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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7835).

TOURISME (p. 7835)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis de la commission de la production.

MM. François Liberti, Léonce Deprez, Jean-Pierre Dufau, Bernard Charles, Mme Nicole Ameline,

MM. Louis Guédon, Marc Dumoulin, Michel Meylan, André Capet.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Réponses de Mme la secrétaire d'Etat aux questions de : MM. Claude Billard, Patrick Leroy, Jean-Pierre Dufau, Mme Françoise Imbert, MM. Alain Fabre-Pujol, Bernard Charles, Paul Patriarche, Michel Meylan, Didier Quentin.

Les crédits du tourisme seront appelés à la suite de l'examen des crédits du logement.

RECHERCHE (p. 7863)

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Pierre Cohen, rapporteur pour avis de la commission de la production.

MM. Bernard Charles, Patrick Leroy, François Loos, Pierre Lasbordes, Pierre Ducout, François Guillaume, Jean-Yves Le Déaut, Alain Gouriou.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.

ÉTAT B

Titres III et IV. - Adoption (p. 7886)

ÉTAT C

Titres V et VI. - Adoption (p. 7886)

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de loi modifiée par le Sénat (p. 7886).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7886).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

TOURISME

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat au tourisme.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat au tourisme, mes chers collègues, la discussion du budget du secrétariat d'Etat au tourisme est traditionnellement l'occasion de faire le point sur la situation de cette activité économique majeure dans notre pays. Aussi, je sacrifierai bien volontiers à l'usage avant d'en venir aux éléments chiffrés essentiels de l'exécution des lois de finances 1999 et 2000, du budget pour 2001, et de livrer quelques réflexions sur les perspectives d'avenir.

S'agissant de la situation du tourisme, tout d'abord, l'observation des résultats économiques témoigne de l'indéniable attractivité de notre pays qui reste la première destination mondiale avec une fréquentation en progression moyenne de 3,7 % par an. L'année 1999 a vu 73,042 millions d'arrivées dans notre pays, soit 4,3 % de mieux qu'en 1998. L'année 2000 devrait, malgré la marée noire et la tempête, confirmer cette tendance avec un nouveau record. Au total, le tourisme contribue ainsi à faire vivre 204 700 entreprises représentant 624 370 salariés. Au-delà, on estime que le tourisme génère 1 million d'emplois. Il représente également un important excédent pour notre balance des paiements : 91,5 milliards de francs, soit près du double de l'agroalimentaire.

Pour autant la situation est-elle idéale ? Je dirais non à plusieurs titres. En effet, des faiblesses perdurent, et un certain nombre de menaces se précisent, qui pourraient fragiliser le tourisme français. Il importe donc que le Gouvernement en prenne la pleine mesure.

P remière faiblesse, le décalage persistant entre le nombre de visiteurs et les recettes. Avec 11 % des arrivées mondiales, le tourisme génère en France 31 699 millions de dollars, contre 32 913 millions en Espagne, qui, elle, n'accueille que 7,8 % des touristes mondiaux. Au-delà de l'éventuelle explication statistique que nous connaissons les uns et les autres, l'importance d'une clientèle en transit, qui ne séjourne qu'une journée dans notre pays avant de se rendre dans d'autres pays de l'Union, il y a lieu d'accroître l'effort de valorisation des produits touristiques, et de promotion de nos filières à l'étranger. C'est notamment la vocation de l'AFIT - l'Agence française de l'ingénierie touristique - que d'aider à la conception de ces produits, comme c'est la vocation de Maison de la France d'en assurer la promotion. J'y reviendrai.

Deuxième élément de faiblesse, la stagnation, voire la baisse, des séjours en France des Français eux-mêmes. Le nombre de nuités est passé de 1 045 millions en 1995, à 919,9 millions en 1999, alors même que le départ à l'étranger de notre clientèle intérieure s'accroît, notamment en direction de l'Afrique, qui supplante aujourd'hui l'Espagne. Cette tendance est d'ailleurs confirmée pour le début de l'année par la direction du tourisme, qui établit à 79 millions le nombre de séjours estimé des Français pour les sept premiers mois de l'année, contre 79,8 pour la même période de 1999.

Dans le même temps, les voyages à l'étranger progressent de 19,6 % pour ces sept mêmes premiers mois.

Troisième élément de faiblesse, le plus préoccupant à mon sens car il constitue une véritable menace, la montée en puissance de mégatour-opérateurs au niveau européen, notamment en Allemagne, alors même que la France ne dispose pas de tour-opérateurs de même dimension.

De cela, nous pouvons craindre deux conséquences : un accroissement de l'attractivité des marchés étrangers, contrôlés par ces tour-opérateurs, sur nos concitoyens ; mais aussi une pression accrue à la baisse sur les prix en France pour la clientèle étrangère, qui peut contredire notre objectif commun de relèvement de la dépense des touristes étrangers dans notre pays. La montée en puissance très rapide du commerce électronique, dans le secteur du tourisme, tout comme la mise en place de l'euro, qui va assurer une transparence tarifaire totale, ne peuvent qu'accentuer cette tendance.

C'est dans ce contexte que se situe aussi le devenir de Résinfrance, dans lequel l'Etat a déjà investi trois millions de francs. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite que vous puissiez nous éclairer sur le devenir de ce serveur, de même que sur l'évolution du marché touristique au regard des tendances que je viens d'énoncer, et dont je sais qu'elles vous préoccupent également.

J'en viens maintenant aux éléments strictement budgétaires. Je commencerai par constater à regret que le budget de 1999, qui s'était ouvert avec des dotations en loi de finances initiale supérieures à celles de 1998 - 393,21 millions de francs en crédits de paiement et 59,13 millions en autorisations de programme, contre respectivement 347,081 millions et 50,678 millions - a fait l'objet de deux arrêtés, l'un du 24 novembre 1999, portant annulation de 6,8 millions de francs de crédits de


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paiement, et l'autre du 4 décembre, réduisant les autorisations de programme, de 6,34 millions de francs, avec, de surcroît, un transfert de 35,56 millions de francs durant le même exercice vers d'autres ministères.

Tout cela a annulé en grande partie les bonnes nouvelles du budget 1999, puisque les crédits de transfert au bénéfice du tourisme durant le même exercice n'auront été finalement que de 2,668 millions, et de 329 000 francs de crédits de répartition. Pour être tout à fait honnête, cependant, il faut ajouter les 1,3 million de francs qui sont venus abonder le budget en loi de finances rectificative. Reste qu'on peut regretter ces mesures d'ajustement.

Je réitère à cette occasion, et sans attendre la réforme de l'ordonnance de 1959, le souhait que les rapporteurs spéciaux soient informés en temps réel des modifications significatives dans l'exécution des budgets en cours concernant leur ministère de référence, ce qui n'est toujours pas le cas. Il ne s'agit pas d'instaurer - et pas même après la réforme de l'ordonnance - une tutelle du Parlement sur les annulations de crédits, mais de permettre que nous en soyons au moins informés en temps réel, afin de pouvoir réagir et en discuter avec les ministres compétents.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Tout à fait !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

La loi de finances pour 2000 semble à ce jour épargnée par ces mouvements d'annulations et de transferts, et je m'en réjouis. Puisse-t-il s'agir d'une règle fixe, à cette date et jusqu'au 31 décembre de cette année.

S'agissant de la loi de finances pour 2001, le budget qui nous est proposé, avec 473 millions de francs, est en progression de 11,9 % par rapport à 2000. Si vos voeux sont exaucés, madame la secrétaire d'Etat, et nous le souhaitons, cette ascension devrait porter le budget du tourisme à 700 millions de francs à l'issue de la législature.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Très bien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

C'est ambitieux, compte tenu de la modestie des niveaux de départ. Mais cela restera modeste. Faut-il le répéter, en effet, les crédits du tourisme n'atteignent pas 0,03 % du budget de l'Etat.

Pour l'anecdote, ils représentent un peu moins de la moitié de ce que la billetterie de Disneyland Paris rapporte en TVA au budget de l'Etat. Il est vrai aussi que l'ensemble des inscriptions du budget de l'Etat en faveur du tourisme ne se trouvent pas dans le budget du ministère, ce qui me conduit à nouveau à demander la réalisation d'un compte consolidé des actions de l'Etat en faveur du tourisme.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bonne idée !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Ce souhait est partagé par le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, dont je tiens à saluer la p résence et l'excellent travail que nous avons fait ensemble pour élaborer un questionnaire commun. Ce qui a aussi permis à vos services, madame la secrétaire d'Etat, de répondre dans de meilleurs délais qu'à l'habitude, ce dont je tiens à vous remercier également.

La progression du budget est néanmoins significative, avec 50 millions de francs supplémentaires. Elle intègre toutefois des compensations pour assujettissement à la TVA, à l'AFIT et à l'ONT - l'Observatoire national du tourisme. Les objectifs prioritaires que vous assignez à ce budget, l'aménagement du territoire et le développement local, la politique sociale et la promotion du tourisme français à l'étranger, peuvent rassembler tous les élus, et n'appellent de ce fait aucune critique de ma part.

Avec 47,9 millions de francs, les crédits de fonctionnement du ministère restent à un niveau sensiblement égal à ce qu'ils étaient dans le budget 2000. Cette stabilité résulte d'une réduction des crédits consacrés aux études, qui avaient connu, l'an dernier, une forte hausse en raison de la nécessaire rénovation de l'enquête aux frontières dans la perspective du passage à l'euro. En revanche, les crédits de fonctionnement des délégations régionales au tourisme enregistrent une progression notable de 10 %. Le renforcement de leurs moyens et l'amélioration de leur coordination avec les délégations régionales à l'équipement sont particulièrement nécessaires au moment où se mettent en place les nouveaux contrats de plan Etatrégions, et la nouvelle campagne des fonds structurels européens.

Je souhaite à nouveau attirer l'attention sur le fait que les crédits de fonctionnement courant du chapitre 34-97 sont absorbés à 51 % par les loyers des locaux de Beaugrenelle et de l'Arche. Ainsi que je l'avais déjà demandé, il serait bon que des locaux appartenant à l'Etat puissent être utilisés. Une étude sur la redistribution des locaux de la direction du tourisme a été commandée à PB Conseil, ainsi qu'une autre sur la délocalisation, et ce pour 256 000 francs. Les différentes conclusions vont-elles dans ce sens ? S'agissant des effectifs qui restent stables, plusieurs membres de la commission des finances, et notamment M. Bonrepaux, ont regretté que n'ait pas été mis en place un dispositif permettant d'assurer la pérennité des postes mis à la disposition par d'autres ministères des deux structures transversales de l'administration du tourisme que sont l'AFIT et le service d'études et d'aménagement touristique de la montagne - SEATM. Cette préoccupation qui avait semblé retenir votre attention l'an dernier, madame la secrétaire d'Etat, conditionne le développement d'activités indispensables à l'expansion du secteur t ouristique. Malheureusement, plusieurs vacances de postes préjudiciables persistent au SEATM comme à l'AFIT. Il est par ailleurs regrettable, comme je l'explique dans mon rapport écrit, que des freins soient mis au recrutement par l'AFIT de cadres sous contrat privé, dès lors que les recettes de l'AFIT le permettent et qu'il s'agit le plus souvent de répondre à des commandes.

L'essentiel de la hausse des crédits du tourisme porte sur les moyens d'intervention : 290 millions de francs sont, en effet, inscrits au chapitre 44-01, relatif au développement de l'économie touristique, ce qui représente une hausse de 15,96 % par rapport au projet de loi de finances pour 2000, soit près de 40 millions de francs.

Les contrats de plan, dont les dotations passent de 30 à 60 millions de francs, sont les premiers bénéficiaires de cette hausse.

Les crédits destinés au soutien du secteur associatif et social connaissent également un apport substantiel avec une progression de près de 40 % destinée à consolider la bourse solidarité vacances et à financer les conventions d'objectif conclues avec les associations de tourisme dans le domaine du développement de l'action sociale.

Enfin, aux dotations de 90,7 et 82,8 millions de francs, destinées au fonctionnement de Maison de la France à ses actions de promotion à l'étranger, viendront s'ajouter 6,5 millions de francs pour la réalisation de campagnes de promotion en France, bénéficiant ainsi du savoir-faire de Maison de la France.


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Les moyens dont dispose Maison de la France pour la promotion à l'étranger restent cependant en deçà des besoins par rapport à nos concurrents étrangers. Si l'on ne prend en compte que les budgets de promotion établis par l'ONT pour 1997, la France est au sixième rang mondial derrière l'Espagne, la Thaïlande, Singapour, l'Australie et l'Autriche. Si l'on rapporte le budget d'investissement au nombre de touristes, nous sommes au soixante-quatorzième rang avec 0,86 dollar, l'Espagne est à 1,6 dollar, l'Autriche à 3,46 dollars, la Suisse à 3,66 dollars. De plus, la faiblesse de l'euro fait peser sur son budget les lourdes pertes de change. Pour l'année 2000, celles-ci sont évaluées à près de 6,4 millions de francs, ce qui a obligé Maison de la France à réviser à la baisse ses actions de promotion sur les marchés extérieurs à la zone euro.

Lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges de notre assemblée, madame la secrétaire d'Etat, vous avez annoncé qu'une dotation inscrite en loi de finances rectificative viendrait compenser une partie des pertes subies. Pouvez-vous aujourd'hui le confirmer et préciser le montant de cette dotation ? Pour l'avenir, il serait utile de mettre en place un mécanisme stabilisateur capable de prévenir ces effets de change. La nature même des opérations menées par Maison de la France nécessite que ses campagnes soient programmées et prolongées dans la durée.

Enfin, 4,02 millions de francs, sur les crédits d'intervention, seront absorbés par l'assujettissement à la TVA d e l'Agence française d'ingénierie touristique et de l'Observatoire national du tourisme.

Les dotations destinées à la rénovation des hébergements du tourisme social et associatif ont été reconduites au niveau des deux années précédentes, 24,3 millions de francs en autorisations de programme et 13,4 millions de francs en crédits de paiement. Elles permettront de prolonger les opérations de modernisation engagées grâce au

« plan Patrimoine » qui vient de s'achever. Une évaluation a été engagée sur ce programme dont il est souhaitable que le compte rendu soit transmis au Parlement le plus tôt possible.

Je voudrais maintenant en venir rapidement à quelques enjeux significatifs : la marée noire et ses conséquences, le tourisme dans les DOM-TOM, le tourisme des jeunes, l'élargissement des chèques-vacances, la réhabilitation de l'immobilier de loisirs, la mobilisation des fonds structurels européens.

S'agissant de la marée noire, j'ai salué dans mon rapport écrit le travail mené par votre ministère dans la mobilisation de financements exceptionnels de l'Etat mais aussi de la société TotalFina pour restaurer l'image de la France à l'étranger. Ce travail mérite d'autant plus d'être salué qu'il se démarque d'une communication officielle, notamment du ministère de l'environnement, largement défaillante au moment de la catastrophe elle-même, qui a durablement affecté notre image à l'étranger et entaché la crédibilité des informations données par la France sur la situation réelle. Maintenant que la saison d'été est passée, je souhaite que nous puissions connaître l'affectation des moyens dégagés en faveur des professionnels du littoral breton où la diminution de fréquentation a été marquée, notamment en juillet.

Cette diminution est plus significative de la part de la clientèle de l'Europe du Nord, où la sensibilité environnementale est forte. Il conviendra, madame la secrétaire d'Etat, que soit rapidement confirmée la prolongation des campagnes de promotion spécifique en direction de ces pays, campagnes pour lesquelles la participation de TotalFina doit à nouveau être requise. Cela est d'autant plus nécessaire que les événements malheureux survenus le week-end dernier, avec le naufrage d'un chimiquier, ne vont pas contribuer à améliorer l'image du littoral atlantique. Je souhaite enfin que puisse être confirmée la programmation de la campagne Printemps littoral qui a dû être annulée en 2000 à juste titre, en raison de la marée noire.

Sur le tourisme dans les DOM-TOM, je souhaite rappeler la préoccupation des élus de l'outre-mer face à une fréquentation ne s'accroissant que faiblement. Certes, les raisons de cette situation sont variées. Relevons toutefois une insuffisante ouverture sur les marchés extramétropolitains - la métropole représente 80 % de la clientèle dans les DOM. Notons aussi que les capacités d'accueil demeurent limitées et sont marquées par la saisonnalité.

En outre, la concurrence des pays voisins est très forte, c'est le cas notamment au sein de la Caraïbe. Or, il y a là un véritable enjeu dans ces parties de notre territoire où le chômage demeure supérieur à la métropole et où le tourisme peut constituer une source d'emplois.

S'agissant du tourisme des jeunes, je vous renvoie pour l'essentiel, mes chers collègues, à mon rapport écrit. Je veux simplement insister sur l'extrême urgence de trouver des solutions pour remédier à l'érosion de ce tourisme.

On peut même parler d'effondrement pour ce qui concerne les classes de neige. Ma préoccupation est à la fois sociale et économique, ce qui n'est pas incompatible.

Sociale, car pour de nombreux enfants, il s'agit de la seule occasion de vacances, de la seule possibilité de sortir du cadre familial, d'être confronté à d'autres réalités. On ne peut donc laisser disparaître les séjours de vacances des jeunes ou les classes de découverte.

Sociale, parce que dans une société où la ville est l'élément dominant, il est très utile que les jeunes citadins découvrent d'autres formes de vie - littoral, montagne, campagne - si l'on ne veut ajouter à la fracture sociale une fracture territoriale née de l'incompréhension d'un milieu que l'on ignore.

Economique, parce que le tourisme des jeunes est pour nombre de stations balnéaires ou de sports d'hiver, notamment les plus petites, une occasion de se faire connaître des enfants, mais aussi des familles.

Economique, parce que la clientèle future - c'est notamment le cas pour les sports d'hiver - est conditionnée par l'apprentissage du sport, en l'occurrence de la glisse.

Sur l'élargissement du chèque-vacances, je me bornerai à dire qu'une occasion a sans doute été perdue lorsque la majorité socialiste a refusé la discussion de la proposition de loi sur le chèque-vacances élaborée par le groupe RPR d'après un texte préparé par Bernard Pons. Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un texte dont les contraintes et le caractère restrictif ne permettent pas d'avoir un impact totalement positif dans le secteur des PME et des PMI. Je souhaite me tromper, mais je crains que la réforme de l'Agence nationale du chèque-vacances ne change pas grand-chose à cette situation.

Par ailleurs, l'ouverture européenne du chèque-vacances pour les bénéficiaires nationaux ne peut, à mon sens, s'établir que dans le cadre d'une stricte réciprocité si nous ne voulons pas favoriser une évasion de notre clientèle touristique sans compensation. Je tiens à mettre en garde sur ce point.


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S'agissant de la réhabilitation de l'immobilier de loisirs, je tiens à vous faire part de notre exaspération, madame la secrétaire d'Etat. En effet, les mesures adoptées par le Parlement, à l'initiative de la commission des finances en 1998, ne sont toujours pas entrées en vigueur. Certes, la responsabilité de cette situation ne vous incombe pas.

Mais, alors que l'Assemblée nationale et le Sénat ont réglé les dernières difficultés au travers d'un amendement de mon collègue Louis Althape au Sénat, dans le cadre du texte sur la solidarité et le renouvellement urbains, je souhaite que les décrets d'application tant attendus soient publiés sans tarder. Il en va des enjeux mis en évidence par les inspecteurs missionnés par votre prédécesseur sur ce dossier de réhabilitation de l'immobilier de loisir et de ceux que vous avez vous-même missionnés sur les problèmes du littoral. Vous avez soutenu ces démarches.

Nous avons encore besoin de votre soutien pour aboutir.

Chaque année contribue à accroître le décalage entre les produits et les attentes de la clientèle. Au moment où les contrats de plan doivent permettre de financer des opérations d'incitation à la réhabilitation, il est indispensable que cette demande s'amplifie.

Enfin, s'agissant des fonds structurels européens, je souhaite dire que la réponse apportée au questionnaire budgétaire ne peut me satisfaire et me conforte dans l'idée que l'on ne dispose plus ou pas d'un suivi suffisant des possibilités de financement existantes en faveur du tourisme et encore moins de la volonté de mobiliser celles-ci.

Si l'objectif 5 b identifiait les crédits de manière précise territorialement, vous savez comme moi que le nouvel objectif 2, qui conjugue zones rurales et de montagne et zones urbaines, crée de fait une situation de concurrence entre actions et territoires. Les règles de mobilisation des fonds sont également plus strictes puisque Bruxelles ne débloquera les tranches suivantes qu'au fur et à mesure de la programmation de la consommation des crédits. Dans ce cadre nouveau, et compte tenu du niveau régional choisi par votre collègue, ministre de l'aménagement du territoire, pour la gestion des fonds, il est indispensable que les services du ministère s'impliquent totalement dans l'assistance au montage d'opérations, aussi bien sur le contenu de celles-ci que dans l'organisation des tours de table financiers, et notamment dans la mobilisation des contreparties. Il en va des moyens de développement du tourisme sur les territoires fragiles et du rééquilibrage de la fréquentation que nous souhaitons l'un et l'autre.

Madame la secrétaire d'Etat, au terme de la présentation de ce rapport, il me revient de vous indiquer que, malgré mon souhait de m'abstenir pour marquer non pas notre désaccord sur le budget, que je juge satisfaisant,...

M. Jean-Pierre Dufau.

Très bien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

... mais notre mécontentement sur les lenteurs de la réhabilitation de l'immobilier de loisirs ou sur le dossier bloqué de la TVA dans la restauration, la commission des finances a majoritairement adopté les crédits du tourisme, et je vous demande, mes chers collègues, en son nom, d'émettre à votre tour un vote favorable.

(Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après Michel Bouvard, qui est intervenu au nom de la commission des finances, je vous présenterai l'avis rendu par la commission de la production sur le projet de budget du tourisme pour 2001.

La représentation nationale déplore toujours, d'une manière un peu rituelle, la faiblesse des crédits consacrés à un secteur si important pour l'économie, l'aménagement du territoire et l'emploi puisque le tourisme fait travailler un million de personnes en France.

Aujourd'hui, madame la secrétaire d'Etat, ce reproche ne peut plus être raisonnablement formulé car les crédits alloués à votre ministère augmentent de 12 %. Entre 1998 et 2001, vous avez réussi la performance assez remarquable d'avoir obtenu une augmentation de 48 % des moyens de votre ministère et, comme vient de le rappeler Michel Bouvard, votre souhait est de porter vos crédits à 700 millions de francs en fin de législature. J'espère que les arbitrages budgétaires de l'année prochaine vous seront encore favorables. Je fais confiance à votre ténacité et vous pouvez compter sur mon appui.

Malgré les augmentations des trois dernières années, votre budget reste encore modeste. On ose à peine donner le chiffre : les dépenses de votre département ministériel ne représentent que 0,03 % du budget de l'Etat - je dis bien 0,03 % et non 0,3 %. Si l'on intègre les dépenses engagées par d'autres ministères en faveur de la politique touristique, l'Etat consacre, au total, 0,2 % de ses dépenses à ce secteur.

On peut toujours demander plus. Mais, en réalité, il ne s'agit pas nécessairement de dépenser plus, mais de bien dépenser. C'est ce que vous faites, je le crois. A cette occasion, je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir annoncé en commission la sortie d'un

« jaune budgétaire » l'année prochaine. Ce document nous permettra enfin d'avoir une vue d'ensemble sur les sommes que l'Etat consacre au tourisme.

Je formulerai tout de même un regret. Les locaux de votre ministère sont toujours éparpillés aux quatre coins de Paris, ce qui est une source de gaspillage et de déperdition d'énergie bien regrettable. Il faudra bien un jour regrouper tous vos services dans un endroit unique, si possible beau et prestigieux, qui soit aussi la vitrine de la France.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, et M. Bernard Charles.

Très bien !

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

La dernière saison touristique estivale n'a pas été exceptionnelle, mais elle a été bonne, et c'est une heureuse surprise. Les terribles tempêtes de décembre 1999, le naufrage de l' Erika - on déplore malheureusement ces derniers jours un autre naufrage - suivi de la marée noire qui a touché une partie des côtes atlantiques, enfin le temps exécrable qui a sévi sur une partie de notre pays en juillet nous avaient fait craindre une saison touristique catastrophique. Il n'en a rien été. Seules les régions du littoral atlantique au nord de la Gironde ont souffert du recul de la fréquentation de la clientèle allemande et britannique, recul qu'on évalue entre 13 et 16 %. Heureusement, la clientèle française est restée en grande partie fidèle.

Vous avez su, madame la secrétaire d'Etat, répondre aux inquiétudes des professionnels du tourisme en prenant des mesures financières d'urgence, qui seront d'ailleurs essentiellement financées par le collectif budgétaire qui nous sera présenté en novembre, l'Etat s'engageant à verser un différentiel si les indemnités du FIPOL, plafonnées à 1,2 milliard de francs, devaient s'avérer insuffisantes.


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En 1999, la France est donc restée la première destination touristique mondiale avec l'arrivée de 73 millions de touristes étrangers.

Dans ma région, par exemple, qui est aussi la vôtre, 45 % de la clientèle hôtelière est composée d'étrangers, Britanniques, Belges, Néerlandais et Allemands. L'attrait touristique du Nord est tel que le conseil régional du Nord Pas-de-Calais a estimé récemment que la région allait bientôt souffrir d'un sous-équipement hôtelier. Rappelons que notre pays a enregistré, en 1999, un excédent de sa balance des voyages de plus de 91 milliards de francs.

Cela dit, madame la secrétaire d'Etat, il ne faudrait pas que ces bons chiffres nous bercent d'illusions.

Premier sujet de préoccupation : notre place de leader doit être défendue ardemment. Certes, la France reçoit beaucoup de visiteurs, et nous nous en réjouissons, mais ceux-ci restent moins longtemps et dépensent moins d'argent chez nous que les touristes voyageant en Italie, en Espagne ou aux Etats-Unis - 74 milliards d'euros pour ces derniers, contre pratiquement 27 milliards dans chacun de ces trois pays européens que sont la France, l'Italie et l'Espagne. La concurrence est vive et aucune situation n'est acquise. Il faut donc continuer à assurer la promotion de notre pays à l'étranger. Les 180 millions de francs prévus à cet effet dans votre budget pour 2001 ne seront pas de trop.

La bataille de la communication doit s'engager pour préparer la prochaine saison touristique, notamment par le biais de Maison de la France qui fait un excellent travail de promotion de notre pays dans ses trente-trois bureaux disséminés de par le monde.

Deuxième sujet de préoccupation : les professionnels français du tourisme apparaissent un peu fragiles face à la concurrence qui devient de plus en plus vive.

La prise de participation de Preussag dans Nouvelles frontières ou celle d'un autre groupe étranger dans Havas voyages annoncent-elles la disparition des voyagistes français ? On peut s'interroger.

Entre le dynamisme à l'étranger de certains groupes hôteliers français et la menace des voyagistes allemands ou britanniques capables de proposer au consommateur français des séjours touristiques à de très bas prix, j'aimerais, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre analyse sur l'avenir des voyagistes français.

Posons maintenant le problème d'Internet. Il est d'actualité. Avec la diminution du temps de travail, le consommateur va être à l'affût de toutes les occasions et il sera prêt à étaler ses départs sur toute l'année. Cela peut constituer un nouvel atout pour notre industrie touristique, à condition qu'elle soit dotée des outils capables de répondre aux nouveaux besoins, je pense à Internet.

Le candidat au voyage consultera de plus en plus les sites Internet pour comparer les produits et les prix et pour acheter ses voyages par un simple « clic » sur son écran.

L'arrivée prochaine de sites anglo-saxons, particulièrement conviviaux et performants, va amplifier la concurrence, y compris dans le domaine du voyage d'affaires qui représente, il ne faut pas l'oublier, un marché annuel de 144 milliards de francs.

Pourriez-vous nous dire, madame la secrétaire d'Etat, comment vous voyez l'avenir des sites Internet français dans le secteur du tourisme ? Avant de terminer mon intervention, je souhaite mettre l'accent sur le volet social de votre action.

Grâce à la « Bourse solidarité vacances » que vous avez mise en oeuvre en application de la loi contre les exclusions, 10 000 personnes, parmi les plus démunies, vont partir en vacances cette année. Vous mériteriez déjà beaucoup d'éloges s'il n'y avait que cela dans le bilan de votre action.

Mais il faut ajouter qu'à la suite de l'adoption de la loi de juillet 1999 sur l'extension du chèque-vacances, 84 000 salariés des entreprises de moins de cinquante salariés ont pu bénéficier des chèques-vacances, réservés jusqu'alors aux grandes entreprises. 84 000 salariés, c'est peu, mais c'est un bon début, et j'espère que les bénéficiaires seront beaucoup plus nombreux l'année prochaine.

Je ne peux pas détailler à cette tribune autant que je l'aimerais votre action remarquable en faveur des travailleurs saisonniers, pour pérenniser les emplois-jeunes dans le tourisme ou favoriser l'accès des handicapés aux loisirs et aux vacances, qu'il s'agisse des handicapés moteurs, des handicapés sensoriels ou des handicapés mentaux qu'il ne faut pas oublier.

Quatre Français sur dix ne partent jamais en vacances, soit parce qu'ils n'ont pas d'argent, soit parce qu'ils sont handicapés. Et ce chiffre reste désespérément stable depuis dix ans.

Je ne peux conclure mon intervention, madame la secrétaire d'Etat, sans mentionner la question du taux de TVA dans la restauration. C'est un dossier, je le sais, que vous suivez particulièrement. Nous l'avons évoqué récemment avec le président Bernard Charles et mes collègues radicaux de gauche lors d'un entretien que nous avons eu, à Bercy, avec le ministre de l'économie et des finances, Laurent Fabius. Nous lui avons suggéré notamment de revoir avec la profession à la fois le problème de l'application des 35 heures, donc de l'emploi, et celui de la diminution des charges sociales. Il serait alors peut-être possible de porter le taux de TVA à 5,5 %,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

... sachant que, Michel Bouvard l'a rappelé tout à l'heure, les hôteliers et les restaurateurs sont confrontés à un problème de main-d'oeuvre de plus en plus aigu. Notre groupe a déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2001 dans ce sens.

Il reste donc beaucoup à faire, madame la secrétaire d'Etat, mais je suis sûr que la femme du Nord que vous êtes, énergique et généreuse, saura poursuivre l'oeuvre accomplie par ce gouvernement. C'est la raison pour laquelle la commission de la production et des échanges a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du tourisme et je souhaite que nous soyons nombreux à voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il a dit de bonnes choses !

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

M. François Liberti, premier orateur inscrit.

M. François Liberti.

Madame la secrétaire d'Etat, je ferai, au préalable, trois observations. D'abord, avec près de 200 milliards de francs de recettes en 1999, le tourisme français est devenu un secteur majeur de l'économie nationale. Ensuite, avec plus de 73 millions de tou-r istes, la France confirme sa position de première destination mondiale. La richesse du patrimoine culturel et historique, la gastronomie, la diversité de nos sites et


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de nos paysages, mais aussi notre façon de vivre, séduisent. Nous véhiculons désormais une image conviviale et chaleureuse, comme le confirme Maison de la France. Enfin, depuis 1998, les crédits de votre secrétariat ont augmenté de 48,5 %, après plusieurs années de baisses successives. C'est la marque d'un choix politique et d'une volonté forte qui doit s'inscrire dans la durée.

Outre une augmentation significative de 5,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, votre budget donne un sens au développement d'un tourisme durable, harmonieux, soucieux d'équilibre et de diversité, de concertation et de cohésion sociale.

Il permet également de poursuivre l'application des mesures positives déjà prises. Je pense notamment aux mesures pour le droit aux vacances pour tous, avec le chèque-vacances attribué aux salariés à revenu modeste des PME comptant moins de cinquante salariés. Je pense également aux actions en faveur des personnes handicapées, à la consolidation du groupement d'intérêt public

« Bourse solidarité vacances » et à la pérennisation des emplois-jeunes. Ce sont autant de mesures et d'actions qui vont dans le bon sens et qui soulignent l'importance du tourisme social et associatif.

Pourtant, 40 % de nos concitoyens ne peuvent pas encore partir en vacances, d'où la nécessité de développer une politique sociale forte et volontariste, intégrant notamment l'impact des 35 heures et s'appuyant sur le concept du droit aux vacances pour tous.

Au-delà de l'embellie des chiffres et de la conjoncture économique favorable, le plus important tient au fait que votre projet de budget affiche un changement structurel, plus cohérent et plus dynamique pour conforter, moderniser un secteur essentiel à l'activité économique de la France, intégrant tout particulièrement la notion d'aménagement du territoire et touchant à l'ensemble des politiques publiques et des choix du budget général.

Le montant global des crédits affectés aux contrats de plan conclus entre l'Etat et les régions favorise le développement local avec, notamment, l'amélioration de la qualité et de la commercialisation des hébergements touristiques, et la réhabilitation de l'immobilier de loisirs.

Dans le Languedoc-Roussillon, par exemple, qui est aujourd'hui la trentième destination touristique mondiale, les grandes stations touristiques issues de la mission Racine vieillissent mal et doivent impérativement faire l'objet d'un important plan de rénovation pour requalifier l'habitat et l'accueil.

La ville d'Agde, commune de ma circonscription, a décidé de mettre en oeuvre un programme d'amélioration de l'immobilier de loisirs sur la station du Cap-d'Agde.

Elle a programmé, dès 1999, une phase opérationnelle, consistant à lancer une opération pilote, et s'est engagée avec plusieurs partenaires institutionnels, dont votre secrétariat d'Etat, par l'intermédiaire de la préfecture de l'Hérault et de la délégation régionale au tourisme, pour la mener à bien. A cet effet, plusieurs axes ont été retenus : l'amélioration de l'espace intérieur des appartements, l'intégration de la modernisation des espaces et des équipements publics, la création de structures d'accueil permettant l'amélioration du séjour par la création de nouveaux services destinés aux clientèles individuelles séjournant dans les appartements.

Ce dispositif, couplé avec les nouvelles mesures en faveur de l'immobilier de loisirs contenues dans la loi de finances de 1999 qui ont permis de créer le concept de villages résidentiels de tourisme, doit être soutenu...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. François Liberti.

... pour permettre une bonne réhabilitation du parc immobilier des stations balnéaires vieillissantes. Il devra être également pérennisé et amplifié.

Toujours dans le cadre de la réhabilitation, la protection du trait de côte, gravement atteint par l'érosion maritime, doit faire l'objet d'un financement pluriannuel, à hauteur des dégâts constatés, pour assurer les travaux de protection et de reconstitution du cordon dunaire. Les collectivités locales ne peuvent, en effet, rester seules face à une question qui relève de la politique de l'aménagement du territoire et de la survie du patrimoine national.

Le renforcement de l'attractivité des territoires passe aussi par la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel et le développement de nouveaux produits tourist iques. Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple. Dans ma ville de Sète, la pêche et la vie portuaire, première activité de main-d'oeuvre, sont devenues à ce jour le principal attrait touristique. La vie culturelle et le patrimoine, le savoir-faire culinaire sont désormais des facteurs déterminants pour favoriser l'activité, le développement touristique et l'emploi. Cette singularité, cette identité de territoire constituent une originalité française incontournable.

C'est dans ce sens que j'ai proposé, au nom du groupe communiste, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001, un amendement tendant à baisser le taux de TVA dans la restauration traditionnelle. Ce dossier fait l'objet d'un débat depuis plusieurs années et, malgré les engagements pris, cette mesure a été écartée une fois de plus du projet de loi de finances avec des arguments qui n'en sont pas.

La nécessité d'un rééquilibrage et du rétablissement de l'égalité entre les deux types de restauration - l'une, pour l'essentiel entre les mains de grands groupes, taxée à 5,5 %, l'autre, la restauration traditionnelle, taxée à 19,6 % - répond à un souci d'équité commerciale et de mise en concurrence avec d'autres pays européens à vocation touristique.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il faut voter mes amendements ! (Sourires.)

M. François Liberti.

Il y va de la sauvegarde d'un pan de notre culture et, notamment, de l'art culinaire dans lequel les restaurateurs français excellent. Je précise que ce secteur d'activité a créé 35 000 emplois nouveaux cette année.

Cette mesure permettrait d'amplifier ce phénomène car la restauration traditionnelle est un élément d'attrait touristique important. Elle est également partie prenante de l'aménagement du territoire grâce au maintien d'une activité économique dans des zones parfois désertées par les touristes. Elle participe de ce fait à l'accroissement de notre vocation d'accueil sur le plan touristique ainsi qu'au maillage du territoire national dont 20 % seulement recueillent l'essentiel de la manne de l'industrie du tourisme.

Enfin, la troisième raison, et non la moindre, est que la baisse du taux de TVA serait un facteur essentiel pour l'emploi qui doit demeurer la priorité des priorités de notre gouvernement. Même si la répercussion sur le prix du repas serait réduite, l'incidence d'une telle mesure serait forte sur l'amélioration des conditions de travail, sur le salaire et, plus généralement, sur l'emploi trop souvent précaire et partiel dans ce secteur d'activité. Sur cette question de la baisse du taux de TVA dans la restauration traditionnelle, je souhaiterais, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre opinion, car il est urgent en la matière de faire bouger les choses.


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Plus généralement, vous avez déjà engagé un programme tendant à améliorer les conditions de vie et de travail des saisonniers du tourisme. Dernièrement encore, vous avez affiché votre volonté et celle du Gouvernement d'améliorer l'accueil touristique en garantissant le statut du travailleur saisonnier et les droits du personnel ainsi qu'une formation adaptée aux besoins de la filière.

Longtemps on a tout ignoré des travailleurs saisonniers dans le secteur du tourisme, qu'il s'agisse de leur nombre ou de leur profil. Aujourd'hui, on sait qu'ils sont 360 000 et représentent 40 % des emplois directs de l'industrie touristique. Si l'on souhaite améliorer l'accueil des touristes, ils sont les premiers concernés. Or ces travailleurs saisonniers exercent des métiers précaires et leurs droits sociaux ne sont pas toujours respectés : heures supplémentaires non payées, heures de repos non accordées, etc.

Bref, leurs conditions de travail sont difficiles, les perspectives d'amélioration salariale sont nulles, ils ne peuvent envisager une carrière et il y a de longues saisons creuses sans activité. Autant d'obstacles pour la cause des saisonniers qui nuisent d'ailleurs au travail, à l'accueil et, en dernière instance, aux touristes.

Deux axes fondamentaux ont été adoptés : la mise en oeuvre d'une politique tendant à améliorer le logement sur site et des actions en faveur des droits sociaux afin de tirer vers le haut ceux des salariés, de mieux structurer l'industrie du tourisme et de faire en sorte que l'emploi saisonnier cède la place à l'emploi durable et qualifié. A ce stade, madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous dresser un premier bilan de ce programme et nous indiquer les dispositions que vous comptez prendre pour les années à venir ? Permettez-moi de dire un mot sur les dommages causés par la marée noire, à la suite du naufrage de l' Erika.

Lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 28 février, le Gouvernement a arrêté un important dispositif d'aide au secteur du tourisme, notamment en faveur de la restauration de l'image touristique de la France. Pourriez-vous tirer un bilan des effets de cette campagne sur la saison touristique 2000 ? Je profite de l'occasion pour appeler votre attention et celle du Gouvernement sur les conséquences irrémédiables qu'entraînerait une telle catastrophe sur les côtes méditerranéennes qui ne disposent pas du régime des marées. Or les pouvoirs publics se révèlent être d'une effrayante impréparation à gérer une telle situation.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il faut remplacer Mme Voynet !

M. François Liberti.

Dix mois après l' Erika , le naufrage du chimiquier intervenu il y a quelque jours met directement en cause les logiques libérales qui sévissent en matière de transport maritime. Leurs graves conséquences sur l'environnement ne sont plus à démontrer et il devient urgent que les mesures préconisées par la France soient adoptées par les instances européennes car cela est aujourd'hui absolument indispensable.

Pour construire et pour contribuer à ce qu'il y ait toujours plus de cohérence entre les objectifs affichés et les moyens mobilisés, il est nécessaire que les sommes engagées dans votre budget progressent encore pour être à la hauteur des enjeux et de la place qu'occupe désormais le secteur de l'industrie du tourisme.

Les députés communistes souhaitent que l'industrie du tourisme soit reconnue comme un facteur de développement économique à part entière. Votre budget va dans ce sens. C'est pourquoi le groupe communiste le votera.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je disais à cette tribune, il y a un an, que l'économie touristique de marché, même si nous voulons en faire une économie sociale de marché, avait ses risques et ses contraintes et qu'elle pouvait connaître des périodes de freinage, des cycles de croissance, mais aussi de décroissance.

J'ajoutais, pour faire partager ma conviction de la nécessité d'une véritable politique nationale de l'économie touristique, que la croissance économique, devenue mondiale, pouvait se réaliser dans le désordre et accentuer les déséquilibres dont souffrent déjà nos régions françaises sur les plans démographique, économique et social.

Si j'insiste aujourd'hui sur l'exigence d'une volonté politique clairement définie et exprimée pour assurer le développement durable de cette économie touristique, c'est parce que celle-ci est l'une des principales chances d'assurer un rééquilibrage de la vie économique et sociale à travers la France.

Nous avons, en cette fin d'année 2000, à résister à la tentation des propos du type : « Tout va bien » ou « Le tourisme se développe tout seul. » M. le rapporteur

Michel Bouvard a bien fait de le souligner. En effet tel n'est pas notre point de vue, même si la tentation de tenir ce langage est soutenue par les conséquences de la c roissance économique pour l'économie touristique comme pour les caisses de l'Etat et pour les statistiques de l'emploi.

Nous comprenons également votre sourire adressé à tous mes collègues, et pas seulement à ceux de la majorité plurielle, depuis quelques mois, parce que vous avez de bonnes raisons d'être satisfaite : les recettes globales du secteur ont augmenté de 7,4 % au cours des six premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires du tourisme a atteint 765 milliards de francs en 1999, avec un solde positif de 91,5 milliards de francs, ce qui en a fait le premier poste de la balance commerciale, 30 000 emplois ont été créés en un an dans ce domaine. Comment Mme la secrétaire d'Etat au tourisme ne serait-elle pas très heureuse aujourd'hui ? On comprend que, avec de tels résultats au tableau de bord de l'économie nationale, le Gouvernement vous ait accordé une augmentation sensible des crédits du budget du tourisme pour 2001. Je ne chicanerai d'ailleurs pas sur le montant de l'augmentation des crédits tel que vous l'avez annoncé devant la commission de la production et des échanges. Vous êtes fière, à juste titre, du dépassement du seuil des 500 millions de francs pour votre département ministériel. Je veux cependant souligner une réalité qu'aucun gouvernement n'a voulu comprendre depuis vingt ans : au regard tant du poids économique et social du secteur touristique dans l'économie nationale que des recettes fiscales qu'il génère - comme l'ont d'ailleurs souligné précédemment mes collègues rapporteurs -, il est effarant que le budget du tourisme ne représente que 0,03 % du budget de l'Etat. Même en tenant compte des 3 milliards de francs résultant des engagements des autres ministères, c'est un budget de petit ministère.

Cela étant, je le rappelle depuis plusieurs années, à l'heure du débat sur le budget de la nation, le problème à régler pour l'économie touristique n'est pas prioritairement - et je suppose que mon collègue André Capet en


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est d'accord - celui du renforcement des dépenses publiques. Il s'agit surtout de renforcer une conscience politique à faire partager.

M. André Capet.

Tout à fait !

M. Léonce Deprez.

Il n'existe pas plus aujourd'hui qu'hier une conscience suffisante de la part croissante que l'économie touristique doit prendre dans la vie nationale et des réformes que cela impose. Si cette prise de conscience était plus forte, nous serions d'ailleurs plus nombreux, chaque année, au rendez-vous du débat sur le budget du tourisme, madame la secrétaire d'Etat.

M. Jean-Pierre Dufau.

Absolument !

M. André Capet.

Je suis d'accord !

M. Léonce Deprez.

Pour être concis je regrouperai en trois blocs les réformes qui me semblent s'imposer car leur mise en oeuvre conditionne la cohérence d'une politique d'économie touristique entraînante pour la France au profit de tous les acteurs du secteur et de tous les Français, notamment de ceux qui n'accèdent pas encore aux vacances.

La première réforme que j'ai proposée, et à laquelle vous m'avez dit vouloir répondre par la constitution d'un groupe de travail, est celle de l'organisation territoriale de l'économie touristique. A cet égard il suffit pratiquement de regrouper les textes législatifs dans un code du tourisme et de les adapter aux progrès de notre société depuis cinquante ans.

Chaque année apparaît un peu plus l'intérêt de la proposition de loi que j'ai déposée afin d'accompagner et d'encadrer l'effort des collectivités locales qui ont investi pour développer une économie touristique sur leur territoire.

La première novation législative qui s'impose en la matière est la labellisation par l'Etat, sous le nom de

« stations touristiques », des communes touristiques qui bénéficient déjà d'une dotation touristique souvent attribuée, disons-le, dans la clandestinité.

Les stations méritant une reconnaissance d'excellence selon une vocation spécifique qui leur est propre - stations thermales, stations maritimes, stations de montagne, villes d'art et d'histoire - doivent bénéficier du label de niveau supérieur qui, historiquement, est le label « station classée ».

Les récentes réunions du conseil national du tourisme présidé par l'une de nos collègues du groupe socialiste auxquelles j'ai assisté ont démontré que nous étions dans l'impasse et que les textes accusaient bien du retard par rapport non seulement aux évolutions de l'économie touristique, mais aussi aux efforts réalisés par des villes désireuses d'accéder au tableau d'excellence du tourisme français.

M. Jean-Pierre Dufau.

Il faut rattraper le retard pris avant 1997 !

M. Léonce Deprez.

Nous en avons eu récemment une nouvelle illustration avec la demande de la ville de Lille de devenir station classée. Comme nous ne savions comment répondre à cette demande, les abstentions dans le vote sur ce sujet ont été nombreuses. Cela prouve qu'il faut mettre les textes à l'heure de l'économie touristique des années 2000.

Le deuxième volet législatif de cette organisation territoriale doit avoir pour objectif la reconnaissance, donc la labellisation des villes de congrès dont les équipements publics et privés contribuent à générer un chiffre d'affaires élevé dans l'économie touristique nationale. Ayant été, pendant de nombreuses années, le président et le porte-parole de l'association des maires de ville de congrès, je puis témoigner des efforts consentis en matière d'investissements. Les 144 milliards dont vient de parler Jean-Pierre Defontaine méritent une reconnaissance de la part des pouvoirs publics. Ils doivent soutenir l'action de ces villes qui génèrent chaque année de gros chiffres d'affaires et de nombreux emplois dans le domaine touristique.

Le troisième volet législatif pour l'organisation territoriale de l'économie touristique doit assurer la reconnaissance et la labellisation des pays qui, sous l'impulsion de structures intercommunales à ambition touristique, sont appelés à devenir de plus en plus des champs d'action et de développement de l'économie touristique, aux couleurs de la nature et au profit de l'économie rurale.

Chaque pays à ambition touristique devra se doter d'un office du tourisme intercommunal, monsieur le président des offices du tourisme. Ainsi, la labellisation pourra être un stimulant pour les maires qui seront appelés à s'associer pour constituer un office intercommunal du tourisme dont on connaît le caractère indispensable pour gérer l'économie touristique et pour accueillir la clientèle.

La deuxième réforme qu'impose l'économie touristique doit tendre à favoriser son organisation plurisaisonnière.

Cette évolution du tourisme dit saisonnier vers un tourisme des quatre saisons est une réalité vécue là où les efforts de stations touristiques ont tendu à l'objectif d'une activité économique génératrice de vie et d'emplois à l'année. Le Touquet, station des quatre saisons, en est l'exemple vivant dans le Pas-de-Calais. Le rapporteur, Jean-Pierre Defontaine, pourrait en témoigner autant que moi, et sa fille plus encore puisqu'elle fréquente la station toute l'année.

M. Jean-Pierre Dufau.

Pas de publicité !

M. Léonce Deprez.

En tout cas, l'économie touristique plurisaisonnière doit être désormais un objectif de politique nationale, un objectif de progrès économique et de progrès social dans la mesure où le temps libre des uns doit générer le temps de travail des autres.

Ce temps libre devient un espace de vie de plus en plus important avec la généralisation de la réduction du temps de travail pour les salariés de l'économie industrielle, de l'économie agricole, de l'économie des services et de la fonction publique.

Il ne suffit pas que les élus, à quelque niveau qu'ils soient, se bornent à constater l'accroissement des temps libres. Il s'agit de les inciter à en faire des temps d'enrichissement, c'est-à-dire le contraire de temps d'appauvrissement.

M. André Capet.

Il fallait voter la loi sur les 35 heures !

M. Léonce Deprez.

Il faut créer des temps d'enrichissement non seulement pour le citoyen, sous forme de temps d'activité sportive, d'activité culturelle, d'activités de détente ou de découverte au contact des espaces verts, de la mer ou de la montagne, mais aussi pour les collectivités communales ou intercommunales qui ont fait l'effort de s'ouvrir à l'accueil d'une clientèle venue d'ailleurs.

Chaque région de France porte en elle des villes et des villages qui ont consenti des efforts d'équipement et de mise en valeur de leur territoire pour s'insérer dans l'économie touristique. Il appartient au Gouvernement de


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stimuler et de soutenir cette politique d'accueil et d'animation de séjours touristiques par des mesures fiscales appropriées aussi bien pour encourager l'ouverture de commerces - alors que la réglementation actuelle aurait plutôt tendance à décourager les initiatives - que pour permettre la vie et les emplois à l'année dans les hôtels, restaurants et autres structures d'hébergement génératrices d'emplois.

L'allégement du coût des charges sociales est l'une des conditions de la plurisaisonnalité de l'économie touristique.

Dans le même objectif d'un tourisme des quatre saisons, il faut aboutir à l'harmonisation du taux de TVA au niveau européen pour tous les types de restauration.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez révélé que 420 000 emplois ont encore un caractère saisonnier. Je suis d'ailleurs heureux que votre conception de la vie en société provoque chez vous une saine révolte contre ces emplois saisonniers.

En la matière il ne faut plus se contenter de mesures d'aide sociale en direction des salariés enfermés dans ces emplois saisonniers. Il s'agit désormais de permettre aux employeurs de rendre ces emplois plurisaisonniers en allégeant les charges sociales - c'est l'affaire du Gouvernement et de l'Assemblée - et en favorisant l'ouverture des commerces à l'année par des mesures fiscales nouvelles, notamment à l'égard de la taxe professionnelle car son mode de calcul incite au contraire aujourd'hui les commerçants à fermer dans les communes à vocation touristique.

Un tel gâchis des ressources humaines est inacceptable, d'autant que cet enfermement de l'économie touristique dans le temps d'une saison est aussi un gâchis de ressources financières. Alors que, comme la nature, l'économie touristique devrait s'épanouir en mettant à profit les quatre saisons de l'année, la situation actuelle est la traduction d'un passéisme à proscrire tant sur le plan économique que sur le plan social, comme le langage, encore trop souvent officiel, qui parle de saison et de hors saison.

L'économie touristique n'est plus faite seulement de temps de vacances d'été ou d'hiver. Elle est également faite de temps de vie qu'il s'agit de valoriser en dehors des temps de travail. Cela demande évidemment des efforts individuels, des efforts familiaux, mais aussi une volonté politique beaucoup plus forte des élus nationaux, des élus régionaux et des élus locaux. Des dizaines de milliers d'emplois à l'année devraient résulter de la conjugaison de ces efforts et de ces volontés.

Les stations touristiques, les pays d'attrait rural, les villes de congrès doivent avoir pour vocation nouvelle de se situer à la pointe de ces efforts pour rendre les temps libres attractifs.

Enfin, dernière réforme, madame la secrétaire d'Etat, il faut que l'organisation de l'économie touristique devienne beaucoup plus interministérielle qu'elle ne l'est aujourd'hui. Ainsi votre département devrait être rattaché non a u seul ministère des transports, mais au Premier ministre. Il ne faut pas se contenter d'un jaune budgétaire individualisé. Il s'agit de souligner l'obligation d'actions en synergie dans la politique gouvernementale.

Insuffisante aujourd'hui, elle doit être exprimée à partir de l'Hôtel Matignon en faveur de ce gisement d'avenir qu'est l'économie touristique.

Ma conclusion, madame la secrétaire d'Etat, est tout simplement que la politique nationale relative à l'économie touristique mériterait de rassembler les députés de tous les bancs, tant elle offre de perspectives de progrès et tant elle a besoin d'une mobilisation de toutes les énergies au sein de notre pays.

Nous ne pouvons, par notre vote, allumer un feu rouge sur la voie de votre action ministérielle, tant vous exprimez de bonnes intentions...

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Ce ne sont pas seulement de bonnes intentions !

M. Léonce Deprez.

... avec quelques crédits supplémentaires pour les traduire dans le concret, et tant aussi vous savez créer autour de vous un courant humain de sympathie.

Néanmoins, et je vous le dis avec la franchise que m'autorise le combat que je mène depuis de nombreuses années, pour que la volonté politique soit à la hauteur des chances de la France dans le domaine de l'économie touristique, vous n'êtes encore, nous ne sommes encore qu'au quart du chemin si nous voulons mettre à profit les potentialités de l'économie touristique pour la France et pour les Français.

Nous ne nous opposerons donc pas à votre projet de budget, mais nous voulons vous inciter à ne plus différer les réformes nécessaires. Ainsi nous attendons les rendezvous que je vous demande de fixer pour les réformes que nous estimons urgentes pour les années 2000.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Madame la secrétaire d'Etat, en augmentation sensible par rapport à la loi de finances pour 2000, ce projet est un bon budget, inscrit dans une progression continue qui, en trois ans, aura atteint 48 %.

Il traduit la volonté du Gouvernement de valoriser ce secteur important du développement économique et social de notre pays, créateur de richesses et d'emplois. L'action pugnace et efficace que vous menez est largement reconnue et les moyens vous sont donnés d'impulser une véritable politique touristique de gauche.

Le tourisme est un facteur du développement économique et de l'emploi. Les 125 millions de francs des contrats de plan constituent un puissant levier d'amén agement du territoire et de développement local.

Démultipliée par ce partenariat et prolongée sur les sept ans de leur durée, cette action doit permettre de structurer et de moderniser en profondeur notre développement touristique. Certains, sur les bancs de l'opposition, en parlent, mais, alors que le budget était insignifiant à leur époque, nous nous le faisons.

Il faut également professionnaliser les emplois touristiques, en améliorant sans cesse la formation initiale et continue.

Nous sommes au rendez-vous de la qualité et de la compétence. Le recrutement des 6 400 emplois-jeunes a été une bonne chose. Il faut transformer l'essai. Si le tourisme est porteur d'avenir, donc d'emplois, la concurrence sera rude. Chacun doit en être persuadé car rien n'est jamais définitivement acquis. En matière d'aménagements, de services, de concurrence et de prix, il sera donc nécessaire de viser à l'excellence. Ce sont les rendez-vous des années qui viennent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

C'est pourquoi la progression des crédits alloués à Maison de la France pour la promotion à l'étranger, la campagne de restauration de l'image touristique des régions touchées par la marée noire, campagne qui doit s'inscrire dans la durée,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau.

... vont dans le bon sens. Votre volonté d'assurer une observation rigoureuse des flux touristiques et de leur suivi témoigne d'une approche économique de cette activité, de même que les études analytiques et prospectives en matière d'emplois. Désormais, le tourisme a une fonction économique.

La capacité d'expertise de l'Agence française de l'ingénierie touristique - AFIT -, dont les récentes rencontres ont été un succès, justifie le renforcement des crédits alloués à ce GIP. Nous attendons avec intérêt les résultats de son travail sur le thermalisme, comme celui qui portait sur le tourisme social et associatif. Car l'autre dimension du tourisme, c'est d'être un facteur de justice sociale.

Depuis les congés payés de 1936, chacun a pu prendre conscience du rôle du tourisme dans la cohésion sociale.

Le droit aux vacances pour tous est affirmé. Pourtant, près de 40 % de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Madame la secrétaire d'Etat, nous sommes à vos côtés pour soutenir la priorité accordée au droit aux vacances pour tous. A ce titre, l'augmentation de 40 % des crédits octroyés au secteur associatif et social du tourisme est significative. Les actions comme « Bourse solidarité vacances », celle en faveur des handicapés, la camp agne institutionnelle relative au tourisme social prolongent les états généraux que vous aviez organisés sur ces thèmes.

L'effort important pour la rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif doit être maintenu car ces installations ont vieilli, et cet effort devra être pluriannuel. C'est un point sur lequel le groupe socialiste sera vigilant parce qu'il reste beaucoup à faire.

Enfin, nous attendons que la nouvelle loi étendant le bénéfice des chèques-vacances aux salariés des PME de moins de cinquante salariés prenne toute sa dimension dans les faits. Si les résultats que vous rappelez pour l'année 2000 sont corrects, ils paraissent pouvoir être améliorés. La publicité autour de ces dispositions n'est pas assez affirmée, le rôle de l'Agence nationale des chèques-vacances est à renforcer. Cet instrument de redistribution doit fonctionner à plein pour que nous puissions atteindre les objectifs de justice sociale et de solidarité que nous revendiquons pour nos compatriotes, notamment les plus démunis. Dans ce domaine, il importe que notre détermination soit sans faille.

En dépit du jugement largement positif que je porte sur votre budget, et avant de conclure, je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, vous interroger sur deux points.

Où en est-on de la question récurrente de l'éventuelle baisse de la TVA dans l'hôtellerie et la restauration ? Et si l'on se place dans l'hypothèse favorable, au bénéfice de qui ? Des consommateurs ? Des marges des entreprises ?

Des salariés ? De l'emploi ? Des conventions collectives ?

Sur quel protocole ?

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il fallait voter mon amendement !

M. Jean-Pierre Dufau.

Voilà de vraies questions qui ne sont pas à traiter a posteriori mais bien a priori.

Comment comptez-vous prolonger sur plusieurs années la revalorisation de l'image touristique des régions sinistrées ? Par quels moyens ? En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, je vous confirme le soutien du groupe socialiste pour l'action que vous conduisez avec détermination en faveur du développement de l'économie touristique, créatrice d'emplois et facteur d'aménagement du territoire et de développement local. Nous soutenons aussi le tourisme social et l'accès aux vacances pour tous.

Enfin, si le partenariat entre public et privé dans cette activité économique apparaît comme une évidence, le budget proposé permet d'affirmer et de consolider la c apacité d'intervention de l'Etat. C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera ce budget, qui vous donne les moyens d'impulser une politique touristique forte, et dont nous partageons les priorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles.

M. Bernard Charles.

Madame la secrétaire d'Etat, d'autres orateurs l'ont dit avant moi, votre budget est en augmentation pour la troisième année consécutive - ce que nous n'avions pas connu sous la majorité précédente.

Vous l'avez basé sur les objectif de développement durable et harmonieux du tourisme et des emplois qu'il génère sur l'ensemble du territoire, d'accès aux vacances pour tous et d'amélioration de la capacité d'intervention de l'Etat. Le groupe RCV approuve pleinement ces orientations.

Certains éléments de ce budget constituent aussi des signes d'une évolution vers la prise en compte du tourisme à la fois comme un élément économique et comme un élément de développement social. Ainsi, comme nous le réclamions depuis longtemps, l'activité touristique, véritable levier du développement économique et global des territoires, sera prise en compte dans les nouveaux contrats de plan Etat-régions. Un effort significatif a donc été fait pour que le tourisme contribue davantage à l'aménagement du territoire et au développement local. C'est un montant total de 788 millions de francs qui a été programmé en faveur du tourisme pour cette période, auquel s'ajoutent, et notre rapporteur spécial en sera satisfait, 109 millions de francs pour l'innovation spécifique aux régions de montagne.

Nous approuvons pleinement cette politique et j'ai pu l'apprécier dans mon propre département. Je crois que nous pourrons tous ensemble démontrer que le tourisme est un élément d'importance pour l'économie et un facteur de développement.

Un autre point me paraît important. Depuis de nombreuses années, on se plaignait que les offices de tourisme ou des syndicats d'initiative manquent cruellement de moyens d'accueil, malgré le travail considérable des bénévoles. Or, nous nous apercevons, grâce à l'intercommunalité, que le sujet qui rassemble le plus facilement les communes, pour lequel elles se mobilisent le plus volontiers, c'est justement le tourisme, parce qu'elles ne craignent pas de voir l'une privilégiée par rapport aux autres. De plus en plus, les équipements des offices de tourisme, dans le milieu rural en particulier, sont pris en compte par les intercommunalités, notamment l'équipement informatique, mais aussi la formation, qui est essentielle pour l'accueil, ou encore la gestion du personnel.

M. Léonce Deprez.

Bien sûr ! C'est logique !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

M. Bernard Charles.

On voit bien que, tant au niveau de l'Etat qu'au niveau local, le tourisme prend sa vitesse de croisière et devient « adulte », comme l'ont déclaré certains des orateurs. Je sais qu'au-delà de nos clivages nous partageons tous, sur ce sujet, les mêmes opinions.

M. Didier Quentin.

Tout à fait !

M. Bernard Charles.

Mais certains problèmes sont encore devant nous.

Il en est ainsi du travail saisonnier, question sur laquelle vous avez beaucoup travaillé, madame la secrétaire d'Etat, et où vos convictions, votre volonté, votre disponibilité que tout le monde apprécie, ont fait merveille. Nous n'en sommes pas moins inquiets. En effet, face à la compétition internationale, notre tourisme doit être de qualité. Et la qualité passe par le personnel, en particulier dans l'hôtellerie et la restauration.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Bernard Charles.

Or, il y a carence dans ce domaine, puisque, malgré les efforts des écoles professionnelles, les jeunes ne sont guère attirés par ces métiers.

Tant qu'elle ne sera pas comblée, nous serons à la merci d'affaires comme celle des Polonais de Lourdes, qui a illustré combien la qualité de notre hôtellerie et de notre restauration pouvait s'en trouver dégradée. Un effort considérable est indispensable. Il faut négocier avec les professionnels de la restauration.

Le groupe que je préside a déposé un amendement visant à diminuer le taux de la TVA sur la restauration, tous les orateurs en ont parlé. J'espère que nous ferons évoluer Bercy sur ce sujet, même si ce doit être long.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il fallait voter mon amendement !

M. Bernard Charles.

Nous avons failli nous abstenir...

Mais d'autres choses peuvent être faites : exonérations de charges sociales, progression de l'application des 35 heures dans le secteur, devraient permettre de négocier et d'avancer.

M. André Capet.

Tout à fait !

M. Bernard Charles.

Je sais que vous êtes favorable à une telle évolution, madame la secrétaire d'Etat. J'espère que c'est sur tous les bancs de cette assemblée que l'on vous aidera dans cette démarche.

Je voudrais évoquer, avant de conclure, la restructuration des centres de tourisme social. Je regrette que la somme qui y est consacrée reste voisine de 24 millions de francs. En effet, il nous faut traiter le problème de façon globale, car votre ministère n'est pas le seul concerné. La restructuration de ces établissements, qui en ont besoin - avec les moyens financiers adéquats -, la modernisation et l'amélioration qualitative de l'animation du tourisme social, voilà des défis que nous pouvons, tous ensemble, relever. Mais pour cela, il faut que les pouvoirs publics comprennent que le tourisme est une activité économique qui marche bien et qui, par rapport aux moyens que l'Etat y consacre, donne des résultats exceptionnels.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Bernard Charles.

Il est bien d'autres secteurs où nous engageons beaucoup d'argent pour un résultat économique et social très inférieur.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Bernard Charles.

C'est parce qu'il s'engage dans cette voie, madame la secrétaire d'Etat, que nous approuvons votre budget, en vous félicitant encore pour le travail que vous réalisez, et en espérant que, l'an prochain, vous atteindrez les objectifs que vous vous fixez, pour que le tourisme soit enfin reconnu comme il le mérite.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Comment, madame la secrétaire d'Etat, ne pas commencer ce propos sans évoquer la nouvelle catastrophe, dont l'ampleur n'est pas encore mesurée, mais dont l'effet est déjà préjudiciable à ma région , à ce département de la Manche dont l'image touristique qu'il a su patiemment construire et valoriser vient de subir une atteinte intolérable.

Vous le dites vous-même, vos responsabilités sont transversales et elles le sont, en effet, lorsque l'on considère les incidences lourdes et durables de tels événements sur des secteurs essentiels, bien évidemment les secteurs é conomiques directement concernés, la pêche, par exemple, mais aussi le tourisme.

Vous vous êtes beaucoup engagée lors de la précédente catastrophe de la marée noire liée au naufrage de l' Erika

Je souhaite que, dès à présent, vous puissiez accompagner les efforts de cette région et de ses élus, ainsi que de ses acteurs économiques. Est-il besoin de rappeler que la solution passe d'abord par le renforcement de notre sécurité matitime ? Et je dis amicalement à M. Liberti, que, même s'il s'agit d'un pays libéral, il faut suivre l'exemple des Etats-Unis qui ont su, grâce à l' Oil Pollution Act , faire en sorte que la sécurité du transport maritime soit parfaitement respectée dans leurs eaux.

M. François Liberti.

Chez nous, la mer est devenue une vraie poubelle !

M. Bernard Charles.

C'est vrai !

Mme Nicole Ameline.

Il faut donc prendre exemple sur la réglementation américaine.

Mais revenons à votre budget, madame la secrétaire d'Etat.

Toute l'histoire des peuples et des civilisations s'est construite sur le mouvement. Le progrès dans nos sociétés modernes, des communications aux télécommunications, consiste toujours à gérer et à réduire les distances.

A vec une explosion des échanges internationaux - 73 millions de touristes et bientôt 100 millions sans doute - notre pays conserve et renforce sa position de première destination mondiale. Ce constat économique fort - le chiffre d'affaires global de l'industrie touristique atteignait, en 1999, 700 milliards de francs, générant un excédent très important de notre balance des paiements cache néanmoins une réalité plus contrastée.

A la seule évocation de ces chiffres et à la lecture de votre budget et de son évolution, vous devriez ressentir une réelle satisfaction d'être à la fois en charge d'un secteur en pleine croissance, qui n'a cessé d'être créateur d'emplois, même dans les périodes de difficultés économiques, et qui s'inscrit dans le secteur tertiaire et de service, phare de l'économie moderne.

Cependant, derrière des chiffres qui restent au demeurant somme toute assez modestes, il y a cette autre réalité que je qualifiais de plus contrastée, illustrée par des freins économiques, des handicaps structurels, des perspectives de croissance limitée pour certains secteurs, et parfois même la remise en cause de l'initiative et de la créativité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Le tourisme - devons-nous le répéter ? - ce sont avant tout les entreprises qui le développent, lui donnent sa qualité, s'adaptent à sa diversité. Je ne saurais, à la suite des orateurs qui se sont succédé à cette tribune, taire l'effet conjugué sur les plus petites d'entre elles, notamment, des 35 heures et de la charge injuste d'une TVA excessive.

La baisse de la TVA qui est une attente, reste une exigence absolue. On ne peut que déplorer la désinvolture avec laquelle sont invoqués l'Europe et surtout le manque à gagner fiscal.

Expliquer aux restaurateurs, dont on connaît l'amour et la fierté qu'ils ont de leur métier et leur goût pour les responsabilités, qu'ils doivent jouer la carte de la qualité, pour ne pas dire de l'excellence, dans le choix de leurs produits, de l'exigence en matière de normes d'hygiène et de respect de prix très compétitifs - alors que leurs charges fiscales et sociales sont en constante augmentation - mais qu'ils ont encore à attendre pour obtenir une baisse de la TVA, ce n'est pas sérieux. Au groupe Démocratie libérale et Indépendants, nous sommes convaincus que, dans ce domaine comme dans d'autres, il est urgent de faire confiance aux acteurs économiques, en allégeant leurs contraintes administratives comme leurs charges financières.

En effet, trop d'impôt tue l'impôt. Ne nous focalisons pas sur ces 20 milliards de francs de manque à gagner, car il est clair qu'une baisse de la TVA redonnerait à l'ensemble des professionnels concernés la confiance dans l'investissement, le goût de recréer des emplois, d'autant que les besoins en personnel sont estimés à plusieurs milliers d'emplois.

Il s'agit donc d'un enjeu économique d'importance et il faut que, par le biais des différents amendements déposés sur la question, nous trouvions une solution qui soit à la fois juste et pragmatique et qui permette à ce secteur si dynamique de poursuivre sa modernisation.

Le tourisme évolue : la diversité des activités et des emplois s'est accrue. Mais cette évolution recouvre des situations fort inégales, souvent précaires, liées au phénomène de saisonnalité.

Léonce Deprez a raison : le tourisme à l'année gagne du terrain, grâce à l'action des élus, grâce aussi à une ten dance qui se développe vers les séjours de week-end ou de courte durée, tendance qui prévaut, surtout dans nos régions proches de la périphérie parisienne, sur la traditionnelle saison. Il faut non seulement en tenir compte mais aussi l'encourager car elle a un effet positif sur la structure des emplois et sur leur pérennité.

Pourtant on déplore un déficit en formations qualifiantes pouvant déboucher sur de véritables carrières. Le tourisme ne génère pas d'emplois aussi valorisants et pérennes qu'il le devrait.

Il convient, par conséquent, de renforcer tout ce qui peut, à des titres divers, concourir à donner un plus grand professionnalisme à ces emplois. Ainsi il faut offrir aux jeunes intéressés par le tourisme l'étude systématique de l'anglais et un apprentissage intégrant la dimension européenne des formations, grâce notamment à des stages.

Le tourisme relève de politiques transversales. Nous aimerions connaître avec précision les différentes interventions ministérielles destinées à soutenir le tourisme dans notre région. Nous les entrevoyons, certes, dans les contrats de plan. Mais nous considérons que les pays peuvent devenir de plus en plus le cadre adapté à cette démarche. Là comme ailleurs, la décentralisation peut se révéler extrêmement positive. Nous le constatons chacun dans notre région, la mise en valeur du patrimoine, y compris du plus modeste, l'accompagnement de manifestations de qualité et la création de véritables produits touristiques permettent d'élaborer une offre touristique territoriale cohérente, de nature à rééquilibrer nos territoires et à favoriser le développement local.

Au passage, je vous fais observer que le tourisme peut offrir à la nouvelle ruralité, celle qui n'intègre pas seulement l'agriculture mais aussi bien d'autres services, une chance durable de développement. Nous le voyons bien sur le terrain : la mondialisation, loin de diluer nos territoires et nos cultures, renforce les idées de proximité et d'identité. Grâce à l'action menée par les élus et par les acteurs économiques locaux, nous pouvons espérer que c es territoires, et surtout les territoires ruraux qui connaissent à l'heure actuelle un véritable succès avec le tourisme d'arrière-pays et les formules d'hébergement en milieu rural, retrouveront leur attractivité.

Mais je ne dissocie pas le tourisme de l'économie générale. Outre que le tourisme permet d'améliorer la qualité de vie pour les résidents principaux d'une région et d'accroître encore son attractivité pour les touristes euxmêmes, il l'accroît pour les entreprises auxquelles les nouvelles technologies permettent de bénéficier d'un cadre naturel privilégié. Cela se vérifie notamment dans le cadre de la nouvelle économie. Et l'on ne peut que constater la prédilection avérée de ces entreprises pour des endroits où elles peuvent allier productivité, qualité et environnement.

C'est une chance à saisir pour certains territoires ruraux qui peuvent désormais jouer cette double, voire triple, carte.

Le tourisme doit être pris pour ce qu'il est dans notre pays et, Léonce Deprez l'a également dit avec force, il n'y a pas une prise de conscience politique suffisante de ce qu'il représente : une industrie, la première de ce pays, employant une forte main-d'oeuvre et des professionnels de très haut niveau, qui recourent de plus en plus fréquemment aux nouvelles technologies, et faisant appel à l'investissement.

Ce sont des ingrédients très forts et, je le souligne une fois encore, votre responsabilité est effectivement mise en exergue aujourd'hui, mais cela concerne de nombreux ministères.

Nous devons prendre davantage conscience des enjeux et convaincre tous ceux qui sont chargés de responsabilités de l'importance croissante de cette économie touristique, qui allie des savoir-faire et une très grande modernité et doit préserver avec une détermination sans faille sa place et son rôle dans le monde d'aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. le président.

La parole est à M. Louis Guédon.

M. Louis Guédon.

Madame la secrétaire d'Etat, le budget du tourisme que vous nous proposez est en augmentation, avec une hausse de 11,9 % des crédits de paiement. Nous nous en réjouissons, mais ce budget n'atteint pas 500 millions, et nous sommes contraints de constater sa modestie : il ne représente que 0,03 % de celui de l'Etat. Il s'agit pourtant d'un secteur économique en plein essor.

Les sommes qui nous sont présentées sont insuffisantes pour répondre aux nécessités de notre pays et promouvoir une politique efficace.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Cette activité ne génère-t-elle pas 1,33 milliard de nuitées ? Notre pays n'est-il pas le premier pays d'accueil des étrangers, avant les Etats-Unis, l'Italie et l'Espagne ? Le chiffre d'affaires produit par cette activité ne représentet-il pas 7 % du PIB et 11 % du tourisme international ? Cette activité, qui génère plus de 620 000 emplois répartis dans plus de 200 000 entreprises, est très bénéfique dans toutes nos régions.

L'activité dans les DOM-TOM est en augmentation avec 1 695 000 touristes l'an dernier, aux Antilles, à la Réunion et en Guyane, même si la fréquentation des plaisanciers est maintenant en régression.

Il me sera répondu qu'au budget du secrétariat au tourisme s'ajoutent les moyens d'intervention du titre IV avec des contrats de plan Etat-régions qui concourent à équiper les sites touristiques.

L'évolution dans l'Hexagone n'est pas sans provoquer une certaine inquiétude. Entre 1996 et 1999, le pourcentage de Français partant en vacances d'hiver est passé de 40 % à 36,9 %.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Ce n'est pas assez !

M. Louis Guédon.

Celui des Français pratiquant des sports d'hiver de 8,5 % à 7,7 %, soit 3,4 millions de personnes.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Ce n'est pas assez !

M. Louis Guédon.

Pour l'ensemble de ces activités, il n'est pas certain que le Service d'étude et d'aménagement touristique de la montagne, avec un budget d'un million, puisse engendrer un redressement significatif.

M. Michel Bouvard, rapporteur.

Tout à fait !

M. Louis Guédon.

Cela est également vrai pour les vacances d'été, qui sont passées de 63,4 % en 1996 à 59,6 % en 1999. On assiste à une baisse de fréquentation des sites de vacances.

Ce problème inquiète alors que l'on parle de politique de loisirs, de repos mérité, d'abaissement du temps de travail, de séjour à la mer, à la montagne, à la campagne, la France offrant un patrimoine culturel - 50 000 monuments historiques, 4 000 musées, 2 000 festivals - et des l oisirs diversifiés : golf, navigation fluviale, centres équestres. Ce patrimoine et ces activités entraînent une coopération avec les ministères de la culture, de la jeunesse et des sports. Le tourisme rural, par ailleurs, s'exprime sur 85 % de notre espace national.

N otre littoral, Manche, Méditerranée, Atlantique, connaît la faveur du public. Il représente le quart des séjours et le tiers des nuitées.

Une politique des stations a été engagée : modernisation, développement des activités et de l'emploi, au travers, jadis, des contrats de station, avec actuellement les contrats Etat-régions et divers partenariats.

Les efforts sur le littoral ont été importants. La thalassothérapie s'est développée depuis les années soixante.

Elle connaît, après la baisse des années 1992-1993, une nouvelle croissance. Ainsi en Atlantique, où l'on trouve 60 % des centres et 70 % des capacités d'accueil. Les vertus de l'océan apportant des résultats qui ne sont pas contestés.

La plaisance s'est développée avec de nouveaux ports, des emplois, un allongement de la saison et de multiples activités. Elle a développé une industrie importante, la France devenant le leader de la construction de bateaux, de l'emploi et du commerce extérieur dans cette discipline.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Tout à fait !

M. Louis Guédon.

Les professionnels, comme les collectivités locales, espèrent trouver auprès de l'Agence française de l'ingénierie touristique conseils, possibilités de valorisation et opérations du printemps rural. Ils espèrent aussi avoir les moyens de financement qu'imposent des investissements valorisants. Ils attendent également un rôle positif de l'Observatoire national du tourisme.

En dépit des efforts des collectivités territoriales et des professionnels, le tourisme français reste stationnaire. Il n'est pas possible de se satisfaire de cette situation. Une progression régulière est nécessaire.

Nous avons connu, au cours de l'année 2000, un drame profond avec le naufrage de l' Erika, la marée noire de trop. Vous avez été présente sur nos côtes, madame la secrétaire d'Etat, et nous vous en remercions .

M. Michel Bouvard, rapporteur.

Elle, oui !

M. Louis Guédon.

Nous sommes d'accord !

M. Alain Fabre-Pujol.

Si ça vous fait plaisir !

M. Louis Guédon.

Toutefois, les résultats de cette saison sont maintenant confirmés. Ils démontrent l'impact négatif de ce drame sur notre économie.

Certains disent que le risque zéro n'existe pas, essayant de créer le trouble. Nous, populations maritimes, savons que les drames de la mer ont toujours existé, mais nous ne pouvons laisser dire que, pour les produits toxiques, le risque zéro n'existe pas. Ce serait à tout moment légitimer les catastrophes, dangereuses pour l'homme. Pourquoi pas celle du sang contaminé ou le récent naufrage du Ievoli Sun , soulevant une révolte légitime ? Nos professionnels laissent entende leurs difficultés à être indemnisés par le FIPOL. Le Gouvernement français a obtenu une hausse de sa contribution, insuffisante pour l'ensemble des dédommagements. Les communes qui ont présenté des demandes de remboursement à hauteur de 55 % des dépenses qui furent les leurs attendent le règlement depuis le mois de juillet.

La hausse du budget pour 2001 apparaît significative, mais elle sera en partie absorbée par l'assujettissement à la TVA de l'Agence française de l'ingénierie touristique et de l'Observatoire national du tourisme. Par ailleurs, nous regrettons l'absence de pérennité des postes mis à la dispositions des deux structures transversales que sont l'AFIT et le Service d'étude et d'aménagement touristique de la montagne.

La France s'enorgueillit d'être pour les étrangers le premier pays d'accueil. Sur le littoral cependant, la fréquentation des Allemands et des Britanniques est en légère baisse.

Maison de la France se veut la tête de pont du tourisme national à l'étranger. Son action doit être mieux connue des professionnels du tourisme et des collectivités locales. Son bilan manque de transparence et d'efficacité.

S'agit-il d'encadrement, de relations à établir ? L'augmentation de ses moyens budgétaires semble insuffisante, absorbée par l'assujettissement à la TVA, les transferts de compétence et l'actuelle faiblesse de l'euro. Ses pertes sont évaluées à 6,4 millions de francs.

L'hôtellerie est également l'objet de nos préoccupations. Nous assistons à une baisse importante du nombre de jeunes professionnels et à des abandons chez ceux qui terminent leur formation et ne peuvent s'acclimater aux conditions de travail : horaires et travail le week-end. Elle est assujettie au taux normal de TVA alors que ses concurrents - restauration collective, Mc Donald's - sont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

au taux réduit. Cette baisse de TVA demandée par la profession répond à un souci d'égalité. Elle améliorerait les trésoreries, qui posent de gros problèmes, permettrait des investissements qualitatifs, assurerait l'équilibre des bilans, se répercuterait sur la facturation...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Louis Guédon.

... et faciliterait la problématique réduction du temps de travail.

Nous demandons aussi l'élargissement des chèques vacances aux plus défavorisés, dans la ligne de notre proposition de loi qui, comme l'a rappelé le rapporteur, n'a pas été acceptée.

Nous attendons la publication des décrets permettant la réhabilitation de l'immobilier de loisirs, mesures votées à l'unanimité en 1999 par l'Assemblée.

M. Michel Meylan.

Eh oui !

M. Louis Guédon.

Les articles 10 relatif à l'observation économique, 34 relatif aux autres opérations de développement territorial, et 21, relatif à l'intervention stratégique » connaissent des évolutions défavorables.

Si le groupe RPR reconnaît, madame la secrétaire d'Etat, votre action, le budget qui nous est présenté ne correspond pas aux ambitions du tourisme de la France.

Il ne donne pas à cette grande activité nationale la place qui lui revient dans notre économie. Pour cette raison, nous ne pouvons l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Merci quand même !

M. le président.

La parole est à M. Marc Dumoulin.

M. Marc Dumoulin.

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, chers collègues, même si on peut toujours espérer mieux, on ne peut mégoter, et il faut saluer la progression, pour la troisième année consécutive, du budget du tourisme, et particulièrement celle de 2001, qui atteint 11,9 %. Il faut également saluer la première place mondiale de la France en termes de fréquentation : 73 millions de touristes en 1999, on l'a déjà dit, et un excédent de la balance des paiements de 91,5 milliards engendrés par ce secteur.

Cependant, ces bons résultats ne doivent pas masquer un certain nombre de préoccupations des professionnels, des associatifs et des élus.

Les préoccupations des professionnels, c'est d'abord le maintien de l'hôtellerie et de la restauration familiale, particulièrement en milieu rural. Le principal attrait de la France réside dans la richesse et la diversité de son offre touristique : diversité architecturale, patrimoniale, environnementale mais aussi diversité de l'offre hôtelière et de la restauration. Or 800 établissements traditionnels ferment leurs portes chaque année en France.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Tout à fait !

M. Marc Dumoulin.

Si on ne fait rien, on aura une offre standardisée, banalisée, aseptisée.

Il est urgent de prendre en compte les spécificités de cette profession : coût très élevé de la main-d'oeuvre, qui représente 30 % à 40 % du chiffre d'affaires hors taxes, coût d'amortissement des investissements lourds de type industriel.

La baisse du taux de TVA aurait été évidemment une réponse, une véritable bulle d'oxygène pour la profession.

Même si on n'est pas convaincu, on a bien compris que Bercy se réfugiait derrière l'incompatibilité de cette mesure avec les règles européennes, mais il y a d'autres pistes qui pourraient être étudiées,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Tout à fait !

M. Marc Dumoulin.

... comme l'allégement des charges sociales pour les bas salaires, ou un dispositif d'aide à l'investissement. Je pense particulièrement au problème du cautionnement bancaire. Trop souvent, les banques sont frileuses pour accompagner les professionnels dans leurs investissements.

Mais la préoccupation no 1 de la profession aujourd'hui, c'est bien le recrutement du personnel. Il faut impérativement renforcer la promotion des métiers du secteur et de l'apprentissage.

Pourquoi ne pas mettre en place un dispositif compa-r able à celui appelé « nouveau métiers, nouveaux emplois »,...

M. André Capet.

Il faut payer !

M. Marc Dumoulin.

... qui revaloriserait l'apprentissage...

M. André Capet.

Et les salaires !

M. Marc Dumoulin.

... et permettrait le recrutement de jeunes sur des postes déjà solvabilisés, avec, effectivement, des salaires correspondant à leurs attentes.

M. André Capet.

Nous sommes d'accord !

M. Marc Dumoulin.

Autre sujet de préoccupation, le tourisme associatif. Je sais que vous partagez cette préoccupation, madame la secrétaire d'Etat. Il s'agit des modalités de sortie du dispositif « nouveaux services, nouveaux emplois ». Dans le domaine du tourisme, 60 % des emplois seront pérennisés soit par la solvabilisation de leur mission par les usagers, soit par la reconnaissance de leur utilité par les collectivités, mais 40 % d'entre eux ne le seront pas et nous avons une lourde responsabilité visà-vis des jeunes, dont les espoirs ne doivent pas être déçus, et vis-à-vis des présidents d'associations qui se sont engagés dans ce dispositif. Il est important que les modalités de sortie soient définies dans les six prochains mois, afin de conforter le travail de l'ensemble du monde associatif dans ce domaine.

Les élus, enfin, se préoccupent du financement du développement touristique local. Si l'on veut progresser, on ne peut se contenter d'avoir 80 % des flux touristiques concentrés sur 20 % du territoire.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Marc Dumoulin.

Il faut donc organiser le développement touristique sur les 80 % du territoire non irrigué. Pour cela, il faudra résoudre le problème du financement des communes touristiques émergentes, qui n'ont pas été considérées jusqu'à présent comme communes touristiques, au travers d'une réflexion sur l'avenir de la dotation touristique au sein de la DGF. Il faudra aussi compenser la disparition progressive des fonds structurels européens pour les zones qui ne sont pas éligibles à l'objectif 2, et il faudra certainement envisager une évolution de la taxe de séjour, dont le rendement reste particulièrement faible.

Sans une réflexion d'ensemble sur le financement du développement local touristique, rien ne pourra faire progresser durablement le tourisme français.

Telles sont les préoccupations dont je voulais vous faire part, madame la secrétaire d'Etat, pour que vous puissiez les prendre en considération dans le cadre de vos actions pour l'année 2001, actions que, pour ma part, je soutiendrai.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

M. le président.

La parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'Organisation mondiale du tourisme prévoit, pour les vingt ans à venir, un triplement des déplacements touristiques dans le monde et un doublement des flux touristiques en Europe.

Notre pays dispose de nombreux atouts pour relever ce défi. Il nous faut créer aujourd'hui une véritable dynamique, développer des initiatives novatrices dans ce secteur économique à fort potentiel : diversification de notre offre touristique, avec le développement de nouvelles formes de tourisme comme le tourisme d'affaires ou le tourisme vert, mais également amélioration de la qualité des prestations, avec la modernisation de l'hébergement de loisirs, la professionnalisation et la qualité de l'accueil, ainsi que le soutien aux entreprises du tourisme.

Le tourisme d'affaires, qui représente environ 20 % du chiffre d'affaires des activités touristiques en France, offre des perspectives de développement économique intéressantes, en particulier pour le secteur urbain. Il nécessite, avant tout, une véritable politique nationale en ce domaine, qu'il s'agisse de l'aménagement des équipements, des infrastructures d'accès ou de la promotion internationale.

S'agissant du tourisme rural, ou tourisme vert, nous ne pouvons nous satisfaire du fait que 20 % du territoire absorbent 80 % de la fréquentation touristique. Pour assurer une meilleure répartition des flux touristiques sur l'ensemble de notre territoire, des efforts doivent être réalisés dans l'entretien, la valorisation, la promotion de notre patrimoine rural, mais également le soutien aux principaux acteurs que sont les agriculteurs.

La conférence permanente du tourisme rural, que vous venez de mettre en place, va permettre d'identifier les attentes des différents partenaires, mais les moyens destinés à cet effet dans les nouveaux contrats de plan pour 2000-2006 seront-ils suffisants pour répondre aux besoins d'investissement nécessaires à la revitalisation économique par le tourisme ? En tant qu'élu d'une région de montagne, je suis aussi très attentif aux conclusions de la mission qui vous a été confiée sur la situation des stations de moyenne montagne...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Michel Meylan.

... et, notamment, sur la création d'un fonds de mutualisation en cas de manque d'enneigement.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il faut aider la montagne !

M. Michel Meylan.

Je me fais ici l'interprète des élus et des professionnels du tourisme de ces stations, qui souhaitent connaître les mesures concrètes que vous comptez mettre en oeuvre, avec quels crédits et dans quel délai.

Le développement de l'économie touristique de nos régions de montagne s'appuie également sur la remise à niveau du parc immobilier. Les outils d'intervention permettant la réhabilitation de l'hébergement ne sont toujours pas adaptés, vous le savez.

La création des villages résidentiels de tourisme, dans la loi de finances pour 1999, était attendue par l'ensemble des associations d'élus représentant les stations touristiques.

Faute de décrets d'application, ce dispositif n'a pu être concrétisé.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Scandaleux !

M. Michel Meylan.

L'Assemblée et le Sénat ont donc adopté une nouvelle disposition dans le projet de loi de solidarité et de renouvellement urbain, qui va permettre de donner une assise juridique plus solide à cette mesure.

Elle vise la réhabilitation et a été étendue aux investissements en matière d'actions d'accompagnement et d'amélioration du cadre de vie.

Or ce texte n'est pas encore définitivement adopté par le Parlement, ce qui retarde d'autant la concrétisation de ce dispositif. Aussi vous engagez-vous, madame la secrétaire d'Etat, à faire paraître les décrets d'application relatifs aux ORIL dès la publication de la loi SRU, pour que, enfin, les opérateurs puissent bénéficier des remboursements de TVA afférents aux travaux qui auront été réalisés ? Le retard pris en ce domaine, comme pour la création du fonds de garantie pour le tourisme, dont vous aviez pourtant envisagé la mise en place au plus tard en 2001, reste préoccupant pour l'avenir du secteur du tourisme.

Le fonds exceptionnel de garantie pour les régions touchées par les intempéries et la marée noire, mis en place lors du CIADT, le 28 février dernier, doit accorder des prêts à taux zéro pour la remise en état de l'hôtellerie de plein air et de l'hébergement du tourisme rural ainsi que des prêts bonifiés aux PME du tourisme.

Ces mesures ne pourraient-elles pas être étendues à l'ensemble du secteur ? Cela permettrait de résoudre, en partie, les difficultés financières auxquelles sont confrontées les entreprises du tourisme et, en particulier, l'hôtellerie-restauration ? L'hôtellerie-restauration attendait par ailleurs une harmonisation des taux de TVA. Malheureusement, alors que vous étiez, vous-même, madame la secrétaire d'Etat, favorable à un tel dispositif, aucune mesure n'a encore été prise dans cette direction. Pourtant, le développement de l'activité touristique ainsi que la création d'emplois dépendent étroitement de la réduction des charges et des contraintes qui pèsent sur ces entreprises. Je regrette que votre gouvernement n'ait pas saisi l'opportunité d'alléger la pression fiscale dans le secteur du tourisme. Cela aurait pu atténuer l'effet négatif de l'application de la loi sur les 35 heures.

Je serai très attentif, madame la secrétaire d'Etat, aux réponses que vous m'apporterez sur les différents points que je viens d'évoquer.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants s'abstiendra dans le vote des crédits consacrés au tourisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. André Capet.

M. André Capet.

Madame la secrétaire d'Etat, comme vous vous y étiez engagée lors de votre prise de fonction en 1997, il a bien été mis fin à six années de vache maigre puisque, depuis 1998, les crédits du secrétariat d'Etat au tourisme ont augmenté de 48,5 %, passant de 348,9 millions de francs à 518 millions de francs.

Nous ne pouvons que nous féliciter de cet état de fait, qui traduit parfaitement la volonté du Gouvernement de considérer ce secteur d'activité comme un secteur totalement intégré.

Mais, au-delà de l'augmentation des crédits, il me paraît important, madame la secrétaire d'Etat, de souligner votre volonté constante de développer une véritable lisibilité des actions menées par votre ministère, articulée


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tant sur l'aspect financier que sur le développement et l'amélioration du personnel des différents services. Le but est bien de rendre ces actions accessibles à l'ensemble des partenaires du tourisme qu'ils soient privés ou professionnels.

C'est ainsi que vous manifestez le souci de coordonner, d'améliorer, de progresser dans des directions aussi différentes que les contrats de plan Etat-régions, la Bourse solidarité vacances, les chèques-vacances ou la mission Maison de la France. Les relations avec les régions en sont facilitées et les actions de votre ministère peuvent avoir un effet démultiplicateur, des politiques propres venant se surajouter, - je pense par exemple à la politique d'incitation très forte relayée par les contrats de plan conduite dans le domaine du patrimoine social.

Les contrats de plan, vous l'avez compris, madame le secrétaire d'Etat, ont un effet levier fondamental. Ils servent de relais entre le terrain et vous. Ils permettent également de s'engager dans la durée, de réaliser des partenariats positifs au-delà des financements accordés et surtout de réguler les actions, au travers les régions, sur l'ensemble du territoire. A cet égard, nous nous réjouissons que le montant des crédits affectés aux contrats de plan s'élève à quelque 125 millions de francs et que l'enveloppe globale consacrée au tourisme ait été fixée à 788 millions de francs pour la période 2000-2006.

Néanmoins, la discussion annuelle du projet de budget doit être l'occasion pour nous de proposer des axes de réflexion pour enrichir l'action du Gouvernement. C'est dans cet esprit que j'évoquerai plusieurs sujets.

J'aborderai tout d'abord la question du travail saisonnier. Il faut prendre ce dossier à bras-le-corps et réfléchir à un véritable contrat du travailleur saisonnier. Pour manifester clairement notre souci d'engager une action forte dans ce domaine, je souhaite, je l'avais déjà suggéré l'année dernière, qu'une table ronde soit réunie avec l'ensemble des syndicats concernés et les ministères du travail et du tourisme. Certes, l'adoption, en février dernier, à la suite du rapport Le Pors, des quinze mesures visant à améliorer la situation de ces salariés est une bonne chose mais il faut aller plus loin et plus vite. D'autant que la réduction du temps de travail engendre une extension des périodes de loisir et une hausse inexorable du phénomène de l'intersaisonnalité.

Aujourd'hui, les saisonniers représentent 360 000 à 400 000 emplois, et quelque 40 % des emplois directs de l'industrie touristique, mais leur métier est des plus précaires et leurs droits sociaux ne sont pas toujours respectés. Dans ces conditions, c'est bien légitime, la motivation n'est pas évidente. Or, chacun sait que, dans les métiers du tourisme, la qualité de la prestation constitue l'essentiel.

Vous le rappeliez, madame la secrétaire d'Etat, la France doit confirmer sa place de première destination touristique mondiale et, pour cela, anticiper les réponses à apporter. C'est bien de cela dont il s'agit ici. Il est en effet nécessaire d'accentuer la qualification et la modernisation de notre offre touristique, notamment au sein du secteur professionnel de l'hôtellerie-restauration. Dans ce cadre, nous nous félicitons du projet de plan emploiformation qui doit permettre de compléter les mesures de février dernier notamment dans le domaine des droits sociaux.

La « déprécarisation » du travail saisonnier pourrait, en outre, être concomitante à une baisse de la TVA sur la restauration, celle-ci permettant une prise en charge financière partielle de la mesure par le patron lui-même.

La réduction de la TVA sur la restauration constitue un deuxième sujet à étudier prioritairement.

Depuis plusieurs années, les professionnels attirent notre attention sur la distorsion de concurrence qui existe entre la restauration sur place et la restauration rapide du fait de la différence de TVA applicable sur ces deux prestations similaires. Comme vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'Etat, cette question fait aujourd'hui l'objet d'un véritable débat de fond, dépassant le simple leitmotiv initial. Nous nous félicitons donc que le Premier ministre, sur votre initiative, ait demandé une nouvelle expertise sur le sujet au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais, outre cette démarche, la France ne pourrait-elle pas profiter de la présidence européenne qu'elle occupe jusqu'à la fin de l'année pour solliciter de la Commission européenne une proposition de modification de l'annexe H à la directive européenne mentionnant les services éligibles au taux réduit de la TVA ? Régulièrement, on nous rétorque que, contrairement à la baisse générale du taux normal de TVA à 19,6 %, ou encore à celle à 5,5 %, effective depuis septembre 1999 sur les travaux d'amélioration de l'habitat, la baisse de la TVA sur la restauration ne serait pas obligatoirement répercutée sur les prix des menus et ne bénéficierait donc pas directement aux consommateurs. Mais, à l'évidence, une telle baisse permettrait aux professionnels de la restauration de proposer à leurs employés des salaires plus attractifs et par là même d'améliorer la qualité de la prestation offerte et donc d'agir pour un développement durable du tourisme que vous appelez de vos voeux, madame la secrétaire d'Etat.

M. François Liberti.

C'est cela qui est important !

M. André Capet.

En outre, je signale que des négociations s'ouvrent actuellement avec le ministère du travail sur une baisse de charges sociales ponctuelle sur les salaires minimum des PME-PMI de manière à pouvoir accélérer le processus de réduction du temps de travail.

Voilà une piste intéressante.

Pour conclure, vous pouvez compter sur le groupe socialiste pour continuer à vous aider, madame la secrétaire d'Etat, dans votre démarche qui est une parfaite réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Je ne doutais pas de votre soutien.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier M. le rapporteur spécial de la commission des finances et M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour la qualité de leurs rapports, la pertinence de leurs analyses et de leurs suggestions. Je remercie également tous les orateurs pour leurs contributions de qualité, riches d'analyses objectives et de propositions constructives.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

L'ensemble de ces contributions mettent bien en exergue les enjeux économiques et politiques du tourisme pour notre pays et l'économie nationale.


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Je ne reviendrai pas sur les chiffres du tourisme, que vous avez rappelés, les uns et les autres, et qui sont bien connus de tous : 2 millions d'emplois directs et indirects, plus de 73 millions de visiteurs étrangers, 91,5 milliards de francs d'excédent de la balance des paiements.

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est la progres-s ion annuelle constante de ces chiffres. Ainsi, par exemple, le solde positif du poste « voyages » de la b alance des paiements est-il passé, selon l'ancienne méthodologie, de 56 milliards de francs en 1995 à 91,5 milliards cinq ans plus tard, soit une croissance moyenne de plus de 13 % par an - 8 % sur les six premiers mois de 2000. Quant au nombre d'entrées de touristes étrangers, il est passé, en dix ans, de 52 millions à 73 millions, soit une progression annuelle de près de 4 %. Ces bons résultats ne doivent cependant pas nous conduire à nous reposer sur nos lauriers, vous l'avez dit.

M. Jean-Pierre Dufau.

Tout à fait !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Au contraire, nous devons nous montrer d'autant plus attentifs.

Ainsi, comme vous l'avez indiqué, monsieur Bouvard, les recettes que nous retirons de cette fréquentation record sont inférieures à celles de nos deux principaux concurrents, l'Espagne et les Etats-Unis. Et je voudrais m'arrêter un instant sur ce point, qui fait débat.

En ce qui concerne l'Espagne, on note une inflexion récente des recettes, alors même que la fréquentation est en hausse. Cette évolution résulte d'une réorientation de la politique touristique espagnole pour tenir compte des conséquences environnementales. Le tourisme est appelé à se diversifier et à s'équilibrer. Les résultats actuels marquent donc une étape transitoire, de l'aveu même des responsables espagnols. Cela doit nous inciter à ne pas raisonner de façon mécanique mais à bien réfléchir lorsque nous concevons une action destinée à faire augmenter les recettes.

En ce qui concerne les Etats-Unis, la situation est différente : un important tourisme d'affaires, des durées de séjour très longues, un ensemble varié d'activités touristiques qui entraîne des dépenses par visiteur très élevées, la clientèle disposant majoritairement de très hauts revenus.

Par comparaison avec ces deux pays, les indicateurs économiques de la France enregistrent des évolutions intéressantes. La consommation touristique, entre le premier semestre 1998 et le premier semestre 2000, a enregistré une croissance moyenne de plus de 23 % par an - nous sommes donc sur une pente ascendante - tandis que la fréquentation a augmenté de 4,8 %. Nous sommes donc en train de rattraper un peu notre retard. D'autant que la contribution moyenne des visiteurs étrangers en France augmente sensiblement, résultat d'une politique de diversification de nos produits et activités touristiques fondés notamment sur la qualité.

Vous semblez regretter, monsieur Bouvard, l'augmentation des voyages des Français à l'étranger. N'est-ce pas, là, plutôt une conséquence positive de la mondialisation qui permet aux peuples de mieux se connaître et de s'intégrer au village planétaire ? En contribuant à équilibrer la globalisation des capitaux et des marchandises par des échanges des citoyens de la planète entre eux, le tourisme n'est-il pas un formidable vecteur de progrès et de paix ?

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Certes !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

N'est-ce pas aussi un effet de la croissance de notre économie et des revenus des ménages qui permet à nos compatriotes d'augmenter leur budget vacances ? Sans compter que si les Français partent davantage à l'étranger, ils continuent d'étaler leurs vacances sur plusieurs séjours dont une grande partie servent à découvrir la France.

Cela dit, j'en conviens, il existe dans le tourisme des signaux de fragilité. A cet égard, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, il faut améliorer et diversifier l'offre touristique pour poursuivre son essor. C'est sans doute l'enseignement principal que je tire du bilan de la saison touristique que j'ai présenté il y a un mois. En effet, si la situation d'ensemble est satisfaisante, elle a révélé certaines évolutions.

D'abord, une forte sensibilité aux événements conjoncturels, en l'occurrence tempêtes et marée noire, situations qui peuvent se reproduire comme on le constate avec le Ievoli Sun ; Ensuite, de nouveaux rythmes de vie et de travail, qui induisent un fractionnement des vacances et donc une adaptation de l'offre ; Une concurrence de plus en plus vive de la part des pays émergents ; Enfin, une demande des Français comme des Européens plus diversifiée et plus personnalisée.

Pour conserver son niveau, tant en termes de fréquentation qu'en recettes, notre tourisme doit donc poursuivre et accroître ses efforts d'adaptation structurelle. C'est pourquoi le Gouvernement a accompagné la progression constante de l'économie touristique d'une progression non moins continue du budget du ministère chargé d'animer ce secteur. Cette croissance est, en effet, positive depuis trois ans : 15,5 % l'an dernier et 10,7 % il y a deux ans. Je rappelle qu'à mon arrivée, j'ai trouvé un budget à 348 millions de francs. Il est satisfaisant de constater que l'année 2001 marquera le passage symbolique du demi-milliard de francs.

Le budget qui vous est présenté se monte, en effet, à plus de 518 millions de francs, soit 16 % de progression par rapport à l'an dernier. A cette somme, il convient d'ajouter la part pour l'année 2000 des avenants « tempêtes » et « marée noire » pour lesquels 420 millions de francs de crédits pour la période 2000-2003 ont été décidés. Sous réserve du vote de la loi de finances rectificative qui sera soumise à votre examen dans quelques semaines, cette part 2000 sera de 105 millions de francs, répartis en 32 millions de francs de fonctionnement et 73 millions de francs d'investissement.

Le budget total de mon département ministériel pour 2001 sera donc en réalité, sous réserve bien sûr du vote du collectif budgétaire, supérieur à 620 millions de francs, soit une croissance consolidée de près de 40 % en un an.

A ce montant doivent être ajoutés les engagements des autres ministères en faveur du tourisme, qui, en première estimation, se monteraient à plus 3 milliards de francs.

C'est d'ailleurs pour souligner le caractère transversal et interministériel du tourisme et de l'action que je mène que j'ai décidé de réaliser un « jaune budgétaire » que je vous présenterai l'an prochain.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, et M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Ce bilan des engagements publics en faveur du tourisme ne serait pas complet si on n'y ajoutait pas les engagements des


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régions et des départements qui sont aussi de l'investissement public puisque le tourisme est décentralisé. Ils se montent à environ 2 milliards de francs.

Comme je l'ai déjà indiqué, le « budget objectif » établi par mes services est de 720 millions de francs sur la durée de la législature. Ce chiffre n'est désormais plus hors d'atteinte dans la perspective du projet de budget pour 2002.

C'est l'objectif politique que je me fixe à cette échéance, le doublement du montant du budget que j'ai trouvé en arrivant.

M. Jean-Pierre Dufau.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Tout en répondant à vos questions, je voudrais, cette année, insister sur les raisons pour lesquelles l'intervention de l'Etat dans le domaine du tourisme doit être renforcée, ce que permet depuis trois ans ce budget en croissance.

Parmi ces raisons, j'en citerai trois : la réduction des inégalités, l'accompagnement de la croissance et la création d'emplois, le rôle européen et international de la France.

Première raison, dans le tourisme comme ailleurs, l'Etat doit favoriser la cohésion sociale et réduire les inégalités. Celles-ci sont à la fois sociales et territoriales.

L'une des constantes de mon action depuis trois ans est, vous le savez, le droit aux vacances pour tous. C'est pourquoi les crédits inscrits à ce titre augmentent cette année de 39,8 %.

Ainsi, la Bourse solidarité vacances que j'ai créée en novembre 1999 verra ses moyens augmenter. La subvention versée par le secrétariat d'Etat au tourisme au GIP passera de 2,8 millions de francs à 4 millions. En effet, la demande est forte - nous nous en doutions - et l e succès remarquable puisque nous avons collecté 15 000 séjours cette année et pu en faire bénéficier près de 10 000 personnes - pour 44 % d'entre elles, il s'agissait d'un premier départ en vacances.

L'augmentation des crédits concernera aussi les associations du tourisme social et associatif, dans le prolongement des états généraux du tourisme social et associatif de 1999. Des conventions d'objectifs signées avec l'Etat leur permettront d'intégrer mes priorités pour les jeunes et les familles en difficulté, pour les personnes handicapées, pour l'emploi et la formation. Elles sont, depuis fin 1999, réunies avec des organisations syndicales, des élus locaux et des comités d'entreprise dans une coordination nationale du tourisme social et associatif destinée à échanger sur les évolutions techniques et politiques de ce secteur dans l'avenir.

La réalisation d'une grande campagne de promotion en d irection des institutions, prévue d'ici à quelques semaines, valorisera la qualité et l'importance du tourisme social et associatif. Elle fera ainsi mieux connaître la mission essentielle que ce tourisme remplit pour permettre un égal accès de tous aux vacances et aux loisirs, pour assurer la diversification de l'offre touristique et pour valoriser les valeurs qu'il met en avant pour les vacances.

Elle sera suivie, en début d'année prochaine, d'une campagne destinée au grand public.

En outre, j'ai décidé que le « plan patrimoine » de réhabilitation des villages de vacances du tourisme social sera prolongé en 2001 avec une enveloppe identique à celle de l'an 2000, soit 24,3 millions de francs.

L'Agence nationale du chèque-vacances est, quant à elle, confrontée, vous le savez, à de nouveaux défis : l'extension du chèque-vacances inscrite dans la loi, la création de l'euro et l'ouverture européenne. Le décret d'application de la loi du 12 juillet 1999, qui permettra notamment l'extension européenne du chèque-vacances, est en cours d'examen au Conseil d'Etat.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Ah !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Sa publication permettra à l'ANCV de disposer de l'ensemble des outils de son développement, en France avec les PME-PMI, et, en Europe, dans le cadre de la réciprocité. L'Italie, qui a un projet de loi équivalent au nôtre, devrait être le premier pays à s'y engager, mais d'autres pays sont intéressés, comme la Grande-Bretagne, l'Espagne, le Portugal et les pays nordiques.

Afin de faire face aux nouveaux défis que j'ai rappelés et qui vont entraîner ce que l'on pourrait appeler une deuxième vie pour l'ANCV, j'ai souhaité garantir à cet établissement une meilleure efficacité. C'est ainsi que les fonctions de gestion seront dévolues à un directeur général et que les fonctions d'animation relèveront du président et de son conseil d'administration. Le rôle de cet organe, dont je rappelle le caractère paritaire, sera ainsi valorisé. Ce mode de fonctionnement, qui présente l'avantage de la clarté dans les attributions, est, du reste, celui qui a prévalu entre 1982 et 1993. Il est, en outre, conforme au droit commun des EPIC.

Réduire les inégalités, c'est aussi agir en faveur de l'accès aux vacances des personnes handicapées. Depuis maintenant deux ans, j'ai engagé dans ce domaine toute une série d'actions de sensibilisation avec le concours des associations, des professionnels et des collectivités locales, qui commencent à porter leurs fruits. En 2001, sera mis en place un label établi sur la base des travaux d'un groupe de pilotage national et d'une charte signée en juillet dernier.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Prenant en compte les handicaps physiques et mentaux, il sera attribué dans chaque région aux établissements adaptés.

Vous avez très justement insisté, dans votre rapport, monsieur Bouvard, sur le tourisme des jeunes et le problème des classes de découverte. J'y suis d'autant plus sensible que j'ai engagé un travail de réflexion sur les centres de vacances avec ma collègue Marie-George Buffet dont le ministère prépare une campagne de communication à ce sujet. La question du transport des jeunes sur les lieux de vacances a été bien sûr posée et une charte sera bientôt établie avec la SNCF et les associations de tourisme. Nous verrons donc aboutir très prochainement un travail engagé depuis déjà plus de dix ans, et je m'en réjouis.

S'agissant des classes de découverte, vous avez fait état du rapport du Conseil national du tourisme, rendu public en février dernier. D'ores et déjà, des mesures ont été prises par le secrétariat d'Etat au tourisme. Dans le cadre des avenants intempéries et tempêtes, des crédits ont été ainsi consacrés à la mise en conformité des villages de vacances pour l'accueil des classes de mer. Je sais que cela n'entre pas tout à fait dans vos préoccupations, monsieur le rapporteur spécial. (Sourires.)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Je m'intéresse aussi à la mer !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Le développement des classes de découverte nécessite aussi un travail interministériel avec mes collègues de la jeunesse et des sports et de l'éducation nationale, que je vais encourager.


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Enfin, je vous informe qu'en partenariat avec l'Union nationale des associations de tourisme, un dispositif d'observation spécifique aux vacances et aux loisirs des jeunes a été intégré à l'Observatoire national du tourisme, afin de mieux orienter l'action publique.

Les inégalités ne sont pas que sociales, elles sont aussi territoriales. Les élus de la montagne et les élus ruraux ne me contrediront pas.

Le budget 2001 marque, pour la priorité que j'ai toujours donnée à un aménagement durable de nos territoires et de nos régions, un effort sans précédent qui sera poursuivi jusqu'en 2006. J'ai obtenu un quadruplement des crédits du tourisme au sein des contrats de plan Etatrégions : 788 millions de francs, auxquels s'ajoutent 109 millions pour les massifs, seront consacrés au rééquilibrage territorial pour les sept années à venir, avec 125 millions de francs pour 2001.

La mise en oeuvre de ces crédits est déjà effective puisque les engagements pour le tourisme s'élèvent à 14,2 % en 2000, ce qui correspond exactement à la programmation annuelle pour la période 2000-2006. Je n'oublie pas l'apport des fonds structurels. J'ai pris bonne note de vos observations, monsieur Bouvard.

Ces importants moyens dévolus à notre territoire, que M. Dufau a souligné, permettront de mettre en oeuvre les principaux thèmes sur lesquels l'Etat et les régions se sont accordés dans les contrats de plan. Trois nouveaux supports viendront les renforcer en 2001.

Il s'agit tout d'abord de la campagne de promotion des régions touchées par la tempête dont l'objectif est de créer une image de la France comme destination de tourisme de pays, de tourisme vert et de tourisme de nature.

Première nationale en ce domaine, elle confortera l'application de la loi Voynet et la création des pays qui font du tourisme un élément structurant de leur projet de territoire.

D'un coût de 16 milliards, elle sera financée dans le cadre des mesures mises en place par le Gouvernement pour revaloriser l'image de la France après les tempêtes.

Réalisée par Maison de la France, en association avec six comités régionaux du tourisme, elle sera conçue pour bénéficier à l'ensemble des régions avec un volet hivernal lancé ce mois-ci, davantage tourné vers la Lorraine et le Midi-Pyrénées, et un volet « campagne verte » pour la saison printemps-été 2001. Elle visera tant le marché français que les principaux marchés étrangers - GrandeBretagne, Allemagne, Pays-Bas et Belgique.

Il s'agit ensuite de la Conférence permanente du tourisme rural, dont j'ai annoncé la création à Manosque en septembre dernier. Elle sera mise en place dès la parution du décret constitutif au début de l'année 2001 et associera l'ensemble des acteurs du milieu rural afin d'assurer une meilleure cohérence sur ce sujet essentiel pour notre rééquilibrage territorial.

Il s'agit enfin du rapport sur la moyenne montagne.

Réalisé à la demande du Premier ministre pour préparer l'élaboration d'un plan de développement touristique durable des espaces montagnards situés hors des grandes stations de sports d'hiver à enneigement garanti, il sera rendu public sur Internet dès lundi prochain. Les élus de la montagne, monsieur Meylan, pourront ainsi rapidement en disposer. Ce rapport fait actuellement l'objet d'une analyse conjointe des différents ministères concernés en vue de proposer une série de mesures aux élus lors du prochain Conseil national de la montagne.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Bien entendu, j'accueillerai avec la plus grande bienveillance toutes les propositions que vous aurez à me faire.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous avez été plusieurs, notamment M. Bouvard et M. Liberti, à évoquer la nécessaire réhabilitation de l'immobilier touristique. Le dispositif envisagé, à savoir la création de villages résidentiels de tourisme, doit faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat. Mais comme vous le savez, les zones à l'intérieur desquelles ils seront accueillis, les ORIL, ont été intégrées dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. Elle sera adoptée par le Parlement dans les prochains jours et les décrets et arrêtés d'application, effectivement prêts depuis plus d'un an, seront aussitôt publiés après sa promulgation.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Aussitôt ?

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

J'ai bien l'intention, ensuite, d'engager un dialogue et une concertation avec les associations d'élus, d'une part, et les professionnels et les opérateurs locaux, d'autre part, pour informer et promouvoir ces nouveaux dispositifs. Nous avons donc beaucoup de pain sur la planche, j'en conviens.

La solidarité nationale doit aussi réduire les inégalités conjoncturelles occasionnées par les catrastrophes naturelles ou technologiques, comme ce fut le cas en 2000 avec les intempéries et le naufrage de l' Erika , et comme c'est à nouveau le cas aujourd'hui, même si on peut espérer, madame Ameline, que les conséquences du naufrage du Ievoli Sun ne soient pas aussi graves. Sachez que je comprends les inquiétudes des professionnels du tourisme de la Manche et qu'ils pourront compter sur moi.

Je tiens à rappeler la formidable mobilisation qui a suivi le naufrage de l' Erika . Etat, collectivités locales, associations, professionnels, tous ont permis que la saison touristique se déroule dans les meilleures conditions.

A ma demande, le Gouvernement a dégagé des moyens d'urgence et mis en oeuvre une série de mesure d'accompagnement pour aider les victimes de la marée noire : 31 millions de francs ont été consacrés à la campagne de restauration de l'image ; 70 millions de francs ont permis de porter à 70 % la garantie de l'Etat pour les emprunts souscrits par les PME ; 2,5 millions de francs ont été affectés à l'Observatoire national du tourisme afin de mesurer semaine par semaine l'impact économique ; l'accès des PME du tourisme à des prêts à 1,5 % a été facilité pour répondre à leurs besoins de trésorerie ; enfin, dans le cadre des avenants de contrats de plan 2000-2006, 117 millions de francs ont été dégagés pour permettre aux régions concernées de requalifier leur offre touristique.

J'ai été également très attentive à la mise en oeuvre des mesures d'indemnisation par le FIPOL. J'ai ainsi obtenu qu'il élabore un formulaire simplifié pour les PME et qu'il organise, au plus près du terrain, des réunions d'information pour les responsables d'entreprise et les organismes consulaires. Les relations entre le FIPOL et les partenaires touristiques se sont d'ailleurs depuis améliorées.

Je veillerai, conformément à l'engagement du Premier ministre, à ce que les victimes du naufrage de l' Erika soient totalement indemnisées des dommages qu'elles ont subis.

En outre, la campagne de restauration de l'image de la France sera poursuivie en 2001. J'ai demandé à TotalFina d'y contribuer non plus seulement pour un an mais tant


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qu'une telle campagne sera nécesaire. La négociation, qui porte sur un montant de 25 millions de francs, devrait bientôt aboutir.

La deuxième raison du repositionnement du rôle de l'Etat dans le secteur du tourisme tient à sa fonction d'impulsion économique et d'appui à la création d'emplois.

Ce secteur économique ne peut répondre durablement aux enjeux de la qualité de l'emploi sans l'intervention de la puissance publique. Vous avez été nombreux à le rappeler.

Si le nombre d'emplois créés est passé de 12 000 en 1997 à plus de 30 000 en 1999, les difficultés ne doivent pas être pour autant occultées. L'emploi touristique ne pourra se développer durablement si l'on ne répond pas au problème posé par la précarité de trop nombreux salariés et par la professionnalisation des acteurs.

Dès mon arrivée, je me suis intéressée à la situation sociale et professionnelle des saisonniers du tourisme, au développement des nouveaux services et à l'accompagnement du progrès social dans le secteur des hôtels-cafésrestaurants, principaux employeurs de l'économie touristique.

J'entends, en 2001, poursuivre mon action dans ce domaine qui est l'axe prioritaire du travail du Gouvernement. C'est ainsi que je serai plus particulièrement attentive au devenir des emplois-jeunes mais aussi au moyen d'aider les petites et moyennes entreprises du secteur des hôtels-cafés-restaurants et de répondre à leurs besoins de recrutement et de modernisation sociale. En effet, l'enjeu est d'importance pour un secteur qui emploie 1 million de personnes et génère 1 million d'emplois indirects.

Le maintien et le développement de la qualité des prestations touristiques passent bien évidemment par la qualité de l'emploi. Cela suppose de rendre ce secteur attractif en termes de salaires et de conditions de travail. Des négociations paritaires ont lieu actuellement dans la branche des hôtels-cafés-restaurants sur la réduction du temps de travail. Plusieurs réunions se sont d'ores et déjà tenues et d'autres se dérouleront dans les jours à venir.

Comme je l'ai fait depuis trois ans et demi, j'entends accompagner la modernisation sociale dans ce secteur composé majoritairement de très petites entreprises. J'ai ainsi lancé une réflexion pour les aides à améliorer les conditions de travail de leurs salariés et à maintenir les équilibres économiques fragiles qui sont les leurs.

Le travail mené avec le ministère de l'emploi et de la solidarité devrait aboutir à un plan emploi-formation répondant aux difficultés de recrutement et aux besoins de formation des salariés et des dirigeants d'entreprise et à la nécessité d'accompagner la réduction du temps de travail.

Pour les professionnels de la restauration, la baisse de la TVA serait un moyen d'accélérer le mouvement en cours vers la normalisation et d'améliorer l'attractivité de leur secteur.

Vous avez été plusieurs....

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

On peut même dire tous !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

... à me poser des questions sur ce sujet. Chacun ici connaît ma position.

Il n'y a pas lieu d'en débattre alors que des arbitrages ont été rendus. Je peux toutefois vous dire que ce dossier a bien progressé. Il a fait l'objet d'un véritable débat au sein du Gouvernement comme dans cette assemblée depuis bientôt deux ans, débat qui va même se poursuivre, si j'en crois vos interventions.

M. Didier Quentin.

Il faut surtout qu'il aboutisse.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Il n'a pu aboutir pour 2001...

M. Didier Quentin.

Et voilà.

(Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

... dans la mesure où il fallait faire des choix budgétaires et, dans le même temps, obtenir l'approbation de la Commission européenne.

M. Didier Quentin.

Elle a bon dos !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous avez été également nombreux à attirer mon attention sur les difficultés de recrutement dans le secteur du tourisme. Elles sont fortement liées aux problèmes rencontrés par les travailleurs saisonniers. A la suite du rapport de M. Anicet Le Pors, j'ai annoncé le 9 février 2000 en conseil des ministres quinze mesures en faveur de cette catégorie de salariés. Elles se concentrent principalement sur le logement et les droits sociaux.

Grâce à des dispositions réglementaires, l'accès aux aides personnelles au logement sera élargi. Il est également prévu de soutenir la programmation de 6 000 logements en trois ans. En outre, certaines collectivités locales s'emploient d'ores et déjà à mettre en place des logements saisonniers.

D'autre part, des initiatives visant à renforcer les contrôles de l'inspection du travail et à développer la formation hors saison ont été prises. Et la loi de modernisation sociale, qui sera débattue en janvier 2000, permettra à ces salariés de valider leurs acquis et donc de conforter leurs qualifications.

Vous m'avez interpellée, monsieur Charles, au sujet des stagiaires polonais de Lourdes employés comme salariés sans percevoir de rémunérations. Je tiens à signaler que c'est grâce aux contrôles renforcés de l'inspection du travail et aux dispositions prises par le Gouvernement en février que cette affaire a pu être révélée. Un tiers des hôtels lourdais ont été contrôlés cette année. Six procé dures pénales ont été mises en oeuvre et les services du ministère du travail ont rappelé aux hôteliers leurs obligations en matière d'emploi de salariés afin que de tels abus, s'apparentant au dumping social, ne se reproduisent pas.

Enfin, des maisons de saisonniers, indispensables à l'accueil et à l'information des salariés, commencent à se mettre en place. Deux fonctionnent d'ores et déjà : l'une à Serre-Chevalier et l'autre à Ax-les-Thermes.

Afin de suivre la mise en oeuvre des mesures annoncées l'année dernière et de faire de nouvelles propositions, si nécessaire, j'ai demandé à ma collègue Elisabeth Guigou de confier une mission à l'inspection générale du tourisme et à l'inspection générale des affaires sociales. Cela répondra, je l'espère, à la demande de M. Liberti. Elle aborde, monsieur Meylan, monsieur Deprez, le problème de la pluriactivité.

Vous savez que le Gouvernement travaille à la sortie - je préfère d'ailleurs employer le mot « suivi » - du disp ositif des emplois-jeunes. Il prévoit d'aider les employeurs, en particulier ceux du secteur associatif, à m aintenir et développer ces nouveaux services. Les mesures correspondantes seront présentées prochainement par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Sans attendre, je ne suis attelée à la tâche : 6500 jeunes ont rejoint le secteur du tourisme et mon objectif est d'élaborer avec les représentants des organismes et collectivités concernés 6 500 projets individuels de pérennisation. Je souhaite y procéder dès l'année prochaine afin de rassurer les jeunes le plus rapidement possible sur leur avenir. Il s'agira de faire le point sur ce qui relève dans chaque emploi du service public et de l'activité solvable, d'inclure dans le prix des prestations touristiques le salaire et l'apport de ces jeunes en termes de développement de l'activité et d'examiner par quelle voie la pérennisation se fera.

Par ailleurs, certains jeunes manifestent déjà leur intérêt pour le secteur privé. Il est vrai que cinq ans, c'est long. Je viens donc de conclure un accord avec le groupe Accor pour permettre à plus de 1 000 jeunes du dispositif des emplois-jeunes d'intégrer le secteur privé.

Pour soutenir diverses initiatives des professionnels, une augmentation de 36,2 % de mon budget est consacrée à des actions de promotion, d'amélioration de la qualité de l'offre et de formation.

J'essaierai maintenant de répondre à l'une de vos interrogations, qui est aussi la mienne, sur les concentrations économiques dans le domaine du tourisme. La confirmation, par le groupe Preussag, de son entrée au capital de N ouvelles frontières a en effet fortement interpellé l'ensemble des acteurs du tourisme. Pour ma part, comme vous le savez, j'ai appelé les opérateurs français à dialoguer sur ce sujet. S'il s'accélère en France et en Europe, ce phénomène risque d'aller à l'encontre des aspirations des consommateurs qui recherchent des produits individualisés et à très forte identité. Il peut aussi engendrer, à terme, des impacts sur notre environnement et aggraver nos déséquilibres territoriaux. J'ai d'ailleurs eu, à l'occasion des réunions bilatérales avec mes collègues européens dans le cadre de la présidence française, de fréquents échanges sur ce sujet particulièrement délicat et qui inquiète beaucoup les petites entreprises réceptrices.

Sachez qu'à l'occasion de la prochaine réunion des ministres du tourisme, je proposerai à mes collègues de solliciter la Commission européenne afin de réaliser une étude sur les conséquences économiques et environnementales de ces mouvements et d'examiner la faisabilité d'une consultation des instances chargées de la concurrence.

Vous êtes également nombreux - je pense, notamment à M. Defontaine - à être intervenus sur l'essor d'Internet et des nouvelles technologies de l'information et de la communication. La croissance du nombre d'opérateurs sur Internet témoigne de l'évolution en cours sur l'organisation de l'offre, les nouveaux modes de distribution et les réseaux d'information. L'Etat n'est pas absent de cette évolution. En effet, depuis mon arrivée, outre un rapport réalisé par le CNT en 1998, un travail a été lancé pour définir un format commun d'échanges de données : Tourinfrance. De son côté, Maison de la France a créé un site pour mettre en réseau l'ensemble des sites touristiques certifiés par les comités régionaux de tourisme. La vocation de ce site est de promouvoir la destination France auprès du grand public. Par ailleurs, le serveur Resinfrance, dont l'objectif est de regrouper et faciliter la mise en marché de l'offre française très diversifiée, est actuellement en phase de développement.

La promotion joue aussi un rôle essentiel pour augmenter la fréquentation touristique, qui contribue fortement à la croissance et à l'emploi. Vous êtes nombreux à l'avoir souligné. Le projet de budget pour 2001 en renforce les moyens. Maison de la France aura ainsi connu, en 2000, une évolution majeure puisque, conformément à ses statuts, elle mettra désormais en oeuvre des campagnes de promotion en France. Bien évidemment, il ne s'agit nullement de concurrencer le rôle promotionnel des offices du tourisme et des CDT. Il s'agit, au contraire, de contribuer à des actions partenariales, comme Maison de la France a su le faire, à l'international, avec les comités régionaux du tourisme depuis de nombreuses années.

Comme je l'ai dit au conseil d'administration, ces actions seront financées sur des crédits spécifiques. Ce sont ainsi 65 millions sur 2000 et 2001 qui y sont consacrés pour des campagnes relatives à la revalorisation de l'image de la façade Atlantique et des régions victimes des tempêtes, à l'accueil - « Campagne Bonjour» -, au tourisme social et associatif, à la qualité dans le secteur de la restauration. Une mesure nouvelle de 6,5 millions est affectée à ces campagnes sur le budget 2001.

Messieurs les rapporteurs, vous m'avez interpellée sur les contraintes qui pèsent sur le budget de Maison de la France du fait des évolutions du taux de change, notamment celui du dollar.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Il n'y a pas que le dollar, madame la secrétaire d'Etat !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous estimez ces pertes à 6,4 millions de francs. Vous me permettrez de préciser le chiffre réel des mouvements liés au taux de change du dollar pour 2000, à savoir moins de 3,7 millions de francs. Je vous rappelle que, depuis sa création, Maison de la France a traversé de nombreuses turbulences liées à l'évolution de la parité des devises sans que jamais ne soit apportée à son budget la moindre compensation.

Aujourd'hui, je vous confirme qu'une dotation de 1,4 million de francs sera inscrite dans le deuxième collectif budgétaire à cet effet.

M. Bernard Charles.

Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau.

C'est une première !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Ces sommes permettront, avec une partie des provisions constituées pour risque de gestion, de compenser intégralement les pertes de change de l'année 2000. Vous pourrez le vérifier si vous le voulez.

Cette « première » dans l'histoire du fonctionnement de cet établissement a été obtenue en contrepartie de la mise en place d'un outil permettant de mieux gérer ces phénomènes, qui s'inspire de celui mis en oeuvre par le ministère du commerce extérieur.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Cette mesure contribue aussi à la nécessaire modernisation de Maison de la France, que j'ai souhaitée et qui est actuellement mise en oeuvre.

M. François Liberti.

C'est une bonne chose !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

L'augmentation de la fréquentation touristique doit s'inscrire dans des projets de développement local. Le suivi de ces derniers fait partie des missions de l'Agence française de l'ingénierie touristique, l'AFIT. Le renforcement des moyens financiers de l'Agence - plus 3,7 millions - a pour objet de compenser le coût net de l'assujettissement du GIP à la TVA. Ces moyens permettront aussi à l'AFIP de maintenir sa capacité d'études et ses interventions sur le terrain. J'ai proposé ainsi à son conseil d'administration d'accroître son rôle d'ingénierie territoriale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Cet essor continu de la fréquentation doit s'accompagner d'un effort en matière d'observation économique. Des moyens importants, en augmentation de 16,4 millions de francs, ont ainsi été mobilisés en deux ans. En effet, au-delà de l'indispensable enquête aux frontières, qui n'avait pas été réalisée depuis six ans, il nous faut inventer de nouveaux outils d'observation intracommunautaires liés à l'apparition de l'euro. Il s'agit en outre d'un enjeu européen, voire international, lié à l'adoption d'instruments de comptes communs : les comptes satellites du tourisme.

La troisième raison de cet engagement accru de l'Etat dans le tourisme, c'est le formidable essor de la dimension européenne et internationale de celui-ci. Au plan européen, le programme de la présidence française a retenu, à ma demande, le principe d'une réunion informelle des ministres du tourisme des quinze pays de l'Union, qui aura lieu à Lille le 22 novembre prochain.

Cette rencontre a pour objectif, dans la continuité de celle qui s'est tenue en mai dernier à Vilamoura sous pré-s idence portugaise, de créer les conditions d'une

« méthode ouverte de coordination » entre les Etats de l'Union dans le domaine du tourisme. Celui-ci, vous le savez, ne figure pas en tant que compétence communautaire dans les traités.

Cette réunion sera précédée le matin d'un forum sur le thème important du tourisme durable, qui associera de nombreux acteurs publics et opérateurs privés du tourisme et les représentants des institutions européennes.

Les ministres de l'Union et ceux des PECO - pays d'Europe centrale et orientale - seront également présents. Vous y êtes bien entendu tous invités en tant que parlementaires. Cette matinée sera l'occasion de débattre du développement du tourisme en Europe dans ses aspects économique, social et environnemental, avec l'idée de promouvoir un certain « modèle européen du tou-r isme ». Il sera notamment débattu de systèmes d'échanges de savoir-faire, d'expériences locales réussies, de modes d'assistance réciproque à travers des réseaux de territoires pilotes, de formations et de compétences professionnelles coordonnées.

La concrétisation de ces champs de coordination permettrait de mettre davantage en lumière le rôle que le tourisme joue pour une meilleure perception de la citoyenneté européenne, pour le bien-être de nos populations, pour les échanges et les déplacements qu'il entraîne et pour une meilleure compréhension des autres à partir de valeurs humanistes et de paix.

Au plan international, le code mondial d'éthique, adopté lors de l'assemblée générale de l'OMT en septembre 1999, marque la volonté de promouvoir, partout dans le monde, un tourisme responsable et durable au bénéfice de tous : Etats, opérateurs touristiques, touristes, et surtout populations locales. La France s'est beaucoup investie dans l'élaboration de ce code mondial.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

C'est pourquoi j'ai naturellement souhaité le faire vivre sur notre territoire. J'ai ainsi formalisé cette volonté politique, le 21 septembre dernier, à l'occasion du salon Top Resa, où j'ai signé les premières chartes de ce code avec les quinze principales fédérations et opérateurs privés représentant près de 60 % de l'activité économique du secteur en France.

Portés par la mondialisation, le tourisme durable et l'éthique sont bien au coeur de la politique que je mène en partenariat avec la grande famille du tourisme. Je suis fière que la France, dont la notoriété touristique est en grande partie due à son patrimoine et à sa culture, soit à la pointe de la promotion de ces valeurs, dignes de son histoire et de son humanisme.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, et M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

J'ai rappelé les trois principales raisons de l'intervention de l'Etat en matière touristique : cohésion sociale et territoriale, animation de la croissance et création d'emplois, dimension européenne et internationale. De ce renforcement du rôle de l'Etat découle logiquement un renouveau de la légitimité institutionnelle de mon ministère. Dans le projet de budget pour 2001, cela apparaît tout d'abord au niveau du fonctionnement de mes services.

L'augmentation - plus 3,6 % - de la dotation affectée au personnel est notamment liée au traitement des carrières des agents de l'administration du tourisme et à la revalorisation de l'indemnité de fonction des délégués régionaux au tourisme. Les effectifs budgétaires sont maintenus au niveau du budget 2000.

Une augmentation de 10 % des moyens de fonctionnement ira aux délégations régionales, Elles sont en effet un relais indispensable à la mise en oeuvre, sur le terrain, des politiques touristiques initiées par le Gouvernement. Sur trois ans, les délégués régionaux au tourisme auront vu ainsi leurs moyens progresser de 25 %.

M. Jean-Pierre Defontaine, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

En second lieu, un nouvel instrument administratif, le code du tourisme, va être mis en chantier. Je vous confirme ainsi que le Premier ministre a pris la décision de mettre en place un groupe de travail interministériel pour préparer ce code.

En regroupant dans un seul document tous les textes législatifs et réglementaires régissant les activités touristiques, ce code, qui devrait être prêt en 2002, contribuera à les rendre lisibles et à conforter la place institutionnelle du tourisme dans l'appareil d'Etat.

Mesdames, messieurs les députés, ce projet de budget permettra, dans un contexte de progression des dépenses budgétaires, une évolution significative selon l'axe politique qui est le mien : renforcer et accompagner la croissance et l'emploi, tout en permettant aux plus démunis un accès réel aux vacances.

L'année de la présidence française de l'Union européenne est, pour moi, l'occasion de répéter qu'il n'y a pas de politique sans valeurs. Le tourisme en est porteur, et je suis sûre qu'il contribuera toujours plus au progrès social et à la paix.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe communiste.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Madame la secrétaire d'Etat, l'Ilede-France est une région touristique française importante qui contribue à l'attraction qu'exerce la France sur les visiteurs étrangers. Elle est la troisième région touristique française et la première pour l'accueil des visiteurs étrangers, avec quelque 23 millions de visiteurs en 1999. Il va donc sans dire qu'elle mérite toute l'attention de votre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

ministère. Lors des assises départementales du tourisme du Val-de-Marne, qui se sont tenues le 19 octobre dernier, vous aviez même insisté sur ce point.

Paris est la ville favorite des touristes qui viennent découvrir cette région. Dois-je rappeler par ailleurs que le port autonome de Paris est le premier port touristique du monde pour le trafic de passagers avec 5 millions de touristes transportés, essentiellement en bateaux-mouches, sur la Seine ? Pourtant, sans nier les richesses et les atouts de notre capitale, l'ensemble de cette région possède un potentiel qu'il convient de ne pas négliger.

Elu du Val-de-Marne, je pourrais vous donner maints exemples des attraits de ce département : les bords de Marne dont la notoriété n'est plus à démontrer, ses parcs départementaux, ses forêts, ses promenades et randonnées pédestres, son tourisme fluvial, et j'en oublie certainement. Pour la première fois, un volet tourisme représentant 100 millions de francs a été intégré au contrat de plan Etat-région d'Ile-de-France 2000-2006, qui a été adopté le 3 mars dernier.

Tous les efforts doivent en effet être mobilisés pour le développement du tourisme en Ile-de-France, lequel est porteur d'un fort potentiel de développement et de création d'emplois. Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour le dynamiser davantage et pour faire connaître la richesse et la diversité de cette région aux visiteurs étrangers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre question. Elle me donne l'occasion de rappeler combien, au-delà parfois des idées reçues, la région d'Ilede-France est bien une région touristique. Vous l'avez dit, elle est même la troisième région touristique française et la première en matière d'accueil de visiteurs étrangers.

Pour compléter les chiffres que vous avez cités, je précise que l'activité touristique en Ile-de-France représente aujourd'hui 3,8 % du tourisme mondial et n'a cessé, depuis dix ans, d'évoluer très positivement. En termes économiques et sociaux, cette activité représente 10 % du produit intérieur brut d'Ile-de-France, près de 35 % du total des recettes de devises touristiques nationales, et emploie directement 250 000 personnes. Elle mérite, à cet égard, l'attention de tous et - vous l'avez dit, monsieur le député - une attention toute particulière de mon ministère, qui s'est notamment illustrée par un engagement sans précédent de l'Etat dans le contrat de plan signé avec la région pour la période 2000-2006. Crédité de 115 millions de francs - il faut souligner que c'est la première fois, le précédent contrat de plan n'ayant pas eu de volet tourisme - ce contrat vise un triple objectif : le développement économique, le rayonnement de l'Ile-deFrance et la lutte contre les disparités sociales et territoriales.

Pour répondre à votre souci, monsieur le député, de compléter, sur l'ensemble du territoire francilien, l'offre de Paris, le contrat de plan affirme nettement la volonté de développer des pôles touristiques définis en partenariat avec les conseils généraux et permettant une mise en valeur de toute la région. Dans ce cadre, je me réjouis qu'à l'image du Val-de-Marne, qui vient d'installer dans ses murs et ses fonctions son comité départemental du tourisme, pratiquement tous les départements franciliens s'engagent dans le développement du tourisme par la v alorisation et la promotion de leurs nombreuses richesses, qu'elles soient naturelles ou patrimoniales.

Par ailleurs, l'Etat et la région ont renforcé leur action commune en faveur de différentes catégories de population pour lesquelles l'accès aux vacances et aux activités touristiques est encore trop souvent limité. Je pense particulièrement aux familles les plus en difficulté sociale, aux jeunes et aux personnes handicapées. Il s'agit, par ce moyen, de contribuer à la lutte contre l'exclusion en favorisant l'égal accès au droit aux vacances et aux loisirs pour tous les Franciliens. Il s'agit aussi, de la même manière, de renforcer la fréquentation touristique francilienne en Ile-de-France. Une autre façon de vous soutenir sera de mettre, au titre de la promotion et au sein de Maison de la France, la région d'Ile-de-France en bonne place pour promouvoir toutes ces valeurs qui correspondent à votre histoire, qu'elle soit patrimoniale ou environnementale - je pense en particulier au bassin industriel qui a laissé des traces extrêmement vives. Maison de la France aura à coeur de valoriser complètement ce nouveau potentiel.

Vous le voyez, monsieur le député, le potentiel touristique de l'Ile-de-France est loin d'être négligé et le Gouvernement prendra les mesures nécessaires pour le dynamiser davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la pénurie de maind'oeuvre à laquelle sont confrontés les professionnels du tourisme.

Le nombre de demandeurs d'emplois a diminué de manière sensible dans notre pays depuis juillet 1997.

Mais il semble que le secteur touristique ne soit pas concerné par cette baisse. En effet, la plus grande majorité des offres d'emplois des professionnels du tourisme - notamment dans l'hôtellerie et la restauration - reste sans réponse.

Si nous regrettons que les offres ne soient pas en adéquation avec les demandes, nous n'en sommes pas étonnés car les conditions de travail et la précarité, particulièrement développée dans ce secteur, placent les professionnels face à une dure réalité : le tourisme n'est pas un secteur attractif pour un demandeur d'emploi, ni pour un jeune lorsqu'il décide de son orientation ou recherche une formation.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez lancé un programme d'action destiné à améliorer la situation sociale des saisonniers du tourisme à la suite du rapport de M. Anicet Le Pors. C'est un pas essentiel que le Gouvernement devait faire.

Néanmoins, il me semble que des efforts doivent également être réalisés en direction de la formation.

En outre, la mise en place de la réduction du temps de travail dans ce secteur participe à la qualité de l'emploi.

C'est pourquoi, alors que les 35 heures hebdomadaires vont permettre aux Français d'augmenter leur temps de loisirs et, en conséquence, leur demande en direction dus ecteur touristique, nous souhaiterions connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour faire du tourisme un vivier d'emplois attractifs, de qualité et durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le député, vous m'interrogez sur les difficultés de recrutement que rencontre le secteur du tourisme. Consciente des enjeux, dès mon arrivée au secrétariat d'Etat, il y a trois ans et demi, j'ai placé au coeur de nos préoccupations la question de l'emploi, car elle est essentielle.

En concertation avec les organisations d'employeurs et les organisations syndicales, nous avons élaboré les principes essentiels d'une politique de l'emploi dans le secteur touristique - ce qui n'existait pas auparavant.

Nous avons fait en sorte que soit connu et identifié l'emploi saisonnier dans le tourisme. La mission confiée à Anicet Le Pors a permis d'élaborer un plan d'action qui est actuellement mis en oeuvre, comme je l'ai rappelé dans mon intervention.

Nous avons fait en sorte d'inscrire le tourisme dans l'avenir en développant les emplois-jeunes, qui sont aujourd'hui 6 500 dans les institutions et associations du tourisme.

Enfin, nous avons permis que soient abordées les questions liées à la modernisation du secteur des hôtels-cafésrestaurants et que soit débattue la réduction du temps de travail. De nombreuses réunions ont eu lieu sur ce sujet.

La prochaine se tiendra le 9 novembre ; son objectif est d'aboutir à un accord permettant de réduire le temps de travail et de créer des emplois.

Vous le voyez, mon ministère ne reste pas inactif.

Dans de très nombreux secteurs du tourisme : offices du tourisme, secteur du tourisme social, Club Méditerranée, Havas, grands opérateurs, la réduction du temps de travail est d'ores et déjà mise en oeuvre. Elle concerne près de 200 000 salariés et a permis de créer des emplois.

L'industrie touristique a créé plus de 30 000 emplois en 1996, contre 12 000 il y a trois ans. Selon la presse, parmi les secteurs actuellement créateurs d'emplois, il y a la construction et, juste après, les hôtels-cafés-restaurants, avec plus de 6 %. C'est donc un secteur très dynamique qui, en raison précisément de la baisse du chômage, rencontre des difficultés de recrutement. C'est une situation à la fois dommageable et positive, car elle conduira logiquement à améliorer les conditions de travail.

Je travaille à résoudre globalement les problèmes rencontrés par le secteur HCR - hôtels-cafés-restaurants.

Mes objectifs sont les suivants : accompagner la réduction du temps de travail en soutenant, notamment, les petites entreprises ; répondre aux besoins de main-d'oeuvre au plus près du terrain ; développer la formation des salariés et des employeurs et renouveler le dialogue social à tous les niveaux, afin de rendre ce secteur attractif. Cela se traduira, je l'ai dit, par un plan emploi-formation qui permettra d'envisager plus sereinement l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Monsieur le président, je reprends à mon compte la question que souhaitait poser notre collègue René Leroux. Elle concerne les régions touchées par les tempêtes et la marée noire.

Vous avez confirmé, madame la secrétaire d'Etat, votre volonté de reconduire en 2001 la campagne de restauration de l'image de ces régions. Nous avons apprécié cette reconduction, de même qu'avait été appréciée, en son temps, la réactivité dont vous aviez fait preuve pour lancer cette campagne.

Néanmoins, le déficit constaté au cours de la dernière saison nous conduit à penser que cette restauration ne se fera pas en un an, ni même en deux ans. La campagne doit se prolonger autant que nécessaire jusqu'à ce que les chiffres de fréquentation soient redevenus normaux. Pouv ez-vous nous rassurer sur ce point ? De même convient-il de reconduire les aides accordées aux entreprises qui ont pâti de ces circonstances, et ce jusqu'à ce qu'elles retrouvent leur situation antérieure.

Enfin, les élus locaux souhaitent que cette restauration d'image et que cette reconduction des aides se fassent en concertation avec les partenaires, sur le terrain, pour une plus grande efficacité et une meilleure appréciation des situations locales. Voilà, madame la secrétaire d'Etat, ce que nous attendons de votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous m'interrogez sur les conséquences qu'a eues le naufrage de l' Erika en termes d'image des régions touchées. Vous avez rappelé la campagne que nous avons lancée, la réactivité de la procédure engagée. Nous avons limité les dégâts au maximum puisque il y a eu une véritable saison touristique, ce qui n'était pas couru d'avance au mois de janvier. Le déficit s'est situé entre 10 % et 20 %, ce qui n'a mis ni le secteur, ni l'emploi, ni l'ensemble de l'économie en péril.

Le nettoyage des plages, associé à la campagne de restauration d'image, qui a pu démarrer dès Pâques, a permis de rétablir un peu la situation ; il est tout à fait encourageant de constater que la mobilisation, réalisée en si peu de temps, a donné de tels résultats.

Il n'en reste pas moins qu'il faudra résorber ce déficit.

Nous savons maintenant qu'il est essentiellement concentré sur certaines clientèles étrangères, notamment les Britanniques et les Allemands. Cette année, ils sont partis ailleurs. Il faudra donc les reconquérir, et ce ne sera pas si facile.

C'est pourquoi nous avons prévu une deuxième campagne pour l'an prochain - je l'ai dit dans mon intervention - dotée d'un financement conséquent et susceptible de déboucher sur une opération aussi importante que celle de cette année. Et nous continuerons jusqu'à ce que le littoral atlantique ait retrouvé toute son attractivité. Vous pouvez donc être tout à fait rassuré à ce sujet, monsieur le député.

Vous m'interrogez également sur la participation des élus locaux. C'est aussi une préoccupation du député Leroux, et nous en avons déjà beaucoup discuté. Ce que je peux dire, c'est que toutes les actions ont été menées dans la concertation avec les élus locaux, les CDT, les CRT. Ce fut notamment le cas pour la campagne de rest auration d'image. Son contenu a été élaboré en commun, pour que son efficacité soit garantie, mais aussi pour que les financements apportés par les départements et les régions soient employés de manière cohérente, afin d'éviter le gaspillage et de « frapper » le plus fort possible.

La concertation avec les élus est une nécessité. Nous continuerons dans ce sens, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, lors de la mise en place de la campagne consécutive à la tempête, à laquelle ont été associés les acteurs du tourisme et les élus des régions concernées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Dufau.

Merci.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert.

Madame la secrétaire d'Etat, le tourisme apparaît de plus en plus comme un secteur économique essentiel, qui contribue au rayonnement de la France. Les différentes formes de tourisme obtiennent de grands succès et réalisent des progrès constants. En matière de tourisme d'affaires, notre pays occupe déjà une position enviable. Paris, depuis de nombreuses années, est la capitale mondiale des réunions internationales et l'offre française se situe au deuxième rang, après les Etats-Unis.

La région dont je suis l'élue, Midi-Pyrénées, s'est construit une image, une renommée que l'on retrouve dans sa politique de développement touristique, mais aussi dans son tissu industriel. Midi-Pyrénées est la capitale de l'aéronautique et de l'espace, mais elle possède également un patrimoine architectural et culturel important. Il est nécessaire d'y conforter le tourisme comme vecteur du développement économique et social, créateur d'emplois qualifiés, en diversifiant les activités touristiques, en les valorisant et en confortant l'offre. Le contrat de plan Etat-région devrait y contribuer.

Il est essentiel de disposer d'outils performants pour maintenir la position de la France dans le domaine du tourisme d'affaires, à Paris comme dans les régions. L'intérêt touristique pour la France sera ainsi renforcé, de même que l'image des entreprises qui accueillent les visiteurs. Nous aimerions bien également que le français soit davantage utilisé lors de ces rencontres.

Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'Etat, quels moyens entend consacrer votre ministère à la mise en oeuvre et à la promotion de ce tourisme, certes particulier, mais qui peut assurer la pérénisation de nombreux emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Madame la députée, vous m'avez interrogée sur les moyens que l'Etat entend mobiliser pour développer et promouvoir le tourisme d'affaires.

Cette forme de tourisme n'est pas suffisamment valorisée, alors qu'elle tient une place essentielle dans l'activité touristique de certaines régions et de métropoles urbaines comme Paris, Lyon ou Toulouse. Vous le rappelez si justement, elle contribue à la pérennisation de nombreux emplois et a un poids économique souvent mal connu : le marché des voyages d'affaires est évalué à 144 milliards de francs. L'année 1999 a d'ailleurs été excellente à cet égard.

Le secteur des congrès est un de ceux qui sont le mieux identifiés. Avec 119 centres de congrès, qui représentent une capacité de 127 000 places, la France possède le premier équipement en Europe devant l'Autriche et la Grande-Bretagne - qui comptent respectivement trentedeux et quatorze centres. Le poids économique des congrès en France est supérieur à 18 milliards de francs.

C'est un secteur dynamique où les réinvestissements de modernisation sont très importants. Après le développement notable des années 1980 à 1996, la construction de nouveaux centres n'est plus à l'ordre du jour. La priorité va à l'amélioration des capacités d'hébergement. De nombreux centres de congrès, en particulier les établissements de grande capacité et les catégories de haut de gamme, ont en effet une capacité insuffisante. Ce problème dépend essentiellement de la négociation entre les villes, les gestionnaires de palais des congrès et les responsables des grands entreprises hôtelières.

L'intervention de mon ministère se situe, elle, principalement dans le soutien apporté par Maison de la France dans le cadre de son club « Tourisme d'affaires ».

Ce club est un des mieux structurés et des plus efficaces pour promouvoir l'offre française à l'étranger et assurer une viabilité économique aux institutions spécialisées.

Concernant votre région et le pôle économique de Toulouse dont vous avez souligné le dynamisme, lié à l'aéronautique et à l'espace, je tiens à rappeler que les contrats de plan, au travers des politiques sectorielles, peuvent prendre en compte les équipements structurants dont la taille doit être adaptée aux potentialités locales.

En effet, l'activité du tourisme d'affaires a le très important avantage d'être « désaisonnalisée » et de permettre le maintien de certains établissements dans des zones difficiles. C'est pourquoi le Gouvernement veut accompagner de tels projets, de façon à participer à un meilleur équilibre du développement touristique de nos territoires et de nos régions. Bien évidemment, et vous avez raison de le rappeler, la région Midi-Pyrénées a une importante carte à jouer dans ce domaine, car elle bénéficie de son image de capitale des techniques aérospatiales. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Fabre-Pujol.

M. Alain Fabre-Pujol.

Madame la secrétaire d'Etat, dans votre projet de budget nous pouvons lire que la France va mettre en oeuvre les dix articles du code mondial éthique de l'office mondial du tourisme qui prend en compte, notamment, la protection des paysages.

En France, les activités agricoles et agro-alimentaires ont marqué au fil des siècles les paysages ; ceux de l'agriculture en terrasses tels qu'on peut les trouver en Cévennes et dans les zones de montagne ; ceux des marais salants, tels les salins du Midi à Aigues-Mortes... Des lieux particulièrement attrayants ont ainsi été dessinés.

Sans oublier que la nécessité de garantir des produits alimentaires de qualité a abouti à renforcer la surveillance et la prévention écologiques.

La reconnaissance par les CTE - contrats territoriaux d'exploitation - du rôle de paysagiste de l'agriculteur est u ne avancée vers le développement d'un tourisme durable. Dans les 220 contrats de pays en cours, le volet t ouristique est souvent intégré car les élus locaux mesurent son incidence économique et sociale ainsi que la nécessité de protéger les sites.

La protection des sites naturels - création de parcs, loi Littoral, mesures en faveur des zones humides comme la petite Camargue dans mon département, la baie de Somme ou le Marais poitevin - permet de préserver un patrimoine écologique fragile, mais de qualité. Il en est de même pour la protection des monuments et des sites historiques.

Il est du devoir de l'Etat et des collectivités territoriales de participer à la restauration et à l'aménagement d'un patrimoine fragilisé par les tempêtes, les pollutions ou la fréquentation. Je pense ici aux amphithéâtres romains, tels ceux de Nîmes, Arles ou Fréjus, en espérant que les mesures du CIADT d'Arles en faveur du patrimoine antique bénéficient à l'ensemble de l'arc méditerranéen français.

La croissance soutenue et l'inscription dans la réalité de votre politique du tourisme sont en adéquation avec nos valeurs : respect des hommes, des territoires et promotion


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de la culture. Nous savons que le budget de votre secrétariat d'Etat n'est pas représentatif à lui seul de l'effort fait par le Gouvernement en faveur du tourisme : des crédits des ministères de la culture, de l'équipement et des transports, de l'environnement et d'autres encore, sont pour une part affectés à ce secteur. Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, dans l'attente du « jaune » promis pour l'année prochaine, que vous indiquiez quels financements seront dégagés par l'Etat pour mettre en valeur et protéger les paysages et les sites historiques, exprimant ainsi votre volonté de développer en France une activité économique, durable, éthique et écologique : le tourisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous m'avez interpellée, monsieur Fabre-Pujol, sur la façon dont je comptais prendre en compte l'ensemble des budgets pour protéger les paysages et valoriser nos territoires. C'est effectivement une de mes préoccupations d'identifier l'ensemble des crédits engagés par l'Etat à travers d'autres budgets, en particulier ceux de mes collègues de l'agriculture, de l'environnement, de l'équipement ou de la culture, pour ne parler que de ceux-là.

Nombre d'opérations de ces ministères bénéficient directement au secteur du tourisme. C'est pour cela et pour souligner le caractère interministériel du tourisme que je vous ai annoncé tout à l'heure la confection d'un

« jaune budgétaire » qui retracera l'ensemble des engagements de l'Etat.

Je peux vous citer les montants qui ont été affectés au cours de l'année 2000 à des opérations spécifiques au tourisme : sur le budget de la jeunesse et des sports, 116 millions de francs ; sur celui de l'agriculture, 60 millions de francs ; sur celui de l'aménagement du territoire, et c'est le plus important, 962 millions de francs ; sur celui de l'équipement - les voies navigables, notamment 6 millions de francs. Il faut y ajouter les crédits de la culture pour la rénovation du patrimoine. Je ne connais pas précisément leur montant, mais que je demanderai à Michel Dufour, secrétaire d'Etat à la décentralisation culturelle, de bien vouloir nous le fournir afin, là aussi, d'identifier au niveau du budget de la culture la part qui va au développement de l'économie touristique (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Bernard Charles.

M. Bernard Charles.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question concerne le tourisme fluvial. En tant que président de l'Entente interdépartementale de l'aménagement de la vallée du Lot qui concerne aussi bien la Lozère, le Lot-et-Garonne et le Cantal que l'Aveyron - que vous connaissez bien - et le Lot, j'ai pu constater ce qu'apporte en termes de développement global et d'image de marque la remise en navigation d'un fleuve. Mon collègue Pierre Cohen, qui est président de l'Association des communes riveraines du canal du Midi, pourrait également en témoigner.

Au-delà de l'intérêt matériel direct de ce type de tourisme, la remise en navigation confère une image d'amélioration de l'environnement. Elle se fait en collaboration avec les associations de pêche et s'inscrit bien dans la ligne du tourisme de demain, qui allie qualité du patrimoine, qualité de l'environnement et tourisme actif.

Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d'Etat, quelle politique vous menez dans ce domaine et quelles sont vos orientations pour les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le député, vous le savez, je suis extrêmement convaincue de l'importance des voies d'eau et du développement des activités fluviales pour enrichir notre offre touristique. Il suffit de regarder mon programme de déplacements pour constater que c'est souvent vers cette offre-là que vont mon intérêt et mon soutien.

Avec ses canaux et ses rivières, notre pays dispose d'une énorme richesse potentielle qu'il nous faut développer. Je ne crois pas qu'un autre pays européen jouisse d'un tel potentiel naturel et patrimonial autour de ses voies d'eau.

Au-delà du poids économique de cette activité, qui dépasse le milliard de francs et emploie directement 3 000 personnes, le tourisme fluvial participe à la valorisation des régions traversées et répond vraiment au besoin de découverte et d'authenticité de nos concitoyens.

En liaison avec l'environnement proche des canaux, il c onstitue un élément important du développement durable du tourisme. A mon arrivée au ministère, je me suis d'ailleurs beaucoup impliquée dans la relance du projet de remise en navigabilité du Lot, qui battait un peu de l'aile car personne n'y croyait vraiment. D'importants moyens ont donc été dégagés par l'Etat, l'Europe et la région, à hauteur de 476 millions de francs sur un total programmé de 1,1 milliard de francs.

Un projet aussi ambitieux ne peut réussir que s'il rassemble et mobilise toutes les parties concernées : collectivités locales, professionnels et associations. C'est ce qui a pu se faire grâce à l'Association pour l'aménagement de la vallée du Lot qui tiendra prochainement son assemblée générale à Cahors.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Assemblée générale à laquelle j'aurai le plaisir de participer et au cours de laquelle sera signée, événement très important, la convention interrégionale sur ce programme.

De la même manière, la coopération interrégionale entre les trois régions pour l'aménagement du canal des deux mers, qui n'est pas une mince affaire, bénéficiera de l'appui de l'Etat dans le cadre des contrats de plan.

Plus largement, les nombreux projets de tourisme fluvial portés par les régions à travers les contrats de plan, qui représentent plus de 1,8 milliard de francs, bénéficieront de 950 millions de la part de l'Etat.

Tout cela vous montre, monsieur le député, l'intérêt que porte le Gouvernement et que je porte personnellement, au développement du tourisme fluvial dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question porte sur l'implication du budget du tourisme dans le tourisme culturel.

On constate que les Français sont de plus en plus attirés par le tourisme vert, et que nombre d'entre eux ne se contentent plus des seuls plaisirs de la mer et du tout-


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bronzage. Pour répondre à cette demande nouvelle et croissante, l'offre touristique se diversifie. C'est ainsi que des petites communes situées en zone rurale ou de montagne voient leur population augmenter dans des proportions importantes - notamment en été, bien sûr - car elles sont de plus en plus nombreuses à accueillir des manifestations culturelles qui rencontrent un vif succès.

Ces communes, vous le devinez, ont toutefois peu de moyens, et ces manifestations coûtent très cher.

Pour les aider, régions et départements attribuent des aides qui, à elles seules, même si elles sont appréciables, demeurent insuffisantes au regard des charges que ces événements imposent, et que les organisateurs considèrent, à juste titre, comme des questions annexes ne les concernant pas. Or ces manifestations ont l'avantage d'être avant tout conçues pour faire vivre le tourisme toute l'année, et d'attirer beaucoup de monde.

Je vous donnerai, madame la secrétaire d'Etat, deux exemples intéressant ma circonscription, rurale s'il en est.

Je veux parler tout d'abord des rencontres théâtrales internationales de Haute-Corse que vous connaissez bien, puisque vous les honorez chaque année de votre présence, et qui se déroulent dans mon canton. Il s'agit de stages de théâtre organisés par l'acteur Robin Renucci. Les stagiaires viennent du monde entier. Cette manifestation, qui attire donc énormément de monde dans une microrégion en pleine désertification a contribué à consolider l'installation d'artisans, de commerçants, et à maintenir la vie.

Le second exemple concerne le festival du Vent à Calvi, qui s'est terminé voilà deux jours. Là encore, la saison touristique se trouvant rallongée puisque les hôtels saisonniers restent ouverts jusqu'au mois de novembre, on note des effets induits indubitables sur l'économie et l'emploi.

Ces deux manifestations de caractère à la fois ludique et pédagogique attirant des milliers et des milliers de visiteurs, il serait normal que votre département ministériel s'y intéresse. L'effort de la politique touristique doit porter aujourd'hui sur un tourisme annuel, et non plus seulement saisonnier. Madame la secrétaire d'Etat, comment comptez-vous impliquer financièrement votre ministère dans le tourisme culturel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Excellente question !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Les deux exemples que vous citez, et que je connais bien, illustrent effectivement, monsieur le député, ce que le tourisme culturel peut apporter au développement local. Dans des zones qui peut-être n'espéraient plus, on a pu, à partir du culturel, faire renaître une dynamique.

S'agissant de l'implication du secrétariat d'Etat au tourisme dans le développement du tourisme culturel, je tiens d'abord à rappeler que, dans ce domaine, l'action du Gouvernement ne saurait reposer sur le seul budget de l'administration dont j'ai la charge. En effet, comme nous avons eu l'occasion de le souligner la semaine dernière, lors de la présentation de schémas de services collectifs, le développement durable des territoires passe par un effort conjoint de l'ensemble des services de l'Etat dans les régions, pour soutenir et accompagner les collectivités locales et territoriales dans leur action, mais aussi toutes celles et tous ceux qui portent des projets susceptibles de dynamiser des territoires.

En d'autres termes, il n'est pas question de laisser les communes, les départements et les régions assumer seuls le défi du développement local, durable et harmonieux, bien au contraire. Le Premier ministre a d'ailleurs eu l'occasion de le rappeler à Lille vendredi dernier, en proposant de donner un nouveau souffle à une décentralisation citoyenne, articulée avec une déconcentration des moyens de l'Etat. Au plus près du terrain - et nous sommes bien dans le sujet -, le Gouvernement souhaite, et je m'y emploierai dans le domaine qui est le mien, favoriser la mise en oeuvre de partenariats nouveaux.

Ainsi, le développement du tourisme culturel, à l'image de ce qui s'est produit dans le secteur du tourisme rural, passe par un effort conjugué de l'action des collectivités locales et territoriales, de mon ministère et du ministère de la culture, et ce dans le respect des compétences et du rôle de chacun.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans les initiatives dont vous avez parlé, monsieur le député. Je vous rappelle à ce propos qu'un chapitre entier des schémas de services collectifs est consacré à cette action solidaire de l'ensemble des pouvoirs publics, nécessaire pour corriger les situations inégalitaires, intégrer l'action culturelle dans les politiques de développement, accompagner le développement et la qualification des emplois, faire de l'architecture et du patrimoine des éléments dynamiques du développement urbain et rural, en les inscrivant dans les projets de territoire.

Par ailleurs et comme vous le savez, dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, des crédits importants ont été affectés non seulement à mon ministère mais aussi à celui de la culture, pour la réhabilitation d'équipements culturels, par exemple, ou encore pour la valorisation des lieux de diffusion culturelle.

Pour ma part, et en liaison avec mes collègues Catherine Tasca et Michel Duffour, je m'emploierai dans les mois à venir à continuer de faire vivre la convention nationale que nous avions signée en 1998, et dont l'objectif, je vous le rappelle, est notamment de participer à l'aménagement du territoire en développant conjointement ressources culturelles et produits touristiques.

Voilà, monsieur le député, ce que je peux vous répondre en souhaitant que les initiatives que nous avons pu promouvoir et suivre dans votre circonscription puissent faire des petits sur l'ensemble du territoire de la Corse. Car je pense qu'il y a là matière pour un autre développement touristique, plus diffus, et qui correspond tout à fait à ce qu'attendent les Corses : faire connaître aux visiteurs leur région, leur culture et aussi leur art de vivre.

M. Paul Patriarche.

Merci !

M. le président.

La parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Madame la secrétaire d'Etat, après le guide pratique des emplois saisonniers, vous avez adopté, le 9 février dernier, un programme d'action en faveur de l'amélioration de la situation sociale des saisonniers du tourisme.

Les mesures que vous proposez et qui, pour certaines d'entre elles, avaient déjà été avancées par Hervé Gaymard dans son rapport sur le droit à la pluriactivité, portent à la fois sur le logement, les droits sociaux des salariés, la représentation du personnel, la médecine du travail, la formation et les contrats de travail.


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Mais la pluriactivité ne concerne pas uniquement les travailleurs salariés. Mise à part l'adoption, dans la loi d'orientation agricole, d'une disposition permettant l'affiliation à un seul régime de sécurité sociale pour les agriculteurs pluriactifs, je regrette que la situation des pluriactifs non salariés et non agricoles n'ait pas été réellement évoquée.

En effet, dans nos départements de montagne, nombreux sont ceux qui ont une double activité : artisans, commerçants et salariés en station pendant la saison hivernale. Cette pluriactivité « sédentaire » est une réalité.

Elle permet à la fois de lutter contre la désertification de nos villages de montagne et d'assurer un travail et un revenu à ceux qui souhaitent vivre et travailler au pays.

Or, la situation de ces pluriactifs n'est pas reconnue en tant que telle dans les régimes sociaux. Cela aboutit à des situations inextricables. Ils se retrouvent parfois privés de protection sociale, en raison des seuils d'assujettissement ou des conditions d'ouverture des droits. On leur impose quelquefois aussi des cotisations minimales qui ne sont pas proportionnelles à leur revenu. Ainsi, une infirmière travaillant dans un village coupé par les avalanches pendant trois mois de l'année doit payer 12 000 francs de cotisation de base pour 600 francs d'honoraires.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Eh oui !

M. Michel Meylan.

Dans ces conditions, ne pourrait-on pas envisager la création d'un régime spécifique de protection sociale ou favoriser le développement de caissespivot, ce qui permettrait également de réduire la multiplicité des interlocuteurs, source de complexité ? Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures concrètes envisagez-vous de mettre en oeuvre pour assurer le maintien de cette forme de pluri-activité particulièrement nécessaire au développement économique de nos régions de tourisme de montagne ? Vous avez déjà réglé de nombreux problèmes. Je vous serai reconnaissant de résoudre aussi celui-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le député, la situation des pluri-actifs a retenu toute mon attention, et ce depuis longtemps. Les travaux menés par M. Gaymard sur la pluri-activité ont effectivement permis d'identifier cette catégorie d'actifs méconnus. D'ailleurs, les réponses aux questions posées par la pluri-activité sont aujourd'hui un axe de travail de la DATAR ou du ministère de l'emploi et de la solidarité. Ce dossier avance donc.

J'ai souhaité, pour ma part, dans la suite des travaux déjà engagés, avoir une vision exhaustive des salariés saisonniers du tourisme et des problèmes qu'ils rencontrent.

C'est d'ailleurs le sens du rapport de M. Anicet Le Pors.

Vous le savez, il a donné lieu à des mesures que j'ai présentées en conseil des ministres. Celles-ci s'articulent autour des questions du logement et des droits sociaux des salariés saisonniers.

Vous soulignez également, à juste titre, l'avancée qu'a constituée l'affiliation à un seul régime des agriculteurs pluriactifs dans la loi d'orientation agricole. Les pluriactifs non salariés non agricoles ne bénéficient pas, il est vrai, d'un seul régime d'affiliation. Toutefois, en vertu du code de la sécurité sociale, ils peuvent bénéficier des prestations au titre du régime d'assurance maladie de leur activité salariée. Cette disposition en vigueur permet à des pluriactifs de ne pas se retrouver sans couverture sociale.

En outre, la situation que vous me décrivez, à savoir l'absence de protection sociale, a aujourd'hui trouvé réponse avec notamment la mise en place de la couverture maladie universelle.

La multiplication des caisses-pivots, avec toutes les difficultés techniques qu'elles recouvrent, n'a pas donné les résultats escomptés. La solution actuellement retenue est donc, me semble-t-il, la plus efficace.

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Madame la secrétaire d'Etat, le secteur du tourisme, et tout particulièrement l'hôtellerie de p lein air, a beaucoup souffert de l'ouragan du 27 décembre 1999 et de ses conséquences. Vous aviez pu vous en rendre compte personnellement lors de votre visite au début de l'été dernier en Charente-Maritime où vous aviez signé un engagement de l'Etat pour l'aide à la reconstruction des carrelets. Je me permets au passage d'espérer que cet engagement sera honoré.

Pour l'heure, je veux vous parler plus particulièrement de l'hôtellerie de plein air. La solidarité nationale s'est exercée de façon importante, je le reconnais. Mais force est de constater que près d'un an après ce sinistre nombre de professionnels de l'hôtellerie de plein air n'ont toujours pas reçu les subventions exceptionnelles attendues de votre secrétariat d'Etat. De plus, le plafond de 50 000 francs fixé pour le volet environnement semble inadapté. Il est perçu sur le terrain comme une manière habile pour le Gouvernement de limiter son engagement envers les professionnels tout en annonçant une action de solidarité. C'est pourquoi je vous demande si vous avez l'intention de relever ce plafond.

De surcroît, l'aide aux hébergements, si elle est bien adaptée dans le cadre d'une destruction totale, ne prend pas en compte les situations beaucoup plus fréquentes de destruction partielle et de sauvetage d'hébergements fortement endommagés qui n'ont pas été remplacés, faute de moyens financiers nécessaires. Envisagez-vous de contribuer à la prise en charge des frais de réparation ? J'ajoute que la situation des trésoreries de ces entreprises est souvent très mauvaise. Or la limitation à une v aleur de 10 000 francs par hébergement et à 20 000 francs pour l'environnement des prêts à taux zéro de la Banque de développement des petites et m oyennes entreprises est tellement faible et pré-s ente une telle complexité qu'aucune entre prise n'y fait appel. Il serait donc souhaitable de supprimer ces plafonds. Avez-vous l'intention de le faire ? Par ailleurs, l'impact négatif du naufrage du pétrolier Erika sur l'image de la côte atlantique dans son ensemble, et même pour les littoraux non touchés par la marée noire, comme la Charente-Maritime, a entraîné un recul de la fréquentation de l'ordre de 10 %, dû notamment à la très critiquable communication du groupe Total et aussi à certaines maladresses du ministère de la santé - vous voyez à quoi je fais allusion. Cela représente pour la seule filière de l'hôtellerie de plein air de mon département une nouvelle perte de 50 millions de francs. Les professionnels attendent donc un budget de communication conséquent permettant la reconquête de cette image.

Enfin, plusieurs administrations de l'Etat semblent faire de l'obstruction à l'essor de la filière de l'hôtellerie de plein air, notamment en limitant les surfaces dispo-


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nibles pour cette activité, ainsi que pour l'installation des équipements annexes des établissements. Il conviendrait donc que vous interveniez pour que ces différentes administrations d'Etat aient un comportement plus positif à l'égard de l'hôtellerie de plein air.

De nombreux professionnels attendent également que vous veilliez tout particulièrement à ce que la rédaction du décret prévu par l'article L.

443-1 du code de l'urbanisme en cours de modification ne porte pas atteinte au libre accès des hôtels de plein air par les touristes qui ne possèdent pas de caravane.

D'une manière plus générale, les professionnels souhaitent être associés à l'élaboration des règles d'urbanisme concernant leur filière professionnelle à travers les documents d'aménagement du territoire que sont les schémas directeurs et les plans d'occupation des sols.

Voilà pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, je vous demande de nous préciser les mesures que vous entendez prendre afin d'assurer la pérennité, et si possible le développement, de l'hôtellerie de plein air. Quelle campagne de communication envisagez-vous de mettre en oeuvre pour revitaliser cette activité, notamment par le biais de Maison de la France, et pour reconquérir la clientèle étrangère, particulièrement allemande, qui nous a fait tellement défaut durant la dernière saison estivale ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Vous avez souligné, monsieur le député, les conséquences économiques directes que les tempêtes de fin 1999 ont fait subir aux professionnels du tourisme de votre département. Vous le savez, je partage vos inquiétudes sur ce sujet. C'est pour répondre à ces difficultés rencontrées par les professionnels et les collectivités locales que le Premier ministre a mis en oeuvre, à ma demande, dans le cadre des différents CIADT du début de cette année, une batterie de mesures d'accompagnement.

Permettez-moi d'en rappeler la portée et la nature : 31 millions de francs de crédits supplémentaires sont consacrés à la restauration de l'image touristique du littoral ; 2,5 millions de francs sont destinés au renforcement des moyens d'observation économique dans les régions et départements touchés ; 70 millions de francs permettront de porter à 70 % la garantie de l'Etat aux emprunts contractés par les PME auprès des banques pour pallier leurs difficultés de trésorerie. Les PME du tourisme, du commerce et de l'artisanat ont accès à des prêts au taux de 1,5 % pour reconstituer leur trésorerie et rééchelonner leurs créances ; 117 millions de francs seront consacrés sur trois ans à la requalification des équipements et de l'offre touristique des régions concernées sous forme d'avenants aux contrats de plan ; Enfin, 50 millions de francs de prêts sans intérêts sont prévus pour l'hôtellerie de plein air.

S'agissant des crédits budgétaires, 99,5 millions de francs sont d'ores et déjà délégués dans les préfectures et 84 millions de francs ont fait l'objet d'engagement c ontractuel. La région Poitou-Charentes, dont votre département fait partie, a reçu 20,8 millions de francs.

Vous noterez la part prépondérante de ces crédits sur l'enveloppe totale.

Ces éléments devraient vous rassurer. Ils montrent que les professionnels ont reçu ou vont recevoir, au rythme de leurs demandes, les subventions auxquelles ils peuvent prétendre. C'est ainsi que 150 demandes sont en cours d'instruction ; 58 d'entre elles, dont le dossier était complet, ont déjà fait l'objet d'un arrêté d'affectation et sont en cours de paiement.

Par ailleurs, vous m'interpellez sur le plafonnement du volet environnemental de ces aides. J'ai le plaisir de vous informer qu'un projet de circulaire portant ce plafond à 200 000 francs a été signé par mes services le 30 octobre dernier et est en cours de signature au ministère des finances.

Pour ce qui concerne la rédaction de l'article L.

443-1 du code de l'urbanisme, l'article 91 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains dans sa rédaction finale amendée sur proposition de mes services, ne porte dorénavant aucune atteinte aux hébergements traditionnels.

Enfin, vous me faites part d'obstructions des administrations au développement de l'hôtellerie de plein air dans votre région. Je souhaite vous rassurer sur ce point : il n'en est rien. Bien au contraire, j'ai souhaité mettre en place au plan national un programme de modernisation de la filière appelé « qualité camping » pour lequel la région Poitou-Charentes a été désignée première région pilote.

Je conclurai mon propos en vous affirmant qu'une deuxième campagne de promotion de l'image de la France et de son littoral atlantique est d'ores et déjà en cours d'élaboration et que les budgets nécessaires y seront consacrés, ainsi que je l'ai déjà indiqué.

M. Bernard Charles et M. Jean-Pierre Dufau.

Très bien !

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits du tourisme seront appelés à la suite de l'examen des crédits du logement.

RECHERCHE

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la recherche.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la recherche, mes chers collègues, le Comité national d'évaluation de la recherche, dans un rapport d'activité remis au Président de la République en avril dernier, soulignait que, en 1997, la DIRD, la dépense intérieure de recherche et développement, correspondant aux travaux de recherche et de développement exécutés sur le territoire national, d'un montant de 181,9 milliards de francs, connaissait une baisse en volume par rapport à l'année précédente de 1,4 % et qu'en l'espace de six ans, la part de cette DIRD dans le produit intérieur brut avait enregistré une importante variation en volume, passant de 2,45 % en 1993 à 2,17 % en 1999.

La France est ainsi à la cinquième place des pays de l'OCDE, derrière la Suède, le Japon, les Etats-Unis et l'Allemagne, voire à la sixième place si l'on évoque la Finlande. Le constat est le même si l'on prend en compte la part des chercheurs dans la population active. Selon cet i ndicateur, la France, avec six chercheurs pour 1 000 actifs, se classe derrière le Japon et les Etats-Unis.

Si elle figure légèrement devant l'Allemagne, elle est


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cependant dépassée par plusieurs pays moins peuplés comme la Norvège, la Suède et la Finlande qui comptent environ huit chercheurs pour 1 000 actifs.

Le sous-investissement, tant public que privé, en matière de recherche constitue, pour la France, un incontestable handicap sur le plan mondial au moment où l'on observe que la recherche, quelle que soit sa spécialité, occupe une place croissance dans les besoins culturels, sociaux et économiques de notre pays.

Le comité national d'évaluation évoquait, se fondant sur ces éléments statistiques, l'inquiétude exprimée par certains chercheurs déclarant que la réduction de l'effort national de recherche et développement atteignait un seuil critique pouvant conduire la France à une récession scientifique dans un avenir proche. S'agissant du budget civil de recherche et de développement technologique, le BCRD, pour l'exercice 2000 la même instance notait la détérioration incontestable des financements budgétaires.

C'est pourquoi, l'an dernier, je préconisais « un nouvel élan afin de garantir un effort national suffisant en faveur de la recherche et surtout assurer la pérennité de cet effort ». C'est un double plan de rattrapage dont je notais la nécessité, en matière d'emplois scientifiques d'une part, de moyens et de cohérence des choix d'autre part. Pour que la source des découvertes scientifiques ne se tarisse pas, il faut, en effet, encourager les avancées dans le domaine de la recherche fondamentale et soutenir simultanément leurs applications et leurs possibilités de développement dans le champ économique et social. Cet effort doit être rendu possible par un financement plus conséquent sur tous les fronts de la recherche et pas seulement dans quelques secteurs privilégiés comme la biologie génomique, ou les sciences et technologies de l'information et de la communication, au détriment des autres disciplines.

Je soulignais, dans le même temps, l'urgence d'ouvrir un véritable dialogue avec la communauté scientifique et les grands organismes de recherche, et le respect de leur nécessaire autonomie, les décisions devant être le produit d'un processus public et transparent reposant sur des évaluations et une instruction des dossiers par de larges groupes d'experts scientifiques, le Parlement devant, pour sa part, se prononcer sur les grandes orientations de la politique conduite par le Gouvernement.

Faute de telles orientations, je préconisais, tant en commission qu'en séance publique, le rejet des crédits de la recherche et donc des décisions auxquels ils correspondaient.

Cette année, après la décision positive que vous avez prise de réaliser le synchrotron de la troisième génération SOLEIL en Ile-de-France, il faut prendre acte de ce qu'il y a de nouveau dans vos orientations, monsieur le m inistre. Vous considérez la recherche comme le

« moteur principal de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi ». Vous souhaitez que ce secteur bénéficie d'un effort accru avec la mise en place d'une véritable politique de l'emploi scientifique, ouvrant des perspectives pour les jeunes chercheurs, et le renforcement des moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires.

Cependant, vous maintenez que la dynamisation doit être plus soutenue dans les disciplines prioritaires : certains secteurs des sciences du vivant, en particulier le génome, les sciences et technologies de l'information et de la communication - ces orientations avaient déjà été prises - l'énergie et l'environnement, la recherche aéronautique avec, notamment, le programme du nouvel Airbus A3XX qui, à lui seul d'ailleurs, peut expliquer l'augm entation importante du budget consacré à la construction aéronautique.

Ces orientations se traduisent sur le plan budgétaire par une progression sensible de 2,2 % du BCRD. Cette progression est à rapprocher de celle de l'année 2000, qui n'était que de 1,3 %. Les autorisations de programme du BCRD affichent une augmentation de 6,4 %, contre une progression moyenne de 1,5 % depuis 1997. J'insiste sur le fait que seule une progression du budget dans les prochaines années en dotations ordinaires et en crédits de paiement permettra de donner du sens à cette augmentation en 2001.

Le 18 octobre dernier, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, le CSRT, estimait que le BCRD 2001 constituait « un signal positif ». « Une augmentation modeste mais réelle qui se traduit notamment par un meilleur soutien aux laboratoires, des décisions remarquées en matière d'investissement et de création nettes d'emplois » : telles sont les conclusions du CSRT.

En matière d'emplois scientifiques, premier axe des orientations ministérielles, une étude, effectuée en avril 1999 à la demande du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie par l'Observatoire des sciences et des techniques, et portant sur les effectifs d'enseignants-chercheurs et de chercheurs recensés au 31 décembre 1996 et sur l'évolution de leur situation démographique, mettait l'accent sur l'enjeu fondamental d u renouvellement, dans la mesure où 25 % des 60 000 chercheurs en activité ne le seront plus en 2005.

La pyramide des âges de la communauté scientifique est caractérisée par un vieillissement conduisant à un mouvement de départ en retraite accéléré de 2005 à 2015.

Si l'on prend le seul exemple du CNRS, ce sont 60 % des personnels recensés en 1998 qui atteindront la limite d'âge dans les vingt prochaines années. S'appuyant sur ces c onclusions, le Comité national d'évaluation de la recherche soulignait la nécessité d'une politique prévisionnelle de l'emploi scientifique. Comme je l'ai rappelé à plusieurs reprises, notamment l'an dernier, je partage le souhait, exprimé par nos collègues Cohen et Le Déaut, ici présents, dans leur rapport de mission parlementaire, d'adopter une loi de programmation sur l'emploi scientifique et en faveur du recrutement précoce de jeunes chercheurs.

Figure au budget la création de 305 emplois, dont 265 pour les EPST, les établissements publics à caractère scientifique et technologique. Sur ces 265 créations de postes, 65 iront au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, qui représente, il faut le souligner, trois quarts des effectifs de la communauté scientifique, 74 à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, et 116 à l'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique. Ces chiffres sont à comparer à ceux de l'an 2000 : on ne comptait que 18 créations d'emplois. Ils correspondent aux choix antérieurs, que vous confirmez, sur le génome et les sciences et technologies de l'information.

Il faut poursuivre cette politique sur tous les fronts de la recherche. Tel est le sens d'une pétition qui circule actuellement au sein de la communauté scientifique et qui préconise l'élaboration de ce plan pluriannuel pour l'emploi scientifique qu'il me paraît essentiel de mettre en oeuvre pour, comme le demandent les pétitionnaires,

« sauvegarder le dynamisme de notre recherche, garant de notre place dans la compétition économique de demain ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Je souhaiterais souligner que, si les organismes de recherche bénéficient de mesures plus favorables, les perspectives pour l'emploi scientifique en France en 2001, notamment pour les jeunes docteurs, sont cependant moins bonnes que l'an dernier. En 2000 figurait, en effet, au budget de l'enseignement supérieur la création de 796 postes de maître de conférences au sein des universités. Cette année, ces créations ne sont que de 300. On a séparé les ministères mais il y a là comme une mauvaise application du principe des vases communicants.

Je précise également que le CSRT a tenu à alerter le Gouvernement et la représentation nationale sur la nécessité de « traiter » le désintérêt des jeunes pour les études scientifiques. Sans redressement rapide, note le CSRT, ce phénomène affaiblira à terme la place économique, scientifique et culturelle de la France dans le monde. A cet égard, savez-vous, monsieur le ministre, que le montant des bourses des thésards n'a pas augmenté depuis 1991 ? Certes, on recense 4 000 thésards supplémentaires. Mais leur allocation est de 7 700 francs, à peine plus que le SMIC ou la rémunération d'un emploi-jeune. A bac + 5 et dans un environnement international très concurrentiel ! S'agissant du renforcement des moyens des laboratoires, deuxième axe des orientations ministérielles, les autorisations de programme des organismes de recherche progressent en moyenne de 2,8 %, notamment celles des EPST dont la progression atteint 10 % en 2001, contre 8,5 % pour l'ensemble de la période 1997-2000. Cette augmentation permet de renforcer le soutien de base des laboratoires et d'accroître les moyens d'investissement des organismes. Quant aux autorisation de programme de la recherche universitaire, elles affichent une même progression de 10 %. Il faut cependant rappeler, comme le notent les organisations syndicales représentatives, que les augmentations d'autorisations de programme sont obtenues pour certains organismes par la transformation d'une fraction des dotations ordinaires compte tenu d'une mesure conjoncturelle liée à la baisse de la TVA.

S'agissant du renforcement des moyens attribués aux disciplines prioritaires, troisième axe des orientations ministérielles, sur les 265 créations d'emplois prévues dans les EPST, comme je l'ai déjà dit, 74 iront à l'INSERM, 116 à l'INRIA auxquels s'ajoutent 80 emplois en contrat à durée déterminée, cette inscription au budget de l'Etat de postes de non-titulaires constituant une première. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette mesure qui suscite des réactions peu favorables au sein des organisations représentatives de la communauté scientifique réunies en intersyndicale, et que je considère moi-même comme dangereuse.

Quant aux 70 emplois créés au CNRS, dont cinq à durée déterminée, plusieurs seront affectés au département qui vient d'être ouvert dans la perspective du passage à la société de l'information et qui sera consacré aux sciences et technologies de l'information et de la communication. Le comité interministériel de la recherche scientifique et technologique a noté, dans sa réunion du 1er juin 1999, qu'il convenait, dans le domaine de l'énergie nucléaire, de « poursuivre l'effort de recherche sur l'aval du cycle, le traitement des déchets nucléaires, la sûreté nucléaire et la radioprotection », ainsi que de

« relancer les recherches à plus long terme sur les réacteurs du futur ».

Dans un contexte énergétique marqué par la dérégulation du marché européen de l'électricité, à l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis et au Japon, par des turbulences récentes sur le marché du brut mais aussi par la montée des exigences sociétales en matière d'environnement, il faut rappeler que le coût du kilowatt-heure nucléaire est très compétitif et que l'électronucléaire contribue efficacement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre puisqu'il n'en génère pas. Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les orientations que vous comptez donner à la recherche en matière de développement électronucléaire durable, recherche conduite notamment par le Commissariat à l'énergie atomique. Au moment où les Etats-Unis semblent relancer ce secteur, il est singulier d'apprendre qu'EDF s'adosse à la Chine pour maintenir son expertise.

L'an dernier, j'ai souligné le problème de l'attribution et de l'évaluation des moyens du Fonds de la recherche et de la technologie, le FRT, et du Fonds national de la science, le FNS. La communauté scientifique déplore, en effet, leur manque de transparence et la volonté ministérielle de pilotage de la recherche qui a présidée leur création et à leur développement. De surcroît, leur financement se fait au détriment du front commun de la recherche.

En 2001, les crédits du FNS passent de 700 à 885 millions de francs, soit une augmentation de 26 % destinée à financer les recherches dans les sciences du vivant, les sciences de l'information et de la communication. Quant aux crédits FRT, ils augmentent de plus de 10,5 %. Il y a donc une forme d'inertie, eu égard aux orientations de l'année dernière. Je souhaiterais connaître vos intentions, monsieur le ministre, quant au devenir de ces deux fonds et les dispositions que vous comptez prendre afin d'en assurer la transparence et d'en définir le mode d'évaluation.

Comme vous le savez, j'ai été chargé avec le sénateur René Trégouët, au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, d'une mission sur les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron et le rôle des TGE, les Très grands équipements, dans la recherche publique et privée en France et en Europe. La première partie de ce travail a été publiée, l'Office ayant conclu, comme vous le savez, à la nécessité de disposer d'un synchrotron national.

Je soulignais, tout à l'heure, comme un fait positif, et tout le monde s'en est félicité, la décision de réaliser le synchrotron SOLEIL en France et même en Ile-deFrance. Depuis le printemps dernier, le groupe de travail, dont le nombre de membres scientifiques, choisis au sein de la recherche publique et industrielle, a été porté à seize, poursuit sa réflexion sur la politique des TGE. En décembre prochain, lorsque nous rendrons nos conclusions, ce sont environ 200 experts qui auront été rencontrés et auditionnés. Là peut-être plus qu'ailleurs, persp ectives nationales et prospective de coopération internationale, notamment européenne, sont en jeu.

Lors de la présentation du projet de budget pour 2001, vous avez affirmé, monsieur le ministre : « Il appartient plus que jamais à la recherche de préfacer et de préparer l'avenir ». Et vous ajoutiez : « Aujourd'hui, notre indépendance et notre place dans le monde se défendent beaucoup plus dans les laboratoires et dans les centres de recherche que sur les champs de bataille ou dans les conférences diplomatiques. »

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

« Il s'agit d'inscrire notre pays dans la modernité. De le tourner résolument vers le futur et vers le progrès. Il s'agit d'ouvrir un nouvel horizon à la recherche, qui doit être une grande ambition collective. »

Si je partage votre approche de la politique de la recherche, je souhaiterais cependant que soit clairement affirmée et traduite dans les faits l'ambition de faire de la recherche une grande priorité nationale. Le budget qui nous est présenté, s'il marque une volonté de dialogue renouvelé avec la communauté scientifique, n'est toutefois pas en mesure de combler tous les retards accumulés depuis 1993 ni de lever toutes les interrogations exprimées par les chercheurs.

En conclusion, le projet de budget pour 2001 traduit une inflexion par rapport à la politique menée ces dernières années. Il constitue une transition positive devant conduire à faire de la recherche une grande priorité nationale dès 2002. Tel est le sens de l'avis favorable que j'ai donné en commission sur le vote des crédits de la recherche inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001, et que je renouvelle, bien évidemment, ce soir devant notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Très bien !

M. le président.

Mes chers collègues, nous allons essayer d'éviter la séance de nuit.

M. Bernard Charles.

Très bien !

M. le président.

Je demande donc aux orateurs de bien respecter leurs temps de parole afin que nous puissions terminer vers vingt heures quinze, vingt heures trente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Pierre Foucher rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le ministre, une fois de plus, présentant un avis sur le budget de la recherche au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je suis obligé de faire le constat malheureux que les crédits proposés ne permettent pas de relancer l'effort national de recherche que nous attendons. Un effort a pourtant été accompli cette année dans la grande disponibilité que j'ai rencontrée tant auprès de vous qu'auprès de vos services pour assurer un contact et un suivi fructueux sur le plan aussi bien des questionnaires que des informations fournies et des auditions organisées.

Cependant, cette attitude positive ne change rien au fait que les crédits de 55 865 millions de francs pour le BCRD, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à l'année dernière, ne permettront pas de donner l'indispensable sursaut dont a besoin la recherche française qui a accumulé, depuis plusieurs années, des retards considérables. En réalité, il s'agit plus d'un budget de continuité puisque la faible progression constatée correspond à peu de choses près à celle de la hausse des prix et que, par conséquent, en francs constants, nous sommes au même niveau qu'en 1999.

Certes, on peut constater une hausse appréciable de 6,4 % des autorisations de programmes - 24,4 milliards de francs - mais nous connaissons tous le doute qu'inspirent les engagements dont rien ne permet d'être certain qu'ils seront effectivement tenus. Cela est d'autant plus vrai que la structure même du budget est préoccupante pour les activités de recherche. En effet, les deux tiers des sommes sont consacrés aux dépenses de fonctionnement courant, en particulier aux dépenses de personnel, les travaux de recherche eux-mêmes devant se partager le maigre tiers restant.

Cette situation est d'ailleurs un problème très général que j'aborderai en examinant la question des dépenses de personnel, dont j'ai déjà eu, les années passées, l'occasion de dénoncer le poids. Certains organismes, comme le CNRS par exemple, y consacrent plus de 70 % de leur budget, et encore on peut considérer qu'un effort a été fait ! Or je crois que le secteur de la recherche possède, la plupart du temps, suffisamment de personnels compétents et spécialisés pour fonctionner, et que c'est vers un redéploiement qu'il faudrait se diriger avant de créer de nouveaux emplois.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

Le personnel, c'est la matière grise.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis.

S'il est évident que, dans certains cas, des postes peuvent utilement être créés, il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de tâches limitées dans le temps. Il est alors préférable d'utiliser ou le redéploiement ou la base contractuelle, car chacun sait que les nouveaux emplois débouchent très rapidement sur des postes de titulaires qu'il n'est plus possible de supprimer et qu'il est difficile de déplacer.

Par ce budget, l'INRIA sera autorisé à engager quatrevingts personnes contractuelles dans le cadre de son programme quadriennal ; c'est un exemple de gestion des personnels bien pensée à condition qu'elle perdure ! Je tiens par ailleurs à préciser qu'à mon sens - tel est aussi l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - l'action de l'Etat en direction de la recherche ne doit pas uniquement se faire par un abondement suffisant des crédits. Il faut aussi une incitation à l'efficacité, une meilleure répartition des dépenses et une plus grande cohérence dans les actions. Si nous ne voulons pas voir disparaître la recherche française, nous devons rattraper nos partenaires et nos concurrents étrangers dont certains sont très actifs. L'écart se creusera encore plus rapidement dans les prochaines années si nous ne réagissons pas très vite. Je le répète, et je souhaite bénéficier de votre oreille attentive, monsieur le ministre : c'est en relançant maintenant et en propulsant en avant notre recherche que la France existera dans ce domaine. Sinon c'est la disparition assurée.

Aujourd'hui, les nombreuses rigidités que l'on constate ne vont pas dans ce sens. Elles sont, par exemple, d'ordre réglementaire ou comptable, et je ne citerai, là encore, que le seul exemple du CNRS qui emploie une quarantaine de comptables et qui est soumis, pour les marchés publics, à des procédures d'une lourdeur extrême malgré l'avancée qu'a constituée le décret de 1999.

Les procédures actuelles freinent la recherche qui exige des évolutions et des décisions rapides, des partenariats multiples et souples, des besoins originaux et non des cadres rigides. Les solutions se trouvent certainement dans l'assouplissement des règles applicables aux EPST, notamment en ce qui concerne la fongibilité de leurs dépenses. Sans doute la prochaine réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances serait-elle l'occasion d'y revenir ; on pourrait aussi laisser à ces organismes la gestion de l'enveloppe financière de leurs effectifs, afin de répartir les charges de personnel plus intelligemment et plus rationnellement.

En ce qui concerne l'exploitation des ressources autres que les crédits budgétaires, j'ai déjà, en tant que rapporteur pour avis en 1999, exprimé ma préoccupation sur la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

baisse effective des partenaires étrangers depuis 1997, b aisse que la coopération communautaire ne peut compenser. C'est pourquoi il faut encourager la participation du secteur privé plus qu'elle ne l'est. A cet égard, la reconduction du crédit impôt-recherche est une bonne chose ainsi que la mise en oeuvre de la loi sur l'innovation et la recherche qui permet aux chercheurs publics de valoriser leurs résultats, mais est-ce suffisant ? Je parlais tout à l'heure de cohérence, car elle est indispensable si nous voulons avoir une recherche efficace. Or être efficace dans son domaine n'est pas forcément être efficient pour l'ensemble de la recherche. En la matière, il faut mener une réflexion car l'efficience doit venir d'une coordination entre les différents organismes de recherche.

La concurrence entre laboratoires français n'est plus un stimulant, car, aujourd'hui, la recherche est, elle aussi, mondialisée. Il faut plus miser sur la complémentarité ou sur l'échange de chercheurs que sur une atomisation des pôles de recherche.

Lorsque je parlais de souplesse dans la gestion des organismes de recherche, c'était aussi à leur rôle dans ce travail d'arbitrage et de coordination que je faisais référence. En effet, ils doivent être aidés dans cette mission par le Fonds de la recherche et de la technologie ainsi que par le Fonds national de la science. Ces fonds sont amenés à accroître leur poids pour être efficaces. Ainsi, je relève la montée en charge satisfaisante du FNS dont les crédits s'élèvent, pour le chapitre relatif aux interventions destinées à soutenir les moyens d'incitation à la recherche fondamentale, à 885 millions de francs.

Le ministère de la recherche doit jouer son rôle, mais il ne saurait être limité à celui d'un simple distributeur de crédits. C'est lui qui doit définir les priorités, coordonner les recherches, donner les moyens, favoriser les partenariats, en un mot, donner un véritable envol à la recherche française. Bien entendu, tout cela entraîne une évaluation et votre rapporteur regrette qu'elle ne soit pas appréhendée à sa juste valeur, car le nombre des évaluations des équipes de recherche menées depuis 1997 a fortement décru. Si l'on veut plus d'efficacité, il est indispensable de consentir un effort important dans ce domaine.

Un autre effort doit également être accompli en faveur de l'accueil des chercheurs étrangers en France : les bourses actuellement proposées sont en nombre insuffisant, d'un niveau modeste, et les conditions d'hébergement, souvent précaires, sont un obstacle à ces échanges pourtant vitaux pour le rayonnement de la France.

Aujourd'hui, les grandes priorités, si l'on peut utiliser ce terme au sein d'un budget relativement maigre, ne peuvent que recueillir notre approbation.

Le renforcement des moyens des laboratoires publics et certaines actions comme celles en faveur des sciences du vivant et des sciences et technologies de l'information et de la communication, reflètent des objectifs louables auxquels nous adhérons. Les sciences du vivant, groupant la recherche médicale et les sciences de la vie, représentent un quart des crédits du BCRD, soit 13,8 milliards de francs, et bénéficient d'une augmentation de 5,3 %. Les moyens alloués au centre national de séquençage et au centre de génotypage sont en bonne voie. Les sciences et technologies de l'information et de la communication bénéficient, elles aussi, de crédits en hausse.

J'apporte néanmoins une légère correction à la hausse de tous ces crédits, car elle ne résulte pas toujours réellement de nouvelles dotations ; elle est souvent due à des redéploiements de crédits existants. Cela n'est en rien critiquable, car c'est une bonne chose. J'aurais simplement souhaité que vous nous indiquiez plus clairement, monsieur le ministre, quels sont les programmes ou actions touchés par ces redéploiements. Cela nous permettrait de mieux apprécier les actions prioritaires ou non choisies par le Gouvernement.

Connaissant bien le sujet du synchrotron, je tiens à vous faire part de ma satisfaction quant à la décision que vous avez prise d'implanter le synchrotron de troisième génération en France. La primauté donnée, dans cette affaire, à l'intérêt scientifique est à mettre à votre actif , monsieur le ministre, et je me permets de vous en féliciter d'autant plus vivement que cette décision était fort attendue. Elle fait preuve de confiance en l'avenir, et les chercheurs français sauront y voir, peut-être, les prémisses d'un symbole prometteur.

En conclusion, je ne peux que redire mon souhait que la recherche soit l'objet d'une véritable décision politique avec les choix majeurs que cela implique, dans les objectifs et dans les moyens de leur réalisation. Seule l'émergence d'une vaste politique de recherche peut conduire à la rupture attendue dans l'élaboration du budget, ce que, malheureusement, la reconduction présente ne peut augurer.

Monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donc examiné, pour émettre un avis, le budget de votre ministère. Le rapporteur pour avis a considéré que, même si le budget de la recherche pour 2001 ne marquait pas une véritable rupture, la politique de la recherche semblait néanmoins montrer des signes d'une réelle volonté d'agir. Aussi s'en est-il remis à la sagesse de la commission qui a émis un avis favorable avec l'espoir que soit engagée une réelle politique de recherche. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

M. Pierre Cohen, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous remercier pour les efforts consentis à l'occasion de votre premier budget. Ce dernier marque en effet une inflexion en rupture avec les années précédentes, particulièrement avec les années 1993 à 1997, période au cours de laquelle nous nous étions interrogés sur la place et le devenir de la recherche dans notre pays. J'en profite pour vous féliciter, ainsi que votre équipe, pour l'étroite collaboration que vous avez su établir lors de la préparation de ce budget.

Néanmoins, des inquiétudes demeurent. En effet, après des années de rigueur budgétaire, le rattrapage ne se situe pas à la hauteur des enjeux. Dans la perspective des dix à quinze prochaines années, la situation de la recherche française, en particulier de la recherche publique, reste préoccupante.

La progression de 2,2 % des crédits du budget civil de recherche et développement, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, doit être atténuée par l'intégration des crédits de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN.

L es autorisations de programme du BCRD, qui démontrent la volonté d'engager des opérations d'investissement pour les prochaines années, connaissent une forte progression, de 6,4 %, ce qui représente un effort équivalent à celui accompli au cours des six dernières années cumulées.

S'il comporte quelques signes d'encouragement, ce budget soulève aussi des interrogations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

On relève certes la création de 305 emplois scientifiques dont 265 affectés aux EPST, comme l'a souligné M. Cuvilliez : 116 à l'INRIA, 74 à l'INSERM, 70 au CNRS affectés essentiellement à la mise en place d'un nouveau département demandé depuis longtemps, le département sciences et technologies de l'information et de la communication. Nous devons afficher notre satisfaction au regard de cette évolution qui tranche avec la politique de stagnation des emplois scientifiques menée au cours des dernières années, mais cela reste largement insuffisant à plusieurs égards.

D'abord, s'il fallait déterminer une priorité pour l'avenir de la recherche, il s'agirait avant tout de réussir la politique de l'emploi scientifique par le rajeunissement des personnels et en comblant le déficit que provoquera, au cours des prochaines années, le départ massif à la retraite de nombreux chercheurs et personnels de la recherche, et avec le souci d'un développement dans la qualité.

Pour cela il faut mettre en oeuvre un véritable plan pluriannuel de l'emploi scientifique qui réponde non seulement aux priorités affichées par le Gouvernement - sciences du vivant ou sciences de l'information et de la communication -, mais aussi à toutes les disciplines qui ont besoin de moyens pour maintenir nos pôles d'excellence et pour encourager de nouvelles émergences dans des domaines comme les sciences humaines, l'énergie, le transport, la ville et bien d'autres encore.

Ce plan pluriannuel devrait prévoir un effort sur une petite dizaine d'années, ensuite résorbé par les départs à l a retraite. Il pourrait être financé par une partie, assez négligeable au regard des sommes attendues, des rentrées des ventes des licences UMTS.

Une autre raison pour laquelle ces emplois sont insuffisants tient au déficit de l'offre en emplois publics en faveur des jeunes docteurs que nous formons chaque année. Nous avons noté, avec Jean-Yves Le Déaut, dans un rapport remis l'année dernière au Premier ministre, le véritable gâchis au regard des efforts financiers et de la matière grise fournie par et pour ces jeunes. Cette année, les informations qui nous ont été transmises par le ministère de l'éducation nationale démontrent que le nombre de créations de postes dans l'enseignement supérieur est en forte diminution. D'autres réponses sont donc nécessaires, en particulier l'embauche dans le secteur économique et plus précisément dans les PME-PMI.

Ce manque de perspectives pour notre jeunesse dans les métiers de la recherche, au niveau tant des débouchés que des ambitions, par manque de valorisation, risque d'amplifier le déficit d'engouement pour les carrières scientifiques. Cela est encore plus marqué en raison de la faiblesse des rémunérations des allocataires de recherche et de l'insuffisance des postes de moniteur qui constituent une grande partie des ressources des jeunes thésards.

Un deuxième sujet de satisfaction est l'effort de financement consenti auprès des laboratoires. C'est primordial, car un autre risque guette notre recherche : le seul recours à des contrats qui peuvent, par la nature de leurs financements, mener à la dispersion, voire à l'acceptation de contrats dits « alimentaires ». En redonnant des moyens aux laboratoires, on affiche la reconnaissance d'un travail dans la durée et avec plus de cohérence.

Là encore, l'effort a été ciblé vers des priorités à l'image des emplois scientifiques, mais nous devons formuler les mêmes remarques et inquiétudes. Il faut veiller à ne pas créer des déséquilibres au point de constater, dans quelques années, des retards, voire des abandons, dans des disciplines fondamentales qui s'avéreront capitales pour notre survie, pour nos technologies et pour notre société.

Le troisième effort est constitué par l'abondement très significatif de deux fonds : le Fonds national de la science et le Fonds de la recherche technologique. Les augmentations sont, respectivement, de 26,5 % en autorisations de programme et de 27 % en crédits de paiement pour le premier, de 10,5 % en autorisations de programme et 7,5 % en crédits de paiement pour le second.

A ce propos, je renouvelle les interrogations de Daniel Chevalier, rapporteur pour avis de notre commission à l'occasion du budget 2000.

En ce qui concerne le FNS on enregistre, certes, des aides significatives sur les projets jugés prioritaires par le Gouvernement, en particulier le génome. Cependant, deux questions demeurent. D'abord, quel est l'intérêt de ce fonds si les financements deviennent récurrents ? Ensuite, quelle sera l'évaluation des projets et, de manière plus générale, une meilleure lisibilité de la politique menée dans le cadre de ce fonds ne permettrait-elle pas une adhésion plus forte de la communauté scientifique ? Le FRT me semble nettement plus légitime dans sa définition et dans ses missions, mais il souffre du manque de mise en oeuvre opérationnelle sur le terrain avec une sous-consommation significative des crédits.

On peut mettre en avant le soutien à la mise en place de réseaux de recherche et d'innovation technologique afin de développer des coopérations entre laboratoires publics et privés sur de nombreux thèmes comme les télécommunications, les nanotechnologies, les génoplantes, les technologies logiciels et bien d'autres ; des actions régionales de transfert de technologie pour mettre en oeuvre la loi sur l'innovation avec, plus particulièrement, les incubateurs et les fonds d'amorçage ; les créations de centres nationaux de recherche et de technologie, comme celui que vous avez annoncé récemment lors du SITEF à Toulouse, sur l'espace et l'aéronautique, et qui ont pour objectif de mobiliser les industriels sur des projets der echerche ; enfin, le concours national de création d'entreprises technologiques innovantes, initié par votre prédécesseur, qui connaît un grand succès et permet l'émergence de nombreux projets et de jeunes entrepreneurs.

Je me borne à mentionner, non par manque d'intérêt, mais parce que je sais que Pierre Ducout, président du groupe parlementaire sur l'espace, va intervenir plus longuement sur ce secteur, notre déception au regard du manque de visibilité de la politique spatiale.

La diminution du budget pour 2001 du CNES - près de 160 millions en crédits de paiement - se fait essentiellement sur des réserves de trésorerie de l'ESA. En raison de la baisse des autorisations de programme, aucun nouveau projet ne pourra être engagé, ce qui induit un manque de perspectives à moyen terme et affecte ce pôle de compétences, alors qu'il nous situe parmi les premiers au niveau mondial et qu'il participe fortement au développement des nouvelles stratégies de télécommunications, de sécurité et d'environnement. La mise en oeuvre rapide, et dès cette année, d'un plan pluriannuel avec un contrat d'objectifs serait le meilleur moyen de répondre à ces attentes.

V ous êtes, monsieur le ministre, pour quelques semaines encore, le président européen de la recherche et de la technologie. Je compte sur vous pour compléter les propositions de Philippe Busquin qui visent à créer un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

véritable espace européen de recherche par la constitution de réseaux entre les laboratoires et, surtout, par le développement des échanges et de la mobilité des chercheurs, particulièrement chez les jeunes.

Je vais conclure sur un point qui me tient particulièrement à coeur : le développement de la culture scientifique et technique.

Vous lui avez accordé une progression de 32 % qui traduit votre vif intérêt pour ce domaine. Toutefois, il faut bien le dire, cette progression ne suffira pas à insuffler les moyens nécessaires, compte tenu des enjeux.

La science est trop souvent considérée pour sa finalité professionnelle. Or les nombreux débats actuels - OGM, vache folle, énergie - montrent que la citoyenneté doit prendre le pas sur les lobbies d'intérêts financiers, voire scientifiques. Ce savoir citoyen doit être pris en charge comme un véritable service public par la formation initiale au même titre que l'instruction civique, mais aussi, sur l'ensemble du territoire, au même titre que la culture et le sport. Il en va aussi de la responsabilité des personnels de la recherche d'intégrer la culture scientifique et technique dans leurs missions.

En conclusion, monsieur le ministre, cette première étape est un bon début, mais nous nous devons d'être rapidement au rendez-vous sur toutes ces questions.

Comptez sur notre appui pour vous aider dans ce sens.

C'est pourquoi, au nom de la commission de la production et des échanges, je propose à l'Assemblée de voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

M. Bernard Charles, premier orateur inscrit.

M. Bernard Charles.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez aujourd'hui, en dépit des bruits alarmistes qui circulaient dans les laboratoires, représente une certaine embellie pour la recherche publique.

Il est construit autour de quatre priorités. D'abord, des mesures importantes sont prévues en faveur des personnels de recherche. Ainsi, 265 postes seront créés dans les organismes scientifiques, principalement dans les sciences de la vie et les technologies de l'information. Même si cet effort ne suffira pas à rattraper le retard pris par rapport aux Etats-Unis ou au Japon, il représente une inflexion positive par rapport aux années précédentes. Les trois autres priorités sont le renforcement très significatif des moyens des laboratoires publics de recherche, une croissance forte des moyens alloués aux thématiques prioritaires - j'y reviendrai - et une progression des crédits destinés à l'innovation et à la recherche industrielle.

S'agissant des priorités thématiques, j'approuve, pour ma part, ce que vous faites pour les techniques des sciences du vivant. En effet, un quart du budget, soit 13,8 milliards de francs, est consacré, en 2000, aux recherches sur les sciences. Le budget a donc augmenté de 5,3 % en 2000, pour atteindre 700 millions de francs.

Au sein de ces recherches, la recherche médicale est en augmentation de 8,8 % avec un budget de 4,8 milliards de francs. Je l'ai dit lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, nous devons faire un effort considérable, car l'absence de politique de recherche et de politique industrielle dans le domaine du médicament nous rend de plus en plus dépendants. Les grandes concentrations, caractéristiques de ce secteur, vont dans un avenir plus ou moins lointain, entraîner pour nous une dépendance pour toutes les grandes thérapeutiques de demain.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis.

Il a raison !

M. Bernard Charles.

Les technologies médicales n'accusent pas encore le retard que connaît le secteur du m édicament. Les technologies biomédicales pour le domaine du vivant exploitent les progrès récents et ce secteur est en pleine expansion, ce qui correspond à une demande forte de la société, mais aussi aux exigences de la santé publique et au développement industriel. La France a des capacités dans ce domaine. Il est bon que l'effort tout particulier que vous avez programmé pour créer dans les structures hospitalières les compléments technologiques aux CIC, centres d'investigations cliniques, porte ses fruits. Votre budget, à cet égard, est, selon nous, un bon budget. Il va dans le bon sens.

Vous avez également souhaité une gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique, c'est aussi une bonne chose. Bien entendu, vous faites renaître l'espoir chez les chercheurs. Il vous faudra le confirmer, et j'espère que dans cette assemblée nous serons nombreux à vous soutenir pour que vous puissiez gagner ce pari.

Pour terminer, je souhaite vous interroger sur deux points qui me semblent importants. Le premier, qui a été évoqué par Pierre Cohen, concerne l'état d'avancement de la loi sur l'innovation qui devait permettre aux chercheurs, par exemple, de créer leur entreprise sans perdre leur statut. Qu'en est-il de la parution des décrets et quels sont les effets tangibles de ces dispositions, notamment sur le nombre de créations d'entreprises ? En tant que président de la mission d'information sur la révision des lois bioéthiques, j'ai été frappé par le nombre de chercheurs français employés à l'étranger, dans le domaine biomédical en particulier. Certains sont des cadres de très haut niveau dans les entreprises américaines, alors qu'ils n'ont pas pu rester dans notre pays.

Je ne vous étonnerai pas en vous avouant que nous faisons pression, tant sur vous que sur les autres ministres concernés, pour faire avancer la révision des lois bioéthiques de 1994 qui a pris du retard, alors qu'elles ont des conséquences majeures sur la recherche biomédicale.

Je sais que vous y travaillez beaucoup et que de nombreuses réunions interministérielles ont eu lieu à ce sujet.

La mission d'information procède elle-même à de nombreuses auditions, elle se rendra également à l'étranger.

Nous sommes nombreux dans cette assemblée à souhaiter que le projet de loi nous soit soumis le plus tôt possible.

Cette révision nous permettra de revoir aussi certains aspects de la loi de 1988 sur la protection des personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale, car elle nous semble devoir être améliorée.

Monsieur le ministre, le groupe Radical, Citoyen et Vert votera le budget de la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec une progression de 2,2 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, de 6,4 % en autorisations de programme et 265 créations d'emplois, ce budget civil de recherche et développement est meilleur que celui de l'an dernier et même que ceux des cinq dernières années.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

C'est un désaveu pour ceux qui prédisaient une stagnation, voire une régression, de ce budget pour 2001, et une bonne nouvelle pour tous ceux qui se préoccupent de l'avenir de notre recherche.

Cette inflexion positive est toutefois sans commune mesure avec les besoins et les retards accumulés par notre pays entre 1993 et 1997 et elle ne place pas ce secteur au rang des priorités nationales à l'instar de l'éducation ou de l'environnement.

En effet, si je me réjouis, monsieur le ministre, du climat de confiance et de respect mutuel que vous avez su instaurer à votre arrivée au ministère dans vos relations avec la communauté scientifique et les élus, si je me félicite de votre décision de réaliser le projet de synchrotron SOLEIL, j'aurais souhaité un effort budgétaire plus ambitieux pour la recherche.

Je voudrais dire ici quelques mots sur le projet SOLEIL, pour lequel le groupe communiste s'est distingué par un combat sans concession contre l'abandon décrété par votre prédécesseur. Entre autres actions, nous sommes à l'origine de la saisine de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques au sein duquel mon ami Christian Cuvilliez a accompli un travail de grande valeur. C'est dire notre profonde satisfaction, monsieur le ministre, à l'annonce de votre décision de reprendre ce projet.

Cependant, le choix de la structure juridique du synchrotron, une société civile de statut privé, a de quoi surprendre. Je ne pense pas que ce choix soit le bon, je vous demande donc de revoir cette question et d'entamer sans plus tarder les discussions et réflexions nécessaires avec les salariés de Lure, afin de déterminer la nature de la structure la mieux adaptée pour gérer cet équipement.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

Bataille perdue d'avance !

M. Patrick Leroy.

Je profite de l'occasion pour faire une brève analyse de l'état de la recherche dans le Nord Pas-de-Calais. Vous avez annoncé qu'une compensation serait accordée à ma région, dont la candidature n'a pas été retenue pour l'implantation du projet SOLEIL, afin de promouvoir d'autres projets d'équipement et de recherche. Cette région n'a, en effet, bénéficié d'aucune implantation de grand équipement, et le rééquilibrage entre Paris et la province, dans le cadre de la d écentralisation, n'a pas eu de retombées dans le Nord Pas-de-Calais. Malgré un réseau élargi d'établissements et de laboratoires ouverts largement sur l'espace européen et eurorégional, cette situation conduit à un retard régional de la recherche tant publique que privée.

Monsieur le ministre, comment se traduiront en termes d'implantation d'équipements et de développement de la recherche, les mesures compensatoires que vous envisagez pour cette grande région ? Pour revenir à votre budget, je voudrais faire remarquer que l'augmentation des autorisations de programme du budget civil de recherche et développement est obtenue en partie grâce à la modération du montant des dépenses ordinaires, du fait de l'absence de revalorisation des salaires de la fonction publique et de la baisse de la TVA. Si les autorisations de programme sont en hausse de 6,4 %, donnant ainsi la tonalité de la politique ministérielle à moyen terme en matière de nouveaux projets, encore faut-il qu'elles soient couvertes, les années suivantes, par des crédits correspondants. C'est donc une affaire à suivre, qui fera l'objet, j'en suis convaincu, de toute votre attention, monsieur le ministre.

Notre retard se creuse vis-à-vis du Japon, des EtatsUnis et de certains pays européens en ce qui concerne l'investissement dans la recherche et le développement technologique rapporté au PIB, et le nombre des dépôts de brevets.

En effet, comme le signale le Comité national d'évaluation de la recherche - CNER - avec une dépense intérieure de recherche et développement correspondant à 2,17 % du produit intérieur brut, la France tombe à la sixième place derrière la Finlande, la Suède, le Japon, les USA et l'Allemagne. Il est particulièrement préoccupant que notre effort collectif de recherche et d'innovation diminue régulièrement depuis 1983.

Si cet écart devait s'agrandir, le déclin de la recherche et de la science dans notre pays serait inéluctable.

La relance que connaît actuellement notre économie pose la question d'une répartition plus équitable des fruits de la croissance dans de très nombreux secteurs d'activités, dont la recherche publique, investissement utile et durable. Ce secteur souffre d'un effort national insuffisant et d'une sous-estimation du coût à payer pour les compétences et les qualifications de ses personnels.

Notre système de recherche, pourtant admiré par de nombreux pays, est victime d'une centralisation des décisions, d'une certaine bureaucratie, d'une délégation insuffisante des responsabilités aux divers niveaux.

uvrons donc pour optimiser ses capacités de réaction, afin qu'elles soient plus rapides qu'aujourd'hui. Le Fonds de recherche technologique - FRT - et le Fonds national de la science - FNS -, par exemple, dont le fonctionnement opaque et le dirigisme étatique sont décriés par le milieu scientifique, et dont les dotations augmentent pourtant cette année fortement, devraient faire l'objet d'un dispositif d'évaluation. Les caractéristiques des missions de ces deux fonds de création récente, nous amènent aussi à poser la question du bien-fondé du financement d'actions pérennes.

Par ailleurs, nous réitérons notre critique, émise dans les précédents débats budgétaires et lors du projet de loi innovation, quant au mauvais fonctionnement du crédit impôt recherche qui, selon nous, manque de transparence et d'efficacité. Nous réclamons qu'on lui substitue une contribution annuelle mutualisant les efforts nationaux de recherche.

En seraient redevables les entreprises de plus de cinquante salariés ayant bénéficié du crédit impôt recherche au cours des trois dernières années et les entreprises dont l'activité est exclusivement consacrée à des transactions financières. La base de cette imposition serait de 0,2 % sur le montant de la valeur ajoutée hors salaires. Les entreprises redevables justifiant d'investissements au titre de la recherche, comme les dépenses de personnel, en seraient exonérées. Ce système fiscal aurait l'avantage d'être fiable, clair et incitatif en matière d'emplois scientifiques.

Le deuxième point que je veux aborder ici concerne l'emploi scientifique.

Un chercheur sur deux aura atteint l'âge de la retraite avant la fin de la prochaine décennie et, au CNRS, 58,4 % des personnels auront cet âge au cours des vingt années à venir. Dans certaines disciplines, comme les sciences sociales, la chimie, la physique, la médecine, la pénurie d'effectifs risque de devenir très préoccupante.

Créer 265 postes, c'est faire mieux que l'an dernier, mais c'est insuffisant pour rajeunir les équipes et assurer un recrutement à qualité constante des cadres scientifiques et techniques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

P our avoir une vision globale du dispositif de recherche, il est impératif de tenir compte du nombre de créations de postes de chercheurs et d'enseignants-chercheurs universitaires. En 2000, il était de 914. En 2001, il serait de 430, soit une diminution de près de 500.

En outre, tous les organismes de recherche ne vont pas profiter de manière égale de ces créations d'emplois.

L'INRIA est privilégiée avec 196 postes, dont 80 CDD, l'INSERM 74. Le CNRS bénéficie seulement de 70 postes, dont 5 CDD. De plus, ceux-ci seront affectés essentiellement à son nouveau département « sciences et technologies de l'information et de la communication » et à son département « sciences du vivant », confirmant par là les deux grandes priorités scientifiques ministérielles.

Mais qu'en est-il des autres organismes et disciplines ? En l'absence de gestion prévisionnelle, et les concours devenant annuels, le nombre de contrats précaires - CDD et autres - augmente. Nous sommes étonnés de constater dans le « bleu » une budgétarisation d'emplois précaires concernant les postes de l'INRA.

Quant aux ITA, les ingénieurs, techniciens et personnels administratifs, les effectifs actuels n'atteignent pas encore le niveau de 1995.

D'autre part, le nombre de postes proposés aux thésards et aux jeunes diplômés dans les organismes de recherche sera, l'an prochain, en régression du fait de la désaffection des étudiants pour la filière scientifique et du moindre recrutement d'enseignants-chercheurs. La rénovation des études scientifiques, une meilleure information et orientation des étudiants sont donc indispensables pour redonner à cette filière essentielle la place qui est la sienne.

Sans redressement rapide, ce phénomène affaiblira à terme la place économique, scientifique et culturelle de la France dans le monde.

Une politique de sensibilisation aux thèmes scientifiques devrait aussi être menée tout au long du cursus scolaire et auprès des citoyens. Les métiers de la recherche doivent devenir plus attractifs, c'est-à-dire mieux considérés et mieux rémunérés, avec des grilles salariales adaptées et une mobilité interne permettant la valorisation des carrières. La dévalorisation des emplois scientifiques et techniques est, en effet, une des causes de la fuite des cerveaux à l'étranger et pourrait être demain un frein au recrutement du personnel qualifié dans les EPST, qui auront à subir la rude concurrence du secteur privé.

Le rapport Cohen-Le Déaut et le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie ont préconisé un plan pluriannuel permettant d'anticiper et d'étaler les recrutements. Le volet emplois de ce budget est à considérer comme un premier pas vers une gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique, mais j'aimerais avoir des précisions et des propositions concrètes.

Un mot sur l'Europe pour terminer.

Lors du Conseil des ministres du 16 novembre, les ministres européens de la recherche devront se prononcer sur la participation européenne au projet international dénommé « Iter-feat » et proposer un site d'implantation.

Cette machine vise à produire une énergie nouvelle à partir de la fusion contrôlée, quasiment inépuisable, intrinsèquement sûre et de faible impact pour l'environnement.

Son coût modique - 3,5 à 4 milliards d'euros sur dix ans - sera à partager entre les partenaires du projet, c'està-dire l'Europe, la Russie et le Japon. Le site du CEA de Cadarache, dans le Sud-Est de la France, qui mène déjà des recherches sur la fusion contrôlée avec sa machine

« Tokamak tore supra » moins moderne et performante que l'Iter-feat, fait acte de candidature pour cette implantation.

La présidence de la Communauté européenne par la France nous semble tout indiquée pour soutenir la candidature du site de Cadarache, au nom de l'Europe, pour l'accueil de cette nouvelle machine.

M. le président.

Je vous demande de conclure, mon cher collègue !

M. Patrick Leroy.

Il serait également souhaitable que, de manière plus générale, la France expose ses orientations en matière de recherche européenne, de façon que l'Europe soit mieux armée face au dynamisme de certains pays.

Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? Pour conclure, je considère que ce budget marque une inflexion positive après les restrictions des années précédentes où il n'avait augmenté que de 1,3 % en 2000, 1,7 % en 1999 et 1,4 % en 1998, sans compter sa diminution de 1,4 % en 1997 sous le gouvernement de la droite.

Mais ceci ne doit pas nous faire oublier que le retard pris par notre pays dans ce secteur, par rapport à d'autres pays industriels, exigera un budget 2002 autrement plus ambitieux, faisant de la recherche et de ses applications une des priorités nationales.

Si vous poursuivez dans cette voie, monsieur le ministre, vous pourrez compter, comme à présent, sur le soutien des députés communistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Loos.

M. François Loos.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget 2001 connaît un léger progrès par rapport au précédent, tout le monde l'a déjà dit. Alors que le Parti socialiste avait affirmé, à plusieurs reprises, sa priorité pour la recherche, cela ne s'est guère manifesté au plan budgétaire pendant les premières années de ce gouvernement ! C'est aujourd'hui chose faite. Nous vous en félicitons, monsieur le ministre.

M. Christian Cuvilliez.

Il fallait s'arracher à l'inertie antérieure !

M. François Loos.

Puisque M. Cuvilliez a déjà parlé des retards, il est inutile que j'insiste ! Pour la première fois, c'est vrai, une augmentation des crédits de paiement est à signaler ainsi qu'une augmentation significative des autorisations de programme.

Mais attention, danger ! M. Curien n'avait-il pas connu, il y a quelques années, un très grand retard entre les autorisations de programme et les crédits de paiement ? Si cette hirondelle annonce le printemps, espérons qu'il a rrive bientôt ! Mais gageons que vous arriverez à résoudre ce problème, monsieur le ministre ! Je voudrais vous féliciter aussi pour la décision que vous avez prise concernant le projet SOLEIL, que votre prédécesseur voulait réaliser en Angleterre, pour ainsi dire, au nom de l'internationalisation des grands équipements. Je pense pour ma part que, chaque fois que la France obtient un grand équipement scientifique sur son territoire, elle marque un point dans la compétition internationale. C'est très important car la recherche est, à l'évidence, il faut le rabâcher si nécessaire, le domaine par excellence de la compétition internationale. De ce fait, dans les domaines où nous sommes actifs, nous devons être compétents, et même nous devons être à la pointe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Il ne sert à rien d'arriver deuxième dans une recherche, il faut être premier. Il faut être leader. Il faut être le pays qui apporte les innovations.

Mais cet esprit de compétition ne doit pas entrer dans les laboratoires. Les chercheurs ne doivent pas être en compétition permanente pour obtenir les crédits car cela se traduit par du saupoudrage. Il faut qu'il y ait une politique pour cela, qui définisse les objectifs à moyen et long terme, et dégage les moyens nécessaires pour que nos équipes de recherche puissent porter haut les couleurs de la France dans la compétition internationale.

Malheureusement, la France ne peut plus occuper l'avant-scène scientifique dans tous les domaines. A défaut d'être au top niveau partout, il faut au moins que l es Français soient impliqués dans les réseaux de recherche au niveau mondial, que nos équipes nationales soient capables, en permanence, dans leur domaine, par leurs innovations, d'accéder au top niveau. Il faut toujours être dans la course, dans les segments où c'est encore possible. Tout doit être mis en oeuvre pour cela.

C'est le rôle d'une politique de recherche de donner les moyens nécessaires à ces équipes capables de participer à la compétition internationale, et de faire les choix - des choix scientifiques - de segments et de secteurs qui ont quelque chance de succès. C'était le sens du rapport du commissariat général du Plan, publié en novembre 1999, qui plaidait en faveur d'une concentration des crédits sur les secteurs clefs et mettait en garde contre le saupoudrage.

Malheureusement, ce n'est pas exactement ce que l'on constate. Que ce soit le CNRS, l'INSERM, l'INRA ou les autres, si on analyse leurs rapports annuels, on s'aperçoit que les instances d'évaluation y sont nombreuses, omniprésentes, et que la pluridisciplinarité y est invoquée à chaque page. Ce sont les mots clefs ! Par contre, les priorités essentielles restent souvent insuffisamment mises en lumière, et je voudrais vous citer le cas du rapport annuel du CNRS, que j'ai sous les yeux.

Mme Bréchignac, dans son éditorial, écrit d'abord :

« Nos priorités, ce sont le vivant, l'environnement, les télécoms, les matériaux et la technologie. » Trois para-

graphes plus loin : « Nos priorités sont le vivant, les sciences humaines et les nouvelles technologies de l'information et de la communication. » Vous tournez la page

:

« Les priorités du CNRS : jeunes équipes, accroissement des synergies, et développement d'une nouvelle formule de contrat de plan Etat-régions. »

Cela montre bien que les priorités dans le domaine scientifique sont des affichages et qu'il y a lieu de veiller au grain. C'est le rôle, je pense, du ministre et de ses services. C'est pourquoi je voudrais, dans ces quelques minutes, vous poser des questions sur un certain nombre de sujets pour apprécier la qualité de ce budget.

Premier sujet : la sécurité alimentaire. Nous en parlons souvent. La création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a marqué la volonté du Gouvernement d'appliquer systématiquement le principe de précaution, mais la recherche sur l'alimentaiton est-elle une activ ité prioritaire de l'INRA ? La priorité est-elle la productivité ou la qualité ? L'INRA a-t-il les moyens d'étudier seul ou avec l'INSERM les conséquences sur le plan épidémiologique et les moyens de préventions de tel ou tel risque alimentaire avéré ?

Dans le domaine nucléaire - et M. Cuvilliez a parlé tout à l'heure de l'obligation de travailler avec la Chine pour faire progresser les recherches sur les nouvelles centrales nucléaires -, vu les délais de renouvellement du parc français et les opportunités internationales du marché du nucléaire, notamment en Chine, la France est-elle en mesure de proposer une avancée significative dans les délais voulus ? Dans le domaine du traitement des déchets radioactifs, alors que la disparition de Superphénix nécessitait la mise en oeuvre d'instruments capables de traiter les produits à longue durée de vie, quels projets et quels moyens sont aujourd'hui accessibles pour que ces recherches soient conduites à leur terme dans un délai raisonnable ? S'agissant des problèmes plus fondamentaux de la physique théorique, la France est-elle en mesure de participer à la course pour la compréhension des premiers instants de l'Univers ? Avons-nous un accès suffisant aux grands accélérateurs, aux radiotélescopes ? Sont-ils assez disponibles pour nos équipes de recherche ? A-t-on une politique pour le spatial ? Où va-t-on ? Notre politique est-elle de faire d'Ariane un véhicule c ommercial très intéressant ? Est-elle essentiellement c ommerciale ? Ou est-ce une politique ambitieuse d'hommes dans l'espace ou de télécoms dans l'espace ? Quelle est la politique de notre pays en ce domaine ? Dans le domaine de la biologie, a-t-on mis en place les moyens permettant de tirer profit du décryptage du génome humain ? Les moyens fournis par la générosité publique lors du Téléthon, qui va bientôt nous occuper beaucoup sur le terrain, sont-ils orientés vers le traitement des maladies génétiques ? A quel terme ? Lesquels ? Dans le domaine des OGM, alors qu'une partie du Gouvernement s'oppose vigoureusement à toute expérience, peut-on fonder les décisions futures sur les seuls tests pratiqués aux Etats-Unis ? Ne faut-il pas que nous ayons nous-mêmes notre batterie de tests ? La mise en oeuvre d'une politique européenne du brevet va-t-elle faciliter le dépôt des brevets par les inventeurs français ou, au contraire, faciliter la fuite vers les pays anglo-saxons de nos inventions et de leur mise en oeuvre ? Nos chercheurs sont soumis à l' impact factor des publications en anglais. Pourquoi ne faisons-nous pas systématiquement des traductions en français de leurs meilleures publications ? Dans le secteur de la santé, de nombreuses maladies orphelines, en particulier des maladies pédiatriques, sont aujourd'hui insuffisamment étudiées. La loi de financement de la sécurité sociale, dont nous avons débattu ces derniers jours, fait allusion à un effort dans ce domaine.

Avez-vous une politique de recherche ? Pour quelles maladies en particulier ? Aujourd'hui, alors que l'environnement est une prio-r ité, quel progrès scientifique a permis de mieux comprendre la climatologie ? Nous avons des tempêtes.

Qui s'en occupe ? Qui s'occupe de la maîtrise des pollutions ? Quels résultats peut-on en espérer ? Monsieur le ministre, j'arrête... (Rires.)

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis.

Emporté par le vent ! (Sourires.)

M. François Loos.

... mais vous voyez qu'on pourrait continuer.

La recherche est un sujet d'actualité, et il n'y a pas de raison que les choix scientifiques ne prennent pas en compte les préoccupations de notre société. Ces questions, parmi d'autres, sont des défis que la recherche franç aise doit relever. Il appartient au ministre de la recherche de les soutenir au niveau approprié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Par ailleurs, nous sommes à l'aube d'un redéploiement significatif des moyens, puisque, après les choix scientifiques, il y a les moyens. Une grande partie des chercheurs français vont partir à la retraite prochainement, un sur deux à la fin de la décennie et, ai-je entendu dire, 25 % en 2005. On assiste à un inquiétant vieillissement de la recherche. Jean-Yves Le Déaut et Pierre Cohen avaient suggéré le vote d'une loi de programmation sur dix ans, permettant de tracer les orientations correspondantes et de définir clairement les priorités. Pourquoi ne présentez-vous pas un tel projet, alors qu'à l'évidence l'annualité budgétaire empêche toute faisabilité par rapport aux délais de la recherche. D'ailleurs, leur rapport contenait soixante propositions intéressantes. Que sontelles devenues ? Qu'allons-nous voir venir prochainement ? Pour les moyens budgétaires, ne serait-il pas opportun de revendiquer une part de la vente des licences UMTS pour la recherche, ces sommes ne servant qu'à abonder le fonds de réserve des retraites ? S'il faut que nous le répétions pour que cela vous aide, nous le répéterons. (Sourires.) Ne pourrait-on pas créer des fondations à l'américaine, financées par des fonds de pension, pour développer nos moyens ? Les applications et le développement de la loi sur la création d'entreprise : ne pourriez-vous pas faire appel aux régions pour donner encore de nouveaux moyens à ce dispositif ? Monsieur le ministre, des progrès sont encore possibles, mais nous nous réjouissons que votre ministre, ait accru ses moyens, qu'il soit redevenu un ministère de plein exercice, comme nous le réclamions l'année dernière. Nous vous en félicitons.

Il faut que l'année 2001 permette de répondre totalement à ce genre de questions, car c'est maintenant que les orientations doivent être données, alors qu'une marge de manoeuvre existe pour des redéploiements.

Nous regrettons, au groupe UDF, que vous soyez un peu trop dans la gestion de la recherche et pas assez dans les programmes et dans les projets. Nous nous abstiendrons, en constatant que la direction prise est meilleure qu'auparavant, et pour vous marquer la confiance que nous avons dans votre action.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes.

Vous souhaitez, monsieur le ministre, donner un nouvel essor à la recherche publique.

Nous ne pouvons qu'y souscrire.

Pour 2001, le BCRD que vous nous présentez progresse de 2,2 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement, et de 6,4 % en autorisations de programme. Cette augmentation constitue un progrès par rapport au budget 2000.

Si cette double progression peut donner un nouvel élan à la recherche publique, constituant ainsi un signal de confiance pour la communauté scientifique, on est loin encore des pays comme les Etats-Unis ou le Canada, où la croissance du budget de la recherche a atteint ces dernières années un taux à deux chiffres. L'effort de votre gouvernement nous paraît insuffisant pour permettre à la France de rester dans le peloton de tête des pays à fort investissement en recherhe.

M'associant aux propos tenus par mon collègue JeanPierre Foucher, je soulignerai cependant quelques points.

Tout d'abord, votre budget est préoccupant, car seul un franc sur trois est consacré aux activités de recherche proprement dites, le reste étant consacré aux dépenses de fonctionnement pour 10 % et aux dépenses de personnel pour 53 %.

Pour les personnels, vous dites vouloir mettre en oeuvre une véritable politique de l'emploi scientifique, afin de rajeunir la recherche pour la renouveler et lui donner un nouveau dynamisme. Dont acte. Mais la création de 305 emplois, dont 265 dans les EPST, ce qui fait un taux de renouvellement dans ces derniers de 2,7 % alors que le taux moyen est de 3 %, montre que c'est insuffisant encore.

Pour la formation doctorale, vous prévoyez 200 allocations de recherche supplémentaires, mais leur montant, malheureusement, n'est pas réévalué depuis plus de huit ans.

Le paradoxe, c'est la réduction des moyens alloués à cette action, alors que le maintien du montant du chapitre aurait permis de commencer à rendre plus attractives les formations doctorales pour les bons ou très bons candidats.

Monsieur le ministre, 5 500 francs nets par mois, quand on a entre vingt-quatre et vingt-huit ans et entre cinq et huit années d'enseignement supérieur derrière soi, c'est faible. Attention, cela risque d'entraîner une désaffection pour les métiers de la recherche et les carrières scientifiques. L'an dernier, je recommandais déjà à votre prédécesseur de réévaluer ces bourses, qui, compte tenu de leur faible montant, deviennent très dissuasives pour de jeunes étudiants, mais rien n'a été fait sur ce point.

Quant aux bourses CIFRE de formation par la recherche qui se déroulent conjointement au sein des entreprises et des universités, elles baissent de 9,4 %.

Votre politique semble ne pas être faite pour encourager les jeunes les plus brillants de leur génération à se former au meilleur niveau scientifique : il y a donc une contradiction avec un flux important d'allocations qui risque de conduire les jeunes qui passeront dans cette filière à avoir des difficultés d'insertion professionnelle parce qu'il y aura décalage entre les qualités personnelles, le dynamisme des jeunes formés et la demande des entreprises et des organismes.

Notre pays, comme nous le savons tous, forme des scientiques de haut niveau, mais nous ne pouvons ignorer que, depuis plusieurs années, certains jeunes Français hautement qualifiés préfèrent le quitter pour d'autres horizons.

Si on peut se féliciter de la mobilité croissante de jeunes diplômés qui partent à l'étranger acquérir une expérience internationale, l'exode auquel on assiste constitue indéniablement une lourde perte pour notre pays.

Ce phénomène crucial pour l'avenir de notre pays, de notre économie, de notre recherche, doit être pris en compte rapidement par le Gouvernement afin qu'il pallie dans les plus brefs délais les conséquences que nous imaginons tous.

Venons-en maintenant aux EPST. Les dépenses ordinaires et crédits de paiement croissent de 1 % seulement, c'est-à-dire moins que les coûts de la recherche liés à l'inflation et aux variations des taux de change. Cependant, les autorisations de programme croissent de 10 %, il faut le souligner.

Cette hausse cible particulièrement les établissements importants comme le CNRS, l'INRA, l'INSERM et l'INRIA.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

On peut également se réjouir de voir les crédits du CEA augmenter de 3,4 % quand on sait la qualité des travaux et la capacité de valorisation de cette institution.

Votre budget prévoit toutefois des réductions budgétaires sensibles pour le CNES, mais vous nous en avez donné les raisons lors de la réunion de la commission de la production et des échanges.

Les crédits des fonds de programmes gérés directement par votre ministère sont en forte progression, de 26,4 % en autorisations de programme pour le Fonds national de la science et de 10,5 % en autorisations de programme pour le Fonds de la recherche technologique.

Comme vous devez le savoir, la communauté scientifique s'interroge fortement sur cette politique qui peut paraître manquer de transparence, votre ministère n'étant pas instrumenté pour traiter ces distributions et assumer le suivi de ces moyens, mais aussi sur la menace que représentent ces deux fonds pour l'autonomie des équipes de recherche.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous préciser, d'une part, le devenir de ces fonds et, d'autre part, leurs modalités de fonctionnement.

Comme nous le savons tous, la recherche est devenue le principal moteur de la compétitivité et de la croissance.

Le rapprochement de la recherche publique avec le monde économique est capital. Or le budget pour 2001 prévoit des crédits publics insuffisants pour les entreprises.

Afin de compenser, ces dernières sont obligées d'investir fortement en recherche et développement et voient leur budget augmenter significativement. Il faudrait infléchir cette position en 2002.

Je voudrais profiter de cette discussion pour revenir sur la loi sur l'innovation et la recherche adoptée en juillet 1999, qui constitue sur certains points une avancée forte qu'il ne faut pas omettre, et dont l'application pose quelques difficultés.

Ainsi, l'organisation juridique et fiscale des SAIC, services d'activité industrielle et commerciale, dans les organismes et les établissements d'enseignement supérieur est toujours en cours de définition.

Les établissements d'enseignement supérieur, et notamment les universités, doivent trouver leur intérêt dans la création des SAIC et plus généralement dans le transfert technologique des laboratoires vers les entreprises. Faute de quoi ils risquent de se replier sur les activités traditionnelles.

La difficulté pour les universités réside dans le partage des locaux affectés à la fois à l'enseignement, la recherche fondamentale et la recherche valorisée.

Sachant que les décrets en la matière ne sont pas encore parus, il serait nécessaire de préciser certains critères pour distinguer entre les activités de nature concurrentielle et celles qui ont pour objectif un progrès des connaissances, afin de préserver la volonté du législateur en matière de valorisation des activités de recherche publique.

Avant de conclure cette intervention, je souhaiterais saluer, une fois n'est pas coutume, votre décision, prise en septembre, de construire un synchrotron de troisième génération en France, et notamment en Ile-de-France, dans mon département, l'Essonne, et dans ma circonscription, la cinquième ! (Rires.)

Votre décision, sage, approuvée, comme vous le savez, par l'ensemble de la communauté scientifique et des élus d'Ile-de-France, clôture un dossier devenu passionnel.

Monsieur le ministre, je suis de ceux qui souhaitent que la représentation nationale soit associée encore plus é troitement à la définition des orientations de la recherche. C'est dans cet esprit que, l'an dernier, j'avais demandé à votre prédécesseur d'organiser un débat au Parlement sur la recherche, mais, sur ce point, aucune avancée n'avait pu être observée. Aussi, je me permets de réitérer cette demande auprès de vous.

Ce débat doit être aussi large que possible. La recherche ne doit pas rester une affaire de spécialistes, contrairement à ce que certains peuvent penser.

En conclusion, tout en soulignant les efforts que vous semblez vouloir déployer pour être à l'écoute de tous, accroître les crédits consacrés à la recherche et élaborer une politique pluriannuelle, nous ne pouvons, pour les raisons invoquées plus haut, approuver votre budget en l'état, mais nous espérons sincèrement que les signes que vous donnez cette année nous permettront de changer notre position l'année prochaine.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout.

Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord saluer les efforts que vous avez entrepris depuis votre nomination, non seulement pour donner aux enjeux de la recherche, de la technologie, de l'innovation et de l'espace, toute la place qu'ils méritent dans la discussion stratégique des priorités gouvernementales, mais aussi pour assurer avec la représentation nationale un dialogue de qualité. Soyez-en pleinement remercié.

Dans le projet de loi de finances pour 2001, le budget civil de recherche et développement augmente de 2,2 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement par rapport à 2000 et de 6,4 % en autorisations de programme, alors que la progression moyenne des trois dernières années avait été de 1,5 %. Avec vous, je forme le voeu que cette double progression permette de donner un nouvel essor à la recherche publique en France, et à l'espace en particulier.

Dans ce contexte, la subvention au Centre national d'études spatiales s'élève à 8 810 millions de francs, représente 16 % du BCRD, et constitue le deuxième poste budgétaire. On peut s'en réjouir, mais les membres du groupe parlementaire de l'espace ont toutefois manifesté de l'inquiétude en raison de la baisse de 1,5 % des crédits du CNES.

Certes, cette réduction trouve une explication dans l'anticipation de l'évolution de la contribution du CNES à l'Agence spatiale européenne, qui dispose d'excédents de trésorerie lui permettant de réduire ses appels de fonds, et dans le fait que certains programmes du CNES ont connu un démarrage moins rapide que prévu, notamment le programme de retour d'échantillons de Mars, puisque deux sondes envoyées par la NASA lors du second semestre de 1999 se sont écrasées sur cette planète.

En tant que président du GPE, je souhaite vivement que cette diminution, compréhensible compte tenu des éléments que vous nous avez indiqués, soit compensée l'année prochaine. Pouvez-vous nous rassurer, en particulier sur le poids de Bercy ? L'espace, comme la recherche, a souffert aussi d'un déficit d'affichage en termes de priorités politiques et budgétaires, qu'il me semble impérieux de corriger rapidement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Pour ce faire, il est impératif d'engager, comme vous l'avez d'ailleurs souhaité, au même titre que les responsables de l'établissement public, un contrat d'objectifs pluriannuel permettant au CNES de mieux inscrire son action dans la longue durée, propre aux projets qu'il conduit.

En effet, l'activité de ce dernier est incompatible avec le principe d'annualité budgétaire en raison des délais souvent longs qui s'écoulent entre les études et les premières réalisations. Il est donc nécessaire de planifier l'activité du CNES pour lui permettre de mener à leur terme les nombreux programmes en préparation, comme Galileo, GMES, Pléiades ou P 80 avec les lanceurs du futur.

Depuis plusieurs années, le groupe d'étude sur l'industrie spatiale a milité pour ce contrat d'objectifs. Il n'est d'ailleurs pas seulement d'ordre budgétaire, il faut égalem ent définir les priorités programmatiques. Cette démarche constituera en outre un affichage très utile visà-vis de nos partenaires européens et confortera le travail, qui mérite d'être salué, de ses personnels.

Je souhaite que notre groupe soit associé à ces discussions afin que la représentation nationale puisse accompagner cette évolution majeure de façon satisfaisante.

Je vous remercie par avance pour l'attention que vous porterez à cette demande.

En matière spatiale, la qualité de la technologie européenne et notamment française n'est plus à démontrer : Arianespace dispose de deux ans d'avance sur ses concurrents américains, vous l'avez vu à Kourou. Afin de conserver cette avance, il importe aujourd'hui de poursuivre le développement d'Ariane 5 pour porter sa capacité commerciale à 11 tonnes et diminuer les coûts. Airbus est également une grande réussite.

Le soutien aux technologies aéronautiques et spatiales doit d'autant moins se ralentir que leurs retombées technologiques sont substantielles et leurs applications très utiles notamment pour ce qui concerne l'observation de la terre par exemple avec le programme GMES, qui ouvre, avec la notion de « sécurité », de nouvelles perspectives pour l'espace en Europe. La notion de sécurité recouvre aussi bien la surveillance de l'environnement de notre planète, la climatologie -, et je réponds à notre collègue François Loos qui se demandait si on avançait dans ce domaine -, le suivi agricole et forestier, que la surveillance à des fins de défense. C'est d'ailleurs un point qui a été acté lors de la deuxième conférence interparlementaire européenne sur l'espace à Rome le mois dernier par les cinq délégations parlementaires présentes.

Le projet Galileo est également très important, car il permettra à l'Europe de ne plus dépendre du système américain GPS, et aura un impact lourd sur la maîtrise des technologies d'aval et leur incidence économique et stratégique.

Enfin, il est nécessaire que nos astronautes entretiennent leurs compétences qui sont grandes - en effectuant des vols habités avant l'entrée en service complète de la station spatiale internationale, sans que soit remis en cause, naturellement, le principe du financement à cette station.

Je veux aussi saluer l'accord portant sur l'exploration de Mars qui a été signé par la NASA et le CNES, sous votre égide, conformément aux souhaits qui avaient été exprimés par votre prédécesseur et la communauté scientifique. La France jouera donc un rôle essentiel dans cette opération, à la fois pour les orbiteurs et pour les lanceurs, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Je veux enfin rappeler l'enjeu essentiel que constitue l'existence d'une coopération civile militaire de qualité.

Le recul de l'effort national de recherche traduit notamment la baisse du financement des recherches à finalité militaire. Il est dommage que les crédits correspondants n'aient pas été mobilisés pour amplifier l'effort der echerche civile, d'autant que la frontière entre la recherche civile et la recherche militaire n'est pas hermétique, comme on le constate en particulier dans le secteur de l'espace, et que les travaux à finalité militaire ont souvent permis l'émergence de technologies déterminantes pour l'avenir. Cette question doit faire l'objet d'une attention toute particulière.

Une avancée capitale s'ouvre pour l'avenir de l'Europe de l'espace avec la coopération de l'Union européenne et de l'ESA sur les programmes GMES et Galileo. Comment le ministre français de l'espace entend-il jouer son rôle dans l'esprit, peut-être, de « coopérations renforcées » dont on parle du fait de la présidence française de l'Union européenne - jusqu'à la réunion ministérielle de l'ESA qui doit avoir lieu fin 2001 ? Monsieur le ministre, votre budget et vos initiatives laissent augurer de bonnes choses. Les membres du groupe d'étude sur l'industrie aéronautique et moi-même vous apporterons notre soutien et notre détermination pour que l'année 2001 soit bien celle d'une « Odyssée de l'Espace » ! (Sourire et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et le groupe communiste.)

M. le président.

La parole et à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre, à l'heure où, pêle-mêle, hormones, dioxine, listériose, ESB et OGM sèment la panique au sein de l'opinion, le Gouvernement invoque le principe de précaution pour ne pas choisir les orientations scientifiques qui garantiront, à brève échéance, la sécurité alimentaire et préserveront l a compétitivité de notre pays.

Cette incertitude affichée des pouvoirs publics laisse le champ ouvert à toutes les craintes injustifiées et à toutes les condamnations sans procès des innovations scientifiques. En sont victimes les biotechnologies, bien qu'elles apparaissent comme un outil majeur pour améliorer la production agricole et alimentaire mais aussi comme un instrument de santé publique avec l'utilisation des thérapies géniques.

Paradoxalement, bien qu'exposées à des dérives éthiquement condamnables, ces thérapies sont bien perçues par l'opinion publique, car elles sont source d'espoir pour le traitement des maladies graves. En revanche, les OGM appliqués à l'agriculture et à l'agroalimentaire sont plutôt rejetés par des consommateurs, victimes d'une désinformation à laquelle le Gouvernement n'apporte aucun remède.

Pourtant, la transgénèse, technique se substituant à une démarche traditionnelle de sélection empirique fondée sur le croisement variétal ou le choix des géniteurs, n'est après tout que le coup de pouce des scientifiques à l'évolution naturelle des espèces animales et végétales pour s'adapter, sauf à disparaître, à un environnement luimême changeant.

Les modifications graduelles de ces plantes et de ces être vivants s'inscrivent dans leur patrimoine génétique, pour se transmettre, on le sait, à leur descendance selon le principe de la sélection naturelle et de la variation des espèces énoncé par Darwin et confirmé par l'histoire de la planète.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

Mais alors que l'on s'interroge encore en Europe sur la dangerosité de la transgenèse, ailleurs le coup est parti : les cultures d'OGM couvrent déjà 60 millions d'hectares dans le monde dont 80 % en Amérique du Nord, et 1 % seulement en Europe.

Les OGM dits de la première génération permettent de répondre au double objectif d'un meilleur rendement et d'une résistance améliorée aux maladies et parasites, autorisant simultanément une réduction de l'emploi des produits phytosanitaires et de fertilisants, sources de pollution.

Les OGM de la seconde génération produisent des plantes qui répondent à la demande de produits plus nutritionnels - teneur en huiles, en protéines, en amidon - ou de plantes s'adaptant à des conditions climatiques difficiles comme à la pauvreté ou à la salinité des sols.

A l'évidence, les OGM représentent un enjeu considérable pour relever le défi du doublement en trente ans de la production alimentaire et pour répondre aux besoins d'une population qui atteindra 12 milliards de personnes d'ici à 2050.

Or l'interprétation de plus en plus large en France du principe de précaution ignore totalement la réalité et les enjeux économiques des biotechnologies appliquées à l'agriculture. Cette interprétation risque de conduire à la négation de tout progrès, de toute innovation et d'acc roître notre dépendance scientifique notamment à l'égard des Etats-Unis.

Certes, des risques existent. Ils sont de deux ordres : d'ordre environnemental par la diffusion éventuelle des gènes à des plantes adventices apparentées ; et d'ordre alimentaire et sanitaire si la plante modifiée provoquait des allergies ou des résistances aux antibiotiques.

Mais le risque est la rançon de tout progrès scientifique et un stimulant pour des recherches complémentaires.

Ce n'est donc pas une raison pour tourner le dos aux intéressantes perspectives qu'offre la transgenèse. D'autant que se pose une vraie question : a-t-on le droit de refuser égoïstement le recours aux biotechnologies quand, dans le monde, 1 800 millions d'êtres humains souffrent de la faim, parmi lesquels ils sont des dizaines de millions, chaque année, à en mourir ? N'avez-vous pas entendu, monsieur le ministre, l'appel de la FAO en faveur des plantes transgéniques pour combattre la malnutrition et la famine et donner des chances supplémentaires aux producteurs agricoles du tiers monde ? Avez-vous une conviction sur l'avenir des biotechnologies ? Votre passivité à l'égard des destructions des essais OGM de l'INRA est une indulgence coupable.

Vous présidez le conseil des ministres chargés de la recherche de l'Union européenne. Au-delà de la temporisation actuelle, décourageante pour les chercheurs, inquiétante au regard de l'attitude conquérante des Etats-Unis imposant leurs brevets et les produits issus de ces technologies, avez-vous une politique à proposer qui sorte de l'ambiguïté actuelle ou de la tentation de tout interdire faute de tout savoir ?

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

José Bové m'apparaît sympathique !

M. François Guillaume.

En matière scientifique, il est des retards qui se rattrapent difficilement. Les chercheurs, les industriels et les semenciers européens sont dans les starting-blocks , alors que leurs concurrents américains sont dans la course et que leurs farmers commencent à tirer bénéfice de ces nouvelles technologies par un abaissement de leurs coûts de production.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

En vertu du principe qui fait couler les bateaux dans la Manche : le libéralisme absolu !

M. François Guillaume.

Soyons réalistes : l'Europe ne pourra pas refuser longtemps les importations de produits transgéniques, sous peine d'être condamnée par l'OMC quand le Comité international vétérinaire décrétera l'innocuité des OGM, et d'être menacée de sanctions financières insupportables compte tenu du volume des importations de soja et de maïs américains. Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre : à quand un débat dans la transparence sur cette importante question ? A quand une position claire du Gouvernement qui nous propose une stratégie à hauteur des enjeux scientifiques, commerciaux, environnementaux et humains liés à l'usage raisonné des pratiques transgéniques ?

M. François Loos.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Monsieur le ministre, ce budget est un budget de retrouvailles : parce que vous avez été un ministre déterminé, décisif auprès du Premier ministre, notamment lors des arbitrages, ensemble nous pouvons dire aujourd'hui que la recherche française connaît une éclaircie.

On note effectivement une augmentation de 2,2 % du BCRD, une augmentation conséquente des crédits du Fonds de la recherche et de la technologie et du Fonds national pour la science, la création de 300 postes dans les EPST, ainsi que des progrès importants en matière d'autorisations de programme - plus 6,4 % en moyenne, et même plus de 10 % dans certaines EPST, 16 % à l'INSERM, et 26 % pour les programmes du FNS consacrés au génome et au post-génome, sujets très importants.

Si j'ai parlé d'éclaircie, c'est que, pendant plusieurs années, sous d'autres gouvernements, la recherche n'était pas une priorité nationale, puisque Claude Allègre avait souhaité restructurer la recherche avant d'augmenter les crédits. Cette démarche nous paraissait dangereuse parce que nous savons qu'après un gel des crédits, il est souvent difficile d'obtenir un rattrapage. Néanmoins, cette année, votre détermination a porté ses fruits.

Il faut maintenant que la recherche soit affichée comme une priorité nationale, les rapporteurs l'ont dit.

Bien sûr, la justice, la culture, la ville, l'environnement, la sécurité sont, eux aussi, des priorités nationales, mais la recherche, aujourd'hui plus encore qu'hier, est la condition sine qua non du développement économique de demain ; les gisements d'emplois de demain se feront sur des mines de matière grise.

Contrairement à ce qu'on entend souvent, les activités industrielles resteront pour longtemps le fondement de la richesse des pays développés. On le constate chaque jour, la puissance américaine ou celle des pays nordiques repose sur une industrie renouvelée et innovante, et le chômage français et allemand s'explique peut-être en partie par l'insuffisance du renouvellement industriel au cours des années passées.

Le développement de notre pays passe donc par l'implantation des industries du futur et des services qui y sont liés, informatique et intelligence logicielle, réseaux et télécommunications, chimie de spécialités et pharmacie, matériaux nouveaux, instrumentation et automatismes, génie des procédés, biotechnologies, génie biologique et médical, et j'en passe, parce que l'énumération serait trop longue. Mais toutes ces activités nécessitent un haut niveau technologique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

La loi sur la recherche et l'innovation présentée par Claude Allègre a créé un environnement économique et financier qui permet aujourd'hui de développer, dans notre pays, ces entreprises de haute technologie. Mais à une condition, que la recherche bénéficie d'un soutien continu, sans à-coups. Je le répète, c'est le meilleur atout pour faire reculer le chômage, les exemples étrangers le prouvent.

L e gouvernement allemand, tout en affichant sa volonté de réduire les déficits budgéraires comme en France, a doublé les investissements publics de recherche en cinq ans, l'Angleterre a rompu avec l'ère Thatcher, le nouveau Premier ministre du Japon, tous les pays développés ont adopté ce point de vue.

Pour parvenir à cet objectif d'une recherche dynamique, il faut - c'était l'une des recommandations que j'avais formulées avec Pierre Cohen dans le rapport que nous avons remis l'an passé au Premier ministre - une programmation scientifique pluriannuelle. En effet, la situation de la recherche est comparable à celle que nous avons connue dans les années soixante : la moyenne d'âge de nos chercheurs est très élevée. La moitié des chercheurs des EPST les plus anciens ont plus de quarantehuit ans, ils vont donc partir à la retraite dans les douze ans.

Nous devons anticiper, prévoir des augmentations de postes - éventuellement en les gageant sur le futur sinon le renouvellement ne pourra être assuré dans les années 2005-2010 faute de jeunes. C'est d'autant plus vrai que l'on constate une pénurie des vocations vers les disciplines scientifiques au lycée et à l'université. Dans notre rapport, nous avions parlé d'un fantastique gâchis des post-doctorats. D'ailleurs un appel pour une vision pluriannuelle de l'emploi scientifique, a été lancé par 1 400 grands scientifiques français, presque tous les prix Nobel, les professeurs au Collège de France, les membres du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, 100 membres de l'Académie des sciences. Il faut que le Gouvernement comprenne - pas vous, monsieur le ministre de la recherche car vous êtes déjà convaincu que c'est un cri d'alarme que nous lançons tous : même si la situation scientifique est plutôt bonne dans notre pays à l'heure actuelle, il faut anticiper les créations d'emplois pour essayer de lisser les pics des départs à la retraite au cours des prochaines années.

Deuxième point, il faut faciliter les disciplines émergentes. Claude Allègre y a veillé et vous avez continué son action dans les deux précédents comités interministériels de la recherche scientifique et technologique, notamment en faveur des disciplines biologiques. Sur des sujets aussi compliqués que celui des organismes génétiquement modifiés, il faut prendre en compte à la fois les progrès, la compétition internationale, mais aussi les craintes de la population. On ne peut imposer de telles techniques, qui font peur, sans engager, au préalable, un débat avec la population. Il nous faut donner la priorité aux technologies de l'information et de la communicat ion, à l'environnement, aux sciences humaines et sociales. Après avoir visité, avec Pierre Cohen, la moitié des universités françaises, je puis attester que les sciences humaines et sociales sont dans la misère.

Cette misère est d'autant visible que la recherche est mal organisée. Avoir coupé le ministère de la recherche de celui de l'enseignement supérieur constitue une calamité. Comment prôner le rapprochement de l'université avec les organismes de recherche alors que la gestion ne se fait pas au sein d'un même ministère ? Je sais bien que votre département ministériel comme celui de l'éducation font preuve de beaucoup de bonne volonté. Une symbiose étroite est nécessaire. Comment encourager la mobilité - un chercheur doit exercer plusieurs métiers comment parler de la transmission des connaissances, mais aussi de la diffusion de la culture scientifique et technique, dont Pierre Cohen vient de parler, de l'expertise scientifique, comment tisser des liens avec le milieu industriel dès lors que cette coupure existe ? Et votre budget est éloquent : les postes d'accueil de chercheurs dans l'université ou les postes d'accueil d'universitaires dans la recherche ne sont pas assez nombreux. C'est même sans doute le point le plus négatif de ce budget.

Monsieur le ministre, votre budget, même s'il est bon, suscite certaines inquiétudes. Au niveau global d'abord. Avec 2,1 % du produit intérieur brut, nous sommes en dessous de nos objectifs et en dessous de nos concurrents des pays industrialisés qui sont à 3 %. C'est d'autant plus inquiétant que le nombre des chercheurs n'a pas augmenté au cours des neuf dernières années, hors enseignement supérieur. Et cela se voit encore plus dès lors que l'on sépare l'enseignement supérieur et recherche. Il n'y a sans doute pas assez de postes au CNRS. Les nouveaux postes vont surtout servir cette année à développer le département des sciences et techniques de l'information et de la communication.

Comment compenser les départs vers les autres disciplines ? Il faudrait davantage de postes de mobilité au CNRS pour accueillir les chercheurs de l'enseignement supérieur si l'on souhaite cette symbiose entre CNRS et autres EPST, EPIC et université.

J'en reviens aux jeunes chercheurs partis à l'étranger.

Les 1 400 signataires de l'appel dont je parlais évaluent leur nombre à 10 000 - l'an dernier, nous l'avions estimé à 9 000. Sachant qu'un chercheur coûte à notre pays à peu près 1 million de francs pour sa formation, c'est à une dizaine de milliards de francs que se chiffre cet exil de matière grise. Il est impératif d'engager des mesures pour leur faire rejoindre nos universités et nos organismes de recherche.

Une véritable priorité doit être donnée à l'innovation au niveau national. Cela passe par des signaux forts : publication des décrets d'application de la loi sur l'innovation et la recherche ; mobilisation des acteurs tant publics - ANCE, ANVAR, DATAR, DRIR - que privés ; poursuite de la mise en place d'incubateurs et de pépinières d'entreprises.

Des maisons de l'innovation et de la création d'entreprises devraient populariser les projets, aider et orienter les jeunes, leur indiquer les aides qu'ils peuvent obtenir et conseiller ceux qui souhaitent créer une entreprise ou en changer, afin de faciliter les transferts de technologies.

C'est d'une importance majeure. Il faut, bien entendu, adapter la fiscalité en faveur des projets naissants et leur apporter une aide systématique, même si elle doit être modeste, quand ils réunissent plusieurs partenaires. C'est à ce prix que nous obtiendrons de meilleurs chiffres.

Alors que 11 000 à 12 000 thèses sont soutenues chaque année, seuls 1 500 à 2 000 jeunes docteurs sont embauchés dans le secteur privé. C'est d'autant plus insuffisant qu'ils ne sont que 3 000 à être recrutés par les organismes de recherche ou les universités.

Je terminerai, monsieur le ministre, en insistant sur trois priorités : une évaluation plus transparente de notre système de recherche, un décloisonnement plus important


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

des disciplines, qui intègre la dimension européenne et, surtout, cela a été dit par notre collègue Cuvilliez, un lien plus étroit entre recherche et aménagement du territoire.

A cet égard, si je me félicite de l'implantation du synchrotron en région parisienne, je n'oublie pas les autres régions de notre pays. Un grand équipement, c'est toujours le point de départ du développement d'un secteur industriel autour d'un pôle régional. La politique des génopôles, des pôles de sécurité alimentaire, tant attendus du public, des pôles de sciences de l'environnement appelle un maillage fin de nos universités. A côté des pôles forts que constituent la région parisienne, Lyon et Grenoble, d'autres pôles régionaux doivent pouvoir se développer.

Monsieur le ministre, nous avons confiance dans le gouvernement actuel. La politique de la recherche connaît une inflexion forte, nous l'avons tous noté. Elle doit continuer à faire de notre appareil de recherche une priorité nationale afin que la France demeure l'un des phares de la recherche en Europe et dans le monde. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons ces crédits.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Monsieur le président, mes chers collègues, je suis, contrairement à M. Jean-Yves Le Déaut, de ceux qui se réjouissent du choix fait par le gouvernement de Lionel Jospin de créer un ministère de la recherche de plein exercice. Ce choix procède, nous semble-t-il, de la volonté du Premier ministre de donner à l'effort de recherche la place et les moyens indispensables pour développer la création des emplois scientifiques, d'une part, générer les applications et les transformations des travaux de nos chercheurs sur le plan industriel, d'autre part. Il n'interdit pas, bien sûr, de renforcer les passerelles avec l'enseignement supérieur et la recherche universitaire, que vous connaissez particulièrement bien, monsieur le ministre.

J e souhaiterais ici attirer votre attention sur la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication, dont l'importance dans la croissance économique des grands pays industriels se vérifie tous les jours. Elles constituent par ailleurs l'un des enjeux de la compétitivité industrielle internationale.

Durant les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, la recherche publique dans le domaine des télécommunications a été assurée par le Centre national des études en télécommunications, organisme interministériel dont les travaux, les découvertes, le sens de l'anticipation, ont assuré à notre pays une place d'excellence, dans des domaines aussi fondamentaux que la commutation, les réseaux, la transmission ou l'optoélectronique.

Depuis peu, le CNET est devenu le centre de recherche et développement de France Télécom. Il contin ue de conduire brillamment des programmes de recherche. Il est même à l'origine de l'essaimage, grâce à des chercheurs sortis de ses laboratoires, de start-up performantes. Mais on ne peut demander à un opérateur, placé aujourd'hui sur un marché concurrentiel très actif, de porter à lui seul l'essentiel de l'effort de la recherche fondamentale et appliquée dans le secteur des télécommunications.

Opérateurs et groupes industriels ont tendance aujourd'hui à privilégier les programmes de recherche assurant un retour plus rapide sur investissement. Ce sont pourtant les travaux de recherche fondamentale engagés depuis des années qui permettent aujourd'hui à notre industrie des télécommunications de figurer en si bonne position.

Les grandes mutations technologiques dans le domaine de l'informatique et des télécommunications prennent parfois une génération. Un exemple entre cent : c'est au milieu des années soixante qu'a commencé en laboratoire l'aventure des réseaux numériques ; c'est au milieu des années quatre-vingt seulement que le réseau téléphonique national a pu être considéré comme numérique à 100 %.

Dès lors, le sens de l'anticipation dans le domaine de la recherche fait des scientifiques et des techniciens des visionnaires capables d'imaginer un futur souhaitable et réaliste et de convaincre le politique de sa pertinence ou de l'informer d'éventuels risques.

Monsieur le ministre, nous nous félicitons de l'augmentation dans votre budget des autorisations de programme et des crédits de paiement consacrés à ce domaine, comme de la création au sein du CNRS d'un département des sciences et technologies de l'information avec soixante-dix postes et des moyens supplémentaires accordés à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique avec 116 postes de plus. Le RNRT, dont le rôle de levier transforme très positivement les participations financières sur de nombreux projets de recherche, mériterait cependant de voir ses moyens abondés. A cet égard, il nous semblerait équitable que les recettes des licences UMTS viennent renforcer les financements de la recherche. Ce ne serait qu'un retour sur investissement.

La décision de développer des centres nationaux de recherche technologique à Sophia-Antipolis, à Rennes, à Lannion va dans le bon sens et apporte à ces technopoles une juste reconnaissance du travail mené depuis tant d'années.

Pour une lisibilité accrue de notre effort de recherche, il nous paraîtrait toutefois souhaitable d'encourager une meilleure coordination des travaux de recherche des acteurs principaux et des principaux établissements ainsi que les partenariats entre recherche publique et recherchedéveloppement des groupes privés.

Cet effort budgétaire, dont nous nous félicitons, monsieur le ministre, apparaîtra encore plus pertinent si nous nous plaçons sur le champ de la compétitivité de la France et de l'Europe au niveau mondial.

Le cabinet Booz-Allen & Hamilton a réalisé récemment, à la demande du gouvernement néerlandais, une étude sur la place de l'Europe dans le marché mondial des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ses conclusions sont préoccupantes :

« Ces dernières années, bien que les pays membres de l'Europe communautaire aient considéré comme priorité économique et politique la société du savoir et de l'information, les industries de production et les services dans la majorité des secteurs des nouvelles technologies sont en retard vis-à-vis des Etats-Unis et du Japon. »

L'Europe est dominée dans le domaine des équipements informatiques, des logiciels génériques et des composants. Mais elle a des points forts, incontestablement, dans les télécommunications et les services mobiles, qui font d'elle la zone la mieux équipée du monde grâce au GSM.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Je conclus, monsieur le président.

Dans ce marché, la stratégie des Etats-Unis est claire : il s'agit d'utiliser Internet comme un vecteur d'hégémonie, de récupérer les innovations réalisées hors de leur ter-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

ritoire - nous assistons à un achat massif de start-up françaises et européennes innovantes -, d'attirer les jeunes chercheurs et diplômés européens dans les centres de recherche et développement tels que Silicon Valley. La décision du président Clinton, le 21 janvier 2000, d'accroître de 3 milliards de dollars le financement fédéral de la recherche, dont un tiers pour les technologies de la communication, traduit la volonté du gouvernement américain de reprendre le leadership dans le domaine des télécommunications et des mobiles.

M. le président.

Il faut vraiment conclure, monsieur Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Il est essentiel que les décideurs se mobilisent et motivent les acteurs de la recherche pour définir une stratégie concrète dans le but de construire la société de l'information européenne.

Monsieur le ministre, persuadé de votre détermination de faire du développement de notre recherche une des priorités nationales, et de votre volonté d'établir un dialogue permanent et prospectif avec l'ensemble des chercheurs, le groupe socialiste votera avec confiance ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la recherche.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.

Monsieur le président, messieurs les députés, avant de présenter ce projet de budget pour 2001, je voudrais féliciter et remercier vos rapporteurs, M. Cuvilliez, M. Cohen et M. Foucher, pour la qualité de leurs travaux. Je voudrais dire aussi à l'ensemble des orateurs que j'ai écouté leurs propos avec beaucoup d'intérêt. La qualité de ces rapports et de ces interventions orales ne m'a d'ailleurs nullement étonné. Ayant été député pendant quatorze années, et jusqu'à une date encore récente - mars dernier -, je mesure pleinement le rôle essentiel que joue la représentation nationale comme force de réflexion et de proposition, notamment en ce qui concerne la recherche, laquelle est une grande ambition nationale, qui transcende le plus souvent les clivages habituels.

A cet égard, je voudrais saluer tout particulièrement la très grande qualité du rapport de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, animé à l'Assemblée par Jean-Yves Le Déaut. Les rapports émanant de parlementaires issus du suffrage universel et représentant nos concitoyens sont souvent plus utiles que ceux émanant de simples groupes d'experts, qui rendent des avis moins autorisés et toujours moins légitimes.

Le projet de budget civil de recherche et de développement pour 2001 traduit la volonté de donner un nouvel élan à la recherche en amplifiant l'effort engagé, en lui consacrant des moyens accrus. Je ne reviendrai pas sur le détail. Vous avez bien voulu, pour beaucoup d'entre vous, souligner qu'en dépenses ordinaires et crédits de paiements, ce BCRD 2001 augmente de 2,2 %, alors que l'année précédente la progression avait été de 1,3 %. Vous avez noté aussi que les autorisations de programme sont en augmentation de 6,4 % par rapport à 2000 alors que leur progression moyenne avait été de 1,5 % par an depuis 1997 et de 0,1 % l'an dernier.

Plusieurs intervenants - M. Foucher, M. Leroy, M. Loos - se sont demandé s'il y aurait une couverture correcte des autorisations de programme par les crédits de paiement. Dans un passé qui commence à devenir relativement lointain, l'adéquation n'était pas assurée, mais le ministère des finances veille depuis plusieurs années à ce qu'elle le soit. Par conséquent, il n'y a pas d'inquiétude à avoir à cet égard.

La progression des crédits de paiement et des dépenses ordinaires, d'une part, des autorisations de programme, d'autre part, permet de traduire concrètement les orientations du ministère que j'ai souhaité élaborer, en dialogue avec les représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Comme l'ont souhaité à plusieurs reprises Jean-Yves L e Déaut et Pierre Cohen, comme l'ont souhaité M. Cuvilliez et M. Leroy, comme l'a rappelé aussi M. Loos, la véritable ambition est d'avoir une politique de l'emploi scientifique. Je souhaite rajeunir la recherche pour la renouveler. J'entends donc soutenir les jeunes chercheurs et leur donner des perspectives.

Nous sommes confrontés à un phénomène contradictoire : d'un côté, un vieillissement, avec un âge moyen des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui s'élève et, de l'autre, des files d'attente, avec de jeunes docteurs qui ne s'insèrent que difficilement dans l'appareil de recherche. L'âge de recrutement s'est sensiblement décalé au-delà de trente ans. Résultat : un nombre élevé de

« post-doctorants » français à l'étranger. Ils étaient, selon les dernières statistiques, 41,5 % à avoir choisi les EtatsUnis. Cette présence importante serait positive s'ils revenaient en France, or, ce n'est pas le cas. C'est là, comme le disaient Pierre Cohen et Jean-Yves Le Déaut dans leur rapport un « exil forcé des cerveaux », une perte de substance et presque un gâchis de matière grise.

Alors que l'Etat consacre des sommes importantes à la formation de docteurs, souvent de grande qualité, beaucoup s'expatrient faute de pouvoir trouver en France un emploi. Mais la France n'a pas vocation à servir d'institut de formation aux Etats-Unis ou aux autres pays de l'Union européenne qui profiteraient gratuitement des fruits de notre enseignement supérieur. Il serait très paradoxal, pour ne pas dire illégitime, qu'un pays comme les

Etats-Unis, qui ne consacre que peu de crédits à l'enseignement supérieur public, retienne les meilleurs de nos jeunes docteurs en les accueillant au stade final de leur formation. Notre pays ne saurait exercer une quelconque fonction de mécénat au profit de grands pays étrangers qui, de surcroît, sont nos concurrents dans la compétition ou l'émulation scientifique, technologique et économique internationale.

Pour remédier à cette situation préoccupante - démotivation des jeunes chercheurs faute de perspectives suffisantes d'emploi en France, exil des cerveaux à l'étranger pour sortir de cet état préjudiciable au renouvellement de la recherche française, il est indispensable de définir avec volontarisme une véritable politique de l'emploi scientifique.

La période n'a jamais été aussi favorable pour le faire.

La prochaine décennie constitue un moment privilégié pour cette opération de jouvence, compte tenu des départs massifs à la retraite qui interviendront surtout entre 2004 et 2010.

Nous devons dès 2001 anticiper ces départs, pour éviter de nouveaux coups d'accordéon dans les recrutements et pour maintenir un recrutement de qualité avec le potentiel de thésards et de jeunes docteurs actuellement disponible. A l'avenir, en effet, ce vivier risque de se réduire par diminution de la population étudiante, par moindre attractivité des filières scientifiques ou par concurrence de l'industrie car la reprise économique


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conduira une partie des doctorants potentiels à prendre un emploi dans le secteur privé à l'issue de la maîtrise ou du DEA au lieu de poursuivre jusqu'à la thèse.

Il est nécessaire d'avoir une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à l'Académie des sciences en juin dernier. Et la déclaration signée en juillet par des prix Nobel, des membres de l'Académie des sciences, des professeurs au Collège de France, qui a été rendue publique ces jours derniers, l'a bien souligné.

Le budget 2001 prévoit la création de 305 emplois, dont 265 dans les EPST et 40 emplois au ministère de la culture. Ces créations d'emplois sont nettement plus importantes qu'en 1999 - 150 créations - et qu'en 2000 - 18 créations. Dans les EPST seront créés 130 emplois de chercheurs et 135 emplois d'ITA, qui jouent eux aussi un rôle important dans notre appareil de recherche.

Ces créations ont un triple objectif : engager une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs ; offrir aux jeunes docteurs davantage de possibilités de recrutement et de débouchés dans la recherche publique, enfin, renforcer les effectifs dans les disciplines prioritaires.

Elles doivent aussi permettre de nouveaux recrutements dans les autres disciplines. On constate souvent une complémentarité entre la recherche et l'enseignement supérieur puisque beaucoup de postes créés les années précédentes pour les enseignants-chercheurs l'ont été dans les disciplines que sont les sciences humaines et sociales.

Par ailleurs, ce budget comporte près de 43 millions de francs de mesures catégorielles et de transformations d'emplois, afin d'améliorer les perspectives de carrière des personnels et de requalifier leurs emplois, alors que ces mesures s'élevaient à 22 millions de francs en 1999 et à 28 millions de francs en 2000.

Deuxième grande orientation : renforcer les moyens des laboratoires. Ce budget s'attache à renforcer de manière très significative les moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires, que ceux-ci appartiennent aux organismes de recherche ou aux universités.

Il est en effet indispensable d'accompagner la progression des effectifs de chercheurs et d'enseignants-chercheurs par l'augmentation des crédits des laboratoires. Il ne servirait à rien de recruter des chercheurs et des enseignantschercheurs qui n'auraient pas les moyens matériels de travailler : petits achats, matériels d'expérimentation, petits outillages et équipements, abonnements à des revues. Ce qui est en jeu avec le renforcement du soutien de base des laboratoires, c'est la vie quotidienne de ces derniers, qui doivent disposer des crédits nécessaires pour travailler efficacement. Pour que les laboratoires puissent travailler sans trop de contraintes, il est nécessaire, comme l'onts ouhaité plusieurs intervenants, dont le rapporteur M. Foucher, que les marchés publics comportent, pour eux, des règles assouplies. Elles l'ont été déjà par un décret de 1999. Elles le seront encore davantage dans les semaines qui viennent, à l'initiative de notre ministère.

Nous renforçons aussi les moyens d'investissement des EPST et des universités. Les autorisations de programme des EPST progressent de 10 % pour la seule année 2001, alors qu'elles avaient progressé de 8,5 % pour l'ensemble de la période 1997-2000. Les autorisations de programme de tous les EPST sont en progression très sensible : 8,8 % pour le CNRS ; 15,9 % pour l'INSERM ; 11,8 % pour l'INRIA.

De même, pour la seule année 2001, les autorisations de programme de la recherche universitaire progressent fortement - plus 10 % -, alors qu'elles avaient progressé de 9,3 % pour l'ensemble de la période 1997-2000. Cette forte progression permettra en particulier de mettre en oeuvre le plan U3M, les contrats quadriennaux passés avec les universités et les contrats de plan Etat-régions, auxquels les collectivités locales sont bien évidemment très attachées.

Le ministre de la recherche ayant, de par son décret de compétence du 6 avril 2000, la responsabilité d'élaborer et de mettre en oeuvre la politique de recherche universitaire, il entend consacrer un effort très important à celle-ci dans le projet de budget pour 2001, afin d'aider les universités à dynamiser leur action de recherche.

Certains ont évoqué le fait que l'enseignement supérieur et la recherche étaient actuellement deux structures distinctes, mais même s'il y a deux ministres, il existe une volonté unique de renforcer la recherche universitaire. De surcroît, ayant été dans le passé en charge des universités, je suis, à titre successif, conscient des problèmes de celles-ci et de la recherche, ce qui contribue à résoudre le problème soulevé par Jean-Yves Le Déaut.

Troisième axe : dynamiser les disciplines prioritaires que sont les sciences du vivant, sur lesquelles a insisté très légitimement le président Bernard Charles, les sciences et technologies de l'information et de la communication - STIC - et l'environnement et l'énergie.

Les 265 créations d'emplois dans les EPST permettent de renforcer les sciences du vivant - 74 emplois créés à l'INSERM - et les STIC - 116 emplois créés à l'INRIA.

Par ailleurs, sur les 70 emplois créés au CNRS, plusieurs iront au département dédié aux sciences et technologies de l'information et de la communication que le CNRS a créé tout récemment. L'objectif est de réussir le passage à la société de l'information sur lequel Alain Gouriou a très légitimement insisté. Conformémemnt aux décisions arrêtées par le CISI - comité interministériel pour la société de l'information - le 10 juillet 2000, les effectifs de la recherche publique consacrés aux sciences et technologies de l'information et de la communication seront accrus de 25 % en cinq ans.

Le contrat quadriennal Etat-INRIA, que j'ai signé, ainsi que le secrétaire d'Etat à l'industrie, le 10 juillet avec l'établissement, prévoit que les effectifs de celui-ci seront portés de 755 à 1 180 personnes d'ici à 2003.

M. Cuvilliez et M. Foucher se sont interrogés sur la présence de certains CDD à l'INRIA, pour en tirer des conclusions dont j'ai compris qu'elles n'étaient pas exactement les mêmes.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

Elles étaient même complètement opposées !

M. le ministre de la recherche.

J'en avais le pressentiment ! (Sourires.)

Le secteur des technologies de l'information présente un caractère extrêmement concurrentiel.

La compétence est difficile à trouver et il faut pouvoir attirer des salariés issus du secteur privé ou des chercheurs étrangers. Le recrutement de contractuels est une nécessité pour développer rapidement les recherches dans ce domaine et ne pas prendre de retard supplémentaire par raport à d'autres grands pays étrangers, essentiellement les

Etats-Unis. Le recrutement de ces quatre-vingts contractuels sur l'ensemble de la période 2000-2003, donc sur quatre années, présente évidemment un caractère excep-


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tionnel. Ces personnes sont embauchées pour une durée limitée et nous veillerons à éviter le phénomène de contrats régulièrement renouvelés qui conduirait à la précarité.

Le CNRS met en place un département des STIC. Par a illeurs, les moyens d'intervention des réseaux der echerche et d'innovation technologique, qui se consacrent à des secteurs sur lesquels Jean-Yves Le Déaut a très légitimement insisté - télécommunications, technologies logicielles, micro et nanotechnologies -, seront accrus grâce à l'augmentation du FRT.

En outre, je rappelle que j'ai installé, en juillet 2000, cinq CNRT - centres nationaux de recherche technologique - dans le domaine des STIC : un en optoélectronique à Marcoussis, un en micro et nanotechnologies à Grenoble, un en télécommunications, Internet et usages à Sophia-Antipolis, un en matériaux pour l'électronique et la microélectronique à Grenoble et, last but no least, un en télécommunications, images et multimédia à LannionR ennes-Brest. Je souligne cet effort traditionnel à Lannion, commune qui s'est toujours intéressée aux télécommunications et dont l'élu principal n'a cessé d'exprimer son intérêt actif pour ce secteur.

Par ailleurs, le Fonds national de la science - FNS -, qui est destiné à donner une impulsion aux recherches dans les domaines scientifiques prioritaires, est porté de 700 à 885 millions de francs en autorisations de programme, soit une augmentation de 26 %. Cette augmentation servira en particulier à financer les recherches dans les sciences du vivant : génomique et post-génomique - Centre national de séquençage, Centre national de génotypage, réseau des génopoles, réseau GenHomme, bio-informatique -, agents infectieux - sida, microbiologie, prions -, biologie intégrative.

Cette augmentation du FNS financera également les recherches dans les sciences de l'information et de la communication, ainsi que celles menées dans les sciences humaines et sociales - cognitique, ville, travail -, les recherches sur les matériaux et sur la planète - système T erre, catastrophes naturelles, écologie quantitative, observation de la Terre.

De même, le Fonds de la recherche et de la technologie - FRT - est porté à un milliard de francs, soit une augmentation de près de 100 millions de francs.

Cette augmentation permettra en particulier d'amplifier la recherche dans les technologies de l'information et de la communication, dans les technologies liées aux sciences du vivant, dans les technologies liées à l'environnement et à l'énergie.

Nous avons créé récemment deux réseaux de recherche et d'innovation technologique destinés à assurer une meilleure protection de l'environnement, l'un nommé « Eau et technologies de l'environnement », l'autre « Terre et espace ». J'aurai l'occasion d'en reparler brièvement tout à l'heure.

S'agissant de ces deux fonds nationaux, le FNS et le FRT, je voudrais dire mon accord sur les analyses de M. le rapporteur Pierre Cohen, qui a exprimé avec sobriété le soutien qu'il apporte à ce budget...

S'agissant d'abord du FNS, il importe que l'évaluation régulière de ce fonds soit réalisée de manière objective et transparente et qu'une meilleure lisibilité soit donnée à son utilisation. Au demeurant, au bout de quatre ans, les actions financées par le FNS retrouvent les procédures habituelles de décision et de gestion.

Quant au FRT, plus ancien, qui obéit à des procédures plus traditionnelles, il a connu naguère une certaine sousconsommation de ses crédits liée à une montée en puissance rapide, c'est sans doute ce qu'on appelait autrefois une « maladie infantile ». (Sourires.) La répartition des crédits de ce fonds a été décidée dès le mois dernier, en octobre, afin que ces crédits puissent être rapidement utilisés. Nous avons fortement réorienté les interventions de ce fonds en direction des PME-PMI alors qu'il y a plusieurs années, elles étaient concentrées de manière excessive sur six grands groupes industriels. Le pourcentage des concours du FRT consacrés aux PME-PMI a presque quadruplé, passant de 10 % en 1996 à près de 40 % en 1999. Nous allons bien sûr continuer dans ce sens.

Le ministère de la recherche a également en charge la technologie et l'espace. S'agissant de la technologie, des moyens nouveaux sont dégagés pour appuyer les projets de recherche et de développement des entreprises. Les soutiens à la recherche industrielle progressent de 9 % en autorisations de programme. Le budget consacré à la construction aéronautique aqugmentera fortement, en particulier pour soutenir le développement par Airbus de l'avion de grande capacité A 3XX.

Beaucoup d'entre vous s'intéressent à l'espace : Pierre Ducout, président du groupe parlementaire pour l'espace, Pierre Cohen, François Loos et d'autres encore. En matière spatiale, la subvention au CNES s'élève à 8,810 milliards de francs et représente 16 % du BCRD c'est le deuxième poste du BCRD. La France est le leader de la politique spatiale européenne : elle est le moteur de l'Europe spatiale. Elle est aussi le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne, devant l'Allemagne et l'Italie.

La diminution, légère, de la subvention au CNES elle subit une faible érosion de 130 millions de francs sur un budget 2000 de 8,825 milliards de francs en dépenses ordinaires et autorisations de programme, soit une diminution de 1,5 % - s'explique par deux raisons : une augmentation moins importante que prévu de la contribution du CNES à l'ESA - l'agence spatiale européenne, dispose d'excédents de trésorerie lui permettant de réduire ses appels de fonds - et un démarrage également moins rapide que prévu de certains programmes du CNES en préparation, notamment le programme de retour d'échantillons de Mars.

Il ne serait pas exact de dire que le CNES ne pourra engager aucun programme. Je voudrais citer en effet le lancement de la phase de définition du système de satellite d'observation de la terre, Pléiades - 250 millions de francs -, le lancement du programme P80 de développement technologique dans le domaine des lanceurs qui nous permet de surcroît de sortir d'un conflit avec l'Italie - 300 millions de francs -, la relance de la collaboration avec les Etats-Unis sur l'exploration de Mars après l'échec des missions de la NASA - le CNES et la NASA ont signé la semaine dernière une déclaration d'intention pour conduire ensemble la mission Mars Sample Return ainsi que d'autres expériences - et le lancement du satellite COROT. Cette énumération prouve bien que le CNES va pouvoir, au cours de l'année 2001, lancer des programmes nouveaux, ce qui est tout à fait nécessaire.

De plus, nous avons créé à Toulouse un CNRT consacré à l'espace et à l'aéronautique.

En ce qui concerne les vols habités, j'ai rencontré, jeudi dernier, le directeur général de l'Agence spatiale aéronautique russe, M. Youri Koptiev, pour discuter avec lui d'une éventuelle participation de Mme Claudie André-Deshays à un vol habité vers le station spatiale


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internationale. En effet, vous le savez, l'Europe et la France en particulier ont pris, en 1995, des engagements forts pour la station spatiale internationale. Il paraît donc souhaitable que nos astronautes, qui sont reconnus et estimés tant aux Etats-Unis qu'en Russie, puissent maintenir et développer leur qualification dans l'intervalle de temps qui sépare la période actuelle de celle qui sera marquée par la mise en service de la station spatiale internationale en 2005 ou 2006. Je poursuis également des conversations avec la NASA sur le même sujet, ayant rencontré M. Daniel Goldin à Paris, le 30 août dernier.

S'agissant du CNES, je partage le sentiment de Pierre Cohen et de Pierre Ducout sur la nécessité d'un contrat d'objectifs de caractère pluriannuel permettant à ce centre de mieux inscrire son action dans la durée. C'est un élément important des projets qu'il conduit, d'autant que ces projets sont souvent menés en coopération avec les agences spatiales d'autres Etats.

Le système GMES, de surveillance globale de l'environnement, est une initiative de la Commission, fortement soutenue par la présidence française. Le colloque que nous avons organisé à Lille sur ce sujet a été marqué par la réaction très largement positive de plusieurs de nos partenaires européens. Ce système mettrait les satellites d'observation à la disposition des applications qu'ils peuvent avoir pour l'amélioration de la vie quotidienne.

Une meilleure prédiction, donc prévention, des catastrophes naturelles - cyclones ou tempêtes -, ce qui est bien nécessaire, une agriculture de haute précision, une cartographie de haute précision, une meilleure gestion de cette ressource naturelle très importante qu'est l'eau : c'est cela ce système GMES, qui sera très probablement bâti en liaison avec les quatorze autres membres de l'Union européenne.

Je ne m'attarderai pas sur le programme Galileo - très important système européen de positionnement et de datation par satellites - qui nous permettra de ne pas dépendre exclusivement d'un seul système étranger : le système GPS. Ce programme Galileo est géré par le ministre de l'équipement et des transports dans les pays de l'Union européenne.

Certains orateurs sont intervenus sur le développement économique en soulignant qu'il fallait favoriser la valorisation de la recherche et le transfert de technologies pour irriguer l'économie des résultats de la recherche. Bernard Charles et Jean-Yves Le Déaut se sont interrogés sur la sortie des décrets d'application de la loi du 12 juillet 1999.

Dans les pays avancés, la recherche est aujourd'hui devenue le principal moteur de la compétitivité et de la croissance, le premier boosterpropulseur, faudrait-il dire - de l'économie et de l'emploi. C'est ce qui permet la création de nouvelles entreprises technologiques innovantes : les start-up

La loi sur l'innovation et la recherche votée à l'initiative de mon prédécesseur, Claude Allègre, constitue une réponse importante, notamment en permettant aux chercheurs de créer leur propre entreprise, de prendre des participations au capital de sociétés ou d'exercer une fonction de consultation au sein de sociétés sans devoir rompre définitivement les liens avec leurs organismes d'origine. Les décrets d'application sont aujourd'hui publiés, à l'exception de ceux portant sur les SAIC, dont a parlé Pierre Lasbordes, et qui soulèvent en effet certaines difficultés techniques. Mais tout ce qui concerne les incubateurs, les créations d'entreprise par les chercheurs, les créations dans des conditions simplifiées de filiales, a fait l'objet de décrets publiés au Journal officiel

Aujourd'hui, monsieur Charles, un an après la promulgation de la loi, 100 entreprises par an sont créées par des chercheurs, contre 20 auparavant. En comptant les entreprises innovantes créées par des étudiants ou des salariés soutenus par le biais du concours national d'aide à la création d'entreprises technologiques innovantes, ce sont 500 créations d'entreprises innovantes technologiques qui sont intervenues depuis 1998.

Nous avons porté à 29 le nombre des incubateurs, créés auprès d'organismes de recherche ou d'universités.

Ces incubateurs sont des lieux d'accompagnement, des porteurs de projets de création d'entreprise, des lieux d'appui, de conseil et parfois d'hébergement initial pour couver les jeunes pousses technologiques. Il existe maintenant au moins un incubateur par région métropolitaine.

De même, nous développons les fonds d'amorçage destinés à mettre le pied à l'étrier aux jeunes entreprises en leur apportant des capitaux initiaux ou en participant aux premiers tours de table financiers.

Si je voulais pasticher le langage très anglo-saxon de la presse économique - surtout quand elle est française (Sourires) - je dirais que l'Etat se fait business angel pour les start-up de high tech (Rires.)

Mais c'est une réalité.

Nous considérons nécessaire d'apporter des fonds à ces jeunes créateurs d'entreprise qui, sinon, ne pourraient pas les créer. Nous avons, par exemple, avec Christian Pierret, créé en juillet dernier un fonds de bio-amorçage destiné à apporter des fonds aux entreprises de biotechnologie. Je réponds sans doute ainsi à une préoccupation exprimée par M. François Guillaume.

Il faut citer par ailleurs le concours national d'aide à la création d'entreprises technologiques innovantes, dont la dotation a été portée de 100 à 200 millions de francs et dont le jury est présidé par le président de Saint-Gobain,

M. Jean-Louis Beffa.

Nous développons le partenariat public-privé, la coopération entre laboratoires publics de recherche et centres privés de recherche. Nous exerçons ainsi un effet de levier dynamisant, la recherche des entreprises étant entraînée vers le haut par la recherche publique.

De nouveaux réseaux de recherche et d'innovation technologique ont été fondés sur ce partenariat. Ils sont aujourd'hui au nombre de 12. Les deux derniers sont le réseau « Eau et technologie de l'environnement » et le réseau « Terre et espace », qui repose sur la même logique que le système GMES. Nous avons voulu démontrer le mouvement en marchant et prouver à nos partenaires européens que même au plan national, la France, autour du CNES et d'autres partenaires, était capable de créer un réseau de ce type.

Enfin, nous avons créé des CNRT - centres nationaux de recherche technologique. Ils associent, eux aussi, sur un site unique et sur un domaine de compétence ciblé, la recherche publique et la recherche privée - par exemple, la pile à combustible à Belfort-Montbéliard.

Plusieurs d'entre vous, dont François Cuvilliez, se sont interrogés sur le pourcentage du produit intérieur brut que représente la dépense totale de recherche en France.

Si l'on prend les dernières statistiques connues, qui sont celles de 1999 - l'année 2000 n'étant pas terminée -, la France occupe le quatrième rang parmi les grands pays de l'OCDE pour la dépense totale de recherche en pourcentage du PIB, c'est-à-dire 2,17 % : après le Japon, 3,06 % et les Etats-Unis 2,84 % et presque à égalité avec l'Allemagne, 2,29 % ; elle devance sensiblement le Royaume-Uni 1,83 %.


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Ce rang serait encore amélioré si la dépense de recherche des entreprises françaises en pourcentage du PIB était plus forte. Elle est de 2,18 % au Japon, de 2,16 % aux Etats-Unis, de 1,55 % en Allemagne et de 1,237 % en France - je parle de 1999.

En revanche, la France se situe au deuxième rang en matière de dépense publique de recherche civile : 0,76 % en Allemagne ; 0,74 % en France ; 0,58 % seulement au Japon ; 0,42 % seulement au Royaume-Uni et 0,41 % seulement aux Etats-Unis, toujours en 1999.

Les Etats-Unis et le Japon, qui se réclament de systèmes libéraux, constatant l'insuffisance passée de leur recherche publique, lui consacrent maintenant des crédits très importants, parce qu'ils partent de plus bas.

C'est donc bien la faiblesse relative des dépenses de recherche des entreprises - et non celle des dépenses de recherche publique civile - qui explique le niveau de la dépense nationale de recherche en pourcentage du PIB comparé aux Etats-Unis ou au Japon. Mais cette situation est en train de s'améliorer, précisément parce qu'existent ces réseaux de recherche et d'innovation technologique, qui regroupent les laboratoires publics et les laboratoires privés et permettent de faire que les organismes publics de recherche entraînent à leur suite, dans un effort commun, les laboratoires privés de recherche des entreprises.

Quoi qu'il en soit, il importe d'amplifier l'effort de recherche publique et privée pour conforter la place de notre pays parmi les grandes nations scientifiques. C'est une nécessité.

Je voudrais répondre maintenant à différentes interventions.

Le rapporteur, Christian Cuvilliez, a tenu des propos très intéressants sur de nombreux sujets et s'est interrogé sur plusieurs points. Je lui ai répondu s'agissant des CDD - et de l'INRIA - et s'agissant de la recherche électronucléaire, qui préoccupait également M. François Guillaume.

La dotation du CEA va augmenter de 3,4 % - en DO plus CP - ce qui correspond à une des plus fortes augmentations du BCRD pour 2001. Cette augmentation va servir à développer les recherches sur le nucléaire - réduction des coûts, développement d'un nouvelle génération de réacteurs propres produisant le moins possible de déchets et sur les énergies - énergies propres, filière hydrogène, piles à combustible, etc. M. Leroy m'a interrogé sur le système ITER, système de fusion qui va être examiné par le prochain Conseil

« recherche » de l'Union européenne. La France - notamment à travers le CEA - a mené des recherches très importantes en la matière, avec certains Etats membres. Il faudra convaincre les autres Etats européens de se joindre à eux, de manière plus active. Nous souhaitons que les

Etats-Unis - à l'origine c'était un projet international reviennent à ce projet, extrêmement coûteux, mais extrêmement intéressant pour le progrès scientifique. Nous devons en tout cas essayer de faire partager notre conviction par les autres pays de l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Foucher a évoqué les rigidités de certains marchés publics, la couverture des AP par les CP. Je lui ai répondu. Mais je ne l'ai pas fait encore s'agissant du système d'évaluation, question soulevée également par Jean-Yves Le Déaut et Pierre Cohen.

Le système d'évaluation de l'enseignement supérieur, avait fait l'objet, en 1985, d'une excellente mesure dont je me rappelle avec une grande précision (Sourires) : il s'agissait de la création du Comité national d'évaluation des universités. Le système d'évaluation de la recherche, quant à lui, sans être atomisé - le propos serait excessif , est beaucoup plus dispersé : il y a les conseils scientifiques des départements, le Comité national de la recherches cientifique, le Comité national d'évaluation de la recherche, de nombreux organismes et, d'une certaine manière, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Il serait souhaitable de renforcer l'évaluation du système de recherche pour pouvoir jouer « cartes sur table », comme je l'avais fait en 1985 en créant le Comité n ational d'évaluation des universités. La collectivité publique, qui consacre des sommes importantes à la recherche, a le droit de tout savoir du système de recherche : de ses lacunes, si elles existent, pour pouvoir les corriger ; de ses mérites, qui sont importants, pour pouvoir constater ce que la recherche apporte au progrès scientifique et au progrès technique. Le système d'évaluation de la recherche mérite d'être mieux coordonné.

Pierre Cohen a abordé de nombreux points, auxquels je crois avoir assez largement répondu : sur le CNES ; sur le projet GMES. Sur la culture scientifique et technique, j'en dirai un mot en conclusion.

Bernard Charles a beaucoup insisté sur les sciences du vivant et sur le médicament. La recherche française en matière de médicament doit continuer, pour éviter que nous ne soyons tributaires d'inventions étrangères. Nous avons mis l'accent sur les technologies pour la santé en créant un réseau de recherche et d'innovations technologiques - télémédecine, chirurgie assistée par ordinateur, création de nouvelles prothèses...

La révision de la loi bioéthique est attendue par les parlementaires, qui ont créé une mission qui réalise d'excellents travaux, avec Bernard Charles et Alain Claeys. Le Gouvernement est en train d'achever la préparation d'un projet de loi qui sera soumis dans les prochains mois à l'Assemblée nationale et au Sénat, de manière que les parlementaires puissent se prononcer et débattre de ce sujet qui est extrêmement important.

M. Leroy, que je comprends très bien, a exprimé la satisfaction générale qu'il y ait un synchrotron de troisième génération en France, et son insatisfaction - en termes modérés, ce dont je le remercie - que ce synchroton ne soit pas créé dans le Nord Pas-de-Calais. Il y avait onze régions candidates, soit une sur deux en France métropolitaine. Le Nord Pas-de-Calais avait un très bon dossier, qui avait été classé par le groupe d'experts à égalité avec l'Ile-de-France. M. Leroy sait les raisons pour lesquelles, finalement, j'ai proposé au Premier ministre, qui a bien voulu retenir cette proposition, de choisir l'Ilede-France. Aucune appréciation négative n'avait été portée sur le Nord Pas-de-Calais. Mais il se trouve que l'implantation du synchrotron en Ile-en-Frane était la solution la plus rapide à mettre en oeuvre et la moins coûteuse, sachant que d'autres pays étrangers se doteront, dans des délais assez rapides, de sources de rayonnement synchrotron de troisième génération.

Cela dit, comme je l'ai déclaré au cours des journées d'étude sur le projet GMES, il me paraît nécessaire de prévoir des mesures particulières en faveur du Nord Pasd e-Calais et peut-être également en faveur d'autres régions qui étaient candidates légitimes à l'installation de ce synchrotron et qui n'ont pas été retenues ; je pense à Midi-Pyrénées, qui s'était associée à l'Aquitaine dans sa présentation.


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Je sais ce que fait le Nord Pas-de-Calais en matière de recherche, avec l'Institut de biologie de Lille, l'Institut Pasteur, l'IEMN, le centre de laser, avec un réseau universitaire assez important, tant à Lille que dans des universités voisines.

J e suis prêt à aider particulièrement la région Nord Pas-de-Calais à développer son potentiel et son équipement de recherche en ce qui concerne, notamment, les sciences et technologies de l'information et de la communication, la biologie et les transports.

Je rappelle qu'une génopole y est en cours de constitution. Les recherches dans les sciences du vivant méritent donc d'être soutenues. J'examinerai ce point en concertation directe avec le conseil régional, avec les députés et je serai en mesure, dans les semaines qui viennent, de faire des propositions de manière que l'Etat accompagne, audelà de ce qui était prévu au contrat de plan Etat-régions, l'effort consenti par la région en faveur du développement des équipes scientifiques dans le Nord Pas-deCalais.

M. François Loos comme François Guillaume m'ont posé de nombreuses questions fort intéressantes auxquelles je vais essayer de répondre. Sur la sécurité alimentaire, le programme ESST - encéphalopathie spongiforme subaiguë transmissible - a été mis en oeuvre en 1996. Sur le FNS, 4,6 millions de francs seulement lui étaient alors consacrés ; 20 millions de francs l'ont été en 2000.

Cela dit, comme je l'ai déclaré au cours des journées d'étude sur le projet GMES, il me paraît nécessaire de prévoir des mesures particulières en faveur du Nord Pasd e-Calais et peut-être également en faveur d'autres régions qui étaient candidates légitimes à l'installation de ce synchrotron et qui n'ont pas été retenues ; je pense à Midi-Pyrénées, qui s'était associée à l'Aquitaine dans sa présentation.

Je sais ce que fait le Nord Pas-de-Calais en matière de recherche, avec l'Institut de biologie de Lille, l'Institut Pasteur, l'IEMN, le centre de laser, avec un réseau universitaire assez important, tant à Lille que dans des universités voisines.

J e suis prêt à aider particulièrement la région Nord Pas-de-Calais à développer son potentiel et son équipement de recherche en ce qui concerne, notamment, les sciences et technologies de l'information et de la communication, la biologie et les transports.

Je rappelle qu'une génopole y est en cours de constitution. Les recherches dans les sciences du vivant méritent donc d'être soutenues. J'examinerai ce point en concertation directe avec le conseil régional, avec les députés et je serai en mesure, dans les semaines qui viennent, de faire des propositions de manière que l'Etat accompagne, audelà de ce qui était prévu au contrat de plan Etat-régions, l'effort consenti par la région en faveur du développement des équipes scientifiques dans le Nord Pas-deCalais.

M. François Loos comme François Guillaume m'ont posé de nombreuses questions fort intéressantes auxquelles je vais essayer de répondre. Sur la sécurité alimentaire, le programme ESST - encéphalopathie spongiforme subaiguë transmissible - a été mis en oeuvre en 1996. Sur le FNS, 4,6 millions de francs seulement lui étaient alors consacrés ; 20 millions de francs l'ont été en 2000.

Il faut ajouter 33 millions de francs correspondant à l'effort des organismes de recherche. Au total, donc, 53 millions de francs. De nombreuses équipes engagées à l'INRA, à l'INSERM, au CNRS, jouent un rôle essentiel dans ces recherches.

C'est un problème auquel la France est confrontée, comme d'autres pays, et auquel elle apporte un soin très particulier en essayant de développer et de coordonner lesr echerches avec un comité interministériel d'experts animé par le professeur Dormont.

J'ai répondu en partie à la question de M. Loos sur le nucléaire en répondant à M. Cuvilliez. Concernant les déchets radioactifs, je ne peux pas entrer dans le détail.

Mais, comme le sait M. Loos, il existe la loi Bataille qui propose trois options jusqu'à 2006, à savoir des études sur la séparation transmutation, sur l'entreposage en surface ou subsurface et sur le stockage en couches géologiques profondes, soit dans l'argile, soit dans le granit.

Ces recherches sont menées activement. Les parlementaires seront en mesure de se prononcer sur ces options pour la période précisée par la loi Bataille.

En ce qui concerne l'espace, je crois avoir répondu.

Mais j'ai oublié de parler d'Ariane. Ariane 5 est un très grand succès commercial. C'est le numéro un sur le marché commercial des lanceurs. Nous avons à cet égard deux ans d'avance sur les Etats-Unis.

Les secteurs dans lesquels l'Europe et la France sont en avance sur les Etats-Unis existent donc. C'est le cas pour les lanceurs, c'est le cas sans doute aussi pour l'aéronautique avec l'A3XX dont je parlais tout à l'heure. Boeing semble s'émouvoir des progrès très importants qui vont être réalisés en Europe et en France, en particulier, dans le secteur de l'avion gros porteur.

Nous développons le réseau de génopôle pour le génome humain, mais aussi pour le génome végétal dont se préoccupait notamment François Guillaume.

Ce dernier est intervenu à propos des OGM. Bien sûr, on s'interroge. Bien sûr, on doit appliquer le principe de précaution. On ne peut choisir le laisser-faire face aux interrogations que partagent les scientifiques eux-mêmes.

Mais de même qu'il faut se garder du laisser-faire, il faut se garder de l'obscurantisme. Nous ne pouvons pas refuser le droit de savoir. Par conséquent, il est nécessaire que, sur les parcelles très clairement identifiées correspondant à des expérimentations menées par l'INRA, en particulier, des recherches puissent être conduites avec toutes les garanties de sécurité et de non-pollinisation pour que l'on sache avec exactitude et précision scientifique les avantages et les risques éventuels attachés aux OGM.

Refuser le savoir n'est pas un comportement moderne.

François Loos m'a parlé de climatologie. Je partage sa préoccupation. J'ai d'ailleurs proposé au conseil des ministres de nommer un des meilleurs spécialistes de la climatologie et de l'effet de serre, Gérard Mégie, à la présidence du CNRS.

Pierre Lasbordes a évoqué les allocations de recherche.

Il est vrai que si leur montant n'a pas augmenté, leur nombre, lui, a augmenté. Elles seront 4 000 à ce projet de budget. Les allocataires de recherche qui touchent 7 400 francs bruts, soit environ 6 000 francs nets, sont parfois en même temps moniteurs dans l'enseignement supérieur, ce qui leur rapporte en plus - ce qui n'est pas énorme d'ailleurs - 2 200 francs bruts, soit 1 800 francs nets. Un tiers d'entre eux sont des moniteurs. Un allocat aire qui fait du monitorat touche donc près de 8 000 francs nets par mois - contre 10 000 francs nets pour un jeune chercheur en début de carrière. On peut


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

penser que ce n'est tout de même pas suffisant. Mais l'allocation de recherche-monitorat et la rémunération d'un chargé de recherches n'ont pas à se rejoindre, car cela créerait des problèmes d'un autre ordre. Cela dit, je suis conscient de l'opportunité qu'il y aurait à examiner la question.

Pierre Ducout m'a posé de nombreuses questions sur l'espace. Mais je crois y avoir répondu chemin faisant.

J'ai répondu à quelques-unes des observations de François Guillaume sur la sécurité alimentaire. Nous considérons les biotechnologies comme un secteur extrêmement important. Le ministère fait beaucoup d'efforts en ce domaine. J'ai cité le fonds de bio-amorçage. Mais il y a de nombreux réseaux de recherches et d'innovation, le réseau Genomme qui concerne la génomique humaine, le réseau Génoplante qui concerne la génomique végétale, le centre de séquençage, le centre de génotypage, le réseau des génopoles.

La biotechnologie est essentielle. Non seulement elle a un impact économique considérable, mais elle concerne l'être humain dans ses aspects les plus essentiels : sa santé et la qualité de ses aliments.

Jean-Yves Le Déaut a mis l'accent sur les technologies logicielles, les biotechnologies et d'autres secteurs qui doivent être fortement encouragés ; je partage tout à fait son analyse. Il a insisté sur la publication des décrets d'application de la loi sur l'innovation et la recherche. Il a également relevé avec raison que des pays comme le Japon, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, dont le gouvernement est actuellement travailliste, consacrent des crédits importants à la recherche parce qu'ils considèrent que la recherche, notamment publique, est un moteur essentiel de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi.

Jean-Yves Le Déaut a encore évoqué l'effort de recherche par rapport au PIB, l'évaluation, dont il parle très bien dans son rapport et que j'ai eu l'occasion d'aborder, et enfin les liens entre recherche et aménagement du territoire. Nous les avons présents à l'esprit, car la recherche doit bien entendu prendre en considération les problèmes du territoire. Du reste, les schémas des serv ices collectifs pour l'enseignement supérieur et la recherche s'efforcent de mieux répartir, non seulement l'enseignement supérieur mais aussi l'appareil de recherche sur l'ensemble du territoire. Et je me réjouis de voir que de nombreuses régions consacrent, dans les nouveaux contrats de plan 2000-2006, des sommes importantes à la recherche, ce qui, auparavant, n'était le cas que pour l'enseignement supérieur.

L'Etat ne se défausse pas sur les collectivités locales : il ajoute quelque chose, au contraire. Il y a donc un double effort : celui de l'Etat, qui se maintient et souvent augmente, et celui des régions ou d'autres collectivités locales qui rejoignent l'Etat parce qu'elles ont le sentiment que la recherche est un facteur très important du développement économique régional.

Enfin, sachant l'heure qui avance et la commodité très relative du jour qui nous rassemble pour l'examen de ce budget, je souhaite terminer en disant qu'il nous faute nsemble, Gouvernement et Parlement, rapprocher science et société - préoccupation exprimée par l'un des rapporteurs, Pierre Cohen, et à laquelle je suis sensible.

Nous voulons une science publique et une science citoyenne.

La recherche n'est plus du tout repliée dans sa tour d'ivoire ou dans une forteresse du savoir académique. Elle va à la rencontre du public, descend dans la rue. Ainsi, nous avons organisé, vous avez organisé dans vos départements, vos communes - 700 communes ont été concernées - la Fête de la science. Les chercheurs sont allés au contact direct du public en participant à des colloques, des conférences, des cafés des sciences, des expositions, des ateliers scientifiques, des projections de films, des spectacles. Nous voulons une science publique, vivante et partagée par tous.

Nous voulons donc développer très activement la politique de diffusion de la culture scientifique et technique, comme cela est préconisé par le rapport de Pierre Cohen.

Pour cela, il faut « déparisianiser » la culture scientifique, parfois trop centrée sur les institutions parisiennes. De même, il faut la « désanctuariser » en la sortant davantage des musées pour la faire descendre dans la rue au contact immédiat de nos concitoyens.

A cet égard, le présent projet de budget comporte des avancées significatives. En effet, les moyens consacrés au financement des actions de culture scientifique en régions progresse de 32 %. Ces moyens permettront à la fois de renforcer les centres de culture scientifique et technique dans les régions et de financer des actions de portée nationale mais qui ont des retombées dans les régions, comme la Fête de la science.

Le citoyen du

XXIe siècle doit pouvoir être un honnête homme - il l'était au

XIIe siècle, pourquoi ne le serait-il pas au

XXIe ? - en étant informé de tout, en ayant des lumières sur tout, et notamment sur les progrès scientifiques et technologiques de son temps. Nous voulons donc une science publique qui soit proche de chacun.

Nous voulons aussi une science citoyenne, qui renforce les capacités de choix démocratique de nos concitoyens.

La recherche porte aujourd'hui - et Christian Cuvilliez est notamment intervenu sur le point - sur des domaines qui peuvent concerner chacun dans sa vie quotidienne ou dans son avenir : les applications des découvertes faites sur le génome humain, les recherches éventuelles sur les c ellules-souches embryonnaires et la bioéthique, les OGM, l'effet de serre et les changements climatiques, le devenir des déchets radioactifs. Nos concitoyens doivent être pleinement informés de ces enjeux ; ils doivent pouvoir en débattre avec les scientifiques et avec les responsables politiques ; ils doivent pouvoir participer à la décision. Ce qui est en jeu, en réalité, c'est le droit de savoir pour disposer du pouvoir de décider.

En fait, il faut repolitiser la science, c'est-à-dire la remettre dans la cité, dans le débat civique et politique.

Sans cela, ce débat risque de devenir artificiel et décalé par rapport aux véritables interrogations ou préoccupations des Français. S'il y avait déficit de l'information scientifique et technique, il y aurait aussi déficit de la démocratie.

Je tiens à le souligner dans cette enceinte, qui est par excellence le coeur de la démocratie et le lieu naturel des grands débats de société, si la science ne redevient pas une science citoyenne, notre démocratie sera incomplète.

Parce que vous êtes les représentants légitimes de nos concitoyens, parce que vous exprimez avec fidélité leurs attentes, parce que vous portez leurs espoirs dans un avenir meilleur, j'en appelle donc à votre concours, pour faire de la recherche une grande cause nationale, et de la science un nouvel espace de citoyenneté, et donc de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Recherche ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : moins 13 880 000 francs ;

« Titre IV : moins 161 958 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 8 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 4 000 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 14 354 070 000 francs ;

« Crédits de paiement : 12 105 220 000 francs. »

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.

(La réduction de crédits est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la recherche.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

MODIFIÉE PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 2 novembre 2000, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à la contraception d'urgence.

Cette proposition de loi, no 2686, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Vendredi 3 novembre 2000, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Anciens combattants, articles 51 à 53 : M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 8 du rapport no 2624) ; M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome II de l'avis no 2625).

Environnement : M. Michel Suchod, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 7 du rapport no 2624) ; M. Stéphane Alaize, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (tome IV de l'avis no 2629).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Eventuellement, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 7 novembre 2000, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 31 octobre 2000 No E 1584. - Lettre rectificative no 2 à l'avant-projet de budget pour 2001. - Partie III Commission (SEC [2000]).

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communication du 2 novembre 2000 No E 934 (COM [1997] 358 final). - Proposition de directive du Conseil relative aux véhicules hors d'usage (décision du Conseil du 18 septembre 2000).

No E 1158 (COM [1998] 461 final). - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès à l'activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédits et son exercice (décision du Conseil du 18 septembre 2000).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 2000

No E 1191 (COM [1998] 660 final). - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la détermination du redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1284 (COM [1999] 333 final). - Proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l'Union européenne (décision du Conseil du 29 septembre 2000).

No E 1291 (COM [1999] 392 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'amendement au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1453 (7381/00 JAI 30). - Initiative de la République portugaise en vue de l'adoption d'une décision du Conseil portant création d'un secrétariat pour les autorités de contrôle communes chargées de la protection des données, instituées par la convention portant création d'un office européen de police (convention EUROPOL), la c onvention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et la convention d'application de l'accord de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes : actes législatifs et autres instruments (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1463 : annexe 2 (SEC [2000] 1095 final). - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire no 2/2000. - Section I : Parlement. - Section III : Conseil (arrêt définitif du Conseil du 6 juillet 2000).

No E 1495 (COM [2000] 363 final). - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) no 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (décision du Conseil du 9 octobre 2000).

No E 1530 (COM [2000] 473 final). - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République tchèque (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1533 (COM [2000] 480 final). - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République slovaque (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1534 (COM [2000] 481 final). - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la Lettonie (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1535 (COM [2000] 482 final). - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la Roumanie (décision du Conseil du 17 octobre 2000).

No E 1536 (COM [2000] 483 final). - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République de Bulgarie (décision du Conseil du 9 octobre 2000).