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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7965).

DÉFENSE (p. 7965)

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la dissuasion nucléaire.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'espace, les communications et le renseignement.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les forces terrestres.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la marine.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'air.

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour le titre III et les personnels de la défense.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les crédits d'équipement.

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les services communs.

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

MM. Jean-Louis Bernard, Alain Richard, ministre de la défense, Gérard Charasse, Yves Fromion, Bernard Birsinger.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7989).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE SIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIE ME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

DE

FENSE

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la défense.

La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le ministre de la défense, au nom de la commission des finances, saisie au fond, je souhaiterais rendre tout d'abord hommage aux hommes qui sont placés sous votre responsabilité ministérielle.

En effet, nos armées vivent quatre révolutions simultanées : la professionnalisation, qui en change la culture ; la multinationalisation des programmes d'armement et des organisations opérationnelles ; la réduction des budgets d'équipement, de près d'un tiers en moins de dix ans ; enfin, la métamorphose d'une armée territoriale de masse en une armée professionnelle de projection.

Je prendrai un seul exemple pour concrétiser ces quatre révolutions : alors que en 1990, six mois de préparation avaient été nécessaires pour projeter 12 000 hommes dans le Golfe, en 1996, la part projetable de l'armée de terre à bref préavis était de 10 %, elle est de 40 % aujourd'hui et elle sera de 75 % en 2002. La véritable révolution est là.

Cette réforme globale d'une ampleur considérable, menée sans bruit, dans des délais tendus, montre l'extraordinaire capacité d'adaptation de nos armées, leur réactivité et le civisme des jeunes. Derrière cette formidable révolution silencieuse, il y a l'intelligence, le sens de l'Etat, le dévouement des hommes. Beaucoup auraient à apprendre. Je suis heureux de pouvoir ici leur rendre simplement mais solennellement cet hommage.

D'entrée de jeu, je qualifierai votre projet de « bon budget », au service d'un ministère qui a très sérieusement et très profondément rationalisé ses procédures.

C'est un progrès, monsieur le ministre, que les observateurs devront très clairement porter à votre crédit.

Il est tout d'abord intéressant de constater la remarquable continuité de la réforme à travers toutes les alternances politiques. Les principaux chocs financiers ont eu lieu en 1995, 1996 et 1997. La première difficulté de cette mutation est certainement qu'elle s'effectue en même temps qu'une diminution de la marge budgétaire.

C'est la contrainte permanente de la période.

Pouvait-on faire autrement ? Du fait de l'engagement pris par la France dans le cadre du pacte de stabilité budgétaire européen et de l'équilibre accepté entre budgets civils et budgets militaires, le niveau des crédits de défense ne peut être arrêté à un équilibre très différent de celui-ci. On peut certes le regretter et en mesurer la difficulté, mais cette situation s'impose à tous. Il faut donc vivre cet effort non pas comme une frustration mais comme une exigence.

Le Président de la République lui-même a accepté cette exigence. Notre politique de défense ne pâtira donc pas d e la cohabitation. L'époque et les circonstances impliquent que le budget de la défense soit, une fois de plus, à l'abri des pollutions du débat politicien, et c'est bien ainsi.

Un premier constat d'ordre général consiste à souligner la proximité de ce projet de budget avec l'annuité de la loi de programmation militaire. Nous sommes très audelà des 90 % de réalisation. Ce chiffre est net en ce qui concerne le titre III, peut-être plus discutable concernant le titre V quand on en examine de près la structure.

En ce qui concerne le titre III, qui s'élève à 105,5 milliards de francs, 90 % des emplois prévus en fin de loi de programmation sont aujourd'hui budgétés.

Nous relevons, en structure, les évolutions lourdes déjà pressenties l'année dernière, c'est-à-dire le coût plus lourd que prévu de la professionnalisation. La part des dépenses de rémunérations et charges sociales, les RCS, atteint désormais 80 % du titre III, plus 13 %, en loi de finances initiale, entre 1996 et 2001, sans compter les opérations extérieures.

La déflation des effectifs globaux des appelés se poursuit normalement avec la création de 7 700 emplois de militaires du rang dont 1 050 gendarmes.

Le processus de suppression du service national et de disparition progressive des appelés entraîne un mouvement d'externalisation qui, pour la seule armée de terre, représente, avec 900 millions de francs, 15 % de son titre III hors RCS. Là encore, c'est une révolution.

Dans ce bilan, s'inscrivent en négatif la très forte tension sur le service de santé des armées et surtout les importants problèmes qui sont à prévoir sur la dotation en carburant. Malgré un effort budgétaire important, la


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base d'un baril à 20 dollars et d'un dollar à 6,50 francs sera certainement très en dessous de la réalité. Veillons à ce que le choc pétrolier ne se gère pas au détriment de l'activité des forces.

Sont, en revanche, positifs le bon fonctionnement de la politique d'accompagnement de la professionnalisation et la revalorisation des rémunérations des personnels militaires et civils. Les inquiétudes que l'on pouvait formuler concernant le recrutement des personnels civils me paraissent plutôt s'atténuer. C'est essentiel pour la réussite de la professionnalisation.

Décernons également un satisfecit à l'augmentation du budget de fonctionnement de la gendarmerie de 6,9 % et à la progression des crédits relatifs à l'entraînement. Cela entraîne une augmentation sensible du taux d'activité de chaque arme souvent dans des cadres inter-alliés qui impose un niveau important d'inter-opérabilité et de mobilité.

Le titre V s'élève à 83,4 milliards de francs, soit plus 0,5 %. Rappelons que l'annuité théorique de la loi de programmation militaire, la LPM, était de 90,3 milliards, et celle de la revue de programme de 86,1 milliards. Une baisse opportune de la TVA de 20,6 % à 19,6 % solde sans doute l'ensemble à une augmentation de 1 % des moyens disponibles.

Pour reprendre une comparaison traditionnelle, la LPM sera réalisée à plus de 90 % en fin de période ; ce n'est pas parfait mais c'est mieux que la précédente qui, en valeur, avait perdu le même volume de crédits dès la première année.

En structure, notons que la dissuasion représentera 19 % du titre V, c'est-à-dire moins 60 % en dix ans.

C'est très exactement ce que prévoyait la loi de programmation militaire, en fin de période, soit moins de 20 %.

Notons également une augmentation sensible du poids des commandes globales qui, après avoir représenté 12 % des engagements en 1997, 16 % en 1998, vont passer à plus de 23 % des engagements en 1999. Evidemment, il faut faire attention aux dangers de rigidification de notre budget, mais les avantages de ces commandes globales sont tels que nous ne devons pas regretter le niveau actuellement atteint.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire.

Et l'avion de transport du futur ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

J'y viens, cher ami ! Il faut noter l'effort de maîtrise imposé par la DGA qui a placé 85 programmes sous contrôle de gestion, soit 54 milliards de francs sur les dépenses restant à engager en 1996. Cette direction est la bonne, il faut maintenir le cap.

Ce titre V m'inspire quelques réflexions et quelques interrogations.

M. Charles Cova.

Quand même !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

En négatif, tout d'abord, je noterai le niveau à nouveau trop faible des études amont à 2,95 milliards de francs. Avec une baisse en francs constants, la France ne fait pas un effort suffisant alors que des pays partenaires de l'Europe maintiennent le leur. Au passage, je remarque que les recherches concernant les armes non létales ne peuvent rester à l'état de simple veille technologique.

En positif, je soulignerai le bon développement du programme de simulation ex-PALEN, cher à M. GalyDejean, qui va bénéficier de formidables outils informatiques. Il est à souhaiter que ceux-ci puissent être aussi mis à la disposition d'autres recherches, civiles celles-là je pense par exemple au séquençage du génome humain.

Egalement en positif, je voudrais signaler les importants efforts de rationalisation que représente le développement du service inter-armées de maintenance de tout le matériel aéronautique, la SIMMAD. Le développement du service de soutien à la flotte, dont la maîtrise d'ouvrage permettra de garantir la disponibilité technique des matériels, l'adossement de la DCN à Thomson pour ses activités internationales de construction navale étaient des mesures positives très attendues.

En ce qui concerne les interrogations, j'imagine que mes collègues de la commission de la défense sauront vous dire l'attente que représente le financement en autorisations de programme de l'A 400 M, programme européen majeur de six Etats, qui nécessitera près de 20 milliards de francs en loi de finances rectificative, et qui restera fragile tant que cette décision ne sera pas actée, Concernant le Rafale, il faut évidemment sortir du blocage actuel sur le financement du standard F 2, pour que ce programme, dans lequel nous avons déjà investi plus de 50 milliards de francs, puisse enfin nous permettre de disposer des avions nécessaires à la marine et à l'armée de l'air.

Monsieur le ministre, ce tableau, où les aspects positifs l'emportent largement, serait incomplet si je n'insistais pas sur quelques scories essentiellement héritées du passé mais qui polluent quelque peu ce titre V. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il n'y a aucun aspect polémique dans mes propos ! (« Non ! » sur les mêmes bancs.)

M. Charles Cova.

Parler de scories du passé, ce n'est pas polémiquer ?...

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Les responsabilités sont collectives, je le dis clairement. J'ai l'habitude de faire des comptes rendus très honnêtes de ces budgets et je continuerai.

Ces scories, essentiellement héritées du passé, disais-je, polluent quelque peu le titre V.

Je passe sur le fait que les raisonnements de répartition par arme du budget se rencontrent encore trop souvent dans nos armées. Il serait nécessaire de passer définitivement à une culture d'interarmisation et de concept d'architecture de forces. Pour la prochaine loi de programmation militaire, c'est indispensable.

Je passe également sur le poids trop lourd des restructurations de nos anciens arsenaux. Les milliards de francs engloutis par la DCN et par le GIAT, sous tous les gouvernements, peuvent être regrettés, mais l'absence d'alternative est évidente.

Je passe également sur l'étrange financement de la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique dont une bonne part des crédits devrait relever du titre III, alors qu'ils figurent au titre V.

En revanche, je voudrais insister sur les BCRD, qui remontent à 1,25 milliard de francs. Disons, pour être indulgents, que ces sommes sont certainement utiles au CNES et peut-être même un peu au budget de la défense.


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M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

On n'en est pas sûr ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Il est cependant évident qu'elles ne sauraient être intégrées dans la préparation de la prochaine loi de programmation militaire. Une clarification s'imposera avant 2002.

Je serai beaucoup plus critique sur le crédit qui représente la plus forte et la plus rapide progression de votre budget, je veux parler des crédits destinés aux territoires de la Polynésie française : 360 millions de francs en 1999, 600 millions de francs en 2001. On peut s'interroger sur le cadre juridique qui régit l'utilisation de ces crédits.

Le rapporteur de la commission des finances n'a pas disposé des informations sur l'utilisation détaillée de ces crédits, sur les critères précis de sélection des opérations et d'identification des bénéficiaires. On pourrait penser qu'il s'agit d'une mauvaise circulation de l'information entre le Gouvernement et le Parlement. Je ne fais pas cette analyse. Je pense simplement que le Gouvernement lui-même ne dispose pas de ces éléments. Je n'incrimine donc absolument pas votre administration, monsieur le ministre. Non, sans parler de leur légitimité, je pense que ces crédits, qui n'ont rien à voir avec la défense, devraient être prélevés sur un autre budget.

M. Yves Fromion.

Pourquoi n'est-ce pas fait ?

M. Alain Richard, ministre de la défense.

C'est un engagement de l'Etat !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

J'espère être un jour détrompé sur l'impression de vaste désordre que m'a laissée ma tentative d'y voir clair. Nous disposons, en France, d'instances de contrôle qui, me semblet-il, trouveraient dans l'utilisation de ces fonds un champ d'investigation prometteur.

M. Didier Boulaud.

Très bien !

M. Yves Fromion.

C'est vraiment une accusation grave que vous portez.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

C'est très grave, je suis d'accord.

Ce budget serré mais pertinent doit s'analyser aussi dans son contexte.

Nous sommes en pleine construction de l'Europe de la défense, c'est évidemment ce qui marque la période. La France joue un rôle central dans cette construction puisqu'elle est au coeur des regroupements industriels, au coeur de tous les programmes en coopération et au coeur des constructions institutionnelles, spécialement en cette période de présidence française.

Les sommets européens se suivent depuis Helsinki et Saint-Malo à un rythme soutenu et rencontrent un résultat positif. Force est de constater que dans la prolongation de la letter of intent, la lettre d'intention, l'Europe renforce ses capacités industrielles, opérationnelles, stratégiques et politiques.

Notons, pour nous en inquiéter, que si la France s'équipe à hauteur de 80 milliards de francs par an, la Grande-Bretagne à hauteur de 100 milliards de francs, l'effort allemand est inférieur à 40 milliards de francs.

Espérons que cette évolution du budget allemand n'est que passagère car une telle divergence de moyens serait, à terme, créatrice de fortes tensions.

Considérons comme un signe positif la position allemande concernant la politique spatiale. Notre voisin semble s'être ressaisi à la suite de l'expérience douloureuse du Kosovo qui lui a montré qu'il n'y avait pas d'existence politique sans capacité d'évaluation autonome des crises.

Helsinki a affirmé la volonté européenne d'acquisition d'une capacité de renseignement commune. La décision allemande de réinvestir dans l'observation radar à haute résolution est positive, si cet effort se concrétise budgétairement.

Pour notre part, nous remplissons nos engagements dans le domaine de l'observation optique, infrarouge et d'écoute électromagnétique.

L'Europe stratégique, c'est aussi la mise en place des éléments d'une Europe du renseignement. Je salue positivement les efforts faits sur le budget d'investissement de la direction générale de la sécurité extérieure et pour la montée en puissance de la direction du renseignement militaire. La réalisation d'un véritable centre de targeting est également un outil d'indépendance stratégique.

L'européanisation des systèmes de commandement et de gestion des affaires civilo-militaires reste largement à c onstruire. Une structure permanente est, dans ce domaine, nécessaire.

L'Europe opérationnelle a également fait d'importants progrès. La conférence d'engagement de capacités en est l'outil. Elle devra un jour, d'une façon formelle ou informelle, déboucher sur une liaison entre notre loi de programmation militaire et les programmations européennes.

Vous me permettrez, et cela n'étonnera personne, que je milite une fois de plus, pour la mise à disposition de nos forces et donc de l'Europe d'un second porte-avions.

M. Charles Cova.

Merci !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Cette décision n'est pas contournable, à mon sens et ce nouveau porte-avions devra, pour de multiples raisons, être nucléaire.

L'espace et la marine ont en commun d'assurer la disponibilité permanente de l'outil, sa couverture mondiale, sa souplesse très fine d'utilisation qui lui confèrent un rapport coût/efficacité politique remarquable et à notre portée. Ne nous en privons pas ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.) Le partage des capacités ou leur mutualisation devra être organisé dans le respect des engagements purement nationaux.

En fait, le débat sur la non-redondance des moyens stratégiques, qu'il s'agisse du renseignement, du targeting, des systèmes de commandement, des moyens de transports ou des armes de haute précision tirées à grande distance, pose le problème du droit de veto de la puissance principale.

Que les moyens stratégiques de l'Europe ne soient pas redondants avec ceux de l'OTAN est sans doute un outil d'économie mais cela peut aussi se transformer en moyen de domination.

Nous n'avons pas à engager avec nos alliés des débats théologiques sur ces questions qui aboutiraient nécessairement à une impasse politique, mais nous devons à coup sûr mettre en place les moyens de cette capacité stratégique européenne si nous voulons qu'il y ait un jour une politique étrangère et de sécurité commune.

M. Charles Cova.

Oui !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Mes chers collègues, c'est parce que ce budget s'inscrit résolument dans cet objectif et qu'il est bien équilibré dans des finances assainies que la commission des finances vous invite à l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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M. le président.

La parole est à M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année plus encore que les années précédentes, l'avis de la commission des affaires étrangères sur le budget de la défense pour 2001 doit tenir compte de trois données : la situation internationale, l'Europe de la défense, la loi de programmation de 1996 et la revue des programmes de 1998.

La situation internationale, d'abord.

Depuis 1989, c'est-à-dire depuis l'effondrement du système soviétique, le contexte international, et pas seulement en Europe, est en pleine révolution. La ligne générale - fin de la guerre froide, crises nombreuses et graves dans le tiers monde et en Europe - demeure la même et, partant, ne remet pas en cause la stratégie adaptée depuis plusieurs années à un monde moderne, radicalement différent de celui que nous avons connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à la chute du mur de Berlin.

Les événements récents en Yougoslavie ou, plus exactement, en Serbie, au Monténégro et au Kosovo, ont apporté une dernière touche au phénomène le plus marquant de la fin du XXe siècle : la disparition irréversible du communisme en Europe.

La fin du régime de Milosevic est inscrite dans les faits et, dans l'ensemble des Balkans, en Serbie comme en Croatie, au Monténégro et au Kosovo, la tonalité est à la modération.

Les déclarations du Président de la République et le voyage à Belgrade d'Hubert Védrine ont tout à fait répondu à la situation. Les Balkans en cette année 2000 rejoignent l'ensemble pacifique européen, réussite exceptionnelle des pères fondateurs de l'idée européenne dans les années 50. L'ambition de toute cette Europe libre est d'entrer dans l'Union européenne et dans l'Alliance atlantique.

La situation internationale correspond ainsi de plus en plus à la stratégie de la loi de programmation, transformant notre armée en armée professionnelle.

D'autres événements tempèrent cependant l'optimisme qu'inspirent la fin de la guerre froide et la poursuite de la démocratisation en Russie. Le fait le plus important est la prolifération nucléaire et des missiles.

L'accès à l'arme nucléaire de l'Inde et du Pakistan, quelle que soit la relative sagesse du comportement de ces deux Etats, est un signe grave. Le problème posé par la Corée du Nord à la fois par son programme nucléaire et par ses missiles est-il en voie de règlement ? Restent aussi les Etats qualifiés de dangereux comme l'Irak et l'Iran.

Quant à la Chine et la Russie, la dissuasion nucléaire demeure au coeur de leur dispositif de défense.

Le projet américain de nouveau bouclier antimissiles tente de répondre à un problème réel, celui de la prolifération nucléaire. Mais, et à juste titre, la France et la Russie sont plus que réservées devant les conséquences qu'aurait la modification du traité ABM.

Les crédits consacrés dans votre budget, monsieur le ministre, à la dissuasion sont, bien qu'en diminution, satisfaisants et correspondent aux nécessités du contexte actuel, notamment pour les trois programmes majeurs : le quatrième SNLE de nouvelle génération a été commandé le 21 juillet 2000 ; le missile M 51 et l'ASMP - missile air-sol à moyenne portée amélioré - sont en cours de finalisation malgré la poursuite d'une discussion avec le groupe industriel EADS.

La deuxième donnée, l'Europe de la défense, est aujourd'hui, en un sens, le critère principal d'un bon budget.

Les progrès accomplis sur le plan politique et institutionnel depuis le sommet franco-britannique de 1998 sont considérables et confirmés par une succession de Conseils européens. Tous ces progrès devraient être poursuivis et consacrés au Conseil de Nice, fin 2000.

L'essentiel est de doter l'Union d'une capacité d'action autonome et de décision en matière de gestion des crises.

Le corps européen joue désormais un rôle central et est devenu le noyau du quartier général de la KFOR au Kosovo. La coopération institutionnelle se met en place, la perspective étant que l'Union européenne, en matière de défense, se substitue progressivement, sur le plan opérationnel, à l'UEO. Aux derniers Conseils européens, il a été décidé que l'Union européenne devrait, à partir de 2 003, mettre en action, en soixante jours, 60 000 hommes, pendant la durée d'un an.

Tout votre effort, monsieur le ministre, porte donc, en principe, sur l'équipement des forces. Pour 2001, les crédits d'équipement, avec 83,4 milliards de crédits de paiement et 84,7 milliards d'autorisations de programme, ne sont cependant pas tout à fait au niveau des crédits prévus par la loi de programmation, soit 86 milliards, ni même au niveau de ceux envisagés par la revue des programmes, soit 85 milliards. Un certain retard est pris, qui risque d'avoir des conséquences non seulement pour notre contribution à la défense européenne, mais aussi pour les perspectives de la future loi de programmation 2003-2008.

Toutefois, il est satisfaisant de constater, pour certains programmes aussi importants que le Rafale ou le NH 90, le niveau des commandes ou de fabrication. Vingt appareils Rafale sont confirmés - 12 pour l'armée de l'air et 8 pour la marine - et la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 a assuré l'entrée en fabrication du NH

90. En revanche, pour ce qui concerne l'avion de transport européen A 400 M, pour lequel se sont engagés, avec la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, aucun crédit n'est prévu. C'est une lacune inquiétante puisque c'est, dans le domaine de la gestion des crises, la faiblesse militaire la plus criante de l'Europe.

Quant à l'armée de terre, la professionnalisation a augm enté les réserves de forces projetables, l'objectif pour 2002 étant 100 000. Les activités d'entraînement dans les trois armes sont également pourves. S'agissant des matériels, on enregistre la commande des 52 derniers chars Leclerc.

Toujours dans la perspective d'une défense européenne éventuellement autonome, les lacunes les plus sérieuses touchent aux capacités de renseignement et d'observation, y compris l'espace. Sans doute, les améliorations du projet Hélios II ont-elles été prévues, ainsi que la poursuite du satellite Syracuse II par un satellite Syracuse III.

Enfin, le corps européen ne peut faire office de réaction rapide que s'il dispose de la capacité, rare en Europe, de constituer une structure de commandement d'un dispositif entrant en force sur un théâtre d'opérations. Or seul l'OTAN dispose d'une telle structure.

En conclusion, je dirai que le budget de la défense pour 2001 présente une situation relativement stable avec le développement ou l'entrée en fabrication d'équipements qui avaient souffert d'importants retards, comme le


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Rafale ou le NH 90. Mais ce qui est préoccupant, c'est le déficit par rapport au projet de défense européen, au m oment où les Etats-Unis et la Grande-Bretagne annoncent une augmentation de leurs crédits de défense, sans doute en raison des enseignements de la crise au Kosovo.

Il ne s'agit naturellement pas de rivaliser avec les EtatsUnis, dont le budget de défense représente déjà le double de l'effort de défense des Européens. Mais la France devrait tenir compte de l'effort britannique, alors que les regroupements industriels constituent un premier mouvement en faveur d'une politique d'augmentation des capacités militaires.

Monsieur le ministre, la réunion prévue les 21 et 22 novembre pour examiner les capacités militaires des différents Etats européens sera l'occasion de mesurer les efforts nécessaires pour tous les Européens.

La France, qui est engagée, avec la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Espagne, dans le projet EADS, doit veiller, eu égard à l'accroissement des financements britanniques, à ne pas perdre le leadership dans ce secteur industriel. Notre poids politique, dans une politique européenne de défense, est le seul garant, même en liaison étroite avec l'Alliance atlantique, de renforcer l'autonomie de décision de l'Europe en face des Etats-Unis.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, tout en reconnaissant ses qualités certaines, j'ai recommandé à la commission des affaires étrangères de rejeter votre budget. Mais celle-ci ne m'a pas suivi.

(Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Ce n'est pas de chance !

M. le président.

La parole est à M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense n ationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en l'état actuel des choses et au moment où je vous parle, le projet de budget de la dissuasion pour 2001 ne remet pas en cause l'objectif du modèle d'armée pour 2015 qui définit les conditions de garantie de la crédibilité de notre dissuasion. La constitution d'une force océanique stratégique plus efficace est en cours. Les forces aériennes stratégiques verront leurs moyens modernisés.

Ce constat implique toutefois qu'une solution rapide émerge dans les négociations que mènent la délégation générale pour l'armement et l'industriel EADS sur le programme M

51. A ce propos, monsieur le ministre, je voudrais, sans toutefois mettre en doute les capacités de négociation du délégué général à l'armement, vous demander, compte tenu de la situation de blocage à laquelle il me semble que nous soyons confrontés, à quel moment le Gouvernement et vous-même évoquerez ce problème pour qu'il soit traité au niveau de responsabilité où il me paraît devoir l'être, c'est-à-dire celui du Gouvernement, eu égard à son importance, laquelle ne peut échapper à personne, du point de vue tant de la dissuasion nucléaire que de la sécurité de la France.

L'éventuel retard que pourrait prendre ce programme n'affaiblirait pas, certes, les capacités nucléaires de la France. Mais, outre son coût pour le budget de l'Etat, il se traduirait par un glissement de calendrier qui cadre mal avec la permanence de crédibilité que requiert la dissuasion.

Car tel est bien le risque principal qui pèse sur les forces nucléaires françaises. Formellement, les décisions prises par le Président de la République et leur traduction législative qu'est la loi de programmation militaire pour 1997-2002 ne sont pas remises en cause. Mais le rapporteur pour avis que je suis doit constater que c'est une interprétation strictement restrictive de la loi de programmation militaire qui est privilégiée. Or cela ne correspond pas à l'esprit de la loi ni, s'agissant des moyens budgétaires annuels, à sa lettre.

D'année en année, le budget de la dissuasion s'érode.

Les ingénieurs sont en conséquence contraints d'arrêter les solutions techniques à un stade très précoce de leurs recherches et des programmes, ce qui, dans des domaines mettant en jeu des compétences complexes et novatrices, s'apparente à un pari. Or la dissuasion doit être une assurance et non un pari. Elle ne saurait donc s'accommoder à terme de l'approche comptable qui caractérise aujourd'hui une gestion budgétaire annualisée et, par là même, quelque peu aléatoire. Les décisions prévues dans le cadre de la prochaine loi de programmation devront par conséquent faire l'objet de la plus grande vigilance.

Ce constat est d'autant plus important à l'heure où l'Asie voit se construire des arsenaux nucléaires toujours plus importants.

L'Inde, notamment, vise la constitution d'une force de dissuasion qui, bien que qualifiée de minimale, repose sur une triade complète, comme l'a montré le projet de doctrine publié le 17 août 1999.

Grâce aux deux réacteurs qu'ils possèdent, les Indiens ont ainsi accumulé un stock de plutonium de qualité militaire de plusieurs centaines de kilogrammes, suffisant pour réaliser entre 25 et 100 armes selon les estimations.

M. Yves Fromion.

Il faut leur envoyer Dominique Voynet !

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Par ailleurs, les Indiens maîtrisent depuis quelques années la production d'uranium hautement enrichi par la méthode de centrifugation gazeuse, ce qui leur permet notamment de couvrir leurs besoins pour l'étude d'un réacteur nucléaire pour un sous-marin.

Quant au Pakistan, il détient également un stock conséquent d'uranium hautement enrichi qui lui permett rait la fabrication de plusieurs dizaines d'armes nucléaires.

Que dire enfin de la Chine, dont le budget de la défense est en augmentation constante et qui poursuit trois programmes de lanceurs intercontinentaux mobiles ? D'ores et déjà, le plus gros lanceur chinois, le C SS-4, a une portée de 12 000 à 12 500 kilomètres.

Si l'on ajoute à tout cela le fait que les Etats-Unis et l'Angleterre maintiennent un effort budgétaire très remarquable dans le domaine de la défense, comment accepter la position frileuse de la France ?

M. Yves Fromion.

Très bonne question !

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Cette démarche n'est pas en rapport avec le rôle que notre pays doit avoir pour ambition de jouer en Europe et dans le monde. Elle est d'autant moins acceptable que la reprise économique et les fortes rentrées fiscales permettaient à coup sûr la reprise d'un effort soutenu en faveur de l'équipement de nos forces, et de notre dissuasion en particulier.

M. Yves Fromion.

C'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Or tel n'est pas le cas, bien au contraire. C'est la raison pour laquelle il ne m'a pas été possible d'approuver les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire de la France. Cette position s'inscrit dans le refus du groupe du RPR de voter cette année le budget de la défense.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Dommage !

M. Yves Fromion.

C'est dommage pour la défense !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'espace, les télécommunications et le renseignement, qu'il soit d'origine humaine ou technologique, sont un paramètre essentiel de la politique militaire des grandes nations, tant sur le plan stratégique qu'au niveau tactique le plus modeste.

La France conduit, depuis plusieurs décennies, une politique spatiale militaire ambitieuse.

La loi de finances initiale pour 2000 avait, certes, marqué une inflexion importante de sa conduite, en y affectant un montant de crédits à peine supérieur à 2 milliards de francs en autorisations de programme pour un peu plus de 2,3 milliards de francs en crédits de paiement.

Fort heureusement, le projet de loi de finances pour 2001, qui est soumis à notre examen, rectifie cette tendance que je considère comme exceptionnelle, liée pour une large part aux aléas des coopérations européennes.

J'aimerais toutefois mettre en garde contre toute répétition, à l'avenir, de fluctuations de cette ampleur. Il n'est pas sain que le budget spatial serve de variable d'ajustement. Plus de constance budgétaire semble nécessaire pour assurer l'avenir des grands programmes, qui fondent notre indépendance de décision.

La continuité des orientations spatiales de notre pays est une préoccupation majeure du projet de budget : d'une part, les crédits consacrés à l'espace militaire y bénéficient d'une augmentation significative, alors que la masse totale du titre V n'évolue quasiment pas ; d'autre part, les enseignements du conflit du Kosovo ont été tirés, notamment à l'occasion d'adaptations concernant de grands programmes, tel Hélios II.

On regrettera néanmoins le maintien, malgré sa diminution, de la participation du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement. Plus que son principe, c'est la lisibilité de ce transfert qui est sujette à caution, puisque les dotations ne bénéficient que part iellement, pour ne pas dire marginalement, à la recherche militaire.

Autre grand motif de satisfaction que donne ce projet de budget : les avancées obtenues en matière de coopérations européennes. Je souhaite saluer ici la détermination du Gouvernement, qui n'a pas hésité à persévérer dans cette voie, alors que, pourtant, beaucoup de signes pouvaient l'inciter à en abandonner l'idée.

Ces coopérations reposent, parfois encore, sur le principe d'une conception et d'un financement conjoints - c'est le cas de la seconde génération de satellites de télé communications Syracuse III, que la France et l'Allemagne pourraient réaliser en commun. La mutualisation de l'exploitation de certains équipements nationaux spécialisés en est une manifestation plus nouvelle. A cet égard, on peut se référer aux négociations sur le point d'aboutir entre la France et l'Italie pour échanger des capacités d'observation optique et radar, dans la ligne du sommet de Florence de septembre 1998. On peut également évoquer la déclaration de Mayence, par laquelle le gouvernement allemand suggère une utilisation des satellites radars qu'il compte réaliser en complément de la filière d'observation optique française.

L'enjeu est d'importance, à un moment où les EtatsUnis reviennent en force sur tous les créneaux du domaine spatial, avec la volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici à 2005.

De même, certains pays, à l'image du Japon, de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, confirment leurs ambitions et leur aptitude à venir concurrencer les programmes européens, pour ce qui concerne les lanceurs aussi bien que les satellites.

Alors que le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 est en cours d'élaboration, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de conforter l'autonomie spatiale de notre pays, en assurant la continuité des systèmes d'observation et de télécommunications existants, mais aussi en favorisant le développement de moyens d'alerte avancée, de navigation et d'écoute électromagnétique.

Dans l'ensemble, les dispositions du projet de budget pour 2001 en faveur des systèmes de télécommunications et des moyens de renseigement marquent une priorité justifiée en faveur de l'adaptation des équipements de nos forces aux technologies les plus modernes, tout en prenant en compte l'importance et la place du renseignement aujourd'hui.

Il est nécessaire de saluer l'effort entrepris en ces domaines qui assurent, tout autant que l'espace, l'autonomie de décision de notre pays.

Le renouvellement et la modernisation des systèmes de télécommunication et de transmission des forces pourront ainsi se poursuivre de façon assez soutenue.

Par ailleurs, les dotations des services de renseignement devraient augmenter de manière à leur permettre de mener à bien leurs missions et, dans certains cas, leurs réformes internes. Globalement, comme en 1999 et en 2000, le projet de loi de finances pour l'année 2001 prévoit une augmentation, au pire une stabilisation, des crédits d'équipement et des crédits liés aux rémunérations et charges sociales.

Sur ce dernier aspect, je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur le ministre, de m'avoir permis de rencontrer, afin d'éclairer l'avis pour lequel la commission de la défense m'a désigné, l'ensemble des responsables de services de renseignement relevant de votre autorité, à savoir : le directeur général de la sécurité extérieure, le directeur du renseignement militaire et le directeur de la protection et de la sécurité du territoire. Tous se sont entretenus ouvertement avec moi des questions budgétaires afférentes à leurs services, montrant par là même que le contrôle parlementaire sur ces questions, s'il demeure perfectible, n'est pas totalement inexistant.

M. Yves Fromion.

Voilà un honorable correspondant de plus !

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.

Au-delà de tous ces aspects positifs, on observera quand même que la fonction « renseignement » gagnerait en lisibilité et en


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cohérence à faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique.

L'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire en offre à cet égard l'opportunité.

En conclusion, je soulignerai que les dispositions du projet de loi de finances pour 2001 sont satisfaisantes, aussi bien pour ce qui concerne l'espace que pour ce qui a trait aux communications et au renseignement. Force est de reconnaître qu'une telle appréciation n'a pas été portée depuis plusieurs années.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission de la défense a donné un avis favorable aux dispositions du projet de loi de finances relatives aux crédits de la défense consacrés à l 'espace, aux communications et au renseignement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrrestres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de budget des forces terrestres pour 2001 s'élève à 48,5 milliards de francs, ce qui représente une diminution de 232 millions de francs courants par rapport aux crédits votés pour 2000.

M. Yves Fromion.

On va voter contre alors !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

Après la sévère diminution de l'année dernière - 2,9 % en francs constants -, la réduction est cette fois limitée à 0,6 %.

Les crédits du titre III vont subir une légère baisse de 0,8 % en francs constants mais, ainsi que l'a affirmé le général Crène, chef d'état-major de l'armée de terre, « les crédits de fonctionnement ne remettent pas en cause les objectifs de la loi de programmation militaire » et l'armée de terre comptera 85 000 hommes projetables fin 2001.

Mais il faut bien souligner que les charges en personnel continuent à croître et atteignent désormais 81,6 % de l'ensemble des charges de fonctionnement.

M. Charles Cova.

Et ça va continuer !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

Sur le plan des effectifs, la décroissance se poursuit parmi les officiers et sous-officiers, confirmant le bon fonctionnement des mesures incitatives au départ.

Le recrutement des engagés volontaires continue à s'effectuer de manière satisfaisante, même si le nombre de candidats a tendance à baisser. D'ici à deux ans, lorsque tous les emplois auront été pourvus et lorsqu'il ne s'agira plus que de remplacer les départs, la situation sera certainement meilleure. Le taux de renouvellement des contrats, qui dépasse parfois les 80 %, est de ce point de vue très encourageant.

De leur côté, les derniers appelés sursitaires accomplissent leur service militaire avec autant de civisme et de sérieux que leurs prédécesseurs. Une diminution anticipée de 4 500 postes est néanmoins inscrite dans le projet de budget pour 2001 dans le but d'adapter les emplois budgétaires à la ressource prévisible. Cette anticipation ne pose pas de problème particulier.

La situation des civils est plus préoccupante. En effet, les forces terrestres enregistrent un déficit d'environ 4 500 personnes, soit 15 % des effectifs. Pour 2001, le projet de loi de finances prévoit un effectif théorique de 31 089 postes qui a désormais peu de chances d'être atteint. L'objectif fixé par la loi de programmation militaire pour 2002, à savoir 34 000 civils, apparaît également hors de portée si des dispositions vigoureuses ne sont pas prises. L'armée de terre serait ainsi privée de 3 200 emplois civils pour n'en compter, en 2002, que 30 800. Il est évident que si tel était le cas, cela remettrait en cause, sinon la professionnalisation des forces terrestres, du moins leur qualité et leur efficacité.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Sûrement !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

Comme l'année dernière, je voudrais insister sur la nécessité d'accorder à la question du personnel civil toute l'attention nécessaire. Les solutions à ce problème sont de trois ordres.

D'abord, comme pour l'année 2000, il convient d'obtenir des dérogations afin que des ouvriers d'Etat puissent être affectés à des postes auxquels ils n'ont habituellement pas accès en raison de leur statut. Il est tout de même surprenant que l'on ne puisse mettre en relation la déflation des effectifs d'ouvriers d'Etat dans l'industrie et leur nécessaire accroissement dans le personnel civil des armées.

A défaut de ces dérogations, il faut transformer des postes d'ouvriers d'Etat en postes de fonctionnaires.

L'armée de terre n'en a obtenu que 674, ce qui n'est pas suffisant.

M. Robert Gaïa.

Il faudra le dire à la CGT ! M Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

Enfin, il faut accorder aux régiments qui sont dans les situations les plus difficiles les dérogations nécessaires pour recruter sur le plan local.

Les crédits consacrés au fonctionnement courant, hors alimentation, augmenteront de 70 millions de francs en 2001, soit une hausse de 1,5 % en francs courants, mais seulement de 0,6 % en francs constants. Cette hausse bénéficiera essentiellement aux exercices. Ainsi, le nombre de jours d'activité devrait être de quatre-vingts en 2001, contre soixante-huit en 1999 et soixante-treize en 2000.

Cet effort, qui place les forces terrestres encore loin des pratiques d'autres armées professionnelles, doit néanmoins être salué.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Oui, mais il manque un milliard pour le carburant !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

En contrepartie, les crédits consacrés au reste du fonctionnement courant demeurent très contraints : si la diminution du format permet de diminuer mécaniquement certains frais tels que les dépenses alimentaires, en revanche, les crédits consacrés au carburant, à la reconversion et au recrutement, à l'entretien des bâtiments ou encore à l'acquisition de matériels informatiques et de télécommunication modernes paraissent, de l'avis général, insuffisants. Il est dommage de soumettre au vote des crédits pour ce chapitre en sachant déjà qu'il faudra un rattrapage en cours d'année. C'est ce qu'a souligné le général Crène, qui pointe fortement les contraintes accrues sur le fonctionnement courant tout en se félicitant, d'une part, de l'amélioration de l'entraînement en quantité et en qualité et, d'autre part, de l'évolution des effectifs militaires conforme à la loi de programmation, ajoutant que « les trois quarts des difficultés sont derrière nous ».

J'en viens au titre V. En matière d'équipement, le chef d'état-major de l'armée de terre a tenu à préciser que « les retards enregistrés en début de loi de programmation ne se creusaient plus et avaient même tendance à se résorb er ». L'utilisation d'autorisations de programmes


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antérieures non consommées permet de rattraper le retard en termes de commandes de matériels, même si ces crédits connaissent une diminution en 2001. Mais les crédits de paiement, de leur côté, diminuent de 2,6 % en francs constants et sont inférieurs de 6,1 % aux prévisions de la loi de programmation militaire.

Cette baisse des ressources, conjuguée à la reprise des engagements depuis 1998, ne doit pas conduire les forces terrestres à manquer de crédits pour honorer leurs factures. Selon le général Crène, si les autorisations de programme sont à 4,8 % en dessous de la loi de programmation militaire, elles « correspondent au profil de la loi de programmation militaire ».

S'il convient de s'alarmer de la faiblesse du taux de disponibilité de certains de nos équipements, qui résulte principalement de retards induits par la récente réorganisation des établissements du matériel, je voudrais souligner au contraire l'excellence du char Leclerc, dont l'armée de terre ne cesse de louer les qualités. Pour des raisons industrielles, il serait souhaitable que puisse être anticipée la commande des derniers chars Leclerc pour l'état-major de l'armée de terre.

En revanche, le vieil AMX 10 P, qui accompagne le Leclerc sur les théâtres d'opération, est désormais à bout de souffle et les militaires demandent depuis plusieurs années son remplacement par le véhicule blindé de combat d'infanterie - VBCI - pour lequel aucune décision n'est encore prise. Convenons que la réussite du Leclerc devrait amener le ministère de la défense à choisir comme constructeur le même industriel, à savoir GIAT Industries, allié pour la circonstance à Renault Véhicules Industriels.

Un autre sujet d'inquiétude concerne le missile antichar de troisième génération à moyenne portée, encore appelé Trigat. Le retrait de nos partenaires britanniques et néerlandais a porté un coup très dur à ce programme.

Votre rapporteur ne peut que mettre en garde contre un éventuel abandon de ce missile, aux performances prometteuses, qui priverait l'industrie française et européenne d'un produit possédant un fort potentiel à l'exportation et surtout marquerait l'abandon par la France et l'Europe du créneau des missiles anti-chars, ne nous laissant pour nos approvisionnements que le choix entre les Etats-Unis et Israël. En outre, cela se produirait au moment inopportun où son constructeur, EADS, connaît d'importantes restructurations.

Par ailleurs, je ne veux pas croire que ce missile, indispensable quand les Britanniques soutenaient le programme, serait devenu subitement inutile alors qu'Aérospatiale Matra Missiles a divisé ses coûts par trois et qu'une ligne budgétaire conséquente était inscrite au budget 2000. La ligne à inscrire pour 2001 est de 215 millions de francs.

Une attention plus grande doit être apportée à la pérennité et au développement de notre industrie d'armement, garante de l'autonomie des choix stratégiques de notre pays et élément essentiel dans le développement des coopérations européennes.

La relance de la recherche-développement, un soutien plus déterminé sur les plans de charge, la reconnaissance d'une priorité équivalente pour les projets civils par rapport aux projets militaires sont des enjeux essentiels pour sauvegarder notre industrie d'armement terrestre dans toutes ses composantes.

En conclusion, je voudrais insister sur l'effort remarquable accompli par l'armée de terre depuis le début de la loi de programmation. Le moral des militaires s'améliore, après la « surchauffe » observée il y a quelques mois avec la multiplication des missions confiées à l'armée.

Conscient des difficultés, le chef d'état-major de l'armée de terre se dit assez optimiste, car il considère qu'aujourd'hui l'armée se retrouve plus solidaire et plus efficace.

Sous réserve de la prise en compte des remarques faites dans ce rapport, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des forces terrestres.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la marine pour 2001 m'inspire six remarques.

La première est une observation d'ensemble. Au cours des exercices précédents, j'avais eu l'occasion d'exprimer, au nom de la commission, des réserves tant sur les engagements que sur les perspectives. Cette année, pour la première fois depuis le début de la législature, la commission estime que ce budget est satisfaisant.

D'abord, les crédits de fonctionnement courants progressent de 2 %.

Ensuite, avec 33,4 milliards de francs, ce budget représente 17,7 % des efforts consentis par la loi de finances à la défense. Cela traduit donc aussi une progression de la part consacrée à la marine sur le budget global.

Enfin, non seulement les crédits de paiement du titre V augmentent de plus 2,9 %, mais les autorisations de programme sont en hausse de 16 %. Ce projet émet ainsi un signe positif d'inversion de tendance. Il traduit une volonté de modernisation qui devra évidemment être confirmée l'an prochain, puis par la prochaine loi de programmation militaire.

Notre satisfaction est d'autant plus grande qu'au cours des exercices précédents le budget de la marine a trop souvent fait l'objet d'annulations de crédits. Entre 1995 et 1998, le total des annulations en autorisations de programme a atteint 11,5 milliards et, l'année dernière, 4,2 milliards d'autorisations de programme ont été annulées pour pouvoir financer l'hélicoptère NH 90, programme commun à l'armée de terre et à la marine. Nous constatons donc cette année une amélioration que nous tenons à signaler.

Ma deuxième remarque porte sur les personnels.

L'exercice 2001 correspondra, pour la marine, à la complète professionnalisation de ses effectifs. En effet, à la fin du premier semestre, elle ne comptera plus aucun appelé du contingent au sein de son personnel embarqué.

Puis, au terme de l'année, toutes les tâches seront du ressort de professionnels, civils ou militaires. Au total, la réduction globale des effectifs portera sur près de 20 % des personnels sur la période 1996-2002, l'effectif assigné par la loi de professionnalisation en 2001 étant de 55 293 emplois budgétaires. Néanmoins, monsieur le ministre, nous nourrissons quelques inquiétudes dans ce domaine.

En effet, la marine rencontre des difficultés pour recruter certaines catégories de personnels extrêmement spécialisées - je pense aux atomiciens et aux informaticiens en raison de la reprise de l'activité économique, dont on peut se réjouir par ailleurs. Elle a consenti un effort


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important pour accueillir des personnels venant de la DGA, et singulièrement de la DCN, mais cette source semble aujourd'hui se tarir. Je pense donc qu'il serait temps de lever certaines des restrictions posées pour l'embauche d'ouvriers d'Etat. En effet, à la fin de l'année 2000, près de 10 % des emplois civils budgétés seront vacants en raison d'une conception trop restrictive a des possibilités de recrutement. S'agissant des engagés, la situation est très différente selon les secteurs. Pour les fusiliers marins, par exemple, le recrutement est difficile, voire insuffisant aux plans qualitatif et quantitatif, et près du tiers de ces jeunes engagés sur contrat de courte durée

« cassent » leur engagement avant son terme. Telles sont nos préoccupations concernant le titre III et les personnels.

Ma troisième remarque porte sur les programmes.

Nous constatons avec satisfaction l'engagement au profit des frégates Horizon, programme qui a connu les avatars que l'on sait dans sa première configuration. A l'origine, en effet, nous le menions en collaboration avec les Britanniques et les Italiens, mais nous ne sommes plus qu'avec les Italiens.

M. Charles Cova.

Perfide Albion !

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis.

Toutefois, 3,58 milliards de francs en autorisations de programme et 1,6 milliard de francs en crédits de paiement sont inscrits pour ces deux frégates. Par ailleurs, les autorisations de programme nécessaires sont aussi prévues pour les nouveaux transports de chalands de débarquement - NTCD - et le programme principal anti-air missiles systèmes - PAAMS. La commande de huit Rafale est confirmée.

Ces appareils compléteront les cinq Rafale qui seront livrés au cours de 2001.

Nous observons aussi avec satisfaction que l'on tient compte des analyses de la crise du Kosovo pour moderniser les Super Etendard, et en particulier pour leur adjoindre une capacité de tir « tout temps ».

La modification, par la marine, de son choix sur le Rafale peut autoriser quelques interrogations. La transformation d'une partie de son contingent prévu de soixante appareils en version « biplace » entraînera un surcoût de 1,5 milliard. La commission s'est demandé pourquoi cela n'avait pas été prévu auparavant. Globalement, nous considérons néanmoins que le titre V est satisfaisant.

Ma quatrième observation, malheureusement d'actualité, concerne les moyens de la marine pour les missions de service public, en particulier ceux mis à la disposition des préfets maritimes. Je tiens d'abord à souligner que, dans les affaires de l' Erika et du Ievoli Sun, les personnels de la marine ont fait preuve d'un grand courage.

M. Charles Cova.

Contrairement à certaines voix qui se sont élevées !

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis.

On oublie souvent de dire que les équipages des deux bâtiments ont été sauvés au péril de la vie des hommes des Super Frelon, auxquels je rends ici hommage.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Cela étant, après ces deux catastrophes, la commission parlementaire d'enquête dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur a considéré qu'il fallait maintenir l'organisation actuelle du service public de l'action de l'Etat en mer autour des préfets maritimes, car, en dépit de quelques lacunes, cela paraît être la meilleure forme d'organisation.

Toutefois, pour pouvoir agir il faut que le préfet maritime dispose à la fois des moyens matériels nécessaires et d'un pouvoir de mobilisation immédiate des composantes civiles des forces sous ses ordres en période de crise. Or, je ne suis pas sûr que cela soit le cas aujourd'hui. Je voudrais à cet égard faire trois remarques.

Premièrement, il faudrait pouvoir identifier en termes budgétaires l'action de l'Etat en mer dans le budget de la marine pour que personne ne soit tenté de rogner sur ces crédits, pour que cette ligne soit véritablement dotée à chaque exercice budgétaire et que l'on puisse lire l'effort de l'Etat en ce domaine au sein du budget de la défense.

Deuxièment, la marine nationale a affrêté cette année, avec la Grande-Bretagne, un quatrième remorqueur.

Nous estimons qu'il en faudrait six. Que se serait-il passé si l'un des chimiquiers en perdition au cours de la dernière tempête n'avait pu atteindre la baie de Douarnenez par ses propres moyens, puisque le premier remorqueur était occupé ailleurs ? I l est aujourd'hui indispensable de renforcer ces moyens et de prendre les dispositions nécessaires pour que le bâtiment à forte capacité de pompage en mer de produits pétroliers, qui est inscrit - et c'est une nouveauté - dans le budget de la défense fasse l'objet d'une réelle activation au cours de l'exercice 2001.

Ma cinquième remarque porte sur les perspectives d'avenir et sur la préparation de la future loi de programmation.

Comme cela a déjà été dit, le quatrième SNLE devrait être directement équipé du missile M 51 actuellement engagé.

Concernant la flotte de surface, le défi du renouvellement massif de 17 frégates « classiques », de type F 69, F 70 et avisos est posé, maintenant que le projet de frégates « multimissions » s'est engagé dans une optique de standardisation industrielle ; nous nous réjouissons de cet engagement.

En revanche, des incertitudes planent sur le système de production des sous-marins d'attaque de la série des Barracuda. Lancé en 1998, ce programme visant au remplacement de nos SNA n'obtient que de faibles crédits en 2001, ce qui pourrait remettre en cause le rythme de fabrication prévu à l'origine.

Toujours à propos de la future loi de programmation, nous étudierons avec intérêt vos intentions concernant le deuxième porte-avions. L'année dernière, la commission avait beaucoup travaillé sur le sujet et fait valoir sa nécessité. Il ressort des propos de M. le rapporteur spécial que la commission des finances partage le même point de vue, ce dont nous nous réjouissons. Nous souhaitons donc que des décisions puissent être prises assez rapidement.

Ma dernière remarque, qui avait déjà motivé mon intervention l'année dernière, est encore plus d'actualité cette année. Elle porte sur la réforme de la DCN. La transformation de cette entreprise en service à compétence nationale ne nous paraît pas suffisante pour lui permettre de passer des alliances industrielles directes. La meilleure preuve, c'est que l'effort engagé avec Thomson ne passe pas par DCN mais par DCN International ; nous souhaiterions d'ailleurs que cette affaire, porteuse d'avenir, se conclue rapidement. Pourriez-vous nous informer à cet égard ? Il convient de remarquer les importants efforts accomplis par les personnels de la DCN, qui vivent aujourd'hui cette mutation avec plus de lisibilité qu'hier. Mais il faut aller plus loin pour que leur savoir-faire, de haut niveau,


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soit défendu au niveau européen dans la perspective des nouvelles commandes qui interviendront dans les dix prochaines années.

Enfin, la commission de la défense a adopté une observation qui pourrait vous aider dans vos discussions avec vos collègues, monsieur le ministre. Vous aviez annoncé, lors de la création du service à compétence nationale, que celui-ci s'accompagnerait de modifications concernant l'application du code des marchés publics. Ce n'est toujours pas le cas.

La commission de la défense souhaite donc - et c'est une observation qu'elle fait depuis quatre ans - appeler l'attention du Gouvernement sur l'urgence qu'il y a à publier le décret et les éventuels textes d'application visant à adapter les règles du code des marchés publics à l'activité de la DCN.

Sous ces réserves, monsieur le ministre, la commission a émis un avis favorable au projet de budget pour 2001, pour la marine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'armée de l'air en 2001 sera de 34,5 milliards de francs. Il se situera à peu près au même niveau que celui de l'an dernier, le titre III s'établissant à 15,7 milliards de francs, et les titres V et VI à 18,8 milliards de francs. Les autorisations de programme, avec 20,7 milliards de francs, sont en hausse sensible et s'établissent à un niveau supérieur à celui des crédits de paiement, comme il convient dans une situation de bonne gestion.

Plutôt que de retracer le détail de ce budget, dont on trouvera l'analyse dans le rapport écrit, je voudrais en mettre en évidence les points saillants.

En matière de personnel, 1 059 postes budgétaires d'appelés sont ouverts. Il y en avait 32 000 en 1996. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la conscription n'est plus le souci de l'armée de l'air.

Les militaires techniciens de l'air sont désormais près de 15 000, soit les neuf dixièmes de l'effectif prévu en programmation. C'est le nouveau personnel de soutien de l'armée de l'air et son nouveau souci de gestion. En effet, p armi les vingt-deux spécialités ouvertes, certaines subissent la concurrence du secteur privé, comme les conducteurs routiers ou les métiers de bouche, d'autres semblent peu attractives, comme les fusiliers-commando et conducteurs de chiens, ces deux dernières spécialités constituant pourtant le tiers de l'effectif des MTA. Pour remédier à ces difficultés, il est probable que les réorganisations devront être poursuivies et que sur certains points le statut des MTA devra évoluer.

Il faut souligner que la problématique est contrainte.

Les fonctions des MTA sont par essence militaires, dans la mesure où ceux-ci ont vocation à être envoyés en opérations extérieures pour en assurer le soutien.

Enfin, compte tenu de la localisation de certains de ses établissements, l'armée de l'air rencontre des difficultés à recruter certains personnels civils pour assurer des tâches de soutien non projetables. Pour y pallier, elle pratique une politique d'externalisation et de recours à la soustraitance.

Quant aux volontaires, mis à part ceux de « haut niveau » pour lesquels il est fait en sorte que le passage dans l'armée de l'air représente une première expérience valorisante, il semble que, comme dans les autres armées, leur place par rapport aux MTA doive être précisée.

La professionnalisation faite, l'armée de l'air met l'accent sur l'amélioration et l'intensification qualitative de l'entraînement opérationnel. On ne peut que se féliciter du doublement de sa participation aux grands exercices interalliés, facteurs d'efficience et de motivation des pilotes, et souhaiter que cette participation égale bientôt celle de nos principaux alliés.

Je dirai deux mots du carburant opérationnel. La solution adoptée depuis quelques années, c'est-à-dire la fixation d'un montant de crédits vraisemblable suivi d'abondement en cours de gestion pour permettre la réalisation, quoi qu'il arrive, du programme d'entraînement, semble donner satisfaction. Ainsi, les crédits accordés en 2000, dont il n'était pas sûr qu'ils soient suffisants, auront bien été abondés en fonction du besoin. Monsieur le ministre, vous avez indiqué devant la commission qu'il en serait de même en 2001, ce qui me paraît satisfaisant.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Pourquoi ne pas inscrire immédiatement tous les crédits ?

M. Yann Galut, rapporteur pour avis.

S'agissant de la politique d'équipement, 2001 promet d'être aussi dynamique que 2000 avait été atone.

Les douze Rafale Air qui devaient être commandés en 2000 le seront en 2001, pour livraison comme prévu en 2005. Les autorisations de programme nécessaires ont été mises en place. Il faut rappeler les propos tenus par le chef d'état-major de l'armée de l'air devant la commission de la défense : « En l'état actuel des spécifications définies par l'armée de l'air et auxquelles elle reste attachée, le Rafale est un excellent avion, tant par ses capacités d'évolution aérodynamique, ses commandes de vol qui lui confèrent d'exceptionnelles qualités, et sa polyvalence. »

Les conséquences de l'expérience du Kosovo sont tirées. Le nombre de « pods » de désignation laser à caméra thermique passera progressivement de 31 à 41.

Quatre seront livrés et cinq seront commandés en 2001.

De même, il sera commandé sept nacelles de reconnaissance de nouvelle génération, dont les données pourront être utilisées en temps quasi réel.

Je passerai sur les autres livraisons, les cinq derniers Mirage 2000 D, les vingt-neuf premiers missiles de croisière Apache antipiste, la poursuite des livraisons de missiles air-air Mica pour les Mirage 2000-5. des programmes SCCOA, MTBA, Mistral, ou la fin de la rénovation de l'avionique des Transall, pour évoquer les commandes des Armements Air Sol modulaires, livrables à partir de 2004.

Enfin, je me réjouirai des décisions qui ont été prises concernant l'A 400 M. Le Premier ministre a en effet indiqué devant l'IHEDN, le 22 septembre dernier, qu'une dotation en autorisations de programme allait concrétiser, dès la loi de finances rectificative pour 2000, l'engagement pris par le Gouvernement, en juillet, de commander cinquante A 400 M. Peut-être nous donnerez-vous aujourd'hui des précisions sur le montant de cette dotation, les engagements auxquels elle correspond, et, si elle ne représentait pas la totalité du programme, les conditions dans lesquelles elle pourra être complétée par la suite.

Je voudrais achever cette revue par un point qui est apparu important à la commission de la défense : la réforme du maintien en condition opérationnelle des


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matériels aéronautiques, avec la mise en place de la SIMMAD - ou Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense.

Il est attendu de cette réforme, qui vise à la création d'une structure unique pour le maintien en condition opérationnelle de ces matériels, quelles que soient les armées qui en sont dotées, et à une refonte complète des procédures et des relations avec les industriels, un gain final de 20 % du coût de MCO en année pleine.

Pour la seule armée de l'air, c'est 1 milliard de francs par an qui devra être ainsi libéré. A titre V identique, c ela représente, hors développement, de l'ordre de trois avions Rafale ou un A 400 M et demi par an.

Par l'ampleur des montants dégagés, la SIMMAD pourrait avoir des effets quasiment structurants pour l'équipement de l'armée de l'air. Dans cette optique, la commission de la défense a adopté à l'unanimité, à l'initiative de votre rapporteur, une observation demandant instamment au Gouvernement de veiller à ce que la SIMMAD soit constituée définitivement sans retard et qu'elle dispose des moyens et des prérogatives nécessaires pour remplir une tâche qui revêt, à ses yeux, un caractère essentiel pour la gestion budgétaire de la défense et l'équipement des forces, et notamment de l'armée de l'air.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'armée de l'air pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels de la défense.

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels de la défense.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, monsieur le président de la commission, le montant des crédits inscrits au titre III du ministère de la défense, hors pensions, s'élèvera l'année prochaine à 105,5 milliards de francs contre 104,9 en 2000, soit une hausse de près de 0,5 %.

Le projet de budget pour 2001 confirme l'évolution engagée depuis le début de la professionnalisation : les rémunérations et charges sociales connaissent une légère hausse de 0,7 % tandis que les crédits de fonctionnement diminuent de 0,4 %.

Ces évolutions sont la conséquence directe de la professionnalisation et de la réduction du format des armées : les emplois nouveaux, inférieurs en nombre à ceux qui disparaissent, sont beaucoup plus coûteux ; la diminution des effectifs s'accompagne de nombreuses mesures d'accompagnement dont certaines, comme les pécules, sont assez onéreuses ; mais en contrepartie, la réduction du format génère une diminution importante des crédits de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales.

Les effectifs budgétaires du ministère de la défense s'établissent pour 2001 à 446 143 personnes, en baisse de 5,9 % par rapport à 2000. Cette évolution, qui s'inscrit dans la perspective de la loi de programmation, conduit à la suppression nette de 27 866 emplois, compte tenu de la disparition de 39 657 postes d'appelés.

Pour 2001 est prévue la création de 7 700 emplois de militaires du rang, inscrits en loi de programmation, pour l'essentiel au profit de l'armée de terre. Depuis 1997, 39 500 postes de militaires du rang ont été créés, soit près de 90 % de ce qui avait été prévu par la loi de programmation. Ainsi, malgré l'amélioration de la situation sur le marché de l'emploi et la baisse du chômage, les recrutements prévus ont bien été réalisés. Toutefois, et c'est un souci, le nombre de candidats diminue, notamment pour l'armée de terre. Ainsi, dans cette armée, le nombre de postulants est tombé au minimum avec 1,3 à 1,4 candidat par poste, en moyenne...

M. Charles Cova.

Si on les payait mieux, il y aurait davantage de candidats !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Cela doit nous inciter à la prudence ; on sait que les forces terrestres doivent encore recruter plus de 20 000 engagés au cours des deux prochaines années.

M. Charles Cova.

C'est ce que je viens de dire...

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

J'y reviendrai tout à l'heure, cher collègue !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Warhouver !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Les effectifs d'appelés poursuivront en 2001 leur diminution progressive dans des proportions équivalentes à celles des quatre premières années de la programmation. Ce chiffre inclut une déflation anticipée d'environ 5 500 appelés, de manière à alimenter les objectifs budgétaires sur une ressource prévisible qui diminue.

L a réduction du nombre de sous-officiers - de 2 482 postes en 2001 - se poursuit principalement dans la marine et dans l'armée de l'air. Pour cette catégorie de militaires, le format sera atteint sans problème en 2002.

En ce qui concerne les officiers, enfin, les ajustements d'effectifs seront faibles en 2001 - moins 159 pour l'ensemble des armées. La gendarmerie est la seule à voir ses effectifs augmenter et elle continue son recrutement, les autres armées étant assez proches, dans l'ensemble, de leur format définitif. L'armée de terre a même pris une avance significative, preuve que les mesures d'incitation au départ, comme le pécule, ont été efficaces. Mais les problèmes quantitatifs ne sont pas tout : la fin du service national prive l'armée d'un grand nombre de compétences mises à son service de manière peu onéreuse, notamment dans le domaine médical ou dans d'autres spécialités très techniques, comme l'informatique, etc.

Leur remplacement constitue un défi que les armées devront relever, plusieurs solutions étant explorées : revalorisation des rémunérations, nous y venons, développement ponctuel de la sous-traitance, recrutement d'officiers sous contrat, de réservistes, etc.

La situation des civils au sein du ministère de la défense est plus préoccupante. Alors que le nombre budgétaire et la proportion de ceux-ci au sein du ministère augmente, cette catégorie a toujours été en déficit chronique d'effectifs.

La loi de programmation militaire prévoit un accroissement du personnel civil, hors DCN, de 9 300 personnes, soit 12,3 %. En proportion des effectifs totaux du ministère de la défense, les civils devraient passer de 13 % à 19 %, ce qui reste néanmoins inférieur aux armées étrangères comparables.

Pourtant, le ministre de la défense éprouve des difficultés à pourvoir ces postes, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou des ouvriers d'Etat. De moins 2 600 à la fin de l'année 1996, le déficit n'a cessé de croître pour atteindre moins 9 300 au 1er septembre 2000, soit 9,5 % des emplois ouverts.

Ainsi que l'a indiqué devant notre commission M. JeanFrançois Hébert, secrétaire général pour l'administration, les services du ministère font d'importants efforts en


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matière de recrutement, en améliorant notamment le rendement des concours de fonctionnaires et en les faisant mieux connaître.

En ce qui concerne les ouvriers d'Etat, le redéploiement interne des personnels issus de la DCN semble atteindre ses limites, et des solutions alternatives sont mises en oeuvre : le ministère tente d'obtenir des dérogat ions d'embauche supplémentaires, transforme des emplois vacants d'ouvriers d'Etat en emplois de fonctionnaires et développe, sans pour autant le systématiser, le recours à la sous-traitance, en contrepartie du gage de 1 020 emplois non pourvus.

Au total, l'effet cumulé des mesures concernant à la fois les fonctionnaires et les ouvriers d'Etat autorise à penser que les difficultés rencontrées ont de bonnes chances d'être en partie surmontées : le déficit en civils pourrait passer à moins 5 500 d'ici à la fin de l'année et se réduire encore un peu l'année prochaine, même s'il semble désormais difficile de pourvoir tous les emplois vacants d'ici à 2002.

Je me permets une petite parenthèse personnelle, monsieur le ministre, pour rappeler l'héritage de M. Millon. Il nous reste à régler certains problèmes des personnels civils étrangers des anciennes forces françaises en Allemagne personnels qui sont, pour l'essentiel, originaires des départements de l'Est.

J'aborde maintenant l'examen des crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales.

Entre 2000 et 2001, les crédits du titre III hors rémunérations et charges sociales diminuent globalement de 90 millions de francs, soit de 0,43 %. Cette faible diminution fait suite à des réductions de plus grande ampleur intervenues au cours des années précédentes.

Mais la faible variation prévue en 2001 masque deux phénomènes distincts : d'une part, une évolution très contrastée selon les armées des crédits de fonctionnement courant et, d'autre part, une revalorisation unanimement appréciée des dotations d'activité.

L'armée de terre, par exemple, estime son fonctionnement courant pour le moins « contraint ». Certes, la réduction du format permet de réduire mécaniquement sa dotation de fonctionnement de 259 millions de francs et ses crédits d'alimentation de 243 millions ; la baisse de la TVA permet également une baisse de 29 millions. Mais les crédits liés à l'entretien immobilier sont également réduits de 12 millions, les besoins des forces terrestres en matière d'informatique ou de télécommunications ne sont pas suffisamment pris en compte et les crédits consacrés au recrutement restent mesurés, comparés à ceux dont bénéficient d'autres armées professionnelles : 10 000 francs p ar recrue pour l'armée de terre française, contre 20 000 francs pour les Britanniques et 70 000 francs pour les Américains.

Si la situation semble plus équilibrée pour la marine et l'armée de l'air, la gendarmerie connaît, elle, une augmentation sans précédent de ses crédits de fonctionnement, avec une hausse de 6,9 %.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Dont cinquante gendarmes des autoroutes : ce n'est pas pour la défense !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Cette revalorisation traduit les engagements pris par le ministre de la défense et prend en compte les frais de fonctionnement inhérents au recrutement de mille gendarmes supplémentaires annoncé récemment.

Mais c'est sur le plan de l'activité des forces que se situent les bonnes nouvelles de ce budget de fonctionnement.

G râce à 120 millions de francs supplémentaires, l'armée de terre pourra porter le nombre de ses jours d'exercice à 80 en 2001, contre 68 en 1999 et 73 en 2000.

M. Charles Cova.

On va y arriver, aux 100 !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Cela représente un progrès mais on reste encore éloigné des 120 à 130 journées d'exercice des armées américaine et britannique.

La marine va également pouvoir augmenter le nombre de journées passées à la mer pour chaque navire et atteindre 94 jours en 2001 contre 89 en 2000, avec pour objectif à terme le nombre de 100.

M. Charles Cova.

Voilà !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Enfin, l'armée de l'air participera à des exercices internationaux, si utiles pour améliorer l'interopérabilité des flottes aériennes alliées. Pour la première fois depuis 1998, plusieurs équipages seront associés à l'exercice américain Red Flag ainsi qu'à d'autres exercices en Alaska et au Canada.

Un mot sur le coût des produits pétroliers. Je considère, comme M. Galut, que les hypothèses de construction du budget 2001 apparaissent pour le moins optimistes puisqu'elles se fondent sur un dollar à 6,50 francs et un baril à 20 dollars. Un correctif sera donc nécessaire en cours d'exercice si on ne veut pas que les mesures destinées à améliorer l'entraînement de nos forces soient remises en question par la flambée des prix des carburants.

Ainsi, mes chers collègues, même si la situation n'est pas encore totalement satisfaisante, notamment en ce qui concerne le fonctionnement courant, le projet de budget du titre III pour 2001 se situe en parfaite cohérence avec la loi de programmation militaire et accorde aux forces armées les moyens qui leur sont nécessaires pour achever leur professionnalisation.

C'est pourquoi la commission de la défense nationale et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du titre III. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement.

Monsieur le ministre, votre projet de budget couvre l'avant-dernière année d'exécution de la loi de programmation en cours. Dès 1998, une profonde réflexion a été opérée dans ce cadre, au titre de la revue de programmes. Au terme de l'exercice 2000, un premier bilan d'application de la programmation ainsi révisée est possible.

Par définition, la loi de programmation est un acte politique majeur. Elle témoigne d'une volonté exprimée par la représentation nationale de confirmer les engagements du pays au service de la France, de sa défense et, dorénavant, de la sécurité européenne. Mais aucune loi de programmation n'a jamais fait l'objet d'une exécution en parfaite correspondance, annuité après annuité, des enveloppes initialement définies.

L'actuelle programmation n'a pas dérogé à cette règle.

En dehors des réajustements et encoches budgétaires qu'elle a subis au titre d'une « régulation » parfois sujette


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à caution, d'autres événements sont également intervenus au cours de son exécution. Les engagements français dans l'ex-Yougoslavie, puis au Kosovo, ont eu des conséquences sur l'activité de nos forces sans rapport avec ce qu'il était possible de prévoir au moment de l'adoption de la programmation. Toutefois, l'expérience de notre intervention dans le Golfe, dans le cadre d'une coalition, permettait déjà d'envisager pour partie ce que devait être l'évolution de nos besoins et des matériels susceptibles d'y répondre dans un souci d'interopérabilité.

L'expérience ainsi acquise par la France en matière d'opérations extérieures autorise à présent une prise en compte plus précise des nouveaux besoins de la prochaine programmation.

La commission de la défense a d'ailleurs estimé à ce sujet, monsieur le ministre, qu'elle devait être mieux associée aux travaux préparatoires de la programmation ou, à tout le moins, à la définition des grandes orientations qui en résulteront.

Dans mon rapport écrit, je consacre d'ailleurs plusieurs développements tant à nos besoins en matière spatiale qu'aux différents domaines de renouvellement des matériels à finalité opérationnelle majeure. Pour être à même de satisfaire de tels besoins, à moyen et à long terme, une intensification de la coopération européenne est indispensable dans la recherche et la production industrielle des armements. La France pourra difficilement « tout faire par elle-même », en dehors des efforts qu'elle consacre à la dissuasion. Il convient cependant de prendre garde à un nouveau partage des rôles qui, pour l'Europe, avalise-r ait définitivement des choix transatlantiques. Cette perspective, hautement risquée, ne s'avère nullement illusoire. Si la France ne soutient pas un effort durable dans un certain nombre de domaines essentiels, d'autres qu'elle se chargeront d'assumer le rôle de maître d'oeuvre de la défense européenne en cours de construction.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis, et

M. Charles Cova.

Très bien !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

J'attire, à cet égard, l'attention sur les arbitrages réalisés, depuis plusieurs années, aux dépens des crédits budgétaires de la recherche amont. C'est parce que la France est la seule, parmi les nations de premier rang, à pouvoir déterminer pour l'avenir des choix autonomes, qu'elle ne peut baisser la garde en matière de recherche-développement.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis et

M. Pierre-André Wiltzer.

Très bien !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

En comparaison de l'effort britannique consacré aux équipements mais aussi aux études de défense, notre position s'est très sensiblement fragilisée à partir du milieu des années 90.

Depuis cette époque, la Grande-Bretagne a non seulement rattrapé ses retards par rapport à nous, mais elle ne cesse de creuser l'écart en sa faveur. J'ai présenté devant la commission des graphiques qui montrent le croisement des courbes à partir des années 1997-1998. Ainsi, pour les exercices 1999 et 2000, ses dépenses nettes d'équipement, équivalentes à celles des titres V et VI du budget français, auront été supérieures aux nôtres de quelque 2 0 milliards de francs par année. En matière der echerche-développement, hors dépenses dédiées aux forces nucléaires, la Grande-Bretagne réalise désormais 45 % des dépenses européennes à finalité de défense alors q ue la France n'assume plus qu'une part de 35 % environ,...

M. Yves Fromion.

Eh oui ! Belle objectivité !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

... même si elle demeure à la deuxième place, loin devant l'Allemagne et ses autres partenaires naturels.

Pour peser sur la définition de l'organisation comme des orientations de l'Europe de la défense, la France se doit d'être en position d'affirmer ses compétences technologiques.

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

A cet égard, avec des dotations de 84,7 milliards de francs en autorisations de programme et 83,4 milliards de francs en crédits de paiement, le budget 2001 permettra juste de confirmer certaines priorités d'équipement.

M. Charles Cova.

Tout juste !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

Mais ces montants n'offrent pas, en revanche, de réelles opportunités d'accentuation de l'effort pour d'autres domaines tout aussi essentiels. Il en va ainsi, j'y reviens, pour l'ensemble des crédits affectés aux études : moins 4,4 % pour les autorisations de programme et moins 2,7 % en crédits de paiement. Ces baisses confirment la diminution constante de la part de cet agrégat budgétaire dans le budget de la défense.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Sans parler du BCRD !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

De 1994 à 2000, le total des crédits dévolus à la recherche de défense, nucléaire compris, aura baissé de plus de 35 % en francs courants.

En revanche, s'agissant de l'espace, car il y a aussi des points très positifs...

M. Charles Cova.

Tout n'est pas négatif !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

...le budget 2001 marque une inflexion favorable puisque, au total, les autorisations de programme et les crédits de paiement progressent sensiblement, avec respectivement 3,16 et 2,7 milliards de francs. Cette orientation devra être maintenue à l'avenir, car ce secteur a trop souvent fait l'objet d'annulations et de réajustements contraignants au fil des exercices.

Comme je l'indiquais, le budget 2001 confirme l'exécution d'un certain nombre de programmes : frégates Horizon, NTCD, chars Leclerc, Rafale, etc. Leurs dotations, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, correspondent aux échéances comme au rythme des fabrications et des livraisons. Il convient de le souligner.

En revanche, des incertitudes et même des préoccupations subsistent pour d'autres programmes.

Il s'agit d'abord de l'avion de transport futur ; mais, en l'occurrence, nous n'en sommes plus, monsieur le ministre, au registre des préoccupations puisque le Premier ministre et vous-même avez précisé devant notre commission que le problème serait réglé dès cette année dans la loi de finances rectificative de fin d'exercice, où 20 milliards de francs d'autorisations de programme doivent être dégagés en faveur de ce projet.

Pour la commission, cet engagement a une grande portée. Car, en finançant, d'emblée, près de la moitié des autorisations de programme nécessaires à la conduite de ce programme, la France - intéressée pour sa part par une cinquantaine d'appareils - donnera un signal fort à ses autres partenaires, notamment à l'Allemagne, qui


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devrait, selon les déclarations de son ministre de la défense, commander le plus grand nombre d'ATF - de l'ordre de soixante-dix - si ses engagements sont respectés.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

On se demande d'où ils vont sortir ces 20 milliards...

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

Il ne faut jamais désespérer, mon cher collègue !

M. le ministe de la défense.

Bientôt, vous ne vous le demanderez plus.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

Monsieur le ministre, je rangerai deux autres programmes essentiels au chapitre des préoccupations.

En premier lieu, l'exécution du programme de missiles b alistiques M 51, indispensables à notre dissuasion, semble faire l'objet de difficultés. Elles ne résultent d'ailleurs pas de l'état des disponibilités budgétaires : 5 milliards de francs d'autorisations de programme ont en effet été ouverts pour le développement de ce projet sur l'exercice 2000, et 2,3 milliards de francs de crédits de paiement lui seront consacrés en 2001.

Il s'agit, en fait, de divergences d'appréciation contractuelle entre l'Etat et le constructeur, EADS, lequel - il convient de le noter - bénéficie sur ce programme d'une position monopolistique, ce qui relativise une partie de l'argumentation qu'il développe, parfois même publiquement.

Au regard de l'importance d'un projet qui porte au total sur 30 milliards de francs de crédits, nous souhaiterions, monsieur le ministre, obtenir au plus tôt des éclaircissements. Je pense que vous nous les apporterez dans vos réponses.

Ma seconde préoccupation concerne le véhicule blindé de combat d'infanterie, qui reste à l'état de configuration : les 166 millions de francs de crédits qui lui sont destinés en 2001 permettront seulement de parachever son pré-développement et non de procéder aux premières fabrications.

M. Yves Nicolin.

C'est un vrai problème !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

L'armée de terre est pourtant confrontée à un réel problème d'usage pour les véhicules de ce type actuellement à sa disposition. Ces blindés légers, fortement sollicités, au cours des dernières années, dans le cadre des opérations extérieures, ont atteint un âge qui ne permet pas d'entrevoir une prolongation de leur service au-delà de 2005-2008. Il convient donc de prendre rapidement une décision qui autorise une cadence de production en rapport avec les besoins liés au renouvellement complet d'un parc de véhicules comptant plus de 500 unités. On pourrait d'ailleurs y ajouter une centaine de véhicules supplémentaires correspondant aux besoins de la gendarmerie. Au-delà des impératifs d'ordre opérationnel, ces commandes apporteraient une bouffée d'oxygène à l'industrie des armements terrestres, qui ne peut compter sur des perspectives d'exportation aussi larges que celles des autres secteurs. En outre, la situation de GIAT industries appelle des décisions de cette nature, dès lors que la difficile restructuration engagée par cet établissement doit déboucher sur un renouveau de ses capacités de conception et de production d'armements. Le dernier rapport de la Cour des comptes nous incite à aller dans ce sens.

M. le président.

Je vous prie de conclure.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

J'en ai presque terminé, monsieur le président.

Plus généralement, les armées ne disposent que de faibles marges de manoeuvre pour l'entretien programmé des matériels, dont les crédits sont désormais principalement concentrés sur le titre V.

En tout état de cause, monsieur le ministre, il conviendra de mener à bien des restructurations internes aux armées, afin de libérer des capacités susceptibles d'être utilisées dès la prochaine loi de programmation. Le nombre des défis à relever au titre de la modernisation des équipements est en effet particulièrement élevé. Du moins, si l'on entend effectivement doter les armées des matériels correspondant aux formats et aux missions qui leur ont été assignés pour l'horizon 2015.

Dans ces conditions, la prochaine loi de programmation sera principalement destinée à financer un grand nombre de fabrications différentes. La politique dite des commandes globales et la rationalisation des procédures d'engagement concourent incontestablement à la réalisation de cet objectif. La réforme mise en oeuvre depuis trois ans par la DGA pour adapter ses modalités de fonctionnement constitue également un élément favorable.

M. le président m'ayant invité à abréger mes propos, c'est sur cette perspective que je conclurai la présentation de mon rapport.

Considérant que les choix opérés pour l'année 2001 confortent la réalisation de certains équipements majeurs, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux titres V et VI du projet de budget de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Meylan, rapporteur pour avis de la commission de la défense n ationale et des forces armées, pour les services communs.

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les serv ices communs.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme les armées et la gendarmerie, les services communs du ministère de la défense sont engagés dans une réforme profonde de leurs structures. Mon analyse portera sur l'évolution de quatre d'entre eux : la délégation générale pour l'armement, le service de santé des armées, le service des essences et la délégation à l'information et à la communication de la défense.

Avant d'évoquer les questions de fond, je dois toutefois vous faire part des conditions difficiles dans lesquelles les rapporteurs budgétaires sont appelés à travailler. Comme tous mes collègues, je n'ai pu disposer que tardivement des réponses au questionnaire adressé au ministère de la défense au mois de juin. Certaines d'entre elles, pourtant essentielles, ne m'avaient même pas été envoyées le jour où j'ai présenté en commission le projet de budget des services communs. Tous mes collègues se sont accordés à estimer avec moi que de telles méthodes nuisent à un travail efficace du Parlement dans le domaine budgétaire, alors que ses pouvoirs en la matière sont déjà extrêmement limités. Comme vous connaissez très bien, monsieur le ministre, la vie parlementaire, vous serez, je le sais, sensible à mes propos.

Mais j'en viens aux services communs, et d'abord à la DGA.

Une réforme majeure est intervenue en 2000, avec la séparation dorénavant complète entre la délégation géné rale pour l'armement et la direction des constructions navales, devenue un service à compétence nationale.


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J'avais posé l'an dernier la question du périmètre optimal de la DGA ; cette séparation me semble constituer un début de réponse. La DGA ne peut être en même temps gestionnaire de 80 % du budget d'investissement de la défense et opérateur industriel.

Mais, comme je l'ai dit, il ne s'agit là que d'un début.

La moitié du budget de fonctionnement de la DGA est encore consacrée à la direction des centres d'expertise et d'essais, c'est-à-dire à une activité industielle. Or, à terme, le statut de la DCE n'est pas tenable. Dans un contexte européen, les centres d'essais sont appelés à entrer de plus en plus en concurrence. Ils doivent par conséquent adopter des modes de fonctionnement semblables à ceux des entreprises.

Je reconnais que, d'ores et déjà, la DGA essaie d'insuffler une culture d'entreprise. Reste que la DCE ne dispose pas encore des outils comptables suffisants pour lui permettre de sortir du régime budgétaire. Une réforme est en cours depuis 1998. Dès qu'elle aura abouti, la question du statut de la DCE devra être posée en vue de garantir la compétitivité de ce service et d'accroître encore la réduction du coût d'intervention de la DGA.

Qu'en est-il, par ailleurs, et alors que nous approchons de l'échéance de 2002, de l'objectif assigné à la DGA en 1996, à savoir la réduction du coût des programmes de 30 % par rapport à 1996 ? D'après les informations dont je dispose, la réduction devrait atteindre 10,5 % à la fin de l'année 2000. Les commandes pluriannuelles représentent l'un des principaux leviers d'action sur le coût des programmes et devraient atteindre 20,7 milliards de francs en 2000.

J'observe toutefois que cet objectif ne sera possible que si la commande du missile balistique M 51, qui représente 6,9 milliards de francs, est notifiée avant le 31 décembre 2000. Lors de son audition devant la commission de la défense, le délégué général pour l'armement a exprimé sa conviction que tel serait le cas. C'est d'autant plus souhaitable que, dans l'hypothèse contraire, le niveau d'engagement des autorisations de programme en 2000 sera médiocre, ce qui ne peut que favoriser les arguments de ceux qui mettent en cause la capacité du ministère de la défense à dépenser les crédits dont il dispose.

L'objectif des 30 % ne pourra cependant être atteint que si la DGA accentue son effort sur la réduction des délais des programmes. Tel est le sens de la politique engagée aujourd'hui, qui vise à réduire la phase de développement. A cet égard, un retard sur le programme

M 51 irait à l'encontre de ce principe, alors même que les réductions de coût obtenues sur ce programme en 1998 avaient été largement mises en avant comme symbole des nouvelles méthodes de fonctionnement de la DGA.

Parvenir à un meilleur contrôle des programmes d'armement est d'ailleurs l'un des objectifs de la nouvelle réforme des structures de la DGA. Celle-ci vise à centraliser la gestion de tous les programmes au niveau du délégué lui-même. Dans la mesure où la DGA souffre traditionnellement de l'extrême lourdeur de ses circuits de décision, ce raccourcissement de la chaîne ne peut qu'accroître son efficacité.

Pour terminer sur la DGA, j'aimerais évoquer les progrès de l'Europe de l'armement, à travers l'OCCAR n otamment, organisme conjoint de coopération en matière d'armement dans lequel la DGA joue un rôle important.

D'une part, le nombre de pays candidats ne cesse de croître, ce qui se traduira par l'augmentation du nombre de programmes en coopération gérés par l'OCCAR. Il s'agirait en outre de programmes importants, comme la frégate Horizon ou l'avion de transport futur.

D'autre part, il faut bien constater que, comme l'an dernier, le processus de ratification de la convention permettant à l'OCCAR d'acquérir la personnalité juridique est toujours en cours en Italie et que, jusqu'alors, le fonctionnement des programmes en coopération est plutôt laborieux. Il faut espérer que les décisions politiques liées à la constitution d'une force de projection européenne viendront le dynamiser.

J'en viens maintenant au service de santé des armées, dont le budget, avec un peu plus de 1,6 milliard de francs en crédits de paiement, diminue de 2,8 % par rapport à 2000.

Or, le service de santé participe de plus en plus fortement à toutes les opérations extérieures conduites par les armées. Ce soutien a nécessité en moyenne cette année plus de 350 personnels médicaux et paramédicaux contre 300 l'an dernier. Conséquence de cette participation, le prélèvement des personnels continue d'avoir des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers puisque ces militaires ne sont pas remplacés durant leur absence.

S'agissant des effectifs, je note que la baisse amorcée en 1997 se poursuit, ce qui nous rapproche de l'objectif de 13 500 personnes en 2002.

Cependant, les tensions que j'avais signalées voilà un an à propos des effectifs de médecins des armées, loin de s'atténuer, se sont plutôt aggravées : au 1er juillet 2000, on comptait un déficit de 154 médecins, soit presque 6 % des effectifs budgétaires. Certes, des mesures ont été prises pour favoriser le recrutement. D'autres le seront en 2001 pour revaloriser les rémunérations. C'est bien, car toutes ces mesures sont nécessaires. Mais seront-elles suffisantes pour enrayer la pénurie de médecins militaires, q ui devient préoccupante pour nos capacités de projection ? J'évoquerai maintenant le service des essences. Son budget pour 2001 s'élève à plus de 580 millions de francs en crédits de paiement, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2000. Les cessions de produits pétroliers aux armées ainsi que les approvisionnements sont en hausse, surtout sur les théâtres d'opération. En métropole, la flambée des cours du baril et du dollar a obligé le service à ralentir ses achats, ce qui a entraîné une baisse des stocks de 19 % de janvier à juin 2000.

Le service participe de façon importante et systématique au soutien pétrolier des forces en opérations extérieures et se trouve actuellement présent dans plusieurs pays d'Afrique, ainsi qu'en ex-Yougoslavie où se trouve le contingent le plus important avec 270 hommes sur un total de 434 au 30 juin 2000, soit une augmentation de 13 % par rapport à l'année dernière. Toutefois, cette hausse n'est pas sans poser de problèmes car, pendant la période hivernale et à l'occasion des relèves, le service a franchi, en termes d'emploi de ses personnels militaires du rang, le seuil limite de fonctionnement.

Je mentionnerai pour finir la DICOD, la délégation à l'information et à la communication de la défense, créée en 1998 en remplacement du SIRPA. Le budget de fonctionnement et d'infrastructure de la délégation - hors rémunérations et charges sociales - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2001, à 89 millions de francs en crédits de paiement, en augmentation de 14 millions par


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rapport à 2000, soit 19,2 %. Cette hausse concerne principalement la réforme de l'ECPA, l'établissement cinématographique et photographique des armées, qui sera achevée en 2001 et donnera à cet établissement des moyens accrus.

Comme le service de la santé, la DICOD doit faire face à l'extinction prochaine de la ressource en appelés hautement qualifiés dont elle disposait. Comme lui, elle doit relever rapidement ce défi, sous peine de voir ses capacités se réduire.

Au vu de l'ensemble de ces observations, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs du ministère de la défense pour 2001. Pour ma part, je me suis abstenu.

Quant aux commissaires des groupes de l'opposition, RPR, UDF et DL, ils ne les ont pas approuvés.

M. Didier Boulaud.

Ils ont eu tort !

M. le président.

La parole est à M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie.

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l a gendarmerie.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, dans le rapport que j'avais consacré l'an dernier à l'examen des crédits de la gendarmerie pour 2000, j'avais évoqué l'inquiétude croissante des personnels de la gendarmerie devant l'alourdissement toujours plus important de leur charge de travail. J'avais également relevé le paradoxe d'un budget parfois contraint, notamment en matière de fonctionnement, alors que la gendarmerie doit relever des défis toujours plus nombreux.

Rappelons-les : la professionnalisation, la montée en puissance du volontariat, ce qui pose des problèmes d'encadrement - vous en avez pris conscience, monsieur le ministre, puisque vous avez augmenté le temps de formation dans les écoles des gendarmes adjoints -, les redép loiements territoriaux et la sécurité routière, dont

M. Galy-Dejean a déjà parlé.

M. le ministre de la défense.

Avec beaucoup d'autorité !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Aujourd'hui, je ne peux que constater avec satisfaction que ces inquiétudes ont été prises en compte. L'effort budgétaire consenti en faveur de la gendarmerie dans ce projet de loi de finances pour 2001 en témoigne. Les crédits affectés à la gendarmerie s'établissent en effet à plus de 23 milliards de francs pour l'année prochaine, soit une progression de 2,6 % par rapport au projet de loi de finances pour 2000. Le présent projet de budget marque notamment un effort considérable en faveur du fonctionnement quotidien des brigades de gendarmerie. L'évolution la plus notable concerne effectivement les crédits de fonctionnement des formations, qui passent de 1,62 milliard à 1,95 milliard de francs, soit une augmentation de plus de 20 %. Si l'on devait ne retenir qu'un seul chiffre, ce serait celui-là.

Je m'étonne en revanche de la baisse de la dotation consacrée aux loyers alors que, dans quelques départements, la gendarmerie a rencontré des difficultés pour faire face à ses obligations. Monsieur le ministre, je sais que la prochaine loi de finances rectificative couvrira les besoins immédiats. Mais dans la mesure où il s'agit là d'un problème structurel, il serait bon de suivre les conclusions du rapport Sandras et de prévoir une remise à niveau des crédits. Cela évitera une accumulation de dettes, comme ce fut le cas voilà quelques années au détriment d'Air France. J'espère que, conscient de ce problème, vous allez prochainement nous annoncer une bonne nouvelle, car il serait dommage que la gendarmerie ait l'image d'un corps incapable de payer les loyers de ses personnels.

M. Didier Boulaud.

On enverra les gendarmes ! (Sourires.)

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Les policiers, plutôt ! (Sourires.)

S'agissant par ailleurs des dotations de crédits d'équipement de la gendarmerie, leur diminution dans ce projet de budget ne doit pas conduire à des jugements pessimistes. D'une part, les décisions prises par la session extraordinaire du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie le 28 février 2000 ont déjà sensiblement amélioré l'équipement des forces. D'autre part, le budget actuel doit permettre, selon la gendarmerie, d'assurer la remise à niveau du matériel courant, sans que le corps ait besoin de recourir à d'autres moyens.

Dans l'ensemble, la gendarmerie bénéficiera donc d'un bon budget en 2001. Robert Poujade en est d'ailleurs convenu en commission.

M. le ministre de la défense.

Cela clôt le débat, alors ! (Sourires.)

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Tous mes collègues devraient donc unaniment en être satisfaits.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Sauf pour les gendarmes des autoroutes, dont les crédits ne sont pas justifiés au budget de la défense !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

C'est vous qui avez institué le système !

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas une raison pour le conserver ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Quel aveu !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Les gendarmes, qu'ils servent en gendarmerie départementale ou en gendarmerie mobile supportent une charge de travail dont l'intensité et l'amplitude, certes variables selon les brigades, restent importantes. Une étude sur le temps d'activité des militaires réalisée par l'observatoire social de la défense a établi qu'en 1999 les gendarmes départementaux ont totalisé entre neuf et dix heures de travail effectif par jour. Comme M. Galy-Dejean l'a souligné, un certain nombre de ces heures sont effectivement consacrées à la sécurité routière. C'est ainsi que les gendarmes ont relevé plus de 750 000 infractions d'excès de vitesse.

Il est vrai que, dans notre pays, une voiture sur deux ne roule pas à la vitesse prescrite.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

C'est de M. Gayssot, ministre des transports, que cela dépend !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Quand on sait qu'une infraction demande entre deux heures et deux heures et demie de traitement, on comprend que cette tâche puisse mobiliser plus de 1,8 million d'hommes.

Oui, l'effort consenti par la gendarmerie pour assurer la sécurité de nos concitoyens est important.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

C'est à M. Gayssot de le payer !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

De même, l'engagement de la gendarmerie mobile s'est maintenu, en 1999, à un niveau très élevé : plus de 204 jours de


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déplacements. Les projections réalisées pour 2000 laissent penser que ce nombre moyen de jours passés hors des unités augmentera encore. Cette forte sollicitation de la gendarmerie mobile conduit à limiter le temps qui doit être consacré à l'instruction. Or la mise en oeuvre de la fidélisation, qui a concerné six escadrons de gendarmerie mobile en 1999, rend le besoin de formation et de remise à niveau plus important encore. Je me félicite donc, monsieur le ministre, de l'accord que vous avez signé avec le ministre de l'intérieur, le 13 mars dernier, et qui vise à encadrer strictement le recours aux gendarmes mobiles.

Au travail « normal » de la gendarmerie, il faut ajouter celui qui survient à la suite d'événements exceptionnels.

Je citerai, à ce titre, le naufrage de l' Erika et les intempéries qui se sont abattues sur notre pays les 26 et 27 décembre 1999. Il convient à ce propos de rendre hommage au travail accompli par les gendarmes au cours de cette période. Ils se sont, en effet, fortement mobilisés, monsieur le ministre, et ils auraient peut-être apprécié qu'une gratification leur soit versée comme ce fut le cas pour leurs homologues de certains corps civils de l'Etat.

Par ailleurs, il faut surveiller de près l'intégration dans les années à venir de volontaires dans la gendarmerie.

J'insiste à cet égard sur le fait que les 1 500 postes de sous-officiers supplémentaires ouverts en février 2000 ne sauraient en aucun cas, à l'heure du bilan de l'actuelle loi de programmation militaire, être considérés comme palliant l'insuffisance éventuelle de volontaires. Nous devons être très vigilants sur ce point.

M. le président.

Concluez, monsieur Lemoine.

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Je conclus, monsieur le président.

Nous avons appris avec plaisir que la gendarmerie disposera bientôt d'une véritable école d'officiers. En effet, Melun aura dorénavant ce statut et non plus celui d'école d'application. Cependant, cela fait déjà plusieurs années que l'on se demande si ce site est le plus approprié pour accueillir une telle école. Peut-être y aurait-il lieu de revenir sur cette question à l'occasion de l'attribution de ce nouveau statut ?

M. Charles Cova.

Il n'y a déjà pas grand-chose en Seine-et-Marne, il faut y laisser cette école !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis.

Dans le même ordre d'idées, je suis sûr que M. Voisin vous convaincra tout à l'heure de la nécessité de prévoir, en plus de la musique de la Garde républicaine, une musique de la gendarmerie pour accompagner les cérémonies qui auront lieu dans cette école.

Puisqu'il fallait terminer sur une belle note - et celle-ci n'est même pas un bémol (Sourires) -, je dirai que, dans l'ensemble, les commissaires ont émis un avis favorable sur ce projet de budget. Ils espèrent toutefois, monsieur le ministre, que vous voudrez bien prendre en compte les éléments que vous n'avez pu retenir pour des raisons que nous comprenons bien. Nous vous faisons confiance, et la gendarmerie avec nous. Il nous reste maintenant à aller expliquer ce budget dans les différentes brigades.

(Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Paul Quilès, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est un budget de continuité et de respect des engagements pris. La professionnalisation se déroule dans des conditions satisfaisantes : augmentation des effectifs d'engagés du rang ; réduction des emplois d'officiers et de sous-officiers, facilitée par des mécanismes efficaces d'aide aux départs ; amenuisement de la place des appelés.

Les créations d'emplois civils dans les armées progressent pour permettre aux militaires de se consacrer aux missions qui leur sont propres. Des sous-effectifs subsistent, en particulier dans les emplois d'ouvriers d'Etat.

Ils créent encore des difficultés dans certaines unités, de l'armée de terre par exemple, dans une période de transition où la ressource en appelés disparaît. Mais le phénomène tend à se résorber, même si c'est à un rythme qui est parfois ressenti comme trop lent.

L'interdiction d'embauche d'ouvriers d'Etat dans les armées était compréhensible lorsqu'ils étaient en sureffectif à la DGA. Mais ce sureffectif a à présent disparu.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas autoriser des embauches qui permettraient aux armées, et en particulier à l'armée de terre, d'achever en toute sérénité leur professionnalisation ? En ce domaine, la sous-traitance, que l'on appelle « externalisation », n'est pas le remède absolu. Elle comporte même des dangers quand il s'agit d'activités qui intéressent directement la sécurité et le coeur du fonctionnement des forces. Une réflexion, à laquelle la commission de la défense pourrait participer, me paraît nécessaire en ce domaine.

Dans le domaine du fonctionnement courant, les dotations augmentent de 1,1 %, alors que les effectifs baissent de près de 6 %. Le gain de ressources qui en résulte pour les armées permet, en particulier, de revaloriser les crédits de carburants opérationnels, pas assez toutefois pour permettre le redressement attendu des normes d'activité, étant donné la hausse des prix des produits pétroliers au cours des derniers mois. Pour tenir les objectifs d'activité, un abondement sera donc nécessaire à la fois pour 2000 et 2001. Je souhaite qu'il ne soit pas prélevé en totalité sur les dotations d'équipement, compte tenu des nécessités d'amélioration et d'adaptation de nos capacités militaires.

M. Yves Fromion.

Ce sera certainement le cas !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

A un titre III dans l'ensemble satisfaisant correspondent des crédits d'équipement suffisants, en ligne avec les objectifs de la programmation et, plus largement, avec le modèle d'armée 2015.

Le niveau des crédits de paiement des titres V et VI se situe en retrait de 3,5 milliards de francs par rapport aux prévisions de la revue de programmes. Mais ce décalage financier de 4 % ne doit pas accaparer l'attention, dans la mesure où les efforts d'économies entrepris depuis trois ans commencent à porter leurs fruits. Selon les estimations de la DGA, 57 milliards d'économies ont été obtenus sur les devis initiaux des programmes en cours depuis 1997 et 20 milliards supplémentaires seraient attendus. Quelle que soit la part d'arbitraire statistique que comportent ces chiffres, la réalité de la baisse des coûts est tangible. Elle est due en particulier au contrôle d e gestion d'environ quatre-vingt-cinq programmes majeurs, qui permet d'établir, mois par mois, une évaluation de leur coût à terminaison. Les objectifs de réduction varient de 30 % pour les programmes entrant en phase de faisabilité, à 10 % pour les programmes en production.

Il faudra toutefois veiller à ce que cette politique de réduction des coûts, que chacun ici appréciera, ne se fasse pas au détriment de la compétitivité économique de nos


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entreprises. On sait parfaitement que des pays réputés très libéraux, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, sont en fait ceux qui pratiquent la politique industrielle la plus élaborée grâce à leurs commandes d'armement. Ne soyons donc pas naïfs : nous avons des intérêts de souveraineté à défendre, sur le plan national comme sur le plan européen, et il nous faut donc concilier cette nécessité de réduire les coûts des programmes et la défense de l'industrie française et européenne d'armement.

On ne doit pas oublier non plus que la plupart des dépenses d'équipement militaire ont un caractère de flux, et que leur exécution dépasse largement le cadre de l'annualité budgétaire. C'est pour cette raison qu'actuellement les insuffisances de ressources ne se traduisent pas par des réductions ou par des interruptions de programmes, mais par des retards de l'ordre de quelques mois. Il s'agit d'ailleurs souvent de retards rendus inévitables par les aléas de la coopération européenne ou par des obstacles momentanés d'ordre technique ou industriel.

Il faut aussi tenir compte des difficultés d'exécution des crédits rencontrées par la DGA. Il semble qu'elles soient en passe d'être levées, mais elles freinent sans doute encore la capacité du ministère à dépenser des montants de crédits très supérieurs à ceux qui sont inscrits au projet de budget.

La situation des paiements est, enfin, la conséquence des faibles niveaux d'engagements de la période 19961998. Elle devrait s'améliorer sensiblement en 2001 et au-delà. L'inscription dans le projet de budget d'un montant d'autorisations de programme de 84,7 milliards de francs est, de ce point de vue, encourageante. A ce montant devrait s'ajouter dans la loi de finances rectificative u ne dotation supplémentaire afin de permettre la commande des cinquante A 400 M que la France s'est engagée à acquérir. Les besoins sont tels en effet - de l'ordre de 20 milliards de francs - qu'ils ne peuvent pas être totalement couverts par le stock d'autorisations de programme non utilisées.

En termes physiques, comme les chefs d'état-major l'ont confirmé à la commission de la défense, le projet de budget donne aux armées les moyens d'atteindre, sans difficultés majeures, les objectifs fixés par la programmation, tels qu'ils ont été ajustés à la marge par la revue de programmes. Il ressort, en outre, clairement des auditions de la commission, comme des déclarations publiques du Gouvernement, que les programmes d'avion de transport A 400 M et de véhicule blindé d'infanterie pourront également être lancés en 2001, bien qu'ils n'aient pas été inscrits au projet de budget.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Pour le VBCI, c'est moins sûr !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

Si le projet que vous présentez, monsieur le ministre, rencontre l'approbation de notre commission, c'est parce qu'il respecte les orientations de l'actuelle loi de programmation et de la revue de programmes. Cependant, cette loi de programmation vient à son terme. Vos services préparent depuis déjà un an la programmation suivante, dont le Premier ministre a esquissé, en septembre dernier, les grandes orientations possibles.

Je voudrais aujourd'hui aborder plusieurs questions fondamentales que soulèvent ces orientations, très exactement six.

Il s'agit, en premier lieu, de la nature des évolutions stratégiques prévisibles, des missions des forces et de leurs caractéristiques. On peut se demander, en effet, si l'analyse stratégique qui fonde l'actuelle programmation garde toute sa pertinence pour définir une politique militaire au-delà de 2002. Si tel n'était pas le cas, certains aspects des missions des forces seraient à reformuler et le modèle d'armée qui oriente le cheminement de la programmation devrait être ajusté.

De fait, au fil des rapports sur l'exécution de la loi de programmation que le Gouvernement soumet annuellement au Parlement, on peut discerner des évolutions sensibles dans l'analyse du contexte stratégique de la défense.

O n constate d'abord une progression rapide de l'Europe de la défense, désormais envisagée par tous les pays de l'Union comme possible à la fois au sein et en dehors de l'OTAN.

On observe également une nouvelle forme de gestion des crises, caractérisée par l'installation durable sur un théâtre d'un volume de forces important, avec des missions tant militaires que civilo-militaires.

Par ailleurs, la recherche de la supériorité technologique s'impose de plus en plus, par exemple dans le domaine du renseignement, des communications, de la précision des armes ou du tir tout temps à distance de sécurité. On le voit, ce que l'on appelle la révolution dans les affaires militaires s'installe en Europe.

Enfin, les situations d'effondrement des Etats se multiplient à une échelle préoccupante, en particulier en Afrique.

Toutes ces évolutions ne bouleversent pas les grands équilibres de l'actuelle loi de programmation. Rapidement, néanmoins, elles ne manqueront pas de créer une nouvelle donne dont il faudra tenir compte. Un débat s'impose en ce domaine. Je pense que l'Assemblée nationale et sa commission de la défense en seraient le cadre naturel.

Compte tenu des décisions prises par l'Union européenne à Helsinki et de celles qu'elle s'apprête à prendre dans le cadre de la conférence d'engagement de capacités, il paraît évident que la réflexion que je viens d'évoquer doit trouver un prolongement européen. Ce sera ma deuxième remarque.

En effet, l'Europe de la défense se construit actuellement par le bas. Elle commence par se doter d'un outil militaire : la force de réaction rapide, définie par ce qu'il est convenu d'appeler l'objectif global. Les missions de cette force sont décrites en termes extrêmement vagues : il s'agit des "missions de Petersberg" qui recouvrent, en pratique, toute action militaire ne relevant pas de la défense du territoire national.

L'Union n'exclut pas de se forger une doctrine stratégique commune, mais, si elle le fait, ce sera progressivement, à mesure qu'elle ajustera le contenu de son objectif global de forces aux scénarios de conflit prévisibles.

N'est-ce pas faire un peu trop confiance au pragmatisme ? Ne faudrait-il pas compléter cette démarche empirique par un début de réflexion stratégique européenne en amont, c'est-à-dire par l'établissement d'une sorte de livre blanc sur la sécurité et la défense de l'Union ?

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

Dans l'idéal, on pourrait concevoir que les pays de l'Union établissent des programmations militaires convergentes sur la base de ce livre blanc, mais il s'agit d'une perspective de moyen terme. Avant qu'elle ne se concrétise, la prochaine programmation française devra revêtir une dimension européenne beaucoup plus prononcée et explicite que la précédente.


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L'objectif global d'Helsinki sera un élément nécessairement structurant de la programmation quantitativement et qualitativement. Il conditionnera d'abord le volume de la participation française aux forces européennes de réaction rapide, mais il fera aussi apparaître des lacunes capacitaires, en France comme dans les autres pays de l'Union. Si un mécanisme de suivi efficace est mis en place, le comblement de ces lacunes capacitaires - en transports stratégiques, en moyens de renseignement, par exemple - fera nécessairement partie des actions prioritaires de la programmation. On peut d'ailleurs d'ores et déjà remarquer, monsieur le ministre, que le lancement du programme A 400 M a été considérablement facilité par l'intégration du transport aérien stratégique dans l'objectif global d'Helsinki.

L'un des enjeux majeurs de la future programmation sera de donner aux forces françaises les capacités qui leur permettront de jouer pleinement leur rôle au sein de l'Europe de la défense.

Comment, dans ces conditions - et ce sera ma quatrième remarque -, construire la prochaine programmation : sur la base traditionnelle d'une répartition équilibrée des crédits entre armées ou en fonction d'une analyse capacitaire ? La logique de l'analyse capacitaire, si elle était suivie jusqu'au bout, impliquerait une réorganisation majeure des compétences entre les chefs d'étatmajor et une perte d'autonomie budgétaire des chefs d'état-major des différentes armées. Est-ce souhaitable ? Est-ce nécessaire ? Il me semble que ce débat doit aussi avoir lieu au Parlement au moment de la programmation certes, mais également dans le cadre d'une réflexion plus vaste sur l'organisation générale de la défense nationale, dont je rappelle que, aux termes, de la Constitution, elle relève de la loi.

Ma cinquième remarque concerne le niveau de ressources. En effet, même si elle ne concerne qu'une fraction de notre potentiel, notre participation à l'objectif global ne manquera pas de peser aussi sur nos choix budgétaires. Le processus de transformation des forces européennes en forces de projection dotées d'armements de supériorité technologique est irréversible. L'Union engage ses membres dans cette voie mais aussi l'OTAN avec son initiative de capacités de défense. Pour maintenir son crédit et son influence, la France doit aussi préserver, au moins en partie, l'avance qu'elle a acquise en ce domaine.

Le choix de participer à un haut niveau à une Europe de la défense qui disposerait des moyens technologiques lui donnant une autonomie militaire a un prix. Compte tenu de l'apparition des nouveaux besoins de commandement, de contrôle, de communication et d'informatisation, quel arbitrage faire entre la quantité et la performance, entre le souci de garder la maîtrise de l'essentiel des compétences de recherche en amont, sujet évoqué par M. Michel, et la nécessité de la spécialisation industrielle ? Quelle place réserver à la préparation de l'avenir au sein d'une enveloppe dominée par les grands programmes et qui sera au cours des prochaines années davantage consacrée aux fabrications qu'aux développements ? La politique de réduction des crédits de recherchetechnologie est risquée et coûteuse. Elle nous expose au risque de déclassement technologique et elle hypothèque les programmes en rendant les développements plus longs, plus aléatoires et donc plus chers.

M. Yves Fromion.

Absolument !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

A quel niveau donc fixer l'effort de recherche-technologie ? Un partage européen des compétences et des coûts est-il envisageable ? Des réponses à ces questions découlera le choix d'une enveloppe de crédits d'équipement, à condition toutefois de veiller à ce que toutes les économies possibles soient faites sur les dépenses qui ne relèvent ni de la recherche, ni des grands programmes, je pense, par exemple, aux dépenses de maintenance.

Enfin, et j'en termine par ma sixième remarque, une fois définies les capacités nécessaires, il faudra examiner le titre III dans un contexte nouveau, celui de la consolidation de la professionnalisation.

Nous n'avons encore que l'expérience de la transition.

Nous ne connaissons par les coûts d'une armée entièrement professionnalisée qui devra recruter assez pour renouveler ses personnels sous contrats, offrir des conditions de rémunération et de vie qui ne se comparent pas trop défavorablement avec celles du monde civil et assumer les contraintes de la projection sur des théâtres nombreux et lointains. De l'expérience de la professionnalisat ion actuelle, il ressort que les dépenses de fonctionnement tendent à être comprimées par celles des rémunérations. Pourtant, l'augmentation des dépenses de rémunérations est actuellement freinée par le rajeunissement général des effectifs. Doit-on dans ces conditions accepter une dérive structurelle du titre III ou alors revoir le format ?

M. Yves Fromion.

Voilà ! M. Paul Quilès président de la commission de la défense.

Une large part des interrogations sur notre politique de défense trouvera sa réponse dans la nouvelle loi de programmation aujourd'hui en préparation dans les services de votre ministère. Tout débat sur ces questions devrait avoir lieu en amont de l'examen de la future loi. Après son élaboration, le Parlement n'aura plus en effet que le choix d'approuver ou de rejeter un projet qui laissera bien peu de place à l'initiative parlementaire.

Nous savons aujourd'hui que les travaux préparatoires de la future loi de programmation militaire ont été lancés depuis déjà un an. Même si cet exercice est loin d'être terminé, il nous semble aujourd'hui nécessaire que le Parlement, à travers sa commission de la défense, soit informé sur la méthodologie employée, sur l'état d'avancement des travaux, ainsi que sur la manière dont vous comptez associer la représentation nationale à la poursuite de ces travaux.

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, pour les réponses que vous voudrez bien apporter à nos préoccupations.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Bernard, premier orateur inscrit.

M. Jean-Louis Bernard.

Monsieur le ministre, le conflit du Kosovo a mis en lumière l'obligation pour notre pays d e disposer d'armées bien structurées et équipées, capables d'assumer leurs missions avec compétence et efficacité.

L'opinion publique, trop longtemps assoupie par le chant des sirènes pacifistes et antimilitaristes, a pris alors conscience des menaces que font peser dictateurs ou tyrans sur des nations démocratiques. Je pense qu'elle a dès lors compris que notre défense nationale représente la clef de voûte de notre indépendance et de notre liberté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

Encore faut-il doter nos armées de moyens appropriés et nous savons que ces moyens sont fort coûteux. La sécurité a un prix, et l'histoire est là pour nous rappeler qu'une nation insuffisamment armée constitue une proie alléchante pour tout prédateur malveillant et déterminé.

Le calme plat d'une paix apparente ne doit pas endormir notre vigilance. Nous sommes donc très attentifs à ce projet de budget 2001.

Son analyse n'est pas chose aisée, essentiellement pour deux raisons.

La première est liée à la professionnalisation de nos armées qui, compte tenu de la réduction du format, rend illusoire toute comparaison d'une année sur l'autre du fait de la variabilité des effectifs. A part le général Yves Crène, chef d'état-major de l'armée de terre, qui a évoqué un niveau de crédit de fonctionnement a minima, les autres chefs d'état-major n'ont pas formulé de critiques particulières vis-à-vis du titre III.

Mes chers collègues, nous sommes tous d'accord pour constater l'insuffisance des crédits de carburant liée à l'envol du prix du baril de pétrole et à l'augmentation du cours du dollar. Un ajustement de crédits en cours d'exercice est nécessaire sous peine de voir nos avions cloués au sol et notre flotte retenue à quai.

La seconde raison qui explique la difficulté d'analyse du budget tient aux progrès technologiques rapides et incessants et à la variabilité de la situation géopolitique qui incitent à la modestie d'une critique quant à la pertinence des choix effectués en un moment où les données é taient fort différentes de ce qu'elles sont en novembre 2000. C'est donc avec prudence que j'évoquerai le titre V, d'autant que divers ajustements s'avéreront nécessaires du fait de la défaillance de certains partenaires européens.

Enfin, la comparaison purement comptable des autorisations de programme et des crédits de paiement d'une année sur l'autre est un exercice difficile puisque, chaque année, les annulations portent sur plusieurs milliards de francs. A cet égard, j'ai du mal à comprendre pourquoi ce qui est possible en Grande-Bretagne, c'est-à-dire une bonne consommation des crédits, ne l'est pas en France.

F ormalisme juridique et administrations tatillonnes entraînent des contraintes qu'il conviendra sinon de totalement supprimer, du moins de réduire considérablement.

Ces remarques préalables ne m'empêchent pas de formuler certaines inquiétudes en ce qui concerne le titre V.

En effet, les crédits consacrés à l'espace, aux communications et au renseignement sont certes d'un niveau appréciable par rapport à ceux d'autres pays européens, mais, quand on les compare à ceux des Etats-Unis ils font figure de parents très pauvres. Or, comme l'a fait f ort justement remarquer M. Bernard Grasset, ce domaine est un facteur clef de toute ambition stratégique.

Le renseignement sous toutes ses formes est un instrument essentiel de prévention des crises et des conflits ; il constitue un élément déterminant pour guider la décision politique. C'est à la fois une vigie et un signal d'alarme mais, dans ce budget, je n'ai pas trouvé l'affirmation dur ôle primordial d'avant-garde de notre système de défense.

D'autres collègues interviendront sur d'autres budgets, notamment celui de la gendarmerie, qui n'appelle pas de ma part de critiques particulières, ou sur celui de la marine, qui nous incite à juger de l'opportunité de la construction d'un deuxième porte-avions, souhaité par l'amiral Delaunay.

Le budget de la force de dissuasion a entraîné de la part de mon ami Galy-Dejean les plus extrêmes réserves, que je partage bien entendu.

Je consacrerai la fin de mon intervention à l'analyse du budget de l'armée de l'air.

Cette année, après des réductions de crédits, il semble que notre armée ne puisse plus souffrir la comparaison avec certaines flottes aériennes, notamment celle de la Grande-Bretagne. Prenons garde, monsieur le ministre, que la France ne puisse participer à la construction d'une défense européenne commune à la hauteur de son rang et au niveau de son poids dans les affaires européennes.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Me permettezvous de vous interrompre ?

M. Jean-Louis Bernard.

Je vous en prie.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense, avec l'autorisation de l'orateur.

M. le ministre de la défense.

Peut-être ai-je été inattentif, mais j'ai cru comprendre que vous estimiez que la capacité de l'armée de l'air française souffrirait de la comparaison avec celle de la Grande-Bretagne. En êtesvous bien certain ?

M. Jean-Louis Bernard.

Je dis que, par rapport à la Grande-Bretagne, la part du budget de l'armée de l'air est insuffisante.

M. le ministre de la défense.

S'il s'agissait des capacités opérationnelles, l'appréciation serait plus dangereuse.

M. Guy-Michel Chauveau.

Très bien !

M. Jean-Louis Bernard.

Cela tient à nos capacités en matière de dissuasion. Je constate cependant que les crédits de l'armée de l'air française sont nettement inférieurs à ceux de l'armée de l'air en Grande-Bretagne.

Rien ne serait pire qu'une volonté politique qui ne serait pas suivie du même volontarisme budgétaire. Or, aujourd'hui, dans notre armée de l'air cohabitent les matériels les plus performants, tels les Rafale, avec des équipements anciens, trop faiblement entretenus. Nous ne pouvons que regretter, après les diminutions drastiques des crédits d'entretien des dernières années, l'absence de rattrapage en dépit d'un contexte économique et fiscal pourtant favorable.

Depuis trois ans, les dépenses d'entretien, celles des titres III et V additionnées, sont passées de 5 827 millions à 4 708 millions. Certes, une compensation existe à travers les crédits de sous-traitance, mais leur abondement est loin d'être suffisant pour combler ce retard.

Il apparaissait clair aux yeux de tous après la guerre du Golfe et celle du Kosovo que la stabilité de l'ordre international exigeait de la part des grandes puissances une capacité de projection des forces, c'est-à-dire des transports de troupes, et, en même temps, la maîtrise aérienne préalable nécessaire à la conduite d'une opération militaire.

Plaidant depuis plusieurs années pour l'avion de transport du futur, je me réjouis de la décision des pays européens en faveur de l'A 400 M. Aucun crédit ne figure dans ce projet de budget, mais j'ai pris bonne note de l'engagement du Premier ministre de prévoir une dotation en autorisations de programme dans la loi de finances rectificative pour 2000.

Notre capacité en termes de force de projection va décroître dès 2005. Ainsi, en 2008, l'armée de l'air disposera de moins d'avions de transport qu'aujourd'hui du fait du retrait de vingt-sept Transall.


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Certes, les premières livraisons de l'A 400 M sont programmées pour 2007-2008, date à laquelle l'armée de l'air ne disposera plus que de vingt-deux C160 dont certains auront des difficultés à être opérationnels. C'est dire que le moindre retard sera de nature à affaiblir les capacités de notre armée de l'air en matière de protection. Tout retard en matière de calendrier serait donc pénalisant.

La réussite technologique d'un avion n'est pas synonyme de réussite commerciale.

La viabilité du programme implique le respect des signatures des Etats sur le nombre des appareils commandés, les coûts et les montants des éventuels dédits. Cela implique des commandes pluriannuelles avec des autorisations de programmes correctement ajustées avec son coût global.

Enfin, n'oublions pas qu'Airbus Industrie est engagée dans un programme civil très lourd, celui de l'A3XX, et d ans un programme militaire important, celui de l'A 400

M.

On conçoit les problèmes qui peuvent se poser en matière de ressources d'ingénierie pour respecter les délais de livraison. Il ne faudrait pas qu'une certaine timidité budgétaire en matière d'autorisations de programme et de crédits de paiement pénalise l'avion militaire par rapport à l'avion civil.

Bref, le titre III est satisfaisant, le titre V est inquiétant. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF-Alliance ne votera pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

L'année 2001 sera, pour le budg et de votre département ministériel, monsieur le ministre, le budget de la stabilité. Notre collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères l'a même qualifié de budget d'une très grande stabilité. Dans le domaine de la défense, c'est un hommage, un hommage auquel, avec les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert, je m'associe bien volontiers.

Geste politique s'il en est, l'exercice budgétaire est à la fois le reflet des orientations qui ont été données par la majorité et de la méthode mise en oeuvre par cette dernière.

En matière d'orientations, la messe est vite dite : ce budget est celui de la continuité du respect des orientations fixées, il y a quelques années déjà, à Saint-Mandrier par le Premier ministre. C'est aussi celui du respect de la loi de programmation qui, en 2015, devrait nous permettre d'aboutir à un nouveau modèle d'armée, armée qui constitue l'instrument de notre action sur la scène internationale.

En matière de méthode, le constat est donc simple : la majorité a dit ce qu'elle voulait faire et elle a fait ce qu'elle avait dit.

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Gérard Charasse.

Finalement, tout ce budget illustre une double volonté politique : d'une part, ne pas rompre avec des directions approuvées par la représentation nationale au cours des derniers mois ; d'autre part, garder à la France une place importante sur la scène internationale et un rôle déterminant dans la construction de la politique européenne de sécurité commune.

Je vais donc faire l'économie d'un long commentaire sur le choix de telle ou telle arme, la construction d'un autre porte-avions que sais-je ? - pour n'insister que sur deux aspects : la place de notre pays dans la politique étrangère et de sécurité commune et l'articulation entre notre politique de défense et l'appareil industriel national.

Sur le premier point, je veux tout d'abord rappeler devant la représentation nationale les efforts effectués par la majorité et en particulier par vous, monsieur le ministre et vos collègues des affaires étrangères et européennes.

Nous avons vécu, entre 1992 - c'est-à-dire le traité de Maastricht et le sommet de Petersberg - et 1997, une phase de latence très préoccupante dans ce domaine.

Depuis 1997, chacun a été témoin d'une accélération propice à donner, à terme, un sens à l'Europe politique et militaire : le traité d'Amsterdam, le sommet de SaintMalo, celui de Cologne, puis celui d'Helsinki.

En 1997, l'Europe s'est décidée à désigner un « monsieur PESC ». Elle l'a fait en 1999 avec la nomination de Javier Solana. En 1998, elle s'est ralliée à la nécessité de pouvoir conduire, avec ou sans l'OTAN, des opérations de terrain. En 1999, elle s'est autorisée à constituer une capacité d'action militaire commune.

Depuis, nous avons fait mieux puisque nous disposons désormais d'un calendrier fixé à Helsinki : en 2003, l'Europe devra être dotée d'une instance autonome de décision et de moyens d'action.

Ce calendrier n'a rien d'irréel puisque, sur le terrain, l'intégration s'est largement faite. La France, par exemple, a sous son commandement, dans la zone nord du Kosovo, sept contingents de nationalités différentes.

Nous sommes donc sur le bon chemin et votre budget, s'il pointe les obstacles que nous avons encore à surmonter, propose des solutions en matière de moyens de commandement, de capacité de projection et de moyens de renseignements. C'est un bon chemin, emprunté désormais par nos principaux partenaires. Ainsi, nous serions presque exemplaires.

M. Michel Voisin.

Oh !

M. Gérard Charasse.

Exemplaires, nous le sommes presque aussi dans l'application des règles de bonne conduite en matière de marchés publics. Pour être élu depuis longtemps d'une collectivité locale, je sais, monsieur le ministre, la difficulté de l'exercice, mais je devine également deux choses.

La première est que ces règles ne sont pas toujours uniformément respectées. Ainsi, il est clair que les entreprises installées dans d'autres pays s'appuient sur des marchés domestiques qu'elles contrôlent pour tenter d'écarter du marché français, qui est désormais déclaré ouvert, les industriels de notre pays. Car si, en application des règles de bonne conduite, les aides directes des Etats à leurs industries d'armement ont pratiquement cessé...

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Sauf aux

Etats-Unis !

M. Gérard Charasse.

... certains états continuent de supporter une partie des charges liées au fonctionnement et à la recherche-développement par des artifices divers.

Ce n'est pas le cas de nos entreprises, qui risquent donc de se trouver défavorisées dans leurs propres murs en raison d'une conduite conforme aux règles déontologiques.

Je devine également une seconde chose.

Vous avez, avec votre département ministériel et des conseillers particulièrement efficaces, à qui nous ne rendons d'ailleurs pas assez hommage, mené une politique de restructuration de notre appareil de production militaire. Je pense, en particulier, au GIAT et au PSES.


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Je ne voudrais pas que les efforts qui ont été produits dans l'objectif de donner une chance à nos entreprises, avec l'idée d'une forme d'indépendance de production bien compréhensible dans ce domaine, soient anéantis, car, à ce moment crucial de transition, cette perte en capacité de mobilisation ne peut que se traduire par des coûts de développement et de production en hausse sur les autres produits. Nous pourrions donc entrer dans un cercle vicieux : moins je produis, plus c'est cher ; plus c'est cher, moins on m'achète ; moins on m'achète, moins je produis ; et ainsi de suite, jusqu'à de nouvelles difficultés économiques et sociales insurmontables.

Dans la mesure où notre appareil de production militaire, et vous me permettrez de citer Manurhin Défense, ne doit d'être menacé sur ce secteur qu'à la déloyauté de concurrents d'ailleurs motivés par les progrès visibles de nos industries, il conviendrait que l'Etat réorganise sa p olitique d'achat pour favoriser, par exemple, des commandes verticales ou les assortir de besoins en services propices à remettre notre appareil de production dans la course.

Sur ces deux remarques auxquelles je souhaite que vous puissiez être très attentif, je conclus, monsieur le ministre, en vous apportant sur votre budget le soutien des députés du groupe Radical, Citoyen et Vert.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Même les Verts ?

M. le président.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion budgétaire à laquelle nous sommes conviés est attentivement suivie par les centaines de milliers d'officiers, de sous-officiers et de militaires du rang de nos armées. Elle est également suivie par les personnels des établissements industriels, qui oeuvrent, directement ou indirectement, pour la défense.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

Et par les Français !

M. Yves Fromion.

Aux premiers, je voudrais réaffirmer la considération et le soutien que la représentation parlementaire leur doit et les assurer de notre reconnaissance pour leur engagement au service de notre pays, dans des conditions souvent difficiles que l'on connaît.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Yves Fromion.

Aux seconds, et notamment aux salariés de nos anciens arsenaux, je souhaite dire que nous sommes attentifs à leurs inquiétudes et soucieux d'accompagner de façon équitable et responsable l'évolution de nos industries de défense.

Cela me conduit à insister, monsieur le ministre, sur le fait qu'une armée est avant tout un ensemble d'hommes et aujourd'hui de femmes tendus dans leur action, vers le service de la communauté nationale, dans des conditions et dans un environnement qui n'ont pas d'égal dans la société civile. Leur efficacité, s'agissant notamment de professionnels, est directement conditionnée par la considération qui leur est accordée tant au plan moral qu'au plan matériel.

Or le budget que vous nous présentez pour 2001 ne répond que très imparfaitement à cette exigence.

On a souvent affirmé que votre gouvernement avait fait du budget de la défense une variable d'ajustement.

Cela permettait au moins d'entretenir l'espoir que des circonstances économiques et budgétaires favorables conduiraient à réévaluer des enveloppes budgétaires trop souvent rognées pour cause de priorité donnée à l'emploi, à l'édu cation ou, comme vous l'affirmiez dès 1998, à la réduction du déficit budgétaire.

Or le déficit budgétaire de l'Etat, par exemple, n'a en rien diminué. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour 2001, il restera comme pour l'année dernière à 186 milliards et, depuis 1997, il atteindra la somme cumulée de 800 milliards. Le sacrifice consenti par nos armées l'aura donc été en pure perte.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

C'est la meilleure !

M. le ministre de la défense.

Etes-vous sûr de vos chiffres ?

M. Yves Fromion.

Le titre V de votre budget est un a utre exemple. Vous aviez pris ici même, le 6 novembre 1998, au terme de votre fameuse revue des programmes, l'engagement de le maintenir à 85 milliards annuels, en francs constants 1998. Cet engagement n'aura tenu que le temps d'un discours. La décroissance des crédits d'équipement vous conduit à présenter une proposition à guère plus de 83 milliards pour une référence nominale de 88 milliards, d'ailleurs fixée par vous.

La preuve est donc faite que la réduction du budget de la défense, dans le contexte de forte croissance économique et d'aisance budgétaire dont vous bénéficiez, est bien un choix politique délibéré. La variable d'ajustement était en fait une constante de récession.

Quel objectif votre gouvernement poursuit-il ? S'agit-il de préparer une loi de programmation au rabais ? Le mutisme qui entoure toujours la procédure en cours peut le laisser craindre. S'agit-il de nous conduire insensiblement, par disette budgétaire organisée, vers la remise en cause puis vers l'abandon de notre force nucléaire stratégique ? L'épisode du M 51 peut éveiller le soupçon.

S'agit-il de glisser vers une nouvelle réduction du format d'une armée professionnelle, dont vous avez accepté le principe à contrecoeur ? On sait que des simulations existent.

V ous disiez, monsieur le ministre, le 10 novembre 1989 : « Il faut avoir une vision d'ensemble de la législature pour juger la ténacité du Gouvernement et de sa majorité à définir une politique de la défense adaptée à notre époque. » Avec ce projet de budget, c'est

chose faite et nous prenons acte de votre ténacité politique à réduire systématiquement le budget de la défense.

C'est bien la constante de récession dont je parlais.

Ayant évoqué, sans doute trop brièvement mais le temps nous est compté, le fond du débat et les questions qui en découlent, je voudrais souligner quelques-unes des conséquences des restrictions budgétaires que vous vous employez à imposer à nos armées.

Si le titre III n'est affecté que d'une baisse de 0,4 %, la part affectée au fonctionnement, soit 5,68 milliards, décroit de 2,9 %. Il en découlera des difficultés croissantes dans la vie courante des unités : défaut d'entretien ou de paiement des loyers du parc immobilier, on l'a dit tout à l'heure, retards dans l'informatisation, problèmes de transport et, sans doute, incapacité réelle à compenser la hausse des produits pétroliers.

Les crédits de personnels ne permettront pas, quant à eux, un recrutement suffisant des personnels civils, et l'objectif de 31 000 emplois pourvus en 2001 ne sera pas atteint.

Il faut s'interroger aussi sur la capacité de notre armée de terre à présenter une attractivité suffisante à l'endroit des spécialistes : leur recrutement, leur formation et sans doute leur reconversion.


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Enfin, si l'on peut se réjouir que le nombre moyen de j ournées d'entraînement de nos professionnels dans l'armée de terre soit porté de soixante-treize à quatrevingts par an, l'objectif de cent jours est naturellement encore loin.

On ne peut également passer sous silence une gestion peu satisfaisante de la fin de la conscription. Un effort budgétaire aurait été sans doute nécessaire afin de préserver au mieux l'intérêt des jeunes engagés dans la vie professionnelle.

Le titre V n'apporte évidemment pas que des sujets de satisfaction, c'est un euphémisme.

L'impact de la réduction budgétaire sur les programmes a été largement dénoncé. Je me limiterai à quelques observations.

Elles porteront d'abord sur la nécessité pour nos forcese t notre avenir industriel de lancer le programme TRIGAN. Outre l'aspect opérationnel, il est clair que l'abandon de cet équipement exclurait la France de l'industrie du missile antichars, jusqu'alors source d'une importante activité technologique et économique.

Ma deuxième observation porte sur la nécessité de s'engager dans le programme ASTER afin de donner à nos unités la capacité de défense aérienne élargie donte lles ont besoin. Cela impliquerait une commande dès 2002, donc un MoU - memorandum understanding en 2001. Qu'en est-il ? S'agissant du NH 90, la marine, qui en a commandé vingt-sept livrables à partir de 2005, paraît aujourd'hui plus soucieuse de centrer ses moyens budgétaires sur la flotte de surface. N'y aurait-il pas intérêt à réorienter cette commande vers l'armée de terre dont les Puma sont à bout de souffle ?

M. Charles Cova.

Bien sûr !

M. Yves Fromion.

La situation des crédits d'entretien, transférés du titre III au titre V, est très tendue. On sait que nos unités éprouvent de réelles difficultés à conserver leur potentiel opérationnel. Cela vaut notamment pour celles qui sont prépositionnées à l'extérieur de l'Hexagone.

Je terminerai par deux remarques.

D'abord, le choix du futur remplaçant de l'AMX

10. Répondant aux démarches pressantes dont vous avez fait l'objet, vous avez accepté de revoir les modalités d'attribution du marché du futur VBCI. Nous attendons avec impatience la décision que vous allez prendre en espérant qu'elle préserve les intérêts de GIAT Industries dont on connaît par ailleurs les difficultés.

Cette entreprise est en quasi-perdition. Les ritournelles sur la diversification n'abusent plus personne. Les promesses diverses n'ont guère été suivies d'effets. Il faut regarder les choses en face. Les salariés attendent des réponses aux angoisses qu'ils expriment. L'actuel PSES est obsolète. C'est un fait acquis. On sait que GIAT ne pourra entrer dans un réel projet de restructuration européenne que si des mesures réalistes et responsables sont prises.

On parle d'une restructuration européenne autour de trois pôles, blindés lourds, blindés légers, armementmunitions. GIAT a à l'évidence un rôle majeur à jouer dans un tel schéma, mais rien ne se fera dans le contexte actuel de l'entreprise. C'est la responsabilité du Gouvernement de mettre en place les moyens de sortie de crise, mais il faut agir vite. Tout atermoiement sera catastrophique pour l'entreprise et pour les salariés, qui subissent de plein fouet les conséquences de choix politiques qui les dépassent.

Monsieur le ministre, je conclus. Vous aurez compris que le groupe RPR, on vous l'a déjà dit, n'approuve pas vos propositions budgétaires. Celles-ci ne sont pas dans les faits et concrètement suffisamment volontaristes pour accompagner les orientations de la politique européenne conduite par le Gouvernement, en conformité avec celles fixées par le Président de la République.

Le chef de l'Etat, en invitant le Parlement à décider la professionnalisation de nos armées, a donné à la France les moyens de participer activement à la construction de l'Europe de la défense. Chacun a reconnu la pertinence de ce geste politique à l'occasion du conflit du Kosovo.

Encore faudrait-il qu'au plan de nos équipements, on sache tirer les enseignements des lacunes apparues, qui affectent, dans plusieurs domaines, les capacités des Européens à assumer une action autonome.

En affectant vos budgets successifs d'une constante der écession, vous préparez mal l'avenir, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget, comme ceux proposés depuis 1997, s'inscrit dans le choix du Gouvernement de poursuivre la mise en oeuvre d'une loi de programmation militaire concrétisant le changement d'orientation stratégique décidé par le seul Président de la République en faveur d'une armée professionnalisée qui répond à la priorité désormais donnée à la projection , stratégie dont on mesure toute l'ambiguïté et qui fait que, au nom de la paix et des droits de l'homme, on intervient ici et pas là-bas, qu'il serait nécessaire de surmonter les crises militairement à tel endroit et pas à tel autre, sans parler de l'affranchissement d'un mandat international et de la tutelle politique et militaire des

Etats-Unis. Je veux rappeler ici - cela n'a pas été encore fait - que l'ONU a fait de l'année 2000 une année de culture de paix. C'est l'occasion pour le groupe communiste de souligner que la clé de voûte d'une réelle sécurité ne peut se construire d'abord sur des « solutions » de force, mais doit reposer, en priorité, sur une ambitieuse stratégie de la prévention des conflits. C'est, je crois, le défi de civilisation qui est devant nous.

Le groupe communiste, bien que pleinement partie prenante de la majorité de la gauche plurielle, ne pourra donc, cette année encore, voter le budget de la défense.

Si nous ne partageons pas le bien-fondé de ce qui a motivé la réorganisation de l'armée, nous sommes particulièrement attentifs à ce que cette dernière ait les capacités de jouer un rôle dans toute une série de missions, à commencer par celle concernant le territoire national, et nous sommes donc attentifs à la manière dont se met en place une professionnalisation qui manifestement rencontre des difficultés importantes.

La situation de « surchauffe » évoquée par le général Crène mérite d'être prise très au sérieux. On peut légitimement se demander si notre armée est aujourd'hui à la fois bien dimensionnée et bien adaptée aux missions qui lui sont confiées tant dans le domaine militaire qu'en matière de sécurité civile.


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Les catastrophes naturelles majeures qui ont nécessité l'intervention importante et indispensable de notre armée - intervention que nous tenons à saluer - ne peuvent être évoquées comme le facteur explicatif de cet état de fatigue confirmé.

La professionnalisation de l'armée a un coût considérable pour la nation : les charges de personnel représentent aujourd'hui quelque 81,6 % de l'ensemble des charges de fonctionnement et n'ont cessé d'augmenter.

La priorité donnée cette année au financement des exercices et des entraînements se fait au prix d'économies drastiques sur les autres postes qui concernent pourtant la vie quotidienne de notre armée.

A ce titre, on ne saurait différer trop longtemps, sans p réjudice, les travaux d'entretien des bâtiments ou l'acquisition à un niveau suffisant des matériels informatiques ou de communication.

Mais ce qui nous inquiète le plus, c'est le retard pris dans le recrutement des personnels civils, qui représentent le deuxième pilier indispensable de toute armée professionnelle. Ainsi, au 1er juillet 2000, le déficit était important. L'objectif de 34 000 civils fixé pour 2002 par la loi de programmation militaire implique de prendre des dispositions à la hauteur du retard pris.

M. Guy Teissier.

Il dit des vérités !

M. Bernard Birsinger.

Cela est d'autant plus vrai au regard des dispositions prises en faveur des jeunes salariés appelés à effectuer leur service, dispositions dont nous nous félicitons.

Nous insistons pour que, dès le prochain exercice budgétaire, des dérogations, à un niveau correspondant à la situation, soient effectivement accordées pour que des ouvriers d'Etat puissent être affectés à des postes qui leur sont aujourd'hui interdits du fait de leur statut.

Comme le note justement Jean-Claude Sandrier dans son rapport, il est tout même surprenant que l'on ne puisse pas établir plus de cohérence entre, d'un côté, la déflation des effectifs dans l'industrie d'armement et, de l'autre, leur nécessaire accroissement dans les postes civils des armées.

Nous sommes également particulièrement attentifs à l'évolution des crédits du titre V. Si les crédits de paiement ouverts en 2001 progressent de 1 % environ, les autorisations de programme régressent de 3,4 %. Toutefois, la signification de ces chiffres est à relativiser compte tenu des annulations de crédits effectuées sur les exercices antérieurs. J'en profite au passage pour regretter que ces pratiques continuent de prévaloir alors qu'est affirmée la nécessité d'améliorer les conditions d'exercice des prérogatives du Parlement en matière budgétaire.

Nous retiendrons aussi - mais pour nous en féliciter la progression des crédits consacrés aux dépenses spatiales : les 3,1 milliards d'autorisations de programme consacrés principalement aux programmes Syracuse et Hélios permettent de relancer un secteur stratégique pour l'autonomie de la défense de la France et des pays européens.

En revanche, nous ne partageons pas le propos alarmiste du rapporteur pour avis sur les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire. Nous ne sommes pas partisans d'un désarmement unilatéral de la France, y compris dans le domaine nucléaire, mais nous sommes opposés à tout ce qui peut alimenter ou servir de prétexte à une relance d'une course aux armements nucléaires et à leur dissémination, dangereuse pour toute la planète, coûteuse et dont la pertinence stratégique est contestable.

Nous considérons que la France devrait agir beaucoup plus pour favoriser toute avancée dans la voie du désarmement multilatéral nucléaire, qui s'impose. Faire reculer le risque nucléaire est une nécessité pour la survie de l'humanité. Il n'y a pas d'autre choix possible.

Nous avons apprécié en son temps la position de notre pays s'agissant du projet de bouclier nucléaire défendu par les dirigeants américains. Ce projet, qui pousse à la relance de la course aux armements doit être définitivement abandonné, et nous souhaiterions que notre pays, qui préside aux destinées de l'Union européenne, réaffirme très clairement cette exigence.

L'enjeu majeur que constitue la prévention des crises devrait être au coeur de la politique de défense et de sécurité conduite par notre pays.

Nous considérons à cet égard que la sécurité n'est pas qu'un problème militaire mais renvoie à des questions sociales, économiques, politiques, religieuses et à la lutte contre les inégalités, qui continuent de s'approfondir. Du reste, les inégalités constituent la cause première des conflits. Il faut savoir que le rapport entre les revenus du cinquième des êtres humains vivant dans les pays les plus riches et ceux du cinquième des habitants vivant dans les pays les plus pauvres, qui était de 30 contre 1 en 1960, puis de 60 contre 1 en 1990, atteignait 74 contre 1 en 1997. Pour nous, un réel engagement citoyen sur toutes ces questions est un enjeu décisif.

La défense du territoire national demeure d'actualité, même si elle doit prendre d'autres formes qu'autrefois, car on ne peut prétendre que toute agression contre le territoire national serait désormais à exclure et que la dissuasion nucléaire saurait suffir à faire face à la menace. Il faudrait d'ailleurs définir de quelle menace on parle. Par ailleurs, les missions de l'armée s'exercent aussi dans le domaine civil et à la frontière du militaire et du civil.

La capacité d'une mobilisation importante d'hommes et de femmes préparés à cet effet demeure donc une exigence. C'est dire la nécessité de réfléchir aux modalités d'une refondation des liens entre la nation et son armée.

Nous ne sommes pas opposés à ce que notre pays participe à des opérations de maintien ou de retour à la paix,e n particulier sur le continent européen. Encore convient-il que la France et l'Union européenne en maîtrisent les conditions et les décisions, et que ces opérations s'effectuent dans le cadre de missions clairement définies et dans le respect de la légalité internationale.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous ne sommes pas contre des coopérations en matière de défense européenne, mais celles-ci doivent se situer dans le cadre d'une réelle autonomie, sous mandat de l'ONU et dans le respect de règles internationales précisées. A ce propos, comment ne pas insister sur la nécessaire revalorisation du rôle de l'ONU, dont le mode de fonctionnement doit être largement démocratisé et qui doit disposer des moyens de ses missions : assurer la sécurité, impulser le développement, garantir la démocratie et les droits humains ?

M. Robert Gaïa.

Absolument !

M. Bernard Birsinger.

Aussi, nous soutiendrons tous les efforts que vous réaliserez en faveur d'une défense européenne autonome, en rupture avec le rôle que les dirigeants américains, soutenus par certains de nos partenaires européens, entendent lui faire jouer au sein de l'OTAN. Etant entendu que la mise en oeuvre de cette


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politique européenne de sécurité et de défense ne doit pas se traduire par de nouvelles dépenses et doit débattue et contrôlée par le Parlement.

Il s'agit d'autant de pistes et de réflexions qui soulignent l'urgence d'ouvrir enfin le débat sur la prochaine loi de programmation militaire qui débutera en 2003, débat auquel mériteraient d'être associés dès aujourd'hui les parlementaires et tous les acteurs concernés par la politique de défense et de sécurité de notre pays - je pense notamment aux personnels civils appelés à jouer un rôle nouveau.

On ne saurait examiner les crédits du budget de la défense sans évoquer la situation de nos industries de défense, dont l'avenir aujourd'hui demeure problématique. Pourtant, la maîtrise de la fabrication des armes et des munitions est indispensable si la France veut disposer des moyens, y compris en coopération avec les autres pays européens, de conduire une politique de défense et de sécurité autonome.

Nos industries d'armement ont beaucoup souffert des conséquences de la réorganisation de nos armées - contraignante pour le titre V -, réorganisation qui s'est conjuguée avec la baisse des marchés, les restructurations industrielles et la prégnance des dogmes libéraux dans la construction de l'Europe.

Nous réitérons notre souhait qu'un débat sur ces industries de défense puisse être organisé à l'Assemblée, débat qui pourrait être précédé d'un colloque largement ouvert aux industriels, aux syndicats, aux élus locaux et nationaux.

M. le président.

Je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Bernard Birsinger.

Je vais conclure, monsieur le président.

L'avenir très immédiat du GIAT, de la DCN et de la SNPE appelle des dispositions concrètes. Il faut véritablement consentir un effort particulier pour assurer le plan de charge des différents établissements.

En ce qui concerne le GIAT, non seulement la maîtrise d'oeuvre du VCI doit lui être attribuée mais les modalités retenues pour la coopération avec RVI doivent clairement intégrer cette exigence.

Comment ne pas évoquer également la nécessité d'une anticipation des commandes de chars Leclerc et le lancem ent du programme de rénovation des chars AMX 10 RC ? Il conviendrait de dégager deux milliards de francs sur un ou deux ans avec comme premier objectif la relance de la recherche-développement.

L'avenir de la DCN implique notamment de confirmer les commandes de NTCD et de travailler à l'indispensable renouvellement de la flotte de surface.

Alors que la restructuration d'EADS se traduit déjà par de nombreuses suppressions d'emplois, le maintien d'une compétence missile dans notre pays suppose de décider la rénovation de l'Exocet, de développer le missile Aster et de lancer le missile anti-char Trigan. Il y va du maintien d'une compétence anti-char en France et en Europe.

Dans ce domaine, pas plus que dans d'autres, on ne saurait sans dommage se placer sous la dépendance directe des USA ou d'Israël.

M. le président.

Concluez, monsieur Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Je termine, monsieur le président. Je vous ferai toutefois remarquer que le groupe communiste ne posera pas de questions.

Il convient de surseoir aux décisions prises concernant la Société nationale des poudres et explosifs et de travailler en concertation avec les organisations syndicales sur un plan transitoire associant maintien des compétences et diversification.

L'engagement plus déterminé d'une vraie politique de diversification implique la constitution d'« équipes projets civils » au sein de GIAT Industries, de la DCN et de la SNPE.

La présidence française de l'Union européenne mériterait de porter le principe de la mise en place d'une aide spécifique et temporaire pour la diversification des grands groupes de l'armement.

Nous souhaitons, enfin, monsieur le ministre, un engagement précis s'agissant du calendrier de la mise en oeuvre des décisions interministérielles en faveur de sites de GIAT Industries et de la DCN les plus touchés.

Sur toutes ces questions, nous attendons des réponses précises et concrètes, car il y va de l'avenir de milliers de salariés, de l'avenir de bassins d'emplois souvent sinistrés.

Nous attendons également que vous nous indiquiez les modalités retenues pour que la prochaine loi de programmation militaire fasse l'objet d'un vrai débat et d'une élaboration démocratique.

Nous espérons que vos réponses seront à la hauteur des enjeux et des exigences. Si notre groupe ne peut, comme je vous l'ai déjà indiqué, voter votre projet de budget, nous souhaitons que l'annonce d'avancées concrètes et significatives nous permette d'émettre un vote d'abstention...

M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

Constructive ! (Sourires.)

M. Bernard Birsinger.

... vigilante et constructive.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2624) ; Défense ; articles 33 et 34 (suite) : M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 40 du rapport no 2624) ; M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome VI de l'avis no 2626) ; Dissuasion nucléaire : M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome II de l'avis no 2627) ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

Espace, communication et renseignement : M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome III de l'avis no 2627) ; Forces terrestres : M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome IV de l'avis no 2627) ; Marine : M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome V de l'avis no 2627) ; Air : M. Yann Galut, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VI de l'avis no 2627) ; Titre III et personnels de la défense : M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VII de l'avis no 2627) ; Crédits d'équipement : M. Jean Michel, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VIII de l'avis no 2627) ; Services communs : M. Michel Meylan, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome IX de l'avis no 2627) ; Gendarmerie : M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome X de l'avis no 2627).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT