page 08492page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Hommage à la mémoire de Jacques Chaban-Delmas (p. 8493).

M. le président.

2. Questions au Gouvernement (p. 8493).

FARINES ANIMALES (p. 8493)

MM. Yves Cochet, Lionel Jospin, Premier ministre.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN (p. 8495)

Mme Janine Jambu, M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

CRISE DE LA VACHE FOLLE (p. 8496)

MM. André Lajoinie, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 8496).

4. Questions au Gouvernement (suite) (p. 8497).

C

ONSÉQUENCES DE LA CRISE DE LA VACHE FOLLE (p. 8497)

Mme Nicole Ameline, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

DÉFICIT BUDGÉTAIRE (p. 8498)

MM. Jean-Jacques Jégou, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ALTERNATIVES AUX FARINES ANIMALES (p. 8498)

MM. Christian Jacob, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

VIOLENCE URBAINE (p. 8499)

Mme Nicole Catala, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITES (p. 8500)

M. Patrick Delnatte, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PAUVRETÉ ET ÉCHEC SCOLAIRE (p. 8501)

M mes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

CRISE DE L'ESB (p. 8501)

MM. Michel Vergnier, François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

ÉCONOMIE SOCIALE (p. 8502)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

DIRECTIVE EUROPÉENNE SUR LE SERVICE POSTAL (p. 8503)

MM. François Brottes, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8504).


page précédente page 08493page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

HOMMAGE À LA MÉMOIRE DE JACQUES CHABAN-DELMAS M. le président. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

Mes chers collègues, ce matin ont eu lieu les obsèques officielles de Jacques Chaban-Delmas. Je sais traduire le sentiment de notre assemblée en disant dès maintenant l'extrême tristesse que nous cause la disparition de celui qui fut notre président d'honneur. Il a marqué l'histoire de la France, de la R épublique, de notre institution parlementaire, de manière exceptionnelle.

Que son épouse, Mme Micheline Chaban-Delmas, que ses enfants me permettent d'exprimer, au nom de toute l'Assemblée, nos profondes condoléances pour la perte qu'ils subissent.

En accord avec la famille de Jacques Chaban-Delmas, je prononcerai son éloge mercredi prochain, 22 novembre, à quinze heures, en lieu et place des questions au Gouvernement.

Auparavant, mes chers collègues, aujourd'hui tous rassemblés, je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire et en l'honneur de Jacques Chaban-Delmas.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

FARINES ANIMALES

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis des années, les Verts essaient d'alerter l'opinion publique et les politiques sur les risques sanitaires et environnementaux que font courir les farines animales.

Le moratoire que nous réclamions et qui a été relayé par Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est maintenant décidé par le Gouvernement. Nous nous en félicitons.

M. Charles Cova.

C'est ce qui s'appelle se raccrocher aux branches !

M. Yves Cochet.

Dès lors, la question des substituts alimentaires que nous donnerons aux animaux se pose. La France va-t-elle choisir des oléo-protéagineux de qualité ou bien du soja génétiquement modifié importé des

Etats-Unis ?

M. Jean-Pierre Michel.

Très bonne question !

M. Yves Cochet.

Au nom des accords de Blair House , il semble que le Gouvernement choisisse plutôt la seconde solution, à laquelle nous nous opposons.

Nous pensons que la France ne doit pas abandonner la peste farineuse pour le choléra OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La France doit refuser l'importation du soja génétiquement modifié comme elle a su s'opposer à l'importation de boeuf aux hormones américain.

Plus généralement, cette crise révèle les méfaits de la politique agricole productiviste, défendue notamment par la FNSEA, cette même FNSEA qui, il y a quelques jours, proposait, pour masquer sa responsabilité, d'abattre tous les bovins nés avant 1996, sans remettre en cause l'usage des farines animales.

Maintenant, le moratoire est décidé, et nous nous en félicitons.

Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous mettre en oeuvre le stockage, le traitement et l'élimination des déchets animaux et des farines animales ? Ne croyez-vous pas, par ailleurs, qu'il faudrait peut-être adopter, pour ces déchets, la nomenclature des déchets toxiques de classe A, qui suppose un stockage et un traitement plus rigoureux ? Enfin, l'agriculture biologique, seule garante d'une alimentation de qualité, disposera-t-elle d'aides supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, avant de vous répondre, je voudrais dire que le Gouvernement s'associe au geste d'hommage qui a été à l'instant accompli par le président de votre assemblée. La semaine prochaine, le Gouvernement, et notamment moimême, participerons à l'hommage solennel qui sera rendu à la mémoire du président Chaban-Delmas.

Je vais maintenant répondre à votre question.


page précédente page 08494page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

Il y a trois semaines, le 24 octobre, Jean Glavany, le ministre de l'agriculture, annonçait devant l'Assemblée n ationale que le Gouvernement allait demander à l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'évaluer les risques liés à l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des volailles et des porcins.

L'avis de l'AFSSA a été demandé.

La semaine dernière, dans cette même enceinte, j'ai indiqué que le Gouvernement était en train d'étudier les modalités d'interdiction des farines animales.

Depuis lors, le Gouvernement a travaillé à préparer...

M. Guy Teissier.

Rien du tout !

M. le Premier ministre.

... les conditions de la mise en oeuvre d'une suspension de l'utilisation des farines en attendant l'avis de l'AFSSA. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ce travail a été conduit avec une exigence : arrêter un ensemble de mesures à la fois efficaces et techniquement possibles - je dirai même : efficaces parce que techniquement possibles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il ne faut pas dans ces domaines proclamer, mais être capable d'agir dans des conditions de sécurité pour les Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Cela fait trois ans que le Gouvernement réfléchit !

M. le président.

Monsieur Lellouche, je vous en prie.

M. le Premier ministre.

Ces propositions sont de plusieurs ordres.

Il s'agit, premièrement, de la suspension de l'utilisation des farines animales. Le Gouvernement a décidé de suspendre l'utilisation des farines d'os et de viande dans l'alimentation des porcs, des volailles ainsi que des animaux domestiques.

M. Jean Auclair.

Merci Chirac !

M. le Premier ministre.

Pour accompagner cette décision et limiter les risques pour l'environnement et la santé, un certain nombre d'évaluations et de mesures ont été décidées.

Des capacités d'incinération supplémentaires imméd iatement mobilisables ont été recensées pour 486 000 tonnes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

En huit jours ?

M. le Premier ministre.

Absolument, et cela a demandé un travail important.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

D es capacités supplémentaires, estimées à 350 000 tonnes, devraient être décidées d'ici au mois de juin 2001.

Il est clair que des nourritures de substitution seront nécessaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie l ibérale et Indépendants.)

Certaines impliqueront des importations supplémentaires. Il n'y a a priori aucune raison que nous importions des produits génétiquement modifiés.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Enfin, nous devrons développer la culture d'oléagineux et de protéagineux en France, comme déjà le Gouvernement a décidé de le faire.

Deuxièmement, nous prendrons des mesures de retrait supplémentaires. Déjà, conformément aux recommandations des scientifiques, le Gouvernement a décidé, au vu de l'avis de l'AFSSA, la mise en oeuvre du retrait des colonnes vertébrales de la chaîne alimentaire et la modification de la découpe dans les abattoirs et chez les bouchers.

Troisièmement, les moyens de contrôle sur l'ensemble de la chaîne alimentaire seront renforcés.

Il s'agit, quatrièmement, de l'extension du dépistage de l'ESB par des tests biologiques en vue de l'extension de la campagne de tests à tout le territoire national.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il s'agit, cinquièmement, de l'étude de mesures de retrait de certains animaux de la chaîne alimentaire.

Il s'agit, sixièmement, du renforcement des mesures de précaution et de sécurisation pour la santé de l'homme.

Les mesures nécessaires ont été prises et seront amplifiées contre les risques éventuels de transmission humaine à l'occasion des activités de soins.

I l s'agit, septièmement, du renforcement de la recherche, dont les moyens seront triplés.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

C'est nul !

M. Maurice Leroy.

Il est en train de manger son chapeau !

M. le Premier ministre.

Enfin et hors de ce plan centré sur la sécurité sanitaire, le Gouvernement va mettre en oeuvre des mesures de soutien, d'accompagnement pour la filière bovine et avicole.

M. Maurice Leroy.

Il est bon, le chapeau ?

M. le Premier ministre.

Nous avons pleinement conscience de la gravité de la situation pour toute la filière bovine,...

M. Thierry Mariani.

Il était temps !

M. le Premier ministre.

... injustement stigmatisée.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La baisse de la consommation de viande bovine qui a été enregistrée se traduit par un déséquilibre important du marché.

M. Maurice Leroy.

Il a quel goût, le chapeau ?

M. le président.

Monsieur Leroy, je vous en prie.

M. le Premier ministre.

La France demande que la situation du marché de la viande bovine soit inscrite à l'ordre du jour du Conseil des ministres de l'agriculture qui se tiendra à Bruxelles les 20 et 21 novembre prochains.


page précédente page 08495page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

J'ai demandé au ministre de l'agriculture de présenter au Gouvernement, dans les meilleurs délais, des mesures nécessaires au soutien et à l'accompagnement de la filière agricole et avicole.

M. Christian Bergelin.

Quelle tristesse !

M. le Premier ministre.

Pour conclure, monsieur le député,...

M. Maurice Leroy.

Il continue de manger son chapeau !

M. le Premier ministre.

... agir dans la transparence, appliquer le principe de précaution, faire primer la santé publique sur toute autre considération,...

M. Pierre Lellouche.

Comme le disait M. Chirac !

M. le Premier ministre.

... éclairer les décisions par l'avis des scientifiques, préparer des décisions en évaluant leurs conséquences...

M. Richard Cazenave et M. Pierre Lellouche.

Comme le disait M. Chirac !

M. le Premier ministre.

... pour être en mesure de les appliquer efficacement et dans le respect de la santé et de l'environnement,...

M. Pierre Lellouche.

Merci, monsieur Chirac !

M. le Premier ministre.

... tels sont les principes qui doivent guider un gouvernement. Tels sont les principes qui doivent guider les décideurs lorsqu'ils sont responsables.

M. Pierre Lellouche.

Comme le disait M. Chirac !

M. le Premier ministre.

C'est en s'appuyant sur ces p rincipes que le Gouvernement, dans un dialogue constant avec le Parlement, continuera d'agir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Merci Chirac !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Dans la nuit du 7 au 8 novembre derniers, le Sénat, en application de la procédure de discussion immédiate, adoptait par 164 voix contre 40, la proposition de loi portant reconnaissance officielle par la France du génocide arménien de 1915. La majorité sénatoriale rejoignait ainsi le vote unanime de notre assemblée, intervenu le 29 mai 1998.

Les Arméniens de France, leurs associations unies, après avoir lutté tant d'années et connu des espoirs déçus, exprimaient à ce moment leur joie et leur fierté de voir la représentation nationale accomplir cet acte politique fort, cette réhabilitation historique.

C'est un message tourné vers les jeunes générations turques et arméniennes, une contribution à la construction de relations de paix, de respect mutuel, de coopération dans la région et en Europe.

L'exécutif de notre pays s'honorerait en parachevant cette démarche et en inscrivant à l'ordre du jour de notre assemblée le texte adopté par le Sénat afin de lui donner, par son adoption définitive, force de loi.

Q uelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

Madame la députée, vous avez évoqué le vote qui est intervenu au Sénat dans la nuit de mardi dernier et qui porte reconnaissance, à une forte majorité sénatoriale, du génocide arménien de 1915.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ce vote identique, à celui de l'Assemblée nationale, en reste formellement distinct pour des raisons de procédure parlementaire.

Dans les deux cas, le Gouvernement a pris acte de ces initiatives parlementaires et toutes deux ont donné l'occasion à chaque assemblée d'exprimer dans les mêmes termes la profondeur des sentiments qui animent la représentation nationale sur cette tragédie.

En effet, notre pays, fidèle à sa tradition d'asile, s'honore d'avoir été l'une des grandes terres d'accueil des rescapés de ces atrocités, commises dans les convulsions de la fin de l'Empire ottoman. Leurs descendants sont aujourd'hui pleinement intégrés dans notre communauté nationale, qu'ils contribuent à enrichir de leurs talents.

Le Gouvernement maintient sa position.

M. François Rochebloine.

Ce qui veut dire ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Il s'est interrogé...

M. Maurice Leroy.

Vous pouvez changer d'avis, comme pour les farines animales !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... sur le fait de savoir s'il ressortit à la loi de qualifier des faits historiques.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Répondez à la question !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est ça ! Vous allez réfléchir !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement a aussi exprimé le souhait que cette initiative s'inscrive dans le cadre d'une politique de paix, de stabilité, de démocratie dans ces régions du Caucase. Il plaide pour la réconciliation des peuples, en particulier des peuples turc et arménien.

M. Maurice Leroy.

Répondez à la question !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s'en remet, comme il l'a fait à l'Assemblée nationale et au Sénat, à l'initiative parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Lellouche.

Comme d'habitude !


page précédente page 08496page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

CRISE DE LA VACHE FOLLE

M. le président.

La parole est à M. André Lajoinie.

M. André Lajoinie.

Monsieur le président, ma question s'adresse au Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les conséquences de la crise de la vache folle sur la consommation de viande de boeuf et sur les éleveurs sont telles que des mesures responsables et dénuées de toute préoccupation politicienne doivent être prises sans délai. Ces mesures, vous venez de les annoncer. Elles suscitent un certain nombre de questions.

Si le Gouvernement vient de suspendre la fabrication des farines animales, aujourd'hui interdite aux ruminantse n France, comme nous l'avions souhaité, quelle d émarche engage-t-il pour que l'Union européenne étende cette mesure ? Sinon, nous continuerons d'exposer nos consommateurs aux importations des pays n'ayant pas pris les mêmes précautions.

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas appliqué les propositions de la commission d'enquête de notre assemblée préconisant, il y a plus de six mois, des mesures plus strictes, comme la séparation totale des fabrications entre alimentation animale et produits d'équarrissage, et la suppression de tout risque de contamination croisée, de la commercialisation aux élevages ? Comment le Gouvernement compte-t-il éviter les risques du stockage et de l'incinération de ces farines animales sur l'environnement, et ceux du recours aux protéines végétales importées, dont on sait bien qu'il est difficile de discerner celles qui sont transgéniques de celles qui ne le sont pas, alors qu'il y a suffisamment de terres en jachère en France et en Europe pour produire des protéagineux ne présentant pas de risques d'OGM ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) De toute façon, l'interdiction provisoire des farines animales, même si elle est positive, ne suffira probablement pas à ramener la confiance par l'élimination de tout risque sur la santé humaine, qui doit primer sur toute autre considération, comme vous venez avec raison de le rappeler, monsieur le Premier ministre. C'est pourquoi il paraît urgent d'élargir le dépistage de l'ESB en le généralisant, au lieu de s'en tenir à des tests aléatoires, pour les animaux destinés aux abattoirs, y compris au niveau européen.

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aider les éleveurs à faire face aux difficultés financières découlant de la mévente qui touche surtout - j'en parle en connaissance de cause, puisque le phénomène concerne mon département - la filière viande bovine, pourtant généralement indemne de la maladie ? Ne pourrait-on décider des interventions publiques pour faire remonter les cours ? Enfin, quelles orientations le Gouvernement va-t-il mettre en oeuvre pour favoriser un élevage de qualité à base de pâturages et d'aliments traditionnels, remettant en cause le productivisme sans frein qui est à l'origine de la crise actuelle due, chacun le sait bien, au libéralisme de Mme Thatcher ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, le Premier ministre vient de rappeler le plan d'envergure annoncé par le Gouvernement ce matin. Je répondrai en quelques mots à votre question qui présente des aspects multiples.

D'abord, si le Gouvernement a décidé d'interdire les farines animales, alors qu'il n'avait aucune recommandation scientifique en ce sens, c'est pour simplifier la gestion du dossier,...

M. Richard Cazenave.

C'est parce que Chirac avait raison !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et notamment pour éviter tous les risques résiduels que vous avez évoqués : contaminations croisées, manque d'indépendance des filières de production, fraudes. Cette décision nous mettra définitivement à l'abri des incidents à répétition que nous avons connus ces dernières années.

M. Richard Cazenave.

Il fallait le dire plus tôt que Chirac avait raison !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais, vous avez raison de le dire, nous devons faire tout notre possible pour que les décisions que nous prenons soient relayées au niveau européen. J'ai ainsi rencontré le commissaire européen à la santé jeudi dernier, le commissaire à l'agriculture hier soir et je leur ai d'ores et déjà indiqué, premièrement, que nous demandions l'inscription de ces problèmes à l'ordre du jour du Conseil européen de l'agriculture de mercredi prochain ; deuxièmement, que nous souhaitons aller collectivement - d'autres ministres européens commencent à y réfléchir - vers une interdiction généralisée des farines animales en Europe ; troisièmement, que nous demandions un soutien pour les productions et les filières menacées ou déséquilibrées par cette crise ; quatrièmement, que nous devions tirer toutes les conséquences de cette crise, notamment en termes de production de protéines végétales. De ce point de vue, la position de la France est constante depuis plusieurs années. Nous avions ainsi critiqué le volet oléoprotéagineux des accords de Berlin et imposé que soit fixé un rendez-vous en 2002 pour revenir sur ces décisions, si possible. En tout cas, ce plan « protéines » que nous espérons pour l'Europe, nous allons pouvoir le plaider encore plus fortement aujourd'hui,...

M. Pierre Lellouche.

Quand ? Cela fait déjà trois ans !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... étant entendu que nous allons aussi prendre des dispositions en France pour que notre production de soja soit accrue dès 2001. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

3

SOUHAITS DE BIENVENUE A

UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Mesdames, messieurs, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Nano Ruzin, président du groupe d'amitié Macédoine-France du Parlement macédonien. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)


page précédente page 08497page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

4 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Nous reprenons les questions au Gouvernement.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CONSÉQUENCES DE LA CRISE DE LA VACHE FOLLE

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je la pose au nom des trois groupes de l'opposition. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Après des semaines d'atermoiements, vous annoncez enfin, monsieur le Premier ministre, un moratoire sur les farines animales. Cette décision intervient alors qu'une panique, une réelle psychose, s'est déjà emparée en France des consommateurs et, d'une certaine façon, des éleveurs.

C'est sur ce point que je concentrerai ma question. Le long silence du Gouvernement a en effet laissé les élus, les maires, seuls et souvent désarmés face aux interrogations de la population. Manifestement, contrairement au Président de la République, votre gouvernement a sous-estimé l'ampleur de cette crise en n'apportant pas, durant des mois, les réponses qu'attendaient les Français.

(Applaudissements sur le bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Aujourd'hui, votre réaction est louable, mais tardive. A plusieurs reprises, nous avions demandé, en particulier par la voix de Jean-François Mattei, l'interdiction des farines animales dans l'alimentation de toutes les espèces.

Vous attendiez alors l'avis des experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour vous prononcer, donnant le sentiment qu'il ne pouvait y avoir de décision que scientifique. Lors de votre conférence de presse, vous avez voulu rassurer les consommateurs, mais les producteurs, qui doivent faire face à une crise sans précédent et sont nombreux à être menacés de faillite, sont les grands oubliés de ce plan.

M onsieur le Premier ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour éviter le dépôt de bilan de milliers d'entre eux ? Ne conviendrait-il pas d'alléger dès à présent les prélèvements et charges que supporte l'ensemble de la filière viande en France, d'autant plus que l'utilisation de produits de substitution pour l'alimentation animale engendrera des surcoûts importants ? Pour les agriculteurs dont le troupeau a été contaminé, ne conviendrait-il pas d'exonérer de l'impôt sur le revenu les indemnités pour le renouvell ement du cheptel ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour soutenir le marché de la viande bovine, restaurer la confiance et relancer la consommation ? Par ailleurs, pour l'alimentation de substitution, votre plan demeure flou. Avez-vous l'intention de demander une renégociation des quotas fixés dans le cadre de l'Uruguay Round, la production de soja étant plafonnée à un niveau très bas en France ? Enfin, comment allez-vous gérer le dossier des OGM si la France fait appel à des importations de soja en provenance en particulier de l'Amérique latine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, il est tout à fait normal que le Gouvernement réponde en détail à vos questions, mais je voud rais vous mettre en garde contre toute tentation d'exploitation politique de la situation.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous rappelle en effet que la décision prise ce matin par M. le Premier ministre en vue de suspendre l'utilisation des farines animales, en attendant peut-être une interdiction plus pérenne, vise à modifier un dispositif que vous aviez mis en place il y a quatre ans.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et en 1996, vous n'avez jamais entendu un membre du gouvernement actuel, alors dans l'opposition, se livrer à la moindre exploitation politicienne.

(Mêmes mouvements.)

M. Jean-Paul Charié.

Menteur !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et a ucun membre du gouvernement actuel n'a dit à l'époque, par exemple, que les farines animales étaient un facteur de modernité pour l'agriculture française (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qu'il n'y avait pas de problème de vache folle dans notre pays, que tout était sécurisé et que tout allait bien ! A l'époque, nous avons, nous, montré notre sens des responsabilités. Nous n'avons pas critiqué les décisions du Gouvernement et vous ne m'avez jamais entendu mettre en cause mon prédécesseur, Philippe Vasseur, qui avait mis en place ce dispositif. C'est vous qui changez maintenant d'avis sur ce sujet ! (Protestations et huées sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Quant à nous, nous ne faisons que prendre les dispositions que les Français attendaient, en ayant pris le temps de les étudier sérieusement, et vous ne pourrez faire croire que le Gouvernement a tardé ou changé d'avis.

M. Richard Cazenave.

Qu'avez-vous fait depuis quatre ans ? Rien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui, nous avons pris le temps nécessaire à une décision sérieuse ! Nous avons pris le temps d'en étudier toutes les conséquences. Maintenant, quoi que vous en disiez, c'est ce gouvernement qui l'aura prise.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


page précédente page 08498page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

DÉFICIT BUDGÉTAIRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

S'il y a des gens qui changent d'avis, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, en tout cas ce n'est pas nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, demain, vous allez afficher dans le collectif budgétaire pour 2000 un déficit de 209 milliards, en hausse de 3 milliards par rapport à celui de 1999, contrairement à vos déclarations qui laissaient supposer, en juillet 2000, qu'il baisserait jusqu'à 185 milliards.

Cette situation est dénoncée aujourd'hui tant par la Commission européenne, que par le FMI,...

M. Jean-Pierre Michel.

Restons français !

M. Jean-Jacques Jégou.

... stigmatisant ainsi, premièrement, la poursuite de l'augmentation des dépenses publiques ; deuxièmement, le refus de véritables réformes de l'Etat ; troisièmement, l'absence manifeste de transparence dans votre présentation des différentes lois de finances et de financement de la sécurité sociale, ce qui dissimule la réalité des chiffres.

Le groupe UDF a dénoncé la dérive de ces trois dernières années. On est loin des propos du président de l'Assemblée que vous étiez alors, fustigeant l'apathie du Gouvernement en matière de réformes et d'amélioration de la gestion publique. Vous gâchez les fruits de la croissance dont vous avez hérité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

La réussite de la France et de l'Europe serait-elle sacrifiée sur l'autel de l'union de la majorité plurielle ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Merci Chirac !

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante, et elle est commune aux trois groupes de l'opposition. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Quand allez-vous enfin mettre en oeuvre les recommandations répétées de l'Union européenne et du

FMI ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, probablement étais-je distrait mais je ne m'étais pas aperçu que vous nous aviez fait legs d'une croissance importante. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Pourtant, c'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'agissant du déficit, le projet de loi de finances rectificative sera présenté demain au conseil des ministres.

Vous verrez alors que les chiffres qui y figurent sont en retrait par rapport à ceux de la loi de finances qui avait été présentée en début d'année, donc que le déficit se réduit. Et il sera encore plus réduit lorsque nous passerons, comme c'est la tradition, de la loi de finances rectificative, à l'exécution effective. Si nous n'avons pas d'ici là de mauvaises surprises, je pense que nous pourrons le ramener à moins de 200 milliards de francs.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est un mensonge ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela dit, si vous gardez à l'esprit la séquence des déficits depuis 1997 - vous la connaissez, monsieur Jégou, car vous êtes un expert...

M. Franck Borotra.

360 milliards en 1993 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie...

vous constatez que le déficit n'a cessé de se réduire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Et à l'étranger ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Certains voudraient sans doute aller plus vite, néanmoins, la réduction est continue.

J'ajoute que si vous voulez, comme nous, que la réduction du déficit se poursuive, il faudrait éviter, dans vos amendements, de proposer sans cesse des augmentations des dépenses.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Non, pas ça !

M. Bernard Accoyer.

Et l'article 40 ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je termine, monsieur le député, en vous confirmant que, pour Mme la secrétaire d'Etat chargée du budget comme pour moi-même, il est important de garder la maîtrise des dépenses sociales et budgétaires pour conserver une bonne croissance et atteindre notre objectif de réduction du chômage.

M. Pierre Lellouche.

Il faudra l'expliquer à la majorité ! Tout le monde n'est pas d'accord avec vous ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est un point auquel le Gouvernement, notamment le ministre de l'économie et des finances, est attaché.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ALTERNATIVES AUX FARINES ANIMALES

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le Premier ministre, il est un point qui fait, je crois, l'unanimité dans cet hémicycle : l'humilité n'est pas votre qualité première.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste. -

« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Mais admettez sereinement que le Président de la République avait raison !

M. Didier Boulaud.

L'humilité est de l'autre côté ?

M. Christian Jacob.

Sur un tel sujet, il faut se montrer à la fois digne et serein et je regrette les propos qui ont été tenus par M. Glavany. Il est vrai qu'il a l'habitude de cacher sa méconnaissance regrettable des dossiers derrière de petites phrases polémiques.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs


page précédente page 08499page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

du groupe du Rassemblement pour la République.)

Cela dit, supposons que les trois semaines perdues n'aient pas été du cafouillage, comme on aurait pu le croire, mais qu'elles aient été utilisées pour réfléchir - je ne deman de qu'à vous croire, monsieur le Premier ministre ! Je vais dès lors vous poser trois questions très précises. A Bruxelles, 100 millions d'euros ont été budgétés dans le cadre des mesures agri-environnementales et pourraient être consacrés à l'aide à la rotation du tournesol si la France faisait un effort équivalent. Or, par la création d'un impôt nouveau, vous avez créé une cagnotte de 1,6 milliard de francs sur le dos des agriculteurs. Etesvous prêt, oui ou non, à cofinancer ces mesures européennes agri-environnementales pour l'aide à la rotation du tournesol ?

M. Richard Cazenave.

Très bien !

M. Christian Jacob.

Ensuite, êtes-vous prêt à rétablir l'aide à l'irrigation du soja, que vous avez supprimée l'année dernière, ce qui permettrait de pratiquement doubler le rendement actuel ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Troisième question très précise : êtes-vous prêt à mettre en place un nouveau plan de relance des bio-carburants ? Vous allez me répondre que vous avez récemment donné un accord pour 70 000 tonnes. C'est vrai, mais il s'agit de productions anciennes. Etes-vous prêt, aujourd'hui, à doubler la mise ? Vous savez pertinemment que l'addition de ces trois mesures permettrait de mettre en culture environ 800 000 hectares de protéines végétales, qui compenseraient les 430 000 tonnes de farines animales.

Enfin, et parce que vous n'avez répondu à aucune question, qu'elle soit venue de vos bancs ou des nôtres, quelles mesures précises allez-vous mettre en place en faveur de la filière bovine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Paul Charié.

Nous voulons des réponses précises !

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, un ministre qui « ne connaît pas ses dossiers » doit répondre avec humilité. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Première question : le Gouvernement va-t-il cofinancer avec l'Europe des mesures agri-environnementales ? La réponse est dans le budget, que vous n'avez donc pas lu : oui, c'est fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Non, c'est faux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Deuxième question : allons-nous financer une filière d'encouragement à la production de soja, en l'occurrence de soja sans OGM ? La réponse est dans le budget : c'est oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Vous mentez !

Mme Odette Grzegrzulka.

Analphabète !

M. Didier Boulaud.

M. Jacob ne sait pas lire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Troisième question : allons-nous prendre des mesures pour soutenir la filière bovine et j'ajouterai, monsieur Jacob, la filière avicole...

M. Christian Jacob.

Quelles mesures ? Répondez à la question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui est sans doute encore plus menacée, à court terme, par la décision de suspension de l'utilisation des farines animales ? La réponse est encore oui ! Le Premier ministre l'a annoncé. Un plan est actuellement en cours de concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Je l'ai présenté moi-même ce matin, dans ses grandes lignes, au Conseil supérieur d'orientation. Il fait actuellement l'objet de consultations supplémentaires et sera annoncé au plus tard dans quarante-huit heures. La réponse est donc encore oui. Vous le voyez, je fais preuve d'humilité, sachez, quant à vous, faire preuve de perspicacité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

VIOLENCE URBAINE

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Ma question, que je pose au nom des trois groupes de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Elle aborde un sujet récurrent, celui de la violence urbaine, que vous n'êtes pas parvenu à maîtriser depuis trois ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un nombre croissant de nos concitoyens, et notamment des jeunes, souffrent de cette violence.

Je songe, monsieur le ministre, au jeune Romuald, qui était un collégien sans histoires et qui a été tué la semaine dernière à Courcouronnes, dans le cadre d'affrontements entre bandes armées.

Ces bandes de jeunes sont de plus en plus souvent dotées de fusils de chasse, de fusils à pompe, de cocktails Molotov.

Vos policiers le savent bien, qui sont tous les jours confrontés à cette violence.

Deux policiers ont d'ailleurs été blessés par balle la semaine dernière, dans le vingtième arrondissement. Et on le sait aussi, monsieur le ministre, dans l'arrondissement dont vous êtes élu, le dix-huitième, où règne une insécurité croissante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Au nom des dizaines de milliers de femmes, de jeunes, de personnes âgées victimes de cette violence, quelles mesures nouvelles, rapides, efficaces allez-vous mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Madame la députée, les phénomènes de violence urbaine et la présence de bandes, plus ou moins organisées, ne sont évidemment pas nouveaux. Cela dit, le constat est préoccupant, et, comme vous, j'ai remarqué que Paris n'était pas épargné.


page précédente page 08500page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

Vous avez rappelé que, la semaine dernière aux Puces, une bande de jeunes venant de départements de grande banlieue, et non de Paris ou des départements limitrophes, s'en est pris à des policiers de proximité.

La police a été efficace. J'aimerais que vous vous associiez à l'hommage que j'ai rendu aux policiers, et, plus généralement, à l'action qu'ils mènent à Paris et dans les départements où sévissent ces bandes. Des jeunes ont été interpellés et transférés au parquet, ce qui prouve l'efficacité de la police, qui, avec de nouveaux moyens de communication, a pu intervenir.

Sur de telles questions, il convient de travailler en partenariat mais aussi de disposer de forces de police suffisantes. La police de proximité se met en place ; la deuxième vague de généralisation interviendra au mois de février. Les décisions ont été prises, les calendriers respectés, les engagements budgétaires arrêtés. Et ces policiers de proximité devront bénéficier de l'appui d'effectifs de CRS ou de gendarmes mobiles.

M. Pierre Lellouche.

Les CRS sont tous dans le dixhuitième !

M. le ministre de l'intérieur.

Madame Catala - et vous allez comprendre ce que je veux dire - un député de province - qui est encore député de province - m'a critiqué pour avoir demandé au préfet de police de remettre des policiers là où cela était nécessaire. Personnellement, cela me semble de bonne politique d'agir ainsi, en se basant sur des critères objectifs pour assurer la sécurité par la prévention, la dissuasion et la répression.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

C'est au nom des trois groupes de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.- Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants) que je pose ma question.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, sans doute peut-on se demander si le Gouvernement et sa majorité plurielle ne sont pas les seuls à ne pas se préoccuper réellement de la sauvegarde de notre système de retraites.

Dans ce domaine, les gouvernements précédents ont pris des décisions certes difficiles, mais courageuses.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

L'opposition a fait des propositions de réforme, tout récemment encore, à l'issue du troisième atelier de l'alternance.

Les Français, dans leur ensemble, sont inquiets. Ils savent qu'ils ne doivent plus attendre grand-chose de votre Gouvernement. Cela explique certainement l'accumulation de près de 5 000 milliards de francs d'assurances vie et de plans d'épargne en actions.

Je ne chercherai pas à vous démontrer, une fois encore, que le système français de retraite par répartition est en péril. Vous le savez, nous le savons tous. Alors, madame la ministre, quand allez-vous engager de vraies réformes ? Ce ne sont pas les colloques et les rapports qui sauveront nos retraites. Ayez donc un peu de courage ! Ne nous répondez pas que vous dotez le fonds de réserve des retraites de 23 milliards de francs. C'est le type même de décision alibi : les experts savent qu'il faudrait lui consacrer plus de 1 000 milliards à partir de 2007-2008 pour lui donner quelque efficacité.

Madame la ministre, il ne suffit pas de dire que l'on est attaché à la retraite par répartition, il faut tout faire pour sauver ce système. Votre gouvernement n'a toujours rien engagé. Quand allez-vous enfin prendre les mesures qui s'imposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, comme le Premier ministre l'a rappelé en mars dernier, le Gouvernement a la volonté de défendre la retraite des Français, à commencer par les régimes de retraite par répartition. Je vois avec plaisir que vous vous êtes récemment convertis à cette optique...

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les régimes de retraite par répartition sont le gage de la solidarité entre les générations. Nous avons oeuvré, grâce à notre politique économique, à créer de meilleures conditions de façon à consolider ces régimes. Nous l'avons fait en relançant l'économie, en luttant mieux contre le chômage, en restaurant la confiance des Français. Aujourd'hui, les résultats sont là ! Nous l'avons fait en renouant avec les excédents des régimes de sécurité sociale. La branche vieillesse est désormais en excédent : 3,7 milliards de francs en 1999, 3,4 milliards de francs en 2000 avant versement au fonds de réserve.

M. Yves Bur.

Cela ne suffira pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous rappelle qu'en 1997, la branche vieillesse affichait un déficit de 5 milliards de francs.

Ces excédents nous permettent d'associer les retraités aux fruits de la croissance, comme nous venons de le faire à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale : revalorisation des pensions de 2,2 %, et coup de pouce portant à 1,3 % le gain de pouvoir d'achat des retraités par rapport à juin 1997. Nous avons décidé également de revaloriser de manière identique le minimum vieillesse. Et les retraités non imposables verront leur pouvoir d'achat augmenter grâce à la mesure de suppression de la CRDS.

Et puis, nous préparons l'avenir.

M. Maurice Leroy.

Il est temps !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous n'avons pas attendu que vous preniez position pour nous préparer. Conformément à ce que le Premier ministre a annoncé, nous avons créé un fonds de réserve qui sera doté, non pas de 23 milliards comme vous venez de le dire, mais de 50 milliards à la fin de 2001 et qui devra atteindre 1 000 milliards de francs en 2020. Nous avons créé un conseil d'orientation des retraites qui organise la concertation avec les partenaires sociaux pour proposer au P remier ministre, l'année prochaine, les mesures à prendre.


page précédente page 08501page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

Voilà, monsieur le député, le travail que nous avons fait et que nous poursuivons dans la durée en évitant les effets d'annonce sans lendemain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

PAUVRETÉ ET ÉCHEC SCOLAIRE

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

M me Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, une étude publiée courant octobre souligne le poids considérable du revenu des parents dans la réussite de leurs enfants. Statistiques à l'appui, il est démontré que le risque d'accumuler du retard à l'école primaire ou au collège est trois fois plus élevé pour les enfants issus des familles les plus modestes. Les moyens financiers et matériels dont disposent les familles les plus aisées constituent autant d'atouts supplémentaires pour l'éducation et l'éveil des jeunes, au-delà même de l'importance du capital culturel des parents.

La réforme de 1991, qui constitue une avancée majeure, a conduit à une diminution significative des redoublements au cours des cycles. Mais ce phénomène positif ne doit pas cacher que l'inégalité devant l'échec demeure substantielle à l'école primaire, au collège, au lycée et perdure à l'université en dépit des efforts menés tant par les responsables politiques que par la grande majorité des acteurs du système éducatif, qu'il convient au demeurant de saluer.

Si une évolution des principes pédagogiques est nécessaire afin que ceux-ci soient plus en phase avec les élèves d'aujourd'hui, ce à quoi nous savons le ministère de l'éducation attentif, il est évident que d'autres mesures s'imposent en dehors même du cadre éducatif. La déclaration de M. le Premier ministre lors de la conférence de la famille, le 15 juin dernier, a ouvert des perspectives en ce sens.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quelles orientations vous envisagez en ce domaine dans le cadre de vos responsabilités de ministre de la famille et de l'enfance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Madame la députée, vous posez là une question sociale fondamentale : comment faire pour que la pauvreté des parents ou la précarité ne fassent pas obstacle à la réussite des enfants ? A la suite des orientations données par le Premier ministre en juin dernier, je réunis tous les mardis un groupe de travail auquel les familles les plus démunies sont associées.

Leur conviction profonde est qu'il n'y a pas de fatalité dans l'échec scolaire. Il y a des réussites scolaires exceptionnelles dans les familles les plus démunies, nous le voyons dans les zones d'éducation prioritaire mais aussi dans les milieux ruraux défavorisés. Certes, ces réussites sont encore trop peu nombreuses. A nous de nous mobiliser pour qu'elles soient plus nombreuses.

Le Gouvernement le fait de plusieurs façons. D'abord, à travers l'aide sociale apportée aux familles. Citons, entre autres, l'allocation de rentrée scolaire, les bourses, la couverture maladie universelle et, d'une façon générale, tout ce qui fait reculer le chômage et la précarité. Toute ressource stable est un repère pour les enfants dans la structuration de la famille.

Ensuite, à travers l'aide scolaire, qui tend à donner davantage aux élèves qui en ont le plus besoin. C'est le sens des réformes éducatives menées depuis trois ans.

C'est le sens aussi de toutes les actions relatives à la santé scolaire et de la politique de relance des zones d'éducation prioritaire.

Enfin, à travers le renforcement des liens entre les familles et l'école. Nous avons lancé, avec le ministre de l'éducation, un plan ambitieux en ce domaine. Il s'est déjà traduit par des actions nouvelles d'aide aux devoirs q ui ont bénéficié, à la rentrée précédente, à 120 000 enfants. Nous allons les renforcer car il reste encore des inégalités entre les familles qui peuvent aider leurs enfants ou les faire aider, et les autres.

On entend souvent dire que les familles démunies sont démissionnaires. Ce n'est pas exact. Les familles pauvres ne sont pas de pauvres familles. Elles nourrissent pour leurs enfants une farouche ambition de réussite scolaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Elles attendent toutes beaucoup du service public. La République, au cours de ces dix ans, a ouvert l'école à tous ses enfants. Aujourd'hui, elle se mobilise pour assurer à chacun une réussite scolaire. C'est le coeur de l'action pour la justice sociale que nous poursuivons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CRISE DE L'ESB

M. le président.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, permettez-moi de revenir un instant sur l'ESB.

Malgré les efforts du Gouvernement pour aborder les problèmes avec calme, sérieux et détermination, on a vraiment l'impression de marcher sur la tête.

M. André Santini.

C'est vrai !

M. Michel Vergnier.

Le doute s'est installé dans l'esprit des consommateurs, dans l'esprit des producteurs et dans l'esprit des responsables politiques.

M. André Santini Eh oui ! M. Michel Vergnier Quand il y a doute, l'irrationnel l'emporte souvent sur le rationnel.

Il fallait, certes, interdire les farines animales - et vous venez de prendre une décision qui me réjouit - pour rétablir la confiance.

Mais cela ne changera rien pour l'élevage bovin : ces farines sont interdites depuis 1990 et il n'existe aucune tolérance.

(« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Les responsables professionnels ont proposé d'abattre les bêtes nées en 1993. Cette initiative a contribué a semer le doute et a beaucoup surpris dans mon département, où l'on verrait ainsi disparaître environ 70 % du troupeau. Qu'en est-il de cette proposition, monsieur le ministre ? Ce qui est sûr, c'est que les éleveurs souffrent et vont souffrir encore, et avec eux les artisans bouchers, les entreprises de distribution, les entreprises de la filière viande.


page précédente page 08502page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

M. Didier Boulaud.

C'est à cause de Chirac ! M. Michel Vergnier Ce qui est sûr aussi, c'est que l'information est insuffisante. J'ai remarqué, monsieur le ministre, que certains de nos collègues de l'opposition vous donnaient des conseils. Je sais que vos décisions seront inspirées avant tout par le dialogue. Dans nos départements, les préfets ont déjà pris des initiatives en ce sens. Cependant, il ne faut pas perdre de temps, il y a urgence.

Monsieur le ministre, quelles pistes entendez-vous privilégier pour soutenir ces professions qui le méritent bien ? Je crois, je le redis, il y a un problème de communication. C'est surtout aux Français qu'il faut redonner confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Monsieur le député, l'avenir de la filière passe, d'abord et avant tout, par un regain de confiance dans la consommation des produits carnés. Qui a eu raison le premier ? Je ne sais pas ce que nos concitoyens diront demain. Mais je vous rappellerai d'abord la méthode et ensuite les moyens que nous avons choisis pour y parvenir.

Le Gouvernement agit en vertu de quatre principes : la c onsultation, la faisabilité rapide, la réalisation, le contrôle.

La consultation consiste à demander, avant toute initiative, aux instituts scientifiques indépendants leur avis sur tel ou tel mode d'action, sur telle ou telle dangerosité, sur tel écueil à éviter et sur la décision à prendre. Lorsque les avis scientifiques sont donnés, le Gouvernement étudie avec les différents ministères compétents les moyens de mettre en oeuvre au plus vite ces actions. Puis, il les met en oeuvre. Le Premier ministre a, ce matin, à travers les sept séries de mesures annoncées, énoncé le pourquoi, le comment, le financement et la réalisation de ce qui apparaissait comme une évidence pour certains il y a quelques jours mais qui, pour d'autres, devait être étalé dans le temps.

J'en viens, monsieur le député, au retour à la confiance. La première mesure à prendre pour la filière est en effet de faire en sorte que les consommateurs reprennent confiance.

M. Pierre-André Wiltzer.

C'est du bavardage ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Il suffit de rappeler, après l'AFSSA, des choses simples.

M. Jean Auclair Vous avez mis le temps ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Que dit l'AFSSA ? Qu'il n'y a aucun danger aujourd'hui dans le muscle et dans le lait. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) A ce titre, il suffit de rappeler aux gestionnaires de collectivités ou de cantines...

M. Richard Cazenave.

Rappelez-le à Ayrault, alors ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... qu'il y a des protocoles à respecter, qu'il y a une traçabilité à retrouver. La France est la première, en Europe, à prendre des mesures que d'autres devront prendre après nous - et on verra bien alors qui avait raison... Compte tenu de ces éléments, il est tout à fait possible de consommer de la viande et, de surcroît, de la viande d'origine française.

Enfin - mais Jean Glavany l'a très bien exposé - un dialogue sera institué avec la profession, à l'instar de celui qui avait eu lieu en 1996. Il devrait être de nature à rassurer l'ensemble des parlementaires ici présents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ÉCONOMIE SOCIALE

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Ma question s'adresse à M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Jeudi 16 novembre se déroulera à l'Assemblée nationale le premier colloque sur l'économie sociale, à l'initiative du groupe parlementaire que pilote notre collègue JeanLouis Dumont. Vous y participerez, monsieur le secrétaire d'Etat, et tous les parlementaires y sont conviés.

Les 760 000 entreprises de l'économie sociale, associations, coopératives, mutuelles d'assurances et de santé, fondations, emploient plus de 1,7 million salariés. Elles représentent un gisement formidable d'emplois. Mais, aujourd'hui, elles s'interrogent sur le sort qui pourrait leur être réservé dans l'économie marchande que nous connaissons.

La pensée dominante consiste à véhiculer un seul modèle de société : les sociétés de capitaux, et lie inéluctablement production et rémunération du capital. Or les entreprises de l'économie sociale, qui n'ont pas pour objet de maximiser un profit ni de rémunérer un capital ne peuvent trouver de fonds sur les marchés financiers pour survivre. Elles n'ont pas de socle législatif défini comme les sociétés de capitaux avec la loi de 1966. Elles sont fondées sur divers codes et les textes législatifs ne les prennent jamais en compte, ce qui nous oblige, lorsque nous le pouvons, à les adapter au coup par coup.

Face aux risques encourus par ces entreprises qui positionnent l'homme au coeur de l'activité de production et qui répondent à une éthique souhaitée par tous nos concitoyens, je vous serais reconnaissante, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me dire si vous envisagez de développer un vrai statut des sociétés de personnes et quelles sont les mesures de soutien à cette forme d'économie que vous pouvez mettre en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

Madame la député, vous avez raison de vous étonner du fait que certains voudraient nous faire croire que la vertu serait du côté de l'enrichissement rapide, individuel, et que ceux qui, sûrement, produisent des services et des biens dans l'idée de construire des solidarités, de dégager une plus-value sociale, ou environnementale, de contribuer à l'émergence d'un patrimoine partagé seraient finalement fautifs. Il n'en est rien. Et quand nous faisons


page précédente page 08503page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

l'analyse financière des aides publiques accordées à certains secteurs, par l'Etat comme par l'Union européenne, par rapport à la place qu'ils occupent dans le PIB, on s'aperçoit que ce sont ceux qui, au nom de la libre concurrence, voudraient empêcher certaines spécificités ou certains droits de s'affirmer, qui se tournent le plus souvent vers la puissance publique pour obtenir des subventions.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - « Prouvezle ! » et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est bon d'examiner objectivement quelle est la place respective : de la puissance publique, qui joue un rôle de régulation ; de l'économie de marché, dont le rôle est légitime ; et des sociétés de personnes, dont le rôle est indispensable pour produire cette plus-value que j'évoquais à l'instant. Mon secrétariat d'Etat a d'ailleurs pris l'initiative des premières rencontres pour l'économie plurielle, qui se tiendront les 23 et 24 novembre à Tours et qui regrouperont 600 réseaux européens de l'économie sociale et solidaire, plusieurs ministres, le conseil consultatif des mutuelles, assurances et fondations, pour aller au coeur de cette question.

Préserver la pluralité de la démarche économique, c'est ce que fait le Gouvernement quand il prend des mesures pour mettre en sécurité la spécificité mutualiste, de telle sorte que, huit années après l'adoption de la directive

« Assurance », le secteur mutualiste dispose d'un cadre juridique refondé qui lui permette de bien envisager son avenir.

Ouvrir de nouvelles reconnaissances, c'est ce que fait le Gouvernement quand, à la faveur d'un chantier sur le c ode des marchés publics, non seulement certaines reconnaissances passées sont préservées, mais la réflexion s'ouvre sur la manière d'affirmer plus nettement l'intérêt général.

Ouvrir de nouveaux horizons, c'est ce que je fais aussi quand je lance le chantier de l'épargne solidaire, mais je crois, et vous avez raison, madame la députée, que le champ, dans son ensemble, mérite d'être revisité.

M. Maurice Leroy.

Oh la la !

M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

Il y a sans doute une adaptation nécessaire de certains statuts existants. Il y a des nécessités qui touchent à des secteurs modernes : les services de proximité, que tout le monde revendique mais qui ont besoin d'un cadre juridique plus net ; la solvabilisation des services ; la prise en compte du commerce équitable. Je pourrais m'étendre. Je dis simplement que le balayage de ce chantier, mon équipe et mon cabinet sont en train de l'opérer.

M. Maurice Leroy.

Et concrètement ?...

M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.

Il s'agit à la fois d'adapter, de moderniser et finalement d'affirmer politiquement (Mouvements d'impatience sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - je vois que cela dérange sur certains bancs (Exclamations sur les mêmes bancs) - que la pluralité des démarches économiques est constitutive de la pluralité démocratique.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

DIRECTIVE EUROPÉENNE

SUR LE SERVICE POSTAL

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, les choses sont parfois tellement simples qu'elles ont du mal à faire l'unanimité en Europe. Si l'on réduit à la portion congrue le monopole du courrier dont dispose la poste conformément à la loi sur l'aménagement du territoire, ce sera la loi du plus fort et du plus riche, conséquence d'une concurrence exacerbée, comme semble le souhaiter la Commission européenne. Ce sera un service du courrier dégradé, à un tarif plus élevé pour les zones rurales et les quartiers défavorisés.

Ce signal est inacceptable et tous les parlementaires qui ont rejoint le comité « Riposte », que j'ai initié, ont lancé un fort cri d'alarme en faveur du service public postal.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous mettez tout en oeuvre, dans le cadre de la présidence française, pour limiter les dégâts. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier qui mobilise une majorité de pays européens ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui répondra, j'en suis sûr, avec sa concision habituelle.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, la Commission a proposé de modifier la directive de décembre 1997 sur un certain nombre de points fondamentaux : identification de nouvelles catégories de services à valeur ajoutée pour la poste, appelés

« services spéciaux », que la Commission veut, en quelque sorte, sortir du service public ; réduction du domainer éservable aux opérateurs de services universels à 50 grammes au lieu de 350 grammes aujourd'hui, et cela dès 2003 ; nouvelle évolution du cadre juridique applicable en 2007, dont on ne connaît pas encore vraiment les contours.

Aux yeux du Gouvernement, ces propositions mettent fondamentalement en cause la conception d'un service public de qualité, au même prix pour tous et accessible en tous points du territoire.

Le débat que j'ai animé le 3 octobre dernier à la présidence de l'Union a permis de montrer qu'il n'existe aucun consensus sur ces propositions. A la demande du Premier ministre, la France s'y est, pour sa part, résolument et fermement opposée. Grâce à la mobilisation de l'ensemble des parlementaires, de la Commission supérieure du service public, dont vous êtes un des animateurs, des parlementaires européens, du Gouvernement, des organisations syndicales et d'une dizaine de postes européennes qui sont sur nos positions, je crois que l'on peut dire aujourd'hui que la négociation ne va pas dans le sens souhaité par la Commission de Bruxelles, et en particulier par le commissaire chargé de ces questions.

Il nous faut réaffirmer la pérennité des missions d'intérêt général et définir un cadre économique qui permette au service public de trouver ses moyens de financement.

J'espère y parvenir le 22 décembre prochain en défendant le service public, notre poste et nos postiers, et aussi un certain concept, celui de l'égalité des territoires, de l'égalité des hommes et des femmes qui habitent l'Union européenne vis-à-vis d'un service postal dont nous devons maintenir tous les acquis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


page précédente page 08504

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 2000

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Fixation de l'ordre du jour ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

C ommunication ; lignes 40 et 41 de l'état E ; article 46 : M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 10 du rapport no 2624) ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IV de l'avis no 2625).

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT