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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7785).

CULTURE (p. 7785)

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

MM. Michel Herbillon, Marcel Rogemont, Bernard Birsinger, Bruno Bourg-Broc, Pierre Carassus, Hervé de Charette, Mme Catherine Génisson,

MM. Etienne Pinte, Christian Martin.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Réponses de Mme la ministre et de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, aux questions de : MM. Gilbert Gantier, JeanPierre Baeumler, Patrick Bloche, Alain Clary, Edouard Landrain.

CULTURE ET COMMUNICATION (p. 7807)

ÉTAT B

Titres III et IV. - Adoption (p. 7807)

ÉTAT C

Titres V et VI. - Adoption (p. 7808)

Mme la ministre.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7808).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE MME NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

CULTURE

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la culture.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, chers collègues, il m'est d'autant plus agréable de succéder à M. Raymond Douyère comme rapporteur spécial des crédits de la culture, qu'il est plaisant de vous présenter le projet de budget pour 2001, qui, vous l'avez compris, est un bon budget.

Après la progression sensible de 2,1 % enregistrée l'an passé, le budget du ministère de la culture atteindra 16,67 milliards de francs en 2001 au lieu de 16,08 milliards de francs inscrits dans la loi de finances initiale pour 2000. Il enregistre de nouveau une augmentation significative, puisque celle-ci atteint, par rapport au budget voté de 2000, 590 millions de francs en valeur absolue, soit 3,7 % en valeur relative. Les crédits de la culture avoisineront ainsi les 0,97 % du budget de l'Etat. Les autorisations de programme, quant à elles, progresseront de 6,19 %, passant de 3,71 milliards de francs à 3,94 milliards de francs.

A structure constante, c'est-à-dire hors transferts entre sections, mais en tenant compte des modifications des structures gouvernementales marquées par la création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, que je salue ici, la progression atteint 2,5 % entre 2000 et 2001. Après une neutralisation du périmètre, les crédits de paiement pour dépenses ordinaires et pour dépenses en capital passeront donc de 16,08 milliards de francs à 16,49 milliards de francs.

Le budget de la culture est marqué, comme chaque année, par l'importance des subventions aux établissements publics et des dépenses d'intervention. En effet, les dépenses de fonctionnement, qui progresseront de 4,67 % en 2001, représentent 47,42 % du projet de budget. Les dépenses de personnel en représentent à elles seules 20,79 %, avec 3,47 milliards de francs, et les subventions de fonctionnement aux nombreux établissements publics culturels près de 22,41 %, soit 3,74 milliards de francs.

Les dépenses d'intervention, qui s'élèveront pour 2001 à 5,09 milliards de francs, constitueront 30,51 % des crédits de la culture. Parmi elles, les interventions culturelles déconcentrées atteindront 2,66 milliards de francs, en augmentation de 2,22 % par rapport à 2000, et les interventions culturelles d'intérêt national près de 1,19 milliard de francs, en baisse de 5,63 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Les crédits de paiement pour dépenses en capital représenteront 22,07 % du total du projet de budget de la culture. Les investissements exécutés par l'Etat, avec 1,94 milliard de francs en crédits de paiement et 1,84 milliard de francs en autorisations de programme constitueront un peu plus de la moitié de ces crédits, tandis que les subventions d'investissement accordées par l'Etat représenteront l'autre moitié, avec 1,74 milliard de francs de crédits de paiement et 2,1 milliards de francs d'autorisations de programme. Cette dernière rubrique augmente, de manière significative, de 24,48 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Sans compter les efforts importants réalisés en faveur de l'audiovisuel et des aides à la presse, l'année 2001 marque ainsi la quatrième étape dans la reconstitution d'un vrai budget et la reprise de la marche vers l'objectif symbolique du « 1 % », annoncé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale de juin 1997.

Je salue d'autant plus cette nouvelle progression des crédits qu'elle succède à un effort substantiel réalisé les trois années précédentes après une baisse de 20 %, à périmèt re constant, des crédits du ministère de la culture entre 1993 et 1997.

J'examinerai maintenant les moyens des services.

Les dotations des chapitres finançant les rémunérations et les charges sociales liées à l'activité des personnels s'élè veront en 2001, à 3,47 milliards de francs au lieu de 3,24 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 2000, soit une progression de 223 millions de francs en valeur absolue et de 6,84 % en valeur relative.

Cette augmentation intègre un transfert de 173,4 millions d e francs en provenance du budget des charges communes et correspondant à l'inscription de cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des personnels civils titulaires de l'Etat.

Le présent projet de loi de finances propose la création de 192 emplois budgétaires nets, faisant passer les effectifs du ministère de 14 776 postes en 2000 à 14 968 en 2001 tandis que 208,5 emplois non budgétaires sont créés au


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sein des établissements publics, sans compter 110 emplois transférés à partir des crédits de personnel du ministère.

Ces mesures traduisent un nouvel effort conséquent de stabilisation de l'emploi au sein du ministère de la culture et des établissements publics dont il exerce la tutelle.

Pour la troisième année consécutive, les établissements publics bénéficieront de mesures d'emploi d'envergure en 2001. D'une part, on l'a déjà évoqué, 110 emplois, représentant un coût de 33,6 millions de francs, seront transférés du ministère sur les budgets des établissements publics, dont 18 emplois au profit de la Bibliothèque publique d'information, 20 emplois pour la Bibliothèque nationale de France, 30 emplois pour l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs et 29 emplois pour le Conservatoire national supérieur de musique de Paris.

D'autre part, l'équivalent de 208,5 emplois non budgétaires est créé pour un coût total de 12,1 millions de francs.

Les crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement courant, qui regroupent les moyens de l'administration centrale, des directions régionales des affaires culturelles, des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, des centres départementaux d'archives et des musées n'ayant pas le statut d'établissement public, augmentent d'environ 18,3 millions de francs, soit une hausse de 3,1 %. Ils atteindront ainsi 605,72 millions de francs en 2001.

Examinons les subventions aux établissements publics.

Les établissements publics tendent à devenir de plus en plus nombreux dans le domaine culturel. Leur statut juridique offre la souplesse nécessaire aux particularités de leurs activités culturelles. Ils bénéficient d'importantes subventions de fonctionnement et d'investissement, qui représenteront en 2001 près de 27 % du budget de la c ulture. Ces subventions progresseront en 2001 de 3,16 %, passant de 3,62 milliards de francs à 3,74 milliards de francs. Depuis 1996, ces subventions ont progressé de 13,7 %.

L'établissement public du musée du quai Branly verra ses crédits plus que tripler en 2001, passant de 7,5 millions de francs à 26,7 millions de francs.

La subvention de fonctionnement attribuée au musée du Louvre baissera de 4,16 %, passant de 274,3 millions de francs à 262,9 millions de francs. Celle destinée au musée et domaine national de Versailles diminuera de 55 % et sera réduite de 8 millions de francs à 3,6 millions de francs.

Les dépenses d'intervention, qui s'élèveront pour 2001 à 5 086,8 millions de francs au lieu de 4 965,17 millions de francs, constitueront 30,51 % des crédits de la culture.

Parmi elles, les interventions culturelles déconcentrées atteindront 2,66 milliards de francs, en augmentation de 2,22 % par rapport à 2000, et les interventions culturelles d'intérêt national près de 1,19 milliard de francs, en baisse de 5,63 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Les interventions en faveur du spectacle vivant et du cinéma bénéficient d'une progression très substantielle de crédits : 79 millions de francs supplémentaires pour 2001, après 72 millions de francs dans la loi de finances pour 2000 et 50 millions de francs dans la loi de finances rectificative du 12 juillet 2000.

La dotation générale de décentralisation destinée à compenser les transferts de compétences dans le domaine c ulturel, principalement consacrée aux bibliothèques municipales, atteindra, en 2001, 981,4 millions de francs, soit une progession de 3,42 %. Les crédits d'acquisition baisseront légèrement en 2001, pour atteindre 253,82 millions de francs.

Dans le projet de loi de finances, les autorisations de programme progresseront de 6,19 %, passant de 3,71 milliards de francs à 3,94 milliards de francs.

S'agissant des dépenses en capital, les crédits destinés au patrimoine monumental sur le titre V passeront de 1 196,37 millions de francs à 1 204,25 millions de francs en autorisations de programme et de 1 144,89 millions de francs à 1 226,48 millions de francs en crédits de paiement. Ils progresseront donc de 0,66 % en autorisations de programme et de 7,13 % en crédits de paiement.

Les monuments historiques appartenant à l'Etat bénéficieront de 763,1 millions de francs d'autorisations de programme, soit 63,37 % de la dotation du chapitre.

Exprimée en crédits de paiement, cette part atteindra 64,86 % du chapitre.

Les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat bénéficieront de 387,15 millions de francs d'autorisations de programme et de 381,34 millions de francs de crédits de paiement, ces derniers progressant de 3,79 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

L'archéologie bénéficiera de 21 millions de francs d'autorisations de programme.

Les crédits pour subventions d'investissement accordées par l'Etat en faveur du patrimoine monumental sur le titre VI augmenteront quant à eux de 2,63 % en crédits de paiement et de 24,48 % en autorisations de programme, atteignant respectivement 527,48 millions de francs et 443,06 millions de francs. Sur cette enveloppe, 48,53 millions de francs d'autorisations de programme sont réservés à l'archéologie. Les opérations déconcentré es sur le patrimoine monumental s'élèveront à 240 millions de francs d'autorisations de programme et à 219,12 millions de francs de crédits de paiement. Les opérations d'intérêt national bénéficieront d'une enveloppe de 183,95 millions de francs d'autorisations de programme et de 124,91 millions de francs de crédits de paiement.

Ces crédits correspondent à une participation de l'Etat à la restauration de patrimoines qui ne lui appartiennent pas et dont il n'assure pas la maîtrise d'ouvrage. Le Grand Palais, pour une enveloppe totale de 40 millions de francs, l'opéra Garnier, pour une enveloppe globale de 40 millions de francs, la Cité de l'architecture et du patrimoine, pour un total de 26 millions de francs, et le domaine de Versailles, pour 100 millions de francs, se verront également attribuer une partie des crédits supplémentaires. En 2001, 130 millions de francs en autorisations de programme et 93,25 millions de francs en crédits de paiement seront consacrés sur le titre V aux travaux et à la construction des écoles d'architecture.

Les subventions d'investissement accordées par l'Etat sont rassemblées sur le titre VI et représentent un dixième du budget de la culture avec 1,74 milliard de francs de crédits de paiement pour 2001 et 2,1 milliards de francs d'autorisations de programme. Celles-ci augmentent de 24,48 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, et les crédits de paiement de 2,65 %. Parmi ces crédits, les subventions d'investissement aux établissements publics représentent 958,26 millions de francs en autorisations de programme et 728,96 millions de francs en crédits de paiement. Les autorisations de programme qui leur sont consacrées augmentent ainsi de 59,63 % et les crédits de paiement de 1,98 %. Il faut noter le passage des autorisations de programme réservées à l'établissement public du musée du quai Branly de


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32 millions de francs à 376,5 millions de francs. La Cité des sciences et de l'industrie bénéficiera quant à elle de 239 millions de francs d'autorisations de programme et de 238,5 millions de francs de crédits de paiement.

En conclusion, ce budget va dans le bon sens et témoigne de la volonté gouvernementale de faire de la culture un axe fort de son action. La qualité de cet effort exigera encore plus de rigueur, qu'il s'agisse de la gestion de la dépense publique ou de l'adaptation des administrations déconcentrées à plus de modernité, de transparence et de dialogue.

M. Michel Herbillon.

Quel programme !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

La qualité budgétaire exige davantage d'efficacité. Le rapporteur spécial de la commission des finances y veillera en multipliant sur le terrain la vérification de l'utilisation des fonds publics de votre ministère.

M. Hervé de Charette.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

La commission, sur ma proposition, a adopté à l'unanimité les crédits de la culture et vous demande de faire de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du budget de la culture pour 2001 donne une vague impression de déjà vu.

M. Marcel Rogemont.

Tant mieux !

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis.

Les priorités politiques et leurs traductions budgétaires se retrouvent aisément : il s'agit avant tout de démocratiser, de décentraliser et de stabiliser les emplois et les institutions.

Mais les mêmes interrogations et critiques sont également au rendez-vous : oubli persistant des crédits d'entretien des monuments historiques en particulier et des crédits d'acquisition, absence de véritables créations de postes, marginalisation progressive des salles d'art et d'essai.

Après une rapide présentation chiffrée de ce budget, je vous propose de revenir un peu plus en détail sur ses forces et ses faiblesses.

En 2001, le budget de la culture s'élèvera, à structure constante, à 16,495 milliards de francs, soit une hausse de 2,6 %. Les dépenses ordinaires marquent une progression de 2,4 % : 175 millions de francs de mesures nouvelles sont inscrits sur le titre III et un montant à peu près égal est prévu pour les crédits d'intervention du titre IV. Ces crédits supplémentaires profiteront à la dotation générale pour les bibliothèques - plus 32,5 millions de francs - et aux interventions culturelles.

Le budget 2001 poursuit par ailleurs la restauration des dépenses d'investissement entreprise en 2000 après la régression de 1999. Les subventions d'investissement accordées par l'Etat enregistrent ainsi une hausse importante de 24,5 % alors que la diminution de 9 % des investissements réalisés par l'Etat marque l'achèvement programmé de plusieurs grands travaux.

Au total, par rapport au budget général de l'Etat, le budget du ministère de la culture, à périmètre constant depuis 1997, représentera 0,98 % des charges nettes de l'Etat en 2001. Nous ne sommes pas encore au 1 %, madame la ministre ! Les forces de ce budget tout d'abord.

Le budget de la culture pour 2001, votre premier budget, madame la ministre, affiche trois priorités : soutenir la diversité culturelle, garantir l'égalité d'accès et renforcer la décentralisation. Rien que de très classique donc, si l'on se souvient de la volonté affichée par votre prédécesseur de concilier création et démocratisation.

L'art vivant devient ainsi clairement la première priorité de ce budget 2001 : les crédits qui lui sont consacrés sont en progression de 3,99 %. Cette hausse du soutien de l'Etat concernera à la fois les établissements publics du spectacle, la restauration des marges de création artistique pour les institutions du réseau de la décentralisation théâtrale et des secteurs spécifiques de la création, comme le cirque, mis en valeur durant l'année 2001.

La priorité à la création se traduira enfin par un soutien plus effectif aux enseignements artistiques spécialisés, notamment - cela devenait urgent - aux écoles d'architecture : 10,5 millions de francs supplémentaires en fonctionnement et 130 millions en autorisations de programme.

La deuxième priorité du budget concerne la poursuite de l'effort en matière de démocratisation. Les modes d'action choisis sont les mêmes que l'an passé. Ainsi, la gratuité d'accès aux musées nationaux le premier dimanche de chaque mois est reconduite ; malheureusement, elle n'est pas étendue alors qu'il s'agit d'un symbole fort d'une volonté réelle de démocratisation. Cinq millions de francs supplémentaires sont en outre consacrés à l'éducation artistique et culturelle, notamment pour accélérer la création d'ateliers d'expression artistique dans les lycées. Il faut déplorer que seuls ces derniers peuvent en bénéficier, en souhaitant que des accords soient passés avec votre collègue de l'éducation nationale en vue d'une extension aux collèges et écoles primaires.

Le budget prévoit également 4 millions de francs de mesures nouvelles pour le développement des services éducatifs et d'action culturelle dans les institutions artistiques et culturelles, et favorise la mise en place des espaces culture multimédia.

Dernier axe prioritaire, la construction d'un nouvel équilibre de l'action culturelle entre Paris et la province.

Cette évolution passera, comme en 2000, par la poursuite de la déconcentration des crédits - plus de 50 % des crédits d'intervention du ministère de la culture sont désormais directement gérés par les DRAC - et par un relèvement des subventions d'investissement à des maîtres d'ouvrage locaux pour la rénovation ou la construction d'équipements culturels de 42,3 millions de francs, alors que les autorisations de programme relatives à des chantiers parisiens sont en baisse de 31,7 %.

Tels sont les points forts du budget de la culture pour 2001. Mais celui-ci présente également plusieurs points sombres fort regrettables.

On ne peut tout d'abord que déplorer le faible intérêt accordé aux monuments historiques. Les crédits qui leur sont consacrés enregistrent une hausse globale de 1,4 %, mais les crédits destinés aux dépenses d'entretien ne bénéficieront que de 1 million de francs seulement, consacrés aux monuments historiques appartenant à l'Etat.


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Je souhaite à nouveau appeler votre attention, madame la ministre, sur le danger qu'il y a à sacrifier l'entretien des monuments historiques, dont les crédits sont en quasi-stagnation depuis trois ans, alors qu'une dotation de 20 à 30 millions de francs permettrait d'éviter d'ici deux ou trois ans de grosses réparations autrement plus coûteuses.

Par ailleurs, je suis inquiet, comme de très nombreux collègues, pour ne pas dire l'ensemble de la commission, du sort réservé aux réparations des dégâts causés par la tempête sur les monuments privés et publics. Pouvez-vous nous rassurer, notamment en ce qui concerne les crédits qui restent à inscrire pour compléter les réparations ? L'estimation de 800 millions de francs me paraît un peu faible...

Deuxième point noir, certainement le plus dramatique : le niveau des crédits d'acquisition. Pour la troisième année consécutive, les crédits de commande et d'acquisition prévus au chapitre 43-92 sont en effet les grands sacrifiés du budget de la culture : ils marquent en réalité une parfaite stagnation depuis trois ans.

Ainsi, la situation de la direction des musées de France sera particulièrement difficile, puisque l'apparent maintien de ses crédits d'acquisition dissimule en fait une amputation, liée à la compensation de la gratuité pour l'entrée dans les musées nationaux, de 10 millions de francs prélevés sur le fonds du patrimoine. Avec seulement 95 millions de francs pour 2001, celui-ci ne pourra poursuivre sa mission d'acquisition d'oeuvres dont le refus de certificat d'exportation arrive à échéance.

Autre point de tension, la politique de l'emploi. Si l'on peut souligner l'effort du ministère pour résorber l'emploi précaire, 300 créations d'emploi ayant été annoncées à ce t effet, force est de constater que 110 d'entre elles ne correspondent qu'à des transferts du budget de l'Etat vers ceux des établissements publics. Les responsables de ces établissements, qui nous ont déclaré ne pas avoir été informés de ces transferts, ne disposent pas de moyens suffisants pour offrir des CDI à l'ensemble des postes transférés. Ils avouent en outre manquer cruellement d'emplois qualifiés, surtout dans le domaine des nouvelles technologies. La précarité a bien été transférée, mais el le ne sera pas pour autant résorbée. En fait, seuls 51 postes seront effectivement créés, alors que les situations de sous-effectifs sont monnaie courante dans de nombreux établissements publics.

La deuxième partie de mon avis budgétaire s'attache, comme chaque année, à faire le point sur un secteur particulier de la politique culturelle. j'ai choisi cette fois-ci de m'intéresser à la lecture publique car celle-ci, tant par les institutions qu'elle soutient que par les actions qu'elle développe, est au coeur des enjeux de la démocralisation culturelle.

Je ne vous entretiendrai pas ici des immenses progrès accomplis depuis vingt ans ni de l'importance des efforts réalisés par les collectivités locales ; je souhaiterais simplement, madame la ministre, vous interpeller sur quelques points qui me paraissent poser difficulté ou question.

Je veux faire tout d'abord mettre l'accent sur les difficultés persistantes de la Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand et des sommes considérables que l'Etat dépense pour son fonctionnement. Ainsi, le site François-Mitterrand Tolbiac devient la première victime de ses ambitions avec une crise informatique qui perdure, un système de conservation défectueux et un personnel démotivé.

Quels sont vos échanges avec la direction de l'établissement sur toutes ces questions, et comment envisagez-vous de pallier, plus que les dysfonctionnements, la mauvaise image que traîne après elle la BNF ? Par ailleurs, vous avez pris l'engagement, madame la ministre, de trancher avant la fin de l'année la délicate question du droit de prêt, autour de laquelle s'opposent désormais deux notions de l'histoire culturelle française ; les droits d'auteurs et la lecture publique. Les différentes parties en présence s'interrogent à juste titre sur la participation financière de l'Etat à l'acquittement de ce droit de prêt. Allez-vous solliciter les collectivités territoriales ? Si oui, pouvez-vous alors nous affirmer que la décentralisation prendra enfin toute sa mesure et que ce transfert de charge s'accompagnera d'un réel transfert de moyens ? Profiterez-vous également de cette occasion pour réviser la loi Lang et résoudre ainsi le problème des remises accordées par les grossistes sur les achats des bibliothèques ? Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui votre engagement dans ce sens ? Permettez-moi enfin, madame la ministre, de vous interroger sur vos projets législatifs.

Vous avez à coeur, je le sais, de présenter un projet de loi sur les musées. J'en souligne devant vous l'urgence ainsi que la nécessité de définir un statut pour les établissements publics locaux à vocation culturelle, éléments clés de la décentralisation culturelle. Quand le Parlement pourra-t-il examiner ces projets ? En conclusion, madame la ministre, votre budget pour 2001 permet de consolider les priorités dégagées depuis plusieurs années, mais au prix du sacrifice de plusieurs domaines qui conditionnent à long terme l'efficacité et la pérennité de l'action culturelle et de ses institutions. C'est pourquoi, bien que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ne m'ait pas suivi dans mes conclusions, je voterai contre les crédits de la culture pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon.

Force est de constater, madame la ministre, que votre premier projet de budget ressemble à s'y méprendre au budget présenté l'an dernier par Mme Trautmann. On y retrouve en substance les mêmes priorités, mais aussi, hélas ! les mêmes insuffisances et la même absence d'audace réformatrice.

Le temps qui m'est imparti étant limité, je n'insisterai pas sur les mesures avec lesquelles on ne peut qu'être d'accord. Qui s'opposerait en effet à une plus grande démocratisation de la culture, au soutien à la diversité culturelle et à une décentralisation renforcée ? Le catalogue des mesures somme toute classiques contenues dans votre budget ne pose guère de problème.

Ce qui nous préoccupe en réalité, ce sont les carences désormais chroniques de l'action culturelle du gouvernement Jospin et l'accumulation de questions essentielles laissées sans réponse.

Le Gouvernement essaie de mettre le projecteur sur l'augmentation des crédits pour tenter de nous démontrer la vitalité de sa politique culturelle. Mais la réalité est moins brillante.

L'accroissement du budget ne saurait dissimuler le fait que vos marges de manoeuvre sont amputées par les coûts de fonctionnement exorbitants des grands travaux mitter-


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randiens. Un héritage bien lourd, alors même que le fonctionnement de certains d'entre eux est sévèrement critiqué.

C'est le cas par exemple de la Bibliothèque nationale de France, véritable gouffre financier d'un milliard de francs par an. Malgré les sommes englouties et les efforts internes réalisés, la BNF continue de connaître de graves dysfonctionnements qui pénalisent les chercheurs et les utilisateurs.

M. Marcel Rogemont.

Et de grandes réussites ! Allez y voir !

M. Michel Herbillon.

Voilà ce qu'il advient lorsque l'on fait prévaloir des raisons d'affichage politique pour décider d'un projet, et qu'on le réalise dans l'improvisation la p lus totale... Vous savez parfaitement, madame la ministre, que le cahier des charges de fonctionnement de cette bibliothèque a été écrit une fois arrêté le projet et retenus l'architecte et l'équipe technique... Reste aujourd'hui à réparer les erreurs du passé en dotant la BNF d'une stratégie à la hauteur de l'effort budgétaire consenti par la nation, comme l'a récemment rappelé un rapport du Sénat. L'impact des coûts de fonctionnement des établissements issus des grands travaux est lourd de conséquence car certains pans majeurs de notre culture en font aujourd'hui les frais.

Ainsi, le patrimoine et les monuments historiques sont une fois de plus les grands oubliés de votre budget. Vous nous aviez assuré, madame la ministre, lors de votre prise de fonction, que « la création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle doterait le ministère d'un véritable moteur renforcé ».

Mme Hélène Mignon.

N'est-ce pas bien, cela ?

M. Michel Herbillon.

Vous aviez seulement omis de nous préciser que ce moteur aurait du retard à l'allumage et serait à ce point poussif qu'un seul million de francs supplémentaire - un seul million ! - serait dégagé pour l'entretien des monuments historiques appartenant à l'Etat.

Je regrette d'autant plus cette situation, madame la ministre, que vous n'avez pas répondu à la proposition que je vous avais faite de conjuguer vos efforts à ceux du ministère de la ville pour mener une politique active de restauration des monuments situés dans les villes de banlieue, tant le patrimoine joue un rôle fédérateur et peut contribuer à forger dans ces villes et leurs quartiers un sentiment d'appartenance et d'identité qui, souvent, leur fait défaut.

Les crédits d'acquisition sont l'autre grand sacrifié de ce projet de budget, et ce pour la troisième année consécutive. Le fonds du patrimoine est ainsi amputé de 10 millions et ramené à 95 millions, ce qui est proprement ridicule au regard de ses missions et des réalités du marché de l'art. Votre prédécesseur nous avait laissé entrevoir, lors de l'examen du texte sur les trésors nationaux, « des perspectives sonnantes et trébuchantes ». Là encore, les engagements du Gouvernement n'ont pas été tenus.

Ces exemples illustrent en réalité le reproche de fond que nous faisons à la politique culturelle du Gouvernement, à savoir sa frilosité et son manque d'imagination car, tant sur le patrimoine que sur les crédits d'acquisition, les solutions existent. L'opposition a d'ailleurs proposé des mesures, notamment fiscales, pour relancer le mécénat, aujourd'hui fort peu développé dans notre pays.

D'autres propositions ont été faites pour abonder les crédits d'acquisition. J'ai pour ma part suggéré d'instituer comme en Grande-Bretagne un prélèvement sur les mises de la Loterie nationale.

M. Pierre Carassus.

Là, on déraille.

M. Michel Herbillon.

Puis-je espérer que vous m'apporterez enfin une réponse à cette proposition lors de ce débat budgétaire ? Il faut bien constater qu'à chaque fois que nous faisons des propositions le Gouvernement tergiverse, trouve des excuses, renvoie à plus tard, pour au final ne rien changer.

Il est certain, madame la ministre, que l'attitude archaïque d'une partie de votre majorité, qui tente pour la énième fois cette année d'intégrer les oeuvres d'art dans le calcul de l'ISF, ne vous incite guère à l'audace. Peu importe pour ceux qui prônent cette mesure son impact dévastateur sur le marché français de l'art, déjà affaibli face à ses concurrents américains et britanniques, du moment que l'idéologie est sauve.

Et pourtant, ce n'est pas d'idéologie mais bien d'audace et d'imagination que le ministère de la culture a aujourd'hui le plus besoin tant les dossiers difficiles s'accumulent, et je ne prendrai que deux exemples.

Le livre tout d'abord.

Outre le prix unique du livre, dont la pérennité pourrait être remise en cause par le commerce électronique transfrontalier et par les projets de la Commission européenne, l'instauration d'un droit de prêt dans les bibliothèques est réclamée par certains auteurs et éditeurs, et elle inquiète les lecteurs. Un rapport sur cette question épineuse a été remis à votre prédécesseur il y a deux ans

Depuis lors, plus rien. Et, en dépit de l'engagement que vous aviez pris, lors de votre arrivée rue de Valois, de régler cette question, elle reste encore aujourd'hui sans réponse.

Second exemple, le cinéma.

La situation du cinéma et singulièrement celle du cinéma indépendant, le cinéma d'art et essais, exige elle aussi une action déterminée des pouvoirs publics.

Le développement anarchique des salles multiplex et l'affaire des cartes d'abonnement ont généré une vive inquiétude pour l'avenir des exploitants indépendants. Or je crains que la manière dont le Gouvernement aborde ces problèmes, c'est-à-dire de façon virulente sur la forme mais en n'annonçant au final que des demi-mesures, ne soit pas à la hauteur de l'enjeu que représente la survie des salles indépendantes et, de façon plus générale, de la crise du cinéma français.

Je pourrais également vous parler des musées. Nous espérons que vous allez bientôt déposer sur le bureau de notre Assemblée le nouveau projet de loi réformant la législation aujourd'hui applicable.

V oilà quelques-unes des raisons pour lesquelles, madame la ministre, le groupe Démocratie libérale et Indépendants n'approuvera pas votre budget.

M. Marcel Rogemont.

Oh, non, ne faites pas cela !

M. Michel Herbillon.

Nous n'avons pas le sentiment qu'il y ait aujourd'hui, dans notre pays, une politique culturelle ambitieuse qui ait du souffle, une âme, qui réponde aux défis culturels de notre temps et aux attentes de nos compatriotes, une politique qui trace une perspective digne de notre histoire, de notre patrimoine et de l'influence de la culture française dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 OCTOBRE 2000

I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Une nouvelle fois, le Gouvernement, en votre présence pour la première fois, madame la ministre, nous présente un budget pour la culture en croissance.

Il importe d'y revenir et de vous faire part de quelques réflexions.

Il importe aussi de souligner que l'égal accès pour chacun à la culture, que la démocratisation passent d'abord par l'éducation artistique du plus grand nombre.

Il importe encore de dire concrètement que la création et les créateurs sont au coeur de l'utilité sociale d'une action de l'Etat pour la culture.

Ce sont les seuls points que j'aborderai dans le temps qui m'est imparti, réservant ma conclusion à une série de questions sur l'actualité parlementaire.

Revenons d'abord sur la croissance du budget.

La succession des nombres - baisse de 575 millions en 1997, hausse de 592 millions en 1998, de 525 millions en 1999, de 371 millions en 2000 et de 415 millions en 2001 - marque avec clarté la rupture qu'a été le budget pour 1998 et la continuité de l'action du Gouvernement.

Près de 2 milliards de plus consacrés à la culture en quatre budgets. Nous atteignons pratiquement, dès cette année, 1 % des dépenses de l'Etat pour la culture, le fameux 1 % que le Premier ministre avait pris l'engagement d'atteindre en 2002 lors de son discours d'investiture. Cette année, nous sommes à 0,994 %. L'objectif est donc atteint.

Savourons cette progression sensible et, si un objectif doit être renouvelé, il n'est qu'à rappeler que, dans le périmètre de la culture qui nous occupe et pour l'année 1996, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, la France consacre 50 milliards pour la culture : 15 milliards pour l'Etat, 35 milliards pour les collectivités territoriales, dont 30 milliards pour les seules communes.

C'est dans ce contexte qu'il convient de situer l'action de l'Etat.

L'Etat est l'un des financeurs de la culture, un financeur au bout du compte plus modeste qu'on ne pourrait l'imaginer, avec seulement 30 % de la dépense publique pour la culture, lorsque les seules communes représentent, elles, 60 %. Quel peut être, quel doit être le rôle de l'Etat ? Comment affirmer une volonté, un projet dans notre pays et pour l'ensemble de nos concitoyens dans ce contexte ? Voilà la question qui nous est posée.

V ous apportez des réponses : affirmation de la déconcentration avec un rôle des DRAC, désormais reconnues comme un partenaire. Elles doivent être probablement plus encore des partenaires structurants de la politique pour la culture. Il serait, en effet, vain de les cantonner - le mot est choisi - à n'être qu'un guichet de plus. Ainsi, il y aurait à la porte de chacun un guichet communal, un guicher départemental, un guichet régional, et un guichet national, en plus.

Nous voyons, et voulons voir, dans la création du secrétariat d'Etat et la volonté qui l'anime de mettre en place des protocoles de décentralisation, l'affirmation plus forte du rôle structurant et de levier de l'Etat.

Nous avons besoin de plans, comme l'idée s'était imposée il ya quelques années pour la musique, de plans plus que de financements, s'apparentant comme autant d'émiettements de la force publique. Est-ce la fonction de l'Etat de financer des opérations de quelques dizaines de milliers de francs, lorsqu'on dispose de deux fois moins d'argent que les communes ? Nous attendons alors de vous, que, comme vous le faites, vous affirmiez les politiques de l'Etat, que vous vous serviez des crédits disponibles comme autant de leviers pour sculpter le paysage de la culture et non pour semer aux quatre vents.

M. Michel Herbillon.

Quelle image !

M. Marcel Rogemont.

Peut-être cela a-t-il été un temps possible, cela ne l'est plus aujourd'hui, lorsque chacun mesure que l'investissement dans la culture des départements et des régions se développe aux côtés de celui de l'Etat et des communes.

Aujourd'hui, la politique de la culture se conjugue au pluriel, c'est donc avec les autres partenaires publics et à l'intérieur de la trop étroite enveloppe de 50 milliards qu'il faut modeler et faire advenir une politique pour la culture. Bref, d'accord pour la contractualisation, d'accord pour le partenariat et le protocole, d'accord pour aider à construire les politiques pour la culture avec les autres partenaires publics.

En ce sens, vous adressez à notre pays un signe puissant de cette ambition, puisque 785 millions de francs étaient consacrés aux investissements pour la culture sur Paris en 1997 et que 743 millions y seront consacrés en 2001, alors que, dans le même temps, 275 millions étaient consacrés aux investissements pour la culture en province en 1997 et que 610 millions y seront consacrés en 2001.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Il y a là des opportunités fortes pour faire de la politique de l'Etat des leviers forts pour un projet fort de démocratisation de la culture avec les autres partenaires publics.

Le deuxième point que je veux aborder rapidement est l'éducation artistique.

La démocratisation et l'égal accès de chacun à la culture passent nécessairement par une éducation artistique plus forte, plus présente. Vous affirmez cette priorité en relation avec votre collègue de l'enseignement, tant mieux !

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis.

Il faut des actes aussi.

M. Marcel Rogemont.

Bien entendu, chacun connaît le poids respectif de chaque ministère, et la tentation doit être grande pour le ministère de l'enseignement d'organiser seul cette priorité. Si cela devait être, on couperait l'éducation artistique d'un rapport direct, charnel, entre les acteurs de la culture vivante et les jeunes.

Pour que la force de vivre l'art passe auprès des jeunes, nous avons besoin que des intervenants extérieurs à l'école soient présents auprès des jeunes. Il importe de confirmer cette responsabilité croisée. Vous le faites en ajoutant 18 millions pour l'éducation artistique après avoir déjà ajouté 17 millions l'an dernier, permettant ainsi notamment l'ouverture d'ateliers artistiques dans 2 500 lycées, soit 62,5 % des lycées français.

Bref, l'éducation artistique est le passage obligé d'une politique de démocratisation et d'égal accès de chacun à la culture.


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La création, enfin.

Premier ministre de la culture depuis des lustres à avoir bénéficié d'une rallonge budgétaire lors d'un collectif, vous avez voulu consacrer l'essentiel de cet apport au spectacle vivant et à la création. Vous avez eu raison.

Outre que c'est un signe fort de votre volonté pour la culture, c'est aussi la reconnaissance d'un fait qui passe souvent inaperçu et qu'il convient de rappeler : les Françaises et les Français fréquentent plus les théâtres que les stades.

Avec 80 millions de plus lors de ce budget par rapport au budget 2000, vous marquez votre volonté de prendre en compte cette responsabilité, et vous rappelez que les créateurs, les artistes sont au coeur d'une politique de l'Etat pour la culture.

Il est bon de rappeler alors combien votre action pour accompagner les personnes qui se consacrent à l'écriture dramatique ou musicale est importante. La création contemporaine ne peut se nourrir de la seule interprétation nouvelle des oeuvres existantes. Il faut permettre aux artistes d'aujourd'hui d'exister aujourd'hui et donc de pouvoir se consacrer à cet acte important que sont l'écriture et la représentation de cette écriture.

En conclusion, je soulèverai quelques questions très rapidement.

Tout d'abord, les musées.

La loi sur les musées, c'est pour quand ? En dehors même de cette loi attendue, un établissement public a été créé pour faire advenir un nouveau musée quai Branly. Son nom : Arts premiers, Arts primitifs, Arts et Civilisations... Personne ne connaît plus son nom qui change avec la régularité des interprétations possibles que chaque nom propose. Aura-t-il un nom, un bâtiment, un public et quand ? Et puisque vous proposez la création d'un établissement public pour ce musée et que des musées comme le Louvre, mais aussi de très petits musées nationaux sont déjà des établissements publics, pourquoi cette politique n'est-elle pas étendue ? Ainsi, pourquoi Orsay n'est-il pas un établissement public ? Il y trouverait, nous en sommes persuadés, un dynamisme et une responsabilité plus grande.

Je plaide pour des établissements publics, pour les musées nationaux, je plaide aussi pour des établissements publics locaux à vocation culturelle, non pas, comme certain le disent, pour faciliter les additions et les soustractions d'une gestion, mais bien pour marquer la coresponsabilité.

Il faut administrer ensemble et répondre ensemble à cette question et non faire croire que la question serait simplement de faciliter l'exécution budgétaire des établissements.

La création d'un établissement public local à vocation culturelle est une question politique et non pas technique ! Deuxième question, les intermittents du spectacle, au moment où l'accord UNEDIC risque d'être approuvé.

Qu'en est-il de leur statut, qu'en est-il de l'accord entre les représentants des artistes et les organisations patronales de la profession ? Autre question : le théâtre à cinquante francs.

Qu'en est-il de cette tarification des théâtres nationaux à cinquante francs le jeudi ? Je pose la question d'autant plus que cette initiative est venue perturber la politique tarifaire des théâtres nationaux comme locaux. Je pense, par exemple, au Théâtre national de Bretagne, qui propose un abonnement à 140 francs pour trois spectacles et une réduction sur les autres spectacles. Avec cette politique à cinquante francs, vous demandez à certains théâtres d'augmenter leur tarif ! Des abonnements comme ceux du TNB, c'est alors une politique qui met la politique tarifaire au service d'un parcours artistique et non au service d'une consommation culturelle qui ne s'adresse au bout du compte qu'aux habitués.

Y aura-t-il une évaluation, car il est curieux que l'Etat ait cru bon de donner de l'argent en plus aux théâtres nationaux pour cette politique, lorsque, bien avant, à l'instar du TNB, ces derniers avaient aussi une politique tarifaire ? Bref, vous le sentez bien, même au travers des questions posées, c'est un appel à faire plus et mieux que nous lançons avec vous. Vous avez, au moins chez les députés de la majorité et, parmi eux, les socialistes, mais je crois pouvoir dire bien au-delà, même si je ne peux pas parler au nom des trois groupes de l'opposition,...

M. Michel Herbillon.

Ça viendra. (Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

... un encouragement et une présence vigilante pour le combat pour la culture que vous menez et qui est aussi notre combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si nous avions à juger ce budget en le comparant à celui de l'année dernière, nous pourrions dire qu'il est plutôt bon,...

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis.

Quelle conviction !

M. Bernard Birsinger.

... mais j'ai choisi d'axer mon intervention sur ce qui paraît essentiel au groupe communiste, à savoir le décalage qui existe entre les moyens de ce budget et les ambitions qui devraient être les nôtres dans une société en mutation, qui place les enjeux culturels à une tout autre échelle.

Je pense que la culture peut être l'un des points d'appui essentiel de résistance et d'action contre la marchandisation de notre société. Elle peut être le vecteur d'une action forte pour construire des citoyens de plain-pied dans leur temps, se saisissant des pouvoirs, savoirs et capacités dont ils sont aujourd'hui dépossédés.

Au regard de ces enjeux, les députés communistes restent sur leur faim.

Tout indique qu'il convient d'ouvrir une période nouvelle en matière de politique publique culturelle.

Cet impératif, c'est le mouvement de la société, ce sont les exigences de nos concitoyens qui nous le donnent.

C'est aussi le retour de la croissance. Les études montrent une augmentation de quasiment toutes les pratiques depuis dix ans, du cinéma au concert, en passant par l'expo ou le musée. De nouvelles formes d'art frappent à la porte. Les disciplines artistiques se mélangent. De n ouvelles pratiques apparaissent. De nouveaux lieux comme les médiathèques symbolisent et démocratisent cette nouvelle culture. Le passage aux 35 heures initié par notre majoritéé peut aussi ouvrir une époque nouvelle pour les pratiques culturelles des Français.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Tout à fait.

M. Bernard Birsinger.

Bref, au regard de la révolution informationnelle que nous vivons, au regard de toute la gamme des activités possibles dès aujourd'hui ou envisa-


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geables dès demain, jamais la culture n'a pu autant prétendre concourir à l'épanouissement des individus et par conséquent au développement de la communauté nationale.

En cela, parce qu'il ne répond pas aux enjeux et défis de notre temps, je qualifierai ce budget de décevant. Sa modestie rend difficile la mise en oeuvre des objectifs déclarés, avec lesquels on ne peut être que d'accord.

Décevant, c'est aussi le terme juste pour qualifier le sentiment de la centaine de professionnels de la culture avec qui nous avons débattu ici même le 2 octobre dernier.

Bien sûr, nous nous dirigeons vers le 1 %. Je pense que cet enjeu, qui a mobilisé pendant tant d'années le monde de la culture, est déjà derrière nous, d'autant plus si l'on prend en compte les modifications effectuées sur le périmètre de la culture au début des années 90.

D'ailleurs, si votre ministère n'avait pas subi ces modifications de structure, il manquerait aujourd'hui 1 milliard au budget pour atteindre ce fameux 1 % et retrouver le niveau de 1992. Vous conviendrez qu'il est nécessaire de placer la barre à un tout autre niveau, et c'est ce qu'attendent ceux qui font vivre la culture dans notre pays.

Certes, il faut noter l'augmentation de 2,6 % du budget de la culture, qui en fait un des budgets prioritaires cette année, et surtout le distingue de ceux des années noires de la droite, entre 1993 et 1997, marquées par une baisse de 20 % des crédits.

Ces chiffres étant rappelés, je crois que le Gouvernement ne peut s'en tenir pour quitte. On ne peut développer indéfiniment un discours sans le traduire en actes, surtout quand on considère que l'égalité d'accès à la culture, l'aide à la création ou la décentralisation sont des choix identitaires pour un gouvernement de gauche.

Aussi, nous partageons la grande impatience des professionnels de la culture, et notamment du spectacle vivant, qui sont pour beaucoup dans la richesse de notre culture nationale. Notre premier atout n'est-il pas la grande qualité de la création actuelle dans tous les domaines ? Certes les interventions publiques de l'Etat en faveur de cet art ont crû par rapport à l'année dernière puisque - et c'est à noter - le collectif budgétaire du printemps de 50 millions de francs a été consolidé et que 30 nouveaux millions ont été dégagés. Cependant, la dynamique promise était d'une tout autre ampleur. Nous ne pouvons donc nous satisfaire des sommes annoncées, et ce d'autant plus que le passage aux 35 heures a été évalué à 110 millions de francs dans ce secteur.

L'argent manque à ces professionnels, et je pense en particulier aux jeunes compagnies, pour aller vers leurs publics et pour trouver de nouveaux lieux. Les modes d'attribution des subventions sont également à revoir.

Nous vous pressons de bien vouloir abonder, d'ici à la seconde lecture, les moyens visant à promouvoir le spectacle vivant, et nous demandons un doublement des mesures nouvelles.

Bien entendu, tout en manifestant notre insatisfaction, nous avons conscience que ce budget est plombé par une certaine sédimentation des dépenses. Chaque nouvelle réalisation, chaque nouveau musée, chaque nouveau monument historique engage pour longtemps l'Etat. Il s'agit non pas de faire moins dans ce domaine, mais d'ouvrir une ère nouvelle. Il faut engager dès maintenant une vaste réflexion sur les politiques publiques en matière culturelle, sur les financements nouveaux à mobiliser pour la culture. A ce sujet, des mesures devraient être prises pour trouver d'autres contributeurs, au-delà du mécénat.

Certains grands groupes réalisent de gros bénéfices dans le commerce de la culture alors que, à l'autre bout de l'échelle, de très nombreux artistes plasticiens, pour ne prendre que cet exemple, se démènent avec les minimas sociaux.

Parmi les grandes orientations proposées, je souhaiterais dire un mot sur la décentralisation. C'est un des chantiers qu'il convient d'amplifier, pour mieux identifier les compétences, pour aller avec tous les partenaires vers une responsabilité publique partagée, et cela sur tout le t erritoire. Récemment, l'Etat a signé une première convention de développement culturel, et je me félicite que ce soit avec la Seine-Saint-Denis. Dans ce département où la libéralisation de l'économie a tracé son sillon de nouvelles misères, les élus n'ont jamais cédé sur le choix de la création, de politiques culturelles innovantes.

En attestent par exemple la renommée de la maison de la culture de Bobigny, des événements comme Banlieues bleues, le Salon du livre pour la jeunesse, ou encore le formidable réseau de bibliothèques, de conservatoires et de salles de cinéma. L'initiative des villes, la contribution du département, et dans de nombreux cas le soutien de l'Etat, ont été décisifs pour organiser cette offre publique en matière de culture. Celle-ci est aujourd'hui intimement liée aux enjeux de l'aménagement du territoire et de la lutte contre les inégalités sociales et culturelles.

Les collectivités locales ont ainsi dépensé cette année 35 milliards pour la culture. Nous sommes satisfaits de la nomination, en mars dernier, d'un secrétaire d'Etat à la décentralisation culturelle et nous nous félicitons qu'il ait engagé son action par un vaste tour de France pour rencontrer les acteurs de la culture.

M. Michel Herbillon.

Une action discrète !

M. Bernard Birsinger.

Plus de quarante départements ont ainsi déjà été visités. Cette démarche de proximité mérite d'être relevée, au regard des nécessaires chantiers à engager pour donner plus de démocratie et de transparence et donc plus d'efficacité à la décentralisation.

L'actualité culturelle et artistique nous offre quelques points de cristallisation, sur lesquels je souhaite appeler votre attention.

Concernant les écoles nationales d'art, même si des équivalences ont pu être établies avec l'éducation nationale, certaines dispositions énoncées par le protocole d'accord qui appelaient des mesures dès le projet de budget pour 2001 n'ont pas été respectées.

Par ailleurs, madame la ministre, je tiens à vous interpeller sur la nouvelle convention assurance chômage que le Gouvernement entend agréer. Le texte du protocole d'accord, et notamment son article 15, comporte des menaces graves pour les intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel. Parce que ce projet est néfaste pour la culture, nous demandons au Gouvernement qu'il revienne sur sa décision et que soient préservés les droits de ceux qui font vivre la création, la production et la diffusion culturelles.

Concernant la lecture publique, une politique audacieuse est nécessaire. L'Etat doit encourager, doit relayer les efforts entrepris en faveur de la lecture publique par de nombreuses collectivités. Et ce d'autant plus que pèse la menace du prêt payant. Il faut tout à la fois sauver le prêt gratuit et élaborer un véritable statut de l'auteur.

Enfin, je tiens à évoquer le problème soulevé par l'instauration de la carte d'accès illimité par les majors du cinéma. Plutôt que ce système qui draine les spectateurs vers les grands distributeurs, qui touche à l'équilibre du


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système cinématographique français et qui signifie, à terme, la disparition du cinéma indépendant, ne faudrait-il pas réfléchir à une carte universelle qui assurerait une répartition plus juste entre tous les ayants droit ? Au-delà de ces préoccupations spécifiques, la question qui est posée, c'est bien le rapport de la culture au commerce. Face aux marchands du temple animés par le seul appétit de rentabilité et attirés par des contenus bas de gamme, il convient que notre pays fasse preuve de détermination. Je pense notamment à l'extension des décisions européennes à la majorité qualifiée dans le domaine de la culture alors que l'unanimité prévaut aujourd'hui. Dans une Europe régie par les dogmes libéraux, il est indispensable de s'opposer à ce projet. Je pense aussi à l'Organisation mondiale du commerce et à son accord général sur le commerce des services qui entend livrer au libre échange l'ensemble des services, et donc la culture. La culture ne peut, ne doit pas être soumise aux seules lois de la concurrence. Le gouvernement français avait à l'époque joué un rôle décisif dans l'é chec d'un projet précédent, l'AMI. Sur ces deux grandes questions, nous espérons que le Gouvernement saura faire p reuve de la même détermination. Mais peut-être, madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous préciser dès aujourd'hui l'attitude que le Gouvernement entend adopter pour tenir la culture hors de la dictature des critères de rentabilité et préserver ainsi l'exception culturelle ? Madame la ministre, chers collègues, tout indique qu'en matière culturelle nous sommes face à un défi majeur. A cette fin, nous souhaiterions qu'un vaste débat s'engage sur tout le territoire, associant les professionnels, les usagers, les élus. Ce vaste débat pourrait permettre de dégager de nouvelles pistes non seulement pour améliorer la responsabilité publique en matière de culture, mais aussi pour mieux identifier les ressources à mobiliser en sa faveur.

Madame la ministre, la préparation de ce budget a été pour nous l'occasion de vous rencontrer ainsi que M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Comme vous, nous pensons qu'il est urgent de donner un nouvel essor à la politique culturelle. C'est dans cet esprit que les députés communistes s'apprêtent à voter le projet de budget qui nous est proposé ; tout en prenant acte de l'augmentation de 2,6 %. Vous pouvez compter, madame la ministre, sur les députés communistes pour contribuer au vaste mouvement d'idées et d'actions nécessaire pour relever le défi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Bruno BourgBroc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Je pensais m'adresser à M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, mais il est déjà parti...

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Il reviendra, soyez-en sûr !

M. Bruno Bourg-Broc.

Madame la ministre, pour votre premier exercice budgétaire en tant que ministre de la culture, vous devez, j'imagine, être heureuse de pouvoir nous présenter un budget en hausse de 3,7 %, à 590 millions de francs, soit une augmentation de 2,5 % à périmètre constant. Cette augmentation est supérieure à celle du budget de la nation. Ce serait considérer qu'une augmentation seule suffirait à rendre un budget vertueux. Tel n'est pas notre point de vue.

Si ce projet de budget répond sur certains points à nos demandes et à nos aspirations, je pense notamment à la poursuite du rééquilibrage Paris-province, rendu possible par l'achèvement des grands travaux, à la démocratisation culturelle qui commence à prendre forme et à la progression des crédits relatifs à l'enseignement artistique encore que les avancées dans ces domaines pourraient être encore plus importantes -, l'examen attentif révèle de graves carences. Et je voudrais insister sur trois points : le sacrifice des crédits d'entretien du patrimoine, le sacrifice des crédits d'acquisition et une progression en trompel'oeil des crédits du secteur du spectacle vivant.

Tout d'abord, s'agissant des crédits d'entretien du patrimoine, le projet de budget pour 2001 prévoit une augmentation de 1 million de francs pour les crédits d'entretien des monuments appartenant à l'Etat et une stagnation des crédits pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat. Cette faible augmentation, sans compter que la création d'une nouvelle structure ministérielle a un coût en soi, fait suite à une progression de 2 millions de francs pour les crédits d'entretien des monuments appartenant à l'Etat et un gel des crédits pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat en 2000, crédits qui euxmêmes succédaient à une hausse de 10 millions de francs pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat et un blocage des crédits d'entretien des monuments appartenant à l'Etat en 1999. Ce yo-yo budgétaire n'est probablement pas une saine pratique. Elle montre le peu de cas que le Gouvernement fait de l'entretien des monuments historiques. En tout état de cause, cela a été souligné ce matin, cette augmentation est notoirement insuffisante.

Entretenir le patrimoine, c'est éviter qu'il ne se dégrade durablement. Si l'on n'entretient pas sa voiture, sa durée de vie est réduite et les coûts de réparation sont bien supérieurs aux coûts d'entretien.

Il en est de même pour le patrimoine. Entretenir le patrimoine, c'est non seulement garder en l'état des sites historiques classés ou inscrits, mais c'est encore réaliser des économies sur des travaux futurs. Le simple bon sens devrait nous conduire à augmenter considérablement l'enveloppe réservée aux travaux d'entretien.

J'avais déjà noté cette insuffisance lors de la discussion budgétaire pour l'année 2000 et réclamé une augmentation plus conséquente qu'il aurait fallu intensifier cette année. Nous prenons dans ce domaine un retard considérable. L'augmentation proposée est caricaturale. Si les besoins pouvaient être estimés à 20 ou 30 millions supplémentaires pour 2000, il aurait fallu rajouter la même chose pour 2001.

De façon plus générale, je voudrais m'élever contre la faiblesse des crédits réservés à la restauration du patrimoine monumental. Certes, l'augmentation des crédits est plus significative que pour l'entretien de ces mêmes bâtiments, mais, comme l'a indiqué la Cour des comptes, ils ont notoirement insuffisants et, de surcroît, sousutilisés.

Les crédits d'investissement pour le patrimoine représenteront 1,7 milliard de francs en 2001, en progression de 1,8 %. Or, à titre d'exemple, la seule réfection de la cathédrale de Reims est estimée à 800 millions de francs, c'est-à-dire la moitié de l'enveloppe annuelle. La comparaison de ces deux montants montre le ridicule de l'intervention de l'Etat.

Pourtant, le succès grandissant des journées du patrimoine montre à quel point les Français sont sensibles à leur patrimoine monumental. Ces journées prouvent que le patrimoine est un outil de démocratisation de l'accès aux pratiques culturelles. L'effort doit être intensifié en


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matière d'investissements et notamment en province. Je crois également qu'il conviendrait de relancer l'action de la fondation du patrimoine créée par le précédent gouvernement. En effet, le mécénat est un outil sous-utilisé dans notre pays, et ce en raison de la faiblesse de l'incitation fiscale et des structures de soutien.

Madame le ministre, la tempête de décembre dernier aurait dû vous conduire à faire un effort particulier cette année sur le patrimoine. Les coûts sont certes astronomiques mais l'outil fiscal pourrait être utilisé pour permettre un investissement plus massif des entreprises et des particuliers.

La deuxième critique à l'encontre de votre politique budgétaire concerne à nouveau les crédits d'acquisition.

C'est la troisième année que ces crédits sont sacrifiés. En 1999, la progression était inférieure à l'inflation, se limitant à 0,6 %. Pour 2000, le budget était en baisse de 1,1 %. Lors de mon rapport budgétaire pour 2000, j'avais fortement critiqué cette baisse qui met en péril la richesse de notre patrimoine. Cette année, vous nous présentez dans ce domaine un budget en parfaite stagnation, c'est-à-dire de fait en baisse conséquente, pour la troisième année consécutive. De plus, et comme l'indique fort bien notre collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jean-Marie Geveaux, la compensation de la gratuité de l'entrée des musées vient en déduction des crédits d'acquisition, ce qui réduit d'autant ces crédits qui stagneront à 253 millions de francs.

Pourtant, une mission d'information sur les musées, fort bien menée par notre collègue Alfred Recours, avait fait dans ce domaine notamment des suggestions intéressantes. A mon tour de vous poser la question : quand la loi sur les musées sera-t-elle soumise au Parlement ? J'en viens, enfin, au secteur du spectacle vivant.

L'étude détaillée des crédits budgétaires laisse apparaît re une réelle prise en compte des besoins pour les seuls établissements publics nationaux - Opéra de Paris, Comédie française et les autres théâtres nationaux - alors, que, pour le titre IV, l'augmentation est nettement inférieure à celle des années précédentes, malgré l'arrivée de nouveaux établissements labellisés. Les établissements nationaux, directement gérés par l'Etat, étant tous situés à Paris, à quelques exceptions près comme le Théâtre national de Strasbourg, le fossé entre les moyens alloués à la capitale et ceux réservés à la province grandit. Faut-il rappeler que le coût de l'application de la réduction du temps de travail pour le seul secteur du spectacle vivant a été évalué par certains à 110 millions de francs, soit près de quatre fois plus que la totalité des mesures nouvelles prévues en faveur de ce secteur pour 2001, lesquelles s'élèvent à 29,78 millions de francs ? On ne peut développer des discours sans les traduire dans les actes.

Je pourrais aussi parler de l'insuffisance des crédits consacrés à l'enseignement artistique, même si le rapporteur de commission des affaires culturelles a apprécié l'action menée dans ce secteur. Avez-vous conscience, madame la ministre, de la part réelle que prend votre ministère dans le montant des contrats éducatifs locaux ? Qu'en est-il, madame la ministre, de la publication annuelle du rapport au Parlement prévue par la loi de janvier 1988 relative aux enseignements artistiques ? Pour toutes ces raisons et quelques autres encore qu'un temps de parole de dix minutes ne me permet pas de détailler, le groupe RPR suivra la position du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et se prononcera contre votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de budget du ministère de la culture pour 2001 sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui nous paraît satisfaisant.

M. Marcel Rogemont.

Enfin un peu d'objectivité !

M. Pierre Carassus.

Ses crédits connaissent, cette année encore, une progression significative de 2,6 %. Comparés au budget de l'Etat, qui connaît, quant à lui, une progression limitée à 1,2 %, les crédits accordés à la culture ne sont donc pas négligeables. A l'heure où la lutte contre les déficits publics pénalise l'action publique, il est rassurant de constater que les moyens de la culture sont préservés et même accrus. Cela tendrait à prouver que, contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, nous disposons encore, quand nous le voulons bien, de certaines marges de manoeuvre.

Ce projet de budget s'inscrit autour d'axes forts.

Première priorité : la relance de la décentralisation culturelle, avec 200 millions de francs de mesures nouvelles pour 2001. Un tel geste ne doit pas nous faire oublier, pour autant, les efforts entrepris et consentis par les collectivités locales pour faire émerger une politique culturelle de proximité au service du développement de la citoyenneté. Il serait d'ailleurs souhaitable que l'Etat épaule davantage encore les collectivités locales, et notamment les communes les plus modestes qui peinent à offrir un service public culturel de qualité faute de moyens. A cet égard, madame la ministre, l'absence d'un véritable soutien de l'Etat aux communes en vue d'aider les écoles de musique est de moins en moins compréhensible.

Un véritable maillage culturel du territoire est indispensable. Seule une politique globale et coordonnée, fondée sur le principe d'égalité et de solidarité entre les différentes entités locales, permettra, en liaison avec les conseils généraux et régionaux, de résoudre cette situation. C'est à l'Etat de conduire une politique volontariste afin d'impulser un développement culturel local réaliste et durable.

La deuxième priorité de ce budget est la promotion de la diversité culturelle et le soutien à la création avec 130 millions de francs de mesures nouvelles qui, nous l'espérons, permettront de favoriser l'émergence et la découverte de nouveaux jeunes talents. Les crédits du spectacle vivant - 4 218, 66 millions de francs pour 2001 - progressent de 4 % par rapport à ceux du budget 2000.

C'est remarquable, mais, pour être porteuse, cette avancée doit être inscrite dans une politique du spectacle vivant définie pour plusieurs années.

Enfin, troisième priorité de ce budget : la démocratisation de la culture, avec 60 millions de francs de mesures nouvelles, dont 5 millions supplémentaires consacrés à l'éducation artistique culturelle et 5 millions pour poursuivre la création d'espaces culturels multimédia. Cet engagement non négligeable ne me paraît pas à la hauteur des moyens qu'il convient de mobiliser pour faire face à la fracture numérique qui risque de s'installer entre nos concitoyens. Les nouvelles technologies de la communication et de l'information peuvent, nous en sommes tous conscients, être les outils modernes d'un accès à la connaissance et au savoir généralisé. Ils jouent notamment un rôle important dans le désenclavement des territoires isolés. Ils peuvent être un formidable levier pour


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favoriser des échanges culturels riches entre citoyens de génération et d'origine différentes. C'est un défi extraordinaire qui mérite que soient mobilisés des énergies et des moyens sans précédent.

Ces trois priorités politiques que je viens de rappeler succinctement sont importantes et méritent d'être soutenues. Mais il faut bien avouer, madame la ministre, qu'elles étaient, à juste titre, au coeur des budgets de votre prédécesseur. M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles a déploré à cette tribune que ce projet de budget donne une impression de déjà-vu. Il est tout à votre honneur, madame la ministre, de poursuivre une politique audacieuse et réaliste que vous allez amplifier et enrichir. Il est incontestable que la croissance continue des crédits de la culture depuis 1997 donne à ce budget un aspect plutôt flatteur. Cela ne doit pas nous faire oublier pour autant les immenses chantiers qui sont devant nous et qui nécessitent une attention particulière.

Le budget de la culture, qui représentera 0,994 % des charges nettes de l'Etat en 2001, contre 0,98 % en 2000, frôle le fameux cap des 1 %. Regrettons que, pour atteindre cet objectif promis par le Premier ministre, il nous faille nous contenter de paliers successifs ! J e signalerai quelques-unes des inquiétudes qui demeurent à la lecture de ce budget. Tout d'abord, nous redoutons que le Gouvernement n'ait pas estimé à leur juste mesure les dégâts considérables occasionnés aux bâtiments publics et privés par la tempête de décembre dernier. Espérons que la tempête actuelle sera moins dévastatrice ! Il me paraît nécessaire, madame la ministre, que vous nous indiquiez quelles dispositions vous entendez prendre, notamment en liaison avec les communes et les départements, pour faire face à cette situation.

L'autre point sur lequel je souhaite vous interroger concerne la politique de l'emploi menée par le ministère de la culture. Nous savons que des progrès indiscutables ont été accomplis depuis 1998 en termes de création d'emplois, notamment en ce qui concerne les emplois d'Etat. En effet, 300 emplois supplémentaires sont prévus pour 2001 et votre ministère devrait disposer, entre les emplois d'Etat et ceux des établissements publics, de 514 emplois supplémentaires qui devraient notamment lui permettre de poursuivre son effort de résorption de l'emploi précaire. Nous ne pouvons que vous encourager à continuer dans cette voie.

Néanmoins, ces moyens supplémentaires permettrontils de renverser une situation qui reste préoccupante ? Trop de postes sont encore occupés, en particulier dans certains établissements publics, par des agents sans véritable contrat de travail, rémunérés à la vacation et n'ayant pas de revenu décent. En tenant compte des transferts de postes, combien de créations nettes d'emploi seront-elles effectivement réalisées en 2001 ? Permettront-elles de répondre aux besoins importants qui se font actuellement sentir et empêchent certains projets de voir le jour ? Enfin, madame la ministre, permettez-moi de vous faire part de mes fortes préoccupations concernant l'avenir des cinémas de proximité et de centre ville, en particulier celui des petites salles de cinéma d'art et d'essai, notamment municipales, face au développement à grande vitesse des multiplexes. Le rapport Delon sur les multiplexes souligne que, si ce phénomène a d'abord eu du mal à prendre forme dans notre pays, son poids dans l'exploitation française ne cesse aujourd'hui de croître.

Ces structures représentent environ 30 % des entrées en salle et leur nombre devrait dépasser la centaine au cours de l'année 2001. Il y a fort à craindre que nous connaissions, dans les prochaines années, une situation à l'américaine. En effet, de nombreuses petites salles de cinéma, en milieu rural comme en milieu urbain, vont sans doute disparaître, happées par la concurrence déloyale des multiplexes lancés dans une guerre des prix et des abonnements à laquelle elles ne pourront participer.

La pérennité de ces petites salles et des emplois qui y sont liés pose la question de la diversité culturelle à laquelle chaque citoyen doit avoir droit. Faut-il rappeler que les cinémas d'art et d'essai, pour ne citer qu'eux, offrent aux spectateurs un cinéma à multiples facettes, enrichissant, étonnant, éloigné des logiques mercantiles qui animent l'industrie cinématographie emportée par le grand tourbillon de la mondialisation ? Nous ne pouvons donc qu'être d'accord avec vous lorsque vous indiquez qu'il appartient aux pouvoirs publics de veiller à l'équilibre général de l'industrie cinématographique et au maintien de la diversité des lieux d'accès au cinéma. Des réformes réglementaires ou législatives doivent intervenir au plus vite. En effet, peut-on faire moins pour le cinéma que ce que l'on impose aux commerces alimentaires ? Force est de constater, madame la ministre, qu'il est plus facile aujourd'hui d'ouvrir un multiplexe qu'un hypermarché alimentaire. Nous attendons de vous que vous n'hésitiez pas à prendre des mesures strictes limitant sévèrement le droit d'implantation pour ces multiplexes.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. Pierre Carassus.

Nous comptons sur votre détermination.

En conclusion, je tiens à souligner que les députés du Mouvement des citoyens ont été très sensibles aux efforts entrepris pour présenter un budget en progression, sur le plan tant quantitatif que qualitatif. Certes, nous avons relevé quelques insuffisances, mais nous émettons avec conviction un vote positif, comme le feront d'ailleurs tous les députés du groupe RCV. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la présidente.

La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Hervé de Charette.

A nouveau ministre, nouveau budget, et peut-être nouvelle politique ! Avec le départ de Mme Trautmann et votre arrivée, madame, nous avions nourri certains espoirs : l'espoir d'une nouvelle dynamique au ministère de la culture, l'espoir d'un nouveau style, d'un nouveau langage qui nous change de celui de Mme Trautmann, assez difficile à comprendre et technocratique, enfin l'espoir que certains problèmes pourraient être résolus.

A l'espoir d'un changement réel, il faut néanmoins substituer le constat d'une très large continuité. Le niveau des crédits progresse cette année à peu près au même rythme que l'année précédente. Vous poursuivez, et c'est très bien ainsi, l'action en vue de la déconcentration de vos crédits dans les directions régionales. Vous affichez les mêmes préoccupations, sur lesquelles je reviendrai, en faveur du patrimoine, de l'éducation artistique, de l'art vivant. Vous avez dit à la presse que vous vous étiez fixé trois objectifs : la diversité culturelle, l'égalité d'accès à la culture et la décentralisation, autant de généralités qui ne peuvent guère susciter la contradiction et sur lesquelles nous voulons bien vous rejoindre. D'ailleurs, je vous le dis franchement, cette continuité n'est pas en soi critiquable. L'opposition ne peut réclamer à la fois la baisse des impôts, la maîtrise de la dépense publique, la réduction du déficit, et vous demander toujours plus d'argent pour chaque ministère, en particulier pour celui de la culture.


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Plusieurs députés du groupe socialiste.

Quel aveu !

Mme Catherine Génisson.

Très bien ! C'est extraordinaire !

M. Hervé de Charette.

Je ne vous critiquerai donc pas sur le volume de votre budget, si ce n'est pour constater que cette longue marche vers le 1 % culturel, que M. Lang avait brandi comme un étendard en 1981, se poursuit. Elle est désormais plus longue que celle de Mao Tsé-Toung pour arriver au pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme Catherine Génisson.

Il y a eu une halte !

M. Marcel Rogemont.

A cause de qui ? De vous !

M. Hervé de Charette.

... et l'on peut espérer qu'un jour peut-être, madame, vous y parviendrez. Donc, bon courage ! M. Jospin lui-même vous a encouragée dans cette voie.

C'est plutôt l'usage des crédits du ministère de la culture qui mérite débat. Si vous le voulez bien, je traiterai une série de questions, d'interrogations et j'émettrai quelques critiques.

La première question porte sur la politique du patrimoine. Je serai bref, parce qu'elle a été évoquée de façon précise et convaincante par MM. Geveaux, Bourg-Broc et Herbillon. La stabilité des crédits, le fait que les travaux d'entretien bénéficient de crédits quasi inexistants, du moins squelettiques, les inquiétudes s'agissant de la réparation des dégâts occasionnés par les tempêtes de l'hiver dernier, la faiblesse des crédits d'acquisition - c'est un vrai problème - qui ont été cette année, comme l'année dernière d'ailleurs, sacrifiés sur l'autel de vos choix budgétaires, la situation préoccupante de la Direction des musées de France, en particulier parce qu'on lui fait financer le coût de la gratuité d'accès aux musées nationaux - en soi ce n'est pas une mauvaise idée, mais elle ne peut être mise en oeuvre au détriment d'une politique dont l'importance est reconnue par tous -, tout cela est désormais établi et profondément critiquable.

En province, nous avons cru à un moment - c'était en 1998 - que, après les sacrifices imposés par l'austérité budgétaire du moment au gouvernement précédent dans le domaine du patrimoine - de façon temporaire, pensions-nous -, l'arrivée de votre gouvernement, ou plutôt de celui où se trouvait Mme Trautmann, allait provoquer une envolée des crédits du patrimoine. D'ailleurs, ces crédits ont augmenté. Simplement, on s'est aperçu rapidement qu'on ne les verrait pas en province, qu'ils étaient totalement dédiés au patrimoine de l'Etat et que tout l'effort mené par les collectivités territoriales, ou par les particuliers d'ailleurs, pour la restauration du patrimoine ne serait pas modifié de façon sensible. Nous avons donc dû nous résigner à constater qu'il en serait ainsi.

Ma deuxième question porte sur le marché français de l'art. Au début de la discussion budgétaire, le parti communiste a milité pour l'extension de l'ISF aux objets d'art, ce qui est évidemment le meilleur moyen de liquider définitivement le marché de l'art français, lequel est dans un état préoccupant. En effet, le montant des ventes au cours des dix dernières années a diminué de 25 %, alors qu'il a augmenté de 10 % ou 12 % en Allemagne, de 50 % en Grande-Bretagne et que New York est devenue la première place mondiale. Nous pourrions avoir l'ambition de reprendre une place importante sur ce marché, mais d'année en année nous reculons d'une façon très inquiétante pour l'image, le prestige et la valorisation de l'art français.

Ma troisième question porte sur le mécénat. Madame la ministre, qu'allez-vous faire pour le mécénat en France ? Nous en avons besoin pour les monuments historiques, pour le spectacle vivant, pour les festivals. Mais le mécénat est le grand absent de la politique culturelle française. Il serait pourtant fort utile que les crédits publics soient relayés par des crédits privés. Cela permettrait de développer l'action et de minimiser la nécessité de votre budget. Hélas, le mécénat français stagne ! Je n'ai pas les chiffres - peut-être nous les donnerez-vous -, mais je redoute même qu'ils ne soient à la baisse. Ce qui est certain, c'est que les mécènes se tournent progressivement vers des activités de plus en plus sélectionnées en fonction de critères qui correspondent à leur intérêts, ce que je peux comprendre d'ailleurs. En réalité, le système des exonérations fiscales est beaucoup trop réduit. Je plaide donc avec force devant vous, madame la ministre pour qu'enfin la France ait une ambition dans le domaine de mécénat.

Je voudrais, en quatrième lieu, parler de la Bibliothèque nationale de France, mais je serai bref car cette question a déjà été évoquée précédemment. Je vous l e dis tout de suite, madame, je ne suis pas un adversaire des grands travaux présidentiels. Certes, ils ont donné lieu à polémique, mais quand la mousse de cette polémique se dissipe, quand la marée des critiques se retire, ce qu'il en reste n'est pas si contestable que cela. Et nous ne pouvons que nous féliciter de devoir à l'impulsion des présidents Pompidou et Giscard d'Estaing le musée d'Orsay, à celle de François Mitterrand les travaux du Grand Louvre et l'Opéra Bastille, et bientôt de devoir au président Chirac le futur musée du quai Branly dont je suis persuadé que, malgré l'ironie développée par M. Rogemont, vous serez un ardent défenseur, ce dont je vous remercie d'avance. Donc, va pour les grands travaux ! Cela fait partie du système français. Ils ont quelque chose de monarchique, il faut bien le reconnaître (Sourires), mais ils sont utiles pour le bien public. Toutefois s'agissant de la Bibliothèque nationale de France, force est de reconnaître que les rapports s'accumulent - celui de la Cour des comptes en 1998, le rapport Poirot l'année dernière, cette année un rapport du Sénat - pour constater que cela ne va pas ! Ces rapports disent tous la même chose : la Bibliothèque nationale de France a été mal conçue, elle coûte trop cher - cinq fois plus que le musée du Louvre - et, en dépit de la qualité très remarquable de ceux qui en ont la charge, son administration est défaillante. A cela, il faut ajouter la faiblesse des crédits d'acquisition des livres. Si je suis bien informé, alors que, l'année dernière, la British Library a acheté 140 000 titres, nous n'en avons acquis que 59 000. C'est donc à vous madame la ministre, qu'il appartient de sortir la Bibliothèque nationale de France de cette situation kafkaïenne.

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Hervé de Charette.

Mon cinquième point concerne l'exception culturelle. Nous savons désormais officiellem ent, depuis les rencontres cinématographiques de Beaune où vous étiez samedi, que le débat est rouvert à Bruxelles et dans des conditions fort inquiétantes pour nous. En effet, le commissaire chargé des négociations internationales, qui est un Français - et je ne crois pas me tromper si je dis que c'est l'un de vos amis politiques, madame la ministre -, a clairement déclaré qu'il était décidé à abondonner la seule règle qui protège cette exception, c'est-à-dire celle de la décision à l'unanimité.


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Nous pensions ce débat clos. Nous nous croyions enfin à l'abri. Quelle erreur ! A Bruxelles, il faut toujours redouter le pire, vous le savez bien.

M. Pierre Carassus.

C'est vrai !

M. Hervé de Charette.

Le débat est donc à nouveau ouvert. J'ai lu dans la presse les réponses fermes que vous aviez faites à M. Lamy, mais nous avons attendons que vous-même, à cette tribune, officiellement et M. le Premier ministre lui-même nous apportiez des précisions sur les intentions du Gouvernement s'agissant de cette exception culturelle qui s'impose comme une nécessité absolue aux niveaux français et européen.

Ma sixième observation est liée à la précédente et concerne les industries culturelles. Leur avenir est notre principale préoccupation. Ces industries ont besoin d'un espace adapté, qui est forcément l'Europe. Elles ont besoin du soutien des pouvoirs publics : le cinéma à travers les aides de l'Etat, le livre à travers le régime qui lui est propre. C'est pourquoi je m'inquiète, là encore, des initiatives incessantes de la Commission pour régenter ce secteur à son idée.

Les industries culturelles ont besoin non seulement du soutien public mais aussi de l'argent privé. Il est indispensable que l'épargne s'investisse dans le domaine de la culture. Voilà pourquoi les industries culturelles ont besoin d'un dispositif fiscal, d'une réglementation et d'une législation appropriés, dont je pense que la France manque. Il faut des incitations à l'investissement. Dans certains secteurs comme le disque ou le CDD, il faut des règles concernant le taux de la TVA. Je sais les difficultés que vous pouvez rencontrer à cet égard à Bruxelles. Il n'en est pas moins nécessaire de travailler dans cette perspective.

Je voudrais conclure sur une dernière observation. La société française est plus inégalitaire qu'on ne le croit. La politique culturelle est l'un des moyens de réduire ces inégalités. Or elle est encore très largement absente de ce champ essentiel. Ainsi en va-t-il de l'éducation artistique et culturelle. Chaque année, et depuis longtemps, on en parle. J'ai connu le temps où des ministres, n'appartenant pas à des gouvernements de gauche, plaidaient dans le même sens. On en parle, mais c'est un peu comme Zazie dans le métro , « tu causes, tu causes ! ». On allonge quelques crédits dont le montant est ridicule par rapport à l'ampleur de la tâche. Dans les écoles, dans les collèges et dans les lycées, nos jeunes ne bénéficient d'aucune éducation artistique sérieuse. Sauf de ce que font, de temps en temps, courageusement, et à leurs frais, les communes, alors que l'école était jusqu'à présent l'affaire de la République, c'est-à-dire de l'Etat. Il y a dans ce domaine, une énorme lacune, qu'on ne peut que constater les uns et les autres. J'espère que nous travaillerons ensemble à changer cette situation.

Il en va de même du rapport Paris-province. La culture est trop souvent faite par des fonctionnaires parisiens, pour un public qui vit à Paris, qui vient à Paris ou qui aime Paris, et assez peu pour la province. Je sais bien que vous avez fait des efforts, madame la ministre. Je ne les conteste pas. Je veux seulement plaider parce que, homme de province, élu du monde rural, je mesure tous les jours à quel point, de tout ce dont nous parlons ici, on ne voit guère de trace sur le terrain. Etant concerné et impliqué dans les affaires culturelles, je vois comme il est difficile d'obtenir localement le soutien que l'on espère des pouvoirs publics.

Madame la ministre, je vous ai indiqué quelles sont mes priorités et celles de mon groupe : la valorisation du patrimoine français, le développement du mécénat, le soutien à l'exception française et européenne, l'institution d'un nouveau régime juridique et fiscal en faveur des industries culturelles, l'égalité de tous devant l'art et la culture, l'impulsion donnée à la vitalité artistique française. C'est à cette aune-là que nous vous jugerons.

Pour l'heure, force est de constater que les milieux culturels sont déçus dans leur attente par la politique conduite par les gouvernements successifs de M. Jospin.

Cette déception est aussi la nôtre. C'est pourquoi le groupe UDF ne votera pas ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson.

A l'occasion du premier budget de la culture que vous nous présentez, madame la ministre, je me félicite d'emblée des 415 millions de francs de mesures nouvelles que nous y trouvons. Le pourcentage symbolique du « 1 % culturel » n'est pas atteint, mais ce sont les objectifs qui importent et ceux que défend le Gouvernement me paraissent essentiels : la diversité de l'action culturelle ; l'égalité d'accès à la culture ; la décentralisation.

Je m'en tiendrai aux quelques sujets qui me tiennent à coeur au moment où, dans nos communes, à l'approche des élections municipales, la culture et l'accès à la culture doivent constituer une priorité que les politiques n'ont pas toujours su ou voulu mettre en valeur.

Vous attachez, madame la ministre, une grande importance à la diversité culturelle. Je partage avec vous cet objectif : dans notre pays, riche de son histoire, de son patrimoine culturel, il est fondamental de savoir laisser se développer et de soutenir le développement des pratiques nouvelles. L'art plastique est à cet égard largement concerné et l'enseignement et la diffusion de l'art contemporain sont nos priorités. L'ouverture du chantier du centre d'art consacré à la jeune création installé au Palais de Tokyo à Paris est un exemple du rôle d'initiateur qui incombe à l'Etat. A ce propos, il apparaît nécessaire de réfléchir à l'action que ce dernier doit mener en matière de développement culturel et, plus largement, à la politique qu'il souhaite définir sur le territoire. L'Etat doit-il toujours subventionner, soutenir, accompagner des p rojets d'envergure souvent importants, mais aussi souvent répétés ? Doit-il plutôt fixer clairement ses objectifs prioritaires en matière de développement culturel et dessiner, dès lors, les conditions nécessaires à leur réalisation ? Cette même exigence, nous devons l'exprimer quand nous nous appuyons sur des dotations déconcentrées pour développer des lieux intermédiaires, pluridisciplinaires, susceptibles de favoriser non seulement l'expression artistique dans sa diversité, mais aussi l'égal accès à la culture.

Sur nos territoires, des artistes, au-delà de leur expression propre, sont imaginatifs, créatifs lorsqu'il s'agit de rencontrer le public. Ces nouveaux lieux intermédiaires, moins institutionnels, sans doute moins sacralisés, permettront la liberté d'expression, d'adhésion de ce public souvent tenté, mais souvent interrogatif sur sa légitimité à exprimer ses souhaits, parfois ses rêves. Si la loi destinée à


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lutter contre les exclusions a posé cette problématique si complexe, nos imaginations doivent pouvoir largement s'exprimer dans nos communes.

Dans ce budget, des mesures nouvelles sont prévues en faveur des pratiques artistiques à l'école. Nous nous félicitons, tant de celles qui concernent la formation des intervenants que de celles qui concernent la création d'ateliers d'expression artistique dans les lycées. En effet, c'est dès le plus jeune âge qu'un enfant doit rencontrer l'expression artistique dans sa diversité et découvrir le champ immense d'imaginaire et de créativité qu'il pourra s'approprier.

Beaucoup est fait pour le développement de la musique à l'école. Il me paraît néanmoins essentiel de réfléchir davantage à l'initiation artistique à l'école primaire. En effet, à l'école, tous les enfants sont là. Il est important que les enseignants mais aussi les comédiens, les poètes, les plasticiens, les écrivains et les artistes se retrouvent ensemble autour de l'enfant. Les centres de formation tels que le CEFEDEM et le CFMI sont à ce titre très important. Mais nous ne pouvons nous satisfaire du trop faible recours à ces intervenants culturels. L'Etat et les collectivités doivent prendre le dossier de la culture et de l'éducation artistique à l'école à bras-le-corps. C'est dans cette optique qu'une plus grande et meilleure décentralisation culturelle est attendue.

Enfin, comme vous le soulignez, madame la ministre, il est indispensable de moderniser les modes d'intervention du ministère de la culture en établissant de nouveaux contrats avec les collectivités locales, en instaurant une nouvelle répartition des responsabilités. Mieux répartir, en toute transparence, les moyens publics consacrés à la culture mérite bien les 15 millions de francs qui y sont consacrés pour 2001.

Il est important de donner à l'action culturelle la dimension d'aménagement du territoire qu'elle recouvre assez naturellement. Mais devons-nous nous contenter de nous orienter vers un aménagement favorisant les équipements plus près des citoyens et, par là même, induire une augmentation notable des lieux de création et de diffusion ? Ou réfléchir conjointement à la valorisation de structures qui ont déjà entrepris un long travail ? La question se pose.

En tout état de cause, madame la ministre, le groupe socialiste vous apporte son soutien, avec conviction et d étermination, pour la poursuite de votre action.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Etienne Pinte.

M. Etienne Pinte.

Madame la ministre, je souhaite vous entretenir du financement de l'enseignement musical dans notre pays, c'est-à-dire des conservatoires nationaux de région et des cours à horaires aménagés de musique dans les écoles, dans les collèges et dans les lycées. J'avais déjà alerté vos prédécesseurs à leur propos, mais je n'ai jamais reçu de réponse positive sur le fond.

Les conservatoires nationaux de région sont en très grande partie à la charge des communes alors qu'ils sont nationaux et régionaux... comme leur nom l'indique.

A Versailles, l'aide de l'Etat s'agissant des dépenses de fonctionnement est passée de 28 % en 1982 à 11 % en 1999 et c'est le lot de l'ensemble des conservatoires nationaux de région de France. En d'autres termes, la subvention de l'Etat qui était de 2 400 000 millions de francs en 1982 est tombée aujourd'hui à 2 200 000 millions de francs. La charge nette de la ville est passée de 49 % en 1982 à plus de 63 % en 1999. Il est malheureusement loin le temps où l'un de vos prédécesseurs, Jean-Philippe Lecat, s'était engagé à faire prendre en charge par l'Etat, chaque année, 25 % des dépenses de fonctionnement de ces conservatoires...

Si l'Etat ne prend pas conscience de cette situation et si les régions continuent à faire la sourde oreille, il ne restera plus aux communes, dès la prochaine rentrée scolaire, qu'à diminuer les activités de leurs conservatoires nationaux de région, en commençant par supprimer les niveaux supérieurs.

Par ailleurs, dans la plupart des trente-quatre villes pos-s édant des conservatoires nationaux de région de musique, l'Etat, en l'occurrence votre ministère et celui de l'éducation nationale, a décidé, avec l'accord des municipalités, de créer des cours à horaires aménagés qui ont pour objectif de mener les élèves au bac F 11. Jusqu'à présent, tout semble parfait. Seulement, l'Etat laisse à la charge des collectivités locales, et singulièrement des communes, la quasi-intégralité du financement de la rémunération des professeurs.

Face à cette situation, les communes, pour lesquelles le poids des transferts de charge devient insupportable, instituent des droits d'inscription et de scolarité. Plus de la moitié d'entre elles, dix-neuf sur trente-quatre, se sont résignées à cette mauvaise solution et, de surcroît, illégal e. En effet, par décision en date du 3 décembre 1999, le tribunal administratif de Versailles a décidé que ces droits d'inscription et de scolarité ne devraient pas être demandés aux parents d'élèves.

Les classes à horaires aménagés de musique font partie du cursus normal de l'enseignement obligatoire et gratuit.

Elles sont intégrées dans les écoles, collèges et lycées de l'enseignement général, et les rémunérations des professeurs doivent être financées par l'Etat. Il y a lieu de préciser que les départements, qui apportaient dans certains cas une contribution à ces classes, l'ont supprimée et que les régions estiment, elles aussi, malheureusement, que c'est à l'Etat d'assumer ses responsabilités en la matière.

Si vous ne nous donnez pas dès ce budget des signes forts de l'engagement financier de l'Etat, nous serons contraints, hélas ! d'éteindre progressivement la filière des cours à horaires aménagés de musique à partir de la rentrée scolaire prochaine, en commençant par supprimer les cours préparatoires. Je vous rappelle que ces cours à horaires aménagés coûtent à notre ville 5,3 millions de francs, soit deux fois la subvention que vous nous accordez pour le financement de notre conservatoire national de région et que le coût moyen d'un élève se monte à 20 000 francs par an. J'ose espérer que nous n'en arriverons pas là.

Madame la ministre, l'avenir du centre de musique baroque de Versailles, dans lequel nous sommes partenaires, l'avenir des conservatoires nationaux de région et des cours à horaires aménagés de musique ainsi que de toute la filière musicale est entre vos mains.

M. de Charette a excellement parlé du problème du mécénat dans notre pays. Vous le savez puisque je vous ai rencontrée vendredi à Versailles, j'ai passé mon week-end à Bâle et j'y ai visité les deux grands musées d'art moderne qui viennent d'être créés grâce à l'association de fonds publics et de fonds privés, grâce au partenariat d'institutions publiques et d'institutions privées, en l'occurrence le musée Tinguely et la fondation Bayeler. Je souhaite que la France et votre gouvernement s'engagent de façon plus hardie dans de telles associations et dans de tels partenariats. Il serait bon que nous nous inspirions de l'exemple suisse, qui a donné de très bons résultats en


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matière de renouvellement et de développement de la muséographie. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Madame la ministre, les discussions relatives à l'avenir des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE, sont engagées depuis de longs mois avec la direction de l'architecture et du patrimoine, la DAPA.

Un groupe de travail interministériel, placé sous la présidence de M. Jean Frébault, réfléchit à l'évolution des missions de ces organismes départementaux, en concertation étroite avec la fédération nationale des CAUE, l'assemblée des départements de France et l'association des maires de France. M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, s'est prononcé pour une avancée rapide de ses travaux, en appelant de ses voeux, lors du dernier congrès des CAUE, à Strasbourg, en avril dernier, que « d'ici à la fin de l'année, de réelles solutions techniques aient pu être trouvées et mises en oeuvre afin d'assurer aux CAUE la sécurité financière que légitimement ils revendiquent ».

Les quatre-vingt-sept présidents de CAUE, ainsi que leurs salariés, sont très impatients. La gestion budgétaire de ces organismes est en effet extrêmement aléatoire et induit un risque de responsabilité personnelle pour leurs dirigeants, qui ont l'obligation d'équilibrer leurs comptes.

L'essentiel des ressources des CAUE provient de la taxe départementale qui leur est affectée par les conseils généraux, avec un taux maximum de 0,3 %. Envisager la stabilisation budgétaire de ces structures et la mise en adéquation de leurs moyens et de l'ampleur de leurs missions passe donc nécessairement par une évolution de ce financement principal. La complexité des calculs et de la perception de la taxe, la lourdeur du système imposent la modification du système actuel.

Les CAUE ne sont plus, comme à l'origine, de simples outils d'assistance architecturale aux particuliers. Leur champ d'activité est largement ouvert sur les territoires, et les collectivités territoriales sont aujourd'hui leurs premiers partenaires et interlocuteurs.

A partir de ce constat, l'idée de fonder le financement des CAUE sur une taxation de la surface construite, appuyée sur le permis de construire, ne me semble plus pertinente. Les bénéficiaires de l'action des CAUE sont infiniment plus divers que les seuls pétitionnaires de permis de construire et il est illogique de faire supporter le financement de ces structures sur les seuls constructeurs.

Une ressource fiscale basée sur le foncier et intéressant les divers niveaux de collectivités paraît plus adaptée à ce que sont devenus les CAUE et à la nature ou à l'ampleur nouvelle de leur activité.

Face aux difficultés liées à la fluctuation de la taxe départementale actuelle et à l'incidence de cette fluctuation sur la précarité des budgets des CAUE, une transformation de leur financement par la transformation de la TDCAUE en taxe attachée, par exemple, au foncier bâti me semble également la solution adaptée. En effet, cette évolution appuierait le financement parafiscal des CAUE non plus sur le flux de la construction, fait générateur aléatoire par nature, mais sur le stock du bâti, fait générateur stable et pérenne.

Madame la ministre, si nous confirmons que l'architecture est une expression de la culture et si la réforme de la loi du 3 janvier 1977 confirme l'utilité publique des CAUE, il est indispensable de donner à ces structures départementales les moyens de l'ambition que nous avons pour elles. Nous autres, élus territoriaux, avons besoin que les CAUE soient confortés dans leurs missions, assurés de la pérennité et de la sécurité de leurs ressources et qu'on leur garantisse les moyens financiers utiles à la pleine expression de leurs missions.

Un expert fiscaliste a été choisi par votre direction de l'architecture et du patrimoine afin que soit étudié l'ensemble des pistes susceptibles de conforter le financement des CAUE. Nous sommes nombreux à penser que l'hypothèse du remplacement de la taxe départementale pour le CAUE - la TDCAUE - en taxe attachée au foncier bâti est une solution que nous devons étudier en priorité.

La mise en oeuvre, dès la fin de l'année 2000, des moyens que les CAUE revendiquent légitimement nécessite votre soutien déterminé. Il faut que cette question soit abordée dès maintenant. Le même problème se pose pour la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles, la fameuse TDENS.

S'agissant du patrimoine, permettez-moi d'aborder un problème qui me tient à coeur : la restauration de l'église S aint-Denis-de-Pontigné, dans ma circonscription de Maine-et-Loire. (Sourires.)

Il s'agit d'une magnifique é glise, classée monument historique depuis le 24 février 1910, l'une des plus remarquables du département, avec ses fresques, mais elle est en péril.

L'architecte en chef des monuments historiques, M. Gabor Mester de Parajd a fait une étude préalable de diagnostic sanitaire et technique, étude qui a reçu un avis favorable de l'inspection générale des monuments histo-r iques, puis l'approbation administrative lors de la commission du 9 juillet 1998. Depuis, rien ne bouge. Je vous supplie, madame la ministre, de faire le nécessaire pour sauver cette église située au coeur d'une petite commune du Baugeois de 300 habitants sans moyens financiers.

M. Marcel Rogemont.

Et le conseil général, que fait-il ?

M. Christian Martin.

Je termine en vous recommandant le festival d'art dramatique de l'Anjou, deuxième festival de France après Avignon. Nous avons fêté en 1999 son cinquantième anniversaire. Après Jean-Claude Brialy, c'est désormais Francis Perrin qui en sera le directeur artistique ; il a inscrit trois créations à son programme pour 2001. Nous sommes inquiets de voir la subvention de votre ministère en faveur de ce festival baisser chaque année depuis trois ans. Je souhaite que l'on en vienne à une subvention annuelle de 250 000 francs au minimum.

M. Marcel Rogemont.

Minimum minimorum !

M. Christian Martin.

Entre le 20 juin et le 14 juillet prochain, madame la ministre, vous serez la bienvenue en Anjou lors d'une représentation.

M. Bernard Birsinger.

Avec un chèque !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs - que je remercie de l'intérêt de leur contribution -, mesdames, messieurs les députés, c'est pour moi un grand honneur et, je dois le dire, une émotion personnelle, d'avoir à vous présenter pour la première fois le budget du ministère de la culture.

Depuis 1936, lorsque naquirent l'éducation et la culture populaires, jusqu'à André Malraux, qui voulait

« donner à chacun accès à l'héritage de la noblesse du


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monde », nombreux sont ceux qui ont cru en la culture et agi pour qu'elle soit reconnue comme un droit pour tous.

Cette conviction est la mienne. Depuis 1972, année où me fut confiée la direction de la Maison de la culture de Grenoble, c'est cette conviction qui a fondé ma vie professionnelle et mon engagement politique. C'est elle aussi qui inspire mon travail au ministère de la culture.

Réunir et confronter les créateurs et le public, faire s'épanouir les oeuvres des premiers à la lumière des attentes du second, telle fut ma première ambition et mon premier métier. Dans les fonctions qui sont aujourd'hui les miennes, c'est l'objectif que j'entends poursuivre avec votre soutien.

Le ministère de la culture doit soutenir la présence de la création au coeur de la cité, rendre accessibles les oeuvres au plus grand nombre, dans toute leur diversité, y compris dans leurs nouvelles inspirations.

C'est pour moi le sens premier du soutien de l'Etat, c'est ce qui fonde la légitimité de son intervention. Cette intervention est aujourd'hui reconnue comme légitime et utile par les professionnels et par toutes les collectivités territoriales qui, depuis des décennies, ont consenti des efforts considérables et déterminants pour le développement culturel de notre pays.

Alors que le temps des loisirs s'accroît, et malgré l'élévation du niveau éducatif de nos concitoyens, le risque est grand d'une standardisation de la culture et des loisirs culturels. Alors que le marché y occupe une place de plus en plus forte, qui risque de devenir dominante, la responsabilité de l'Etat me paraît grande et son rôle encore plus nécessaire pour soutenir la création dans sa diversité, pour garantir l'égalité devant la culture, pour équilibrer l'offre culturelle au bénéfice de l'ensemble de nos villes, de nos quartiers et de nos territoires.

Comme l'a souligné M. le rapporteur Idiart, ce budget est, je crois, un bon budget, puisqu'il est en nette croissance.

Je comprends que M. le rapporteur Geveaux ait souligné la grande continuité entre la politique que je soum ets à vos délibérations et celle que défendait Mme Trautmann. Mais vous me permettrez de considérer que cette continuité est un signe de cohérence. Une politique culturelle de fond n'est pas faite de coups d'annonces et de virements de bord ; elle doit être animée par une volonté soutenue.

M. Birsinger a exprimé une certaine déception. Je veux y voir l'extrême ambition que lui-même et son groupe, mais aussi toutes les composantes de la majorité plurielle, assignent à la politique culturelle d'un gouvernement de gauche.

Pour 2001, avec un total de 16,496 milliards de francs, soit 0,994 % du budget de l'Etat, le budget de la culture a, de fait, anticipé sur l'objectif fixé par le Premier ministre Lionel Jospin, en 1997, de 1 % du budget de l'Etat à la fin de la législature. Si cet objectif n'a jamais en lui-même représenté une politique, il est bien, cependant, le symbole d'un véritable engagement de notre gouvernement. Je considère, pour ma part, que nous devons désormais réfléchir à l'au-delà du 1 %.

Avec 415 millions de francs de mesures nouvelles, le budget de la culture connaît une progression de 2,6 %, supérieure à celle enregistrée entre 1999 et 2000, et plus de deux fois supérieure à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat.

Le budget 2001 marque également une progression très significative en matière d'emploi. Notre ministère s'inscrit résolument dans la politique de résorption de l'emploi précaire ; 300 vacataires seront ainsi stabilisés dans des corps correspondant à l'ensemble des catégories, dont 190 sur créations nettes. Par ailleurs, les établissements publics bénéficient de 315 créations d'emplois.

Ainsi, notre ministère s'attache à sortir progressivement d'une situation socialement et fonctionnellement très fragile, liée à un recours excessif à des emplois précaires.

Ce budget 2001 permettra, à partir de l'existant, de mettre en oeuvre des actions nouvelles, conformes aux priorités que je me suis fixées en arrivant à la tête de ce ministère.

Les moyens supplémentaires seront mis au service de deux objectifs majeurs que vous avez largement commentés : renforcer la création et la diffusion des arts vivants ; maintenir un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.

Le renforcement de la création et de la diffusion des arts vivants est une priorité qui a été justement relevée par le rapporteur, M. Geveaux, car les arts vivants sont le plus puissant antidote au nivellement culturel et à la consommation passive.

Dès mon arrivée au ministère, vous le savez, j'avais souhaité l'inscription au collectif de printemps d'un crédit de 50 millions de francs au bénéfice de la création et des créateurs. Je souhaitais restaurer les marges artistiques des établissements entamées par l'évolution des charges de fonctionnement. Le Parlement a adopté cette mesure.

En 2001, 80 millions de francs de mesures nouvelles porteront à 2,263 milliards les crédits d'intervention destinés au spectacle vivant, soit, depuis 1997, une augm entation de 308 millions de francs, c'est-à-dire de 15,75 %.

Sur cette enveloppe, les théâtres nationaux bénéficieront de 13 millions de francs de mesures nouvelles, dont 6 millions permettront au théâtre de Chaillot d'enrichir sa programmation en s'ouvrant largement à la danse, sous la double responsabilité d'Ariel Goldenberg et José Montalvo.

Mais la diversité culturelle passe également par l'ouverture de nouveaux lieux et par le soutien aux disciplines nouvelles, comme l'a souhaité M. Pierre Carassus.

La réforme du soutien aux compagnies a permis d'ouvrir le dispositif aux jeunes équipes théâtrales et chorégraphiques, qui bénéficieront l'an prochain de 14 millions de francs de mesures nouvelles.

En ce qui concerne le renouvellement des disciplines anciennes et la reconnaissance des arts populaires, 2001 sera consacrée « année du cirque » avec une dotation supplémentaire de 9 millions de francs.

Désormais, le soutien à la création implique à l'évidence une aide à la création artistique multimédia. Ce nouveau mode d'expression, souvent pluridisciplinaire, souvent porté par de jeunes créateurs, s'adapte mal à l'organisation et aux procédures des services traditionnels. J'ai donc décidé la création d'un dispositif fonctionnant comme un guichet unique, doté de 4 millions de francs, destiné à accueillir et soutenir les projets de création multimédia.

Les aides attribuées par le Centre national de la cinématographie connaîtront une progression très sensible en 2001. Le compte de soutien augmentera de 9,7 %. Cette progression bénéficiera, dans le secteur du cinéma, en priorité aux aides sélectives destinées aux salles d'art et


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d'essai, à l'écriture, à la distribution et au court métrage ; dans l'audiovisuel, la croissance des ressources permettra d'augmenter de près de 14 % les aides à la production. Je souhaite que les entreprises émergentes du secteur soient les premières bénéficiaires de cette augmentation.

Plusieurs d'entre vous, M. Geveaux, M. Herbillon, M. Carassus, M. Rogemont, ont exprimé une préoccupation profonde au sujet de l'avenir de la diversité des salles, notamment des salles « art et essai ». Le CNC travaille actuellement à une nouvelle répartition des aides automatiques à l'exploitation, afin d'accroître la redistribution en faveur des exploitations petites et moyennes, garantes de la diversité de l'offre de films sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, comme je l'ai annoncé à Poitiers, j'ai l'intention de présenter au Parlement un assouplissement des conditions dans lesquelles les communes pourront intervenir en faveur des salles de cinéma, notamment d'art et essai, qui ne seraient plus soumises à un seuil pour bénéficier de ce soutien. Je sais que de nombreuses collectivités locales ont engagé courageusement une politique de maintien de ces salles de proximité.

M. Edouard Landrain.

Heureusement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Par ailleurs, le Sénat a adopté, sur ma proposition et sous forme d'amendements à la loi sur les nouvelles régulations économiques, des dispositions qui devraient permettre, si votre assemblée retient ces mesures et éventuellement, même, les améliore, d'encadrer beaucoup mieux les conditions d'implantation des multiplexes. Je n'en fais pas le procès, puisque vous l'avez fait vousmêmes. Je constate simplement qu'il y a aujourd'hui soixante-dix multiplexes, qui concentrent 30 % de la fréquentation. Nous devons donc porter la plus grande attention à la géographie de leur implantation et aux engagements que nous pouvons et devons leur demander de prendre sur leur insertion dans l'ensemble de l'exploitation cinématographique.

M. Michel Herbillon.

Il est déjà bien tard !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'arrive, monsieur Herbillon ! Et je m'efforce d'agir avec l'entier soutien du Gouvernement. Je tiens à maintenir la diversité des lieux d'accès au cinéma et le pluralisme de leur programmation.

Ces amendements à la loi sur les nouvelles régulations économiques nous permettront également d'encadrer des pratiques commerciales nouvelles concernant les cartes d'accès illimité, cartes lancées sans aucune concertation professionnelle, alors que la concertation est, depuis des décennies, le gage de la santé du cinéma dans notre pays.

Ces textes instaureront une procédure d'agrément préalable.

Enfin, le site de Bercy, consacré au cinéma et dont l'ouverture est prévue en 2002, bénéficiera de 35 millions de francs d'autorisations de programme.

Le soutien à la création passe aussi, bien sûr, par la formation des créateurs de l'avenir. Avec 52 millions de francs de mesures nouvelles, les crédits consacrés aux enseignements artistiques atteindront 1,7 milliard en 2001, soit une progression de plus de 18 % depuis 1999.

Je suis pour ma part très attentive à l'affirmation du caractère d'enseignement supérieur de la formation dispensée par les écoles nationales d'art avec la collaboration du ministère de l'éducation nationale. C'est là un grand tournant dans le fonctionnement de notre enseignement artistique.

A propos des professionnels, je veux répondre à une question de M. Marcel Rogemont sur l'avenir du dispositif concernant les intermittents. La procédure d'agrément de l'accord UNEDIC est en cours. Je veillerai, en accord avec la ministre de l'emploi et de la solidarité, à ce que la renégociation des annexes 8 et 10 relatives aux intermittents du spectacle s'effectue dans le respect des spécificités du régime d'assurance chômage de ces professions.

Le deuxième objectif que M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, et moi-même nous sommes fixé, vise le maintien d'un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.

Après avoir entendu les inquiétudes de M. Geveaux, de M. Bourg-Broc, de M. de Charrette, inquiétudes presque formulées en termes d'accusations, je veux tout de même souligner en préambule que, de 1995 à 1997, les crédits du patrimoine ont été réduits de 33 %. Tout l'effort de notre majorité est de les reconstituer.

Des inquiétudes ont également été formulées en ce qui concerne la Fondation du patrimoine. Je considère que c'est un bon outil. Le mécanisme fiscal est opérationnel.

A elle de travailler, elle sait qu'elle trouvera auprès de mon ministère l'écoute qu'elle mérite et tous les appuis qui peuvent lui être nécessaires.

L'enveloppe consacrée au patrimoine progressera de 43 millions de francs et atteindra ainsi 1,580 milliard de francs. Cette enveloppe sera consacrée à l'archéologie et, à part à peu près égale, aux monuments appartenant à l'Etat, notamment à la poursuite des grandes opérations telles que Versailles ou le Grand Palais, et aux monuments n'appartenant pas à l'Etat. Ainsi, en application des contrats de plan signés avec la région Provence-AlpesCôte d'Azur, notre ministère consacrera 10 millions au patrimoine antique.

Notre patrimoine, vous le savez, a été très durement éprouvé par les tempêtes de la fin 1999. Le montant global des dommages non couverts par les assurances a été évalué à 800 millions de francs. Le collectif budgétaire voté au mois de juin a dégagé 500 millions de francs pour y faire face. Je précise, à la demande de M. BourgBroc, que 200 millions sont consacrés à des bâtiments n'appartenant pas à l'Etat et 300 millions à des bâtiments qui lui appartiennent.

Ces crédits sont inclus dans les « avenants tempêtes » aux contrats de plan Etat-région. Ces avenants sont désormais mis en oeuvre, même si les procédures et la capacité de réponse des entreprises ont imposé, jusqu'à ce jour, des délais qui ont pu alarmer les collectivités concernées. Mais croyez que mon ministère a travaillé avec la plus grande célérité à l'établissement des dossiers.

Les musées classés et contrôlés verront leurs autorisations de programme progresser de 8 %. Les monuments historiques abritant des musées seront privilégiés.

Nous mènerons ainsi une cinquantaine d'opérations sur l'ensemble du territoire.

A Paris, le ministère contribuera, à hauteur de 376 millions de francs, à la première phase de construction du futur musée du quai Branly. J'indique à M. Rogemont que son statut sera celui d'un établissement public.

Beaucoup d'entre vous, à propos de la politique patrimoniale, se sont inquiétés de l'évolution des crédits d'acquisition pour les musées nationaux. Je rappelle simplement qu'ils sont passés de 85 millions de francs en 1995 à 180 millions en 2001. Par ailleurs, le Gouvernement s'est attaché à donner à la fois au marché de l'art et à nos trésors nationaux un encadrement législatif qui, je crois,


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apporte des réponses tout à fait positives, qu'il s'agisse de la loi sur les enchères publiques adoptée en juillet ou du texte sur les trésors nationaux.

En ce qui concerne le régime fiscal des ventes, une harmonisation est en cours d'étude dans le cadre communautaire.

Cette politique patrimoniale rejoint, c'est évident, une forte attente du public et contribue au rayonnement culturel de notre pays et, il faut le dire aussi, à son économie : en 1999, 49 millions de personnes ont visité nos musées et les chiffres de l'année 2000 devraient marquer une nouvelle progression.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur le sort du projet de loi sur les musées qui a fait l'objet d'un travail très convergent entre les parlementaires, et plus particulièrement ceux de la commission présidée par M. Alfred Recours, et les services du ministère. Aujourd'hui, le texte est prêt. Je me suis attachée à mettre en oeuvre une étroite concertation avec les associations d'élus, séparément ou au sein du conseil supérieur des collectivités territoriales. Bien sûr, nous avons également beaucoup travaillé avec les professionnels et les conservateurs. Ce projet de loi, qui doit être présenté avant la fin de l'année au conseil des ministres, commencera, je l'espère, son parcours parlementaire au printemps prochain.

Dans la même ligne, nous soutiendrons massivement l'effort de modernisation des bâtiments d'archives entrepris par les collectivités territoriales.

Enfin, pour les bibliothèques, nous poursuivrons la modernisation du réseau. Il s'agit notamment d'accélérer la généralisation des techniques de l'information et de faciliter la numérisation des fonds patrimoniaux.

Je souhaite que notre politique en faveur de la création et de la mise en valeur du patrimoine que je viens de dessiner s'inscrive dans une double logique, dont les deux axes sont d'ailleurs complémentaires : la réduction des inégalités et la décentralisation.

Les mesures de gratuité mises en place dans certains secteurs, comme dans les musées, où elles ont eu un impact réel, et aussi dans quelques théâtres nationaux, ne sauraient résoudre à elles seules les problèmes posés par les inégalités d'accès à la culture.

J'indique à M. Rogemont que l'évaluation de l'impact de ces politiques est en cours. C'est à partir de ces résultats que, pour la saison prochaine, nous prendrons les dispositions qui s'imposent pour poursuivre ou réorienter ces politiques.

Les inégalités d'accès à la culture existent dès l'enfance et doivent être réduites au sein même du système scolaire, bien avant que l'on soit en âge de décider soi-même de la fréquentation des institutions culturelles. C'est pourquoi je me réjouis que la collaboration avec le ministère de l'éducation nationale s'approfondisse. Elle vise à assurer une éducation artistique tout au long de la scolarité. Je me félicite aussi de l'unanimité qui s'exprime ici sur cet objectif.

Dès 2001, je consacrerai 18 millions de francs de mesures nouvelles à des actions d'éducation artistique et à la formation des professionnels de la culture intervenant en milieu scolaire.

Ces moyens nouveaux permettront la création de 660 ateliers d'expression artistique supplémentaires dans les lycées qui s'ajouteront aux 1 650 ateliers créés en 1999 et 2000. En outre, le dispositif « musique à l'école » qui a pour objectif de favoriser la pratique musicale sera renforcé.

A cet égard, je précise à M. Pinte que 182 millions seront affectés en 2001 aux conservatoires nationaux de région et aux écoles nationales de musique, ce qui représente 5 % de mesures nouvelles en plus pour ces enseignements spécifiques au titre des protocoles de décentralisation.

Face aux nouvelles technologies de l'information, l'égalité d'accès à la culture passe par une attention vigilante portée aux contenus qui seront diffusés sur les nouveaux réseaux. Conformément aux orientations tracées par le Premier ministre, Lionel Jospin, j'entends d'abord, grâce à l'ensemble des ressources de mon ministère et de ses établissements publics, enrichir l'offre en poursuivant, à hauteur de 8 millions de francs, la numérisation des fonds culturels.

En second lieu, nous doublerons le nombre des espaces

« culture multimédia », dans les bibliothèques et les lieux culturels. Leur nombre atteindra 220 en 2001. Ce sont, en effet, et je rejoins à cet égard la préoccupation de M. Carassus, des lieux déterminants d'appropriation par tous des nouveaux médias. Nous accentuerons donc nos efforts en ce sens.

Deuxième ligne transversale de notre politique et de ce budget : la décentralisation. Comme l'a indiqué le Premier ministre, le Gouvernement a décidé d'engager une deuxième étape de la décentralisation. La commission présidée par Pierre Mauroy vient de rendre public son rapport sur la base duquel un débat national va s'ouvrir.

Je m'en réjouis car la décentralisation est un axe majeur de la politique de mon ministère, comme l'a d'ailleurs marqué la création à mes côtés d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle confié à Michel Duffour. Cette création a été fort justement saluée par M. Birsinger. Elle permet, en effet, tant à l'Etat qu'aux collectivités territoriales, d'avoir d'ores et déjà une meilleure connaissance réciproque des potentialités de l'action publique.

Depuis deux décennies, ce partenariat a produit des résultats incontestables en termes d'aménagement du territoire et de développement des pratiques culturelles. Le nouveau contexte dans lequel s'inscrit l'action concertée de l'Etat et des collectivités locales au travers des contrats d'agglomération, de ville et de pays appelle une modernisation des modes d'intervention de mon ministère, comme cela a été souligné par les deux rapporteurs.

Seront donc expérimentés dès 2001, sous la conduite de M. Michel Duffour et avec les collectivités locales volontaires, de nouveaux protocoles de décentralisation culturelle.

M. Duffour travaille également à l'achèvement du texte concernant les établissements publics culturels de coopération, outil juridique nouveau dont beaucoup de professionnels et collectivités territoriales se sont faits les avocats depuis plusieurs années. Nous nous efforcerons donc de faire aboutir le projet dans les meilleurs délais.

M. Michel Herbillon.

Où est M. Duffour ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Duffour assiste actuellement au conseil des ministres, car nous devions y présenter des nominations. Il nous rejoindra ensuite pour répondre à vos questions.

M. Michel Herbillon.

Pardonnez mon indiscrétion !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous méritiez un éclaircissement. Comme vous l'avez vu, M. Duffour était présent en début de séance car il tient à participer à ce débat.


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M. Edouard Landrain.

Il est vrai que la date était mal choisie !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Peut-être.

Ces protocoles nouveaux, que le secrétaire d'Etat pourra vous détailler, seront au nombre de six à huit et proposeront une nouvelle répartition des responsabilités en matière culturelle pour éclairer les choix futurs de cette deuxième étape de décentralisation. Nous leur consacrerons dès 2001 une enveloppe de 15 millions de francs.

Mais l'acquis de notre politique en région est déjà considérable, et je remercie M. Marcel Rogemont de l'avoir souligné. Le budget que je vous propose prévoit une forte progression des concours à l'investissement pour la réalisation d'équipements culturels nouveaux dans les régions, même si, comme Mme Génisson l'a très justement rappelé, la question de l'évolution des actions et des pratiques dans le réseau culturel n'est pas totalement résolue par le simple accroissement du nombre des équipements.

L'effort le plus significatif sera consenti en faveur de la modernisation des bâtiments d'archives entrepris avec les collectivités territoriales. Ainsi, les crédits d'aide à la construction ou à l'extension de ces bâtiments progresseront de plus de 70 %, après avoir plus que doublé en 2000 par rapport à 1999. Leur montant, qui n'était que de 17 millions de francs en 1997, est donc porté à 111 millions en 2001.

Mme Jean-Pierre Baeumler.

Cruel rappel !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Comme l'a souligné M. Martin, les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement constituent des instruments très précieux au service des collectivités territoriales.

J'ai donc demandé que soient étudiées les nécessaires modifications de l'organisation des missions et du financement des CAUE. Je pense notamment à un aménagement de la fiscalité qui permettrait d'assurer à ces organismes des ressources pérennes.

S'agissant de l'église de Pontigné, même si cela nous amène à passer du plus général au plus particulier, je veux dire à M. Martin que les travaux envisagés sur cet édifice classé qui sont importants, puisqu'ils se chiffrent à 11 millions de francs, feront partie des priorités régionales pour 2001 ; une première tranche de travaux est déjà inscrite pour 1,8 million, dont 50 % seront pris en charge par l'Etat.

Je profite de cette bonne nouvelle pour indiquer à l'Assemblée que je suis également très attentive à ce patrim oine, parfois de taille modeste, et essaimé sur l'ensemble du territoire, notamment du territoire rural. Je ne manque jamais d'aller voir ce qui est entrepris ou à entreprendre sur ce patrimoine lors de mes déplacements en région. Je pense à celui que je viens d'effectuer dans l'Indre, et qui m'a permis de découvrir à Mérigny une merveille de petite chapelle romane avec des peintures extraordinaires. Je pense aussi à la grande abbaye des Prémontrés dans le Calvados.

M. Hervé de Charette.

Alors venez à Saint-Florent-leVieil, madame ! Il y a là une abbaye du XVIIe siècle en cours de restauration.

(Sourires.)

M. Michel Herbillon.

Venez à Maisons-Alfort ! Vous verrez dans quel état se trouve l'école vétérinaire ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

Je note que les députés de droite invitent Mme la ministre. Quelle élégance ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, Mme la ministre a entendu vos invitations. (Sourires.)

Poursuivez, madame la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les crédits d'investissement prévus au budget 2001, qui s'élèveront à 190 millions de francs pour le spectacle vivant et à 70 millions de francs pour les arts plastiques, permettront de poursuivre la politique de construction et d'aménagement des lieux de diffusion et d'enseignement, en partenariat avec les collectivités locales. Dans le domaine du livre et de la lecture, une mesure nouvelle de 32 millions de francs, portant à 981 millions de francs le montant des crédits affectés aux bibliothèques, assurera la poursuite de la modernisation du réseau des bibliothèques. Ces crédits permettront de soutenir plus de 300 opérations de construction et d'extension, et surtout d'accélérer la généralisation de l'usage des nouvelles technologies dans les bibliothèques publiques. A cet égard, je veux dire à M. Geveaux, comme à l'ensemble des parlementaires, toute l'attention que je porte au maintien du service de la lecture publique et du non-paiement du prêt de livre à l'acte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), mais aussi à la recherche d'une juste solution pour une meilleure rémunération des auteurs. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Hervé de Charette.

Voilà l'équilibre qu'il faut rechercher !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ces solutions demanderont le concours de l'Etat, des collectivités territoriales et du premier réseau économique concerné, celui des grands distributeurs de livres. Elles vous seront proposées, comme je m'y étais engagée, avant la fin de cette année, et feront l'objet d'une concertation.

Je pense que, dans ce domaine, le profit tiré par tous de la politique de la lecture publique appelle des aménagements consentis par tous.

M. Hervé de Charette.

Très bien !

M. Alain Clary.

Voilà une bonne nouvelle !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Enfin, le programme des bibliothèques à vocation régionale touche à son terme. Un réseau très dense et moderne de bibliothèques se met ainsi en place dans notre pays. Il est irrigué par la Bibliothèque nationale de France qui, par ses systèmes de consultation à distance et de numérisation des catalogues, joue, et jouera demain plus encore, son rôle de tête de réseau des grandes bibliothèques régionales.

Vous vous êtes fort justement préoccupés de ce grand établissement. Je remercie, à cet égard, M. de Charette d'avoir souligné que les grands travaux présidentiels sont un acquis pour l'ensemble de la communauté nationale et non simplement un cadeau de prince pour notre capitale.

(Rires et exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je veux, quant à moi, insister sur l'importance de la contribution de la BNF à l'ensemble du réseau des bibliothèques. L'établissement a certes connu des difficultés, liées à son caractère extrêmement novateur plus qu'à ce que vous appelez une improvisation. Je crois, au contraire, que ce chantier a été bien maîtrisé. Désormais,


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en tout cas, et grâce à une équipe de direction et à un p ersonnel extrêmement motivé et extrêmement compétent, nous sommes arrivés à une réelle amélioration d u service aux chercheurs et à une relation avec l'ensemble des bibliothèques hors de Paris qui me paraît être un acquis considérable de la politique des bibliothèques dans notre pays.

Par ailleurs, je saisi cette occasion pour exprimer, sans doute en votre nom à tous, notre solidarité aux responsables de la BNF et à leur personnel, qui ont vécu voilà quelques semaines un drame. Et celui-ci n'est en rien imputable à ce grand chantier, puisqu'il s'agit d'un incendie qui a ravagé l'ensemble du quartier. Je dois dire que, si l'on avait un doute sur la mobilisation des personnels, il n'est plus permis de l'avoir après avoir constaté leur présence nuit et jour sur le chantier et la manière dont ils ont su transférer au mieux les services dans les anciens locaux pour répondre à l'attente des publics.

Aujourd'hui, et même si c'est encore de façon inégale, les villes, les départements et les régions sont de plus en plus actifs dans le domaine culturel. Ils y consacrent des moyens beaucoup plus grands qu'il y a vingt ans ; vous l'avez tous souligné. La dynamique qui s'est ainsi enclenchée est profitable à tous nos concitoyens. Elle implique une relation de plus en plus étroite, non seulement sur l'addition des moyens mais aussi sur la convergence des objectifs entre l'action de l'Etat et celles menées au plan local.

Cela étant, je garde la ferme conviction que l'Etat, garant de la diversité de la création et de l'égal accès de tous à la culture, continue et continuera durablement d'avoir un rôle essentiel à jouer, ce rôle d'initiateur évoqué très justement par Mme Génisson. L'Etat a des responsabilités propres même s'il intervient de plus en plus en coopération avec les collectivités territoriales. Au cours des années récentes, l'augmentation du budget du ministère de la culture a marqué une volonté constante d'inciter et d'accompagner l'essor des actions culturelles dans les régions. Le budget 2001 montre bien cette volonté. Je souhaite qu'à l'avenir nous ayons plus encore les moyens de poursuivre ce développement car la culture, mesdames, messieurs les députés, n'est pas un « plus » qui enjolive la vie, un commerce parmi tant d'autres, elle fait partie du socle sur lequel se bâtit une personnalité, une cité et la relation au monde.

A ujourd'hui, des interrogations pèsent dans la construction européenne sur l'avenir de la règle de l'unanimité, qui a préservé l'identité culturelle, le droit à la diversité, l'exception culturelle dans le cadre national de chacun des Etats membres. Sachez que j'agirai avec détermination et conviction pour assurer le maintien de cette règle. Et croyez-le bien, telle sera aussi l'attitude du Gouvernement français dans les négociations européennes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la colline de Chaillot, qui n'est pas seulement inspirée, mais qui héberge aussi plusieurs musées nationaux, beaucoup d'ailleurs datant de l'exposition de 1937. Premièrement, quand le musée Guimet, dont chacun connaît l'importance pour les arts asiatiques,s era-t-il rouvert au public ? Les travaux entrepris place d'Iéna ne sont toujours pas achevés.

M. Hervé de Charette.

Excellente question !

M. Gilbert Gantier.

Deuxièmement, quand le musée du cinéma, actuellement en construction avenue du Président-Wilson, sera-t-il ouvert ? Les travaux, semblent s'éterniser.

Troisièmement, les dommages survenus au musée des monuments français à la suite d'un incendie au Palais de Chaillot sont-ils à présent complètement réparés et le musée est-il en service ? Quatrièmement, enfin, le musée de la marine, située également au Palais de Chaillot, est-il désormais à l'abri de toute menace de délocalisation ? A une certaine époque, il avait été envisagé, en effet, de le délocaliser pour installer le musée des Arts premiers. Nous savons à présent que celui-ci est prévu quai Branly. Mais lorsqu'il sera en service, le musée de l'Homme, qui se trouve également dans le Palais de Chaillot, sera-t-il fermé, transféré, ou restera-t-il en place ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, en ce qui concerne le très remarquable chantier de rénovation du musée Guimet, je vous indique que cet établissement a fait l'objet d'un programme architectural conçu par l'architecte M. Henri Gaudin. Nous ne serons pas déçus du résultat.

La restructuration du bâtiment a dégagé de nouveaux et importants espaces supplémentaires qui permettront d'exposer des oeuvres, dont certaines, issues des réserves, n'avaient jamais été montrées. Les travaux sont en voie d'achèvement et le musée Guimet sera inauguré le 15 février prochain. Le coût total de cette splendide rénovation s'élèvera à 350 millions de francs, dont 40 millions ont été obtenus au titre du mécénat, le solde étant apporté par le ministère de la culture.

Le musée national des Monuments français est le second établissement actuellement en travaux dans le 16e arrondissement. Il fait partie intégrante du projet de la cité de l'architecture et du patrimoine, qui sera installée au Palais de Chaillot. Une réflexion a été engagée sur ce bâtiment, afin de concevoir une nouvelle muséographie des collections. Elle a été confiée à M. Jean-Louis Cohen et à son équipe. Les collections sont essentiellement composées de moulages et de maquettes. La section du musée national des Monuments français sera rouverte en 2003.

Toujours sur le territoire du 16e arrondissement, le musée national des Arts et Traditions populaires, le musée des ATP, a fait l'objet d'une décision de délocalisation à Marseille, dont je me réjouis, car c'est une contribution patente à l'effort de rééquilibrage entre Paris et les régions. Les études de faisabilité et de contenu sont en cours. Il s'agit d'un projet qui nécessite une grande concertation avec les personnels et les élus des collectivités concernées. Dans l'immédiat, le musée des ATP continue de faire l'objet d'un entretien suivi et de développer une programmation de qualité.

Le musée de l'Homme, lui, reste à Chaillot. Le destin des collections qui quitteront Chaillot pour aller au musée des Arts premiers fait actuellement l'objet d'un travail scientifique de répartition.

Enfin, vous avez évoqué le musée du Cinéma. Son destin n'est pas de rester dans le 16e arrondissement, mais de rejoindre un projet plus vaste, consacré à l'ensemble des activités touchant au cinéma, à Bercy, là où était in stallé le centre d'art américain, et dont l'ouverture est pré-


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vue pour 2002. Devront vivre dans cette nouvelle institution : la Cinémathèque française, qui apportera toute son histoire, le musée du Cinéma, mais également la bibliothèque du film et, je l'espère, des activités d'ordre pédagogique destinées aux différents publics, soit amateur de cinéma, soit désirant le découvrir ; je pense notamment aux activités à destination du jeune public.

Mme la présidente.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler. Madame la ministre, la culture constitue bien une priorité budgétaire pour l'Etat et le Gouvernement. Je m'en félicite. Les crédits mis en place permettront de mettre en oeuvre les trois grandes orientations qui se dégagent de ce budget : le soutien à la création et aux réseaux de diffusion, la promotion de la diversité culturelle, l'accessibilité à la culture pour tous et la relance de la décentralisation culturelle.

Désormais, ces crédits sont largement déconcentrés en région dans un souci de plus grande irrigation du territoire et de mise en réseau des activités culturelles. L'élargissement du champ culturel, tant territorial que disciplin aire, avec comme préoccupation essentielle de démocratiser l'accès à la culture, constitue donc bien, depuis 1997, une priorité du gouvernement de Lionel Jospin.

Je relèverai, à titre d'exemple, le financement des mesures tarifaires destinées à élargir l'accès aux lieux de culture ; la poursuite du développement de l'éducation artistique, au sein des établissements d'enseignements spécialisés, mais également, et surtout, dans le cadre des projets éducatifs conduits en liaison avec le ministère de l'éducation nationale et les collectivités locales ; le soutien à la création, l'augmentation des subventions de fonctionnement et d'investissement allouées aux établissements publics de spectacle vivant ; l'accent mis sur les nouvelles technologies ; le développement et la modernisation des archives nationales et de celles des collectivités t erritoriales ; le maintien de l'effort en faveur de l'architecture et du patrimoine appartenant à l'Etat et aux collectivités territoriales ; enfin, la forte progression des concours à l'investissement pour la réalisation d'équipements culturels dans les régions. Ainsi le montant des subventions d'investissement à des maîtres d'ouvrage locaux pour la rénovation ou la construction d'équipements culturels sera de nouveau augmenté sensiblement en 2001.

Il s'agit de moyens considérables qui confèrent aux engagements de l'Etat une réelle crédibilité, ce qui n'a pas toujours été le cas, tout particulièrement dans la période 1993 - 1997, où l'on cédait volontiers aux effets d'annonce sans suite.

Ces points de satisfaction nous conduisent tout naturellement à saluer ce budget, d'autant qu'il permet d'atteindre un point d'équilibre entre les crédits affectés à la capitale et ceux alloués aux régions.

Néanmoins, il subsiste quelques attentes encore mal satisfaites. Je pense notamment aux nombreuses associations et harmonies municipales qui ont créé des écoles de musique, ou encore aux écoles de musique municipales.

Particulièrement nombreuses et dynamiques en Alsace, elles constituent souvent le premier lieu de découverte et d'apprentissage de pratiques artistiques et musicales. Toutefois, faute d'aides publiques suffisantes, notamment de la part de l'Etat, certaines d'entre elles rencontrent des difficultés à poursuivre une mission que je qualifierai volontiers de service public.

Peut-être les nouvelles modalités de mise en oeuvre de la politique de développement culturel permettront-elles de mieux y répondre. Ainsi, l'expérimentation, dès 2001, d'une nouvelle répartition des responsabilités en matière culturelle et de nouveaux outils de partenariat dans le cadre des protocoles de décentralisation ont été annoncés.

Au-delà de cette préoccupation, que je me suis permis d'exprimer de façon plus générale, et au-delà des informations que vous nous avez données tout à l'heure, je voudrais obtenir des précisions concernant les moyens mobil isables et les modalités de ces nouvelles relations partenariales que l'Etat souhaite initier, notamment avec les pays et les communautés d'agglomération.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, vous souhaitez très justement de nouvelles modalités de mise en oeuvre de la politique de développement culturel.

Comme vous le savez, en créant la commission Mauroy chargée de réfléchir sur la décentralisation, le Premier ministre a placé au centre du débat la perspective d'une nouvelle étape. En matière culturelle, il s'agira de mieux ancrer dans les territoires les actions de création, de diffusion et de formation, à favoriser un accès plus large de nos concitoyens à la culture et une répartition plus harmonieuse des actions complémentaires de l'Etat et des collectivités territoriales.

Michel Duffour et moi-même avons choisi la méthode de l'expérimentation par la signature, qu'il conduira dès 2001, de protocoles de décentralisation culturelle qui devront se développer sur trois ans pour éclairer les choix ultérieurs. Il s'agit d'une démarche contractuelle, progressive et prospective qui sera soumise chaque année à évaluation par un comité de suivi. Dans ce cadre, nous avons choisi de privilégier deux domaines dont l'ancrage territorial est très remarquable : architecture et patrimoine, d'une part, enseignement artistique, d'autre part.

Outre les crédits déjà affectés aux actions concernées dans les territoires, 15 millions de francs supplémentaires seront dégagés pour ces actions dès 2001.

Vous avez aussi évoqué la situation des associations musicales qui sont très vivantes dans votre région et ailleurs, et qui jouent un rôle essentiel de sensibilisation, d'éducation, d'exercice des pratiques amateurs. Des états des lieux ont été commandés aux directions régionales. Ils seront suivis de la mise en place de plans d'action régionaux mettant l'accent sur la création de centres de ressources proposés aux amateurs.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Madame la ministre, l'art est souvent éphémère. Il l'est d'autant plus lorsqu'il s'exprime en des lieux que l'on dit alternatifs et qui, sur un plan juridique, sont investis sans l'acquisition préalable d'un droit au bail. Je veux évoquer ce que l'on appelle communément les squats d'artistes - même si le terme est sans doute impropre - principalement créés à l'initiative de plasticiens, mais qui s'inscrivent le plus souvent dans une démarche pluridisciplinaire.

La culture s'installe ainsi dans la réalité urbaine, avec une dimension sociale qu'on ne saurait négliger. De nouvelles démarches artistiques sont expérimentées. La création, sous les formes les plus diverses, se confronte aux réactions d'un public souvent jeune. Des pistes nouvelles sont explorées hors de tout contexte marchand. A cette fin, des friches industrielles, des usines, des ateliers, des


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garages désaffectés sont réquisitionnés tout particulièrement là où la place de l'artiste dans la ville est contestée.

Des immeubles vides, au statut institutionnel, font de plus en plus souvent l'objet de la même appropriation temporaire.

Si Paris est souvent évoqué, tout particulièrement lorsque les propriétaires retrouvent leurs droits, avec ce que l'on appelle communément le concours de la force publique, nous savons cependant qu'il s'agit d'un phénomène urbain, touchant en priorité les grandes métropoles.

Les collectivités territoriales réagissent différemment lorsqu'elles sont interpellées : de la méfiance à la mise en place de baux précaires voire, pour les plus volontaires, à la prise en compte de cette dimension dans leur politique culturelle par la mobilisation opportune de leur patrimoine immobilier.

La culture de demain émerge souvent dans ces lieux alternatifs, non marchands et solidaires. C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je souhaitaiterais savoir comment la politique culturelle que vous conduisez prend en compte l'interpellation de ces artistes « sans lieu fixe ».

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Voilà, monsieur le député, une question d'actualité, brûlante même à Paris, mais chaude aussi ailleurs.

Il est bien évident que la politique de création d'ateliers d'artistes menée par le Gouvernement et par de nombreuses collectivités locales est insuffisante au regard du nombre des jeunes artistes qui émergent dans notre pays. Elle n'est pas non plus adaptée à leurs souhaits d'un travail communautaire, car le plus souvent les réunit le désir de confronter leurs créations au lieu de s'enfermer dans un atelier personnel.

Je souhaite que nous donnions de plus en plus de moyens à la jeune création pour qu'elle puisse exprimer ses projets. Le nombre grandissant de squats d'artistes sur l'ensemble du territoire, plus particulièrement à Paris, témoigne de l'énergie collective mise en oeuvre par des artistes désireux de développer leurs pratiques en équipe et de diffuser l'art contemporain auprès du plus large public possible. Il faut donc les considérer non comme des concurrents de nos grandes institutions, mais comme un plus, comme des espaces offerts à un autre type de rencontres.

A Paris, et dans les régions, des initiatives publiques et privées ont contribué à la création d'espaces ouverts aux artistes dans toutes les disciplines. Le ministère souhaite accompagner ces actions qui permettent à la création de s'exprimer dans sa diversité. Elles constituent aussi un moyen de renforcer les lieux culturels de proximité à l'image, par exemple, du centre d'art du Plateau, situé dans le 19e arrondissement de Paris, centre qui, je le sais, vous est cher, monsieur le député.

Bien sûr, vous n'attendez pas de moi que je cautionne des occupations illégales de locaux. Cela dit, je constate avec plaisir que les artistes qui procèdent ainsi, hors la loi, ont en général le plus grand respect, - ils l'ont encore exprimé dans un cas récent - des bâtiments dans lesquels ils s'installent temporairement.

Nous devons encourager des actions de solidarité urbaine en proposant aux collectivités locales et à quelques grands propriétaires immobiliers de nouvelles modalités pour l'établissement de conventions d'occupation. La délégation aux arts plastiques y travaille à ma demande.

Mme la présidente.

Nous passons au groupe communiste.

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question portera sur la décentralisation des moyens de l'action culturelle car il semble que nous entrions dans une nouvelle phase de ce processus marqué, au travers du budget que nous examinons, par de nouveaux transferts de crédits en direction des DRAC. Certes, un mouvement de déconcentration des crédits ne saurait caractériser à luis eul une politique de décentralisation. Néanmoins, celle-ci ne peut s'engager sans que la représentation nationale s'interroge sur l'évolution du rôle de l'Etat.

Lors de votre récent tour de France, vous avez rencontré les responsables des directions régionales des affaires culturelles, les élus du territoire, mais aussi, j'allais dire surtout, le tissu culturel composé par les acteurs intervenant dans les lieux de création ou de diffusion culturelle les plus divers.

Nous apprécions cette démarche intéressante car, pour nous, décentralisation ne peut rimer qu'avec maillage équilibré du territoire et - dans cette même logique avec continuité du service public et égalité du traitement des citoyens. Il est donc nécessaire de s'interroger sur ce que la politique nationale de décentralisation met en oeuvre et sur la cohérence dont il est nécessaire que cette démarche soit empreinte, afin qu'elle n'aboutisse pas à une multitude éclatée de politiques régionales, d'autant que ce mouvement de déconcentration sera suivi par un renforcement du rôle des DRAC.

Cette décentralisation et la déclinaison de la politique culturelle du ministère, région par région, en tenant compte de leurs spécificités, doivent demeurer porteuses de l'exigence d'unité qui doit caractériser le partenariat.

Qu'en sera-t-il alors du rôle des directions régionales des affaires culturelles, pour que, en tout point du territoire national, on travaille à développer la culture dans toutes ses dimensions, et afin que ce travail contribue à l'action nécessaire pour réduire les disparités entre les régions ? En deux mots, comment concilier réduction des inégalités et décentralisation, double logique réaffirmée à l'instant même par Mme la ministre ? Dans un tel contexte, il semble que ce ne soit pas de moins d'Etat dont nous ayons besoin, mais d'un Etat agissant et intervenant autrement, d'un Etat mis en capacité de mieux assumer, aux côtés des institutions et milieux culturels, ainsi que des collectivités territoriales, sa responsabilité de stimulateur de l'action culturelle. Il y a manifestement beaucoup à faire sur tous ces points. Pour mener à bien cette démarche, n'est-il pas indispensable que le Gouvernement renforce la lisibilité et la présence de la politique culturelle de l'Etat dans les régions ? Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous apprêtez, avec Mme la ministre, à impulser une nouvelle étape de la décentralisation culturelle dans un sens de partage des responsabilités, et chacun doit s'en féliciter. Nous souhaitons que cette étape s'accompagne d'une réflexion approfondie, avec tous les intéressés, sur ce dont est aujourd'hui porteuse, dans le secteur culturel, la notion de prise de risque et sur les critères d'appréciation et de financement des projets. Je vous demande donc, en conclusion de mon propos, en quoi consisteront les protocoles de décentralisation culturelle que vous allez engager dans les régions.

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Monsieur le député, vous avez relevé avec raison que ce budget traduisait une


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volonté de proximité, de déconcentration de nos crédits vers les directions régionales des affaires culturelles. Ainsi 69 % des crédits d'intervention seront délégués aux DRAC, contre 59 % il y a deux ans. Nous allons poursuivre nos efforts en ce domaine. Par exemple nous doublerons le nombre de nos conseillers en architecture dans les directions régionales.

Vous vous interrogez sur le contenu de la politique de décentralisation et sur les écarts qu'elle risquerait d'accentuer, craignant peut-être un désengagement de l'Etat.

A cet égard je peux vous rassurer : la politique de décentralisation que nous animons vise, en prenant en compte les évolutions du paysage culturel français, à valoriser et à faciliter le rôle croissant des collectivités territoriales et à consolider le rôle régulateur et solidaire de l'Etat par une politique culturelle plus lisible, plus efficace et plus proche des citoyens.

La politique que nous engageons est conforme à l'esprit des orientations données par le Premier ministre à Lille. Il est hors de question de casser des liens de partenariat tissés depuis vingt ans. Ce que nous voulons c'est aboutir par une expérimentation à une plus grande lisibilité de la politique menée.

Les protocoles de décentralisation culturelle, qui seront, comme l'a dit Mme la ministre, entre six et huit dès 2001, seront mis en oeuvre avec les collectivités volontaires pour accroître et clarifier le partenariat culturel. Il s'agira de préciser les responsabilités publiques de chaque collectivité pour rendre plus efficace leur intervention et plus lisibles leur rôle et leur mission. Ces protocoles devraient permettre de désigner, après expérimentation et selon les cas, la collectivité la mieux placée pour assurer le rôle de chef de file. Une telle clarification est aujourd'hui indispensable. Ces nouveaux partenariats, auxquels 15 millions de mesures nouvelles seront consacrés dès 2001, devront, durant les trois années qui viennent, s'établir en toute transparence. Ils feront l'objet de débats, d'évaluations et d'un suivi permanent. A cet effet, un groupe national composé d'experts travaillera en lien étroit non seulement avec le ministère, mais aussi - j'y insiste - avec le conseil consultatif représentatif des collectivités pour la culture afin d'établir dès la première année les premières préconisations et indications susceptibles de permettre de tirer des enseignements généraux et de simuler d'éventuelles extensions.

Cette méthode, vous le notez, se veut avant tout pragmatique. Elle doit valoriser le bilan de plus de vingt ans de développement culturel qui démontre l'importance des partenariats entre l'Etat et les collectivités territoriales en France.

Mme la présidente.

La parole est à M. Edouard Landrain, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Edouard Landrain.

Il a beaucoup été question ce matin du rôle des collectivités territoriales. Et, permettezmoi de le dire, madame la ministre, heureusement qu'elles sont là ! Sans elles, je le crains, la culture en France n'aurait qu'une part très minime des moyens correspondant à ses véritables besoins.

M. Jacques Blanc.

Très juste !

M. Edouard Landrain.

Ma question porte sur l'enseignement musical, non pas sur celui qui est dispensé dans les CNR, mais sur celui, de base, donné dans les écoles primaires et dans les écoles de musique communales ou intercommunales. Ces écoles sont en grande difficulté depuis qu'une convention salariale a considérablement augmenté - et c'est bien normal - le coût des professeurs qui y exercent. Or, que je sache, l'enseignement musical n'est pas, comme cela devrait être, assuré par l'éducation nationale. Ce sont les collectivités, les communes, qui sont obligées de pallier ces insuffisances. Elles ne se dérobent pas à leur devoir mais cela coûte extrêmement cher et le sujet mérite tout de même réflexion.

Les ADDM, les associations départementales pour le développement de la musique, jouent sur le plan départemental un rôle considérable sans que l'Etat soit véritablement présent. Madame la ministre, avez-vous l'intention, dans le cadre de la déconcentration dont il vient d'être question, d'instaurer un partenariat encore plus étroit, afin que ce que l'éducation nationale ne fait pas, les départements et les régions puissent le faire avec votre aide ? L'idée d'un grand rapport d'information sur la musique a été évoquée en commission des affaires culturelles. Seriez-vous d'accord, madame la ministre, pour que le Parlement se penche sur le sort de la musique et de la danse en France et qu'à ce travail soient associés votre m inistère, et, bien entendu, l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Blanc.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, je reconnais sans difficulté avec vous que la réponse que l'Etat et les collectivités territoriales donnent à l'appétit de musique qui s'exprime dès le plus jeune âge n'est pas encore à la hauteur de nos ambitions.

Néanmoins, nous progressons.

Le travail engagé avec mon collège Jack Lang pour mettre en place des actions communes est en cours et nous avons l'intention de nous assigner pour les prochaines années un programme très intensif dans le domaine de la sensibilisation et de l'éducation à la musique.

On ne peut pas séparer l'effort qui est fait par l'Etat dans les conservatoires nationaux de région et les écoles nationales de musique de celui qui est réalisé dans les innombrables écoles municipales de musique et à travers l'éducation musicale donnée à l'école. C'est une longue et même chaîne.

Pour ma part, j'étudie avec les institutions relevant de mon ministère dans le domaine de la musique tous les liens pouvant être établis permettant des interventions, durables ou ponctuelles, de professionnels de la musique et de l'enseignement musical à tous les niveaux du système scolaire.

Sachez que l'éducation musicale sera pour les budgets à venir un axe central de développement de l'intervention de l'Etat.

Mme la présidente.

Nous en avons terminé avec les questions.

CULTURE ET COMMUNICATION

Mme la présidente.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Culture et communication ».

E TAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 359 829 393 francs ;

« Titre IV : 154 148 042 francs. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 OCTOBRE 2000

E TAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 840 890 000 francs ;

« Crédits de paiement : 470 045 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 2 098 381 000 francs ;

« Crédits de paiement : 1 001 198 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

A l'issue de ce vote, je souhaite à nouveau remercier les rapporteurs pour les éléments d'information très solides qu'ils ont fournis à la réflexion non seulement de l'ensemble des parlementaires, mais aussi, sachez-le, des ministres sur le budget de la culture.

Je veux ensuite remercier chaleureusement les groupes qui ont apporté leur soutien et leur vote au budget de la culture. J'y vois de leur part et, à travers eux, de la part de la communauté nationale, une prise de conscience croissante de l'importance de l'enjeu culturel dans notre politique pour l'avenir.

Je dirai enfin aux parlementaires de l'opposition qu'il y a une certaine contradiction entre le sérieux de leurs analyses, qui marque bien leur intérêt pour les questions de la politique culturelle, et leur vote négatif. Je pourrais y voir un certain regret de n'avoir pu eux-mêmes mieux contribuer au budget de la culture lorsqu'ils étaient aux responsabilités.

M. Jean-Pierre Baeumler.

C'est vrai !

M. Alain Clary.

Eh oui ! La nostalgie !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais j'y vois surtout le fait qu'ils placent très haut la barre en ce qui concerne les ambitions de ce ministère.

(Sourires.)

M. Edouard Landrain.

Voilà !

Mme la ministre de la culture et de la commission.

J 'espère qu'ils m'aideront à réaliser ces ambitions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la culture.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT