et c'est ce que nous mettons en oeuvre, non pas brutalement, je veux le dire à M. Aschieri, mais après plusieurs années de concertation avec la profession - qu'a été ouvert le chantier de la réforme de la nomenclature des kinésithérapeutes.

M. Pierre Hellier.

Avec le succès que l'on sait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La maîtrise intelligente des dépenses, parce qu'elle seule peut être garante de la qualité des soins, doit être encore améliorée.

En explorant cette nouvelle voie, nous rencontrons des difficultés et nous percevons les inquiétudes qu'une telle voie peut susciter, justement parce qu'elle est nouvelle, parce que nous devons inventer et que nous sommes confrontés à de nouveaux comportements professionnels.

Je ne dis pas que nous avons trouvé la méthode idéale.

Nous ne l'avons certainement pas trouvée puisque des mécontentements s'expriment et il n'est pas question de les ignorer. Au contraire ! Cette maîtrise-là, qui est garante de la qualité des soins, ne peut progresser que dans la concertation avec les professionnels de la santé...

M. Bernard Accoyer.

Vous auriez dû la commencer plus tôt !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... car elle permet d'identifier les bonnes pratiques...

M. Jean-Luc Préel.

Ce que vous n'avez pas fait en trois ans et demi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et d'éliminer à terme les mauvaises.

Je sais que de nombreuses professions souhaitent s'engager dans cette voie. Je soutiendrai toutes les initiatives en ce sens.

En réponse à plusieurs orateurs, je reconnaîtrai que la création du PSI, le plan de soins infirmiers, a suscité des interrogations de la profession. C'est normal, et même inévitable eu égard à l'importance d'une telle réforme.

Mais il me semble que ces interrogations portent davantage sur la mise en oeuvre, sur les modalités d'application, que sur le principe, qui est de dégager des bonnes pratiques.

Il est donc indispensable de travailler avec les caisses et l'ensemble de la profession sur ces modalités d'application. Je pense notamment aux formulaires, qui doivent être simples et lisibles, et à la transmission d'informations entre les médecins et les infirmières. Tout cela doit permettre de mieux informer les professionnels et leurs patients sur l'apport de soins infirmiers du plan, dont les aspects positifs sont nombreux.

Je compte engager les discussions très rapidement. Elles devraient permettre de prévoir les souplesses nécessaires au moment de la mise en oeuvre de cette réforme importante. L'essentiel, le cap dont nous ne nous écarterons pas, est de faire en sorte qu'il n'y ait ni rupture, ni baisse de la qualité de la prise en charge des personnes dépendantes.

M. Philippe Auberger.

On peut toujours rêver !

M. Bernard Accoyer et M. Pierre Hellier.

La baisse a déja commencé !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cette réflexion devra être conduite en articulation avec la réforme de la prestation dépendance que prépare le Gouvernement,...

M. Bernard Accoyer.

Depuis le temps qu'on en parle !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... dont je souhaite accélérer la finalisation...

M. Philippe Auberger.

Tu parles !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et qui devrait coordonner et développer les dispositifs d'aide à domicile.


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Sur tous ces sujets, je voudrais remercier M. Nauche de son intervention mesurée et convaincante. Je sais son attachement à des approches innovantes et j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt, de son rapport sur l'office des professions paramédicales.

M. Bernard Accoyer.

Et l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous en trouverons l'aboutissement dans le projet de loi de modernisation du système de santé, qui sera soumis à votre assemblée et dont l'examen ne sera pas différé car il s'agit là d'une des priorités du Gouvernement.

S'agissant de l'hôpital, je réfuterai les affirmations de M. Dubernard...

M. Philippe Auberger.

C'est pourtant un sage ! Il a de l'expérience !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je le remercie au passage de m'avoir donné son livre, que je lirai avec beaucoup d'intérêt car son auteur est un praticien éminent. (Sourires.)

Après ces compliments, je répondrai à M. Dubernard...

M. Philippe Auberger.

A M. le professeur !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A M. le professeur, si vous voulez. Pourquoi pas ? Je répondrai donc à M. le professeur-député, puisqu'il est les deux (Sourires)...

Mme Odette Grzegrzulka.

Cumulard ! (Rires.)

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Il fait partie de ceux qui ont le droit de cumuler dans la fonction publique ! Ils sont bien les seuls !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que nous poursuivrons activement la modernisation de l'offre hospitalière et que nous engagerons très prochainement le chantier de la réduction du temps de travail à l'hôpital...

M. Bernard Accoyer.

Un vrai problème !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui sera pour moi l'occasion de travailler à l'amélioration de la prise en charge des patients et des conditions de travail des agents.

M. Jean-Michel Dubernard.

La qualité du patrimoine va se dégrader !

M. Bernard Accoyer.

N'oublions pas les technologies !

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous en prie.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je lirai en tout cas votre livre avec intérêt, monsieur Dubernard.

J'ai accordé beaucoup d'attention aux propos de M. Terrasse sur la prestation autonomie et à ceux de Mme Guinchard-Kunstler sur les soins à domicile.

Le Premier ministre a souligné au printemps de cette année l'importance qu'il attachait à ce projet, que les gouvernements n'ont pas su mener à bien, je le rappelle en passant. Ce sera pour moi une toute première priorité dans mes nouvelles fonctions. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je compte rencontrer très rapidement celles et ceux qui se sont consacrés à ce projet.

Sur les retraites, j'ai entendu beaucoup de critiques de l'opposition, émanant en particulier de M. Morange, de M. Mariani et de M. Auberger.

M. Bernard Accoyer.

Ils ont raison !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout le monde se souvient ici des méthodes des gouvernements que l'actuelle opposition a soutenus en matière de réforme des retraites.

Mme Odette Grzegrzulka.

On a vu les résultats !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je pense qu'elle n'est pas vraiment mieux placée que nous pour tenir des « discours de la méthode » ! La démarche de notre gouvernement tient en trois points.

D'abord, il convient, c'est essentiel, de réactiver la croissance. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, que vous connaissez tous. Il demeure que c'est bien grâce à la croissance que la question des retraites se pose dans des termes un peu différents.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Bien sûr !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Son ampleur est appréciée d'une façon différente il y a quatre ans parce que toutes les prévisions convergent aujourd'hui vers une augmentation très sensible de la population active d'ici à 2010.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas l'avis du Conseil d'orientation des retraites !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas à nous pencher sur le problème, et nous nous y penchons. Mais la croissance est là, et c'est le résultat des politiques menées par ce gouvernement en même temps, bien sûr, que de l'amélioration de la conjoncture internationale.

Il nous faut, là encore, nous concerter avec l'ensemble des partenaires. Il n'y a pas, et moins en ce domaine que dans un autre, place à l'improvisation.

M. François Goulard.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Conseil d'orientation des retraites a commencé ses travaux...

M. Bernard Accoyer.

Il nous donnera des informations là-dessus !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... comme le Gouvernement l'avait annoncé.

M. Mariani a dit qu'il fallait « mettre de l'argent de côté ».

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Mariani a raison. Mais je souligne que le Gouvernement n'est pas favorable aux fonds de pension...

Mme Odette Grzegrzulka.

Eh non !

M. Arthur Dehaine.

Mis à part la PREFON !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et que nous voulons conforter les régimes par répartition, gages du contrat entre les générations.

M. François Goulard.

Supprimez donc la PREFON !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans cet esprit, mettre de l'argent de côté, cela signifie justement créer un fonds de réserve des retraites qui sera doté dès l'an prochain, si vous voter le PLFSS, de 50 milliards de francs, et qui atteindra les 1 000 milliards d'ici à 2020.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

L'opposition avait accueilli cette initiative avec beaucoup de réserve, et même quelquefois un certain mépris.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Avec dérision aussi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Aujourd'hui. on voit que c'est un instrument efficace et crédible.

On a eu raison de rappeler qu'il ne faudra utiliser ses ressources qu'après 2020, c'est-à-dire dans la période où le creux démographique devrait se manifester dans toute son ampleur.

Je me tourne vers les amis de Maxime Gremetz, parmi lesquels je salue Georges Hage...

M. Bernard Accoyer.

Qui veut voter contre le projet de loi de financement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... mais aussi Muguette Jacquaint, qui vient d'intervenir, pour dire, d'abord, que le Gouvernement partage ses préoccupations.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Nous l'écoutons.

M. Bernard Accoyer.

Cela ne coûte pas bien cher !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous l'écoutons, c'est vrai, mais nous partageons aussi ses p réoccupations en matière de pouvoir d'achat des retraites.

Mme Muguette Jacquaint.

Il n'y a pas que ça.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est vrai que, entre 1993 et 1997, du fait des hausses successives de la CSG et de la création de la CRDS, le pouvoir d'achat des retraites a stagné et même régressé.

M. Bernard Accoyer.

Parce que depuis 1997, il a augmenté ?...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Depuis l'été 1997, la progression du pouvoir d'achat des retraites de base dépasse 1,3 %.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Grâce aux votes de Maxime Gremetz !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je remercie M. Gremetz d'avoir bien mis en évidence le contraste entre les deux périodes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Bien dit !

M. Arthur Dehaine.

Il est bien ce Gremetz. Sacré Maxime !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et nous ferons encore profiter les retraités des fruits de la croissance retrouvée : je rappelle que le projet de loi de financement qui vous est soumis propose un coup de pouce de 1 % pour 2001,...

M. Philippe Auberger.

C'est n'importe quoi ! La hausse des prix atteindra 2,2 % !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... auquel s'ajoutera la suppression de la CRDS frappant les petites retraites, non imposables.

M. Philippe Auberger.

Suppression non compensée !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous savez bien que ce n'est pas nécessaire, monsieur Auberger.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A propos du pouvoir d'achat des salaires, je rappellerai quelques chiffres. Depuis 1997, le chômage a fortement reculé, mais c'est surtout la première fois, depuis la fin des Trente Glorieuses, que nous connaissons une telle période, marquée à la fois par un rythme rapide de création d'emplois - 1,3 million depuis juin 1997 - et par une progression du pouvoir d'achat des ménages.

M. Arthur Dehaine.

C'est ce qui s'appelle avoir du pot ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le pouvoir d'achat par tête, je veux le rappeler, a progressé de 1,1 % en 1998 et de 1,1 % en 1999 ; il devrait croître de 0,7 % en 2000 - donc légèrement moins, c'est vrai - mais de 1,7 % en 2001, soit la plus forte hausse depuis quatre ans.

M. François Goulard.

Ce ne sont que des prévisions !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le pouvoir d'achat de la masse salariale, bien sûr, en raison de la diminution du chômage, évolue encore plus vite. Je redonne les chiffres : 2,5 % d'augmentation en 1998, 2,7 % en 1999, 3,7 % en 2000 et 2,5 % en 2001, d'après les prévisions.

Par conséquent, on ne peut affirmer que le pouvoir d'achat a régressé, ni même stagné, me semble-t-il, ou alors, il faudra que je confronte mes fiches avec celles de M. Gremetz... Mais si l'on dit que l'augmentation n'est pas suffisante, c'est autre chose, bien sûr, je peux le comprendre.

M. François Goulard.

La seule solution, c'est de vendre du muguet ! (Rires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Beaucoup d'orateurs de l'opposition, en particulier M. Perrut et M. Delnatte, ont appelé de leurs voeux une politique familiale ambitieuse.

M. Patrick Delnatte.

Absolument.

M. Bernard Accoyer.

Ils ont raison !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils l'ont sur un plateau !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis tout à fait d'accord avec eux ; j'ai bien l'intention en effet de mener à bien cette politique. Mais, là encore, nous avons une méthode un peu différente : nous avons le souci de nous méfier des grands effets d'annonce ; notre priorité est de répondre aux préoccupations concrètes des familles.

M. Bernard Accoyer.

Sur la retraite, vous avez fait tout le contraire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Perrut, monsieur Delnatte, du temps où vous souteniez les gouvernements successifs, entre 1993 et 1997, que s'est-il passé ? On nous a parlé de grande loi ambitieuse, mais sans prévoir de financement. On a mis sous condition de ressources, de façon rétroactive, l'allocation pour jeune enfant. Les indemnités journalières de maternité ont été fiscalisées, de façon rétroactive, beaucoup de femmes s'en souviennent.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'était une mesure contre les mères !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument ! La base mensuelle des allocations familiales a été gelée entre 1995 et 1996. Enfin, l'allocation de rentrée scolaire a été réduite.

M. Jean-Luc Préel.

Auparavant, nous l'avions fait tripler !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Voilà ce que vous avez fait, messieurs de l'opposition, lorsque vous étiez aux responsabilités.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous avez tout défait, vous avez été défaits !

M. Jean-Luc Préel.

Et la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, c'est nous, peut-être ?

M. le président.

Monsieur Préel, vous n'avez pas la parole !

M. Jean-Luc Préel.

Je la prends quand j'en ai envie ! (Rires.)

M. le président.

Certainement pas, monsieur Préel ! Poursuivez, madame la ministre.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vite ! Un calmant pour M. Préel ! Y a-t-il un médecin dans l'hémicycle ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez trop d'énergie rentrée, monsieur Préel. Nous nous expliquerons à la buvette, tout à l'heure. (Rires et exclamations sur divers bancs.)

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est du favoritisme !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Fayot, Préel !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je remercie les nombreux intervenants de la majorité, notamment Hélène Mignon et Sylvie Andrieux-Bacquet, qui s'est exprimée sur la nécessité d'apporter des aides concrètes aux familles, en particulier pour la garde des enfants - ces aides manquent cruellement dans beaucoup de nos villes et de nos campagnes.

J'en viens au dernier point de mon intervention, qui porte sur l'indéniable complexité des règles de financement,...

M. Jean-Paul Bacquet.

Ah oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... soulignée notamment par M. Barrot et M. Auberger.

Je suis d'accord avec Jacques Barrot pour dire que les différents acteurs ne peuvent assumer leurs responsabilités dans la gestion de notre système social sans une clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

M. Jean-Paul Bacquet.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié l'intervention de Jacques Barrot, caractérisée par une certaine hauteur de vue.

M. Jean-Paul Bacquet.

Il nous en a donné l'habitude.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais je voudrais lui répondre que nous devons aussi assumer la complexité du financement de la sécurité sociale, dès lors qu'elle traduit une politique plus juste.

M. Bernard Accoyer.

Allons donc !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous savons bien qu'initialement, les choses étaient simples : la sécurité sociale était financée exclusivement ou quasi exclusivement par des cotisations sociales, elle s'adressait au monde du travail, car le taux de chômage était faible.

M. Alfred Recours, rapporteur.

A l'époque, elle ne couvrait pas tout le monde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si le financement est devenu plus complexe, c'est que la réalité sociale elle-même est devenue plus complexe. D'abord, le chômage s'est étendu, puis l'exclusion, au point qu'il a fallu faire appel à des mécanismes de financement jouant davantage sur la solidarité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la CSG a été créée, il y a dix ans.

Bien entendu, depuis 1993, et plus encore, je veux le souligner, depuis 1997, les gouvernements successifs ont cherché à alléger le poids des prélèvements sur le travail pour lutter contre le chômage...

M. Bernard Accoyer.

C'était plutôt dans les années 80 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et à diversifier les recettes de la sécurité sociale.

Je crois que le FOREC répond aussi à cette réalité. Il a justement été créé pour que toutes les exonérations de charges sociales et toutes les recettes fiscales nouvelles soient présentées de façon synthétique. L'énumération peut faire sourire ceux qui trouvent une dimension ludique à nos finances publiques, mais elle évite de se référer à tous les bleus et les jaunes budgétaires. Avant la création du FOREC, pour connaître l'ampleur des exonérations de charges sociales accordées aux bas salaires,...

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'était impossible !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... on devait se soumettre à la lecture fastidieuse de plusieurs lignes budgétaires. Maintenant,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est clair !

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est transparent !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... avec ce document synthétique, on a un vrai instrument de transparence.

Et je dirai aussi à M. Barrot que le financement des allégements me semble précisément plus clair dans la mesure où il est assuré par des recettes stables et pérennes de la sécurité sociale...

M. Bernard Accoyer.

Vous l'avez dit, on pique les recettes de la sécurité sociale !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... plutôt que par des crédits budgétaires, révisables chaque année.

J'en viens aux critiques qui ont été formulées à l'encontre de la ristourne dégressive de CSG et de CRDS. Ces mesures, qui vous sont proposées, doivent bénéficier aux bas salaires. Evidemment, le Gouvernement n'ignore pas que cela peut soulever quelques difficultés, voire remettre en cause certains états de fait. Mais, là encore, le choix qui a été fait repose sur une orientation simple : aller vers plus de justice, inciter à l'activité.

En conclusion, avec ce PLFSS, nous allégeons la charge fiscale et sociale que supportent les ménages modestes et nous rendons le retour à l'emploi financièrement plus intéressant. J'ai entendu les interventions, j'ai lu les articles, j'ai pris connaissance des remarques de M. Auberger. Néanmoins, au total, les avantages de cette mesure me paraissent l'emporter sur tel ou tel inconvénient ponctuel. D'autant, et vous le savez, que cette mesure prend place dans un ensemble, avec l'intéressement RMI, la réforme des exonérations de taxe d'habitation ou la réforme des aides au logement. Toutes ces dispositions n'ont qu'un seul but : l'emploi, encore l'emploi et toujours l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et


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aux handicapés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la discussion générale a principalement porté sur les équilibres financiers de la sécurité sociale, sur l'équilibre retrouvé, et même sur l'excédent envisagé pour cette année. C'est la loi de l'exercice, puisqu'il s'agit du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cela n'a pas empêché plusieurs d'entre vous de s'interroger sur la politique de santé menée par le Gouvernement. Je prendrai donc un peu de temps pour apporter des précisions sur la politique de santé publique, qui n'est pas une simple déclinaison des comptes de la sécurité sociale : elle traduit une volonté politique très forte du Gouvernement, portée par la ministre de l'emploi et de la solidarité et le secrétariat d'Etat à la santé, que je repré sente.

D'abord, j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, la prévention est et doit être au coeur du système de santé. Je ne voudrais pas lasser, mais je rappellerai, à l'attention de M. Préel, qui ne l'admet toujours pas, qu'un certain nombre de programmes seront lancés ou renforcés.

M. Jean-Luc Préel.

Merci de votre attention, madame la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il s'agit d'abord du programme national de lutte contre l'hépatite C, mis sur pied il y a plusieurs années déjà, que nous renforcerons, l'année prochaine, par des actions en direction des personnes les plus exposées, à savoir les usagers de drogues, les personnes détenues et les professionnels réalisant des tatouages ou des percings. Ces « décorateurs corporels » ont suscité un débat un peu difficile avec M. Accoyer, car celui-ci avait justement alerté l'Assemblée nationale...

M. Bernard Accoyer.

Non ! Le Gouvernement !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... sur les risques infectieux liés à cette pratique, qui se répand d'une manière un peu inquiétante.

Nous poursuivons également la lutte contre le sida par le renforcement des actions en direction des publics les plus vulnérables, identifiés grâce aux études menées régu lièrement auprès des catégories concernées, les femmes, les personnes migrantes et les jeunes - on note en effet, parmi ces derniers, une recrudescence inquiétante des comportements à risques, qui se traduit par de nouvelles contaminations, année après année.

En outre, sont prises en charge les pratiques addictives et les conduites à risques - qu'il s'agisse du tabagisme, de la dépendance à l'alcool ou aux drogues illicites.

M. Bernard Accoyer.

Il ne faut pas tout confondre !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

En effet, monsieur le député, j'y viens.

En la matière, les programmes de prévention ont été réorganisés et renforcés cette année. Nous souhaitons donner plus de cohérence à l'ensemble du dispositif en proposant une prise en charge, par l'assurance maladie, des consultations de prévention individuelle de l'alcoolisme réalisées dans les structures d'hébergement.

Je n'oublierai pas non plus le plan de lutte contre le suicide, notamment contre le suicide des jeunes, fléau contre lequel nous devons agir de manière cohérente. Présenté en septembre dernier, ce plan s'appuie sur un travail de concertation entre nos services, les associations de familles directement affectées par le suicide d'un proche, et les professionnels qui se mobilisent au-delà de leurs strictes obligations pour développer la formation et mutualiser les expériences.

En ce qui concerne les maladies cancéreuses, le Gouvernement, avant même la publication du rapport d'une chambre régionale des comptes stigmatisant les insuffisances du dispositif de lutte existant, a choisi de répondre aux défis représentés par ce qui est la première cause de mortalité prématurée, grâce à un plan pluriannuel ambitieux. Celui-ci, qui s'étendra sur les années 2000 à 2005, organisera la lutte contre la maladie, la prévention, le dépistage et l'accompagnement des personnes malades et de leur famille, mais aussi la formation et l'accompagnement des professionnels confrontés à cette terrible maladie.

De nombreuses mesures ont d'ores et déjà été mises en oeuvre pour concourir à cet objectif. Je ne citerai que l'augmentation du nombre d'IRM,...

M. Pierre Hellier.

Il était temps !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... l'accès à de nouvelles technologies comme les tomographies à émission de positons, l'augmentation du nombre d'appareils de radiothérapie, la mise en place d'un programme pluriannuel de soutien aux innovations technologiques et de recherche, l'amélioration des prises en charge à domicile par le développement des services d'hospitalisation à domicile et le maintien de l'effort accompli en matière de soins palliatifs et de lutte contre la douleur.

M. Bernard Accoyer.

Où trouve-t-on les moyens pour tout cela ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Dans l'ONDAM !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Toutes ces actions sont prévues dans l'ONDAM. Mais j'ai souhaité sortir de la discussion strictement financière pour donner de la lisibilité à la politique de santé publique menée par le Gouvernement.

Les médicaments anticancéreux ont fait l'objet de plusieurs interpellations. Il est vrai que la croissance du coût des nouveaux médicaments se poursuit et que la situation des établissements qui consacrent une part importante de leur activité à la prise en charge des malades cancéreux est d ifficile. Ils en témoignent régulièrement, plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, notamment Mme Fraysse et

M. Préel.

Le plan cancer tient compte de cette difficulté, je viens de le dire, et, dès la campagne budgétaire 2001, il sera possible de prendre en compte, dans l'appréciation de l'activité des établissements, mesurée par le PMSI, la part des points ISA liés à la consommation de ces spécialités pharmaceutiques onéreuses dont doivent bénéficier les malades.

Le rapporteur, M. Evin, et le président de la commission, M. Le Garrec, ont préconisé un renforcement de la logique d'organisation du système de santé en réseau.

J'adhère pleinement à ce souhait, vous le savez bien quand j'étais encore des vôtres, j'avais d'ailleurs participé au groupe de travail qui réfléchit à cette question.

Les réseaux prennent maintenant en charge aussi bien des pathologies spécifiques - VIH, hépatite C, etc. - que des populations particulières, dans le cadre du réseau gérontologique ou du réseau précarité, par exemple.

Le Gouvernement est déterminé à légitimer le travail remarquable réalisé par ces réseaux. C'est pourquoi, en novembre dernier, avec Martine Aubry, nous avons signé une circulaire qui rappelle les règles de fonctionnement des réseaux, la place centrale du patient en leur sein, leur rôle clé dans la prévention et leurs modalités de finance-


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ment. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'entends bien que vous poussez des exclamations,...

M. Pierre Hellier.

Il y a de quoi !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... sans doute au motif qu'une circulaire ne serait pas concrète. Mais pour que les pratiques évoluent, pour que les modalités de fonctionnement soient stabilisées, il faut une réglementation pour sécuriser les nouvelles pratiques professionnelles et les nouveaux modes de fonctionnement. Il est donc important que les textes réglementaires soient au rendez-vous pour permettre aux professionnels de s'engager sur la ligne que nous leur proposons. Il est vraisemblablement nécessaire, aujourd'hui, d'aller au-delà, en leur donnant une assise législative. C'est bien la volonté du Gouvernement, et l'amendement proposé par Claude Evin nous permettra d'en débattre au cours de nos discussions.

S'agissant de la prise en charge de la dyslexie, j'indique à Mme Mignon que je prépare un programme d'éducation pour la santé en liaison avec l'éducation nationale et que notre objectif est bien de dépister le plus tôt possible les signes précurseurs des troubles d'apprentissage scolaire.

Cela va passer par de nombreuses actions de prévention et de sensibilisation qu'il conviendra de mettre en oeuvre à la fois en direction du grand public, des familles, mais aussi du corps enseignant et du corps médical. Le Gouvernement a la volonté d'organiser de façon harmonieuse et sur tout le territoire des centres de référence, de dépistage et de diagnostic qui pourront, eux aussi, agir en réseau avec les professionnels concernés. L'objectif est d'aider au mieux ces enfants qui souffrent et leurs familles, souvent très déroutées et impuissantes.

A propos de la démographie médicale et des postes vacants de praticiens hospitaliers, je tiens à redire à

M. Préel que le Gouvernement ne reste pas inactif.

Depuis 1998, plusieurs actions ont été engagées : augmentation maîtrisée du numerus clausus à 4 100 - soit 250 places supplémentaires pour 2001 -, individualisation de nouvelles filières d'internat dans les spécialités sensibles - anesthésie-réanimation,...

M. Pierre Hellier.

Et la gynécologie médicale ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

.. gynécologie-obstétrique, gynécologie médicale et pédiatrie - mise en place, enfin, de dispositifs incitatifs pour le recrutement des praticiens hospitaliers - prime multi-établissements, indemnité de service public exclusif, mécanisme de fléchage vers les postes vacants à exercice difficile. Nous pourront évaluer l'efficacité de toutes ces mesures dans les mois qui viennent.

Par ailleurs, nous avons fait le point sur le dernier tour de recrutement 2000 qui vient de s'achever. A l'issue de celui-ci, le nombre de postes qui restent non pourvus est de 956 sur l'ensemble des établissements publics, soit 4 % des postes de praticiens hospitaliers. La situation s'améliore donc nettement puisque, en 1998, on comptait 1 584 postes vacants, soit 7 % de l'ensemble des postes de praticiens hospitaliers.

Enfin, une partie de ces postes aujourd'hui vacants sont occupés par des candidats en attente d'être nommés au concours. Là encore, la situation est en pleine évolution.

Parallèlement, le nombre de candidats inscrits au concours de praticien hospitalier a augmenté de 30 % en 1999 toutes disciplines confondues, sauf en psyschiatrie, spécialité qui reste inattractive ; et cette tendance s'est poursuivie en 2000 avec une augmentation de même ampleur.

M. François Goulard.

Y compris pour les PAC ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Y compris pour les PAC : nous avons fait beaucoup pour stabiliser la situation des praticiens adjoints contractuels.

M. Pierre Hellier.

Il faut le dire !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Nous le disons et nous sommes contents d'avoir réussi à rendre la situation de ces professionnels plus digne et plus stable.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est mieux que ce qu'avait fait la droite !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je voudrais maintenant revenir sur une question abordée par M. Aschieri. Je pensais que les questions concernant la gynécologie médicale,...

M. Pierre Hellier.

Elle n'est pas réglée !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... la liberté d'accès des femmes au gynécologue de leur choix, la démographie médicale en gynécologie obstétrique et gynécologie médicale, la formation de la gynécologie médicale dans le corpus de formation de la gynécologie, la place des internes dans les établissements hospitaliers et la nomination des coordonateurs interrégionaux pour la spécialité obstétrique comme pour las pécialité médicale ne se posaient plus dans cette enceinte.

J'imaginais que tout le monde avait suivi les importants travaux qui ont été menés au ministère de la santé par un groupe de travail représentant l'ensemble des professionnels en collaboration avec l'association de défense de la santé des femmes et qui ont permis de sortir à la rentrée un décret fixant le nombre de postes d'internes ouverts dans cette nouvelle organisation. Je le rappelle : 200 pour l'année 2002, avec un tiers en gynécologie médicale un tiers en gynécologie-obstétrique et un tiers en gynécologie chirurgicale. Je pensais vraiment que vous aviez intégré cette information...

M. François Goulard.

Notamment au sein de la majorité plurielle !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... et que le problème était derrière nous. Eh bien ! je me rends compte que tel n'est pas le cas ! Je fais donc passer à M. Aschieri l'argumentaire qui lui permettra de répondre aux personnes qui le sollicitent.

M. François Goulard.

C'est la réalité qui importe !

M. Pierre Hellier.

Et le problème n'est pas réglé, il faut deux diplômes !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Les textes montrent que nous avons trouvé des solutions pour répondre à un problème qui était réel.

M. Pierre Hellier.

Ce sont de mauvaises solutions !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non, monsieur, et l'avenir le prouvera ! Vous voyez donc que des mesures claires prises depuis maintenant trois ans sont en train de porter leurs fruits.

Il faut néanmoins continuer à prévoir les évolutions futures de la démographie médicale. Un groupe de travail interministériel se met en place afin de déterminer les


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orientations souhaitables concernant tant les flux de spécialistes nécessaires que les régulations à envisager pour corriger les inégalités très importantes entre les différentes spécialités et les zones géographiques.

En réponse à Mme Fraysse, je souhaite rappeler que l'âge de prise en charge quasi totale des prothèses auditives est porté dorénavant de seize à vingt ans. Les personnes sourdes et aveugles bénéficieront, quel que soit leur âge, d'une prise en charge identique à celle des enfants sourds. Enfin, les conditions de remboursement des embouts pour les enfants sont modifiées, avec une base de remboursement inscrite au TIPS multipliée par dix. Ces mesures entreront en vigueur à la fin de ce mois et représentent un effort supplémentaire de 20 millions de francs.

Concernant la prise en charge de l'autisme, je préciserai à M. Perrut que, grâce à une enveloppe de 50 millions de francs inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale, nous avons créé, en 2000, 167 places adaptées en établissements médico-sociaux et 12 places spécialisées en SESSAD. Ces places s'ajoutent aux 1 748 places nouvelles adaptées aux besoins des personnes autistes et financées dans le cadre du plan pluriannuel 1998-2003 pour adultes lourdement handicapés.

M. Bernard Accoyer.

C'est sur le budget de l'Etat, madame la secrétaire d'Etat, ce n'est pas dans le PLFSS !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je n'ai pas dit le contraire !

M. le président.

Poursuivez votre intervention, madame !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Dans le cadre du plan triennal 2001-2003 en faveur des enfants adolescents et adultes handicapés présenté par le Premier ministre, le 25 janvier dernier, 2,5 milliards de francs supplémentaires - sur le budget de l'Etat - seront destinés à permettre aux personnes handicapées de choisir si elles préfèrent vivre en milieu ordinaire ou en établissement spécialisé. Un certain nombre d'enveloppes seront également affectées à la poursuite de l'amélioration de la prise en charge médico-sociale des personnes autistes et des personnes lourdement handicapées comme les traumatisés crâniens.

Concernant les centres d'action médico-sociale précoce, évoqués par plusieurs d'entre vous, l'expérience confirme effectivement la pertinence de ce maillon essentiel du dispositif de travail en réseau entre les établissements de santé et les structures accueillant les enfants handicapés.

Je rappellerai à M. Perrut qu'aucune mesure spécifique n'avait été prise avant 1998. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a consacré 20 millions de francs au développement de ces structures en 1998, en 1999 et en 2000. Nous allons poursuivre et intensifier le développement de ce type de structures. Le plan triennal que je viens d'évoquer prévoit de consacrer, sur les crédits de l'ONDAM, 60 millions de francs sur trois ans à leur développement. La priorité est donnée au quatre départements qui en sont encore dépourvus, avant de renforcer la présence des CAMPS dans les autres départements.

Enfin, vous êtes nombreux, après vos rapporteurs, à avoir souhaité que la loi relative à la modernisation du système de santé arrive rapidement en discussion au niveau de votre assemblée. Vous savez que nous partageons cette volonté dans la mesure où de nombreuses réponses concernant la prévention, la formation médicale continue, la régionalisation accrue, la formation, la réparation des risques sanitaires, l'accompagnement des victimes d'accidents médicaux, l'accès au dossier médical, les droits des malades ou encore la représentation des usagers au sein du système de santé, y trouveront une assise législative nouvelle ou rénovée. L'élaboration d'un tel projet de loi a supposé, vous l'imaginez bien, un travail considérable en concertation avec tous les acteurs.

M. Bernard Accoyer.

C'est ce qui explique que ce soit aussi long !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il est aujourd'hui en voie d'achèvement. Ainsi que l'a indiqué le Premier ministre à plusieurs reprises, notre objectif est de soumettre ce texte au Parlement après les élections municipales, le calendrier parlementaire ne permettant pas d'envisager un examen avant. Nous sommes en tout cas toujours mobilisés sur ce sujet dont vous aurez bientôt à débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette cinquième loi de financement de la sécurité sociale devrait proposer une série de dispositions au Parlement à partir des besoins sanitaires et sociaux. Et ceux-ci devraient être fondés sur un certain nombre de priorités émanant de choix politiques et affectant au mieux des moyens à ces objectifs.

Hélas ! tel n'est pas le cas, bien au contraire. Ce cinquième exercice législatif pour le financement de la sécurité sociale s'apparente à une mascarade où, une fois de plus, le Parlement est abusé, et pour plusieurs raisons.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

En dépit d'apparences savamment orchestrées, M. Jospin aura été le Premier ministre des occasions sociales manquées ou masquées et son gouvernement en portera la très lourde responsabilité. Quelle responsabilité, en effet, d'avoir enclenché une mécanique de dislocation du coeur de la protection sociale que constituait depuis cinquante ans la sécurité sociale ! Certes, les habiles présentations, les dispositifs apparemment généreux ont, jusqu'à présent, pu donner le change. Mais si l'on y regarde de plus près, quel domaine de la sécurité sociale aura été renforcé, consolidé, pé rennisé ou aura vu son efficacité s'accroître durablement depuis trois ans ? Est-ce le financement de la sécurité sociale ? Est-ce la branche famille ? Est-ce la branche maladie ? Est-ce la branche vieillesse ? Ce n'est certes pas le financement de la sécurité sociale. Celle-ci est en effet mise à mal dans son universalité par le présent projet de loi de financement alors qu'elle avait été si longue et si difficile à mettre en place.

En vérité, seule la croissance mondiale qui a gagné la France depuis trois ans a permis au Gouvernement de tenter de faire croire aux Français que les comptes de las écurité sociale seraient durablement consolidés, au moment même où celle-ci engageait cent cinquante milliards de francs de dépenses supplémentaires également sur trois ans.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

De surcroît, les déficits persistants de la branche maladie, au lieu d'être couverts par une loi de financement rectificative, le sont par le biais de siphonnage des excédents de la branche famille à hauteur de quelque huit milliards de francs, puisque les prestations aux familles ont été parallèlement réduites, précisément pour dégag er cet excédent. Ce qui, soit dit en passant, dément l'affirmation fallacieuse de la gauche prétendant que la grande loi sur la famille de 1994 n'aurait pas été financée.

Que dire de l'utilisation du maigre excédent de la branche vieillesse, détourné également, pour combler le déficit de l'assurance maladie surtout au regard de l'avenir inéluctablement sombre de cette branche ? Quand, dans quelques années, il faudra bien identifier les responsabilités face à la crise programmée de notre système de retraite, de tels errements seront alors pesants à supporter pour les Français, madame la secrétaire d'Etat.

L'amélioration de la situation financière de la sécurité sociale résulte exclusivement de l'augmentation des prélèvements. Le solde financier du régime général devrait s'établir à 3 milliards de francs en 2000, soit moins 6,1 milliards pour la branche maladie, plus 2 milliards pour la branche accidents du travail, plus 600 millions pour la branche vieillesse et 6,8 milliards pour la branche famille. Il convient de rappeler que cet excédent doit être rapporté aux 1 350 milliards de francs de dépenses dont ils ne représentent donc que 0,2 %. Cet excédent doit être également rapporté à l'ampleur de l'augmentation des prélèvements qu'il a seul rendue possible. Les recettes ont en effet progressé de 57 milliards de francs de 1998 à 1999, de 58 milliards de francs de 1999 à 2000, soit un total de prélèvements supplémentaires de 115 milliards de francs sur deux ans et même de 171 milliards sur trois ans, puisque la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit pour 2001, et avant les mesures du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, une nouvelle augmentation des recettes, c'est-à-dire des prélèvements, de 56 milliards de francs.

S'agissant toujours du financement de la sécurité sociale, n'est-il pas troublant que le financement des 35 heures ait occupé l'année dernière, à la même époque, l'essentiel de nos débats lors de l'examen du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Il fallait alors trouver quelque 40 milliards de francs. Pour 2001, il faudra en trouver plus du double sans que cela soit évoqué pratiquement dans le texte que nous examinons puisque vous préférez l'opacité en jouant sur les deux tableaux que sont la loi de financement, d'une part, et la loi de financement de la sécurité sociale, d'autre part.

En réalité, dans la mesure où les 35 heures réduisent le pouvoir d'achat des salariés et les capacités de financement de la sécurité sociale, tout en écrasant les Français de 100 milliards de francs de prélèvements supplémentaires, ou autres détournements de fonds à destination sociale, le Gouvernement a déployé tout son savoirfaire en ce domaine, et je reconnais volontiers qu'il est grand, pour dissimuler cette opération douloureuse, ce véritable détournement de fonds sociaux.

Comme le dit pudiquement le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, dont la nomination discrétionnaire a pourtant été effectuée par votre prédécesseur : « cette modification profonde des circuits de financement de la sécurité sociale rend parfois la lecture des évolutions, et notamment l'interprétation des soldes par branches, difficile ».

Prenons quelques exemples pour illustrer la difficulté d'exercer un contrôle démocratique sur la sécurité sociale après ces manipulations.

La CSG, tout d'abord. L'an dernier, c'est la ventilation de la CSG maladie entre les différents régimes qui a été réformée. Cette année le projet de loi de financement de la sécurité sociale modifie la répartition de cette contribution entre le fonds solidarité vieillesse et l'assurance maladie.

De plus, la baisse de CSG décidée par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui ne concerne que les bas salaires, et ce au risque de créer une nouvelle trappe de pauvreté au voisinage du SMIC, va faire perdre des ressources CSG au fonds solidarité vieillesse, à la caisse nationale d'allocation familiales et à l'assurance maladie. Ces pertes devraient être compensées par affectation d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance. Belle lisibilité ! Autre exemple : les droits de consommation sur les tabacs actuellement affectés à l'assurance maladie et à l'Etat. Ils iront désormais alimenter le fonds destiné à financer les 35 heures.

Quant à l'ensemble des droits sur les alcools affectés au fonds de solidarité vieillesse, ils iront également alimenter le fonds pour les 35 heures.

Reste le suivi de l'opération la plus délicate : l'affectation du prélèvement de 2 % sur les revenus de l'épargne. Initialement destiné à la famille et à la vieillesse, ce prélèvement a été en partie dérouté vers l'assu rance maladie pour financer la CMU en 1999, puis dérouté une nouvelle fois pour alimenter le fonds de réserve des retraites en 2000. Ce prélèvement était ainsi réparti entre la famille, le fonds de réserve des retraites, l'assurance maladie et l'assurance vieillesse.

Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, les tuyaux sont une nouvelle fois réorientés et l'assurance maladie ainsi que la famille y perdent leur part.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Vous êtes jaloux de ce que, nous, nous avons fait !

M. Bernard Accoyer.

Ainsi que l'a souligné Mme Aubry en s'exprimant sur d'autres sujets : « En deux ans, que de chemin parcouru ! » Elle voulait sans doute brouiller les pistes et tenter de masquer le fait que, depuis deux ans, chaque nouvelle réforme est financée avec les ressources destinées au financement de la précédente.

En vérité, l'Etat reporte sur la sécurité sociale, notamment sur la branche famille qui est victime d'un véritable hod-up, le financement de ses dettes ou de ses réformes.

Le financement des 35 heures demeure achromatique et met désormais à contribution le fonds de solidarité vieillesse via l'assurance maladie dont le financement est aussi modifié.

Pour financer les 35 heures, l'exerice consiste, en effet, pour le Gouvernement, à creuser de nouveaux trous pour combler les anciens. Ainsi le fonds des 35 heures, c'est-àdire le FOREC, aura besoin cette année de 85 à 90 milliards de francs pour financer ce surcroît de dépenses. A cet égard, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale déploie des trésors d'imagination.

Sont ainsi affectés au FOREC de nouveaux impôts qui, pas plus que la taxe sur les activités polluantes ou la contribution sociale des sociétés, n'ont grand chose à voir avec la réduction du temps de travail. Jugeons en plutôt : 4 milliards de francs de taxes sur les véhicules de société, 4 milliards de taxes sur les conventions d'assurance,


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5,6 milliards de droits sur les alcools, somme portée à 11,4 milliards à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel en janvier 2000 de la mesure prévoyant la taxation des heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures, 3 milliards de francs de droits sur les tabacs pris à l'assurance maladie qui se récupérera sur le FSV en lui prenant à son tour 7 milliards de CSG.

Ainsi, le fonds de solidarité vieillesse devient un contributeur de la réforme des 35 heures. Un tel constat confirme l'hypocrisie du Gouvernement lorsqu'il prévoit de faire voter par le Parlement un texte de loi affectant les excédents du FSV au fonds de réserve des retraites.

Par ailleurs, le Gouvernement prétend vouloir laisser aux salariés modestes un pouvoir d'achat plus significatif que celui apporté par les revenus de l'assistance. Il prend pourtant, dans le même temps, une lourde responsabilité en mettant à bas l'universalité du financement de la sécurité sociale, en ouvrant le bal des exonérations de CSG et de CRDS, cette dernière n'étant d'ailleurs pas compensée. Si, à première vue, cette initiative peut être présentée comme généreuse, il eut été infiniment plus prudent de lui préférer des exonérations de charges sociales salariales, ce qui aurait conduit à accroître le salaire net, c'est-à-dire le pouvoir d'achat des salariés m odestes. Mais il est vrai que, pour des raisons dogmatiques, vous refusez les baisses de charges.

M. Maxime Gremetz.

Vous en voulez encore !

M. Bernard Accoyer.

En effet, cela n'est jamais acceptable ni pour vous ni, surtout, pour vos alliés communistes dont la majorité gouvernementale dépend.

M. Maxime Gremetz.

On prévoit déjà 450 milliards de francs d'exonérations et vous voulez encore en rajouter ! Cela me réveille.

M. le président.

Continuez à dormir, monsieur Gremetz ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

A ces mesures, pourtant vitales, de baisse des charges sur les bas salaires, vous préférez des exonérations de contribution sociale, ce qui est contesté jusque dans vos propres rangs, comme dans les milieux syndicaux.

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est jamais assez ! Encore 10 % de plus pour les sociétés, vous vous rendez compte !

M. Bernard Accoyer.

Vous mettez en place un système d'usine à gaz et de siphonnage censé compenser le manque à gagner pour l'ACOSS. M. Gremetz s'est d'ailleurs exprimé à plusieurs reprises sur ce détournement des fonds sociaux...

M. Maxime Gremetz.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

... et cela à juste titre.

M. Maxime Gremetz.

Ah !

M. Bernard Accoyer.

Aujourd'hui, c'est la taxe sur les conventions d'assurance qui est utilisée pour cette manipulation comptable. Où est la logique ? Où est la clarté ? Où sont les garanties d'avenir pour la sécurité sociale ? De même, s'agissant de la branche famille, ce projet n'apporte pas de modification au cap suivi par le Gouvernement depuis trois ans et condamné par les associations familiales. A ce propos, je tiens à rappeler ce que vous présentez comme une politique familiale.

En 1998, ce fut l'abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu : 5,5 milliards de francs de pertes, pour les familles, soit un total cumulé de 22 milliards de francs en 2001 ; ainsi que la mise sous condition de ressources des allocations familiales, ce qui a représenté une autre perte de 4,8 milliards de francs pour les familles.

M. Maxime Gremetz.

Et les entreprises ?

M. Bernard Accoyer.

Il faut encore ajouter la diminution de moitié de l'allocation de garde d'enfant à domicile : moins 900 millions de francs pour les familles.

M. Maxime Gremetz.

Et les chiffres pour les entreprises ? Si vous ne les avez pas, je vais vous les donner.

M. Bernard Accoyer.

En 1999, ce fut l'annulation des effets du rétablissement de l'universalité des allocations familiales par l'abaissement du plafond du quotient familial - 4 milliards de francs de perte pour les familles - et le report de onze à seize ans des majorations pour âge : moins 1 milliard de francs.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur Accoyer, ne soyez pas unilatéral !

M. Bernard Accoyer.

Cette mesure s'est traduite par u ne augmentation de l'impôt sur le revenu pour 500 000 familles.

Enfin, ce furent, en 2000, des restrictions fiscales sur les pensions.

Rapportées à ces pertes, les mesures prises par le Gouvernement à l'occasion des conférences de la famille relèvent du saupoudrage. Il devient donc clair que la politique familiale est compromise par la mise en cause de l'autonomie de la branche famille et par l'abandon de la garantie de ressources dont elle bénéficiait depuis 1994, d'autant qu'elle se voit brutalement imputer la prise en charge intégrale de la majoration d'allocation de rentrée scolaire dès 2001, alors que le Premier ministre lui-même s'était engagé, en juillet 1999, à ce que ce transfert soit progressif.

Cette politique a pour conséquence de taxer ceux qui ont des enfants plus que les autres. Où est l'égalité ? Quelle est la justification ? Où est la logique quand on sait que le seul moyen pour renforcer à coup sûr la pérennité des régimes de retraite et la protection sociale elle-même dans son ensemble, c'est d'encourager et d'aider les familles avec enfants ? Or même cette logique de la solidarité entre les générations - la plus ancienne, la plus solide, la plus sûre, celle qui tient à la réalité même des familles, au lien entre parents, enfants, petits-enfants -, vous la refusez. En effet, comment ne pas qualifier de scandaleuse la manoeuvre opérée par l'article 16 de votre projet qui transfère à la CNAF la charge du paiement de la majoration de retraite servie aux parents ayant élevé trois enfants ou plus ? Avec un tel détournement, c'est toute la logique de la branche famille qui est remise en cause. Alors que cette branche devrait aider les familles à élever leurs enfants, une partie de ses moyens sera désormais affectée au paiement des retraites.

M. Arthur Dehaine.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

Certes, on enregistre bien une modeste évolution de l'AFEAMA, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistance maternelle agréée, mais avec des plafonds qui excluent de très nombreuses familles.

Finalement, la bonne décision est la création de l'allocation de présence parentale pour enfant gravement malade. Madame la secrétaire d'Etat, puisqu'il s'agissait d'une initiative de notre collègue Renaud Muselier, discutée ici même, le 14 décembre 1999, pourquoi l'avoir alors refusée et avoir différé ainsi son application pour les familles concernées ?


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Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pour que ce soit bien la partie d'un tout !

M. Bernard Accoyer.

Le constat est tout aussi amer s'agissant de la branche maladie. En effet ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne donnera pas au Parlement l'occasion de débattre des priorités sanitaires ni même d'affectations spécifiques de moyens à tel ou tel objectif sanitaire. L'exercice mécanique qui consiste à évaluer les recettes prévisibles à la louche et à faire du montant ainsi obtenu l'ONDAM est, une nouvelle fois, consacré. Ce n'est guère satisfaisant.

Il est même triste de constater, alors que les informations et les outils sont disponibles, que le Gouvernement ne souhaite pas s'en servir pour que nous disposions enfin d'une information chiffrée afin que le Parlement puisse assumer les véritables choix sanitaires et, par là même, les financer et non faire le contraire, comme c'est malheureusement le cas.

Cela est particulièrement grave à l'heure où notre système de soins est en crise et ce, dans tous les domaines.

Il y a d'abord crise entre le ministère des affaires sociales lui-même et la CNAM. Jamais les rapports n'ont été aussi mauvais ; jamais les injonctions et le mépris du Gouvernement n'ont été aussi grands. Qu'est devenu l'esprit des conventions d'objectifs et de gestion entre le G ouvernement et les caisses ? Le Gouvernement contourne désormais sans vergogne les caisses, allant même jusqu'à imposer lui-même ses vues aux différentes professions de santé en maniant tantôt l'anathème tantôt la menace, en s'érigeant en pouvoir absolu au plus grand mépris des partenaires sociaux, d'une part, et des professionnels de santé, d'autre part.

On constate ensuite une crise confinant à la désespérance pour les professionnels de santé qui seront demain dans la rue pour une journée « santé morte ».

Dans le secteur ambulatoire, dans le secteur libéral, la crise est également totale. Le découragement prévaut à tel point que les malades eux-mêmes s'en émeuvent, mais ce phénomène ne change rien pour le Gouvernement qui continue dans la voie des sanctions tarifaires réitérées et drastiques.

Au nom du principe technocratique qui rend responsables de la hausse des dépenses de soin les seuls professionnels de santé libéraux, vous n'avez pas retenu l'expé-r ience malheureuse dans laquelle nous nous étions maladroitement engagés dans le domaine des sanctions collectives et vous n'avez pas davantage tenu compte des décisions du Conseil constitutionnel et du légitime émoi des professionnels de santé eux-mêmes. Vous avez, en effet, instauré la pire des sanctions collectives : les tarifs flottants, totalement injustes pour les professionels et totalement inefficaces pour maîtriser les dépenses puisqu'il s'agit de la cause principale de l'emballement des dépenses, l'effet prix/volume.

En somme, de la réforme de 1996, vous avez abandonné ou détourné les bonnes mesures pour ne retenir que celles qui auraient dû être abandonnées au profit de la concertation.

Non content de cette attitude, l'article 31 en rajoute etr enforce l'obsession gouvernementale de sanctionner encore et toujours plus efficacement les professionnels libéraux. Vos dénégations ne pourront pas effacer le contenu de l'exposé des motifs de cet article : « Cette réforme, en rétablissant l'efficacité du système de contrôle des règles qui s'imposent aux professionnels de santé, favorisera l'évolution des pratiques des professionnels. La réduction des actes et prescriptions indûment coûteux permettra d'infléchir l'évolution des dépenses d'assurance maladie. Cet effet s'ajoutera au rendement direct des procédures mises en oeuvre à l'encontre des professionnels mis en cause. »

Désormais, les commissions de conciliation dans les caisses primaires d'assurance maladie seront supprimées, ce qui judiciarisera encore davantage les procédures, y compris celles du suivi des bonnes pratiques. Madame la secrétaire d'Etat, si le but du Gouvernement avait été de décourager encore davantage les professions de santé, je vous mets au défi de trouver pires mesures.

Malgré la gravité des différends qui ont pu naître entre les gouvernements précédents et les professions de santé, jamais la crise n'aura été aussi profonde, aussi justifiée.

Toutes sont affectées dans leurs conditions de travail, dans leurs revenus, dans leurs conditions de vie et, surtout, ce qui est le plus douloureux, dans leur dignité. Ils conçoivent leur dignité comme une valorisation sociale légitime, découlant de la reconnaissance du rôle, ô c ombien indispensable, qu'ils occupent dans notre société. Pourtant, force est de constater qu'ils se sentent culpabilisés, humiliés, alors qu'ils ne font que leur travail : soigner.

M. Arthur Dehaine.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Toutes les professions sont concernées : médecins, chirurgiens-dentistes, infirmières, orthophonistes. Prenons cependant la seule situation caractéristique des masseurs-kinésithérapeutes que quelques données suffisent à résumer.

Le volume de leur activité, entre 1991 et 1999, a connu une hausse de 14,96 % selon les sources officielles.

Dans le même temps, la démographie de la profession a augmenté de 21,18 % et leurs charges ont progressé de 6,9 %. En revanche, le revenu moyen individuel a baissé de 7,6 %, alors que les prix à la consommation pendant le même temps augmentaient de 13 %, ce qui a abouti à une baisse du revenu moyen annuel de 20,68 % en francs constants sur huit ans. Telle est la situation d'une des professions en cause. Elle en illustre bien d'autres dans le domaine de la santé dans le secteur libéral.

A lors que les masseurs-kinésithérapeutes soignent 500 000 patients par jour pour une enveloppe de 13,5 milliards de francs, dans le même temps, il apparaît que les soins dans les établissements de rééducation et de réadaptation fonctionnelle coûtent vingt fois plus cher par patient, mais vous ne portez pas le même regard sur ces deux secteurs.

Des observations similaires pourraient être développées pour les infirmières et les infirmiers qui sont, à juste titre, très inquiets et s'opposent à la mise en oeuvre du projet de soins infirmiers que vous voulez imposer coûte que coûte. Il faudrait, au contraire de tout ce qui est actuellement mis en oeuvre, chercher à renouer les liens avec les professionnels de santé.

A l'hôpital public, la crise gronde également et Mme Aubry a dû céder en catastrophe, sous la pression des personnels, en allouant, dans la plus totale improvisation, une enveloppe de 10 milliards de francs, auxquels il faut ajouter 7 milliards pour les praticiens, le tout sur trois ans.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

En réalité, l'hôpital public va mal. Ses personnels sont de plus en plus inquiets. Ses cadres et ses médecins savent mieux que d'autres que c'est désormais la qualité des soins qui est menacée à court terme, sans parler de l'application annoncée des 35 heures,


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c'est-à-dire des quelque 15 milliards de francs dont vous ne dites mot alors que, nécessairement, ils manqueront pour développer l'accès aux nouvelles technologies de santé.

D'ailleurs, arrêtons-nous quelques instants sur les freins à l'accès aux nouvelles technologies de santé dont les Français sont victimes.

La France se situe désormais au dernier rang, loin derrière les grands pays modernes, pour le nombre d'IRM et autres tomographies à émission de positons. De même, notre retard est tout aussi incroyable en matière de recours aux défibrillateurs implantables, aux implants cochléaires, aux pompes implantables programmables, pour ne citer que quelques handicaps sanitaires technologiques dont la France souffre actuellement. Malheureusement, il en existe bien d'autres.

Dans ce contexte, la seule modification relative à l'hôpital public que vous introduisez dans ce projet de loi tient à l'adjonction d'un qualificatif dans l'intitulé du fonds pour la modernisation des établissements de santé, qui devient, dans l'un des articles le fonds pour la modernisation sociale des établissements de santé.

Madame la secrétaire d'Etat, on pourrait comprendre que la modernisation des hôpitaux ne vise plus la qualité des soins ou, plus prosaïquement, que la politique du Gouvernement pour l'hôpital public se résume à des mots. En réalité, il s'agit d'un détournement d'un type nouveau pour mettre en application le protocole budgétaire de mars 2000 dont nous allons voir qu'il est catastrophique pour l'ensemble du secteur hospitalier. Ces dispositions se trouvaient d'ailleurs déjà dans le projet de modernisation sociale déposé le 25 mai dernier à l'Assemblée par le prédécesseur de Mme Guigou et retiré depuis du calendrier parlementaire. Le projet de loi de financement vient à point nommé pour faire office de miniDMOS.

Dans le même temps, les cliniques privées sont étranglées, au point que la question de la survie à court terme de beaucoup d'entre elles se pose avec acuité. Pourtant, l'hospitalisation privée est l'un des éléments d'une liberté fondamentale de nos concitoyens, celle de la liberté de choix, qu'il s'agisse des praticiens, des chirurgiens ou du type d'hospitalisation. Ils sont en effet 63 % à choisir le privé pour la chirurgie et 50 % pour les accouchements.

Quand la strangulation que vous infligez à l'hospitalisation privée l'aura fait disparaître, les transferts d'activité qui, pour le moment, s'opèrent de l'hôpital vers le privé s'inverseront nécessairement, les listes d'attente pour accéder aux soins chirurgicaux apparaîtront et vous en porterez la responsabilité.

Que ceux qui trouveraient mes propos trop sombres nous expliquent comment un établissement peut conserver une activité répondant aux besoins, assurer la sécurité et la qualité des soins, s'équiper de technologies toujours plus coûteuses, en respectant des contraintes sanitaires toujours plus nombreuses et plus lourdes, en appliquant et en finançant les 35 heures, alors que le Gouvernement impose une stagnation des tarifs, quand ce n'est pas une baisse.

A ce stade, il faut en revenir au protocole hospitalier de mars 2000 et rappeler qu'il a, au lendemain du vote par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, accru de 100 % l'objectif de croissance des dépenses de l'hôpital public. Il a ainsi contribué à accentuer l'impasse angoissante vers laquelle est poussée l'hospitalisation privée, donc l'hospitalisation dans son ensemble. Les hausses de salaires autorisées par le protocole pour le personnel soignant de l'hospitalisation publique ont provoqué un mouvement des personnels de l'hospitalisation privée vers le public, au moment même où les cliniques doivent répondre aux exigences de Mme Aubry en appliquant les 35 heures, et, pour ce faire, accroître de 7,5 % leurs effectifs infirmiers.

Or bon nombre de ces personnels sont partis vers l'hôpital, plongeant les cliniques dans d'immenses difficultés puisque le Gouvernement n'avait pas anticipé les besoins en formation de personnel. Ainsi, en 1997, puisque trois ans sont nécessaires pour la formation des infirmières, et en 1998, les quotas de formation ont été réduits au prétexte technocratique stupide que plus il y a de professionnels de santé, plus les dépenses de santé augmentent. Il manque donc aujourd'hui une promotion entière, soit 27 000 infirmières.

Quant au médicament, ce projet de loi n'en traite que p our mieux le taxer. Sous l'effet du mécanisme prix/volume, la recherche et le développement en France ainsi que l'existence de laboratoires français sont réduits à la portion congrue. Nous attendons désormais de l'étranger les plus grandes et les plus nombreuses innovations, ainsi que les progrès pharmaceutiques. C'est pourquoi nous devons et devrons payer encore et sans cesse plus cher pour accéder aux progrès pharmaceutiques.

Pour ne prendre que l'exemple des médicaments anticancéreux, la hausse annuelle dépasse nettement les 15 %. Que cela fasse plaisir ou non, l'ensemble du poste « médicament » de tous les pays développés augmente, bon an mal an, de 7 à 8 %. Malgré tout, vous ne voulez pas voir la réalité et vous préférez sanctionner médecins et laboratoires.

Ce texte instaure même une clause de sauvegarde qui conduira les laboratoires à refuser certains produits aux malades français car, à cause de l'instauration d'un taux unique de sanction à 70 % du dépassement, les laboratoires atteindront un niveau de prix de vente confiscatoire. Là encore, l'exposé des motifs mérite d'être relu, car il est un chef-d'oeuvre de langue de bois qui voudrait annoncer une amélioration par lissage des taux alors qu'il s'agit d'un laminage uniforme par l'instauration d'un taux unique, de surcroît supérieur au taux précédent.

« L'article proposé remplace le mécanisme actuel par un système de récupération linéaire qui aurait pour effet de lisser les effets de seuil et de récupérer une part constante du dépassement », lit-on dans l'exposé des motifs.

Ainsi, sur la base de la situation actuelle, vous persistez dans la même voie avec l'ONDAM. Parce que les recettes attendues paraissent l'autoriser, celui-ci est fixé sans aucune évaluation à 693,3 milliards de francs, soit une augmentation de 2,5 % par rapport aux dépenses 2000, qui seront fort différentes puisqu'il est prévu une hausse pratiquement égale au double de celles votées il y a un an. Notons que, de surcroît, nous ne connaissons évidemment pas encore le montant exact de ces dépenses puisque l'année n'est pas terminée.

Certes, vous nous annoncez la création d'une énième i nstitution : l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation. Pensez-vous qu'elle permettra enfin d'exploiter les données du PMSI qui demeurent en jachère malgré quinze années de dépenses et autant de milliards engloutis ? En fait, ce sont les Français, les malades, qui ont besoin - et il y ont droit - d'informations objectives sur la qualité des soins dispensés dans tous les hôpitaux et établissements.


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Le Gouvernement n'a pas l'air d'admettre que ce droit est fondamental. L'opération de mise sous contrôle de cette information, qu'il a mise en place par une discrète disposition de type cavalier dans la loi CMU de juillet 1999, fait que, désormais, personne ne peut connaître les établissements les moins sûrs, mais seulement les meilleurs.

Telle est bien la différence entre les enquêtes de 1999 publiées par Science et Avenir et celles de l'an 2000 publiées par Le Figaro magazine.

Cette nouvelle présentation « forcée », présente, pour les responsables de la détérioration de la qualité des soins, l'avantage de la discrétion.

Madame la secrétaire d'Etat, où est dans une telle politique le droit des malades que vous prétendez privilégier, et en particulier le droit des moins bien informés qui sont souvent les plus faibles ? Tout le monde sait aujourd'hui que les 20 milliards consacrés à la carte SESAM Vitale n'ont strictement rien apporté à l'information des malades ni à la qualité des soins en dehors du transfert sur les professionnels d'une charge jusqu'alors assumée par les caisses. Ne croyez-vous pas, madame la secrétaire d'Etat, que le temps de la sincérité est enfin venu ) Celle-ci est indispensable si nous voulons sauver notre système de soins ? Tous les gouvernements, et en particulier les deux derniers, ont rencontré des difficultés très graves avec l'assurance maladie et les professionnels de santé. Il est temps de repartir sur des bases réalistes afin que chacun puisse à n ouveau exercer ses responsabilités : Gouvernement, caisses, établissements et professionnels.

Le système ne peut rester en l'état. La réforme que vous avez voulu développer sous l'angle exclusif de l'étatisation et de la centralisation a été mal comprise.

M. Arthur Dehaine, Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

En l'absence de réforme concertée avec les partenaires sociaux et plus encore avec les professionnels et les établissements, c'est tout le système de soins qui menace de s'effondrer.

Mme Odette Grzegrzulka.

Oh ! là ! là !

M. Bernard Accoyer.

Plus rien n'est accepté, ni même maîtrisé : ni les réalités sanitaires ni le fonctionnement du système. Et ce n'est pas la mise en oeuvre de la CMU, en centralisant la prise en charge des soins dispensés aux plus modestes, qui contribuera à rendre l'assurance maladie plus efficace pour ces populations. Dans cinq jours, madame la secrétaire d'Etat, malgré les engagements pris, 600 000 à 700 000 personnes ne seront plus protégées en l'absence d'un nouveau report, en raison de la fixation du seuil à 3 500 francs juste 40 francs en dessous du seuil minimum de vieillesse ou de l'allocation adulte handicapé.

Mme Odette Grzegrzulka.

75 francs exactement !

M. Bernard Accoyer.

Le 31 octobre prochain, dans c inq jours, représente pour 700 000 Français une échéance majeure puisqu'ils ne seront plus pris en charge par la CMU alors que, jusqu'à cette date, ils l'étaient dans le cadre des dispositifs de protection sociale instaurés dans les départements.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Tout à fait !

M. François Goulard.

C'est l'héritage de Martine !

M. Bernard Accoyer.

Je pense tout particulièrement à la carte Paris Santé dont le seuil se situe à 4 004 francs.

Madame la secrétaire d'Etat, que vont devenir ces 600 000 à 700 000 français ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Vous voulez que je vous réponde maintenant ?

M. Bernard Accoyer.

Oui, cela m'intéresserait, madame la secrétaire d'Etat, si M. le président en est d'accord, bien entendu.

M. le président.

Monsieur Accoyer, me permettez-vous de présider la séance...

M. Bernard Accoyer.

Mme la secrétaire d'Etat souhaite m'apporter une réponse.

M. le président.

C'est à Mme la secrétaire d'Etat de me dire si elle souhaite intervenir.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non, je ne veux pas interrompre un si brillant orateur. Je répondrai plus tard.

M. le président.

Mme la secrétaire d'Etat ne souhaite pas vous interrompre, monsieur Accoyer. Veuillez poursuivre.

M. Bernard Accoyer.

Pourtant, c'est une question particulièrement pressante, madame la secrétaire d'Etat, que de nombreux conseillers généraux comme de nombreux maires m'ont demandé de vous poser.

Mme Odette Grzegrzulka.

Les conseils généraux ont 5 % de la dotation. Qu'ils l'utilisent !

M. Yves Bur.

Ils n'ont aucune responsabilité en ce domaine, madame !

M. Bernard Accoyer.

Vous n'ignorez pas la difficulté de la question, madame la secrétaire d'Etat. Mais je vois que le Gouvernement reste silencieux...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je me sens obligée de répondre, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Monsieur Accoyer, je ne veux pas vous laisser dire que le Gouvernement répond par le silence. Mme Aubry comme moi-même avons déjà répondu à plusieurs questions de parlementaires sur le sujet à l'Assemblée nationale ou au Sénat. J'ai moi-même répondu par trois fois à des questions de sénateurs à ce propos.

Lors de l'instauration de la couverture maladie universelle, un seuil d'entrée a été fixé.

M. Yves Bur.

Nous l'avons dénoncé !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non, vous avez dénoncé la totalité du système, monsieur Bur.

M. Yves Bur.

Non, le seuil !

M. François Goulard.

C'est l'effet de seuil que nous avons dénoncé.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non, vous étiez contre la couverture maladie universelle.

Mais je n'engage pas un débat avec vous, je réponds à l'orateur.

M. le président.

Monsieur Goulard, laissez Mme la secrétaire d'Etat répondre à M. Accoyer.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il y a, à l'heure actuelle, 4,7 millions de bénéficiaires de la CMU.


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M. François Goulard.

Vous parliez de 6 millions !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Au mois de septembre 2000, 4,7 millions de personnes étaient entrées dans le dispositif, ce qui représente 1,9 million de personnes de plus que ce qui était prévu au départ.

M. François Goulard.

Non, nous ne pouvons pas laisser dire ça !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pour l'instant, il y a plus de personnes qui bénéficient de la CMU que de personnes qui en sont exclues. Les raisons de cette exclusion sont diverses. Soit les personnes n'ont pas déposé de dossier pour demander la prolongation du droit à bénéficier de la CMU, qui leur a été garanti jusqu'au 31 octobre,...

M. Yves Bur.

Vous allez voir que ce sont les gens qui vont être fautifs !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... soit elles perçoivent à présent un revenu qui dépasse le seuil d'entrée à la CMU. Dans ce dernier cas, d'ailleurs, il est vraisemblable que ce revenu dépasserait également le seuil d'obtention de l'aide médicale gratuite, puisque, comme vous le savez, ce seuil ne dépasse 3 500 francs que dans dix départements en France, la moyenne se situant à 2 500 francs.

M. Yves Bur.

Les règles de calcul n'étaient pas les mêmes. C'était net de charges !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pour les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite dans les dix départements où le seuil était plus élevé, il peut se poser des problèmes. Ceux-ci doivent être résolus au cas par cas, ou par cohorte, en fonction des situations. Elisabeth Guigou a indiqué qu'elle examinerait cette question d'une manière attentive.

M. Maxime Gremetz.

Dans le Val-de-Marne, ce sont 12 000 personnes qui sont concernées.

M. François Goulard.

Il faut faire vite. Le couperet tombe dans cinq jours !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

La réponse ne consiste pas automatiquement dans l'élévation du seuil fixé par le Parlement, mais plutôt dans l'observation attentive des situations qui se présentent dans les départements, lesquelles peuvent d'ores et déjà être prises en compte par le fonds d'action sociale.

Celui-ci est en effet déferé aux caisses primaires d'assurance maladie à hauteur de 400 millions de francs et peut permettre de prendre en charge l'adhésion à une converture maladie complémentaire, ou encore le paiement de soins particulièrment coûteux pour les personnes qui ne bénéficient pas de la CMU.

Il appartient aussi aux départements de réfléchir, dans le cadre de leur politique d'aide facultative, à la manière de proroger l'action qu'ils menaient préalablement et d'offrir un accès à l'aide médicale gratuite particulièrement généreux.

M. François Goulard.

Non. En réduisant leur DGF, on a diminué leurs ressources !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je sais de quoi je parle, monsieur Goulard, puisque je suis moi-même élue d'un département qui se trouve dans la situation que j'ai évoquée.

Mme Muguette Jacquaint.

On a diminué les ressources des départements.

M. le président.

Monsieur Accoyer, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Bernard Accoyer.

Je remercie Mme la secrétaire d'Etat d'avoir bien voulu apporter ces précisions mais, malheureusement, elles ne font qu'aggraver notre inquiétude.

M. Yves Bur.

C'est son absence de réponse qui nous inquiète le plus car elle se décharge de ses responsabilités !

M. Bernard Accoyer.

Tout d'abord, madame la secrétaire d'Etat, le nombre de personnes concernées par ce système défaillant de couverture sociale est très important.

Notre collègue Maxime Gremetz vient de nous dire qu'elles étaient 12 000 dans le Val-de-Marne. Dans la mesure où il existe une centaine de départements français, le chiffre de 700 000 que j'évoquais tout à l'heure est tout à fait vraisemblable, le Val-de-Marne étant un département important.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

4,7 millions de personnes bénéficient de la CMU, soit 1,9 million de plus de prévu !

M. Bernard Accoyer.

Ensuite, en ce qui concerne les montants, il ne faut pas oublier que la plupart des départements n'incluaient pas dans leurs ressources certaines allocations de nature sociale telles que l'AAH et le minimum vieillesse. Il en résulte des situations terriblement difficiles à gérer. Ce sont bien sûr les CCAS qui sont concernées, mais les départements sont également sollicités. Les personnels de ces caisses et les élus ne savent pas comment ils feront dans cinq jours.

M. Yves Bur.

Il faut les envoyer à Mme Guigou !

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a pas de dispositions précises pour ces prises en charge, ni de dotations spécifiques, puisque, par définition, tous moyens leur ont été enlevés par le Gouvernement qui a préféré, en instituant la CMU, mettre en place, au détriment du travail microsocial de proximité, une mesure de centralisation, de regroupement dans des caisses primaires qui, en fait, ne sont pas équipées pour réaliser ce travail social particulièrement difficile.

M. Yves Bur.

Quelle imprévoyance !

M. Bernard Accoyer.

Madame la secrétaire d'Etat, nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse que vous nous avez faite. D'ici à quatre jours, il faudra pourtant que vous donniez une réponse satisfaisante aux élus des très nombreux départements concernés. Ils ne sont pas, comme vous le prétendez, des exceptions, et les élus ne peuvent seuls résoudre les cas particulièrement difficiles et douloureux auxquels ils sont confrontés.

Nous comptons sur vous. Nous venons d'appendre que vous aviez conservé votre mandat de conseiller général.

Vous devez donc connaître ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Avec la volonté d'améliorer la place, le rôle, la satisfaction de chacun, il convient, par la décentralisation, par la délégation de responsabilités, par le respect des droits mais aussi des libertés de chacun, par la création d'espaces de liberté, de renouer d'abord le dialogue et de rebâtir au plus vite un système de soins transparent, juste et généreux. C'est encore possible, mais cela exige d'écarter tout préjugé et tout dogmatisme. La santé des Français mérite bien cela.


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S'agissant de la branche vieillesse, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 se situe bien dans la ligne politique choisie par M. Jospin : ne rien faire, surtout ne rien entreprendre pour sécuriser nos régimes de retraites car cela pourrait susciter des débats et des prises de conscience qu'il souhaite, par calcul électoral, éviter à tout prix.

M. Yves Bur.

Ah, les ambitions !

M. Jean-Pierre Pernot.

Vous n'avez peut-être pas d'ambitions électorales, vous ?

M. Bernard Accoyer.

Comme je l'ai déjà souligné, le financement des 35 heures prive et privera la sécurité sociale de ressources dont elle a le plus grand besoin pour répondre aux exigences de l'assurance maladie et pour garantir en partie l'avenir - qui, pour l'instant, est inquiétant - de l'assurance vieillesse. Telle est bien la conséquence du détournement des ressources du fonds de solidarité vieillesse vers le fonds de réforme des cotisations patronales, c'est-à-dire le fonds des 35 heures, autrement appelé le FOREC. Malheureusement, le plus inquiétant est ailleurs. Il est dans le refus obstiné du Gouvernement de tenir compte de l'évidence, des conclusions du rapport du commissaire général au Plan, M. Charpin, qui lui avait été remis à sa demande...

M. Maxime Gremetz.

Ah non ! non !

M. Bernard Accoyer.

... et de ne plus se cacher derrière le rapport de convenance qu'il a commandé à M. Teulade, suppléant de M. François Hollande.

M. Maxime Gremetz.

Nous l'avons totalement contesté !

M. François Goulard.

C'est bon signe ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Permettez-moi de citer la publication de référence que constitue en ce domaine la Lettre Gestion sociale rapportant la remise en cause de la sincérité du rapport Teulade...

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Bernard Accoyer.

...mise en évidence dans les travaux du conseil d'orientation des retraites lorsqu'a été auditionnée l'économiste Florence Legros. Ce conseil n'avait pas été créé par le Premier ministre pour soulever ce genre de problèmes, mais pour essayer de repousser au-delà des échéances électorales les difficultés des rég imes de retraite.

M. Maxime Gremetz.

Puis-je vous interrompre, monsieur Accoyer ?

M. Bernard Accoyer.

Volontiers, monsieur Gremetz.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Maxime Gremetz.

Je ne veux pas polémiquer avec

M. Accoyer...

M. le président.

Nous l'avions compris !

M. Maxime Gremetz.

... mais je ne peux le laisser continuer. Le conseil d'orientation des retraites auquel je participe de manière assidue avec deux autres députés, M. Jacquat et M. Recours, a fait une étude comparée des différents rapports - le rapport Teulade, le rapport Charpin, qui était l'ouvrage de référence, la Bible...

M. Bernard Accoyer.

C'est toujours la référence !

M. Maxime Gremetz.

... et des différents travaux dont il a eu connaissance, ceux de M. Taddei et ceux de plusieurs sociologues. Il est parvenu, je le dis pour l'information de l'assemblée, à des données précises qui prennent en compte les avis des uns et des autres plutôt que de l'un ou de l'autre - je parle sous le contrôle de notre collègue Jacquat. Il en a tiré ses propres conclusions. Ce ne sont plus celles de Charpin, ni celles de Teulade, ni celles de Tartempion mais celles du conseil d'orientation dans un ensemble !

M. François Goulard.

Nous aurions aimé avoir l'avis de M. Jacquat !

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je remercie Maxime Gremetz pour ses informations, mais je pense qu'il a dû manquer une séance...

M. Maxime Gremetz.

Non, non ! Pas une seule !

M. le président.

Monsieur Gremetz, une fois suffit !

M. Maxime Gremetz.

M. Accoyer me dit que j'ai manqué une séance, je lui réponds simplement que non !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Je confirme que M. Gremetz est présent à toutes les réunions.

M. Bernard Accoyer.

Les propos de Mme Florence Legros ne correspondent pas exactement à ce que nous a dit Maxime Gremetz. C'est pourquoi je pensais qu'il avait été soit absent, soit inattentif, soit dérangé par son téléphone portable.

M. Maxime Gremetz.

L'avis de Mme Legros a été contesté !

M. Bernard Accoyer.

Je vous cite un passage de la lettre Gestion sociale qui rapporte la remise en cause de la sincérité du rapport Teulade par l'économiste Florence Legros : « Le travail de l'économiste présenté au conseil d'orientation des retraites lui apporte un démenti cinglant... » - il est question du rapport Teulade - «

Les prévisions optimistes de René Teulade » - c'est-à-dire du suppléant de M. Hollande, c'est une coïncidence que je me plais à rappeler - « ne sont pas validées. Premièrement, le rapport Charpin avait démontré qu'un recul important du chômage laissait subsister un besoin de financement important. Deuxièmement, la variante Teulade part du montant des retraites en 2040 avec l'indexation des pensions sur les salaires pour en déduire qu'il faudrait une croissance de 3,5 % tout au long de la période pour maintenir le poids des retraites à 12,1 % du produit intérieur brut. Aucun scénario macro-économique n'est associé au taux de croissance ainsi calculé et le raisonnement n'est pas bouclé. Troisièmement, comme l'avait noté le Sénat, le rapport Teulade omet "l'effet noria" qui veut que l'évolution des pensions n'est jamais indépendante des salaires. »

M. Maxime Gremetz.

C'est l'avis de Mme Legros, pas celui du conseil d'orientation des retraites !

M. Bernard Accoyer.

Nous avons là la démonstration d'une supercherie, qui est particulièrement grave puisque c'est sur le rapport Teulade qu'est fondée toute la stratégie du Premier ministre concernant les retraites.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que la réforme des retraires des salariés du secteur privé a été courageusement conduite en 1993, comment expliquez-vous que, sept ans plus tard, votre gouvernement, qui se targue de privilégier l'équité, ait délibérément décidé, au mépris le plus total des retraités et des futurs retraités, de laisser persister une inégalité flagrante entre deux catégories de Français dont l'une, qui plus est, finance en grande partie les retraites de l'autre ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Certes, après les rapports, le Gouvernement multiplie les gesticulations purement symboliques. Parmi celles-ci, la création, à l'article 20 du présent projet de loi, de divers répertoires pour - je cite l'exposé des motifs -

« améliorer l'information du Parlement et du conseil d'orientation des retraites ». Cela procède de la malhonnêteté intellectuelle - encore une -, comme les impasses vers lesquelles l'immobilisme électoraliste de M. Jospin entraîne les Français. Il y a là la même mauvaise foi que celle dont fait preuve le Gouvernement en continuant de refuser à l'ensemble des Français - sur ce sujet, madame la secrétaire d'Etat, j'aimerais que vous m'apportiez la réponse précise...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pas à tous les coups ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

...qu'attendent des millions de Français depuis plusieurs années - en continuant de refuser, disais-je, à l'ensemble des Français, l'accès aux retraites supplémentaires par capitalisation, telles que la PREFON, le CREF et la MRIFEN, créées en 1967, gérées d'ailleurs par les syndicats de salariés et toujours exclusivement réservées aux seuls salariés et anciens salariés du secteur public.

Une réponse de votre part, madame la secrétaire d'Etat, ferait certainement plaisir à bien des Français qui travaillent dans le secteur privé.

M. Arthur Dehaine.

Très bonne question !

M. Bernard Accoyer.

Pas de réponse... Ne croyez-vous pas, madame la secrétaire d'Etat, qu'il est plus confortable de s'opposer à l'accès à la retraite par capitalisation pour les autres quand on en bénéficie déjà soi-même ?

M. Arthur Dehaine et M. Patrick Delnatte.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Quant au versement au fonds de réserve d'une partie du produit de la vente des licences de téléphonie mobile, même s'il convient de saluer ce ralliement tardif et bien modeste de la gauche communiste au capital, ce fonds, même s'il atteignait, selon les affirmations gouvernementales, 1 000 milliards de francs en 2020, serait encore insuffisant et permettrait dans le meilleur des cas un lissage sur, au mieux, quelques années.

Encore faudrait-il que les capacités contributives annuelles qui ont été fixées par le Gouvernement à plusieurs dizaines de milliards de francs puissent être réellement remplies et que les versements s'effectuent. Il y a tout lieu de penser, hélas ! que puisque pratiquement aucun des moyens retenus pour alimenter le fonds de réserve n'est structurellement significatif ou durable, il en soit tout autrement. Surtout avec le coup de frein à la croissance que nous constatons et qui est lié, chacun le sait, à un certain nombre de dispositions dont l'application des 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arthur Dehaine.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

S'il est un domaine où, au fil des années, la responsabilité de la gauche et de M. Jospin s'alourdit, c'est bien celui de l'avenir des retraites. De ce point de vue, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale persiste tristement dans la voie du mensonge d'Etat envers toutes les générations de Français s'agissant des retraites. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arthur Dehaine.

C'est peu dire !

M. Bernard Accoyer.

Madame la secrétaire d'Etat, ce PLFSS a été refusé par les conseils d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales, de la Caisse nationale d'assurance maladie, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, par le Conseil national de l'ACOSS, c'està-dire l'ensemble des partenaires sociaux.

Parce qu'il ne répond ni à la définition ni aux objectifs de clarification du devenir et du financement de la sécurité sociale, le groupe RPR vous propose, mes chers c ollègues, en adoptant cette motion de renvoi en commission, de permettre à notre assemblée de corriger les errements de ce texte, dangereux pour la protection sociale et particulièrement pour son avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

Je rappelle que les explications de vote ne peuvent pas dépasser cinq minutes.

M. Gérard Terrier.

Voici un florilège de mots relevés dans les propos de notre collègue M. Accoyer, et auxquels i l nous a accoutumés : « fallacieux », « supercherie »,

« mauvaise foi », « malhonnêteté », « mascarade »,

« détournement de fonds ».

M. Bernard Accoyer.

C'est la vérité !

M. Gérard Terrier.

Zola paraîtrait bien timide en regard de la description apocalyptique que vous faites de ce texte, monsieur Accoyer ! En tout cas, je vous reconnais un art certain de la compensation.

M. François Goulard.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Gérard Terrier.

Je vais vous l'expliquer.

Si vous êtes excessifs dans vos propos et vos qualificatifs, mon cher collègue, c'est que vous n'avez aucun argument de fond et que vous devez bien entendu compenser ce manque par votre vocabulaire ainsi que, quelquefois, par des inexactitudes.

Nous en avons relevé une lorsque vous interpelliez M. Gremetz sur les propos de Mme Legros que, par extension, vous attribuiez au conseil d'orientation.

M. Jean-Michel Dubernard.

Il avait donné la référence !

M. Alfred Recours, rapporteur.

M. Accoyer a des excuses !

M. Marcel Rogemont.

Lesquelles ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

L'exclusion de Tiberi le trouble !

M. Gérard Terrier.

Monsieur Accoyer, l'ensemble de votre intervention n'avait rien à voir avec un renvoi en commission puisque vous ne lui avez consacré qu'une ligne. C'est bien votre désaccord sur le fond du texte que vous exprimez, mais la méthode est habituelle dans notre assemblée.

V otre difficulté est de nature structurelle. Deux logiques coexistent au sein de vos groupes minoritaires qui, pourtant, s'expriment toujours d'une même voix depuis quelque temps : celle de la formation à laquelle vous appartenez et qui, c'est vrai, fonde le principe de la protection sociale sur une certaine forme de solidarité, avec des variantes, certes, mais c'est le fond de votre pensée ; et celle de M. Dord, qui est le seul à avoir présenté l'esquisse d'une esquisse d'un projet et qui affiche, lui, une orientation beaucoup plus libérale. Mais M. Dord sait très bien que les Français n'en veulent pas et que ce n'est pas non plus le fond de la doctrine du RPR. Là réside votre différence et votre difficulté structurelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

M. Bernard Accoyer.

Merci docteur ! Si j'ai bien compris, il faut que je me fasse soigner !

M. Gérard Terrier.

Et tant que vous n'aurez pas réglé ce différend vous pourrez ne faire que des propositions superficielles.

Il est donc inutile de renvoyer le projet en commission. Au surplus, vous avez été si brillant et votre réquisitoire si nourri d'informations que la commission ne vous en apporterait pas de complémentaires. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) En conséquence, je propose à l'Assemblée de vite passer au débat afin d'engager une véritable réflexion qui soit utile à vous, je l'espère, monsieur Accoyer, mais surtout aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UDF.

M. Yves Bur En demandant le renvoi en commission de ce projet de loi, notre collègue Accoyer a mis le doigt, comme d'habitude, sur l'incohérence de la démarche du Gouvernement.

En effet, ce projet, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, est d'une illisibilité préjudiciable à la protection sociale. Il devient, de fait, un prolongement de la loi de finances, ce qui permet au Gouvernement de sortir du budget de l'Etat les dépenses qui modifieraient naturellement sa présentation et le montant du déficit. Il crée des charges nouvelles et les met à la charge de la protection sociale, sans pour autant assurer à celle-ci des ressources pérennes, le montage financier ressemblant davantage à une « tuyauterie » dangereuse.

Le projet, en outre, est incapable de proposer d'autres perspectives pour l'assurance maladie que de poursuivre une politique de contraintes. Contrainte pour les professions de santé à nouveau unies dans un même désarroi face à l'absence de volonté du Gouvernement de renouer le dialogue conventionnel, seul apte pourtant à sortir l'assurance maladie de la crise très profonde dans laquelle elle se trouve. Contrainte aussi pour l'assurance maladie à laquelle il ne délègue que le seul pouvoir de sanctionner les professions médicales.

Ce projet de loi se caractérise aussi par son manque de courage, M. Accoyer l'a souligné, à prendre en compte les conséquences du vieillissement de la population sur nos régimes de retraite. Nous ne saurions nous contenter d'un abondement, même à hauteur de 55 milliards de francs en trois ans, soit 18 milliards de francs par an. Il faut, enfin, avoir le courage de dire aux Français quels sont les efforts auxquels ils devront se résoudre pour assurer la pérennité de leurs retraites.

Parce que vous n'avez pas ce courage, M. Accoyer a eu tout à fait raison de demander le renvoi en commission.

En travaillant encore davantage sur le texte, nous pourrons peut-être aboutir à quelque chose de plus présentable pour les Français, à un véritable projet pour la protection sociale.

M. Marcel Rogemont.

Quelles sont vos propositions ?

M. Yves Bur.

J'en ai évoqué quelques-unes dont certaines, d'ailleurs, rejoignent celles de M. Evin, la régionalisation, par exemple, sans doute sous une approche différente, qui, certainement, constituera une réponse au malaise auquel donne lieu la gestion de l'assurance maladie.

Par conséquent, nous voterons résolument la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention, comme souvent d'ailleurs, M. Accoyer parce que, si nous ne partageons pas les mêmes avis, je doit avouer qu'il connaît le dossier.

M. Yves Bur.

Ce n'est pas ce que disait M. Terrier !

M. Maxime Gremetz.

Et, il faut le dire, il pose des questions que nous posons nous-mêmes.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

Le problème, monsieur Accoyer, c'est que nous ne leur apportons pas les mêmes réponses.

Et c'est tout à fait naturel car votre coeur penche...

Mme Odette Grzegrzulka.

A-t-il seulement du coeur ?

M. Maxime Gremetz.

... du côté du plus petit nombre, des quelque 25 % qui bénéficieront encore des exonérations patronales, du côté de la bourse, de la spéculation financière et, des profits. Alors que nous, nous penchons plutôt du côté des 75 % qui ont besoin que l'on donne un bon coup de pouce à leur pouvoir d'achat, à leur salaire, aux minima sociaux et qu'on leur assure une bonne protection sociale.

Quant nous faisons le bilan de santé de notre système de santé, nous pouvons parvenir au même diagnostic.

Mais nous ne lui apportons pas les mêmes soins, vous qui êtes toubib...

M. Jean-Luc Préel.

Toubib or not toubib !

M. Maxime Gremetz.

... moi qui ne le suis pas.

Sur quoi divergeons-nous ? Sur une question majeure.

Vous avez fait un choix, et vous vous en mordez les doigts aujourd'hui, qui a beaucoup pesé sur la vie politique française. Je ne pense pas à la dissolution, mais bien avant : le grain était semé au moment de la « réforme » Juppé, une réforme régressive...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Réactionnaire !

M. Maxime Gremetz.

Non, simplement régressive ! Avec la réforme Juppé, vous avez sonné le tocsin. Vous vous êtes levés, vous avez acclamé sans vous rendre compte qu'on ne chantait pas le même refrain dans le pays ! Aujourd'hui, vous en êtes victime et vous avez d'autant plus de mal à critiquer que vous avez donné le

« la ». Ce qui a conduit à la dissolution. Depuis, vous êtes minoritaires et, nous, majoritaires.

M. Denis Jacquat.

Mais ça changera !

M. Maxime Gremetz.

C'était une bonne chose, non pas d'avoir imposé aux Français les ordonnances Juppé, mais d'avoir commis cette faute politique qui nous permet, à nous, à présent, de mettre en oeuvre une politique de progrès et de justice sociale.

Mais, monsieur Accoyer, jamais nous n'arriverons à nous rejoindre. Parce que, après vous avoir entendu et même si je vous respecte, je sais que vous voulez des fonds de pension. Vous avez voté la loi Thomas que nous avons décidé, heureusement, d'abroger. Pour les retraites, vous préférez, vous l'avez dit tout à l'heure, la capitalisation au système de répartition. En effet, pour vous ce


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

sont les marchés qui priment ! Et vous voulez, au nom de la sécurité et de la dignité de tous, que chacun puisse se soigner en fontion de ses moyens. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Hellier.

C'est de la provocation !

M. Bernard Accoyer.

C'est faux !

M. Maxime Gremetz.

En vérité, vous ne voulez pas de la sécurité sociale juste et universelle, de la naissance jusqu'à la mort. Vous n'aimez pas ça !

M. le président.

Monsieur Gremetz, veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur Accoyer, comme je vous ai déjà beaucoup écouté, je n'ai pas envie, - je vous le dis en toute amitié - de retourner en commission vous entendre répéter encore tout ce que vous avez déjà dit plusieurs fois ! C'est pourquoi, évidemment, nous voterons contre votre motion de renvoi en commission.

M. Yves Bur.

Mais le projet de loi le voterez-vous ?

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe du RPR. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est répétitif ! La cassette est rayée !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je vous remercie de m'autoriser à apporter quelques correctifs aux affirmations de ceux qui ont expliqué le vote du groupe socialiste et celui du groupe communiste.

Je n'ai pas entendu notre collègue socialiste fournir des arguments qui puissent infirmer, hélas, l'opacité de

« tuyauteries » qui ne visent qu'à égarer le Parlement dans le mécanisme consistant à détourner des recettes sociales au profit du fonds pour les 35 heures.

Les arguties selon lesquelles je serais atteint d'une déformation du jugement ne méritent pas de commentaires ; je m'abstiendrai donc d'en faire.

Quant à M. Gremetz, on aime toujours le ton qu'il emploie, car il donne au débat une couleur qui nous manquerait s'il n'était pas là ! Néanmoins ses propos manquent toujours de ce minimun de retenue qui leur donnerait plus de crédibilité.

Je conviens volontiers cependant qu'il faut une analyse rigoureuse, et assez pertinente, des dérapages du Gouvernement en matière de protection sociale. Très vigilant sur ce sujet, j'ai bien noté qu'il s'apprêtait, d'abord, à proposer un certain nombre d'amendements, ensuite, comme il l'a déjà dit, et comme il l'a fait d'ailleurs en commission, à voter contre ce texte. Finalement, s'il n'est pas nécessaire que nous retournions en commission pour qu'il vote contre le texte, cela me convient.

M. Pierre Hellier.

Très bien !

M. le président.

Pour le groupe DL, la parole est à

M. François Goulard.

Mme Odette Grzegrzulka.

La droite ne parle-t-elle pas d'une seule voix ?

M. François Goulard.

Je n'avais pas besoin d'être convaincu de l'utilité de renvoyer en commission un texte aussi mal préparé, en partie illisible, et qui mériterait d'être sérieusement amélioré par un travail plus précis.

Certains d'entre vous ont peut-être lu, dans un grand quotidien du soir, la description, avec force détails, tous plus sympathiques les uns que les autres, du départ de Martine Aubry. On y rapporte cette scène au cours de laquelle, avec un grand sourire, elle joint le geste à la parole : « Le dossier sécu à la poubelle ! » Eh bien ! on a un peu le sentiment que le ministre alors en charge du financement de la sécurité sociale s'est empressé de boucler un projet insuffisamment étudié, présentant des lacunes sérieuses, y compris selon ceux qui défendent les principes qui sont les vôtres, chers collègues socialistes.

Oui, décidément, il y a matière à renvoi en commission.

Bernard Accoyer, comme à son habitude, a su à la fois nous donner de ce texte une vision d'ensemble, très critique et très juste, et traiter des points très spécifiques, en restant très proche des réalités. Il a fait oeuvre utile, en particulier en interpellant Mme la secrétaire d'Etat sur le sort de ceux qui, dans quelques jours, se verront retirer le bénéfice de la couverture maladie universelle.

M. Pierre Hellier.

Ça, c'est grave !

M. François Goulard.

Ce sont des questions extrêmement concrètes, qui appellent des réponses, et je salue la c apacité de Bernard Accoyer à présenter des vues d'ensemble sans se couper des réalités de terrain.

Je voudrais traiter enfin, très rapidement, deux points très spécifiques qu'il a évoqués.

Le premier, c'est cette prétendue délégation qui serait donnée à l'assurance maladie pour contrôler les dépenses de santé. Je crois qu'il faut saisir cette occasion - il y en aura peut-être d'autres - pour dire que c'est naturellement illusoire. La Caisse nationale d'assurance maladie a une mission impérative qui se borne au contrôle des dépenses de santé par rapport à l'ONDAM. Ses moyens sont désignés, ce sont les sanctions collectives, en d'autres termes les lettres-clés flottantes. En dépit d'un mandat a ussi enserré, lui laissant aussi peu de liberté de manoeuvre, c'est en définitive le ministre qui décide par arrêté de suivre ou de ne pas suivre ou, le cas échéant, de se substituer à la Caisse nationale d'assurance maladie.

M. Pierre Hellier.

Bien sûr !

M. Bernard Accoyer.

Il fallait le dire ! Très bien !

M. François Goulard.

C'est donc une illusion de délégation. La vérité, c'est que vous êtes en train de mettre en oeuvre une étatisation de la santé dans notre pays,...

M. Pierre Hellier.

Absolument !

M. François Goulard.

... ce contre quoi nous nous insurgeons.

Passons à un tout autre chapitre, celui des retraites, qui a fait l'objet de la fin de l'intervention de Bernard Accoyer. Mme Guigou, en répondant à une question d'actualité, a déclaré, si je ne m'abuse, que ce gouvernement n'était pas défavorable aux fonds de pension. Nous l'avions compris, mais j'aimerais que, par souci de cohérence, le Gouvernement nous dise quelles sont ses intentions à l'égard d'un fonds de pension qui existe, qui est ouvert à tous les agents publics aujourd'hui, et je m'en réjouis puisque je suis, pour ma part, favorable aux fonds de pension. Je trouve d'ailleurs que les conditions sont peut-être un peu favorables pour les très hauts revenus, et il y en a quelques-uns dans la fonction publique...

M. Bernard Accoyer.

Dans la salle aussi ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Dans ces conditions, j'aimerais qu'au cours de ce débat, par souci de cohérence et en fonction des déclarations qui ont été faites par Mme Guigou tout à l'heure avec beaucoup de force et, semble-t-il, de conviction,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 OCTOBRE 2000

Mme Odette Grzegrzulka.

Comme d'habitude !

M. François Goulard.

... on nous dise dans quelles conditions et dans quel délai le Gouvernement a l'intention de mettre fin au système de la PREFON. (Exclamations.)

M. Maxime Gremetz.

Oh, monsieur Goulard, c'est marginal !

M. François Goulard.

Il va sans dire que le groupe Démocratie libérale votera cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, no 2606 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome I à V du rapport no 2633), M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des f inances, de l'économie générale et du Plan (avis no 2631).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT