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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7749).

BUDGETS ANNEXES DE LA LÉGION D'HONNEUR ET DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION (p. 7749)

Mme la présidente.

M. Yves Deniaud, suppléant M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

BUDGET ANNEXE DE LA LÉGION D'HONNEUR (p. 7751)

Adoption des crédits ouverts aux articles 35 et 36.

BUDGET ANNEXE DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION (p. 7751)

Adoption des crédits ouverts aux articles 35 et 36.

Suspension et reprise de la séance (p. 7751)

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis de la commission de la production.

MM. Yves Coussain, Yves Deniaud, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Sylvia Bassot,

MM. Philippe Duron, Jean-Claude Lenoir, Jean-Pierre Balligand, Daniel Boisserie, Daniel Paul.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

R éponses de Mme la ministre aux questions de : MM. Michel Hunault, Jean Vila, Daniel Paul, Yves D auge, Gilbert Mitterrand, Mme Sylvia Bassot, MM. Michel Meylan, Paul Patriarche.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET ENVIRONNEMENT

I. Aménagement du territoire ÉTAT B

Titres III et IV. - Adoption (p. 7778)

ÉTAT C

Titre VI. Adoption (p. 7778)

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7779).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

BUDGETS ANNEXES DE LA LEGION D'HONNEUR ET DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Je suis heureuse, au nom de l'Assemblée, de saluer la présence aux côtés de Mme la garde des sceaux, du général Douin, grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur, et du général Simon, chancelier de l'ordre de la Libération.

La parole est à M. Yves Deniaud, suppléant M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Yves Deniaux, suppléant M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le grand chancelier de l'ordre de Légion d'honneur, monsieur le chancelier de l'ordre de la Libération, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à excuser l'absence de M. Christian Cabal qui n'a pu quitter Saint-Etienne, son avion n'ayant pu décoller à cause de la tempête. Il m'a donc demandé de le suppléer.

Les deux projets de budgets annexes que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui évolueront de façon divergente en 2001 : léger recul pour le budget annexe de la Légion d'honneur, augmentation pour le budget annexe de l'ordre de la Libération.

Les crédits de l'ordre national de la Légion d'honneur passeront en effet de 124 millions de francs en 2000 à 121 millions en 2001, soit une baisse de 2,12 %. Cette baisse provient principalement des opérations en capital, car les crédits de paiement prévus à ce titre pour 2001 seront diminués de 2,6 millions de francs. Cela étant, les travaux de réfection du cloître se poursuivent. D'un montant estimé de 37 millions de francs, cette restauration a déjà bénéficié de 27 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement. Pour 2001, 10 millions de francs supplémentaires seront inscrits en autorisations de programme et 6 millions en crédits de paiement.

Parmi les dépenses de fonctionnement, les charges de p ersonnel progressent modérément, sous la seule influence de l'extension en année pleine de certaines mesures indemnitaires.

Par ailleurs, comme le souligne M. Cabal depuis qu'il est en charge de ce budget annexe, l'état de vétusté du musée et les insuffisances en matière de sécurité mettent en péril la conservation des collections et appellent des travaux de réaménagement, évalués à 12 millions de francs au moins. L'établissement public du musée est désormais financé par le budget annexe. Cette liquidation permettra de tirer partie des réserves du musée, de l'ordre de 14,5 millions de francs, pour réaliser les travaux nécessaires avant le bicentenaire de l'ordre, en 2002.

Pour les autres dépenses de fonctionnement, il faut mentionner la stabilité des crédits destinés à secourir les membres des ordres nationaux et les médaillés militaires et des montants inscrits pour les traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires.

Corrélativement à la diminution des dépenses, les ressources de l'ordre diminueront globalement de 2,12 % : croissance de 2,03 % pour la subvention inscrite au budget de la justice, mais baisse de 26,23 % pour les recettes propres. Ce dernier chiffre recouvre une stabilité des droits de chancellerie, un accroissement de 5 % des prix des pensions et trousseaux et, surtout, une reprise sur provisions à hauteur de 5 millions de francs, afin de financer une partie des travaux du cloître. Un prélèvement de 10 millions de francs a déjà été opéré sur l'exer cice 2000. Le budget annexe avait effectivement constitué 15 millions de francs de réserves il y a une dizaine d'années, face à l'irrégularité des versements de la subvention, problème qui a aujourd'hui disparu.

Pour l'ordre de la Libération, les crédits augmenteront, en 2001, de 11,1 %. Cette augmentation provient d'une inscription supplémentaire de 600 000 francs au titre des dépenses en capital, qui vient s'ajouter aux 800 000 francs initialement prévus. Ce montant devrait permettre de clore le financement des travaux de réfection de l'installation électrique de la chancellerie. Evalués à 3,2 millions de francs, ces travaux, qui débuteront prochainement, seront ainsi financés sur quatre exercices successifs, de 1998 à 2001.

Globalement, la subvention du budget de la justice, qui couvre l'intégralité du financement du budget annexe de l'ordre de la Libération, atteindra donc 5,5 millions de francs en 2001, contre 4,9 millions en 2000.

Je m'en tiendrai là pour la présentation des crédits budgétaires, en vous renvoyant au rapport écrit de Christian Cabal pour une analyse plus détaillée, car je souhaite maintenant faire le point sur l'évolution récente des missions confiées à l'ordre national de la Légion d'honneur.


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La première mission confiée à l'ordre est de mettre en oeuvre, dans le cadre du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, les orientations générales définies par le grand maître en matière de nominations et de promotions. Ces orientations prennent traditionnellement la forme de décrets qui fixent, pour une période de trois ans, les différents contingents de médaillés. Ainsi les décrets du 6 mars 2000 ont-ils maintenu les contingents dans l'ordre de la Légion d'honneur pour les années 2000, 2001 et 2002.

En même temps, conformément au souhait exprimé par le Président de la République dès février 1996, l'accent continue d'être mis sur le caractère universel des ordres. L'augmentation régulière du nombre de femmes dans les promotions civiles de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite caractérise bien cette évolution.

Ainsi la proportion de femmes dans les nominations et promotions de l'ordre de la Légion d'honneur atteint-elle aujourd'hui plus de 32 %, soit deux fois et demie ce qu'elle était en 1995. Après Mme Geveniève de GaulleA nthonioz en 1997, après Mme Germaine Tillion en 1999, toutes deux à titre civil, le général Valérie André est devenue cette année la première femme élevée à la dignité de grand'croix à titre militaire.

L'ordre de la Légion d'honneur remplit une seconde mission, à laquelle nous sommes tous ici attachés : l'éducation des filles et des petites-filles des membres français de l'ordre, des filles des membres de l'ordre du Mérite et, bientôt, des arrière-peties-filles des membres de la Légion d'honneur, ainsi que des petites-filles des membres de l'ordre du Mérite.

Les maisons d'éducation de Saint-Denis et des Loges accueillent chaque année près de 1 000 jeunes filles dans des classes qui vont désormais de la sixième à la khâgne, sans oublier les deux années de BTS de commerce international. La haute qualité de l'enseignement qui y est disp ensé s'est maintenue l'année dernière, comme en témoignent les taux de réussite remarquables aux différents examens : 98,25 % au brevet des collèges, 97,27 % au baccalauréat et 100 % au BTS. En outre, deux élèves de la classe de khâgne ont été admissibles à l'Ecole normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud.

La commission des finances, sur la proposition de Christian Cabal et conformément à la tradition, a adopté à l'unanimité les crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération, et je vous demande, mes chers collègues, de faire de même.

M. Jean-Claude Lenoir.

Excellent !

Mme Sylvia Bassot.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

Le budget annexe de la Légion d'honneur atteindra en 2001, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, en recettes et en dépenses, 121,3 millions de francs, dont 107,5 millions de francs de crédits de fonctionnement, soit une stabilité par rapport à 2000, et 13,8 millions de francs de crédits d'investissement, ce qui correspond à une diminution de 2,6 millions de francs résultant principalement de la baisse des crédits de paiement afférents aux opérations menées sur les maisons d'éducation. Le budget global sera, pour cette raison, en diminution de 2,12 % par rapport à la dotation de l'exercice précédent. Il fallait expliquer pourquoi.

Les ressources du budget annexe de la Légion d'honneur pour 2001 sont principalement constituées par la subvention versée par le ministère de la justice, qui s'élèvera à 107,9 millions de francs en 2001 contre 105,7 millions en 2000, soit une augmentation de 2 %. L'effort de mon ministère en faveur de l'institution va donc au-delà de la progression du budget de l'Etat.

Les recettes propres de la Légion d'honneur, d'un montant de 8,4 millions de francs, sont en augmentation de 2,9 %. Elles sont constituées essentiellement par la perception des droits de chancellerie, des pensions et trousseaux des élèves des maisons d'éducation.

S'agissant des dépenses, les crédits de fonctionnement - 107,5 millions de francs - sont inchangés par rapport à 2000. Ils assurent le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services ainsi que l'action sociale menée par la grande chancellerie.

Dans ce total, une dotation de 8,15 millions de francs a été calculée pour permettre de régler les traitements des membres du premier ordre national et des médaillés militaires.

Les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite, ainsi que les concessions de la médaille militaire, qui constituent la raison d'être de la grande chancellerie, ont concerné, en 1999, plus de 14 000 citoyens français, hommes et femmes, civils et militaires.

Les effectifs des décorés vivants, pour la Légion d'honneur, atteignaient 111 449 membres au 30 juin 2000. En 1962, cet effectif a culminé à 320 000 membres. Mais il faut rappeler que, pour lutter contre ce qu'on appelait l'« inflation de décorations », le Président de la République prescrivit une politique de baisse volontariste et fixa, dans le code de la Légion d'honneur, un effectif à atteindre, pour la fin du XXe siècle, de 125 000 membres.

Cet objectif a donc été atteint à la date prévue.

Sur le plan qualitatif, les ordres nationaux se sont ouverts aux activités civiques de toute nature.

Vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, un effort particulier est fait depuis trois ans pour la promotion des femmes : en 1999, elles ont représenté 26 % des personnes décorées. Ce taux est en forte progression puisqu'il n'était que de 20 % en 1998. Cette évolution montre que les administrations sont désormais sensibilisées à cette question et font de réels efforts pour tendre vers la parité, conformément d'ailleurs à ce que vous avez demandé personnellement à l'ensemble des membres du Gouvernement et au Premier ministre, monsieur le grand chancelier.

Les dépenses en capital prévues en 2001 représentent 17,8 millions de francs en autorisations de programme et 13,8 millions de francs en crédits de paiement.

Pour 2001, la dotation des crédits de paiement est essentiellement consacrée à l'entretien des bâtiments des maisons d'éducation et de la grande chancellerie ainsi qu'aux travaux de restauration du cloître de l'abbaye de Saint-Denis. Pour poursuivre cette opération, le financement des travaux de restauration du cloître, dont le coût est estimé à 37 millions de francs, sera assuré, en loi de finances initiale pour 2001, par une dotation budgétaire de 10 millions de francs en autorisations de programme et 6 millions de francs en crédits de paiement.

Dans ses deux maisons d'éducation, la grande chancellerie de la Légion d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de mille élèves, filles et petites-filles des membres français de l'ordre. Selon une habitude bien établie, les résultats obtenus aux examens, à la fin de l'année scolaire 1999-2000, par les élèves des maisons d'éducation, ont été excellents : 98,20 % d'entre elles ont


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obtenu le brevet des collèges, alors que le taux de réussite national est de 78,70 % ; 97,20 % ont réussi aux épreuves du baccalauréat, alors que le taux de réussite national est de 79,50 % et, mieux que tout, 100 % des candidates ont obtenu le BTS. Cela prouve la qualité de l'enseignement.

En 2002 sera célébré le bicentenaire de l'ordre national de la Légion d'honneur. Cet anniversaire sera solennellement marqué par des manifestations qui illustreront la place de l'ordre dans la société française et le rôle d'éducation civique qui est le sien. Le projet de budget annexe qui vous est présenté doit permettre à la Légion d'honneur de se préparer à célébrer dignement cet événement.

En effet, qui mieux que cet ordre pourrait remplir une telle fonction d'éducation civique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

BUDGET ANNEXE DE LA LÉGION D'HONNEUR

Mme la présidente.

J'appelle les crédits du budget annexe de la Légion d'honneur.

« Crédits ouverts à l'article 35 au titre des services votés : 107 607 084 francs. »

« Crédits ouverts à l'article 36 au titre des mesures nouvelles :

« Autorisations de programme inscrites au paragraphe I : 17 815 000 francs ;

« Crédits inscrits au paragraphe II : 13 685 000 francs. »

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 35 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 36 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)

BUDGET ANNEXE DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

Mme la présidente.

J'appelle les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération.

« Crédits ouverts à l'article 35 au titre des services votés : 4 909 598 francs. »

« Crédits ouverts à l'article 36 au titre des mesures nouvelles :

« Autorisations de programme inscrites au paragraphe I : 600 000 francs ;

« Crédits inscrits au paragraphe II : 600 000 francs. »

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 35 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 36 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures trente.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, concernant l'aménagement du territoire.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mes chers collègues, le cadre dans lequel s'organise l'examen des crédits budgétaires consacrés à l'aménagement du territoire est désormais fixé par plusieurs grands textes importants : la loi d'orientation du 25 juin 1999 ; la loi sur la coopération intercommunale du 12 juillet 1999 ; la loi d'orientation agricole, qui les a précédées. Sans oublier la négociation des nouveaux contrats de plan et la relance budgétaire des crédits de l'aménagement du territoire constatée l'an dernier. Par ailleurs, les nouveaux zonages mis en oeuvre l'an dernier vont modifier la détermination et l'application sur le terrain de la politique d'aménagement du territoire.

C'est dire si une bonne appréciation de l'effort consenti pour soutenir la politique d'aménagement du territoire d oit être précédée par une analyse détaillée, mais complexe, des enveloppes financières correspondantes.

Cette politique procède de fonds et de budgets très divers et s'inscrit dans une vision d'ensemble, largement interministérielle.

Les crédits spécifiques ressortissant du ministère coordonnateur méritent d'être présentés avec précision car leur engagement produit des effets d'entraînement évidents. On doit noter, à cet égard, pour 2001, l'effet de ciseau constaté entre les évolutions contraires des autorisations de programme, d'une part, et des crédits de p aiement, d'autre part. Ces évolutions divergentes rendent quelque peu malaisées les comparaisons et posent un problème récurrent, celui du rythme d'exécution des budgets - dont celui de l'aménagement du territoire. Je formulerai d'ailleurs, à la fin de mon propos, une observation votée par la commission des finances lors de sa réunion du 24 octobre dernier.

Pour décrire les principales tendances de ce budget pour 2001, on peut avancer plusieurs considérations.

La somme des dépenses ordinaires et des crédits de paiement pour les dépenses en capital atteint désormais 1 749 millions de francs, soit une diminution légèrement inférieure à 10 % par rapport aux crédits inscrits dans le budget de l'an 2000. Les moyens des services, qui concernent la DATAR, progressent de 3,7 % et s'établissent désormais à 123,56 millions de francs.

S'agissant de l'Agence française des investissements internationaux, qui est une création suscitée par la DATAR, les membres de la commission se sont félicités de la réunion des moyens destinés à susciter et à diriger les investissements étrangers vers notre pays : ils considèrent qu'elle contribuera utilement à épauler la politique d'aménagement du territoire. En revanche, ils ont été dubitatifs s'agissant de l'intérêt et des actions de l'Institut des hautes études de l'aménagement du territoire, créé dans les mêmes conditions.

Les crédits alloués à la prime d'aménagement du territoire sont portés à 400 millions de francs, ce qui, en autorisations de programme, correspond à une hausse


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supérieure à 14 %. Les crédits de paiement sont de 300 millions de francs, contre 420 millions de francs l'an dernier. Mais l'importance des reports de 2000 sur 2001 explique largement ce phénomène de réduction.

Les crédits du Fonds national d'aménagement du territoire se montent à 1 325,5 millions de francs - dotation ordinaire plus crédits de paiement -, soit une baisse de 5,5 % par rapport à ceux constatés en l'an 2000. Mais dans le même temps, les autorisations de programme augmentent sensiblement, de près de 12 %, d'une année sur l'autre.

De manière encore plus synthétique, on peut considérer que les autorisations de programme dans le projet de budget pour 2001, qui relèvent exclusivement des subventions du titre VI - PAT plus FNADT -, sont en augmentation de 12,42 %. C'est cette évolution qui traduit le mieux la volonté politique qui transparaît dans ce budget. Il n'en reste pas moins vrai qu'un suivi de terrain vigilant s'impose en toute priorité, afin d'améliorer le rythme de consommation des crédits.

Pour cette année, il convient de mettre l'accent sur la mise en oeuvre des nouveaux contrats de plan pour la période 2000-2006. L'augmentation est très sensible par rapport aux contrats de plan précédents, puisqu'elle s'évalue, en pourcentage, à environ 47 %.

Sur la période considérée, compte tenu de l'ensemble des moyens des différents ministères concernés, ce sont près de 115 milliards de francs qui seront consacrés aux contrats de plan. Il faut y ajouter, à la suite des décisions prises par le CIADT de février 2000 réuni à Nantes, 4 milliards de francs destinés à financer des avenants aux contrats de plan après les intempéries et la marée noire qui ont frappé les régions de l'Ouest et du grand SudOuest - Aquitaine, Pays de Loire, Poitou-Charentes, Limousin - ainsi que la Lorraine, qui a été particulièrement éprouvée par la tempête.

J'en viens aux instruments financiers de la politique d'aménagement du territoire, tels qu'ils avaient été mis en place par la loi Pasqua de février 1995. Le FITTVN - fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables -, qui était un compte spécial du Trésor, a été supprimé par l'article 22 de la loi de finances et ses crédits seront désormais gérés par le ministère de l'équi pement, des transports et du logement. Il en sera de même pour le fonds de gestion de l'espace rural, qui relevait du ministère de l'agriculture.

Le fonds de gestion des milieux naturels a été également supprimé, mais on peut considérer que l'augmentation très sensible des crédits consacrés à l'environnement comblera utilement cette disparition.

Les crédits du fonds de développement des entreprises, financé par différents concours- ministère de l'industrie, Caisse des dépôts et consignations - et par emprunts, seront équivalents à ceux dégagés l'an dernier.

Enfin, le fonds d'intervention des aéroports et transports aériens, qui a changé de nom, sera désormais géré directement par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, ses crédits de paiement s'élevant cette année à 279 millions de francs.

Au titre des fonds européens d'aménagement du territoire, la France devrait recevoir pour 2001 un montant de crédits évalué à 21 807 millions de francs. Suite aux observations présentées ici même et aux réformes initiées par le Gouvernement, les circuits financiers devraient être raccourcis et l'utilisation de ces crédits facilitée.

C'est sur la base de ces informations et de ces renseignements que la commission des finances, réunie le 24 octobre dernier, a émis un avis positif à l'adoption de ces crédits.

A l'issue de l'examen du fascicule budgétaire, la commission a également adopté l'observation suivante :

« La commission des finances, de l'économie générale et du plan demande que les procédures d'obtention des aides à la localisation d'activités créatrices d'emplois (prime d'aménagement du territoire) soient rénovées, à l'occasion de la prochaine réforme de la prime, pour permettre la consommation des crédits votés. »

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Madame la présidente, mes chers collègues, la commission de la production et des échanges a auditionné Mme la ministre le 3 octobre, et, après avoir entendu son exposé sur les crédits de son département ministériel pour 2001, a pu l'interroger sur divers points concernant tant le budget lui-même que la mise en application de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire. Le 18 octobre, elle a examiné pour avis les crédits. Je voudrais donc, le plus succinctement possible, rappeler l'analyse que nous avons faite des crédits et rapporter les observations formulées au cours de leur examen.

Ce projet de budget se caractérise par des évolutions de crédits très contrastées. Les autorisations de programme, comme vient de la rappeler Alain Rodet, rapporteur spécial, progressent de 13,4 % par rapport à l'année 2000, alors que les moyens de paiement reculent de 9,8 %. Les crédits demandés passent de 1 941,8 millions de francs pour 2000 à 1 749 millions de francs pour 2001.

Vous nous avez indiqué, madame la ministre, qu'on ne manquerait pas de crédits de paiement en raison de la sous-consommation des crédits et que cette sous-consommation s'expliquait par l'irrégularité des flux d'arrivée des dossiers de projets. La commission a entendu ces explications, mais, dans le même temps, elle s'est inquiétée de savoir si le manque de moyens de la DATAR pour assurer ses missions croissantes de gestion n'avait pas aussi des conséquences sur la gestion des dossiers et la consommation des crédits.

Pour ce qui est des autorisations de programme, le projet de budget paraît beaucoup plus dynamique. Avec un montant de 2 406 millions de francs, les autorisations de programme progressent de 13,4 % par rapport à 2000, après une augmentation de 5,7 % entre 1999 et 2000.

Les autorisations de programme correspondent, nous le savons, à des crédits ayant vocation à financer des dépenses s'étalant sur plusieurs années, dépenses qui ne pourront être payées que si les crédits de paiement correspondants sont disponibles l'année où elles doivent être réglées.

Le dynamisme noté au plan des autorisations de programme doit donc valoir engagement moral à ouvrir les crédits de paiement le moment venu.

Avec une dotation de 123 millions de francs pour 2001, contre 119 millions en 2000, les crédits de la DATAR progressent de 3,7 %. Le budget de fonctionnement permettra d'amorcer le renforcement des moyens humains de cette administration dans le sens de ce qui nous paraissait nécessaire.


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Les crédits de la prime d'aménagement du territoire connaissent une évolution similaire à celle de l'ensemble du budget : les autorisations de programme progressent de 14,3 %, passant de 350 à 400 millions de francs, tandis que les crédits de paiement reculent de 420 millions à 300 millions de francs, soit une diminution de 28,6 %.

Les observations présentées à l'instant sur les autorisations de programme et les crédits de paiement valent pour cette partie du budget.

Il convient de rappeler que, le décret réglementant l'attribution de la PAT étant devenu caduc depuis le 1er janvier 2000, aucun nouveau dossier n'a pu donner lieu à attribution. Cependant 41 millions de francs ont été attribués au titre de cette prime au cours de l'année 2000 sur des dossiers qui avaient été déposés auprès de la DATAR à la fin de 1999.

La commission a vivement souhaité la parution du nouveau décret dans les délais les plus brefs afin que la procédure d'examen des dossiers puisse reprendre à un rythme régulier et que l'on évite une sous-consommation des crédits ouverts pour 2001.

Les crédits du FNADT, qui se répartissent entre une section générale et une section locale, connaissent, eux aussi, la même évolution contrastée que les autres postes du budget de l'aménagement du territoire : les dépenseso rdinaires et les crédits de paiement reculent de 1 402 millions à 1 325 millions de francs, soit une baisse de 5,5 %, alors que les autorisations de programme passent de 1 193 millions de francs à 1 335 millions, marquant une progression de 11,9 %. Cette augmentation des autorisations de programme constitue un rattrapage à souligner, après le recul observé en 2000. La baisse des crédits de paiement est présentée comme peu significative en raison des importants reports de crédits des années précédentes qui pourraient s'élever à 400 millions de francs. Cette observation est certes administrativement valable, mais elle ne peut pas politiquement nous satisfaire, car elle traduit, sur la durée, une sous-consommation regrettable des crédits.

La loi du 4 février 1995 a institué trois fonds d'intervention qui ne relèvent pas du budget de l'aménagement du territoire au sens strict du terme, mais qui concourent aussi à l'aménagement du territoire. Il s'agit du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN ; du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, qui a remplacé le fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA, et du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.

Le FITTVN est un compte d'affectation spécial du Trésor. Ses recettes qui, en prévision, sont fixées à 4 520 millions de francs, ce qui correspond à une hausse de 4,2 %, proviennent, comme chacun le sait, du produit de deux taxes créées par la loi de finances pour 1995 : la taxe perçue sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés et la taxe due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

La suppression de ce fonds est proposée par l'actuel projet de loi de finances. Par contre, les taxes qui, jusque-là l'alimentaient, ne sont pas supprimées et le Gouvernement a pris l'engagement de faire évoluer les crédits auparavant individualisés au sein du fonds selon la même dynamique que le taux de croissance du nombre de kilomètres parcourus sur les autoroutes à péage. Il s'est engagé, en outre, à transmettre au Parlement, avant le 30 juin 2002, un rapport relatif au bilan du développement de la politique intermodale et du financement des infrastructures de transport.

Plusieurs membres de la commission ont fait part de leurs préoccupations quant à l'affectation des crédits correspondant aux recettes en provenance des deux taxes précitées qui tombent dans le budget général. Les investissements de transport en seront-ils affectés alors que le développement du transport intermodal a besoin non pas de moins de ressources, mais de ressources supplémentaires ? J'ai relevé, au cours de la discussion de la première partie, qu'en s'exprimant sur un amendement présenté par Jean-Pierre Brard, M. le secrétaire d'Etat au budget a garanti que les anciens crédits du FITTVN seront ajoutés à ceux du budget général.

Les recettes du FIATA, qui est également un compte spécial du Trésor, proviennent d'une partie du produit de la taxe sur l'aviation civile. Pour l'année 2000, elles ont été estimées à 361 millions de francs. Sur cette enveloppe, 50 millions ont été consacrés à la subvention de dessertes réalisées dans l'intérêt de l'aménagement du territoire. La reconduction des aides aux liaisons subventionnées et les nouvelles mesures susceptibles d'être mises en place pourraient se traduire, pour 2001, par un impact financier en augmentation de 19,6 millions.

Le FGER ne reçoit plus de crédits et les opérations qu'il permettait de financer par le passé le sont désormais par le fonds de financement des contrats territoriaux.

Le fonds de gestion des milieux naturels, dont les missions traduisent des préoccupations de protection de l'environnement voit ses crédits inscrits à la section environnement.

Quant au FNDE, il a pour objet de renforcer les fonds propres des entreprises et de favoriser l'accès au crédit.

Son fonctionnement gagnerait à être un peu plus lisible.

En 1999, 2 800 prêts ont été accordés pour un montant de 140 millions de francs, ce qui a généré 7 000 emplois.

Depuis sa création, quelque 30 000 emplois ont été créés avec une mobilisation de 600 millions de francs. Ces crédits devraient, sans aucun doute, faire l'objet d'une contractualisation avec les régions dans le cadre des contrats de plan.

Enfin, il y a les actions de restructuration et de reconversion industrielles du ministère de l'industrie, dont l'évolution des principales dotations est détaillée dans mon rapport écrit.

En conclusion, la discussion, qui a été variée et riche, a porté principalement sur le décalage important entre, d'une part, les autorisations de programme qui progressent de façon significative et, d'autre part, les moyens de paiement qui reculent. Le fait que les autorisations de programme augmentent de 13,4 % pour 2001, traduit de fortes ambitions en matière d'aménagement et de développement durable du territoire.

Il reste à faire en sorte que ces engagements se traduisent par la mise en oeuvre concrète d'actions utiles au développement. Cela suppose que les acteurs du développement se mobilisent pour accélérer l'application des contrats de plan et s'efforcent d'améliorer la mise en oeuvre des projets dont la réalisation est souvent entravée par la complexité des financements. A cet égard, l'augmentation des moyens propres de la DATAR, soulignée de manière positive, devrait aussi y contribuer.

Il nous restera - et les membres de la commission l'on souligné fortement - à veiller à ce que suive l'inscription future des crédits de paiement nécessaires à la réalisation des politiques annoncées.


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C'est dans cet esprit que la commission, dans sa majorité, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Dans la discussion, la parole est à

M. Yves Coussain, premier orateur inscrit.

M. Yves Coussain.

Madame la ministre, un budget s'évalue d'abord à la qualité des ambitions et des objectifs qu'il sert et non aux sommes mises en jeu et aux crédits dégagés.

M. Jean-Claude Lenoir.

Très bien !

M. Yves Coussain.

L'aménagement du territoire doit favoriser le développement harmonieux des régions, de toutes les régions. Il doit leur donner, en fonction de leurs spécificités naturelles et humaines, la possibilité d'y attirer et d'y maintenir des activités et des hommes.

L'aménagement du territoire est un investissement à long terme, dont les bénéfices sont pour les générations à venir. Il doit s'appuyer sur une vision à long terme et exprimer une volonté politique claire.

Madame la ministre, serait-il bon qu'en 2020 la population française soit concentrée autour d'une trentaine d'agglomérations et de quelques villes satellites ? C'est pourtant ce que nous prédisent quelques savantes projections, épousant la loi du marché mondial et adaptant l'évolution de nos territoires. Est-ce ce que nous voulons ? Est-ce ce que souhaitent nos concitoyens ? Non ! De nombreuses études d'opinion l'attestent : une bonne moitié des Français souhaiterait vivre à la campagne si cela était possible, s'il y avait du travail. Le rôle de la collectivité nationale, de l'Etat est de favoriser la réalisation de ce choix, donc de contrer la perspective affichée.

Est-il bon, madame la ministre, pour l'équilibre écologique de notre continent, de notre planète, que les populations soient regroupées autour de quelques grandes agglomérations et désertent les espaces ruraux par obligation ? Non ! Malgré vos efforts, malgré vos combats, que je salue, la pollution s'aggrave et menace les grands équilibres atmosphériques. La santé - surtout celle de nos enfants - est fragilisée par le stress urbain et par les gaz d'échappement.

Le propre d'une politique d'aménagement du territoire est de corriger, voire de combattre les logiques aveugles du marché. Celles-ci, pour des raisons évidentes de rentabilité immédiate et de compétitivité, privilégient l'investissement et le développement des activités dans les zones à forte densité de populations et de services.

J'ai certes la conviction, comme beaucoup de nos concitoyens, que l'aménagement du territoire est un bon thème de discours, mais que cela ne va guère plus loin.

L'argent public, la grosse masse des interventions publiques accompagnent en fait l'investissement privé, guidé, lui, tout à fait normalement, par des préoccupations financières à court terme.

Ces interventions publiques se limitent, pour les rendre supportables, à réduire les dégâts sociaux, sanitaires et écologiques d'une économie mondiale soumise à des critères financiers et non humains. Elles ne favorisent pas l'occupation harmonieuse des territoires, condition de l'épanouissement et du bonheur de l'homme et base d'une véritable politique d'aménagement du territoire. Ce dernier, je le regrette, est en fait une illusion et un mot derrière lequel se réfugient nos bonnes consciences.

Néanmoins, nous sommes réunis pour examiner votre projet de budget pour 2001 et je dois dire que l'insignifiance des sommes par rapport à l'enjeu rend cette exercice factice. Au nom du groupe de l'Union pour la démocratie française, je vais cependant m'y livrer en trois temps.

D'abord, la présentation de votre budget est véritablement en trompe-l'oeil. Elle ne peut donc donner lieu qu'à des interprétations très contradictoires.

Ainsi vous annoncez, avec satisfaction, que les moyens augmentent de 13,4 %. Cela est vrai en autorisations de programme, mais les crédits de paiement baissent, eux, de 9,8 %, régressant globalement, PAT et FNADT confondus, de 1 941 à 1 749 millions de francs. Ce décalage important entre les autorisations de programme et les crédits de paiement nous conduit à douter de la qualité et de la stabilité des moyens consacrés à l'aménagement du territoire.

La non-consommation des crédits de paiement ne saurait être imputée à l'absence de projets dans notre économie en expansion. En effet, les entreprises et les collectivités ont des projets. Tout simplement, les subventions d'encouragement sont trop rigides ou mal adaptées à l'économie en mutation et les seuils sont trop élevés.

M. Michel Meylan.

C'est vrai !

M. Yves Coussain.

Certes, vous nous l'avez dit, nous sommes en période transitoire. Peut-être est-ce une partie de l'explication, mais vous avouerez que cette période transitoire est longue, beaucoup trop longue. Cela est du à une hésitation coupable, révélatrice d'une absence de volonté plus qu'à un souci de concertation.

Dans ce budget, le seul poste bénéficiant d'une croissance des crédits de paiement est celui consacré aux moyens de fonctionnement de la DATAR. Tant mieux, pour son délégué et pour son personnel dont je salue la compétence et le dévouement.

M. Jean-Claude Lenoir.

Très bien !

M. Yves Coussain.

Cela me semble révélateur de la politique générale de votre gouvernement : quand il y a un problème, on ne s'attaque pas à ses sources, mais on crée de nouveaux postes de fonctionnaire, donc de nouvelles dépenses publiques.

Notre appréciation des chiffres est globalement négative face à ces évolutions contradictoires des autorisations de programme et des crédits de paiement. La nonutilisation de ces derniers justifie leur baisse, mais que vaudront les autorisations de programme s'il n'y a pas de crédits de paiement ? De plus, un budget doit être lisible et compréhensible par tous les citoyens. Or les reports de crédits dont il est truffé, les glissements entre autorisations de programme et crédits de paiement s'adressent à des initiés, nuisent à sa clarté et sont, à notre avis, contraires à un bon exercice de la démocratie.

Maintenant, que dire des outils d'aménagement du territoire, lequel bien sûr ne se résume pas - et heureusement ! - au budget que nous examinons ? En effet, on peut considérer, en se référant au jaune budgétaire, que l'Etat consacre plus de 50 milliards à ses missions d'aménagement du territoire, essentiellement par le biais des ministères de l'équipement et de l'agriculture. Cependant, il les exerce aussi au travers des fonds spéciaux créés essentiellement par la loi d'orientation de 1995. Or quel est leur avenir ? Le Fonds national de développement des entreprises, d'abord, le FNDE, destiné à soutenir la création d'entreprises dans des zones ciblées, a été doté, voilà trois ans,


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de 200 millions de francs en regroupant une série de mesures disparates. Comptez-vous, madame la ministre, donner une vie concrète à ce fonds ? Le capital risque est encore timide dans notre pays, alors que, chez nos concurrents anglo-saxons, il contribue à la création et au développement de nombreuses PME, en particulier dans le secteur de l'économie de l'information et des biotechnologies. Nous aimerions connaître vos intentions vis-àvis du FNDE, et, surtout, savoir comment vous comptez l'activer.

Le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, créé par la même loi, a permis de réaliser des investissements significatifs dans l'aménagement routier de certains territoires, le Massif central en particulier. Ce fonds va être intégré au budget.

Pouvez-vous, madame la ministre, prendre l'engagement que cela n'entraînera pas un désengagement de ces territoires, qu'il n'y aura pas diminution des crédits, en particulier en faveur du transport intermodal ou de certains axes routiers non inclus dans le schéma des grandes lois d'aménagement du territoire, mais dont la modernisation est indispensable pour les économies locales ? Quant au fonds de péréquation des transports aériens, devenu d'ailleurs fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, il n'est pas abondé en 2001. Il a pour vocation essentielle et initiale d'assurer l'équilibre, donc la pérennité, de dessertes aériennes déficitaires mais indispensables à la vie de petits bassins d'activité. La raison du non-abondement est simple et comptable : les reports de crédits suffisent. La vraie question est, en fait, celle de savoir pourquoi il subsiste tant de crédits à reporter.

En ma double qualité de représentant de notre assemblée à ce fonds et d'utilisateur de ces lignes, je pense pouvoir répondre.

En fait, ce fonds n'assure pas sa mission, qui devrait être de réduire le prix des billets afin de les rendre accessibles à tous, petits entrepreneurs et usagers particuliers compris, parce que Bercy et la direction de l'aviation civile s'y opposent. Ainsi, un billet Paris-Aurillac, ParisBrive, Paris-Rodez ou Paris-Périgueux coûte environ 3 500 francs, ce qui est beaucoup plus cher que Paris-New York, ou Paris-San Francisco ! Cela est tout à fait anormal. En réalité seuls ceux qui ne sortent pas le prix de ce billet de leur poche peuvent utiliser ce mode de transport, alors qu'il est le seul moyen rapide entre Paris et les petites villes de préfecture.

Ce fonds devrait mieux assurer sa mission première et participer au désenclavement des bassins de vie préfectoraux. Vous seule, madame la ministre, et le Gouvernement pouvez rendre à ce fonds sa légitimité. Il doit accomplir pleinement sa mission première, qui est de rendre accessible le transport aérien à tout le monde, et être abondé pour cela. Vidé de ses objectifs, comme cela a été le cas, il n'a effectivement pas besoin de crédits nouveaux. Il s'agit d'une affaire de volonté politique. Elle doit triompher des simples logiques comptables qui prédominent actuellement.

Madame la ministre, il est un autre moyen de communication pour lequel l'Etat et la collectivité nationale ont la responsabilité de corriger le marché, de mettre à égalité de chances l'ensemble des territoires : il s'agit du téléphone mobile et des techniques de l'information et de la communication.

Les grands opérateurs, soumis à la loi du marché et à des exigences de rentabilité financière, concentrent leurs efforts d'équipement sur les zones à fort potentiel de clients. En revanche, ils délaissent les territoires ruraux mal desservis. Ces derniers ne sont donc pas couverts, ce qui les place en position de faiblesse concurrentielle.

Seule l'intervention publique peut pallier ce déficit. Le schéma de service collectif de l'information et de la communication prévoit-il la création d'un fonds de développement des télécommunications qui comblerait ce vide ? Enfin, le troisième volet de mon intervention portera sur l'évolution de la législation et des réglementations relatives à l'aménagement du territoire.

Comme vous l'avez souligné en commission, madame la ministre, les trois dernières années ont été marquées par la remise en cause des politiques et des instruments existants, ainsi que par la conception et la définition de nouveaux outils. A la base de cette évolution figurent la loi d'orientation promulguée le 25 juin 1999 et les nouveaux zonages. Cependant les textes d'application de la loi tardent à sortir : quinze mois pour quatre décrets, c'est long.

Les initiatives locales ont déjà été freinées par les difficultés à concilier votre loi avec celle sur l'intercommunalité de Jean-Pierre Chevènement et avec les exigences de celle à venir sur la solidarité et le renouvellement urbains.

Vous aviez déclaré l'urgence pour l'examen de votre projet par le Parlement. Il y a maintenant urgence à publier les textes d'application, en particulier les neuf schémas de services collectifs. Nous les attendions parce que vous nous les aviez annoncés pour la fin 2000. Cela aurait été souhaitable dans un souci de cohérence des contrats de plan Etat-région qui sont maintenant signés. Vous avez réaffirmé qu'ils seraient soumis à la consultation locale avant la fin de l'année. J'en prends acte, mais celle-ci approche.

Vous aviez reproché, madame la ministre, à la loi d'orientation de février 1995 ses retards dans la mise en oeuvre ; je crains qu'ils ne soient autrement plus conséquents pour votre loi de 1999. Je le regrette, et les élus locaux encore plus.

Les zonages eux aussi connaissent d'importantes évolutions. Leur redéfinition bouleverse la carte des aides. Certains territoires se trouvent lourdement pénalisés par la perte de l'éligibilité à la PAT. Des investissements créateurs d'emplois y seront remis en cause non seulement du fait de la suppression de la prime à l'aménagement du territoire, mais également parce que les possibilités d'intervention des collectivités - aides à l'immobilier, exonérations fiscales - liées à la PAT y sont elles aussi supprimées, sinon drastiquement plafonnées. Vous vous étiez engagée à étudier la possibilité d'un décrochage de ces aides par rapport à l'éligibilité à la PAT. C'est un point essentiel. Où en êtes-vous ? Avez-vous pu obtenir une dérogation ? Déjà exclus de la PAT, sur la base de critères contestables, certains de ces territoires se verront de surcroît privés des aides européennes au titre de l'objectif 2. Pour respecter les exigences de l'Union européenne, vous avez dû procéder à des charcutages territoriaux sans aucune l ogique économique. Pour comprendre et faire comprendre les chevauchements entre territoires ruraux de développement prioritaire, zones de revitalisation rurale, zones « pâtées » - le joli mot ! -, zones « objectif 2 », il faudra désormais se livrer à des exercices cartographiques plutôt surréalistes !


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Madame la ministre, chers collègues, on ne peut faire d'aménagement du territoire dans une telle confusion. La simplicité et la clarté dans les objectifs, dans les moyens, dans les zonages territoriaux sont indispensables.

Le développement harmonieux des territoires est une grande ambition qui exige d'être conduite sur le long terme. Il ne saurait se satisfaire de la médiocrité gestionnaire et comptable. Le groupe UDF votera contre votre projet, tout simplement parce qu'il n'y voit aucune véritable politique d'aménagement du territoire. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Avec le projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre, mes chers collègues, c'est à une Bérézina de l'aménagement du territoire que nous assistons.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Voilà ce qui s'appelle être nuancé !

M. Yves Deniaud.

Sûrement pas ! Dissipons tout de suite le rideau de fumée d'une prétendue augmentation grâce au montant des autorisations de programme. Cette astuce est tellement éculée que j'ai du mal à imaginer comment le Gouvernement ou ses conseillers ont pu l'envisager. Il faut de surcroît un singulier aplomb pour oser l'utiliser alors même que l'on justifie la baisse dramatique des crédits de paiement par leur sous-consommation, démontrant par voie de conséquence le caractère hautement illusoire des autorisations de programmes précédemment annoncées. L'énormité de cette contradiction laisse vraiment à penser que l'on se moque carrément de la représentation nationale et, à travers elle, de tous le acteurs du développement de ce pays ! Entrons dans le détail. Avec 1,749 milliard de francs de crédits de paiement, c'est une baisse de 10 % que nous constatons par rapport à l'an dernier. Cela nous ramène très exactement au chiffre de 1997 dont nous n'étions pas particulièrement fiers, alors qu'il était d'autant plus méritoire que la situation économique était moins favorable.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En d'autres termes, quatre ans pour rien, alors que, durant cette période, les dépenses totales du budget auront augmenté de 200 milliards de francs ! Le Gouvernement n'a pas cru bon de distraire ne serait-ce qu'une partie infime de cette somme pour des actions qui comptent parmi les plus utiles et les mieux ressenties des interventions de l'Etat.

M. Yves Coussain.

C'est la vérité !

M. Yves Deniaud.

Ça démontre à l'évidence son désintérêt total pour cette politique.

Le budget de l'aménagement du territoire en est réduit à la proportion hautement symbolique d'un millième du budget de l'Etat. Triste record en vérité ! Et quand on creuse un peu plus avant, la débâcle est encore plus flagrante. Dans cette enveloppe restreinte, seules les dépenses ordinaires augmentent, ce qui fait ressortir d'autant plus l'effondrement des crédits de paiement de la prime d'aménagement du territoire, en baisse de 29 % - 300 millions contre 420 en 2000 -, et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, en diminution de 17,5 % - 777,5 millions contre 943,1 en 2000.

S'agissant de la PAT, c'est l'effort en direction des entreprises et de l'emploi des zones les plus défavorisées de notre pays, dans lesquelles vit le tiers de la population, qui se voit drastiquement réduit. Quant à la sousconsommation des crédits antérieurs, n'est-elle pas très largement due, comme l'a souligné d'ailleurs la commission des finances, à l'extrême lourdeur des procédures, qui s'apparente à un pilotage le pied sur le frein ? La meilleure illustration en est le non-remplacement, évoqué par le rapporteur de la commission de la production, du décret de 1995 qui régissait la PAT jusqu'au 1er janvier 2000. L'absence de base légale bloque les opérations ; plus de 70 dossiers, nous indique-t-on, seraient en panne dans l'attente du texte. A ce compte-là, il est effectivement difficile de consommer les crédits ! Quant au FNADT, conçu par la loi de 1995 comme le principal outil financier de l'aménagement du territoire, il marque une baisse globale de 17,5 %, qui atteint même 22,6 % pour les subventions d'investissement du titre VI. Et que l'on nous fasse grâce, là encore, de l'antienne de la sous-consommation ! Il faudrait plutôt se pencher sur la simplification et l'accélération des procédures. De surcroît, 2000 est la première année du contrat de plan. On observe toujours, après un démarrage forcément progressif, un accroissement des demandes. Comment, avec ces moyens misérables, y fera-t-on face sans amplifier les difficultés du parcours du combattant imposé aux porteurs de projets ? C'est finalement ce qu'on sait le mieux faire dans ce secteur ! La baisse des fonds structurels européens alloués à notre pays aurait pourtant dû conduire simultanément à une hausse de l'effort national et à une révolution culturelle dans son organisation et ses modalités de répartition, comme du reste dans l'attribution des crédits européens.

C'est exactement le contraire que nous constatons.

Par ailleurs, et cela a été évoqué par mes prédécesseurs à la tribune, les instruments financiers que la loi de 1995 avait créés s'éteignent l'un après l'autre dans des opérations d'escamotage. Ainsi, le fond de gestion de l'espacer ural a disparu au profit des contrats territoriaux d'exploitation. La faiblesse du nombre des contrats comme des montants en jeu conduisent, en fait, à constater sa suppression pure et simple. Le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables est absorbé cette année dans le budget général. Absorbé en recettes, s'entend ; car du côté des dépenses, nous en sommes pour le moment à 1,8 milliard en moins pour les routes... On nous promet de retrouver 1,5 milliard, ce qui ramènerait la perte à « seulement » 300 millions...

Reste le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, doté de 279 millions, comme l'a indiqué le rapporteur des finances... Mais celui-ci s'est bien gardé de signaler qu'il était de 361 millions en 2000 ! Espérons en tout cas qu'il en restera assez pour financer les études sur l'emplacement et la configuration du troisième aéroport d'Ile-de-France - n'y voyez, madame la ministre, que le souci de vous être agréable...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Décidément, vous avez mangé du lion !

M. Yves Deniaud.

Voilà donc le tableau d'ensemble du désastre financier de l'aménagement du territoire.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Du lion contaminé à l'ESB, même !

M. Yves Deniaud.

Il est vrai que, du côté des textes qui le régissent, les résultats sont du même tonneau. Nous attendons toujours, on l'a rappelé tout à l'heure, les


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décrets sur les schémas de services collectifs, sur les agglomérations, sur le maintien des services publics alors même que les administrations mettent en oeuvre des plans de désengagement ! S'agissant des schémas de services collectifs, je vous avais prévenue l'an dernier que les contrats de plan dont ils devaient fixer le cadre seraient tous signés et lancés bien avant qu'ils ne sortent : c'est exactement ce qui s'est passé. Au point où vous en êtes, ce n'est plus la peine de vous presser parce qu'après les échances de 2002, qui sont maintenant bien proches ; il faudra de toute façon reprendre sérieusement toute la programmation de l'équipement de notre pays, réaliser les contrats de plan en cours et préparer un vrai schéma national. Nous nous y emploierons volontiers.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non, parce que vous allez perdre les élections. C'est cela qui vous rend agressif !

M. Yves Deniaud.

Non, nous ne les perdrons pas.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous êtes partis pour !

M. Yves Deniaud.

En attendant, il est bien évident que votre politique a franchi les limites de l'inacceptable. La grossièreté des artifices de présentation, la lenteur des orientations, l'absence de volonté pour dynamiser les services extérieurs, améliorer leur écoute et leur réactivité démontrent à l'évidence que l'aménagement du territoire est le cadet des soucis du Gouvernement. L'effondrement accéléré des moyens financiers en est la conséquence brutale.

Face à ce budget, que j'aurai le regret de qualifier de honteux, de loin le plus mauvais depuis huit ans...

M. Alain Rodet, rapporteur spécial.

Avant que vous ne repartiez, il avait baissé de 25 % !

M. Yves Deniaud.

... que je suis de près les questions liées à l'aménagement du territoire, le groupe RPR ne peut que formuler le refus le plus catégorique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme MarieFrançoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, le budget dont nous discutons aujourd'hui est hautement symbolique puisqu'il est le premier à s'inscrire intégralement dans le cadre des m oyens d'action issus de la LOADDT votée le 25 juin 1999 ; la plupart des décrets d'application ont été publiés, les contrats de plan signés, les neuf schémas de services collectifs en passe d'être soumis à la consultation locale, la carte des territoires français éligibles aux fonds européens adoptée, l'Institut des hautes études pour le développement et l'aménagement du territoire ainsi que l'Agence française pour les investissements internationaux créés. Autant d'outils mis, dès 2001, au service de l'aménagement du territoire.

I l convient cependant de s'attacher aux moyens budgétaires alloués à ces leviers techniques.

Quoi qu'en dise certains, la progression constante des budgets que vous nous présentez, madame la ministre, se confirme avec une hausse très significative de 13,4 % en autorisations de programme pour 2001.

Toutefois, comme l'ont souligné mes collègues, le rapporteur spécial de la commission des finances et le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, il convient de remarquer que les crédits de paiement affichent une diminution de 9,8 %, même si celle-ci est très nettement moins importante que par le passé. Certes, on l'a dit, cette baisse tient essentiellement aux retards de consommation, à l'ajustement des crédits au rythme effectif d'exécution des politiques.

Au vu de ce constat, il me semble impératif de nous interroger sur l'adéquation des moyens mis à disposition aux besoins réels, tant il est improductif d'inscrire des lignes budgétaires non consommées.

Le fonds national d'aménagement et de développement durable du territoire bénéficiera de moyens substantiels pour contribuer au financement des nouveaux contrats de plan Etat-régions, avec une dotation de 1 883 millions de francs, en hausse de 14 %. Cetta augmentation est le reflet de la volonté gouvernementale de privilégier les moyens financiers en faveur des « territoires de projets » que doivent être les pays et agglomérations. C'est dans ce cadre que les démarches menées par ces structures en matière d'ingénierie de projets pourront être accompagnées. Cette voie ne manque pas d'intérêt ; nous savons bien que plus un territoire est en difficulté, moins il est en capacité de présenter des projets. Aussi ne pouvons-nous que souscrire à votre choix d'aider à l'émergence de projets.

Permettez-moi toutefois de vous faire part de ma crainte de voir les acteurs locaux évincés, alors qu'ils oeuvrent depuis des années déjà au développement des territoires, via les divers contrats de développement locaux initiés par les collectivités territoriales qui, force est de le reconnaître, ne sont pas restées inertes en la matière. Ces acteurs locaux ont à l'évidence, pour le vivre au quotidien, un sens aigu des besoins réels de leur territoire, même s'ils n'ont pas toujours eu les moyens de les formaliser.

Loin de moi, madame la ministre, l'idée de mettre en doute l'intérêt qu'il peut y avoir à faire appel à des agents extérieurs, techniquement compétents et de surcroît dotés d'un regard neuf ; je dis simplement qu'il est impératif de mobiliser aussi, sinon avant tout, celles et ceux qui agissent au jour le jour dans les territoires.

La prime à l'aménagement du territoire, outil majeur pour la localisation d'activités et la création d'emplois, enregistre une hausse de 50 millions de francs en autorisations de programme, soit 14 % de plus que l'an dernier. Cette évolution pourrait sembler de bon augure.

Mais, parallèlement, et cela ne peut manquer de nous inquiéter, les crédits de paiement reculent de 28,6 %. On ne peut que saluer la volonté de sincérité budgétaire dont vous faites preuve en intégrant la sous-consommation récurrente des crédits, mais doit-on pour autant s'exonérer d'une réflexion sur l'adéquation des zones retenues comme éligibles à la PAT et leur capacité réelle de mobilisation de cette aide ? Je ne le pense pas.

L a réforme des fonds structurels voulue par la Commission européenne, si elle s'inscrit dans la perspective de l'élargissement de l'Union et répond à une volonté de maîtrise budgétaire, avait elle aussi pour but de tendre vers une meilleure consommation des financements engagés.

Certes, la volonté d'objectivité de la commission mise en place par la DATAR, en appliquant désormais des critères identiques sur des zones homogènes, est louable et nous devons vous en donner acte. Le problème est que


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l'application mathématique de ce principe s'avère au final a normalement défavorable dans des zones pourtant économiquement très fragiles et dans lesquelles sont essentiellement reconnus comme éligibles des secteurs peu susceptibles de présenter des demandes recevables.

En effet, s'il convient de se féliciter de la baisse du seuil d'emplois créés pour prétendre à cette aide - et je tiens, madame la ministre, à saluer tout particulièrement le combat que vous menez dans ce sens face à la Commission européenne -, ce seuil de quinze emplois reste encore beaucoup trop élevé pour les zones les plus en déprise économique et que seule une micro-PAT aurait pu rendre attractives pour les investisseurs potentiels.

Mme Sylvia Bassot.

C'est vrai !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

De surcroît, le zonage PAT actuel n'est plus en cohérence avec celui d'autres dispositifs comme cela était le cas, par exemple, pour l'objectif 5 b et les territoires ruraux de développement prioritaire. Ainsi des espaces classés en TRDP et en ZRR, donc reconnus comme zones prioritaires, pour l'aménagement du territoire et de développement économique, se retrouvent paradoxalement à n'être plus éligibles à la PAT.

De surcroît, ne faudrait-il pas prendre garde à ce que la réforme envisagée des TRDP et des ZRR ne conduise à une harmonisation par le bas ? Nous comptons à cet égard sur votre vigilance.

Pour conclure sur la prime à l'aménagement du territ oire, permettez-moi, madame la ministre, d'insister encore, dussé-je me répéter, sur les effets collatéraux cumulés de la non-éligibilité à la PAT, qui seront autant de freins à l'implantation d'activités - je pense notamment à la possible remise en cause de certains avantages fiscaux et à la forte réduction des plafonds d'aide publique.

Nous avons bien sûr tous pleinement conscience des règles du jeu imposées par la Commission européenne et d es faibles marges de manoeuvre consenties aux

Etats membres et nous reconnaissons tous honnêtement les efforts que vous avez déployés dans le cadre imparti.

Je dois cependant me faire le porte-parole de nombreux collègues en insistant pour que les zones désormais exclues du bénéfice de la PAT ne soient pas de surcroît pénalisées par les effets connexes que je viens de dénoncer. Il y va du devenir économique de nombreux départements dont le maillage à cet égard est déjà bien fragile.

Reste bien sûr la PAT tertiaire au bénéfice des services à l'industrie et des projets de recherche, qui, fort heureusement, pourra être attribuée sans restriction de zonage ; mais elle ne saurait apporter de réponse aux problèmes que je viens d'exposer.

Cela dit, madame la ministre, le budget que vous nous présentez ne représente qu'une partie des moyens budgétaires affectés à l'aménagement du territoire ; bien d'autres financements émanant d'autres ministères sont mobilisés à cet effet.

C'est pourquoi, même si cette réflexion se situe hors le cadre stricto sensu de votre budget, je m'autoriserai une réflexion finale : l'aménagement du territoire ne doit pas être un concept abstrait. Je sais que c'est également votre conviction. L'aménagement du territoire reste un combat permanent contre, ici, l'hyperconcentration des hommes et des activités, là, son versant négatif qu'est la déprise économique et démographique.

Cette lutte contre les fractures territoriales quelles qu'elles soient doit, à chaque instant, se traduire dans les faits et les choix à tous les niveaux. C'est pourquoi je suis de ceux, nombreux je crois, qui regrettent la décision d'implanter un nouveau synchrotron en région parisienne. Cette recentralisation, voulue par les scientifiques, ne me semble pas de bon augure pour l'aménagement du territoire. Et le problème du retard pris par certaines régions en matière de localisation des moyens de la recherche publique se trouve de nouveau mis sur le devant de la scène par cette décision.

Les péréquations que suppose une politique globale d'aménagement du territoire doivent ainsi trouver leur traduction dans tous les domaines. Il en va de la recherche comme de l'économie, du désenclavement ferroviaire et routier ou du réseau de service public mis à disposition de nos concitoyens.

J'ai bien conscience, madame la ministre, d'avoir quelque peu débordé du strict cadre budgétaire dans lequel nous nous situons. Mais connaissant votre attachement aux équilibres territoriaux, je sais pouvoir compter sur votre compréhension, tout comme vous pouvez compter sur notre soutien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, on parle moins d'aménagement du territoire et davantage de développement local. Nous sommes, en effet, passés progressivement d'une logique de gestion de l'espace à une logique de développement des territoires.

Bien entendu, madame la ministre, vous avez pris en compte cette évolution dans la LOADDT, avec notamment l'instauration de ces territoires de projet que sont les pays et les communautés d'agglomérations.

Il s'agit maintenant de mettre en oeuvre une politique qui s'appuie en priorité sur les acteurs locaux en les incitant à mutualiser les énergies de leur territoire. Il s'agit d'engager une réflexion sur le moyen terme pour construire un « futur désiré » par ceux-là mêmes qui sont directement concernés. Enfin, il s'agit de concrétiser des actions par un recours accru à la contractualisation et au partenariat, afin de répondre à des attentes partagées tout en renouvelant les termes du dialogue, puisque, du binôme Etat-région des précédents contrats de plan, nous passons à une configuration triangulaire qui leur associe désormais le pays. On ne peut que souscrire à de telles perspectives.

Malheureusement, ce chantier que vous avez ouvert l'année dernière a déjà pris beaucoup de retard. Pendant des mois, nous avons guetté la sortie du décret sur les pays, dont différentes versions ont circulé sous le manteau depuis plus d'un an ! Aujourd'hui, le décret relatif aux agglomérations n'est pas encore paru, pas plus que celui qui approuve les schémas de services collectifs.

Je ne suis pas sûre que l'on mesure à Paris à quel point toutes ces tergiversations découragent et démobilisent toutes celles et tous ceux qui, sur le terrain, sont censés mener à bien cette politique d'aménagement du territoire rénovée, à laquelle ils veulent croire malgré tout.

Si la mise au point de ces décrets se révèle être aujourd'hui un véritable casse-tête chinois, cela n'est pas sans raison. En fait, lors de la discussion de votre texte, l'année dernière, vous avez été amenée, pour contenter une majorité, qui est plurielle, à accepter une série


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d'amendements incohérents, qui ont fini par donner à votre loi ce petit air brouillon que nous déplorons aujourd'hui.

Il est donc regrettable que, plus d'un an après le vote, nous ne disposions pas de l'ensemble des outils nécessaires à l'application de la loi.

Vous nous promettez que la boîte à outil sera opérationnelle l'année prochaine. Soit. Mais paradoxalement, dans le même temps, vous présentez un budget 2001 en baisse de 9,3 %, baisse qui, au premier abord, n'est pas flagrante, car habilement,...

M. Jean-Claude Lenoir.

Habilement ! (Sourires.)

Mme Sylvia Bassot.

... vous avez additionné, soustrait, multiplié pour que les chiffres se présentent sous leur meilleur profil.

Il n'empêche qu'il s'agit d'un budget en trompe-l'oeil qui n'est pas à la hauteur des perspectives tracées.

Comment ne pas être déconcerté par les moyens mis à la disposition de la DATAR ? Sur le papier, certes, les crédits de fonctionnement augmentent de 2,3 %, mais les autres postes budgétaires sont en baisse.

Comment ne pas s'inquiéter de cette situation quand tout le monde s'accorde à dire que la délégation manque de moyens pour assumer ses missions ? Comment ne pas s'étonner que les moyens accordés ne soient pas à la hauteur du travail à accomplir ? Un travail que vous avez pourtant reconnu et salué devant la commission de la production et des échanges, le 3 octobre dernier.

Cela a réjoui nombre de mes collègues, heureux de voir que vous aviez rejoint le fan-club de la DATAR.

Mais je vous taquine...

Au risque de me répéter, permettez-moi de vous dire que titulariser à la DATAR trois secrétaires de plus me paraît un effort assez dérisoire, surtout si l'on compare ce chiffre à l'insolente hausse des postes créés à l'environnement : plus de 300 emplois.

Avec une telle disparité de traitement, comment ne pas voir en vous davantage un ministre de l'environnement qu'un ministre de l'aménagement du territoire ? Chassez le naturel, il revient au galop ! Je voudrais maintenant souligner un point positif de votre budget. L'augmentation des dotations du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et sa répartition d'un tiers sur le titre IV et de deux tiers sur le titre VI sont, en effet, de bonnes nouvelles.

C'est à la fois un signe encourageant pour l'exécution des contrats de plan et pour la concrétisation des actions communes envisagées par les pays. Et c'est également un point positif pour leur ingénierie et leur fonctionnement.

Cela va conforter et soulager des territoires comme l'Orne, département qui s'investit depuis longtemps en faveur de l'intercommunalité et qui est entièrement couvert par cinq pays en périmètre d'étude.

Ces pays travaillent depuis 1998 et sont, pour l'essentiel, financièrement soutenus par les collectivités territoriales, l'Etat s'étant contenté jusqu'à présent de nous verser sa « dîme ». Oui, madame la ministre, dans l'Orne, la dotation de l'Etat ne représentait qu'un dixième des aides perçues par les pays pour l'animation, l'ingénierie et le fonctionnement.

La mobilisation des collectivités territoriales a de quoi surprendre, j'en conviens. Mais elle reflète la confiance que mettent le conseil régional de Basse-Normandie, le conseil général de l'Orne et les EPCI dans ces dynamiques territoriales innovantes.

Et cette mobilisation n'est pas seulement comptable et institutionnelle. En effet, dans le pays que je préside, nous préparons la charte de développement. A cette occasion, nous avons pu constater combien nos concitoyens sont intéressés par ce type de démarche qui les associe au devenir de leur territoire. Ce besoin de prendre sa destinée en main est d'ailleurs au coeur du débat sur la décentralisation.

L'enjeu de l'aménagement du territoire rénové, c'est que les politiques publiques s'adaptent désormais aux territoires et non l'inverse. Cela favorisera la mise en oeuvre d'un développement durable fondé sur des initiatives décentralisées. On perçoit de plus en plus sur le terrain une sorte de rejet des décisions prises par l'énarchie parisienne si souvent « à côté de la plaque ». C'est précisément parce que les pays tournent le dos aux décisions imposées d'en haut que cette structure suscite autant d'intérêt de la part des acteurs locaux.

Démocratie de proximité, nouvelle gouvernance, quel que soit le nom qu'on lui donne, la politique d'aménagement du territoire ne sera performante que si les habitants et les forces vives sont associés à la réflexion et aux actions à mener sur leur territoire. Car il existe au niveau local une réelle volonté de prendre en main son destin.

Pour paraphraser Paul Valéry, la politique ne doit plus être l'art d'empêcher les hommes de se mêler de ce qui les regarde.

En conclusion, madame la ministre, je pense qu'il ne vous a pas échappé que j'adhère à la politique des pays, qui a été lancée par la précédente majorité. Une fois n'e st pas coutume, ce gouvernement a eu la bonne idée de la reprendre et vous-même avez eu la volonté de la développer. Mais permettez-moi de regretter, une fois de plus, que votre budget ne soit pas à la hauteur des enjeux d'une véritable politique d'aménagement du territoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, et particulièrement mes chers collègues de l'Orne, le département le mieux représenté dans l'hémicycle aujourd'hui (Sourires).

M. Jean-Claude Lenoir.

Comme d'habitude !

Mme Sylvia Bassot.

Absolument !

M. Philippe Duron.

... l'aménagement du territoire est sans conteste un des secteurs où l'action du Gouvernement a été la plus dynamique et la plus volontaire.

Un grand chantier a, en effet, été ouvert dès le début de la législature. Il avait été annoncé par le Premier ministre dès son discours de politique générale du 19 juin 1997.

La politique d'aménagement du territoire dispose ainsi aujourd'hui d'un cadre législatif renouvelé, avec, bien sûr, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, mais aussi avec des textes qui concourent à organiser le territoire comme la loi d'orientation agricole, la loi sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale et prochainement la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, sur laquelle notre ami Yves Dauge travaille tout particulièrement.


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Par ailleurs, les nouveaux contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006 ont été signés, la carte des territoires français éligibles au nouvel objectif 2 a été adoptée, et le zonage PAT révisé, même si l'on attend encore la sortie du décret.

Le budget 2001 de l'aménagement du territoire traduit ce dynamisme. L'augmentation de plus de 13 % des engagements budgétaires, qui porte ceux-ci à un peu plus de 2,4 milliards de francs, est le meilleur témoignage de l'importance croissante de cette politique.

Certes, ce budget reste modeste au regard de celui d'autres départements ministériels. Il faut toutefois, comme l'a bien fait remarquer Mme Pérol-Dumont, garder en mémoire que l'aménagement du territoire est par nature une politique transversale. Des crédits d'autres ministères concourent ainsi à la mise en oeuvre de cette politique.

Madame la ministre, vous l'avez dit devant la commission de la production et des échanges, ce budget 2001 traduit la volonté de mettre en oeuvre une politique rénovée, à la fois dans son esprit et dans ses outils.

Introduite par la loi du 25 juin 1999, la recomposition de notre espace national autour de territoires correspondant aux réalités économiques et aux modes de vie des Français est largement amorcée. Ce sont, en effet, près de 250 pays et une centaine d'agglomérations qui se mettent actuellement en place. Le maillage de ces territoires pertinents qui devront élaborer un projet de développement, ainsi que la possibilité qui leur est offerte de passer un contrat avec l'Etat d'ici à 2003 dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-régions, constituent une des innovations majeures de la LOADDT.

Le budget 2001 accompagne cette recomposition territoriale et en fait un axe majeur de l'actuelle politique d'aménagement du territoire. En effet, les moyens d'engagement du fonds national d'aménagement et de développement du territoire connaissent une progression de l'ordre de 14 %, permettant ainsi de soutenir la dynamique territoriale enclenchée.

Les crédits du FNADT sont le levier financier de l'ingénierie de projet, qui permet aux territoires, particulièrement aux plus fragiles et aux moins organisés d'entre eux, de ne pas être exclus de l'opportunité que représente la contractualisation. Car il n'est pas de projet viable sans ingénierie performante. L'ambition doit être d'arriver à construire une ingénierie territoriale significative et stable.

Le rôle du Parlement a été renforcé par la création de deux délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire.

Celle de notre assemblée a choisi de consacrer ses premiers travaux à l'étude du volet territorial des contrats de plan et de la ventilation des crédits qui y sont consacrés.

Dans son rapport, remis en mai dernier au nom de la délégation, notre collègue Jean-Claude Daniel a ainsi formulé plusieurs préconisations que nous souhaitons voir prises en compte. Parmi celles-ci, la création d'un observatoire permettant de mettre en commun les différentes expériences effectuées dans le cadre de l'élaboration des projets territoriaux.

A cet égard, s'il convient de se féliciter de la progression des moyens de la DATAR, qui va permettre de renforcer légèrement ses effectifs, il faut cependant souligner que ceux-ci demeurent insuffisants, alors même que les domaines d'intervention se sont, eux, multipliés depuis trois ans.

Dans le cadre de sa réflexion sur le volet territorial des contrats de plan, la délégation a également suggéré que soit conduite par le Gouvernement une réflexion approfondie sur la réforme du fonctionnement de l'administration. On constate, en effet, trop souvent, que les politiques de l'Etat sur le terrain obéissent à des logiques verticales, ce qui n'est pas conforme à l'esprit de la LOADDT.

L'Etat doit poursuivre sa mutation, engagée avec la décentralisation, et s'inscrire dans des pratiques de partenariat, non seulement avec les régions, mais aussi, d emain, avec les pays et les agglomérations. Pour reprendre l'expression d'un préfet de région auditionné par notre délégation, c'est une « véritable révolution c ulturelle » qu'il faut entreprendre, l'administration devant apprendre à devenir une « administration de partage ».

A cet égard, il faut se féliciter de la création de deux structures pouvant contribuer à ce nécessaire changement dans les mentalités et les pratiques : j'aimerais d'abord saluer la création de l'Institut des hautes études de l'aménagement du territoire, dont j'ai pu suivre la première session qui s'achèvera au mois de décembre. L'enseignement dispensé par l'Ecole des ponts et chaussées et l'Institut d'études politiques de Paris, le dialogue entre des intervenants d'un très haut niveau et des auditeurs issus d'horizons professionnels très différents fut toujours d'une grande qualité. Je formule donc le souhait qu'une telle initiative soit relayée et démultipliée en région.

La création, annoncée pour 2001 - il est vrai dans un autre budget, celui de l'environnement - d'un institut de formation de l'environnement, va dans le même sens. En contribuant à la sensibilisation des agents de l'Etat aux problématiques environnementales, et donc, au développement durable.

La délégation à l'aménagement du territoire estime, d'autre part, indispensable que chaque contrat de plan

Etat-région et son volet territorial fasse l'objet d'un suivi annuel. La délégation envisage quant à elle de se saisir à nouveau de ce sujet dans les années à venir afin d'en mesurer les évolutions.

D'ici là, elle va devoir rendre un avis sur les projets de décrets instituant les neuf schémas de services collectifs.

Nous sommes ici en pleine actualité, puisque le Gouvernement s'est réuni jeudi dernier pour approuver les projets de schémas qui seront ensuite soumis aux régions avant d'être validés dans leur forme définitive au début de l'été 2001.

Après l'esprit de la politique d'aménagement du territoire, ce sont ses outils qui sont rénovés. Après l'échec de la mise en oeuvre du schéma national d'aménagement et de développement du territoire prévu par la loi du 4 février 1995, sans doute trop directif et trop détaillé, trop descendant (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), les schémas de services collectifs sont l'illustration d'un « planifier autrement », auquel nous souscrivons pleinement.

Planifier autrement, d'abord parce que, au lieu de partir d'une offre systématique d'équipements et d'infrastructures, comme c'était jusqu'à présent le cas, les schémas de services collectifs sont centrés sur la satisfaction effective des besoins collectifs des Français.

Ce faisant, le Gouvernement a fait, très justement, le choix de la concertation et de la différenciation. Concertation au niveau régional tout d'abord, puisque les régions ont déjà travaillé sur les schémas de services col-


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lectifs en envoyant leurs contributions au niveau central.

Elles vont maintenant avoir près de six mois pour réagir à chaque projet de schéma, c'est-à-dire le temps nécessaire pour consulter l'ensemble des acteurs locaux. Mme Sylvia Bassot nous a dit qu'ils étaient très intéressés à leur propre destin.

M. Jean-Claude Lenoir.

Et impatients !

M. Philippe Duron.

Consultation au niveau national ensuite, puisque les deux délégations à l'aménagement du territoire de l'Assemblée et du Sénat, de même que d'autres instances, au premier rang desquelles le CNADT, seront saisies des projets de décrets.

Pour sa part, la délégation de l'Assemblée a choisi de travailler le plus en amont possible. Neuf rapporteurs ont d'ores et déjà été désignés parmi les membres de la dé légation. Cinq administrateurs de l'Assemblée leur apporteront un soutien compétent.

Grâce à cette phase importante de concertation, les régions et l'ensemble des acteurs locaux pourront exprimer et faire valoir leurs priorités, leurs aspirations spécifiques de développement. C'est donc une stratégie de différenciation et d'adaptation aux besoins des territoires que vous avez privilégiée, permettant la définition d'un projet collectif partagé.

De « cadre » de l'action de l'Etat qu'il était avant la décentralisation, le territoire devient enfin sujet et acteur, reconnu en tant que tel, avec ses caractéristiques propres.

Pour reprendre les termes du Premier ministre, la France du début du

XXIe siècle, qui est esquissée dans ces schémas, est une France dont l'unité est renforcée, grâce à de grands équipements structurants, mais ce n'est pas une France uniforme.

Enfin, les schémas de services collectifs s'inscrivent dans la perspective du développement durable, qui est un des éléments majeurs de cette fin de siècle, et qui vise à préserver la qualité de notre environnement et de nos ressources naturelles, tout en assurant un développement économique équitable.

Pour ces raisons, on peut donc saluer la démarche ambitieuse et novatrice des schémas de services collectifs.

Pour sa part, la délégation à l'aménagement du territoire entend bien jouer son rôle et permettre au Parlement d'être, par son intermédiaire, associé à leur enrichissement.

Madame la ministre, comme l'ont dit nos excellents rapporteurs Alain Rodet et Félix Leyzour, ce budget est un bon budget. Pour ma part, je considère qu'il offre des moyens pour mettre en oeuvre les orientations définies par la LOADDT. C'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir.

Il y a, madame la ministre, trois députés dans l'Orne : je suis le troisième, rassurezvous, il n'y en a pas d'autres après moi. (Sourires.)

Les années se suivent et se ressemblent : tous les ans, le budget est présenté sous une apparence très avantageuse.

Puis on s'aperçoit que la place réservée à l'aménagement du territoire est singulièrement réduite, même si, cette année, un petit effort a été fait en faveur de la DATAR.

M. Philippe Duron.

13 % !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je ne saurais trop dire que cet effort devrait être plus important. L'année dernière, plusieurs députés de l'opposition avaient déjà formulé cette observation à la tribune, et Mme la ministre avait jeté un regard suspicieux vers son délégué à l'aménagement du territoire, en se demandant s'il n'avait pas su trouver les a rguments auprès des parlementaires. Madame la ministre, vous pouvez donner un coup de violon : la vérité, c'est que nous sommes des hommes de terrain, nous connaissons le rôle que joue la DATAR et souhaitons qu'elle puisse disposer des moyens d'être à nos côtés.

Cela dit, dans la présentation que vous faites de vos crédits pour 2001, il est singulier de constater que la place réservée à l'environnement est plus importante que celle dévolue à l'aménagement du territoire. Les crédits de paiement baissent - cela a été dit en des termes plus sévères par des membres de la majorité - et le budget qui nous est présenté n'est qu'un des volets de la politique du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

J'en veux pour preuve la décision qu'il a prise sur l'implantation du programme SOLEIL en région parisienne et au détriment des régions plus excentrées qui s'attendaient à l'accueillir.

D'autre part, chaque année, nous avons l'impression d'être dans une période de transition. Ainsi, en 1999, au moment même où nous votions la loi d'aménagement du territoire, on nous disait qu'il était impossible de faire de la prospective sérieuse tant qu'on n'aurait pas, d'une part, la conclusion des contrats de plan Etat-régions et, d'autre part, la révision des zonages. En 2000, nous avons les contrats de plan, les zones ont été établies, mais on attend encore de connaître le montant et le mode d'attribution des aides européennes, on attend de connaître les nouvelles règles d'intervention du fonds national d'aménagement du territoire, on attend que les chartes de développement soient élaborées pour que les volets territoriaux du contrat de plan Etat-régions puissent être acceptés par l'Etat.

Dans une région comme la mienne - le Perche -, nous avons l'impression d'avoir déjà fait plusieurs fois la même chose : nous avons élaboré des documents, des réflexions, des stratégies locales de développement, nous avons réuni tout le monde, nous nous sommes concertés, nous avons travaillé avec l'Etat, après quoi on nous dit qu'il faut recommencer, que ce que nous avons fait est bien, mais qu'il y a de nouvelles dispositions. Et nous voici partis pour une nouvelle année de transition.

Force est de constater qu'il existe un décalage entre certaines attentes très intellectuelles, très parisiennes, et celles, très concrètes, qui s'expriment sur le terrain avec parfois une grande impatience, mon amie Sylvia Bassot v ient de le souligner. J'ajoute que ces préalables constamment mis en avant sont ressentis par beaucoup comme dilatoires.

L'aménagement du territoire, c'est, comme d'habitude, pour l'année prochaine. Or nous nous demandons, lorsque nous participons aux actions de développement local, si nous allons enfin pouvoir disposer de la totalité de la boîte à outils dont vous avez la clé. Pour l'instant, certains outils manquent, d'autres doivent être réparés.

Nous voulons enfin oeuvrer dans la plénitude de nos moyens au développement et à la construction du territoire.

La loi qui porte votre nom, madame la ministre, mais q ui pourrait tout aussi bien porter celui de Philippe Duron, dont la contribution fut remarquable, a été discutée dans l'urgence. Il fallait à tout prix démolir la

« loi Pasqua », dont le seul intitulé vous paraissait un gros mot. Il fallait donc surtout la remplacer par autre chose, et ce fut la loi Voynet.


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M. Alain Rodet, rapporteur spécial.

Il y a beaucoup de gens qui en veulent à Pasqua !

M. Jean-Claude Lenoir.

S'il y a eu urgence l'année dernière, il a tout de même fallu attendre un certain temps pour voir arriver un décret d'application après que différents projets eurent circulé sous le manteau, preuve que le Gouvernement se posait quelques questions.

Il y avait urgence, l'an dernier, mais on observe que les schémas de services collectifs sont aujourd'hui en panne.

On nous annonçait pourtant qu'ils seraient élaborés rapidement. Résultat : on a un dispositif qui n'est cohérent ni entre les différents outils proposés, ni dans le temps.

A l'évidence, il faudra, dans le courant de l'année prochaine, reprendre les contrats de plan Etat-régions pour les mettre en conformité avec les outils que vous aurez décrétés par ailleurs. Certes, votre loi nous permet de prolonger ce qui avait été entrepris avec la loi Pasqua.

Malgré tout, elle nous pose toujours un problème de lisibilité au plan local. Lorsque je réunis les élus pour leur parler de la loi de l'aménagement du territoire, je me garde bien de leur donner le texte de la loi. Certains amendements qui ont été acceptés par le Gouvernement la rendent complètement illisible. Comme on n'a pas voulu qu'il y ait une deuxième lecture à l'Assemblée et au Sénat, on s'en est tenu au texte de première lecture de l'Assemblée nationale, encombré, alourdi par des considérations qui l'obscurcissent.

Troisième observation : le monde rural, décidément, reste le parent pauvre de votre politique d'aménagement du territoire. Le constat est cruel : moins de 20 % des crédits d'aménagement du territoire - les familles rurales l'ont récemment relevé - sont affectés au monde rural.

Une autre décision confirme cette évolution. La zone 5 b ayant été diluée dans la zone 2, la part du monde rural a fortement régressé. Les zones de primes d'aménagement du territoire sont recentrées sur des zones urbaines. Le programme Leader, qui verra peut-être le jour vers la fin de l'année prochaine, met de côté certains territoires plus ruraux. Et, dans le volet territorial des contrats de plan

Etat-régions, la part qui sera réservée au monde rural reprendra tout simplement les lignes budgétaires existantes, alors que vous aurez des dispositifs spécifiques pour la politique de la ville en faveur des agglomérations.

Madame la ministre, vous allez à contre-courant de l'évolution actuelle. Le recensement de 1999 le montre bien : le monde rural attire à nouveau.

Il représente une notion plus moderne que vous ne le pensez. C'est le laboratoire d'un nouveau mode de vie, et il a donc des besoins nouveaux, importants. Or, il ne reçoit jamais la réponse aux questions qu'il se pose.

Il y a en fait deux ministres de la ville au Gouvernement : Claude Bartolone et vous-même, madame la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce n'est pas gentil pour M. Bartolone.

M. Jean-Claude Lenoir.

Quand vous parlez d'aménagement du territoire, vous songez beaucoup plus aux agglomérations qu'au monde rural, et vous soutenez beaucoup plus les politiques en faveur des premières que celles qui profiteraient à ce dernier. La présidente du collectif

« ville-campagne » disait pourtant, au dernier colloque sur le monde rural, que « ce que le monde rural est en train d'inventer peut servir à poser et à résoudre autrement le problème urbain ».

Je ne veux pas être désobligeant, madame la ministre, mais, dans ce que vous nous proposez, il y a relativement peu d'idées et, en tout cas, très peu de moyens, beaucoup moins qu'on ne veut l'afficher. Votre projet de budget va à contre-courant d'une évolution que chacun peut observer dans son territoire.

On note un double décalage. Le premier décalage est avec les attentes ressenties au plan local. Trop de concepts s'élaborent au niveau parisien, au niveau national. On fait certes des schémas très intelligents, mais, pendant ce temps, le nombre des agences postales continue de baisser ; les lignes de chemin de fer, dites secondaires, continuent de connaître des retards qui découragent d'aller habiter dans des régions rurales ; et la démographie médicale - sujet majeur - décline de façon inquiétante.

M. Philippe Duron.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir.

Nous allons connaître, dans les années qui viennent, de vrais problèmes pour attirer les gens dans les zones rurales si on n'y trouve plus de médecins.

Internet à haut débit, c'est pour les agglomérations ; peu et pas pour le monde rural. Je ne parle pas du téléphone mobile, si ce n'est pour suggérer, madame la ministre, que certaines de vos bonnes idées devraient être mises en pratique par des représentants de France Télécom. Permettez-moi de vous livrer une petite anecdote qui - je m'en excuse - sera reprise par le Journal officiel.

Dans le département de l'Orne, le téléphone mobile ne marche pas partout. Dans un chef-lieu de canton notamment, quelqu'un qui se plaignait qu'il ne marchât point entendit la directrice de la communication de France Télécom pour le département lui répondre qu'il suffisait de faire deux kilomètres pour avoir accès au réseau.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial.

En rollers ou à vélo ? (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il y a des benêts partout !

M. Jean-Claude Lenoir.

Quand on obtient ce genre de réponse, on peut se demander si les préoccupations dont n ous nous faisons l'écho à l'Assemblée sont bien comprises. C'est le côté « usine à gaz » des différents textes et procédures, dont la lisibilité n'est jamais assurée.

Le second décalage est avec les évolutions profondes de la société.

S'installer dans le monde rural, c'est désormais une démarche moderne, c'est apporter une réponse à quelques-uns des problèmes de notre société. Il faudrait être convaincu que, aujourd'hui, anticiper, c'est oser le monde rural. C'est parce que j'ai confiance dans les hommes et dans les femmes qui le peuplent que je me permettrai, en conclusion, de vous livrer cette belle phrase de Jules Vallès : « Il existe, de par les chemins, un certain nombre de gens qui, au lieu d'accepter la place que leur réservait le monde, ont décidé de s'en faire une tout seul, à force d'audace et de talent. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais dire mon inquiétude concernant l'avenir non pas des petites communes rurales mais des petites villes et des villes moyennes. Ce malaise n'est pas dû à la politique de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement ne peut


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être tenu pour responsable de tout, y compris des pressions exercées par le marché. Je crois qu'il nous faut, sur ce plan, essayer de dresser d'abord un diagnostic.

Que se passe-t-il dans notre pays depuis quelques années ? Concomitamment à la loi sur l'aménagement et le développement du territoire, nous avons assisté à la m ise en place des agglomérations. Aujourd'hui, les communautés d'agglomération fonctionnent bien, beaucoup mieux que ne l'espérait le ministère de l'intérieur : il prévoyait que 22 ou 23 communautés d'agglomération seraient constituées avant les élections de 2001 ; à ce jour, en en compte 53.

Parallèlement, on note certaines tendances, liées de toute évidence au marché. Par exemple, les grands opérateurs en matière d'aménagement du territoire se focalisent exclusivement là où il y a solvabilité. Prenons l'exemple des nouvelles technologies de la communication. On pourrait penser qu'elles offrent un moyen de gommer les distances, les espaces, de compenser une mauvaise desserte en autoroutes, en TGV. Or, leur développement ne vise en rien à atténuer ces handicaps. Que se passe-t-il aujourd'hui, par exemple, en matière de haut débit ? Les études sont en cours. Puis-je vous faire une suggestion, madame la ministre ? Votre ministère, la DATAR ou je ne sais quel organisme, pourrait se préoccuper de ceux qui n'intéressent plus personne, c'est-à-dire les petites villes et les villes moyennes. Les grands opérateurs, en effet, ne considèrent que les cent premières communes de France et leurs agglomérations.

J'aimerais que des études soient réalisées dans les départements ; elles ont été conduites dans le mien, et même au niveau régional où, ensemble, nous avons financé une enquête pour savoir quand le haut débit parviendrait en Picardie. Nous avons eu la réponse : pour Amiens, fin 2001. Basta cos, terminé ! Pour les autres communautés d'agglomération de 80 000 ou 60 000 habitants - et je ne parle pas des zones peu peuplées -, ce ne serait pas avant 2003. Et dans les communautés d'agglomération et les communautés de communes de 30 000, 40 000 ou 50 000 habitants, pas avant 2007.

Une certaine France se met en place sur la base des nouvelles technologies, mais elle ne tend pas du tout à gommer les distances. Ce n'est pas que les câbles manquent ; il y en a dans tout le pays, et même de la fibre optique. A l'origine, France Télécom l'a installée le long des routes nationales. Le vrai problème est le suivant : lorsque l'on voudra installer un call center - ce qui, aujourd'hui, paraît un défi - dans des communes de 3 000, 5 000 ou 10 000 habitants, la tarification sera fixée sans aucune négociation. France Télécom ne négocie pas les prix s'il n'y a pas de concurrence. Là où elle existe, en revanche, comme à Lille ou à Amiens, qui se sont spécialisés dans les call centers, et où tous les opérateurs seront présents fin 2001, les prix sont négociés à la baisse. Est-ce cela l'égalité dans la répartition des activités ? Sur ce plan, je pense que vous pourriez partager mon analyse : nous avons besoin d'une politique d'aménagement du territoire, non pour le desservir dans son ensemble, mais au moins pour assurer face aux grands opérateurs, une bonne répartition de l'accès aux nouvelles technologies. J'ai pris l'exemple des télécommunications, mais on pourrait en citer d'autres et les multiplier à l'infini.

Nous manquons beaucoup de diagnostics sur la question. Il ne faut pas abandonner les départements les plus ruraux de France - ils sont encore en grand nombre dont les villes moyennes et les petites villes sont, bien entendu, les poumons d'activité. En effet, si les gens habitent à la campagne, c'est parce qu'il y a de l'activité, soit dans les métropoles régionales, soit dans des villes moyennes ou des petites villes. Il faut donc, d'abord, qu'un diagnostic soit déterminé ; ensuite, qu'une série de propositions soit faite.

Enfin, il y a la question des fonds, par exemple la prime à l'aménagement du territoire. On sait bien qu'elle ne sert pas les grands dossiers du type Toyota, qui, vous l'avez rappelé, madame la ministre, lors des budgets précédents, sont directement servis sur des crédits distincts des PAT en tant que tels, même s'ils participent de la politique d'aménagement du territoire. Mais il est fondamental que nous retrouvions un bon rythme de consommation de la PAT. Si nous passons de 420 millions de crédits de paiement sur le budget 2000 à 300 millions sur le présent budget, c'est bien évidemment parce qu'il y a une sous-consommation. Mais celle-ci peut s'étaler sur trois ans, puisque les crédits engagés en matière de prime à l'aménagement du territoire doivent être réalisés sur un exercice de trois années.

Le Fonds national de développement des entreprises, d'autre part, a été constitué pour aider les microentreprises, en particulier par des garanties pour les prêts d'honneur. En décembre 1997, nous avons enfin obtenu - ce que la droite n'avait pas fait, alors que c'était prévu par le projet de M. Pasqua - la budgétisation : 50 millions. On s'est réjoui de voir que quelque chose s'amorçait. A la fin de 1999, la consommation n'est que de 2 millions. Cela n'est pas imputable au ministère, mais à la Banque du développement des PME, et notamment SOFARIS, qui doivent engager des garanties pour prêts d'honneur. Mais, là aussi, certains opérateurs ne jouent pas le jeu. Ce n'est pas le grand urbain qui a des besoins en la matière, car les sociétés de capital-risque s'y prodiguent à qui mieux mieux. Je préside la commission de surveillance de la Caisse des dépôts : on ne rencontre aucune difficulté pour installer des incubateurs à Grenoble ou ailleurs. Toutes les grandes villes y ont droit.

Par contre, lorsque l'on descend un peu plus bas, il n'y a plus rien. C'est là qu'il nous faut le soutien de l'action publique. Ces fonds existent, ils ont été créés et abondés par vous, il faut maintenant que l'on passe à la phase d'exécution.

J'ai en mémoire des débats sur le budget de l'aménagement du territoire où nous étions soixante-dix à cent dans cet hémicycle il y avait alors de fortes pressions sur le ministère.

M. Jean-Claude Lenoir.

Tous les députés de l'Orne sont là !

M. Jean-Pierre Balligand.

Nous devons aujourd'hui insister pour que les dispositifs existants soient exécutés.

Et, en cas de dangers comme ceux dont je viens de parler pour le haut débit, des diagnostics doivent être élaborés.

Vous avez, je pense, des organismes pour les établir.

Ensuite, il convient de mettre en place des politiques publiques pour limiter le marché.

Voilà les quelques remarques que je voulais faire. Je ne doute pas de votre soutien, madame la ministre. Je souhaite que, dans le cadre de ce budget que, bien entendu, nous voterons, une attention particulière soit portée sur ces territoires qui, de toute évidence, ne sont pas pris en considération comme il conviendrait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Daniel Boisserie.


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M. Daniel Boisserie.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l'Orne est très bien représentée aujourd'hui, il en est de même de la HauteVienne avec Marie-Françoise Pérol-Dumont et le rapporteur spécial de la commission des finances, Alain Rodet.

Dans le temps qui m'est imparti, j'évoquerai le zonage PAT, les aides à l'immobilier industriel, les réticences des conseils généraux dans l'élaboration des pays, notamment interdépartementaux, les maisons des services publics et le service en milieu rural.

La carte PAT, arbitrairement dessinée par arrondissement en Limousin, élimine injustement certaines zones.

C'est particulièrement le cas du sud et de l'est du département de la Haute-Vienne comme d'une partie de l'agglomération de Limoges. C'est l'également vrai pour le nord de la Corrèze. Pourquoi ne pas avoir travaillé plus près des bassins de vie ? Ce qui est encore plus grave, c'est le blocage total des aides à l'immobilier industriel. A cet égard, je peux citer le cas de l'imprimerie Fabrègue, qui emploie 450 salariés et qui est implantée sur le territoire de la commune de Saint-Yrieix. Cette entreprise, frappée de plein fouet par la disparition progressive des imprimés de sécurité sociale, doit, pour se maintenir, investir 60 millions de francs dans l'achat de certains équipements indispensables à la diversification de ses activités, et elle doit le faire de toute urgence. Or les demandes de subvention déposées par Somival sont bloquées depuis plusieurs mois, car la DATAR n'est pas en mesure de préciser les taux applicables, Bruxelles n'ayant pas encore pris de décision.

Cette situation est intolérable car elle peut conduire cette entreprise performante et vitale pour une petite ville de 8 000 habitants à partir s'installer près de Paris ou d'autres grandes villes où elle trouvera, entre autres, des autoroutes et des boucles à haut débit.

Le même problème se pose pour d'autres entreprises comme celle de RVI à Limoges. Mais c'est également le cas dans nombre de régions françaises.

L'élaboration des pays interdépartementaux rencontre également des difficultés. Si je peux comprendre l'attitude de certains présidents de conseils généraux face à l'intercommunalité transdépartementale, je ne peux accepter celle de quelques autres qui manipulent le chantage à la subvention à l'égard des quelques "brebis égarées", c'est -àdire de communes implantées aux marges d'un département ou d'une région et qui souhaitent adhérer au bassin de vie qui est le leur mais dont la ville-centre se situe dans le département voisin ou dans la région limitrophe.

Si un tel type de pression est maintenu, il consacrera

« l'avortement » des pays transdépartementaux tels qu'ils sont définis dans votre loi, qui est pourtant pleine de bons sens. Ne faut-il pas en urgence analyser de près quelles sont les limites réelles d'un bassin de vie, tel que l'ont choisi ses habitants, et l'imposer quand il en va de l'intérêt général ? Sinon que vont devenir nos maisons des services publics qui ont une vocation interdépartementale ? Je préférerais d'ailleurs qu'on les appelle maisons des services au public plutôt que maisons des services publics. En effet, il est indispensable que d'autres services soient présents : ASSEDIC, CAF, MSA, URSSAF, CRAM, voire certaines associations.

En outre, comme ces établissements, qui ne sont pas de votre entière compétence, madame la ministre, doivent être convenablement gérés, il faudra bien nommer un ou une responsable capable d'assurer à la fois un fonctionnement correct de ces établissements, l'accueil du public et, enfin et surtout, l'indispensable transversalité. Tout cela a évidemment un coût dont ne souhaitent pas s'exonérer les organismes présents dans les maisons des services publics. L'aide de l'Etat est donc indispensable.

Etre au service du public, cela signifie aussi que le secteur privé doit offrir des services en milieu rural. Certaines zones de notre territoire se trouvent à plus de vingt kilomètres de la boulangerie ou de l'épicerie la plus proche. Ces zones sont en grande partie habitées par des personnes âgées, incapables de faire leurs courses dans la ville la plus proche. Certains boulangers n'y distribuent même plus le pain ou, s'ils le font, c'est à un prix prohibitif. A Magnac-Bourg, en Haute-Vienne, commune située à proximité de la Corrèze, la boulangerie coopérative qui pallie la carence et qui applique les mêmes prix à chacun, quel que soit son degré d'éloignement, est au bord de la cessation de paiement. Je connais, madame la ministre, le souci qui est le vôtre que tous les citoyens de notre République soient traités de façon égalitaire. Le pain, qui a valeur de symbole, est en train de nous démontrer que cette égalité est de moins en moins respectée. Nous sommes plusieurs à tirer la sonnette d'alarme. Certains territoires du Limousin sont menacés, mais il en est de même dans d'autres régions françaises.

J'ose espérer que votre budget, qui est un bon budget, permettra de corriger certaines inégalités inacceptables. Je regrette toutefois la baisse des crédits de paiement, même si elle peut se justifier. Mais ne faut-il pas, là aussi, informer toujours plus et mieux, et réduire quelque peu l'inertie de certains services de l'Etat ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Il a encore été plus critique que nous ne l'avons été !

M. Michel Meylan.

Qu'il nous rejoigne !

Mme la présidente.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Madame la ministre, nous sommes réunis ici aujourd'hui pour examiner le projet de budget pour 2001 de votre ministère. Ce budget d'un montant total de 2,4 milliards de francs est en progression de 13,4 % en moyens d'engagement, mais en diminution de 9,8 % en crédits de paiement.

Comme l'a rappelé le rapporteur pour avis, Félix Leyzour, cette évolution contrastée se retrouve dans différents postes du budget. Il en va ainsi des crédits de la prime à l'aménagement du territoire et de ceux du FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire. Il est important d'insister sur ce point car les autorisations de programme, qui sont en augmentation, ont vocation à financer des dépenses qui ne peuvent être payées que si les crédits de paiement correspondants sont disponibles l'année du règlement. Les progressions des autorisations de programme doivent par conséquent être regardées avec prudence.

Toutefois, cette augmentation des autorisations de programme ne doit pas pour autant être sous-estimée. Je tiens à le souligner dès le début de mon intervention, madame la ministre, pour ne pas donner le sentiment que j'ai une vision négative de votre budget. Pour le groupe communiste et apparentés, ce projet comporte en effet des points positifs traduit - ce qui est important une volonté ambitieuse pour l'aménagement du territoire.

Ce constat plutôt encourageant ne doit cependant pas m'empêcher de vous faire part de nos inquiétudes sur quelques points.

La première de ces inquiétudes touche aux moyens consacrés à la DATAR, qui demeurent dramatiquement insuffisants. Force m'est de le constater, malgré l'aug-


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mentation de plus de 3 % des moyens de fonctionnement et la création - et c'est la première fois depuis six ans de trois emplois.

Même si ce renversement de tendance doit être relevé, il est absolument nécessaire d'ajuster les moyens mis à la disposition de la DATAR. Sans cet ajustement, nous ne serons pas en mesure de prendre en compte efficacement les conséquences des évolutions liées à la décentralisation, à la régionalisation et d'éviter tout retard dans l'élaboration et le traitement des dossiers.

Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu, madame la ministre, que les 141 postes budgétaires n'étaient pas suffisants. Dois-je rappeler, par exemple, le rôle essentiel que joue cette administration de mission dans l'élaboration des schémas de services collectifs qui devraient être finalisés prochainement ? Je tiens à vous faire part d'une autre inquiétude concernant la prime à l'aménagement du territoire. Nous ne sommes pas hostiles à l'émiettement des zones éligibles à la PAT. En effet, il semble pertinent de retenir des zones plus petites, et nous apprécions que vous ayez pu faire valoir ce point de vue auprès des services de la Commission européenne.

Notre inquiétude concerne, en fait, les zones qui perdent leur éligibilité à la PAT. Il est nécessaire que ces sorties soient accompagnées, car la perte du bénéfice des aides liées à la prime peut avoir des conséquences fâcheuses. Lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges, vous avez, madame la ministre, évoqué deux principaux outils de substitution : une nouvelle prime régionale à l'emploi et le maintien de l'exonération du paiement de la taxe professionnelle pour certains territoires perdant leur éligibilité.

S'agissant de cette nouvelle prime régionale à l'emploi, je souhaiterais que vous précisiez les conditions de son octroi et son étendue.

L'an passé, alors que nous examinions votre projet de budget pour 2000, je vous avais déjà fait part de notre attachement à la solidarité entre les grands groupes d'entreprises et leur territoire d'implantation. Je soulignais alors que la création de fonds régionaux pour l'emploi et le développement, que nous avions préconisée lors du débat sur la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, contribuerait, aux yeux de notre groupe, à une véritable amélioration.

La conduite d'une réflexion sur les instruments financiers et sur les systèmes d'aide susceptibles de favoriser l'ancrage des entreprises sur leur territoire reste une priorité. C'est pourquoi, et conformément à l'article 34 de la LOADDT adoptée en juin 1999, j'insiste sur la nécessité de la présentation par le Gouvernement d'un rapport étudiant la mise en place de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. Nous l'attendons avec la même impatience que l'année dernière.

Aujourd'hui, les stratégies des grandes entreprises ne s'inscrivent pas dans l'échelle des pays, des régions, voire des Etats. C'est pourquoi nous devons être en capacité de pouvoir contrer ces stratégies quand elles concernent directement les emplois et l'avenir de nos territoires, c'est une question de survie. Pour satisfaire à cet objectif, une bonne politique d'aménagement durable du territoire doit trouver les moyens de soutenir efficacement les PME et PMI, lesquelles occupent une place marginale dans l'ensemble massif des aides et sont reléguées à la portion congrue.

A cet égard, je tiens à rappeler que notre ami Robert Hue a déposé une excellente proposition de loi tendant à la création d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

Je regrette que la droite sénatoriale retarde l'adoption de ce texte qui, j'en suis convaincu, oeuvrera dans le bon sens.

Par ailleurs, il convient de souligner les difficultés liées aux financements croisés, lesquels entraînent des lourdeurs de procédure et un sentiment d'inefficacité. Il faut, par conséquent, que nous puissions engager une réflexion sur la manière d'initier et de développer des fonds régionaux diversifiés et plus rapides. Il est également nécessaire que l'Etat s'attache à mobiliser tous les acteurs du développement local pour améliorer la mise en oeuvre des projets entravés par la complexité de ces financements croisés.

Il m'importe enfin de vous faire part d'une réflexion qui m'apparaît essentielle et qui porte sur le rôle que doit jouer la démocratie dans un aménagement et un développement durable du territoire.

En effet, ce n'est qu'en associant plus encore les élus et les habitants à l'élaboration et au contrôle des projets qu'une politique d'aménagement du territoire pourra être pleinement efficace. M. Pierre Mauroy, dans son rapport sur l'action publique locale du 17 octobre dernier, insiste lui aussi sur cette nécessité. Une des douze orientations qu'il fixe pour refonder l'action publique locale étant

« une démocratie de proximité ». Ainsi, par exemple, une de ses propositions vise à « créer, au sein des communes, des structures de proximité, d'information, de débat, d'échanges, de suivi sur les projets concernant les habitants ». Je cite ce rapport pour souligner combien la démocratie constitue un enjeu primordial pour l'avenir de nos territoires et de leur aménagement.

D'ailleurs, la conclusion du document de la DATAR, intitulé « Aménager la France de 2020, mettre les territoires en mouvement », est identique. Elle préconise comme évolution fondamentale des nouvelles formes de l'action publique en matière d'aménagement du territoire,

« la mise en oeuvre, démocratiquement et aux bons niveaux, des politiques intégrées qui permettront un développement durable des territoires, basé sur des initatives principalement décentralisées ».

Les citoyens veulent prendre toute leur place dans l'élaboration des projets et dans les choix faits. Ils ont raison.

Il ne faut plus offrir aux élus locaux et aux habitants l'apparence de la consultation. Il faut, au contraire, mettre en place des dispositions qui permettent aux premiers concernés par l'aménagement du territoire de peser sur les décisions.

Madame la ministre, la sortie volontaire de l'aménagement du territoire de la technocratie et du poids des grands intérêts doit être un objectif pour votre ministère.

Ainsi, il doit devenir ce qu'il aurait toujours dû être : un véritable enjeu politique.

En conclusion, je citerai un extrait de l'article 1er de la LOADDT : « La politique nationale et de développement durable du territoire assure l'égalité des chances entre les citoyens ». Cela doit rester une priorité.

Le groupe communiste, madame la ministre, votera votre budget pour 2001.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


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Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le projet de budget pour 2001 que je vous présente aujourd'hui traduit l'engagement du Gouvernement dans la durée dans le domaine de l'aménagement du territoire : il comporte les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique volontariste assise sur une base entièrement rénovée.

Avant d'entamer la présentation des priorités politiques de ce budget pour 2001, je souhaiterais remercier vos deux rapporteurs, Alain Rodet et Félix Leyzour, pour le travail préparatoire à nos débats qu'ils ont réalisé ; je salue ici la qualité de leurs analyses.

Les années 1999 et 2000 ont été marquées par l'ouverture d'une réforme en profondeur de l'ensemble des composantes de la politique nationale et communautaire d'aménagement du territoire.

Après la promulgation de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le 25 juin 1999, qui instaure le cadre d'une politique d'aménagement conforme aux enjeux contemporains, l'année 2000 a été consacrée à l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'entrée en vigueur effective de la loi. Avec la publication des textes d'application de la LOADDT et l'approbation des schémas de services collectifs, l'ensemble des outils nécessaires à la conduite d'une politique d'aménagement du territoire rénovée seront opérationnels en 2001.

Quatre décrets d'application de la loi ont été publiés au Journal officiel du 20 septembre dernier. Il s'agit des décrets relatifs au CNADT - Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire -, aux CRADT - conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire -, aux schémas régionaux d'aménagement du territoire, qui confèrent une base juridique aux instances de concertation et aux documents d'orientation, ainsi que du décret relatif aux pays.

Selon M. Coussain, cela a été trop long. J'en conviens.

Mais c'est le prix de la concertation et de l'association étroite des élus locaux et du CNADT à notre travail.

En revanche, je ne peux pas laisser Mme Bassot prétendre que des « versions intermédiaires » ont circulé sous le manteau. Cela n'a absolument pas été le cas. Les différentes versions ont circulé de façon tout à fait transparente, puisque c'était le principe même de la concertation que nous avons, que vous avez voulue.

Quatre autres décrets sont à la signature des ministres et ils sont relatifs aux chemins ruraux et relevés topographiques, aux services publics, ainsi qu'aux agglomérations, ce dernier décret étant très attendu.

Le Gouvernement vient par ailleurs de définir les grandes orientations des neufs projets de schémas de services collectifs qu'il soumet à la concertation régionale. Le travail est considérable et cette ambition explique les quelques mois de retard qui ont été pris.

Cela étant, j'indique à M. Coussain et à M. Deniaud qu'on ne peut pas comparer l'ébauche de schéma national qui avait été proposé à la représentation nationale en 1996-1997 et ce travail, d'une toute autre ambition.

Ainsi le schéma national de M. Pasqua ne contient qu'un misérable paragraphe consacré au sport, lequel se borne à réaffirmer que le sport n'est pas mauvais pour la santé et peut avoir un intérêt en matière d'aménagement du territoire.

M. Jean-Claude Lenoir.

Oh ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En revanche, le travail qui a été réalisé par le comité de pilotage présidé par Mme Buffet, qui l'a été à partir d'un diagnostic complet des besoins et des équipements existants, liste les infrastructures, les équipements, les services, les formations dont on a besoin pour répondre aux attentes de la population en matière de services collectifs du sport.

M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est un exemple. Il y en aurait beaucoup d'autres, mais il serait cruel, messieurs les députés, de vous les mettre tous sous le nez ! L'effort de planification du Gouvernement couvre l'ensemble des champs de politiques publiques et des champs inédits en matière de santé, de culture, d'énergie ou de sport.

Si ce travail a pris un peu de retard, il a tout de même servi de base aux réflexions des régions, qui ont réalisé pour leur propre compte leurs schémas régionaux d'aménagement du territoire, et réfléchi à leurs propres priorités dans le cadre de la préparation des contrats de plan.

Voilà, là encore, une sérieuse différence avec le schéma national de M. Pasqua, qui ne pouvait décidément servir de fondement à aucune réflexion sérieuse.

M. Coussain a dressé une liste des conséquences prévi-s ibles d'une mondialisation non maîtrisée et d'une concentration des hommes, des activités, des richesses et des nuisances dans de trop rares métropoles. Il a bien fait et sa description était assez honnête. Il trouvera peut-être quelques éléments de réponse dans les schémas de services collectifs d'aménagement du territoire. Conçus pour être des instruments novateurs au service d'un développement équilibré des territoires, ils permettent de tracer les choix stratégiques d'une politique pour les vingt prochaines années dans les principaux secteurs de l'intervention publique et de répondre aux besoins collectifs réellement exprimés par nos concitoyens.

Dans ces schémas de services, les territoires sont reconnus avec leur vitalité propre, leurs projets, leurs acteurs politiques, économiques et sociaux. Le champ de la planification territoriale, traditionnellement réduit à un seul schéma d'infrastructure, est étendu à tous les aspects de la vie économique et sociale : enseignement supérieur et recherche, culture, santé, nouvelles technologies de l'information et de la communication, transport de voyageurs, transport de marchandises, énergie, espaces naturels et ruraux, sport.

Pour réussir, cette nouvelle conception suppose l'instauration de nouvelles formes de concertation au niveau de l'Etat et un décloisonnement de l'action gouvernementale. Les documents adoptés par le Gouvernement le 26 octobre dernier sont le produit de cette concertation.

Ils sortent largement - mais peut-être encore trop progressivement - des logiques sectorielles qui ont si longtemps présidé à l'action administrative.

Ils reposent sur une vision prospective de long terme.

Ils s'appuient sur une prise en compte transversale des problématiques qui me sont chères, telle la prise en compte systématique des impératifs de préservation de l'environnement et de développement local.

En tant que ministre chargée de l'environnement, je me réjouis tout particulièrement que les effets de chaque politique sur l'environnement soient pris en compte dans chacun des schémas. L'environnement n'est plus ce qui reste quand on a pris les autres décisions. L'environne-


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ment n'est pas pris en compte dans le seul schéma des espaces naturels et ruraux. Au contraire, la compatibilité de chacun des schémas avec les engagements internationaux de la France en matière de lutte contre l'effet de serre, de préservation de la biodiversité, doit être assurée. Mais il faut bien reconnaître que, pour ce qui concerne la défense de l'identité des milieux ruraux, le schéma des espaces naturels et ruraux joue un rôle cent ral, point de rencontre de nombreuses politiques publiques.

L'effort de cohérence entrepris au niveau national devra être poursuivi et concrétisé au niveau local, dans la poursuite de la procédure, par le décloisonnement de l'action administrative, l'accélération de la réforme de l'Etat, l'accompagnement des nouvelles formes d'organisation territoriale en fonction des problèmes à traiter, et demain, peut-être, comme l'a évoqué Daniel Paul, par l'approfondissement de la démocratie locale et la conquête de nouveaux droits dans le cadre d'une nouvelle étape de la décentralisation.

Depuis l'adoption de la LOADDT, les régions ont beaucoup travaillé à l'élaboration des schémas de services collectifs. Elles ont fait parvenir au Gouvernement leurs contributions - c'est la première fois qu'on le leur d emandait. Aujourd'hui, le Gouvernement leur fait connaître les propositions qu'il a retenues après examen de ces contributions régionales. Les projets de schémas seront adressés aux régions dans les jours qui viennent.

C'est donc bien d'une élaboration partagée qu'il s'agit.

Il revient, maintenant, à l'ensemble des acteurs publics et privés dans les régions de se saisir de ce débat, de faire entendre leur voix la voix - du Perche, de l'Orne, de la Haute-Vienne et des autres territoires -, pour donner chair et vie dans l'ensemble des territoires aux orientations présentées dans ces schémas.

Nous avons souhaité laisser, à vous et aux régions, le temps nécessaire pour engager une vraie discussion de fond. Vous aurez jusqu'au 15 avril prochain pour étudier ces projets de schémas qui sont tout à fait conséquents, après examen par les conférences régionales pour l'aménagement et le développement du territoire, puis par les conseils économiques et sociaux des régions.

Parallèlement à ce travail déconcentré, la consultation sera organisée au niveau national avec le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire dans sa nouvelle composition, plus représentative des acteurs que sont les associations et les structures intercommunales, mais aussi avec les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire dont je tiens à saluer le travail.

Il me semble que cette délégation pourrait être un bon lieu pour se pencher sur les questions posées par M. Balligand et, me semble-t-il, M. Coussin, concernant les risques de déséquilibre entre les territoires générés par un développement non régulé ou insuffisamment régulé des technologies de communication. Qu'il s'agisse de la couverture du territoire par des réseaux de mobiles de nouvelle génération, des réseaux à haut débit ou des boucles locales radio, il ne peut pas y avoir une répartition tacite des rôles avec, d'un côté, ceux qui seraient soucieux de l'efficacité économique en dialogue avec les opérateurs et, de l'autre, ceux qui compenseraient les conséquences de mesures trop peu soucieuses d'aménagement du territoire.

C'est dans le cadre du schéma de services des télécommunications que ces questions peuvent être approfondies et que des propositions nouvelles peuvent être formulées pour réguler davantage, si vous en éprouvez le besoin, les propositions aujourd'hui formulées.

Au terme de ces allers-retours, l'Etat préparera les décrets relatifs à chacun des schémas de services collectifs.

Nous pourrons ainsi disposer, pour les sept ans à venir, des documents nécessaires à la refondation de la politique d'aménagement du territoire.

La négociation d'une nouvelle génération de contrats de plan Etat-régions a été menée dans des conditions que je pourrais qualifier de globalement satisfaisantes tout au long des années 1999 et 2000.

Après la phase de définition de la stratégie de l'Etat dans les régions, après la phase de consultation et d'échange, l'an 2000 a été consacré à la négociation et à la signature proprement dite des contrats sur un période qui s'est échelonnée entre le 13 janvier, pour le PoitouCharente, et le 28 juillet 2000, pour l'Auvergne. Ce délai est très court si on le compare aux précédents contrats de plan.

Les orientations retenues dans ces contrats répondent aux trois grandes priorités du Gouvernement en favorisant le soutien à l'emploi, la solidarité et le développement durable.

La réorientation de la politique des transports en faveur du développement de l'intermodalité et du rail en est un élément important. Les investissements dans le secteur ferroviaire devraient atteindre 30 milliards de francs sur la période, tandis que les crédits consacrés à la route sont globalement stabilisés.

Fondés sur une participation de l'Etat à leur financement à hauteur de 114,8 milliards, auxquels s'ajoutent les crédits dévolus aux grands programmes interrégionaux pour 5,4 milliards de francs, et sur une participation desr égions de 116,4 milliards de francs, ces contrats témoignent très clairement de la prise en compte de nouv elles préoccupations, particulièrement sensibles en matière d'aménagement du territoire et d'environnement.

C'est pourquoi j'ai souhaité que priorité soit donnée en 2001 dans l'affectation des crédits de la DATAR au respect des engagements pris dans les contrats de plan. J'accorde donc du prix à la mise en place suggérée par Philippe Duron d'un suivi et d'une évaluation régulière de la montée en puissance et de la mise en oeuvre des contrats en général et de leur volet territorial en particulier.

M. Jean-Claude Lenoir.

Chouchou ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce n'est pas beau d'être jaloux ! (Sourires.) Parallèlement, au niveau communautaire, l'année 2000 a été consacrée à la traduction opérationnelle de l'accord conclu par les Quinze à Berlin sur la réforme des fonds structurels et à l'établissement de leur nouvelle cartographie. L'ensemble des DOCUP régionaux ont été établis et adressés à la Commission avant le 30 avril pour approbation. Les documents uniques de programmation objectif 1 ont d'ores et déjà reçu un accord de principe de sa part, dans l'attente d'une adoption définitive attendue dans les jours qui viennent, tandis que les négociations nationales sur les DOCUP pour les vingt et une régions en objectif 2 sont achevées. Par ailleurs, les modalités de gestion nationale des crédits des fonds structurels ont été repensées afin de raccourcir les délais de paiements des dossiers aux bénéficiaires finals. M. Lemoine a considéré tout à l'heure que ces cartes ne servaient pas assez bien les zones rurales. Je transmettrai très volontiers ses remarques et ses critiques à Michel Barnier.

L'application des lignes directrices communautaires pour les aides à finalité régionale a conduit à une refonte du régime de la prime à l'aménagement du territoire, tant


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dans ses modalités d'application - PAT tertiaire et abaissement des seuils d'éligibilité - que dans sa couverture territoriale par une révision du zonage, dont je sais qu'elle soulève interrogations et inquiétudes ; j'y reviendrai dans quelques instants.

Quant à l'autre outil essentiel d'orientation de la politique d'aménagement du territoire, le FNADT, ses modalités d'intervention ont été profondément revues, à la suite d'un rapport de l'inspection générale des finances, dans une perspective d'appui aux orientations de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, notamment en matière d'aide au développement des territoires de projets, tant il est vrai, Mme Bassot l'a rappelé, que l'aménagement du territoire concerne de plus en plus souvent le développement local.

Une nouvelle circulaire relative à la doctrine d'emploi du fonds et à ses modalités d'intervention, qui abroge et remplace la circulaire du 15 février 1995, est actuellement soumise à la signature du Premier ministre. Elle confirme la réorientation des actions financées par le fonds sur les trois domaines prioritaires que sont : les projets en faveur de l'emploi, tels que les démarches de développement local intégré et les systèmes productifs locaux, les actions qui visent à accroître l'attractivité des territoires et les actions qui présentent un caractère innovant ou expérimental dans le domaine de l'aménagement du territoire, et en particulier le développement de l'ingénierie de projet.

Le FNADT a en effet vocation à soutenir des actions qui ne peuvent être financées par les ministères au moyen des ressources dont ils disposent.

Afin de renforcer la sélectivité de la procédure et la plus-value de l'appui du fonds, ne seront plus financés sur la section générale que des projets d'envergure nationale et d'ampleur suffisante, pour lesquels les demandes de financement excèdent deux millions de francs, pour un montant total d'investissement supérieur à dix millions de francs.

La section locale du fonds a pour sa part été renforcée.

Elle comprend une partie clairement identifiée dédiée aux projets contractualisés, en complément d'une section libre d'emploi dont l'utilisation relève de l'initiative locale.

Cette section locale libre d'emploi devrait s'attacher au financement prioritaire des mesures permettant d'accompagner l'évolution de l'implantation des services publics et les projets d'aménagement et de développement durable menés dans un cadre intercommunal.

Concernant les services publics, je partage les préoccupations exprimées par M. Boisserie. Nous devons aller au-delà de ce qui a déjà été réalisé pour ce qui conce rne la mise en place des maisons des services publics. Cela nécessite un travail très important. En revanche, je ne peux pas suivre M. Lemoine quand, d'une façon détournée, il nous invite...

M. Jean-Claude Lenoir.

Je m'appelle Lenoir, pas Lemoine ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce n'est pas un scandale.

M. Jean-Claude Lenoir.

Mais c'est la deuxième fois que vous vous trompez. Cela prouve que vous n'écoutez pas.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai écouté le contenu, pas la forme ! Je ne peux suivre, disais-je, M. Lenoir quand il nous invite à mettre en place une politique volontariste et même autoritaire de l'Etat pour localiser les médecins dans les zones rurales. Cette suggestion ne me semble pas très libérale.

M. Jean-Claude Lenoir.

Je n'ai jamais déclaré cela.

Vous caricaturez.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

A caricature, caricature et demie. Voilà ce qui arrive quand on se laisse aller.

Après ces deux années de conception et de redéfinition des instruments d'intervention en matière d'aménagement du territoire, l'année 2001 sera consacrée à la mise en oeuvre pleine et entière de ces nouvelles orientations politiques.

Avant de passer à l'examen du budget proprement dit, je voudrais dire quelques mots de l'Institut des hautes études d'aménagement du territoire. Lancé le 23 mars 2000 par une séance inaugurale que j'ai présidée, cet i nstitut suscite encore, semble-t-il, des discussions.

M. Duron, en auditeur attentif, le défend.

M. Jean-Claude Lenoir.

Encore ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ne soyez pas jaloux, je ne fais que citer des faits.

En revanche, il semblerait que la commission de la production et des échanges de l'Assemblée soit plus

« dubitative ».

L'intérêt principal de l'Institut réside sans doute dans la composition de la promotion, puisqu'il s'adresse à des cadres de très haut niveau qui ne participent pas à d'autres enseignements sur le sujet : des préfets, des directeurs régionaux de l'équipement, des directeurs de la plupart des ministères qui interviennent dans le domaine de l'aménagement du territoire, des élus, des députés, des présidents d'assemblées territoriales, des hauts fonctionnaires, des cadres d'entreprise dans les domaines des transports, de la grande distribution, des télécoms, des responsables syndicaux. C'est donc un véritable lieu de débat et de réflexion entre acteurs qui travaillent dans des secteurs variés.

Un intérêt supplémentaire réside dans la qualité des intervenants et dans la diversité des formations qui sont dispensées. Aucune autre formation ne peut réunir, me semble-t-il, ce niveau et cette diversité.

M. Philippe Duron.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais je veux bien admettre que l'Institut des hautes études d'aménagement du territoire a vocation à se développer dans d'autres régions françaises pour toucher un public plus large qui, aujourd'hui, ne dispose pas d'un tel lieu de travail autour des questions du développement du territoire.

Le second sujet que je voulais aborder avant de présenter ce projet de budget concerne la réforme des zonages de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous souhaitons non pas procéder au charcutage qui a été dénoncé par M. Coussain, mais surmonter la confusion qui est liée à la superposition de zonages sans cohérence.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Très bien !


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Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'efficacité et la lisibilité de ces multiples zonages sont insuffisantes. J'attends beaucoup du travail qui a été confié à Mme Perrin-Gaillard et à

M. Duron...

M. Jean-Claude Lenoir.

Encore ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... pour permettre cette clarification.

Monsieur Lenoir, il y avait des outils dans la boîte mais beaucoup de ces outils étaient émoussés et rouillés.

Je souhaite que l'on simplifie les choses et que l'on se dote d'outils peu nombreux mais efficaces et utilisables par tous. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Sylvia Bassot.

De la quincaillerie ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Avec un total de 2 406 millions de francs en dotations ordinaires plus autorisations de programme et 1 749 millions de francs en dotations ordinaires plus crédits de paiement, le budget de l'aménagement du territoire enregistrera, en 2001, une croissance de 13,4 % en engagements, tandis que la diminution de 9,8 % de ses crédits de paiement résulte d'un ajustement au rythme de consommation réelle des crédits, sans préjudice aucun pour la conduite des actions à venir. Il faut vraiment la mauvaise foi de M. Deniaud pour ne pas comprendre que le flux des dossiers se tarit en fin de période de programmation, alors que les projets conçus au titre de la nouvelle période de programmation ne sont pas encore montés en puissance. Les capacités de montage de projets se mesurent aux autorisations de programme, vous le savez bien.

M. Jean-Claude Lenoir.

Les députés de l'Orne protestent ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je reçois la protestation de l'Orne, mais je réponds sur le ton qui a été utilisé tout à l'heure et qu i ne me paraît pas propice à des échanges de bonne qualité.

M. Jean-Claude Lenoir.

Chez nous, la solidarité représente quelque chose.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Ecoutez-moi, je vous apporte des réponses chiffrées très précises.

L'origine des reports en ce qui concerne la PAT est largement imputable à la très forte augmentation des crédits de paiement constatée en loi de finances 2000. Les crédits de paiement de la PAT avaient en effet progressé de 33 % entre 1999 et 2000, passant de 315 millions de francs à 420 millions de francs en 2000. Par ailleurs, vous le savez bien, le rythme de consommation des crédits découle directement de l'échéancier d'arrivée des dossiers. On constate de façon systématique une accélération des demandes en fin de période de programmation.

Celle-ci a été particulièrement nette pour ce qui concerne la PAT à la fin de l'exercice 1999, avec pour conséquence un report de certains dossiers sur l'exercice 2000, sur lequel ils bénéficient d'un financement à hauteur de 41 millions de francs. A contrario, la sous-consommation de crédits que nous constatons au début d'une nouvelle période de programmation conduit à un certain ralent issement du rythme d'engagement des crédits du FNADT. Mais nous mettons en place les nouveaux contrats de plan. Les fonds sont prévus et les projets seront traités au fur et à mesure, en fonction de leur état d'avancement. C'est ainsi que s'explique la baisse des crédits de paiement.

Les budgets qui sont prévus seront suffisants pour nous permettre de mettre en oeuvre la politique à laquelle nous sommes attachés. Je conviens toutefois que le budget de la DATAR ne représente toujours que 0,12 % du budget de l'Etat. La raison en est, vous l'aurez compris, que les moyens financiers qui sont affectés à la politique d'aménagement du territoire représentent des sommes considérables, qu'on peut retrouver dans les budgets d'autres ministères et qui ne correspondent que très partiellement aux seuls crédits de la DATAR. L'évaluation globale de l'effort financier consenti par l'Etat et l'Union européenne pour l'aménagement du territoire conduit en effet à des montants de l'ordre de 74 milliards de francs en dotations ordinaires plus crédits de paiement et 44 milliards en autorisations de programme. Au regard de ces chiffres, les crédits de la DATAR pèsent moins de 3 %. Ces chiffres illustrent d'abord le caractère transversal et interministériel de la politique d'aménagement du territoire, ensuite la nécessité du décloisonnement des politiques, comme le permettront les schémas de services collectifs évoqués longuement tout à l'heure.

Le projet de budget pour 2001 donne la priorité au volet territorial des contrats de plan Etat-régions par un renforcement des crédits du FNADT. Le budget propre de l'aménagement du territoire porté par la DATAR doit n ous permettre d'encourager et d'accompagner les contrats d'agglomération et de pays. Vous avez été nombreux à pointer l'intérêt de ces politiques, Mme PérolDumont, M. Boisserie, Mme Bassot. Je vous en remercie.

Cette orientation politique trouve sa traduction financière dans la progression des crédits d'engagement du fonds national d'aménagement et de développement du territoire. Avec une augmentation de 14 %, ils passeront de 1 653 millions en 2000 à 1 883 millions en 2001, soit un accroissement de 230 millions de francs de ses capacités pour le financement des contrats de plan.

La part des crédits contractualisés du FNADT progresse considérablement. Elle atteint 8,6 milliards de francs sur la période, à comparer aux 4,7 milliards de francs consacrés à la précédente génération de contrats s ur la période 1994-1999.

Pour l'année 2001, 1 041 millions de francs sont ainsi réservés au financement des contrats de plan, avec une forte orientation en faveur de leur volet territorial. Le FNADT a désormais vocation à privilégier le recours à l'ingénierie de développement plutôt que le financement de projets d'investissements plus lourds. Ces crédits d'intervention ont été calibrés en conséquence. J'ai souhaité un renforcement du titre IV pour les premières années des contrats, pour assurer le financement de cette ingénierie légère indispensable à l'émergence des projets de territoire.

Je voudrais apporter quelques éléments de réponse rassurants à Mme Pérol-Dumont, qui a formé le voeu que ne soient pas marginalisés les acteurs locaux au profit d'intervenants extérieurs dans la phase de montage de projets. Si nous avons augmenté de façon considérable les moyens disponibles, nous n'entendons pas choisir les monteurs de projets à la place des intervenants locaux.

Les crédits sont naturellement délégués aux préfets de région, qui en déterminent l'affectation après avis des instances locales. Il n'y a donc aucune raison pour que ces crédits soient réservés à des cabinets extérieurs au détr iment des agents régionaux compétents.


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Il est parfaitement exact que nous avons identifié les territoires sur lesquels la matière grise locale fait défaut.

Nous aurons le souci de ne pas laisser ces territoires prendre du retard.

Vous avez, madame Bassot, salué avec un fair play dont je vous remercie la progression des crédits du titre IV du FNADT. Nous souhaitons, au fur et à mesure de la montée en puissance des projets et des crédits du titre VI, pouvoir baisser les crédits titre IV. Ainsi, on financera moins d'ingénierie de projets et plus d'investissements. Il s'agit d'une dynamique qu'il nous faudra évaluer sur la période.

Ce sont près de 661 millions de francs de crédits d'investissement du titre VI qui seront intégrés aux contrats de plan pour le financement d'investissements plus lourds, ce qui représente 50 % du titre VI.

A la date du 30 juin 2000, les commissions départementales de coopération intercommunale avaient constaté 104 pays. Près de 200 en projet ou en cours de constitution sont répertoriés au niveau national, et la parution récente du décret d'application de la loi leur donnera une base de reconnaissance officielle.

Par-delà l'opération pilote conduite en 2000 sur quatorze agglomérations prises comme sites témoins, une centaine d'agglomérations susceptibles de se constituer dans les prochains mois ont également été identifiées.

Plus d'une cinquantaine sont déjà en place. Je souhaite que la progression en 2001 des crédits du FNADT puissent soutenir cette dynamique déjà bien enclenchée.

L a baisse constatée des crédits de paiement du FNADT de 943 millions à 777,5 millions préoccupe certains d'entre vous. Elle tient compte de la consommation prévisible de crédits sur l'exercice actuel sur la base d'une prévision de report d'environ 400 millions de francs de 2000 sur 2001. C'est donc une capacité réelle de paiement d'environ 1,2 milliard de francs qui sera disponible en 2001, permettant à la DATAR de faire face aux besoins des programmes financés sur le fonds cette année-là.

Je sais gré à votre commission des finances et à Alain Rodet d'avoir reconnu cet effort de sincérité budgétaire.

Je voudrais dire maintenant quelques mots sur l'augmentation des moyens de soutien à la localisation des activités et à la création d'emplois, second volet de l'action de la DATAR.

Les crédits d'engagement dévolus à la PAT, la prime d'aménagement du territoire, outil majeur pour la création d'emplois et le développement économique de certaines zones prioritaires sur le territoire, progresseront de 50 millions de francs en autorisations de programme, pour s'établir à 400 millions, soit une hausse de 14 %. La diminution constatée des crédits de paiement, qui s'élèveront à 300 millions, soit une baisse de 70 millions par rapport à 2000, procède d'un ajustement technique aux rythmes constatés de consommation, sans préjudice pour la capacité d'intervention de l'Etat en ce domaine.

Sur la base d'un report prévisible d'environ 200 millions de francs de 2000 sur 2001, c'est en réalité d'une capacité de paiement à hauteur de 500 millions de francs dont devrait bénéficier la DATAR en 2001, à mettre en perspective d'une consommation moyenne de crédits comprise entre 350 et 450 millions de francs.

Il s'agit, bien sûr, de tenir compte, ce que je fais bien v olontiers, de l'observation de la commission des finances, qui nous invite à revoir les règles d'utilisation de la PAT. Mais il faut aussi considérer qu'il n'y a pas de projets en souffrance : en dépit de la très faible sélectivité du dispositif, nous souffrons plutôt d'une absence plutôt que d'un nombre excessif de projets.

Nous sommes trop souvent amenés quand des engagements pris par les entreprises n'ont pas été tenus, notamment en ce qui concerne la création d'emplois, à demander la restitution de sommes parfois considérables, qui ont été indûment perdues. C'est donc très volontiers que je m'inscris dans votre démarche d'amélioration et de rationalisation des règles d'utilisation de la PAT.

Nous avions souhaité épauler la réforme d'emploi de la PAT et de son zonage, qui procède de la révision communautaire de la carte des aides à finalité régionale.

La réforme consiste, d'une part, en un abaissement du seuil d'éligibilité de la PAT, destiné au soutien des plus petits projets. Ce seuil passe de 20 emplois créés et de 20 millions d'investissements sur trois ans à 15 emplois et à 15 millions. Cette réforme consiste, d'autre part, en l'extension de la PAT tertiaire au domaine des services à l'entreprise.

Mme Pérol-Dumont m'a interrogé sur la micro-PAT, dont ici même, l'année dernière, le concept a été longuement débattu. Nous avons considéré qu'il ne fallait pas mettre en place des dispositifs qui se seraient révélés trop lourds à traiter au niveau central. Il n'est en effet pas envisageable de traiter des centaines, voire des milliers de projets ne prévoyant parfois que la création d'un seul emploi dans une zone isolée. Nous souhaitons développer des dispositifs régionaux de soutien aux entreprises et à la création d'emplois : prime régionale à l'emploi, encadrement des aides aux PME, aides du fonds de développement des PMI, dont j'ai eu l'occasion de parler assez longuement devant votre délégation à l'aménagement du territoire.

Je reviendrai tout à l'heure sur ces dispositifs qui doivent permettre d'adoucir la situation des zones qui sortent de la PAT « industrie ». A cet égard, nous avons encore du travail à faire.

La réforme des zonages s'appuie pour sa part sur les contraintes imposées par la Commission européenne, notamment en termes de réduction de la diminution de population éligible, qui passe de 41 % à 34 % de la population totale, et de plafonnement des taux d'aide.

Nous sommes toutefois parvenus dans la majorité des cas à assouplir certaines positions de la Commission.

Ainsi, alors que la Commission avait, au début des négociations, la tentation de pousser au strict recouvrement des zonages de la PAT et des fonds structurels, ce qui aurait empêché toute mesure d'atténuation de perte d'éligibilité, nous nous sommes employés à préserver une marge de flexibilité et à ne pas faire coïncider la carte PAT avec celle de l'objectif 2.

De même, des dérogations ont pu être obtenues au principe initial de la Commission de n'autoriser les Etats à effectuer un zonage « infra zone d'emploi » que dans les zones de l'objectif 2. Ainsi, quatorze zones d'emplois partielles ont pu être retenues, situées pour la plupart dans des zones d'agglomération ou les bassins miniers.

J'ai bien noté vos préoccupations concernant, d'une part, le traitement des zones perdant le bénéfice de la PAT et, d'autre part, le nouveau décret consacré à ses règles d'emploi. Félix Leyzour a évoqué cette question tout à l'heure.

Je lui avouerai que la négociation avec la Commission a été beaucoup plus longue que nous ne l'avions imaginée.


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Nous avons transmis notre projet de carte PAT à la Commission en juin 1999. Nous avons franchi de nombreuses étapes dans la négociation avec la Commission qui a, comme on l'attendait, refusé de s'inscrire dans la démarche intellectuelle que nous lui proposions. Nous avons ensuite, après son approbation de la carte, négocié avec la Commission le contenu du régime de la PAT, ce qui a pris également plusieurs mois en raison de l'élargissement des aides prévues en zone tertiaire. C'est seulement le 17 juillet 2000 que nous avons obtenu l'accord final de la Commission sur le régime des aides à la PAT.

Depuis lors, nous avons travaillé à l'élaboration du nouveau décret, qui a été transmis au Conseil d'Etat le 18 septembre et qui fera l'objet d'une parution prochaine.

Concernant le maintien des aides collatérales pour les zones qui sortent de la PAT « industrie », les deux principales orientations concernent le renforcement du dispositif d'aide à l'emploi au niveau régional et le maintien de l'exonération de taxe professionnelle pour certains territoires.

Ainsi, le dispositif d'aide à l'emploi est renforcé par le biais de la nouvelle prime régionale à l'emploi, dont les facultés d'emploi seront étendues s'agissant des PME : il n'y aura plus de limitation quant au nombre des employés concernés, mais une limitation en équivalentsubvention égale à 20 % de la masse salariale les trois premières années. Un projet de décret est en préparation au ministère de l'intérieur.

S'agissant du maintien de la faculté d'exonération de taxe professionnelle, elle intéresse les territoires perdant l'éligibilité à la PAT et qui ne sont pas situés en TRDP, en ZRR ou ZRU, et cela par extension du zonage des territoires ruraux en développement prioritaire à leur bénéfice.

Il faut rappeler que reste possible, sans restriction du zonage PAT « industrie », les aides de la PAT tertiaire quis era soumise dans le futur décret à l'encadrement communautaire des aides à l'emploi et des aides à la recherche/développement. L'Ile-de-France et Lyon en sont exclus.

L'aide à l'immobilier d'entreprise reste également possible, depuis la sortie du décret de 1998 hors zonage PAT

« industrie » pour les PME...

Mme Sylvia Bassot.

Elle est plafonnée à combien ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... dans la limite d'un plafond de 900 000 francs. Le problème a été évoqué par M. Boisserie.

Quant à l'aide à l'investissement mobilier, immobilier et immatériel des PME, elle est autorisée dans la limite d'un plafond de 100 000 euros sur trois ans, dans le cadre de l'application de la règle du de minimis ou dans le cadre du respect de l'encadrement PME correspondant à 7,5 % ou 15 % de l'investissement, suivant la taille de la PME concernée.

Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir un tableau mettant en évidence tous ces dispositifs.

J'en viens aux réformes de structures.

La rationalisation du réseau de prospection et d'accueil des investissements étrangers créateurs d'emplois verra le jour en 2001 dans le cadre de l'Agence française pour les investissements internationaux. Cette agence, établissement public à caractère industriel et commercial, sera placée sous la double tutelle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'Agence, à laquelle les collectivités locales seront bien évidemment associées, aura pour vocation d'assurer la promotion de l'espace économique national afin de rationaliser le dispositif de promotion, de prospection et d'accueil des investissements étrangers créateurs d'emplois, en prenant en compte les impératifs d'aménagement du territoire.

Mesdames et messieurs les députés, je ne prétends pas avoir été exhaustive dans ma présentation de ce nouveau budget. Je voulais surtout souligner les progrès accomplis ces dernières années, dans la perspective des priorités identifiées pour l'exercice 2001.

Je n'ai pas abordé les grands projets d'équipement, tels que le synchrotron, à propos duquel Mme Pérol-Dumont m'a interpellée.

Il est de notoriété publique que j'ai plaidé pour une localisation du synchrotron en dehors du grand bassin parisien afin de permettre le développement de pôles d'excellence scientifique, notamment sur le plan de la recherche. Mais c'est dans la durée qu'il faut juger les efforts de desserrement des contraintes qui pèsent sur l'Ile-de-France et sur la répartition des grands équipements. Un exemple tout récent me laisse penser que le combat n'est pas encore complètement gagné.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe du Rassemblement de la République, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Madame la ministre, l'annonce du feu vert donné en fin de semaine dernière par le Gouvernement pour la construction de la plate-forme aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, a été très appréciée dans l'Ouest. Il s'agit là d'une dé cision attendue et prometteuse pour le développement économique.

Cet investissement ne peut se concevoir que s'il bénéficie tant aux Nantais qu'aux Rennais. D'ores et déjà, il convient d'évoquer la desserte du futur aéroport.

Le Gouvernement accepte-t-il le principe de cette création et entend-il faciliter la desserte ferroviaire de l'aéroport par un barreau complémentaire aux infrastructures existantes pour relier les deux métropoles régionales que sont Nantes et Rennes et par une desserte de l'aérogare du futur aéroport ? Par ailleurs, il conviendra également de prévoir la liaison entre les voies rapides déjà existantes Nantes-Rennes et Nantes-Vannes.

Les conseils régionaux de Bretagne et des Pays-de-laLoire ont décidé de lancer prochainement la constitution d'un syndicat mixte, associant les collectivités, mais aussi les riverains et les forces socio-économiques concernées par cet important dossier.

Ma question, madame la ministre de l'aménagement du territoire, sera simple : l'Etat entend-il financièrement participer non seulement aux études, mais aussi à la réalisation de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes et surtout, à sa desserte, notamment par le rail ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, la desserte aérienne des métropoles régionales est bien trop tributaire du passage par Paris. A l'avenir, le développement de cette desserte se fera davantage par des lignes directes, nationales ou internationales. Il s'agit là d'un élément clé pour


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l'avenir de ces métropoles, qui apparaît d'autant plus indispensable que monte en puissance la perspective de la saturation des aéroports parisiens.

Vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que nous avons un effort particulier à réaliser en faveur du rééquilibrage de la localisation des équipements vers l'ouest de notre pays. C'est pourquoi il a semblé nécessaire, compte tenu des nuisances qui pesaient sur les habitants de Nantes, de déplacer l'aéroport actuel sur le nouveau site de Notre-Dame-des-Landes, à une douzaine de kilomètres au nord de la ville. Ce site fait l'objet de réserves foncières depuis une vingtaine d'années.

La réalisation est inscrite au projet de schéma de services collectifs de transport et 10 millions de francs ont été inscrits au contrat de plan 2000-2006 pour engager les études préliminaires.

Sur ce nouveau site, l'aéroport de Nantes offrira un meilleur service à la clientèle bretonne, en lui proposant des services aériens n'existant pas sur les aéroports bretons, notamment sur celui de Rennes-Saint-Jacques. La ville de Rennes étant située à 90 kilomètres du site de Notre-Dame-des-Landes, je n'imagine pas qu'un tel équipement ne soit pas desservi par le train. La ligne actuelle Nantes Rennes pourrait être le meilleur vecteur pour cette desserte.

Des études devront être menées dans ce sens et l'Etat devra y prendre toute sa part. C'est l'un des enjeux de la directive territoriale d'aménagement en cours d'élaboration.

Mme la présidente.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Madame la ministre, 36 000 communes, 500 000 élus locaux, 101 départements et plus de 4 000 conseillers généraux sont une force décisive pour mobiliser les territoires et réduire les inégalités, une force irrésistible pour toutes les initiatives locales et pour porter partout un projet commun de développement durable.

C'est ce qui faisait exprimer à mon ami Michel Vaxès, lors de la première lecture de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, sa préoccupation devant l'effacement de la commune et du département.

M. Vaxès s'exprimait en ces termes :

« Sans remettre en cause la place donnée aux régions et aux agglomérations, il me paraît dommageable que la commune, foyer de démocratie, lieu par excellence de l'expression de la démocratie directe, lieu le plus proche de l'émergence des aspirations et des besoins des citoyens, ne soit jamais citée dans le texte qui nous est soumis, sinon sous le vocable très général des collectivités territoriales, et qu'elle reste, pour l'essentiel, tenue à l'écart des procédures contractuelles à venir.

« De même, il me paraît dommageable que n'apparaisse pas l'institution départementale. »

Avec le recul du temps, je ne pense pas qu'il se soit agi d'un oubli.

En effet, lors d'un autre débat, celui relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, M. Jean-Jacques Queyranne, ministre de l'intérieur par intérim, expliquait, à propos du chapitre traitant de la transparence du fonctionnement : « L'élection au suffrage universel des délégués qui siègent au sein de ces structures aboutirait à les transformer en collectivités territoriales de plein exercice. Elle poserait le problème de l'articulation de ce nouvel échelon avec les niveaux d'administration locale. Une telle évolution ne peut être engagée sans mûres réflexions. »

Je partage tout à fait cette analyse : ce serait un bouleversement du paysage administratif français.

L'élection au suffrage universel des représentants de ce nouvel échelon administratif, c'est la fin programmée des communes telles que nous les connaissons aujourd'hui.

C'est tellement vrai que M. Perben, ancien ministre chargé de ce dossier, ajoutait, à l'occasion du débat sur l'intercommunalité : « Il faudrait rapidement une nouvelle loi organique pour définir les nouveaux échelons administratifs, la commune, le département n'ayant plus leur place. »

Ces derniers jours, M. le Premier ministre recevait le rapport Mauroy, qui propose, entre autres, l'élection au suffrage universel dès 2007 des établissements publics de coopération intercommunale.

Madame la ministre, ma question sera très simple : que compte faire le Gouvernement pour engager auprès des Françaises et des Français la réflexion nécessaire, comme le suggère M. Queyranne, face à ce projet qui va bouleverser le quotidien ? Il me paraît impensable que l'on élise les représentants de ces nouvelles structures territoriales dans engager un débat dans le pays, car il y va de la vie des communes et des départements.

En termes d'aménagement du territoire, ce serait se priver d'une force décisive, celles des élus locaux et des populations qu'ils représentent.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

D'une certaine façon, monsieur le député, vous venez d'ouvrir le débat, dans lequel je n'entrerai pas, cherchant seulement à lever les doutes que vous faites peser sur la loi d'orientation.

En effet, si la loi du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République, qui a donné naissance aux communautés de communes, a mis en place un processus, qui semble irréversible, de coopération entre les communes, elle n'a pas touché aux communes ellesmêmes, ni mis en place une élection au suffrage universel des conseils de communauté de communes.

La loi sur la simplification de la coopération intercommunale n'a pas non plus touché aux communes. Si elle reconnaît les agglomérations, elle n'est pas allée jusqu'à instaurer l'élection au suffrage universel des conseils d'agglomération, ce que je regrette pour ma part.

Quant à la LOADDT, elle ne met pas en place de nouvelles collectivités : les pays sont des espaces de projets et ils ne sont pas dotés de compétences. Nous n'avons donc jamais pensé que nous pourrions mettre en place des conseils de pays élus au suffrage universel.

J'en viens aux propositions de la commission Mauroy, qui sont justement destinées à ouvrir le débat. Je n'imagine pas une seconde qu'une décision pourrait être prise sans avoir été précédée d'un large débat au sein de la société. D'ailleurs, j'imagine bien quels pourraient être les prochains rendez-vous dans les deux ou trois années à venir, à la faveur desquels nous pourrions mener ce débat, en vue de moderniser nos institutions.

Un assez large accord des élus locaux et des parlementaires sera, me semble-t-il, nécessaire pour nous permettre de moderniser nos institutions dans un sens plus conforme à notre aspiration à travailler au plus près du terrain, au plus près des citoyens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

Mme la présidente.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Madame la ministre, l'accord donné par le Gouvernement au projet « Port 2000 » permet d'envisager une augmentation importante des trafics du port du Havre dans le secteur des conteneurs. C'est l'un des dossiers majeurs en matière d'aménagement du territoire. Mais c'est aussi un projet générateur d'emplois avec le développement des fonctions logistiques à proximité des terminaux. Selon les experts, des milliers d'emplois pourraient être concernés.

Les mesures prises par le Gouvernement en faveur de ces développements sont importantes. Comme nous l'avions toujours souhaité, elles touchent les deux rives de l'estuaire de la Seine. Le développement territorial de la Basse-Seine et du Havre a fait l'objet de décisions positives, et le principe de l'aménagement de la zone alluviale entre Honfleur et la Risle avait été acté dans le relevé du CIADT.

Aujourd'hui, la décision du préfet de Basse-Normandie de ne pas donner son accord pour l'aménagement de la partie de la ZIPEC - zone industrielle et portuaire EureCalvados - située à l'est du Pont de Normandie, sur la rive sud, peut être lourde de conséquences pour l'avenir même du projet « Port 2000 ». Cette décision a soulevé un tollé général de la part de toutes les collectivités de Basse-Normandie. Selon le préfet, la loi « littoral » ne permettrait pas l'aménagement de cette partie de la zone fluviale.

L'engagement pris d'un équilibre dans le développement entre les deux rives, d'un accord sur des mesures assurant sécurité maritime, protection de l'environnement et du cadre de vie, se trouve, dès lors, remis en cause et les habitants du sud de l'estuaire s'estiment trompés. J'ai ici un article d'un journal de la semaine dernière, spécialisé dans les questions maritimes et portuaires, qui reflète cette émotion.

Je vous demande donc, madame la ministre, de nous confirmer les objectifs gouvernementaux qui conforteront les deux rives de l'estuaire de la Seine dans leur soutien à un projet intéressant le développement durable, l'emploi et la nécessaire préservation du cadre de vie dans un espace précieux à nos yeux.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Monsieur le député, le projet

« Port 2000 » illustre certaines des difficultés auxquelles nous sommes confrontés en raison du retard de transposition de Natura 2000.

Le débat public qui s'est déroulé de novembre 1997 à mars 1998, sous l'égide de la commission nationale du débat public, a mis en évidence l'intérêt économique de ce projet, qui vise non seulement à rationaliser et à augmenter les capacités de transport par conteneurs, mais aussi à préserver le fonctionnement des vasières de l'estuaire de la Seine, écosystème remarquable reconnu aux niveaux tant local et national qu'européen et dont l'impact économique n'est pas négligeable, notamment pour les pêcheurs de l'estuaire.

S'agissant d'un estuaire très sensible, soumis à de fortes contraintes entropiques, mes services se sont attachés à ce q ue les dossiers d'enquête publique apportent des réponses précises aux questions évoquées lors du débat public. En particulier, des prescriptions claires, précises, contrôlables, doivent être édictées au titre de la loi sur l'eau pour assurer la mise en oeuvre rapide des mesures compensatoires nécessaires au bon fonctionnement de l'estuaire.

Je suis également attentive aux mesures prises pour protéger et développer la réserve naturelle de l'estuaire de la Seine, l'ensemble de ces mesures s'inscrivant dans le cadre d'une gestion globale de l'estuaire et faisant l'objet d'un suivi dans la transparence, en liaison avec le comité scientique et technique et avec un comité de suivi présidé par le préfet de la région Haute-Normandie, élargi aux collectivités, aux organismes socioprofessionnels, aux associations intéressées.

Dans son arrêt du 18 mars 1999, la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la France pour l'insuffisance de sa gestion du patrimoine écologique de l'estuaire de la Seine. J'ai donc recherché ces derniers mois à améliorer la qualité de nos propositions à la Commission pour que le projet « Port 2000 » puisse être mis en oeuvre. J'ai moi-même signé la décision d'instance de classement en réserve naturelle pour manifester clairement les intentions de la France d'appliquer la directive

« Oiseaux ».

La Comission n'est cependant pas encore convaincue de la qualité des propositions faites par la France pour exécuter l'arrêt de la Cour de justice, car elle considère qu'en l'état, il n'est pas possible de donner un avis sur le projet « Port 2000 » comme le prévoit l'article 6-4 de la directive que nous vous proposons de transposer par ordonnance.

S'agissant précisément de votre question, je souhaite préciser que la ZIPEC située à l'est du pont de Normandie, sur la rive sud, est restée en sommeil depuis une trentaine d'années. En lançant une DTA au CIADT de décembre 1998, le Gouvernement a souhaité favoriser une organisation territoriale équilibrée de part et d'autre de l'estuaire, en cohérence avec le projet « Port 2000 ».

Un plan de développement économique a été récemment proposé par les acteurs locaux. Il convient de vérifier que ce projet est compatible avec les dispositions légales ou, à défaut, de le rendre compatible. Le préfet de BasseNormandie a donc saisi le Conseil d'Etat pour obtenir son avis sur cette question dans le cadre offert par la DTA.

Le Gouvernement confirme en tout cas son objectif de développement harmonieux et durable des deux rives de l'estuaire de la Seine, qui ne peut se concevoir que globalement et qui, monsieur le député, est loin de remettre en cause le projet « Port 2000 ». J'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises de vous dire combien je trouvais ce projet intéressant pour desserrer la contrainte routière et mettre directement sur le rail les conteneurs déchargés des bâteaux. C'est un projet moderne, d'une ampleur certes considérable, mais qui ne devrait pas prendre un retard excessif si nous savons convaincre la Commission de notre bonne volonté.

Mme la présidente.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Madame la ministre, je voudrais revenir sur une question que vous avez abordée dans votre intervention et qui touche à la nécessaire cohérence entre territoires et procédures de contractualisation. Vous nous avez dit souhaiter un dispositif simple. En effet, tel n'est pas le cas de celui auquel nous sommes confrontés, il faut bien en convenir. Vous n'y pouvez rien, c'est un fait ! Dans le cadre du contrat de plan, l'Etat va contractualiser avec les territoires. C'est un axe fort auquel nous adhérons tous. Le FNADT mettra à disposition les moyens nécessaires. Une solution préconisée est celle de la convention entre pays et parcs naturels régionaux


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

- PNR. Cela dit, il n'est pas toujours facile de faire la distinction entre ce qui relève du PNR et ce qui relève du pays, entités dont les territoires peuvent se recouvrir.

Nous voulons tous éviter l'assimilation tout à fait désolante des PNR avec les fonds de l'environnement et des pays avec les fonds du développement. Le système conventionnel n'est pas mauvais dans son principe, mais il pose problème sur le fond. J'aimerais, madame la ministre, que vous clarifiiez les choses, car les PNR vont être obligés de se positionner de manière très réductrice par rapport aux pays, ce qui serait dommage.

Ma deuxième question, encore un peu plus compliquée, est relative à l'articulation entre les territoires qui vont passer des contrats de plan avec l'Etat et les zonages européens. La philosophie des aides qui résulte des documents de programmation me paraît plutôt bonne, mais il existe un risque de voir arriver des opérations européennes au coup par coup, ce qui pourrait générer un certain désordre, les gens allant chercher l'argent en oubliant toute stratégie de pays. Qui va gérer cette relation ? Enfin, troisièmement, certaines régions ont anticipé la contractualisation de l'Etat et ont déjà des contrats d'agglomération ou de pays. Beaucoup ont été signés, d'autres sont en voie de l'être. Dans cet exercice, l'Etat n'est pas présent, malheureusement. C'est la région qui enclenche la procédure et le département est souvent partie prenante. On informe l'Etat, bien sûr, en invitant le souspréfet aux réunions, mais il n'est que spectateur. Vous le savez, je me trouve dans cette situation avec la région Centre. Et nous nous demandons s'il ne va pas falloir revoir tout cela avec l'Etat. L'agglomération tourangelle, par exemple, a signé un contrat d'agglomération avec la région il y a plusieurs mois et il va falloir revenir dessus.

Or, la région estime qu'elle a déjà donné et qu'elle n'a pas à recommencer. Bien sûr, cela ne concerne pas toutes les régions, mais je souhaite que ce point soit clarifié car, chez moi en tout cas, les gens s'interrogent. Quel rôle les préfets vont-ils jouer dans la mise en oeuvre du contrat de plan ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Dauge, en quatre minutes vous m'avez posé quelques-unes des questions les plus lourdes, les plus difficiles, s'agissant de la mise en oeuvre de la politique territoriale sur le terrain.

La plus simple d'entre elles est sans doute celle relative à l'articulation et à la vocation des pays et des PNR.

Moi, je ne suis pas sûre que quelqu'un ait dit, comme on le rapporte souvent, qu'il y a, d'un côté, les PNR qui feraient de l'environnement et, de l'autre, les pays qui feraient du développement économique.

Si, dans les dix premières années de leur existence, les PNR ont privilégié le développement d'activités traditionnelles ou d'activités nouvelles liées à la qualité des m ilieux et à l'environnement, notamment dans les domaines agricole, forestier ou touristique, au moment de la rediscussion des chartes ils ont eu des ambitions plus importantes pour ce qui concerne le développement économique et la création d'emplois, ce qui me paraît tout à fait normal. Je pense notamment aux politiques d'encouragement aux entreprises se lançant dans des produits de qualité ou à la labellisation de productions ou de services qui a été offerte dans ces parcs naturels régionaux. J'ai eu l'occasion de le redire lors du rendez-vous annuel des parcs naturels régionaux. Ces derniers sont aujourd'hui trente-trois et presque la moitié d'entre eux sont concernés par un recouvrement partiel avec un pays constaté en vertu de la loi de 1995. Il semblerait que cela pose problème dans deux ou trois parcs, mais pas dans tous. La rencontre à laquelle j'ai fait allusion se tenait dans la vallée de Munster et il semblerait que M. le député Meyer, maire de Colmar, ait obtenu l'accord de la quasi-totalité des élus pour mettre en place un pays du Grand Colmar correctement articulé avec le parc naturel régional. Donc, là où il y a de la bonne volonté, là où l es gens se parlent, en général cela ne pose pas de problème.

Cela dit, le législateur a prévu, dans l'article 25 de la LOADDT, le cas du recouvrement partiel d'un pays et d'un parc naturel régional. D'après la loi, la coïncidence des périmètres est impossible, mais la reconnaissance du périmètre de la dernière entité constituée est subordonnée à l'élaboration préalable d'une convention entre le pays et le parc naturel régional pour clarifier les missions respectives des deux structures sur leurs parties communes et définir les domaines d'action dont le parc aura vocation exclusive à assurer la cohérence.

S'agissant des difficultés concrètes liées à la programmation que les régions et les départements font directement avec le niveau territorial, l'Etat ne doit pas se contenter d'assister. Il a aussi le droit de dire s'il a le sentiment que les dispositifs envisagés correspondent à l'esprit et aux engagements pris dans le cadre du contrat de plan ou non. Et il a aussi le droit de dire non s'il a l'impression que les collectivités, les régions, les départements s'éloignent des engagements qui ont été pris.

Comme vous le savez, les comités de programmation sont aujourd'hui coprésidés par le préfet et le président du conseil régional. C'est un dispositif qui a été prévu par la circulaire du 3 janvier 2000, que j'ai signée. C'est à ces comités de programmation qu'il revient d'assurer la cohérence dans ce dispositif qui reste complexe, les contrats de plan Etat-régions servant de contrepartie nationale aux crédits communautaires.

Nous mobilisons des fonds structurels au titre non seulement de l'objectif 2, mais aussi du programme intérêt communautaire URBAN. Certes, nous avons éprouvé des difficultés qui étaient liées aux calendriers différents de notification des zonages et de l'élaboration des projets de territoire. Mais là où nous avions connaissance de projets de pays existants ou de pays fonctionnels, de parcs naturels régionaux actifs, là où nous pressentions des difficultés urbaines majeures justifiant d'être retenues au titre du programme URBAN, nous avons eu le souci d'assurer une cohérence. Je ne sous-estime pas la difficulté. Elle est majeure et elle est liée au choix que nous avons fait de laisser jusqu'en 2003 aux porteurs de projets de territoire pour s'organiser. Mais en 2003 nous pourrons, si le besoin s'en fait sentir, procéder à un toilettage, à un refléchage des sommes disponibles pour permettre de financer l es projets existants dans les territoires réellement organisés.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Mitterrand.

M. Gilbert Mitterrand.

Jeudi dernier, le Gouvernement a présenté le résultat du travail engagé depuis un an avec les régions en vue d'élaborer les schémas de services collectifs. La démarche a finalement été fructueuse, malgré les aspects « usine à gaz » que l'on avait pu craindre au départ. La procédure choisie de concertation avec les collectivités territoriales par un jeu de navettes consolide le processus de décentralisation et les services extérieurs de l'Etat y ont souvent travaillé avec dynamisme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

Je m'intéresserai ici plus particulièrement aux schémas de services collectifs Transports. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire nous a permis d'engager une réflexion globale et nationale sur les manières de rééquilibrer le rail et la route dans un souci de désengorgement de certains axes routiers et de préservation de l'environnement. Il s'agissait de rompre avec les logiques ponctuelles de construction, ici ou là, de tronçons de routes ou d'autoroutes, au profit d'une réflexion d'intérêt général.

Chacun s'accorde sur la priorité à accorder au rail et à l'intermodalité. Je souhaite à ce propos réaffirmer l'importance des couloirs ferroviaires de fret. Quelle place leur accorde-t-on dans les schémas de services collectifs ? Sont-ils combinables ou non avec les axes TGV voyageurs ? Par ailleurs, quelles sont les dispositions du schéma de services collectifs de fret sur la question des modes alternatifs de transports - je pense plus particulièrement au réseau fluvial ? Enfin, permettez-moi de faire une remarque sur le schéma de services collectifs Nouvelles technologies de l'information. Il semble qu'il n'y ait pas de porteur identifié en région du côté de l'Etat. Quelles sont les obligations pour les opérateurs agréés, ce que l'on appelle les boucles locales, de traiter les agglomérations moyennes et plus petites aussi vite que les grandes ? Pour conclure, il semble que nous soyons entrés dans une ère de concurrence des territoires. Il faudra une régulation sur ce marché, mais sur quels critères ? Ceux-ci ne peuvent être uniquement économiques. Votre réponse, madame la ministre, intéressera également beaucoup JeanMarie Bockel, qui n'a pu prendre son avion aujourd'hui en raison des mauvaises conditions météorologiques.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Permettez-moi de préciser avant tout à l'Assemblée que Jean-Marie Bockel utilise un aéroport international, celui de Bâle-Mulhouse, qu'il lui est arrivé de citer comme exemple d'une coopération européenne intéressante, suggérant que l'on pourrait étendre ce concept à d'autres sites, dans le souci de mieux répondre à une demande qui est, aujourd'hui, partagée par nos collègues belges, néerlandais, allemands et par nous-mêmes.

Le développement des couloirs ferroviaires de fret est pris en compte dans le projet de schéma de services collectifs de transport. Il s'agit de réserver et d'offrir des sillons de qualité sur les principaux itinéraires de fret. Leur développement est indissociable de la constitution progressive d'un réseau transeuropéen de fret ferroviaire performant, interopérable, car c'est à cette échelle que se portera la croissance du trafic. C'est sur ce réseau, dont la consistance a été adoptée le 28 mars 2000 par le conseil des ministres des transports, que le schéma de services fait porter les efforts de capacité nécessaires : résorption des goulets d'étranglement, création d'itinéraires alternatifs, création, préservation, étude de lignes nouvelles, aménagement de chantiers structurants. C'est sur ce réseau également que les critères et procédures d'allocation des priorités entre les différentes circulations ferroviaires devront garantir des sillons de fret de qualité, harmonisés avec les réseaux des pays voisins et susceptibles d'assurer des horaires et des vitesses de parcours compétitifs pour les trains de fret.

Les schémas de services prévoient des mesures qui visent à exploiter et à développer plus efficacement la voie navigable, notamment pour la desserte des ports. Cela nous ramène à la question de Daniel Paul tout à l'heure, dans la mesure où le sillon dédié au transport des marchandises tient compte du projet « Port 2000 » et de l'augmentation des tonnages qui seront transportés sur cet axe.

L'effort porte ainsi en priorité sur l'amélioration du réseau existant, surtout à grand gabarit, en particulier celle de l'axe Le Havre-Paris-Dunkerque, comprenant, en première phase, les opérations de modernisation des infrastructures des bassins Seine-Oise et Dunkerque-Escaut, avec pour objectif l'aménagement progressif de la liaison Seine-Nord.

Enfin, les schémas de services prévoient des mesures en faveur du cabotage maritime, qu'il ne me paraît pas inutile de mentionner ici. Je pense à un projet qui concerne la façade atlantique ; vous savez en effet qu'aujourd'hui une ligne relie directement à la Grande-Bretagne les ports de la côte atlantique espagnole.

M. Gilbert Mitterrand.

Et Saint-Jean-de-Luz.

M. Daniel Paul.

Et Boulogne.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il serait tout à fait intéressant que le cabotage maritime puisse se développer.

Enfin, les schémas de services collectifs prévoient la constitution d'un pôle de compétences en matière de technologies de l'information et de la communication dans les vingt-six préfectures de région, dès le 1er janvier 2001.

Concernant l'Internet à haut débit, et ce jusqu'au dernier kilomètre, le Gouvernement a pris une triple décision pour assurer à tous les territoires le meilleur niveau de service possible : diversification des technologies à travers l'appel d'offre concernant les boucles locales radio ; possibilité prochaine, dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information, pour les collectivités locales, d'intervenir plus fortement sur les réseaux de télécom ; dégroupage permettant à tout opérateur d'utiliser le réseau filaire de France Télécom.

Concernant les effets de la libéralisation de ce marché, il faut prendre en compte deux éléments : le maintien d'un service universel qu'il conviendra de réviser et d'enrichir régulièrement en fonction des progrès des technologies ; et le dispositif de régulation, prenant en compte l'aménagement du territoire. La question a été abordée par Jean-Pierre Balligand, mais nous n'avons pas apporté, à cette heure, de réponse suffisante.

Mme la présidente.

Nous passons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot.

Madame la ministre, les grands opérateurs du téléphone mobile et des techniques de l'information sont soumis à la loi du marché et à des exigences de rentabilité financière, ...

M. Daniel Paul.

Hélas !

Mme Sylvia Bassot.

... comme l'ont souligné à plusieurs reprises mes collègues. Ces opérateurs concentrent leurs efforts d'équipement sur les zones où les potentiels sont les plus nombreux.

M. Daniel Paul.

Hélas encore !

Mme Sylvia Bassot.

Cela est vrai, même de la part de l'opérateur historique, France Télécom, qui ne considère pas le mobile comme un service public. Il délaisse les territoires ruraux mal desservis ou non couverts. C'est le cas dans l'Orne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis.

Encore ! Il n'y a pas que là !

Mme Sylvia Bassot.

Mes collègues et mes amis Yves Deniaud et Jean-Claude Lenoir peuvent en attester.

M. Jean-Claude Lenoir.

En effet !

Mme Sylvia Bassot.

Cela accroît l'enclavement de notre département. Seule l'intervention de l'Etat pourrait rétablir une certaine équité.

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est son rôle !

Mme Sylvia Bassot.

J'ai bien noté votre souhait de voir notre délégation à l'aménagement du territoire se préoccuper de ce dossier. Et je voudrais savoir très précisément si le schéma de services collectifs de l'information et de la communication prévoit la création d'un fonds de développement des télécommunications susceptible d'éviter une nouvelle fracture territoriale.

M. Jean-Claude Lenoir.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, depuis la libéralisation du secteur des télécoms le 1er janvier 1998, le Gouvernement s'est appliqué à faire respecter certaines exigences en matière d'aménagement du territoire. C'est à cela d'abord que sert le schéma de services collectifs de l'information et de la communication, qui répond aux attentes naturelles des territoires en matière de haut débit et de téléphonie mobile.

Le haut débit constitue un enjeu important de ce schéma de services collectifs. Il conditionne de multiples applications dans le domaine du multimédia, l'accès à celui-ci favorisant le développement de nouveaux usages et de nouveaux services au plan local. Souvenez-vous des débats sur l'article 17 de la loi d'aménagement du territoire. Nous avions été confrontés à l'époque à plusieurs contraintes. Je peux toutefois vous annoncer que le rôle des collectivités locales en matière d'investissement dans les réseaux de télécommunication, notamment pour les boucles locales, va être encouragé. C'est l'un des objectifs du projet de loi sur la société de l'information qui sera prochainement soumis au Parlement.

Je ne crois pas que les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pourraient être surmontées par la création d'un fonds de développement des télécommunications. Ce n'est pas à l'Etat de payer. En revanche, il lui incombe de dire clairement qu'il n'entend pas laisser les sociétés réaliser les équipements et les investissements qu'elles souhaitent dans les zones les plus rentables du territoire en faisant l'impasse sur les besoins des territoires où le service est peut-être moins spontanément rentable.

Vous connaissez les difficultés qui ont suivi, au cours de l'été, l'appel d'offres sur l'attribution des boucles locales radio. Je suis d'une région qui n'a pas eu le bonheur d'être attribuée à un groupe à la solidité financière suffisante. Je serai donc extrêmement vigilante aux conditions dans lesquelles les cartes seront rebattues. Cela dit, je ne pense pas que l'Etat doive systématiquement prendre en charge les conséquences des stratégies de groupes qui choisiraient de centrer leurs activités sur les portions les plus rentables du territoire et, notamment, sur les villes.

Concernant la couverture du territoire par les réseaux mobiles de nouvelle génération - autre enjeu important de la politique d'aménagement du territoire - lors du CIADT de mai et du comité interministériel pour la société de l'information de juillet engagement a été pris d'assurer le bouclage de la couverture GSM. Là encore, j'avais suggéré que l'on utilise une partie des fonds dégagés par la vente des licences UMTS pour terminer l'équipement du territoire dans les zones qui ne sont pas bien desservies par les techniques les plus conventionnelles de la téléphonie mobile. Cette solution n'a pas été retenue pour l'heure mais je ne résisterai pas à la tentation de revenir à la charge si j'ai le sentiment qu'aucun effort n'est consenti par les opérateurs pour rattraper le retard dont souffrent aujourd'hui de trop importantes parties du territoire national.

L'objectif du schéma est bien la couverture territoriale complète des bassins de vie par les réseaux UMTS. Christian Pierret pourra vous en dire davantage à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la société de l'information.

Mme Sylvia Bassot.

Merci.

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Madame la ministre, je m'interroge sur l'utilité de la création de l'Agence française pour les investissements internationaux, qui fonctionnera, notamment, sur les moyens humains et financiers de la DATAR.

Les crédits de la DATAR enregistrent, pour l'exercice 2001, une baisse sensible alors que, dans le même temps, celle-ci manque cruellement de moyens pour assurer ses missions croissantes de gestion, comme l'a révélé récemment la Cour des comptes dans un rapport.

Les objectifs poursuivis par cette agence risquent, par ailleurs, d'entraîner des confusions et des doublons avec les politiques d'expansion économique initiées par les chambres de commerce, les départements, les régions et certaines communes importantes. Comment s'articulera l'action de l'Agence avec les actions déjà entreprises localement ? Pour une meilleure utilisation des fonds publics, n'aurait-il pas mieux valu s'appuyer sur les infrastructures existantes, comme les bureaux à l'étranger de Maison de France ou les ambassades ? Cela permettrait de promouvoir tous les aspects de notre pays, qu'il s'agisse de villégiature ou d'économie.

Enfin, la politique fiscale du Gouvernement, marquée par le poids des prélèvements fiscaux et sociaux qui sont parmi les plus élevés d'Europe, par le coût des 35 heures et la taxe générale sur les activités polluantes dont vous êtes l'initiatrice, est un frein plus fort encore à la délocalisation d'entreprises étrangères vers la France. Aussi souhaiterais-je que le Parlement soit informé très précisément des retours sur investissement d'une telle initiative.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Monsieur le député, vous devriez prendre connaissance du rapport annuel sur la localisation d'emplois étrangers en France et sur l'implantation d'entreprises étrangères dans notre pays. Vous constateriez ainsi que les facteurs principaux de la localisation des entreprises sont la qualité des salariés, l'importance des relations avec les sous-traitants et avec les fournisseurs, la zone de chalandise et l'excellence des services publics et des infrastructures. Les critères liés au niveau des aides publiques sont toujours cités après. Les services publics à la française, le haut niveau de formation des salariés sont donc pris en compte.

Par ailleurs, la création de l'Agence française pour les investissements internationaux relève d'une décision du Gouvernement, à la suite de nombreux rapports - de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

Cour des comptes, de l'Inspection générale des finances et de l'administration et de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques - qui avaient dénoncé l'éclatement du dispositif national en matière de promotion, de prospection, d'accueil d'investissements étrangers créateurs d'emplois.

Il s'agit donc de regrouper les différentes composantes de l'actuel dispositif et de travailler davantage avec les collectivités territoriales. Nous souhaitons éviter les effets de concurrence liés à la tentation, pour certaines régions, d'installer des bureaux de prospection qui risqueraient de brouiller l'offre française dans certains pays.

L'Agence sera créée sous forme d'établissement public industriel et commercial et placée sous la double tutelle de Bercy et de mon ministère. Cela permettra à la fois de promouvoir l'espace économique français, de prendre en compte les impératifs d'aménagement du territoire et de conforter le partenariat avec les collectivités territoriales qui sont de plus en plus actives sur le terrain de l'activité économique et de l'emploi.

Pour ce dispositif, nous avons prévu un financement de 100 à 120 millions de francs par an, sur la base de crédits déjà consacrés par la DATAR à son réseau à l'étranger et par la DREE aux moyens qui sont aujourd'hui en place.

Mme la présidente.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Madame la ministre, je voudais profiter de l'examen de votre budget pour rappeler les difficultés financières structurelles des petites communes qui doivent se conformer à la réglementation sur l'eau et satisfaire aux nouvelles normes imposées en matière d'assainissement et de traitement des déchets.

Vous le savez, les petites communes n'ont pas les moyens d'augmenter leurs dépenses. C'est là toute la différence avec les agglomérations urbaines qui peuvent espérer se développer. De nombreuses communes rurales, même regroupées, ne peuvent financer les infrastructures nécessaires.

Vous nous avez expliqué, lors de la discussion de votre loi d'orientation, que vous vouliez remplacer la logique de guichet par celle du projet et que les infrastructures ne pouvaient constituer à elles seules une politique d'aménagement du territoire. Je partage cette vision des choses, à condition que les questions d'infrastructures ne mobilisent pas toutes les finances et l'énergie de milliers de responsables de petites communes. Or la totalité des moyens de celles-ci, et ils n'y suffisent pas, doit être consacrée au financement de ces infrastructures imposées par l'Etat français et par Bruxelles.

Si l'Etat persiste à ne pas vouloir financer les obligations qu'il impose et que nous acceptons, dans les princ ipes, il aggravera la fracture entre les communes urbaines, où les habitants auront accès à des services publics de qualité sans surcoût, et les communes rurales, où certains services sont inexistants et les impôts locaux trop lourds.

L'Etat transforme peu à peu 80 % du territoire en espace récréatif destiné aux loisirs des urbains. Habiter la campagne devient un luxe, ce qui constitue un renversement de tendance regrettable car je demeure convaincu que la qualité de vie en milieu rural est bien meilleure que dans nos grandes métropoles. Les villes sont congestionnées et les campagnes exsangues.

Ce n'est pas en imposant aux communes rurales, sans les aider, des charges qu'elles ne peuvent financer que vous participerez au rééquilibrage des territoires. Je voudrais notamment souligner que le coût de la collecte et de l'acheminement des déchets devient prohibitif pour certaines communes rurales à l'habitat diffus. Il convient de trouver des solutions. Il serait, par exemple, utile d'envisager une péréquation départementale afin de mutualiser le coût de l'acheminement des ordures ménagères vers la centrale de tri et d'élimination.

Madame la ministre, quel appui budgétaire l'Etat compte-t-il apporter aux communes rurales à petit budget pour leur permettre de se mettre aux normes sur l'eau, l'assainissement et l'élimination des déchets ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Patriarche, quand je vous écoute, j'ai l'impression d'être revenue vingt ans en arrière, à une époque où la pollution de l'eau et les décharges sauvages étaient censées ne rien coûter ni à l'environnement ni à la collectivité. Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas l'Etat français ni Bruxelles qui imposent quoi que ce soit aux collectivités. Ce sont des lois qui ont été votées ici, par des parlementaires qui savaient ce qu'ils faisaient et pour lesquelles des délais considérables de mise en oeuvre ont été prévus.

M. Michel Meylan.

M. Patriarche a voté contre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cela m'étonnerait, parce que les gens responsables, en général, ont voté pour...

Vous ne pouvez pas ignorer non plus, monsieur Patriarche, le coût que représente, pour une île aussi belle que la vôtre, l'élimination des milliers de décharges sauvages qui la souillent aujourd'hui. Il faut vraiment agir.

M. Paul Patriarche.

Je suis d'accord.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ne dites pas que c'est imposé par l'Etat français ; c'est imposé par le bon sens et c'est l'aspiration des populations.

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est imposé par les lois de la République, et donc par l'Etat ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Concernant le financement des infrastructures d'assainissement, vous connaissez, en tant que parlementaire expérimenté, les dispositifs mis en place par les agences de l'eau, par le fonds national de développement des adductions d'eau. Vous savez que personne ne vous demande d'utiliser les techniques d'assainissement collectif développées en zones urbaines, et qui sont en effet complètement inaccessibles à l'habitat diffus et aux communes rurales. En revanche, vous pouvez très bien, sur la base de diagnostics réalisés par les agences de l'eau, vous doter de structures d'assainissement autonomes dont le coût est largement inférieur au coût du réseau collectif et qui sont donc fortement encouragées. Je ne doute pas d'ailleurs que telle loi de programmation, dont on a beaucoup parlé ces derniers mois, comportera un volet

« environnement » permettant à la Corse de rattraper son retard en la matière.

Concernant les déchets, il n'est jamais demandé à une petite commune de faire face au tri, à la collecte sélective et à l'avenir de ses déchets. Les schémas départementaux de traitement des ordures ménagères doivent être mis en place et permettre une stratégie collective susceptible de réduire les coûts.

C'est la réalité. Monsieur Patriarche, je vous enverrai un dossier sur la loi de 1992 relative aux déchets, ainsi qu'un dossier sur l'effort sans précédent réalisé par le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 OCTOBRE 2000

Gouvernement. Celui-ci se préoccupe en effet de maintenir à un niveau élevé les aides de l'ADEME et d'augmenter le niveau d'intervention dans des politiques qui ne sont pas que destinées aux zones urbaines mais engagées en fonction des plans départementaux, adaptées à la nature des gisements de déchets et aux contraintes des zones dans lesquelles on se situe.

Monsieur Patriarche, personne ne vous propose un modèle qui s'appliquerait de façon mécanique à la Corse.

Au demeurant, il n'est pas normal que la discussion patine depuis des années sur la question de savoir s'il faut deux ou trois incinérateurs en Corse. Je vous invite donc à prendre l'initiative de relancer cette discussion, d'autant que l'investissement de l'Etat, à vos côtés, sera tout à fait conséquent. Il n'y a aucune raison de reculer encore.

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Meylan, pour une seconde question.

M. Michel Meylan.

Ma question, qui est aussi celle d'un collègue qui n'a pas eu son avion, porte sur la mise en place des schémas de services collectifs.

Un an et demi après l'adoption de la loi fixant les choix stratégiques de votre politique d'aménagement et de développement durable du territoire, madame la ministre, les décrets d'application relatifs aux schémas de services collectifs ne sont toujours pas parus.

Certes, l'élaboration de ces schémas requérait une vaste c oncertation, tant interministérielle que territoriale.

Cependant, dès la fin de 1999, l'ensemble des ministères disposait de toutes les informations nécessaires devant leur permettre d'élaborer les futurs schémas de services collectifs. Alors pourquoi ce retard dans la mise en oeuvre de projets que vous aviez pourtant annoncés comme prioritaires ? Il est vrai, madame la ministre, que le « développement durable » est une notion particulièrement floue. J'en veux pour preuve les propos que vous avez tenus, lors du coll oque européen « Aménagement et développement durable du territoire, » le 5 avril dernier à la Sorbonne, faisant état d'une enquête réalisée en Rhône-Alpes qui révèle que 95 % de la population n'a aucune idée de ce dont il s'agit et que plus de 60 % des maires avouent n'en rien savoir.

Or, dans le même temps, ces mêmes élus avancent sur des projets locaux d'aménagement du territoire, projets concrets, prenant en compte les objectifs fixés par la loi : à la fois l'attente des usagers, une meilleure utilisation des réseaux existants et les considérations environnementales.

Ils attendent maintenant leur concrétisation.

Le schéma de service collectif des transports, quant à la desserte des stations de Haute-Savoie, est attendu tant par les élus que par les professionnels du tourisme. Il en va de même pour le schéma de service collectif de la santé, concernant l'implantation d'un nouvel hôpital dans notre département.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous dire, dans quel délai les schémas de services collectifs seront applicables et surtout quel sera leur contenu ? Comment vont-ils s'articuler par rapport aux schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, les schémas de services collectifs ne seront pas applicables dans un délai particulier. Ce sont des outils de prospective, d'appui et d'aide aux décisions publiques. J'invite votre collègue à lire avec attention mon intervention liminaire dans laquelle j'ai exposé, en détail, les éléments de réponse qui lui permettront de se forger une opinion.

Cela étant je doute que 95 % de la population ne sachent pas ce qu'est l'aménagement du territoire. En effet, lorsqu'il s'agit de politiques très concrètes qui concernent leur vie quotidienne, les gens savent bien ce qu'il en est. Comme ils font de la prose toute l'année sans le savoir, ils font toute l'année de l'aménagement du territoire sans le savoir non plus ! Cela ne saurait donc constituer un argument de nature à nous faire renoncer à un effort de mise en cohérence des politiques de l'Etat, de réflexion sur ses grandes orientations. Je me réjouis d'ailleurs que tant d'élus, tant de régions, tant de départements aient fait remonter des travaux d'excellente qualité dans la première phase d'élaboration des contributions régionales. Pour la première fois que leur était demandé un tel exercice, ils ont parfaitement joué le jeu.

Mme la présidente.

Nous en avons terminé avec les questions.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET ENVIRONNEMENT I. - Aménagement du territoire

Mme la présidente.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 4 196 110 francs ;

« Titre IV : 93 000 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civiles (mesures nouvelles)

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 735 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 520 500 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement concernant l'aménagement du territoire.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.


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ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Mardi 31 octobre 2000, à neuf heures, première séance publique : Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Culture : M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 9 du rapport no 2624) ; M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome III de l'avis no 2625).

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ; Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 26 octobre 2000 No E 1580. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1349/2000 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec l'Estonie (COM [2000] 605 final).

Communication du 27 octobre 2000 No E 1581. Proposition de règlement du Conseil établissant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche de certains stocks de poissons grands migrateurs (COM [2000] 619 final).

No E 1582. Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003 (COM [2000] 629 final).