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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 8213).

2. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8213).

EMPLOI (p. 8213)

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le travail et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le travail et l'emploi.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la formation professionnelle.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MM. Maxime Gremetz, François Goulard, Germain Gengenwin, Mme Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Gérard Lindeperg, Patrick Leroy, Mme Marie-Thérèse Boisseau,

MM. Jean Ueberschlag, Gaëtan Gorce.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Réponses de Mme la secrétaire d'Etat aux questions de :

Mme Muguette Jacquaint, MM. François Rochebloine, Hervé Morin et Jean Ueberschlag.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8246).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement la lettre suivante :

« Paris, le 9 novembre 2000.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement fixe comme suit l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale :

« Mardi 14 novembre, à dix heures trente :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Services du Premier ministre : services généraux, SGDN, Conseil économique et social, plan, journaux officiels.

« L'après-midi :

« Questions au Gouvernement.

« Le soir :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Communication.

« Mercredi 15 novembre, le matin :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Outre-mer.

« L'après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Intérieur (nouvelle procédure) ;

« Outre-mer (suite) ;

« Dernière lecture du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

« Jeudi 16 novembre, le matin :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Fonction publique et réforme de l'Etat.

« L'après-midi et le soir :

« Logement (nouvelle procédure) ;

« Industrie, postes et télécommunications.

« Vendredi 17 novembre, le matin, l'après-midi et le soir :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Economie et finances : charges communes, services financiers, monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur (nouvelle procédure) ;

« Solidarité et santé ; économie solidaire.

« Lundi 20 novembre, le matin, l'après-midi et le soir :

« Projet de loi de finances pour 2001 (deuxième partie), suite :

« Jeunesse et sports (nouvelle procédure) ;

« Articles non rattachés.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de ma haute considération. »

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

2 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

EMPLOI

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant l'emploi.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail et l'emploi.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, mes chers collègues, votre prise de fonctions, madame la ministre, s'effectue sous de bons auspices sur le front de l'emploi. Le recul du chômage, particulièrement net depuis un an, puisque le taux est passé de 11,1 % en septembre 1999 à 9,5 % en septembre 2000, a été marqué, pour ce même mois de septembre, par une baisse remarquable de 53 000 demandeurs d'emploi, contredisant les alarmes qui avaient pu s'exprimer au sujet d'un retentissement négatif majeur de l'envolée du cours du pétrole.

Cette baisse a profité à toutes les catégories de publics de demandeurs d'emploi : les jeunes de moins de 25 ans : moins 21 % en un an ; les demandeurs d'emploi


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RMIstes : moins 4 %, phénomène nouveau inversant la courbe qui croissait régulièrement au cours des dernières années ; les chômeurs de longue durée de plus d'un an d'inscription : moins 17 % ; les chômeurs de longue durée de plus de deux ans : moins 23 %. Le fait que cette régression du chômage concerne toutes les catégories de demandeurs d'emploi, y compris les chômeurs de très longue durée, est sans doute plus significatif encore que le recul en lui-même.

Ces résultats ne peuvent que conforter le Gouvernement et la majorité de la gauche plurielle dans la volonté de poursuivre la politique de l'emploi qu'ils ont choisie.

C'est au regard de cette stratégie et de ces résultats qu'il faut apprécier le montant des crédits inscrits au projet de budget pour l'emploi : 111,830 milliards de francs, soit une diminution de 1,9 % par rapport au budget de l'emploi pour l'an 2000, mais sans tenir compte des 8 milliards de crédits de compensation d'allégements de cotisations sociales, désormais pris en charge par le FOREC, Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Pour apprécier cette relative stagnation à la baisse, il convient de prendre en compte trois types de facteurs, tenant à la politique économique générale, à la politique budgétaire et à la politique de l'emploi.

En premier lieu, le maitien d'une croissance soutenue et son enrichissement en emplois permettent d'alléger un certain nombre de crédits portant sur l'accompagnement des restructurations économiques. Ces ajustements aux besoins, qui sont à la baisse, se traduisent par les économies réalisées sur les allocations spéciales du Fonds national pour l'emploi : 1,1 milliard de francs ; sur les conventions de conversion : 250 millions ; sur les conventions sociales de la sidérurgie : 224 millions.

En deuxième lieu, un effort en vue d'une utilisation plus efficace des crédits publics se traduit par la révision des services votés. Conformément aux souhaits exprimés par la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, les modalités de financement du retrait d'activité ont été revues dans le sens d'une augmentation d e la contribution demandée aux entreprises. Cela explique également, pour partie, les économies attendues sur le financement des préretraites AS-FNE : 809 millions de francs, et des préretraites progressives : 225 millions de francs.

En troisième lieu, la priorité accordée par la politique de l'emploi à l'action en faveur des personnes les plus éloignées du marché du travail entraîne la poursuite de la recomposition des flux d'entrées dans les dispositions spécifiques. Cette recomposition est marquée par une diminution globale en volume recouvrant un recentrage sur l es personnes prioritaires, comme les demandeurs d'emploi de longue durée, les bénéficiaires de minima sociaux ou les handicapés.

C'est ainsi que, de 1997 à 1999, la part des publics prioritaires dans les différents contrats aidés est passée de 68 à 83 % pour les contrats initiative-emploi et de 57 à 74 % pour les contrats emploi-solidarité. Elle est de 63 % en 1999 pour les contrats emploi consolidé, dispositif dont la montée en charge est plus récente. De la même façon, les crédits consacrés à l'insertion par l'économique augmentent de 6 %, nonobstant les 170 millions de francs en provenance du Fonds social européen, et passent de 865 millions en 2000 à 915 millions en 2001 pour respecter l'objectif de doublement des capacités d'accueil en trois ans.

Enfin, les crédits relatifs aux travailleurs handicapés progressent de 4,6 %, passant de 5,6 milliards en 2000 à 5,85 milliards en 2001, ce qui permet la création de 500 places nouvelles en atelier protégé, conformément au programme pluriannuel de création d'emplois, ainsi que la création de 1 500 places en centre d'apprentissage par le travail.

Ainsi les publics les plus en difficulté sont-ils pris en compte en priorité. Je souhaite néanmoins, madame la ministre, souligner que, si le recentrage peut permettre certaines réductions de flux d'entrées, la baisse notable qui porte sur les contrats emploi-solidarité : 27 %, sur les contrats emploi consolidé : 14 %, et sur les stages d'insertion et de formation à l'emploi : 20 %, soulève quelques inquiétudes : le pendule du recentrage ne repart-il pas trop loin sur le plan budgétaire ?

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Très bonne question !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Si l'on admet que, en 2000, 80 % des CES seront occupés par des publics prioritaires, la diminution de 27 % des entrées ne va-telle pas concerner, au moins en partie, ces mêmes publics prioritaires ? Par ailleurs, la fongibilité des enveloppes régionales et départementales concernant les CES et les SIFE est, semble-t-il, insuffisante puisqu'elle ne concerne pas les CEC, dispositif renforcé par la loi de lutte contre les exclusions, qui ne sont pourtant pas pleinement utilisés.

Ainsi, 50 000 CEC auront été ouverts en 2000, contre une prévision de 57 000. Il serait donc judicieux, madame la ministre, que vous décidiez qu'une part de l'enveloppe des CEC - 10 % par exemple au départ devienne fongible au niveau départemental, pour laisser aux administrations déconcentrées la latitude de s'adapter au mieux à la réalité du marché du travail local.

Je pense, par ailleurs, qu'il faut garder suffisamment de possibilités d'action, au moyen des contrats aidés vers le secteur public et associatif, pour prendre en charge le

« noyau dur » des chômeurs les plus en difficulté, celui qui souffre du chômage d'exclusion.

Je n'ai pas adhéré à la proposition d'un certain nombre de nos collègues visant à mettre en place un dispositif

« miroir » de celui des emplois-jeunes, destiné aux publics adultes les plus éloignés de l'emploi, et qui aurait engagé quelque 50 milliards de francs pour un accueil que je jugeais aléatoire. Mais je pense qu'il serait judicieux de définir un parcours individualisé, concrétisé par une convention individuelle d'engagement et utilisant les instruments disponibles - CES, CEC, SIFE, contrats de qualification adultes, stages de formation professionnelle ou postes d'insertion -, formule qui pourrait être expérimentée dans un certain nombre de bassins d'emploi. Il s'agirait d'un dispositif s'inspirant du TRACE-jeunes, géré de manière territorialisée pour s'adapter au mieux à la réalité du terrain et permettant une prise en charge globale des personnes les plus éloignées de l'emploi, dont on sait qu'elles cumulent souvent handicaps de formation, handicaps psychologiques, problèmes de santé, de logement, etc. Au fur et à mesure que le chômage va reculer, la situation des « laissés-pour-compte » de la c roissance va devenir plus insupportable encore. Il importe donc que le service public de l'emploi dispose des instruments adéquats pour traiter leurs cas, et ce de la manière la plus individualisée possible.

Notons néanmoins que la subvention de l'Etat au fonds de solidarité diminue de 9,1 milliards en 2000 à 8,2 milliards en 2001, signe que, malgré la revalorisation


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des allocations de solidarité spécifique, le nombre des allocataires a diminué de 25 000 personnes en un an ; signe aussi que les effets de la croissance et le recul du chômage concernent également les chômeurs de très longue durée.

La poursuite de la montée en régime des actions en faveur des jeunes est assurée par l'ajustement des crédits à 22 milliards pour les emplois-jeunes, au nombre de 263 000 en août dernier, et à 505 millions pour le réseau d'accueil et le programme TRACE.

Les moyens du service public de l'emploi sont renforcés pour lui permettre de faire face à ses nouvelles missions.

Le projet de budget prévoit la création de 135 emplois d estinés au renforcement des services, notamment 100 postes de contrôleurs et d'inspecteurs du travail. Les moyens de fonctionnement progressent de 5 %.

Concernant l'ANPE, le projet de budget pour 2001 porte la subvention de fonctionnement à 6,9 milliards de francs - plus 8,5 % -, dont 6,89 milliards au chapitre 36-61 et 9,5 millions au chapitre 44-70, rassemblant les crédits au titre des contrats de plan entre l'Etat et les régions. La subvention d'équipement est portée à 42,6 millions de francs en crédits de paiement : plus 84 %, et 46,6 millions de francs en autorisations de programme : plus 36 % .

L'augmentation de la subvention de fonctionnement permettra à l'Agence de financer, en année pleine, les 500 nouveaux emplois créés en 2000 et la création de 433 autres en 2001. Cette nouvelle tranche de recrutements est nécessaire si l'on veut que l'Agence participe à l'accompagnement des demandeurs d'emplois : la France a pris l'engagement de la réaliser dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi présenté pour la mise en oeuvre des lignes directrices arrêtées au Conseil européen extraordinaire de Luxembourg. Elle intervient en application du troisième contrat de progrès entre l'ANPE et l'Etat, signé le 28 janvier 1999, bien que le nombre der ecrutements pour 2001 traduise un certain infléchissement par rapport aux engagements mêmes du contrat de progrès - création de 1 500 emplois supplémentaires sur la période 2000-2002 -, 1 000 emplois ayant déjà été créés en 1998 et 1999.

Pour apprécier le niveau des moyens affectés à l'ANPE, il convient d'éviter les idées simplistes ou fausses. A cet égard, je dois dire, madame la ministre, que de nombreux agents du service public de l'emploi ont dû être choqués par un article paru très récemment dans un hebdomadaire et qui montrait que ses auteurs n'avaient aucune connaissance de l'engagement, depuis des années, des agents de l'ANPE au service de la lutte pour l'emploi.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Contre les idées simplistes, il faut rappeler que la baisse du nombre de chômeurs ne signifie pas une diminution de celui des p ersonnes qui fréquentent les agences de l'ANPE - 4,7 millions d'inscriptions de demandeurs d'emploi auront été réalisées en 2000. Cette année même, près de 3,3 millions d'offres d'emplois auront sans doute été assurées par l'intermédiaire de l'ANPE, soit une augmentation de 10 % par rapport à 1999. Pour apprécier ce nombre, il convient de rappeler que les offres proposées par l'intermédiaire de l'ANPE étaient de l'ordre de 700 000 en 1990 et de 2 millions en 1996.

Or, si l'amélioration de la situation économique peut alléger le contenu des entretiens avec les chômeurs ne rencontrant pas de difficultés particulières d'entrée ou de retour sur le marché du travail, il n'en va pas de même pour ceux dont « l'employabilité » est moindre.

Contre les idées fausses, il faut rappeler que la diminution du chômage ne signifie pas automatiquement celle du chômage de longue durée. Pour que les deux mouvements suivent une évolution semblable - et c'est une réalité depuis dix-huit mois à peine - il faut une volonté tenace. Celle du Gouvernement et de sa majorité ne suffit pas. Il faut aussi l'engagement de moyens humains et matériels importants et la diminution de la part des chômeurs de longue durée, de 23,1 % sur un an, résulte notamment de cette action du service public de l'emploi et en particulier de l'Agence nationale pour l'emploi.

Or, dans la réalisation du « service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi », l'ANPE occupe une place centrale. Il s'agit de faire bénéficier d'un examen personnalisé de leur situation les jeunes entrant dans leur sixième mois de chômage, les adultes entrant dans leur douzième mois de chômage, les jeunes chômeurs de longue durée, les adultes inscrits depuis plus de deux ans, l es bénéficiaires du RMI ou de l'ASS. Après 841 000 bénéficiaires en 1999, un peu plus d'1,1 million cette année, la perspective est de 1,4 à 1,5 million en 2001. Il s'agit donc d'une mesure centrale du dispositif de lutte contre le chômage de longue durée.

Parmi les objectifs assignés pour 2001 au service public de l'emploi, il est prévu une diminution de 15 % du nombre des demandeurs d'emploi de plus de deux ans - soit 60 000 personnes. Mais, comme la circulaire fixant ces objectifs le relève avec raison, « il devient de plus en plus ardu de s'attaquer au noyau dur des chômeurs de plus de deux ans au fur et à mesure que les plus employables d'entre eux ont retrouvé un emploi ».

J'avais déjà souligné l'an dernier à cette tribune qu'il convenait de maintenir une cohérence entre les objectifs que le Gouvernement demande aux agents de l'ANPE d'atteindre et les moyens mis à leur disposition pour y parvenir. Or un élément nouveau survient aujourd'hui, non pris en compte dans le présent projet de budget. Je veux parler de la mise en oeuvre de la nouvelle convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001, s'agissant tout particulièrement du projet d'action personnalisé, le PAP applicable à compter du 1er juillet prochain, et tendant à permettre aux chômeurs signataires d'un plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE de bénéficier d'un accompagnement individualisé conclu entre lui-même et l'ANPE.

L'article 14 de cette convention stipule que l'entretien approfondi à l'ANPE, préalable à l'établissement du PAP,

« est l'occasion d'apprécier le degré d'autonomie du demandeur d'emploi dans sa recherche et de procéder à un examen de l'ensemble des capacités professionnelles du salarié privé d'emploi qui risque de rencontrer des difficultés sérieuses de retour à l'emploi. » Si l'on peut consi-

dérer que cette première étape n'est que la formalisation de la démarche actuelle de l'ANPE, en revanche, le PAP signé par l'intéressé et l'ANPE, sera fonction des moyens consentis à l'ANPE pour sa réalisation.

Or, à partir du moment où on veut mettre en oeuvre de manière réaliste ce projet à compter du 1er juillet prochain, il n'est pas possible de traiter différemment les chômeurs relevant du régime de l'assurance chômage et ceux relevant de solidarité. Il faudra donc accorder à partir du 1er juillet prochain des moyens nouveaux à l'ANPE pour lui permettre de faire face à cette nouvelle donne.


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Les partenaires sociaux signataires de la convention ont d'ailleurs demandé que la mesure exceptionnelle de 7 milliards de francs en 2001 et de 8 milliards de francs en 2002 soit affectée au financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité. Il serait normal que l'ANPE et l'AFPA puissent profiter de ces moyens nouveaux.

S'agissant des aides ciblées, nous reviendrons à propos des articles rattachés, sur le chapitre 44-77, article 41, concernant les zones de revitalisation rurale, puisque le Gouvernement, par l'article 58, souhaite supprimer le bénéfice de l'exonération des cotisations familiales applicables dans certaines zones. La commission des finances a adopté un amendement de suppression de cet article. Elle a adopté, en revanche, l'article 59 concernant le contrat de qualification adultes et l'article 60 portant sur le dispositif d'aide au développement d'entreprises nouvelles.

La commission des finances a également adopté, sur ma proposition, deux recommandations. L'une concerne les moyens de l'ANPE, à la une de la nouvelle convention chômage, l'autre porte sur le chapitre 44-79 sur la

« promotion de l'emploi ».

La commission des finances, cette année encore, regrette la stagnation des crédits des dotations déconcentrées pour la promotion de l'emploi, qui entraîne une diminution des moyens mis à la disposition des directions départementales pour accompagner les initiatives locales.

Cette diminution apparaît contradictoire avec la nécessité d'accentuer la territorialisation des politiques publiques de l'emploi et provoque, notamment, une baisse des moyens d e fonctionnement accordés aux comités de bassin d'emploi.

Donner une impulsion décisive à la territorialisation de l'action publique pour l'emploi et la formation professionnelle, au-delà de la réforme du service public de l'emploi dans ses multiples composantes, pourrait être la marque personnelle que vous imprimeriez à l'évolution de ce budget et à l'action de votre ministère, madame la ministre.

Au-delà du traitement social du chômage, et dans la suite de l'activation de la dépense publique au service de la création d'emplois et d'activités, deux défis sont désormais à relever dans le contexte de la toujours nécessaire décrue du chômage de masse.

Le premier est la prise en compte, de la manière la plus personnalisée possible, de la situation des demandeurs d'emploi en situation d'exclusion. C'est la conception de l'action politique de la majorité plurielle qui l'impose, car il s'agit d'une question de dignité et de justices ociale relevant d'une certaine conception de la République.

Le second défi va être désormais, et de plus en plus, celui de la recherche de la meilleure adéquation possible entre l'offre de travail et les qualifications qui lui répondent.

La notion de goulet d'étranglement, en relation avec la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs, notamment l'informatique ou le bâtiment, est déjà une réalité. Avec la poursuite de la croissance dynamique que nous souhaitons, et celle de la décrue du chômage, ces goulets d'étranglement risquent de se resserrer. D'autres vont apparaître. Pour répondre à ces situations ou prévenir leur apparition, des efforts sont à faire dans le domaine de l'orientation des jeunes, de la formation et de la mobilité professionnelles, de l'attractivité de certains métiers. Je pense également qu'il faudra procéder dans quelques mois à un assouplissement des conditions de passage aux 35 heures pour les PME.

Mais tous ces efforts seront plus efficaces, s'ils sont mieux organisés autour des bassins d'emploi et de vie, en réunissant l'ensemble des acteurs locaux se mobilisant pour l'emploi et le développement durable.

Mme la présidente.

Pourriez-vous conclure monsieur le rapporteur ?

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Je conclus, madame la présidente.

La territorialisation des actions publiques pour l'emploi doit accompagner et renforcer les réformes en cours pour un aménagement du territoire plus équilibré, sur la base des agglomérations et des pays. Les initiatives des acteurs des territoires, comme les appels d'offre communautaires en matière de développement local, y appellent. Ce pourrait être votre « ardente obligation », madame la ministre, que de la parachever demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme le présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, jusqu'en 1997, les budgets de l'emploi accompagnaient la hausse du chômage. Depuis 1998, ils accompagnent la montée de l'emploi et celui pour 2001 s'inscrit parfaitement dans cette ligne. Certes, avec 119 milliards de francs, il est en reconduction mais cette reconduction des crédits correspond en fait à un accroissement des moyens par rapport aux besoins puisque la situation s'est améliorée et que, depuis un an, le chômage a baissé de 16 %, celui de longue durée de 23 %.

Depuis 1998, nous comptons en effet un million de chômeurs en moins, ce qui représente, en partant d'un salaire, charges incluses de 150 000 francs par an et par personne, quelque 150 milliards de masse salariale introduite dans l'économie. Cela explique en partie le retour de la confiance et le maintien de la croissance.

Votre budget, madame la ministre, finance les quatre piliers d'une politique d'accompagnement de la croissance. Tout d'abord, la réduction de la durée du travail qui a d'ores et déjà permis la sauvegarde ou la création de 240 000 emplois. Ensuite, les emplois-jeunes dont la totalité 350 000, sera financé à la fin du budget 2001.

Par ailleurs, l'allègement des cotisations sociales sur le travail à cet égard, un chiffre mérite d'être rappelé. En effet , l'insuffisance des allégements de charges patronales fait souvent l'objet de débats. Or le montant des allégements compensés ou non - notre collègue Gremetz souhaitait avoir ce chiffre - représente 75 milliards de francs. Cela montre qu'un effort considérable a été consenti pour alléger le coût du travail. Et il est tout à fait nécessaire et justifié que les salariés en reçoivent les contreparties.

Quatrième et dernier pilier, enfin, l'insertion par l'économie. On note en la matière une progression significative des crédits. Les crédits TRACE augmentent ainsi de 8,4 %, les contrats d'emploi consolidé de 4,7 % et l'insertion par l'économie de 5,5 %.

Tout cela donne un très bon budget. Permettez-moi toutefois, madame la ministre, de vous faire part de trois préoccupations.


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La première porte sur la montée de l'emploi précaire.

A cet égard, les statistiques sont parlantes : 103 000 postes d'intérim et 83 000 contrats à durée déterminée de plus en un an. Au total, l'emploi dit « particulier » dans le rapport représente 10 % de la totalité des emplois, soit 2,2 millions de personnes. Cet élément doit nous conduire à nuancer les appréciations positives sur l'évolution de l'emploi. Il importe en effet de corriger un phénomène préoccupant.

La deuxième préoccupation, que j'exprimerai en qualité de président du Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion, concerne l'évolution des crédits des contrats emploi-solidarité. Le recentrage, tout à fait nécessaire, et les conséquences à tirer du retour à la croissance justifient parfaitement qu'entre 1997 et 2000 le nombre de ces contrats soient passés de 500 000 à 335 000. En revanche, prévoir de les limiter à 260 000 pour 2001 risque de poser des problèmes à certaines associations très engagées dans le monde de l'insertion. Elles seront amenées à gérer la pénurie.

Madame la ministre, le CNLE, lors d'une réunion qui s'est tenue hier, a souhaité à l'unanimité que vous proposiez des réajustements s'agissant tant du nombre des contrats que de leur durée. N'oublions pas que les publics concernés sont très éloignés de l'emploi et que cela implique des parcours beaucoup plus longs. Il s'agit d'afficher une priorité absolue en faveur des associations, des entreprises et de l'ensemble des outils de l'insertion.

La troisième et dernière préoccupation porte sur les primes liées aux contrats de qualification. Certes, l'évolution constatée dans ce domaine du côté des entreprises est probablement justifiée. Il n'en reste pas moins que les entreprises d'insertion, qui assument de lourdes charges d'encadrement pour les contrats souhaitent le maintien du système de prime.

Voilà les observations que je voulais présenter au nom de la commission. Face à une évolution positive de l'emploi, ce budget est un bon budget. C'est donc avec conviction que votre rapporteur présente un avis tout à fait favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors qu'il m'appartient de rapporter le budget pour la formation professionnelle, je veux souligner que l'étude de la DARES, sortie ce mois-ci permet de mieux mesurer l'ensemble des crédits consacrés à la formation professionnelle. Je peux ainsi vous indiquer que l'effort total de la nation représente près de 143 milliards, avec près de 40 % à la charge des entreprises, 40 % à la charge de l'Etat et 10 % pour les régions qui précèdent ainsi les ménages.

Les crédits consacrés par l'Etat à la formation professionnelle sont répartis entre, d'une part, l'agrégat « participation de l'Etat à la formation professionnelle » et, d'autre part, les subventions accordées à l'AFPA qui ne figurent pas dans cet agrégat. Voilà qui montre bien l'intérêt de réformer l'ordonnance de 1959 - le président Forni ne manquera pas de le noter. Une présentation budgétaire fondée sur les programmes et les objectifs facilitera grandement nos débats.

M. François Goulard.

Tout à fait !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Elle imposera sûrement aussi au Gouvernement un effort de clarification. Comme la réforme est en marche, j'ose espérer que nous pourrons disposer de meilleures présentations budgétaires.

Cette année, le budget est en hausse de 0,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000. Il s'élève donc à 30,79 milliards.

Ce budget, ce n'est pas faire insulte que de le dire, est un budget de transition. L'examen du texte relatif à la modernisation sociale a été retardé. Les mesures que vous aviez prévues n'ont pas encore pu être adoptées. Cela dit, vous connaissez notre impatience à voir les choses avancer. M. Lindeperg, dans son rapport, a travaillé lui-même en ce sens.

Je vais m'efforcer d'être bref, en commençant par les formations en alternance qui mobilisent 13 milliards de francs, en hausse de 7,3 %. On peut considérer qu'il y a une progression, sans doute limitée mais réelle, des contrats d'apprentissage, qui passent ainsi de 220 000 à 230 000. Progression là, mais quasi-stabilité des c ontrats de qualification, qui passent de 125 000 à 123 000, avec une difficile montée en puissance des contrats de qualification pour adultes, puisqu'on en recense 6 000 seulement, alors que 15 000 étaient prévus.

J'y reviendrai.

La commission s'est demandé, et c'était sa vraie question, si l'on ne pourrait pas donner un élan supplémentaire aux politiques d'apprentissage et d'alternance.

Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances pour le budget de l'éducation, a insisté devant la commission sur la baisse très inquiétante des effectifs des lycées professionnels. Or, on le sait, nos entreprises auront absolument besoin demain de travailleurs dotés de b ons savoir-faire professionnels. Mais nous risquons d'avoir à subir une pénurie croissante. Comment donner là un élan supplémentaire ? C'est bien la vraie question.

Voilà qui me conduit, et ce sera la seule touche un peu négative de mon rapport, à vous faire part de notre inquiétude dans la mesure où les arbitrages financiers ont abouti à supprimer les aides à l'embauche pour les contrats de qualification. Dans le contexte actuel, cette suppression est-elle la bienvenue ? Je ne le crois pas parce qu'elle va encore affaiblir une filière de formation qui s'adresse souvent aux jeunes issus de milieux modestes : ils vont dans des entreprises qui en ont le plus besoin.

C'est un paradoxe budgétaire que j'ai déjà souligné : les aides à l'embauche de personnes en contrat de qualification sont de caractère réglementaire alors que les aides à l'embauche des apprentis relèvent de la loi. Si bien que l'article 57 du projet de loi de finances limite aux seules entreprises de moins de dix salariés le bénéfice de ces primes à l'apprentissage ! Franchement ! Mesdames les ministres je me mets quelques minutes à votre place, et je ne peux m'empêcher de me demander si ces économies budgétaires, qui s'élèvent à 117 millions de francs, et j'ai tendance à en soupçonner le véritable auteur...

M. François Goulard.

Des noms ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Ça, c'est de la malice ! (Sourires.)

M. Bernard Outin.

Un feed-back !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Je me demande s'il vaut vraiment la peine de faire ces économies. Autant il était possible de discuter sur le recentrage des primes


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

des publics titulaires du BEP ou du CAP ou sans qualification, pour bien marquer que l'apprentissage devait beaucoup s'orienter vers la prise en charge des moins qualifiés, autant il me semble dommage de limiter le versement de la prime aux entreprises n'employant pas plus de dix salariés. On en prive certaines, notamment du secteur de la mécanique, que je connais un peu, qui ont commencé à se lancer dans l'apprentissage industriel. Je crois que le président Le Garrec partage mon sentiment.

Dommage. C'est pourquoi, mesdames les ministres, les amendements issus de tous les groupes de cette assemblée, y compris de la commission des finances, visent à reléguer l'article 57 au grenier. Pour le moment, l'adoption d'un tel dispositif renforcerait l'effet de seuil. Dix salariés, ce n'est quand même pas le seuil idéal. Quelquefois, il sert d'alibi, en tout cas de repoussoir pour une entreprise qui n'ose pas franchir le cap.

Un mot sur les contrats de qualification destinés aux adultes. Que faire pour que progresse cette formule positive que j'approuve pleinement - c'est l'un des dispositifs de la loi sur l'exclusion ? Il est très difficile d'en faire profiter un plus grand nombre de personnes. Les crédits inscrits au budget 2000 n'avaient pas été consommés à plus de 15 %. Je souhaite ici introduire une petite incidente, en parfait écho à Gérard Bapt et Jean-Claude Boulard. Pour ma part, je ne comprends pas pourquoi on va plus loin dans la restriction des crédits destinés aux CES et aux CEC.

Certes, je me trouve dans un petit département, et mon mérite est donc moins grand que celui de gestionnaires qui ont à gérer des collectivités plus importantes. Nous avons consenti quand même un effort considérable pour l'insertion des RMIstes et des exclus. Nous priver de CEC et de CES va entraver notre politique d'insertion.

M. François Goulard.

Effectivement !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Si certains peuvent, à l'issue d'un CEC, rejoindre normalement le marché du travail, il reste toujours quelques cas que nous ne savons pas régler : quel sera le sort des intéressés s'ils ne bénéficient pas d'un contrat aidé ? Même si l'amélioration de la situation de l'emploi peut justifier des restrictions de crédits, j'estime qu'il faut, vraiment dans ce domaine, inverser le cours des choses et poursuivre une politique volontariste en faveur des chômeurs de longue durée et des publics les plus en difficulté.

J'en viens brièvement aux actions de formation directement à la charge de l'Etat. Des crédits utilisés en partenariat avec les branches permettent de mieux connaître les évolutions des compétences et des emplois, de favoriser le dialogue social. Les engagements de développement de la formation permettent aussi de subventionner des dispositifs de formation au sein des entreprises en vue de reconversions rapides.

Les 500 millions qui vont dans cette double direction sont parfaitement utilisés et, personnellement, je considère que ce sont des actions majeures.

La dotation prévue pour les contrats de plan Etatrégion augmente de 6 % et les rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle représentent 2 milliards environ. Gérard Bapt, lors de la réunion de la commission des finances, et les responsables de l'AFPA nous ont suggéré d'augmenter les indemnités de stage en AFPA. Le marché du travail reprenant, heureusement, de la vigueur, les bénéficiaires ont tendance à abandonner ces stages pour chercher un emploi mieux rémunéré dans l'entreprise, ce qui leur est dommageable, puisqu'ils perdent ainsi une occasion d'accroître leur employabilité.

J'observe que le Gouvernement a prévu 1,5 milliard de francs pour pallier en quelque sorte la disparition de l'allocation de formation reclassement. Il serait intéressant que Mme Péry nous donne quelques précisions à ce sujet.

J'en arrive à l'AFPA. Ses crédits sont en hausse de 3,8 %, une hausse qui correspond au développement du schéma directeur du système d'information et à l'évolution des prestations apportées aux demandeurs d'emploi.

L'augmentation est justifiée dès lors que l'AFPA accomplit un gros effort pour prendre des publics envoyés par l'ANPE et qu'elle s'engage plus activement auprès des demandeurs d'emploi les plus en difficulté. Je tiens à dire, au nom de la commission des finances, combien nous encourageons l'AFPA et l'ANPE à continuer à accroître leur coopération.

Les dotations de décentralisation, qui augmentent de 3,4 %, n'appellent pas de remarque particulière.

Je vois que la fin de mon temps de parole approche.

Un mot quand même sur les progrès enregistrés à la suite des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle.

D'abord, je salue le fait que l'AFPA ait enfin une comptabilité analytique. J'observe, ensuite, que les deux contrats de progrès ANPE et AFPA, ont inscrit une obligation de coopération. En revanche, nous souhaitons que l'AFPA assure un suivi statistique de ses stagiaires. Nous avions souhaité de même que les actions de formation professionnelle des régions puissent faire l'objet de monographies plus précises. Les progrès sont bien lents de ce côté ! Mais les chambres régionales des comptes ont reçu maintenant la possibilité d'exercer un réel contrôle des comptes.

P our ce qui concerne les OPCA, le décret du 28 décembre 1999 va dans le sens de la dynamisation des trésoreries de ces organismes. Est prévue ainsi l'harmonisation des dates et des modalités de calculs des disponibilités dont les OPCA peuvent disposer au titre du CIF et des formations en alternance. Les disponibilités des OPCA sont limitées au tiers des charges comptabilisées.

Voilà qui nous épargnera des discussions ici, car le Parlement est toujours inquiet de ces réserves ! Là, les réserves ont été calibrées justement. Sans compter que la loi du 12 avril 2000 a donné à la Cour des comptes la possibilité d'étendre son contrôle aux OPCA.

Tout cela constitue un progrès, encore modeste. Le projet de loi de modernisation sociale devrait apporter un certain nombre de changements en matière de circuits de collecte de la taxe d'apprentissage.

Ce budget, nous allons l'approuver, certes, puisqu'il est dans la continuité d'une action qui exige d'être poursuivie. Mais nous souhaitons fort que, dans le domaine de la formation professionnelle, et en particulier dans la mise en oeuvre de ce droit à la formation tout au long de la vie, qui est sans doute la clé de la sécurité des carrières professionnelles, le Gouvernement nous donne des engagements et un calendrier. Je sais les efforts personnels de Mme Péry, mais il faut vraiment que cette grande cause progresse.

Beaucoup de travail a déjà été fait : le « Livre blanc » publié en mars 1999, le rapport de notre mission d'évaluation et de contrôle, le rapport de notre collègue G érard Lindeperg, enfin l'ouverture de négociations sociales. Quand la France passera-t-elle à l'acte sur ce chantier qui devrait mobiliser beaucoup d'énergie et rassembler, par-delà les clivages professionnels, syndicaux ou politiques ?


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Ce qui m'a intéressé dans l'étude de la DARES c'est notamment que les ménages français ont manifesté leur intérêt pour la rénovation du système de formation puisqu'ils accroissent de 14 % d'une année sur l'autre leur investissement en termes de formation professionnelle.

Mais cette progression s'accompagne, hélas ! d'une baisse de 7 % des sommes consacrées pour la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. C'est dire l'urgence des réformes.

Au demeurant, toutes ces observations et réserves faites, j'émets, au nom de notre commission des finances, un avis favorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gérard Lindeperg.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, madame la ministre, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous le savons tous, la formation professionnelle est un facteur d'épanouissement personnel, un élément essentiel de cohésion sociale et d'efficacité économique. Elle est aussi un véritable enjeu de société permettant de s'adapter aux évolutions en cours, de lutter contre les exclusions afin de construire un avenir plus solidaire. Aussi, après avoir présenté les crédits proposés et les mesures nouvelles les plus marquantes, mettrai-je l'accent sur la place du service public dans la mission de formation professionnelle.

Il est clair que l'Etat et le service public doivent continuer d'assurer un rôle majeur en la matière. C'est à l'aune de cette exigence que j'aborderai l'examen de ce budget. Si l'on identifie tous les articles concourant à la formation professionnelle, le budget s'élève à 34,3 milliards, ce qui signifie une quasi-stabilité des crédits. Cela confirme l'importance accordée à la formation professionnelle, même si cette stabilité ne doit pas occulter l'importance des choix opérés entre les divers postes de dépenses.

Ces choix se traduisent, d'abord, par un soutien fort à la formation en alternance, soit des crédits en hausse de plus de 7,3 %. Ensuite, par dix mille contrats d'apprentissage supplémentaires - mais la commission aurait souhaité un objectif plus ambitieux. En outre, par le bénéfice de la prime pour les contrats de qualification ; elle est réservée aux entreprises de moins de dix salariés. La commission a estimé que ce seuil pourrait être revu à la h ausse, notamment pour les entreprises d'insertion ; enfin, par les moyens consacrés aux actions spécifiques en faveur des jeunes. Ces moyens sont maintenus et même renforcés : hausse de 3,1 % pour les emplois-jeunes et de 8,4 % pour le programme TRACE.

Ces mesures vont d'ailleurs dans le sens du rapport réalisé par M. André Gauron dans le cadre du conseil d'analyse économique. Il insiste sur la nécessité de centrer l'effort de formation continue sur les jeunes de faible niveau scolaire.

A la lumière de cet examen rapide des crédits consacrés à la formation professionnelle, on constate donc une forte concentration des moyens sur les publics traditionnellement exclus de la formation professionnelle.

Je voudrais maintenant mettre l'accent sur la place du service public dans la formation professionnelle.

Quoi qu'on en dise, la réalité des faits montre que l'action publique demeure le vecteur essentiel de la formation professionnelle et que le service public peut contribuer à assurer l'égalité devant ce qui doit constituer un droit inaliénable.

La première des missions assurées par le service public en faveur de la formation professionnelle est bien de vérifier que les fonds destinés à cet objectif sont utilisés de façon conforme. Il est donc essentiel de veiller à l'emploi des fonds. Les recommandations de la mission d'évaluation et de contrôle sur cette question sont à saluer. L'idée avancée d'un contrôle social plus que d'un contrôle administratif est à creuser. La hausse des effectifs du groupe national de contrôle va dans le bon sens, mais l'effort devra être poursuivi.

Par ailleurs, la création imminente, à l'initiative de l'Assemblée nationale, d'une commission de contrôle nationale et décentralisée de l'emploi des fonds publics accordés aux entreprises sera de nature à renforcer le contrôle des fonds de la formation professionnelle.

Le service public joue également un rôle majeur dans le maintien de l'effort de formation professionnelle. La part de l'Etat et des régions dans le financement de la formation professionnelle est en hausse puisqu'elle représentait 49,8 % de la dépense de formation professionnelle en 1998, contre 49,1 % en 1997.

Le trait le plus visible de l'engagement du service public en faveur de la formation professionnelle est, me semble-t-il, la mobilisation du service public de l'emploi autour de l'ANPE et de l'AFPA. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a eu l'occasion, le 4 avril dernier, d'entendre, dans le cadre d'une audience commune, les directeurs généraux des deux organismes.

Aussi, sans revenir sur le détail de la collaboration mise en place, je souhaite évoquer ses traits les plus saillants.

L'accord-cadre signé le 27 avril 1999 couvre la période 1999-2003. Le but est de repérer les demandeurs d'emploi dont le retour à l'emploi passe par une formation, de leur proposer, parfois dans les locaux mêmes de l'ANPE, une offre de formation élargie, sans nouvelle inscription, dans des délais rapides, avec un parcours de formation qui débouche effectivement sur un emploi. On apprend ainsi qu'en 1999 l'ANPE a orienté vers l'AFPA 87 690 demandeurs d'emploi, dont 50 % de bénéficiaires du programme service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi.

Aussi félicitons-nous de l'augmentation de la subvention de fonctionnement de l'AFPA de 4,2 milliards de francs à 4,5 milliards, de l'augmentation de celle de l'ANPE de 6,3 à 6,9 milliards ainsi que de la hausse des crédits consacrés au réseau d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes de 16,7 millions de francs, dans le projet de loi de finances pour 2001.

S'agissant des stagiaires de l'AFPA, la commission a souligné le niveau insuffisant des rémunérations d'un certain nombre de stagiaires qui auraient tendance à abandonner leur formation pour un emploi mieux rémunéré.

L'Etat est enfin le garant de la cohérence nationale de la politique de formation professionnelle.

La part des crédits transférés aux régions s'est considérablement accrue ces dernières années et leur intervention ne se cantonne pas à la gestion des dotations de décentralisation.


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Le rôle de l'Etat ne doit donc pas être uniquement celui d'un financeur des régions, mais celui de garant de la cohérence de leurs actions, particulièrement nécessaire lorsqu'une région est hostile à la conclusion d'un plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes ou de contrats d'objectifs.

C'est également le souci de garantir l'égalité dans l'accès à la formation professionnelle qui a inspiré la réforme du financement de l'apprentissage proposée dans le projet de loi de modernisation sociale déposé le 24 mai dernier.

Les inégalités sont réelles, car les chiffres sont là : le taux d'accès à la formation est de 18 % pour un ouvrier non qualifié, contre 53 % pour un ingénieur ou un cadre ; le taux d'accès des femmes reste inférieur de 1,5 point à celui des hommes - à partir de quarante-cinq ans, les hommes ont deux fois plus de chances de partir en formation que les femmes.

Le présent budget, mesdames les ministres, mes chers collègues, comporte des moyens financiers de nature à lutter contre les inégalités devant la formation. On peut relever notamment : la mise en place de moyens destinés à favoriser l'accès à la formation des handicapés, ce qui est très important ; l'augmentation des moyens consacrés à la lutte contre l'illettrisme - 1,15 million de francs pour les actions, 1,8 million de francs pour la mise en place de l'Agence de lutte contre l'illettrisme ; enfin, la prise en compte dans les moyens de l'AFPA d'objectifs tels que le doublement de la part des femmes dans les formations qualifiantes menant vers des filières d'avenir ou, dans ceux de l'ANPE, de l'objectif de 55 % de femmes dans le dispositif « nouveau départ ».

Dans le même esprit, on ne peut que se féliciter de l'affirmation croissante d'un droit à la formation professionnelle, que ce soit par la lutte contre les discriminations en matière d'accès à la formation professionnelle à l'initiative de l'Assemblée nationale, par la confirmation du rôle des titres et diplômes de l'Etat dans l'élaboration du futur répertoire national des compétences ou encore dans la mise en place prochaine d'un vaste dispositif de validation des acquis professionnels.

Toutes ces mesures concourent donc à la mise en place d'un droit à la formation inséparable du droit au travail.

Persuadée que ce budget concourt dans la mesure de ses possibilités à cet objectif, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits destinés à la formation professionnelle, dans l'attente d'une réforme globale et profonde de celle-ci.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je sais, madame la ministre, que vous avez rendez-vous avec le Premier ministre pour traiter d'un sujet difficile. Aussi me limiterai-je à quelques remarques très schématiques, vous m'en excuserez, afin de nous laisser tout le temps d'écouter votre intervention.

Nous avons eu quatre rapports d'excellente qualité. Je ne les reprendrai pas, tout a été dit avec beaucoup de précision. J'insisterai sur deux points, repris d'ailleurs dans la plupart des interventions : les CES qui posent incontestablement un problème tant en termes de quantité qu'en termes de durée, et la prime des contrats de qualification, qu'il s'agisse des entreprises intermédiaires ou plus généralement des entreprises de moins de vingt salariés. Nous devrions pouvoir avancer sur ce sujet tout de même assez préoccupant.

Madame la ministre, vous avez parlé de « maintenir le cap ». L'expression est totalement juste. Et lorsque les vents sont porteurs, il ne faut pas baisser les voiles, contrairement à ce que laissent entendre certaines déclarations ; il faut continuer à avancer, sachant que le nombre des chômeurs, et tout ce que cela représente, demeure très lourd. Or un débat est en train de s'engager sur l'existence ou non de ce qu'on appellerait un « chômage structurel », alors que le vrai problème reste celui de l'insuffisance du nombre d'emplois offerts ou parfois de l'inadéquation entre l'offre et la demande. C'est en répondant à cette question que l'on balaiera cette idée totalement erronée de l'existence, quelque part, d'un taux de chômage incompressible, que nous ne pouvons accepter, tant pour des raisons économiques que pour des raisons sociales.

A cet égard, la démarche entreprise avec le nouveau départ - 840 000 chômeurs vus individuellement en 1999, 1,8 million pour les deux années à venir - en association avec le contrat de progrès ANPE-AFPA -, est une excellente chose et montre bien la direction dans laquelle il faut aller. Et si notre commission a, pour la première fois, décidé d'auditionner ensemble les deux directeurs généraux de l'ANPE et de l'AFPA, c'est précisément pour bien montrer le sens de la démarche dans laquelle il nous faut poursuivre. Mais il est vrai qu'après vingt-cinq années de montée quasi permanente du chômage, des comportements de facilité se sont créés à tous les niveaux, au niveau des entreprises comme, souvent, au niveau de la formation, que nous devons résolument combattre.

La courbe de Beveridge demeure valable, qui montre excellemment l'inadéquation qui peut apparaître entre l'offre et la demande lorsque la création d'emplois remonte. C'est là-dessus qu'il nous faut travailler. Il y aurait quelque chose de paradoxal à croire que l'on puisse répondre à cette préoccupation réelle et la prendre, comme il se doit, à bras-le-corps, en gardant à l'esprit je ne sais quelle idée d'évolution du nombre d'heures supplémentaires. Ce serait, je le dis clairement, une fausse piste, car elle ne prendrait pas en compte plusieurs problèmes très lourds : l'existence encore de plus de 2 millions de chômeurs, ce qui n'est pas rien, mais également une dangereuse déstabilisation de la pyramide des âges, par le fait que, depuis plusieurs années, on chasse les salariés par le haut, lorsqu'ils deviennent un peu plus âgés, sans pour autant embaucher par le bas. Cette situation est lourde de conséquences futures pour les entreprises.

Je partage totalement, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de la loi de modernisation sociale, les remarques de M. Boulard concernant l'utilisation de la précarité pour répondre à ces problèmes, qui se traduit par une montée de l'intérim pourtant extrêmement coûteuse pour les entreprises - 18 % en moyenne et des contrats à durée déterminée qui servent un peu de sas pour réguler l'offre et la demande en matière d'emploi et de compétences, autant de pratiques enfin qu'il convient de maîtriser.

C'est dans ce cadre, madame la ministre, que je formulerai très schématiquement, afin de prendre en compte vos légitimes contraintes de temps, quatre remarques.

Premièrement, nous avons beaucoup de femmes et d'hommes cassés, terriblement cassés par vingt-cinq années de chômage grandissant. Une série de dispositions a été prise dans le cadre de la loi de lutte contre l'exclusion. Il faut maintenant - la commission y est très atten-


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tive et multiplie les rapports de suivi - voir comment tout cela peut être renforcé, renouvelé, appuyé. Prenons la possibilité de cumuler, d'une façon dégressive, une activité et une indemnité pendant un laps de temps d'un an.

Faut-il la développer, mieux la faire connaître, aller audelà d'un an ? Le problème des CES a été évoqué, je n'y reviens pas, mais les deux commissions s'en préoccupent fortement. Celui des associations intermédiaires également mérite que l'on y regarde de très près, tant leur rôle est indispensable, sur le plan social évidemment, mais également sur le plan économique. Il n'est pas question de laisser de côté des femmes et des hommes qui doivent pouvoir être réinsérés dans le milieu du travail.

Ma deuxième remarque a trait à tout ce qui relève de la gestion prévisionnelle des effectifs.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Sur ce plan, nous sommes extraordinairement en retard, nous avons des progrès considérables à faire. Je souhaite pour ma part que nous essayions d'avancer sur ce terrain, non par grandes branches professionnelles, cela ne me paraît pas suffisant, mais par bassin d'activité, par bassin d'emploi. C'est ce à quoi je me suis efforcé dans le Dunkerquois et sur notre littoral. Cette question appelle un regard très précis, en dialogue avec les entreprises, afin de mieux saisir les besoins, de trouver le moyen de guider la demande d'emploi vers ces besoins-là en tenant compte du fait - on peut le regretter ou non, c'est un constat que les salariés français restent géographiquement très peu mobiles. Une approche par bassin d'emploi ou tout autre espace économique et social adéquat me paraît indispensable. C'est une piste que je lance ; il faut l'explorer.

Nous aurons l'occasion d'y revenir.

T roisième grande priorité, elle n'étonnera pas Mme Péry : j'en appelle à une véritable révolution culturelle pour adapter les systèmes de formation. Depuis plus de vingt ans, des comportements ont fini par s'installer.

Je ne porte du reste aucun jugement de valeur : ils avaient leur utilité, il fallait un accompagnement social, ils répondaient à de multiples raisons. Mais il est temps maintenant de recentrer toutes ces politiques. Cela vaut bien entendu pour l'Etat, pour les régions - elles commencent à le faire -, mais également pour les entreprises qui représentent tout de même presque 39 % des moyens de formation. Il y a là quelque chose de fondamental à engager.

Bien entendu, tout ce qui relèvera de la valorisation des acquis est primordial ; mais il nous faut aller beaucoup plus loin. Pour ma part, j'ai entrepris d'expérimenter - car il faut toujours partir du terrain - des actions dans le secteur de la mécanique, par exemple, du côté d'Arras, en tenant compte des besoins des entreprises et dans un dialogue permanent avec elles. De la même façon, nous venons de mettre en place un système complet de formation pour des jeunes dockers, profitant de la revalorisation de nos ports, parce que le métier, et c'est heureux, n'aura plus rien à voir avec ce qu'il était il y a trente ans, avec la gestion par terminal informatique et autres. Tout cela est riche de possibilités, mais implique une véritable révolution des comportements.

Quatrième et dernière priorité : la revalorisation des métiers. J'ai été frappé par l'intervention, à propos des 35 heures, du président de la CAPEB, qui affirmait avec courage : « Si nous ne prenons pas en compte l'évolution du temps de travail, les conditions de travail, le niveau de rémunération, nous ne trouverons pas de jeunes. » A cet

égard, le passage aux 35 heures, y compris dans les entreprises de moins de vingt salariés, où peuvent effectivement se poser des difficultés, représente un cap fondamental. Les chiffres le prouvent : sur 10 618 accords signés depuis le 1er janvier 2000, 3 700 concernent des entreprises de moins de vingt salariés. La montée en charge progressive est incontestable.

Revalorisation des conditions du métier, connaissance des métiers, formation professionnelle et adaptation d'une gestion prévisionnelle sur plusieurs années : voilà quatre pistes qui devraient nous permettre de mieux déceler les points de friction, là où l'offre et la demande ne s'ajustent pas normalement et facilement. C'est ainsi, me semble-t-il, madame la ministre, que nous pourrons tenir le cap, descendre, dès l'année prochaine, très en dessous des deux millions de chômeurs. C'est ainsi que nous pourrons atteindre l'objectif.

C'est du reste dans cet esprit que je demanderai, comme je le fais à l'occasion de toutes les grandes lois, à la commission et à M. Gaëtan Gorce de nous présenter, d'ici à la fin de l'année, un rapport pour aider à la réflexion, à la détermination des points sur lesquels nous devrons travailler. Et vous vous doutez bien, madame la ministre, que si nous faisons cela, c'est pour vous aider à tenir le cap et vous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je vous prie tout d'abord de me pardonner d'intervenir au milieu de la discussion, et je m'en excuse doublement auprès des orateurs qui vont suivre, puisque je vais devoir partir pour une réunion avec le Premier ministre dès la fin de mon discours.

M. Germain Gengenwin.

C'est dommage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il m'appartient de vous présenter, aujourd'hui avec Nicole Péry, la semaine prochaine avec Dominique Gillot, le projet de budget pour 2001 du ministère de l'emploi et de la solidarité, que Martine Aubry a préparé et que je m'attacherai à mettre en oeuvre l'an prochain.

Je vous parlerai d'abord de l'amélioration de la situation de l'emploi. C'est évidemment, encore et toujours, la priorité du Gouvernement. Nous constatons heureusement une poursuite de la baisse du taux de chômage, passé de 12,6 % à 9,5 % de la population active entre juin 1997 et septembre 2000, même si nous avons bien conscience qu'avec 2 270 000 demandeurs d'emploi, ce niveau reste encore trop élevé.

J'entends parfois dire dans cet hémicycle que le Gouvernement a eu de la chance et qu'il ne serait pour rien dans cette évolution. Un tel raisonnement me paraît inexact. Il est vrai que la conjoncture est meilleure depuis quelques années en Europe qu'elle ne le fut entre 1993 et 1997, mais je voudrais souligner que notre pays a mieux su, durant ces quatre dernières années, utiliser la conjoncture qu'il ne l'avait fait auparavant. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les comparaisons européennes : le taux de chômage en France a baissé de 1, 7 point entre juillet 1999 et juillet 2000, alors que la moyenne européenne n'a été que de 0,8 point, et que l'Allemagne n'a connu qu'une baisse de 0,4 point. Entre 1993 et 1997, en revanche, nous avions subi l'une des plus fortes hausses de chômage de l'Union. Puisqu'il faut accepter de se comparer - vous connaissez mon engagement euro-


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péen, je crois que c'est une excellente chose, et cela incite à la modestie -, reconnaissons cette fois-ci que ces comparaisons nous permettent d'apprécier nos performances.

Je voudrais aussi souligner que la France connaîtra en 2000 le meilleur résultat du siècle en matière de créations d'emplois, et ce alors que 1999 avait été le deuxième meilleur résultat, et 1998 le troisième. Finalement, sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous aurons connu trois des cinq meilleures années en termes de créations d'emplois de l'après-guerre.

Par conséquent, s'il est vrai que la bonne conjoncture internationale a servi l'action de ce gouvernement, les résultats sont aussi le fruit d'une politique de l'emploi très active, dont je rappellerai les grandes lignes.

Nous avons d'abord voulu enrichir le contenu en emplois de la croissance. Nous avons déjà connu des cycles de croissance équivalant à celui que nous vivons a ujourd'hui, mais jamais ils n'avaient créé autant d'emplois. De surcroît, contrairement aux périodes précédentes, tous les secteurs sont concernés : même l'industrie et la construction, souvent destructeurs d'emplois, renouent avec les embauches.

Mais surtout, nous constatons que ces bons résultats concernent l'ensemble des demandeurs d'emploi. Les principaux bénéficiaires de la bonne évolution du marché du travail sont d'abord les jeunes, les chômeurs de longue durée ensuite, alors que le nombre de personnes au chômage depuis plus de deux ans a diminué de 23 % en un an, soit la plus forte baisse enregistrée parmi toutes les catégories de demandeurs d'emploi.

S'agissant des politiques structurelles de réduction du chômage, permettez-moi de redire un mot de la réduction du temps de travail, sur laquelle le président Le Garrec est revenu il y a un instant. Notre action, vous le savez, porte tout à la fois sur la diminution du volume du temps de travail individuel et sur la réduction du coût du travail pour les entreprises, notamment pour les salariés les moins qualifiés.

Désormais, 5 300 000 salariés travaillent dans une entreprise où la durée collective du travail est inférieure ou égale à 35 heures. L'effet net, en termes de créations d'emplois, de la réduction du temps de travail, est de 260 000 emplois depuis 1996, dont 20 000, rappelons-le, sont à mettre à l'actif de la loi Robien entre 1996 et 1998.

Les allégements de charges sociales des entreprises sont désormais financés par le fonds de financement de la réforme des cotisations sociales ; nous en avons longuement débattu la semaine dernière à l'occasion du PLFSS.

La création du FOREC représente une contribution notable à la clarification des financements des allégements de charges, puisque ceux-ci relèveront dorénavant du FOREC alors que les politiques actives de l'emploi seront inscrites dans le budget de l'Etat. Une seule mesure restera financée par le budget de l'Etat concernant les 35 heures : les crédits d'appui conseil aux entreprises, évidemment très utiles, en premier lieu pour les PME qui pourront ainsi mieux définir leur nouvelle organisation du travail. Ces crédits sont portés à 280 millions de francs en 2001, contre 150 millions de francs en 2000.

Cette augmentation témoigne bien de la ligne que j'indiquais ces derniers jours sur la RTT aidée : tenir le cap des lois sur les 35 heures et aider les PME à passer aux 35 heures.

Je crois d'ailleurs que nous rendrions service aux petites et moyennes entreprises, en particulier à celles qui ont moins de vingt salariés, en renouvelant très clairement cet engagement de passer aux 35 heures, pour les unes, en 2001 et, pour les autres, en 2002. Ce serait un très mauvais service à leur rendre que de laisser penser que nous pourrions modifier la loi.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme je l'ai déclaré devant les organisations professionnelles que j'ai reçues, je répète que nous allons aider les entreprises. Bien entendu, nous utiliserons toutes les souplesses possibles, mais nous n'avons pas l'intention de modifier les lois sur les 35 heures.

Les emplois-jeunes sont une autre action prioritaire du Gouvernement. Ce programme, extrêmement important, a remporté un très grand succès puisque, au 30 septembre 2000, 272 600 jeunes ont été recrutés dans le cadre du dispositif. Le budget pour 2001 permet de financer 31 000 créations d'emplois supplémentaires, ce qui, compte tenu des départs intervenus sur des postes déjà créés, devrait conduire à 66 000 embauches. Au total fin 2001, comme prévu, 350 000 jeunes auront été recrutés dans le cadre de ce dispositif. Certains en seront partis. certes, mais j'insiste, 350 000 jeunes auront été recrutés.

Au-delà de ce bilan quantitatif, l'essentiel est que les emplois-jeunes permettent de répondre à des besoins nouveaux, dans les associations, les collectivités locales et au sein de l'Etat pour les aides éducateurs, les adjoints de sécurité et les agents de justice.

L'effort de professionnalisation des jeunes constitue une priorité déjà bien engagée sur le terrain. Le financement des formations est assuré avec le concours des employeurs, le partenariat avec les conseils régionaux et la contribution du fonds social européen. Au total, près de 2 milliards de francs sont mobilisés pour le financement des actions de professionnalisation.

Pour le futur, le Gouvernement souhaite que les emplois créés, lorsqu'ils ont fait la preuve de leur utilité pour répondre à des besoins nouveaux, soient maintenus au-delà des cinq ans d'aide de l'Etat. Se pose le problème, d'une part, de la solvabilisation des emplois incluant, dans un certain nombre de cas, le maintien d'une aide de l'Etat au poste, et, d'autre part, des perspectives offertes aux jeunes à l'issue de leur contrat de cinq ans. Des décisions seront prochainement arrêtées par le Gouvernement sur ces deux questions.

J'en viens aux mesures d'âge. La priorité accordée dans les mesures structurelles aux allégements de charges pour la réduction du travail et aux emplois-jeunes conduit à limiter le financement du recours aux mesures d'âge, car la bonne situation du marché du travail est à l'origine d'un recul des plans sociaux et des licenciements économiques. En outre, le maintien dans l'emploi des salariés expérimentés constitue une réponse aux tensions constatées dans certains secteurs d'activité.

Les dotations budgétaires consacrées aux allocations spéciales du fonds national pour l'emploi, dont le coût atteignait près de 10 milliards de francs en 1997, ont été ramenées, c'est vrai, à 4,7 milliards de francs en 2000.

Cette évolution a été obtenue par un recentrage du dispositif sur les seules entreprises qui rencontrent de véritables difficultés et par une augmentation de la contribut ion des entreprises. En 2001, ce mouvement est poursuivi, puisque la dotation prévue est de 2,2 milliards


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de francs, ce qui permettra de financer 7 200 nouvelles entrées. Je voudrais souligner que la réduction du coût des allocations spéciales du FNE explique, à elle seule, la diminution du budget de l'emploi cette année.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Parallèlement, le décret du 9 février 2000 a mis en place le nouveau dispositif de cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés. Ce dispositif ne s'applique q u'aux salariés exerçant des tâches particulièrement pénibles. La participation de l'Etat ne peut dépasser 50 %, alors qu'elle atteint 68 % pour les préretraites du fonds national de l'emploi.

Un peu plus de 5 000 entrées sont prévues en 2000 dans ce dispositif, qui montera en charge en 2001. Dix mille entrées sont prévues l'an prochain pour un coût total de 400 millions de francs.

Pour les préretraites progressives, enfin, 16 000 entrées sont prévues en 2001 au lieu de 13 500 en 2000. En raison de sorties importantes, le coût budgété du dispositif passera toutefois de 1,6 milliard de francs en 2000 à 1,4 milliard de francs en 2001.

Le deuxième axe majeur de notre politique est la lutte contre les exclusions. L'exclusion régresse, nous le voyons dans la diminution du nombre de RMistes qui est un phénomène nouveau, sans précédent depuis la création du RMI.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ca, c'est clair !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais nous savons aussi qu'il nous faut faire face encore à des situations d'exclusion durable et de précarité. Pour les exclus, l'amélioration de la situation générale de notre pays n'est pas supportable s'ils n'en profitent pas personnellement et s'ils ont le sentiment de rester au bord du chemin. C'est pourquoi, bien évidemment, la lutte contre les exclusions restera un des axes prioritaires de l'action de ce Gouvernement.

Sur l'emploi précaire et les dispositifs aidés, en particulier les CES, j'entrerai davantage dans le détail car les rapporteurs et le président de la commission des affaires culturelles s'en sont tout particulièrement préoccupés.

M. Le Garrec et M. Boulard ont insisté sur la nécessité de lutter contre l'emploi précaire. En effet, il continue de se développer dans le monde du travail, comme l'indique la proportion d'embauches réalisées sur la base de contrats à durée limitée et le niveau important du recours aux salariés intérimaires, et ce en dépit d'une amélioration significative de la situation de l'emploi.

Si le recours à cette forme de travail peut être légitime en cas de surcroît occasionnel d'activité, ou lorsqu'il faut remplacer un salarié absent, nous ne pouvons accepter que des entreprises l'utilisent comme un mode de gestion normal des emplois permanents, et d'autant moins dans un contexte de croissance retrouvée et d'amélioration de la situation de l'emploi.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement fait de la lutte contre l'emploi précaire l'une de ses priorités. Ainsi, l'inspection du travail renforce ses contrôles pour mettre un terme aux abus en ce domaine, en portant une attention particulière au respect des dispositions relatives aux motifs de recours, aux règles de succession des contrats et aux droits des salariés en situation précaire. Est renforcé aussi le cadre juridique régissant les formes précaires d'emploi prévu dans le projet de loi de modernisation sociale. Ces dispositions sont de nature à améliorer la protection des salariés en situation précaire et à faciliter le passage vers un emploi stable.

S'agissant des dispositifs aidés d'accès à l'emploi, notre démarche constante a été de les recentrer en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. Nous n'avons pas hésité à supprimer les outils qui créaient des effets d'aubaine importants, comme les exonérations Madelin ou, en 2001, les aides au passage à temps partiel dans le cadre des restructurations d'entreprise. Nous n'avons pas hésité non plus à recadrer ces dispositifs, notamment par la loi contre les exclusions. Car notre but n'est pas de moins aider mais de mieux aider en concentrant les moyens sur les réelles nécessités.

Cela dit, nous devons tenir compte, c'est vrai, du fait que l'amélioration de la situation économique touche toutes les couches de la population, même si certaines en bénéficient moins que d'autres. Certes, ce recul de l'exclusion se fait avec un décalage et il se manifeste par la diminution constatée en 2000 du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion et par la baisse du chômage.

J'ai bien entendu les remarques du président Le Garrec, de M. Bapt, de M. Boulard, ainsi d'ailleurs que celles de M. Barrot et de M. Malavieille sur les contrats emploisolidarité notamment. Ces contrats seront encore au nombre de 260 000 en 2001 contre - c'est vrai 330 000 cette année. Comme vous l'avez souhaité, ce nombre pourra être adapté en fonction des besoins locaux - c'était une remarque de Gérard Bapt - par les services déconcentrés du ministère parmi les moyens globaux mis à leur disposition. Nous veillerons à ce qu'il y ait une adaptation constante à l'évolution du chômage de longue durée, chômage de longue durée dont je rappelle qu'il baisse plus vite que les autres catégories de chômage.

Il faudra également poursuivre la démarche visant à réserver les CES aux plus exclus. Comme le président Le Garrec l'a indiqué fort justement, ceux-ci doivent bénéficier d'un accompagnement et d'une formation. La politique de recentrage sur les publics prioritaires a d'aill eurs permis d'augmenter leur proportion de 55 % en 1997 à 82 % en septembre 2000. Parmi les catégories d'employeurs de CES, je veillerai à ce que ceux qui privilégient l'insertion des plus en difficulté soient davantage aidés et confortés dans leur démarche.

J'ai bien compris, en tant qu'élue locale, les remarques que vous avez faites à propos des associations qui se sont consacrées à aider ce type de public.

Le nombre de contrats emplois consolidés continuera de progresser par rapport à cette année puisqu'en 2001 nous aurons 50 000 entrées supplémentaires. Ces contrats sont ouverts aux publics sans perspective d'emploi, et pas seulement aux anciens bénéficiaires de CES. Pour 2001, j'examinerai avec la plus grande attention les propositions de M. Bapt d'une plus grande souplesse locale.

Le contrat initiative-emploi a fait l'objet d'un véritable ciblage sur les publics en difficulté qui représentent maintenant plus de 80 % des effectifs ; 125 000 entrées nouvelles sont prévues en 2001 au lieu de 150 000 cette année.

Enfin, 135 000 nouveaux stages de formation en faveur des chômeurs de longue durée seront financés en 2001, au lieu des 180 000 prévus cette année. Outre l'amélioration de la situation économique, une meilleure gestion,


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dans le cadre du nouveau départ et des contrats de progrès ANPE et AFPA, permettra de mieux centrer ces dispositifs.

Nous constatons une diminution du nombre de places, et je conçois que cela puisse susciter des inquiétudes et des craintes, notamment chez les responsables et les acteurs qui ont privilégié et accompagné ces publics en difficulté. Mais je pense que, compte tenu des évolutions de la croissance et du chômage, nous devons avoir confiance dans l'amélioration de la situation, tout en réaffirmant sans cesse notre volonté d'utiliser prioritairement ces dispositifs au profit des exclus.

J'en viens à l'insertion par l'économique. La réforme est entrée en vigueur. Elle a notamment permis d'instituer une exonération totale des charges patronales de sécurité sociale sous certaines conditions et de porter le montant de l'aide au poste d'insertion à 50 000 francs en moyenne. Les crédits inscrits au budget 2001 sont de 700 millions de francs pour l'aide au poste et 390 millions de francs pour les exonérations, auxquels il convient d'ajouter 170 millions de francs en provenance du fonds social européen. Ils permettront de financer 11 400 postes dans les entreprises d'insertion et 700 postes d'accompagnement dans les entreprises de travail temporaire d'insertion. Le montant de l'aide au poste est, en outre, revalorisé à 58 500 francs pour les entreprises d'insertion qui passent aux 35 heures, afin de maintenir leur avantage concurrentiel.

Le programme TRACE, trajet d'accès à l'emploi, est un programme très important puisqu'il permet à des jeunes confrontés à de graves difficultés sociales, familiales, sans diplôme ou qualification, de bénéficier d'un programme d'accompagnement personnalisé vers l'emploi, pouvant durer jusqu'à dix-huit mois. Pour sa mise en oeuvre, il s'appuie d'abord sur le réseau des missions locales et des PAIO. Les moyens budgétaires du réseau s'élèveront à 420 millions de francs en 2001, contre 390 millions de francs au PLF 2000, soit une progression de 8 %. Ces crédits seront en outre abondés de 140 millions de francs par le Fonds social européen.

Le programme s'appuie également sur des opérateurs externes, organismes conventionnés par l'Etat. Les crédits, qui étaient de 60 millions de francs en 2000, seront portés à 70 millions de francs en 2001, auxquels s'ajouteront 50 millions de francs cofinancés par le FSE. La montée en charge de ce dispositif a été moins rapide qu'initialement prévu en raison notamment des délais nécessaires au recrutement des opérateurs externes. Mais au projet de loi de finances pour 2001, 12 500 entrées nouvelles sont prévues à ce titre.

Le réseau des missions locales prenant une part de plus en plus large dans le programme, les moyens supplémentaires qui lui sont alloués permettront la création de vingt-cinq missions locales et de quatre-vingts postes pour le programme TRACE. Ce sont là des mesures qui concrétisent la mise en oeuvre par l'Etat du protocole du 20 avril dernier, signé avec M. Jean-Pierre Raffarin, pré-s ident de l'Association des régions de France, et M. Michel Destot, président du Conseil national des missions locales, lors des assises nationales des missions locales et des PAIO.

Le Gouvernement affirme ainsi, conformément à son engagement, sa volonté de faire progresser les chances d'insertion des jeunes en difficulté. Il reconnaît la place centrale des missions locales et des PAIO.

Vous envisagez, monsieur Bapt, la création de l'équivalent du programme TRACE pour les adultes éloignés du travail. Cette logique est celle qui prévaut dans le service personnalisé pour un nouveau départ pour l'emploi, que j'évoquerai tout à l'heure. Il est certain qu'il est nécessaire, par des actions d'insertion territorialisées, de traiter la globalité des problèmes.

L e dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles, dit EDEN, a été initialement créé en octobre 1997 pour aider les jeunes à créer leur propre entreprise. La loi de lutte contre les exclusions a étendu le dispositif aux bénéficiaires de minima sociaux. L'aide prend deux formes : une avance remboursable proportionnelle au besoin de financement initial et un suivi personnalisé du projet.

Vous savez que pour favoriser l'accès des personnes éligibles, la loi a ouvert la possibilité d'une délégation de la gestion de l'avance à des organismes experts et que nous avons mis en oeuvre progressivement ce dispositif au second semestre 1999.

La dotation 2001, de 350 millions de francs, est supérieure de 60 millions de francs au montant de la dépense prévu pour 2000. L'article rattaché au budget permet de proroger l'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2002.

Cela me paraît important.

J'en viens, pour terminer, aux moyens du ministère et du service public de l'emploi. Vous le savez, une grande politique de l'emploi doit s'appuyer sur des femmes et des hommes. Ils sont, depuis toujours, à la fois compétents et très dévoués. Mais il y a des limites aux efforts que peuvent consentir toujours les mêmes personnes. Je veux rendre hommage aux agents du ministère et du service public de l'emploi, qui le méritent bien.

Nous avons souhaité - Martine Aubry a obtenu - que, pour mettre en oeuvre les nombreuses réformes engagées, des emplois supplémentaires soient créés dans le budget emploi du ministère, dans ce projet de loi de finances pour 2001.

L'effort est particulièrement important pour les inspecteurs et contrôleurs du travail, pour lesquels sont respectivement créés 20 et 80 postes. Au total, depuis 1998, 65 postes d'inspecteurs du travail et 310 postes de contrôleurs du travail auront été créés afin de renforcer les services déconcentrés.

Nous créons également 95 postes budgétaires pour procéder à des régularisations, notamment pour poursuivre le processus de résorption de l'emploi précaire. Les a gents bénéficieront des revalorisations indemnitaires importantes, l'enveloppe de mesures catégorielles atteignant au total près de 50 millions de francs. Pour un contrôleur du travail, le gain indemnitaire annuel sera par exemple de 5 500 francs. La création du statut d'emploi pour les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle revalorisera leurs fonctions et rendra plus facile la construction de parcours professionnels diversifiés.

Enfin, les crédits de fonctionnement et de communication progresseront, à structure constante, de près de 7 %.

Ces moyens supplémentaires permettront de poursuivre le plan de relogement des services centraux.

S'agissant des moyens de l'ANPE, sujet très important, surtout dans le contexte actuel, je veux souligner que la subvention de l'Etat sera à nouveau en forte progression, de plus de 8 % en 2001, pour atteindre près de 7 milliards de francs. Ces crédits permettront à l'agence de créer 410 postes nouveaux et d'améliorer ses prestations, conformément à son contrat de progrès.


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L'agence a en effet la lourde responsabilité de concrétiser les engagements pris par la France à Luxembourg dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi.

Elle doit offrir un « nouveau départ » aux jeunes entrant dans leur sixième mois de chômage, aux adultes entrant dans leur douzième mois de chômage, ainsi qu'aux publics menacés d'exclusion.

Depuis le lancement de ce programme, en octobre 1998, plus de 1,7 million de chômeurs ont reçu une offre adaptée à leur situation dans le cadre de ce programme, après un diagnostic individualisé. Pour près d'un million d'entre eux, cette offre a pris la forme d'un appui pour relancer la recherche d'emploi, 400 000 ont b énéficié d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi, 200 000 d'un accès à la formation ; pour 140 000, enfin, l'accompagnement a été complété par un appui social.

Les résultats obtenus en matière de lutte contre le chômage de longue durée sont en grande partie imputables au programme « nouveaux départs ». Il est possible ainsi de remettre des publics parfois en voie d'exclusion sur le chemin du retour à l'emploi.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Très bien.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les partenaires sociaux ont décidé d'affecter à l'ANPE 15 milliards de francs sur trois ans pour mettre en oeuvre un acc ompagnement renforcé des chômeurs dans leur recherche d'emploi. Il serait toutefois prématuré de fixer aujourd'hui les conditions de mise en oeuvre de ces actions qui seront notamment définies par des conventions de partenariat entre l'ANPE et l'UNEDIC. Nous serons naturellement particulièrement vigilants.

La subvention à l'AFPA progresse également de plus de 4 % en 2001. Elle permettra de financer les programmes propres de l'AFPA et de développer des prestations d'orientation pour la construction de parcours de formation au bénéfice des demandeurs d'emploi.

Ainsi, l'AFPA et l'ANPE ont mis en place un service intégré, qui a permis en 1999 à près de 100 000 demandeurs d'emploi de bénéficier rapidement et sans rupture de leurs services respectifs : après un diagnostic et la construction d'un projet professionnel à l'ANPE, le demandeur d'emploi, s'il en a besoin, est orienté vers l'AFPA, qui l'aide à construire un parcours de formation individualisé. A l'issue de ce parcours, il peut se faire aider par un conseiller de l'ANPE dans l'espace ressources emploi de son centre AFPA.

C'est donc une vraie complémentarité entre les services de l'AFPA et de l'ANPE qui est enfin mise en oeuvre au bénéfice des demandeurs d'emploi.

Nicole Péry vous présentera les moyens consacrés à la formation professionnelle.

Je terminerai en remerciant et en félicitant vos rapporteurs, M. Bapt, M. Barrot, M. Boulard et M. Malavieille, pour la qualité de leurs rapports, approfondis, pour leur analyse d'une grande clarté. Mes remerciements vont aussi bien sûr au président de la commission des affaires culturelles et sociales, Jean Le Garrec.

Je pense que nous avons un souci commun, qui est de continuer à réduire le chômage. Cette action suppose engagement et persévérance. Elle demande bien entendu des moyens. Je crois que ce budget pour 2001 nous les accorde. Je remercie d'ailleurs les rapporteurs des avis favorables qu'ils ont donnés. Quant à l'engagement et à la persévérance, je sais que je peux compter sur vous.

Naturellement, je n'en manque pas non plus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

C'était un service minimum !

Mme la présidente.

Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Madame la présidente, je serai bref. Puisque j'ai peu de papiers. (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais des petits cartons !

M. Maxime Gremetz.

Oui, dans ma poche !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On vous connaît !

M. Maxime Gremetz.

S'agissant d'abord du personnel du ministère, madame la ministre, comme je l'ai dit en commission, votre prédécesseur avait donné l'exemple en transformant des emplois précaires en emplois statutaires.

Je m'en réjouis parce que la question de la précarité me tient beaucoup à coeur.

J'apprécie aussi le contexte dans lequel nous abordons ce budget, c'est-à-dire le recul du chômage. Vous l'avez rappelé, les chiffres sont là. L'évolution est liée aussi, je n'y insiste pas, à la croissance, et à des mesures importantes prises par le Gouvernement. Elles sont d'ailleurs appréciées par la majorité des Françaises et des Français, vous avez pu le constater dans une étude d'opinion récente. Je pense évidemment aux 35 heures, mais aussi à la CMU, à la loi sur l'exclusion, entre autres. Voilà ce qui arrive en tête pour le bilan du Gouvernement. Ce n'est pas banal, c'est important.

Mais 68 % des Françaises et des Français disent qu'il faut une redistribution sociale, au profit des pauvres et des couches populaires, parce qu'il n'y a pas assez de justice sociale et fiscale. Ce n'est pas moi qui le dis ! Je le pensais mais je me trouve conforté dans mon appréciation.

Ce que je constate, c'est un double phénomène : le chômage recule, et il faut continuer dans ce sens, avoir une politique volontariste, mais, en même temps, la précarité explose ! Je donne les derniers chiffres de l'INSEE, de 1999, qui viennent de paraître aujourd'hui : 69 % de travail précaire en plus. Vous avez entendu ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Par rapport à quelle année ?

M. Maxime Gremetz.

Par rapport aux années précédentes ! A 1997, à 1998, regardez les chiffres de l'INSEE. Je vous donne la source, ce n'est pas moi qui les invente ! Il est indiqué que, y compris dans la dernière période, malgré la reprise de la croissance, malgré l'embauche, l'emploi qui progresse, le chômage qui recule, le travail par intérim continue de progresser, de 12,4 %, avec parfois des contrats d'une semaine... Il faut être lucide et regarder les choses de cette façon. Alors, se posent plusieurs problèmes.

Premier problème, et j'ai ici un tableau. Le CODEF a fait des simulations pour voir comment allait s'appliquer votre budget dans le département de la Somme, parce que ce n'est pas la peine de faire des longs discours et des théories, il faut voir comment cela s'applique concrètement. Eh bien, je vais vous le dire. Nous avons 12 000 RMIstes. Cela n'a pas bougé. Nous avons un taux de chômage de 12,6 % : le chômage n'a pratiquement pas reculé. Le chômage des moins de vingt-cinq ans n'a pas reculé, le chômage des chômeurs de longue durée n'a pas reculé. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le CODEF ? Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Que fait le député ?

M. François Goulard.

Que font les élus ?


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M. Maxime Gremetz.

On crée de l'emploi, mais quand Magneti Marelli supprime 700 emplois, il faut en créer des emplois pour compenser ! Je cite ce cas-là mais il y en a d'autres ! Donc il faut savoir raison garder en l'occurrence.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous parlez d'or !

M. Maxime Gremetz.

Quel est le problème posé ? Les chiffres officiels, je vous les donne ! Il faut s'attaquer au noyau dur du chômage, penser à ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi. Or, dans le projet de budget, tous les contrats permettant de rapprocher du retour à l'emploi sont en baisse. Je vais vous donner les chiffres ! Pour les SIFE collectifs, on arrive à 68 % par rapport à l'année antérieure : de 1 125, on passe à 742. Le nombre des SIFE individuels augmente. On passe de 131 à 165.

Pour le SAE, nous arrivons à 70 %, pour les CIE, à 84 %, p1our les CES, à 70 % et pour les CEC, les emplois consolidés, à 89 %.

Cela veut dire que le nombre des dispositifs à mettre en oeuvre pour s'attaquer au chômage des plus éloignés du chômage, facilitant l'insertion et la réinsertion, est en baisse et, aujourd'hui, je vous le dis, dans la Somme, il n'y a de crédit pour aucun contrat aidé au 25 octobre.

Voilà la réalité !

M. François Goulard.

Il faut en parler au ministre !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Avec des amis pareils, on n'a pas besoin d'ennemis !

M. Maxime Gremetz.

Mon problème dans ce budget, c'est la différence entre l'objectif affirmé et la baisse, que j'avais notée en commission, de tous ces types de contrats. Je suis pour la suppression progressive des CES, qui ne sont pas de véritables emplois, mais, il faut augmenter sérieusement les CEC.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le nombre de CEC augmente !

M. Maxime Gremetz.

Non ! Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Si !

M. Maxime Gremetz.

Non, il baisse. J'espère que cela aura au moins le mérite de faire revoir l'enveloppe pour la Somme ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs.)

Moi, je vous donne les chiffres. Y compris dans le budget, ils baissent.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Maxime Gremetz.

Quand vous faites le compte des CES et CEC, ça ne baisse pas ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

D'une façon globale, en effet !

M. Maxime Gremetz.

Ah oui ? C'est trop facile ! C'est l'ensemble des dispositifs qu'il faut regarder ! Et ça baisse.

M. Jean Ueberschlag.

C'est un budget bricolé !

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas ainsi qu'on s'attaquera au chômage le plus préoccupant aujourd'hui, celui des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Il s'agit donc d'un élément déterminant pour notre vote par rapport à ce budget. On ne peut pas se retrouver dans des situations pareilles ! Deuxième question, les emplois-jeunes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Bonne question !

M. Maxime Gremetz.

Leur pérennisation est une grande nécessité.

Troisième question, et on va dans le même sens, celle de l'insertion. Je vous le dis très clairement, madame la ministre, le groupe communiste est tout à fait contre l'agrément de la convention UNEDIC, car c'est un mauvais coup contre les chômeurs. Voilà qui exige un grand débat national, et le Parlement devrait être consulté. Or il ne le sera pas ! Ou alors, peut-être, au détour de dispositions contenues dans la loi de modernisation sociale. Une convention signée contre l'avis de la CGT et de Force ouvrière, par-dessus leurs têtes, alors que ce sont les syndicats majoritaires,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Aucun syndicat n'est majoritaire !

M. Maxime Gremetz.

... et contre l'ensemble des associations de chômeurs sans que le Parlement en débatte ? Non, ce n'est pas envisageable ! En tout cas, nous vous demandons solennellement, madame la ministre, que, s'il n'y a rien à cacher, nous débattions du contenu de cette convention à l'Assemblée nationale. Sinon, à quoi sert le Parlement ? Autre question, l'emploi n'est pas séparé et cela a été dit fort justement, de la relance du pouvoir d'achat, de l'augmentation du SMIC et des minima sociaux. On dit qu'il faut augmenter progressivement les minima sociaux pour dépasser le seuil de pauvreté qui est, pour bénéficier de la CMU, à 3 500 francs et, selon l'INSEE, à 3 800 francs. Or ils ne sont pas augmentés, et le SMIC non plus, n'est pas valorisé. Pourtant, on sait bien que les revenus du capital augmentent davantage que les revenus du travail. C'est une vraie exigence ! Ce n'est pas par hasard, si, dans le sondage d'opinion dont je vous parlais, la première mesure demandée est l'augmentation du SMIC, par 41,45 % des personnes interrogées, et ensuite la retraite, par 41 % d'entre elles.

Autre question, les 35 heures. Madame la ministre, il y a un débat feutré, actuellement plus tout à fait feutré d'ailleurs. Je vous le dis très clairement : les députés communistes, qui ont beaucoup oeuvré à la loi sur les 35 heures, ne laisseront pas la dévoyer.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ils quitteront la majorité plurielle !

M. Maxime Gremetz.

A ma connaissance, et j'ai dû le rappeler à la droite, il y avait une obligation de créer des emplois ou d'en préserver pour obtenir les aides,...

M. François Goulard.

Il n'y a que vous pour y croire !

M. Maxime Gremetz.

... qui sont considérables ! Merci, monsieur le rapporteur de m'avoir apporté les éléments demandés.

Aides à « l'emploi » : 326 milliards de francs !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Où prend-il ses chiffres ?

M. Maxime Gremetz.

Jamais, je le dis très clairement, les entreprises, les grands groupes n'ont obtenu autant d'aides ! Même du temps de la droite ! (Sourires.)

Vous n'auriez pas osé le faire !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Eh oui !

M. François Goulard.

C'est l'hommage du vice à la vertu !

M. Maxime Gremetz.

Eh bien ! c'est ce qui se fait aujourd'hui, et sans contrepartie en termes d'emplois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

Veuillez conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Je termine, madame la présidente.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous deviez être bref ?

M. Maxime Gremetz.

Les 35 heures, madame la ministre, les petites et moyennes entreprises, nous avons pris toutes les dispositions dans la loi, nous leur avons donné deux ans pour se préparer. Nous avons créé des conseils que nous payons pour mettre en oeuvre ces 35 heures. Nous leur accordons des exonérations et des a ides incitatives. Nous avons créé des groupes d'employeurs. Certains l'avaient oublié et disent qu'ils ne peuvent pas embaucher. Non, mais dans un groupe d'employeurs, c'est possible ! Qu'est-ce qu'ils veulent de plus ? Si c'est remettre en cause la loi par ce biais...

M. Bapt parle de situations particulières et dit qu'il faut voir au cas par cas. Non, une loi est une loi !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

On ne touche pas à la loi !

M. Maxime Gremetz.

Si ! Dérogation pour des heures supplémentaires ? Cela veut dire que les salariés des petites et moyennes entreprises n'auraient pas le droit à cette loi de civilisation, n'auraient pas le droit d'avoir du temps libre ? C'est impossible, monsieur Bapt, de soutenir une telle position ! M. Fabius non plus ne peut pas soutenir une telle position ! Ou alors, il faut revoir complètement la loi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il y a beaucoup de cohérence !

M. Maxime Gremetz.

Cette loi, c'est pour créer de l'emploi, pour libérer du temps. C'est une loi de civilisation, une nouvelle organisation du travail.

Dérogation pour des heures supplémentaires ? Mais ils en ont plein d'heures supplémentaires ! Arrêtons ! Où allons-nous ? Embauchons !

Mme la présidente.

Arrêtons ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Je vais arrêter, madame. C'est ma passion qui m'emporte, vous le savez bien ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On ne s'en lasse pas !

M. Maxime Gremetz.

Donc, madame la ministre, si on veut toucher à cette loi sur les 35 heures, je suis d'accord, mais on la reverra complètement et on précisera que, pour bénéficier des aides financières, il faut 10 % d'embauches contre 10 % de réduction du temps de travail. Là, vous le savez bien, il y une lecture différente du patronat et du MEDEF...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Du grand patronat !

M. Maxime Gremetz.

Non, le MEDEF, madame ! Ce n'est pas la même chose ! Je voulais le dire très clairement. Et puis, et ce sera mon dernier mot,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ah ?

M. François Goulard.

C'est dommage !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On ne se lasse pas de vous écouter !

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas un cours théorique !

M. François Goulard.

Non, non, c'est du concret !

M. Maxime Gremetz.

Je n'ai pas parlé des profits, mais j'ai les cartons dans ma poche ! (Rires.) Si vous les voulez, je vous les donne ! M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tous les profits dans la poche !

M. Maxime Gremetz.

Record historique de profits !

M. François Goulard.

Les profits de la vente du muguet ?

M. Maxime Gremetz.

Les aides, monsieur le rapporteur, c'est 326 milliards !...

M. François Goulard.

Où a-t-il trouvé ces chiffres ?

M. Maxime Gremetz.

..., plus les 12,5 milliards de l'impôt sur les sociétés qu'on enlève, plus le fait que, pour l'impôt sur les bénéfices, on ne fait rien payer. Et on baisse l'impôt sur les hauts revenus ? Formidable ! Il y a moyen de créer des emplois ou, en tout cas, de mettre en oeuvre ce que nous avons décidé. Je le dis très clairement, il faut prendre en compte ce qui s'exprime dans le pays ; le Gouvernement s'essouffle, il manque de dynamisme,...

M. François Goulard.

Ça, c'est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et vous continuez à le soutenir ?

M. Maxime Gremetz.

... il ne répond pas aux atteintes sociales. Moi, je veux que la gauche plurielle gagne et aille de l'avant. Donc écoutez et entendez, parce que nous risquons d'avoir de sérieuses déconvenues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Voilà qui est intéressant !

Mme la présidente.

J'espère que les orateurs suivants seront plus respectueux du temps qui leur a été imparti.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Comme dirait mon excellent collègue Maxime Gremetz, je serai bref ! (Sourires.)

Madame la secrétaire d'Etat, l'effectif ministériel vient ici de se réduire de moitié (Sourires) et cela me paraît tout à fait justifié puisque vous nous présentez un demibudget. En effet, une part importante du budget de l'emploi se trouve désormais inscrite dans le projet de loi de financement de la sécuritié sociale : le coeur de votre politique de l'emploi, la réduction du temps de travail, ce qui veut dire que, dans ce document budgétaire, aujourd'hui objet de notre examen, nous n'avons qu'une vision partielle de ce qu'est la politique de l'emploi du Gouvernement.

Jacques Barrot évoquait tout à l'heure la réforme de l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances, initiative fort heureuse de Laurent Fabius quand il était président de l'Assemblée nationale, reprise par le président Forni. Il est vrai que nos documents budgétaires sont peu lisibles et traduisent très mal ce que sont les politiques des différents ministères. Mais comment voulez-vous que ces politiques soient lisibles si les documents sont abscons et si la moitié de la politique se trouve retracée dans une autre loi de financement ? Cette situation est indéfendable. Le parti que vous avez adopté n'a d'autre objet que de masquer le coût réel de ces politiques. Il va à l'encontre d'un véritable contrôle du Parlement sur l'action du Gouvernement.

La politique de la réduction du temps de travail est donc peu présente dans ce budget, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en parler. Faut-il, une fois de plus,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

évoquer les créations d'emplois dont vous créditez les 35 heures, au nombre desquels vous comptabilisez abusivement celles qui se seraient faites de toute façon, car il est évident qu'une entreprise ayant des projets de création ne peut que s'empresser de les afficher dans le dispositif de la première loi pour bénéficier des aides ? Tout aussi abusivement, vous ne comptabilisez pas les emplois non créés ou les emplois détruits du fait des 35 heures.

I l est vraiment dommage que les ministres Mme Aubry autrefois, Mme Guigou maintenant - et des membres de la majorité, en particulier certains rapporteurs et le président de la commission des affaires sociales, servent à une assemblée comme la nôtre des chiffres aussi peu crédibles.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait !

M. François Goulard.

La réduction du temps de travail, telle qu'elle a été conduite, est une politique absurde, que n'a reprise aucun autre pays développé, qui est jugée inefficace un termes d'emploi par tous les économistes un tant soit peu sérieux et non stipendiés. Elle va créer un véritable problème budgétaire, constant, durable, car les entreprises françaises, en particulier celles qui emploient une main-d'oeuvre nombreuse percevant des salaires relativement faibles, ne pourront supporter l'impact des 35 heures sans une aide budgétaire massive : en régime permanent, elle atteindra une centaine de milliards de francs.

Est-ce l'effet de la divine providence, ou de sa version laïque, le hasard ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est osé, ça !

M. François Goulard.

Toujours est-il que vous avez évité les catastrophes qu'aurait dû entraîner la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. En effet, notre compétitivité internationale, toutes choses égales d'ailleurs, aurait dû s'effondrer du fait du passage aux 35 heures, car une économie ne peut supporter une augmentation de 10 % du coût de la main-d'oeuvre salariée.

Mais il se trouve que, par hasard...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ou peut-être par talent ?

M. François Goulard.

Monsieur Le Garrec, inutile de prendre cet air réjoui. Il se trouve que, par hasard, dans le même temps, l'euro s'est considérablement affaibli, ce qui sauve votre politique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. François Goulard.

Pour dire les choses autrement, l'économie nationale peut supporter votre politique parce que l'affaiblissement de la monnaie commune l'a appauvrie.

Ce n'est pas un phénomène réjouissant car il se traduit par une perte de richesse collective pour notre pays, même si certains effets extrêmement négatifs sur le chômage sont masqués. Et puis imaginez un instant que l'euro s'apprécie, dans les mois et dans les années qui viennent. Comment les entreprises françaises supporte-r aient-elles alors le surcoût salarial induit par les 35 heures ? C'est une question fondamentale, qui n'est évidemment jamais soulevée par le Gouvernement,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais si ! Nous en avons souvent parlé, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

... mais qui doit être présente à nos esprits et qui va conditionner lourdement l'évolution de l'économie française et donc de l'emploi en France dans les prochaines années.

M. Gaëtan Gorce.

C'est Cassandre au jardin d'Eden !

M. François Goulard.

L'autre conséquence budgétaire, moins massive, mais non négligeable, que votre politique entraînera à moyen terme, c'est la pérennisation des emplois-jeunes. Certains jeunes ont été engagés dans des emplois à cinq ans et on ne pourra pas, à l'évidence, les laisser en plan à l'échéance de ces contrats. Les gouvernements à venir, quels qu'ils soient, connaîtront un problème budgétaire certain. Ce sera une charge supplémentaire pour les finances publiques.

La politique des emplois-jeunes est, je n'hésite pas à le dire, sympathique à certains égards, positive pour certaines associations qui, par exemple, ont pu financer des emplois permanents utiles. Mais il serait irresponsable de l'étendre, car vous avez engagé des jeunes dans des voies qui, pour la plupart, n'ont aucun avenir. Vous avez consacré des crédits budgétaires non négligeables, et vous en consacrerez encore davantage, au maintien d'emplois souvent artificiels en faveur d'un public qui n'est pas prioritaire en termes de recherche d'emplois.

Je suis convaincu que la politique des emplois-jeunes était un affichage électoral du programme de la gauche en 1997. Si vous aviez su que la croissance serait au rendezvous - alors qu'en réalité, elle était déjà à l'oeuv re au début de 1997, même si nous ne le savions pas assez en ce qui nous concerne -, jamais vous n'auriez lancé cette politique.

M. François Brottes. Elle a favorisé la croissance !

M. François Goulard.

En effet, aujourd'hui, les jeunes visés par ce dispositif trouvent très facilement un emploi sur le marché du travail. Les diriger vers les emploisjeunes est une erreur pour la collectivité et pour eux.

En revanche, les emplois aidés - CES, CEC, par exemple - doivent être maintenus en faveur de ceux qui ont le plus de mal à trouver une place sur le marché de l'emploi. Cette question a été évoquée à plusieurs reprises par les rapporteurs.

Les budgets sont ainsi faits que je ne dispose pas d'éléments d'appréciation qui me permettraient de savoir si la baisse, qui est sensible, aura des conséquences lourdes.

Comme les rapporteurs, j'ai tendance à penser que oui. Je crois sincèrement que, malgré l'amélioration de la situation de l'emploi et à supposer qu'elle dure, que la croissance mondiale et française se poursuive, nous aurons en permanence besoin de dispositifs spécifiques pour aider des gens qui ne trouvent pas d'emploi sur le marché du travail.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Très bien !

M. François Goulard.

Ne l'oublions pas, ces emplois aidés sont des mesures permanentes et il nous faudra garder des crédits importants pour aider des publics qui sont en réelle difficulté et qui, malheureusement, le resteront.

A ce propos, je voudrais évoquer une idée qui m'est peut-être personnelle, mais qui relève d'un constat.

Naguère, quand le statut de la fonction publique locale était moins contraignant qu'il ne l'est aujourd'hui, les communes pouvaient embaucher, pour des tâches quelquefois très simples, des gens qui n'auraient pas trouvé d'emploi sur les marchés du travail privé. Je souhaiterais donc que le statut de la fonction publique territoriale soit assoupli de telle sorte que les communes, qui ont le sens des responsabilités, qui connaissent ces gens ayant du mal à trouver des emplois, puissent leur donner du travail...

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

M. François Goulard.

... les employer à des tâches dont la valeur ajoutée est relativement faible, mais qui marqueraient un progrès considérable, tant pour eux que pour la collectivité. Pour développer cette forme d'aide sociale intelligente, valorisante, des réformes sont nécessaires qui vont à l'encontre des principes de la majorité, laquelle ne songe qu'à enserrer les collectivités locales dans des règles toujours plus contraignantes.

Je voudrais évoquer également, d'un mot rapide, le PARE et la réforme de l'assurance-chômage. Il est clair que, au sein de la majorité plurielle, se font jour des appréciations très différentes sur ce sujet. Une partie de cette majorité refuse ce que le chef du Gouvernement a fini par accepter à son corps défendant. Nous considérons, quant à nous, que le PARE est un réel progrès pour les demandeurs d'emploi, parce qu'il va permettre aux services de l'emploi de leur réserver un traitement plus attentif, grâce aux moyens qui seront mis à leur disposition.

Je rejoins le rapporteur, M. Bapt, qui a évoqué la possibilité d'avoir des dispositifs aussi performants pour les demandeurs d'emploi qui relèvent de la solidarité. Et il est clair que l'Etat a un effort à faire pour des publics qui ne relèvent pas de la convention UNEDIC...

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Très bien !

M. François Goulard.

... et qui ont besoin, peut-être plus que d'autres, d'être aidés dans leurs recherches d'emploi, dans les bilans de compétence, dans les efforts de formation. On peut critiquer le patronat et certains syndicats de salariés, mais je constate que ce sont eux qui transforment les conditions dans lesquelles les chômeurs, demain, seront aidés à retrouver le chemin de l'emploi, quand la puissance publique, elle, n'a pas été capable de renouveler ses conceptions et de mettre au point un dispositif équivalent, au service de ceux qui, aujourd'hui, en ont encore le plus besoin.

On peut se demander si l'ANPE est l'outil le mieux adapté pour le faire. Même si le rapporteur a chanté les louanges de cette grande administration, elle n'est pas nécessairement la seule solution. Certes, je reconnais les efforts qu'elle a accomplis au cours des dernières années pour s'adapter à sa tâche. Mais on pourrait aussi envisager une délégation du service public de l'emploi, par exemple à des associations, comme il en existe beaucoup dans le domaine social, ou bien aux régions, dans une perspective décentralisatrice, ce qui nous permettrait d'avoir des services plus diversifiés, donc plus adaptés, que ceux proposés aujourd'hui par cette machine qu'est l'ANPE, qui reste lourde et bureaucratique, je le répète, malgré les efforts accomplis.

Mme la présidente.

Il faudrait songer à conclure, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Oui, je vais terminer, madame la présidente. Je n'ai pas le temps d'évoquer le sujet, pourtant si considérable, de la formation, mais Jacques Barrot l'a fait excellemment. Je regrette néanmoins la suppression de la prime d'apprentissage pour les entreprises de plus de dix salariés, alors que, chacun le sait, l'apprentissage mérite d'être encore développé.

Enfin, ce budget comportant les crédits du fonds national de l'emploi, je voudrais évoquer la question des préretraites. Notre pays connaît un taux d'activité particulièrement faible. On entre dans le monde du travail plus tard qu'ailleurs, et on en sort beaucoup plus tôt.

Cette faiblesse représente un problème pour nous, et en sera surtout un pour les générations de demain, qui manqueront d'actifs. Il ne s'agit pas de remettre brutalement en cause ce qui existe, mais il faudrait que nous réfléchissions en concertation étroite avec les partenaires sociaux, à une inflexion de la politique de l'emploi dans ce domaine. C'est une illusion de croire qu'on crée de l'emploi en mettant des salariés en préretraite. C'est, me semble-t-il, l'inverse, puisqu'on consacre des prélèvements obligatoires à ces mises à la retraite.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il faut le dire cela aux chefs d'entreprise !

M. François Goulard.

L'augmentation du taux d'activité, c'est-à-dire la prolongation de l'activité de ceux qui, en quelque sorte, sont mis au rebut beaucoup trop tôt dans leur vie active, devrait être pour nous tous une priorité de notre réflexion de la politique de l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Gengenwin, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Germain Gengenwin.

Madame la présidente, m adame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Mme Martine Aubry ne manquait jamais de rappeler que

« le système de formation est devenu complexe, opaque, incompréhensible pour beaucoup de nos concitoyens ».

M. François Goulard.

Mais elle était là, elle ! Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Elle restait, elle !

M. François Goulard.

Elle était passionnée, elle !

Mme Odile Saugues.

Comme vous êtes passéistes !

M. Germain Gengenwin.

J'ajoute, quant à moi, que le système l'est aussi pour beaucoup d'élus.

Le manque de lisibilité est évident, il touche le domaine de la formation continue, mais aussi toutes les formations professionnelles initiales, qu'elles soient sous statut scolaire ou sous contrat de travail.

Sans méconnaître l'enjeu du chantier que vous avez ouvert, madame Péry, et dont nous attendons l'aboutissement,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Avec impatience !

M. Germain Gengenwin.

... je m'en tiendrai principalement aux problèmes liés à l'apprentissage. Dans ce domaine, mes chers collègues, on va de réforme en réforme - les unes conduites par voie réglementaire, les autres par voie législative - mais on n'a pas l'impression que le Gouvernement sache réellement où il veut aller.

L es dernières modifications, notamment celles qui relèvent de la loi, se font le plus souvent à l'occasion de

« lois balais », comme celle sur la cohésion sociale, ou au détour d'un amendement à la loi de finances, comme on l'a encore vu dans la loi de finances pour 2001. Mais la méthode adoptée, celle d'une approche morcelée, ne permet pas de rebâtir le dispositif d'apprentissage sur des bases rationnelles et cohérentes, qui mettraient enfin les textes en harmonie avec les discours : tout le monde, en effet, reconnaît que l'espace régional est l'espace de cohérence et doit à ce titre disposer de l'initiative et des moyens nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du système.

Quant aux objectifs, voulons-nous faire de l'apprentissage une voie de formation qualifiante à part entière ? Le vrai problème est là : voulons-nous qu'il soit un outil à la


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disposition des régions, lesquelles ont à assurer la cohérence d'ensemble des formations qualifiantes au sein de l'espace régional ? L'essentiel du financement relève des régions et des entreprises, l'Etat n'intervenant qu'à hauteur de 40 %. Dans ce cas, il faut lever les ambiguïtés, réaffirmer le devoir de cohérence.

Pour ce faire, il faut que l'apprentissage soit reconnu comme une voie de qualification au service des jeunes, de tous les jeunes, et des entreprises, de toutes les entreprises. L'apprentissage doit aussi être une voie de qualification qui s'ouvre aux niveaux 3 et 4, et pas seulement au niveau 5, comme vous l'envisagez.

M. Jean Ueberschlag.

Très juste !

M. Germain Gengenwin.

Comme Jacques Barrot l'a excellemment rappelé, ainsi que M. Le Garrec, président de la commission, le Gouvernement a déjà supprimé l'année dernière la prime pour les apprentissages au-delà du niveau 5. Cette année, il en remet une couche, puisqu'il n'hésite pas à opérer un nouveau recentrage de l'aide à l'embauche aux seuls employeurs de moins de dix salariés. Si l'on voulait donner une mauvaise image de l'apprentissage, on ne s'y prendrait pas autrement. Tout cela est néfaste pour la filière.

Le problème est le même pour le contrat de qualification, au sujet duquel j'ai présenté un amendement des uppression de l'article 57. Je suis persuadé que M. Le Garrec appuiera cet amendement, puisqu'il a critiqué cette mesure. J'aurai l'occasion d'y revenir plus longuement.

Coup sur coup, par ces deux mesures, le Gouvernement fragilise l'apprentissage et déroute les entreprises, il persiste et signe dans le choix idéologique d'un apprentissage a minima

La tentation de beaucoup d'organismes de formation, qui vont de l'université aux écoles d'infirmières, en passant par les écoles de commerce les plus prestigieuses ou les écoles d'éducateurs spécialisés, est de recourir à l'apprentissage pour des raisons avant tout financières, alors que la logique qui fonde l'apprentissage est souvent malmenée.

La transformation de ces écoles ou la création en leur sein d'unités d'apprentissage demande réflexion.

Je prendrai un seul exemple, celui de la création de CFA rattachés à des écoles d'aide-éducateurs sur la base d'une convention élaborée au sein de la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale. Ainsi on veut faire financer la formation des aides-éducateurs par les régions, sans que ces organismes participent effectivement puisqu'ils ne versent pas la taxe d'apprentissage. J'espère, madame la secrétaire d'Etat, que vous pourrez nous rassurer sur ce point.

Si l'on veut rester dans la logique de l'apprentissage, p lusieurs difficultés et interrogations se posent. Ne serait-il pas normal que les employeurs de ces jeunes compétences versent également la taxe d'apprentissage ? Je vous indique, madame la secrétaire d'Etat, que de telles initiatives, prises en dehors de tout contact avec les régions, ne contribuent pas à la lisibilité de l'apprentissage, ni à sa promotion.

Le passage aux 35 heures s'impose déjà aux CFA. Je ne parle pas des 35 heures dans le milieu du travail - ma collègue Marie-Thérèse Boisseau le fera tout à l'heure -, mais je tiens à citer le décret qu'a pris votre collègue, M. Mélenchon, pour abaisser le temps de travail des formateurs dans les lycées professionnels de vingt-trois heures à dix-huit heures. Madame la secrétaire d'Etat, il faut aussi que les régions suivent, puisqu'elles doivent payer cinq heures supplémentaires à ce personnel. Pour ma région, l'Alsace, cette mesure a un coût de 4 millions de francs.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cela fait 4 millions de plus !

M. Germain Gengenwin.

Il s'agit d'un transfert inadmissible, qui permet au ministre de faire un grand coup, sans que l'on en mesure toutes les conséquences.

Cette mesure renchérit considérablement le coût de l'apprentissage public et sera, de fait, fortement concurrencée par les CFA « dits privés ».

Il est évident que les régions attendent une compensation financière de la part de l'Etat. A ce titre, un recours est engagé auprès du ministre de l'éducation nationale.

Le passage aux 35 heures complique considérablement la vie des CFA, qui devront dorénavant accueillir des apprentis bénéficiant déjà des 35 heures et d'autres qui sont encore aux 39 heures. Voilà encore un autre dilemme.

De surcroît, vous supprimez la prime à l'embauche, alors que des entreprises devront payer des heures supplémentaires aux apprentis qui feront 39 heures.

A moins que le passage aux 35 heures ne s'accompagne d'une refonte des référentiels de formation et de la durée des formations. Pouvez-vous me préciser si tel sera le cas, madame la secrétaire d'Etat ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ça c'est une vraie question !

M. Germain Gengenwin.

Il est regrettable que ce problème ne soit toujours pas traité en priorité alors qu'il est urgent de clarifier la situation.

Qu'en est-il de l'indemnisation due aux régions au titre des coordonateurs de zone emploi-formation ? La région Alsace a engagé un recours contre l'Etat pour que soient respectées les dispositions prévues par la loi quinquennale.

Des négociations sont en cours, mais n'ont toujours pas abouti. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous apporter des précisions sur ce dossier ? L'ensemble des régions y attache la plus grande importance ! Par ailleurs, vous savez que la loi quinquennale oblige de dresser au bout de cinq ans un bilan sur les OPCA.

Ce bilan a-t-il été établi ? Si oui, pouvons-nous en prendre connaissance ? S'agissant des interventions publiques, les crédits consacrés aux engagements de développement et aux contrats d'études prospectives de l'Etat diminuent de 51 millions de francs. Je le regrette, car les engagements de développement, qui sont des contrats passés entre la région, l'Etat et l'entreprise pour permettre la promotion du personnel d'une entreprise ou d'une filière, représentent une incitation efficace à la formation.

Enfin, je m'inscris en faux contre l'analyse du rapporteur pour avis, qui voit dans la baisse de 100 millions de francs du budget de la formation professionnelle une stabilité des crédits, alors que j'y vois, au contraire, un manque de volonté manifeste de donner à la formation professionnelle des moyens significatifs.

S'agissant du budget du travail et de l'emploi pour 2001, j'estime que la diminution du nombre des demandeurs d'emploi aurait dû se traduire, non par une diminution de 2 % des crédits, mais par un redéploiement des moyens ainsi libérés en direction des publics les plus en difficulté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

De l'avis unanime de tous ceux qui siègent dans cet hémicycle, la baisse de plus 2,5 milliards des crédits destinés aux contrats emploi-solidarité est trop importante, alors que ce dispositif a déjà permis de créer de nombreux emplois. Je ne m'étends pas sur ce sujet qui a déjà été évoqué par François Goulard et d'autres intervenants.

Quant à la ligne budgétaire affectée aux emploisjeunes, elle augmente sensiblement, alors que le devenir de ces emplois est plus qu'incertain et que la croissance a permis une relance de l'emploi chez les jeunes. En dépit de cette situation, vous maintenez en l'état un dispositif au coût budgétaire de 22 milliards, alors même que le dispositif de pérennisation, maintes fois annoncé, n'est toujours pas prêt ; nous l'attendons toujours. Il n'échappe en effet à personne que le Gouvernement peine à trouver des solutions.

Dans ce contexte, les inquiétudes sont grandes, non seulement parce que l'effort de formation a été largement sous-estimé, mais aussi parce que la question de la solvabilisation n'est toujours pas traitée - Mme Guigou a évoqué tout à l'heure ce problème.

Il est inadmissible que, à notre époque, le ministère ait minoré la question de la formation et limité l'investissement nécessaire, et ce au détriment des jeunes.

Mme la présidente.

Pourriez-vous conclure, monsieur Gengenwin ?

M. Germain Gengenwin.

Je conclus, madame la présidente. Que deviendront les jeunes à l'issue de leur contrat ? Comment les postes créés seront-ils pérennisés ? Par votre silence, madame la secrétaire d'Etat, vous alimentez l'inquiétude et l'exaspération des jeunes ; il est temps de leur répondre.

Pour conclure, deux questions. Dernièrement Mme Guigou a reçu un rapport sur la formation professionnelle continue, qui, au-delà des paradoxes qu'il contient, porte en filigrane le renforcement des OPCA, c'est-à-dire une recentralisation des moyens financiers. Le temps ne me permet pas de développer cette question, mais sachez seulement qu'un tel choix serait néfaste pour les PME-PMI et pour la formation professionnelle. Quel est votre avis, madame la secrétaire d'Etat ? Cela dit, il serait temps que les 51,4 % de chefs d'entreprise petite ou moyenne qui versent la contribution minimale à laquelle ils sont tenus sachent qui gère c es sommes et quelles sont les filières qu'elles empruntent. Qu'en pensez-vous, madame la secrétaire d'Etat ? Enfin, le Gouvernement a reçu au printemps dernier un rapport du service central de la prévention de la corruption sur la formation professionnelle, service créé par le gouvernement Bérégovoy et composé de cadres compétents. Et comme ce service est rattaché au ministère de la justice, peut-être que Mme Guigou a pu en prendre connaissance avant de quitter la Chancellerie. Ce rapport est très sévère et parle de corruption, de contrats déguisés, d'enrichissement personnel et de patrimoine immobilier.

M. Jean Ueberschlag.

Il a dû être rédigé par Montebourg !

M. Germain Gengenwin.

Quel usage le Gouvernement compte-t-il faire de ce rapport et quelles sont les conclusions qu'il en tire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Excellente question !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, une figure imposée de la disc ussion budgétaire veut que l'opposition s'empare i mmédiatement de chaque budget en baisse pour condamner ce recul. Face à un budget du travail et de l'emploi en diminution de 1,9 % à structure constante, nous disons non seulement que cette baisse est normale mais aussi qu'elle est très largement insuffisante si l'on veut bien considérer la bonne santé du marché de l'emploi dans l'ensemble des pays industrialisés.

En effet, alors que la croissance nous permet un rythme de créations d'emplois très élevé, jamais la collectivité nationale n'a été aussi sollicitée au titre de l'emploi.

Comme l'a rappelé excellemment François Goulard à l'instant, il ne faut pas oublier que les coûteuses 35 heures sont financées par l'intermédiaire du FOREC, lequel est doté de 85 milliards provenant de six impôts différents : taxes sur les tabacs, sur les alcools, sur les activités polluantes, sur les conventions d'assurance, sur les véhicules de société et ponction sur les bénéfices des entreprises.

Et encore n'avons-nous rien vu, puisque le dispositif de compensation partielle du surcoût des 35 heures passera de 67 milliards, cette année, à 105 milliards en régime de croisière ! Cela explique certainement que notre pays ne profite pas comme il le devrait de la conjoncture favorable,...

M. François Goulard.

Oui, on a tendance à l'oublier !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... avec un taux de chômage qui dépasse de deux points la moyenne européenne...

M. François Goulard.

Eh oui, Mme Guigou a oublié !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... alors que pourtant notre taux d'emploi n'est que de 60,4 % contre 62,2 % dans le reste de l'Europe.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

La Commission de Bruxelles a noté que de graves problèmes structurels demeuraient dans notre pays. Elle dénonce la pression fiscale confiscatoire sur le travail, le poids trop lourd de l'administration et la panne de la formation continue - Jean Ueberschlag y reviendra tout à l'heure -, pointe les ratés des actions en faveur des chômeurs de longue durée et doute, comme nous, de l'avenir des emploisjeunes.

Ce budget ne s'attaque, en fait, à aucune des réformes indispensables.

Pour ce qui concerne le fonctionnement du ministère lui-même, j'avais, l'an dernier, après Jacques Barrot, interpellé Mme Aubry à propos du rapport de la Cour des comptes qui estimait qu'il s'agissait d'un ministère mal géré,...

M. François Goulard.

Eh oui ! C'est le cabinet le plus pléthorique qu'on ait vu !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... et notait que les marges de gestion y étaient pourtant non négligeables.

Nous avions regretté la création de 130 emplois dans le budget de 2000. Or vous ne tenez aucun compte des mises en garde de la Cour des comptes et procédez à nouveau à la création de 135 emplois. Mais après tout, cela ne serait que faute vénielle par rapport à d'autres


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

errements qui plombent structurellement l'action du Gouvernement en matière d'emploi et qui pourraient nous handicaper gravement si la conjoncture se retournait.

Outre les coûts liés à la réduction du temps de travail, celle-ci va poser aux petites entreprises des problèmes d'organisation insolubles. Certains ont découvert, y compris au sein du Gouvernement, avec deux ans de retard ce que nous n'avions cessé de vous répéter depuis l'examen de la première loi sur la réduction du temps de travail. Et si, pour l'instant, le dispositif a pu s'appliquer presque sans casse aux grandes entreprises ou aux PME disposant de marges de manoeuvre financière ou de gains de productivité, il n'en ira plus de même dans quelques mois quand il devra s'appliquer aux plus faibles, aux plus menacées par la concurrence internationale. Je pense, par exemple, aux industries de l'habillement, du textile et de la chaussure dans mon département.

Les quelques informations qui peuvent filtrer sur les p rétendues mesures d'adaptation que vous comptez mettre en oeuvre n'apparaissent absolument pas à la hauteur des difficultés qui attendent ces entreprises et leurs salariés. Vous ne pourrez résoudre ces difficultés en attendant passivement que telle ou telle profession vienne manifester devant Matignon ou prenne en otages les citoyens, pour ensuite céder sous la pression de la rue.

Selon le quotidien Libération de ce matin, M. Jospin vous aurait en effet donné comme consigne d'attendre que les revendications montent pour ensuite réagir. Nous vous mettons solennellement en garde contre une telle attitude démagogique et irresponsable qui ne peut que laisser accroire l'idée que le pouvoir se trouve dans la rue.

Nous ne saurions, non plus, ignorer les voix qui s'élèvent pour constater le durcissement des conditions de travail liées à la réduction autoritaire du temps de travail.

Le stress et le harcèlement moral deviennent un phénomène qui prend une ampleur telle que j'ai souhaité que notre assemblée s'en saisisse, au-delà des clivages partisans, pour favoriser une prise de conscience, lancer des opérations de prévention et proposer des solutions législatives.

Non seulement la réduction autoritaire du temps de travail sème le trouble jusque dans vos rangs, mais une autre mesure-phare de votre politique, les emplois-jeunes, commence à susciter de sérieuses interrogations. Aujourd'hui, c'est tout le dispositif des emplois aidés qu'il convient de remettre à plat.

Nous partageons les interrogations et les critiques de nos deux rapporteurs et du président de la commission des affaires sociales à propos de la baisse des crédits affectés aux CES, de sorte que les entrées tomberont de 358 300 à 260 000.

Dans ces conditions, est-il raisonnable de continuer une politique d'emplois-jeunes aussi coûteuse, puisqu'elle revient à 98 043 francs par poste et par an, auxquels s'ajoutent les crédits d'ingénierie et l'appoint des collectivités locales ? Nous avions, quand la mesure fut instaurée, insisté sur les effets pervers que ne manquerait pas de susciter un dispositif qui ne retenait que l'âge comme seul critère d'accès et ne tenait aucun compte de la situation économique et sociale. Nous avions aussi alerté Mme Aubry sur l'absence de parcours de formation ou de qualification et surtout sur l'absence de perspectives solides de pérennisation. Là aussi, force est de constater que nos inquiétudes sont confirmées, comme l'indique l'excellent rapport du sénateur Alain Gournac.

Alors que les experts de l'INSEE notent que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée risque de pénaliser la croissance française, comment accepter de voir de jeunes diplômés en informatique réduits à classer des documents dans le cadre de CDI, avec l'espoir vain d'intégrer l'éducation nationale ? C'est l'ensemble du système emploisjeunes, CES, CEC, CIE - qui doit être réorienté vers les salariés non qualifiés et les chômeurs de longue durée en appliquant le principe de fongibilité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Dans ces conditions, il est absurde de limiter l'aide de l'Etat pour la formation en alternance aux entreprises de moins de dix salariés ; une telle mesure, qui fait suite au décret abrogeant les aides pour les contrats de qualification, sera particulièrement pénalisante pour les publics de jeunes sans qualification.

Parmi ces publics en difficulté, une attention toute particulière doit être portée aux travailleurs handicapés. A cet égard, les annonces du Premier ministre devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées étaient intéressantes, mais les professionnels et les associations n'en voient guère l'impact sur le terrain.

Le secteur des entreprises adaptées appelées autrefois ateliers protégés - s'est réjoui de l'annonce d'un crédit supplémentaire de 100 millions de francs. Toutefois, cette aide étant répartie sur trois ans, elle n'est à la mesure ni des besoins de ces entreprises, ni de leurs salariés dont le salaire reste fixé à 90 % du SMIC. A une époque où le débat fait rage sur la nécessité d'un « coup de pouce sala-r ial », ces travailleurs doivent bénéficier du droit commun. Cependant, cette mise à niveau de la garantie de ressources ne saurait vous faire éluder une réforme en profondeur du cadre législatif et réglementaire des entreprises adaptées.

Madame la secrétaire d'Etat, au-delà de la vision comptable, nous constatons que votre budget ne prend pas en compte les graves carences du système : mauvaise gestion du ministère ; réduction autoritaire du temps de travail inapplicable en l'état à la majorité des entreprises françaises ; incohérence du secteur des emplois aidés ; dispositifs trop peu dédiés aux publics les plus en difficulté, tout spécialement les handicapés.

C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République, tout comme l'ensemble de l'opposition, ne votera pas ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Lindeperg.

M. Gérard Lindeperg.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le rapporteur Patrick Malavieille a donné les raisons principales qui justifient le vote positif que nous émettons sur le budget de la formation professionnelle. Je les partage et je ne veux pas les détailler à mon tour car elles se résument en une phrase : la baisse du chômage n'a pas conduit à une baisse du budget global, et les publics en difficulté demeurent une priorité gouvernementale. C'est vrai du programme TRACE qui progresse de + 8 %, des emplois-jeunes dont les crédits croissent de 3 %, ainsi que de l'AFPA et de l'ANPE qui voient leur budget respectif augmenter.


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Toutefois, ce budget appelle des explications. Aussi, madame la secrétaire d'Etat, j'ai plusieurs questions à vous poser. Mais, avant d'aborder quelques points particuliers, permettez-moi de présenter une remarque générale.

Je voudrais d'abord souligner le décalage qui existe entre l'importance du travail que vous avez accompli avec votre cabinet et des experts et la modestie des avancées concrètes du dossier de la formation professionnelle.

Le Livre blanc, établi en mars 1999, a bien défini les enjeux et, par la suite, différents rapports ont apporté d'utiles compléments, tandis que des groupes d'études travaillaient en relation avec votre cabinet ; et on ne peut que se féliciter de la qualité du travail accompli.

Mais force est de constater que la traduction législative de ce travail est demeurée à ce jour au point mort et que le Parlement a bien peu de grain à moudre sur un dossier qui pourtant appelle des réponses urgentes.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

M. Gérard Lindeperg.

A plusieurs reprises, le Premier ministre a souligné toute l'attention qu'il porte à une formation dispensée tout au long de la vie. Pourtant, à ce jour, aucun calendrier n'est arrêté, et on ne peut que regretter que l'examen de la loi de modernisation sociale ait été reporté plus de six mois.

Certes, les expérimentations que vous avez engagées avec les régions ou les branches professionnelles ne manquent pas d'intérêt, mais elles apparaissent davantage comme des mesures d'attente que comme une réponse cohérente aux problèmes posés.

A l'évidence, nous sommes entrés dans un nouveau cycle économique et social dans lequel la question du développement de la formation professionnelle doit être posée en d'autres termes.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Très juste !

M. Gérard Lindeperg.

La tertiarisation de l'économie requiert de plus en plus de compétences transversales et impose une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée.

Les entreprises qui consacrent une part importante de leurs investissements à la formation apportent la preuve qu'il y a bien un lien entre formation du personnel et performance de l'entreprise.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Tout à fait.

M. Gérard Lindeperg.

Le nouveau contexte socioproductif, cela a été dit tout à l'heure à propos de l'emploi, favorise trop les préretraites, au détriment des mesures de requalification de la main-d'oeuvre.

Cela dit, il serait injuste de faire reposer les dysfonctionnements et insuffisances de notre système de formation professionnelle sur le seul Gouvernement. Depuis la décentralisation, les conseils régionaux sont des acteurs à part entière et, depuis 1970, un rôle majeur est joué par les partenaires sociaux. Je pense, pour ma part, que le dialogue social doit précéder la loi. Encore faut-il que le dialogue soit effectif et constructif.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Gérard Lindeperg.

On nous annonce l'ouverture de ce dialogue pour le mois prochain, acceptons-en l'augure.

La réduction du temps de travail peut constituer une bonne opportunité, à condition que chacun joue le jeu et que la formation professionnelle ne soit pas un prétexte pour revenir sur des acquis essentiels.

C'est pourquoi j'ai fait voter un amendement à la deuxième loi sur les 35 heures, amendement qui permet de distinguer ce qui relève de la responsabilité de l'employeur à travers l'obligation d'assumer les formations d'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois, formations qui doivent être prises sur le temps de travail, et ce qui relève de la négociation sociale pour les formations liées au développement des compétences, formations qui peuvent en partie être réalisées hors du temps effectif de travail. Dans ce cas, elles ne peuvent se faire qu'à l'initiative du salarié ou avec son accord écrit.

La réduction du temps de travail peut constituer un levier efficace pour développer les compétences des salariés, assurer une meilleure gestion prévisionnelle du personnel et favoriser la construction de parcours personnalisés.

Mais je voudrais revenir de façon plus précise au budget qui nous est proposé.

Les deux grandes lignes qui regroupent les crédits de la dotation de décentralisation et le financement des primes et exonérations attachées aux formations en alternance mobilisent 64 % des crédits du budget.

Si, globalement, le budget reste constant, à 0,2 % près, malgré une forte baisse du chômage, je voudrais m'intéresser à quelques postes.

Premièrement, l'apprentissage. Ne croyez-vous pas que la cohorte de 230 000 entrées dans le dispositif pour 2001 est un peu sous-évaluée, tout comme, par voie de conséquence, les crédits d'accompagnement des contrats d'apprentissage ? D euxièmement, la formation des emplois-jeunes.

Depuis 1997, les employeurs ont la responsabilité de mettre en oeuvre les actions de formation visant à favori-s er la professionnalisation des jeunes recrues. Les communes, les conseils généraux assument parfois cette responsabilité. Par ailleurs, les conseils régionaux ont vocation à agir, dans le cadre de leurs compétences, et les ministères concernés mettent également en place des disp ositifs spécifiques. Bref, beaucoup d'acteurs interviennent. Il serait sans doute souhaitable de dresser un bilan précis afin qu'une professionnalisation digne de ce nom permette de sortir du dispositif par le haut.

Troisièmement, la lutte contre l'illettrisme. La création d'une Agence nationale de lutte contre l'illettrisme constitue une avancée. Je souhaite que Mme Marie-Thérèse Geoffroy réussisse à faire reculer ce fléau par la mobilisation et la coordination des acteurs, notamment les branches professionnelles et les entreprises.

Quatrièmement, les technologies de l'information et de la communication. C'est un point extrêmement important. On a parlé de fracture sociale, de fracture territoriale pour des territoires en déshérence. A ces fractures, il ne faut pas ajouter ce qu'on pourrait appeler la fracture numérique. Un dispositif volontariste doit être mis en place. Je sais que le Gouvernement étudie la question, et je souhaite que les initiatives du ministère de l'emploi et de la solidarité, dans le cadre du programme d'action gouvernementale pour la société de l'information, permettent d'atteindre les objectifs fixés.

C inquièmement, les centres interinstitutionnels de bilans de compétences. Il y a un an, je m'étais inquiété, à cette tribune, de la disparition de la ligne qui leur était affectée et qui avait été, vous vous en souvenez, transférée à l'ANPE. Un bilan a-t-il été établi après cette première année de fonctionnement et les objectifs recherchés ontils été atteints ?


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Sixièmement, les organisations syndicales. Tout comme la démocratie politique, la démocratie sociale a un coût et elle mérite sans doute mieux que les 73 millions qui se glissent de façon un peu subreptice dans le budget de la formation professionnelle et dans la gestion du 0,4 % des formations en alternance. Une subvention globale serait préférable, fondée sur des critères transparents, chaque organisation syndicale étant libre d'organiser la formation de ses adhérents comme elle l'entend.

Je reviendrai tout à l'heure, à l'occasion des questions, sur le contrat de qualification et la politique contractuelle initiée par l'Etat.

Septièmement, la ligne consacrée à l'allocation formation-reclassement diminue presque de moitié. L'AFR serait-elle condamnée à disparaître et à quelle échéance ? Huitièmement, le rapprochement entre l'AFPA et l'ANPE, dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi est une bonne chose, sur ce point je rejoins les orateurs précédents. Le budget de fonctionnement de l'AFPA bénéficie d'une augmentation de 4,5 % qui devrait permettre d'assurer les actions d'orientation professionnelle des demandeurs d'emploi. La modernisation de l'AFPA est sur la bonne voie et les efforts entrepris par la direction et les salariés doivent être soulignés et je me joins aux appréciations positives qui ont été portées tout à l'heure par le rapporteur spécial Jacques Barrot.

Je voudrais terminer en insistant sur le changement de nature des besoins et donc des demandes en matière de formation professionnelle. Or, force est de constater que ce projet de budget est globalement immobile en cette matière. Pourtant, du fait de la croissance, l'écart entre les besoins des entreprises et la sous-qualification des demandeurs s'est agrandi. Le risque est grand de voir se durcir un noyau important de chômeurs si des dispositifs mieux adaptés ne changent pas la nature de l'offre de formation.

M. Bernard Outin.

Exactement !

M. Gérard Lindeperg.

La réponse à ces difficultés ne peut être que partenariale et territoriale. Partenariale, car il est indispensable que l'Etat, la région, les partenaires sociaux articulent mieux leurs actions en direction de ces publics. Territoriale, et je rejoins les remarques qu'a faites notre collègue Bapt tout à l'heure, car c'est au niveau du bassin d'emploi, par une plus grande proximité, que les partenaires peuvent dégager des solutions adaptées.

Malheureusement, le dialogue entre partenaires n'est pas structuré au niveau régional, comme il l'est au niveau national avec le comité de coordination. Je proposerai un amendement, dans le cadre du débat sur la loi de modernisation sociale, afin de remplacer le comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, par une structure plus adaptée.

Quant au territoire, chaque administration, chaque acteur a tendance à délimiter sa propre aire d'action sans se soucier des autres, même lorsqu'il s'agit de l'Etat. Il faut donc progressivement unifier l'action territoriale autour des espaces de projet prévus par la loi sur l'aménagement du territoire. Si l'on veut remettre tout le monde au travail, il faut un dispositif pour les adultes mieux coordonné, à l'instar du dispositif TRACE, qui s'adresserait de façon plus structurée aux adultes les plus éloignés de l'emploi.

Pout la troisième année consécutive, les dépenses globales de formation sont en hausse. Elles frôlent les 143 milliards en 1998. Je rappelle à M. Gengenwin qui, tout à l'heure, se faisait procureur, qu'en 1994 et en 1995, alors que l'opposition actuelle était aux affaires, les dépenses de formation professionnelle du pays avaient baissé.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Le chômage était pourtant plus élevé !

M. Gérard Lindeperg.

Depuis 1996 et 1997, elles ont augmenté.

M. Jean Ueberschlag.

Mais comment pouvez-vous dire cela ?

M. Bernard Outin.

C'est écrit dans les livres d'histoire !

M. Gérard Lindeperg.

Je vous renvoie au dernier numéro de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques !

M. Jean Ueberschlag.

Vous manipulez les statistiques et même les chiffres du financement !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, seul M. Lindeperg a la parole.

M. Gérard Lindeperg.

Je vous répète que ce sont les chiffres qui sont publiés par la DARES. Ils indiquent les dépenses totales de formation professionnelle dans ce pays, en cumulant d'ailleurs le budget de l'Etat, le budget des régions et la dépense des entreprises.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il y a le budget et ce que l'on fait de ce budget !

M. Gérard Lindeperg.

La part de la formation dans le produit intérieur brut, qui était de 1,89 %, est passée à 1,67 % en 1998, selon les dernières statistiques.

Je ne pense pas que l'on dépense trop aujourd'hui pour la formation professionnelle. Au contraire, je considère qu'un plus grand effort quantitatif est nécessaire, compte tenu de l'enrichissement du pays et surtout qu'une nouvelle orientation qualitative doit être donnée pour mieux adapter la formation à des besoins qui, je l'ai indiqué tout à l'heure, ont profondément changé.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

C'est surtout ça !

M. Gérard Lindeperg.

J'ajoute que, si les dépenses de formation augmentent de 3,7 %, les frais de rémunération baissent de 0,7 %.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Exact !

M. Gérard Lindeperg.

Autrement dit, il y a bien un problème des rémunérations, si l'on veut éviter des fuites de stage avant toute validation. Il faut revoir cette question.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Exact !

M. Gérard Lindeperg.

Pour conclure d'un mot, je veux dire que l'enjeu de la formation professionnelle concerne à la fois la performance de notre économie et la cohésion sociale. Le fait aujourd'hui de ne pas être porteur d'une qualification ayant une valeur d'usage et d'échange sur le marché du travail est un risque majeur. Il est urgent que nous nous donnions l'ambition politique de couvrir ce risque en faisant de la formation professionnelle une des garanties sociales offertes à l'ensemble des actifs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial, et M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'heure où le concept de formation professionnelle semble bénéficier


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d'une écoute significative, le projet de budget pour 2001 de la formation professionnelle se propose de baisser de 1 milliard de francs la dotation allouée à l'allocation formation-reclassement. Celle-ci ne s'élèvera donc plus qu'à 1,5 milliard de francs.

Autre fait à relever, qui est loin d'être anodin, la suppression de cette allocation est programmée dans la prochaine convention UNEDIC, portée par le MEDEF, dont la signature est toujours en suspens.

Il semble que prédomine encore une logique à court terme, considérant la formation comme un coût et non comme un investissement sur l'avenir, alors qu'elle peut contribuer à lutter davantage contre les inégalités et les exclusions.

Dans le même temps, se profilent pour le mois de décembre des négociations patronat-syndicats sur la formation professionnelle. N'oublions pas qu'avec la prochaine convention UNEDIC, le MEDEF veut en finir avec la liberté de choix et obliger les chômeurs à accepter des emplois sous-payés et pouvant ne pas correspondre à la qualification, à la formation ou à la situation antérieure des intéressés.

Qu'est-ce que la formation professionnelle vue par le

MEDEF ? N'espère-t-il pas bloquer tout développement d'une formation professionnelle reposant sur un système de financement à caractère public et contrôlable par la puissance publique ? N'espère-t-il pas supprimer les AFR, mettre en place des structures de formation et de financement à la carte, gérées directement et uniquement par les entreprises ? A nos yeux, les négociations sur l'UNEDIC confirment un double besoin. D'une part, l'amélioration radicale de l'indemnisation des chômeurs, dont 60 % sont exclus aujourd'hui, d'autre part, le renforcement des mesures actives favorisant réellement le retour et l'insertion dans d es emplois stables et correctement rémunérés, en s'appuyant sur une démarche de formation choisie et de qualité.

Il est, en effet, crucial de réfléchir à des mesures qui reposent sur l'incitation, la promotion et non sur l'obligation et la sanction. Une chose est de construire le retour à l'emploi via la formation pour les privés d'emplois, une autre, complémentaire et indissociable de la première, est de construire pour ces derniers, comme pour les salariés en activité, un nouveau droit aussi fondamental que le droit à la santé, au logement, à l'éducation : le droit à la formation tout au long de la vie, une formation qualifiante, reconnue car sanctionnée par un diplôme, et assurant la promotion sociale.

Aujourd'hui, nous assistons à des aberrations inacceptables comme les pénuries graves de main-d'oeuvre dans certains secteurs, en particulier dans le bâtiment.

Contrairement aux dispositifs en place aujourd'hui, construire, concevoir la formation professionnelle tout au long de la vie présente l'avantage de pouvoir travailler dans l'anticipation. Ce concept est une des bonnes réponses aux adaptations du marché du travail. La dern ière enquête trimestrielle de l'INSEE montre que l'économie souffre d'un problème d'offre davantage que de demande. Quatre entreprises sur dix déclarent avoir des difficultés pour répondre à la demande. Ce goulet d'étranglement pourrait être de nature à freiner la croissance ! Voilà cinq ans que les communistes se sont engagés pour promouvoir le droit à la formation tout au long de la vie, projet ambitieux pour un nouveau type de plein emploi pour les salariés.

Investir dans la formation professionnelle, c'est développer le rôle fédérateur de l'Etat quant à la défense de l'intérêt général, c'est préparer l'avenir, la sécurité du plein emploi, les métiers de demain, pour permettre à l'entreprise et aux salariés d'anticiper les prochaines évolutions technologiques et économiques.

Avant de conclure, je voudrais revenir sur quelques points qui méritent particulièrement attention.

Concernant l'apprentissage, nous notons le financement de 10 000 contrats d'apprentissage. Un objectif nettement plus ambitieux nous paraît nécessaire. Au-delà des aspects strictement financiers, il reste urgent d'élaborer, comme nous le demandons depuis longtemps, un statut des apprentis améliorant leurs droits dans l'entreprise ainsi que ceux en matière d'hébergement et de santé.

Concernant les crédits à la formation syndicale, ils demeurent stables, à hauteur de 73 millions de francs, alors que nous rentrons dans la phase active d'application de la réduction du temps de travail. Cette loi donne la possibilité à des mandataires des salariés de négocier la réduction du temps de travail dans le cas où il n'existe pas de syndicat dans l'entreprise. Il devient nécessaire, pour la qualité et l'efficacité de la négociation, de donner l es moyens supplémentaires aux salariés afin qu'ils puissent exercer pleinement leur mandat.

Autres questions : comptez-vous, madame la secrétaire d'Etat, revaloriser la rémunération des stagiaires AFPA ? A quand la réforme de tous les dispositifs de formation professionnelle ? Ces questions appellent des réponses de votre part, madame la secrétaire d'Etat, et donc d'autres mesures du ministère du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à un problème de taille, celui des 35 heures.

Les dirigeants d'un pays se doivent d'être à l'écoute et au service de la société. C'est dans cet esprit que le groupe UDF avait proposé et voté la loi dite « de Robien », pensant que la réduction du temps de travail, dans la mesure où elle n'était pas imposée, pouvait créer des emplois. Nous étions en 1996, le chômage dépassait allègrement les 3 millions et la croissance ne créait que 40 000 emplois environ par an. Alors, la réduction du temps de travail en vue du partage du travail était une réponse... parmi d'autres, une réponse non négligeable.

Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte totalement différent. Ce ne sont plus les chômeurs qui cherchent un emploi, mais les entreprises qui sont fortement demandeuses de main-d'oeuvre, qualifiée ou non, dans de très nombreux secteurs d'activité, contrairement à ce qu'affirme le ministère de l'emploi.

La réduction du temps de travail reste, bien sûr, d'actualité, car le travail n'est pas un but en soi. Et elle sera toujours d'actualité dans la mesure où elle se fait de manière souple, différenciée, respectueuse des hommes et des entreprises. Mais les fourches caudines des lois Aubry sur les 35 heures sont en totale inadéquation avec les aspirations et les besoins de la société française de ce début de

XXIe siècle.

M. Bernard Outin.

Et cela recommence !


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Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Les effets pervers déjà dénoncés à maintes reprises ne font que se confirmer et s'amplifier. Oui, les lois Aubry coûtent cher au budget de l'Etat.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mais il coûte cher aussi aux salariés et aux entreprises.

Pour les salariés d'abord. Ils ne connaissent plus leur planning aussi longtemps à l'avance, ne sont plus payés en heures supplémentaires, déjeunent à des heures moins régulières. Le rythme familial, les courses, les gardes d'enfants sont très perturbés. Un de vos amis, messieurs, me disait encore récemment dans une réunion locale :

« C'est dramatique, car le matin il n'y a pas de mère quand les enfants doivent théoriquement se lever pour aller à l'école. »

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Il vaut mieux être au chômage pour s'en occuper ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Les mères sont déjà au travail et les enfants ne se lèvent plus pour aller à l'école.

Et le soir, dans la mesure où les rythmes de travail sont très irréguliers, il n'y a plus de mamans non plus pour accueillir les enfants à la sortie de l'école, et ceux-ci passent la soirée dans la rue. C'est un détail, me direzvous, mais un détail non négligeable.

Et surtout, le blocage des salaires, cumulé avec l'augmentation du prix de l'essence, a entraîné une diminution nette du pouvoir d'achat à un moment où, à juste titre, les salariés voudraient bénéficier des fruits d'une croissance retrouvée.

Un exemple concret, parmi des centaines : lors de la réunion du comité d'entreprise d'un établissement du secteur agroalimentaire, la semaine dernière, dans le secteur agroalimentaire, 80 % des salariés se sont prononcés contre l'application des 35 heures dans leur entreprise.

Les 35 heures arrivent aussi au plus mauvais moment pour les entreprises qui souffrent d'une grave pénurie de main-d'oeuvre : 50 % des entreprises disent éprouver des difficultés de recrutement et environ 1 million de postes ne sont pas pourvus.

De ce fait, des secteurs entiers de notre activité sont handicapés et se débrouillent comme ils peuvent. Certaines entreprises travaillent de plus en plus au noir.

M. Germain Gengenwin.

Hélas !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

D'autres, déjà passées aux 35 heures, débauchent les ouvriers qualifiés des petites entreprises qui restent encore aux 39 heures, amplifiant ainsi les effets de seuil déjà annoncés.

Dans ma région, la Bretagne, Citroën a de sérieuses difficultés pour trouver les 2 000 opérateurs monteurs dont l'établissement a besoin, et les agriculteurs sont en panne de bras pour ramasser les pommes. Ce sont des faits concrets.

De plus en plus de secteurs d'activité font appel, dans l'urgence, à la main-d'oeuvre étrangère. Une laiterie finistérienne recrute des Philippins, la réparation navale tente de faire venir des soudeurs polonais, les patrons pêcheurs embauchent des Portugais pour éviter que les bateaux ne restent à quai, faute d'un équipage au complet, etc.

L'incapacité des entreprises à produire davantage et donc à répondre à la demande qui leur est adressée est corroborée par le boom des importations et explique pourquoi la croissance est plafonnée à 3 % dans notre pays. Elle entraîne, bien sûr, une baisse des investissements et explique en partie la faiblesse notoire de la création d'entreprises.

Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que notre système n'a pas bonne presse à l'étranger : 65 % des entreprises é trangères interrogées ne voudraient pas s'installer en France et 44 % des entreprises étrangères déjà installées sont prêtes à partir. Cet état d'esprit est pour le moins regrettable et ne facilite pas la nécessaire construction européenne.

Le tableau que je viens de brosser n'est pas pessimiste, i l est seulement réaliste. Vous m'opposerez les 40 000 accords déjà signés et les 4 à 5 millions de salariés concernés. Mais vous ne pouvez nier les tensions grandissantes dans le cadre des accords existants : 75 % des contrats sont en effet assortis d'une clause de modération salariale pendant un à trois ans. C'était tenable dans un contexte d'inflation très basse et d'embauche réduite.

Cela ne l'est plus aujourd'hui.

Et surtout, plus on avance, plus on entre dans le vif du sujet avec des entreprises de sous-traitance, des entreprises de main-d'oeuvre où, comme le rappelait Mme Bachelot, il n'y a pas de poches de productivité, donc pas de possibilité de s'organiser autrement, et où les marges bénéficiaires très faibles ne permettent pas une augmentation du coût du travail. Sans parler, bien sûr, des toutes petites entreprises. Vous devez leur proposer des solutions avant qu'il ne soit trop tard.

Si déjà vous acceptiez de relever notablement le plafond d'heures supplémentaires tout en maintenant le régime transitoire en vigueur, un certain nombre de frustrations des salariés et d'inquiétudes des entreprises seraient dissipées.

Mais, à terme, c'est d'une nouvelle politique de l'emploi que la France a besoin. Car, dans notre société moderne de plus en plus diversifiée et complexe, les lois rigides, monolithiques, engendrent plus d'inégalités et d'injustices qu'elles n'en résolvent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseA lliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Ueberschlag.

M. Jean Ueberschlag.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « plus ça change, plus c'est la même chose », avait coutume de dire Alphonse Karr.

Mme Muguette Jacquaint.

Avec vous, rien ne changeait jamais !

M. Jean Ueberschlag.

Avec votre budget, madame la secrétaire d'Etat, force est de constater que plus ça change, plus c'est pire ! Et encore, je ne parlerai pas de l'absence de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité cet après-midi. Je ne parlerai pas non plus du fait que les ministres viennent de moins en moins présenter leur budget en commission.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. Gérard Lindeperg.

Vous n'étiez pas en commission ! Sinon, vous sauriez ce qui s'y est passé !

M. Jean Ueberschlag.

Mais Mme Guigou n'était pas là !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé !

M. Jean Ueberschlag.

Je ne dirai rien de l'absence, pour la première fois cette année, du « jaune » budgétaire sur la formation professionnelle auquel nous avons droit.

M. Gérard Lindeperg.

Ça, c'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

M. Jean Ueberschlag.

Ce « jaune » paraîtra-t-il après la discussion budgétaire ? Il était de tradition qu'il soit distribué avant, pour que les parlementaires puissent l'examiner.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Personne ne le lisait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Parlez pour vous !

M. Jean Ueberschlag.

Autre gouvernement, autres moeurs.

Qu'a fait ce gouvernement pour la formation professionnelle depuis 1997 ? Rien !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Oh !

M. Jean Ueberschlag.

Il a attendu un an pour s'apercevoir qu'il fallait un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

C'est déjà ça !

M. Jean Ueberschlag.

Une fois nommée, madame la secrétaire d'Etat, vous avez attendu encore un an pour annoncer que vous alliez faire quelque chose.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Moi, je travaille !

M. Jean Ueberschlag.

Depuis, nous attendons, et toujours rien ! Même le projet de loi de modernisation sociale a été renvoyé à plus tard. A quand ? Mon propos n'est pas de vous accabler.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Mme Péry n'a pas l'air accablée !

M. Jean Ueberschlag.

Vous faites ce que vous pouvez, sans doute. Mais force est de constater qu'en cinq ans, le gouvernement Jospin n'a rien fait pour la formation professionnelle alors qu'elle devait être une deuxième chance pour tous les jeunes victimes d'un système éducatif à revoir, et que sa rénovation constituait la grande ambition du Président Mitterrand.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Qui est-ce ?

M. Jean Ueberschlag.

La croissance est revenue, sans que vous y soyez pour beaucoup,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. Jean Ueberschlag.

... mais les inégalités entre diplômés et non-diplômés ne cessent de se creuser, ainsi que le rappelle une récente étude de l'INSEE. Comme vous ne semblez pas la connaître, je vous en cite les références : il s'agit du numéro 741 de Insee Première, paru le 10 octobre 2000. Les chiffres cités par M. Gremetz et que vous avez contestés sont issus de cette étude. Elle révèle que si le taux de chômage est de 10 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur et de 20 % pour les titulaires de diplômes intermédiaires tels que le CAP ou le Bac, il monte à 40 % pour les titulaires du brevet et atteint, tenez-vous bien, 57 % pour les jeunes qui quittent l'école sans qualification et se trouvent en situation d'échec scolaire. On n'est pas loin des 69 % évoqués par M. Gremetz.

Madame la secrétaire d'Etat, ne croyez-vous pas qu'il est temps de faire quelque chose, alors que les occasions manquées s'accumulent ? Rappelez-vous : rien pour la formation professionnelle dans le cadre du RMI, rien dans le cadre des emplois-jeunes, quasiment rien dans le cadre de la loi sur la réduction du temps de travail.

Est-ce que le budget que vous nous soumettez propose un pas dans la bonne direction ? L'an passé déjà, votre budget, sur le plan quantitatif, était l'expression d'une gestion du marché du travail d'un coût prohibitif et aux effets imperceptibles, et il apparaissait, sur le plan qualitatif, coûteux, contradictoire et bricolé. Qu'en est-il, cette année, du nouveau budget et des options préparées par l'ancienne administration, il faut bien le dire, si tant est que le coût de la politique menée depuis trois ans ait pu préserver assez de marges pour opérer des choix ou laisser un peu d'espace pour envisager les révisions qui pourraient s'imposer à court ou moyen terme ? La baisse des chiffres du chômage et l'espoir caressé d'un plein emploi retrouvé dans une dizaine d'années s'inscrivent dans une perspective structurelle, plus qu'ils ne sont l'oeuvre d'une politique qui se borne finalement à accompagner coûteusement l'évolution de la pyramide des âges. Cette année encore, ce sont essentiellement la croissance internationale et le vieillissement progressif de la population active qui concourent à réduire le degré de sous-utilisation du travail. Et c'est la croissance intérieure qui, en dopant le marché du travail, permet à votre gouvernement de se féliciter de résultats sur la foi desquels il s'empresse de se désengager. En effet, le budget de l'emploi est en régression d'une bonne dizaine de milliards sans qu'aucune des opportunités de la croissance soit investie dans la formation professionnelle et la promotion sociale.

Portée par la croissance intérieure, l'action gouvernementale, depuis les 35 heures, reste une action d'accompagnement aux risques et périls du salarié. La masse financière mobilisée auprès des contribuables pour l'application de la loi bénéficie essentiellement à la réduction du temps de travail des salariés déjà titulaires d'un emploi stable et son impact quasi nul sur le chômage se confirme, si bien qu'on ne constate finalement aucun effet redistributif réel.

Avec un taux de chômage, fin septembre, de 9,5 % de la population active, nous ne faisons toujours pas mieux que les autres, en travaillant moins.

Les incitations financières proposées, comme les autres aides, ne sont soumises ni à un véritable contrôle, ni à une évaluation des dispositifs. Elles constituent en cette période d'embauches massives une aubaine généreuse, car tout laisse à penser que les emplois créés grâce à elles l'auraient été de toute façon. Une attitude responsable voudrait au contraire que l'on organise les moyens d'une évaluation rigoureuse des effets de la loi. Mais cela exigerait le libre accès à des statistiques que le ministère se refuse à communiquer.

Tout cela nous oblige à renouveler nos mises en garde sur les effets qualitatifs dévastateurs qui résultent de l'absence d'une véritable action dans le domaine de la formation professionnelle des jeunes et des adultes. D'autant que se profile déjà le ralentissement de l'embauche, donc, à nouveau, le relèvement du niveau d'exigence des employeurs, lequel, en termes de déficit de qualification, viendra se conjuguer avec les pénuries de main-d'oeuvre réapparues dans de nombreux métiers.

Certes, depuis le début des années 90, le nombre des stagiaires a été en gros multiplié par 1,5. Mais, sur plus de 11 millions d'entrées en formation, 1,5 million seulement concernent les chômeurs. Et on sait que, dans le même temps, la durée moyenne de formation est littéralement tombée de 105 heures à 74, de l'aveu même des services de la DARES.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

M. Jean Ueberschlag.

Le tout sur un marché de plus de 40 000 prestataires, plus ou moins bien contrôlés et évalués, au premier rang desquels l'AFPA.

Le consensus qui, depuis 1971, régit la formation continue est doublement ébranlé, et par la réduction du temps de travail, et par les lenteurs de la réforme du dispositif de formation. Le problème de la frontière entre obligation contractuelle d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi et co-investissement est toujours en suspens sur le plan juridique, tout comme le problème de la nature du temps de formation par rapport au temps de travail effectif, et donc du régime de la rémunération, salaire ou indemnisation.

La recherche d'un nouvel équilibre entre temps de travail et temps de formation constitue toujours un des enjeux majeurs des négociations en cours sur la réduction du temps de travail et sur la réforme de la formation professionnelle, serpent de mer depuis juin 1997.

Toujours « à la veille » de sa réforme, sans cesse remise à l'an prochain, la formation professionnelle a vu, année après année, l'effort des entreprises se stabiliser puis s'amenuiser. L'érosion, lente et structurelle, se poursuit.

Depuis la réduction du temps de travail, elle est inexorable, faute de temps et de marges financières dans les entreprises.

Toujours à la veille de sa réforme, la formation professionnelle a vu l'effort de formation des régions varier de manière problématique, en volume et en priorités.

Toujours à la veille de sa réforme, elle est restée prise dans le piège des années de la montée du chômage. Le chômage de longue durée, même s'il baisse en volume, se rallonge et s'enkyste. Compte tenu de la place prépondérante qu'elle occupe au sein du service public de l'emploi, la responsabilité de l'AFPA dans ce domaine doit être rappelée solennellement, surtout au regard des moyens importants qui seront les siens en 2001.

Toujours à la veille de sa réforme, la formation professionnelle reste le champ de querelles d'intérêts auxquelles le paritarisme ne vient mettre aucun frein. Ainsi va la

« refondation sociale » dans le champ de la formation.

L'alternance elle-même, ce grand dessein, n'a fait l'objet que de mesures timides. On se souvient comment, en 1998, après avoir supprimé la prime incitant les entreprises à embaucher des jeunes en contrat de qualification, le Gouvernement a fait voter une disposition équivalente dans le domaine de l'apprentissage. Le motif avancé était de recentrer ce type d'aide sur les jeunes les moins qualifiés, pour lutter contre l'exclusion. Pourtant, quel meilleur moyen d'en sortir, progressivement et pédagogiquem ent, que l'alternance ? Bref, devant le succès de l'alternance, vous avez choisi, pour cause d'économie, de la décourager. Et ce choix se poursuit, avec à peine 2 % d'entrées supplémentaires prévues dans le dispositif pour 2001, toutes formules d'alternance confondues.

Au sein de l'alternance, quel est, plus précisément, le sort de l'apprentissage ? Tout le système de l'indemnité compensatrice forfaitaire, créé par la loi du 5 mai 1996, peut basculer à tout moment, puisque son budget n'est inscrit que dans un décret, pris en principe après consultation du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de la commission permanente du Conseil national de la formation professionnelle.

Le risque demeure de voir l'apprentissage redevenir une filière des pauvres, sous prétexte de lutte contre l'exclusion, et l'article 57 du projet de loi de finances, qui propose 117 millions de francs d'économies sur le dos de l'apprentissage, va encore accentuer cette tendance, alors qu'on ne lutte efficacement contre l'exclusion que par la formation, il faut le dire et le redire. Les préjugés contre l'apprentissage ont donc encore une fois frappé. Merci pour les jeunes ! En réalité, l'alternance est restée un grand dessein, sans progrès organisé.

Nous voici donc au tournant du siècle avec un pays grevé par le coût exorbitant des 35 heures, dont le besoin de financement avoué est de 85 milliards, 110 milliards avancent certains.

Ce budget offre-t-il encore des choix et des moyens crédibles en faveur de la qualification et de la promotion des hommes ? Force est de constater que non, et cette année encore moins que l'an passé.

Toujours rien de sérieux pour les plus de cinquantecinq ans, dont on pourrait faire des tuteurs ou des formateurs expérimentés, au lieu de les « jeter », eux qu'« il faudrait considérer comme une richesse », comme le disait pourtant la précédente déléguée à l'emploi et à la for mation professionnelle.

Rien de solide encore pour l'avenir et la formation des emplois-jeunes du public. Que prépare-t-on pour leur pérennité, si ce n'est de nouvelles dépenses publiques, faute d'être véritablement parvenu à leur solvabilisation ? Et plus question, bien sûr, d'emplois-jeunes dans le privé.

Sept millions de plus pour le fonctionnement du programme TRACE : c'est bien peu au regard des besoins et de l'ampleur de la population concernée. A moins que le programme ne soit définitivement expérimental ! Or, j'y insiste, on lutte essentiellement contre l'exclusion par la formation.

Que dire de l'état du paritarisme et de la négociation sociale ? Les 35 heures et l'UNEDIC aidant, MEDEF et CFDT auront, cette année, curieusement réussi à faire presque cause commune contre la ministre, dont les décisions, disait Mme Notat, « tombent abruptement du haut de l'Etat ».

Les partenaires sociaux, soucieux de l'intérêt général et d'une protection sociale dont on connaît l'état, n'ont-ils pas échappé de justesse à une contribution forcée au financement des 35 heures ? Financement dont le coût pour le pays renverrait le déficit budgétaire au-delà des critères admissibles pour la stabilité économique et pour la monnaie européenne.

Aux 85 milliards que coûtent, au bas mot, les 35 heures, il faut ajouter le budget officiel travail-emploiformation professionnelle proprement dit, soit une enveloppe d'au moins 200 milliards en année pleine. Si l'on y ajoute encore le budget de la sécurité sociale, le « chiffre d'affaires » du ministère de l'emploi et de la solidarité est porté à 1 968 milliards, ce qui fait de ce département ministériel plus qu'un Etat dans l'Etat : un Etat 15 % plus puissant que l'Etat, dont le budget présenté est de 1 696 milliards « seulement ». Mais porteur de combien de dangers potentiels dont on ne voit toujours pas comment les services peuvent les conjurer.

Appelons les choses par leur nom : c'est une dérive institutionnelle grave. La politique de ce ministère depuis 1997 est celle du coup d'Etat social permanent !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Jolie formule !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ce sont les grandes orgues !

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Au secours !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

Pouvez-vous conclure, monsieur Ueberschlag ?

M. Jean Ueberschlag.

Auparavant, madame la présidente, laissez-moi simplement répondre à M. Lindeperg, qui critiquait la baisse des sommes affectées à la formation professionnelle sous la précédente législature. Monsieur Lindeperg, vous savez très bien que les cotisations de formation professionnelle sont assises sur la masse salariale. Sans doute la masse salariale de 1993 et 1994 étaitelle en baisse, mais c'était l'héritage de la politique menée de 1988 à 1993. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Lindeperg.

Acceptez au moins la vérité des chiffres !

M. Jean Ueberschlag.

Ce que je dis est une évidence.

Il y a un délai de réactivité de l'économie. Et si, aujourd'hui, les masses salariales sont en hausse, si le chômage diminue, c'est que vous héritez des effets bénéfiques de la politique conduite entre 1993 et 1997.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous avez raison !

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Les Français en ont jugé autrement !

Mme Muguette Jacquaint.

Si votre politique était si bonne, pourquoi l'ont-ils rejetée ?

M. Jean Ueberschlag.

Dans ce domaine, mes chers collègues, votre mauvaise foi est sans limite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quant aux fonds de la formation professionnelle, monsieur Lindeperg, vous savez bien ce qu'on leur reproche : c'est d'arriver à des sommets faramineux !

Mme la présidente.

Il vous faut conclure.

M. Jean Ueberschlag.

Encore deux secondes, madame la présidente,...

Mme la présidente.

Vous avez dépassé votre temps.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

C'est un coup d'Etat !

M. Jean-Claude Boulard.

Un coup d'Etat permanent !

M. Jean Ueberschlag.

... juste pour répondre à M. Lindeperg que nous déplorons tous qu'un fort pourcentage des fonds de la formation professionnelle soit utilisé à tout autre chose. Le gouvernement précédent avait justement essayé d'empêcher cette dérive.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Il a échoué !

M. Jean Ueberschlag.

Mais si le produit des cotisations a augmenté depuis 1997, sans doute avez-vous rouvert les vannes. Je vous mets en garde contre les approximations et les statistiques sommaires.

Mme la présidente.

Concluez, maintenant !

M. Jean Ueberschlag.

Le budget de l'an dernier se voulait ambitieux, mais ce n'était que le budget d'une ambition.

Avec ce premier budget du XXIe siècle, il se confirme malheureusement que, dans ce pays, il faut payer pour travailler moins, pour tenter de se former mieux et plus souvent, et pour essayer d'avoir une retraite décente.

Tel est le difficile héritage qui, c'est vrai, va bien nous changer la vie, mais en sens inverse de ce qu'attendaient l es Français. Cela, ils ne le découvriront toutefois qu'après 2002.

Ce budget, qui condamne à l'immobilisme, à l'heure où il faut former, insérer et embaucher pour éviter d'exclure, ne nous dit rien qui vaille. Madame la secrétaire d'Etat, vous comprendrez donc que nous ne puissions pas le voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe pour l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Muguette Jacquaint.

On l'avait bien compris !

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Il fallait commencer par cela !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, j'invite chacun à respecter son temps de parole.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'a fort justement rappelé notre excellent rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, JeanClaude Boulard, alors que les premiers budgets de cette législature visaient d'abord à faire reculer le chômage, celui dont nous sommes cet après-midi appelés à débattre tend plutôt à accompagner, soutenir et favoriser le retour au plein emploi.

Le débat s'est donc aujourd'hui déplacé. Il faut en prendre acte. Mais il faut surtout s'efforcer d'en préciser les termes, tant il est possible d'entendre, ici où là, des propos ou des affirmations contradictoires. J'avoue éprouver un certain malaise lorsque j'entends parler certains de seuils incompressibles de chômage ou de taux structurels qui seraient aujourd'hui atteints, alors que plus de 2 millions de personnes sont encore à la recherche d'un emploi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Qui a dit cela ?

M. Gaëtan Gorce.

Ce sentiment est le même lorsque d'autres voies, souvent marquées par des inspirations plus généreuses, laissent penser que l'on aurait d'ores et déjà atteint le « noyau dur » du chômage,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est M. Jospin qui a dit cela !

M. Gaëtan Gorce.

... et que ceux qui, aujourd'hui, ne sont pas employés seraient en réalité inemployables et relèveraient soit d'emplois aidés, soit d'un marché du travail parallèle. Il faut être attentif à cela.

Comment ne pas éprouver également une certaine surprise lorsque sont évoquées des pénuries de maind'oeuvre, alors que des centaines de milliers de personnes souhaitant réellement travailler, sont victimes d'une désadéquation entre l'offre et la demande d'emplois, que les politiques publiques et la mobilisation des partenaires sociaux, au niveau des branches et sur le terrain, devraient permettre de résoudre.

Permettez-moi à ce sujet de dire un mot sur la réduction du temps de travail. S'il faut effectivement aborder avec précaution et attention - comme l'a fait d'ailleurs le législateur dans la seconde loi de passage aux 35 heures la question des petites entreprises de moins de vingt salariés qui ne seront pas encore passées aux 35 heures au 1er janvier 2002, il importe, en revanche, de ne pas se laisser entraîner dans un faux débat sur le régime des heures supplémentaires applicables aux entreprises de plus de vingt salariés.

A cet égard, il est faux de dire, comme je l'ai entendu hier dans cet hémicycle, pendant la séance des questions, que le volume des heures travaillées aurait baissé cette


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

année. Si la durée moyenne affichée du travail a effectivement baissé sous l'effet de la mise en oeuvre des 35 heures, le volume total d'heures travaillées a continué de progresser, notamment sous l'effet des créations d'emploi et d'une augmentation du temps de travail des salariés à temps partiel.

Il est clair que certains, dans le patronat, cherchent par ce biais des solutions de facilité à des problèmes structurels auxquels est confronté leur secteur d'activité depuis des années : problèmes d'image, de conditions de travail, de salaire, qui appellent certainement des réponses, mais pas celles qui nous sont un peu lourdement suggérées.

Au fond, on a parfois le sentiment que les états d'esprit et les comportements ne se sont pas encore tout à fait adaptés à cette nouvelle donne que constitue la relance de l'activité et de l'emploi depuis trois ans. Mais peut-être cela tient-il aussi au fait que nous n'avons pas encore su, non pas identifier, mais simplement définir les enjeux auxquels nous sommes désormais confrontés. Cela est particulièrement vrai pour la notion de plein emploi qu'il serait sans doute souhaitable de débarrasser d'un certain nombre d'ambiguïté et de mieux préciser.

Indiquons tout d'abord que le plein emploi, s'il repose sur une volonté traduite depuis trois ans dans les lois et dans les faits, reste encore une perspective. Y parvenir supposera au minimum, en tenant compte de l'évolution des taux d'activité et de la démographie, que nous créions chaque année 270 000 emplois supplémentaires dans les années qui viennent. Cela doit rester une forte priorité.

S'il est légitime de parler de redistribution, la première d'entre elles n'est-elle pas celle que nous réussissons à opérer par la création d'emplois ? Le simple fait de voir apparaître à l'horizon la ligne du plein emploi ne signifie pas que nous soyons déjà rendus au port. Même si les chants des sirènes - en particulier sur le pouvoir d'achat peuvent se faire parfois caressants, ne nous laissons pas détourner de nos objectifs. Prenons garde, à cet égard, y compris dans nos choix budgétaires, à ne pas intégrer trop de priorités nouvelles dont le financement pourrait rendre plus difficile la réalisation des programmes initiaux qui ont fondé notre réussite. N'oublions pas, en effet, qu'ils n'ont pas encore terminé leur montée en charge.

Efforçons-nous ensuite de préciser le contenu de cette notion de plein emploi qui doit mobiliser tous nos efforts afin de dissiper les malentendus, mais aussi de mieux faire partager notre ambition économique et politique.

Qu'est-ce que le plein emploi pour lequel nous agissons ? Plutôt que d'entrer dans le débat passionnant mais incertain qui anime les économistes, je suggérerais de nous en tenir à trois propositions : que chacun puisse accéder facilement au travail qu'il souhaite, que le travail paye, et que personne ne soit tenu à l'écart.

Premièrement, que chacun puisse facilement accéder au travail qu'il souhaite ! La question centrale est ici celle de la mobilité sociale et professionnelle. Non pas celle, synonyme de flexibilité, que voudrait nous imposer une partie du patronat, mais celle qui concrétise le droit de chacun à la promotion sociale, en passe, me semble-t-il, de se concrétiser. Organiser, encourager, faciliter cette mobilité me paraît être la clé d'une partie des problèmes que nous avons à traiter.

D'abord pour les salariés qui ont déjà un emploi.

Beaucoup ont été amenés par la crise à accepter des emplois en retrait par rapport à leurs souhaits ou à leurs qualifications. Sans doute ce déclassement, qui s'est opéré au plus fort de la crise de manière très importante, est-il en train de reculer. En effet, les salariés sont plus exigeants sur le type d'emploi qu'ils veulent occuper. En outre, la revendication salariale ne semble pas extrêmement forte, ce qui peut laisser supposer que, dans les entreprises, des reclassements viennent corriger les déclassements initiaux. Le salarié reclassé obtient un réajustement de son salaire et n'est pas amené à revendiquer collectivement une revalorisation de sa grille.

En tout état de cause, le reclassement reste un problème considérable sur lequel nous devons agir. Le faire reculer, c'est offrir une solution pour des emplois plus qualifiés qui, pour l'instant, ne trouvent pas preneurs, c'est aussi dégager des emplois moins qualifiés pour celles et ceux qui éprouvent des difficultés, compte tenu de leur niveau de formation, à entrer dans le monde du travail.

Cette mobilité passe ensuite tout autant par une réforme en profondeur de notre système de formation professionnelle que par l'adaptation des interventions du service public de l'emploi et des politiques d'indemnisation du chômage.

A cet égard, permettez-moi un mot sur un sujet qui suscite parfois des malentendus. Je veux parler de la convention UNEDIC, qui a fait l'objet de nombreux discours et de fortes tensions. Le Gouvernement et le groupe socialiste, comme beaucoup dans la majorité, n'ont jamais contesté l'intérêt, pour ne pas dire la nécessité, de faire en sorte que le retour à l'emploi des chômeurs soit facilité, encouragé, soutenu. D'ailleurs, le travail de l'ANPE en direction d'un certain nombre de c hômeurs dans le cadre du programme « nouveau départ » s'inspirait directement de cette préoccupation. Il était plus contestable, en revanche, de préférer la baisse des cotisations à l'aide aux chômeurs, la sanction à l'insertion, et de chercher, en quelque sorte, à faire porter sur le chômeur lui-même la responsabilité personnelle de sa situation.

Ce constat a d'ailleurs été largement partagé. Et tant la pression du Gouvernement que celle de l'ensemble des partenaires sociaux a conduit les signataires à revoir en profondeur le dispositif sur lequel ils s'étaient initialement engagés.

Il faut dire très clairement ici que le MEDEF a dû accepter ces changements, opérant sur tous les points que j'ai cités un recul sans précédent qu'il s'est efforcé de masquer par des déclarations péremptoires mais qui ne peuvent pas tromper un observateur de bonne foi. On peut citer ainsi le rééquilibrage spectaculaire de la part consacrée à l'indemnisation par rapport à la baisse des cotisations, le retour au code du travail pour le régime des sanctions comme pour celui des emplois susceptibles d'être proposés aux chômeurs entrant dans le mécanisme des programes aidés et la réaffirmation du rôle du service public de l'emploi. Sans doute aurait-on pu espérer une amélioration encore plus significative, notamment en matière de couverture chômage pour les précaires. Mais il faut prendre notre système de relation sociale tel qu'il est.

Cela étant, peut-être faut-il songer à engager rapidement une réforme en profondeur, qu'il s'agisse de la représentativité comme de la place respective de la loi et de la négociation. Aujourd'hui, c'est le prix que nous devons payer pour l'autonomie sociale, prix dont on peut se satisfaire à la condition que des garanties soient données, ce qui a été obtenu, en fin de compte.

Deuxième proposition sur le plein emploi : que le travail paye ! Cela signifie, bien sûr, faire en sorte que l'on trouve réellement un avantage financier à travailler plutôt qu'à bénéficier d'autres types de rétributions. Mais cela implique aussi de veiller à la qualité des emplois.


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Or notre marché du travail reste profondément segmenté. A travers la loi de réduction du temps de travail, nous avons commencé à lutter contre le temps partiel subi, qui a contribué à créer la nouvelle classe des travailleurs pauvres. Je veux parler de tous ces gens dont le niveau de rémunération est à peine égal - et souvent inférieur - aux allocations sociales auxquelles ils pourraient prétendre.

Il nous reste encore à agir sur la précarité de l'emploi.

Il faudra le faire dans le cadre de la loi de modernisation sociale, pas seulement en prévoyant une nouvelle réglementation, trop souvent détournée, mais en responsabilisant les employeurs et en donnant aux salariés des garanties nouvelles. Pourquoi, par exemple, ne pas moduler les primes de précarité en fonction de la durée des contrats ? Pourquoi ne pas faire bénéficier les salariés en intérim ou en CDD du même droit d'adaptation et de reclassement que ceux qui sont en CDI ? Pourquoi ne pas inviter les branches professionnelles à négocier des plans de résorption de l'emploi précaire lorsque la part de l'emploi précaire dans le total des emplois dépasse le seuil du raisonnable, en tout cas de l'acceptable ? Troisième proposition, enfin : que nul ne reste à l'écart ! Si notre conviction est que nous n'avons pas encore atteint le noyau dur du chômage, il est clair qu'un effort supplémentaire d'insertion pour les chômeurs les plus en difficulté doit être poursuivi. Je rejoins là les préoccupations exprimées par mes collègues sur la baisse du nombre de CES.

Par ailleurs, on sent bien la nécessité de corriger les écarts qui commencent à apparaître entre les bassins d'emplois s'agissant du taux de chômage. Les réponses à cette situation gagneraient à être mieux formalisées et à devenir une véritable priorité politique. D'abord à travers une territorialisation plus grande de l'action du service public de l'emploi qui est menée au niveau des bassins et sur lesquels des expérimentations pourraient être engagées. Ensuite en favorisant la mise en place de véritables stratégies de reconversion associant les entreprises concernées, et pas seulement les partenaires publics.

Pourquoi ne pas faire dans les bassins les plus en difficulté, souvent en monoactivité et isolés des grands axes, de la reconversion et du reclassement un préalable au licenciement ? Toutes les études, d'ensemble ou monographiques, démontrent aujourd'hui que l'efficacité des plans sociaux en termes de reclassement ou de reconversion dépend d'abord de la mobilisation des partenaires sociaux et locaux en amont du licenciement. De ce point de vue, j'aurai un jugement assez sévère sur les conventions de conversion.

A l'inverse, ne conviendrait-il pas de relancer le mécanisme des congés de conversion, plus coûteux pour les entreprises, certes, mais aussi plus favorables à l'insertion ou à la réinsertion des salariés ? La baisse des crédits qui leur sont consacrés est à cet égard préoccupante. Il est clair, madame la secrétaire d'Etat, que, faute de proposer des solutions alternatives au licenciement, vous risquez d'entendre réclamer de manière récurrente une réglementation plus rigoureuse du licenciement économique.

Mesdames et messieurs, depuis trois ans, nous avons fait fort justement le choix de l'emploi. Ce choix continue à nous guider dans ce budget, et nous nous en félicitons, car il doit continuer à orienter notre politique.

Tous nos objectifs ne sont pas atteints, loin de là. Parce qu'il a sa cohérence, ce choix nous crée des obligations.

Parce qu'il a un impact, il constitue surtout pour nous la meilleure traduction de notre volonté de transformation.

Redonner à chacun, par le travail, sa place dans la société, c'est lui rendre sa dignité. C'est consolider la cohésion sociale. C'est répondre aux attentes des Français. Ce choix reste le vôtre. Ce choix reste le nôtre. Nous serons toujours à vos côtés, madame la secrétaire d'Etat, chaque fois que vous le confirmerez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie très vivement d'avoir posé autant de questions sur la formation professionnelle. Je me réjouis de l'intérêt que ce sujet suscite, et même de la passion de M. Ueberschlag. (Sourires.)

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne pourrais toutefois pas revenir sur l'ensemble des points que vous avez soulevés.

Mais je m'engage à répondre très vite par écrit aux questions qui n'auront pas été abordées dans cette intervention.

Souhaitant faire une présentation dynamique de ce budget, je commencerai pas attirer votre attention sur le fait que la professionnalisation des jeunes et leur insertion dans l'emploi mobilise 13 milliards - soit plus du tiers des crédits - et que près de la moitié - soit 19 milliards vise à redonner par la formation une nouvelle chance d'emploi à ceux qui connaissent une rupture professionnelle. Ce sont là mes deux priorités.

Avec 33,9 milliards pour 2001, ce budget demeure stable par rapport au précédent. Mais plutôt que de procéder à une analyse budgétaire détaillée, je me bornerai à évoquer les points qui m'ont paru essentiels pour vous.

Je commencerai par les politiques de l'alternance. C'est la troisième fois que je présente le budget de la formation professionnelle. A chaque occasion, j'ai réaffirmé avec force que je crois à l'efficacité des politiques de l'alternance et ceux qui suivent au quotidien mon action savent que j'y consacre beaucoup d'énergie. J'ai donc souhaité, dans ce budget pour 2001, porter le nombre de contrats d'apprentissage de 220 000 à 230 000, pour prendre en compte l'évolution des neufs premiers mois de cette année. Les contrats de qualification passent, quant à eux, de 121 000 à 123 000.

Alors, bien sûr, la ligne budgétaire concernée était en augmentation sensible. A la tonalité des propos de M. le rapporteur Barrot - il vient malheureusement de s'absenter -, j'ai cru d'ailleurs deviner qu'il avait dû, lui aussi, connaître une telle situation.

(Sourires.)

Et quand la ligne budgétaire est en excédent, il faut faire des choix, mesdames, messieurs les députés - ne pas le reconnaître relèverait de la langue de bois. J'ai donc pris mes responsabilités.

Dans le cadre de la croissance actuelle, du dynamisme des créations d'emplois, de la situation présente des entreprises, j'ai préféré supprimer les primes incitatives à la signature du contrat plutôt que de ne pas augmenter le nombre de contrats. Bien sûr, j'ai porté un regard très particulier sur les contrats conclus par les très petites entreprises. C'est pourquoi j'ai souhaité faire une exception pour celles de dix salariés ou moins. Je vous rappelle que ces dernières accueillent 70 % des apprentis. C'est donc un geste réellement significatif.

En outre, je veux souligner que, sur les 13 milliards destinés à l'alternance, 8 milliards servent à financer les exonérations de charges sociales. L'Etat a raison d'exprimer ainsi sa solidarité avec les entreprises pour un travail de formation efficace.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

Enfin, pour conclure sur ce premier point, je voudrais rappeler que nous allons débattre très prochainement, dans le cadre de la loi de modernisation sociale, de la réforme du financement de l'apprentissage. J'ai bien entendu les interrogations émises par certains d'entre vous, et notamment par M. Gengenwin.

Je vous répondrai que ces articles de loi sur la réforme du financement ont fait l'objet de ma part, non seulement d'une concertation inlassable avec l'ensemble des partenaires sociaux, et plus particulièrement avec ceux qui sont directement concernés, mais aussi de négociations, pour rechercher le système le plus efficace possible, qui respecte encore mieux la dimension régionale, et donc la compétence des régions, mais aussi qui soit plus transparent et plus égalitaire dans les moyens accordés aux CFA. Ce sont du moins les fils directeurs qui m'ont conduit à cette réforme.

Je concentrerai maintenant mon propos sur l'AFPA parce que vous êtes nombreux à avoir évoqué son budget.

Je suis contente d'ailleurs que, d'une façon générale, vous ayez souligné la progression des crédits. Cette progression de 4,5 % a été, bien évidemment, décidée compte tenu des missions de l'AFPA. J'ai souhaité vous donner quelques chiffres qui justifient aussi le volume de ce budget.

En 1999, l'AFPA a réalisé 194 500 prestations au titre du service intégré d'appui aux projets professionnels, dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi. J'ai également essayé de connaître le nombre précis d'actions qualifiantes menées par l'AFPA l'an dernier : il y en a eu 74 500, et leur durée moyenne a été de 788 heures. On peut mesurer le travail de fond mené par cet outil de service public.

Par ailleurs, j'ai demandé à l'AFPA de lancer une action offensive et de se mobiliser pour répondre aux besoins des entreprises qui, dans certains secteurs, je ler econnais, éprouvent des difficultés de recrutement, comme l'a indiqué Mme Boisseau...

M. François Rochebloine.

C'est vrai ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... - j'évite de parler de pénurie de main-d'oeuvre, par respect envers les 2 millions de demandeurs d'emploi que compte notre pays. A cet effet, l'Etat mène actuellement des actions de sensibilisation et propose 20 000 stages dans le cadre de l'AFPA pour autant d'emplois garantis dans des métiers qui manquent aujourd'hui de main-d'oeuvre qualifiée.

Je parlerai maintenant de la formation des demandeurs d'emploi évoquée notamment par Patrick Malavieille, Jacques Barrot, Patrick Leroy et François Goulard. Ce sujet demeure très important puisque notre pays compte encore plus de 2 millions de demandeurs d'emploi.

Le chômage de longue durée, a heureusement fortement diminué - de 23 % - au cours des douze derniers mois. Mais j'ai bien noté, et je répondrai là à une question très précise de M. Barrot, que les partenaires sociaux n'ont pas reconduit les dispositifs de l'allocation formation reclassement, l'AFR. Et je ne trahirai pas un secret d'Etat en vous disant que j'ai dû fermement négocier, dans le cadre de la préparation de ce budget, car la ligne budgétaire était initialement à zéro. J'ai dû expliquer, et je l'ai fait, c'est mon métier...

M. François Goulard et M. François Rochebloine.

Votre fonction ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Merci de le rappeler.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Non ! Métier ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

J'ai fait valoir que, même si les partenaires sociaux engageaient leur responsabilité dans la formation des demandeurs d'emploi, il était impensable que l'Etat se dégage complètement de cette mission. C'est pourquoi j'ai plaidé pour le maintien d'une dotation conséquente même si l'AFR a disparu en tant que telle.

Ce milliard et demi, c'est pour moi le signe précurseur de la réforme dont l'un des volets sera, bien sûr, l'élaboration d'un droit individuel, quel que soit le statut, salarié ou demandeur d'emploi. Il me fallait, pour ce faire, déjà avoir un début de budget afin que l'Etat réfléchisse et participe directement à la mise en oeuvre de ce dispositif.

Je vais essayer d'aller un peu plus vite, madame la présidente.

Mme la présidente.

Je vous en prie, madame la secrétaire d'Etat. Nous sommes là pour vous entendre.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Un mot sur le contrat de qualification pour les adultes. Chaque fois que je suis sur le terrain, que j'ai l'occasion de rencontrer des organisations professionnelles, je m'étonne que cet outil, que je trouve excellent au regard des difficultés de recrutement dans certains secteurs, ne soit pas davantage utilisé.

M. François Rochebloine.

Ce sont les DDTEFP qui les refusent ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je sais que les contrats de qualification pour les adultes sont jugés contraignants par nombre d'entreprises.

M. François Goulard.

Eh oui ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

J'ai dit aux partenaires sociaux que j'attendais qu'ils me fassent des propositions pour améliorer les conditions d'accès au contrat de qualification pour les adultes...

M. François Rochebloine.

Nous vous soumettrons des dossiers ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... car je crois que cet outil constitue l'une des réponses aux problèmes qui se posent.

D'aucuns ont parlé de l'illettrisme qui est un sujet de solidarité. C'est grâce à la loi de lutte contre les exclusions qu'il est devenu une politique de la formation professionnelle. Je tiens à rassurer notamment M. Lindeperg en lui disant que l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme est aujourd'hui tout à fait officielle, que l'arrêté est paru au Journal officiel du 20 octobre dernier. Il nous reste maintenant à la mettre en place, comme il se doit, en respectant le travail réalisé par Mme Marie-Thérèse Geffroy et en espérant que nous pourrons progresser ensemble dans le cadre de cette nécessaire solidarité.

S'agissant des centres inter-institutionnels de bilan des compétences, je me souviens avoir été vivement prise à partie, l'année dernière, par certains, interrogée par d'autres.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

C'est vrai.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je constate aujourd'hui que les retours sont positifs, que les CIBC ont été plus étroitement associés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et qu'il n'y a plus d'inquiétude sur ce sujet.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Voilà une bonne réforme.


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Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je ne parlerai pas de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, étant donné qu'un débat de fond aura lieu, le 30 novembre prochain, sur ce sujet. Mais c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai vu que vous l'aviez abordé par des approches diverses. Monsieur Malavieille, vous avez indiqué qu'à partir de quarante-cinq ans les femmes avaient deux fois moins de chances d'aller en formation que les hommes.

Je vous trouve très optimiste, car la dernière enquête dont je dispose montre qu'à partir de trente-cinq ans une femme a deux fois moins de chances qu'un homme d'accéder à une action de formation continue. La lutte contre les inégalités, quelles qu'elles soient, est un souci évident, très présent dans mon esprit et dans mes propositions.

Mme Bachelot-Narquin a parlé du harcèlement moral dans les entreprises, vrai sujet de société. J'ai commandé une enquête de très grande envergure menée par des universitaires et des chercheurs, qui porte sur 7 000 femmes en France. Nous diposerons pour la première fois d'une enquête quantitative et qualitative avec un label scientifique qui nous permettra de mesurer le volume et la nature des violences subies par les femmes en France, qu'elles soient privées, publiques ou professionnelle.

Mme Boisseau a relevé les difficultés pour faire garder les enfants alors que les horaires devenaient de plus en plus éclatés dans nombre de métiers. Je ne compte pas passer sous silence cette remarque. Il n'y aura pas d'égalité professionnelle si nous ne créons pas les conditions qui permettent à une femme et à un homme d'assumer pleinement et de bien articuler à la fois leur vie professionnelle, leur vie familiale et leur vie personnelle. C'est l'un des sujets que j'entends aborder lors du débat qui aura lieu le 30 novembre prochain.

M. Germain Gengenwin.

J'espérais, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous répondiez sur l'apprentissage ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

La réforme que certains d'entre vous ont qualifié de noms peu sympathiques n'est pas en panne et ce n'est pas un serpent de mer. Elle s'est construite dans tous les volets qui relevaient de la maîtrise de l'Etat, qui relevaient de ma responsabilité. J'ai parlé du financement de l'apprentissage, je pourrais aussi citer la reconnaissance de l'expérience professionnelle qui, par la validation des acquis, donnera demain à tous ceux et toutes celles qui n'ont pas bénéficié d'une formation initiale professionnelle poussée une chance d'obtenir directement tout titre, tout diplôme, toute certification. Et quand cela ne pourra pas être le cas directement, ce sera avec un complément de formation. Je crois beaucoup à ce droit nouveau. Il est inscrit, vous le savez, dans le cadre de la loi de modernisation sociale.

M. Jean Ueberschlag.

Ce texte n'est pas en discussion, madame la secrétaire d'Etat ! Vous ne parlez que de choses qui n'existent pas encore !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Ne soyez pas si impatient, monsieur Ueberschlag ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Nous aurons un beau débat au mois de janvier prochain, monsieur le député ! Moi, je sais la volonté qui m'anime et, comme je suis d'un caractère plutôt optimiste, j'ai voulu croire aussi au dialogue social, mesdames, messieurs les députés.

M. François Rochebloine.

Bravo ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le dialogue social n'est pas, je le reconnais, aussi dynamique que je le souhaiterais.

M. François Rochebloine.

La faute à qui ?

M. Hervé Morin.

On a tout fait pour qu'il ne le soit pas ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Néanmoins, je tiens à vous dire que, ce matin, j'ai négocié pendant trois heures et demie avec l'ensemble des partenaires sociaux, syndicats et organisations patronales, une amélioration de la place des femmes dans les lieux de décision dans le cadre du dialogue social. Personne n'y croyait. Nous avons travaillé pendant un an et demi et nous sommes arrivés à un accord ce matin. Je place donc beaucoup d'espoir dans le dialogue social. Le mois prochain, les partenaires sociaux se saisiront du sujet de la formation professionnelle. Et, je ne doute pas que nous serons à même, dans les tout prochains mois, d'avoir une réforme d'ensemble, cohérente, ambitieuse à partir de ce que le secrétaire d'Etat a construit et de ce que les partenaires sociaux feront.

M. Jean Ueberschlag.

Et le Parlement là-dedans ?

Mme la présidente.

Monsieur Ueberschlag, laissez parler Mme la secrétaire d'Etat ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Quand nous serons parvenus à un projet de réforme cohérent et ambitieux, bien évidemment et tout naturellement, un grand débat aura lieu devant et avec vous.

M. Gérard Lindeperg.

Le dialogue social d'abord ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Permettez-moi maintenant, madame la présidente, de répondre au nom d'Elisabeth Guigou, que vous voudrez bien excuser.

Mme la présidente.

Je vous en prie, madame la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

La ministre de l'emploi a répondu à un certain nombre de vos remarques. Elle a ainsi évoqué les conditions de mise en oeuvre de la réduction de la durée du travail et son impact sur l'amélioration de la situation de l'emploi dans notre pays.

S'agissant du programme emplois-jeunes, il est bien normal que près de trois années après la signature des premières conventions, l'intérêt pour cette question tende à s'accroître de la part des employeurs eux-mêmes et des jeunes en poste. Le Gouvernement annoncera dans les prochaines semaines les conditions dans lesquelles l'avenir et la professionnalisation de ces emplois seront assurés.

Pour ce qui est de la lutte contre les exclusions, qui est plus que jamais une priorité du Gouvernement, les raisons du recentrage de certains dispositifs vous ont été expliquées.

Enfin, la présentation qui vous a été faite des moyens supplémentaires dont va disposer le service public de l'emploi illustre bien la volonté du Gouvernement de continuer à mettre en oeuvre une politique ambitieuse en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle.

Pour ma part, j'apporterai quelques compléments en réponse à un certain nombre de vos interrogations.

A propos de la déclaration de Mme Bachelot-Narquin sur les emplois du ministère et les critiques émises par la Cour des comptes, je dois contester la relation faite entre


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ces critiques et un éventuel excès de ressources au sein du ministère de l'emploi et de la solidarité. La Cour des comptes a émis des critiques à l'encontre des modalités de gestion du ministère entre 1996 et 1999. Ces critiques, fondées pour certaines, ont donné lieu à des correctifs ; d'autres n'étaient pas fondées. Mme Aubry a eu l'occasion de s'en expliquer devant la Cour des comptes.

La Cour des comptes n'a jamais évoqué un excès de moyens au sein du ministère de l'emploi et de la solidarité. Au contraire, pour un certain nombre de domaines d'intervention, la formation professionnelle ou les COTOREP par exemple, la Cour des comptes a eu l'occasion de souligner l'insuffisance des moyens octroyés à ce ministère.

M. Germain Gengenwin.

Et la commission d'enquête ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Boisseau manifeste beaucoup d'inquiétude sur les difficultés de recrutement des entreprises. Le chômage a beaucoup baissé depuis juin 1997. Je l'ai dit, il reste 2 280 000 chômeurs en France. Parlons de difficulté de recrutement plutôt que de pénurie de main-d'oeuvre. Je ne reviendrai pas sur ce sujet, l'ayant abordé dans le cadre de mon propos sur la formation.

Monsieur Goulard, le coût de la RTT ne sera pas de 100 milliards de francs en 2001. Ce chiffre est doublement inexact. Le niveau est de 85 milliards...

M. Hervé Morin.

Ce n'est déjà pas rien ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... celui des allégements RTT de 44 milliards.

En réponse aux critiques formulées, j'ajoute que les exonérations de charges sociales représentent des baisses de charges accordées aux entreprises sur les salaires par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Nous en arrivons aux questions.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais poser mes deux questions à la suite. Mme la secrétaire d'Etat pourra ainsi répondre aux deux en même temps.

Madame la secrétaire d'Etat, ma première question, qui a été abordée par nombre de mes collègues porte sur les emplois précaires. En 1999 déjà, un salarié sur dix était confronté, dans le secteur privé, aux CDD et au travail temporaire, qui connaît une hausse de 12,5 %. Malgré la mise en place de mesures concernant le temps partiel imposé, il est clair aujourd'hui - et M. Gorce a beaucoup insisté sur ce point - que la flexibilité et la précarité conduisent à aggraver non seulement les conditions de travail, mais aussi les conditions de vie des salariés.

On parle de plus en plus des gens pauvres ayant une activité professionnelle. Parmi ces personnes qui sont en grande difficulté, ils sont nombreux à n'avoir que des emplois précaires. C'est pourquoi, dans le cadre du texte de loi sur la modernisation sociale - Mme Guigou et vous-même l'avez rappelé - nous devrons prendre des mesures concrètes pour freiner cette nouvelle forme de travail qui génère des abus.

Nous avions proposé de limiter à 10 % de l'effectif global le travail précaire, temporaire dans une entreprise.

Il faut savoir dire les choses : il serait peut-être temps de réfléchir différemment. J'entends bien les difficultés qu'ont les entreprises à recruter - manque de formation ou autre raison - et qui, pour des raisons économiques, doivent faire appel au travail temporaire. De là à laisser se généraliser le travail temporaire et le travail à temps partiel imposé dans certains secteurs, comme la grande distribution, qui « crèvent le plafond », nous le disons très souvent, et dont nous connaissons les conditions de travail, il y a vraiment un pas ! C'était ma première question ; vous y avez déjà partiellement répondu, de même que Mme Guigou.

Ma seconde question porte sur la pérennisation des emplois-jeunes. Le projet de budget pour 2001 prévoit de budgétiser les 350 000 emplois prévus dès le début du programme. C'est un point positif, mais je tiens tout de même à insister sur deux sujets qui me paraissent importants.

La formation de ces emplois-jeunes tout d'abord se heurte à de grandes difficultés. Quelles mesures concrètes entendez-vous prendre dans ce domaine ? En outre, les employeurs associatifs ont consenti un effort considérable dans le cadre de ce programme. Les emplois-jeunes sont devenus indispensables à un grand nombre d'associations, mais celles-ci sont très inquiètes car elles ne pourront pas garantir la pérennité des salaires dans le futur. Là aussi, quelles mesures comptez-vous prendre ? Enfin, madame la secrétaire d'Etat, il y aurait lieu de réfléchir au qualificatif « emploi-jeune ». Tous ces jeunes, qui ont montré leur capacité, rempli des missions et satisfait des besoins qui jusqu'alors n'étaient pas couverts, se considèrent de plus en plus comme des salariés à part entière. Leur crainte, par le fait que l'on continue à les appeler « emplois-jeunes », c'est de n'être toujours pas considérés comme de véritables salariés.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Très juste !

Mme Muguette Jacquaint.

Je n'ai pas de réponse toute faite aujourd'hui, mais je souhaite vraiment qu'on réfléchisse à un qualificatif, qui, à mon avis, ne peut qu'accréditer l'idée d'emplois de seconde zone et rendre inefficaces toutes les mesures tendant à les pérenniser.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la députée, s'agissant de la lutte contre la précarité, le recours aux différentes formes de travail précaire peut être légitime lorsqu'il y a surcroît occasionnel d'activité ou lorsqu'il faut remplacer un salarié absent. Elisabeth Guigou l'a rappelé.

En revanche, nous ne pouvons accepter que des entreprises utilisent l'emploi précaire comme un mode de gestion normal, sur des emplois permanents, à plus forte rai-s on dans un contexte de croissance retrouvée et d'amélioration de la situation de l'emploi. C'est pourquoi le Gouvernement a fait de la lutte contre l'emploi précaire l'une de ses priorités.

L'enquête « Emploi 2000 » a montré, pour la première fois depuis huit ans, une baisse du sous-emploi, c'est-àdire du nombre de salariés qui travaillent moins que ce qu'ils souhaiteraient. Mais nous savons que le sousemploi subsiste, particulièrement chez des femmes.

Mme Muguette Jacquaint.

Exact ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je vous rappelle en premier lieu que nous avons renforcé le contrôle assuré par les services de l'inspection du travail afin de mettre un terme


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

aux abus dans ce domaine, en prêtant une attention particulière au respect des dispositions relatives aux motifs de recours, aux règles de succession des contrats et aux droits des salariés en situation précaire. Par ailleurs, un renforcement du cadre juridique régissant les formes précaires d'emploi est envisagé afin justement d'étendre les droits des salariés en situation précaire.

Tel sera l'objet de certaines dispositions du projet de loi de modernisation sociale, vous l'avez rappelé, qui sera soumis à votre approbation au mois de janvier prochain.

Elles seront de nature à garantir une meilleure protection des salariés en situation précaire et à faciliter le passage vers un emploi stable.

Votre seconde question portait sur les emplois-jeunes et leur professionnalisation. Si ma réponse vous semble insuffisante, je pourrai vous apporter ultérieurement des compléments par écrit.

R appelons pour commencer qu'il appartient aux employeurs de mettre en place les actions de formation destinées à concourir à la professionnalisation du jeune salarié. De ce point de vue, le droit du jeune à la formation est celui de tout salarié d'entreprise. Le Gouvernement s'est toutefois attaché à aider à la professionnalisation des emplois et des jeunes salariés du programme.

A cet effet, une cellule nationale d'appui et d'animation de la professionnalisation a été mise en place afin d'assurer la capitalisation et la cohérence des travaux des plates-formes régionales de professionnalisation, de repérer les nouveaux métiers offerts dans le cadre des activités créées par le programme, de proposer des adaptations ou des projets de création de référentiels de métiers, de mettre en place, si nécessaire, les référentiels de formation adaptés et de proposer les validations nouvelles correspondant aux compétences et aux qualifications mises en oeuvre. Cette dynamique rejoint totalement la loi sur la reconnaissance de l'expérience professionnelle par la validation des acquis, dont nous allons débattre en janvier prochain.

En outre, de nombreux ministères ont mis en place des actions de formation spécifiques pour les jeunes salariés du programme : je pense en particulier aux ministères de l'intérieur, de l'éducation nationale, de la justice, de la jeunesse et des sports. De leur côté, les conseils régionaux ont répondu, selon des modalités très diverses, à l'invitation qui leur a été adressée de participer à la formation des jeunes.

Certains conseils généraux ou communes enfin ont également dégagé des crédits spécifiques pour des actions de formation.

Mme la présidente.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Le groupe GIAT-Industrie, dont la situation reste délicate, s'est engagé en 1998 à réaliser un énième plan de restructuration, le plan stratégique économique et social, dit PSES, dont l'un des objectifs affichés est de parvenir à une réduction très importante des effectifs sur quatre ans, ces derniers passant de 10 350 salariés au 30 décembre 1998 à 6 700 fin décembre 2002.

Pour atteindre cet objectif, le ministère de la défense a mis en place une série de mesures destinées à encourager la mobilité et les départs volontaires des personnels du groupe. Les OSD, ouvriers d'Etat sous décret, ont ainsi la p ossibilité de revenir au ministère de la défense - 580 retours ont été prononcés en 1999 - ou peuvent également choisir de partir en préretraite dès l'âge de cinquante-deux ans dans le cadre d'une mesure applicable jusqu'en 2002, et selon une procédure dite de « double volontariat » : volontariat des personnels et accord de l'entreprise.

Ce dispositif, qui s'inscrit, je le répète, dans une logique de réduction des effectifs, voit sa portée limitée par le fait qu'un certain nombre des salariés du groupe ne sont pas des ouvriers sous décret. Je veux parler des personnels sous convention collective, exclus de la mesure d'âge à cinquante-deux ans, puisqu'ils ne sont autorisés à bénéficier d'une mesure spécifique FNE qu'après cinquante-sept ans, cinquante-six, voire cinquante-cinq ans en cas de dérogation.

Cette situation n'engendrerait aucune difficulté si elle ne consacrait pas une réelle disparité de traitement au sein des établissements de GIAT-Industrie. Comment expliquer le bien-fondé d'une telle différence de traitement à ceux qui, travaillant dans le même atelier ou bureau, effectuant les mêmes tâches que leurs collègues bénéficiaires de la mesure d'âge à cinquante-deux ans, devront attendre encore quatre, voire cinq ans, avant de partir en préretraite, sans parler des disparités en terme de rémunérations et avantages ? Cette inégalité est d'autant moins admise que les salariés sous convention collective ont connu les restructurations de la sidérurgie et disposent déjà, pour beaucoup d'entre eux, d'une ancienneté suffisante pour pouvoir prétendre à bénéficier d'une préretraite.

Ce dossier est ancien, madame la secrétaire d'Etat, et croyez que je l'ai déjà évoqué à plusieurs reprises avec votre collègue de la défense, M. Alain Richard. Ce dernier m'a toujours paru ouvert à cette demande, sachant néanmoins que les possibilités dérogatoires, si elles sont toujours envisageables, semblent avoir été bloquées pour des raisons qui n'ont jamais été précisées.

Au moment où l'Etat s'engage une nouvelle fois au côté du groupe pour l'aider à franchir un cap difficile, il serait pour le moins surprenant qu'une telle mesure d'accompagnement social ne puisse être mise en oeuvre.

Les salariés, leurs organisations syndicales et la direction du groupe espèrent ce geste.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question est simple : les salariés sous convention collective pourront-ils ou non bénéficier d'une procédure dérogatoire dans des conditions identiques à celles réservées aux ouvriers d'Etat sous décret, c'est-à-dire pouvoir partir en préretraite dès l'âge de cinquante-deux ans ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le député, les salariés sous convention collective du GIAT sont assujettis à des contrats de droit privé classiques, comme dans l'ensemble des entreprises. Soyez assuré que je comprends et que je partage les préoccupations des salariés du GIAT dans le contexte des restructurations successives que connaît l'entreprise. C'est la raison pour laquelle, alors même que les conditions d'attribution des allocations spéciales du fonds national pour l'emploi, les AS-FNE, ont été considérablement durcies depuis quelques années, les salariés du GIAT sous convention collective ont pu bénéficier de préretraites AS-FNE.

M. François Rochebloine.

Vous ne répondez pas à ma question.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

Ils partent, grâce au concours financier du ministère de l'emploi et de la solidarité, dans les conditions les plus favorables permises par la réglementation, c'est-à-dire, dans un cadre dérogatoire, à cinquante-six ans. Ce dispositif sera reconduit en 2001.

M. François Rochebloine.

Ce n'était pas ma question ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

En fait, la question que vous posez ne soulève pas un problème de dérogation.

M. François Rochebloine.

En effet ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Il n'existe tout simplement pas de dispositif au ministère de l'emploi et de la solidarité susceptible d'être appliqué à l'entreprise, permettant de faire partir des salariés en préretraite avant cinquantesix ans. Nous avons aussi une exigence d'honnêteté et nous ne devons pas susciter chez ces salariés des espoirs impossibles à satisfaire.

M. François Rochebloine.

Vous le leur direz ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Si l'entreprise, avec l'accord du ministère de la défense, décidait de prendre une mesure de préretraite en faveur des salariés sous convention collective de moins de cinquante-six ans, elle devrait la financer.

M. François Rochebloine.

Eh bien, je ne peux pas vous applaudir !

Mme la présidente.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question est assez simple et sera brève. Elle vous a déjà été posée par au moins deux de mes collègues, Jacques Barrot et Germain Gengenwin. L'article 57 du projet de loi de finances prévoit la suppression des aides consenties dans le cadre de certains dispositifs de formation en alternance, notamment pour les contrats de qualification et les contrats d'apprentissage. Vous avez décidé de supprimer l'aide à l'embauche qui avait été instituée pour soutenir les entreprises dans leur travail et dans leur mission d'apprentissage, et ce pour toutes les entreprises embauchant plus de dix salariés. En vertu de quel principe et en fonction de quelle logique avez-vous décidé de segmenter encore un peu plus le marché en considérant que les entreprises de moins de dix salariés avaient droit à une aide à l'embauche pour des contrats d'apprentissage, mais pas les entreprises de plus de dix salariés ? Pourquoi avoir réservé ce dispositif utile et pertinent aux seules entreprises de moins de dix salariés ?

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le député, vous me permettrez d'être un peu plus brève sur cette question que j'ai déjà longuement traitée. Je répète que la suppression de la prime à la signature du contrat n'interdit en rien le bénéfice de toutes les autres, très substantielles : p rimes à la formation, exonérations de cotisations sociales, qui représentent un budget de 13 milliards, dont 8 milliards d'exonérations de cotisations sociales.

Pourquoi avoir choisi le seuil de dix salariés ? Par respect pour l'artisanat, pour les petits métiers : les entreprises de moins de dix salariés accueillent 70 % des apprentis. C'est donc une mesure de protection, et c'est parce que je souhaite continuer à défendre les politiques de l'alternance que j'ai choisi de réserver cette mesure aux entreprises de moins de dix salariés.

M. Hervé Morin.

Et choisi de créer un nouvel effet de seuil !

Mme la présidente.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Jean Ueberschlag.

M. Jean Ueberschlag.

Madame la présidente, vous aviez prévu de poser une question à Mme la secrétaire d'Etat. Comme vos fonctions du moment vous l'interdisent et comme vous n'avez pas le don d'ubiquité, je vais, à votre demande, le faire à votre place, et en moins de deux minutes. (Sourires.)

Mme la présidente.

Je vous en remercie, monsieur Ueberschlag.

M. Jean Ueberschlag.

Madame la secrétaire d'Etat, vous venez de recevoir les responsables de l'union professionnelle des artisans qui vous ont demandé un assouplissement des textes concernant les 35 heures. Plus précisément, ils souhaitent que l'on maintienne à 10 % et non à 25 % la majoration pour heures supplémentaires audelà de la première année, que le contingent annuel d'heures supplémentaires passe de 130 heures à 220 heures, et enfin que les artisans bénéficient de l'allégement des cotisations patronales, quand bien même ils ne passent pas aux 35 heures.

Madame la secrétaire d'Etat, allez-vous leur donner satisfaction ? Si oui, je souhaite que ces mesures soient étendues aux personnes physiques qui exercent des professions libérales. L'accepterez-vous ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droit des femmes et à la formation professionnelle.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Guigou, tout à l'heure, a bien précisé qu'elle entendait rester dans le cadre de la loi, qu'elle n'était pas du tout hostile à des aménagements ou à des assouplissements, mais certainement pas en changeant le cadre de la loi. Je ne puis dire autre chose que ce qu'elle a elle-même rappelé.

Mme la présidente.

Mes chers collègues, il est un peu tard pour aborder les questions des membres du groupe socialiste : cela nous mènerait bien au-delà de l'heure normale, et il nous faudra ensuite examiner les articles et amendements.

La suite de la discussion budgétaire est donc renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (no 2585) :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 2000

M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Travail et emploi ; articles 57 à 60 (suite) : M. Gérard Bapt, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 23 du rapport no 2624).

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome XI de l'avis no 2625).

Formation professionnelle : M. Jacques Barrot, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 20 du rapport no 2624).

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IX de l'avis no 2625).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT