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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8269).

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports terrestres.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'équipement et les transports terrestres.

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le transport aérien et la météorologie.

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour les transports aériens.

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mer.

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour les transports maritimes et fluviaux.

Mme Odile Saugues,

MM. Michel Bouvard, Marc-Philippe Daubresse, Dominique Bussereau, Gilbert Biessy, Jean-Pierre Blazy, Christian Estrosi, Francis Delattre, Daniel Paul, Jean-Pierre Baeumler.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances. (p. 8300).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement concernant l'équipement et les transports.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports terrestres.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports terrestres.

Vous nous présentez, monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, un budget globalement bon. Je souhaite, avant d'en détailler le contenu, souligner deux modifications majeures dans la présentation des crédits. Ces évolutions rendent cette année la lecture du budget et le travail du rapporteur spécial particulièrement difficiles.

La profonde refonte de la nomenclature budgétaire, qui permettra à l'avenir un contrôle parlementaire plus aisé, rend très difficile les comparaisons avec le précédent exercice.

La suppression du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, constitue, bien évidemment, la seconde innovation majeure. Ce fonds a servi à une large débudgétisation, puisque le montant des crédits inscrits au budget des transports a baissé corrélativement à la montée en puissance du FITTVN. Ce n'est pas ce qui avait été prévu à l'origine, puisque le FITTVN devait s'ajouter au budget de l'Etat, mais depuis sa création, en 1995, on a constaté que lorsque ce fonds augmentait le budget de l'Etat diminuait. Dans un souci de transparence, le rapporteur spécial a donc réclamé la suppression du FITTVN l'année dernière et la mission d'évaluation et de contrôle a fait de même. Je vous remercie, monsieur le ministre, de suivre ces propositions et d'assurer ainsi une plus grande transparence aux crédits affectés à l'équipement.

Après ces remarques liminaires, j'en viens maintenant aux crédits pour 2001. Je remarque tout d'abord que les m oyens des services et des interventions publiques s'élèvent à 26,9 milliards de francs en crédits de paiement, soit une progression de 9,84 %, après des années de stabilité.

Je remarque ensuite, monsieur le ministre, que vous avez mis l'accent sur les trois priorités que sont le développement des transports en commun ferroviaires ou urbains, qui est primordial pour l'environnement, l'entretien du réseau routier national et la sécurité routière. Il s'agit de choix politiques clairs, au service d'une action dynamique et cohérente.

Le transport collectif se voit, une nouvelle fois, érigé en priorité. On ne soulignera jamais assez le rôle qu'il peut jouer dans la décongestion des villes et des grands axes routiers. Pour autant, ce pari ne sera réussi qu'au prix de lourds efforts pour rendre les transports collectifs encore plus efficaces, plus commodes, mais aussi plus sûrs.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

Concernant les transports collectifs, les crédits pour l'Ile-de-France diminuent légèrement, pour se stabiliser à 5,2 milliards de francs. La politique de renouveau de la SNCF en Ilede-France engendre une remontée de la fréquentation du réseau désormais appelé « Transilien ».

Quant à la RATP, son trafic progresse fortement de 3,1 % en 1999 et les prévisions optimistes pour 2000 seront vraisemblablement dépassées de 1 à 2 %. La situat ion de la RATP s'améliore puisque son résultat comptable pour 1999 était positif : plus 2,2 millions de francs. Cependant, une inquiétude subsiste concernant le niveau d'endettement de l'entreprise.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

L'encours de la dette, qui se situe à un peu plus de 28 milliards de francs, n'est maîtrisé que grâce au faible niveau d'investissement observé ces derniers mois.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

En tout cas, monsieur Bouvard, on constate bien une amélioration par rapport aux années précédentes ! Contrairement aux entreprises de province, la RATP supporte des coûts de matériels et d'ateliers et 20 % des coûts d'infrastructures. En conséquence, et compte tenu des investissements prévus par l'ambitieux contrat de plan

Etat-région, l'endettement de l'entreprise devrait à nouveau augmenter.

L'effort pour les transports collectifs de province est particulièrement encourageant. En effet, les autorisations de programme passent de 748 millions de francs à


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1,34 milliard de francs. De même, les crédits de paiement progressent de près de 120 millions de francs. Cet effort traduit l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. Pour autant, sur le milliard annoncé, je ne vois guère plus de 750 millions de francs.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

Il faudra donc, monsieur le ministre, que les 250 millions de francs manquants soient inscrits dans la prochaine loi de finances. Ces crédits permettront notamment de poursuivre les programmes de bus en site propre à Rennes et Saint-Denis-de-la-Réunion, ou encore le tramway lyonnais.

Parmi le programmes nouveaux, citons la création de lignes de tramway à Valenciennes, Nantes et Toulon et la construction d'une nouvelle ligne de métro à Toulouse.

Pour autant, l'enveloppe destinée à ces projets ne semble pas pouvoir être établie, dans la mesure où certains projets de 2000 ne sont pas complètement financés.

Dans le secteur ferroviaire, je tiens à souligner les bons résultats enregistrés par la SNCF. C'est aussi une nouveauté. Le résultat courant a même atteint l'équilibre en 1999. L'entreprise publique récolte aujourd'hui les fruits de la politique de reconquête de la clientèle, au moyen de politiques tarifaires adaptées et de l'amélioration de la qualité de bon nombre de dessertes. Les engagements de l'Etat à l'égard de la SNCF sont stables.

Pourtant, je m'interroge sur les effets du passage aux 35 heures,...

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

... qui ne fait l'objet d'aucune compensation directe de la part de l'Etat. La hausse des dépenses en personnel, due largement aux 35 heures, a atteint 2,3 % en 1999. Il est donc à craindre que l'excédent brut d'exploitation ne soit réduit en conséquence pour les exercices suivants.

L'activité fret progresse de plus de 9,5 % au premier semestre 2000. Pourtant sa qualité reste médiocre. Si un objectif ambitieux de doublement du trafic fret a été fixé pour 2010, j'observe qu'une telle progression, certes volontariste, ne permettrait qu'une stabilisation de la part du rail dans le transport de marchandises.

M. Michel Bouvard.

C'est très honnête de le dire !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

Il faut impérativement développer les lignes fret. Je me félicite d'ailleurs que la ligne TGV entre Nîmes et Montpellier permette l'accès au fret.

Pourtant, beaucoup d'efforts restent à accomplir pour décongestionner les axes routiers. Le transport combiné, dont la part dans le trafic fret est passé de 14,7 % en 1990 à 25,5 % en 1999, doit être développé, particulièrement dans les zones montagneuses,...

M. Michel Bouvard.

Bravo !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

... asphyxiées par un trafic de poids lourds disproportionné. De même, après des années de tergiversations, je me félicite que la solution du ferroutage, qui consiste à mettre des camions sur des wagons, soit enfin envisagée pour la traversée des Alpes. Je souhaite que l'on y songe aussi pour la traversée des Pyrénées.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Et au-delà, même !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

Le désendettement du secteur ferroviaire se poursuit. Dans le cadre de la seconde réforme de RFF, le Gouvernement a consolidé la situation financière de l'établissement en lui apportant 37 milliards de francs entre 1999 et 2001.

Cependant, il faut bien reconnaître qu'à l'issue de ce plan le désendettement de RFF sera loin d'être terminé.

Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour y parvenir à l'avenir ? Nous savons très bien que la loi qui a créé RFF n'a rien réglé.

M. Jean-Jacques Filleul.

Exact !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

Il faut régler définitivement le problème de l'endettement.

Parmi les priorités clairement affichées figure une vigoureuse politique d'entretien du réseau routier, qui ne peut d'ailleurs pas être dissociée du renouveau des actions en matière de sécurité routière. Globalement, les autorisations de programme progressent de 682 millions de francs - plus 35 % - ce qui est considérable, et les crédits d e paiement augmentent de 683 millions de francs : plus 38 %. Parallèlement, les crédits de la sécurité routière poursuivent leur progression : ils auront augmenté de 40 % depuis 1997. Cela mérite d'être souligné.

La sécurité routière a été consacrée « grande cause nationale 2000 » et le projet de budget met singulièrement l'accent sur les campagnes de communication nationale ainsi que sur la formation des conducteurs. Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, d'exprimer l'interrogation suivante, largement partagée par la commission des finances : comment se fait-il qu'il y ait tant de poids lourds sur les routes pendant le week-end alors qu'en principe, sauf exception, ils ne doivent pas circuler ?

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

La grande ombre à ce tableau très positif, qui concerne le budget des investissements routiers, m'inspire beaucoup d'inquiétudes. Si les autorisations de programme progressent de 7,3 %, ce qui paraît satisfaisant, les crédits de paiement baissent de 17,8 %. Je vais y revenir, car il y a une explication. L'essentiel de cette diminution peut être observé sur la ligne budgétaire « Investissements sur le réseau routier national hors Ile-de-France », dont les crédits de paiement diminuent de 300 millions de francs. Cette baisse atteint même 1,8 milliard de francs si l'on tient compte de la disparition du FITTVN.

J'ai bien entendu l'engagement du Gouvernement de reporter intégralement les crédits inutilisés du FITTVN sur les lignes budgétaires correspondantes.

M. Michel Bouvard.

Il a fallu insister !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

Cependant, monsieur le ministre, il ne faudrait pas qu'il y ait des pertes en ligne. En effet, compte tenu d'un report prévisible de 1,5 milliard de francs, pour les investissements routiers, il manquera au total 300 millions de francs.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

On peut certes considérer que le budget des routes est stabilisé.

Cependant, cette « stabilisation » me semble contradictoire avec les engagements pris par l'Etat, en matière d'inf rastructures routières, dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-régions. En effet, sur les deux premières années de la période 2000-2006, les engagements de l'Etat n'atteignent que 25,1 % alors qu'ils devraient


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dépasser 28 %. Cet engagement limité risque de retarder la mise en oeuvre des contrats de plan dont on connaît l'importance dans la politique d'aménagement du territoire. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous rassurer à ce propos et nous expliquer comment vous envisagez de tenir les engagements prévus.

Reste la politique autoroutière. Les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle ont souligné la nécessité de réformer cette politique. Je constate que le « nouvel objet routier », dont des contours sont encore un peu flous, va trouver une traduction concrète puisque l'A 64 entre Pau et Oloron est conçue sur ce modèle. A ce propos, je voudrais souligner l'importance de toutes les traversées transpyrénéennes, qu'il s'agisse de l'axe ToulouseBarcelone par le tunnel du Puymorens ou de l'axe PauLe Somport pour rejoindre Saragosse,...

M. Michel Bouvard.

Et la traversée des Alpes du Sud !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial.

... qui permettent aussi d'améliorer la coopération avec l'Espagne.

Ce nouveau type d'autoroute est adapté au trafic modéré qui y est attendu. Son coût, lui aussi modéré, répond aux préoccupations de la mission d'évaluation et de contrôle qui, face à des ressources budgétaires, par nature limitées, et à un trafic lui-même limité, a exhorté le Gouvernement à rationaliser autant que possible les investissements.

La réforme du secteur autoroutier est enfin lancée, avec le dépôt au Sénat, le 7 septembre 2000, d'un projet de loi d'habilitation visant à autoriser le Gouvernement à prendre des ordonnances de transposition de directives européennes. La réforme renforcera la concurrence pour l'attribution de nouvelles concessions autoroutières et dotera le système autoroutier de moyens financiers en adéquation avec la mission qui lui incombe, compte tenu notamment de l'abandon du mécanisme de l'adossement.

Considérant l'ensemble de ces propositions, on peut affirmer, monsieur le ministre, que votre budget est un bon budget. Il poursuit logiquement les actions entamées depuis le début de la législature, puisque les investissements sont particulièrement lourds et s'étalent sur plusieurs années. C'est donc sans réserve que la commission des finances a adopté les crédits des transports terrestres.

Je vous demande, mes chers collègues, de faire de même.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'équipement et les transports terrestres.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'équipement et les transports terrestres.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés aux transports dans le projet de loi de finances pour 2001 marquent deux orientations d'orthodoxie budgétaire : l'une concerne la suppression du compte d'affectation spéciale FITTVN, et l'autre une profonde modification de la nomenclature budgétaire.

Les crédits consacrés aux transports terrestres sont abondés des crédits de l'ancien FITTVN. Cette nouveauté perturbe la comparaison, mais sur le fond est maintenu le principe fondateur du FITTVN d'une répartition intermodale par l'Etat des crédits d'investissement, avec une prime au ferroviaire, tant les besoins sont énormes et déterminants en la matière.

Ces crédits, ajoutés à un budget qui donne la part belle aux autorisations de programme porteuses d'avenir, devraient permettre au Gouvernement de tenir ses engagements. Outre qu'il impulse la priorité au développement des transports collectifs, l'Etat fait face dans de multiples domaines d'intervention impartis aux pouvoirs publics dans les transports : dotation de 12 milliards de francs pour stabiliser la dette de RFF ; contribution de 12,6 milliards de francs aux charges d'infrastructures de RFF ; 620 millions de francs en faveur du transport combiné ; près de 2 milliards de francs d'autorisations de programme pour le transport collectif ; 860 millions de francs mobilisés pour le financement du TGV Esteuropéen. Il faudrait ajouter aussi les contributions habituellement versées à la SNCF et destinées à permettre à cette grande entreprise publique d'assurer ses missions de service public.

Monsieur le ministre, j'opposerai à ce satisfecit deux remarques, la SNCF assume seule, c'est-à-dire sans aide de l'Etat, la réduction du temps de travail ; par ailleurs, je déplore la diminution de 715 millions de francs des contributions aux charges d'infrastructures, sur laquelle je n'ai pu avoir jusqu'a présent d'explication rationnelle.

M. Michel Bouvard.

Quel aveu !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

Les conséquences seront certainement néfastes pour la trésorerie de RFF et donc sur l'ensemble du système ferroviaire.

L'année 2001 verra se concrétiser des projets conformes aux politiques initiées depuis 1997 : la mise en oeuvre de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains ; la nouvelle programmation des grands réseaux de transport avec les contrats de plan entre l'Etat et les régions ; l'adoption des schémas de services de transport de voyageurs et de marchandises à l'horizon 2020.

Ce budget met un point final aux dégradations continuelles de l'emploi dans les services de l'équipement.

Monsieur le ministre, vous avez fait l'effort que nous attendions, et je vous en remercie.

Mais venons-en aux sujets que je souhaiterais aborder ce matin : le rééquilibrage entre les modes de transport.

La politique routière et autoroutière engagée depuis plus de vingt ans nous a permis de disposer d'un réseau routier envié en Europe. Cependant, cela ne s'est pas fait naturellement : en dix-neuf ans, 1 000 milliards de francs ont été investis par l'Etat dans les infrastructures routières, alors que 300 milliards seulement ont été dans le même temps consacrés aux infrastructures ferroviaires.

Sans compter l'ensemble des mesures qui ont favorisé le transport routier.

Un rééquilibrage suppose de donner à présent plus de moyens aux transports collectifs - et au transport ferroviaire en particulier - qu'à la route, même si des besoins se font encore sentir dans certaines régions, même s'il faut mettre en oeuvre le programme autoroutier et l'achever dans le cadre des schémas de services.

La forte demande générée par le retour de la croissance, les mesures prises par la SNCF, la qualité de l'offre, surtout, en direction des voyageurs, ont incontestablement redonné une légitimité au mode ferroviaire.

Avec une augmentation de 9 % de ses trafics en un an, le fret ferroviaire a repris un point de part de marché sur la concurrence routière. S'agissant des trafics voyageurs sur les segments les plus dynamiques, TER, TGV, et même sur les grandes lignes classiques, les progressions sont appréciables, parfois spectaculaires comme en région Centre avec 10,5 % de trafics supplémentaires en un an et une augmentation des recettes de près de 13 %.

Mais la progression actuelle du ferroviaire est encore conjoncturelle, vous le savez, car beaucoup reste à faire pour moderniser l'offre et la rendre durablement attrac-


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tive aux voyageurs et aux chargeurs. Si le secteur des TER, notamment dans les régions expérimentales, rencontre une adhésion croissante des populations, il faudra là aussi dans l'avenir engager des moyens importants et ne rien négliger pour engager, dès le 1er janvier 2002, et pas plus tard comme certains l'envisagent déjà, l'important volet de décentralisation que constitue le transfert de compétence des transports régionaux de voyageurs à toutes les régions françaises.

Dans ce climat plus positif - meilleures conditions économiques et sociales, prise de conscience des questions environnementales, favorable à un rééquilibrage en faveur du rail - la situation financière du secteur ferroviaire reste globalement fragile, alors qu'il a besoin d'une masse d'investissements structurants.

Même si la loi de février 1997 a, pour partie, allégé la SNCF du poids de sa dette issue des infrastructures payées pour l'Etat, les quelque 160 milliards de francs de dette de RFF pèsent lourd sur le développement du mode ferroviaire. Par ailleurs, les 50 milliards de francs laissés à la charge de la SNCF ne lui assurent pas une capacité d'autofinancement suffisante au regard des renouvellements inéluctables de matériels roulants et des objectifs de trafic fixés par le Gouvernement. En outre, 60 milliards de francs environ restent cantonnés dans le service annexe d'amortissement de la dette ferroviaire.

L'engagement pris par le Gouvernement de verser, sur trois ans, 37 milliards de francs de dotation en capital à RFF pour stabiliser sa dette ne suffit pas à faire de cet établisement public un investisseur à la hauteur des besoins actuels. Il est conduit, de ce fait, à faire pression sur la SNCF pour augmenter les péages d'infrastructures ferroviaires et à se montrer parfois, réticent, pour engager, dès la phase des études, les projets d'investissements en infrastructures ferroviaires nécessaires.

Chacun s'accorde aujourd'hui sur les dangers de cette situation pour l'avenir du transport ferroviaire, si nécessaire pour engager notre pays sur la voie du développement durable. Aussi, je me permets, au double titre de rapporteur pour avis du budget des transports terrestres et de président du Conseil supérieur du service public ferroviaire, d'attirer votre attention, monsieur le ministre sur la nécessité de soulager d'au moins 50 % la dette globale du système ferroviaire, par les moyens financiers issus de la vente des licences UMTS. Je sais que vous y êtes sensible. Il faut faire pression sur le ministère des finances.

M. Michel Bouvard.

Excellente idée !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

D'ailleurs, un désendettement significatif du secteur ferroviaire allégerait ultérieurement, pour l'Etat, le poids des charges annuelles de dotations en capital à RFF et, par l'augmentation de l'autofinancement des deux EPIC, dégagerait au-delà de 2001 des possibilités nouvelles d'investissement. Cela aurait en outre un impact non négligeable sur l'emploi dans l'industrie ferroviaire nationale.

Le développement du fret ferroviaire apparaît, aux yeux de l'opinion publique, des élus mais aussi de l'ensemble des acteurs économiques, clients du fret et transporteurs routiers, comme le meilleur moyen de résoudre le dilemme entre l'accroissement des besoins de transport et la protection de la qualié de vie.

Le contexte a rarement été aussi favorable pour le fret ferroviaire, mais la situation est complexe. Avant de parler de son développement, la survie tient en grande partie à la capacité de réaction et de transformation des entreprises ferroviaires pour fournir rapidement des services de qualité aux chargeurs.

En France, une révolution profonde du système de production de la SNCF est nécessaire afin que le fret cesse d'être le parent pauvre du transport ferroviaire.

D'importants efforts doivent être fournis pour mettre à la disposition de la SNCF un réseau et des sillons offrant des performances au moins égales à celles de la route.

Le transport combiné, pour s'imposer, doit être aidé financièrement et organisé. De même, je plaide pour qu'enfin, dans notre pays, la route roulante - les camions sur wagons - soit expérimentée dans des zones sensibles comme la traversée des Alpes et des Pyrénées,...

M. Michel Bouvard.

Merci...

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

... ou des secteurs congestionnés par le transport des poids lourds.

Les efforts des deux entreprises publiques seraient illusoires sans moyens financiers supplémentaires.

S'agissant du développement du RTEFF et de l'interopérabilité, il serait nécessaire que l'Etat français et l'Union européenne s'engagent sur un véritable « plan Marshall », mobilisateur de moyens financiers, vu l'urgence à rattraper le retard pris, tant en termes de politique européenne des transports qu'en termes de développement du fret ferroviaire.

L'objectif à terme est bien que le fret ferroviaire puisse se passer de subventions publiques à l'exploitation. Mais cela implique d'abord, du côté français, un important effort en matière d'achat de matériels roulants, de formation d'agents de conduite et de travaux d'infrastructures, une contractualisation pluriannuelle des relations entre l'Etat et la SNCF et un désendettement des deux entreprises publiques. Cela implique aussi que l'Europe mette à disposition des moyens financiers conséquents pour que les Etats puissent faire face à l'impératif de revitalisation du fret international - suppression des goulets d'étranglement, interopérabilité des réseaux. De même, cet objectif commande que soient établies, au niveau européen, des règles de concurrence équitable entre la route et le rail par l'intégration complète des coûts externes et l'harmonisation sociale par le haut dans le domaine des transports. Le Gouvernement peut mettre à profit la présidence française de l'Union européenne pour progresser sur tous ces points. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous y employez.

Toujours à propos de l'Europe, vous avez la difficile tâche de présider les négociations de la procédure de conciliation sur le paquet ferroviaire. Les dispositions des trois projets de directives qui le composent sont déterminantes pour l'avenir du transport ferroviaire en France et en Europe. Cet examen entre dans sa phase finale sous la forme d'une conciliation entre la position commune du Conseil adoptée en décembre dernier et les amendements votés par le Parlement européen le 5 juillet 2000. Or les amendements du Parlement européen, modifiant la position de compromis du Conseil, vont dans le sens de la libéralisation complète, à terme, du transport ferroviaire.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

Mon cher collègue, une telle libéralisation, par étapes, vers la concurrence totale des activités en réseau serait dangereuse et inefficace, économiquement, socialement et en termes de protection de l'environnement, compte tenu des spécificités de l'activité ferroviaire.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Jean-Jacques, rapporteur pour avis.

C'est pourquoi je serai très attentif aux conclusions de cette conciliation difficile.


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Je milite, en outre, comme le recommande le troisième avis du CSSPF, en faveur d'un moratoire de cinq ans dans la réforme des organisations ferroviaires. Loin de devoir être considérée comme défensive, cette période de moratoire serait mise à profit pour réaliser le réseau de transport du fret européen, renforcer l'efficacité des entreprises ferroviaires et achever leur assainissement financier, et faire le bilan argumenté et contradictoire des directives en vigueur.

Le siècle s'achève et avec lui doivent enfin s'achever les illusions des apprentis sorciers du libéralisme contrôlé par le seul marché dans le domaine ferroviaire. On voit d'ailleurs malheureusement le désastre auquel ce laisser-faire conduit dans d'autres domaines.

L'hégémonie routière que nous subissons, résultat d'une orientation constante et volontaire de la politique des transports depuis des décennies au profit du seul transport routier et des prix de transport tirés vers le bas, a fait long feu. Chacun convient aujourd'hui des terribles conséquences qui en résultent déjà et, surtout, qui pourraient en résulter demain au regard de la croissance de la demande de transport.

Le maître mot doit devenir « régulation », car le transport routier n'est pas l'outil absolu pour transporter les marchandises, en particulier. Vous le savez, monsieur le ministre, la régulation impose la multimodalité des transports au service des personnes et d'une économie saine.

Votre politique va dans ce sens-là et nous l'appuyons.

Les décisions prises depuis 1997, les budgets que vous présentez depuis trois ans, les contrats de plan 20002006, votre implication dans le difficile combat européen, sont autant d'atouts qui fondent cet engagement sur un projet global de transport partagé par le plus grand nombre.

La commission de la production et des échanges a adopté votre projet de budget à la grande majorité des députés présents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le transport aérien et la météorologie.

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le transport aérien et la météorologie.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je résumerai mon rapport sur le transport aérien en quelques mots : bon point pour la construction aéronautique, mais pour le reste, hélas ! monsieur le ministre, conservatisme, opacité, incohérence.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Tout ça !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Mais commençons par les éloges.

Des éloges, le Gouvernement en mérite, comme d'ailleurs tous les gouvernements français depuis un demisiècle qui, à travers les aventures de la Caravelle, de l'Airbus et du Concorde, ont su faire revivre la tradition pionnière de la France dans le domaine aéronautique. Si l'Europe est aujourd'hui le deuxième constructeur aéronautique mondial, elle le doit très largement à la France, et nos partenaires seraient bien avisés de ne pas l'oublier.

Ce secteur a connu un véritable bouleversement en dix-huit mois, mais l'essentiel est fait, à savoir la création d'une société européenne et la fusion, au sein d'une entreprise nouvellement créée, des différents partenaires d'Airbus. L'industrie française s'est trouvée au coeur d'une restructuration importante, à l'échelle européenne, et il faut, en effet, féliciter le Gouvernement d'avoir pris à temps la mesure du défi que nous lançait l'industrie américaine.

Ce défi était permanent. Il faut donc se réjouir de voir l'Etat soutenir vigoureusement la recherche aéronautique avec plus de 2 milliards d'autorisation de programme qui viendront notamment abonder le programme de l'Airbus A3XX. Mon seul regret concerne l'Europe et, notamment, la faiblesse de la politique communautaire qui ne dégage - et encore, sur six années - qu'un nombre de millions d'euros relativement limité.

J'en arrive au budget annexe de l'aviation civile, évalué à 8,9 milliards de francs pour 2001, en augmentation de 2,7 % par rapport à 2000. Cette progression est supposée financer les dépenses de sûreté des aéroports ainsi que la navigation aérienne. Mais les représentants des diverses compagnies aériennes, principales contributrices au budget annexe, ont signalé des irrégularités en cours d'exécution. Ainsi, le budget annexe aurait financé un hangar à Saint-Pierre-et-Miquelon, alors que cet investissement relève normalement d'un autre budget. Il assure également les loisirs aéronautiques d'une partie de la gendarmerie, au prétexte que celle-ci est en charge de la protection des aéronefs.

Plus préoccupante est l'absence d'information sur les unités de base taxable, sur lesquelles se fonde le rendement des différentes redevances. Cela fait bientôt huit ans que les rapporteurs spéciaux de l'Assemblée et du Sénat expriment leurs remarques sur l'opacité de la présentation du budget et doivent se contenter d'améliorations de détail.

La fiscalité du transport aérien n'échappe d'ailleurs pas à l'incohérence générale et l'article 19 de la première partie du projet de loi de finances sur la répartition de la taxe de l'aviation civile en est l'illustration. Le Gouvernement, pour la troisième année consécutive, nous propose une modification en ce domaine, ce qui démontre son incapacité à trouver l'équilibre souhaitable. Cette fois-ci la modification a porté sur la quotité de répartition. Le budget annexe voit sa part augmenter sans que le Gouvernement ait fourni la moindre justification à ce sujet.

Quant au fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien destinataire de l'autre partie du produit de la taxe, sa part diminue drastiquement. C'est-à-dire, mes chers collègues, que le Gouvernement vient, en quelque sorte, de signer l'arrêt de mort de la politique d'aménagement du territoire dans le domaine aérien.

A sa création, le FIATA a bénéficié d'une fiscalité abusive, assise tout à la fois sur les passagers et le fret. J'utilise le mot « abusif » à dessein car le fonds a été doté de plus de crédits qu'il ne pouvait en dépenser ; et nous l'avions dit, à l'époque. Ce sont donc nos concitoyens qui ont payé l'erreur d'évaluation de l'Etat. Le Gouvernement aurait pu se rendre compte de son erreur et abaisser les taux unitaires de la taxe de l'aviation civile ; il n'en a, bien entendu, rien été. Le FIATA disposera pour 2001 de 279 millions de francs, mais cette somme alimentera exclusivement les aéroports. L'aménagement du territoire sera en effet financé par les seuls reports de crédits, c'està-dire par les sommes non dépensées lors des exercices précédents.

Progressivement, le FIATA n'est donc plus l'outil d'aménagement du territoire prévu à l'origine, mais un simple compte d'affectation spéciale qui sert de prétexte p our l'Etat à la perception d'une taxe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

Autant sortir de l'hypocrisie dans laquelle nous baignons.

Monsieur le ministre, conservez la taxe si vous la jugez nécessaire, mais supprimez le FIATA, comme vous supprimez, sans doute la mort dans l'âme, le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables.

Les crédits de l'Etat pour l'aménagement du territoire seront inscrits dans une ligne budgétaire du « bleu » des transports, ce qui ne pourra que renforcer la lisibilité des crédits.

J'en viens à Air France, qui pourrait apporter, avec la construction aéronautique, une autre note optimiste dans nos débats. Les comptes de la compagnie sont excédentaires et elle développe son réseau. L'alliance avec Delta lui a permis d'enregistrer de remarquables gains de compétitivité sur l'Atlantique Nord.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vous l'avais dit !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Je ne peux pourtant m'empêcher, monsieur le ministre, d'évoquer mes inquiétudes sur l'avenir d'Air France, en raison même de son maintien, pour une raison purement idéologique, dans le secteur public.

M. Dominique Bussereau.

Maintien provisoire !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Comme l'an dernier, j'en appellerai donc à une privatisation. Je sais que vous opposerez, à l'appui de votre position, les excellents résultats d'Air France à ceux, par exemple, d'AOM, compagnie privée déficitaire. Mais la question n'est pas là.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Si !

M. Jean-Jacques Filleul.

Elle est là, justement !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Chaque compagnie dispose de l'autonomie de gestion et l'Etat n'est pour rien dans les résultats d'Air France. Il faut plutôt saluer le travail de ses récents présidents et de son président actuel, M. Jean-Cyril Spinetta, et rappeler qu'Air France a bénéficié, pour se redresser, de l'expertise des Américains.

Le droit communautaire interdit en outre au Gouvernement d'opérer le moindre apport en capital à Air France. On voit donc mal où se situe désormais l'utilité de l'Etat, premier actionnaire, et de loin, de la compagnie. Or celle-ci a un besoin vital de lancer des investissements, notamment pour acquérir des appareils, et seul le public, c'est-à-dire les marchés financiers, est en mesure de souscrire à des augmentations de capital.

Par ailleurs, le transport aérien ne correspond pas à la notion de service public. Qu'est-ce, en effet, qu'un service public ? C'est une activité d'utilité sociale que le marché ne peut assurer, qui se caractérise par la continuité dans le temps et dont le fonctionnement provient de dotations budgétaires, avec, le cas échéant, la participation des usagers. Le transport ferroviaire remplit assurément cette fonction, en raison des coûts colossaux d'investissement et de son impact favorable sur l'aménagement du territoire et l'environnement. Notre collègue Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial, vient de nous rappeler que l'Etat, à ce titre, apporte chaque année plus de 44 milliards de francs en dotations diverses à la SNCF.

Le transport aérien est exactement à l'opposé de cette philosophie. Il constitue un marché, qui se déplace en fonction du dynamisme des grandes métropoles de ce monde. Il remplit un rôle essentiellement économique, celui de « relier les hommes », comme le disait joliment Saint-Exupéry, et vous savez bien que 70 % de la clientèle d'Air France est constituée d'hommes d'affaires. Voilà un merveilleux paradoxe, monsieur le ministre, que de vous voir assimiler à un service public le soutien au développement du grand capitalisme international. (Sourires).

Faut-il rappeler que cette assimilation abusive à un service public a failli tuer Air France ? L'endettement abyssal de 30 milliards, que le gouvernement d'Edouard Balladur a d'ailleurs comblé, n'avait d'autre origine que des modes de gestion conservateurs et la vision idyllique d'une compagnie emblématique, censée représenter l'excellence de notre pays. Air France était donc à l'époque une compagnie dont les tarifs étaient élevés, seulement accessible à nos compatriotes les plus fortunés. Pendant ce temps, la concurrence, plus dynamique, mettait le transport aérien à la portée des plus modestes, en réorganisant fondamentalement les bases du métier.

J'en arrive aux aéroports, secteur qui appelle une vigilance particulière du Parlement. J'évoquerai, en premier lieu, une affaire sur laquelle mes informations étaient hier encore parcellaires, mais je ne doute pas que le Gouvernement s'empressera de les préciser. Il s'agit d'une perte financière subie conjointement par Aéroports de Paris et la RATP, perte évaluée à près d'un milliard de francs, ce qui n'est pas rien !

M. François Asensi.

Vieille affaire !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Aéroports de Paris souhaitait se doter d'un système de navettes automatiques pour relier les aérogares de Roissy entre elles et avec la station de RER. Un tel système est en vigueur dans de nombreux aéroports à travers le monde. En France, on le sait, cette technologie est parfaitement maîtrisée par Matra. Mais pour des raisons encore mystérieuses, le choix du maître d'ouvrage s'est porté sur une PME du Sud-Ouest, l'entreprise Soulé, étroitement liée à la RATP, malgré les avertissements de l'inspection des finances et de l'administration des ponts et chaussées.

Soulé s'est révélée incapable de résoudre les problèmes l iés à la réalisation technique du projet.

M. Michel Bouvard.

Cela figurait dans le rapport de la Cour des comptes ainsi que dans le mien.

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

J'ai interrogé la direction d'Aéroports de Paris sur cette question. Cellec i hier seulement, la lettre est datée du 9 novembre m'a donné une réponse à caractère technique, qui confirme que le coût total de ce projet abandonné s'élève à 224,7 millions de francs pour Aéroports de Paris et à 714,5 millions pour la RATP. Si l'on ajoute le coût de la dépose du système, la perte globale pour la collectivité publique atteint, je l'ai dit, près d'un milliard de francs.

Je donne acte à Aéroports de Paris de sa réponse, quitte à poursuivre mon travail de rapporteur spécial sur cette question dans les jours qui viennent. Mais au-delà des aspects comptables - qui ne sont pas négligeables pour le contribuable - il conviendrait que le Gouvernement éclaire la représentation nationale sur les aspects plus politiques de ce dossier.

Pourquoi le Gouvernement, en 1991, n'a-t-il pas suivi les avis réservés de l'inspection des finances et de l'administration des Ponts et chaussées ? Que sont devenues les personnes qui siégeaient au jury technique qui a retenu l'entreprise Soulé ? Exercent-elles toujours des responsabilités dans les choix techniques que les entreprises publiques doivent conduire ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

Aéroports de Paris a fait état, dans sa réponse, d'un règlement amiable des pertes avec la RATP, après l'arbitrage d'une mission d'expertise et de deux membres du Gouvernement : vous-même, monsieur le ministre, et votre collègue chargé de l'économie et des finances.

Néanmoins, cet arbitrage établit nettement la responsabilité de la RATP. Aéroports de Paris ayant perdu des sommes considérables dans cette affaire, pour quelles raisons n'a-t-elle pas obtenu une compensation intégrale de ses pertes ? Voilà, monsieur le ministre, des questions simples et précises, qui appellent de votre part des réponses du même ordre, d'autant que je les ai transmises hier à vos services, accompagnées de la lettre d'ADP. A défaut, je poursuivrai sur cette affaire mon rôle de rapporteur spécial, en application de l'article 164 de l'ordonnance du 30 décembre 1958.

Pour l'anecdote, je signale que l'embryon de navette a eu tout de même une certaine utilité, puisqu'elle a servi de décor à un vidéo-clip du chanteur Patrick Bruel. (Sourires).

L'aéronautique et Aéroports de Paris ont ainsi financé le lancement d'un disque et, à ma connaissance, c'est le seul décor de clip payé par le contribuable. Merci pour lui ! Le deuxième problème concernant les aéroports est évidemment lié aux risques de saturation, à leur environnement urbain et au projet d'un éventuel troisième aéroport.

Observons d'abord que le Gouvernement s'est bien gardé d'être précis sur la localisation de ce projet et sur son coût éventuel. Sans doute sa volonté de réaliser cet aéroport n'est-elle pas encore assez forte. Il est vrai que deux obstacles majeurs s'opposent à ce projet.

M. Michel Bouvard.

Trois avec Mme Voynet !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Le premier est qu'Air France ne veut pas aller dans un autre aéroport que Roissy. On comprend notre compagnie nationale, car ce serait remettre en cause sa stratégie de hub . On ne peut pas, en effet, avoir deux hubs

Une simple comparaison justifie cette attitude. Les

Etats-Unis disposent de compagnies aériennes quatre à cinq fois plus importantes qu'Air France, sur un territoire très étendu où les réserves foncières ne manquent pas. Les compagnies américaines ont-elles pour autant plusieurs hubs ? Non, évidemment. Delta est à Atlanta, Northwest est à Détroit, et ainsi de suite. La stratégie de hub d'Air France se révèle, jour après jour, une éclatante réussite, mais elle est tributaire d'une logistique de concentration géographique. Comme Air France assure 70 % du trafic national et international de notre territoire, le futur aéroport risque d'être une coquille vide, car notre compagnie ne peut pas développer deux plates-formes de transit.

Le deuxième obstacle à ce projet est que Roissy a été volontairement conçu pour recevoir à terme 70 millions de passagers, afin de faire de l'Ile-de-France la première ou la deuxième place aéroportuaire d'Europe. Des investissements importants ont été réalisés à cette fin, qu'il s'agisse des connections du TGV ou encore des troisième et quatrième pistes, dont vous avez autorisé à juste titre la construction, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Filleul et M. François Asensi.

Très bien !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial.

Les aurons-nous financés en pure perte ? J'ai noté, c'était dans la presse ces jours-ci, que l'aéroport de Schipol, aux Pays-Bas, ambitionnait également d'atteindre 70 millions de passagers.

Ces objectifs ne sont pas innocents, ils font partie de la compétition que se livrent les régions en Europe pour attirer les investissements et l'emploi. Je rappellerai uns eul chiffre : un million de passagers génère 1 000 emplois. La France peut-elle se passer d'une telle chance, alors qu'elle dispose d'une plate-forme qui n'est pas encore saturée ? Plutôt qu'avoir peur de l'avenir, rappelons-nous que le secteur des transports évolue vite et qu'il existe déjà des solutions à court et moyen terme. Un événement récent est passé inaperçu : la suppression par Air France de la liaison Paris-Bruxelles. Cette ligne a été tuée par le TVG Thalys. Dans quelques mois, il en sera ainsi pour Marseille, comme il en a été ainsi pour Lyon. Chaque fois que le TGV relie des villes en quelques heures, il absorbe 80 % du trafic aérien.

Vous affirmez, monsieur le ministre, que votre priorité va au transport ferroviaire. Nos collègues écologistes s'inscrivent également dans cette logique. J'approuve, moi aussi, une telle orientation. Mais cessons de raisonner en isolant chaque mode de transport. Cela fait cinq ans que les différents rapporteurs spéciaux demandent au Gouvernement le schéma général des infrastructures. Ce schéma est sans doute difficile à établir politiquement, car aucune région ne souhaite être laissée à l'écart, mais c'est le seu l moyen qui nous permettrait de dégager des priorités et de ramener un peu de sérénité dans le débat.

Je comprends les réticences de nos collègues élus des c ommunes riveraines, surtout quand des drames s'ajoutent aux nuisances quotidiennes. Mais il faut rappeler qu'à l'origine, l'aéroport de Roissy a été créé en ra se campagne, au milieu des betteraves, et que certains élus n'ont rien fait pour limiter l'urbanisation des secteurs voisins. Avant de lancer un nouvel investissement très coûteux et qui générerait à terme les mêmes problèmes, explorons toutes les pistes, qu'il s'agisse d'autres modes de transport ou du développement des aéroports de province.

Monsieur le ministre, j'ai surtout mis l'accent sur les problèmes du transport aérien, comme il sied à un rapporteur appartenant à l'opposition. A votre décharge, je dois reconnaître que vous êtes l'héritier de mauvaises pratiques qui se sont poursuivies pendant de nombreuses années. Pour ma part, j'ai logiquement proposé le rejet de vos crédits. Mais la majorité de la commission des finances ne m'a pas suivi et invite l'Assemblée à adopter les crédits de l'aviation civile pour 2001. (M. Michel Bouvard applaudit.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour le transport aérien.

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour le transport aérien.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, doté de 8,9 milliards de francs pour 2001, le budget annexe de l'aviation civile confirme votre engagement pour assurer la sécurité des vols, avec notamment la création de 429 emplois de navigation aérienne et la poursuite des programmes pour la modernisation des équipements de navigation.

La diminution des dotations du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien s'explique par la baisse de la part de la taxe de l'aviation civile qui lui est affectée. Aucune dotation n'est inscrite cette année pour l'équilibre des dessertes aériennes en raison des reports de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

crédits de l'exercice 2000. Les crédits pour 2001 seront donc principalement affectés aux dépenses de l'Etat dans le domaine de la sûreté.

Pour la construction aéronautique, l'Etat poursuit son soutien aux programmes de recherche des industriels et au développement de nouveaux produits. Ainsi, la part la p lus importante des dotations, versée sous forme d'avances remboursables, est destinée au lancement de l'A3XX, le nouveau géant européen des airs. Votre engagement personnel, monsieur le ministre, et celui du Gouvernement en faveur de ce projet ambitieux est un signe fort pour l'industrie et l'emploi qu'il convient de souligner.

La commission de la production et des échanges a donc émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe. Mais la présentation des crédits de l'aviation civile est aussi l'occasion de faire le point sur les évolutions qui affectent la filière aéronautique.

L e transport aérien évolue aujourd'hui dans un contexte de plus en plus libéral, sous l'effet de la déréglementation lancée à la fin des années 70 aux Etats-Unis par l'administration Reagan. Sur le vieux Continent, le transport aérien, libéralisé depuis le 1er avril 1997, fait désormais confiance à la « main invisible du marché ». Il s'envole, pour la septième année consécutive, vers des bénéfices records pour les compagnies aériennes membres de l'IATA.

Avec une progression de 5,4 % par rapport à l'année précédente, la croissance soutenue du trafic aérien se développe dans le cadre de la libéralisation qui caractérise la politique communautaire des transports. Si la mise en oeuvre du « troisième paquet » de libéralisation des transports aériens a parachevé la construction du marché intérieur, il n'en demeure pas moins que les relations aériennes entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays tiers demeurent régies dans un cadre bilatéral, q ui divise les Européens et favorise les puissances commerciales les plus importantes.

La définition d'un espace commun des transports aériens englobant les Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis a été adoptée par le Conseil des ministres des transports européens en juin 1996. Ce nouvel espace peut être mutuellement avantageux et constituer une alternative à la politique de « ciel ouvert » menée par les Etats-Unis avec les pays membres de l'Union européenne, à condition, monsieur le ministre, d'être ferme, lors des négociations face, aux pressions venues d'outre-Atlantique.

C'est dans ce contexte que les compagnies aériennes européennes poursuivent leur politique d'adaptation et de regroupement.

Il en va ainsi des ailes françaises, touchées cette année par l'accident, à Gonesse, de l'avion civil le plus mythique, le Concorde.

Aujourd'hui, Air France arrive en tête des compagnies aériennes européennes en affichant des résultats commerciaux et financiers en forte croissance. Et je veux dire à M. Gantier, en toute estime, que la solution consistant à conserver à l'Etat une part majoritaire n'a pas empêché l'entreprise publique de conclure des alliances avec des compagnies américaines et de créer les conditions de son développement, notamment dans le domaine de l'emploi.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Bien sûr !

M. François Asensi, rapporteur pour avis.

Air France va créer de milliers d'emplois. Je ne vois donc que des raisons idéologiques pour demander encore la privatisation d'Air France.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

Même M. Fabius est pour !

M. François Asensi, rapporteur pour avis.

Air France est d evenue une compagnie aérienne très performante, reconnue pour la qualité de son savoir-faire et de ses services. Elle détient un réseau mondial puissant grâce à sa participation active à l'alliance Sky Team avec son partenaire américain Delta Airlines. En s'alliant avec la compagnie tchèque CSA, Air France va pouvoir se déployer sur tout l'Est du continent européen et offrir ainsi une puis-s ante réplique à son principal rival américain, Star Alliances.

Comme vous le savez, la croissance du trafic aérien produit des effets sur toute la filière aéronautique. En aval de cette filière, l'augmentation du nombre de passagers nécessite des adaptations de la politique aéroportuaire. En effet, si le rythme actuel de croissance du trafic aérien se maintient, la capacité maximale des sites aéroportuaires d'Ile-de-France pourrait être atteinte dans les prochaines années. Face à ces évolutions, l'Etat doit mettre en oeuvre une politique aéroportuaire volontaire, qui crée les conditions d'un développement durable intégrant les contraintes économiques, environnementales et de sûreté.

Lors de l'examen des schémas de services collectifs de transports, le 26 octobre dernier, M. le Premier ministre a annoncé la constitution d'un réseau de plates-formes complémentaires à l'échelle nationale et d'une nouvelle plate-forme à vocation internationale pour désengorger Orly et Roissy.

C es décisions sont justes, d'autant qu'elles s'accompagnent de l'organisation d'un débat public sous l'égide de la commission nationale du débat public et d'une consultation des élus, avant le choix définitif.

La nouvelle donne aéronautique passe par le développement de capacités aéroportuaires alternatives en province et la recherche d'une articulation entre les aéroports provinciaux et le réseau des TGV. La multimodalité est inscrite dans le futur comme un axe majeur d'une politique d'aménagement du territoire pour la France mais également pour l'Europe.

Face à ces enjeux, les préoccupations exprimées par les riverains d'aéroports du point de vue de l'environnement et de la sécurité ne peuvent être ignorées. Ainsi, monsieur le ministre, le seuil de 55 millions de passagers que vous avez fixé comme une limite infranchissable ne doit en aucun cas être dépassé sous peine de dégrader le cadre de vie et les équilibres écologiques de la Plaine de France. Je constate à cet égard que l'engagement de ne pas dépasser globalement la quantité de bruit observée en 1997 a été tenu. Et je me réjouis que la mise en place de l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ait amplifié le dispositif de sanctions administratives à l'encontre des exploitants ne respectant pas les mesures d'usage.

A la montée en puissance des préoccupations environnementales s'est ajoutée la question de la sécurité des transports aériens, relancée récemment avec le crash du supersonique. Dans ce domaine, la Commission de Bruxelles envisage, par une approche libérale, de mettre en concurrence les systèmes de contrôle et de privatiser la gestion du trafic aérien en vol. Comme vous l'avez rappelé lors de votre audition devant la commission de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

production et des échanges, il n'est pas question de séparer la fonction de régulation de la fonction d'opérateur et de céder, lors du prochain Conseil de décembre, aux recommandations de Bruxelles.

En amont de la filière, la construction aéronautique figure au coeur de la politique aéronautique française.

Avec le rapprochement des constructeurs français, la transformation du statut d'Airbus et le soutien de l'Etat aux programmes de recherche et aux nouveaux produits comme l'A3XX, sous forme d'avances remboursables, la F rance peut désormais rivaliser avec ses principaux concurrents.

Au sein d'EADS, pionnier de l'intégration européenne, A irbus dépasse pour la première fois Boeing en commandes. Cependant, le « géant de Seattle » garde encore son avantage sur Airbus en termes de livraisons, mais aussi en termes de financement des programmes. En effet, Boeing continue de bénéficier d'importants financements en provenance de la NASA ainsi que d'avantages fiscaux diversifiés que nous ne pouvons accepter. La Commission européenne estime que l'industrie aéronautique américaine a bénéficié de soutiens à hauteur de 7 % en 1996 et de 12 % en 1997, contre 3 % autorisés par l'accord bilatéral de juillet 1992. Le Gouvernement doit rester attentif à ce que les engagements pris continuent d'être respectés et dénoncer les déséquilibres qui pourraient exister dans l'application de l'accord.

Une vigilance qui doit être d'autant plus forte que nos concurrents américains, inquiets des succès commerciaux d'Airbus, entendent perturber le lancement industriel de l'A3XX en affirmant qu'il n'existe pas de marché pour ce type d'avion et en mettant en cause le mécanisme des aides publiques.

Ce « Super-Jumbo » européen annonce une nouvelle ère dans le transport aérien. Pour battre en brèche le monopole de Boeing sur les avions très gros porteurs, Airbus espère vendre 750 appareils au cours des vingt prochaines années et le seuil des 50 commandes fermes sera atteint d'ici à la fin de l'année. Je souhaite que le consortium européen puisse commencer le développement du programme.

Pour 2001, je me félicite des avances remboursables que vous avez décidé de consentir, monsieur le ministre, en faveur de la recherche concernant non seulement l'A3XX, mais aussi la version allongée de l'Airbus A 340 et de nouveaux moteurs.

Je pense que des efforts devront également être accomplis, avec nos partenaires européens, pour assurer le développement du futur avion supersonique, le besoin de voyager plus vite n'étant pas prêt de disparaître. Même si l'accident de Gonesse hypothèque l'avenir du Concorde, les constructeurs possèdent des acquis technologiques importants pour construire des avions supersoniques de deuxième génération. A condition toutefois de régler tous les problèmes liés à l'environnement, ce qui n'est pas chose facile.

A l'occasion de la présidence de l'Union européenne, la France se doit de défendre notre savoir-faire aéronautique de préserver ses droits sociaux et de garantir un haut niveau de sécurité.

Telles sont les observations d'ordre général que je tenais à vous présenter, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous rappeler que la commission de la production et des échanges a émis un vote favorable à l'adoption des crédits de l'aviation civile.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la mer.

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la mer.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-être aura-t-il fallu l' Erika et l' Ievoli Sun pour que la France se rappelle qu'elle est ou devrait être une grande nation maritime.

A cet égard, permettez-moi de faire observer, monsieur le président, que, même au sein de l'Assemblée nationale, il est très difficile de faire passer ce message. En effet, je constate que les rapporteurs pour les transports terrestres et aériens ont bénéficié respectivement de quinze minutes de temps de parole, alors que celui qui rapporte sur la mer en est réduit à la portion congrue avec seulement dix minutes. J'élève donc une véhémente protestation contre cette différence de traitement.

M. Daniel Paul.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Lengagne, vous devez adresser cette protestation au président de la commission des finances, car ce sont les commissions qui fixent le temps de parole des rapporteurs.

M. Christian Estrosi.

Vous venez déjà de perdre deux minutes, monsieur Lengagne !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Je tenais en tout cas à faire part de mon indignation, monsieur le président.

Monsieur le ministre, le budget mer que vous nous présentez est, pour la deuxième année consécutive, en croissance notable : 6 708 millions de francs, soit 2,36 % d'augmentation, dans le bleu budgétaire. Mais si on y ajoute les crédits inscrits dans le budget d'autres ministères, je pense à l'éducation nationale, à la recherche, à l'économie, aux finances, à la défense ou à l'agriculture, 10 482 millions de francs sont en fait consacrés par l'Etat aux questions maritimes.

Dans votre propre budget, 72 % des crédits sont consacrés à l'ENIM car l'Etat prend en charge 50 % des dépenses. Le taux de couverture, c'est-à-dire ce qui est payé par les armateurs et les marins n'est que de 14,35 % et, quand on rappellera qu'il n'y a que 43 000 actifs pour 125 000 pensionnés, on comprendra ce déséquilibre.

Hors ENIM, votre budget est en augmentation de 3,48 %. L'effort de formation est poursuivi : l'Ecole nationale de la marine marchande et les lycées techniques en bénéficient. Nous avions voté l'an dernier un amendement pour l'intégration du personnel de l'AGEMA dans la fonction publique, mais, hélas ! l'administration - pas la vôtre, monsieur le ministre - traîne les pieds et, aujourd'hui, aucun agent n'a été intégré.

J'en viens maintenant à ce qui défraie l'actualité : la sécurité maritime. Vous vous êtes vous-même fortement engagé dans ce combat difficile pour une plus grande sécurité. Votre budget en apporte la preuve.

Tout d'abord, d'importants moyens sont inscrits pour améliorer le balisage et moderniser les CROSS. Vous avez ainsi proposé la création, chaque année pendant trois ans, de 16 postes d'inspecteur de sécurité des navires. Effort méritoire certes, mais encore insuffisant tant les besoins sont importants, certains quartiers étant pratiquement démunis. Il se pose en outre un problème de candidature.

Les autorisations de programme augmentent, quant à elles, de 60 %. Mais je m'étonne de la diminution de 4,8 % du chapitre 34-98 - hors articles 70 et 80 -


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

consacré à la flottille de surveillance et aux moyens de services. L'an dernier, en effet, ces moyens étaient déjà insuffisants. J'en veux pour preuve ce qui se passe dans un port que je connais bien : l' Origan , vedette des affaires maritimes chargée de la surveillance sur la Manche entre Dieppe et Calais, ne peut sortir que neuf heures par semaine ! Oui, je dis bien par semaine ! Elle est pourtant basée dans le premier port de pêche de France, donc face à une flottille importante, et au bord du boulevard maritime le plus fréquenté du monde.

Cette décision, je le dis tout net, est incompréhensible, à moins qu'elle ne soit l'oeuvre de quelque chef de service qui, confortablement installé dans son bureau du bord de Seine, juge les événements de mer à l'aune du trafic des péniches qu'il voit passer devant lui...

(Sourires.)

Cela étant, j'ai appris, voilà quelques jours, qu'on avait miraculeusement trouvé du fioul pour permettre à ce bateau de sortir. Je pense que c'est dû à l'efficacité de vos services et je vous en remercie.

Les contrôles sont bien sûr indispensables mais ils perdent beaucoup de leur intérêt si la réglementation applicable est trop laxiste. Je tiens à souligner la détermination de la France - la vôtre monsieur le ministre pour faire évoluer les choses au niveau de l'Europe, car, répétons-le, une réglementation qui ne s'applique qu'à notre pays n'a aucun sens ; au contraire même, elle ruinerait nos ports.

On vous a accusé d'avoir freiné les mesures de sécurité maritime au niveau européen, pour reprendre le titre d'un hebdomadaire. Mais soyons sérieux : ou bien vous faites des propositions maximalistes, qui auront pour effet de susciter l'opposition de nombreux pays, et qui évidemment ne seront pas acceptées, ce qui vous permettra de dire « c'est la faute des autres », ou bien - et c'est ce que vous avez fait et je vous en félicite - vous cherchez un consensus, et les choses avancent.

Puisque nous parlons de réglementation, je veux, justement, profiter du débat sur ce budget pour illustrer par un exemple son insuffisance et la nécessité d'un effort supplémentaire en matière de secours en mer.

Le samedi 28 octobre à 22 h 40, le Manuella, pétrolier-caboteur, voulait rejoindre Dunkerque après avoir vidé sa cargaison dans le port de Boulogne. Le vent était très violent, la mer très forte, hachée par les courants qui règnent à la sortie de la rade.

Le Manuella, battant pavillon du Luxembourg, grand pays maritime comme chacun sait, était en règle il faut le préciser, et rien ne pouvait réglementairement empêcher son commandant de prendre la mer.

A 23 heures 15, réalisant que les moteurs étaient trop faibles pour lutter contre les éléments, il alertait la capitainerie du port. On a là l'illustration de la carence de la réglementation qui n'aurait jamais dû autoriser le navire à sortir.

Revenons au Manuella , alors à deux miles du rivage.

Aucun des trois remorqueurs de Boulogne n'étant suffisamment puissant pour sortir du port, on fit appel au remorqueur de haute mer Far Turbot , affrété conjointement, vous le savez, par la France et la Grande-bretagne, et qui arriva sur zone vers deux heures.

Mais les vents violents, malgré l'aide de trois hommes d'une équipe d'évaluation et d'intervention de la marine nationale, hélitreuillés à bord, et à qui il nous faut rendre h ommage, empêchèrent le remorqueur d'intervenir.

Hélas ! ce remorqueur tomba en panne dans le port de B oulogne. Le remorqueur Le Calaisien , alerté, mit quatre heures pour arriver, le passage du Gris-Nez, vent debout et courant contraire, étant particulièrement difficile. Las, la manoeuvre échoua et les aussières virent se prendre dans une des hélices du Calaisien qui partit rejoindre le Far Turbot au port de Boulogne où les pompiers le dégagèrent.

M. André Capet.

Sabotage ! (Sourires.)

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Le Manuella était alors à un demi-mile de la côte. heureusement, il était vide et la faiblesse de son tirant d'eau lui évita l'échouage.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est l'Odyssée. (Sourires.)

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Vers 13 heures, profitant d'une accalmie passagère, notre pétrolier releva seul son ancre et, lentement, se dirigea seul vers les côtes anglaises pour s'y mettre à l'abri, sous l'oeil attendri du Far Turbot, qui, réparé, l'avait rejoint...

Cet incident sans gravité a cependant révélé une grave lacune dans la sécurité maritime. L' Ievoli Sun a pu dériver de 20 kilomètres. Ici, le Manuella était à 800 mètres du rivage.

Le détroit du Pas-de-Calais, monsieur le ministre, notamment sa partie sud, est un véritable baril de nitroglycérine ! Chaque jour, le quart du trafic maritime mondial y transite, 220 000 navires par an, les deux rails montant et descendant à quelques kilomètres des côtes, coupés par les navires transmanche qui relient le premier port de voyageurs du monde - Douvres - et le premier port d'Europe continentale - Calais -, sans compter les navires de pêche qui y chalutent et y posent leurs trémails ! Les vents d'ouest et de sud-ouest, largement dominants, poussent inexorablement les navires en difficulté sur nos côtes. La carte fournie par le CROSS Gris-Nez et annexée au rapport est très claire. Il est impératif qu'en moins d'une heure on puisse être en mesure de secourir un navire en difficulté dans ce secteur.

M. Daniel Paul.

Très juste !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Le Far Turbot est insuffisant. Il faut, à demeure à Boulogne, parce que c'est le port le mieux placé, ou dans les parages immédiats, un remorqueur de haute mer.

J'en reviens maintenant très concrètement à votre budget. Les crédits consacrés aux ports sont en augmentation significative et, d'année en année, vous comblez le retard considérable pris dans leur entretien et leur développement. Puisque vous avez en charge les transports dans leur diversité, je tiens à souligner que la compétitivité d'un port est très directement dépendante de sa desserte terrestre. Un exemple transmis par vos services en est l'illustration : pour transporter un conteneur de Lyon en Asie, le coût Lyon-Marseille représente 35 % de la totalité du prix du transport : droits de port, transport maritime, etc.

J'ai évoqué l'an dernier la nécessité de revoir le statut des ports : sept ports autonomes et vingt-trois ports dits d'intérêt national, cela n'a pas grand sens. C'est d'ailleurs également l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport très critique, il est vrai.

Monsieur le ministre, la loi Chevènement a développé, avec succès, l'intercommunalité. Pourquoi pas une loi Gayssot sur l'« interportuarité » ? Il faut y réfléchir. Un certain nombre de nos ports pourraient effectivement s'associer.

Notre flotte de commerce reste à son niveau de l'an dernier, mais 80 % de sa capacité est sous pavillon T AAF. Harcelés par la concurrence, les armateurs


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demandent des améliorations de ce statut. On peut les comprendre mais il faut rappeler qu'au 1er janvier notre flotte TAAF comportait 815 étrangers pour 759 Français.

L'équilibre français-étrangers a donc été rompu au profit des étrangers.

Le système de GIE fiscal qui a remplacé les quirats a pris, comme on le pensait, sa vitesse de croisière.

Devant la commission des finances j'ai évoqué les interrogations soulevées de nouveau par la presse sur la privatisation de la CGM : 1,3 milliard de recapitalisation, dont 800 millions de fonds propres, pour un prix de v ente de 20 millions de francs. Notre collègue Gérard Bapt a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur ce sujet.

Quelques mots sur les conséquences de la disparition du duty free que nous avons longuement évoquée l'an dernier après la parution de l'excellent rapport de notre excellent collègue André Capet.

M. André Capet.

Merci !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Nos inquiétudes étaient, hélas ! fondées. Le transmanche long a pu compenser ses pertes par une augmentation des tarifs mais il n'en est pas de même pour le transmanche court : au second semestre de 1999, Seafrance a perdu 50 % de ses passagers. Le port le plus touché est de loin celui de Boulogne-sur-Mer - et je ne dis pas cela parce que je suis le maire de cette ville. Alors qu'il tirait, voilà quelques années, 50 % de ses ressources du trafic transmanche, il est depuis quelques semaines totalement privé de son trafic passagers. C'est la première fois depuis 150 ans ! L'armateur anglo-américain qui assurait la liaison Folkestone-Boulogne en passagers et voitures particulières a décidé d'arrêter définitivement son activité en septembre de cette année. Il faut savoir que de très nombreux commerces de la ville vivaient grâce aux Britanniques qui venaient y passer la journée. C'est dire combien les conséquences sont dramatiques dans une ville qui a encore aujourd'hui près de 20 % de chômeurs ! J'ajoute, m'adressant à mes éminents collègues de la droite de cet hémicycle, que nous nous heurtons au fait que leur amie Mme Thatcher a privatisé les ports. Le port de Folkestone étant privé, nous rencontrons quelques difficultés pour rétablir une ligne dès l'instant que son propriétaire y est opposé.

Cette situation est la conséquence de deux mesures, l'une européenne, l'abandon du duty free, et l'autre franco-anglaise, l'ouverture du tunnel. La solidarité nationale doit jouer à plein, d'autant que, dès 1986, un « bleu interministériel » prévoyait d'aider les villes touchées par l'ouverture du tunnel.

Je terminerai en vous demandant de continuer à être très attentif, monsieur le ministre, au statut du cabotage entre les îles. La Commission, ultra-libérale comme chacun le sait, voulant l'ouvrir à la concurrence, cela aura inexorablement pour effet d'isoler certaines d'entre elles puisque, si une liaison n'est pas rentable, elle sera abandonnée.

Malgré les quelques faiblesses que j'ai relevées, on ne peut nier, monsieur le ministre, que vous mettez tout en oeuvre pour aider le domaine maritime français et que votre budget est un bon budget. Au nom de la commission des finances, je vous demande donc, chers collègues, de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour les transports maritimes et fluviaux.

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour les transports maritimes et fluviaux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une nette progression en 2000 par rapport à l'année dernière - 15,6 % -, les dotations consacrées dans la loi de finances, hors subvention à l'Etablissement national des invalides de la marine, sont de nouveau en hausse de près de 4 % dans le projet de loi de finances pour 2001. Il faut toutefois souligner que cette progression profite aux dépenses ordinaires, alors que les crédits de paiement reculent de plus de 12 % par rapport à l'exercice en cours. Néanmoins, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le ministre, je considère que la hausse de 14 % des autorisations de programme permettra au ministère de poursuivre avec efficacité ses inverventions.

Le secteur des transports maritimes, qui se porte aujourd'hui plutôt mieux en France qu'il y a quelques années, est méconnu de la plupart de nos concitoyens - je rejoins sur ce point les propos de mon ami Lengagne et, il faut bien le dire, de trop nombreux collègues. Pourtant, 90 % de notre commerce extérieur intercontinental transite par nos ports. Mais le développement des trafics, la recherche maladive de la réduction des coûts de transport et le manque de moyens juridiques et pratiques pour contrôler la navigabilité de certains navires aboutissent à l'utilisation de navires parfois insuffisamment entretenus, et souvent trop anciens et trop fragiles, voire à celle de véritables « rafiots » qui, en sombrant, polluent nos côtes et désespèrent les populations, notamment le long de la Manche et de l'Atlantique, de voir un jour notre littoral respecté.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que j'aborde en premier lieu la question de la sécurité maritime. La France préside encore pour deux mois l'Union européenne et il faut absolument profiter de ce court laps de temps pour s'engager résolument en faveur du renforcement des contrôles dans les ports, après les naufrages de l' Erika et du Ievoli Sun.

La recherche, louable, d'unes olution communautaire consensuelle en matière de sécurité maritime ne doit pas faire oublier que, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les réglementations européennes sur les transports peuvent être désormais adoptées à la majorité qualifiée.

Monsieur le ministre, au Conseil des ministres des transports du mois d'octobre, vous avez trouvé un compromis sur le renforcement des contrôles dans les ports. Cependant, la Commission était en mesure de peser de tout son poids pour soutenir votre juste politique volontariste visant à définir des critères encore plus stricts. Il est dommage, en effet, que certains pays européens ne veuillent pas s'engager à augmenter la fréquence des contrôles des navires en raison du manque de personnel dans leurs ports. Une telle mesure permettrait pourtant à la Commission de publier une « liste noire » des navires dangereux. Je dois à cette occasion saluer votre engagement, dès avant l'accident du Ievoli Sun, à doubler le nombre de contrôleurs dans les ports maritimes français.

Or de grands pays maritimes comme les Pays-Bas sont parmi les plus réticents à renforcer les contrôles dans les ports et, comme l'a souligné récemment François Lamoureux, directeur général de l'énergie et des transports à la Commission européenne, il y a un gros manque d'inspecteurs spécialisés, capables de lire les documents des sociétés de classification. Il a en outre précisé que, si les pays


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membres décidaient de baisser le coefficient de contrôle proposé par la commission, un bateau comme l' Erika passerait au travers des mailles du filet ».

Je vous serai donc reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer quels moyens vous entendez employer pour que l'on avance la proposition tendant à interdire dans les ports de l'Union les navires de plus de quinze ans qui ont déjà été l'objet de deux immobilisations.

Deux autres séries de mesures permettraient également de renforcer la sécurité maritime européenne. Je veux parler tout d'abord du renforcement des contrôles dans les ports communautaires, en liaison avec la mise en place de sanctions plus sévères à l'encontre des sociétés de classifi cation négligentes, et l'élimination progressive, d'ici à 2015, des navires à coque unique au profit des coques doubles qui paraissent plus sûres.

Il faudrait aussi prévoir un système européen d'échange d'informations, notamment sur les bateaux dangereux, la création d'une agence maritime européenne et la réforme des principes qui régissent les responsabilités du propriétaire, du chargeur et de l'affréteur, ainsi que des régimes d'indemnisation en cas de catastrophe.

Monsieur le ministre, je soutiens votre projet d'interdire aux navires dangereux d'appareiller en cas de tempête.

Néanmoins, le transport maritime ne se limite heureusement pas à ces drames. Nos ports maritimes français se portent plutôt bien, puisque, entre 1994 et 1998, leur trafic total est passé de 236 à 261 millions de tonnes, soit un accroissement de 25 millions représentant une augmentation de 10,5 %. Cette progression est d'autant plus satisfaisante que au cours de la même période, l'accroissement du trafic de l'ensemble des ports européens n'a été que de 13 millions de tonnes sur un total de 1,19 milliard de tonnes - plus 0,9 % seulement.

Le processus de réforme engagé depuis plusieurs années, avec la réforme du statut de la manutention, l'amélioration de la productivité, la meilleure insertion des ports dans la chaîne de transports, la responsabilisation des acteurs et la simplification des procédures, a donc porté ses fruits. Nous pouvons ainsi pleinement profiter du dynamisme des trafics en Europe du Nord, qui avait plutôt jusqu'ici été favorable à Anvers et Rotterdam. La nécessité pour les chargeurs d'éviter la constitution de monopoles portuaires les amène aujourd'hui au contraire à diversifier leurs points d'entrée et de départ des marchandises en Europe.

De plus, la saturation croissante des réseaux terrestres dans les régions du nord de l'Europe va également conduire à ne plus concentrer les trafics, entraînant sans doute une certaine redistribution de ceux-ci, dont les ports français peuvent être parmi les grands bénéficiaires.

Le fort développement récent des zones logistiques portuaires dans nos ports, notamment avec l'opération Port 2000 au Havre, est un signe important qui s'inscrit dans cette évolution positive.

A ce propos, je tiens à souligner les mesures que vous avez prévues dans le projet de loi des finances pour 2000, avec votre collègue du budget, et notamment l'exonération de la taxe professionnelle des équipements de manutention portuaire. Dans le prolongement des décisions des récents comités interministériels de la mer, ces dispositions renforceront la compétitivité de nos ports sur un marché particulièrement concurrentiel.

En outre, la remise à niveau des infrastructures portuaires, ainsi qu'une série d'investissements visant à accroître les capacités ou à moderniser Le Havre, Marseille, Nantes Saint-Nazaire et Dunkerque, ont fait l'objet de contractualisations dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-régions. Le volet portuaire de ces plans, qui couvrent la période 2000-2006, représente au total un engagement de l'Etat de 1,35 milliard de francs, ce qui laisse augurer de bons espoirs pour notre développement maritime.

Je tiens également à saluer l'action structurée et coordonnés, décidée pour conjuguer le soutien à la flotte de commerce et l'adaptation de la formation maritime aux besoins croissants. Il faut rappeler, à ce titre, la création d'un dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail, versées par les entreprises qui emploient du personnel navigant sur des navires de commerce battant pavillon français. Il serait toutefois certainement plus simple, plus lisible et surtout plus efficace, monsieur le ministre, de dispenser du paiement des cotisations les entreprises qui peuvent prétendre à ces exonérations, tout en mettant bien entendu en place un dispositif de contrôle a priori du respect des conditions d'embauche et d'emploi ouvrant droit à ces allégements.

S'agissant du dispositif dit du GIE maritime mis en place par la loi no 98-546 du 2 juillet 1998 pour favoriser l'investissement maritime, s'il a permis de stabiliser la flotte à 210 navires environ, il n'a pourtant pas permis une forte remontée de l'armement français, qui maintient notre pays autour du vingt-huitième rang mondial.

J'en viens maintenant à un problème grave qui, s'il est le reflet de la vitalité du transport maritime, n'en est pas moins inquiétant, et nécessite des actions résolues et urgentes. Actuellement, les armateurs de la flotte de commerce doivent faire face à une situation grave de pénurie d'officiers, alors qu'il y a quelques années à peine, les majors des promotions des écoles maritimes peinaient à embarquer. Ces difficultés s'aggraveront dans les années à venir compte tenu des contraintes de la pyramide des âges et de l'évolution prévisible de la flotte française. Il manque 150 officiers pour satisfaire les stricts besoins actuels d'armement des navires. Ce déficit s'inscrit dans une situation globale de pénurie au niveau mondial et européen.

L'augmentation du nombre d'élèves dans les écoles nationales de la marine marchande est la mesure principale pour résoudre ce problème. Pour faire face à cette situation, le nombre d'élèves inscrits en formation d'officier polyvalent a augmenté régulièrement depuis 1995. Il sera de 250 en septembre 2000. Le plan de spécialisation de ces écoles et l'augmentation de la subvention de l'Etat ont permis d'améliorer globalement l'efficacité de notre dispositif d'enseignement maritime et de gérer dans les meilleures conditions cette augmentation d'élèves. Pourtant, le manque d'enseignants ne permet pas, aujourd'hui, d'envisager un plus grand accroissement du nombre d'élèves en formation.

Je terminerai mon intervention sur le transport maritime par une question qui me tient particulièrement à coeur, monsieur le ministre ; il s'agit de l'avenir de l'armement SeaFrance sur la liaison Calais-Douvres.

Mesdames, messieurs, vous le savez, votre rapporteur est attaché au maintien de l'armement sous pavillon français sur le secteur transmanche dans lequel SeaFrance joue un rôle prépondérant. Il y voit l'assurance du maintien d'emplois maritimes qualifiés dans une région qui souffre d'une grave crise de l'emploi. Il faut aussi que


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prévale sur ces lignes une concurrence loyale entre les opérateurs pour ne pas laisser se mettre en place un monopole, sur un axe aussi important économiquement, qui pénaliserait à terme les utilisateurs.

SeaFrance est la seule compagnie maritime française dans le Pas-de-Calais. Son marché principal est la Grande-Bretagne où elle est implantée. En 1998, le chiffre d'affaires de SeaFrance s'est élevé à 1,26 milliard de francs, en hausse de 7,4 % par rapport à 1997, ce qui a permis à l'entreprise de consolider ses positions et d'assainir ses comptes. Pour la première fois depuis le lancement de SeaFrance, le résultat courant de l'exercice, avant impôt et éléments exceptionnels, avait été bénéficiair e de 12,3 millions de francs.

Pour l'année 1999, son chiffre d'affaires s'est élevé à 1,32 milliard de francs, soit une hausse de 5,4 %, avec un résultat courant de 50 millions de francs, pratiquement multiplié par quatre par rapport à 1998. Ces résultats sont dus pour l'essentiel au taux élevé de la livre sterling sur l'ensemble de la période. La compagnie évalue toutefois à 159 millions de francs la perte globale de marge résultant de la suppression des ventes hors taxes au 1er juillet 1999. Rappelons que les ventes à bord représentaient 52 % des recettes de SeaFrance en 1997, pour baisser à 48 % en 1998 et à 37 % en 1999. Elles seront inférieures à 30 % en 2000.

Dans ce contexte extrêmement difficile, SeaFrance connaît un effritement de ses parts de marché. Elles sont passées de 20,4 % du trafic passagers sur la ligne maritime Calais-Douvres en 1998 à 19,7 % en 1999. Sur le marché du fret, pourtant globalement en progression de 12 %, SeaFrance perd 4 % de part de marché faute de pouvoir répondre à la demande et en raison des augmentations de capacité de ses concurrents.

Plus petite sur le transmanche que les autres armements, P&O-Stena et Hoverspeed, lequel vient de remplacer ses hovercrafts par des catamarans géants, l'entreprise poursuit ses efforts pour développer son trafic de f ret, sa principale source de revenus. Son résultat d'exploitation et son avenir sont liés à l'évolution des prix de passage qui restent largement déterminées par le leader Eurotunnel et les comportements de la clientèle.

De ce point de vue, l'année 1999 a été marquée par une hausse sensible des tarifs, notamment pour compenser les importantes pertes de marges résultant de la suppression des ventes hors taxes : la hausse a été pour SeaFrance de l'ordre de 20 à 40 % selon les trafics.

Sur un marché où l'ensemble des tarifs évolue à la hausse depuis la fin de l'année 1999, SeaFrance a dû décider un nouveau relèvement de ses barèmes, de l'ordre de 12 % pour l'année 2000.

Si la recapitalisation de l'entreprise par sa maison mère, la SNCF, ainsi que la clarification de sa situation patrimoniale ont rendu SeaFrance intégralement propriétaire des deux navires Cézanne et Renoir , il faudra continuer de veiller à ce que la puissance publique conforte encore SeaFrance, qui prévoit de moderniser une flotte vieillissante et de renforcer son offre de transport pour assurer sa crédibilité en tant qu'opérateur majeur sur le transmanche. SeaFrance vient ainsi de commander, avec votre aide, monsieur le ministre, un nouveau navire transbordeur d'une capacité de 1 900 passagers et 120 camions ou 700 voitures, d'une valeur de 600 millions de francs environ, dans le cadre du dispositif du GIE fiscal et pour une mise en service dès le début de l'année 2002.

J'en arrive au dernier point de mon intervention, relatif au transport fluvial. Du fait de la disparition du FITTVN, les crédits pour les voies navigables se répartissent désormais en cinq chapitres inscrits au budget des transports.

Les crédits d'entretien et de fonctionnement sont dotés de 5,6 millions de francs en 2001, afin d'assurer les services déconcentrés du ministère. Les crédits pour les interventions en faveur de la batellerie, transférés au chapitre 44-20, chutent de 13 à 7 millions de francs. Cette réduction correspond à l'achèvement des plans sociaux.

Pour le reste, la politique fluviale se concentre sur l'extension et la restauration des réseaux : 530 millions de francs en autorisations de programme au titre VI, et 159 millions de francs en crédits de paiement. En outre, 20 millions de francs au titre V en autorisations de programme et 6 millions de francs en crédits de paiement seront consacrés à la restauration et aux grosses réparations sur le réseau géré directement par l'Etat.

Par rapport à l'ensemble des modes de transports terrestres, le chiffre d'affaires de la voie d'eau est en très légère progression, passant de 1,23 % en 1998 à 1,32 % en 1999. Cependant, au regard d'un réseau d'une longueur de 8 500 kilomètres qui n'a pas évolué au cours de la dernière période, le total des longueurs fréquentées a diminué de 7,6 % entre 1996 et 1999, passant de 5 978 à 5 524 kilomètres. Cette situation signifie une disparition de trafics sur certaines portions de réseau, ce qui va l'encontre du développement de la multimodalité.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur la réalité des projets de réalisation d'infrastructures nouvelles à grand gabarit, comme Seine-Nord, Seine-Est ou encore Saône-Moselle, tous projets structurants sans lesquels le développement de la voie d'eau, mode de transport peu consommateur d'énergie, indispensable pour dégager les axes routiers saturés et favorable à la préservation de l'environnement, restera une chimère.

Je veux rappeler à ce sujet que la voie d'eau est également un lieu idéal de diversification de l'activité touristique, où cohabitent la navigation de plaisance, la location de bateaux, les sports aquatiques et la pêche.

Monsieur le ministre, j'ai le plaisir de terminer mon i ntervention en indiquant que, conformément aux conclusions de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des transports maritimes et fluviaux pour 2001.

M. Guy Lengagne.

Très bien !

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

Mme Odile Saugues, premier orateur inscrit.

Mme Odile Saugues.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en quelques minutes, souligner, au nom du groupe socialiste, les éléments du projet de budget qui me paraissent les plus intéressants, et appeler votre attention sur quelques points particuliers.

Avec près de 10 milliards de francs d'autorisations de programme en 2001 et 4,5 milliards de francs de subventions d'investissement au profit principalement des transports collectifs, ferroviaires et de la voie d'eau, le présent projet de budget s'inscrit dans la logique politique engagée depuis 1997. Il nous permet d'avancer en faveur du rééquilibrage des modes de transport, il fait de la sécurité non seulement un slogan mais aussi une priorité budgétaire, il marque notre attachement à l'emploi, notamment pour rendre plus efficace notre système de contrôle.


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J'insisterai, en premier lieu, sur cet incontournable rééquilibrage des modes de transport, tant nous mesurons que nous sommes au bord de l'asphyxie dans nos villes et tant nous connaissons la nécessité de revoir le transport de marchandises dans notre pays.

On peut sans doute chercher à limiter la place d'un mode de transport en le pénalisant, en lui demandant notamment d'intégrer l'ensemble de ses coûts, sociaux et environnementaux. Cette logique se comprend, mais force est de constater qu'elle n'est pas toujours opérante.

Ainsi, la flambée récente des cours du pétrole ou des décisions d'ordre fiscal prises en particulier avant 1997 - et j'aurai la cruauté de vous rappeler les hausses de la TIPP décidées par les gouvernements Balladur et Juppé n'ont pas remis en cause la place prépondérante du transport routier de marchandises.

Sans nous interdire de réfléchir sur de tels mécanismes, nous devons surtout encourager les modes de transport les moins polluants et les plus sûrs.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Tout à fait !

Mme Odile Saugues.

Ce projet de budget va dans ce sens. Ainsi, depuis 1997, nous sommes parvenus à doubler l'enveloppe budgétaire consacrée aux investissements ferroviaires. Cet effort apparaît en particulier à travers la nouvelle génération des contrats de plan Etat-régions qui consacrent des moyens sans précédent au transport ferroviaire.

Ce mode de transport était le parent pauvre des anciens contrats de plan. Ce changement de tendance correspond à une prise de conscience des régions - il est vrai que des changements politiques notables sont intervenus - et à une volonté sans faille du Gouvernement.

Rééquilibrer nos modes de transport passe également par la définition d'une véritable politique fluviale. Ce projet de budget nous permet de poursuivre cet objectif essentiel, en particulier grâce aux 530 millions de francs inscrits en autorisations de programme et aux 159 millions de francs en crédits de paiement qui viendront abonder les ressources propres de Voies navigables de France pour l'aider à financer ses opérations de restauration du réseau et permettront de financer les engagements pris par l'Etat dans le cadre des nouveaux contrats de plan.

Là encore, il convient de souligner l'importance prise par la voie d'eau dans le cadre de ces contrats. Toutes les régions concernées ont prévu, dans leur volet transports, de s'engager dans la valorisation des voies navigables et ont mesuré les enjeux de ce mode de transport, pour notre économie, notre industrie, mais aussi pour le développement touristique.

Rééquilibrer les modes de transport, c'est aussi faire en sorte que nos villes sortent de la toute-puissance de l'automobile.

Ce projet de budget donne une réelle priorité aux transports collectifs urbains. Monsieur le ministre, vous avez tenu parole. Les engagements pris lors du débat sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains se traduisent concrètement par une progression de plus de 60 % des crédits d'investissement réservés pour les transports collectifs urbains, avec un effort particulièrement important pour la mise en oeuvre des plans de déplacements urbains.

Je tiens enfin à souligner que notre volonté de rééquilibrage des modes de transports passe aussi par la poursuite de la modernisation du secteur du transport routier de marchandises et que cette modernisation est incontournable.

La libéralisation a tiré ce secteur vers le bas, encourageant des pratiques de dumping social. Le rôle de l'Etat, tel que nous le concevons, est de permettre au transport routier de conforter sa place dans notre économie en relevant le défi de la qualité, de la formation professionnelle, du respect des conditions de travail et des règles de sécurité.

Les crédits consacrés à l'aide à la formation professionnelle dans ce secteur atteindront, en 2001, 40 millions de francs, au lieu des 14 millions inscrits cette année.

Nous revenons de loin en la matière.

Depuis 1997, la question de la formation des conducteurs a été au centre des préoccupations des pouvoirs publics et les résultats sont là : dès 1998, on enregistrait une augmentation de 28 % du nombre des salariés du transport routier ayant reçu une formation. Dès 1998, les formations continues consacrées aux matières dangereuses ont progressé de 26 %. Et le nombre de stagiaires accueillis par l'AFT a enregistré, de 1997 à 1998, une hausse de 46 %. On assiste également à une hausse spect aculaire des formations continues obligatoires de sécurité : ce régime de formation comptait 104 stagiaires en 1995 et 32 300 en 1998. Il était nécessaire d'insister sur ce point.

C es quelques chiffres illustrent la préoccupation commune des pouvoirs publics et des professionnels. Ce souci de qualité, nous le retrouvons à nouveau dans ce budget. Il est un atout précieux pour préparer l'avenir, mais également pour plaider en faveur d'une Europe des transports où les conditions de travail et les formations seraient davantage harmonisées.

Après avoir exprimé mon souci de poursuivre le rééquilibrage des modes de transport, je veux revenir sur une autre priorité de votre département ministériel. Ce budget marque, en effet, une nouvelle étape en matière de sécurité maritime. C'est ainsi que, s'agissant des moyens matériels, les autorisations de programme en matière d'équipements de sécurité maritime augmenteront de 60 %, soit de 148 millions de francs.

C es moyens nouveaux permettront à notre pays d'engager une modernisation de nos dispositifs destinés à la sécurité. Je me félicite en particulier de la décision de passer commande d'un deuxième patrouilleur de haute mer et de l'accélération du programme de remise en état des phares et balises défini pour une période de cinq ans, et qui sera mené à bien en trois ans.

Un effort important est également engagé par la création de soixante-quinze postes supplémentaires dans le secteur maritime. Sur ce point, je soulignerai que nous sommes encore loin du compte, c'est vrai, puisque les contrôleurs d'épaves visitent à peine 13 % des navires étrangers qui transitent par les ports français, alors que l'objectif européen est de 25 %. Il faut donc combler ce déficit qui a été très précisément décrit dans les tra vaux de la commission d'enquête parlementaire sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants.

J'ajouterai que la création de postes est indispensable, mais il faut surtout faire en sorte que ces postes soient pourvus, et pourvus par des personnes à l'expérience professionnelle reconnue...

M. Michel Bouvard.

Ça vaut mieux !

Mme Odile Saugues.

... afin d'engager au plus vite un renforcement réel des effectifs.


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Dans un tel contexte, c'est vrai, l'Etat doit redoubler d'efforts, comme vous le proposez, et il doit être capable de travailler main dans la main avec tous les partenaires face aux pollutions avérées mais aussi face aux risques de pollution.

Nous avons vu, après la pollution de l' Erika , la place majeure du mouvement associatif. De même, il me paraît heureux de reconnaître le savoir-faire scientifique et technique d'une association comme Greenpeace.

Notre effort doit aussi porter sur les moyens consacrés à la lutte contre les dégazages en mer. A cet effet, il nous faudra donner aux ports français les moyens pour recueillir les déchets d'exploitation et les résidus de cargaison.

L'adoption d'un amendement que j'ai déposé avec mes collègues Le Bris et Le Drian, dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les transports, nécessitera un effort budgétaire de la part de l'Etat, notamment sur de grands sites portuaires dont le trafic est important.

Au-delà de ce débat budgétaire, nous tenons également à vous apporter notre soutien, que j'espère d'ailleurs unanime, pour faire de la réunion des ministres des transports des 20 et 21 décembre prochains un tournant pour que nos côtes et nos espaces maritimes soient enfin respectés.

Le naufrage, en décembre 1999, du pétrolier Erika et celui, plus récent encore, du chimiquier italien Levoli-Sun au large de l'île anglo-normande d'Aurigny, montrent clairement et dramatiquement que nos réponses doivent être pensées et mises en oeuvre au plan européen.

Il nous faut donc agir ensemble pour obtenir de l'Europe des restrictions de navigation en cas de tempête, en particulier dans le rail d'Ouessant, mais aussi dans d'autres zones très sensibles commes les bouches de Bonifacio. Car n'oublions pas que les pétroliers, méthaniers et chimiquiers constituent plus de 15 % du nombre total de bateaux empruntant ce détroit.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est vrai !

Mme Odile Saugues.

Hier, un responsable syndical rappelait, en évoquant le naufrage du Ievoli Sun, que « les impératifs de rentabilité se sont imposés, encore une fois, devant la sécurité des hommes et de l'environnement ».

Ce même responsable stigmatisait « les larmes de crocodile de certains responsables politiques », précisant qu'une

« partie significative des élus de droite tient un double langage,...

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

Ça, c'est bien vrai !

Mme Odile Saugues.

... ils sont très fermes pour dénoncer les catastrophes, alors qu'ils prônent par ailleurs une libéralisation accrue des transports ».

M. Marc-Philippe Daubresse.

Allez voir aux Etats-Unis comment ça se passe !

M. Dominique Bussereau.

Faites comme aux EtatsUnis !

M. Michel Bouvard.

Le premier à s'être battu contre la libéralisation, c'est Bernard Pons ! Ne racontez pas n'importe quoi !

Mme Odile Saugues.

Ces propos ne sont pas dénués de fondement, et, de cette tribune, je tenais à souligner simplement qu'en une année le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont, eux, beaucoup oeuvré pour renforcer la sécurité maritime. Deux comités interministériels à la mer, les 28 février et 27 juin derniers, ont permis de définir des mesures pour améliorer la prévention, la surveillance et la répression.

Je ne reviendrai pas sur le renforcement des emplois dans le contrôle et la surveillance à terre et en haute mer.

J'évoquerai, en revanche, le renouvellement programmé de l'ensemble de la chaîne radar de surveillance de la Manche, la création d'un centre de traitement des informations relatives au trafic maritime, la remise à plat de l'organisation qui prévalait jusqu'alors, en coordonnant mieux les plans et Terre POLMAR Mer. Nous sommes à vos côtés, monsieur le ministre, pour demander une accélération du calendrier d'élimination progressive des pétroliers à simple coque et l'agrément des sociétés nationales de classification au niveau européen.

Je ne peux évoquer le volet maritime de votre budget sans vous faire part de mes inquiétudes à propos des conditions qui ont entouré la privatisation de la Compagnie générale maritime en 1996.

M. Daniel Paul.

Très juste !

Mme Odile Saugues.

M. Guy Lengagne a fort justement pointé du doigt les zones d'ombre de cette affaire, en particulier en ce qui concerne l'utilisation qui a été faite de la somme de 1 125 millions de francs versée par l'Etat au titre de la recapitalisation de la CGM. J'espère, monsieur le ministre, que notre débat vous permettra de nous indiquer votre point de vue sur ce dossier visiblement mal conduit par le précédent gouvernement et d'éclairer la représentation nationale, dans toute sa diversité, sur la nature de cette privatisation, ses effets et son déroulement.

Je terminerai mon propos par une autre exigence, qui n'est d'ailleurs pas sans rapport avec la sécurité maritime : l'importance que revêt, à mes yeux, Météo France.

Ses personnels et ses moyens techniques sont au coeur de notre dispositif de prévention des risques naturels. Or, vous le savez, le prochain contrat d'objectifs prévu pour la période 2001-2005 entre l'Etat et Météo France suscite des inquiétudes parmi le personnel.

Nous savons toute l'importance de ce service, nous savons qu'il faut veiller à préserver son efficacité sur tout le territoire national, en particulier en maintenant son implantation locale dans chaque département.

Au-delà de l'évolution des dotations de l'Etat à Météo France, qui progressent au rythme de l'inflation, je tiens, monsieur le ministre, à appeler tout particulièrement votre attention sur ce dossier.

Je ne vois pas comment nous pourrons attendre des personnels de Météo France qu'ils maintiennent leur niveau d'excellence, voire qu'ils confortent leurs compétences en hydrologie, tout en acceptant une stagnation des effectifs techniques et administratifs et une poursuite de la diminution des ouvriers d'Etat et des militaires.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que je souhaitais formuler. Je ne doute pas que vous apporterez d'utiles précisions à ces remarques, sachant que mes collègues socialistes apporteront d'autres commentaires sur un budget qui, en raison d'événements dramatiques récents, se trouve au centre de l'actualité, mais qui est aussi, par son impact dans notre vie quotidienne, au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

Je n'ai pas besoin d'ajouter, monsieur le ministre, que vous avez l'appui de mon groupe politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l'examen du budget de l'équipement et des transports, budget qui, s'il intéresse au premier chef la vie quotidienne de nos concitoyens pour leurs déplacements, ne concerne pas moins les échanges économiques et l'environnement, puisque la politique des transports a une incidence directe sur la consommation énergétique et par là même sur la qualité de l'air. Compte tenu de ces différents éléments, on pourrait légitimement penser que ce budget s'inscrit dans les priorités du Gouvernement pour 2001. Malheureusement, il n'en est rien. Comme l'indique sans pudeur le document diffusé pour la loi de finances par le ministère des finances, votre ministère bénéficie d'une simple reconduction de ses crédits, c'està-dire qu'il enregistre une diminution en francs constants.

De même, sur les 11 337 emplois nouveaux, trois seulement lui sont attribués alors même que des besoins urgents apparaissent, notamment dans certaines subdivisions de l'équipement. J'y reviendrai.

Les équipements à réaliser restent cependant considérables et le retour de la croissance qui a permis de meilleures recettes pour l'Etat aurait dû conduire à la satisfaction de ceux-ci. La raison de cette situation n'est pas due à un manque de combativité du ministre des transports dans les arbitrages, nous en sommes convaincus.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Merci.

M. Michel Bouvard.

Elle est due au fait que ce ministère a la malchance de porter la majeure partie des dépenses d'investissements civils du pays et que ce sont justement ces dépenses qui sont sacrifiées.

Je faisais remarquer il y a quelques jours, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, que les budgets d'investissements civils s'établissaient à un niveau historiquement bas : à moins de 80 milliards de francs ! Ce montant est à rapprocher de celui du coût des 35 heures : plus de 100 milliards ! La faiblesse des budgets d'investissements civils a d'ailleurs été soulignée par la Cour des comptes elle-même, dans l'examen de la loi de règlement pour 1999. Elle a fait part de son inquiétude face à l'absence de maîtrise des dépenses de fonctionnement, lacune forcément préjudiciable aux investissements.

Le temps imparti à chaque groupe pour cet important budget ne permet malheureusement pas d'examiner dans le détail les chiffres et je le regrette, monsieur le président, tout comme je regrette la date retenue pour son examen : celui-ci avait en effet traditionnellement lieu en milieu de semaine, ce qui permettait à un plus grand nombre de nos collègues d'être présents.

M. Jean-Jacques Filleul.

Il chipote !

M. Michel Bouvard.

Je concentrerai mon intervention sur le budget des transports terrestres et sur celui de la mer, avant d'évoquer la situation de la SNCF et celle des sociétés d'autoroutes.

Le budget de la mer, tout d'abord.

Le RPR enregistre avec satisfaction la progression de 5,5 % des crédits affectés à la sécurité maritime et le doublement prévu des effectifs d'inspecteurs affectés au contrôle des navires, avec un premier recrutement de seize emplois nouveaux. En revanche, il est à regretter la diminution des crédits d'investissement : crédits de paiement en repli de 12,57 %, diminution de 11,78 % sur le titre V et de 22,14 % sur le titre VI.

S'agissant du transport maritime, le rapporteur pour avis, André Capet, rappelle à juste titre que le traité de Maastricht a donné une compétence à l'Union. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR s'est prononcé, lors de ses journées parlementaires au Croisic, pour la création d'un corps de garde-côtes, qui pourrait s'inscrire dans une démarche européenne. Nous serions heureux de connaître le résultat de cette démarche européenne.

S'agissant du budget des transports terrestres, je veux d'abord souligner, après le rapporteur spécial Augustin Bonrepaux, le fait que la modification profonde de la nomenclature budgétaire rend ce budget particulièrement peu lisible.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et même opaque !

M. Michel Bouvard.

Les crédits inscrits au budget des routes enregistrent une progression de 7,3 % des autorisations de programme mais une diminution de 17,8 % des crédits de paiement. Malgré la réintégration en 2001 des crédits de l'ex-FITTVN, les crédits d'investissement routiers nationaux reculent de 300 millions de francs au moins. Dans ce contexte mauvais, nous attendons que soient scrupuleusement reportés en 2001 sur le budget des routes les crédits non consommés du FITTVN.

M. Jean-Jacques Filleul.

Ce n'est pas dramatique !

M. Michel Bouvard.

Je rappelle que ces crédits représentent 1,5 milliard de francs et qu'il a fallu toute la ténacité des élus présents lors de la discussion de la première partie de la loi de finances pour obtenir, après plusieurs demandes de nos collègues de la majorité, dont Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial, comme de nousmêmes, que le Gouvernement s'y engage.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Michel Bouvard.

Sans la vigilance des parlementaires, ces crédits n'auraient pas été restitués.

Après un recul de 5 % constaté en loi de règlement 1999, lequel avait été précédé par une baisse de 4,5 % en 1998 et une autre de 1,4 % en 1997, le budget des routes est encore affaibli. Je fais état des résultats publiés. Les investissements nouveaux sont donc sacrifiés.

Ils ne permettront pas d'atteindre à la fin 2001 le taux d'exécution des contrats de plan dès la première année - le taux de réalisation serait de 25 % au lieu de 28 % -, ce qui conduira à des reports de travaux dès le début du contrat de plan.

L es crédits d'entretien du patrimoine continuent, certes, de se redresser, ce qui a notre approbation. Je fais amicalement remarquer à Augustin Bonrepaux que cette inversion de tendance a été engagée dès le budget 1996 et non pas seulement depuis deux ans.

Les contrats de plan traduisent la faiblesse de l'investissement, puisque les besoins exprimés par les élus sur le terrain n'ont pu être satisfaits. Ainsi, la route des Estuaires n'est toujours pas achevée et la route centreEurope ne le sera pas d'ici à la fin du contrat. Certaines petites opérations, comme certaines déviations sur la RN 17, par exemple à Senlis ou encore à la Chapelle-enServal, chère à notre collègue Arthur Dehaine, ne pourront même pas être engagées. Et encore les opérations i nscrites sont-elles envisagées avec des contributions souvent importantes des collectivités locales et des acteurs économiques. Ainsi, le programme de sécurisation des routes de montagne, que vous avez accepté, monsieur le ministre - ce dont nous vous remercions - ne sera financé qu'à hauteur de 33 % par l'Etat sur son propre réseau national. On est loin de l'époque où Napoléon III


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

donnait instruction au préfet de la Savoie de classer dans la voirie nationale des routes départementales pour permettre au conseil général de mieux se consacrer au réseau restant à sa charge ! Je souhaite évoquer à ce stade, monsieur le ministre, la situation des tunnels alpins, pour vous demander de manière précise la date de réouverture du tunnel du Mont-Blanc et obtenir l'engagement du Gouvernement de rétablir une partie du fret routier dans ce tunnel. Je précise au rapporteur spécial que les responsables du tunnel routier du Fréjus, géré par les collectivités locales, n'ont pas - comme il est indiqué à tort, mais sans doute de manière involontaire, dans le rapport - attendu la catastrophe du Mont-Blanc pour faire escorter les convois de matières dangereuses ; ils le font depuis plus de quinze ans.

Ayant évoqué les routes, j'en viens maintenant aux sociétés d'autoroute.

Monsieur le ministre, les négociations avec Bruxelless ont-elles achevées concernant la réorganisation des SEMCA,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Oui.

M. Michel Bouvard.

... la prolongation des concessions et le mode d'attribution des nouvelles concessions ? Ces dispositions sont attendues pour le désenclavement territorial de nombreuses régions,...

M. Marc-Philippe Daubresse.

La décision sera prise par ordonnance !

M. Michel Bouvard.

... même si votre collègue de l'environnement s'y oppose.

Je veux sur ce point exprimer le désaccord du groupe RPR sur la procédure d'approbation de la réforme des sociétés concessionnaires d'autoroutes par voie d'ordonnance.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Michel Bouvard.

Ce sujet est trop important pour ne pas faire l'objet d'un débat parlementaire. Celui-ci pourrait trouver sa place, par exemple, dans le cadre de la loi de finances rectificative. A défaut d'une loi spécifique cela permettrait de ne pas retarder l'approbation du texte.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Michel Bouvard.

Je rappelle que la précédente réorganisation des SEMCA, intervenue sous le gouvernement d'Edouard Balladur, avait fait l'objet d'un débat ici même et de l'approbation d'un plan d'investissement par le Parlement.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'était plus démocratique !

M. Michel Bouvard.

Un tel débat serait d'ailleurs conforme aux conclusions de notre mission d'évaluation et de contrôle, qui recommandait l'élaboration d'un schéma national d'infrastructures qui ne se limite pas à un travail prospectif, mais arbitre aussi les priorités en fonction des différents mode de transport et des ressources budgétaires à y affecter. Hélas, les schémas de services voyageurs comme marchandises ne seront pas soumis à une approbation du Parlement, puisque la majorité a refusé les amendements que nous avons présentés en ce sens lors de la discussion de la loi d'aménagement du territoire, ce qui rend encore plus nécesssaire le passage de la réforme autoroutière devant le Parlement dans le cadre d'un débat normal.

S'agissant du transport ferroviaire, le groupe RPR se félicite à la fois de l'amélioration des résultats de la SNCF, qui trouve son origine dans la mobilisation de l'entreprise, qui est dotée maintenant d'un projet industriel, et des aspects positifs de la réforme, et notamment de la régionalisation. Cette amélioration est également due au retour de la croissance.

Le résultat positif annoncé pour 2000 par la présidence de la SNCF signifie-t-il pour autant que les problèmes sont réglés ? Malheureusement non, car nous savons que la SNCF devra faire face, premièrement, à l'impact sur ses comptes du passage aux 35 heures, qui, notre collègue Filleul l'a dit tout à l'heure, ne concerne actuellement qu'une partie de l'année 2000, deuxièmement, à l'accroissement des péages dus à RFF, qu'il a fallu relever plus rapidement que prévu pour satisfaire aux exigences de Bruxelles relatives à l'autonomie financière de RFF et, troisièmement, enfin, à l'accroissement de la fiscalité : la fiscalité locale, et notamment la taxe professionnelle, liée a ux investissements, mais aussi la taxe énergétique, puisque rien ne nous indique à ce jour quelles seront les mesures prises à l'égard de la SNCF sur ce sujet.

A cela s'ajoutent même, semble-t-il, des mesures de redressement fiscal par le ministère portant sur plusieurs centaines de millions de francs.

M. Marc-Philippe Daubresse.

700 !

M. Michel Bouvard.

Celui-ci semble vouloir reprendre d'une main ce qu'il a dû consentir de l'autre.

Je vous demande très solennellement, monsieur le ministre, que les rapports de l'Etat et de la SNCF soient normalisés, et ce dans un souci de transparence. Il y va de la motivation des équipes dirigeantes et des cheminots.

On ne peut en effet annoncer à la SNCF des aides à l'investissement pour compenser une partie du coût de la RTT, et ensuite refuser de prendre en compte les mesures d'investissement justifiées que celle-ci présente, en prétendant qu'elle a déjà été aidée pour ce faire, alors même qu'elle se trouve dans l'obligation de répondre à l'accroissement du trafic.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ça, c'est Fabius !

M. Michel Bouvard.

On ne peut imposer un accroissement brutal des péages sans accepter, par exemple, le réajustement des tarifs sociaux consentis par la SNCF à la demande de l'Etat à certaines catégories alors que ces tarifs n'ont pas été révisés depuis 1997. On ne peut oublier, comme on le fait, que la SNCF a supporté la réalisation du TGV Méditerranée, qui est un bel ouvrage, en fixant une redevance de péage équivalente aux recettes escomptées dès la première année.

Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais, par exemple, insister sur la nécessité de la généralisation de la régionalisation, qui a donné lieu à un long débat lors de l'examen du projet de loi SRU, qui va revenir en discussion devant notre assemblée dans quelques jours. Le problème de la prise en compte d'une partie du matériel roulant, notamment celui des voitures Corail, qui représentent 30 % du trafic, se pose toujours.

Notre groupe souhaite la constitution d'une mission d'information sur les rapports entre l'Etat et l'entreprise ferroviaire, afin de suggérer des règles stables et durables, s'inscrivant dans le souci de clarification qui conduit à la réforme. Il va de l'intérêt de l'entreprise et du développement du transport ferroviaire. Cette mission pourrait, le cas échéant, être organisée dans le cadre de la MEC.

Le développement du transport ferroviaire passe aussi par une politique d'investissement sur le réseau ferré porté par RFF. Là aussi, on déplore la faiblesse des inves-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

tissements de l'Etat, qui ne permettent pas d'accompagner la modernisation. Je citerai, par exemple, l'électrific ation de la ligne Grenoble-Chambéry attendue maintenant depuis plus de dix ans ! Il y a six ans, une cassette vidéo de présentation des travaux avait même été faite et remise aux élus pour annoncer le début des travaux.

M. Jean-Pierre Blazy.

Une cassette ?

M. Michel Bouvard.

Rassurez-vous, monsieur le ministre, j'en ai un exemplaire que je pourrai vous remettre, mais je ne la transmettrai pas au Monde.

(Sourires.) Certains investissements, pourtant indiscutables, sont en attente de financement. C'est notamment le cas des liaisons à réaliser dans les Alpes et les Pyrénées, pour faire face à l'augmentation du trafic routier et à la croissance des échanges.

Monsieur le ministre, je regrette que, alors que les décisions semblaient proches lors de votre rencontre à Modane avec votre collègue italien Pier Luigi Bersani, que le sommet franco-italien ait été reporté sans qu'une autre date ait été, semble-t-il, fixée. La population des vallées alpines attend des réponses à ce sujet et la fixation d'un calendrier.

Les crues en Italie du Nord montrent, après celle des échanges routiers dans le massif alpin, la fragilité des échanges ferroviaires puisque la ligne du Val de Suse en Piémont, ne pourra être totalement remise en état d'ici à la fin de cette année, ce qui se traduit par une perte d'activité de 6 % du fret national de la SNCF. Cela démontre, s'il en était encore besoin, l'utilité d'un nouveau tunnel ferroviaire dans les Alpes.

Il est un autre élément nouveau : les partenaires se sont déclarés prêts cette semaine à s'engager dans cette opération aux côtés de partenaires puissants comme la Caisse des dépôts français et le groupe San Paolo en Italie, réunis autour du Premier ministre Raymond Barre.

Puisque les crédits d'investissement manquent à la fois pour les routes, pour le ferroviaire et pour les transports en commun, je voudrais faire une suggestion qui va dans le même sens d'ailleurs que celle de M. Filleul. Je l'avais déjà faite lors du débat d'orientation budgétaire. Pourquoi ne pas affecter une partie des produits des licences UMTS qui sont des réalisations d'actifs de l'Etat quoique immatériels, ils n'en restent pas moins des actifs de l'Etat ! - à la fois au désendettement des entreprises publiques et à la réalisation des investissements ?

M. Jean-Jacques Filleul.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

Ce serait faire oeuvre utile pour les générations futures.

Je m'aperçois, monsieur le président, que j'ai déjà dépassé mon temps de parole. Je ne parlerai donc pas des transports parisiens, pour en venir tout de suite à un sujet qui me tient à coeur et qui concerne plusieurs millions de Français habitant dans les zones de montagne : je veux parler du dossier de la viabilité hivernale.

Nous avons appris, monsieur le ministre, par une circulaire adressée avant l'été dans les DDE, que l'équipement comptait ne plus assurer cet hiver le déneigement des communes, ni même celui de certaines routes départementales. Si tel était le cas, des moyens humains et matériel supplémentaires se révéleraient nécessaires pour maintenir sur les routes de nos massifs et de nos vallées le même niveau de service que celui que réclame les populations des grandes villes. Tout cela pour respecter une directive européenne sur le temps de travail qu'aucun pays européen n'a appliqué à ce jour et qui, aux dires mêmes de vos collaborateurs, est en l'état inapplicable ! Monsieur le ministre, puisqu'il nous faudra déjà prendre en compte la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans cette activité bien spécifique, rapportez cette circulaire ! Donnez-nous des délais pour négocier avec la Commission européenne. Dans la loi Montagne adoptée à l'unanimité par le Parlement, il est précisé que des dispositions législatives et réglementaires adaptées doivent être mises en oeuvre pour nos territoires.

C'est ce que nous demandons pour ce qui concerne la viabilité hivernale.

Les personnels de l'équipement qui assurent le déneigement effectuent très bien, leur travail et ils le font vous le savez, avec passion. Leur travail donne satisfaction. Alors pourquoi tout remettre en cause ? Maintenons le service ! Maintenons la mutualisation des moyens existant entre les communes, les départements et l'Etat. Savez-vous que le moindre engin de déneigement équipé représente une dépense minimum d'un million de francs et que celle-ci peut même atteindre 3,5 millions ? Et même si on diminue le temps de travail, il faudra toujours acheter des engins pour déneiger.

Il n'est pas possible, je le dis de manière très claire, que les territoires de montagne, qui souffrent déjà de handicaps, soien à nouveau pénalisés et que les habitants qui y vivent n'aient le choix qu'entre une dégradation du service de déneigement et une augmentation de leurs impôts locaux pour en maintenir la qualité. C'est pourtant ce qu'on nous propose si la circulaire est appliquée.

Il faut donc négocier avec la Commission européenne, et nous vous appuierons loyalement monsieur le ministre, comme nous l'avons toujours fait quand l'enjeu le méritait. Votre directeur des routes, qu'une délégation d'élus du massif alpin dont je faisais partie a rencontré le 12 juillet, semble partager ce point de vue. Nous attendons donc une décision politique.

Monsieur le ministre, au terme de ce propos, je vous confirme que, en ce qui concerne le rééquilibrage entre les modes de transports, le renforcement de la sécurité du transport maritime, l'amélioration de la sécurité routière, l'harmonisation sociale en Europe pour le transport routier, nous sommes souvent d'accord avec vous. Nous constatons malheureusement que le Premier ministre ne vous donne pas les moyens financiers de cette politique.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh voilà !

M. Michel Bouvard.

Nous le regrettons d'autant plus que des moyens sont donnés à d'autres politiques, plus discutables, comme celle visant par exemple à supprimer des opérations de désenclavement dans les massifs alpins.

Votre collègue ministre de l'environnement a, elle, les moyens de sa politique et peut transformer en zones conservatoires des parties entières de notre territoire.

Le groupe RPR ne pourra donc adopter le budget des transports car, au-delà des bonnes intentions affichées, il ne permet pas de financer les investissements indispensables au pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un grand homme politique français, de gauche, déclarait dans les


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années 60 que « la démocratie repose à tout instant sur les engagements pris par les hommes qui se proposent de devenir des responsables et le mandat donné par le pays pour l'exécution de ces engagements ».

Monsieur le ministre, pour le budget de l'équipement et des transports, l'instant de vérité est arrivé, en ce prélude à l'année 2001. En effet, les engagements que vous avez pris depuis votre arrivée aux affaires en 1997 ne manquent pas et, plus de trois ans après, nous étions en droit d'attendre une réelle inflexion de votre politique basée sur une stratégie à long terme.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est la vôtre, de politique, qui a été infléchie.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Notre déception est à la hauteur des enjeux qui n'ont pas été pris en compte ! Il est vrai que l'année 2000 n'a pas été clémente pour vous, monsieur le ministre. La politique des transports a occupé la scène médiatique à cause d'une succession de catastrophes : après l'incendie dans le tunnel du MontBlanc et le naufrage de l' Erika , ce fut l'explosion du Concorde et la disparition en mer de l' Ievoli Sun. Vous n'êtes pas le ministre des catastrophes, monsieur le ministre. Coupable, vous ne l'êtes sans doute pas, mais responsable certainement, puisque vous l'êtes de la politique des transports de la France et de l'Europe !

M. Jean-Pierre Blazy.

J'ai déjà entendu ça quelque part !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vos engagements répétés en faveur d'une sécurité accrue des transports maritimes, routiers et aériens qui sont, je vous cite, « au coeur des politiques conduites par le ministère », ne vous ont pas permis d'honorer le mandat que le pays vous a confié.

Nous attendions un budget pour 2001 plus clair, plus lucide, plus volontariste. Quelle n'est pas notre déception en découvrant un budget difficilement lisible du fait de la budgétisation des crédits du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables. Ce changement de périmètre du FITTVN aurait dû, comme M. Filleul l'a dit, donner lieu à une double présentation pour permettre de mesurer les écarts par rapport aux budgets précédents.

Nous sommes en présence d'un budget sans perspective car plus axé, comme mon collègue Bouvard vient de dire, sur le fonctionnement que sur l'investissement, d'un budget sans souffle qui ne répond pas aux enjeux de l'Europe du nouveau siècle.

Avant d'entrer dans l'examen des crédits, je voudrais insister sur le problème du FITTVN créé par la loi Pasqua. L'intention des législateurs était bien d'imprimer une véritable politique d'investissement dans l'intermodalité.

Budget après budget, on a constaté des débudgétisations par des artifices de procédure pour donner plus de crédits aux routes, et l'on n'a pas véritablement mené une politique nouvelle pour le ferroviaire et le fluvial. J'y reviendrai tout à l'heure.

Concernant ce volet ferroviaire, sur lequel je vais particulièrement insister, monsieur le ministre, vous envisagez de présenter au Parlement en 2002 un bilan sur l'intermodalité. C'est fou ce que l'on va faire en 2002 !

M. Dominique Bussereau.

Surtout au mois d'avril ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est parce qu'on est là pour durer !

M. Marc-Philippe Daubresse.

On va s'occuper des retraites, de la réforme de la décentralisation, des institutions françaises et maintenant de l'intermodalité ! Pourquoi ne présentez-vous pas un tel bilan devant le Parlement en 2001 ? Nous pourrions avoir un débat intéressant et démontrer que l'argent qui a été consacré au ferroviaire, qui est réel, ne va pas essentiellement à l'investissement, mais aussi au fonctionnement, et que les investissements dans le transport combiné n'atteigent pas un seuil suffisant pour infléchir réellement les politiques de l'Etat.

Je sais que vous allez dire que la SNCF est une entreprise en redressement, que, grâce au désendettement, initié, je le rappelle, par Bernard Pons et Anne-Marie Idrac, elle a connu une forte croissance cette année et va atteindre le point d'équilibre. La réalité est moins idyllique pour l'année 2001 : l'entreprise SNCF devra supporter complètement l'impact des 35 heures, et je ne retrouve pas dans les bleus budgétaires les 200 millions d'aide promis par l'Etat ; à la suite du transfert de RFF à la SNCF, le ministère des finances réclame plus de 700 millions de francs de surplus de taxe professionnelle à l'entreprise ; les augmentations de salaires consenties à la suite de la grande grève de cette fin d'année représentent environ 270 millions de francs, sans compter le coût de la grève, que l'on estime à 130 millions de francs le trafic du fret, en augmentation sur les huit premiers mois de cette année,...

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est vrai.

M. Marc-Philippe Daubresse.

... va s'effondrer à la fin de cette année de plus de 6 % à la suite des problèmes qui sont apparus du côté de Modane.

Bref, monsieur le ministre, je suis prêt à prendre le pari devant vous et devant la représentation nationale que le déficit de la SNCF sera à nouveau réel en 2001.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous avez des informations ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Je suis prêt à prendre le pari, et nous ferons le point l'année prochaine puisque nous serons là vous et moi, je pense.

Je crois qu'il faudra bien réfléchir à la manière d'envisager votre budget puisque le trou en fonctionnement de la SNCF ne fait que s'agrandir, au détriment de l'investissement.

Cette année, l'entreprise nationale investit seulement 6 milliards de francs en fonds propres, 10 milliards si l'on ajoute les investissements consentis dans les régions pour les TER.

Certes, il faut ajouter le budget de RFF, avec une dotation de 12 milliards cette année, mais, quand on voit le coût du TGV Est, le problème de l'intermodalité, les sommes qui seraient nécessaires pour améliorer les lignes de fret, réaliser un système de plates-formes multimodales et mettre en place la route roulante, on est très loin du compte pour arriver à faire face aux véritables enjeux.

S'agissant des investissements, je voudrais vous poser une question sur la participation que la SNCF veut prendre dans la société Go Ahead en Grande-Bretagne.

M. Dominique Bussereau.

Très intéressant !

M. Marc-Philippe Daubresse.

La SNCF a déclaré récemment, dans la plus grande clandestinité - on en a un peu parlé dans les journaux anglais, il ya eu quelques petits échos dans les journaux français - qu'elle se portait acquéreur sur le marché d'actions de la société Go Ahead, pour 3 à 5 %. C'est faible, mais ce contrat supposerait pour la SNCF d'investir, au-delà des 300 millions de francs de l'achat des actions, 200 millions de francs en


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fonds propres, de garantir un investissement de 16 milliards de francs en infrastructures, ce que Go Via ne peut pas faire en raison de sa taille.

Ce risque financier certain pour l'investissement et inéluctable pour le fonctionnement, parce que la SNCF a déjà des participations dans quelques petits réseaux anglais et perd de l'argent, pose des questions de fond que je voudrais vous adresser.

Puisque la SNCF accepte le principe de la privatisation et de la concurrence à l'étranger, pourquoi ne l'accepte-telle pas en France ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est pour nationaliser à l'étranger ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse.

L'attitude n'est-elle pas la même qu'on soit en France ou en Angleterre ? Deuxième question : les sommes investies à l'étranger ne sont-elles pas celles des contribuables français, qui permettent aux contribuables britanniques de faire des économies, alors que nous avons des besoins criants d'investissements en France ? Troisième question, quel a été le processus de décision dans cette affaire ? Pourquoi le Parlement n'en-a-t-il pas été informé ? En avez-vous été informé ? Comment fonctionne la tutelle avec des engagements financiers de cette importance ? Je souhaiterais connaître vos réponses.

Si l'on se penche maintenant sur le problème des transports régionaux, on s'aperçoit que la régionalisation du transport ferroviaire, initiée aussi sous Bernard Pons et Anne-Marie Idrac, a été un succès. Elle a permis de faire passer le déficit de la SNCF de 1,7 milliard de francs à 800 millions de francs. On se demande d'ailleurs où ils sont passés ! Quant à la loi SRU - on y reviendra le 21 novembre -, qui a fixé un montant d'indexation des indemnités aux régions très nettement inférieur à la réalité des problè mes, elle ne prévoit absolument pas le renouvellement du matériel roulant, et cela promet des bagarres sur le débat

« gares ». (Sourires.) Il suffit de lire les réactions des présidents de conseils régionaux, toutes tendances confondues d'ailleurs, pour voir que les moyens ne sont pas suffisants.

Parlons du fret et de l'intermodalité. Je constate avec satisfaction que la SNCF investit dans 600 locomotives, dont l'essentiel arrivera dans trois ou quatre ans, et je me réjouis de la réalisation de grandes plates-formes internationales comme celle d'Hourcade et de Dourges. Elles ont été initiées sous le précédent gouvernement, mais le Gouvernement tient les engagements qui avaient été pris, je le reconnais volontiers.

Dans le rapport que j'avais écrit à cette époque sur l'intermodalité, j'avais insisté sur la nécessité de créer de grandes plates-formes européennes - nous en avons fait deux, il en faudrait deux ou trois de plus -, mais aussi des petites plates-formes légères et souples qui permettent de résoudre un certain nombre de problèmes, comme celle de Novatrans à Bayonne. Par ailleurs, il faut investir non seulement dans les noeuds mais aussi dans les tuyaux, et accélérer la réalisation des contournements de Paris, de Lyon, de Dijon, de Nîmes, qui nécessitent 4 milliards de francs à l'investissement, pour inverser la tendance du tout-autoroute.

Je ne reviens pas sur le tunnel du Mont-Blanc mais, si l'on avait pris des décisions plus tôt et retaillé un certain nombre de tunnels ferroviaires, nous ne connaîtrions pas les problèmes actuels du fret dans la région de la Maurienne. La discussion avec les Italiens va être excessivement longue et il faut se donner les moyens nécessaires.

Investissez dans un nouveau type de wagons qui vient d'être inventé. Cela nous éviterait des investissements lourds dans les voies puisqu'il suffirait de retailler certains tunnels.

Je n'insiste pas plus sur l'intermodalité. M. Gallois disait : « Cela ne s'atteindra pas à réseau constant et dans la continuité des investissements actuels. Cela suppose clairement que la priorité soit donnée à des investissements propres à l'écoulement du trafic fret et que se manifestent... des politiques extrêmement volontaristes d'investissement d'infrastructures, appuyées évidemment sur RFF, pour ce qui est de la France. » Il parle d'or et je

vous adresse ce message en vous demandant ce que vous comptez faire.

J'en viens rapidement au volet fluvial du budget pour 2001.

Mode de transport non bruyant, répondant aux exigences d'économie d'énergie, il est en augmentation, mais parti de rien pour arriver à pas grand-chose, et on ne va pas répondre au fond des problèmes.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On est parti de rien à cause de qui ?

M. Jean-Jacques Filleul.

Vous n'avez rien fait non plus quand vous étiez au pouvoir !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous êtes parti de rien, monsieur le ministre, parce que, depuis des dizaines et des dizaines d'années, y compris quand M. Fiterman était ministre des transports, nous n'avons pas fait, en France, le choix de la voie d'eau ! C'est vrai de tous les gouvernements !

M. Francis Delattre.

Pourtant, Georges Sarre a été ministre des voies navigables !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Si vous voulez nous convaincre, monsieur le ministre, de votre volonté d'investir dans la voie d'eau, pourquoi reculez-vous sans cesse le démarrage du canal Seine-Nord ?

M. Daniel Paul.

Vous n'avez rien fait pendant des dizaines d'années !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Pourquoi, quand on vous invite dans la région Nord Pas-de-Calais pour savoir si, oui ou non, ce canal sera mis en chantier, décommandezvous votre venue ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Oh ! Cela fait dix fois que je viens !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Demandez à Michel Delebarre ! Nous n'avons toujours pas d'informations à ce sujet ! Donnez-nous des preuves tangibles de votre volonté et nous serons rassurés.

J'insisterai peu sur le problème routier et sur son paradoxe : comme nous ne faisons pas les efforts nécessaires sur l'intermodalité ferroviaire ou fluviale, pendant au moins dix à quinze ans, nous devrons faire face à des problèmes routiers. Il faut construire des autoroutes et réaliser des contournements, parce que nous ne délestons pas les autoroutes du trafic de marchandises, qui, inéluctablement, augmente. Nous faisons face au débit, mais nous n'inversons pas les tendances. Le transport aérien subit l'augmentation du trafic plus qu'il n'en profite. Vous avez choisi de créer une plateforme à vocation internationale. Pouvez-vous nous donner une grille de lecture ? Quels sont les critères de choix sur les sites, les méthodes de concertation ? Comment


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

tenez-vous compte de la proximité des habitations ? Quels sont les critères objectifs qui vous font préférer tel ou tel type de site ? Un débat sur ce point entre les différents groupes de la représentation nationale pourrait être contructif.

Je voudrais, pour conclure, vous interpeller sur votre politique européenne, puisque vous êtes le président en exercice du Conseil des ministres des transports europ éens. D'ailleurs, ne croyez-vous pas que, devant l'ampleur des enjeux, vous devriez venir répondre devant la commission de la production et des échanges sur les questions majeures qui sont celles de la politique européenne ? Le 22 novembre prochain, se tient la deuxième réunion de conciliation pour le ferroviaire entre le Parlement et le Conseil des ministres européens. Cette réunion est capitale pour l'avenir du fret français : création d'un réseau européen de fret qui reprend les principaux axes de trafic, interopérabilité permettant aux trains de franchir les frontières sans s'arrêter, résorption des goulets d'étranglement et libéralisation, accentuée par le Parlement européen.

Ma question est donc simple : au cas où vous ne parviendriez pas à un accord, comment allez-vous concilier la croissance du fret français, qui dépend de cet accord et les revendications corporatistes qui existent à la SNCF ? La deuxième question importante concerne l' Ievoli Sun

Dans une interview récente à Libération, Mme de Palacio, excellente commissaire européenne chargée des questions de transport,...

M. Dominique Bussereau.

Remarquable !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... affirme que, dès mars 2000, la Commission avait proposé une meilleure inspection des navires, un contrôle rigoureux des seuils de classification, une interdiction des navires non dotés de double coque et un ciblage des contrôles pour mieux dépister les bateaux à risque. Or, le 2 octobre, c'est-à-dire quelques mois après le naufrage de l' Erika et quelques jours avant celui de l' Ievoli Sun, vous avez présidé un conseil des ministres qui aurait accepté de baisser le nombre de ces contrôles de 5 000 à 3 000 et de reculer de 2008 à 2015 l'interdiction des navires à simple coque.

Monsieur le ministre, ces accusations sont-elles fondées ? Faut-il attendre qu'un nouveau bateau coule et pollue nos côtes pour que soient prises des mesures concrètes ? Les Etats-Unis, pays ultralibéral et fédéral, ont réussi à créer un corps de gardes-côtes. Nous attendons des mesures.

Vous nous annoncez que vous allez interdire l'accès du rail d'Ouessant en cas de tempête. Vous l'avez, à juste titre, interdit au moment de l'accident de l' Ievoli Sun.

D'après ce que me disent les élus de la Manche, vingtsept navires sont passés après l'interdiction. Comment c omptez-vous faire respecter les mesures que vous prenez ? Si je reste résolument optimiste sur les chances que pourrait avoir notre pays de devenir une grande plateforme logistique européenne dans le cadre d'un aménagement du territoire équilibré, si, bien évidemment, je prends acte des solutions que vous avez proposées pour faire face aux catastrophes, je considère que votre gouvernement n'a pas pris la mesure des responsabilités qui lui incombent par rapport à l'avenir. C'est parce que ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux que je viens d'énumérer, qu'il est présenté en trompe l'oeil et qu'il ne trace pas les perspectives qui s'imposent, que le groupe UDF votera contre, résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le ministre, on vous a beaucoup entendu, beaucoup vu ces derniers temps, à l'occasion de la sortie de votre ouvrage consacré au pays et à Béziers, et on a même pu lire ce matin dans le Figaro Magazine , hebdomadaire dans lequel vous n'aviez pas l'habitude d'être aussi présent, que vous étiez le ministre de toutes les catastrophes. Je ne classerai pas le budget que vous nous présentez parmi elles parce que ce serait lui faire un excès d'indignité et ce serait être intellectuellement malhonnête.

M. Jean-Jacques Filleul.

Bravo !

M. Dominique Bussereau.

Permettez-moi tout de même de vous dire, après avoir entendu Marc-Philippe Daubresse, que l'élu de l'Atlantique que je suis a vu de nombreux marins sourire quand vous avez annoncé que vous empêcheriez les navires de naviguer en cas de tempête. Comme nous en avons à peu près pendant six mois dans l'année sur les rivages de l'ouest de la France, nous nous sommes vraiment demandé comment vous réussiriez cette gageure.

Dans votre budget, il y a des choses positives que le groupe Démocratie libérale a notées comme telles et que l'élu de province que je suis est heureux de souligner, par exemple la priorité réelle aux transports collectifs urbains, avec des moyens supplémentaires. Marc-Philippe Daubresse a eu raison de rappeler la grande misère de la voie d'eau mais c'est vrai que, par rapport à la grande misère du passé, il y a peut-être un petit mieux, en tout cas une volonté politique plus affirmée même si, comme lui, j'attends une vraie décision sur le canal Seine-Nord, qui sera la vraie preuve que, par-delà le langage, il y a les réalités.

Permettez-moi de vous dire aussi que nous avons été déçus par la méthode qu'a utilisée le Gouvernement. Il a signé des contrats de plan Etat-régions, en demandant par exemple aux régions de manière concrète de prendre des engagements financiers pour résorber des noeuds ferroviaires, améliorer la situation de la RN 10 dans ma région ou mettre en place un transport collectif en région Centre ou ailleurs, et, quelques mois après, il fait paraître ses schémas de services collectifs. Ils auraient dû être réalisés avant les contrats de plan Etat-régions, ceux-ci en étant la conséquence, et non l'inverse, et je regrette ce dysfonctionnement de la machine gouvernementale.

Dans votre budget, je note, hélas ! après Michel Bouvard, la baisse des crédits routiers. Il y a un désengagement de l'Etat un peu incompatible avec votre discours récemment volontariste en matière de sécurité routière, la baisse des crédits routiers ayant des conséquences pour la sécurité du réseau routier national.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

La sécurité routière s'améliore !

M. Dominique Bussereau.

Concernant le fer, je voudrais d'abord évoquer les problèmes du fret, dont la SNCF et le Gouvernement ont fait à juste titre une priorité. Marc-Philippe Daubresse vient de vous interroger à l'instant sur votre politique européenne des transports.

Dans ce domaine, c'est le conservatisme le plus étroit qui l'a emporté, puisque vous avez refusé les propositions du Parlement européen,...


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M. Jean-Jacques Filleul.

Heureusement ! Il faut tenir bon !

M. Dominique Bussereau.

... qui visaient à améliorer le fonctionnement du réseau européen et du réseau français.

Donc, d'un côté, vous dites oui au fret ferroviaire et, de l'autre, au Parlement européen, toute mesure permettant son développement sur notre réseau encourt votre désapprobation.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Le « développement » que vous proposez, c'est le développement à la britannique !

M. Dominique Bussereau.

Marc-Philippe Daubresse aurait pu également le dire, puisqu'il est à l'origine d'un rapport et d'une prise de conscience du gouvernement précédent sur le combiné, il y a une grande opacité des subventions en ce domaine. Un article assez passionnant est paru récemment dans La Vie du Rail : des dirigeants de la SNCF, des responsables du combiné se demandaient où étaient passées les subventions, ce qu'on faisait, et expliquaient que ça ne marchait pas. Donc, d'un côté, il y a le langage avec l'affirmation d'une volonté politique et, de l'autre, un fonctionnement qui n'est pas à la hauteur de la situation.

Si l'on veut développer le fret, il faut donner des moyens à la SNCF. Elle demande à juste titre des locomotives de fret électriques, des locomotives de fret diesel, alors qu'elle n'a quasiment rien commandé depuis trente ans...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce n'est pas ma faute.

M. Dominique Bussereau.

... et que les dernières machines posent des problèmes de pollution, comme on l'a vu à la gare de l'Est, mais le comité présidé par le Trésor ne lui accorde que la moitié de ce qu'elle demande. On a donc, d'un côté, le langage du ministre des transports et, de l'autre, les vraies décisions du ministre des finances : les investissements demandés par la SNCF ne sont pas retenus par le ministère des finances, et la SNCF n'a pas le parc de matériel qu'elle voudrait avoir.

Je prends un exemple que donnait récemment M. Gallois, ou un autre dirigeant de la SNCF. Vous voulez développer le fret, c'est très bien, mais pour aller de Paris à Charleroi, dans la Belgique proche, à nos frontières, un train de fret va changer dix fois d'équipe de conduite ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu'un entrepreneur de la région parisienne ne choisisse pas l'entreprise de transport routier avec un chauffeur qui va faire ce transport dans la demi-journée alors que les deux entreprises ferroviaires, malgré les locomotives bicourant franchissant la frontière franco-belge, aura besoin de dix équipes différentes ? Il y a aussi le problème des mouvements sociaux. On l'a vu avec une grève des contrôleurs au printemps dernier. Plus de mille trains de fret ont été « calés », pendant plusieurs jours. Dans ces cas-là, on fait passer les TGV, et le fret est « calé ». Comment voulez-vous que, dans un mode de gestion en temps continu, des entreprises choisissent le ferroviaire alors que, dès qu'il y a le moindre mouvement social, c'est le fret qui est la victime expiatoire.

Je reviens d'un mot sur l'affaire Via GTI Cariane.

Quelle curieuse affaire ! Seize milliards de francs du contribuable français, le tiers, monsieur Blazy, du coût d'un troisième aéroport qui vous ferait tant plaisir,...

M. Jean-Pierre Blazy.

Qui ferait plaisir à beaucoup de gens !

M. Dominique Bussereau.

... engagés sans garantie. Et pas un mot du ministre à l'Assemblée nationale sur ce thème ! C'est tout de même assez extraordinaire ! La SNCF a eu un langage très dur sur la catastrophe de Paddington mais, avec ce genre d'affaire, elle aurait pu s'y trouver mêlée par sa société. Pour l'instant, elle refuse la concurrence des prestataires privés sur son propre réseau, dans le cadre de la régionalisation, et elle va devenir entrepreneur libéral, allant remplacer par des fonds publics les fonds privés des actionnaires de Vivendi sur le réseau britannique ! Quand vous êtes à Bruxelles, vos collègues européens doivent bien sourire et se demander si votre double langage ne vous empêche pas de porter plus haut la voix de la France ! J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi ce qui se fait en Grande-Bretagne ne peut pas se faire en France, pourquoi le contribuable français a été sollicité sans être informé et quel a été le rôle de la tutelle par rapport à la décision. Ce que je conteste, c'est le double langage et la double attitude, et non la décision de la SNCF, qui, sur le plan industriel et économique, me paraît intelligente.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous parlez comme Mme Thatcher !

M. Dominique Bussereau.

Non, ce n'est pas vraiment le genre de la maison, monsieur le ministre.

Je terminerai par l'aérien, en vous demandant de nous préciser quels sont vos projets pour Concorde. Car, sur ce sujet, nous avons entendu tout et son contraire. Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à ce que Concorde vole à nouveau sous les couleurs d'Air France ;...

M. Jean-Pierre Blazy.

Au-dessus du ciel de la Charente, sans doute !

M. Dominique Bussereau.

... les Britanniques, quant à eux, sont fortement favorables à une reprise des vols du supersonique. Bref, je souhaiterais connaître votre position sur le sujet, car, d'un côté, pour faire plaisir à

M. Blazy, vous dites non, tandis que, d'un autre côté, vous dites que la question est en train d'être étudiée et que Concorde revolera.

M. Gantier a dit à juste titre que l'A3XX serait uner éalisation emblématique pour la France. Mais si Concorde, qui a été l'emblème de la France, ne vole plus, cela met en cause la crédibilité de l'industrie aéronautique française.

M. Jean-Pierre Blazy.

Attention aux mythes, monsieur Bussereau ! Surtout ceux qui ont du plomb dans l'aile !

M. Dominique Bussereau.

Mais les mythes sont importants, monsieur Blazy. Si nous sommes dans ce lieu, c'est parce que la République a su avoir des mythes dans ses ors et dans son fonctionnement.

M. Jean-Pierre Blazy.

On fera voler Concorde audessus de la Charente !

M. Dominique Bussereau.

Encore quelques mots sur le contrôle aérien et sur le troisième aéroport.

S'agissant du contrôle aérien, je ne comprends pas vos réticences à pousser à l'européanisation du contrôle aérien, c'est-à-dire à la création d'une autorité unique européenne, d'un système de contrôle européen - et non plus national - chargé d'assurer la sécurité. Quand un avion décolle de Paris pour aller à Helsinki, il est suivi


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par les contrôles aériens français, belge, danois et finlandais, ce qui, à mon avis, n'offre pas de réelles garanties en matière de sécurité. Je considère que, s'il y a bien un domaine dans lequel l'Europe pourrait vraiment jouer son rôle, c'est dans celui de la mise en place d'un système européen unifié de contrôle aérien, tout comme dans celui de la création d'un corps européen de garde-côtes.

Quelle est votre position sur ce point, monsieur le ministre ? Je terminerai mon intervention en évoquant la décision de construire un troisième aéroport à vocation internationale pour répondre à la croissance du trafic aérien en Ile-de-France et dans les régions voisines, tout en m'excusant auprès de Francis Delattre, membre de mon groupe, dont je peux comprendre que, en tant que député du Val-d'Oise, il n'ait pas la même position que la mienne, et en étant aussi plein d'humilité vis-à-vis de Jean-Pierre Blazy, dont je comprends l'émotion légitime sur le sujet.

La position que j'exprimerai sur le sujet est donc personnelle, monsieur le ministre - et je sais que vous l'avez contestée, la trouvant même scandaleuse -, mais j'estime qu'il est de mon devoir de responsable politique d'en faire part.

A mes yeux, la décision de construire ce troisième aéroport est extrêmement funeste sur le plan financier.

Son coût est de l'ordre de 45 ou 50 milliards de francs, somme qu'il faudra bien trouver ; or, quand on voit l'extrême pauvreté de votre budget, cela me paraît difficile.

M. Jean-Pierre Blazy.

Cela coûtera moins cher que certains autres programmes !

M. Dominique Bussereau.

En outre, je ne vois pas la zone géographique qui acceptera un nouvel aéroport. Que ce soit dans l'Aisne, en Picardie ou ailleurs, personne n'en veut ! Du reste, on voit bien comment les choses se passent pour l'aéroport de Nice.

M. Jean-Pierre Blazy.

On pourrait peut-être construire cet aéroport à Saint-Georges-de-Didonne !

M. Dominique Bussereau.

A Saint-Georges-deDidonne, il n'y a que la mer ! L'éventuelle réalisation d'un troisième aéroport à Beauvilliers a même donné lieu à un événement politique : Mme Aubert, député Vert, a été élue dans une circonscription où jusqu'alors un centriste était considéré comme un dangereux trotskiste, parce que le député local avait pris parti pour la construction de ce troisième aéroport.

Je ne vois pas une zone en France, où qu'elle soit, qui acceptera ce troisième aéroport.

M. Jean-Pierre Blazy.

Si, Saint-Georges-de-Didonne !

M. Dominique Bussereau.

Je suis au regret de vous d ire, monsieur Blazy, que Saint-Georges-de-Didonne n'est pas candidate, mais vous y êtes le bienvenu pour y passer vos vacances !

M. Jean-Pierre Blazy.

Au calme !

M. Dominique Bussereau.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous vous êtes fixé pour objectif de limiter le trafic de Roissy à 55 millions de passagers. Mais comment ferez-vous dans deux ans, quand ce chiffre sera atteint ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Très bonne question !

M. Dominique Bussereau.

Dès lors, pourquoi avezvous accepté - à juste titre, selon moi - la réalisation d'une troisième et d'une quatrième piste ?

M. Francis Delattre.

C'est pourtant facile à comprendre !

M. Dominique Bussereau.

Alors que la construction de Roissy a été financée par les finances publiques à la suite d'une décision magistrale et prémonitoire du général de Gaulle, que l'interconnexion avec le TGV a été organisée à la suite d'une décision de Jacques Chirac, Premier ministre, et de Jacques Douffiagues, ministre des transports, et que l'on envisage une desserte au départ de Paris-Est, vous voulez limiter à 55 millions de passagers le trafic d'une plate-forme qui peut en accueillir 80 millions.

Expliquez-moi pourquoi ! Je ne nie pas les contraintes environnementales. Mais expliquez-moi comment, dans deux ans, vous pourrez limiter le trafic de Roissy à 55 millions de passagers ! Et, même si vous décidiez de construire ce funeste troisième aéroport, comme il faut quinze ans pour le réaliser, comment feriez-vous entre temps pour respecter la limitation que vous avez fixée ?

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est une bonne question. D'ailleurs, je la poserai moi aussi tout à l'heure !

M. Dominique Bussereau.

Je voudrais aussi vous interroger, monsieur le ministre, sur le blocage du développement d'Orly. Et j'en terminerai pas là, monsieur le président, car je m'aperçois que, à mon tour, je suis trop long !

M. le président.

Mais la question est d'importance ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau.

Je sais qu'elle est également importante pour le député du Val-d'Oise que vous êtes ! Pourquoi bloquer le développement d'Orly et limiter son trafic à 230 000 ou à 250 000 mouvements par an ? Et je sais, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas responsable de cette décision qui avait été prise par Bernard Bosson. Mais comment justifier la construction d'un troisième aéroport, alors que le deuxième aéroport parisien est aujourd'hui sous-utilisé et qu'Aéroports de Paris - établissement public - vient de moderniser à grands frais l'aérogare d'Orly-Sud - qui ne recevra donc pas le trafic passagers attendu ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Dites-le aux riverains d'Orly !

M. Dominique Bussereau.

Ne dites plus, monsieur le ministre, que vous allez faire réaliser un troisième aéroport : au mieux, c'est un rideau de fumée pour faire plaisir à vos amis élus dans les régions concernées ; au pire, c'est une décision funeste en termes d'aménagement du territoire. Je considère, pour ma part, que la plate-forme de Roissy peut être mieux utilisée et qu'il est possible de dépasser le seuil de 55 millions de passagers - et je le dis à titre personnel.

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est inacceptable !

M. Francis Delattre.

C'est scandaleux de dire cela, monsieur Bussereau !

M. Dominique Bussereau.

De même, l'aéroport d'Orly peut être mieux utilisé. En outre, il y a toute une kyrielle d'aéroports spécialisés en Ile-de-France : Beauvais, Vatry - qui, pour l'instant, attend désespérément des avions -, Châteauroux, qui a un accord avec Roissy pour le fret, et Montréal.

M. Jean-Pierre Blazy.

Vatry est un aéroport qui ne fait pas de bruit ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau.

Ces plates-formes spécialisées peuvent être développées.


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Aussi, permettez à l'élu de province que je suis de vous dire que la décision que vous venez de prendre au sujet de Notre-Dame-des-Landes est une décision juste. Voilà où il faut envoyer du trafic, tout comme sur Lyon-SaintExupéry ou sur Lille-Lesquin.

Pourquoi manifester cette volonté technocratique, parisienne et centralisatrice de vouloir réaliser un troisième aéroport en région parisienne, faisant fi des problèmes environnementaux que cela pose, alors que la province peut accueillir un tel développement et l'attend.

Puis comme l'a très justement souligné l'un de mes prédécesseurs, monsieur le ministre, vous avez le réseau TGV, qui, pour les relations à courte et à moyenne distance, peut, bien évidemment, remplacer le transport aérien.

Je considère donc que cete affaire du troisième aéroport est un rideau de fumée, peut-être un mensonge.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ah ! Faites attention à ce que vous dites !

M. Dominique Bussereau.

En tout cas, dites-moi ce que vous ferez dès que le chiffre de 55 millions de passagers à Roissy sera atteint et que ce troisième aéroport ne sera pas encore construit ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vous répondrai.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le ministre, tout en reconnaissant votre bonne foi et le travail que vous faites en matière de politique des transports...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Il est de bonne foi ou il ment ?

M. Dominique Bussereau.

Sur le principe, M. le ministre est de bonne foi, mais dans la réalité, il tient un double langage. Mais chacun d'entre nous peut avoir ce type de défaut.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, bien évidemment, le groupe DL ne votera pas votre projet de budget. Mais je crois que vous l'aviez compris.

M. Christian Estrosi.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Après ce que vous venez de dire, c'est presque un honneur pour moi que vous vous prononciez contre mon budget !

M. Francis Delattre.

De toute façon, c'était une intervention personnelle ! Elle n'engage que M. Bussereau !

M. Dominique Bussereau.

Sur le troisième aéroport seulement !

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté réaffirme clairement un certain nombre de priorités fondamentales, et nous nous en réjouissons. Pour autant, il soulève quelques interrogations et suscite même des inquiétudes, mais je ne doute pas que le débat puisse permettre de répondre aux premières et de dissiper les secondes.

Premier motif de satisfaction : la progression de l'aide aux transports collectifs urbains.

Même si le GART estime qu'il faudrait 500 millions de francs supplémentaires pour couvrir le lancement des projets « site propre », on ne peut que constater que la dotation budgétaire est en augmentation de 3 % en moyens de paiement et de 7,3 % en moyens d'engagement.

Reconnaissons-le, cependant, monsieur le ministre, nous n'avons pas encore réuni les conditions d'une véritable rupture qui nous permettrait de rejoindre nos voisins du nord de l'Europe, qui, en la matière, sont un exemple. Cette rupture, axée sur une densification et une amélioration incessante de l'offre, devrait nous conduire, comme c'est le cas chez nos voisins les plus performants, à la prise en charge, d'une manière ou d'une autre, par l'Etat d'une partie des coûts d'exploitation des réseaux.

Les grands réseaux de province, qui ont consenti, ces dernières années, des efforts d'investissement très important en matière de transport collectif en site propre et dans des aménagements donnant la priorité aux transports publics, ont un grand besoin de ressources nouvelles pour le fonctionnement de ceux-ci afin de poursuivre et d'intensifier l'action prioritaire tendant à offrir un autre mode de déplacement dans la ville que l'automobile. En attendant, nous notons avec plaisir que les transports collectifs urbains bénéficieront de la baisse de la TIPP accordée aux professionnels.

Toutefois, il est très important que cette baisse soit étendue à l'aquazole, sinon le Gouvernement pénalisera injustement les réseaux qui se sont engagés le plus fortement dans la protection de l'air des villes et dissuadera les collectivités de poursuivre leur démarche. Nous avons bien compris, monsieur le ministre, que vous alliez vous rapprocher du ministre de l'économie et des finances pour régler cette question de la TIPP applicable à aquazole, mais nous souhaiterions que le rapprochement ne soit pas trop tardif et, pour tout dire, que vous puissiez nous annoncer une bonne nouvelle avant la fin des débats budgétaires.

Autre motif de satisfaction : le traitement du dossier ferroviaire.

Les autorisations de programme s'élèvent à 1,7 milliard, soit une augmentation de 10 % par rapport à l'an dernier et un doublement par rapport à 1997. Cela dit, la moitié de cette somme va à la réalisation du TGV Est. N'oublions pas que le doublement du fret marchandise en dix ans impose aussi, sur le plan commercial, l'amélioration spectaculaire de sa vitesse, donc la résorption des points noirs ainsi que la création de structures de dépassement et de lignes nouvelles.

Reste le problème de la régionalisation des transports régionaux de voyageurs. Le groupe communiste est certes un farouche défenseur de la décentralisation, mais il estime que l'expérience de transferts de charges massifs opérés depuis une vingtaine d'années à l'occasion de mesures décentralisatrices incite à la prudence. D'autant que nous ne disposons pas d'éléments indiquant que la SNCF soit capable de produire des comptes certifiés région par région, donnant le montant précis de son déficit d'exploitation sur les lignes régionales. Il s'agit de points sur lesquels il nous faut avancer et faire avancer la SNCF.

Nous notons aussi l'augmentation de 10 % des crédits destinés à la remise à niveau et à l'amélioration du rése au des voies navigables, soit une progression de 60 % par rapport à 1997. Nous sommes sans doute loin des enjeux d'une véritable promotion du fluvial en France, mais nous devons apprécier les efforts consentis pour la voie d'eau comme pour le rail.

Il n'en reste pas moins que l'ombre de la suppression du FITTVN plane sur ces efforts. Or, l'an dernier, ce fonds a permis d'injecter près de 2 millions de francs dans le transport ferroviaire et combiné. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le groupe communiste a


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déposé, en première partie de la loi de finances, un amendement de suppression de l'article prévoyant la fin du FITTVN. Certes, nous n'avons pas la religion des ressources affectées, mais nous avons besoin d'avoir des certitudes sur la pérennisation des taxes qui servaient à alimenter le fonds et sur leur affectation intégrale aux transports terrestres dans l'optique intermodale qui était celle du FITTVN. Nous avons besoin de cette garantie pour l'année qui vient, comme pour l'avenir ! Troisième motif de satisfaction : le sécurité routière.

L'augmentation de 9 % des dépenses ordinaires, de 11,6 % des autorisations de programme et de 13,4 % des crédits de paiement du budget de la sécurité routière concrétise l'engagement du ministère, qui est symbolisé par la loi « sécurité routière » votée il y a deux ans. En la m atière, nous mesurons l'amélioration des chiffres : résorption de points noirs et baisse importante du nombre des tués, qui passe enfin sous la barre des 8 000.

Bien entendu, ces acquis ne peuvent pas totalement nous satisfaire. Ils le peuvent d'autant moins qu'ils sont fragiles par nature. Aussi, faute d'actions nouvelles, la situation ne pourrait pas se stabiliser et ne manquerait pas de se d égrader à nouveau. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous soutenons votre démarche destinée à renforcer l'éducation et, quand c'est nécessaire, la répression des infractions en matière de sécurité routière, car, rappelons-le, la conduite n'est pas seulement un « acte technique », c'est aussi un « acte social » assorti de toutes les responsabilités qui s'y rattachent.

Pour le transport longue distance de marchandises, le ferroutage constitue une réponse en matière de sécurité routière, dès lors que l'organisation du fret et sa vitesse commerciale répondent aux impératifs économiques d'aujourd'hui. Cela implique indiscutablement l'amélioration de la qualité du service, ce qui pose donc la question de la fiabilité et de la régularité des transports. A moyen terme se pose le problème du développement des infrastructures et de la mise en service de nouveaux matériels roulants, d'où notre interrogation sur la poursuite de la consolidation de la situation financière de RFF au-delà de 2001.

Reste l'aspect fondamental que revêt la construction européenne sur cette question plus que sur toute autre : l'afflux, dans certains pays voisins, de conducteurs routiers venus de pays d'Europe centrale et orientale et effectuant leur travail dans des conditions déplorables, pose non seulement un problème de concurrence économique, mais également un problème aigu de sécurité routière.

Aussi, en même temps qu'elle s'engage dans la voix de l'harmonisation des conditions de transit, l'Europe doit s'engager dans celle de l'harmonisation des conditions sociales de ce secteur. Mais nous savons qu'il s'agit là d'une de vos préoccupations majeures, monsieur le ministre.

Quatrième motif de satisfaction, le dernier mais pas le moindre : la fin de l'hémorragie des emplois au sein du ministère.

Vos prédécesseurs, monsieur le ministre, avaient soumis cette administration à un régime de 1 000 suppressions d'emplois par an, politique de « la saignée » contre laquelle le groupe communiste s'est élevé à bien des occasions. Or pour la première fois depuis que je suis député, je n'ai pas à déplorer une vague de suppression d'emplois au sein du ministère de l'équipement et des transports ; au contraire, je constate avec plaisir qu'il est prévu un certain nombre de créations, qui représentent des emplois utiles à la nation et, bien sûr, au service public. Il s'agit là d'un signe décisif pour nous.

Il est cependant dommageable que ce signe ne s'accompagne pas d'un effort portant sur les moyens de fonctionnement des services, notamment ceux des directions départementales de l'équipement, qui enregistrent une baisse de 8,5 %, autrement dit de 87 millions de francs.

Cette situation ne peut qu'inquiéter les observateurs quant à la capacité des services à remplir leur mission en cours d'année, notamment s'agissant de l'entretien du réseau et la viabilité de celui en hiver, en zone rurale et en zone de montagne. Aussi attendons-nous un signe fort dans ce domaine.

Au total, monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez comporte de nombreux motifs de satisfaction, annonciateurs de perspectives. Et s'il suscite quelques inquiétudes, j'espère que le débat permettra de les dissiper. En tout état de cause, dans les conditions que nous connaissons, il s'agit d'un bon budget. Le groupe communiste le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le ministre, je centrerai mon intervention sur la question du transport aérien.

Néanmoins, j'attirerai préalablement votre attention sur deux points concernant les transports terrestres en Ile-deFrance.

En premier lieu, j'insisterai sur la nécessité de respecter les engagements du contrat de plan Etat-région en matière de renouvellement du matériel roulant de la SNCF en Ile-de-France.

La SNCF met actuellement au point un progamme de 1,6 milliard de francs sur la période 2001-2003, permettant de rénover 2 000 wagons des différentes séries aujourd'hui en circulation sur le réseau banlieue. Ce programme est très important et permettrait de mobiliser le 1,3 milliard inscrit au titre de la région. Il semble qu'il y ait des blocages au niveau du ministère de l'économie.

Pouvez-vous nous apporter des informations sur la mise en oeuvre nécessaire de ce programme au regard de l a visibilité des engagements du Gouvernement en matière de transports en Ile-de-France ? En second lieu, je souhaiterais que vous précisiez votre position sur la traversée de l'Ile-de-France, particulièrement du Val-d'Oise, par l'autoroute A 16 et, partant de là, l'évolution de votre doctrine concernant le péage urbain.

Cette réalisation n'étant pas prévue au contrat de plan

Etat-région, elle se fera, si elle doit se faire, avec des financements privés, ce qui pose de nouveau la question du péage urbain.

Le transport aérien connaît une croissance très importante dans un contexte de dérégulation et de concurrence exacerbée. Le trafic passagers en Europe a augmenté au mois de septembre de 8,1 %, selon les chiffres portant sur les douze derniers mois publiés par l'Association des compagnies aériennes européennes. Le taux d'occupation des avions a connu le niveau record de 79 %. La compagnie nationale Air France continue de profiter d'une conjoncture exceptionnelle pour réussir son redressement, affichant des résultats financiers excellents malgré la hausse du prix du pétrole.

M. Asensi, rapporteur pour avis, a évoqué le renforcement de la cohésion sociale dans l'entreprise. Cependant, le récent conflit à la SODETAIR, filiale à 100 % d'Air France, montre à l'évidence qu'il reste beaucoup à faire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

D'un point de vue plus général, si le développement de la plate-forme de Roissy crée des emplois, il ne faut pas oublier que la précarité d'une partie des emplois créés est une réalité à laquelle il conviendrait d'être attentif.

Monsieur le ministre, je dois déplorer l'insuffisance persistante des effectifs de l'inspection du travail sur la plate-forme de Roissy, en dépit des sollicitations que je vous ai adressées.

Si l'extension de l'aéroport de Roissy et la mise en place de son hub a permis à Air France de renaître, la croissance très vive du trafic d'une part, et l'exigence environnementale des populations riveraines d'autre part, exigent de mettre en oeuvre les orientations décidées le 26 octobre dernier par le Gouvernement.

Lorsque vous avez pris, il y a trois ans, l'engagement de limiter le trafic de Roissy à 55 millions de passagers, il était alors admis que cette barre infranchissable ne pouvait être atteinte avant 2015 et qu'elle correspondrait à 4 80 000 mouvements commerciaux. Aujourd'hui, la croissance très vive du transport aérien et la politique du hub nous conduisent à penser que ce seuil de saturation sera atteint à brève échéance.

Cette année, le trafic de Roissy atteindra 49 millions de passagers et 515 000 mouvements. Roissy est donc au bord de la saturation, une saturation environnementale.

La Commission européenne, dans sa réflexion sur le transport aérien et l'environnement, identifie cette nouvelle donnée comme fondamentale dans l'élaboration d'une politique de développement durable du transport aérien.

Monsieur le ministre, vivant près des pistes à Gonesse, je peux vous affirmer que les conséquences du développement de Roissy sont de plus en plus insupportables. Alors même que la gêne s'est considérablement accrue depuis 1997 - c'est l'année de référence qui a été retenue -, et que vous vous félicitez chaque année de la baisse de l'énergie sonore globale, Gonesse est l'une des communes où l'indicateur à viré au rouge en 1999, comme le révèle le rapport annuel d'Aéroports de Paris sur l'environnement.

Le Premier ministre a annoncé la construction d'une troisième plate-forme dans le Grand bassin parisien. Je me félicite de l'annonce enfin faite de la création d'un troisième aéroport, à la différence de M. Bussereau.

Cependant, aucun site n'est encore précisément identifié, ni aucun calendrier prévisionnel avancé.

L'absence de choix entre les trois régions susceptibles d'accueillir la nouvelle plate-forme aéroportuaire est difficilement compréhensible. A l'évidence, le choix de Beauvilliers, dans la région Centre, ne répond pas aux exigences d'une nouvelle grande plate-forme internationale et présenterait de plus l'inconvénient majeur à la fois de condamner à terme Orly et de limiter la faisabilité du projet de Notre-Dame-des-Landes, dans le Grand Ouest.

Par ailleurs, le ciel du nord de la France est saturé.

Dès lors, il convient de retenir dès maintenant un site hors de l'Ile-de-France dans l'est du Grand bassin parisien. C'est sur ce choix qu'il faut organiser le débat public dans le cadre de la commission nationale du débat public.

En aucun cas, l'annonce faite aux riverains de la réalisation du troisième aéroport ne saurait être un leurre ou un alibi, comme l'avait été l'annonce du site de Beauvilliers par le gouvernement Juppé. C'est pourquoi je m'étonne vivement que votre budget ne traduise à aucun moment l'orientation du Gouvernement par l'inscription des premiers crédits indispensables.

Monsieur le ministre, il n'y a pas de volonté politique réelle sans décision effective.

Il ne serait pas acceptable qu'on laisse croire à certains que, le moment venu, on pourrait déplafonner à Roissy et à Orly. C'est pourquoi, d'accord sur ce point avec Dominique Bussereau, je vous demande avec insistance d'exposer devant la représentation nationale les mesures incitatives et les décisions administratives, forcément contraignantes, que vous serez conduit à prendre rapidement pour faire respecter les engagements du Gouvernement et faire face à la saturation environnementale des plates-formes parisiennes à très brève échéance.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy.

Il semble que les marges de manoeuvre disponibles de report de trafic sur les aéroports de province ou sur le rail, voire la nécessaire maîtrise de l'évolution des mouvements, seront limitées et insuffisantes alors que, d'ici à 2010, ce seront de 30 à 40 millions de passagers supplémentaires qu'il faudra accueillir sur les aéroports parisiens et en province.

Le développement durable du transport aérien ne se paiera pas de mots, mais il procédera d'une volonté politique réelle.

Je souhaiterais à présent évoquer la question de l'exigence de sécurité aérienne, qui se manifeste de plus en plus face à l'augmentation du trafic et au lendemain de l'accident tragique du Concorde à Gonesse.

Je tiens à appeler votre attention sur les conditions dans lesquelles se déroule l'enquête judiciaire et sur la demande que vous ont adressée les trois magistrats instructeurs de recevoir les moyens d'accéder à certaines connaissances en matière aéronautique et de ne pas être moins bien dotés que leurs collègues chargés d'instruire la catastrophe du mont Sainte-Odile.

La sécurité aérienne est l'un des fondements de l'existence du transport aérien civil, dont la croissance actuelle est en grande partie fondée sur l'assurance éprouvée par les usagers qu'il est le mode de transport le plus sûr du monde.

Or Boeing et les analystes aéronautiques prévoient un accident majeur hebdomadaire d'ici à 2005-2010, conséquence logique, selon eux, de la croissance rapide du transport aérien.

Monsieur le ministre, comme chacun d'entre nous, je refuse tout fatalisme, et je refuse la banalisation de l'insécurité aérienne.

Je me félicite donc de la création des emplois nécessaires, et notamment des emplois de corps techniques de la navigation aérienne en 2001, qui permettront, je l'espère, de faire face à la croissance du trafic et de pallier les départs à la retraite, ainsi que de prendre en compte les évolutions de qualification des personnels concernés.

Je souhaiterais attirer fortement votre attention sur la nécessité de renforcer le corps des contrôleurs techniques d'exploitation.

Ces derniers ont en effet la capacité de contrôler tous les avions et, au besoin, de les maintenir au sol. Le fait que ce corps ne compte, sur tout le territoire, que vingtcinq agents, dont seulement cinq pour l'Ile-de-France, est difficilement acceptable au regard de l'augmentation du trafic et de l'exigence renforcée de sécurité.

Monsieur le ministre, alors que la France préside l'Union européenne et que la Commission travaille sur la question de l'amélioration de la sécurité aérienne en Europe et sur les retards, il semble important que vous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

puissiez nous présenter les décisions qui pourraient être annoncées d'ici à la fin de la présidence française concernant le ciel unique européen, les redevances environnementales et la création de l'Agence européenne pour la sécurité de l'aviation.

J'évoquerai à présent la mise en oeuvre de la loi du 12 juillet 1999 portant création de l'ACNUSA - l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.

L'Autorité indépendante a été mise en place cette année comme prévue par la loi et nous avons pu nous en féliciter ensemble. Cependant, bien que dotée d'un budget, sur lequel je n'ai rien à dire, elle connaît depuis sa naissance des difficultés pour assumer ses missions, du fait de blocages administratifs, concernant notamment le recrutement de ses personnels. Je suis intervenu à plusieurs reprises auprès des différents ministères concernés et je voudrais ici vous dire mon exaspération. Je vous saurais donc gré de faire en sorte que l'ACNUSA puisse enfin remplir ses missions, comme le prévoit la loi.

Par ailleurs, je constate que les nouvelles commissions consultatives de l'environnement ne sont pas encore installées, notamment à Paris. Alors que vous vous étiez engagé à mettre en oeuvre la révision du plan d'exposition au bruit de Roissy en 1998, force est de constater que rien n'a été fait, tandis que les riverains attendent toujours le décret sur la zone D et que l'ACNUSA n'a toujours pas été officiellement saisie du dossier de la définition des nouveaux indices de gêne sonore.

Monsieur le ministre, je suis au regret de constater que, s'agissant du transport aérien, votre budget ne reflète pas totalement les nombreux engagements et les discours pourtant positifs du Gouvernement. J'espère que les réponses que vous apporterez à mes questions convaincront tous ceux - acteurs du transport aérien, usagers et populations riveraines - qui sont, comme moi, convaincus de la nécessité d'oeuvrer pour le développement durable du transport aérien en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le ministre, votre budget, nous l'avons dit, est pour nous une grande déception.

Je voudrais, à l'appui de l'argumentation de mes collègues, notamment de Michel Bouvard, revenir sur quelques points qui nous semblent particulièrement inacceptables.

Je regrette en premier lieu de constater la faiblesse des crédits accordés aux directions départementales de l'équipement, particulièrement à celles des zones de montagne, q ui jouent un rôle considérable pour nos petites communes.

J'ai encore pu déplorer récemment dans mon département, qui a été victime de très graves intempéries au cours de cette semaine, la cruelle faiblesse des moyens dont disposent désormais les services de l'équipement.

Malgré la compétence, le dévouement et le dynamisme de ses agents, ils ne sont plus en mesure de faire face, avec toute l'efficacité requise, aux missions qui leur sont confiées faute de moyens matériels et humains.

Cinq jours après les dramatiques intempéries qu'a subies le Sud-Est près de cinquante routes restent coupées dans ma circonscription, où les moyens humains et matériels nécessaires font défaut.

Quant à la circulaire « Viabilité hivernale », elle ne peut que renforcer, à l'aube de l'hiver, les difficultés de la situation. Je crains le pire pour nos routes de montagne ainsi que pour les usagers de nos stations du haut pays, puisque nous pouvons penser que seuls les axes principaux seront déneigés par vos services.

Plus globalement, ce qui manque à votre budget, c'est le souffle et l'ambition.

Ce budget, comme les trois que vous avez déjà présentés à la tête de ce ministère de l'équipement, ne peut permettre de doter notre pays des infrastructures indispensables à son développement.

Ainsi, les investissements routiers sont en baisse de 17,8 %, soit, si l'on inclut le 1,5 milliard de crédits de paiement non consommés au titre de l'année 2000, une baisse de 1,8 milliard.

Le rapporteur spécial vous appelle lui-même à être vigilant quant aux modalités de report de ces crédits.

Cette absence de souffle se retrouve également dans les retards considérables d'ores et déjà engrangés dans l'exécution des contrats de plan.

Cette année 2000, certes année de démarrage des quatrièmes contrats de plan Etat-régions, a été marquée par la faiblesse de la programmation de l'Etat.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du l ogement.

Ne devons-nous pas parler du budget de 2001 ?

M. Christian Estrosi.

Vous savez très bien que, durant cette première année d'exécution des contrats de plan, la faiblesse d'investissements et de la participation de l'Etat, que ce soit pour le rail ou pour la route, a été considérable. Si l'on a reproché au plan précédent de ne pas avoir été complètement exécuté, on peut craindre que le rythme pris dès l'année 2000 ne génère encore plus de retards.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ne devons-nous pas parler de 2001 ?

M. Christian Estrosi.

Je ne fais que rappeler, pour mémoire, qu'en 2000 vous avez pris un mauvais démarrage et qu'il vous appartiendra d'ici en 2001 d'essayer de le compenser.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Voilà !

M. Christian Estrosi.

Nous serons à cet égard très attentifs.

Nous sommes bien loin des envolées lyriques qui avaient manqué l'année dernière lors de la présentation des moyens consacrés aux contrats de plan.

Aujourd'hui, les collectivités locales et les régions craignent de plus en plus d'avoir passé avec vous un marché de dupes, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Non !

M. Christian Estrosi.

Cette absence d'ambition en matière d'équipement du territoire national se traduit avec une acuité toute particulière en région ProvenceAlpes-Côte d'Azur.

Je voudrais faire part de l'émotion et de la colère des habitants de toute une région, qui ont été scandalisés par votre récente décision d'abandonner purement et simplement la réalisation du dernier tronçon manquant de l'autoroute A

51. Monsieur le ministre, au-delà des divergences politiques et des alternances, l'Etat se doit d'assurer le respect de la parole donnée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

M. Dominique Bussereau.

Très juste !

M. Christian Estrosi.

Aujourd'hui, votre décision aboutit à la situation ubuesque qu'une autoroute est réalisée au sud, jusqu'à La Saulce, et au nord dans l'Isère, mais dont vous refusez la continuité en son milieu.

Cette décision, concédée au chantage de Mme Voynet pour lui faire accepter un troisième aéroport parisien,...

M. Dominique Bussereau.

Exact !

M. Christian Estrosi.

... ne fait pas honneur à votre gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique Bussereau.

C'est vrai !

M. Christian Estrosi.

Par là même, vous condamnez à l'enclavement trois départements alpins et, au-delà, toute une région, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui a pourtant déjà suffisamment souffert de vos abandons.

Ces abandons, vous les connaissez. C'est d'abord celui du canal Rhin-Rhône, qui aurait pourtant constitué un outil remarquable d'aménagement du territoire et une alternative crédible au « tout camion » dans la vallée du Rhône.

C'est aussi l'abandon de la percée alpine du Mercantour, ensuite, qui pouvait offrir un formidable débouché à la région PACA sur l'Italie et l'Europe centrale tout en assurant la continuité de l'arc méditerranéen de Barcelone à Turin en passant par Marseille et Nice.

A l'issue de la récente réunion de la convention alpine, nous avons appris le renoncement absolu à la construction de nouvelles routes transalpines. Qu'adviendra-t-il du tunnel de Tende, pour lequel nous avions pourtant prévu des crédits d'investissement dans l'actuel contrat de plan ? C'est enfin l'abandon de la deuxième autoroute, plus au nord, dans le département des Alpes-Maritimes alors que l'A 8 et saturée et que des milliers d'automobilistes sont pris en otage tous les matins et tous les soirs, aux entrées de Nice, d'Antibes et de Cannes.

L'A8 devient chaque jour un véritable piège pour des dizaines de milliers d'automobilistes, victimes de vos compromissions politiciennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

En matière de compromissions politiciennes, vous en connaissez un rayon !

M. Christian Estrosi.

Monsieur le ministre, l'avenir des communications et l'intérêt général commandent que l'Etat prenne ses responsabilités dans ces dossiers. Aujourd'hui, vous ne pouvez vous contenter de gommer l'action de vos prédécesseurs sans prévoir la moindre solution alternative. Cette attitude relève de l'irresponsabilité, et je tiens ici à la dénoncer avec force. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai très bref puisque je ne parlerai qu'en mon nom personnel.

J'avais préparé pour ce matin une très belle intervention de dix pages, pour dix minutes. Mais, arrivant dans l'hémicycle, j'ai appris que M. Bussereau s'était substitué, dans des conditions pour le moins étranges, au porte-parole du groupe Démocratie libérale que je croyais être. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je ne vois pas ce que je gagnerais à demeurer dans un groupe qui respecte aussi peu la démocratie.

M. André Capet.

On le comprend ! C'est du terrorisme !

M. Francis Delattre.

J'exposerai les raisons - cela égaiera notre séance - pour lesquelles je ne partage pas la position du porte-parole désormais officiel du groupe Démocratie libérale, mais je dis d'emblée à mon collègue Dominique Busereau que je tirerai toutes les conséquences de la situation dès que j'aurai quitté l'hémicycle car il est inacceptable de ne pas respecter les règles de démocratie interne.

M. André Capet.

C'est courageux ! Voilà qui mérite le respect !

M. Francis Delattre.

En prenant des positions dites personnelles tout en s'exprimant au nom d'un groupe, on crée, c'est le moins que l'on puisse dire, une certaine ambiguïté, ce qui a pour résultat de saboter, disons les choses comme elles sont, les positions politiques des uns et des autres.

M. Jean-Pierre Baeumler et M. Gilbert Biessy.

C'est l'opposition en mouvement !

M. Francis Delattre.

Dans l'opposition, il y a pas mal d'offres, vous le savez bien. Je me recyclerai ailleurs, là où il y aura un peu plus de solidarité et peut-être même d'amitié.

Pour en venir à ce budget, je partage toutes les réflexions qui ont été faites sur la stagnation des crédits.

La baisse de près de 20 % de ceux consacrés aux routes est inquiétante, d'autant que vous vous dites très attaché à la sécurité routière, ce qui est notre cas à tous d'ailleu rs. On ne peut à la fois tenir ce discours, déplorer le nombre d'accidents, de tués sur la route et afficher une telle baisse de ces crédits. Je comprends qu'il faille rétablir un peu l'équilibre avec le transport ferré, mais il faudrait plutôt faire un effort supplémentaire sur les transports en commun, qui exigent des moyens importants. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n'est pas la bonne façon de procéder.

Deux autres questions font débat aujourd'hui.

S'agissant, d'abord, du troisième aéroport, contrairement à beaucoup d'autres collègues, je suis de ceux qui ont toujours pensé qu'il fallait quatre pistes à Roissy. En effet, avec deux pistes, selon les conditions météo, les avions doivent faire plusieurs tours au-dessus de nos têtes et le doublement des possibilités de décoller ou d'atterrir a été un progrès sensible pour l'aéroport de Roissy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Pas pour les Gonessiens !

M. Francis Delattre.

Bien sûr, cela présente des inconvénients pour les riverains, mais c'est aussi un atout économique pour notre département. Soyons logiques, cher collègue ! Nous avions toutefois demandé que l'on garantisse le plafonnement du nombre de passagers et de mouvements d'avions. Le contrat passé avec le conseil général et les autorités prévoyait 55 millions de passagers au maximum et un nombre de mouvements qui restait à préciser selon l'évolution des transporteurs. En effet, la capacité des avions augmentant, le nombre des mouvements d'avions n'est pas un paramètre totalement figé.

On nous reproche une attitude centralisatrice. Je réfute cette accusation. Nous ne demandons pas que le troisième aéroport soit forcément construit sur le territoire de la région d'Ile-de-France. Nous pensons au grand bassin parisien, car tout le monde est assez d'accord pour dire que la condition de base, c'est l'existence d'une relation


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

ferrée à grande vitesse permettant d'atteindre Paris en moins d'une heure. En nous savons très bien que certains sites en dehors de la région d'Ile-de-France remplissent cette condition. Nous ne sommes pas du tout contre l'agrandissement, l'amélioration des infrastructures aéroportuaires de Lyon, Mulhouse, Strasbourg, ou Nantes, au contraire. Elle sera d'ailleurs rendue nécessaire par l'augmentation globale du trafic. Mais si le troisième aéroport parisien n'est pas construit, des problèmes vont se poser à Roissy, remettant en cause le contrat dont j'ai parlé et par la même notre crédibilité.

Et voilà, la conséquence du discours de mon collègue Bussereau ! Quand je rentrerai dans mon département, je m'estimerai totalement désavoué et, surtout, décrédibilisé par rapport aux engagements que nous avons pris. Une plate-forme aéroportuaire de l'importance de celle-ci n'est pas sans poser de problèmes... pas uniquement aux habitants de Gonesse d'ailleurs, mais à l'ensemble du site survolé. Les problèmes d'insécurité, notamment, n'ont pas été réglés assez vite. Par ailleurs, nous aurions au moins pu avoir satisfaction sur la question des avions de chapitre 2. En effet, cinq ou six avions sont parfois au même moment dans le ciel et un seul altère complètement les conditions de vie des habitants de la vallée de Montm orency. C'est particulièrement gênant à vingttrois heures ou à une heure du matin. Si nous voulons être crédibles les uns et les autres, nous devons essayer de tenir nos engagements. Nous avons eu du mal à faire accepter nos projets à la population. Il ne faudrait pas qu'aujourd'hui tout soit remis en cause. Les paramètres ont changé et le développement du fret aérien des passagers, sur Roissy comme sur Orly, a dépassé toutes les prévisions, puisque nous avions tout basé sur une augmentation de 2, 3 % et que nous en sommes à près de 8 %. Mon collègue a raison de dire que dans cinq ans au maximum on risque d'atteindre le plafond. Il y a donc urgence à prendre une décision. Je l'avais déjà dit lors de l'examen des trois précédents budgets. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir été courageux dans cette affaire, qui a sûrement suscité des discussions interministérielles difficiles. Je crois que vous avez été raisonnable. Surtout, vous avez voulu respecter les engagements qui avaient été pris au nom de l'Etat.

Enfin, la dernière question, beaucoup moins importante pour nous, monsieur le ministre, concerne le débouché de l'A 16. Celle-ci arrive aujourd'hui à la Croix-Verte, ce qui nous pose problème. L'une de vos premières décisions, lorsque vous êtes devenu ministre des transports, a été de dire que l'A 16 ne traverserait pas la Seine-Saint-Denis. Cela se comprend d'ailleurs, car, dans le noyau dur de la région parisienne, les voies à grande circulation rendent la vie très difficile à des quartiers entiers. Mais aujourd'hui, cette autoroute, qui est utile à tout le monde, arrive dans la nature, sur l'ancienne nationale 1 - je ne sais pas comment on l'appelle maintenant.

Avec les bretelles que nous avons organisé vers Cergy, toute la circulation arrive sur la A 15. Il n'y a pas trentesix solutions, monsieur le ministre ! Il faut avoir le courage de raccorder l'A 16 à la Francilienne et prendre cette décision rapidement.

M. Jean-Pierre Blazy.

Cela mérite d'être discuté de façon concertée !

M. Francis Delattre.

Toutes les interprétations sont possibles, mais l'A 15 et l'A 115 se rejoignent justement dans ma commune. Je vous laisse imaginer ce que nous devrons supporter le jour où l'A 16 sera à plein régime, ce qui, grâce au ciel ! n'est pas encore le cas. Cela va être un goulet d'étranglement sans nom ! Il faut avoir le courage de dire que l'on n'est pas obligé d'arriver au coeur de la région parisienne quand on vient de province. Nous avons déjà assez de mal à résoudre les problèmes liés à la circulation. Trois à quatre ministres sont déjà passés et aucun n'a eu le courage de dire que la seule solution était le raccordement de l'A 16 à la Francilienne.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques observations totalement personnelles que je voulais présenter. Je vous remercie d'avoir été attentif à mon propos.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Nous l'avons été également !

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant après mon ami Gilbert Biessy, je traiterai plus précisément de la question du transport maritime et de la mer. Notre pavillon d emeure fragile, mais l'érosion semble stoppée. Le Comité interministériel de la mer - CIM - a décidé des mesures intéressantes qui peuvent améliorer une situation devenue préoccupante au fil des années. Croyez qu'avec les marins je reste attentif à cette question, qui participe totalement à la sécurisation des transports maritimes. Je note d'ailleurs que le sommet de la gauche plurielle lui accorde une place intéressante. Vaste sujet donc, mais le temps qui m'est imparti m'oblige à cibler mon intervention sur quelques aspects « brûlants » de la sécurité maritime, dont l'actualité récente nous a malheureusement prouvé qu'il s'agissait toujours d'une urgente nécessité.

L'actualité moins récente - dix mois depuis l' Erika avait incité notre assemblée a créer une commission d'enquête, que j'ai eu l'honneur de présider. Cette commission d'enquête a fait des propositions : renforcer les contrôles, éliminer les navires qui ne méritent plus ce nom, contraindre les armateurs à effectuer les entretiens et réparations nécessaires, instituer une autorité europ éenne afin d'harmoniser les contrôles de sécurité, contrôler les sociétés de classification. Il faut aussi renforcer les coopérations entre les Etats européens, mettre en commun les moyens de lutte et de prévention existant dans chaque pays par zone géographique et aboutir à une véritable force pour la prévention des risques et l'intervention en mer.

Je tiens aussi à rappeler les initiatives du Gouvernement prises au lendemain du naufrage de l' Erika , en direction de l'OMI, du FIPOL et de l'Union européenne, initiatives que nous soutenons bien évidemment. Je veux également appuyer la proposition que vous venez d'exprimer, monsieur le ministre, visant à interdire la navigation dans le rail d'Ouessant, la Manche et la mer du Nord, en cas de tempête. Que certains aient laissé entendre que ce n'était pas possible dans l'immédiat ne doit pas nous empêcher de convaincre qu'ainsi nous protégeons en fait, les marins, les amis de la mer, contre les pratiques autoritaires et intéressées des affréteurs, des chargeurs, des armateurs, pour qui la mer se réduit à un lieu où l'on doit gagner, coûte que coûte, du temps, donc de l'argent.

Il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté de circuler en mer, mais comment ne pas voir qu'elle sert, trop souvent aujourd'hui, les seuls intérêts d'un libéralisme exacerbé nuisible aux hommes et à l'environnement ? La droite a tenté de misérables opérations politiciennes avec le naufrage du Ievoli Sun , cherchant à faire porter la responsabilité sur le Gouvernement. Elle veut surtout faire oublier ses propres responsabilités dans l'indigence des moyens de l'Etat qu'elle a légués en 1997,...

M. Dominique Bussereau.

N'importe quoi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 2000

M. Daniel Paul.

... comme elle cherche à cacher combien elle partage, de fait, des options sociales et économiques qui portent en elles des risques de catastrophes.

M. Dominique Bussereau.

Stalinien !

M. Daniel Paul.

Prôner le libéralisme, la primauté du marché aboutit au dumping et à l'insécurité. Comme tout élément de la chaîne des transports, le maritime a un coût qu'il faut assumer par respect pour les hommes qui y travaillent et pour notre environnement.

Quels sont les moyens accordés dans votre budget à la sécurité maritime ? Les crédits de fonctionnement passent de 40 à 42,2 millions de francs, soit une hausse de 5,5 %. A l'équipement, les autorisations de programme s'élèvent à 148 millions de francs, soit une progression de 60,4 %. Ces évolutions positives sont à saluer, monsieur le ministre.

T outefois, je désire vous faire part de certaines remarques. J'ai insisté sur la nécessité de poser des contraintes fortes : la mer ne doit pas être une zone de non-droit. Aussi, s'il nous faut obtenir l'application de normes plus strictes, il nous faut également utiliser les outils existants, lesquels peuvent être pleinement efficaces si nous leur en donnons les moyens.

La surveillance, par exemple, qui joue un rôle fondamental dans la sécurité, dispose d'un outil remarquable que nous envient presque tous les Etats du monde : les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage. Ce budget doit d'autant plus leur donner les moyens de jouer pleinement ce rôle qu'en 2001, ils vont voir leur domaine de compétence étendu. Incontestablement, le projet de budget fait un effort dans ce sens avec la professionnalisation de ces centres et les dotations accordées puisque les moyens d'investissement enregistrent une augmentation non négligeable. Ces efforts doivent être poursuivis dans les années à venir, les équipements techniques de ces centres devant toujours être au

« top niveau ». En effet, personne ne comprendrait que, pour des raisons d'économie, on n'ait pas pu éviter certaines catastrophes.

Le système EQUASIS participe lui aussi activement à la surveillance. Ce système informatisé de gestion de données sur les navires, créé début 1998 à l'initiative de la France et de la Commission européenne, permettra aux opérateurs de choisir en connaissance de cause le bateau qu'ils affrètent. J'utilise délibérément le futur, bien que ce système soit devenu opérationnel en mai dernier, car son exploitation ne sera effective, à mon sens, que lorsque, conformément aux propositions françaises à l'adresse de l'Union européenne, tous les acteurs du monde maritime y prendront part.

Comment parler de prévention et de surveillance sans aborder la question du nombre d'inspecteurs ? Leurs effectifs contrastent avec ceux des pays voisins. Pourtant la France, en sa qualité d'Etat du port, devrait pouvoir inspecter plus de navires et respecter les accords internationaux. D'ici à 2003, le Gouvernement a décidé de doubler le nombre d'inspecteurs. Nous nous en réjouissons, mais cela sera-t-il suffisant ? J'insiste en particulier, monsieur le ministre, sur l'augmentation nécessaire de leur nombre en Manche et en mer du Nord. La densité des trafics et l'importance des ports le justifient pleinement. Les cinq centres de sécurité concernés vont, certes, globalement voir leurs effectifs confortés en 2001, mais cela ne représentera toujours qu'une vingtaine de personnes de Dunkerque à Caen, en passant par le Havre, Rouen et Boulogne, ce qui justifie des efforts d'autant plus soutenus tout au long des prochaines années qu'il faudra compenser de nombreux départs à la retraite.

Enfin, je voudrais évoquer les services d'assistance portuaire : pilotage, lamanage et remorquage. Ils remplissent des missions de service public liées notamment à la protection des côtes, au sauvetage et plus largement à la sécurité maritime. Ainsi, les lamaneurs, qui effectuent des opérations d'amarrage et de désamarrage des navires, participent aussi à la lutte contre les pollutions marines, à l'intérieur et à l'extérieur des ports. Ils fournissent des compléments d'équipage, parfois même des équipages entiers, pour manoeuvrer les navires désarmés. Tous ces professionnels interviennent dans les ports sans interruption, de jour comme de nuit, 365 jours par an.

Les prétentions européennes à ouvrir ces services aux lois du marché, à la concurrence nous inquiètent. Cela aurait pour résultat brutal de tirer vers le bas des services qui contribuent à la qualité et à la sécurité des opérations, à l'intérieur comme à l'extérieur des ports, avec tous les risques que cela suppose. Je souhaite donc que notre pays s'oppose, comme l'ont fait d'autres, à ces dérives que rien ne justifie, d'autant que, si les trafics augmentent, le nombre d'opérations, lui, n'évolue pas dans les mêmes proportions. Ne fragilisons pas ces entreprises ! Le résultat serait une réduction des moyens humains, donc de la fiabilité.

Le refus de la segmentation des marchés doit aussi être réaffirmé, en même temps qu'une amélioration de la transparence et des procédures d'agrément par une concertation approfondie avec les partenaires concernés.

Je les sais disponibles et attentifs à nos orientations. Cette concertation est une nécessité. Ne suivons pas l'exemple de la Commission européenne, qui s'adresse directement aux organisations professionnelles, par-dessus les Etats, ceux-ci étant supposés n'avoir plus qu'à entériner des décisions venues d'ailleurs.

La sécurité maritime passe par une responsabilisation de tous les acteurs de la chaîne. L'opinion y est aujourd'hui attentive et c'est une très bonne chose. Elle attend aussi la poursuite de nos efforts, de nature politique, à l'égard de nos partenaires, comme de nature budgétaire, pour renforcer nos moyens propres et mieux assumer nos responsabilités d'Etat maritime et portuaire. Cela vaut non seulement pour nos moyens portuaires, mais aussi pour ceux qui interviennent en haute mer, au large de nos côtes. Je pense à cet égard à l'intervention, qui n'a certes pas été couronnée de succès, de l'Abeille en haute mer pour remorquer le Ievoli Sun.

Nous sommes donc particulièrement attentifs à la suite qui sera donnée aux demandes de renforcement de nos moyens en haute mer.

Si je fais toutes ces observations, c'est au nom de la primauté qui doit être accordée à la sécurité. Je constat e, monsieur le ministre, que vous avez fait de celle-ci une priorité dans votre budget, ce dont se félicite le groupe communiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'année précédente, mon intervention portera exclusivement sur les questions touchant à la sécurité routière.

La France est souvent considérée comme le mauvais élève de l'Europe dans ce domaine. Chez nous, la route tue plus que chez la plupart de nos voisins : 2,5 fois plus par exemple qu'en Grande-Bretagne. C'est la première


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cause de mortalité chez les jeunes. Les quinze - vingtquatre ans représentent 13 % de la population, mais 26,5 % des tués sur la route. La principale difficulté sur laquelle nous butons est d'ordre culturel : sécurité des déplacements et liberté de mouvements sont souvent considérées comme contradictoires, alors que la sécurité est la condition de la liberté.

Face à cette « guerre non déclarée », pour reprendre le titre d'un ouvrage récent, le Gouvernement a déclaré la sécurité routière grande cause nationale de l'année 2000.

Cette décision souligne la priorité que vous accordez, monsieur le ministre, à la question de la sécurité routière.

Cela veut dire aussi que, pour vous comme pour nous, l'hécatombe routière n'est pas une fatalité. Les premiers chiffres pour l'année 2000 sont à cet égard encourageants : plus de 500 vies ont été épargnées par rapport à l'année 1999. Cette réduction sensible du nombre de tués sur la route cette année n'est sans doute pas étrangère à la détermination dont fait preuve le Gouvernement et à la prise de conscience collective qu'a créée l'inscription de la sécurité routière comme grande cause nationale.

Mais au-delà des déclarations, le Gouvernement et son ministre des transports se donnent les moyens de leur ambition. Ainsi, les dotations de la section budgétaire

« sécurité routière » augmentent de 10 % pour l'année 2001. Nous nous en félicitons, cet effort faisant d'ailleurs suite à d'autres consentis depuis 1997. Depuis l e comité interministériel de sécurité routière du 26 novembre 1997, le Gouvernement a mis en oeuvre u ne politique globale, cohérente et volontariste de sécurité routière, intervenant également dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la santé - j'y reviendrai plus particulièrement - et de l'éducation.

Votre démarche, monsieur le ministre, est à la fois dissuasive et pédagogique.

Elle est dissuasive avec la création du délit de grande vitesse ; l'instauration de la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule en cas d'infractions graves ; la mise en place d'un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel, dépistage dont il conviendrait d'ailleurs de faire le bilan ; le renforcement du dispositif policier ; le développement des radars automatiques ; l'extension de la rétention du permis de conduire, décidée il y a quelques jours, en cas d'excès de vitesse de plus de 40 kilomètres à l'heure.

Peut-être pouvons-nous dès maintenant commencer à tirer les enseignements de ces différents dispositifs législatifs. Monsieur le ministre, concourent-ils de manière effective à produire de nouveaux comportements routiers, notamment en ce qui concerne la vitesse ? Votre démarche est aussi pédagogique, avec l'augmentation des moyens donnés pour améliorer la formation au bon usage de la route à tous les âges de la vie ; l'augmentation du nombre d'inspecteurs du permis de conduire - création de 77 postes cette année et de 230 en trois ans ; le renforcement de la formation des jeunes à la citoyenneté automobile ; la mise en place d'un baromètre d'accidentologie et du conseil national de sécurité routière, toutes décisions prises le 25 octobre dernier à l'occasion du conseil interministériel.

Le projet de budget pour 2001 trouve place dans cette démarche. Il donne les moyens nécessaires, d'abord, pour développer une politique de communication plus incisive, ensuite, pour améliorer la sécurité des infrastructures, enfin, pour accroître la formation des jeunes et des adolescents à l'école.

En une année, on a assisté à un réel tournant dans la politique de communication de la sécurité routière. Pour reprendre une formule de Mme Isabelle Massin, déléguée interministérielle à la sécurité routière, si toute politique de sécurité routière passe par l'explication des mesures décidées, la communication doit aussi susciter « le débat social autour des valeurs de la sécurité routière ».

I l faut d'abord convaincre. Le changement des comportements sur la route ne peut être obtenu qu'avec l'adhésion du plus grand nombre. Chacun doit se sentir concerné, et cela dès le plus jeune âge. La responsabilité des citoyens à la sécurité routière est une réelle question de civisme.

Le projet de loi de finances pour 2001 dégage des moyens conséquents pour les campagnes de communication de la sécurité routière, tant nationales que locales.

Les crédits de communication passent de 65 à 78 millions de francs. C'est un effort important, même s'il n'atteint pas encore les sommets espérés. La participation des compagnies d'assurances, comme en Australie, ou encore l'affectation du produit non redistribué des amendes de police permettraient d'en accroître d'ampleur.

Il nous faut continuer à expliquer, en faisant passer des idées simples comme : la conduite dangereuse, ce n'est pas toujours les autres, afin que les comportements sur la route changent. Les campagnes de communication ont un impact important sur la population que seuls égalent les contrôles des forces de l'ordre. Je voudrais d'ailleurs saluer la qualité de ces campagnes et les efforts faits tout au long de ces dernières années. Je voudrais aussi saluer la participation de notre assemblée au travers de la remarquable exposition que le président de l'Assemblée a inaugurée il y a quelques jours.

Le budget 2001 va aussi permettre une présence sur le terrain plus importante, avec des actions plus ciblées.

L'opération « Label vie », lancée en 1999 et poursuivie en 2000, a ainsi permis de démultiplier localement l'impact des campagnes de communication de niveau national.

L'appel à projets auprès des jeunes, avec la participation de partenaires locaux et associatifs, constitue toujours une priorité du budget et je m'en félicite. C'est en développant ce type de partenariats avec les collectivités locales, les associations, les partenaires privés comme les responsables de discothèques dans le cadre des plans départementaux d'action de sécurité routière, que l'on responsabilisera les plus jeunes de nos concitoyens.

Nouveau partenaire : l'entreprise et l'administration.

Vous avez intégré au sein de vos dispositifs de lutte contre l'insécurité routière la question des déplacements professionnels. Votre dernière campagne a rappelé des chiffres sans appel : deux tiers des accidents de la route ont lieu pendant des trajets quotidiens. Si les grands accidents causés les week-ends ou pendant les vacances frappent les esprits, on s'aperçoit que la très grande majorité des accidents a lieu sur des trajets de courte distance : domicile-travail, domicile-école ou courses.

La sécurité routière n'a de sens que pensée dans la globalité. Je rejoins en cela votre objectif, monsieur le ministre : traiter toutes les causes de danger sans exception aucune. Il faut veiller à la prévention et à la répression, à l'amélioration technique des véhicules et à la formation, aux comportements et aux infrastructures.

Les campagnes de sensibilisation ne peuvent suffire à elles seules. L'amélioration de la sécurité des infrastructures doit donc nécessairement accompagner les campagnes visant à changer les comportements. Cette décision participe d'un constat simple. Si 95 % des accidents


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mortels ont pour origine un problème lié au comportement, dans 40 % des cas, l'infrastructure routière intervient comme un facteur accidentogène.

Le comité interministériel de sécurité routière du 2 avril 1999 avait inscrit parmi ses priorités le contrôle de sécurité des infrastructures. Déjà l'année dernière, je me félicitais de cette nouvelle manière de concevoir les projets routiers. Le budget 2001 poursuit cet objectif.

Le programme d'aménagements de sécurité des routes nationales est ainsi porté à 240 millions de francs d'autorisations de programme, soit une augmentation, que nous devons saluer, de 20 %. La prise en compte de la sécurité est aussi un des critères prioritaires dans le choix des opérations inscrites au titre des contrats de plan. Le budget permettant l'installation de dispositifs de protection des motards et le traitement des obstacles latéraux sur les routes nationales est augmenté de 80 à 110 millions de francs. C'est près de 400 millions de francs que vous allez consacrer en six ans à la suppression ou la protection des obstacles latéraux. Le budget 2001 met enfin l'accent sur la sécurité des tunnels. Nous avons tous en mémoire le terrible accident du Mont-Blanc. En augmentant la dotation « tunnels » de 75 à 175 millions de francs, monsieur le ministre, vous prouvez votre volonté de renforcer la sécurité dans ces lieux à risques ; et, naturellement, vous prendrez en compte le dossier du tunnel de Saint-Marieaux-Mines et de la RN 59, que vous connaissez parfaitement.

Je souhaiterais enfin que le contrôle technique des infrastructures, au même titre que celui des bâtiments publics, soit généralisé. L'amélioration de la sécurité s ur les infrastructures passe par l'instauration d'un audit de sécurité sur les projets routiers, comme il en a été décidé

Les risques d'accident doivent faire partie intégrante du cahier de charges des constructeurs, et la mise en oeuvre d'une politique de contrôle systématique des infrastructures doit s'imposer.

Le partenariat école-sécurité routière me tient plus particulièrement à coeur. L'apprentissage de règles comportementales communes doit se faire dès le plus jeune âge.

Les jeunes conducteurs et non-conducteurs paient le plus lourd tribut à l'insécurité routière. L'enseignement de la sécurité routière devrait ainsi faire partie intégrante de l'enseignement suivi à l'école.

Depuis 1993, une attestation de sécurité routière doit clôturer l'enseignement de la sécurité routière à l'école . La formation des jeunes aux dangers de la route est une obligation faite aux établissements scolaires. Cette obligation n'est pas toujours respectée. L'explication est peut-être à chercher du côté de la formation des enseignants. En effet, ceux-ci ne sont pas réellement formés à la sécurité routière, qui devrait être une discipline dispensée à part entière dans les IUFM en formation initiale et en formation continue. La France ne sera peut-être plus une exception si le respect des lois de la République s'apprend dès l'enfance et si les enseignants sont formés à cette discipline.

Comme nous y invitait le conseil interministériel du 2 avril 1999, le monde de l'éducation doit trouver toute sa place dans la lutte contre l'insécurité routière. Cette nécessité, monsieur le ministre, vous l'avez bien comprise.

Votre décision du 25 octobre dernier de faire passer aux élèves du primaire une « attestation de première éducation à la route » à la fin du CM2 va dans le bon sens.

De même, l'instauration au collège d'une attestation scolaire de sécurité routière en troisième, d'une épreuve allégée de code de la route et d'une épreuve de conduite d'un deux-roues devrait considérablement renforcer l'attention des adolescents aux questions de sécurité routière. L'éducation routière de l'école primaire au collège doit permettre de sensibiliser, dès leur plus jeune âge, et de manière continue, les futurs conducteurs.

Le renforcement de la coopération à l'échelon européen me tient également à coeur. La présidence française de l'Union européenne a permis d'accélérer l'harmonisation européenne des politiques de sécurité routière. La France a obtenu de ses partenaires européens la mise à l'étude de l'installation obligatoire dans les véhicules légers d'un limitateur de vitesse réglable par le conducteur. L'uniformisation des vitesses, du taux d'alcoolémie, de la signalisation et des normes des véhicules devrait consolider la légitimité et l'efficacité des actions nationales.

Au-delà des chiffres, la réussite d'une politique de réduction des accidents sur les routes de France passe par la mobilisation de tous. La campagne « sécurité routière, grande cause nationale » l'a prouvée. Si chacun s'y implique l'impact des campagnes de sécurité routière sera démultiplié. Si chacun fait un peu, c'est la vie qui gagne.

En ayant à l'esprit cette idée de bon sens, nous voterons, avec confiance, les crédits consacrés à la sécurité routière. Ceux-ci confirment l'intérêt et l'importance que le Gouvernement attache à cette grande cause nationale et illustrent sa volonté de faire reculer ce véritable fléau qu'est l'insécurité routière.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2624) ; Equipement et transports ; budget annexe de l'aviation civile (suite) : Mer : M. Guy Lengagne, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 26 du rapport no 2624) ; Transport aériens et météorologie : M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 28 du rapport no 2624) ; Transports aériens : M. François Asensi, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (tome XIII de l'avis no 2629) ; Transports terrestres : M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 29 du rapport no 2624) ;


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Equipement et transports terrestres : M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (tome XIV de l'avis no 2629) ; Transports maritimes et fluviaux : M. André Capet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (tome XV de l'avis no 2629).

Eventuellement, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT