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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 8572).

EFFET DE SERRE (p. 8572)

M mes Annette Peulvast-Bergeal, Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

SOUFFRANCE ET VIOLENCE DES JEUNES (p. 8573)

MM. André Lebrun, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

MALTRAITANCE DES MINEURS (p. 8573)

M. Damien Alary, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

AGRICULTURE BIOLOGIQUE (p. 8574)

MM. Yvon Montané, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

DÉFICIT BUDGÉTAIRE ET BAISSES D'IMPÔTS (p. 8575)

M M. Philippe Auberger, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PROSTITUTION (p. 8576)

Mmes Françoise de Panafieu, Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

SYSTÈME ÉDUCATIF (p. 8577)

Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

TGAP (p. 8577)

M. Charles de Courson, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

PROGRAMMES MILITAIRES (p. 8578)

M

M. Renaud Donnedieu de Vabres, Alain Richard, ministre de la défense.

CRISE DU SECTEUR INFIRMIER (p. 8579)

M. Denis Jacquat, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LOGEMENT DES JEUNES (p. 8580)

Mme Janine Jambu, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

VOTE DES CITOYENS EUROPÉENS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES (p. 8581)

MM. Bernard Charles, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE (p. 8581)

MM. Jacques Desallangre, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance (p. 8582)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

2. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8582).

INTÉRIEUR (Nouvelle procédure) M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la sécurité.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités locales.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

MM. Laurent Dominati, Bruno Le Roux, Jacques Brunhes, Didier Quentin, Alain Tourret, Rudy Salles.

INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION ÉTAT B

Titre III. Adoption (p. 8600)

Titre IV (p. 8600)

Amendement no 165 du Gouvernement : MM. le ministre, Gérard Saumade, rapporteur spécial. Adoption.

Adoption du titre IV modifié.

ÉTAT C

Titre V. Adoption (p. 8600)

Titre VI (p. 8600)

Amendement no 175 de M. Dumont : MM. Jean-Louis D umont, Gérard Saumade, rapporteur spécial ; le ministre, Francis Delattre. Retrait.

A mendement no 174 rectifié de M. Jean-Louis Dumont. Retrait.

Adoption du titre VI.

Après l'article 60 (p. 8602)

Amendement no 176 de M. Dumont : MM. Jean-Louis D umont, Gérard Saumade, rapporteur spécial ; le ministre. Adoption.

Suspension et reprise de la séance (p. 8603)

OUTRE-MER (suite) (p. 8603)

MM. Camille Darsières, Victor Brial, Mme Christiane Taubira-Delannon.


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M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Réponse de M. le secrétaire d'Etat à la question de M. Alfred Marie-Jeanne.

ÉTAT B

Titres III et IV. Adoption (p. 8615)

ÉTAT C

Titres V et VI. Adoption (p. 8615)

Après l'article 61 (p. 8615)

Amendement no 169 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer. Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à une prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8615).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe socialiste.

EFFET DE SERRE

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la ministre, il reste, à partir d'aujourd'hui, neuf jours aux 180 pays qui sont réunis à La Haye pour traiter des problèmes de changements climatiques et atmosphériques.

Voilà quelques semaines, répondant à Marie-Hélène Aubert, vous vous disiez d'un optimisme raisonnable, our aisonné. Pourtant, des questions d'importance demeurent en suspens. J'en vois notamment trois : le problème des puits à carbone que sont les forêts, sur lequel nous ne sommes pas d'accord avec les Etats-Unis ; le problème des permis d'émission, que certains traduisent par un « droit à polluer » qui est largement contesté ; enfin, le problème des pays en développement, qui pourraient prendre part au processus de Kyoto par le biais des mécanismes de développement propre.

La mise en oeuvre d'un accord politique, géopolitique, est urgente. Car il est probable, même si cela n'est pas avéré, ni calculé, qu'il y ait un rapport de causalité entre les gaz à effet de serre émis par les activités humaines et le réchauffement de l'atmosphère. Plus nous attendrons, plus les mesures que nous devrons prendre seront dures, voire draconiennes, et donc difficiles à imposer à nos concitoyens.

Aussi, madame la ministre, nous souhaiterions que vous fassiez le point devant la représentation nationale sur les enjeux de ces négociations et que vous nous disiez quelle position la France envisage de tenir après l'annonce faite par M. le Premier ministre d'un plan national de lutte contre les changements atmosphériques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, la réalité d'une corrélation entre les bouleversements climatiques et l'augmentation des gaz à effet de serre n'est plus aujourd'hui contestée par personne, mais la négociation en cours est d'une ampleur, d'une complexité telles que personne à cette heure ne peut dire ce qui sortira de ces deux longues semaines de travail entre milliers d'experts au niveau international.

E n effet, les bouleversements que supposent les mesures à prendre pour réduire les émissions de gaz à effets de serre sont d'une ampleur considérable. Nos modes de vie, le choix des techniques les plus efficaces et les plus économes dans le monde industriel, le choix des modes de déplacement les plus intéressants du point de vue du climat, les choix en termes d'organisation de nos villes sont très lourds et supposent que nous sachions infléchir l'avancée de ces grands paquebots que sont nos sociétés industrielles.

Ces discussions sont complexes. Elles visent à préciser dans quelles conditions nous pourrions, dans l'avenir, effectuer une partie des efforts de réduction des émissions que nous avons à concéder, et ce dans les pays en voie de développement, dans les pays en transition et dans les pays émergents.

Cela dit, soyons lucides et soyons concrets : ces discussions seront longues et devront permettre de préciser les mécanismes à mobiliser, mais pour l'essentiel et pour les dix ans à venir, nous ne disposons d'abord et presque exclusivement que des actions et des politiques domestiques qui devront être menées dans nos pays développées très gros émetteurs. Les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l'Australie, l'Union européenne ont à travailler d'abord sur leurs stratégies nationales de réduction de leurs émissions.

Bien sûr, la France fera l'impossible pour obtenir un accord à La Haye, et un accord équilibré, ce qui suppose que les pays les plus gros émetteurs se mobilisent et que les pays en voie de développement apportent eux aussi leur contribution. Ils ne veulent pas, et c'est bien normal, mettre en péril leur propre développement au motif que les pays du Nord émettent trop de CO 2 , mais il nous faut, me semble-t-il, sortir d'un débat certes traditionnel mais tout à fait stérile, dans lequel les pays en voie de développement considèrent qu'ils n'ont rien à faire tant que les pays développés n'auront pas respecté leurs engagements, tandis que ceux-ci considèrent qu'ils n'apporteront aucun soutien additionnel tant que les pays en voie de développement n'auront pas pris d'engagement de réduction de leurs émissions.

La France n'est pas le mauvais élève de la classe. Elle a déjà pris les dispositions législatives qui lui permettront une ratification du protocole. Elle a adopté un programme national contre l'effet de serre. Elle prépare un programme national d'efficacité énergétique et de maîtrise de l'énergie, qui est en phase d'arbitrage interministériel et qui devrait permettre de donner un coup de fouet aux énergies renouvelables, d'encourager le transfert des marchandises vers le rail pour le transport longue distance ainsi que la création de postes de conseillers énergie per-


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mettant de diffuser, dans toutes les collectivités locales, dans toutes les entreprises, dans tous les foyers, les meilleures techniques disponibles pour économiser les émissions de CO 2 . (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

SOUFFRANCE ET VIOLENCE DES JEUNES

M. le président.

La parole est à M. André Lebrun.

M. André Lebrun.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville. Le 9 novembre dernier il vous a été remis, monsieur le ministre, le rapport Souffrance et violence à l'adolescence, que vous aviez commandé à l'INSERM. Ce rapport, réalisé par cinq chercheurs, souligne que l'on parle le plus souvent de la violence des jeunes sans relier l'effet à la cause, c'est-à-dire sans évoquer leur souffrance. Or les cinq chercheurs l'affirment également : il n'y a jamais de violence gratuite. Toute souffrance est une violence subie. Avoir mal, faire mal, mettre à mal, sont trois actes indissociables, ce qui oblige à penser autrement que dans des rapports binaires la santé ou l'éducation d'un côté, la prévention de l'autre.

La commande de ce rapport est importante, car elle permet de focaliser l'attention sur les souffrances subies par les jeunes, de les révéler dans toute leur vérité et leur ampleur. Cela doit nous conduire à une prise de conscience collective, préalable indispensable à la préparation des actions à mettre en place. Il n'y a ni fatalité, ni hasard, et l'action collective est le meilleur rempart à une spirale qui va de la souffrance à la violence.

Ce rapport fait des propositions pour une prévention globale de ces souffrances et de ces violences. Certaines ont déjà été mises en oeuvre par le Gouvernement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire quelles autres propositions vous avez l'intention de mettre en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, permettez-moi, au moment de répondre à v otre question, d'avoir une pensée pour le jeune Romuald, qui a été enterré ce matin, une pensée pour sa famille et tous les habitants de Courcouronnes. Je sais à quel point ce drame a pu les traumatiser.

Et c'est aussi pour éviter ce genre de violences que j'ai commandé le rapport dont vous avez fait état. Car il est quand même bon que l'ensemble de la représentation nationale, sans tomber dans la recherche d'excuses psychologiques ou pédagogiques, se pose collectivement la question de savoir comment nous pouvons, les uns et les autres, réagir pour que ce ne soit pas toujours la police et la justice qui aient sur les bras ce problème de la violence.

C es chercheurs ont pris un risque : après s'être demandé si la violence n'existait que dans les banlieues - et ils ont constaté que non, car l'ensemble du pays est touché, zones urbaines et zones rurales -, ils ont décidé de nous aider en faisant cent propositions. Bien entendu, il n'y a pas de recette miracle, et s'il y en avait une, nous l'aurions toutes et tous trouvée. Mais ils ont voulu mettre en avant qu'il y avait souvent un lien entre souffrances et violences. Bien souvent, un certain nombre de jeunes qui commettent des actes violents ont eu à connaître dans leur vie des violences de toutes sortes, notamment sexuelles, qui les prédisposent quelquefois et les amènent à connaître ces situations d'échec qui posent tant de problèmes à la société.

Je vous le disais, il n'y a pas de recette miracle. Mais il y a certainement la nécessité d'établir une chaîne éducative entre les parents, l'éducation nationale et l'ensemble de la société. Bien entendu, un certain nombre d'actions sont d'ores et déjà mises en place, et le Gouvernement a soutenu le programme TRACE pour ramener un certain nombre de ces jeunes vers l'emploi ; la rénovation pédagogique, pour que l'éducation nationale puisse éviter l'échec scolaire ; et puis le soutien aux parents, notamment dans le cadre du programme de 10 000 adultesrelais, qui doit permettre à un certain nombre de parents de renouer avec leur devoir de parentalité.

Nous avons décidé d'aider les villes qui souhaiteraient se lancer dans cette veille éducative, en leur donnant les moyens de repérer ces jeunes qui pourraient être en difficulté et d'établir une chaîne éducative, pour essayer d'éviter que ces jeunes « tiennent les murs » et aient l'impression qu'après l'âge de l'école, pour eux, c'est l'âge du vide. Il faut qu'ils puissent voir l'ensemble de la collectivité remplir, après le devoir d'instruction, un devoir d'éducation pour leur permettre de retrouver le plus vite possible le chemin de l'emploi, le chemin de la réinsertion sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) MALTRAITANCE DES MINEURS

M. le président.

La parole est à M. Damien Alary.

M. Damien Alary.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.

Madame la ministre, lundi 13 novembre, vous avez participé à un conseil de sécurité intérieure présidé par M. le Premier ministre. Ce conseil avait pour but, dans le cadre d'une nouvelle et véritable dynamique interministérielle, de compléter les mesures de lutte contre la maltraitance des mineurs qu'a annoncées Mme Ségolène Royal l e 26 septembre dernier. Par ailleurs, le lundi 20 novembre sera la journée internationale des droits de l'enfant.

Madame la ministre, pour que des milliers d'enfants aujourd'hui victimes puissent être identifiés et aidés, pour que des réseaux soient démantelés, pour que les coupables soient confondus, pour que les familles en difficulté puissent être conseillées, pour que les parents d'enfants disparus se sentent soutenus et enfin pour que d'autres milliers d'enfants soient demain épargnés, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir.

Je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir nous préciser le contenu des conclusions du conseil qui s'est tenu lundi dernier ainsi que l'état d'avancement de la coopération intergouvernementale européenne pour la lutte contre les violences sexuelles commises sur des mineurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, M. le Premier ministre a voulu en effet que, à l'occasion d'un conseil de sécurité intérieure, nous puissions faire le bilan, avec deux ans de recul déjà, sur un sujet particulièrement difficile, particulièrement lourd puisqu'il concerne les enfants victimes d'agression sexuelle. Autant Daniel Vaillant qu'Elisabeth Guigou, Ségolène Royal ou les autres ministres ont tenu à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

dresser un bilan méthodique et rigoureux. Nous avons pu constater que le nombre de condamnations augmentait, et c'est tant mieux. Car cela ne signifie pas qu'il y a plus d'agressions, cela signifie que, grâce à toutes les dispositions que nous avons prises et grâce à notre engagement autour du Premier ministre, nous avons enfin pu redonner la parole à ceux qui, brisés, n'osaient pas la prendre.

Nous avons soulagé ceux qui signalent les faits en leur offrant une protection contre toute conséquence que leurs signalements pourraient avoir sur leur emploi. Le nombre de signalements a augmenté, après la mise en place d'un Numéro vert, qui a reçu 1 600 000 appels. Nous voyons qu'enfin la parole est plus facile, de sorte que les choses avancent.

Je voudrais souligner aussi un fait important qui n'a pas dû échapper à votre vigilance. Récemment, en France, un ressortissant français a été lourdement condamné parce qu'il avait fait, selon une expression terrible, du

« tourisme sexuel » en dehors de nos frontières. Pendant la présidence française, il est important de mettre en valeur une telle condamnation, qui montre que nous ne tolérerons rien ni ici, ni en Europe, ni bien au-delà de l'Europe, là où la chape de plomb est encore plus lourde.

Devant le constat de toutes les difficultés qu'il reste à surmonter, nous avons proposé que le Conseil de l'Europe prépare une convention sur la cybercriminalité, et surtout qu'il y ait une véritable ratification d'un protocole à la convention des droits de l'enfant permettant de lutter contre la prostitution et la pornographie enfantines.

Cette ratification doit être véritable, c'est-à-dire non seulement juridique, mais aussi populaire : il faut que l'existence de ces droits soit connue. Ce texte vous sera proposé, j'en prends l'engagement, avant la fin de l'année.

Nous avons aussi voulu que soit rappelée lors du prochain Conseil des ministres de la justice, qui se tiendra en même temps que celui des ministres de l'intérieur, la n écessité qu'Europol ait désormais une compétence entière pour les signalements, pour la pornographie enfantine et pour le tourisme sexuel.

Nous avons encore à avancer sur les méthodes de collaboration multilatérale. Les méthodes de collaboration bilatérale fonctionnent bien en Europe mais nous avons à dire haut et fort sur la scène internationale qu'au-delà de l'Europe, ce sont les enfants du monde entier qui devront être arrachés à ce qui a brisé trop de vies, et dans un silence trop lourd. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

AGRICULTURE

BIOLOGIQUE

M. le président.

La parole est à M. Yvon Montané.

M. Yvon Montané.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. Elle porte sur les organismes certificateurs de l'agriculture biologique.

Le marché des produits biologiques est en pleine expansion. Nous nous en félicitons et devons encourager et favoriser cette tendance du consommateur.

L'authenticité, l'origine et l'intégrité de la chaîne alimentaire des produits biologiques mis sur le marché sont garanties, dans notre pays, par les organismes certificateurs de l'agriculture biologique. Ceux-ci sont agréés par la Commission nationale des labels, qui vérifie que les plans de contrôle sont appliqués et que les produits sont réellement certifiés.

Ils sont également accrédités par le Comité français d'accréditation pour leur conformité à la norme EN 45011, qui traite, elle, de la structure de l'organisme certificateur, lequel doit justifier de sa compétence, de son indépendance, de son impartialité et bien sûr de son efficacité. Parmi les critères de la norme, vous le comprenez bien, l'indépendance et l'impartialité sont primordiales.

Actuellement, on constate que ces organismes certificateurs se multiplient.

Récemment, un audit généralisé des organismes certificateurs des produits de l'agriculture biologique a été organisé par la direction générale de l'alimentation, à la suite de certaines affaires médiatisées sur les fausses céréales biologiques. Cet audit a décelé les faiblesses de certains organismes pour ce qui est de la compétence et de la réalisation des plans de contrôle.

Sur le respect de la norme EN 45011, d'importantes lacunes subsistent, notamment au niveau de l'indépendance.

Ces organismes, qui risquent, en cas de faute, de jeter le discrédit sur toute une filière d'avenir, ont-ils d'ailleurs la capacité de résister structurellement aux pressions ? On peut se poser la question.

Je vous épargnerai la liste des anomalies relevées,...

M. Christian Jacob.

La question !

M. le président.

Elle arrive.

M. Yvon Montané.

... mais en cette matière particulièrement, il faut faire preuve de vigilance et de rigueur. Par exemple, ne pas tolérer qu'un marché de plein air biologique propose à la vente des produits qui ne sont pas biologiquement certifiés.

Le marché est fragile et repose entièrement sur la confiance que les consommateurs ont envers les producteurs. (« La question ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Montané...

M. Yvon Montané.

Afin que l'agriculture biologique poursuive son expansion, n'est-il pas indispensable, monsieur le ministre, de prendre rapidement des mesures qui interdisent catégoriquement une confusion préjudiciable à la sincérité...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

La question !

M. Yvon Montané.

J'emploie la forme interrogative, mes chers collègues ! La question, je la pose ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Montané,...

M. Yvon Montané.

Ne faut-il pas, disais-je, éviter une confusion préjudiciable à la sincérité et à la crédibilit é des décisions et prendre des mesures qui assurent l'indépendance et l'impartialité absolues des organismes certificateurs ? Quelles sont, monsieur le ministre, vos intentions, vos décisions, et à quelle date seront-elles mises en oeuvre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. le président.

Chers collègues de l'opposition, il ne faut pas que cette indignation soit à géométrie variable, car il arrive qu'on soit aussi long de votre côté.

M. Lucien Degauchy.

En vérité, c'est une bonne question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, l'agriculture biologique correspond à un type d'agriculture que nous voulons développer, et c'est d'ailleurs ce que prévoit la loi d'orientation agricole.

Nous voulons le faire pour deux raisons : d'une part, parce que l'agriculture biologique correspond à un besoin de la société, notamment, comme l'actualité le montre, à une demande très forte des consommateurs, qui veulent avoir une agriculture de qualité reposant sur des pratiques agricoles strictes ; d'autre part, parce qu'elle tourne le dos aux excès du productivisme que nous avons connus ces dernières décennies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est parce que ce type d'agriculture tourne le dos aux excès d'un productivisme trop longtemps encouragé et qu'elle répond à une exigence de qualité des consommateurs et de nos concitoyens qu'il faut - et vous avez bien raison de le dire - la protéger, et en particulier protéger le label.

A la suite d'un certain nombre d'informations auxquelles vous avez fait allusion, j'ai diligenté avec mon collègue chargé à la consommation - à l'époque, c'était Marylise Lebranchu ; aujourd'hui, c'est François Patriat - l'audit dont vous avez parlé (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) afin d'examiner de très près les pratiques des huit organismes certificateurs - il n'y en a pas une multitude, monsieur le député. Je peux vous informer que, à l'issue de cet audit, nous avons retiré son agrément à l'un d'entre eux.

M. Lucien Degauchy.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais, vous avez raison, il faut aller bien au-delà pour mieux protéger la filière de production qu'est l'agriculture biologique. C'est pourquoi j'ai bien l'intention, avec François Patriat, qui est aujourd'hui au Parlement européen, de confier une mission à deux hauts fonctionnaires afin qu'ils nous fassent au cours des prochains mois des propositions sur la structuration, la protection et le développement de cette filière.

Soyez certain que la volonté du Gouvernement est bien de poursuivre ce qui est prévu dans la loi d'orientation agricole et de faciliter, autant que faire se pourra, le développement de l'agriculture biologique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

DÉFICIT BUDGÉTAIRE ET BAISSES D'IMPÔTS

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, ma question, que je vais m'efforcer de rendre concise, s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, le Gouvernement vient d'arrêter ce matin le projet de collectif budgétaire pour la fin de l'année. Le moment est donc venu de comparer les annonces budgétaires du Gouvernement avec ses réalisations.

On nous avait annoncé que, en vertu des engagements pris à Bruxelles, nos dépenses publiques n'augmenteraient pas plus que la hausse des prix.

M. François Vannson.

C'est vrai, on nous l'avait dit !

M. Philippe Auberger.

Nous savons dorénavant que cet objectif ne sera pas tenu.

On nous avait laissé escompter au mois de juin un déficit budgétaire en exécution de 185 milliards de francs.

Le déficit annoncé dans le collectif est nettement supérieur, puisqu'il s'élève à 210 milliards de francs.

On nous avait parlé, à différentes reprises, de baisse des impôts en 2000, afin de ramener le niveau des prélèvements obligatoires à celui atteint en 1998 et donc d'effacer l'augmentation considérable de ceux-ci en 1999. Nous savons dorénavant qu'il n'en sera rien.

A quoi bon d'ailleurs continuer à parler de baisse de l'impôt sur le revenu alors que le projet de budget pour 2001 ne prévoit pas une baisse du produit de cet impôt, mais seulement une stabilisation ? Comment prétendre baisser les impôts sur les sociétés alors que le Gouvernement s'apprête à créer des impôts supplémentaires : le projet de collectif adopté ce matin ne prévoit-il pas un doublement du produit de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes ?

M. Laurent Cathala.

La question !

M. Philippe Auberger.

En bref, monsieur le ministre, où sont les baisses d'impôts dont on nous rebat les oreilles ? Quels impôts significatifs sur les ménages et sur les entreprises verront leur produit diminuer effectivement cette année et l'année prochaine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, votre question comporte de nombreuses facettes, mais j'irai à l'essentiel.

Voyons d'abord l'évolution des déficits budgétaires depuis 1997 jusqu'en 2001.

M. Richard Cazenave.

Il faut remonter à 1993 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les chiffres sont les suivants : 285 milliards, 258 milliards, 237 milliards, 215 milliards et 186 milliards. Autrement dit, le déficit a diminué chaque année.

M. Georges Tron.

340 milliards en 1993 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La prévision de déficit budgétaire pour cette année était de 215 milliards. La loi de finances rectificative adoptée ce matin en conseil des ministres l'a établi à 209,5, et nous pensons exécuter le budget à un peu moins de 200 milliards. Cela est-il satisfaisant ? Je pense que nous devons toujours tenter de réduire au maximum le déficit, car plus le déficit est grand plus l'endettement augmente. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. François Vannson.

C'est nous qui payons votre ardoise ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comment en sommes-nous arrivés à ce chiffre de 209,5 milliards ? Contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur Auberger, il y a bien eu cette année des baisses d'impôts.

M. Lucien Degauchy.

Vous en baissez certains, vous en augmentez d'autres et vous créez de nouvelles taxes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous n'avez pas voté ces baisses, c'est votre droit ! Faut-il rappeler - et cela ne peut être contesté par personne - que, pour cette année, les Français auront bénéficié à la fois d'une réduction de la taxe d'habitation via la suppression de la part régionale, laquelle a été compensée d'une diminution de la TVA, d'une baisse de l'impôt sur le revenu et de la suppression de la vignette ? (Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Et la TGAP ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si vous n'êtes pas d'accord avec la suppression de la vignette, je vous suggère de faire, à votre initiative, un chèque au Trésor public, qui se fera un plaisir de l'encaisser. (Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant aux dépenses supplémentaires, la moitié de celles-ci est liée à des dépenses sociales.

Bref, monsieur Auberger, il y a une réduction des déficits.

M. Georges Tron.

Nous avons la lanterne rouge ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette réduction aurait pu être plus importante, mais nous avons voulu régler un certain nombre de dépenses qui étaient nécessaires et amplifier le mouvement de baisse des impôts,...

M. Georges Tron.

C'est faux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui continuera l'année prochaine et les années suivantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. René André.

C'est beau la solidarité !

PROSTITUTION

M. le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Quelques députés du groupe socialiste.

Où sont les rollers ?

Mme Françoise de Panafieu.

Monsieur le ministre de l'intérieur, le 11 octobre dernier, je vous ai interrogé sur le développement de la prostitution dans nos grandes villes. La réponse que vous m'avez faite alors m'a semblé étrangement décalée par rapport à la situation actuelle.

C'est la raison pour laquelle je vous interroge à nouveau à ce sujet, au nom de trois groupes de l'opposition.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous conseille, mesdames, messieurs de l'opposition, d e ne pas trop manifester sur ce sujet difficile.

(« Tiberi ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous savez bien que, à présent, il ne s'agit plus seulement de prostitution, mais d'un véritable trafic de femmes, qui s'implante rapidement sur notre territoire national.

Les associations sanitaires et sociales, comme Le Nid ou Le Bus pour les femmes, estiment à 4 000, rien qu'à Paris, le nombre de ces jeunes prostituées, âgées de vingtdeux ans en moyenne et d'origine étrangère, prisonnières de réseaux mafieux et vivant en grand danger.

Depuis le début du mois de novembre, et pour Paris seulement, deux d'entre elles ont été tuées et quatre autres grièvement blessées.

L'état physique et sanitaire de ces jeunes femmes est tel que non seulement la population mais aussi - et cela ne s'était jamais vu aux dires des associations - certains clients vont jusqu'à signaler à ces dernières l'horreur de la situation.

Les réseaux mafieux ont compris le système et utilisent souvent les carences des lois françaises.

Quant aux associations, elles sont dans une impasse.

En aidant ces jeunes filles et ces jeunes femmes à se faire soigner - et le plus souvent à se faire avorter gratuitement car c'est ce qui leur est le plus demandé -, les associations ont le sentiment de devenir le soutien logistique de ces trafiquants de femmes. C'est pourquoi, elles aussi, lancent un cri d'alarme.

Monsieur le ministre, pour que notre pays puisse continuer à mériter le titre de patrie des droits de l'homme et du citoyen et pour que notre nation puisse continuer, la tête haute, à défendre inlassablement la condition féminine, comme nous le faisons sur tous les bancs de cette assemblée, que pouvez-vous et que voulezvous concrètement et rapidement faire pour que cesse cet esclavage et pour punir les assassins ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la députée, je note que vous avez été applaudie sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée.

Que ce soit en France, en Europe ou dans le monde, il faut désormais lutter contre une nouvelle forme de cybercriminalité - liée à celle que je décrivais malheureusement il y a un instant - qui est très organisée et qui fait venir sur notre territoire des jeunes femmes, très souvent mineures - Ségolène Royale a eu à connaître le cas de jeunes filles âgées de quatorze ans -, qui intègrent imméd iatement des réseaux de prostitution. Ces jeunes femmes, qui souvent ont payé leur voyage, que ce soit en avion, en bateau ou en car, viennent en France en croyant y trouver un travail sain, dans un milieu sain.

Vingt proxénètes ont été arrêtés et condamnés. Ce sont de grands criminels et nous les considérons comme tels.

Mais nos devons aller au-délà de la traque systématique de ceux qui organisent la traite de ces femmes, ce trafic d'êtres humains. Ainsi, au niveau européen, Europol doit être compétent pour protéger les témoins, protéger ceux qui dénoncent ce trafic qui est étroitement lié au blanchiment de l'argent. Nous devons également obtenir du JAI, dès la fin du mois de novembre, que les dispositions que nous avons prises pour les enfants vaillent également pour les femmes, même si elles sont majeures.

M. Christian Estrosi.

Vous ne faites rien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Mme la garde des sceaux.

Par ailleurs, la France et l'Europe doivent oeuvrer pour que l'ONU signe la convention sur la traite des êtres humains.

Le merveilleux travail auquel vous avez tous contribué ici pour lutter contre la grande criminalité internationale a malheureusement laissé de côté la lutte contre le proxénétisme.

M. Christian Estrosi.

Votre politique l'encourage !

Mme la garde des sceaux.

Certains trouvent que c'est insuffisant, mais qu'ils sachent que, jour après jour, heure après heure, nous traquons ces proxénètes,...

M. Christian Estrosi.

Ce n'est pas vrai !

Mme la garde des sceaux.

... trop souvent couverts, et tentons de les démasquer pour que ces femmes cessent d'être des esclaves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Herbillon.

Cette réponse est nulle !

SYSTÈME ÉDUCATIF

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et je la pose au nom des trois groupes de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas les conclusions d'une récente enquête de l'INSEE sur les effets de la réforme des cycles mise en place en 1991 par M. Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, réforme qui s'assignait pour objectif premier l'égalité des chances.

M alheureusement, aujourd'hui, la réalité est tout autre : entre 15 et 30 % des élèves sortent de l'école primaire sans véritablement maîtriser ni la lecture, ni l'écriture, ni le calcul,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est faux !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

... et un tiers des élèves échouent en seconde et doivent redoubler pour changer d'orientation. Pire encore : plus de 60 000 élèves quittent chaque année le système éducatif sans aucune qualification. Quel échec de l'ensemble du système éducatif ! Nous voyons ici toutes les limites de votre approche quantitative de l'école. Aussi, les déclarations que vous venez de faire dans un journal du soir, selon lesquelles vous êtes déterminé à annoncer une réforme tous les quinze jours, ne peuvent qu'inquiéter les enseignants, les parents et les élèves.

Comment, monsieur le ministre, comptez-vous concrètement rétablir l'égalité des chances pour tous les jeunes Français, quels que soient leur milieu social et leur lieu d'habitation ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

Madame la députée, l'acte d'accusation que vous portez contre notre système d'enseignement...

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Contre le vôtre !

Mme Odette Grzegrzulka.

Non, contre celui de Bayrou !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Non, pas le mien, le nôtre ! Madame, sur ce point, je vous répondrai que l'action qui a été conduite pendant cinq ans par Lionel Jospin, alors qu'il était ministre de l'éducation nationale, a été malheureusement interrompue par quatre années d'immobilisme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Christian Estrosi.

C'est nul !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... et de régression budgétaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Evidemment, je comprends que des vérités aussi cruelles soient difficiles à entendre. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Depuis, nous avons dû réparer les dégâts et faire en sorte de remonter la pente.

Et, aujourd'hui même, à la demande du Premier ministre, nous présentons, devant le pays, pour la première fois, un plan pluriannuel d'action et de réforme.

M. Yves Fromion.

Pourquoi pour la première fois ? C'est Jospin qui aurait dû le faire !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Les transformations que nous apporterons au système éducatif au cours des prochaines années seront, je le crois, plus efficaces que les régressions que vous lui avez imposés pendant quatre ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

TGAP

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, approuvé ce matin en conseil des ministres, le Gouvernement crée, une fois encore, un nouvel impôt, la TGAP Energie, qui constitue un modèle particulièrement sophistiqué de mauvais impôt.

Première critique : cet impôt est inopportun et antiéconomique car il va encore accroître le coût de l'énergie dans l'industrie et ainsi nuire à la compétitivité de 40 000 entreprises.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. Charles de Courson.

Il va pousser ces dernières à se délocaliser, comme l'annoncent déjà les cimenteries et les papeteries, ou à fermer, comme l'envisagent les usines de déshydratation de luzerne, alors que la crise bovine devrait, au contraire, les conduire à accroître leur production pour assurer la sécurité des aliments.

Deuxième critique : cet impôt est inefficace et antieuropéen. Alors que l'objectif de cet impôt est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, sa création dans notre seul pays, autrement dit sans qu'il soit généralisé à tous les pays de l'Union européenne et d'Amérique du Nord, va contribuer à transférer, en l'accroissant, la pollution vers des pays dans lesquels les normes environnementales sont plus laxistes.

Troisième critique : cet impôt est contraire au principe d'égalité, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat dans son avis. L'industrie n'a pas augmenté ses émissions de gaz alors que d'autres secteurs les ont accrues ; or vous taxez la première - et, subsidiairement, les services - et vous exonérez les seconds.

Quatrième critique : l'affectation de cet impôt au financement des 35 heures est dangereuse, car la tentation sera grande d'augmenter encore le produit, de 3,8 milliards en 2001, pour financer le coût explosif des 35 heures, ce qui ne fera qu'aggraver le problème.

Dernière critique : cet impôt est une véritable usine à gaz. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Alors que la mission interministérielle sur l'effet de serre préconisait la mise en place, comme en Allemagne, d'accords volontaires entre l'Etat et les industriels de réduction des émissions de gaz, vous avez préféré, une nouvelle fois, et pour la dix-huitième fois en trois ans, l'impôt.

Ma question, que je pose au nom du groupe UDF et des deux autres groupes de l'opposition (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Rires et exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste) , est très simple : le Gouvernement entend-il persévérer dans la création de ce nouvel impôt, véritable usine à gaz, inopportun, antiéconomique, inefficace, discriminatoire et, pour couronner le tout, dangereux quant à son affectation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Et antisocial !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, oui, le Gouvernement a l'intention de persévérer dans l'instauration d'une fiscalité écologique.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Des engagements ont été pris à Kyoto, qui viennent d'être confirmés à La Haye. Nous n'avons pas l'intention de laisser la France en retrait par rapport à ses partenaires européens. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je comprends, monsieur de Courson, que vous souhaitiez insister, à l'occasion de la présentation du collectif que nous avons faite ce matin avec Laurent Fabius au conseil des ministres, sur la création d'un impôt en faisant mine d'oublier que, cette année, nous aurons réduit les impôts de 90 milliards de francs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Mais, je le réaffirme, le Gouvernement a bien l'intention de continuer dans cette voie de la réduction des impôts, vous avez d'ailleurs pu vous en rendre compte lors de la discussion sur le projet de loi de finances pour 2001.

La TGAP n'est pas un impôt anticommunautaire. Si tel avait été le cas, pourquoi d'autres pays, notamment nos partenaires européens, auraient-ils institué ce type de prélèvement ? Je citerai l'Allemagne,...

M. Charles de Courson.

Non !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... la Belgique, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Pour les 35 heures ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Quant au choix de l'affectation au fonds de financement des 35 heures.

(Exclamations sur les mêmes bancs) , il a été dicté par notre souci de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

M. Charles de Courson.

Vous faites pourtant le contraire !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Les entreprises verront ainsi leurs prélèvements stabilisés grâce aux baisses de charges sociales que ce fonds finance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

PROGRAMMES MILITAIRES

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le ministre de la défense, l'actualité récente ou plutôt la manipulation intentionnelle de celle-ci vient, à deux reprises, de mettre en cause deux programmes majeurs pour la défense de notre pays. Hier, l'exploitation hâtive de travaux parlementaires a abouti à présenter à l'opinion publique française le Rafale comme un avion excessivement coûteux et une arme inefficace alors que nous réussirons facilement à l'exporter si nous soutenons politiquement les entreprises concernées. Aujourd'hui, un incident regrettable, mais non exceptionnel, sur un navire en phase de qualification se traduit par une véritable campagne de dénigrement à l'encontre du porte-avions Charles-de-Gaulle.

A ce jour, monsieur le ministre, nous n'avons pas entendu de réponse de votre part. Pourtant, dans ces circonstances, vous seul avez le poids suffisant pour rejeter ces critiques qui portent atteinte à la réputation internationale de notre pays, de ses ingénieurs, de ses techniciens et de ses ouvriers.

M. Arnaud Lepercq.

Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous seul pouvez conforter nos armées et nos soldats dans l'assurance qu'ils doivent avoir de se voir prochainement dotés d'équipements d'exception. Vous seul pouvez dire à nos concitoyens que, depuis le Livre blanc sur la défense, les choix faits pour les gouvernements successifs en faveur de pro-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

grammes ambitieux sont des choix responsables et indispensables à notre sécurité et à la défense de la paix et des droits de l'homme dans le monde.

Oui, monsieur le ministre, nous attendons une explication de votre part, claire, sans ambiguïté et sans détours, à moins que les choix budgétaires auxquels votre collègue des finances vous a contraint et qui nous ont amenés à refuser votre budget ne vous conduisent, à terme, à conforter par votre silence les craintes les plus grandes formulées aujourd'hui quant à la volonté du Premier ministre de faire les arbitrages courageux et nécessaires concernant les programmes majeurs que sont le Rafale, le groupe aéroporté, l'avion de transport futur, la défense anti-aérienne, l'observation satellitaire, pour n'en citer que quelques-uns.

Monsieur le ministre, au nom des trois groupes de l'opposition (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste), je vous demande si, face à des décisions qui ne sont pas toujours populaires, vous allez avoir le courage d'assumer vos resp onsabilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur Donnedieu de Vabres, je vous remercie pour cette question qui manifeste une volonté, partagée par l'ensemble des responsables politiques de ce pays, d'assumer une politique continue et cohérente en matière d'équipements futurs de nos forces armées. Elle revêt un sens tout particulier au moment où nous allons sans doute conclure des accords structurants quant au rôle de l'Europe en matière de préservation de la paix et de capacité de gestion des crises.

S'agissant du Rafale , la question politique posée était la suivante : alors que trois pays au monde, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie, savent concevoir et construire des avions de combat du meilleur niveau technique, la France choisit-elle d'être le quatrième, et seul, partenaire dans ce jeu ou non ? Les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1985-1986 ont répondu positivement à cette question. Le coût de développement de l'avion, maintenant entièrement financé, représente un engagement de 55 à 60 miliards de francs, répartis sur treize ans.

Le choix que nous avons fait d'être un partenaire industriel, technologique et militaire est bon et nous n'avons pas à le regretter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il n'est à voir d'ailleurs ce qu'a coûté le développement des avions comparables : à chaque fois il a été plus cher.

C'est notamment le cas, chez nos partenaires européens, de l'Eurofighter.

Quant à l'engagement du Gouvernement de poursuivre une politique ambitieuse d'équipements militaires, j'ai la chance de pouvoir annoncer, grâce aux choix qui ont été faits par ce gouvernement et par cette majorité, que la loi de programmation militaire, qui se conclut fin 2002, aura été réalisée à plus de 95 %. Ce résultat a encore été confirmé lors de l'examen ici même des crédits de la défense.

Les commandes prévues dans la loi de programmation seront ainsi presque toutes réalisées. Nous en sommes aujourd'hui à plus de 60 milliards de commandes nouvelles à l'industrie et cela n'est pas pour rien dans les réorganisations industrielles que nous avons su mener dans un cadre européen au cours des trois dernières années.

Quant aux choix à venir, je me permets de vous rappeler que l'opposition m'a déjà questionné à plusieurs reprises au cours des dernières semaines sur l'accord conclu sur le nouveau missile M51 - à propos duquel vous aviez des doutes -, ainsi que sur le financement de l'avion de transport futur qui est un outil essentiel pour nos capacités de projection dans les opérations de maintien de la paix ou les opérations humanitaires. Ces deux points sont maintenant réglés, comme je vous l'ai annoncé : il y a accord sur le missile M51, qui sera donc bien commandé avant la fin de l'année, et nous sommes capables de nous engager, avec des inscriptions de crédits dans le projet de loi de finances rectificative, pour le nouvel avion de transport militaire.

M. Hervé Morin.

Et pour le porte-avions ?

M. le ministre de la défense.

Donc, tout en ayant à l'esprit le conseil que vient de nous donner M. Auberger de stabiliser les dépenses publiques - et je pense qu'il parlait au nom des trois groupes de l'opposition, comme d'habitude - nous assumons nos responsabilités ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Arnaud Lepercq.

Et pour le Charles-de-Gaulle ?

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CRISE DU SECTEUR INFIRMIER

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Ma question, que je pose au nom des trois groupes de l'opposition (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et concerne la crise que traverse le monde infirmier.

Cette crise se manifeste tout d'abord chez les étudiants, qui se sentent lésés par l'assimilation de leur diplôme à un niveau bac + 2, la faible indemnisation de leur période de stage et l'insuffisance des moyens alloués à leurs instituts de formation.

Elle se traduit ensuite par une tendance marquée des infirmières et des infirmiers du secteur privé à s'orienter vers le secteur public afin de bénéficier de conditions de rémunération plus attractives.

Enfin, les réactions extrêmement mitigées suscitées chez les infirmiers libéraux par le projet de mise en place du plan de soins infirmiers sont édifiantes quant au profond malaise qui affecte cette profession. Elles suscitent en outre des interrogations quant aux conditions de la concertation.

La conjonction de ces différents éléments nous fait légitimement craindre d'importants risques de désaffection pour cette profession alors qu'elle est déjà affectée par une lourde pénurie d'effectifs...

M. Bernard Accoyer.

Il en manque 27 000 !

M. Denis Jacquat.

... et que les infirmières et infirmiers jouent un rôle éminent dans notre système de santé, en particulier auprès des personnes âgées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Madame la ministre, nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir connaître les mesures que vous c omptez prendre pour remédier à cette situation.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, votre question me donne l'occasion de faire le point sur la situation des infirmières et des infirmiers. Cette profession, nous le savons tous ici, joue, dans notre système de soins, un rôle essentiel et même irremplaçable, et ce rôle est appelé à se renforcer dans les années qui viennent en raison du vieillissement de la population.

Vous avez cité plusieurs problèmes qu'affronte cette profession et qui créent, chez certains en tout cas, un malaise. Je vais les reprendre un par un.

Les élèves infirmiers, dont vous avez rappelé les revendications, ont été reçus à mon ministère voilà une quinzaine de jours, et une nouvelle réunion est prévue pour le 21 novembre prochain, afin que soient examinées, point par point, leurs demandes concernant la formation, les stages, les bourses, les moyens, mais aussi les conditions d'accès aux restaurants universitaires comme à tous les équipements universitaires.

La crainte d'un nombre insuffisant d'infirmiers et d'infirmières à l'horizon 2005-2010...

M. Bernard Accoyer.

Il en manque déjà 27 000 aujourd'hui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... est fondée puisqu'un grand nombre d'entre eux, comme d'ailleurs dans toute la fonction publique, vont partir en retraite. A ce propos, je vous rappelle que, depuis 1998, ce gouvernement a mis en place un vaste plan de recrutement dans les écoles de formation. Nous avons en effet dégagé 10 200 postes depuis trois ans dans les écoles de formation d'infirmières et d'infirmiers, alors qu'en 1997 votre majorité avait diminué leur nombre de 2 000. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - « C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Par ailleurs, il est exact que la rémunération des infirmières et infirmiers est inférieure dans les cliniques privées ; on enregistre donc une désaffection dans ce secteur.

A cet égard, permettez-moi de vous rappeler - mais vous le savez puisque vous êtes un des rapporteurs du projet de loi de financement pour la sécurité sociale que, en 2001, nous allons offrir aux cliniques privées la possibilité, réservée jusqu'ici aux hôpitaux, d'employer des étudiants en quatrième année de médecine, comme faisant fonction d'infirmier. De plus, nous prévoyons, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, d'augmenter la prévision de dépenses des cliniques privées au même titre que celle des hôpitaux.

M. Bernard Accoyer.

Et les 35 heures ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant au plan de soins infirmiers, il est vrai que certaines de ses modalités sont contestées. J'ai reçu tous les syndicats. Je rappelle que ce projet a été mis au point par la Caisse nationale d'assurance maladie et l'un des syndicats infirmiers - le plus important. (« C'est faux ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'ai reçu l'ensemble des organisations syndicales, elles ont toutes reconnu que le plan de soins infirmiers était une bonne idée.

M. François Goulard.

Non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il répond à leur besoin de savoir où va la profession, d'autant plus qu'il est assorti d'une amélioration des rémunérations.

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Néanmoins, certaines de ses modalités, sans doute en raison d'un manque de concertation, sont aujourd'hui contestées. J'ai donc décidé d'organiser une réunion regroupant les syndicats et la CNAM au ministère de l'emploi et de la solidarité. Cette réunion aura lieu vendredi prochain.

Bien entendu, il faudra articuler la mise en place du plan de soins infirmiers avec la prestation dépendance que nous voulons réformer pour remédier aux défauts de la prestation actuelle, qui est inégalitaire et insuffisante.

Car notre objectif est d'abord et avant tout de maintenir et d'améliorer la prise en charge des personnes dépendantes et, en premier lieu, des personnes âgées qui veulent, avec raison, rester chez elles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

LOGEMENT

DES

JEUNES

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, alors que nous nous apprêtons à voter les crédits du logement pour 2001, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés auxquelles la grande majorité des jeunes sont confrontés pour se loger.

A Bagneux, par exemple, près de 20 % des 1 500 demandeurs de logement recensés ont moins de vingt-cinq ans. Dans le pays, 70 % des jeunes âgés de vingt ans vivent encore chez leurs parents, faute de réunir les conditions financières d'accès à un logement - paiement d'une caution, d'un loyer et de tous les frais annexes -, parce qu'ils sont les plus exposés à la précarité du travail, additionnant les contrats à durée déterminée et subissant de fortes variations de revenus.

Si certains peuvent faire appel à la solidarité familiale, ce n'est pas le cas de ceux qui sont issus des familles les plus modestes. Nous pensons qu'il relève de la solidarité et de la responsabilité nationale de répondre aux besoins des jeunes et à leur aspiration d'autonomie en les aidant à se loger. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Madame la députée, votre question est importante. L'accès au logement est le point de passage obligé de l'accès à l'autonomie, à la responsabilité, à la constitution d'un couple, d'une famille. Il est donc, pour les jeunes, essentiel.

Bien sûr, les jeunes profitent des dispositions générales de revalorisation annuelle des aides au logement, qui sont régulièrement intervenues depuis 1997, conformément


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

aux engagements du Premier ministre, et qui avaient été oubliées les quatre années précédentes. De même, ils profiteront de la réforme des aides personnelles, qui sont un élément fort du budget pour 2001.

Mais d'ores et déjà trois mesures spécifiques ont été prises en faveur des jeunes.

Deux concernent les moins de vingt-cinq ans en situation de travail précaire : d'une part, le calcul de leurs droits à allocation mensuelle se fera en multipliant leurs ressources mensuelles non plus par douze mais par neuf, ce qui représente une amélioration moyenne de 300 francs par mois ; d'autre part, les jeunes dont les ressources sont irrégulières pourront obtenir trois fois par an, tous les quatre mois, en cas de baisse de leurs ressources de 10 %, une revalorisation à la hausse de leur aide au logement.

Cette très ancienne demande est enfin satisfaite.

La troisième mesure concerne les jeunes de moins de trente ans. Tant qu'ils n'ont pas signé de contrat à durée indéterminée, donc tant qu'ils n'ont pas une situation stable, le 1 %, à la suite d'un accord conclu avec le Gouvernement, peut se substituer à eux pour payer la caution de deux mois de loyer et pour garantir le paiement des loyers sur dix-huit mois.

Ces trois mesures sont déjà appliquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Par ailleurs, nous sommes sur le point d'aboutir à un accord avec l'Union des foyers de jeunes travailleurs pour construire en trois ans 10 000 logements supplémentaires pour les jeunes, avec des modalités de financement qui les rendent accessibles aux personnes disposant de faibles ressources.

Ces mesures, que j'ai présentées au Gouvernement avec Jean-Claude Gayssot, ont été décidées à la suite des débats qui ont été organisés par notre collègue MarieGeorge Buffet dans le cadre des rencontres nationales de la jeunesse et qui se sont toujours conclus en présence du Premier ministre. Elles sont dictées par notre souhait de répondre aux aspirations des jeunes. Elles sont l'expression d'une volonté politique, d'une méthode de travail, la volonté politique et la méthode de travail de ce gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

VOTE DES CITOYENS EUROPE

ENS AUX ELECTIONS MUNICIPALES

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles.

M. Bernard Charles.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires européennes.

A l'occasion des prochaines élections municipales en mars prochain, les ressortissants de l'Union européenne qui vivent dans notre pays auront, pour la première fois, le droit de voter et d'être élus. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour la vie politique de notre pays, puisque ce sont plus d'un million de citoyens européens qui vont accéder à un droit fondamental. Certes, ils ont déjà pu exercer ce droit lors des élections européennes de 1994 et de 1999, mais la mobilisation avait été très faible.

Cette fois, l'enjeu sera très différent et le poids démographique de ces populations dans chacune de nos communes se fera sentir très concrètement. Encore faut-il que ces personnes soient informées. Or les campagnes traditionnelles ne semblent pas répondre à cette préoccupation.

Ma question sera donc simple, monsieur le ministre : à quarante-cinq jours de la clôture des listes électorales, n'est-il pas temps de renforcer l'information de nos c oncitoyens européens sur leurs nouveaux droits ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, ce sera effectivement la première fois que les citoyens européens résidant en France pourront voter et être élus aux élections municipales.

Le traité de Maastricht a instauré une citoyenneté européenne qui vient compléter les citoyennetés nationales, sans les remplacer. En vertu des dispositions de ce traité et de la directive européenne de 1994, tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, résidant dans un autre Etat membre, a la possibilité d'exercer son droit de vote et d'être éligible dans son pays de résidence. Vous avez raison de souligner que cela concerne beaucoup de personnes, puisque notre pays accueille 1,3 million de ressortissants de l'Union européenne, qui pourront voter aux élections municipales, en majorité des Portugais, des Italiens et des Espagnols.

Votre question tombe bien puisque le Gouvernement vient de lancer, sous l'égide du ministre de l'intérieur, Daniel Vaillant, et de moi-même, une campagne pour informer nos concitoyens européens de ce droit et, plus particulièrement, de l'obligation qu'ils ont de s'inscrire sur des listes électorales complémentaires, dans leur mairie de résidence, avant la fin de cette année. Il leur suffira, pour cela, de se munir d'une pièce d'identité et d'une quittance justifiant de leur domicile. Il leur sera aussi précisé quels sont exactement leurs droits. Un dépliant reprenant ces informations sera distribué dans les mairies, les consultats et il est important que les organisations, les élus, participent à cette information.

Vous avez raison, monsieur le député, nous sommes à quarante-cinq jours de la date limite du 30 décembre. Il est encore temps de se mobiliser, pour que ces citoyens, qui sont attachés à la vie locale, puissent pleinement exercer leurs droits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

My question related to the consumer protection and to the french language defence is addressed to mister the delagate minister of european affairs.

(Sourires.)

Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, devrai-je un jour poser mes questions en ces termes ? Nous n'en sommes pas là. Et pourtant ! Le 5 juin 1996, la direction de la consommation dans un supermarché verbalise uniquement en anglais l'affichage de denrées alimentaires. Le tribunal de police sanctionne.

La cour d'appel saisie du litige interroge la Cour de justice des Communautés européennes et celle-ci considère, dans son arrêt, que les traités et directives « s'opposent à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires ».


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A quoi servirait-il de verser des larmes de crocodile sur les dangers que courraient les Français du fait de leur alimentation si, dans le même temps, on empêchait le citoyen consommateur de prendre par lui-même connaissance de la composition des aliments et d'en juger ? Et cela parce que nous aurions capitulé sur l'usage obligatoire du français pour les choses de la vie de tous les jours...

M. Jacques Myard.

Il a raison !

M. Jacques Desallangre.

... et sur notre propre sol, considérant que l'affichage en anglais est suffisant au motif que c'est une langue universelle comprise par tous.

Comment informer et protéger le consommateur si les indications censées l'éclairer sont rédigées dans une langue étrangère ? Et il en est de même concernant les brevets. Le français deviendra-t-il une langue supplétive en France pour leur dépôt et leur opposabilité ? Après la monnaie unique, la Commission européenne et la CJCE imposeraient progressivement une langue unique. De langue alternative, l'anglais deviendrait, pour des raisons économiques, langue dominante. Le français, comme tous les autres dialectes, serait rangé au rang de particularisme régional, accessoire et facultatif. Il serait considéré comme une réminiscence folklorique.

M. Jacques Myard.

Un sabir !

M. Jacques Desallangre.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'engager une révision urgente de cette directive et de toutes normes européennes interdisant aux

Etats d'imposer l'utilisation courante de leur langue nationale. Et je ne conclus pas : I look forward to a satisfying answer. (Rires et applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

Cher collègue, bravo ! Toutefois, l'accent peut être amélioré...

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, with your permission, I shall answer in french ! Vous avez bien voulu m'interroger sur la défense du français au sein de l'Union européenne, à partir de deux cas bien précis. Vous évoquez, à cet égard, la menace qui planerait sur notre langue nationale qui serait, selon vous, ravalée au rang de simple dialecte. Je crois pouvoir vous rassurer et vous montrer que vos craintes ne sont pas fondées.

L'arrêt de la Cour de justice des Communautés que vous citez porte à la fois sur l'interprétation de l'article 28 du traité CE et sur l'article 14 de la directive de 1979 concernant l'étiquetage, la présentation et la publicité des denrées alimentaires. Mais il faut savoir que les dispositions de la directive de 1979 ont été modifiées et complétées par une directive ultérieure de 1997. Ce qui est désormais exigé, c'est un étiquetage des denrées alimentaires dans une langue facilement comprise par le consommateur, et donc, pour ce qui nous concerne, en français.

Ainsi, comme vous le voyez, grâce à ces nouvelles dispositions, la France est parfaitement en mesure de maintenir sa législation sur l'emploi de la langue française en matière de commercialisation des denrées alimentaires.

En ce qui concerne les brevets, la situation est un peu plus complexe. Vous savez que, dans le cadre de la conférence intergouvernementale de l'organisation européenne des brevets, des propositions ont été faites pour réduire de 50 % les coûts de traduction des brevets. Le projet d'accord en cours de finalisation affirmerait la prééminence des trois langues de l'Office européen des brevets : l'anglais, le français et l'allemand. Le Conseil d'Etat, saisi pour avis par le Premier ministre, a estimé que ce projet n'était pas en lui-même contraire à la Constitution française.

Toutefois, le Gouvernement, conscient des interrogations et des inquiétudes réelles qui se sont exprimées dans notre pays sur cette question, a décidé de ne pas signer en l'état l'accord proposé lors de la conférence de Londres des 16 et 17 octobre derniers, où la délégation française était conduite par Christian Pierret. En effet, le Gouvernement souhaite procéder à une concertation large avec l'ensemble des professionnels concernés - chercheurs, entreprises, avocats, conseils en propriété industrielle - et, bien sûr, avec la représentation nationale, avant de fixer sa position à l'égard du projet d'accord, au plus tard le 30 juin 2001.

Il va de soi que le Gouvernement fera preuve aussi de la plus grande vigilance dans les discussions relatives au brevet communautaire. J'y veillerai moi-même au sein du Conseil du Marché intérieur.

D'une manière générale, je tiens à vous rappeler notre vigilance quant à l'usage du français au sein de l'Union européenne and I hope you're satisfied ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Pierre Lequiller.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

INTÉRIEUR (Nouvelle procédure)

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur pour lequel nous allons mettre en oeuvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la conférence des présidents.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Avant les votes des crédits, je donnerai donc la parole, pour cinq minutes, aux rapporteurs des commissions puis, pour dix minutes, à M. le ministre de l'intérieur et à un orateur par groupe.

Je rappelle que les travaux de la commission élargie consacrés à ce budget ainsi que les réponses aux questions écrites le concernant seront publiés en annexe au compte rendu de la présente séance.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, la nouvelle procédure accorde à chacun des rapporteurs cinq minutes de temps de parole.

Quels que soient mes efforts de synthèse, je ne pense pas parvenir à la condition requise. Je m'en tiendrai donc à quelques observations éparses sur ce budget qui nous semble satisfaisant et a été voté en commission des finances.

L'étude des crédits de la sécurité revêt chaque année une importance renouvelée. Il s'agit de permettre la mise en oeuvre d'une politique dont le Gouvernement a fait sa deuxième priorité après l'emploi. Le présent rapport a pour objet de suivre et de vérifier si l'on est passé aux actes après avoir réfléchi ensemble.

L'axe des dépenses de sécurité tourne aujourd'hui autour de la police dite de proximité. Globalement, le présent budget répond à une belle ambition et peut être apprécié de manière plus convaincante que les budgets précédents.

J'avais qualifié le budget pour 2000 de « première volonté du Gouvernement de se donner les moyens de son ambition ». Ce budget réaffirme cette volonté et, sur certains points, l'amplifie.

L'augmentation des crédits est relativement faible : 1,86 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2000. Mais il faut immédiatement réfléchir au fait que 80 % des crédits correspondent à des dépenses de personnels. L'augmentation des crédits ne pouvait être considérable dans la mesure où, pendant cette période, les rémunérations n'ont pas non plus sensiblement augmenté. Parmi les problèmes à résoudre, monsieur le ministre, et qui semblent avoir bien été posés dans votre budget, il y a le « repyramidage » - terme ô combien affreux - des corps des services actifs et la progression des effectifs des corps des services administratifs.

En l'occurrence, dans votre ministère, l'encadrement est un peu trop important tandis que les effectifs des agents territoriaux de proximité ne sont pas suffisants. Par ailleurs, la proportion des agents administratifs et des agents de la police technique et scientifique de la police nationale est trop faible.

Ce repyramidage va être mis en place. Le problème avait déjà été posé par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, qui avait établi un diagnostic aujourd'hui incontesté. Mais le repyramidage ne fut longtemps qu'un voeu pieux et ce n'est qu'à partir de 1998 qu'il y a eu un début de réalisation.

P ar ailleurs, et depuis 1997, le recrutement de 20 000 adjoints de sécurité a permis de compléter ces évolutions.

Remarquons qu'il n'est pas certain que la police nationale puisse compter, à court terme, sur un nombre d'ADS aussi significatif. Le ministère de l'intérieur estime que 5 000 ADS sont d'ores et déjà sortis du dispositif.

M. Francis Delattre.

On les forme en deux mois !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

En fait, 3 000 d'entre eux ont réussi un concours ouvrant accès à la profession de gardien de la paix.

M. Francis Delattre.

On les envoie dans les quartiers difficiles !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Attendez,...

M. Francis Delattre.

La police est tirée vers le bas !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Non, la police n'est pas tirée vers le bas, mais il faut tenir compte d'un phénomène qui n'est pas lié à l'action du ministère, celui des emplois-jeunes. On était en crise économique et ces emplois étaient nécessaires. Après la reprise, dont vous ne ferez certainement pas grief à l'actuel gouvernement, certains de ces jeunes se sont tournés vers d'autres activités économiques et n'ont pas achevé le contrat pour lequel ils avaient été engagés. Le nombre des emplois-jeunes a ainsi diminué. C'est un problème qui se pose au ministère.

M. le président.

Monsieur Dreyfus, il faudrait conclure !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Dernière observation : la police de proximité, c'est ce qui sera retenu de l'action du Gouvernement. Nous en sommes aujourd'hui à la deuxième phase et nous allons entrer dans la troisième, qui s'accompagne d'une formation volontariste, accélérée, assurée en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, les problèmes sont sérieux, et je les connais comme vous, étant votre voisin de circonscription et d'arrondissement. Je sais à quel point vous êtes proche de ceux que vous avez à diriger. Ce qui est certain, aujourd'hui, c'est que la police de proximité mise en place par l'actuel Gouvernement coûte de l'argent.

Des crédits ont été mis à votre disposition. Il convient de prévoir des logements pour les policiers, mais aussi de renouveler le parc automobile. Car la police de proximité doit être constituée de jeunes formés, équipés, réguliè rement et mieux payés quand ils agissent dans des zones difficiles. C'est bien ce qui se passe.

M. Laurent Dominati.

Non, c'est l'inverse !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

C'est ce que contient votre projet. J'ai ouï dire que le projet de loi de finances rectificative complétait les crédits mis à votre disposition, précisément pour vous permettre d'affronter ces difficultés.

Monsieur le ministre, je ne dis pas que votre budget est merveilleux, mais je crois qu'il est cohérent. Les demandes que vous avez présentées ont été prises en compte. C'est la raison pour laquelle, m'exprimant au nom de la commission des finances, j'estime qu'il convient de voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre.

Ce n'est pas convaincant !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour la police.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République, pour la police.

Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais remercier les diverses directions qui, en un temps record et de façon remarquable, ont répondu au questionnaire que nous leur avions adressé. Je ne reprendrai pas les arguments développés par M. Tony Dreyfus. Dans une enveloppe à peu près constante par rapport à l'année précédente, votre budget est très dynamique. Les efforts portent sur les chapitres où vous étiez attendu, notamment la police de proximité.

Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je m'attacherai à vous parler des zones d'attente et des centres de rétention administrative.

La pression migratoire illégale s'est accrue en 1999, essentiellement du fait de populations d'origine kurde ou kosovare. Il faut féliciter vos services du travail accompli p our démanteler les filières. Personne ne saurait confondre les trafiquants, qui vivent de la misère des autres, et les victimes. Nous avons d'ailleurs pu constater dans le secteur de Calais, lors de nos conversations avec le procureur de la République, que ce travail de répression des filières était mené de façon remarquable ; il faut s'en féliciter. En revanche, concernant la situation matérielle et morale faite aux personnes retenues soit dans les zones d'attente, soit dans les zones de rétention administrative, et pire, dans les locaux de rétention, il y a beaucoup à dire ! Le séjour en zone d'attente peut être porté, par décision administrative puis judiciaire, jusqu'à vingt jours. A l'issue de cette période, les personnes qui demandent le droit d'asile vont être « élargies » dans la mesure où elles reçoivent un visa de régularisation qui est, généralement, de huit jours. Mais l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission de recours des réfugiés ne donnent d'autorisation de régularisation qu'au compte-gouttes. Nous sommes donc en présence d'une machine à fabriquer des clandestins.

En matière de droit d'asile classique, de droit d'asile t erritorial et de droit d'asile constitutionnel, nous devrions avoir une attitude plus généreuse. Nous ne sommes pas menacés d'invasion.

J'appelle tout particulièrement votre attention sur la situation des Algériens, qui nous sont si proches et qui peuvent être considérés, en vertu de la loi dite RESEDA, comme des combattants de la liberté lorsqu'ils sont poursuivis par le terrorisme.

Dans les zones d'attente, sont retenus les gens qui arrivent en situation irrégulière, sans papier. Parmi eux, il faut se préoccuper tout particulièrement des mineurs qui arrivent isolément. J'aimerais vous interroger sur un projet de loi qui est en préparation. Permettre aux mineurs de seize à dix-huit ans d'être considérés comme des majeurs, c'est-à-dire de pouvoir faire valoir leurs arguments, peut être la meilleure des choses, mais aussi le moyen de les expulser rapidement... Or, jusqu'à présent, d'après la résolution du Conseil de l'Europe du 27 juin 1997, les mineurs doivent être traités avec des soins particuliers. Ils ne sont pas expulsables, sauf si on arrive - et c'est la meilleure solution - à entrer, par les consulats, en contact avec les familles d'origine.

Dans les zones de rétention administrative et les locaux de rétention, les conditions matérielles sont insupportables. Je vous invite à y aller ou à y envoyer quelqu'un sous votre autorité. Je l'ai fait moi-même et je sais que vous aurez à coeur de le faire. A deux pas d'ici, au Palais de justice, à quelques dizaines de mètres de la SainteChapelle, existe un centre de rétention administrative qui est « l'abomination de l'abomination » : un banc pour sept ou huit personnes retenues, de l'eau sur les carrelages qui sort des sanitaires, des gens dans un état de déshérence matérielle et morale indigne de notre république...

Vous arrivez, monsieur le ministre, et on ne saurait vous tenir pour responsable de semblables situations, ignorées d'ailleurs de la quasi-totalité de nos concitoyens, sauf des organisations humanitaires qui font ce qu'elles peuvent. Mais je vous demande vraiment d'intervenir.

C'est la même chose dans les sous-sols du commissariat de l'hôtel de police de Bobigny, avec des geôles dignes du Moyen Age : absence d'éclairage, petites salles... Les deux jeunes fonctionnaires de police qui y passent deux jours ou deux jours et demi par semaine jugent tout à fait insupportables - je les comprends, les malheureux - les conditions dans lesquelles ils travaillent.

Les personnels, comme les personnes retenues, qu'elless oient interceptées à l'arrivée, ou en situation de reconduite doivent être traités de façon différente.

Je voudrais enfin vous interroger, monsieur le ministre, sur le projet de décret que vous préparez concernant les centres de rétention administrative.

Il faut que les conseils qui ont été donnés, les observations qui ont été faites par la commission consultative des droits de l'homme et par le Conseil d'Etat soient pris en compte. Nous souhaiterions que soit publiée la liste exhaustive des centres de rétention administrative - cela est peut-être déjà fait - et, surtout, celle des locaux de rétention dont nous ignorons le nombre exact. Pourrait-on s'assurer que les personnes ne passent pas plus de vingt-quatre heures dans ces locaux de rétention ? Les efforts doivent porter sur l'ensemble des structures, tant immobilières que mobilières mais également sur les personnels, qui demandent eux-mêmes à être formés à ce type de tâches particulièrement difficiles. Il faut faire en sorte que les associations et tous ceux qui côtoient ces gens en situation de déshérence soient traités plus humainement. Je note aussi que le fait de mélanger dans la promiscuité des gens auxquels on ne reproche que d'être sans papiers et des gens qui sortent de prison et qui sont atteints par la double peine, - vaste débat que nous n'ouvrirons pas aujourd'hui - pose des problèmes.

En conclusion, j'appelle à une véritable politique d'immigration. Il faut que la France sache ce qu'elle veut faire. Nous sommes un des pays qui fait le plus pour l'aide au tiers monde. L'Union européenne voudrait faire davantage. Encourageons-la dans ce sens. Ceux qui viennent chez nous vivraient mieux s'ils avaient des conditions de vie décentes dans leur pays d'origine. Mais, en attendant, nous devons faire en sorte qu'ils soient accueillis humainement, dans les meilleures conditions, selon les traditions de la République française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget de la sécurité civile dans un contexte particulier, caractérisé par une profonde mutuation de ses services.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Tout d'abord, les missions de la sécurité civile ont radicalement changé. Loin des structures de proximité initialement destinées à intervenir rapidement dans le cadre de sinistres de faible ampleur, généralement des incendies, elles couvrent désormais la prévention et l'évaluation des risques, la préparation des mesures de sauvegarde et d'organisation des moyens de secours, la protection des personnes, des biens et de l'environnement et, bien entendu, les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes.

L'année 2000 - comme la fin de l'année 1999 -, ponctuée de drames, dont personne n'a oublié les tragiques images, illustre l'étendue de ces missions d'intérêt général et d'intérêt national.

Par ailleurs, la réforme des services d'incendie et de secours adoptée en 1996, qui a consacré un mode de gestion départementale plus adapté aux diverses missions de ces services, arrive à son terme et nécessite évaluation et adaptation.

Si cette évolution a été nécessaire, elle n'a évidemment pas été suffisante. Le rapport Fleury que vous avez demandé, monsieur le ministre, met bien en évidence les difficultés de mise en oeuvre de la réforme de 1996 tant dans la recherche de ressources nouvelles indispensables pour équilibrer le budget que dans la répartition des contributions des collectivités locales et de l'Etat. Je pense que vous y serez attentif, monsieur le ministre : l'Etat doit contribuer aux missions qui le concernent au premier chef. En effet, le maire responsable, les collectivités qui paient et l'Etat qui décide, ce n'est pas là une juste répartition des responsabilités entre les collectivités qui, à terme, ne sont plus au service de la sécurité de nos concitoyens.

Vous avez vous-même annoncé, monsieur le ministre, une loi sur la sécurité civile pour l'automne 2001. Cela montre bien que vous êtes conscient de la difficulté dans laquelle se trouve ce grand service et des profondes mutations qu'il faut aujourd'hui traduire au niveau législatif.

Dans ce contexte, nous attendions un budget de transition, qui prenne au moins partiellement en compte à la fois le niveau d'intervention de l'Etat et une meilleure répartition des tâches entre les collectivités et les services de l'Etat. Malheureusement, notre déception est grande, car il n'en est rien.

Nous nous retrouvons, à peu de choses près, au niveau des budgets antérieurs, à part certaines adaptations dues à des phénomènes conjoncturels, comme la réforme et la professionnalisation des services des armées. L'augmentation de votre budget, dans ce domaine, n'est donc qu'artificielle.

Avec 1,6 milliard, le budget de la sécurité civile représente moins de 1,5 % des crédits du ministère de l'intérieur. Et l'engagement de l'Etat reste extrêmement symbolique par rapport à l'engagement des collectivités, puisque c'est 13 à 15 milliards de francs que celles-ci consacrent aux services d'incendie et de secours.

Les services départementaux ont besoin de ressources nouvelles pour faire face à cette réorganisation et la participation de l'Etat aurait dû, cette année au moins, être partiellement à la hauteur du pouvoir de décision qui est grand en ce domaine. Une participation plus significative de l'Etat serait d'autant plus justifiée que celui-ci est à l'origine d'une réglementation aux conséquences financières non négligeables. Rappelons-le, le préfet décide du SDACR - le schéma d'analyse et de couverture des risques - tandis que les services centraux déterminent les normes de sécurité et de réglementation applicables aux personnels de la sécurité civile. L'Etat prend donc toutes les décisions sans participer au financement. Nous aurions pu au travers de ce budget mieux définir les rôles respectifs de l'Etat et des collectivités territoriales.

Il faudrait également donner une importance nouvelle à la formation des pompiers. Comme le rapport Fleury le précise, c'est à l'Etat qu'il revient en effet d'assurer la formation au plus haut niveau des pompiers. Or on constate une fois encore que le quart du budget de la sécurité civile est affecté au service des sapeurs-pompiers de la ville de Paris, ce qui ne semble pas correspondre à ses missions.

Le renforcement de la coordination opérationnelle, la modernisation des moyens d'information et de transmission vont de pair avec un service moderne. Qui d'autre que l'Etat peut effectuer cette mise à jour sur le plan national ? Monsieur le ministre, vous ne l'ignorez pas, j'ai proposé avec regret un vote défavorable à l'adoption de ces crédits à la commission des lois, qui ne m'a pas suivi.

Mais je sais que beaucoup d'élus, sur tous les bancs de cette assemblée, considèrent que la participation de l'Etat au financement de ce service devrait être à la hauteur de son pouvoir décisionnel croissant sur les questions de sécurité civile. En ce début du

XXIe siècle, elle devrait prendre en compte les mutations importantes d'un service qui a pour mission la sécurité des citoyens et qui fait partie intégrante des missions régaliennes de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qui s'est passé au cours de la décennie 1980-1990, les modalités de financement des collectivités territoriales ne semblent plus en mesure de leur assurer les moyens nécessaires pour supporter les charges croissantes qui leur incombent.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

La prise de conscience de cette situation a conduit à inscrire les dotations les plus importantes de l'Etat dans une enveloppe normée. Ce dispositif, qui a été créé en 1996, a été a mélioré par le contrat de croissance et de solidarité qui tient compte de l'évolution d'une partie du PIB dans l'indexation de l'enveloppe normée.

Cela étant, le poids croissant d'une fiscalité locale de plus en plus inadaptée à la société contemporaine a conduit à un ralentissement sensible de l'évolution des taux des quatre taxes directes et, surtout, à la substitution de l'Etat aux contribuables locaux en multipliant les dégrèvements et les exonérations.

Une réforme de grande ampleur s'avère donc nécessaire. Avant d'en examiner certains éléments, je rappellerai quelques chiffres sur les diverses dotations de l'Etat aux collectivités locales pour 2001 dont l'ensemble représente 336 milliards de francs, soit une augmentation de 10,5 % par rapport à l'année précédente. Les dotations sous enveloppe devraient, quant à elles, atteindre 170 milliards, soit une progression de 2,32 % à structure constante. Je rappelle que cette augmentation est liée à l'évolution de l'indice des prix en prenant en compte le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

tiers de la progression du PIB. Mais à l'intérieur de l'enveloppe normée, la DGF s'accroît à proportion de 50 % de l'évolution du PIB. Par conséquent, il est inéluctable, en période de croissance, qu'on effectue des prélèvements sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle qui, cette année, diminue de 5,4 %. Pour éviter cette érosion, qui contrarierait une certaine péréquation en faveur des petites communes les plus pauvres, les élus locaux proposent que l'enveloppe normée tienne compte également de la moitié de la croissance du PIB.

Etant donné cependant les évolutions de la taxe professionnelle, votre rapporteur spécial se demande si une participation accrue des collectivités territoriales aux fruits de la croissance ne devrait pas plutôt être effectuée par une hausse de la fraction du PIB prise en compte pour l'indexation de la DGF, ce qui permettrait de dynamiser les dotations de solidarité de la DGF dont l'évolution est contrariée par la croissance importante de la dotation des groupements intercommunaux.

En effet, le succès des communautés de communes et surtout des communautés d'agglomération est tel que la dotation d'intercommunalité se révélera tout juste capable de financer les communautés d'agglomération créées en 1999. Celles qui ont été créées en 2000 ne pourront être financés que par un nouveau prélèvement sur la DCTP malgré la majoration de 200 millions de francs prévue par un amendement adopté par notre assemblée lors de la première lecture du présent projet de loi de finances. Une réflexion d'ensemble sur le financement de l'intercommunalité apparaît d'autant plus nécessaire à la sortie du contrat de croissance et de solidarité que les dotations hors enveloppe sont de plus en plus le fait de compensations de la fiscalité locale.

Parmi ces dotations qu'on appelle passives, il faut réserver un sort spécial au taux de compensation de la TVA qui, lui, est fondé sur les investissements réalisés par les collectivités locales. Il est fixé pour la loi de finances 2001 à 23,5 milliards, soit une augmentation de 7,7 %. C'est pourquoi je comprends mal que la commission pour l'avenir de la décentralisation ait envisagé la possibilité d'intégrer ce fonds de compensation de la TVA dans une enveloppe normée. Une telle réforme donnerait au Gouvernement une maîtrise totale sur l'évolution de la dotation. En fait, les deux tiers des dotations hors enveloppe sont constitués de compensations d'exonérations et de dégrèvements législatifs.

Au total, en 2001 l'Etat devrait prendre en charge 147 milliards de francs au titre de la fiscalité locale. Au seul titre des quatre taxes directes locales, qui depuis les quatre vieilles ne cessent de subir des transformations qui les déforment successivement jusqu'à perdre toute signification, la contribution de l'Etat est de l'ordre de 120 milliards de francs, soit 38 % environ du produit voté.

Dans ces conditions, une réforme fondamentale de la fiscalité locale semble indispensable.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

En fait, le principal problème lié à la part croissante de l'Etat dans la fiscalité locale est sans doute l'aggravation du caractère virtuel de cette imposition. Après les bases virtuelles résultant de l'absence de révision des valeurs locatives, après les taux virtuels mis en oeuvre pour le calcul de certains dégrèvements, on a de plus en plus de contribuables virtuels.

M. Francis Delattre et M. Laurent Dominati.

Eh oui !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Et c'est l'Etat qui devient le premier contribuable local.

M. le président.

Il faudrait vous acheminer vers votre conclusion, monsieur le député.

M. Laurent Dominati.

Dommage, c'est intéressant !

M. Francis Delattre.

M. Saumade a raison !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Je termine, monsieur le président.

C ette situation résulte pour une large part de l'archaïsme de notre fiscalité locale, assise essentiellement sur des stocks de plus en plus difficilement comptabilisables et non sur les flux qui sont les indicateurs classiques de la comptabilité nationale. C'est pourquoi il me semble que la réforme de la fiscalité locale devrait comporter une fraction d'impôt d'Etat,...

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

... seul susceptible d'assurer aux collectivités locales des ressources assises sur des bases évolutives tenant compte des révolutions économiques en cours. Surtout, le partage de l'impôt d'Etat ouvrirait au Parlement un vrai débat politique alors qu'il n'existe pratiquement plus de débat sur la part des ressources nationales consacrées aux besoins croissants des collectivités locales. Il permettrait aussi une véritable péréquation, conforme à une politique d'aménagement du territoire.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Saumade.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Je conclus, monsieur le président.

En demandant à l'Assemblée, en accord avec la commission des finances, d'approuver ce projet de budget qui peut être considéré comme bon dans la suite des temps,...

M. Francis Delattre.

C'est en contradiction avec tout ce que vous avez dit !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

... le rapporteur spécial souhaite, monsieur le ministre, que, dans le rapport gouvernemental annoncé pour la fin de 2001, la possibilité de partage d'impôts d'Etat soit étudiée en dehors de tout préjugé. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à le M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de l a législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour les collectivités locales.

Monsieur le ministre, s'agissant des crédits aux collectivités, le budget pour 2001 est tout à fait satisfaisant. L'indexation des dotations sur une partie de la croissance économique se révèle positive : l'augmentation de la DGF, en particulier, sera l'une des plus fortes des cinq dernières années puisque la dotation forfaitaire de chaque commune progressera sans doute de 1,8 %. Toutefois, la montée en puissance de l'intercommunalité, qui transforme d'ailleurs le paysage administratif de notre pays, fait exploser toute l'architecture de cette dotation. Il conviendrait donc de mettre à l'étude sans trop tarder une nouvelle réforme de la DGF.

Vous connaissez mes réserves quant au traitement qui est réservé à la fiscalité locale. Si j'approuve totalement le dispositif d'allégement de la taxe d'habitation, que les Français découvrent actuellement avec satisfaction et quelquefois même avec étonnement tant l'ampleur des baisses peut se constater, je continue néanmoins à réclamer une véritable réforme de cette taxe,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. Jacques Brunhes.

Très bien !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

... conformément d'ailleurs au rapport de la commission présidée par Pierre Mauroy. L'année qui vient, monsieur le ministre, constitue une période propice pour étudier, pour simuler les modalités d'une réforme de la taxe d'habitation dont le caractère injuste n'est plus à souligner. Cette étude rendrait possible une application de la réforme à partir de 2003.

Cette année, la commission des lois a manifesté son intérêt pour l'administration générale de votre ministère, un peu isolé, me semble-t-il, entre ses entités - pardon, ses agrégats doit-on dire - que sont la police, la sécurité civile, les collectivités locales.

S'agissant de l'administration territoriale - en clair, les préfectures -, j'ai pu constater l'inquiétude qui domine : les effectifs diminuent globalement, et leur répartition géographique est très inégalitaire ; le régime indemnitaire est très insuffisant, ce qui ne peut qu'orienter les meilleurs éléments de la fonction publique vers d'autres administrations. Quant aux perspectives de carrière des cadres de préfecture, elles sont trop restreintes et portent préjudice à la mobilité nécessaire.

Un gros effort de modernisation est en cours. Il doit être poursuivi. Toutefois j'insiste, monsieur le ministre, pour qu'une évaluation approfondie soit effectuée avant l'extension de la globalisation des crédits et qu'en particulier on puisse procéder au préalable à un rééquilibrage des moyens matériels et humains qui sont accordés aux diverses préfectures.

Je voudrais également souligner que cette modernisation implique au niveau du corps préfectoral un dispositif complémentaire en termes, par exemple, de management : comment gérer efficacement si le préfet ne peut pas choisir ses principaux collaborateurs - son directeur de cabinet et le secrétaire général - et si son temps de passage dans le département est trop bref ? Elu d'un département qui a connu sept préfets en dix ans, tous de qualité bien sûr - c'est même parce qu'ils étaient de qualité qu'ils sont restés si peu longtemps (Sourires) -, je sais naturellement de quoi je parle.

P ar ailleurs, l'ouverture du corps préfectoral aux femmes demeure modeste : 6 % des préfets, 11 % des sous-préfets seulement sont des femmes. Cette proportion est d'ailleurs inférieure à celle que nous connaissons à l'Assemblée nationale, qui n'est pourtant pas encore une référence en la matière. On devrait pouvoir faire mieux.

Enfin, monsieur le ministre, il doit être possible d'utiliser de manière plus efficace la vingtaine de préfets hors cadre qui sont actuellement dépourvus de missions précises.

M. Francis Delattre et M. Laurent Dominati.

Au fait, que devient Bonnet ?

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a accepté, sur ma proposition, d'adopter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, messieurs les rapporteurs, c'est un plaisir que de retrouver l'Assemblée nationale pour examiner, en séance publique, le projet de budget 2001 du ministère de l'intérieur, quelques jours à peine après les débats approfondis qui se sont déroulés en commission élargie.

Pour ne pas allonger excessivement nos travaux, je ne reviendrai pas en détail sur l'équilibre général du budget, pas plus que je n'entrerai dans l'énumération des nombreuses mesures nouvelles qui permettront à mes services de fonctionner dans des conditions nettement améliorées par rapport à l'année dernière. Nous en avons déjà longuement débattu ensemble.

Permettez-moi simplement de vous exprimer à nouveeau ma satisfaction. Les chiffres, vous le savez, sont très favorables : 900 millions de francs en mesures nouvelles ; plus de 1 milliard de francs pour l'immobilier et 1 milliard de francs pour l'informatique, les transmissions et l es nouvelles technologies ; 713 créations nettes d'emplois ; 4 milliards de francs pour le fonctionnement de la police - c'est une première -, une croissance globale des dotations aux collectivités locales de 2,32 % dont 3,42 % pour la seule DGF.

Nous sommes en présence d'un bon projet de budget.

Globalement, l'effort consenti pour le ministère de l'intérieur sera, et de loin, le plus important depuis 1995. Je vous le dis, il faut plutôt le comparer, pour la police notamment, au plan Joxe de 1985-1986. Cela signifie très concrètement plus de policiers sur la voie publique, une capacité plus grande à prévenir et à gérer les crises et un meilleur accueil dans les préfectures.

La preuve est faite, la sécurité étant la deuxième priorité du Gouvernement, que le ministère de l'intérieur occupe bien depuis 1997 une place essentielle dans les choix budgétaires définis par le Premier ministre. C'est d'ailleurs, je le constate, l'opinion exprimée majoritairement par vos rapporteurs, dans leurs rapports écrits comme dans leurs interventions orales que nous venons d'entendre. Je tiens à les remercier pour la qualité de leur travail. Chacun d'entre eux a su analyser sans a priori , mais aussi sans complaisance, ce projet de budget. Ils en soulignent les forces et nous indiquent nettement les domaines dans lesquels il faut encore avancer. Leurs rapports constituent, cette année encore, de précieux miroirs.

Ils renvoient au ministre de l'intérieur une image précise, utile, même si elle est parfois dérangeante, de sa politique et de l'action de son administration.

Le 2 novembre dernier en commission, et encore cet après-midi, vous avez exprimé des critiques sur certaines insuffisances que contiendrait ce projet de budget. Il m'était impossible d'en dire plus il y a quinze jours en commission, mais les choses sont plus claires aujourd'hui.

Dans le projet de loi de finances rectificative présenté ce matin en conseil des ministres, le Gouvernement a clairement cherché à répondre à vos demandes et a donné à mon ministère les moyens qui lui manquaient encore, et que j'avais sollicités dès mon arrivée place Beauveau.

Ainsi, s'agissant du budget de la police nationale, je ne reviendrai pas sur les différentes remarques formulées par Tony Dreyfus, dont je tiens à souligner la qualité du travail et la persévérance, et l'aide qu'il a apportée commer apporteur. Il montre clairement dans son rapport qu'avec la police de proximité nous sommes bien passés, pour reprendre son expression, du discours aux actes, de la doctrine à la pratique. Mais il note aussi que des moyens seront encore nécessaires pour la généralisation de cette politique à l'ensemble du territoire.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

M. le ministre de l'intérieur.

Je suis heureux de vous annoncer que le Gouvernement vous a entendu, monsieur le député, et que les moyens de fonctionnement de la police seront augementés de 200 millions de francs dans le collectif.


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Concrètement, ces crédits vont nous permettre de mettre en oeuvre la loi sur la présomption d'innocence, en particulier d'enregistrer les garde à vue des mineurs.

La loi de finances rectificative va nous permettre aussi de renforcer les moyens matériels des circonscriptions qui entrent dans la police de proximité.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Comme à Laon !

M. le ministre de l'intérieur.

Enfin, en 2001, le renouvellement du parc automobile sera assuré dans de meilleures conditions qu'en 2000.

Sur tous ces points qui figurent dans votre rapport, monsieur Dreyfus, le Gouvernement vous donne satisfaction. Nous ne parlerons plus de verre à moitié plein, ou à moitié vide pour l'opposition.

M. Francis Delattre.

Pas à moitié !

M. le ministre de l'intérieur.

S'agissant du budget de l'intérieur, la sécurité est bien, après la lutte contre le chômage, la deuxième priorité du Gouvernement.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

J'ai également noté les inquiétudes de M. Leonetti sur l'évolution des crédits de la sécurité civile. En guise de réponse, je tiens d'abord à défendre le budget correspondant soumis à votre vote.

Les acquis sont incontestables : ce budget achève et consolide la professionalisation des unités ; il poursuit la modernisation des services de déminage et engage le renouvellement de la flotte d'hélicoptères ; il tire les premières conséquences du naufrage de l' Erika et des tempêtes, avec le renforcement des zones de défense et la création d'un nouvel état-major à Lille.

Sur ce dernier point, la loi de finances rectificative permettra aussi à la sécurité civile de renforcer ses capacités d'intervention et de faire face à de nouvelles situations de crise. Douze millions de francs de crédits de fonctionnement permettront de reconstituer les stocks des unités et de financer des interventions extérieures.

Par ailleurs, les subventions exceptionnelles au SDIS seront majorées de 10 millions de francs.

Enfin, 6 millions de francs permettront à la sécurité civile de remplacer les véhicules qu'elle a perdus en luttant cet été contre les feux de forêt.

Vous estimerez sans doute qu'il ne s'agit que d'un premier pas et qu'il reste à réfléchir à l'avenir des services d'incendie et de secours à la lumière de l'excellent rapport de votre collègue, M. Jacques Fleury. Je vous en donne acte bien volontiers. Le projet de loi de finances rectificative témoignera toutefois de la volonté du Gouvernement de renforcer les capacités de la sécurité civile.

Pour le reste, nous aurons l'occasion d'en débattre, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, puisque nous en parlerons au cours de l'année 2001, peut-être à l'automne, comme vous l'avez suggéré, lors de l'examen d'un projet de loi spécifique au dépôt duquel je me suis engagé le 7 octobre à Strasbourg.

S'agissant de l'administration territoriale, je tiens à dire publiquement à René Dosière à quel point le ministère de l'intérieur a été sensible au développement qu'il a consacré aux crédits des préfectures, enrichi par les différents déplacements qu'il a accomplis sur le terrain.

L'administration préfectorale mérite en effet que l'on s'attarde sur ses missions et sur les moyens humains et matériels dont elle dispose pour les remplir.

Je suis donc persuadé que votre travail, le premier depuis bien longtemps sur ce sujet, pèsera sur les évolutions futures de l'administration territoriale de l'Etat.

Il nourrira surtout les débats des assises nationales des préfectures qui se tiendront la semaine prochaine à Lyon.

Il nous aidera aussi à conforter un peu plus les préfectures dans le rôle pivot de l'Etat car, administrations de proximité, les préfectures et les sous-préfectures sont aujourd'hui à l'avant-garde de la réforme de l'Etat. Il faut que cela se cache et que l'on en tire les conséquences.

Des crédits supplémentaires significatifs seront donc attribués aux préfectures.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

René Dosière et Gérard Saumade voudront bien m'excuser, mais je ne m'attarderai pas sur les concours apportés par l'Etat aux collectivités locales et inscrits dans mon budget. Cela ne signifie évidemment pas que mon budget ne serait pas bon en la matière.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Il est même très bon !

M. le ministre de l'intérieur.

C'est même tout le contraire, mais le temps m'est compté...

M. Laurent Dominati.

Cette humilité vous honore !

M. le ministre de l'intérieur.

... et nous avons eu l'occasion d'évoquer longuement cette question lors de l'examen de la première partie de la loi de finances puis en commission élargie.

M. Francis Delattre.

Vous avez tout le temps que vous voulez !

M. le ministre de l'intérieur.

Non, j'ai pris des engagements et, moi, je les tiens...

Je me borne donc à rappeler que, dans ce domaine, le débat parlementaire a déjà permis d'apporter des améliorations substantielles au projet de loi de finances. Votre assemblée a notamment décidé, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'ajouter 200 millions de francs au financement des communautés d'agglomération.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Ce ne sera pas assez !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous avez également voté la reconduction d'un abondement de 150 millions de francs en faveur de la dotation de solidarité rurale des bourgs-centres.

A l'évidence, avec vos deux rapports, le débat national sur la décentralisation, annoncé par le Premier ministre à L ille, est déjà ouvert. Vos nombreuses suggestions, notamment sur le financement de l'intercommunalité et sur la nécessité de la réforme fiscale locale, sous la plume de Gérard Saumade en particulier, viendront bientôt l'enrichir et le nourrir.

Avant de conclure, je vais m'arrêter un moment, avec gravité, sur le travail de Louis Mermaz et sur les propos qu'il vient de tenir avec la sagesse qui lui est coutumière.

Il a choisi de traiter cette année d'un problème délicat, celui des centres de rétention administrative et des zones d'attente.

Son rapport, personne ne le nie, pose de vraies questions, notamment celle des mineurs isolés. Sur ce point, le Gouvernement prépare un projet de loi qui, je l'espère, répondra à ses interrogations. Je peux déjà vous dire, monsieur Mermaz, qu'il n'entend pas abaisser l'âge de la minorité pour telle ou telle catégorie. Simplement le projet de loi tend à doter les mineurs isolés d'un administrateur ad hoc.

Votre rapport évoque aussi le problème matériel et immobilier. Il est en effet indéniable que les locaux en cause se sont détériorés très vite et que certains doivent


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être rénovés rapidement. Malheureusement, quand les locaux eux-mêmes sont inadaptés, le lent calendrier de construction de bâtiments publics, domaine régi par des règles que tous vos collègues connaissent, ne permet pas d'apporter de réponse assez rapide. Nous devons donc gérer de longues périodes transitoires.

Vous savez, parce que vous avez rencontré leurs représentants, que les services du ministère de l'intérieur sont les premiers à se poser ces différentes questions, eux qui doivent, en première ligne et dans des conditions souvent difficiles, faire face à la hausse croissante du nombre d'étrangers placés en zones d'attente ou de rétention.

Vous accepterez, cependant, monsieur le député, que l'émotion, pour légitime qu'elle soit, laisse tout de même place à la raison.

A cet égard, ma responsabilité de ministre de l'intérieur m'oblige à rappeler certains faits.

C'est ce gouvernement et, en son sein, ce ministère, qui ont arrêté, depuis 1998, un programme pluriannuel de rénovation de ces structures que vous appelez aujourd'hui de vos voeux. Des normes ont été définies pour les bâtiments et le niveau des prestations. Une programmation immobilière précise a été établie. Depuis, les besoins de financement des centres de rétention sont considérés comme prioritaires.

A ce jour, huit d'entre eux ont été mis aux nouvelles normes et trois le seront dans les deux ans. Six nouveaux centres seront ensuite livrés dans les prochaines années, à Versailles, Palaiseau, Nantes, Marseille, Bobigny et Bordeaux. D'ores et déjà, ceux de Lyon, Calais et Toulouse ont été entièrement rénovés. Vous savez également qu'à Roissy, une zone nouvelle d'attente d'une grande qualité va être livrée en janvier 2001. Nous mettrons ainsi fin à la situation très difficile que vous y avez observée, pour les populations retenues comme pour les agents de la police de l'air et des frontières.

Au total, 160 millions de francs ont été mobilisés depuis quatre ans pour cette action et je m'engage personnellement à ce que les besoins à venir en la matière soient intégralement et immédiatement financés. Il reste, en particulier, à traiter des locaux de rétention administrative pour lesquels les solutions actuelles ne sont pas toujours adaptées, je vous le concède.

Enfin, je dois rappeler que c'est également ce gouvernement qui a rédigé un projet de décret sur les centres et les locaux de rétention administrative dont le texte exact est en cours de validation. Ce nouveau texte, dont vous parlez avec quelques réserves, ne le connaissant sans doute pas - ce qui est normal, puisqu'il n'est pas validé dans le détail - constituera, je puis vous le garantir, monsieur le député, une avancée considérable.

Pour la première fois, un statut sera donné à ces différentes structures, définissant la nature de leurs équipements et prévoyant un renforcement des conditions d'accueil et de soutien moral et psychologique dont les personnes retenues doivent bénéficier. Ce décret prévoira également la place et le rôle des associations - notamment de la CIMADE - dans l'accueil des personnes retenues et la défense de leurs droits. Pour la première fois, le régime juridique des centres de rétention administrative sera défini et son application pourra être contrôlée.

J'ajoute, pour vous répondre, monsieur le président Mermaz, que les lieux de rétention feront l'objet d'une publication dans un avis porté à la connaissance de la CIMADE elle-même. Cela constitue encore un progrès et correspond à une démarche nouvelle.

Mais je constate qu'en vous répondant sur ce sujet, monsieur Mermaz, nous ne sommes plus dans un débat strictement budgétaire.

Ce gouvernement a entrepris de redresser une situation très dégradée. Dois-je rappeler, à cet égard, les lois qui, à l'initiative du Gouvernement, ont été adoptées pour rééquilibrer la politique de la France en matière d'immigration ou d'intégration ? Il y a d'abord eu la loi sur le code de la nationalité, avec le droit du sol retrouvé en France.

M. Laurent Dominati.

Il n'avait jamais été remis en cause !

M. le ministre de l'intérieur.

Nous avons eu ensuite la loi pour une meilleure maîtrise de l'immigration afin qu'elle soit régulière.

M. Laurent Dominati.

C'est réussi !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous avez adopté la loi RESEDA et les moyens de l'OFPRA ont été augmentés afin de répondre plus rapidement aux demandes d'asile p olitique malgré l'augmentation de leur nombre.

L'OFPRA est d'ailleurs de plus en plus souvent saisi de demandes d'asile territorial, ce qui va nous obliger à accroître les moyens mis à la disposition des préfectures en la matière. Je suis donc heureux que ce projet de budget et les décisions que je serai amené à prendre permettent d'augmenter les moyens matériels et humains des préfectures afin qu'elles puissent mieux répondre aux demandes d'asile territorial.

Mesdames, messieurs les députés, avec le président Mermaz, nous avions quitté les rives austères des débats budgétaires pour aborder des problèmes humains légitimes dont l'Assemblée nationale a bien raison de saisir.

Sachez que le Gouvernement partage aussi cette émotion face à de telles questions dont le traitement n'est jamais simple.

Derrière tous ces chiffres, derrière cette procédure budgétaire nouvelle avec une commission élargie et un débat bref en séance publique, il y a des politiques, il y a des droits avec des femmes et des hommes pour les faire appliquer, et il y a l'ensemble de nos concitoyens au service desquels nous sommes. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter ce projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2001. Ainsi, vous adresserez un message clair à l'ensemble des agents qui y travaillent, parfois dans des conditions difficiles, avec des risques pour eux-mêmes. Vous leur témoignerez la confiance que la représentation nationale leur accorde dans l'accomplissement de leur mission au service du public. D'avance je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

M. Laurent Dominati, premier orateur inscrit.

M. Laurent Dominati.

Je commencerai par évoquer rapidement le budget du ministère de l'intérieur sur les collectivités locales puisque la procédure nous conduit à examiner en même temps trois budgets. Certains d'entre nous s'en sont d'ailleurs plaints lors de la réunion de la commission élargie.

En la matière je partage entièrement le point de vue du rapporteur spécial, M. Saumade.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Ah !

M. Laurent Dominati.

Mais oui, monsieur le rapporteur, vous avez raison de souligner, dans votre rapport, qu'il s'agit d'un véritable maquis budgétaire, que les


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besoins des collectivités locales augmentent parce que les charges obligatoires pesant sur elles croissent et que, en matière fiscale, on assiste à une recentralisation : en trois ans, en effet, l'autonomie fiscale des collectivités locales a été réduite de près de 2 % par le Gouvernement.

En fait de réforme fiscale, monsieur le ministre, on assite à une recentralisation qui porte atteinte à l'autonomie des collectivités locales et va à rebrousse-poil de la décentralisation. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) A l'inverse l'opposition souhaite développer la décentralisation et, surtout, mettre pleinement en oeuvre les principes de transparence et de responsabilité. Il faut que les élus aient le pouvoir de lever l'impôt, et soient obligés de préciser l'utilisation des fonds ainsi collectés. Ils seraient ainsi jugés en fonction de l'impôt levé et des dépenses réalisées avec l'argent des contribuables.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

L'opposition a fait le contraire quand elle avait la majorité !

M. Laurent Dominati.

Monsieur le rapporteur, vous devriez plus souvent écouter votre voisin. Nous réclamons d'ailleurs que son opinion soit suivie et nous demandons un débat de fond sur la décentralisation et sur la réforme de la fiscalité locale.

J'ajoute - voyez comme je sais être conciliant ! - que je partage, à titre personnel, mais je ne suis pas le seul sur les bancs de l'opposition, la proposition du rapporteur spécial qui souhaite le transfert aux collectivités locales d'un impôt d'Etat. En la matière, le groupe Démocratie libérale a proposé qu'il s'agisse de la TIPP.

Je m'en tiendrai là pour les collectivités locales, en renouvelant notre demande que soit organisé un véritable débat sur ce sujet. En effet, mes chers collègues, on peut dire ce que l'on veut de la nouvelle procédure, voire du débat budgétaire actuel, mais il me semble qu'examiner le budget de l'intérieur avec seulement quelques députés présent en séance et en faisant essentiellement porter la discussion sur le problème - certes réel mais limité - des centres de rétention administrative, n'est pas à la hauteur des enjeux de la politique de sécurité publique.

Je comprends évidemment que le Gouvernement ne souhaite pas tellement le débat, parce que, monsieur le ministre, la sécurité n'est ni sa première, ni sa deuxième, ni sa troisième, ni sa quatrième, ni sa cinquième priorité : elle n'est pas une priorité du Gouvernement ! Je vais le démontrer très simplement.

Les crédits de la sécurité sont de 31 milliards, soit 1,7 % du budget de l'Etat : 1,7 % du budget de l'Etat, soit 500 francs par citoyen tel est l'effort demandé à la nation...

M. le ministre de l'intérieur.

Mais non !

M. Laurent Dominati.

Mais si, monsieur le ministre, ce sont vos chiffres, et je ne suis même pas certain qu'ils soient exacts.

On peut certes ajouter, dans cette fonction régalienne de l'Etat, le droit de chaque citoyen à la sûreté, affirmé dans la déclaration des droits de l'homme, et prendre en considération le budget de la justice qui s'élève à 29 milliards. Cela représente donc un total de 60 milliards alors que le budget de la SNCF atteint 65 milliards !

M. le ministre de l'intérieur.

N'importe quoi !

M. Bernard Outin.

Comparez ce qui est comparable !

M. Laurent Dominati.

Dans ces conditions, dites que la SNCF est l'une des priorités de votre gouvernement ou de l'Etat, si vous voulez, cela est peut-être exact, mais ne le dites pas pour la sécurité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

C'est incontestable ! Soyez réalistes ! Tout budget est l'expression d'une politique. Or les chiffres que je cite sont ceux donnés par le ministère.

M. Bernard Outin.

Vous comparez les torchons et les serviettes !

M. Laurent Dominati.

Je conçois que mes propos ne vous fassent pas plaisir, parce que lorsque l'on vise la SNCF, vous avez le sentiment qu'on vous attaque personnellement, sur les bancs communistes. Mais c'est une autre histoire !

En tout état de cause, les priorités de l'Etat ressortent bien des masses budgétaires qui en sont la traduction. Or tel n'est pas le cas pour la sécurité depuis des années.

Malheureusement, en effet, cet état de fait ne date pas de vous. Cette situation a toujours prévalu, y compris d'ailleurs sous des gouvernements que j'ai soutenus et auxquels j'adressais les mêmes remarques.

Mme Odette Grzegrzulka.

Faute avouée est à moitié pardonnée !

M. Laurent Dominati.

Et nous avons toujours été un certain nombre à demander que soit accompli un effort significatif en faveur de la sécurité et de la justice, parce que cette fonction régalienne de l'Etat est totalement délaissée.

Cela est encore plus vrai cette année que d'habitude non seulement au regard de la masse budgétaire concernée, mais également parce que, malgré votre assertion selon laquelle il s'agirait d'un bon budget, les crédits alloués à la police nationale ne progresseront que de 1,8 % en 2001 alors que l'augmentation moyenne de ceux de l'Etat sera de 4,3 %.

M. le ministre de l'intérieur.

Non !

M. Laurent Dominati.

Si !

Quant aux effectifs de police, ils diminueront de 1,1 %.

M. le ministre de l'intérieur.

C'est faux !

M. Laurent Dominati.

Monsieur le ministre, ce n'est pas faux : ce sont vos chiffres, ceux qui ont été repris par le rapporteur. Je n'ai pas pu les inventer, d'autant que l'opposition n'a pas les moyens de les obtenir ni d'avoir une documentation à ce sujet.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Vous ne m'avez pas écouté !

M. Laurent Dominati.

Je répète qu'en 2001 les crédits consacrés à ce secteur augmenteront moins que les dépenses de l'Etat, et que les effectifs de police diminueront, ce qui conduira à une paupérisation de la police.

Monsieur le rapporteur, vous tirez la police vers le bas.

M. Francis Delattre.

C'est vrai !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et vous demandez une baisse des dépenses publiques ! C'est incohérent !

M. Laurent Dominati.

Ainsi, vous allez supprimer 200 postes d'encadrement, commissaire de police et autres, pour les remplacer par 200 postes de gardien de la paix. Vous aurez donc bien toujours le même nombre d'emplois - exception faite de ceux dont la suppression


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est prévue dans le budget -, mais vous aurez transformé des emplois de commissaire en emplois de gardien de la paix. Et ce n'est pas tout : vous allez transformer des emplois de gardien de la paix en emplois d'adjoint de sécurité. (M. le ministre fait des signes de dénégation.)

Mais si, monsieur le ministre, et c'est ainsi que l'on paupérise la police puisque là où vous aviez des policiers, vous aurez des adjoints de sécurité et là où vous aviez de l'encadrement vous aurez de simples policiers ! Et je ne parle même pas des moyens matériels à propos desquels je vous renvoie au rapport de votre ami, M. Dreyfus, qui est beaucoup plus sévère que je ne pourrais l'être. Il a raison, année après année, même s'il modère ses critiques en raison de son amitié pour le ministre de l'intérieur.

Dans ces conditions, toute la police doute de son avenir. Il suffit pour s'en convaincre, d'interroger les agents de police, les commissaires, tous ceux qui sont en civil ou en tenue. A cet égard, il est un signe qui ne trompe pas : si 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite d'ici à 2004, deux tiers d'entre eux pensent prendre leur retraite par anticipation.

Vous avez évidemment raison, monsieur le ministre, de faire l'éloge des effectifs de police parce qu'ils accomplissent un travail très difficile, mal rémunéré, payé surtout en heures de repos, parce que, comme l'Etat, responsable de la dévalorisation de ces fonctions, n'a pas les moyens de les payer, il préfère leur donner du temps libre et leur permettre de partir à la retraite plus tôt.

Voilà pourquoi la police doute de son avenir, ce qui explique le nombre élevé des fonctionnaires qui veulent partir à la retraite. Ils y sont encore encouragés en constatant que votre effort de formation est ridiculement faible, que la réforme des 35 heures dans la police se déroule dans une opacité totale. Il est donc légitime qu'ils soient découragés alors qu'ils reçoivent des coups physiques, qu'ils comptent des milliers de blessés chaque année. Ils sont ainsi amenés à douter non seulement de leur avenir, mais aussi de leur efficacité, parce qu'ils ne sont même pas informés du suivi par la justice des affaires qu'ils dévoilent, parce qu'ils voient les gens qu'ils arrêtent être remis en liberté presque immédiatement.

Vous pouvez toujours vous gargariser...

Mme Raymonde Le Texier.

C'est vous qui vous gargarisez, depuis dix minutes !

M. Laurent Dominati.

... de la conversion de la gauche à la police de proximité, car cela fait très bien dans le décor. Cela est peut-être intellectuellement vrai et je m'en réjouis, mais, en réalité, dans toutes les villes de France, notamment dans la vôtre qui est aussi la mienne, les policiers qui arrêtent des délinquants et les défèrent devant le parquet, les retrouvent en liberté quelques heures plus tard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Outin.

Il faut laisser passer la justice, ce n'est pas la police qui juge !

Mme Raymonde Le Texier.

Heureusement !

M. Laurent Dominati.

Tel est notamment le cas pour les mineurs.

Ceux qui sont arrêtés par la police ou qui sont simplement pris en flagrant délit d'école buissonnière et qui sont amenés à un commissariat, où sont-ils conduits ensuite, monsieur le ministre ? Vous le savez comme moi.

Nulle part ! Au bout d'un certain temps, la police les remet en liberté, au mépris de la loi. Voilà ce qui se passe, mes chers collègues ! Mais, d'ailleurs, que peut-elle faire d'autre ?

Mme Raymonde Le Texier.

On ne va pas les mettre en prison ! Votre argumentation est d'une démagogie insupportable !

M. Laurent Dominati.

Vous savez également, puisque je vous avais posé la question lorsque M. Chevènement était ministre de l'intérieur, que, face aux nouvelles formes de délinquance - les réseaux de protitution, les réseaux internationaux de délits financiers, les réseaux d'enfants mendiants - vous n'avez pas de réponses.

Vous vous gargarisez de votre découverte liée à la découverte du besoin de sûreté et vous essayez de répondre à ce que vous appelez le sentiment d'insécurité.

Non, ce n'est pas un sentiment. C'est une réalité et une réalité d'autant plus dure que vous n'avez pas compris que la délinquance avant changé de nature. Elle est devenue plus violente, plus jeune, plus internationale et en partie économique. Vous n'avez pas réussi, en trois ans - vos prédécesseurs non plus, me direz-vous, encore qu'une loi de programmation avait laissé espérer quelques moyens supplémentaires dans le domaine de la police vous n'avez pas réussi, disais-je, à imaginer une police moderne capable de faire face à ces différents fléaux.

L'opposition réclame depuis longtemps, j'ai déjà eu l'occasion de le dire à votre prédécesseur l'an passé, un véritable débat sur la mise en place d'un plan d'urgence concernant la sécurité, auquel seraient mêlés les ministères, les responsables de la police, de la justice et de l'éducation nationale et les élus. Bien sûr, la sécurité est d'abord l'affaire de l'Etat, mais pas uniquement. Elle est aussi de la responsabilité des collectivités locales.

Mme Raymonde Le Texier.

Il fallait le faire avant 1997. Arrêtez vos leçons !

M. Laurent Dominati.

Nous sommes prêts - et nous l'avons proposé - à remettre sur le chantier l'ordonnance de 1945 concernant les mineurs. Nous considérons en effet qu'il faut un travail sérieux, un travail de fond, pour faire face aux nouvelles formes de délinquance auxquelles les forces de sécurité comme la justice sont incapables de faire face.

Vous voyez que l'opposition, pour sévère qu'elle puisse être, peut être également constructive ! Vous pourrez toujours dire que l'on exagère. Vous pourrez toujours dire que ce n'est pas vrai, que c'est outré. Eh bien, demandez aux commissaires, aux agents de police, ou tout simplement aux citoyens, et vous saurez qu'il règne un certain fatalisme que, pour notre part, nous refusons.

Je reformule devant vous la proposition que j'ai faite à votre prédécesseur. Je vous propose une conférence, même à huit clos entre responsables politiques, maires, présidents de région, ministres, et anciens ministres, pour traiter ce problème. Vous nous dites que nous n'avons pas fait suffisamment avant. Très bien ! Repartons à zéro et regardons tous les problèmes de violence et d'insécurité qui se posent, à l'école, dans la rue, la délinquance financière, les réseaux, les réseaux de prostitution dont on vous a parlé en début d'après-midi. Nous sommes prêts à le faire, même à huit clos. Vous le voyez, quel que soit le débat politique ou la polémique, nous sommes prêts à travailler pour trouver une véritable réponse afin de ne pas baisser les bras.

Mais si, monsieur le ministre, vous vous contentez de me répondre : « Monsieur Dominati, vous exagérez ! », eh bien, les Français jugeront !

Mme Raymonde Le Texier.

Ils ont déjà jugé !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. Laurent Dominati.

Vous aurez compris que, pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le budget de l'intérieur. Là aussi, il faut envoyer un message clair à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année les crédits du ministère de l'intérieur ont pour la première fois été examinés selon la procédure d'examen spécial. Il me revient donc aujourd'hui de présenter l'explication de vote du groupe socialiste.

A structure constante et hors dotations aux collectivités locales, les crédits du ministère de l'intérieur sont portés pour l'année prochaine à près de 59,3 milliards de francs, soit une hausse de 4,5 % par rapport à la loi de finances initiales pour 2000. Les crédits affectés au ministère de l'intérieur figurent une nouvelle fois parmi ceux qui connaissent les plus fortes hausses au sein du budget de l'Etat.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

M. Dominati n'a rien vu !

M. Bruno Le Roux.

Lors des débats que nous avons eus en commission, nous vous avons fait part de nos préoccupations, monsieur le ministre.

Parce que c'est notre rôle d'élus de faire remonter les attentes et les demandes des citoyens jusqu'à vous et d'y répondre et que nous savons l'importance de la sécurité pour la cohésion sociale, nous souhaitons la pleine réussite de la police de proximité et sommes exigeants sur les moyens donnés à la police.

Pour la première fois depuis trente ans - et on pourrait remonter bien avant -, l'organisation de la police donne une vraie priorité à la sécurité des citoyens et plus seulement à la notion d'ordre public. C'est tout à fait nouveau. J'y reviendrai.

Parce que nous sentons tous qu'il est temps de redynamiser la décentralisation, nous aimerions que les dotations aux collectivités locales, et notamment aux plus pauvres d'entre elles, leur confèrent une véritable autonomie financière.

Parce que nous avons tous en mémoire l'efficacité remarquable des services de la sécurité civile lors des tempêtes de l'hiver dernier et de celles qui les ont malheureusement suivies, nous aimerions que ces services aient encore de meilleurs moyens pour travailler.

Tout cela est vrai mes chers collègues, et nous savons tous que l'effort budgétaire pour 2001 est le plus important qui ait été consenti depuis 1995.

Il suffit de regarder les chiffres. J'en ai cité quelquesuns. Il est en effet plus honnête, quand on parle de chiffres, de les citer si on ne veut pas s'en servir et tomber dans la caricature.

M. Laurent Dominati.

Citez-les ! Combien y a-t-il d'effectifs en moins ?

M. Bruno Le Roux.

Nous savons tous, j'y insiste, que l'effort pour 2001 est le plus important qui ait été consenti depuis 1995. Et déjà, en 1995, il était bien supérieur à tout ce qui avait été fait auparavant et même, monsieur le ministre, reconnaissons-le, avant 1993.

Nous devons saluer ce budget comme un budget de poursuite : il nous encourage en effet à poursuivre sur la voie de la réforme de l'Etat à travers la police de proximité, la sécurité civile ou les préfectures.

On peut regretter que la discussion commune des crédits de la police et du budget des collectivités locales nuise à la lisibilité de l'ensemble. Lors de l'examen en commission, le président de la commission des lois a souscrit à l'idée qui lui était proposée que deux discussions puissent être organisées l'année prochaine. Ce serait effectivement une bonne chose. Pour l'heure, c'est sur le budget dans son ensemble qu'il nous faut nous prononcer. C'est pourquoi j'articulerai mon propos sur deux dimensions qui sont révélatrices de la position centrale qu'occupe, monsieur le ministre, votre ministère en tant qu'acteur de la vie quotidienne et de la citoyenneté.

Premièrement, ce budget traduit la permanence de l'engagement prioritaire du gouvernement sur les questions de sécurité par l'abondement des crédits de la police et de la sécurité civile.

Deuxièmement, il permet de poursuivre l'organisation des territoires par l'approfondissement des efforts de déconcentration et l'octroi aux collectivités locales des moyens leur permettant de mener à bien leurs actions.

Mais permettez-moi auparavant de saluer en quelques mots le travail des rapporteurs et plus particulièrement de Louis Mermaz sur les zones d'accueil et les centres de rétention administrative.

M. Laurent Dominati.

Encore des fleurs !

M. Bruno Le Roux.

Le groupe socialiste souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez « faire vivre » ce rapport au-delà de la discussion budgétaire en prenant des décisions qui permettent d'améliorer les conditions d'accueil dans ces centres car elles sont aussi difficiles pour les personnes retenues que pour les fonctionnaires et les policiers qui y travaillent.

Monsieur le ministre, l'engagement prioritaire du gouvernement en faveur de la sécurité, dont nous saluons la permanence se traduit d'abord par la poursuite de l'effort budgétaire en faveur de la police.

En plaçant la sécurité au coeur de l'action de son gourvernement dès son discours de politique générale, le Premier ministre s'engageait non seulement à mettre en place les outils d'une politique de sécurité renouvelée mais aussi à donner les moyens au ministère de l'intérieur de mener à bien ces politiques par des crédits conséquents. Cet engagement est confirmé par les crédits de la police inscrits au projet de loi de finances pour 2001, qui sont en hausse de 1,86 %.

Cet abondement va permettre la généralisation de la police de proximité, pierre angulaire de la politique de sécurité menée depuis 1997 par notre majorité.

Si l'on entend parler depuis longtemps de proximité, il est à retenir que c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui, depuis trois ans, conduit une politique de sécurité de proximité et qu'aucun autre gouvernement n'avait su ni y penser, ni en discuter, ni l'organiser, ni l'imposer. C'est d'ailleurs pour cela, que cette politique implique une réorganisation profonde des services. Ils n'étaient pas préparés à cette logique de proximité.

Il nous faudra, pour lever les graves lourdeurs auxquelles nous sommes confrontés, discuter longuement avec les organisations syndicales, et leur faire comprendre que le travail doit changer, qu'il doit être fait au bénéfice total des citoyens. Nous savons que le Gouvernement s'est déjà attelé à cette tâche depuis trois ans. Nous saluons la permanence de son engagement et la réussite de son action sur le terrain de la proximité notamment dans la phase expérimentale, phase I de la politique de mise en place de la police de proximité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

La diminution de la délinquance est sensible, puisqu'elle est de 2 %, et le taux d'élucidation s'améliore. On observe aussi une diminution de ce que l'on appelle le sentiment d'insécurité. Celui-ci n'est pas un fantasme, mais la réunion d'une série de facteurs qui conduisent à se sentir en situation d'insécurité. Cette diminution du sentiment d'insécurité se traduit mécaniquement - et ce n'est pas là le moindre paradoxe - par une augmentation des dépôts de plainte, ce qui montre que les gens accordent une plus grande confiance dans l'action de l'Etat.

M. Laurent Dominati.

C'est extraordinaire d'entendre ça !

M. Bruno Le Roux.

Nous pensons, monsieur le ministre, que la mise en place d'une politique de proximité doit être aussi l'occasion de repenser la gestion des effectifs sur le terrain et de mener une réflexion sur une véritable territorialisation des forces de sécurité. Une meilleure association des élus locaux doit notamment être envisagée. Nous savons que nous pouvons compter sur vous, monsieur le ministre, pour débattre de ces questions, et les faire avancer.

Par ailleurs, vous avez hérité, tout comme Jean-Pierre Chevènement, d'une situation délicate du fait d'une gestion prévisionnelle des effectifs déplorable de la part de vos prédécesseurs.

M. le ministre de l'intérieur.

C'est vrai !

M. René Dosière, rapporteur spécial.

Très juste !

M. Bruno Le Roux.

Ce constat conduit à une mise en cause politique de premier plan. Tous les ministres de l'intérieur qui vous ont précédé et qui ont précédé Je anPierre Chevènement connaissaient la pyramide des âges dans la police nationale. Ils savaient qu'il y aurait à un moment donné une vague de départs en retraite importante et que celle-ci destabiliserait l'action de la police nationale. Or rien n'a été fait, rien n'a été prévu pour anticiper ces départs en retraite.

Mme Raymonde Le Texier.

M. Dominati ne réagit pas. Il doit se boucher les oreilles !

M. René Dosière, rapporteur spécial.

Dominati se taisait à l'époque !

M. Laurent Dominati.

Et la loi de 1995, vous l'oubliez ?

M. Bruno Le Roux.

Nous devons faire en trois ans ce qui n'a été fait par aucune des majorités qui se sont succédé depuis une dizaine d'années, et c'est particulièrement difficile.

Vous vous êtes attelé à cette tâche, monsieur le ministre, et nous souhaitons que vous puissiez, dans le collectif budgétaire ou dans les arbitrages qui vont être rendus dans les heures qui viennent, bénéficier des 1 000 postes supplémentaires que vous avez réclamés dans les écoles de police afin d'essayer de réparer les erreurs de vos prédécesseurs et notamment de M. Pasqua et de M. Debré.

M. le ministre de l'intérieur et M. René Dosière, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Bruno Le Roux.

Nous saluons votre clairvoyance en matière de réorganisation des services.

Les redéploiements, la fidélisation des gardes mobiles et des CRS, le recrutement des personnels administratifs et une occupation à taux plein des écoles de formation devraient permettre d'assurer la réussite de la phase II et de la phase III de la généralisation de la police de proximité. Nous ferons tout, monsieur le ministre, pour vous soutenir. Un travail en partenariat est en effet nécessaire pour la réussite d'une politique de sécurité.

On peut toujours caricaturer. Cela ne doit pas faire oublier que vous recevez chaque jour, monsieur le ministre, des lettres d'élus, de tous bords politiques, vous demandant de venir dans leur ville signer un contrat local de sécurité. C'est une réalité qu'il faut rappeler car il n'y aura pas de réussite pour une politique de sécurité sans implication des élus locaux et de tous les partenaires engagés dans la lutte contre l'insécurité.

Quelques mots sur la sécurité civile.

En 2001, son budget se caractérisera par une augmentation de 15,8 % par rapport à la loi de finances initiale 2000.

Cette augmentation traduit la professionnalisation des unités liée à la disparition du service national, mais permet aussi la modernisation des équipements. Nous avons bien noté, monsieur le ministre, que vous vous êtes engagé à présenter au Parlement au cours du second semestre un projet de loi qui devrait être le point de départ pour une nouvelle considération de ces services qui, rappelons-le une fois de plus, assurent la gestion des crises de façon remarquable chaque fois que cela est nécessaire en France ou à l'étranger.

Second point de mon propos : la mission d'organisation des territoires qui incombe au ministère de l'intérieur.

L'approfondissement des efforts de déconcentration traduit l'objectif de réforme de l'Etat. L'expérience de la globalisation des crédits testée dans quatre préfectures semble être un succès et vous prévoyez de l'étendre en 2001 à dix autres départements. Cette sage entreprise marque une fois de plus la volonté de l'Etat d'exercer son devoir au plus près de la demande.

Par ailleurs, et bien que contraintes par les efforts budgétaires nécessaires au profit de la police, les préfectures vont bénéficier d'effectifs supplémentaires qui permettront de renforcer l'exercice des compétences au plus près des administrés. Cette mesure est importante pour améliorer les relations de la police avec nos concitoyens, et notamment développer l'exercice de la citoyenneté.

M. le président.

Monsieur Le Roux, veuillez conclure.

M. Francis Delattre.

Oui, ce n'est pas intéressant !

M. Bruno Le Roux.

Je vait conclure, monsieur le président.

Nous nous réjouissons de l'augmentation des dotations aux collectivités et de l'annonce qui a été faite d'une grande concertation et d'une réflexion sur les ressources des collectivités locales ainsi que du débat prévu prochainement dans notre hémicycle sur les conclusions de la commission Mauroy.

M. Laurent Dominati.

M. Le Roux craint de ne pas avoir été assez aimable !

M. Bruno Le Roux.

Vous voyez, monsieur le ministre, qu'au-delà de l'appréciation des chiffres de votre budget le groupe socialiste vous apporte son total soutien et se réjouit de la volonté que vous manifestez de faire réussir la sécurité,...

M. Laurent Dominati.

Avec abnégation !

M. Francis Delattre.

Et flagornerie !

M. Bruno Le Roux.

... car c'est la deuxième priorité de ce gouvernement. Nous sommes en passe de réussir la première phase de cette politique grâce aux créations


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

d'emplois enregistrées depuis 1997. Avec vous, monsieur le ministre, nous réussirons à amorcer la reconquête du terrain...

M. Laurent Dominati.

C'est un homme d'exception !

M. Bruno Le Roux.

... qui non seulement n'a pas été faite mais encore a été laissée de côté pendant des année s. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le ministre, il a été proposé de prévoir deux débats distincts pour l'examen de votre budget : l'un sur les questions de sécurité, l'autre sur les collectivités locales. Nous y sommes très favorables mais nous considérons aussi que la nouvelle procédure d'examen retenue pour le présent budget mérite d'être améliorée. Et nous sommes prêts à y travailler.

Le Gouvernement a fait de la sécurité une de ses priorités, vous l'avez réaffirmé à cette tribune, monsieur le ministre. Elle est aussi l'une des préoccupations premières de nos concitoyens, souvent même avant l'emploi ou l'environnement.

Cela est dû au fait que ces dernières années ont été marquées par l'explosion d'une délinquance de proximité qui alimente un sentiment bien réel d'insécurité, vécu aussi bien dans les quartiers dits « sensibles », victimes d'un urbanisme de relégation voulu et entretenu par la droite, que sur d'autres espaces moins exposés, y compris en milieu rural.

Face à la multiplication des actes d'incivilité, des attitudes provocantes, des actes de vandalisme, des trafics divers, des violences, qui empoisonnent le quotidien d'un nombre croissant de nos concitoyens, nous ne pouvons qu'approuver l'engagement d'assigner à la police nationale de nouvelles missions.

Les contrats locaux de sécurité, la généralisation de la police de proximité ont matérialisé votre volonté, que nous soutenons, d'élucider plus rapidement les délits, d'accroître la présence policière et d'améliorer les relations avec la population.

Vous vous engagez à ce que la police de proximité concerne, dès le début 2001, 180 circonscriptions nouvelles et 20 millions de nos concitoyens. Au terme du plan, en 2003, nous devrions compter 320 points de contacts nouveaux sur le territoire.

La création nette de 550 emplois du cadre administratif s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris jusqu'alors puisqu'elle contribue à remettre sur la voie publique des policiers chargés de tâches administratives.

Mais répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens à vivre en sécurité nécessite de donner à la police républicaine les moyens d'assumer pleinement ses missions. Il ne nous semble pas possible d'envisager un véritable service public de sécurité réorganisé et moderne sans déployer au niveau nécessaire les emplois statutaires de la police nationale.

Or, les effectifs de policiers statutaires vont diminuer en 2001 par rapport à 2000, alors que 25 000 policiers vont partir à la retraite avant 2004 ! La gestion prévisionnelle des effectifs se révèle insuffisante pour combler ce vide, vide d'autant plus grand que les réformes législatives, notamment la loi sur le renforcement de la présomption d'innocence, implique de nouvelles charges pour les services de police, donc des moyens supplémentaires en effectifs et en équipements.

Il est nécessaire de concevoir un véritable plan de recrutement ; le dispositif des adjoints de sécurité ne peut prétendre s'y substituer. Ces jeunes, sans véritable formation, sans statut, doivent assumer une mission très difficile. Leurs conditions de travail ne permettent pas, eno utre, d'en recruter le nombre initialement prévu de 20 000. Le problème de recrutement et de formation est donc fondamental. Il appelle une large réflexion.

Monsieur le ministre, on ne peut obtenir un service de qualité en baissant continuellement le niveau statutaire d'emploi. Il y va de l'existence même d'un service public unifié de sécurité. Il faut être attentif aux inquiétudes des personnels à qui l'on demande toujours plus et mieux, alors même que leurs rémunérations restent bloquées. Il convient donc de poursuivre les efforts engagés pour doter la police nationale des moyens humains et matériels nécessaires pour qu'elle puisse répondre avec efficacité aux besoins. J'ai pris note avec intérêt des décisions du conseil des ministres de ce matin, qui vous donne davantage de possibilités.

Ces observations générales ne remettent pas en cause le budget. Elles nous font dire que le moment est venu d'une réflexion d'ensemble sur les moyens pour que l'Etat puisse assumer pleinement sa mission régalienne de garant de la sécurité des biens et des personnes.

J'ajoute, mais cela va de soi, que nous avons été sensibles au rapport de M. Mermaz sur le fonctionnement des zones d'attente, des centres de rétention administrative et des centres de rétention locaux. Devant ce « spectacle horrifiant », - dont il a fait état à l'instant, à cette tribune - il faut trouver des réponses en urgence. Si l'an prochain nous devions faire le même constat, ce serait un échec pour le Gouvernement et sa majorité. Rien ne peut justifier de rester « aux frontières de l'humanité », pour reprendre le titre du chapitre III du rapport de Louis Mermaz.

S'agissant de la sécurité civile, j'ai pris bonne note des raisons qui conduisent à accepter que ce budget soit un b udget de transition. Les grandes catastrophes de l'année 2000, l'arrivée à son terme de la réforme des SDIS et l'annonce d'une loi sur la sécurité civile place l'examen de ce budget dans un contexte tout à fait particulier. Il n'en demeure pas moins que les sapeurspompiers, les populations et les élus locaux formulent des revendications quant aux moyens de la départementalisation - elle coûte cher aux collectivités - et quant à la définition du rôle respectif de chacun des intervenants.

Concernant les collectivités locales, l'examen du volet recettes de la loi de finances a permis un certain nombre d'avancées sur lesquelles je ne reviens pas. Vous connaissez nos propositions. Certaines ont été retenues. Elles sont toutes des pistes de réflexion.

J'appellerai votre attention sur trois points particuliers.

D'abord, la nécessité d'une réforme de la fiscalité locale.

M. René Dosière, rapporteur spécial.

Très juste ! M. Jacques Brunhes. Le Gouvernement déposera un rapport au Parlement avant 2001 sur ce sujet. Il y a urgence. La fiscalité locale est à bout de souffle, avec ses injustices, ses archaïsmes, ses complexités, et ses disparités. Il convient de partir des réalités, des besoins des populations, de l'aggravation des inégalités, des profondes évolutions de notre société et de notre temps, pour élaborer une fiscalité locale conçue comme un élément au service du développement.

M. René Dosière, rapporteur pour avis, et M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

Et je me félicite que nos rapporteurs aient mis l'accent sur ce point.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Cette réforme est d'autant plus nécessaire que la part prise par l'Etat dans la fiscalité locale constitue bien en soi un véritable problème, relevé lui aussi par nos rapporteurs.

Deuxième point, il nous paraît essentiel de mieux associer les collectivités locales aux fruits de la croissance.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

La sous-fiscalisation de la richesse financière est devenue une donnée profondément déstabilisatrice pour le système fiscal existant. Ainsi, les actifs financiers des entreprises sont passés de 272 milliards de francs en 1970 à près de 25 000 milliards en juin 1998, sans que cette formidable masse financière soit intégrée au calcul de la taxe professionnelle. Outre que le bon sens impose la mise à contribution des actifs financiers dans le chantier de la fiscalité locale, il s'agit aussi d'un élément clef pour le développement économique et la réponse aux besoins.

Cette taxation permettrait d'alléger la pression fiscale sur les ménages, de favoriser les PME-PMI et les entreprises créatrices d'emplois, d'activités et de développement local, de dégager des moyens indispensables pour les collectivités territoriales et le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Cette proposition n'a certes pas été retenue cette année mais je reste convaincu qu'elle fera son chemin, tout simplement parce qu'elle est incontournable.

Le troisième et dernier point porte sur la nécessité d'un véritable statut de l'élu. Vous savez l'importance que nous attachons à cette question. C'est une exigence démocratique. Dès les premières lois de décentralisation, le statut de l'élu était présenté comme un pilier indispensable de leur mise en oeuvre.

Presque vingt ans après les lois Defferre, nous sommes toujours dans l'attente de ce statut, alors que les dispositions actuelles, qui ne s'adressent pas à tous les élus, sont insuffisantes. J'ajoute que la loi récente qui va favoriser l'accès des femmes aux fonctions électives impose de prendre des mesures qui leur permette d'accomplir leur mandat. On peut légitimement penser qu'en l'absence de progrès réels, facilitant l'accès au mandat local, cette avancée citoyenne ne voit ses effets fortement amoindris.

En conclusion, monsieur le ministre, le budget que vous nous proposez marque des avancées. Le travail en commission a permis d'ouvrir la voie à la concrétisation rapide de certains engagements. Avec l'espoir que nos observations seront étudiées et prises en compte, nous voterons votre budget en vous confirmant notre volonté d'être constructifs et positifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le ministre, beaucoup de sujets importants, comme la sécurité civile, l'administration préfectorale et les dotations aux collectivités locales, que nous avons abordés en commission des lois, mériteraient d'être développés. Mais compte tenu des dix minutes qui me sont imparties et de la nouvelle procédure d'examen de ce budget, qui devra d'ailleurs être revue et améliorée, je centrerai mon propos sur la sécurité publique.

Vous avez déclaré qu'elle est la deuxième priorité de ce Gouvernement. Elle semble surtout être devenue, et de loin, la première préoccupation des Français. Certes, vous avez tendance à minimiser la portée des phénomènes d'insécurité en les qualifiant souvent « d'incivilités ». C'est un artifice sémantique ! On s'attendait à ce que vous obteniez, enfin, de votre gouvernement et de votre majorité les moyens financiers et législatifs indispensables pour lutter efficacement contre ce fléau. Les mesures que vous nous proposez ne sont que des palliatifs, et beaucoup de questions essentielles restent sans réponse.

Comme toujours, ce sont les plus faibles, les plus pauvres, les plus fragiles qui sont les premières victimes de la montée de l'insécurité. Tout comme votre prédécesseur, vous continuez à parler de « sentiment d'insécurité », mais ce sentiment s'appuie sur des faits, ou plutôt des méfaits, têtus ! Avant 1997, nous avions un tableau de bord tous les trois mois. Je rappelle qu'en 1995, la criminalité avait diminué de 6,47 %, en 1996 de 2,88 %, et en 1997 de 1,86 %. Les crimes et délits n'ont cessé d'augmenter depuis : de 2,6 % en 1998 et de 5,54 % en 1999. Cette tendance semble se confirmer en 2000, même si force est de constater que nous ne disposons toujours pas aujourd'hui des statistiques de la délinquance pour le premier semestre 2000.

Vous avez tendance à cacher les chiffres, et peut-être même à vouloir « casser le thermomètre ». Car les viol ences urbaines qui explosent sont des vérités qui dérangent votre gouvernement, au moment où vous mettez en place votre police de proximité, cette nouvelle panacée ! Et il se dit que vous avez l'intention de modifier le système d'analyse informatique des violences urbaines, le SAIVU. Ce baromètre, destiné à mesurer la dangerosité des banlieues en France, et surtout à surveiller l'insécurité, était géré jusqu'alors par les renseignements généraux. Il serait maintenant transféré à la police judiciaire. Celle-ci, chargée des infractions le plus graves, ne comptabiliserait donc plus tous les gestes indélicats, qui créent une angoisse ou une peur de vivre dans telle ou telle cité.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous démentiez formellement ces rumeurs en séance publique, et que vous confirmiez, comme vous l'avez fait devant la commission des lois, votre intention de garder le SAIVU dans son intégralité. Sinon, vous justifieriez les commentaires de Mme Bui Trong, l'ancien chef de la section

« villes et banlieues » des renseignements généraux, qui dans son livre récent, Violences urbaines. Des vérités qui dérangent, estime que « les statistiques de la délinquance ne sont qu'un reflet partiel et souvent trafiqué de la réalité ».

En fait votre gouvernement n'a pas pris conscience du changement de nature de la délinquance. Elle est de plus en plus organisée en réseaux internationaux, qu'il s'agisse de la prostitution, sur laquelle vous a interrogé cet aprèsmidi notre collègue Mme de Panafieu, qu'il s'agisse de la pédophilie, ou du proxénétisme, ou encore des délits économiques et financiers.

La délinquance est aussi de plus en plus le fait de mineurs. Un rapport du 29 octobre 1999, de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, faisait un point tristement édifiant sur l'incessante dégradation de la situation en milieu scolaire. A cet égard, il pourait sembler judicieux qu'au sein des conseils d'administration des établissements scolaires, notamment des collèges et des lycées, puisse siéger un représentant de la police, afin que s'engage un véritable dialogue, confiant et constructif, entre elle et la communauté éducative, ainsi qu'avec les élèves et les parents d'élèves.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Par votre politique, vous encouragez la petite délinquance et vous découragez souvent les forces de l'ordre, puisque bon nombre de ces méfaits sont en quelque sorte amnistiés par avance. Le plus souvent, la justice n'et même pas saisie ! Voilà qui concourt à une exaspération croissante de la population de plus en plus sceptique sur la capacité de l'Etat à faire face à l'insécurité, ce qui es t pourtant l'une de ses toute premières missions. Malgré vos dénégations, de véritables zones de non-droit se multiplient et l'insécurité gagne du terrain, jusque dans les zones rurales.

Il en résulte une certaine « privatisation » de la sécurité, que ne peuvent pas s'offrir les plus humbles. J'en veux pour preuve, la progression fulgurante des sociétés de gardiennage et de protection qui comptent aujourd'hui plus de 110 000 salariés. Ce chiffre est réellement significatif.

Certes, vous nous annoncez un effort particulier pour assurer l'avenir de la police nationale. Or, votre budget représente à peine 1,7 % du budget de l'Etat, ce qui traduit la modicité de cet effort. Les dépenses consacrées à la sécurité n'atteignent même pas 500 francs par citoyen, comme l'a indiqué Laurent Dominati. Alors que l'insécurité progresse, les effectifs de police vont, eux, diminuer de 1 428 fonctionnaires ! En outre, avant 2004, plus de 25 000 policiers devraient partir à la retraite, dont 25 % par anticipation.

Dans le même temps, on estime que 30 à 35 % des effectifs n'assurent pas de missions de police active, alors que le personnel dédié aux tâches administratives est théoriquement de 10 % de l'effectif global. Il faudrait, en fait, 5 000 emplois administratifs de plus, quand le budget 2001 n'en prévoit que 800. Ainsi, un certain nombre de fonctionnaires de terrain effectuent des tâches administratives et, paradoxalement, les adjoints de sécurité effectuent à leur place des missions de terrain ! Il est donc clair que vous ne donnez pas aux policiers les moyens de remplir leur mission et que vous accélérez la paupérisation de la police.

Je reviens, par exemple, sur les départs à la retraite qui ne sont que très partiellement compensés, et le plus souvent par l'embauche, elle, massive, d'adjoints de sécurité.

Or ces ADS, de l'avis général, ne rendent pas les mêmes services que les fonctionnaires de police. En effet, les conditions de leur recrutement semblent bien peu rigoureuses. Ils reçoivent une formation sommaire et très insuffisante. Ils n'ont pas, selon les syndicats de police,

« l'indispensable connaissance du droit et de la psychologie ». De plus, faute d'effectifs du corps de maîtrise et d'application, leur encadrement laisse à désirer.

J'évoquerai aussi la grande précarité du statut des ADS : il ne bénéficient pas de la même sécurité de l'emploi que leurs collègues titulaires, ne disposent d'aucune protection juridique en cas d'accident en service et ils sont manifestement sous-payés. De plus, se pose la question de leur avenir. Que deviendront-ils au bout de cinq ans ? Ont-ils vocation à être titularisés et, si oui, seront-ils dispensés de passer les examens, ce qui serait une entorse au libre et égal accès à la fonction publique ? Vous ne donnez pas non plus aux policiers les moyens de se faire respecter et ceux-ci ont trop souvent un sentiment d'inutilité. Avec près de 86 % des affaires qui sont classées sans suite, une partie de la police finit par douter de son efficacité. Elle n'a pas le sentiment d'être suffisamment soutenue, notamment par la justice. Ainsi les agents de police, et notamment les commissaires, ne sont aucunement informés des suites données aux affaires qu'il lui transmettent. C'est tout à fait anormal ! Beaucoup de personnels en charge de la police de proximité s'accordent à dire qu'avec les moyens dont ils disposent, il n'est pas possible d'effectuer concrètement cette mission. Dans les villes où cette police a été mise en place, elle ne semble pas être le « remède miracle » que vous décrivez, mais elle suscite le plus souvent l'incompréhension de la population, des fonctionnaires et des élus. La police de proximité se cherche ! C'est pourquoi il apparaît urgent de prendre des initiatives pour améliorer la perception et la compréhension par la population des missions de la police. Il a souvent été question du lien armée-nation ; un effort devrait être fait, dans le même esprit, pour notre police républicaine.

Par ailleurs, ce budget ne tient pas compte du coût vraisemblablement élevé des mesures techniques à adopter pour l'audition des mineurs, conformément aux dispositions de la loi renforçant la présomption d'innocence et la protection des droits des victimes. Ces dispositions législatives sont applicables, je le rappelle, à compter du 16 juin 2001.

E nfin, beaucoup d'autres questions importantes appellent des réponses urgentes.

Où en est l'effort de réhabilitation des commissariats, et l'amélioration de leur dotation en véhicules ? En effet, votre budget est de plus en plus un budget de maind'oeuvre. Les frais de personnel en représentent 82 %, le fonctionnement 13 à 14 %. Il reste bien peu pour l'investissement. L'état du parc automobile est peu satisfaisant : 70 % des véhicules seraient immobilisés ou ne respecteraient pas les normes de sécurité, ce qui est paradoxal au moment même où on lance des campagnes sur la sécurité routière. Il faut y remédier rapidement.

Que comptez-vous faire pour éviter un décrochage de notre police scientifique qui semble prendre du retard par rapport à nos partenaires européens ? Quelles mesures entendez-vous prendre afin de réévaluer les pensions de réversion des veuves ? Beaucoup d'entre elles se trouvent dans une situation difficile et certaines perçoivent même des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Quelle est l'évolution des crédits de lutte contre la drogue, avec la montée dramatique, chez les jeunes, de la délinquance liée à la toxicomanie, ainsi d'ailleurs qu'à l'alcoolisme ? Enfin, où en est le plan Vigipirate ? Ce n'est pas une question anodine en terme de financement.

Monsieur le ministre, j'attends vos réponses précises et concrètes à toutes ces questions. Mais je crains déjà que les chiffres de votre budget ne soient pas vraiment à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Ceux-ci veulent moins d'annonces et d'autosatisfaction et beaucoup plus d'efficacité sur le terrain. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant au nom de Jacques Rebillard, je romprai avec l'inflation de langage sécuritaire qui réclame toujours plus de moyens et toujours plus de répression. Le niveau de délinquance est le


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reflet du niveau de violence qu'engendre notre société.

Notre mission est de trouver des solutions aux causes de la violence plutôt qu'à ses conséquences.

Les Etats-Unis, qui ne sauraient être soupçonnés de laxisme, illustrent tristement que l'accroissement de la prospérité et l'accroissement de la délinquance font bon ménage. L'augmentation du nombre de places dans les prisons n'apporte aucun remède au mal. Le port d'armes est la pire des solutions quand il s'agit de se défendre. La délinquance juvénile ne trouve son explication que dans le profond malaise d'une société en quête de sens.

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est la faute de la société, en somme.

M. Alain Tourret.

Nous ne sommes pas pour autant, mon cher collègue, des naïfs, car il faut faire la part des choses. Il faut distinguer la grande délinquance, la délinquance importée des pays de l'Est ou d'Amérique latine, avec le blanchiment de l'argent de la drogue, la délinquance financière, la délinquance désormais informatique, qui réclament des moyens et des fonctionnaires spécialisés parfaitement formés, de celle qui, dans les banlieues, dans les quartiers défavorisés, trouve son origine dans l'exclusion, dans l'anonymat des villes, dans la perte des repères familiaux. Et bien évidemment, les remèdes sont différents : c'est de rétablissement de l'autorité, d'insertion, d'intégration, d'aménagement du cadre de vie et, bien sûr, de police de proximité, dont il faut se préoccuper dans ce cas.

Avant de commenter votre budget, je voulais faire cette mise au point, car votre action ne saurait bien sûr être évaluée à l'aune de la seule augmentation chiffrée d'un budget qu'on peut toujours juger insuffisant au regard des peurs qu'engendre l'insécurité. De nombreux autres budgets comme celui de la ville, qui est en forte augmentation - contribuent à apporter des solutions aux problèmes de la délinquance.

Il m'apparaît important de souligner cela leur fera plaisir - l'excellent travail des quatre rapporteurs. (Sourires.) J'ai relu le rapport de notre collègue Saumade, qui s'est attaché à démontrer les conséquences des compensations aux collectivités toujours plus élevées - supportées par l'Etat, premier contribuable local - et la nécessité d'une réforme de la fiscalité locale. En termes de sécurité, si l'on tire les conséquences de l'urbanisation, un effort financier s'impose en direction des communautés de communes, en particulier rurales, alors qu'elles n'ont pas été suffisamment favorisées, estimons-nous, par la loi sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale. Une augmentation sensible de leur DGF serait nécessaire, et pas simplement en la liant à la mise en place d'une taxe professionnelle unique. C'est vers un véritable effort de rééquilibrage démographique du territoire que nous voulons aller.

Nous nous associons bien évidemment aux conclusions de mon ami Louis Mermaz qui, avec son humanisme, dont je me sens si proche, nous parle des conditions d'accueil dans les centres de rétention. (M. Georges Lemoine applaudit.) Il faut aussi insister sur les difficultés des demandeurs d'asile, qui restent parfois deux années sans possibilité de formation, dans une oisiveté totale, dans une dépendane financière totale, ce qui compromet leur intégration dans la société française. Dans cette période de croissance économique, nous ne pouvons être fiers de cette situation, dénoncée à juste titre.

Monsieur le ministre, votre volonté de développer une police de proximité fait l'unanimité parmi les parlementaires et aussi parmi les professionnels eux-mêmes.

Nous souhaitons donc le renforcement de leurs moyens.

Le recrutement de fonctionnaires assurant des tâches administratives leur permettra d'être plus présents sur le terrain, terrain où il faut être. La reconnaissance du risque professionnel passe aussi par une amélioration de leur rémunération. Cette meilleure efficacité ne pourra pas être atteinte sans moyens financiers, et nous pensons que la dotation que vous avez prévue pour l'amélioration du régime indemnitaire et la création d'une indemnité compensatrice des contraintes pour les gradés et gardiens est actuellement insuffisante et qu'il serait bon de l'abonder. Nous pensons que les crédits inscrits pour le remplacement des véhicules usagés et la modernisation des locaux seront insuffisants pour couvrir les besoins. Mais nous revenons de loin, après la période de 1993 à 1997, où la politique des ministres de l'intérieur s'appuyait sur le verbe sécuritaire et non pas sur les moyens financiers.

La sécurité peut aussi se décliner sur le thème de l'efficacité de l'administration de l'Etat et de l'autorité de ce dernier. Nous approuvons la généralisation progressive de la globalisation budgétaire des préfectures, qui leur permettra d'adapter leurs moyens au contexte local. Le développement des téléprocédures pourra contribuer à l'essor des nouvelles technologies de la communication et améliorer les relations entre les collectivités locales et le public.

La sécurité, c'est aussi la sécurité civile. Sur ce point, nous appelons de nos voeux une réforme de la loi de 1996 sur les services départementaux d'incendie et de secours.

Car actuellement, monsieur le ministre, la mise en application de cette loi pose de graves difficultés. Il faut accélerer la modernisation, alléger pour les plus petites collectivités les charges des SDIS, et peut-être également redéfinir les missions des services d'incendie. En particulier, je n'ai jamais très bien compris pourquoi ces missions devaient porter sur toutes les affaires d'accidents de la route, monsieur le ministre. Il faudra que vous m'expliquiez pourquoi, en matière d'accidents de la route, ce n'est pas le responsable qui paie l'intervention des pompiers, mais la collectivité locale. Il faut qu'on m'explique pourquoi, je n'arrive pas à le comprendre. Je suis un juriste, j'ai donc un esprit assez simple, et on m'a toujours appris que, en termes de responsabilité, c'était le responsable qui devait payer, lui ou sa compagnie d'assurance. Alors, expliquez-moi pourquoi l'intervention des pompiers est mise à la charge de la collectivité locale et non pas du responsable de l'accident. J'attends une réponse précise de votre part, car c'est contraire à tous les principes du droit.

Votre budget, monsieur le ministre, avec une augmentation de 2,3 %, est selon nous un bon budget. Il prend en considération la sécurité des Français sous l'angle de leur relation avec la police de proximité, de leur relation avec l'administration territoriale et des moyens donnés aux collectivités.

Les radicaux de gauche vous soutiendront, avec le ferme espoir que ce budget puisse être amélioré, en particulier du point de vue des moyens qu'il donne à la police de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation du budget étant l'acte majeur de l'action gouvernementale, nous


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avons le devoir de rendre cet exercice le plus concret possible, de façon qu'il soit intelligible à nos concitoyens, et ce dans un souci évident de vérité et de transparence de nos travaux. C'est pourquoi je m'attacherai à examiner le volet « collectivités locales », puis le chapitre « sécurité ».

En revanche, concernant le budget « sécurité civile », je serai très bref, approuvant totalement ce qui a été dit par le rapporteur pour avis, Jean-Antoine Leonetti, puisque sa position reflète celle du groupe UDF.

C'est par la sécurité civile, précisément, que je commencerai mon propos, pour dire que ce budget est un budget de stagnation, comme l'a qualifié notre rapporteur pour avis. Des problèmes se posent quant à la modernisation de la flotte aérienne, comme les insuffisances techniques des Canadair, le non-achèvement du programme des trackers ou encore le retard des premiers hélicoptères. Mais la principale faiblesse de ce budget réside dans le fait que l'Etat n'affecte à la sécurité civile que 1,5 milliard de francs alors que les collectivités locales y consacrent entre 13 et 15 milliards. En outre, est-il besoin d'insister sur la diversification et l'évolution des missions de secours, qui ne correspondent plus du tout à celles qui avaient fondé l'organisation communale ? Dans ce contexte, la départementalisation semble une évolution logique. Encore faut-il que les services départementaux se voient attribuer des resources nouvelles, ou alors que l'Etat affiche une participation qui soit à la hauteur de son pouvoir de décision en matière de sécurité civile. Comme le rapporteur pour avis, je tiens à témoigner ici de l'inquiétude des collectivités locales face à l'ampleur des dépenses à prévoir et au niveau modeste de l'engagement de l'Etat dans un domaine qui relève pourtant de ses missions régaliennes, où il conserve le pouvoir final de décision.

Concernant les collectivités locales, nous constatons une augmentation importante du nombre des structures intercommunales, ce qui implique que la participation de l'Etat devra suivre la même courbe ascendante. Il s'agit là d'un problème que les différents orateurs vous ont rappelé en commission des lois, monsieur le ministre, en vous demandant une rallonge de l'enveloppe budgétaire dans ce domaine, ce que vous avez d'ailleurs admis. En revanche, certains de nos collègues, et en particulier des membres de votre majorité, comme Bernard Derosier, se sont plaints de la façon dont la suppression de la vignette a été présentée, « sans aucune évaluation préalable des c onséquences de cette évolution pour les finances locales ». Si nul ne peut regretter la disparition d'un impôt, en revanche, les Français ne sont pas dupes et savent bien, par expérience, qu'on leur reprend d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre.

Par ailleurs, cette dérive constitue une recentralisation financière des finances locales, et signifie donc la perte d'autonomie fiscale des collectivités locales. Cette évolution accentue la dépendance financière de celles-ci par rapport à l'Etat. Or la fiscalité locale, à travers la localisation de l'impôt, remplit deux fonctions essentielles : d'un point de vue économique, le système assure la participation des contribuables locaux au financement d'équipements et de services de proximité ; d'un point de vue politique, il responsabilise les élus comme les usagers. Le mouvement de remplacement progressif de la fiscalité locale par des dotations s'avère d'autant plus regrettable que la baisse des recettes des collectivités locales est le plus souvent insuffisamment compensée, en tout cas sur le moyen terme. Et puis, la prise en charge de l'impôt local par l'Etat entraîne des différences profondément injustes entre territoires. Ainsi, les zones où les taxes sont les plus faibles paient pour celles où elles sont plus élevées.

M. Jacques Brunhes.

C'est vrai.

M. Rudy Salles.

Cette mesure traduit donc davantage la volonté du Gouvernement de faire un cadeau électoral que celle d'établir plus de clarté et de responsabilité dans le financement des collectivités locales. C'est pourquoi nous regrettons sincèrement que le Gouvernement n'ait pas la volonté d'entreprendre la grande réforme fiscale qui s'impose, afin que les citoyens de ce pays puissent avoir une lecture claire de la gestion de chacune des collectivités locales. Le groupe UDF appelle de ses voeux l'ouverture rapide d'un grand débat sur ce thème.

Concernant les préfectures, je me joins aux remarques qui ont été faites par différents orateurs, qui souhaitent une modernisation des services de l'Etat et un rapprochement vis-à-vis des citoyens. Sur ce dernier point en particulier, dois-je à mon tour rappeler la longueur des délais nécessaires pour obtenir une carte d'identité ? Ce document peut vous être délivré dans un délai qui va de trois à six mois.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Les délais se sont réduits !

M. Rudy Salles.

Cela ne va pas sans poser de graves problèmes à nos concitoyens, qui parfois ne possèdent pas d'autres titres d'identité. D'autre part, concernant la carte nationale d'identité dite « infalsifiable », je dois vous narrer une démarche que j'ai moi-même effectuée et qui devrait vous montrer les hiatus de certaines procédures.

J'ai en effet voulu faire établir une carte nationale d'identité. Le fonctionnaire qui me recevait me demandait alors mon ancienne carte. Je n'en avais plus depuis mon enfance, disposant depuis d'un passeport. On me réclamait alors un certificat de nationalité. Je m'apprêtais à en demander un, mais on m'indiquait que, pour l'obtenir, il fallait que je présente mon ancienne carte d'identité. Faisant ces démarches dans ma ville de naissance et étant député dans cette même commune, je pensais faciliter l'aboutissement de cette demande en produisant un extrait de naissance, et éventuellement ma carte de l'Assemblée nationale,...

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Il n'y a pas de passe-droit !

M. Rudy Salles.

... notre mandat impliquant obligatoirement que nous sommes de nationalité française. Eh bien non ! On m'indiquait qu'ayant eu une carte d'identité dans mon enfance, je pourrais faire par exemple une déclaration de perte, ou bien une déclaration sur l'honneur. Je vous avoue que j'ai abandonné la partie et que j'ai renouvelé mon passeport, qui demande une procédure beaucoup plus simple ! Nous ne sommes plus dans l'administration mais chez Ubu, monsieur le ministre.

Je vous saurai gré de bien vouloir étudier sérieusement ce problème, qui se pose à nombre de nos concitoyens ébahis par un tel parcours du combattant. Croyez-moi, dans un tel contexte, la gratuité de la carte d'identité n'est pas ressentie comme un cadeau, mais plutôt comme un dû.

J'en viens au budget de la police, sur lequel j'interviens régulièrement depuis 1988. C'est en effet un sujet particulièrement important, qui concerne la sécurité de nos concitoyens. Il s'agit, pour une majorité de Français, et notamment pour les citadins, de la préoccupation première.


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Je voudrais tout d'abord vous adresser un reproche concernant un problème que j'ai soulevé en commission des lois et que j'aurais souhaité voir réglé avant la séance publique d'aujourd'hui. En effet, les députés travaillent dans des conditions particulièrement difficiles, puisque nous ne disposons pas des statistiques de la délinquance pour les neuf premiers mois de l'année 2000. Je vous rappelle que les gouvernements d'avant 1997 publiaient ces chiffres tous les trimestres, ce qui nous permettait de disposer d'un tableau de bord pour affiner nos études et nos interventions. Et contrairement à ce que me disait M. Mermaz il y a quelques jours, les statistiques sont bien disponibles sur le site Internet du ministère de l'intérieur, mais jusqu'à la fin de 1999 et pas au-delà.

Nous allons donc nous en tenir à ces chiffres. Je rappellerai que l'augmentation des crimes et délits constatés en 1999 par l'ensemble des services de police et de gendarmerie s'établit à 0,07 % par rapport à 1998.

Encore faut-il souligner que la zone gendarmerie enregistre une baisse de 3,2 %, tandis que le secteur police nationale connaît une augmentation de 1,2 %. Pour mémoire, je vous rappelle que les statistiques de la délinquance ont connu une augmentation constante entre 1989 et 1993, que la courbe s'est inversée entre 1995 et 1997 et qu'elle augmente à nouveau avec une amplitude plus ou moins grande depuis lors.

Parmi les vingt-deux régions métropolitaines, il faut signaler que douze régions ont enregistré une progression de leur criminalité et dix une baisse.

Pour ce qui concerne l'Ile-de-France, rappelons que c'est, de loin, la région qui comptabilise le plus de crimes et délits, avec un peu plus d'une infraction sur quatre constatées en France en 1999 : 26,92 % contre 26,31 % en 1998. La ville de Paris connaît ainsi une hausse des faits constatés de 1,99 %. La petite couronne, les départements 92, 93 et 94, avec une augmentation de 4,23 %, enregistre quant à elle une hausse dix fois plus importante en 1999 que ce qu'elle avait été en 1998 : plus 0,38 %. Ces chiffres se passent évidemment de tout commentaire et mettent en lumière les problèmes de sécurité qui se posent dans nos villes et dans nos banlieues.

Je tiens également à souligner le manque de clarté concernant les statistiques relatives au taux d'élucidation des crimes et délits. On sait que ce taux est dramatiquement bas. Malheureusement, le flou règne autour de ces chiffres, aussi bien pour nous que pour la presse. Certains journalistes ont entrepris des enquêtes sur le sujet sans pouvoir obtenir la collaboration des services du ministère de l'intérieur.

Les statistiques ainsi établies sont impressionnantes. Je vous donne quelques exemples de taux d'élucidation : si la moyenne nationale est d'environ 23 %, elle n'est que de 16,67 % à Paris, de 19,6 % à Montpellier, de 16,3 % à Strasbourg, de 20,86 % à Lille, de 20,98 % à Nice, de 12,23 % à Nîmes, de 19,57 % à Lyon, de 14,77 % à Saint-Etienne. Parmi les commissariats les plus efficaces dans ce domaine, on trouve par exemple Tourcoing, avec un taux d'élucidation de 30,97 %, Avignon avec 23,64 % ou encore Colmar avec 33,33 %, ce qui n'excède pas, néanmoins, le tiers des crimes et délits constatés.

Après avoir souligné ces faiblesses, j'évoquerai le thème de la police de proximité. Je voudrais dire tout d'abord que le groupe UDF est favorable à toute initiative visant à rapprocher la police des citoyens. Je me demande d'ailleurs qui pourrait être d'un avis contraire. Ce n'est pas un projet nouveau.

M. le ministre de l'intérieur.

Alors il fallait le faire !

M. Rudy Salles.

C'est une volonté qui s'est manifestée à plusieurs reprises, sous différents gouvernements et sous des appellations également différentes. Néanmoins, à chaque fois que j'interroge les cadres de la police nationale chargés de mettre en oeuvre ce projet, ils me répondent qu'avec les moyens dont ils disposent, il n'est tout simplement pas possible d'atteindre les objectifs assignés. Il s'agit donc plus d'une politique d'affichage que d'une réalité. La conséquence de cette situation est que, loin de susciter l'enthousiasme, cette réforme provoque un malaise, tant au niveau des personnels de la police que des élus locaux et de la population.

J'ajouterai que le recrutement massif de 20 000 adjoints de sécurité, les fameux « emplois-jeunes » chers à votre ancienne collègue, Mme Aubry, s'ils permettent à un certain nombre de jeunes gens d'avoir un emploi et même d'apprendre un métier, ne constituent pas néanmoins un renfort notable de personnels dans la police. Ils viennent remplacer les anciens auxiliaires, qui étaient des appelés du contingent et donc des militaires. Mais malheureusement, on les intègre dans la police comme s'il s'agissait de policiers comme les autres.

M. le ministre de l'intérieur.

Non.

M. Rudy Salles.

Les délinquants, eux, savent faire la différence.

M. le président.

Il faut vous acheminer vers votre conclusion, mon cher collègue.

M. Rudy Salles.

Je vais conclure, monsieur le président. Je ne peux m'empêcher d'évoquer le problème des effectifs, pour dire que ce n'est pas le problème essentiel.

Nous savons que les effectifs des services de sécurité en France, police et gendarmerie, se situent dans la moyenne des effectifs des autres pays européens. Hélas, le rapport Hyest-Carraz, qui en avait fait état et qui préconisait un certain nombre de redéploiements, n'a pas eu l'écho qu'il méritait. Ce rapport mettait notamment en lumière que c'était dans les secteurs où l'on avait le plus besoin de forces de sécurité qu'il y en avait le moins. En commission des lois, monsieur le ministre, vous m'avez indiqué que j'allais être heureux d'apprendre qu'à compter du 1er janvier 2001, le nombre de policiers à Nice passerait de 822 à 886. Dois-je vous rappeler qu'en 1945 les effectifs dans cette ville étaient composés de 1 000 policiers ? Dois-je aussi vous rappeler qu'en cinquante-cinq ans, sa population est passée de 200 000 à 400 000 habitants, que la surface du bâti a triplé, que le nombre d'heures de travail hebdomadaire des policiers a fortement diminué et que la délinquance s'est diversifiée ? Alors, de quelle amélioration peut-on parler ? C'est pourquoi je pense que sur ce sujet majeur, il est indispensable d'ouvrir un grand débat au Parlement pour savoir quel niveau de sécurité nous entendons assurer à nos citoyens, selon quelle organisation et avec quels moyens. Je vous donne un exemple : prenez une grande agglomération, avec une grande ville centre et des communes de banlieue. La grande ville dépend de la police nationale, certaines communes de banlieue aussi, tandis que d'autres relèvent de la gendarmerie. Par ailleurs, certaines communes disposent de polices municipales, d'autres pas. On voit très bien la complexité du système, et même l'inégalité de traitement selon les zones concernées. Et pourtant, les citoyens sont censés être égaux devant la sécurité.

C'est pourquoi nous pensons que le système tel qu'il existe aujourd'hui est révolu. Et ces difficultés seront de plus en plus évidentes au fur et à mesure que l'inter-


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communalité se développera. Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que le temps est venu d'envisager une réorganisation profonde dans ce domaine, en créant une architecture territoriale, plutôt intercommunale, où l'Etat et les représentants des collectivités locales gèreraient ensemble la sécurité de nos concitoyens ? Ce serait là une véritable révolution des structures et même des mentalités, mais je crois que l'on ne peut plus se satisfaire des carences du système actuel.

C'est pourquoi je regrette que chaque année on soit amené à faire le même constat d'échec. Il y a deux présentations de la situation : les efforts de communication de vos services et la réalité du terrain. Et malheureusement, les deux analyses ne se rencontrent pas. L'insécurité n'est pas seulement un sentiment, c'est hélas une réalité.

Pour la combattre, il faut s'en donner les moyens, et non pas se contenter de quelques réformes cosmétiques.

Absence d'une politique ambitieuse de lutte contre l'insécurité, tendance à la recentralisation des moyens concernant les collectivités locales, absence de moyens réalistes dans le domaine de la sécurité civile, ce sont là au moins trois bonnes raisons pour que le groupe UDF vote contre ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Intérieur et décentralisation. »

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 2 819 338 095 francs ;

« Titre IV : 19 275 888 227 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 2 031 150 000 francs ;

« Crédits de paiement : 753 069 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 11 115 805 000 francs ;

« Crédits de paiement : 6 196 720 000 francs. »

L'amendement no 53 de M. Michel Bouvard n'est pas défendu.

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Sur le titre IV de l'état B concernant l'intérieur et la décentralisation, le Gouvernement a présenté un amendement, no 165, ainsi rédigé :

« Majorer les crédits de 839 000 000 francs. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Il s'agit d'un amendement de coordination qui traduit dans l'état B l'impact des amendements adoptés lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances relatifs à la suppression de la vignette pour certains véhicules utilitaires et à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties des organismes HLM situés en zone urbaine sensible. Les mesures votées alors conduisent à majorer les dépenses ordinaires du budget de l'intérieur de 839 millions de francs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 165.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV, modifié par l'amendement no 165.

M. Francis Delattre.

Contre ! (Le titre IV, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Sur le titre VI de l'état C concernant l'intérieur et la décentralisation, M. Dumont a présenté un amendement no 175, ainsi rédigé :

« Réduire les autorisations de programme de 11 115 805 000 francs ;

« Augmenter les autorisations de programme de 11 115 805 000 francs. »

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Pour la troisième fois dans cet hémicycle, je m'adresse à un membre du Gouvernement pour le convaincre du bien-fondé de la reconstruction de ponts, donc d'ouvrages d'art, détruits par faits de guerre.

La semaine dernière, j'ai interpellé - peut-être un peu longuement au goût de certains - le ministre de l'équipement Jean-Claude Gayssot à ce sujet, en lui faisant remarquer que, au-delà du fait que le titre VII n'était plus abondé depuis quelques années, au-delà des lois de décentralisation, au-delà d'une loi encore beaucoup plus ancienne transférant des routes aux départements, l'Etat s'était engagé, après la Seconde Guerre mondiale, tout comme il l'avait fait après la Première Guerre mondiale, non seulement à remettre en état les ponts endommagés mais aussi à reconstruire ceux qui avaient été détruits.

Bien évidemment, je n'oublie pas que la remise en état ou la reconstruction d'un pont - et, en tant que maire, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre - doit être agréée par les deux parties.

Cela étant, soixante ans plus tard, nous attendons toujours que des ponts soient reconstruits. Toutefois, monsieur le ministre, ne nous répondez pas, comme certains l'ont fait avant vous, que « l'Allemagne paiera » car ces ponts ont été détruits par l'armée française en juin 1940, pour éventuellement ralentir l'avancée de l'armée allemande ou pour pouvoir se rendre sous des cieux plus cléments ; quoi qu'il en soit, je ne referai pas ici l'historique de cette question.

Ne nous répondez pas non plus que, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, la route qui passe sur ces ponts est départementale, voire communale.


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Bref, monsieur le ministre, rappelez-vous seulement des engagements des gouvernements de l'époque, donc de l'Etat, et faites en sorte que ces ponts soient reconstruits ; après, l'entretien desdits ponts reviendra aux propriétaires de la route qui passe dessus.

Ces ponts quels sont-ils ? Il s'agit de ponts dits « arromanches », autrement dit des ponts construits avec des poutrelles métalliques récupérées sur le pont d'Arromanches, qui a vu le passage des troupes alliées, voire de ce qui restait de l'armée française, lors du débarquement précédent la reconquête du pays en 44-45. Ce sont aussi des ponts de type Pijeaud, qui ont un caractère un peu plus franco-français, et des ponts Bailey. Tous ces ponts ne sont pas aux normes et deviennent dangereux.

Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, suggérer au préfet de la Meuse, voire à ceux d'autres départements, d'interdire toute circulation sur ces ponts, en particulier aux transports scolaires, voire aux agriculteurs dont les engins agricoles sont trop lourds ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cela n'a rien à voir avec le budget !

M. Laurent Dominati.

Ce n'est pas possible, il fallait présenter cet amendement en commission ! D'autant qu'il s'agit d'une discussion budgétaire qui fait l'objet d'une procédure simplifiée !

M. le président.

Mes chers collègues, M. Dumont a le droit de soutenir son amendement.

M. Laurent Dominati.

Vous avez raison, mais chacun des intervenants n'a disposé que de dix minutes pour parler, entre autres, de la sécurité. Or si chaque auteur d'amendement parle dix minutes, nous nous en sortirons jamais.

M. le président.

C'est pourquoi j'invite M. Dumont à se diriger vers sa conclusion.

M. Jean-Louis Dumont.

C'est ce que je vais faire, monsieur le président.

Cela dit, je conçois, monsieur Dominati, que les ponts d'un département provincial ne vous intéressent pas, mais je vous demande de faire preuve d'un peu de solidarité !

M. Laurent Dominati.

Je suis lorrain, ça m'intéresse !

M. Jacques Brunhes.

Mais non, vous êtes corse ! (Sourires.)

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler

M. Dumont, car nous perdons du temps.

M. Jean-Louis Dumont.

Mes chers collègues de droite, c'est le gouvernement que vous avez soutenu qui a supprimé...

M. Laurent Dominati.

Il y a soixante ans, je n'étais pas né !

M. le président.

Monsieur Dumont, intervenez sur votre amendement, car vous avez presque épuisé votre temps de parole.

M. Jean-Louis Dumont.

C'est le gouvernement d'avant 1997, disais-je, qui a supprimé les crédits inscrits au titre VII, et c'est de là que viennent toutes les difficultés.

M. Laurent Dominati.

A vous entendre, cela ferait soixante ans que la droite est au pouvoir !

M. Jean-Louis Dumont.

J'espère, mes chers collègues, que je vous ai convaincu d'appuyer ma démarche afin que, soixante an plus tard, la solidarité nationale puisse enfin jouer. D'autant qu'il ne s'agit que de quelques dizaines de millions de francs.

M. Laurent Dominati.

Dites « oui », monsieur le ministre, et cette affaire sera réglée !

M. Jean-Louis Dumont.

Vingt-deux millions de francs suffisent pour remettre en état et reconstruire les ponts concernés de l'arrondissement de Verdun.

M. Francis Delattre.

Faites un bon geste, monsieur le ministre. Soyez généreux !

M. Laurent Dominati.

La solidarité va-t-elle se manifester soixante ans plus tard ?

M. le président.

Puis-je considérer, monsieur Dumont, que vous avez également défendu l'amendement 174 rectifié ?

M. Jean-Louis Dumont.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Sur le titre VI de l'état C concernant l'intérieur et la décentralisation, M. Dumont a, en effet, présenté un amendement no 174 rectifié, ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de paiement de 6 196 720 000 francs ;

« Augmenter les crédits de paiement de 6 196 720 000 francs. »

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales.

Ces amendements n'ont pas été examinés par la commission.

M. Laurent Dominati.

Il faut donc retourner en commission !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités spéciales.

A titre personnel, j'émets un avis favorable, sachant que la continuité de la République passe parfois par l'acceptation de certains délais « patriotiques » !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

J'ai découvert il y a environ deux heures ces deux amendements qui ont pour objet d'appeler l'attention du Gouvernement sur la reconstruction des ponts détruits pour faits de guerre.

Je voudrais tout d'abord rappeler, monsieur le député, que les mesures que vous mettez en cause - mais vous l'avez dit - ont été prises en 1996, pour solde de tout compte. Toutefois, les années suivantes, le ministère de l'intérieur a pu, en opérant par redéploiements, mener un certain nombre d'opérations. Je reconnais cependant qu'ils ubsiste encore quelques ponts qui ne sont pasr econstruits. Fort heureusement, les séquelles de la Seconde Guerre mondiale s'effacent peu à peu.

Cela étant, les besoins d'équipements locaux doivent être envisagés de façon globale, vous le savez bien, monsieur le député. Et c'est ce à quoi servent les contrats de plan, qui permettent de déterminer des priorités.

S'agissant de vos amendements, ils visent à redéployer dix milliards de francs.

M. Laurent Dominati.

Ce sont des ponts en or !

M. Francis Delattre.

Qu'est-ce que cela sera quand on comptera en euros !

Mme Raymonde Le Texier.

Il n'y a pas que les ponts de Paris, monsieur Dominati !

M. le ministre de l'intérieur.

Mais faudrait-il pour cela priver les petites communes du soutien utile apporté à leur équipement ? Certainement pas ! Cela dit, je suis prêt à ce que mon ministère procède à un examen au cas par cas pour voir de quelle manière il peut apporter des solutions au problème que vous posez.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Je m'engage à réexaminer cette question pour voir comment nous pourrions, avec Jean-Claude Gayssot notamment, éventuellement répondre à vos légitimes préoccupations.

Dans l'immédiat, je souhaiterais plutôt que vous retiriez votre amendement, sinon le Gouvernement sera obligé de s'y opposer.

M. Jean-Louis Dumont.

Ce qui serait dommage !

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Je tiens à expliquer le vote des trois groupes de l'opposition.

Pour ne pas être pris en défaut de patriotisme, et dans la mesure où la reconstruction et la remise en état de ponts de l'arrondissement dont notre collègue est l'élu n'auront qu'un coût de dix millions de francs,...

M. Jean-Louis Dumont.

C'est bien cela !

M. Francis Delattre.

... somme qui est loin d'être disproportionnée, il est évident que nous voterons les amendements.

M. Laurent Dominati.

Même si ce n'est pas le moment !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Les besoins en autorisations de programme et en crédits de paiement pour solder l'ensemble des opérations destinées à reconstruire et à remettre en état les ponts en question sont en vérité de l'ordre de vingt à vingt-deux millions de francs, et non du montant de ceux qui figurent sur les amendements.

Mais vous connaissez comme moi, mes chers collègues, la procédure budgétaire : il me fallait demander la réduction de crédits pour pouvoir interpeller le ministre.

Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous mettiez enfin d'accord avec votre excellent collègue JeanClaude Gayssot, et si possible sous le parrainage de Mme Parly, afin que je puisse savoir qui je dois aller voir pour obtenir un peu d'argent pour réparer les ponts.

Comme vous avez pris un engagement - et, en quelques semaines, vous êtes le troisième ministre à me dire dans cet hémicycle que le problème va être réglé -,...

M. Laurent Dominati.

M. le ministre n'a pas pris d'engagement !

M. Jean-Louis Dumont.

... je vais retirer les amendements nos 175 et 174 rectifié, au bénéfice de l'amendement no 176 qui sera appelé ultérieurement et qui tend simplement à ce que le Gouvernement dépose devant les deux assemblées un rapport sur le sujet.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous ferez le nécessaire pour que, d'ici au mois de juillet 2001, les autorisations de programme soient déléguées.

M. le président.

Les amendements nos 175 et 174 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

M. Francis Delattre.

Contre ! (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Après l'article 60

M. le président.

En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 60.

M. Dumont a présenté un amendement, no 176, ainsi rédigé :

« Après l'article 60, insérer l'article suivant :

« Intérieur et décentralisation

« Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées parlementaires au plus tard le 1er juin 2001 un rapport relatif aux ponts détruits par faits de guerre et non encore reconstruits en ouvrages définitifs et à l'exécution du chapitre 67-50. »

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Je souhaite que cet amendement, que j'avais retiré vendredi après-midi après que M. Jean-Claude Gayssot eut pris des engagements en présence de l'ancien président de la commission des finances - M. Lengagne peut en témoigner -...

M. Guy Lengagne.

En effet, je suis témoin !

M. Jean-Louis Dumont.

... soit soumis au vote de l'Assemblée. Il prévoit que le Gouvernement devra déposer un rapport devant les deux assemblées afin que l'on puisse dresser un bilan des opérations qui doivent être effectuées, soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Je souhaite que l'Assemblée retienne cet amendement et que les opérations qu'il conviendra de mener par la suite soient effectuées au titre du chapitre 67-50 du ministère de l'intérieur ou d'un autre chapitre.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales.

S'il s'agit seulement de demander un rapport, je crois que nous pouvons donner un avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je ne crois pas que la solution au problème posé par M. Dumont passe par le dépôt un rapport.

M. Laurent Dominati.

Bien sûr que non !

M. le ministre de l'intérieur.

Cela étant, l'Assemblée est souveraine.

A titre personnel, je prends l'engagement de regarder de quoi il s'agit avec mon collègue Jean-Claude Gayssot, qui s'est prononcé sur le sujet il y a peu de temps. Nous allons regarder ensemble comment nous pouvons, au cas par cas, apporter des réponses au problème que vous soulevez.

Prononcez-vous comme vous l'entendez, mesdames et messieurs les députés, mais je me demande vraiment si un rapport permettra de trouver une solution au légitime problème posé par M. Dumont.

M. Laurent Dominati.

Ce n'est pas de la procédure budgétaire !

M. le président.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont.

Je le maintiens !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 176.

M. Laurent Dominati.

Débrouillez-vous avec l'amendement de l'un des vôtres, mes chers collègues ! (L'amendement est adopté.)

M. Laurent Dominati.

Et voilà ! Cela vous apprendra !

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'intérieur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

OUTRE-MER (suite)

M. le président.

Nous reprenons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, mes chers collègues, je n'insisterai pas sur le manque de transparence des inscriptions susceptibles d'aller à l'outre-mer mais figurant aux chapitres des ministères techniques. Je m'en suis expliqué le 7 novembre, devant la commission traitant de l'enseig nement supérieur, et le 13 novembre, en séance publique à l'occasion de l'examen des crédits de l'enseignement primaire.

Un budget propre aux DOM en augmentation, une loi d'orientation, une loi de soutien fiscal, voilà un triple remède de cheval qu'il s'agira d'utiliser au mieux sur le terrain ! D'autant que deux dangers menacent de contrarier tous ces efforts.

En premier lieu, l'Europe, sous présidence française, veut réduire de 25 %, soit 76 millions de francs, l'aide promise à l'outre-mer au titre du POSEIDOM. Il faut que la France s'oppose à une telle décision et rappelle que le POSEIDOM n'a pas été décidé à la légère : il l'a été sur la base du rapport Ligios adopté à l'unanimité par le Parlement de Strasbourg, après une enquête qui a établi que les sept régions attributaires sont, économiquement, en dessous de la région européenne la plus défavorisée.

Bruxelles s'est expressément engagé jusqu'à ce que l'outre-mer rattrape le niveau économique moyen de l'Europe. Le président italien, Romano Prodi, voudra bien se rappeler que, jadis, les Romains tenaient à honneur que tout traité avec les gentes, nations avec lesquelles ils avaient à faire, inclut la bona fides, la bonne foi. En l'occurence, cette règle de morale interdit de poser, sans vérification contradictoire préalable, que l'outre-mer a rattrapé le retard à hauteur de 25 %.

En second lieu, il est inquiétant que, sous présidence française, l'Europe ne prenne pas les mesures de révision de l'aide compensatoire indispensables à la survie des producteurs bananiers des Antilles : prise en compte de la différence des prix de vente entre les producteurs pour le calcul de l'aide ; modification du fait générateur de l'aide, qui doit être l'expédition et non la consommation ; rapidité du paiement de l'aide ; mise en place d'un système efficace d'aide à la suite de catastrophes naturelles.

Ce sont les termes mêmes de la résolution que la Délégation de l'Assemblée nationale pour les affaires européennes a adoptée en février de cette année. La France doit s'en inspirer sans complexe. D'une part, en effet, le dispositif trouve son fondement dans le traité lui-même, qui garantit l'écoulement de la production protégée par la préférence communautaire. D'autre part, l'effort demandé est nettement inférieur à celui fait pour d'autres productions aidées. En 1998, l'Europe a versé par tonne, 1 935 francs pour la banane, mais 3 553 francs pour les céréales et 18 924 francs pour le tabac. Si la présidence française ne bouge pas, l'inaction française signifiera que la question est sans intérêt, et l'Etat ne sera pas en mesure de compenser.

Supposons réglées ces questions. Le triple remède - budget, loi d'orientation, loi de soutien fiscal - devrait permettre de regarder l'avenir avec plus d'assurance. Mais dans quelle direction ? La question mérite d'être posée car l es porteurs de capitaux, créateurs d'activités, donc d'emplois, ne se mobiliseront, les travailleurs ne se motiveront, nos jeunes ne se mettront à espérer que s'ils voient une cohérence à nos perspectives économiques. Il ne s'agit pas de dresser des plans qui figeraient l'avenir, et, pour reprendre l'image d'un ancien député UDF de la Martinique, finiraient inhumés dans de grands cimetières de plans sous la lune. Partons de secteurs acquis au développement : tourisme, agriculture, artisanat, promotion culturelle, et fédérons-les.

Aux touristes de tout genre, nous devons pouvoir proposer la création de notre artisanat, de nos artistes, de nos musiciens, de nos plasticiens, de nos écrivains. Tout hall d'hôtel, tout restaurant, tout lieu public, devrait être une galerie d'exposition tournante de tout ce que le Martiniquais est capable d'offrir. La gastronomie antillaise doit partir de notre production agricole, de notre pêche, de notre industrie agro-alimentaire et répondre à la quête du touriste de découvrir autre chose que ce qu'il consomme chez lui. Une approche micro-économique avec des firmes privées ou nationales, dont nous serions les relais de fabrication et d'écoulement, chez nous comme dans notre environnement, devrait suppléer à notre capacité de production.

Et comment ne pas voir une forme de complémentarité économique en la coopération dans notre aire régionale, lieu d'échanges organisés de notre clientèle touristique, de nos créations artistiques et littéraires, de nos connaissances technologiques ou de consommation de la production obtenue par l'association avec les firmes dont je viens de parler. Mais lieu également de coproduction martinico-sainte-lucienne, martinico-barbadienne, martinico-trinidadienne, suite à la passation de joint-venture dans la Caraïbe. Ces échanges auraient chance de prospérer si chaque territoire français d'Amérique était représenté par lui-même dans les organismes internationaux de la Caraïbe.

Que, désormais, chaque budget de l'outre-mer crée les conditions d'une dynamique qui nous poussera à aller toujours plus loin. Par exemple, la terre étant notre matière première exclusive, allons à la recherche systématique de sous-produits de notre agriculture. Ce n'est pas perspective chimérique si l'on veut se souvenir des précédents dont est jonchée notre histoire : la farine, dite Cérébanine, extraite de la banane, dans les années 40 ; celle timidement fabriquée au Morne-des-Esses, à SainteMarie, à partir de nos racines et de nos tubercules ; le carburant tiré de la canne et qui, durant la dernière guerre, a permis chez nous la circulation de l'automobile.

Que l'Etat et nos collectivités s'associent de façon volontariste pour financer des études en ce sens, mais confions ces études à des Antillais ayant conscience antillaise, ou à des Européens qui, j'ose l'image, auront montré patte blanche. (Sourires.)

Car j'ai en mémoire Robert Lecourt qui choisit de quitter le ministère de l'outre-mer, en août 1961, au motif tonitrué qu'il était empêché d'agir par les lobbys métropolitains considérait l'outre-mer comme chasse gardée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Car j'ai en mémoire le rapport d'Isidore Renouard, disant à cette tribune, en 1970, que « les firmes métropolitaines considèrent les îles comme un marché réservé et tuent dans l'oeuf des concurrents éventuels ».

Car, en bref, la colonisation a laissé de profondes séquelles, et on voudrait nous convraincre que, de notre sol, pas plus que de notre cerveau, il ne sortira jamais rien, que nous parasitons le monde, qu'il suffit que nos nous mettions au pas du monde.

Je suis de ceux qui croient au message d'espoir d'Aimé Césaire : « et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre tête éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite [...] ».

Message qui, pour nos territoires lointains et originaux, contient en germe la revendication de l'autonomie, ce régime de responsabilité et d'initiative qui confie à l'élu local, sous le contrôle de l'administré, la gestion de toutes les affaires propres à la collectivité autonome, dans le respect des attributions de l'Etat de droit.

Je voterai votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat.

Mais il n'est qu'un début. Permettez que je vous confie que je crois que vous poursuivrez le combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je vous remercie, monsieur Darsières, d'avoir respecté votre temps de parole et, compte tenu de l'heure, je demanderai à chacun de bien vouloir en faire autant.

La parole est à M. Victor Brial.

M. Victor Brial.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je constate, avec une certaine satisfaction, l'effort financier consenti par le Gouvernement en faveur de l'outre-mer.

Le budget que vous nous présentez aujourd'hui est, en effet, en augmentation de 6,9 % par rapport à l'an passé.

Pour autant, toutes les collectivités ultramarines ne profitent pas uniformément de cette hausse et je tiens à souligner les fortes disparités de traitement d'une collectivité à l'autre et d'un secteur d'intervention à l'autre.

Même si je m'en réjouis par ailleurs pour mes collègues des départements d'outre-mer, force est de reconnaître que ce sont les mieux lotis de ce projet, grâce notamment à la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'outremer. Wallis-et-Futuna est, une fois encore, et malgré une conjoncture économique toujours très favorable, le parent pauvre de ce budget.

Un indicateur qui ne trompe pas, monsieur le secrétaire d'Etat, la subvention dite d'équilibre attribuée au territoire. Malgré mes recommandations, cette dernière n'a pas évolué depuis trois ans. Lorsque l'on connaît les difficultés du territoire pour assurer une desserte aérienne inter-îles sûre, adaptée et accessible à tous, cette baisse tendancielle de la subvention est signe d'un désengagement de l'Etat. Je le regrette d'autant plus vivement que M. le Premier ministre m'avait donné des assurances sur ce dossier dans le courant de l'année.

Comme vous le savez, l'aérodrome de Vele à Futuna n'est pas adapté à l'accueil de moyens et gros porteurs.

Afin de surmonter ces difficultés techniques, je souhaite que l'Etat aide le territoire à financer, d'une part, l'étude de faisabilité de l'allongement de la piste, d'autre part, les travaux de revêtement. Une première estimation chiffrée devrait être fournie dans les semaines qui viennent par le service de l'aviation civile de Nouvelle-Calédonie.

Votre récent déplacement dans le Pacifique a néanmoins été porteur d'espoir pour mes compatriotes, en particulier en matière d'emploi. Vous avez pu le constater par vous-même, la jeunesse est encore mal formée et mal préparée pour entrer sur le marché du travail. Un pas important sera fait dans les prochaines semaines avec la signature d'une convention entre le territoire de Walliset-Futuna et l'Agence nationale pour l'insertion de la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. C'est une proposition concrète de partenariat que j'avais soumise à votre prédécesseur, M. Jean-Jack Queyranne, et que vous avez finalement acceptée. J'en profite pour saluer la qualité du travail réalisé par Mme George Pau-Langevin, directrice générale de l'ANT, ainsi que par ses collaborateurs, qui se sont beaucoup investis dans ce projet. Je tiens à les en remercier.

Je souhaite que ma proposition, visant à mettre en place dans l'archipel une agence locale pour l'emploi dont je vous avais fait part dans deux questions écrites, du 18 octobre puis du 27 décembre 1999, connaisse la même fortune. Je vous confirme qu'il n'y a aucun recensement officiel des chômeurs à Wallis-et-Futuna. Cette absence de données chiffrées, quantitative et qualitative, n'est pas pour déplaire au Gouvernement qui se croit ainsi dispensé d'une politique ambitieuse en direction des jeunes.

Pour autant, le chômage - car il faut bien appeler les choses par leur nom - existe, augmente et augmentera les années à venir si l'Etat en prend pas ce problème à brasle-corps. Il semble vouloir le faire en métropole, pourquoi pas à Wallis-et-Futuna ? Dans son discours prononcé à l'assemblée territoriale le 4 mai 2000, M. Jean-Jack Queyranne a annoncé la création d'un centre de documentation pédagogique, répondant ainsi à une demande récurrente des élus du territoire. Je m'en suis réjoui... peut-être un peu vite. Le projet est aujourd'hui gelé, aucun crédit ne lui ayant été affecté. Je vous demande de tenir cette promesse importante faite par votre prédécesseur. Ce centre permettra d'améliorer significativement l'orientation et donc la réussite des élèves.

S'agissant de l'accord particulier entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie et le territoire de Wallis-et-Futuna, le Gouvernement traîne des pieds. Pour preuve, les nouveaux atermoiements relatifs à la signature de cet accord qui devait intervenir avant le 31 mars 2000. Nous l'attendons toujours à la veille de 2001. On a parlé d'accord puis d'accord-cadre. Bientôt nous pourrons parler d'accord virtuel tant le texte actuel apparaît comme une coquille vide, dénué d'engagements réciproques contraignants.

Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie soulève questions et inquiétudes au niveau local. Deux dossiers sont plus particulièrement concernés : l'emploi et la citoyenneté. Ensemble, le Gouvernement et nous, avons le devoir de rassurer les populations.

Plus sérieusement, je regrette que le Gouvernement ne s'implique pas davantage dans ces négociations. Il redoute visiblement de devoir mettre la main au portefeuille pour financer notamment la création de services administratifs d'Etat à Wallis-et-Futuna distincts de ceux de NouvelleCalédonie.

Le contrat de développement 2000-2004 ne répond en effet que très partiellement et trop parcimonieusement aux défis que le territoire devra relever les années qui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

viennent. Un exemple parmi d'autres : le montant des crédits consacrés cette année à l'amélioration du réseau routier.

Sur les 11 millions de francs français prévus, seuls 6,2 millions ont finalement été délégués. A ce rythme-là, il faudra sans doute patienter encore quelques années avant de voir achevée l'unique route circulaire de Wallis et celle de Futuna ! Afin de pallier les insuffisances du nouveau contrat de développement, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre département ministériel utilise plus régulièrement et plus massivement les crédits du fonds d'investissement pour le développement économique et sociale des départements d'outre-mer pour abonder, par exemple, le fonds de garantie habitat, par une dotation annuelle.

M. le président.

Voulez-vous conclure, monsieur Brial, s'il vous plaît ?

M. Victor Brial.

Un effort financier supplémentaire sur le chapitre 67-51 permettrait en outre de financer, hors contrat, des opérations d'intérêt local comme l'achèvement des travaux pour l'amélioration de l'éclairage public à Wallis. Je viens d'ailleurs de vous faire parvenir un dossier complet qui fait apparaître un besoin de financement de l'ordre de 1,7 million de francs français. J'espère que vous lui réserverez un accueil favorable.

Je le répète, monsieur le secrétaire d'Etat, votre déplacement à Wallis-et-Futuna a été porteur d'espoir. Je veux croire que vous ne décevrez pas les Wallisiens et les Futuniens. (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la tendance générale, en matière budgétaire, est plutôt à la transparence - ce n'est pas là un slogan, mais bien la traduction de nombreux efforts destinés à faciliter la compréhension des budgets, à mesurer leur performance, à l'évaluer, et surtout, par voie de conséquence, à faire en sorte que le travail législatif soit plus efficace. En effet, celui-ci doit pas seulement se borner à codifier, à construire des cadres normatifs, il doit également s'assurer que les mesures financières traduisent bien les choix de société exprimés, les valeurs choisies et affichées.

De ce point de vue, et du point de vue plus général des orientations fondamentales, le projet de loi de finances n'est pas un exercice propice, dans la mesure où il relève davantage d'une dynamique de crédits massivement reconduits, à 80 %, d'un exercice à l'autre.

Pour le budget particulier de l'outre-mer, compte tenu de la part qu'il occupe dans les dotations affectées à l'outre-mer, qui varie d'une année à l'autre entre 12 et 15 %, l'exercice est forcément partiel. Il est vrai que, cette année, la loi d'orientation donne une étoffe plus serrée à ce budget.

Par ailleurs, nous sommes encore dans une phase de réforme dans la conception même de ce budget, par le regroupement des crédits, la suppression de lignes qui étaient devenues inopérantes et la liquidation de sections qui ne nourrissaient ni la cohérence ni les nécessaires synergies.

Les dotations globales jouent un rôle très important dans la recherche de ces synergies, sauf, évidemment, lorsqu'elles se contentent de compenser des recettes fiscales disparues à la suite d'une irruption de générosité de l'Etat à l'endroit de certaines catégories professionnelles, ou plus rarement de certaines catégories de citoyens - il faut reconnaître que l'ingratitude est souvent de mise, on l'a constaté avec la suppression de la vignette automobile, qui n'a pas provoqué des explosions d'allégresse.

Les dotations globales sont des mesures financières extrêmement bavardes : en une seule ligne, elles disent quelles intentions se nichent derrière l'effort financier.

L a dotation globale de fonctionnement pour les communes a augmenté de 6 %. Nous en prenons acte.

C'est une bonne nouvelle qui a l'air de surprendre, y compris sur les bancs des collaborateurs du secrétaire d'Etat. C'est peut-être le fait de qualifier de bonne nouvelle la reconnaissance de cette augmentation qui surprend. Nous en prenons acte, ce n'était pas un luxe. Il n'y a pas de quoi faire la java, mais il y a des chances que ça arrache, ne serait-ce qu'un sourire de contentement, aux maires concernés.

La dotation générale d'équipement, en revanche, qui rassemble toutes les subventions spécifiques d'équipement de tous les ministères, chute de 3 % dans les communes et de 6,9 % dans le département. Pourtant, l'enclavement et le sous-équipement de l'intérieur, mais aussi du littoral, sont encore aigus, à l'exception notable de quelques grandes infrastructures orientées économiquement au service de l'activité spatiale. Et encore, les deux activités responsables des deux premiers postes de recettes d'exportation, le secteur minier et la pêche, ne jouissent même pas d'infrastructures comparables.

Quant à la dotation générale de décentralisation, elle passe, pour sa part départementale, de 161 à 98 millions de francs. Lorsque le transfert de compétence a lieu des collectivités vers l'Etat, la promptitude avec laquelle les fonds accompagnent le transfert de ces compétences est spectaculaire.

Cela s'explique parce que l'Etat intègre déjà dans cette dotation générale de décentralisation, le fait qu'il prend en charge l'aide médicale depuis l'instauration de la couverture maladie universelle. Cette chute de 40 % - on a l'impression de dévaler un toboggan géant ! - d'une dotation qui, pourtant, cofinance les collèges est inquiétante parce qu'elle donne l'impression que nous sommes correctement pourvus. Or, outre qu'en matière d'éducation, il est toujours possible de faire plus, nous sommes dans une situation de réel sous-équipement en matière scolaire.

L a vallée du Maroni en est l'exemple même. La commune de Papaichton réclame un collège. En effet, cette commune qui s'étend sur 2 628 kilomètres carrés, 55 kilomètres de fleuve et dont la population est de 1 704 personnes, est à deux heures de canot du bourg de Maripasoula où se trouve le collège. Dans ces conditions, bien évidemment, l'égalité des chances devient une chimère et les risques d'échec scolaire sont évidents. De plus, il n'y a pas de vraie structure d'internat à Maripasoula et les familles sont obligées de s'organiser pour faire héberger leurs enfants.

Je vais vous donner quelques chiffres significatifs de ce qu'est cette vallée. Hors la ville de Saint-Laurent, ce sont quatre communes rurales sur 25 000 kilomètres carrés, plus de 332 kilomètres de fleuves et une population de 12 000 personnes, dont 50 % de jeunes. Et pour ces quatre communes rurales : un collège et aucun lycée ! Quant aux maternelles, puisque l'école n'est obligatoire qu'à partir de six ans, les constructions peuvent attendre.

Les désordres que nous connaissons actuellement, notamment la fusillade qui a eu lieu en secteur aurifère il y a quelques jours, sont les résultats des défaillances d'hier. A une différence d'échelle près, le plaidoyer qu'appelle cette


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démonstration est aussi valable dans d'autres régions de Guyane : à Sa ul, Saint-Elie, Régina, Ouanary, Camopi et dans les communes du littoral.

Toujours à propos de cette dotation générale d'équipement, il serait bon que nous disposions d'un audit des centres de santé, à moins que les conclusions du dernier rapport de l'IGAS suffisent. En janvier 2000, l'Etat a pris en charge la partie curative des centres de santé, mais l'approche sanitaire doit être globale et la prophylaxie des maladies d'environnement telles que le paludisme, la dingue ou les lésions dermatologiques est essentielle, car elle contribue à résoudre les besoins en soins. Or, la vétusté de la plupart des centres, leur sous-équipement, leur sous-dotation en matériel, fournitures et personnels, deviennent arrogants lorsqu'on se trouve face à ce fameux panneau qui indique : « Ici port spatial européen ». Pourtant les dotations du FEDER, du FSE, du FEOGA, de REGIS II ont doublé pour la période 1994-1999 par rapport à la période 1989-1993. Il nous faudrait d'ailleurs avoir un débat de fond sur les freins structurels à la consommation des crédits. L'encours d'endettement de la région est de 3 175 francs par habitant, contre 960 francs pour la moyenne nationale et 2 300 francs pour le reste de l'outre-mer. Lorsque de telles charges pèsent sur le citoyen, qui prend déjà en charge toute une série de prestations, dans un contexte où l'Etat fait d'immenses sacrifices fiscaux en faveur des entreprises, on peut s'interroger sur le sens du discours sur les retards de développement à rattraper, le sous-équipement à résorber, le classement en zones d'objectif prioritaire.

Cela dit, nous avons peut-être trop tendance à nous en tenir à des indicateurs quantitatifs. Les indicateurs qualitatifs, qui participent à l'élaboration de l'indice de développement humain, sont également importants. Parmi eux, figure la nécessité d'évaluer certaines politiques. Il faudrait faire un bilan de l'usage des fonds de la part régionale de la DGD qui, depuis 1998, inclut un concours particulier pour le développement culturel. En effet, ce bilan s'impose compte tenu des enjeux culturels, identitaires, pédagogiques, qui traversent la problématique de la cohésion sociale en Guyane, et du rôle moteur que peut jouer une politique culturelle bien conçue, avec des objectifs clairs et pertinents.

Parmi ces indicateurs sociaux, figurent également les objectifs prioritaires de la santé. On a donné mission au service d'obstétrique et de gynécologie de la maternité de Cayenne de faire tomber le taux de mortalité périnatale de 14 pour 1000 à 10 pour 1000. Mais ces conditions, qui sont incluses dans le décret d'octobre 1998, ne sont p as accompagnées des moyens corespondants. Ces moyens sont effet notoirement insuffisants et ne permettent pas de respecter les objectifs opérationnels que sont le suivi de la grossesse, l'accouchement en milieu hospitalier, l'accueil des prématurés et des enfants souffrant d'hypotrophie et la constitution de réseaux pour l'amélioration des soins. Pourtant, malgré des locaux de consultation inadaptés, un bloc opératoire trop éloigné, une capacité d'accueil chroniquement en deçà de la demande, un personnel en sous-effectif et des équipements obsolètes, le centre de maternité de Cayenne est classé au niveau 3. Or, c'est des conditions dans lesquelles les femmes donnent la vie qu'il s'agit, de la vie et de la mort de femmes et d'enfants.

Mais la Guyane a la réputation d'être un « territoire contrasté » : c'est une formule élégante pour dissimuler des inégalités. Imaginez seulement ces enfants oisifs, parce qu'ils n'ont pas de place en maternelle, ces enfants tourmentés parce qu'ils ne comprennent pas les pics, les glaciers, la taïga et que, dans leur milieu familial et social, personne n'a l'art et la manière pour leur expliquer ces étrangetés, ces adolescents qui sont inquiets, parce que, à la sortie de la troisième ou de la seconde, ils ne trouvent pas de place en lycée professionnel, ou désemparés parce que, ne trouvant pas de place pour redoubler leur terminale, ils ne peuvent tenter à nouveau leur chance au baccalauréat !

M. le président.

Veuillez conclure, je vous prie, madame !

M me Christiane Taubira-Delannon.

Pourtant, ces enfants et ces adolescents regardent la télévision et ils voient ces équipes compétentes et déterminées, qui ont été obligées de suspendre leur lancement, en raison de retards dans la livraison de satellites, mais qui demeurent malgré tout performantes lorsque la livraison a lieu et qui peuvent accélérer le cours du lancement. Les enfants sont émerveillés s'ils se sentent impliqués dans l'aventure. Mais quelle injustice, quelle frustration, quelle rage peut-être, s'ils réalisent qu'ils doivent se contenter de contempler à distance des citadelles inaccessibles. Je suis sûre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous prendrez votre part dans la résorption de ces contrastes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, cette journée de débat va nous permettre d'achever les travaux ambitieux entamés l'année dernière par mon prédécesseur, Jean-Jack Queyranne, auquel plusieurs d'entre vous ont largement rendu hommage aujourd'hui, travaux que je poursuis désormais au nom du Gouvernement.

Le projet de budget de l'outre-mer pour 2001 et la loi d'orientation dont vous débattrez ce soir en dernière lecture permettent à votre assemblée de constater la volonté qui est à l'oeuvre en faveur des départements et des territoires d'outre-mer et, par son vote, s'y associer.

Des rapports de commissions objectifs mais sans complaisance, à l'exception de l'un d'entre eux, qui était à mes yeux complaisant et dénué d'objectivité - mais M. d'Aubert n'est plus parmi nous -, des échanges courtois, même lorsque perce la critique, des propositions construites, constructives, qui poussent le Gouvernement à agir encore mieux et encore plus, ce débat est bien à l'image des relations que nous avons souhaité tisser depuis maintenant plus de deux mois.

Dans ma présentation, je souhaite avant tout montrer, vous le comprendrez - ce fut d'ailleurs la trame de nombre de vos interventions -, que ce projet de budget vient en appui du grand chantier législatif que constitue la loi d'orientation pour l'outre-mer. En effet, il n'y aura ni délai, ni retard entre la promulgation de la loi et sa mise en application. Nous avons inscrit, dès le budget 2001, les crédits nécessaires pour mettre en oeuvre les mesures que vous allez adopter, je l'espère, ce soir dans la loi d'orientation.

C omme l'ont indiqué plusieurs rapporteurs, c'est incontestablement un bon budget que je viens soumettre à votre assemblée. Il est bon par sa croissance de près de 7 %, troisième taux d'augmentation des ministères, après ceux de la ville et de l'environnement, alors que la progression du budget de l'Etat est limitée à 1,5 %. Mais s'il


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est bon, c'est aussi parce qu'il s'inscrit dans une volonté globale du Gouvernement de renforcer le soutien de la République à l'outre-mer.

Je l'ai dit, le budget traduit dès l'année 2001 les décisions qui découlent du projet de loi d'orientation et qui sont inscrites à d'autres budgets, contribuant à l'effort public en faveur de l'outre-mer, effort dont vous avez, les uns et les autres, parfois regretté la répartition, la dispersion au sein de l'ensemble des budgets de l'Etat. Néanmoins, tous budgets confondus, l'effort de la République en direction de l'outre-mer augmente ainsi globalement de plus de 6 % en autorisations de programme et de près de 8 % en crédits de paiement. C'est particulièrement le cas du budget de l'emploi, avec la mesure sans précédent d'exonération de charges patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 SMIC, mesure prévue elle aussi par la loi d'orientation, qui concernera la moitié des effectifs du secteur privé et tous les travailleurs indépendants, et rerprésentera un montant de 3,5 milliards de francs en année pleine.

C'est aussi le cas de l'article 12 du projet de loi de finances, que vous avez adopté le 20 octobre dernier et qui décide de la mise en place d'un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement se substituant à la loi Pons. Ce nouveau régime d'aide sera plus juste sur le plan des principes, donc plus équitable, plus durable et plus efficace de nombreux acteurs socio-professionnels des départements d'outre-mer l'ont relevé - comme outil de développement économique, avec un volume maintenu de « dépenses fiscales » d'environ 2 milliards de francs par an.

Ce budget de l'outre-mer pour 2001 s'élève donc à 6,8 milliards de francs et augmente de près de 7 % par rapport au budget 2000. En quatre ans, de 1997 à 2001 - je voudrais le rappeler solennellement ce soir -, il aura augmenté de 40 % en valeur nominale, soit plus de 22 % à périmètre inchangé - on sait bien que la présentation budgétaire peut occulter telle ou telle évolution, ce qui témoigne de l'intérêt que ce gouvernement porte à l'outre-mer.

M ais, comme l'a souligné justement M. Jérôme Lambert, ces crédits ne représentent que 11 % de la dépense budgétaire consacrée à l'outre-mer, qui est répartie entre plusieurs ministères. Faut-il le déplorer, comme l'on fait certains d'entre vous en regrettant cet éclatement ? Je crois plutôt bon de s'en réjouir et je crois que, à défaut de pouvoir se plaindre de l'évolution du budget, on formule des critiques de forme. L'effort budgétaire global de l'ensemble des ministères en faveur de l'outremer aura augmenté de 33 % - je vous de mande de bien vouloir retenir ce chiffre - de 1997 à 2001. Il atteindra près de 62 milliards de francs en 2001. Ces années resteront dans l'histoire de l'outre-mer français comme une période d'effort sans précédent.

Le budget que je défends devant vous ce soir consacre 84 % de ses crédits aux actions d'intervention économique et sociale en faveur du développement de l'outremer. Cette part du budget, la plus active, augmente de 8 %.

La première priorité du secrétariat d'Etat est le soutien à l'emploi et au développement économique. C'est la première réponse à l'exclusion. Le Gouvernement a défini une politique économique globale qui s'attache avant tout à valoriser les atouts de l'outre-mer et à réduire ses handicaps. On ignore trop souvent que les économies des départements d'outre-mer créent, proportionnellement à leur population, plus d'emplois que celle de la métropole.

La crise de l'emploi que connaissent les départements d'outre-mer depuis plusieurs années, avec des taux de chômage de deux à deux fois et demie supérieurs à celui de la métropole, résulte largement de la différence entre ces créations d'emplois, qui connaissent de véritables dynamiques, et l'arrivée des jeunes issus de la forte croissance démographique des années 70-80, ainsi que de l'étroitesse des économies locales. Malgré ces handicaps structurels, les efforts des acteurs économiques et les actions menées par ce Gouvernement ont déjà porté leurs fruits avec une baisse du chômage de 5 % en un an qu'il faut souligner.

Le chapitre budgétaire du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer - FEDOM - représente près de 40 % du budget de l'outre-mer, et il augmente de 25 %. Dès 2001, il faudra en effet mettre en oeuvre les nouvelles mesures prévues par le projet de loi d'orientation. Au total, 88 000 actions concrètes pour l'emploi et l'insertion seront financées par le FEDOM en 2001, plus de 24 000 solutions individuelles nouvelles étant prévues par la loi d'orientation. Sans vous en donner le détail, je mentionnerai les principales.

Les 10 000 projets initiative jeunes seront une aide destinée à permettre aux jeunes de moins de trente ans soit de créer leur entreprise dans leur département d'outre-mer, soit de suivre une formation professionnelle hors de ce département.

Les 3 000 départs en préretraite à cinquante-cinq ans permettront, en contrepartie, l'embauche de 3 000 jeunes.

A cette fin, des conventions seront passées entre l'Etat, les partenaires sociaux et le conseil général ou le conseil régional.

Les 10 000 allocations de retour à l'activité permettront de lutter contre l'exclusion en favorisant le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, de l'allocation de parent isolé ou de l'allocation pour adulte handicapé, ainsi que des chômeurs de longue durée indemnisés par l'allocation de solidarité spécifique.

En outre, 1 200 primes à la création d'emplois seront destinées aux entreprises diversifiant leurs débouchés commerciaux hors du département, c'est-à-dire dans l'espace économique régional.

Enfin, les agences d'insertion bénéficieront d'une enveloppe de 50 millions de francs venant compenser la baisse de la créance de proratisation consécutive à l'alignement progressif du RMI en trois étapes.

Les autres mesures d'insertion existantes seront maintenues en 2001. Je signale tout particulièrement les 3 000 nouveaux emplois-jeunes, qui porteront à près de 14 000 leur nombre total à la fin de l'année 2001.

Mon ambition, celle du gouvernement de Lionel Jospin, est de continuer à faire baisser le chômage dans les départements d'outre-mer, en particulier celui des jeunes.

Une telle tendance s'est déjà manifestée en 2000, puisque l'on a enregistré une baisse de plus de 11 000 chômeurs en un an dans les départements d'outre-mer, dont près de 4 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans.

Autre dispositif d'insertion des jeunes apprécié : le service militaire adapté. Il joue un rôle très important dans l'insertion des jeunes et confirme son caractère attractif puisqu'il suscite cinq candidatures pour un poste. Nous avons d'ailleurs une correspondance abondante sur ce sujet avec de nombreux parlementaires. Les 900 emplois de volontaires du SMA créés en 2001 portent leur nombre total à 2 000, après les créations de 1999 et


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2000. Mon objectif est d'atteindre 3 000 en 2002, pour pouvoir former et insérer outre-mer autant de jeunes volontaires que l'on formait d'appelés en 1998.

La politique d'aide au logement, autre priorité majeure du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, entend faire face aux besoins et à l'évolution démographique. C'est le deuxième poste de dépenses du budget et il augmente fortement, avec 1,35 milliard de francs en autorisations de programme - plus 23 %. Ces crédits permettront de réhabiliter ou de construire environ 16 500 logements en 2001, contre 15 760 en 2000, et, de résorber l'habitat insalubre pour 2 300 familles.

L'intervention de la ligne budgétaire unique est complétée par le maintien des taux préférentiels de TVA pour les opérations de logements locatifs sociaux - 2,1 % au lieu de 9,5 % - et par l'intervention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat en faveur des propriétaires bailleurs. Ainsi, la totalité des sommes consacrée à l'aide à la pierre s'élèvera, pour l'année 20 01, à plus de deux milliards de francs.

La mise en oeuvre de la politique en faveur du logement passe aussi - c'est une spécificité - par les agences dites « des 50 pas géométriques ». Le dispositif réglementaire de la loi de 1996 relative à la zone des 50 pas géométriques dans les DOM est presque complet et le dernier décret à paraître relatif à l'aide exceptionnelle pour aider les personnes démunies est en cours de signature.

Les agences sont créées, leurs présidents nommés et les conseils d'administration désignés. Le conseil de l'agence de Martinique s'est déjà réuni à deux reprises et la nomination des directeurs est en cours.

Pour assurer aux agences les moyens de fonctionner, j'ai déposé un amendement au projet de loi de finances qui reporte au 30 avril 2001 la date limite d'intervention de la délibération de chacun des deux conseils d'administration sur le vote du montant de la taxe spéciale d'équipement, principale ressource des agences.

Par ailleurs, dans l'attente de la perception de cette taxe en 2001, j'ai demandé, dans le cadre de la préparation de la loi de finances rectificative pour 2000, l'inscription d'une subvention de l'Etat pour couvrir les dépenses du premier exercice de chaque agence.

L'action sociale et culturelle, autre volet important de ce budget, disposera de 230 millions de francs, en augmentation de 44 millions de francs et 23 %. Cette majoration résulte principalement de l'inscription de mesures décidées par la loi d'orientation - en dernière lecture ce soir - avec 12 millions de francs pour le fonds de promotion des échanges éducatifs, sportifs et culturels et 20 millions de francs pour l'installation de quatre fonds de coopération régionale au bénéfice des quatre départements d'outre-mer - mais je n'oublie pas Mayotte, sur lequel je reviendrai tout à l'heure -, fonds qui remplaceront l'ancien fonds interministériel caraïbe.

En complément, 12 millions de francs sont prévus pour les actions de formation et d'insertion dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, avec le nouveau programme de formation des cadres.

En Nouvelle-Calédonie, le programme « cadres avenir », prévu par les accords de Nouméa de 1998, prolonge le programme « 400 cadres », qui a eu un impact considérable, que j'ai pu apprécier sur place, il y a quelques semaines.

Ce programme concerne maintenant les cadres moyens et supérieurs, les enseignants, et la formation à l'exercice des responsabilités dans le domaine des compétences administratives. Il est important pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Je tiens à souligner ici l'effort particulier décidé par le ministre de l'éducation nationale et que plusieurs d'entre vous ont bien voulu souligner. Le 18 octobre dernier, Jack Lang et moi avons présenté les perspectives éducatives du Gouvernement pour l'outre-mer. Pour l'ensemble des collectivités d'outre-mer, les trois dernières années ont permis de combler les retards vis-à-vis de la métropole en matière de créations d'emplois : sur les 5 219 emplois créés dans l'éducation nationale, plus des deux tiers l'ont été pour les départements d'outre-mer, dans le cadre du plan de développement. Cela représente une croissance de plus de 12 % des effectifs entre 1997 et 2000.

Un effort concernant les constructions scolaires a également été consenti, avec près de 500 millions de francs supplémentaires inclus dans les contrats de plan Etatrégions. Pour Mayotte et pour la période 2000-2004, hors contrat de plan, 681 millions sont programmés pour les constructions scolaires, et viennent s'ajouter aux 500 millions de francs déjà prévus dans le contrat de plan entre l'Etat et Mayotte.

Le Gouvernement a ainsi décidé de prolonger son engagement en faveur de l'égalité des chances pour tous dans l'éducation, en prenant davantage en compte les identités régionales, avec l'adaptation aux cultures locales d'une partie des programmes d'enseignement nationaux, notamment en histoire et en géographie avec la création, dès 2002, après examen et les consultations nécessaires, d'un CAPES de langues régionales créoles et avec le développement du pôle universitaire de Guyane, pour lequel sont d'ores et déjà prévus 400 millions de francs de crédits d'Etat et européens.

Les actions de développement économique, avec les contrats de plan et de développement, augmentent de 21 % en autorisations de programme.

Dans ce cadre, la subvention au FIDOM, le fonds d'investissement dans les DOM, passe à 340 millions de francs en autorisations de programme, en hausse de 55 %, et à 250 millions de francs en crédits de paiement en hausse de 15 % Le FIDES, fonds d'investissement pour le développement économique et social, qui concerne les territoires d'outre-mer, bénéficie pour l'essentiel aux contrats passés avec la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Il atteint 174 millions de francs en autorisations de programme - en progression de 20 % - et 146 millions de francs en crédits de paiement.

Les contrats de plan et de développement sont financés environ un tiers dans les DOM et pour deux tiers dans les TOM et les collectivités par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Globalement, pour avoir une idée claire de cette progression, cette nouvelle génération de contrats - contrats de plan et contrats de développement - bénéficie d'une enveloppe annuelle de 1,9 milliard de francs, contre 1,5 milliard de francs pour les précédents contrats - en progression de 28 %.

En ce qui concerne les départements d'outre-mer, la dotation en moyenne annuelle passe de 642 millions de francs à 806 millions de francs, soit une augmentation de 25 % il convient de souligner l'effort particulier du Gou-


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vernement en faveur du département de la Guyane, comme en témoigne le taux d'augmentation du contrat qui atteint 54 %.

Je souhaite aussi évoquer rapidement les crédits attendus des fonds structurels de l'Union européenne, qui connaissent une croissance très forte, puisqu'ils passent de 12 milliards à plus de 23 milliards de francs. En tenant compte de ces crédits communautaires, les quatre départements d'outre-mer devraient être en mesure d'engager au total 30 milliards de francs d'investissements publics dans les sept prochaines années.

Voilà, mesdames, messieurs des députés, les quelques informations que je souhaitais partager avec vous pour vous convaincre que le Gouvernement maintient son engagement, l'accélère dans certains domaines et l'amplifie dans d'autres.

Je voudrais maintenant répondre à certaines des observations formulées par les rapporteurs de vos commissions.

M. d'Aubert ne nous a pas épargné le dictionnaire des idées reçues sur l'outre-mer. Je ne peux que regretter, non seulement son absence, mais surtout le fait qu'il ait réduit l'outre-mer français à une zone de non-droit, sous perfusion d'argent public, avec des accents dont l'ensemble des députés présents - et certains me l'ont confié ce matin ont pu penser, un instant, qu'ils n'échappaient pas à la tentation du mépris.

Ce rapport s'oppose à tous les autres et il faut saluer le caractère objectif et mesuré, tout en étant sans complaisance, du rapport de M. Auberger.

Mais la critique de M. d'Aubert n'a pas porté seulement sur la cohérence de l'action de ce gouvernement - je vais lui répondre sur ce point -, mais aussi sur son efficacité.

Mesdames et messieurs les députés, je ne serais jamais de ceux qui nient les difficultés concrètes et quotidiennes des sociétés d'outre-mer. Mais, s'agissant de la sécurité, par exemple, je souhaite rappeler à M. d'Aubert qu'en quatre ans les effectifs des forces de police ont augmenté de 15 %, et même de 16 % en Guyane. Depuis le mois de septembre, les Antilles disposent d'un escadron supplémentaire de gendarmes mobiles ; il en est de même pour l'océan Indien. S'agissant de la lutte contre la drogue dont certains d'entre vous ont souligné la présence, je veux juste signaler, sans sous-estimer l'ampleur du phénomène, que les interpellations ont augmenté de 27 % en deux ans.

Le ministère de la justice fait un effort exceptionnel en faveur de l'outre-mer - il y avait beaucoup à faire, j'en conviens - en augmentant sensiblement les effectifs de l'administation pénitentiaire et en faisant progresser de près de 20 % des autorisations de programme en deux ans, ce qui permettra de moderniser de façon importante le patrimoine immobilier de l'institution judiciaire.

M. d'Aubert a également prétendu que seul un très petit nombre de jugements rendus par les tribunaux correctionnels serait exécuté - il fallait notamment allusion à la Guyane. En fait, cette situation a été corrigée depuis 1998 : trois greffiers supplémentaires ont été affectés par la chancellerie en 1999 et 2000. Aujourd'hui, les effectifs du greffe du tribunal de Cayenne sont supérieurs à ceux des juridictions comparables en métropole.

M. d'Aubert a fait référence à la situation de la SODERAG et de la SIFIDEG. Il s'agit de deux dossiers différents, mais difficiles, que l'Etat n'entend pas laisser aller à la dérive.

C'est à la demande de l'Etat, en 1994, que l'AFD a prix de contrôle de la SODERAG. Depuis 1993, cette société de développement régional n'a mené aucune activité de crédit et s'est consacrée exclusivement à une activité de recouvrement à l'égard des débiteurs défaillants.

Les opérations de liquidation suivent leur cours, tant en ce qui concerne la cession du portefeuille de prêts que les cessions d'actifs.

La SOFIDEG, quant à elle, a joué un rôle dans le développement de la Guyane, comme l'a relevé récemment l'inspection générale des finances. Après avoir subi des pertes importantes, elle a dégagé depuis deux ans des résultats financiers stables. Mais sa rentabilité n'étant plus assurée, il fallait prendre des mesures. C'est pourquoi des efforts importants ont été engagés pour assurer son redressement dans le cadre d'un plan dont la mise en oeuvre commence à porter ses fruits, selon le constat même de l'inspection générale des finances. Un nouveau président devrait être prochainement élu pour poursuivre ce redressement.

S'agissant des actions menées par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui ont été un peu injustement mises en cause - selon moi - dans le même rapport, je tiens à souligner l'effort exceptionnel que consent l'Etat pour renforcer l'efficacité des actions d'insertion et la compétitivité des entreprises. Le programme d'exonérations des charges patronales, dont vous allez ce soir adopter le principe, illustre amplement le nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement.

L'évolution de l'emploi outre-mer contredit l'appréciation de M. d'Aubert. Encore une fois, les économies des départements d'outre-mer sont plus fortement créatrices d'emploi que celle de la métropole : près de 46 000 emplois depuis 1995, soit plus de 25 % en six ans, et plus de 26 000 emplois depuis 1997. Je ne vous rappellerai pas quels sont les secteurs créateurs d'emplois, vous le vérifiez vous-mêmes dans vos départements : ici c'est l'agriculture, ailleurs c'est la construction ou encore le secteur tertiaire, comme à la Réunion.

Les dispositifs, dont le principe devrait être adopté ce soir, agiront à la fois sur le coût du travail salarié et sur le bilan des entreprises. Ils placeront ces dernières dans de meilleures conditions pour affronter la concurrence difficile qu'elles connaissent dans leur environnement. Voilà, mesdames et messieurs les députés, pour répondre à la critique de M. d'Aubert, qui portait sur la cohérence de ce budget.

Le même rapporteur a eu des mots très durs, voire inacceptables, à propos du RMI. L'alignement du revenu minimum d'insertion est une question de principe, de justice, de dignité, et il se fera. Pour autant, la loi d'orientation prévoit de recentrer le dispositif du RMI sur l'insertion professionnelle et de renforcer l'efficacité des dispositifs d'insertion. L'objectif du Gouvernement est bien d'inverser la tendance du RMI, c'est en cela que la lutte contre l'exclusion est aussi une lutte pour l'emploi.

S'agissant du logement, M. d'Aubert avait paru regretter que l'augmentation de plus de 22 % des autorisations de programme résulte de la compensation de la diminution de la créance de proratisation du RMI. Il chiffre à près de 0,5 % l'évolution réelle de la diminution de cette créance hors compensation. En fait, si on veut être honnête - l'était-il ? -, il convient de comparer les enveloppes budgétaires qui sont téellement affectées au logement social, en tenant compte des ajustements intervenant, en cours de gestion, par répartition de cette créance de proratisation.


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La ligne budgétaire unique, plus la créance de proratisation, c'est plus de 4 % en 2001. Cela va au-delà de la compensation de la baisse de la créance.

M. Auberger, quand est venu son tour, a présenté un rapport compet sur les territoires d'outre-mer, rapport mesuré, bien que sans concession. Sur la Polynésie française, je partage ses conclusions sur deux points.

D'abord, il faut valoriser l'engagement de l'Etat dans le cadre des conventions postérieures aux expérimentations dans le Pacifique. Le représentant de l'Etat, le hautcommissaire, s'y emploie. Je l'ai encouragé à poursuivre cet effort pédagogique, pour que nos citoyens de Polynésie prennent mieux conscience des efforts considérables qui sont faits par l'Etat.

S'agissant de l'évaluation et du contrôle de l'emploi des deniers publics, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, je partage totalement les souhaits de M. Auberger. Je peux donner à cet égard deux informations qui devraient le satisfaire.

D'une part, l'inspection générale des finances est présente en ce moment en Polynésie française pour déterminer les méthodes d'évaluation des fonds de conversion et autres conventions passéees entre l'Etat et le territoire.

Par ailleurs, j'ai pu assister, lors de mon récent déplacement en Polynésie française, le 28 octobre, à l'installation officielle de la Chambre territoriale des comptes de Polynésie qui dispose maintenant des moyens nécessaires à son travail. J'ai convenu avec Mme Gisserot, la procureure générale de la cour des comptes, d'un rendezv ous pour examiner les dispositions juridiques et comptables applicables à la Polynésie et pour envisager les adaptations et modernisations nécessaires.

M. Auberger a exprimé également une une appréciation nuancée à l'égard des redistributions de terres en Nouvelle-Calédonie. En fait, cette mesure a été essentielle pour le rééquilibrage entre les provinces du Nord et du Sud. Elle fait l'objet d'une approbation partagée en Nouvelle-Calédonie et, avec 150 000 hectares redistribués des propriétaires aux Mélanésiens, elle est loin d'être marginale. Elle est exemplaire de la continuité de l'action des différents gouvernements. Elle avait d'ailleurs été entreprise avant les accords de Nouméa.

S'agissant de l'annexe au rapport de M. Auberger, traitant du nickel en Nouvelle-Calédonie, ma réaction sera, en revanche, un peu différente.

Sur les anomalies qu'avait cru déceler M. Auberger, une seule a été retenue par la Cour des comptes. Encore ne s'agit-il que d'une erreur de procédure comptable. En effet, les crédits versés à l'occasion de l'échange de massifs miniers de Poum et du Konianbo, au profit de la société minière du Sud Pacifique, ont été imputés sur le compte d'affectation spéciale réservé aux prises de participation de l'Etat, alors qu'il s'agissait, d'après la Cour des comptes, d'une indemnité pour préjudice d'expropriation, qui aurait dû être imputée sur le budget général.

A ma connaissance, tous les autres griefs ont été écartés par la Cour des comptes. Je tiens donc à la disposition de M. Auberger le rapport définitif de la Cour, qui avait été saisie à son initiative ; ce rapport a d'ailleurs dû être transmis par la Cour à la commission des finances de votre assemblée. L'enjeu politique de cette opération était majeur. En effet, la gestion de ce dossier par le gouvernement précédent avait conduit à une impasse totale.

L'accord de Bercy, signé par le Gouvernement en février 1998, a ouvert la voie aux négociations qui ont abouti à la signature de l'accord de Nouméa.

M. Hoarau ainsi que M. Thien Ah Koon ont évoqué la situation des non-titulaires des collectivités locales dans départements d'outre-mer.

Le Gouvernement est tout à fait conscient des difficultés rencontrées par les élus et par les agents des collectivités locales. En effet, le nombre de non-titulaires deux tiers des effectifs - est le double de ce qu'il est en métropole. Les raisons de cette situation sont multiples.

Elles sont d'ailleurs bien connues de tous. La solution est compliquée, chacun l'a souligné, en raison des enjeux locaux, juridiques et financiers. Juridiquement, la loi présentée par M. Sapin pour résorber la précarité devrait proposer des solutions adaptées, peut-être perfectibles ; d'ailleurs, les parlementaires interviendront.

Au plan financier, l'enjeu est énorme : pour la Réunion, sans doute plus de 650 millions de francs. La solution doit être progressive et adaptée au contexte local.

Je veux, à titre d'exemple, saluer l'action de l'Association des maires de la Réunion qui a choisi une bonne méthode, fondée sur la concertation avec les syndicats de fonctionnaires. Un protocole a été signé. Le préfet a reçu pour instruction d'accompagner sa bonne application. Je souhaite que le plus grand nombre possible de communes le mettent en oeuvre. Il permettra, pour un coût mesuré, d'intégrer progressivement des non-titulaires dans la fonction publique territoriale.

Le débat sur ce projet de loi va être l'occasion d'améliorer le dispositif. Pour ma part, je m'engage devant vous à poursuivre la recherche de solutions progressives pour ne pas déstabiliser les finances locales, non plus que l'ensemble des finances publiques.

Dans son rapport, M. Jérôme Lambert a évoqué les dispositions fiscales applicables à Saint-Martin, souhaitant que la loi leur donne une meilleure stabilité juridique.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur cette question lors de l'examen de la loi d'orientation. Dans la mesure où cette situation juridique n'est pas contestée, il n'est pas apparu nécessaire au Gouvernement de modifier les textes applicables.

Aujourd'hui, je voudrais le redire fortement car la situation de Saint-Martin comme celle de Saint-Barthélemy constituent en quelque sorte une forme de double insularité, il est important que ces îles puissent bénéficier rapidement et au maximum des dispositifs adaptés à leur économie locale. La nouvelle mesure d'exonération de la part patronale des cotisations de sécurité sociale devrait donner un ballon d'oxygène à l'économie locale. Elle constituera en tout cas une réponse très importante au différentiel négatif de compétitivité dont souffrent les entreprises de Saint-Martin.

M. Jean-Yves Caullet, que je remercie de son rapport très positif, a paru regretter la modification des agrégats budgétaires. Je lui indique que ce changement s'inscrit dans une démarche globale voulue par le Gouvernement et qui vise - vous y verrez peut-être un paradoxe - à rendre plus cohérente pour l'avenir la présentation des budgets de tous les ministères. L'objectif dans ce domaine est bien d'améliorer la lisibilité des documents budgétaires, et donc l'information des parlementaires. Mais en vous entendant, monsieur le député, j'ai bien compris qu'il s'agissait là d'une première étape et que nous étions loin d'avoir répondu à toutes vos attentes.

M. Henry Jean-Baptiste a souhaité que Mayotte bénéficie des fonds de coopération régionale. Ainsi que je l'ai indiqué à plusieurs reprises, j'espère que nous y parviendrons. Pour l'heure, le projet de loi statutaire permettra de créer deux fonds spécifiques : un fonds de développe-


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ment visant à soutenir les entreprises - je l'ai annoncé aux élus mahorais lundi dernier - et un fonds au bénéfice des communes qui se verront attribuer une dotation spécifique de rattrapage et d'équipement.

Vous avez souhaité également, monsieur Jean-Baptiste, que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer reconstitue une capacité d'expertise en matière de politique de logement.

Je vous rassure : sur tous les aspects techniques, nous travaillons en relation étroite avec le secrétariat d'Etat au logement. La gestion de la ligne budgétaire unique est par ailleurs largement déléguée au préfet, et la loi d'orientation prévoit une implication plus forte des collectivités dans les décisions en matière de logement.

La contribution annuelle de l'Etat à Mayotte, prévue dans le contrat de plan, passe de 245 millions à 360 millions de francs, soit une augmentation de 47 %. Pour la période 2000-2004, s'ajoute une dotation complémentaire de plus de 3 milliards pour le financement de la politique de l'habitat, des constructions scolaires et des dépenses régaliennes.

Bref, l'ensemble des secteurs sont fortement couverts par l'action et l'intervention budgétaire de l'Etat. Mayotte n'est pas oubliée, monsieur le député. J'ajoute que, depuis 1999, l'ensemble des crédits destinés à l'emploi et à la formation professionnelle sont individualisés dans un article particulier, et augmentent de 15 % pour financer le nouveau centre de formation professionnelle, les chantiers locaux et les contrats emploi consolidé.

Par ailleurs, le programme de formation des cadres, en cours de finalisation, est inscrit au XIIe plan 2000-2004 pour un montant global de 30 millions de francs qui seront financés par le secrétariat d'Etat. Il permettra à des fonctionnaires et à des jeunes diplômés mahorais de bénéficier de formation adaptées pour accéder aux différents niveaux d'encadrement. Cette évolution est parallèle à celle des institutions.

M. Vernaudon a évoqué l'emploi des crédits publics en Polynésie française. Ainsi que je l'ai rappelé récemment mais n'était-ce pas une évidence ? - l'Etat, en Polynésie comme ailleurs, est non pas un guichet mais un partenaire. Les choix et les priorités définies par le territoire doivent donc pouvoir rencontrer, au prix d'un vrai dialogue, les orientations souhaitées par le gouvernement de la France.

Le contrat de développement avec la Polynésie vient d'être signé. Et un contrat, c'est bien la rencontre de deux volontés et de deux signatures, en Polynésie comme ailleurs. Sur la période 2000-2003, celui-ci prévoit une participation de l'Etat de 1,120 milliard de francs. Cela représente une hausse de 11,5 % de l'effort de l'Etat, en moyenne annuelle, par rapport au contrat précédent.

Enfin, monsieur le député, vous avez évoqué la situation des 1 722 instituteurs de catégorie B appartenant au corps d'Etat pour l'administration de la Polynésie française. D'ici à 2007, ces instituteurs seront progressivement intégrés dans le corps de catégorie A. Les propositions qui ont été faites, et dont vous vous êtes fait l'écho, méritent cependant réflexion. Sans méconnaître les difficultés de ce dossier, je mets en place une concertation entre mes services et ceux de l'éducation nationale et de la fonction publique afin de traiter cette question.

Le contrat de développement conclu avec Wallis-etFutuna pour la période 2000-2004 a été signé le 4 mai 2000. Plusieurs d'entre vous l'ont évoqué, notamment M. Caullet et M. Victor Brial, bien évidemment. Il regroupe dans un document unique l'ensemble des interventions inscrites précédemment dans un contrat de plan et une convention de développement. La part de l'Etat, qui représente globalement 244 millions de francs sur cinq ans, augmente de 35 % en moyenne annuelle. Je tiens à le souligner car cela illustre l'engagement de l'Etat en faveur du développement de Wallis-et-Futuna, le retour annuel par habitant est de 3 486 francs, montant très largement supérieur à celui des autres contrats de développement.

Le député de Wallis-et-Futuna a exprimé son inquiétude. En remettant ces chiffres en perspective, je voudrais contribuer à le rassurer. En tout cas, j'ai vérifié par moimême, lorsque je l'ai rencontré à Wallis, qu'il était nécessaire d'améliorer les dessertes aérienne et maritime.

Monsieur Brial, avec M. Caullet, M. Bussereau et d'autres vous avez soulevé la question des évolutions statutaires à Wallis-et-Futuna. J'ai moi-même évoqué ce sujet, il y a quelques semaines, dans l'hémicycle de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna. Je suis tout à fait favorable à ce que le dialogue qui s'était esquissé avec mon prédésseur puisse se poursuivre, prenant en compte le point de vue des élus issus du suffrage universel, l'attachement de la population aux valeurs coutumières et la nécessité de favoriser des outils de développement local.

Sur ce dernier point, l'intervention conjointe de l'IRD et de l'AFD, que le Gouvernement a souhaitée, doit permettre aux acteurs locaux de mieux identifier les secteurs porteurs d'emplois. La convention avec l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outremer - l'ANT -, dont vous avez souligné la qualité, correspond également à un engagement qui sera respecté.

Wallis-et-Futuna n'est pas un territoire oublié de la République.

En réponse à M. Bussereau comme à vous-même, monsieur Brial, veux dire que le Gouvernement est très attentif à l'accord particulier entre Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie. Il prendra ses responsabilités dans cet accord quand les acteurs locaux auront trouvé un consensus. Je sais qu'ils y travaillent et qu'ils ne sont pas très loin d'aboutir. Je souhaite que ce soit le plus rapidement possible.

MM. Tamaya, Moutoussamy et Marsin ont souhaité que le Gouvernement soit particulièrement vigilant sur la rapidité de promulgation des décrets d'application de la loi d'orientation. Jérôme Lambert, qui est rapporteur de ce texte, me l'a également demandé : sachez que d'ici à janvier au plus tard, les assemblées locales seront saisies des premiers projets de décret, pour permettre une application ultra-rapide de la loi, mais il nous faut, bien sûr, respecter toutes les procédures.

S'agissant des quotas de légines, évoqués par les parlementaires de la Réunion, un accord est intervenu entre les ministères concernés et les quotas sont reconduits à l'identique pour la campagne actuelle. Une réflexion est engagée pour définir les meilleurs moyens de lutte contre la pêche illégale, la pêche pirate notamment, par une meilleure coopération avec d'autres Etats de la région.

Notre souhait est, en effet, d'inscrire l'action de ce secteur dans la durée. Je pense que mes propos sont de nature à vous rassurer sur ce point.

M. Bussereau a relevé le problème des surrémunérations dans la fonction publique d'outre-mer. Nul n'a de solution miracle, ni ce gouvernement ni ceux qui l'ont précédé. Le dispositif doit être revu - le Parlement l'a souhaité, l'Assemblée nationale comme le Sénat -, mais personne ne doit négliger les difficultés de recrutement q ue connaissent certaines régions, par exemple les communes de l'intérieur de la Guyane. Vous le savez, pour l'avoir voté, la loi d'orientation a prévu, en son


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article 12 bis , une réforme de la prime d'éloigement pour les départements d'outre-mer. Là encore, cependant, je suis disposé à rencontrer les organisations professionnelles.

La Nouvelle-Calédonie - M. Bussereau l'a dit - n'est pas incluse dans la zone euro. En effet, l'appartenance à la zone euro suppose l'application des dispositions du traité de l'Union européenne et de son droit dérivé, ce qui ne serait pas sans soulever des difficultés pour le développement de la Nouvelle-Calédonie.

En réponse à Mme Taubira-Delannon, je voudrais souligner l'engagement fort de l'Etat en faveur du développement durable de la Guyane. La part Etat du nouveau contrat de plan augmente de 54 % pour la période à venir. Les fonds structurels consacrés à la Guyane augmenteront de 115 % pour la période 2000-2006. La participation de l'Etat aux investissements scolaires s'élèvera à 260 millions, et 195 millions de francs sont prévus pour le pôle universitaire. Cela étant, je connais bien sûr moins bien que vous les difficultés de la Guyane. Il faudra en effet prendre à bras-le-corps un certain nombre de problèmes, mais il était d'abord nécessaire de prévoir des moyens budgétaires.

S'agissant des difficultés que rencontre l'hôpital de Cayenne, une mission de l'IGAS a fait le point à la rentrée. Les mesures appropriées sont en cours de préparation avec le ministère de la santé. Une dotation de 35 millions de francs a été affectée en 2000 pour assurer la première étape du transfert de compétence relatif aux activités de soins des 21 centres de médecine collective.

Une enveloppe supplémentaire est prévue pour 2001.

Vous avez relevé la baisse de la dotation globale de décentralisation du département de la Guyane. Celle-ci est due à la seule compensation du transfert de charges que le département ne supporte plus depuis la mise en place de la CMU.

En tout état de cause et comme je vous l'ai écrit récemmment, une mission part ces jours-ci pour la Guyane pour faire le bilan de la décentralisation. Tous ces sujets, parmi beaucoup d'autres à caractère peut-être plus institutionnel, pourront être abordés à cette occasion.

Mme Huguette Bello a évoqué « le calendrier de l'égalité » et j'adhère à cette formule généreuse. Ce sera à l'actif de ce gouvernement que d'avoir réussi l'alignement du montant du RMI dans les DOM sur celui de la métropole, après tant de promesses prodiguées par certains, et contre tant d'opposition manifestée par d'autres.

Le calendrier définitif de sa mise en oeuvre sera connu avant la fin de cette année.

M. Moutousssamy, comme beaucoup d'autres, a regretté l'absence de lisibilité de l'ensemble des crédits de l'Etat pour l'outre-mer. La réforme de l'ordonnance de 1959 devra permettre de progresser grâce au budget de programme, lequel sera plus adapté que les fascicules jaunes qui sont effectivement trop tardifs et souvent très partiels.

S'agissant du soutien fiscal, M. Hoarau s'est demandé si le taux de 60 % de répercussion de l'avantage fiscal n'était pas un peu trop élevé pour les petits projets, le risque étant de ne plus pouvoir amortir les charges fixes de montage des dossiers. Cette question fait actuellement l'objet d'un examen technique, et je suis tout à fait ouvert à ce qu'on fasse ultérieurement progresser ce dispositif.

Par ailleurs, en réponse à d'autres intervenants, je souhaite préciser que le champ d'application a été sensiblement étendu. Je citerai par exemple les investissements en matière de maintenance, la rénovation hôtelière et les services informatiques à la suite d'un amendement que j'avais suggéré. Cela va constituer pour les départements d'outre-mer une activité nouvelle très prometteuse.

Seuls les paquebots de croisière sont maintenant exclus de ce soutien fiscal, eu égard à la faiblesse de leur apport sur l'emploi local comparée à leur coût budgétaire.

Puisque le niveau de « dépense fiscale » sera maintenu et stabilisé pour l'outre-mer, il nous a paru préférable de choisir d'autres projets.

M. Grignon a exprimé sa préoccupation sur la situation financière de Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous nous en sommes fréquemment entretenus et je suis pleinement conscient des difficultés actuelles. Après la mission de contrôle budgétaire de la chambre régionale des comptes, il est prévu de soutenir financièremenet la collectivité territoriale. Le collectif de fin d'année devrait apporter une réponse satisfaisante à la préoccupation des élus de SaintPierre-et-Miquelon.

Vous avez, monsieur le député, évoqué la question des hydrocarbures. Je peux vous apporter d'ores et déjà quelques précisions. Pour le cahier des charges, un projet est en cours de mise au point, en liaison avec le secrétariat à l'industrie. Au sujet de la liberté d'avitaillement, à l'occasion des rencontres franco-canadiennes, la délégation française a souligné fermement l'importance de cette question et la nécessité d'une solution satisfaisante à l'occasion d'un accord en matière d'hydrocarbures.

Pour l'instant, les obstacles soulevés par nos amis canadiens sont de nature juridique, mais les discussions se poursuivent et ces obstacles devraient pouvoir être levés.

Pour ce qui concerne les retraites, je partage votre sentiment sur la nécessité d'une évolution à caractère exceptionnel, vu la différence d'évolution des prix. Le niveau de cette hausse fait l'objet d'un examen interministériel en vue d'une décision prochaine.

Vous avez également fait allusion à la situation de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon. C'est l'une des principales activités économiques de l'archipel. Le développement de cette activité implique une gestion rationnelle de la ressource et la poursuite des efforts de diversification et de valorisation des produits. Je rappelle que les montants de capture admissibles dans cette zone sont fixés par le conseil consultatif franco-canadien, mais la partie française a rappelé à plusieurs reprises les intérêts de SaintPierre-et-Miquelon.

Enfin, s'agissant du transfert de compétences à la collectivité en matière d'exploitation des ressource halieutiques, je puis préciser que les modalités de ce transfert sont en cours de définition par un cahier des charges qui sera approuvé par décret après avis du conseil général.

La question de la notion de régions ultra-périphériques a également été soulevée par M. Hoarau. Cette notion, que la France a contribué, avec l'Espagne et le Portugal, à faire inscrire dans le traité sur l'Union européenne est bien circonscrite par l'article 299-2 du traité qui identifie les handicaps permanents nuisant au développement économique des régions qu'elle énumère. Il s'agit notamment de nos quatre départements d'outre-mer. La situation particulière de ces régions autorise la Commission et le Conseil à prendre à leur profit des dispositions spécifiques.


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A cet égard, les propositions de décision concernant les taux d'intervention des fonds structurels et les dérogations agricoles que la France avait fait figurer dans son mémo-r andum seront présentées à la Commission le 29 novembre prochain en vue de leur examen par un conseil qui suivra cette réunion des commissaires européens. Par ailleurs, un bilan des mesures de mise en oeuvre de l'article 299 sous présidence française sera fait au sommet de Nice le 7 décembre prochain.

Je crois pouvoir dire d'ores et déjà, à l'ensemble des députés des départements d'outre-mer, que cette présidence française, en ce second semestre de l'année 2000, verra des avancées considérables dans les conditions d'intervention de l'Union européenne en faveur des départements d'outre-mer au nom de la situation ultra-périphérique de ces régions. J'aurai le plaisir de vous le confirmer dans quelques semaines.

M. Pierre Petit a indiqué que la diversité des quatre départements d'outre-mer était insuffisamment prise en compte. En réalité, la loi d'orientation a prévu des solutions différenciées, adaptées à chaque contexte local. Cela est surtout vrai en matière institutionnelle, mais pas seulement. S'agissant de la lutte contre la toxicomanie autre sujet que vous avez évoqué, monsieur le député - la France a proposé à tous les Etats de la Caraïbe la création d'un centre caribéen de coopération aux fins de lutter contre le trafic de drogue dans la zone. Certains pays ont déjà fait part de leur accord, la Dominique notamment, et le Royaume-Uni y semble favorable. J'espère, que ce projet aboutira très prochainement.

M. Chaulet a évoqué le dispositif de soutien fiscal. Je maintiens, monsieur le député, que ce nouveau dispositif est bien plus juste, plus moral, donc qu'il sera moins critiquable dans l'avenir et moins sujet à des remises en cause. Il sera aussi plus efficace. Je n'en apporterai pas la démonstration une nouvelle fois ce soir.

S'agissant de la suppression envisagée de la prime pour l'apprentissage, je vous rappelle que votre assemblée a supprimé, par amendement, cet article du projet de loi de finances.

M. Asensi a souligné les difficultés d'insertion des départements et territoires d'outre-mer dans leurs zones.

Le Gouvernement a fait de la coopération régionale une priorité : le statut de la Nouvelle-Calédonie adopté en 1999 va bien dans ce sens. La loi d'orientation également. Je crois que chacun pourra trouver matière à s'investir grâce à ces nouvelles dispositions.

M. Turinay et M. Marsin ont souligné les problèmes de sécurité en Martinique et en Guadeloupe. A cet égard je rappelle, que de 1997 à 2000, le nombre des policiers a augmenté de 15 % en Martinique, passant de 521 à 599.

Pour la Guadeloupe, un commissariat annexe a été créé à Gosier. Par ailleurs, un escadron de gendarmes mobiles a été affecté aux Antilles le 1er septembre dernier. Bref, nos moyens dans ce secteur évolueront pour essayer de satisfaire des besoins de sécurité dont je serai le dernier à nier l'importance et la gravité.

M. Turinay a également évoqué la question des personnes âgées ou handicapées qui risquent d'être exclues de la CMU au 30 juin 2001 parce que leurs ressources seront légèrement supérieures au plafond. Ce problème existe et n'est pas spécifique aux départements d'outremer. Il concerne l'ensemble du territoire national. Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, Mme Guigou a apporté une solution partielle en portant à 3 600 francs le plafond de ressources au dessus duquel on ne peut plus bénéficier de la CMU. Cela ne réglera qu'une partie des situations, mais c'est un effort dans le sens que vous souhaitez.

M. Marie-Jeanne a soulevé le problème de l'accès au crédit.

En premier lieu, il peut être observé de façon générale que la baisse des taux à moyen et long terme, forte depuis 1992 dans les DOM comme en métropole, notamment en Martinique, a permis une amélioration de l'accès des entreprises au crédit. A cet égard, la fin du dispositif de réescompte n'a pas arrêté ce mouvement d'amélioration des conditions débitrices des entreprises martiniquaises.

Il faut ensuite souligner - c'est un symptôme - une baisse du nombre des créances douteuses, même si son niveau reste élevé.

Enfin, la mise en oeuvre du nouveau fonds pour les départements d'outre-mer permet, depuis près d'une année, d'offrir aux entreprises locales, par l'octroi de garanties, de nouvelles facilités d'accès au crédit. Il est d'ailleurs envisagé de compléter ce dispositif par un mécanisme d'apport de fonds propres de type fonds régional de participation.

Quant au dossier concernant la création d'un établissement régional de développement et d'investissement, proposée dans le document unique de programmation de la Martinique, son instruction est en cours dans le cadre des régimes d'aide des différents DOCUP.

L'indispensable soutien à l'agriculture a été évoqué par plusieurs d'entre vous, en particulier par M. Léo Andy, notamment au regard de ses aspects communautaires. En effet, les dossiers en cours avec la Commission européenne sont nombreux - encore plus pendant la présidence française - et ont fait l'objet de diverses réunions avec les services communautaires. Je viens de rencontrer moi-même le commissaire Michel Barnier à ce sujet.

L'avenir des cultures de base de l'économie agricole - la canne à sucre et la banane - est posé avec la réforme des organisations communes des marchés - OCM banane et OCM sucre -, ainsi que par l'initiative sur la libéralisation des droits et contingents prévus pour l'intégralité des produits originaires des pays les moins avancés. Dans ces débats aussi, la France défend avec beaucoup d'énergie, - notamment M. Jean Glavany, avec lequel j'évoque souvent ces questions - les intérêts des producteurs des départements d'outre-mer.

En ce qui concerne la banane, je rappelle que seul le volet externe de l'OCM a été condamné par l'Organisation mondiale du commerce. Les décisions prises au début du mois d'octobre répondent, pour l'essentiel, aux demandes exprimées par le Gouvernement français sur le maintien d'un régime contingentaire qui soit compatible avec l'Organisation mondiale du commerce au regard des évolutions qui doivent rester contrôlées par les décisions des Etats.

Je souhaite que nous puissions aboutir sur ce dossier durant la présidence française, étant entendu que la réforme du volet interne doit être ouverte simultanément.

En effet, des mesures d'accompagnement sont nécessaires p our préserver une production communautaire de bananes. Les groupements de producteurs ont exprimé leur convergence de vue avec le Gouvernement le 6 novembre dernier. C'est sur ces bases que la France engagera les prochaines discussions.

Quant à l'OCM sucre, le Gouvernement français demande la reconduction à l'identique du dispositif actuel qui garantit l'écoulement du sucre des départe-


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ments d'outre-mer. La proposition de la Commission européenne conduirait à une refonte complète de cette OCM avec, notamment, la suppression du régime de péréquation des frais de stockage et d'autres mesures. Elle n'est donc pas acceptable en l'état.

S'agissant des inquiétudes relatives à l'éventuelle ouverture du marché communautaire aux pays les moins avancés, la France a mis en avant les dangers qu'une telle init iative recèle. Elle a demandé aux autorités communautaires qu'ils soient au moins bien évalués, car ils sont réels pour le sucre, pour la banane, pour le riz ainsi que pour les fruits tropicaux des départements d'outre-mer. Le gouvernement français refusera d'ouvrir toute discussion avec la Commission sur ces initiatives, tant qu'une analyse d'impact sur les productions agricoles des départements d'outre-mer n'aura pas été effectuée, comme cela avait été le cas lors des accords avec l'Afrique du Sud.

M. Camille Darsières et plusieurs d'entre vous ont évoqué le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le POSEIDON, institué en 1989. A mes yeux, il constitue un instrument essentiel. A son propos, la Commission s'était engagée à proposer, en 2000, les modifications des règlements du conseil qui s'avéreraient nécessaires. J'ai évoqué ce dossier avec les autorités de Bruxelles. Une proposition de révision est en cours d'examen. Elle sera, positivement à mon avis, soumise à la décision à la fin du mois de novembre.

Quant aux aspects budgétaires qui ont créé quelque émotion dans les dernières semaines, la France a demandé un relèvement des crédits de 35 millions d'euros à 54 millions d'euros en 2001. Cela est encore en négociation, mais je tenais à vous assurer que le Gouvernement avait relancé le sujet.

Enfin, monsieur Darsières, je veux vous rassurer plus généralement : ce gouvernement n'est pas captif des lobbies. Il est uniquement guidé, vous le savez, par des considérations d'intérêt général.

M. Léon Bertrand a évoqué le cas particulier du projet sucrier guyanais. Je connais l'importance de l'implantation en Guyane d'une usine sucrière pour les élus et les milieux économiques. Cela a fait l'objet de plusieurs rapports techniques, en relation avec les promoteurs de ce projet, avec les services de la Commission de Bruxelles.

Malgré certaines réticences que vous avez rappelées, des possibilités permettant de doter la Guyane d'un quota sucrier existent, sans que soit perturbé l'équilibre des besoins effectifs des sucreries existant dans les autres départements.

Aucune décision n'a encore été communiquée, parce qu'une analyse financière est en cours - je devrais dire en phase terminale - afin de préciser l'équilibre économique de ce projet, dans le contexte plus large d'une réforme de l'organisation commune du marché du sucre. Le Gouvernement prendra prochainement sa décision de principe au vu de cette analyse, le promoteur devant ensuite de mettre au point les conditions de faisabilité de ce projet.

Tels sont, monsieur le président, en vous demandant de pardonner la longueur de ce développement - mais il fallait répondre à l'ensemble des intervenants - messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, les aspects essentiels du projet de budget de l'outre-mer pour 2001 que je désirais développer devant vous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre intention, dans le budget 2001, est de donner la part belle à la relance tous azimuts de l'investissement outre-mer. Cependant, une grave entorse est apparue qui risque de faire claudiquer le système, voire de paralyser les entreprises martiniquaises dont le tissu se compose de plus de 80 % de très petites unités.

Pourtant, de façon consensuelle, institutions privées et publiques, y compris les services déconcentrés de l'Etat, ont élaboré le DOCUP 2000-2006.

L'un de ses axes majeurs est le secours aux mesures d'ingénierie financière au travers d'un établissement régional de développement et d'investisement, rejoignant en cela les priorités et les préoccupations de la Commission européenne elle-même. Prêts relais, fonds de garantie, bonification d'intérêts, correspondent à une demande unanime.

Or le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, consulté, indique que la direction du Trésor estime que cette initiative ne constitue pas une solution adaptée aux problèmes soulevés par l'accès au crédit des TPE et ne répond pas à leurs besoins. Ainsi l'intégralité du DOCUP deviendrait inopérant pour les socio-professionnels concernés. Ce serait le comble après la concertion menée avec eux.

Dans ces conditions, quelles démarches comptez-vous entreprendre pour ne pas mettre à bas toute l'ossature du projet, désormais partie intégrante du DOCUP déjà approuvé ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le député, j'ai anticipé sur votre question dans mon intervention générale. Je me réjouis d'ailleurs que vous ayez rappelé, au moins dans l'amorce de votre question, les moyens qui convergent pour favoriser l'investissement dans les départements d'outre-mer. Je ne reviendrai pas sur la loi d'orientation, mais vous avez cité les fonds européens et le contrat de plan.

Nous avons désormais une panoplie complète et bien dotée pour soutenir non seulement les investissements publics des collectivités, mais aussi les projets économiques pour les départements d'outre-mer.

En ce qui concerne la création d'un établissement régional de développement et d'investissement, l'ERDI qui est au coeur de votre question - proposé dans le cadre du DOCUP de la Martinique, vous comprendrez que je n'aille pas, ce soir, au-delà des indications que j'ai déjà données. En effet, l'instruction du dossier est en cours dans le cadre des régimes d'aide des différents DOCUP. Il n'y a aucune raison, à l'heure où nous parlons, de craindre qu'il n'aboutisse pas.

Je répète que, sur ce dossier comme sur tous les autres, je suis à votre disposition pour tenir, si nécessaire, avec vous-même ou avec des membres de votre équipe, des réunions techniques pour faire avancer ce dossier. Je suis évidemment disposé à y associer les services du ministère de l'économie et des finances, notamment la direction du Trésor que vous avez citée, pour trouver une solution qui permette à la Martinique - comme à d'autres départements d'outre-mer - de faire un meilleur usage de l'ensemble des moyens financiers, européens ou nationaux, actuellement disponibles ou qui le seront dans les prochaines années. Je suis prêt à aller plus loin dans l'examen de ce dossier.


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M. le président.

Nous en avons terminé avec la phase des questions.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Outre-mer ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 35 509 644 francs ;

« Titre IV : 420 988 185 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 37 300 000 francs ;

« Crédits de paiement : 14 180 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 2 205 630 000 francs ;

« Crédits de paiement : 670 689 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Après l'article 61

M. le président.

En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement du Gouvernement tendant à insérer un article additionnel après l'article 61.

Cet amendement, no 169, est ainsi rédigé :

« Après l'article 61, insérer les dispositions suivantes :

« Outre-Mer :

« Dans le II de l'article 38 de la loi de financesr ectificatives pour 1998 (no 98-1267 du 30 décembre 1998) l'année : "1999" est remplacée par deux fois par l'année : "2001". »

Monsieur le secrétaire d'Etat, il me semble que vous avez déjà soutenu cet amendement dans votre intervention.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

En effet, cet amendement concerne le financement des agences des cinquante pas géométriques.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements d'outre-mer.

Ni la commission des finances ni celle des lois n'ont examiné cet amendement auquel je me rallie à titre personnel en demandant à l'Assemblée de l'accepter.

Je regrette seulement que les dispositions que nous avions prévues n'aient pu être mises en place en temps et en heure.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 169.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à une prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, no 2690 : M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2697).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Projet de loi de nances pour 2001 Réunion de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République COMPTE RENDU INTÉGRAL

(Les questions écrites et les réponses concernant ces crédits s ont publiées page 8639) Séance du jeudi 2 novembre 2000

SOMMAIRE Crédits de l'intérieur M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de l a République.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des nances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des nances, pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités locales.

MM. Didier Quentin, Patrick Braouezec, Rudy Salles, Bruno Le Roux, Laurent Dominati, Jacques Rebillard, Jean-Pierre Blazy, Bernard Derosier,

Mme Nicole Bricq, M. Jean-Luc Warsmann.

M. le ministre.

Adoption par la commission des lois des avis de M. Dosière, pour les col lectivités locales, de M. Mermaz, pour la police, et de M. Jean-Antoine Leonetti, pour la sécurité civile.

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ROMAN,

président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinq.)

Monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, c'est la deuxième année que nous expérimentons la procédure d'examen des fascicules budgétaires sous la forme d'une commission élargie. Cependant, c'est la première fois que nous y recourons pour le budget du ministère de l'intérieur. Je voudrais rapidement en rappeler les principes avant de donner la parole à M. le ministre de l'intérieur.

L'objectif de cette réforme de notre règlement est, d'une part, de rendre la discussion budgétaire plus vivante et, d'autre part, d'éviter la répétition des débats en commission et en séance

Nous allons tenir aujourd'hui une réunion plus large que ne le sont habituellement celles des commissions saisies pour avis, qui associe les rapporteurs spéciaux de la commission des nances et tous les membres de notre assemblée qui souhaitent y participer.

En contrepartie, la séance publique consacrée à l'examen des cré dits du ministère de l'intérieur, qui aura lieu le 15 novembre, sera limitée, outre l'intervention du ministre de l'intérieur et des rapporteurs, à une explication de vote par groupe.

Aujourd'hui, nous allons d'abord entendre M. le ministre de l'intérieur. Je donnerai ensuite la parole aux rapporteurs spéciaux de la commission des nances et au rapporteur pour avis de la commission des lois. Interviendront ensuite, si vous êtes d'accord, un orateur par groupe. A l'issue de ces interventions,

M. le ministre de l'intérieur pourra répondre.

Dans un deuxième temps, je donnerai la parole à tous ceux q ui souhaiteront présenter des observations et interroger

M. le ministre de l'intérieur.

Les questions ponctuelles posées à M. le ministre de l'intérieur par une procédure écrite dont les réponses ont été communiquées aux auteurs de ces questions seront publiées au Journal of ciel en annexe des débats du 15 novembre.

Pour que la procédure mise en oeuvre soit un succès, nos débats doivent conserver le caractère vivant et spontané qu'ilsr evêtent habituellement en commission. Les interventions doivent rester concises. Je vous remercie par avance de vos efforts pour respecter cet impératif.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des nances... ou qui que ce soit qui le représente (Sourires), monsieur le rapporteur général du budget, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, mesdames, messieurs, c'est pour moi un grand plaisir de me retrouver avec vous dans cette salle, ce matin, à l'Assemblée nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Ministre des relations avec le Parlement, j'étais sans doute le membre du gouvernement le plus proche des parlementaires et en même temps, n'ayant pas de budget propre à défendre, le moins directement soumis aux questions budgétaires.

En me présentant face à vous ce matin comme ministre de l'intérieur, je comprends mieux l'exigence et le poids des débats budgétaires qui constituent, quoi qu'on en dise et de plus en plus à mesure que se renforcent vos pouvoirs et la qualité de vos contrôles, l'un des temps forts de notre démocratie parlementaire.

Notre rencontre est d'autant plus importante à mes yeux que c'est la première fois que le budget du ministère de l'intérieur est examiné, selon la nouvelle procédure budgétaire dé nie l'an passé, à l'initiative du rapporteur général du budget, M. Didier Migaud, devant cette commission élargie à tous les députés qui souhaitent y participer.

Le temps fort du débat budgétaire devant votre assemblée a lieu ce matin. C'est une heureuse novation pour un budget aussi important et complexe que celui du ministère de l'intérieur.

Cette nouvelle procédure va nous permettre, grâce aux analyses des rapporteurs pour avis et à vos questions, d'entrer autant que possible dans le fond des sujets.

Mais c'est aussi probablement l'une des dernières fois que nous discutons du budget sous sa forme actuelle avec ses catégories que nous avons crues longtemps intangibles : les dépenses ordinaires et les dépenses en capital, les sept titres, les services votés et les mesures nouvelles.

Bref, un budget encore un peu traditionnel, entièrement gouverné par les dispositions de la célèbre ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de nances, cette « constitution budgétaire » dont vous avez entrepris, non sans audace, la réécriture complète.

Avant d'évoquer le budget du ministère de l'intérieur, je tenais à m'exprimer sur la proposition de loi organique déposée par M. Didier Migaud le 11 juillet, dont les dispositifs sont actuellement examinés au sein de la commission spéciale présidée par le président de l'Assemblée nationale, M. Raymond Forni, et parallèlement dans un cadre interministériel.

Le ministère de l'intérieur souscrit pleinement aux orientations de la réforme, que l'on peut résumer ainsi : plus de souplesse pour les gestionnaires contre plus de responsabilité et de transparence vis-à-vis du Parlement.

A quelques réserves près, vous pouvez compter sur la participation active de mon ministère à ces travaux, dans un esprit ouvert et constructif.

Notre expérience de globalisation des crédits des préfectures, notre connaissance des procédures budgétaires et comptables des collectivités locales et notre statut de ministère pilote du projet ACCORD nous permettront de jouer un rôle précieux dans ces débats.

Sur certains sujets, je souhaiterais même aller plus loin que vos propositions, notamment en matière de globalisation de l'ensemble des crédits des services ainsi que sur l'interministérialité.

Quoi qu'il en soit, nous sommes à l'aube d'une véritable révolution budgétaire. Je tenais à saluer le rôle déterminant de la commission des nances de l'Assemblée nationale dans ce processus.

Bientôt donc, l'année prochaine peut-être, et à coup sûr dans deux ans, nous débattrons des différents « programmes » du ministère de l'intérieur, ces « ensembles de crédits concourant à la réalisation d'une mission spéci que », selon votre dé nition, qui serviront à l'avenir de nouveau périmètre à l'autorisation budgétaire.

Il me faudra alors vous rendre compte de façon précise non pas, comme aujourd'hui, dans une stricte logique de moyens, du montant des crédits et du nombre des emplois, mais bien de la réalisation d'objectifs xés l'année précédente à partir d'une série d'indicateurs. Il ne sera plus possible de confondre devant vous

« rentrée budgétaire » et « rentrée littéraire », et de prétendre, comme aujourd'hui, sans justi cation et résultats à l'appui, au

« grand prix de la dépense publique » décernée chaque année, aux ministères en fonction du montant de leurs crédits initiaux.

La qualité d'un budget se jugera à l'aune de critères plus précis et variés que le seul montant des crédits inscrits. Les débats budgétaires y gagneront en hauteur de vue et en pertinence, pour un meilleur usage des deniers publics et un enrichissement du débat démocratique.

J'aimerais d'ailleurs, après cette longue introduction, anticiper les évolutions qui s'annoncent.

Plutôt que de vous in iger un commentaire plat des ouvertures de crédits proposées cette année pour mon ministère, je voudrais essayer de dé nir les grands « programmes » de mon ministère et vous apporter des éléments précis sur les moyens affectés et sur les résultats attendus.

Pour bien cadrer notre débat, je rappellerai quelques données générales : globalement, l'effort consenti en 2001 pour le ministère de l'intérieur est le plus important depuis 1995. Il faut plutôt le comparer, pour la police notamment, au plan Joxe de 1985-1986.

A périmètre constant et hors dotations aux collectivités locales et crédits pour les élections, la hausse est très signi cative puisque notre budget, avec plus de 59 milliards de francs, augmente de 4,4 % par rapport à l'année dernière, contre 0,3 % pour l'ensemble du budget de l'Etat.

Avec plus de 900 millions de francs l'année prochaine, les mesures nouvelles du ministère de l'intérieur, c'est-à-dire notre vraie capacité d'intervention, sont en hausse de 50 % par rapport à 2000 et d'environ 130 % par rapport à 1999.

Nous béné cierons notamment de plus d'un milliard de francs pour l'immobilier, et d'un milliard de francs supplémentaires pour l'informatique, les transmissions et les nouvelles technologies.

Ce qui est vrai pour les crédits l'est aussi pour les emplois.

En 2001, après la création nette de 713 emplois, l'effectif global opérationnel du ministère s'établira à près de 185 000 agents, en intégrant les unités de sécurité civile et les adjoints de sé curité.

Cela signi e très concrètement plus de policiers sur la voie publique, une plus grande capacité à prévenir et à gérer les crises et un meilleur accueil dans les préfectures.

Ces quelques chiffres valent tous les discours. Ils con rment que le ministère de l'intérieur occupe depuis 1997 une place essentielle dans les choix budgétaires dé nis par le Premier ministre. C'est un soutien clair aux politiques et aux agents de ce ministère.

J'y vois également la récompene accordée à un ministère qui a su s'engager résolument dans la réforme de l'Etat : celle de la police, d'une part, autour de la notion de « police de proximité », et celle des préfectures, d'autre part.

Au-delà de la progression globale des crédits ou du nombre des emplois, chacune des grandes politiques dé nies et conduites par le ministère de l'intérieur trouve dans ce budget un solide encouragement et les moyens de franchir des étapes décisives.

On y retrouve, en chiffres, les deux grandes priorités du ministère : les sécurités, et l'organisation des territoires.

Les sécurités, c'est, bien entendu, à la fois la police nationale et la sécurité civile.

Ce projet de budget va d'abord permettre de généraliser sans retard la police de proximité et de poursuivre la modernisation d'ensemble de la police nationale. La création de 800 postes administratifs, informatiques et de police technique et scienti que nous permettra de remettre sur la voie publique un nombre comparable de fonctionnaires de police.

Ces créations d'emplois, auxquelles s'ajoute l'effet en année pleine des 20 000 postes d'adjoint de sécurité, permettront les redéploiements d'effectifs indispensables pour rendre la police plus proche des citoyens.

Par ailleurs, plus de 200 millions de francs seront affectés au fonctionnement de la police de proximité. La police de proximité n'est pas un slogan. La présence accrue des fonctionnaires de police, l'arrivée de véhicules légers, de VTT, de scooters et de micro-ordinateurs, équipés notamment d'un logiciel permettant le dépôt immédiat des plaintes, sont des signes tangibles pour les personnels comme pour la population.


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Les formations à la police de proximité seront également fortement développées. En n, 145 millions de francs supplémentaires permettront de nancer et d'équiper en transmission, notamment, les nouvelles implantations immobilières.

Au terme du plan « police de proximité », en 2003, trois cent vingt nouveaux points de contact entre la population et les services de police auront été créés sur l'ensemble du territoire.

En n, dans le cadre de la simpli cation du régime indemnitaire des gardiens de la paix, un dispositif indemnitaire particulier viendra encourager la fonction de police de proximité.

Cette réforme s'inscrit dans le prolongement de la refonte du régime indemnitaire des commissaires en 1996 et des of ciers en 1998. Elle prendra en compte les observations de la Cour des comptes et celles de votre mission d'évaluation et de contrôle.

L'addition de ces quelques chiffres en témoigne : la police de proximité est et reste notre première priorité. Elle concernera, dès le début 2001, cent quatre-vingts nouvelles circonscriptions et vingt millions de nos concitoyens, soit les deux tiers de la population située en zone police.

Les premiers résultats sont très encourageants, comme a déjà dû vous l'indiquer le rapporteur spécial de la commission des nances, M. Tony Dreyfus.

Nous observons, dans les soixante-trois circonscriptions de la première vague, que la police de proximité répond aux attentes de la population, qui identi e mieux ses policiers. Nous constatons un recul de la criminalité dans les zones couvertes puisque la délinquance de voie publique est en baisse de 2 % en moyenne dans l'ensemble des circonscriptions de la première vague, et ce alors que le rétablissement de la con ance des habitants de certains quartiers dans la police se traduit mécaniquement par un accroissement des dépôts de plaintes.

La police de proximité responsabilise les agents, en développant leur polyvalence et leur capacité d'initiative, ce qui permet notamment d'atteindre un taux d'élucidation nettement meilleur dans ces circonscriptions, preuve d'un service rendu à la population de meilleure qualité.

Toutefois, et pour répondre à l'inquiétude exprimée par certains d'entre vous - et notamment par M. Jacques Floch dans sa question écrite -, la généralisation de la police de proximité ne signi e pas que nous stoppons la modernisation de l'ensemble des forces de police, particulièrement celle de la police scienti que et technique et des unités spécialisées dans la lutte contre le grand banditisme ou le terrorisme.

Cette grande réforme concerne tous les services puisqu'il s'agit d'une rénovation des méthodes pour une meilleure coopération entre tous les services, articulée autour d'une police généraliste du terrain.

Ainsi, pour couvrir les besoins de l'ensemble des forces, les crédits de fonctionnement de la police s'élèveront, pour la première fois, à 4 milliards de francs en 2001, en augmentation de près de 7 % par rapport à l'année dernière. Ces crédits, aux quels s'ajoutera la création de cent emplois de police scienti que et technique, viendront en particulier augmenter les moyens d'investigation de la police.

Par ailleurs, une enveloppe catégorielle de 160 millions de francs, nettement supérieure à celle obtenue en 1999 et en 2000, a été dé nie. L'essentiel de cette enveloppe, soit 125 millions de francs, sera utilisé pour simpli er et revaloriser les régimes des agents du corps de maîtrise et d'application.

Je rappelle que le budget « informatique et transmissions » de la police progresse de 33 %.

Le déploiement du programme Acropol, pour ne parler que de lui, va être résolument poursuivi avec, comme en 2000, une dotation importante de 400 millions de francs. En 2001, le réseau Acropol sera généralisé dans les départements de la p etite couronne et sa mise en place commencera à Paris. Il sera également déployé dans l'Eure-et-Loir et le Nord-Pas-de-Calais. En Corse, dans le Rhône, la Loire et l'Isère, le réseau sera améli oré.

En n, concernant l'immobilier de la police, la dotation de 700 millions de francs d'autorisation de programme, soit 18 % de plus qu'en 2000, nous permettra d'améliorer l'accueil du public et, surtout, de livrer trente-deux bâtiments et d'engager trente-sept nouveaux chantiers. Un huitième grand projet immobilier, l'école de police nationale de la région parisienne, devrait être lancé en 2001.

Je voudrais, avant de poursuivre, évoquer les centres de rétention administrative et les zones d'attente qui font l'objet, cette année, d'une analyse très approfondie du président Louis Mermaz, éclairé, notamment, par plusieurs visites sur place.

Le sujet, vous le savez, est délicat. Je peux cependant vous assurer que les efforts engagés pour la construction et la rénovation de ces structures seront résolument poursuivis.

L'ouverture prochaine de la zone d'attente de Roissy devrait déjà améliorer nettement les conditions d'accueil des étrangers en situation irrégulière. Des solutions existent pour les autres cas dif ciles même si, vous le savez mieux que quiconque, les procédures pour engager des travaux immobiliers imposent ensuite des délais dif cilement compressibles. Par ailleurs, le décret harmonisant les règles d'hébergement et dé nissant les droits des étrangers retenus sera prochainement publié.

Au-delà des seules forces de police, et toujours pour garantir la sécurité de nos concitoyens, ce projet de budget donne également à la sécurité civile de nouveaux moyens pour gérer les crises, avec plus de 1,6 milliard de francs.

La professionnalisation des unités de sécurité civile, engagée à la suite de la suppression du service national, s'achèvera en 2001, conformément au plan initial de 1999, pour atteindre le format dé nitif avec près de mille cinq cents emplois.

Le budget 2001 de la sécurité civile tire les premières conséquences du naufrage de l' Erika et des tempêtes. Pour y faire face plus ef cacement, les états-majors des zones de défense seront renforcés. Un nouvel état-major sera même créé à Lille po ur accroître encore la réactivité et l'ef cacité de notre réseau national de veille et de gestion des crises.

Par ailleurs, la modernisation du parc aérien se poursuit comme prévu. Neuf des trente-deux hélicoptères de nouvelle génération dits « BK 117 » seront livrés à partir de juin 2001.

Une nouvelle base d'hélicoptères sera créée dans la zone de défense Antilles-Guyane.

En n, le régime indemnitaire des personnels navigants et des démineurs béné cie d'une mesure nouvelle en 2001. La modernisation des services de déminage se poursuit avec la majoration de l'indemnité représentative d'activité de déminage. 4,6 milli ons de francs seront consacrés, pour la troisième année consécutive , aux navigants de la sécurité civile.

Ce budget de la sécurité civile reste néanmoins, comme ne manquera pas de le noter votre rapporteur, M. Leonetti, un budget de transition. Il poursuit et achève la nécessaire professionnalisation des forces. Il renouvelle l'équipement aérien pour de longues années.

A l'évidence, une nouvelle phase s'engage aujourd'hui pour la sécurité civile.

La préparation pour le second semestre 2001 d'un projet de loi, que j'ai annoncé il y a quelques semaines à Strasbourg, doit nous permettre de progresser. Nous pourrons, dans ce cadre, tirer pro t du travail remarquable réalisé par votre collègue,

M. Jacques Fleury.

Mais l'action du ministère de l'intérieur ne se réduit pas, loin s'en faut, à la sécurité des personnes et des biens. Son autre grande ambition est l'organisation des territoires.

Ce projet de budget prend ici toute sa cohérence. Il permet de poursuivre le mouvement de déconcentration dans le cadre de la réforme de l'Etat, tout en amorçant la nouvelle étape de la décentralisation, dont le Premier ministre a longuement parlé à Lille, la semaine dernière.

L'administration territoriale - les préfectures comme les souspréfectures - est au coeur de ces deux réformes qui vont modi er profondément notre paysage administratif. Comme vous le savez, le 23 novembre prochain, des « assises nationales des préfectures » vont nous permettre de renforcer leur rôle de pivot de l'administration territoriale de l'Etat dans les départements et les régions.

Mais vous avez déjà pu constater que ce projet de loi de nances, par bien des aspects, les assure déjà des moyens nouveaux qui confortent leur rôle.

Ce budget prévoit notamment la poursuite de l'expérience de globalisation des crédits pour le fonctionnement des préfectures, engagée en 2000 dans quatre départements et qui sera étendue, selon les mêmes modalités, à dix nouveaux départements l'an prochain.


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Il est d'ores et déjà acquis que les dotations des quatre préfectures déjà globalisées seront augmentées de 0,3 %, conformément aux engagements pris. Les premiers retours de cette expérience de contractualisation me semblent positifs. Je note d'ailleurs que cette expérience est souvent citée comme un exemple d'une gestion plus transparente et plus ef cace.

Cette expérience sera soumise, dès l'année prochaine, à une évaluation très précise et pourrait être étendue à l'ense mble des services déconcentrés de l'Etat.

Il est également prévu, dans le cadre de ce budget, de renforcer certains services stratégiques des préfectures, avec la créati on de quatre-vingt-six emplois quali és répartis entre les SGAR pour permettre d'améliorer la gestion des crédits européens et les services des étrangers et de mieux traiter les demandes d'asiles.

Votre rapporteur, René Dosière, qui a visité plusieurs préfectures, pourrait, aussi bien que moi, vous décrire les besoins importants de ces services.

Une autre évolution majeure attendue depuis très longtemps, notamment par les agents du cadre national des préfectures, a pu être engagée dans ce projet de budget. Je veux parler de la revalorisation des régimes indemnitaires. Le ministère de l'intérieur disposera en 2001 de plus de 34 millions de francs pour réévaluer ces régimes indemnitaires, dont 25 millions pour les seules préfectures, nettement plus que l'augmentation acquise en 2000 qui était déjà très importante. Nous pourrons en n harmoniser les taux de prime entre les préfectures, tout en prenant en compte la situation des agents des zones dif ciles et celle des fonctionnaires d'encadrement.

Nous nous rapprocherons ainsi sensiblement de la moyenne interministérielle des services déconcentrés de l'Etat.

L'immobilier des préfectures et des sous-préfectures n'est pas oublié. Avec plus de 260 millions de francs, nous allons pouvoir engager plusieurs projets importants, au-delà des 56 opérations déjà prévues, notamment la construction de la nouvelle préfecture de Lille et des sous-préfectures de Sarcelles et de Torcy.

En n, en 2001, et cet investissement est important pour conforter l'administration de proximité, le câblage de l'ensemble des sous-préfectures sera réalisé, après celui des préfectur es en 2000.

Ces travaux nous permettront de développer les télé-procédures au service des usagers et des collectivités locales, et de renforcer la présence du ministère de l'intérieur sur les réseaux Internet et Intranet. A ce jour, 50 préfectures ont déjà ouvert un site Internet. En 2001, la montée en puissance des « systèmes d'information territoriaux » (SIT), qui relient entre eux l'ensemble des services déconcentrés, donnera encore plus de cohérence et d'ef cacité à l'action de l'Etat au plan local.

En n, je n'oublie pas - et si je le faisais, MM. Dosière et Saumade me rappelleraient légitimement à l'ordre - qu'une partie des dotations de l'Etat aux collectivités locales est inscrite sur le budget du ministère de l'intérieur.

Même si ce sujet a déjà été abordé dans le cadre de la di scussion de la première partie du projet de loi de nances, l'examen de ces crédits me fournit l'occasion de vous con mer l'engagement de ce gouvernement d'établir entre l'Etat et les collectivités locales des relations nancières permettant à celles-ci de béné cier des fruits de la croissance et de la garantie d'une évolution régulière de leurs ressources.

Comme vous le savez, le Premier ministre a proposé que se tienne en décembre un débat au Parlement faisant suite à la remise des conclusions de la Commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy.

Il a également appelé à une ré exion sur la réforme des nances locales et m'a chargé d'engager, avec le ministère de l'économie et des nances, une concertation en la matière. Un premier rapport sera déposé par le Gouvernement au Parlement avant la n 2001 a n de préparer les voies et les moyens d'une réforme d'ensemble des ressources des collectivités locales qui comprennent les dotations de l'Etat, mais aussi la scalité locale.

Le Premier ministre a xé deux objectifs à la modernisation qui doit s'engager : la détermination de ressources suf santes pour nancer l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales ; la maîtrise par les collectivités d'une partie de leurs recettes scales, dont elles déterminent le taux ou l'assiette d'impôts spéci ques dont les règles sont xées par le Parlement.

J'ai pour ma part, au nom du Gouvernement, lors de l'examen récent par le Sénat d'une proposition de loi constitutionnelle sur l'autonomie scale des collectivités locales, réaf rmé mon attachement à une scalité locale plus juste et plus responsabilisante, assurant un lien étroit entre le contribuable et la collectivité locale, entre le citoyen et l'élu.

Le chantier qui doit nous mobiliser doit viser à doter les collectivités locales de ressources justes, équitables, mieux réparti es et assurant un lien fort avec le citoyen.

Nous aurons, lors des prochains rendez-vous que j'ai cités, l'occasion de revenir en détail sur l'évolution de la scalité locale et les dotations aux collectivités locales qui ne peut, à mon sens, s'envisager que de façon globale et cohérente.

Dans l'immédiat, c'est la loi de nances pour 2001 qui appelle notre attention. Cette loi de nances respecte le contrat de croissance et de solidarité qui organise, depuis 1999, pour l'essentiel des dotations de l'Etat et leurs évolutions.

En 2001, les collectivités locales béné cieront d'une croissance des dotations de 2,32 % par rapport à l'année précédente, compte tenu d'une in ation prévisionnelle de 1,2 % et d'une croissance du PIB 2000 estimée à plus de 3,4 %. Le total des dotations du contrat de croissance et de solidarité atteint 167 milliards de francs, soit 3,6 milliards de plus qu'en 2000.

Cette somme doit en outre être augmentée des différentes majorations de dotations adoptées hors contrat pour atteindre au total 170 milliards de francs, soit une croissance de 2,6 %. Le Premier ministre a proposé, dans son discours de Lille du 27 octobre dernier, de prolonger d'un an le contrat de croissance et de solidarité. C'est une discussion qu'il faudra engager dès le début de l'année 2001. Je rappellerai à ce propos que l'application des règles du contrat institué par ce gouvernement aura permis aux collectivités locales de béné cier de 4 milliards de francs de plus en trois ans que ce qui leur aurait été alloué avec l'appl ication des règles de l'ancien pacte de stabilité.

Sans entrer dans le détail technique des dotations, je veux vous rappeler les éléments suivants : la dotation globale de fonctionnement évoluera en 2001 selon une indexation plus favorable que l'ensemble du contrat de croissance. Compte tenu de ses règles d'indexation particulières, sa croissance réelle sera de 3,42 % par rapport à la loi de nances initiale 2000, pour atteindre plus de 115 milliards de francs. Cette progression, la plus élevée depuis cinq ans, sera également appliquée en 2001 à la dotation spéciale instituteurs, à la dotation élu local et à la dotation générale de décentralisation.

En ce qui concerne la dotation générale de décentralisation, je tenais à vous rappeler que la suppression de la vignette automobile a une incidence sur cette dotation, puisque c'est en son sein qu'a été prévue la compensation de cette mesure scale. La vignette représente 12,6 milliards de francs cette année, soit 10 % des recettes scales des départements. Au vu de l'évolution de cet impôt, devenu avec le temps obsolète, la progression de la DGD se révélera protectrice des budgets départementaux. Je n'ignore pas, cependant, les débats qui ont entouré l'annonce de cette mesure et je vous renvoie à mes propos précédents sur la nécessaire refonte de notre scalité locale.

Il me semble toutefois légitime que le législateur puisse décider d'étendre aux contribuables locaux le béné ce de mesures d'allégements scaux lorsque la croissance économique le rend possible.

Par ailleurs, comme vous le savez, la DGF comprend la dotation forfaitaire et la dotation d'aménagement.

La dotation forfaitaire versée à toutes les communes progressera de plus 1,7 % à 1,9 %, soit plus que l'in ation.

Cette année 2000, le succès de la loi sur l'intercommunalité, portée par mon prédécesseur, avait conduit la Gouvernement à prévoir une somme de 7 milliards de francs au titre de la DGF des groupements, y compris la dotation des communautés d'agglomération.

Or le mouvement de création de nouvelles communautés d'agglomération, mais également de communautés de communes à taxe professionnelle unique, ne s'est pas ralenti, même s'il est encore trop tôt pour le dire avec précision, les communes pouvant délibérer jusqu'à la n de l'année. Pour accompagner ce mouvement, qui pourrait aboutir à la création d'une trentaine de


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nouvelles communautés d'agglomération au 1er janvier prochain, le Gouvernement a choisi d'affecter 500 millions de francs supplémentaires à leur nancement.

Votre assemblée a décidé, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'y ajouter 200 millions de francs supplémentaires et, au vu des dernières estimations dont nous disposons, ce sera sans doute nécessaire.

S'agissant des dotations de solidarité - DSU, DSR -, des majorations ont autorisé cette année 2000 des croissances exceptionnelles de la DSU et de la DSR qui ne peuvent être reconduites chaque année. Le Gouvernement a cependant proposé de majorer de 350 millions de francs la DSU pour 2001 a n que son niveau élevé atteint en 2000 puisse être maintenu, du moins en masse, et sous réserve des constatations à faire lors des répartitions de la DGF.

Vous avez en outre, par souci d'équilibre sans doute et avec l'avis favorable du Gouvernement, voté en faveur de la dotation de solidarité rurale bourgs-centres. La reconduction d'un abondement de 150 millions de francs déjà décidé en loi de nances initiale 2000 et prélevé sur le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle devrait permettre de maintenir la masse des crédits affectés à la DSR bourgs-centres, la DSR dite de péréquation devrait être assurée de croître. Parmi les autre s dotations, la dotation de compensation de la taxe professionnelle diminuera de 5,4 % pour atteindre 11,2 milliards de francs, car c'est elle qui sert de variable d'ajustement dans l'enveloppe du contrat de croissance et de solidarité.

En outre, cette dotation, en application de la loi du 11 juillet 1999, sera grevée du montant nécessaire au nancement complémentaire des communautés d'agglomération nouvelles dont la création sera constatée au 1er janvier 2001. Je rappelle toutefois que la loi module la baisse de cette dotation lorsqu'elle est versée à des collectivités locales défavorisées : les communes béné ciaires de la DSU, les communes béné ciaires de la première fraction de la DSR bourgs-centres les départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, ainsi que les régions béné ciaires du fonds de correction des déséquilibres régionaux ne subiront que la moitié de la baisse prévue.

Q uant aux dotations d'équipement, la dotation globale d'équipement augmentera au rythme de l'accroissement de la formation brute du capital xe, soit + 1,6 %, comme la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges. La DGE versée spéci quement aux SDIS sera à nouveau majorée de 300 millions de francs, conformément à l'engagement pris. A titre indicatif, le montant prévisionnel du fonds de compensation pour la TVA est porté à 23,5 milliards de francs, soit une augmentation de 7,7 % par rapport à 2000, qui intègre la poursuite de reprise d'investissement local depuis 1998.

Somme toute, l'aide de l'Etat aux collectivités locales connaîtra en 2001 une croissance importante. Elle devrait permettre aux collectivités de faire face à leurs charges, dont elles ont su maîtriser les évolutions depuis plusieurs années. Le prochain budget garde le cap xé depuis trois ans : le respect du contrat de croissance et de solidarité, le renforcement de la péréquation et le soutien à l'intercommunalité.

Je serai particulièrement attentif, pour les travaux d'ampleur qui nous attendent sur les réformes des nances locales, aux travaux de votre assemblée et je sais que vos rapporteurs, forts de leur expérience, apporteront beaucoup à la ré exion qui s'engage comme ils ont su déjà, et de façon décisive, contribuer aux lois sur l'intercommunalité et la prise en compte des effets du recensement sur les nances locales. Mesdames et messieurs les députés, vous l'avez compris en m'écoutant vous présenter les diff érentes mesures proposées par le Gouvernement : si le Parlement con rme ces choix, le ministère de l'intérieur disposera en 2001 d'un budget substantiel et cohérent.

Permettez-moi d'ailleurs, avant de conclure, de remercier tous ceux qui ont, chacun à sa place, avant mon arrivée bien évidemment, contribué à l'élaboration du budget du ministère de l'int érieur. J'adresse à cette occasion un salut amical à Jean-Pierre Chevènement, qui en a conçu les grandes orientations, l'équilibre et le détail avec le Premier ministre et le ministre de l'économie, des nances et de l'industrie. Je n'insisterai pas plus sur les différentes mesures. Elles se déclinent à partir des deux grandes missions de ce ministère et des quatre grandes politiques que j'entends conduire. Je tiens seulement à vous dire le prix que j'attache à vos travaux. En votant le projet de budget du ministère de l'intérieur qui vous est soumis par le Gouvernement, vous adresseriez un signal clair en faveur de la police de proximité, juste avant la deuxième vague de généralisation, c'e stà-dire au milieu du gué de la réforme. Vous prendriez aussi clairement position en faveur de la sécurité civile et de sa capacité à gérer les crises avant que ne s'engage la préparation du projet de loi sur la sécurité civile.

En n, votre vote ouvre la voix à une nouvelle réforme qui saura lier déconcentration et décentralisation et dont nous aurons à reparler prochainement, à l'issue notamment des assises nationales des préfectures de Lyon, lorsque s'ouvrira le grand débat national sur la décentralisation lancé vendredi dernier à Lille par le Premier ministre. Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les éléments à la fois synth étiques et néanmoins longs que j'avais envie de développer devant vous ce matin. Je vous remercie.

M. le président.

Merci, monsieur le ministre. Je vais donner successivement la parole aux deux rapporteurs spéciaux, aux trois rapporteurs pour avis de ces budgets, ainsi qu'à un représentant de chaque groupe. Puis M. le ministre interviendra pour répondre brièvement, si c'est possible, à ces premières interventions, a n que nous puissions engager le débat.

La parole est à M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des nances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des nances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la procédure d'examen du ministère de l'intérieur est un peu nouvelle mais nous avions commencé à améliorer l'examen de ces crédits par la mise en oeuvre de la MEC l'année dernière.

Aujourd'hui, l'exposé très exhaustif du ministre fait que le rapporteur spécial de la commission des nances a de grandes chances de répéter les propos du ministre. Il le fera moins bien et avec moins de talent, moins de connaissance. Donc, monsieur le président, ne vous attendez pas à un exploit oratoire. En outre, étant un soutien du gouvernement en place, je ne peux quand même pas dénoncer systématiquement la bouteille à moitié vide alors que le ministre a parlé de la bouteille à moitié pleine. Il est évident que je dois me maîtriser. (Sourires.)

Cependant, mes chers collègues, je voudrais mettre l'accent sur quelques points qui ne vont pas à l'encontre de ce qu'a dit le ministre de l'intérieur. Je me permettrai de faire quelques suggestions. Si ce budget est excellent - le budget de M. Chevènement l'année dernière était déjà un budget démontrant la volonté du Gouvernement de privilégier un effort de sécurité en faveur de tous les citoyens -, il peut être amélioré. C'est la raison pour laquelle j'évoquais une bouteille à moitié vide.

Les crédits de la seule police nationale seront, en 2001, en augmentation de 1,86 % par rapport à 2000, soit une hausse moindre que celle observée en 2000 (+ 3,02 %). Les crédits de fonctionnement de la police nationale progressent en 2001 de 1,77 %, contre 2,48 % en 2000.

Par ailleurs, pour la deuxième année consécutive, les crédits de fonctionnement prévus pour 2001 sont marqués par une évolution moins sensible des crédits de rémunération que des crédits consacrés aux moyens de fonctionnement.

Il reste que les crédits consacrés à la rémunération des per sonnels constitueront - c'est bien normal dans le cadre du ministère de l'intérieur - 81,86 % des crédits de paiement de la police nationale. Les crédits consacrés aux rémunérations augmentent de 224 millions de francs en 2001. Cette augmentation résulte à la fois de créations, de suppressions et de transformations d'emplois. Dans le cadre de l'amélioration de l'administration de la police, les crédits prévoient la création de 550 emplois administratifs affectés dans les services actifs de la police nationale et de 100 emplois dans les services de police technique et scienti que.

La prise en compte, en année pleine, du recrutement en 2000 de 4 150 adjoints de sécurité aura un coût budgétaire en 2001 de 33 millions de francs. Ces crédits « emplois-jeunes », inscrits


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au budget du ministère de l'intérieur, ne représentent que 20 % du coût budgétaire réel des emplois correspondants. Les 80 % restants sont inscrits au budget du ministère de l'emploi.

S'agissant du budget de la police nationale, ces crédits seront compensés en 2001 par l'économie résultant de la suppression des 2 075 postes de policiers auxiliaires. Cette économie résulte de la disparition du contingent d'appelés du service national au sein de la police nationale.

Au total, le nombre d'emplois de la police nationale s'élèvera, en 2001, à 128 439 personnes, soit une baisse des effectifs de 1 442 postes (1,11 % des effectifs).

Pour 2001, il n'est pas prévu de crédits affectés à une revalorisation d'ensemble des rémunérations. Des négociations salariales concernant l'ensemble de la fonction publique devraient avoir lieu dès le mois de novembre de cette année. Leurs conclusions, dès lors, n'auront d'effet que durant l'exercice 2001.

Par ailleurs, pour 2001, des mesures de revalorisation des indemnités sont prévues pour chaque grande catégorie de personnel de la police nationale.

Les crédits consacrés aux moyens d'action, en forte hausse, augmentent plus rapidement en 2001 que les crédits consacrés au personnel, et ce pour la deuxième année consécutive. Ils atteindront 4,34 milliards de francs, soit une progression de 277 millions, + 6 % par rapport à 2000.

Les crédits d'équipement des services, en augmentation de 3,92 %, sont, en premier lieu, destinés à la réhabilitation de locaux opérationnels, techniques ou d'enseignement professionnel de la police. En 2000, les opérations les plus importantes, en termes nanciers, ont concerné deux hôtels de police à Paris, le service régional des transmissions et de l'informatique de Versailles et l'école nationale de police à Montbéliard.

Cette année, quatre opérations sont programmées, représentant des sommes non négligeables : les hôtels de police de Strasbourg, de Bordeaux, de Montpellier et de Bobigny. Il s'agit de la poursuite de l'effort consenti par le ministère de l'intérieur. Chacun d'entre nous ne peut que s'en réjouir.

Il faut cependant distinguer crédits de paiement et autorisations de programme. La baisse des crédits de paiement relatifs à ces opérations immobilières résulte de l'importance des opérations réalisées l'an passé. En revanche, le montant des au torisations de programme est en nette hausse pour la deuxième année consécutive. Elles progressent en 2001 de 18,04 % par rapport à l'exercice 2000.

Le deuxième point concerne les crédits d'équipement. Dans un avenir immédiat, ces crédits de paiement devraient notamment permettre le développement d'ACROPOL sur le territoire de la Grande Couronne, de la région Nord Pas-de-Calais et des départements de l'Yonne et de l'Eure-et-Loir.

Les crédits d'équipement ont aussi pour objet la mise en oeuvre d'une politique du logement au pro t des personnels.

Nous constatons une réduction sensible au cours des dernières années, les crédits passant de 616 millions de francs en 1998 à 330 millions de francs en 2000. Les logements mis à la disposition des policiers, notamment dans les grandes agglomérations et en particulier dans la région parisienne, apparaissent très insuf sants. Je constate que, pour 2001, seuls 21 nouveaux logements devraient être livrés à Paris.

Cependant, il faut dire que les communes de banlieue sont généralement hospitalières à l'égard des policiers parisiens . Il n'en est pas de même de la ville de Paris. Nous pouvons imaginer que dans l'avenir il y ait une action coordonnée entre les services du logement de la ville de Paris et les services du ministère de l'intérieur pour loger, à Paris, un certain nombre de poli ciers, logés aujourd'hui trop loin de leur affectation et qui demandent tout naturellement une réduction de leurs horaires de travail ou une affectation dans leur territoire d'origine.

Concernant les crédits de la sécurité civile, je ferai deux constats : pour 2001, ils augmentent très sensiblement, de 15,83 % par rapport aux crédits inscrits à la loi de nances initiale pour 2000. Conséquence directe de la n du service militaire, il ne faut pas oublier que les services de la sécurité civile perdront le soutien apporté par 410 appelés à compter de 2001.

Ces observations sont à l'évidence plus ponctuelles et ne présentent pas le caractère exhaustif de l'exposé du ministre.

Je voudrais cependant ajouter trois points qui permettront à cette bouteille à moitité vide de se remplir.

Premier point : les crédits de la police de proximité. La police de proximité, qu'il faut porter au crédit de l'actuel gouvernement, est partout parfaitement ressentie. La création de 180 nouvelles circonscriptions permettra à 20 millions de citoyens d'être directement concernés.

Elu d'une circonscription parisienne voisine de celle de M. le ministre de l'intérieur, nous comprenons mieux que quiconque la nécessité non seulement d'expliquer la police de proximité, mais aussi de la rendre visible par le citoyen. A Paris règne plus souvent un sentiment d'insécurité qu'une véritable insécurité . Le fait de voir le policier réduit ce sentiment.

Dans ce domaine, un petit effort est nécessaire : si l'on se rapporte au budget, outre les 100 millions de francs déjà réservés , 200 millions sont prévus dans la loi de nances. Or le montant de la dépense est globalement estimé à 380 millions de francs.

Il conviendrait que, dans la loi de nances recti cative, ce complément de crédit de 80 millions de francs nécessaire à cette mise en oeuvre soit arbitré par le Premier ministre.

Le deuxième point concerne le renouvellement du parc automobile de la police. Il est évident qu'aujourd'hui, par suite de ce que l'on appelle les « caillassages », plus de 30 % du parc automobile est inutilisable. Le renouvellement au coup par coup n'apparaît pas très logique car l'amortissement de ce parc automobile doit s'effectuer sur une durée de trois ans, alors que, d'après les normes retenues par vos services, cet amortissement s'opère sur six ans.

Trois ans d'amortissement correspondant davantage à la réalité, c'est un crédit de 250 millions de francs qui apparaît né cessaire. Je pense que les services et le cabinet du ministre de l'intérieur n'ont certainement pas manqué d'en faire part à ceux de Bercy.

En n, troisième et dernier point, il faut tenir compte de la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur la présomption d'innocence, qui entraîne de nouvelles charges supportées par les services judiciaires, par les magistrats mais aussi par les services de police. Ces nouvelles charges ne sont pas simplement de personnel mais aussi d'équipement. Vos services ont évalué cette charge à 70 millions de francs. Chacun d'entre nous souhaite, et ce n'est pas le président de la commission des lois qui nous détrompera sur ce point, la mise en oeuvre rapide de la loi sur la présomption d'innocence. Un complément de crédit est nécessaire pour l'application d'une loi de principe, 70 millions de francs me semblant très raisonnable.

Je vous avais dit que la bouteille était à moitié vide. Très franchement, si ces modi cations peuvent intervenir à temps dans la loi de nances recti cative, je trouve que votre budget, monsieur le ministre, sera un bon budget, cohérent avec les orientations engagées depuis 1997. Je ne peux que m'en féliciter.

Mais j'insiste sur les trois points que j'ai tenus à souligner et qui nécessitent vraiment un complément budgétaire.

M. le président.

La parole est à M. Mermaz, rapporteur pour avis des crédits de la police.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l'administration géné rale de la République, pour la police.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je fais miens les propos de M. Dreyfus sur la nécessité de mobiliser les moyens nécessaires pour assurer la mise en route de la loi sur la présomption d'innocence. Je sais que vous vous en préoccupez et nous sommes à vos côtés pour vous aider dans cette tâche.

Ayant évoqué dans de précédents rapports la police de proximité, pour laquelle il est beaucoup fait dans ce budget, et la formation des policiers, je me suis attaché plus particulièrement cette année à étudier le fonctionnement des zones d'attente, des centres de rétention administrative et des centres de rétention locaux.

Je sais que ce sujet vous préoccupe. Mais quiconque pénètre dans ces lieux a l'impression de changer d'époque et de pays tant le spectacle est horri ant.

D'ailleurs, si vous vous rendiez sans prévenir au quai de l'Horloge pour visiter le centre de rétention administrative, vous seriez saisi. Si vous vous rendiez dans les sous-sols, presque une


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cave, de l'hôtel de police de Bobigny, qui, dans quelques années, fera place à un local confortable, vous seriez, là aussi, saisi. Je crois que, sans attendre ces travaux immobiliers qui demandent toujours du temps compte tenu des procédures, des améliorations doivent être apportées tant sur le plan immobilier que sur celui d'une meilleure préparation des personnels. Ces personnels ne sont pas toujours adaptés à ce type de tâche, eux-mêmes en conviennent.

J'évoquerai dans le rapport quelques incidents récents. Je ne le ferai pas aujourd'hui en raison de la brièveté du temps imparti.

Je rappellerai que les zones d'attente sont au nombre de 122, dont 98 en métropole. On y trouve des personnes pour lesquelles l'accès du territoire national est refusé : transit interrompu, refus d'entrer pour des raisons diverses - parfois faux papiers ou demandeurs du droit d'asile. Les centres de rétention administrative concernent des personnes en voie de départ du territoire français : onze en métropole, trois dans les DOM sous la responsabilité de la police nationale, trois sous la responsabilité de la gendarmerie.

Si, dans les zones d'attente, et surtout dans les centres de rétention administrative, les conditions de vie sont excessivement dif ciles, que dire des dizaines de locaux de rétention administrative dispersés à travers le territoire et ouverts par arrêté préfectoral. D'ailleurs, la commission des droits de l'homme s'en est plusieurs fois préoccupée.

Je prendrai brièvement quelques exemples. Dans les zones d'attente du port de Calais, nous avons trouvé essentiellement des personnes inexpulsables puisqu'elles viennent de pays comme l'Afghanistan où la sécurité et les droits de l'homme ne sont pas assurés. Il arrive un nombre considérable de personnes en transit vers la Grande-Bretagne. Elles sont dirigées assez vite vers le centre d'accueil des réfugiés de Sangatte, dans le Pas-de-Calais, à quelques kilomètres de là, où la Croix-Rouge, qui en assure la gestion, fait de son mieux.

Les conditions de vie y sont excessivement sommaires. Ces personnes errent sur les routes pour passer en Grande-Bretagne d ans des conditions très dif ciles - le procureur de la République me disait que, « dans le fond, c'est l'Inde à domicile ». Ne faisons pas d'angélisme, quelque 200 passeurs sont aujourd'hui écroués. Ces personnes se livrent à un tra c humain tout à fait honteux.

Je dirai peu de chose des zones d'attente de l'aéroport de Marseille-Marignane, de l'exiguïté de la zone d'attente de Roissy et de celle de la gare du Nord qui dispose d'un minuscule cachot vitré où trois personnes ne tiendraient pas.

Quant aux centres de rétention, celui d'Arenc doit être abandonné. Mais il faudra attendre encore quelque temps avant de disposer de celui du Cannet.

Il est très important que d'ici là les mesures soient prises. On y voit des personnes assises sur des espèces de banquettes, avec une literie complètement déchirée. Un seul aspect plus humain : une in rmerie vient d'être installée, avec des vacations de médecins et la présence d'une in rmière. C'est un progrès, mais ce lieu reste tout à fait déplorable.

Au palais de justice, l'eau des sanitaires coule. Il n'y a pas de sièges, les gens sont affalés. Le personnel, assez démoralisé, fait ce qu'il peut, mais n'a pas reçu une formation adéquate. Que dire de Choisy et de Bobigny ? Bobigny, où l'on trouve des geôles dignes du tiers monde. Il faut que cela change. Nous ne pouvons pas attendre quatre ou cinq ans. Et quelles conditions de travail pour les fonctionnaires présents, dont une jeune femme.

Je signalerai en n la lecture d'un rapport décrivant les prestations hôtelières de l'Ibis de Roissy, qui reçoit l'essentiel des p ersonnes reconductibles. Je crois que, là aussi, il y a beaucoup à faire. Certes, un projet de construction existe, mais, en attendant, il faut intervenir.

Que dire aussi des mélanges de gens ? Dans le centre de rétention administrative du palais de justice, jour et nuit, les personnes sorties de prison, expulsables, côtoient des travestis.

Cela n'est plus possible dans un pays qui se targue d'être celui des droits de l'homme.

Aussi je souhaite, monsieur le ministre, que vous preniez ce problème à bras-le-corps. On ne saurait vous en tenir pour responsable puisque vous venez d'arriver. Mais il y a énormément à faire pour que la République se regarde en face.

Les personnes en zone d'attente qui demandent à béné cier du droit d'asile se le voient accordé très largement. Mais, comme ils n'obtiendront pas de régularisation de l'OFPRA et que la plupart des recours seront également rejetés, très peu de gens sortant des zones d'attente béné cieront du droit d'asile. Je pense notamment aux Algériens. Si nous entretenons avec le Gouvernement algérien des relations normales, des drames s'y déroulent chaque semaine et des personnes ont vraiment le droit de demander l'asile territorial à la France.

Jusqu'à présent, la politique d'asile a été accordée au comp tegouttes et dans une proportion moindre que celle pratiquée il y a quelques années. Là aussi, quelque chose doit être fait. La France, si elle veut rester parmi les grandes nations rayonnantes, se doit de se montrer aussi accueillante que par le passé.

Je voulais essentiellement mettre l'accent sur ces questions.

J'y reviendrai longuement dans le rapport.

Pour ce qui concerne le reste du budget, la généralisation de la police de proximité est une excellente chose. Vous avancez à grands pas. Il faut s'en féliciter. Les résultats sont bons puisque la délinquance dans les secteurs concernés par la police de proximité recule. La délinquance générale, quant à elle, augmente du fait de la délinquance nancière et de la délinquance par Internet, phénomènes tout à fait nouveau.

Pour les zones désormais sous couvert de la police de proximité, il faut poursuivre la délisation des forces mobiles. Nous sommes de nombreux élus à constater que ces forces mobiles ne sont pas toujours bien adaptées ni formées à ces missions. Il ne suf t pas de faire circuler des gardes mobiles ou des CRS dans les quartiers pour que la tranquillité publique soit rétablie. Il est bien préférable d'avoir, sur le terrain, des policiers de proximité , comme le Gouvernement s'y emploie depuis de nombreuses années.

Je vous donne acte de la création de nombreux emplois administratifs et techniques qui permettront, si les choses sont bien faites, de mettre davantage de policiers sur la voie publique, ce que demande tout le monde, y compris la quasi-totalité des syndicats.

Félicitons-nous de la montée en puissance des adjoints de sécurité, qui fourniront une pépinière pour les recrutements ul térieurs de policiers. Les mesures indemnitaires prises pour les gradés et les gardiens de la paix permettent de mettre un peu d'ordre. Nous passons de quinze à trois types d'indemnités.

Je ne reprendrai pas l'exemple de la bouteille, mais si les 130 millions de francs pour les gradés et les gardiens de la paix sont une bonne chose, cela ne représente que 100 francs de plus par mois pour chaque policier. Si vous pouvez, avec notre aide, obtenir un peu plus à l'occasion du collectif, cela serait très bien vu des personnels de police.

Les crédits de fonctionnement représentent un chiffre jamais atteint par le passé : 4 milliards de francs. C'est une bonne chose, à condition, et M. Dreyfus l'a dit, que le nécessaire soit fait pour la mise en oeuvre de la loi sur la présomption d'innocence.

Un effort sensible est fait pour l'immobilier. Mais il est vrai qu'il se passe six ans entre le moment où une opération est décidée et celui de son inauguration. C'est pourquoi d'ici là, tant dans les centres de rétention administrative que dans beaucoup de nos commissariats, réduits souvent à l'état de taudis, des choses doivent être faites. Cela ne participe pas de votre responsabilité. Encore une fois, vous venez d'arriver. Je sais que ce sujet vous préoccupe. Vous devez avancer sur ce point le plus rapidement possible.

Les choses avancent également dans le domaine de l'informatique et de la transmission. Comme vous le savez, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur attend avec impatience de béné cier du système Acropol prévu pour 2002.

En ce qui concerne les véhicules, j'espère que le collectif vous permettra d'améliorer la situation car ce budget ne vous permet que de renouveler un peu plus du tiers du parc automobile, en situation de réforme. Il est vrai que le code des marchés publics ne vous facilite pas la tâche.


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Au SRPJ de Marseille, on me disait que les policiers risquent d'avoir tous, avec ce fameux code des marchés publics, un type de voiture de même provenance, ce qui évidemment faciliterait leur reconnaissance par les gangsters. Une ré exion est peut-être à mener pour que les policiers ne disposent pas tous du même type de voiture pour poursuivre les bandits.

C'est un budget positif, qui peut évidemment être amélioré.

Vous savez que le parlementaire, par dé nition, a un esprit critique. Ma critique sera positive mais, de grâce, faites rapidement quelque chose pour les centres de rétention administrative, qui sont aujourd'hui l'horreur de la République.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis des crédits de la sécurité civile.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civil e. Ce budget, vous l'avez souligné, monsieur le ministre, intervient dans un contexte un peu particulier puisqu'en 2000 notre territoire a connu de grandes catastrophes - il en subit encore une aujourd'hui - et parce que, de toute évidence, la réforme des SDIS arrivant à son terme, les collectivités territoriales, et en particulier les départements, se trouvent confrontées à une situation budgétaire dif cile.

Le rapport Fleury contient un certain nombre de propositions, et vous avez annoncé une loi sur la sécurité civile en 2001. Ce qui vous a fait dire ce que je dirai probablement : que ce budget est un « budget de transition ». Encore faut-il, pour être de transition, que ce budget soit intermédiaire entre le passé et l'avenir. Comme il me semble bien ressembler au passé et que je ne connais pas l'avenir, il me paraît plutôt un « budget de stagnation ».

Sans revenir sur la présentation du budget de la sécurité civile, l'augmentation des moyens qui gurent au budget est essentiellement destinée à maintenir, de manière modeste, la capacité opé rationnelle de la direction de la défense et des sécurités civiles

En effet, la modernisation de la otte aérienne se poursuit avec dif culté : problèmes techniques des Canadair, non-achèvement du programme des Tracker et retard dans la livraison des premiers hélicoptères.

Il faut pourvoir au remplacement progressif des 410 appelés par 368 engagés. Mais cet élément budgétaire n'est qu'un élement de maintien des dispositions en place. Quant à la modernisation des services de déminage, je dirai que ni vous, ni votre prédécesseur, ni le prédécesseur de votre prédécesseur n' êtes responsables, le retard accumulé étant tel que les 3,5 millions dégagés apparaissent bien modestes pour rattraper cet immense retard.

En ce qui concerne la formation, l'INESC en particulier, il nous semble que les moyens supplémentaires alloués correspondent strictement aux transferts de personnel. Dans ce domaine aussi, ce budget progresse très faiblement.

Les moyens consacrés à la sécurité civile par les collectivités territoriales en 2000 avec 13 à 15 milliards contrastent avec le milliard et demi - soit dix fois moins - affecté cette année par l'Etat.

L'évolution de ses missions a complètement changé le visage de la sécurité civile. La prévention tient désormais une place prépondérante. L'industrialisation et l'urbanisation ont multiplié les risques et la diversité des risques nécessite le recours à des mat ériels plus coûteux nécessitant une formation adaptée.

L'urbanisation a modi é les conditions des secours à personnes et les pompiers sont souvent amenés à intervenir à la place des services de secours classiques dans les zones urbaines dif ciles. Si la réponse départementale semble logique, puisque la commune apparaît dé nitivement comme un espace non pertinent, il est important de se poser la question du rôle respectif de l'Etat et des collectivités territoriales dans ce domaine. En n, il me paraîtrait normal que la participation nancière de l'Etat soit à la hauteur de son pouvoir décisionnel en matière de sécurité civile. Je me permets de rappeler que le SDACR, la présence du préfet, la nomination des directeurs des SDIS montrent bien que l'Etat continue de décider et les collectivités territoriales continuent de payer.

Les questions que je voulais aborder concernent, monsieur le ministre, le nancement des services de secours et plus généralement celui de la sécurité civile, à l'aune du rapport de M. Fleury sur les dif cultés de mise en oeuvre de la réforme. Il semble qu'une participation de l'Etat aux SDIS soit aujourd'hui obligatoire. Quelles sont les mesures envisagées pour les SDIS ? Une dotation globale d'équipement a été octroyée de manière modeste et non renouvelable. Il est absolument nécessaire que cette dotation soit renouvelée et que soit envisagée une dotation globale de fonctionnement, participation logique de l'Etat à cette mission régalienne.

Le deuxième élément concerne la formation. Au dévouement et au courage des pompiers s'ajoutent désormais leurs compétences techniques. Or les retards sont importants en matière de formation. Le 7 octobre dernier, devant la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, vous avez parlé d'une école nationale de formation des of ciers dotée des infrastructures nécessaires. Or les moyens aujourd'hui mis à disposition de l'INESC paraissent totalement inadaptés. Je me permettrai donc de vous demander quels sont les projets du Gouvernement en matière de formation (organisation, nancement, etc.).

En n, le renforcement de la coordination opérationnelle, la modernisation des moyens d'information - aujourd'hui indispensables en cas de catastrophes, mais aussi au quotidien - et des transmissions vont de pair avec la constitution d'un service moderne. Qu'entend faire le Gouvernement pour renforcer les zones de défense et moderniser les réseaux de transmission ? Quels moyens nanciers compte-t-il engager à cet effet ? En n, il faudra bien - et peut-être y répondrez-vous lors de la loi sur la sécurité civile - que les rôles respectifs soient cl airement dé nis. La formation et les zones relèvent de toute évidence de l'Etat, dès l'instant où le département n'est pas pertinent lors de catastrophes touchant des régions très étendues.

En n, il apparaît évident que, devant les dif cultés rencontrées par les collectivités dans la mise en place des SDIS, une réforme structurelle doit s'accompagner d'une ré exion approfondie sur le nancement des SDIS. Celui-ci ne saurait reposer uniquement sur des recettes privées et sur une scalisation supplémentaire.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces questions. Je tiens à témoigner de l'inquiétu de des collectivités territoriales face à l'ampleur des dépenses à prévoir et de leur déception de ne pas voir l'Etat s'impliquer davantage dans ce qui apparaît de toute évidence comme l'une de ses missions régaliennes, où il conserve d'ailleurs le pouvoir nal de décision.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des nances, pour le budget des collectivités locales.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des nances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

Le propos de M. Leonetti me fournit une transition toute trouvée. Monsieur le ministre, chers collègues, nous assistons à des transformations considérables des transferts de compétence entre l'Etat et les collectivités locales, qui prennent à leur charge de plus en plus de dépenses nouvelles dites de « civilisation ». C'est très net pour la sécurité civile - les pompiers en réalité - dont le rôle est totalement différent de ce qu'il était il y a quinze ou vingt ans. Cela est vrai aussi pour toute une série d'autres dépenses extrêmement importantes dans une société urbaine : l'assainissement, le traitement des déchets.

Il est toujours très dangereux d'extrapoler à partir d'index pour savoir si les besoins des collectivités locales sont couverts.

Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, une ré exion en profondeur sur le problème des nances locales est menée. Je vais m'efforcer de le préciser. L'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales s'élève à 336,825 milliards de francs , soit une augmentation de 10,5 % par rapport au budget 2000.

C'est donc un bon budget. Mais j'aimerais revenir sur certains problèmes et vous poser, monsieur le ministre, quelques questions. Je ne reprendrai pas l'ensemble des chiffres que vous avez indiqués tout à l'heure pour éviter une redite, mais je voudrais préciser que nous sommes toujours dans le cadre du « pacte de


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croissance et de stabilité », qui reprend notamment la distinction entre les dotations sous enveloppe et les dotations hors enveloppe.

Concernant les concours sous enveloppe, le poids de l'intercommunalité s'est accru. Je donnerai quelques chiffres à cet égard. Les collectivités locales ne béné cient pas suf samment des fruits de la croissance. C'est cette ré exion globale que nous essayons d'avoir en commission des nances. A structure constante, c'est-à-dire hors ajustements extérieurs aux diverses indexations, les concours sous enveloppe progressent de 2,32 %.

Cette évolution est sensiblement supérieure à celle des deux pré cédentes. Elle n'en demeure pas moins inférieure à la hausse de la DGF, ce qui conduit à un ajustement de l'enveloppe normée par une réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Cette dernière dotation devrait en outre subir un prélèvement complémentaire, a n de nancer les nouvelles communautés d'agglomération.

La dotation globale de fonctionnement a fortement progressé et son montant s'élèvera en 2001 à 113,96 milliards de francs, soit une hausse de 3,42 %.

Mais pour les communes ne béné ciant que de la dotation forfaitaire de la DGF, la progression de la dotation se situera dans une fourchette comprise entre 1,71 % et 1,88 %, en fonction des décisions prises par le comité de nances locales.

La DGF, pour 2001, devrait être abondée d'au moins 2,2 millions de francs et son montant total sera de 116,15 milliards de francs.

L'importante progression de la DGF pro te aux diverses dotations dont l'évolution est alignée sur celle de la DGF, à savoir l a dotation spéciale pour instituteurs, la dotation élu local et la dotation générale de décentralisation. A cet égard, le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle béné cie d'une indexation particulièrement favorable cette année, puisqu'il s'agit de l'évolution des recettes scales nettes de l'Etat, de l'ordre de 4,67 %.

Le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle étant également abondé en fonction du retour de la scalité locale de France Télécom et de La Poste, la progression sera de plus de 10 %. A cet égard le Gouvernement, ou, plus exactement, le ministère des nances, m'a précisé que la « normalisation » de la scalité locale de France Télécom, c'est-à-dire son affectation directe aux collectivités locales et non plus au budget de l'Etat et au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, ne peut pas être envisagée avant 2002, compte tenu des délais nécessaires pour le recensement précis par l'entreprise de ses bases.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir des réponses plus précises sur le calendrier envisagé ? Je souhaiterais évoquer les dotations d'équipement indexées sur la formation brute de capital xe des administrations publiques, cette indexation se révélant assez faible en 2001 avec + 1,6 %. Nous notons la forte progression de la dotation globale de compensation. Mais l'insuf sante participation des collectivités locales aux fruits de la croissance conduit à un ajustement de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

En effet, le respect de l'indexation de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité ne peut être assuré, cette année encore, que par une réduction de 5,4 % en moyenne de la DCTP.

Dans la mesure où les principales dotations de l'enveloppe normée évoluent selon un indice prenant en compte la montée de la progression du PIB, il est inéluctable, en période de croissance, d'effectuer un prélèvement sur la DCTP, puisque l'indexation de l'enveloppe ne tient compte que du tiers de la croissance.

J'ai souligné, à plusieurs reprises, le rôle majeur des collectivi tés locales en matière d'investissements. Je rappelle qu'elles assurent, à l'heure actuelle, plus de 70 % de la formation brute de capital xe des administrations publiques. Par conséquent, il est indispensable, monsieur le ministre, que l'on assure une meilleure répartition des fruits de la croissance dans le cadre du dispositif destiné à succéder au contrat de croissance et de solidarité.

Alors, comment arriver à une meilleure répartition des fruits de la croissance ? On peut se demander si cette meilleure répartition passe par une modi cation de l'indexation de l'enveloppe normée, destinée à éviter une réduction de la DCTP.

Celle-ci peut être mise en cause par l'Etat, alors que les compensations liées à des exonérations ou à des dégrèveme nts ont eu tendance à croître fortement ces dernières années. Des réductions de DCTP peuvent cependant être tolérées au regard du caractère quelque peu virtuel de la dotation, alors que certaines entreprises concernées ont parfois disparu depuis de nombreuses années.

Je considère donc, monsieur le ministre, que cette participation accrue des collectivités locales aux fruits de la croissance passe plutôt par une hausse de la fraction du PIB prise en compte pour indexer la DGF.

Aujourd'hui le nancement de l'intercommunalité pèse sur les dotations de solidarité et sur la DCTP. Une augmentation de la masse de la DGF apparaît d'autant plus nécessaire que le nancement de l'intercommunalité pèse de plus en plus sur les dotations de solidarité, DSU et DSR.

Ainsi, en 2001, la forte progression de la DGF dissimule des évolutions beaucoup moins favorables des deux dotations de solidarité. La DSU est reconduite quasiment à l'identique, grâce à une majoration, vous l'avez fait remarquer, monsieur le ministre, de 350 millions de francs prévue par l'article 27 du présent projet de loi de nances. La DSR devrait enregistrer une légère diminution de son montant global. Toutefois il importe de distinguer l'évolution de la DSR « bourgs-centres », qui aurait dû baisser de 16,7 %, et de la DSR « péréquation », qui progresse, en revanche, de 6,3 %.

Cette situation est essentiellement imputable à la forte augmentation de la dotation des groupements, première composante de la dotation d'aménagement de la DGF des communes et qui, à ce titre, réduit le solde disponible pour la DSU et la DSR.

Cette dotation progresse, en effet, de 1 milliard de francs en raison, notamment, de la création en 2000 de deux nouvelles communautés urbaines : Marseille et Nantes.

Le nancement des communautés d'agglomération ne devrait pas peser sur ces dotations de solidarité, puisqu'il est assuré par une dotation spéci que de 500 millions de francs par an. Toutefois, cette dotation s'est révélée insuf sante dès la première année d'application de la loi du 12 juillet 1999, de sorte qu'un prélèvement de 487 millions de francs a dû être effectué en 2000 sur la DCTP.

Pour 2001, l'article 26 du présent projet de loi de nances propose de porter à 1 000 millions de francs le montant total de la dotation spéci que d'intercommunalité. Néanmoins, même si l e nombre exact des communautés d'agglomération au 31 décembre 2000 et celui de la population regroupée au sein de ces groupements ne sont évidemment pas connus, il apparaît plus que probable que cette dotation ne permettra que de nancer les communautés créées en 1999, et que le nancement de celles instituées en 2000 ne pourra être assuré que par un nouveau prélèvement sur la DCTP.

On s'attend à la création d'au moins une trentaine de nouvelles communautés d'agglomération, ce qui est un succès. Parmi ces dernières, je me permettrai de signaler la communauté de Montpellier, qui regrouperait 450 000 personnes, soit l'équivalent de neuf petites communautés d'agglomération.

L'Assemblée nationale a cherché à atténuer l'impact de l'intercommunalité sur les dotations de solidarité et sur la DCTP. Elle a ainsi adopté un amendement majorant de 150 millions de francs la DSR « bourgs-centres » - vous l'avez fait remarquer, monsieur le ministre -, ce qui assure une progression de 3,5 % des ressources de cette fraction par rapport à 2000.

Elle a également décidé de majorer de 200 millions de francs la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération en la portant à 1,2 milliard de francs par an.

Mais il ne s'agit que de mesures de « ra stolage » à court terme, si je peux m'exprimer ainsi. La sortie du contrat de croissance et de solidarité doit être l'occasion d'une ré exion sur le nancement de l'intercommunalité.

Monsieur le ministre, il me semble nécessaire de prévoir une dotation spéci que disposant, contrairement à celle prévue par les communautés d'agglomération, de moyens suf sants.


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Dans les dotations hors enveloppe, on note le poids croissant des compensations de scalité locale. Des dotations dites « passives », c'est-à-dire des dotations ne faisant pas l'objet d'une indexation spéci que, ont fait l'objet de nombreuses modi cations. Les multiples réformes de la scalité locale engagées ces trois dernières années ont conduit à donner une part croissante à diverses compensations ayant la même indexation que la DGF.

C'est ainsi que la dotation inscrite au titre du fonds de compensation pour la TVA - FCTVA- est xée à 23,5 milliards, soit une augmentation de 7,7 %.

Votre rapporteur spécial a déposé, en 1999, un rapport d'information sur le fonds de compensation de la TVA qui soulignait la nécessité absolue d'éviter la transformation du FCTVA en une dotation indexée.

Je ne peux donc qu'exprimer ma surprise quand, à la lecture du rapport de la commission Mauroy, je découvre qu'une telle éventualité, néfaste pour les collectivités locales mais aussi pour les investissements des collectivités locales, est envisagée.

Près des deux tiers, 63 % des dotations dites « passives », sont composées de compensations d'exonération et de dégrèvements législatifs pour un montant de 68 milliards de francs. Le principal poste est celui de la compensation du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée. Ce qui fait que, monsieur le ministre, messieurs, l'Etat est devenu le premier contribuable local.

Les compensations indexées s'élèvent à 59,2 milliards de francs, soit plus du double du montant de ces compensations prévu par la loi de nances pour 2000.

Les diverses compensations de scalité locale, hors enveloppe normée, atteignent 127,4 milliards de francs. A cette somme peuvent être ajoutées des compensations gurant dans l'enveloppe normée.

Au total, l'Etat devrait prendre en charge, en 2001, 147 milliards de francs au titre de la scalité locale.

Si l'on ne tient pas compte des compensations accordées au titre de la scalité indirecte, cela signi e que la contribution de l'Etat aux quatre taxes directes locales est de l'ordre de 120 milliards de francs, soit environ 38 % du produit voté de ces quatre taxes.

Dès lors, il est évident qu'une réforme de fond de la scalité locale est indispensable.

La part prise par l'Etat dans la scalité locale ne constitue pas en soi un véritable problème. Un récent rapport rédigé dans le cadre du congrès des pouvoirs locaux et régionaux au sein du Conseil de l'Europe a encore montré que les collectivités locales française sont parmi celles qui, en Europe, disposent le plus de ressources propres.

En revanche, il faut bien constater que les diverses réformes de ces dernières années peuvent avoir des conséquences mal maîtrisées. Ainsi la réforme de la taxe professionnelle pourrait conduire à une forte réduction de la part de la cotisation nationale de péréquation alimentant le fonds national de la TP.

De même notre collègue Augustin Bonrepaux a souligné, lors de l'examen du présent budget par la commission des nances, l'impact que cette réforme peut avoir en matière de calcul de potentiel scal et donc sur la répartition des dotations.

En n, il convient de rappeler que la compensation de la suppression de la part salariale devrait être intégrée, à compter de 2001, dans la DGF, selon des modalités encore inconnues, alors que cette mesure portera tout de même sur une somme de l'ordre de 60 milliards de francs, ce qui est loin d'être insigni ant.

Néanmoins, le plus grave problème lié à la croissance de l'Etat dans la scalité locale est sans doute l'aggravation du caractère virtuel de cette imposition. Après les bases virtuelles résultant de l'absence de révision des valeurs locatives, après les taux virtuels mis en oeuvre pour le calcul de certains dégrèvements, on a de plus en plus, aujourd'hui, de contribuables virtuels.

Cette situation résulte, pour une large part, de l'archaïsme de notre scalité locale, assise essentiellement sur des stocks et non sur des ux. Pierre Mauroy af rmait la semaine dernière à Lille : « Ce qui menace l'autonomie scale, c'est d'abord et surtout l'archaïsme de nos impôts locaux. » Ce constat est indéniable, monsieur le

ministre. Il est cependant dommage que la commission pour l'avenir de la décentralisation n'en ait pas tiré toutes les consé quences. En effet, ses propositions en matière de réforme de la scalité locale apparaissent quelque peu timorées. De petites réformes en petites réformes, on ne fait qu'aggraver le caractère virtuel et non transparent de la scalité locale.

En particulier, la commission Mauroy a, semble-t-il, rejeté le partage d'un impôt d'Etat, principalement parce que cela ne pourrait se concevoir qu'à taux xe. Ce qui serait, dit-on, contraire au principe de l'autonomie scale des collectivités locales.

Bien sûr, il n'est pas question de transposer la situation allemande à la France. Mais il me semble que, monsieur le ministre - je me permets à la n de ce rapport de vous le demander instamment -, vous avez annoncé le dépôt d'un rapport au Parlement d'ici à la n 2001, a n de préparer les voies et moyens d'une réforme d'ensemble des ressources des collectivités locales.

Je suis particulièrement heureux et er que ce gouvernement s'attaque à une tâche aussi importante, aussi dif cile, voire très dif cile à faire admettre aux élus locaux eux-mêmes. Mais je souhaiterais que ce rapport étudie, en dehors de tous préjugés, la faisabilité du partage d'un impôt. Cette réforme, me semble-t-il, est la seule susceptible d'assurer aux collectivités locales les ressources assises sur les bases évolutives, tenant compte des évolutions économiques. Ce qui est important, ce ne sont plus les murs, mais la présence d'un ordinateur dans la maison.

Une telle réforme permettrait d'ouvrir au Parlement un véritable débat politique sur la part des ressources nationales consacrée aux besoins croissants des collectivités locales et sur une véritable péréquation entre elles, en conformité avec la politi que d'aménagement du territoire.

En n, dans cette maison, on ferait de la politique, au lieu de s'engluer dans les débats techniques, complexes qui empêchent les citoyens de voir exactement la relation entre ce qu'ils payent et ce qu'ils reçoivent des diverses collectivités.

Pour le reste, ce budget est tout à fait intéressant.

M. le président. La parole est à René Dosière, rapporteur pour avis pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration gén érale de la République, pour les collectivités locales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux aspects des crédits de votre ministère ont attiré mon attention : ceux destinés aux collectivités locales et à l'administration territori ale, en l'occurrence les préfectures et les sous-préfectures.

S'agissant des crédits affectés aux collectivités locales et compte tenu de la précision et de l'exhaustivité des propos de M. Saumade, je serai particulièrement bref.

Je note simplement que la croissance économique se traduit par la hausse très satisfaisante des concours nanciers aux collectivités. Le mécanisme d'indexation, prévu dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, a montré tout son intérê t. Le succès de l'intercommunalité se traduit néanmoins par des déséquilibres dans la répartition des dotations de la DGF. Il conviendrait d'en être bien conscient. Vous-mêmes, vous nous avez un peu inquiétés en laissant entendre que les nouvelles communautés d'agglomération créées en 2000 seraient juste nancées par les crédits prévus, y compris la majoration votée par l'Assemblée. Je crains que ces crédits soient encore insuf sants en 2001.

En 2000, la dotation d'aménagement a fonctionné grâce aux concours extra DGF représentant 28 % des crédits initiaux.

Cette situation risque de s'accentuer et doit conduire à une réforme de la DGF permettant d'assurer à la fois, et de concilier en tout cas, le nancement des communes et le nancement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), sans oublier la péréquation.

Je crois que les services des préfectures doivent être d'une extrême vigilance pour véri er que les EPCI nouveaux exercent effectivement les missions qui leur reviennent par la loi ou par leurs statuts. Sans quoi nous risquons de nancer deux fois les mêmes dépenses, tantôt par la DGF, tantôt par la scalité locale, puisque les dernières publications statistiques de la DGF - dont


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je tiens à souligner la qualité - montrent que la scalité intercommunale ne se traduit pas par une baisse de la scalité communale.

On pourrait évoquer les transferts de charge des communes aux intercommunalités, si ce terme de « transfert de charge » n'était pas traditionnellement réservé aux relations entre l'Etat et les collectivités locales.

En ce qui concerne la scalité locale et la part croissante de la prise en charge par l'Etat, j'ai suf samment souligné, dans mes rapports précédents, les aspects pervers de cette situation pour ne pas y revenir. Je constate simplement que la commission Mauroy ne fait que conforter mes analyses et avance quelques idées intéressantes sur la spécialisation des impôts locaux et sur la pr ise en compte des capacités contributives des personnes dans le cadre d'une réforme de la taxe d'habitation.

Peut-être conviendrait-il que le Gouvernement précise les propositions qu'il envisage de mettre en application. Vous avez évoq ué à l'instant, monsieur le ministre, « une réforme d'ensemble », ce qui me fait peur. Ce terme, naturellement universitaire, dissimule souvent d'une manière élégante le fait de se retrouver devant l'impossibilité de faire une réforme. Alors, plutôt qu'une « réforme d'ensemble », je me contenterai d'une simple réforme de la taxe d'habitation calculée sur les revenus.

Alors, comme le budget du ministère de l'intérieur ne se réduit pas à la police, contrairement aux apparences, je voudrais dire quelques mots sur les crédits de l'administration, pour lesquels j'ai procédé à plusieurs auditions et déplacements en province. Il m'a paru intéressant d'examiner le fonctionnement des services préfectoraux, quelque peu négligés depuis une dizaine d'années dans les rapports budgétaires.

Je ferai simplement quelques brèves remarques. Je crois qu'il convient de réduire les délais de délivrance des titres et d'év iter les déplacements inutiles. Pourquoi tous les services délivrant les passeports ne sont-ils pas équipés de l'application DELPHINE, et quand ce retard sera-t-il résorbé ? Pour les titres relatifs aux véhicules, il serait souhaitable de simpli er les démarches des administrés en associant davantage les mairies.

En n, je voudrais vous signaler qu'il n'est pas normal que le coût des titres d'identité soit supporté par le budget global des préfectures, alors que le nombre des titres varie selon le département et l'année.

Je souhaite insister sur la faiblesse des moyens alloués au contrôle de légalité, compte tenu du nombre d'actes transmis à contrôler. Les personnels rencontrés - et je tiens à souligner le grand sens de l'Etat dont ils font preuve - ont insisté sur la dif culté d'effectuer correctement ce contrôle de légalité en raiso n des nombreuses tâches matérielles de tri, d'enregistrement des actes, et de l'insuf sance des moyens matériels et humains (correspondance, scanners ou ordinateurs). Ils s'interrogeaient aussi sur la dilution des moyens consacrés au contrôle, tant le rôle de certains SCGAR ou de certaines sous-préfectures n'apparaît pas pertinent. Des regroupements sont souhaitables. Il faut améliorer la collaboration avec les services de la comptabilité pour assurer un meilleur contrôle budgétaire.

Il faudrait, en outre - mais je me suis aperçu que la commission Mauroy partageait aussi ce point de vue -, revoir à la baisse le nombre d'actes faisant l'objet d'une transmission obligatoire.

Certains d'entre eux sont vraiment inutiles.

En n, j'insisterai sur la nécessité de moderniser les services préfectoraux pour les adapter plus ef cacement à la nouvelle donne territoriale. L'expérience actuelle de globalisation des crédits est très intéressante puisqu'elle permet une déconcentration des moyens et donne aux préfets les instruments d'une meilleure allocation de l'argent public, en leur permettant d'arbitrer les choix budgétaires au plus près des réalités du terrain.

Un tel système devrait être étendu à l'ensemble des préfectures et des services déconcentrés dans le département, ce qui renforcerait le rôle interministériel du préfet, qui est d'ores et déjà reconnu en droit et qui le serait ainsi dans la pratique.

Toutefois je pense souhaitable, monsieur le ministre, qu'au préalable nous puissions remettre à plat le niveau de ces dotations attribuées aux préfectures, sous peine, avec la globalisation, de maintenir des inégalités humaines et nancières considérables et qui mériteraient une analyse précise, que je m'efforcerai de faire, même si elle est rendue dif cile par la faiblesse des données statistiques.

De plus, ce système ne peut fonctionner qu'en améliorant la concertation avec les personnels et en mettant en place des services chargés de gérer les ressources humaines. Car, faute d'un dialogue social sincère et permanent, la globalisation risque de soulever de fortes oppositions et d'avoir de nombreux effets pervers, comme me l'ont exposé les délégués syndicaux.

En tout état de cause, la souplesse doit prévaloir, et l'organisation des services ne doit plus nécessairement être uniforme sur l'ensemble du territoire.

Si je pense qu'il convient de maintenir les sous-préfectures existantes, cela ne signi e pas que leurs tâches ne soient pas modi ées. Il convient de redé nir leurs missions pour tenir compte à la fois des objectifs d'ef cacité et d'aménagement du territoire.

En n, je voudrais attirer votre attention sur les problèmes graves posés au personnel des préfectures. Il s'agit de problèmes d'effectifs non seulement globaux, mais également entre les départements de répartition territoriale. Il s'agit des problèmes de déroulement de carrière qui ne sont pas actuellement traités de manière satisfaisante et qui risquent de voir les meilleurs élé ments quitter les préfectures. Je crois que la mobilité des cadres de préfecture doit être favorisée par un accès plus large au co rps préfectoral ou aux postes de l'administration centrale. En effet, l'absence de véritable perspective de carrière pour les cadres des services préfectoraux est aujourd'hui préoccupante.

Un tel rapprochement, qui pourrait aboutir à la fusion du corps des cadres de préfecture avec les corps correspondants de l'administration centrale suppose, en tout état de cause, une harmonisation des régimes indemnitaires.

En n, je pense qu'il convient de développer la formation managériale parmi le corps préfectoral, généralement habitué à des relations d'autorité.

Voilà monsieur le ministre, les observations et commentaires que j'entendais formuler sur les crédits de l'administration territoriale dont je souhaite qu'ils retiennent toute l'attention de la commission des lois.

M. le président.

Je vais maintenant donner la parole aux porte-parole des groupes.

Je suggérerai, au vu de la composition de l'assemblée, monsieur le ministre est d'accord, de donner ensuite la parole aux parlementaires qui souhaiteraient vous interroger ou donner leurs points de vue sur ce sujet. Je vous rendrai la parole a n de conclure. Je rappelle aux membres de la commission des lois que nous siégerons ensuite à huis clos, ou du moins dans une composition normale, pour émettre un vote sur l'avis que nous donnons au budget présenté aujourd'hui.

La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Didier Quentin.

Monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes tous d'accord pour dire que la sécurité est devenue maintenant la priorité des Françaises et des Français. Monsieur le ministre, vous venez de déclarer dans une récente émission de radio, que la sécurité constituait la priorité numéro deux du Gouvernement. Je pense qu'elle est en passe de devenir la priorité numéro un de l'ensemble de nos concitoyens.

Ce budget, dont vous semblez être assez satisfait, ne nous apporte pas la garantie d'une politique cohérente ainsi que les moyens suf sants.

Alors je ne prendrai qu'un seul exemple : la baisse des effectifs de police, baisse légère, je le reconnais. Ils passent de 149 880 en 2000 à 148 453 en 2001, soit 1 480 emplois de moins, alors que l'insécurité augmente.

Ce matin, la radio dont vous étiez l'invité dimanche dernier, se faisait l'écho d'informations selon lesquelles il serait envisagé de revoir les statistiques de l'insécurité et qu'elles pourraient ê tre arti ciellement améliorées, notamment par la suppression du système d'analyse informatique de la violence urbaine, appelé le SIVU. Alors, je voudrais que vous nous apportiez quelques précisions sur ces intentions. Il semble que cela suscite un certain


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mécontentement des renseignements généraux. Un groupe de travail étudie au sein de la police judiciaire, une nouvelle présentation de ces statistiques.

On a déjà eu recours, récemment, à un arti ce sémantique.

Notre collègue, M. Dreyfus, y a fait allusion tout à l'heure, il s'agit des incivilités. Je serais tenté, en me faisant l'écho de c ertaines victimes de ces incivilités, de plus en plus nombreuses non seulement en milieu urbain ou péri-urbain mais aussi dans des zones rurales, de paraphraser Arletty ; on dit « sentiment d'insécurité », beaucoup de victimes seraient tentées de dire : « Sentiment ? Sentiment ? Est-ce que j'ai une gueule de sentiment ? » Les précisions que vous pourrez nous apporter sur ce sujet seront utiles.

Je ne fais pas allusion non plus au prochain livre de Mme Buitron, Violences urbaines, des vérités qui dérangent, dont il a été beaucoup question, ou bien encore de l'hebdomadaire récent qui parlait du « scandale du 18e ». Je pense très sérieusement que, sur l'avenir du SIVU, nous serons intéressés d'avoir votre réponse.

En ce qui concerne les effectifs policiers, on constate une certaine stagnation en 2001. La gestion prévisionnelle des départs à la retraite demeure insuf sante.

On estime qu'avant 2004 près de 25 000 policiers partiront, dont près de 70 % par anticipation. Pouvez-vous nous préciser le nombre de fonctionnaires ayant béné cié de départs anticipés en 2000 et combien ont été remplacés ? Dans quelle proportion les adjoints de sécurité ont-ils été embauchés ? 4 700 départs à la retraite étaient prévus cette année, amorcée aux trois quarts.

Ont-ils été tous remplacés ? Les schémas directeurs de la formation de la police nationale avaient prévu, pour la période 1999-2002, le recrutement de 25 000 gardiens de la paix et de 10 000 adjoints de sécurité.

Pensez-vous pouvoir atteindre ces objectifs ? Combien en avez-vous déjà recruté ? En n, il est question de la concentration de certains services, et notamment des services régionaux de la police judiciaire.

Qu'en est-il ? Quelles dif cultés engendre une telle mesure ? Je voudrais maintenant aborder rapidement les problèmes de formation, de carrière et de gestion du personnel. Pour la formation continue, trois grands objectifs étaient xés : préparer la majorité des agents à la mise en oeuvre de la police de proximité ; renforcer les liens entre formation et déroulement de carrière ; mieux organiser le réseau de formation en accentuant le caractère professionnel des actions de formation.

Cette révision générale des programmes de formation a-t-elle été effectuée ? Etes-vous satisfait des résultats ? Concernant la carrière et la gestion du personnel, je me ferai l'écho des syndicats de police qui dénonçaient fréquemment l'absence de promotion. La situation s'est-elle améliorée ? On estimait l'an dernier que 30 à 35 % - nous en avions parlé lors de la discussion du budget 2000 - des effectifs n'assuraient pas de missions de police active, mais se consacraient à l'assistance, au conseil, au soutien opérationnel.

Pourtant seuls 10 % des effectifs de la police nationale sont affectés à des tâches administratives ou techniques. Je voudrais savoir si la situation évolue positivement.

En n - et je fais la transition avec la police de proximité et les adjoints de sécurité -, la précarité du statut des adjoi nts de sécurité est souvent dénoncée. Cette situation s'est-elle amé liorée ? Il est considéré généralement que les adjoints de sécurité ne peuvent pas rendre les mêmes services qu'un fonctionnaire de police. En effet, les conditions de leur recrutement semblent assez peu rigoureuses. Ils reçoivent une formation jugée souvent sommaire et très insuf sante et ils n'ont pas, selon les syndicats de police, l'indispensable connaissance du droit et de la psychologie.

De plus, faute d'effectifs satisfaisants dans le corps de maîtrise et d'application, leur encadrement est souvent dé cient.

Par conséquent, je vous poserai deux questions : premièrement, pensez-vous que le recrutement de 4 150 adjoints de sécurité en 2000 répond aux exigences de la mise en oeuvre d'une véritable police de proximité ? deuxièmement, pensez-vous honnêtement que la police de proximité est ef cace dans la lutte contre la petite délinquance urbaine et, si ce n'était pas le cas, que mettriez-vous en oeuvre pour y remédier ? En ce qui concerne la revalorisation des rémunérations, comme cela a déjà été indiqué, vous avez annoncé 125 mill ions de francs pour 95 000 gradés et gardiens. Cela fait effectivement à peine plus de 100 francs par gardien.

Je note que ce budget est de plus en plus un budget de maind'oeuvre. Les frais de main-d'oeuvre représentent environ 82 % de ce budget alors que 13 à 14 % sont dédiés au fonctionnement. Il reste bien peu pour l'investissement.

Je tiens à souligner l'état très peu satisfaisant du parc automobile. 70 % des véhicules seraient immobilisés ou ne respecteraient pas les normes de sécurité, ce qui est assez paradoxal au moment où, à juste titre, le ministère de l'intérieur, le minis tère de l'équipement et des transports et les services préfectoraux lancent des campagnes sur la sécurité routière. Il faut vite remé dier à l'état vétuste de ce parc automobile.

Je note également un décrochage de nos investissements techniques par rapport à l'étranger, ce qui affecte durement notre police scienti que et technique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? En n, sommes-nous vraiment prêts à mettre en place les dispositions de la loi sur la présomption d'innocence ? On parle souvent du lien armée/nation. Songez-vous, concernant le budget de la police proprement dit, à prendre des mesures pour améliorer le lien nation/police ? Il faudrait que les fonctionnaires de police, les jeunes notamment, accordent aux fonctionnaires opérationnels, par une meilleure connaissance de leur action, de leur engagement, peut-être grâce au milieu éducatif scolaire, toute la considération qu'ils méritent. S'agissant des préfectures, je partage l'analyse de M. René Dosière. Je me permets d'insister sur les délais souvent excessifs de délivrance des titres. Il est souvent jugé choquant d'attendre quatre mois ou plus pour obtenir une carte d'identité.

Pour ce qui est de la modernisation des services préfectoraux, je rejoins les observations faites sur la carrière des agents et la formation managériale. C'est une évolution nécessaire pour notre corps préfectoral.

Dans quelques heures, vous allez rejoindre l'île de Beauté. J'ai été témoin cet été, durant quelques jours de vacances, des i ncendies de forêt. 10 000 hectares de forêts ont brûlé dont 2 500 hectares de pins larizio. J'ai constaté l'action courageuse des agents de la sécurité civile dont plusieurs ont été blessés et dont l'un est décédé. Pourriez-vous faire le point sur le résultat des enquê tes diligentées à la suite de cette véritable catastrophe écologique ? Je voudrais revenir sur la coopération intercommunale. La loi, dite loi Chevènement du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simpli cation de la coopération intercommunale, a modi é profondément les dispositifs de l'intercommunalité. Le Gouvernement a poussé bon nombre de communes, souvent endettées, à se lancer dans la coopération intercommunale en leur faisant miroiter une DGF attrayante et, pour les établissements publics de coopération intercommunale à scalité unique - c'est-à-dire à taxe professionnelle unique -, une DGE (dot ation globale d'équipement) boni ée de 175 francs par habitant.

Or, dans bien des cas, cette dotation est inférieure à 175 francs par habitant, car il s'agit d'une dotation moyenne et non véritablement d'une dotation boni ée. Il y a là un véritable amalgame.

Beaucoup d'élus locaux s'interrogent sur la pérennité des ressources attribuées aux différents établissements publics de coopé ration intercommunale après 2003. Donc, monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer ces élus inquiets -, et quels engagements fermes pouvez-vous prendre à ce sujet ? Tout à l'heure, vous avez évoqué la dotation de solidarité rurale en indiquant que les dotations de solidarité rurale

« bourg-centre » devraient croître. Ce conditionnel m'a un peu inquiété. Pouvez-vous être plus af rmatif ? En n je souhaiterais aborder un point bien particulier - qui recouvre un certain nombre de compétences de votre ministère : l'application de la loi no 99-5 du 6 janvier 1999 sur les animaux dangereux. Elu d'une circonscription dans laquelle, voici quelques mois, un drame a eu lieu - la mort d'une vieille dame de plus de quatre-vingt-cinq ans déchiquetée par des pitbulls -, je souhaiterais que vous fassiez le point sur l'application de cette loi. Elle soulève quelques dif cultés au plan judiciaire, le pro-


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cureur préférant faire tuer le chien plutôt que d'in iger la sanction prévue aux contrevenants. Dif cile à appliquer, dans les municipalités, car les possibilités d'intervention des maires apparaissent souvent délicates. En effet, dans les textes, on peut lire que le maire « doit » ou que le maire « peut ». Il n'est pas toujours facile pour les maires d'agir et de connaître exactement leur champ de compétence dans ce domaine. Ils se trouvent parfois entre inef cacité et condamnation pénale pour absence d'action. Les policiers rencontrent aussi des dif cultés, et cela vous concerne plus directement, sur tout le territoire national. Les forces de police devraient avoir des moyens adaptés à la maîtrise de ces chiens. On le déplore, peut-être plus en province que dans la région parisienne. S'y ajoute l'engorgement chronique des chenils et des fourrières. Je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions sur cette affaire des pitbulls, qui a beaucoup ému nos concitoyens. Voilà monsieur le ministre, les remarques et questions que je souhaiterais vous poser au nom du groupe du Rassemblement pour la République.

M. le président.

La parole est à M. Braouezec, pour le groupe communiste.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur quatre ou cinq points. S'agissant du concours de l'Etat aux collectivités locales, vous avez souligné que le Gouvernement avait respecté les priorités qu'il s'était xées.

Certes, qu'il s'agisse des engagements pris dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, du renforcement des politiques de péréquation et de soutien à l'intercommunalité, ou encore de la compensation des réformes de la scalité, nous ne souhaitons ni ne devons sous-estimer les efforts entrepris. Tel n'est pas l'objectif des députés communistes.

Pour autant, cette amélioration ne résout pas les problèmes nanciers des collectivités locales. Leurs besoins sont énormes pour faire face aux aspirations des habitants. Chômage, précarité, pauvreté, besoin en équipements sociaux, obligations légales pour le secteur de l'eau et de l'assainissement, multiplication des exonérations et des dégrèvements, archaïsme des impôts locau x souligné par M. Saumade, mise en application des 35 heures et transformation des emplois-jeunes en emplois statutaires et correctement rémunérés constituent un ensemble de contraintes nancières auxquelles les collectivités devront se plier au prix souvent de lourds investissements et de coûts de fonctionnement importants.

Eu égard au temps imparti, je limiterai mon propos à quelques propositions susceptibles de redé nir les bases d'une croissance mieux partagée. Comment, en effet, faire vivre un véritable pacte de solidarité sans conforter la situation nancière de nos collectivités ? Quelques mesures permettraient, d'une part, de développer les mécanismes de solidarité et, d'autre part, de réalimenter la taxe professionnelle.

Ainsi, associer les collectivités aux fruits de la croissance en portant à 50 % la fraction du taux de croissance du PIB permettrait en partie le nancement de l'intercommunalité au-delà de l'abondement d'un milliard prévu cette année qui, comme vous l'avez souligné, ne suf ra pas.

Concernant la taxe professionnelle, le produit du relèvement des cotisations minimales de la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée pourrait être redistribué aux collectivités, et celui d u relèvement des cotisations de péréquation affecté au Fonds national de péréquation de la taxe.

D'autre part, la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste devrait revenir aux communes.

De même, tenant compte de la réalité de l'économie française aujourd'hui, où la richesse essentielle est nancière et sous scalisée, il pourrait être tenu compte des actifs nanciers en les incluant dans l'assiette de la taxe professionnelle.

En n, même si cela concerne aussi le ministère de l'économie et des nances, quand l'Etat mettra-t-il en application l'arrêt du Conseil d'Etat donnant raison aux communes, comme celles de Saint-Denis et de Pantin, qui réclament depuis 1992 la compensation intégrale de la réduction de la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales ? Il importe d'apporter une solution rapide à cette question, sous peine d'encombrer la justice administrative de milliers de contentieux, coûteux à la fois pour l'Etat et pour les collectivité s. J'appellerai également votre attention sur la CNRACL et sur la nécessité de stopper la surcompensation. Ces propositions, qui devraient être débattues, permettraient d'apporter un ballon d'oxygène aux collectivités locales et redonneraient espoir à l'ensemble des élus locaux qui attendent des réformes ambitieuses tant au plan nancier qu'en matière de compétence et d'attribution des collectivités locales.

Je souhaiterais ensuite aborder la place des élus dans notre société. Si les institutions locales de la République ont instauré un lien étroit et régulièrement renouvelé entre les 60 millions d'habitants et les plus de 510 000 élus que compte notre pays, il apparaît que cette précieuse proximité d'un élu en moyenne pour 120 habitants ne règle pas toutes les questions de démocratie locale.

Les dispositions actuelles régissant l'exercice du mandat d'élu ne s'adressent pas à tous de la même manière. Le constat aujourd'hui est préoccupant mais réel. Les assemblées élues ne sont p as à l'image de notre société. C'est vrai pour ce qui concerne la place des femmes, même si elle s'améliore, des jeunes, des salariés en activité, etc.

C'est à partir de ce constat que la commission présidée par Pierre Mauroy a travaillé. Ses propositions sont maintenant connues. S'il n'est pas à l'ordre du jour de ce matin de les analyser, voire de les amender ou de les améliorer, je serais tenté de dire qu'il ne faut pas perdre de temps. La proximité des prochaines échéances électorales doit être l'occasion de rompre av ec les effets démotivants et discriminants dus à l'absence d'un véritable statut de l'élu.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître vos intentions sur l'évolution nécessaire de ce statut a n d'accroître la participation des citoyens à la démocratie locale.

S'agissant de l'administration territoriale, je voudrais souligner le retard de son développement par rapport à l'urbanisation. Le renforcement des moyens, de ses effectifs et de son ef cacité en milieu urbain, notamment dans les quartiers populaires, est une priorité qui n'apparaît pas dans ce budget.

Il faut s'interroger sur la signi cation politique et sociale que pourrait avoir une proximité limitée à la seule police. Les services de l'Etat doivent être proches et accessibles sous peine de renforcer la dé ance envers les institutions.

Sans esprit de clocher, encore que ! j'évoquerai la situation de la préfecture de la Seine-Saint-Denis et la priorité à donner à l'ouverture d'une sous-préfecture de plein exercice à Saint-Denis.

L'Etat a une enseigne, depuis que Saint-Denis est une souspréfecture, mais qui n'offre pas de services au public en matière de permis de conduire, de cartes grises, de titres d'identité ou de séjours des étrangers. Résultat : en préfecture, les délais s'allongent et augmentent les déplacements urbains. Les délais en matière de délivrance de cartes d'identité ou de passeports sont souvent plus longs que dans les autres départements. Le service des étrangers donne des rendez-vous à trois mois, ce qui nuit à l'insertion sociale et professionnelle des intéressés. Les demandes de naturalisation prennent plus d'un an en préfecture.

Cette situation et ce dé cit d'équipement de droit commun contraste avec les objectifs de la politique de la ville. Une fois encore, les habitants des quartiers populaires, sans demander de prétendus traitements de faveur et des dispositifs exceptionnels de « discrimination positive », réclament la simple égalité de traitement et d'accès au service public.

Concernant la sécurité intérieure, il nous est demandé d'apprécier si les crédits proposés permettront de répondre aux espoirs de nos concitoyens, mais aussi des personnels euxmêmes, nés des orientations du colloque de Villepinte mettant en place une police de proximité.

Les personnels de la police nationale de tous grades et de tous corps auront-ils les moyens d'assurer leur véritable mission de service public ? Aujourd'hui, les contrats locaux de sécurité déjà matérialisés béné cient d'un accueil très favorable auprès de la population.


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En juin dernier, en réponse à une question écrite posée par ma collègue Mme Janine Jambu, votre prédécesseur avait souligné que les efforts entrepris en matière d'effectifs et de formation traduisaient cette volonté.

Pourtant, de l'avis de nombreuses organisations syndicales, il ressort que les moyens humains et matériels sont notoirement insuf sants pour que cette priorité politique se traduise sur le terrain.

De ce point de vue, le départ des 25 000 agents en retraite dans les cinq prochaines années constituent un enjeu décisif et auraient nécessité le lancement d'un véritable plan de recrutement pour résoudre les problèmes organisationnels qui ne manqueront pas de se poser.

Il semble se con rmer une banalisation de l'emploi précaire avec l'augmentation du nombre d'adjoints de sécurité sans statut ni véritable formation. Des questions se posent, particulièrement au sujet de leur formation qui, bien que passant de six semaines à deux mois, demeure fortement insuf sante.

Nous pensons, pour notre part, que nous ne pouvons pas obtenir un service de qualité en baissant constamment le niveau statutaire de recrutement.

Pour conclure, sans avoir bien sûr épuisé le sujet, je me permettrai de dire que non seulement ce budget ne comble pas le retard pris pour l'application de la loi d'orientation et de programmation, mais qu'il ne s'inscrit pas tout à fait dans l'orientation du colloque de Villepinte de 1997.

Un vrai dialogue social devrait permettre d'avancer plus ef cacement.

En quelques mots, j'ai essayé de brosser les remarques que nous inspiraient les propositions budgétaires pour 2001, que nous voterons.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, que les engagements que vous prendrez soient à la hauteur des attentes et des aspirations de nos concitoyens.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDF.

M. Rudy Salles.

Je serais relativement bref.

Vous avez pu le constater, en séance de questions d'actualité les mardi et mercredi, des questions ont été posées au nom de l'opposition.

Je crois que je pourrais reprendre à mon compte l'ensemble des questions posées à M. Quentin. J'éviterai des redites et nous gagnerons du temps. Ce qui nous intéresse est d'obtenir des réponses à ces questions.

Je voudrais faire une remarque déjà formulée les années précédentes : nous, parlementaires, travaillons dans des conditions assez dif ciles. En particulier, il n'est pas normal que nous ne disposions pas, au moment où nous parlons, des statistiques de la délinquance pour les premiers mois de l'année 2000.

Avant 1997, nous avions un tableau de bord à peu près tous les trois mois qui nous permettait de savoir où nous en étions.

Aujourd'hui, nous n'avons aucune indication qui nous permette de dire comment évolue la délinquance depuis le début de l'année 2000, ce qui est quand même extrêmement fâcheux. J'aimerais qu'avant le 15, moment où nous donnerons les explications de vote à l'Assemblée nationale, nous puissions obtenir ces chiffres.

Nous ne disposons pas non plus des statistiques, tenues assez secrètes, concernant l'élucidation des crimes et des délits. J'ai lu un certain nombre d'articles dans la presse nationale sur ce sujet où les journalistes se sont heurtés aux mêmes problèmes devant des refus systématiques de collaborer du ministère de l'intérieur.

Pour reprendre les propos de M. Didier Quentin, la délinquance simple n'est pas un simple sentiment d'insécurité. Hier soir, une émission « Le droit de savoir » présentait les problèmes de sécurité dans ma ville, Nice. C'était assez impressionnant. La

« réalité » dépassait très largement le cadre du « sentiment ».

On parle beaucoup de la police de proximité. Je crois que ces mots suscitent de la sympathie et tout le monde ne peut qu'adhérer. Qui souhaiterait une police de non-proximité, une police d'éloignement, une police à distance ? Non ! La vocation de la police est d'être effectivement proche des citoyens et des problèmes posés sur le terrain.

Néanmoins, élu d'une ville où la police de proximité a été mise en place, j'ai interrogé ceux en charge de mettre cette police de proximité « en musique », si je puis dire. Partout ils expriment le même sentiment : « la police de proximité, nous voulons la faire, mais avec les moyens qui sont les nôtres, nous, nous ne pourrons pas la faire. » Cela restera un af

chage, et non une réalité. Dans les villes où cette police de proximité a é té mise en place, au lieu de susciter l'enthousiasme, voire l'euphorie lorsque l'on apporte des améliorations à une situation d'insécurité, on pourrait exprimer un sentiment de contentement - on constate un malaise de la population qui a le sentiment que rien ne change, des fonctionnaires de police estiment ne pas avoir les moyens de la politique af chée et, en n, des élus de proximité, les maires en particulier, qui sont confrontés aux dif cultés car ils n'ont pas de réponse, la sécurité étant du ressort de la Po lice nationale.

Nous savons bien que cela n'est pas un problème d'effectif national des forces de sécurité puisque la France se situe dans la moyenne européenne, ainsi que l'a établi le rapport HyestCarrez.

Malheureusement, ce rapport a été un peu vite enterré parce que les conclusions furent mal présentées et les élus locaux non concertés. Aujourd'hui, nous sommes dans une impasse. Le groupe UDF appelle de ses voeux un véritable débat au Parlement sur la sécurité intérieure.

Nous n'avons à ce sujet aucune réponse du Gouvernement.

C'est pourtant là l'occasion d'ouvrir un grand chantier. Des petites réformes mises bout à bout ne font pas forcément une amélioration générale du système, mais parfois l'aggravent. Ave c le développement des grands ensembles urbains, cohabitent des zones de police nationale, des zones de gendarmerie. Il est dif cile de coordonner cet ensemble confus et compliqué.

Il est temps de ré échir à une véritable territorialisation de la police et des forces de sécurité, non simplement dans le cadre des circonscriptions actuelles, mais dans celui de circonscriptions tenant compte des nouvelles intercommunalités. C'est ainsi que pourront être réglés les problèmes, cette grande réforme dev ant également associer les mairies et les élus locaux.

Aujourd'hui, certaines villes créent des polices municipales, d'autres ne le font pas. Finalement, il existe une inégalité devant la sécurité, selon que vous habitez dans une ville dotée d'une police municipale et qui, peut-être, améliore la prévention ou dans une commune qui ne peut ou ne veut pas en créer une.

Cette question mérite une ré exion plus approfondie et en tout cas, un débat parlementaire indispensable.

En n, je voudrais insister sur deux points.

D'une part, jusqu'en 2003, 25 000 fonctionnaires devront être recrutés pour remplacer les départs à la retraite et 45 000 d'ici à 2010. Nous sommes loin du compte.

D'autre part, alors que le budget 2001 prévoit le recrutement de 800 fonctionnaires administratifs, il en faudrait 5 000 pour répondre aux nécessités du service.

En outre, qui dit police de proximité dit également justice de proximité. C'est un autre débat qu'il faudra évidemment intégrer dans nos ré exions.

Voila, monsieur le ministre, les questions que je voulais vous poser, et sur lesquelles j'attends des réponses. Je vous remercie.

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le ministre, après l'exposé des différents rapports, je vais essayer de me placer plus sur le terrain de l'analyse du budget que vous nous avez présenté. Avant cela, je voudrais souligner combien il nous semble important dans les rapports présentés qui bien souvent analysent les chiffres donnés par votre administration - de disposer d'un rapport qui a pris un angle différent et d'une importance capitale. Je veux vous parler du rapport de M. Louis Mermaz sur les centres de rétention administrative et les centres d'accueil. Ceux qui ont suivi son travail ont vu ce que signi e se colleter avec cette réalité.

Le groupe socialiste souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez porter à ce rapport, d'un genre particulier, la plus grande attention après le vote de ce budget. Cela est important


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pour nous. C'est une erté du Parlement que de pouvoir aussi envisager la discussion budgétaire à partir de ces réalités et de ces transformations.

J'essaierai de montrer en quelques mots comment, ministre de l'intérieur, vous êtes de plus en plus, par les orientations que vous proposez, le ministre de la vie quotidienne et de la citoyenneté.

La sécurité était la deuxième priorité af chée par la déclaration de politique générale du Premier ministre en 1997. Les chiffres et les résultats sur l'emploi, même s'ils méritent sûr ement d'être confortés, sont en passe de faire passer la lutte contre l'insécurité comme l'une des premières nécessités dan s la vie des Français. Et dire que la police de proximité est quelque chose que tout le monde souhaite, laisserait à penser qu'elle existe depuis longtemps. Or c'est une façon nouvelle de fonctionner. Si la police de proximité est si dif cile à mettre en oeuvre, c'est parce que le concept a nécessité peu de débat. Mais surtout la police de proximité n'avait jamais, avant 1997 et avant le colloque de Villepinte, été une priorité en matière d' organisation des services.

Je crois que nous pouvons être satisfaits du fait que personne ne remette en cause cette orientation politique et que tout le monde ait cherché les moyens de sa mise en oeuvre sur le terrain. Mais il n'est pas juste de dire que tout le monde était forcément d'accord. Si tout le monde l'avait été et si les choses étaient si simples que cela, la police de proximité aurait été mise en place depuis longtemps. Or elle date de 1997.

Là où la police de proximité a été mise en place, de véri tables résultats ont été obtenus. Vous avez cité le chiffre de moins 2 % dans les circonscriptions de la phase 1 et de la phase expérimentale. Je voudrais souligner la baisse du sentiment d'insécurité dans ces circonscriptions. Le sentiment d'insécurité participe bien de la lutte contre l'insécurité. Le sentiment d'insécurité n'est pas un fantasme. Il est simplement la réaction normale de personnes qui ont peur d'avoir à subir eux-mêmes ce que certains de leurs concitoyens subissent effectivement. Il ne faut pas prendre cela à la légère et nous ne le faisons pas. Quand nous parlons de sentiment d'insécurité, nous parlons d'un véritable problème de sécurité.

Fort heureusement, les gens inquiets pour leur sécurité sont bien plus nombreux que ceux qui ont eu affaire à un acte de délinquance. Il convient de traiter l'insécurité réelle - ce lle des faits constatés, des plaintes déposées - et, par la police de p roximité, de nous adresser à tous ceux qui ont peur aujourd'hui, qui ont peur pour demain, qui ont peur en prenant les transports, qui ont peur en laissant leurs enfants à l'école. Nous développons des dispositifs qui permettent de faire baisser le sentiment d'insécurité.

La politique que vous mettez en oeuvre après M. Jean-Pierre Chevènement est synonyme de polyvalence et de revalorisation du métier de policier.

La question centrale pour réussir une police de proximité, audelà du changement de ce que l'on appelle la « doctrine d'emploi », concerne les effectifs sur le terrain. Cette question relève d'une véritable aberration administrative et organisationnelle dans votre ministère : l'absence, pendant de nombreuses années, de gestion prévisionnelle. Dans la police nationale, la pyramide des âges est connue depuis de nombreuses années. Ne pas penser qu'il est plus facile de gérer sur dix ans un mouvement immense de départ en retraite - 25 000 - que d'avoir à le faire sur trois ou quatre années, relève d'un véri table scandale politique. Aujourd'hui, il nous revient de traiter ce problème en un temps limité. Des redéploiements fonctionnels et les recrutements d'emplois administratifs que vous proposez vont permettre de remettre en situation d'activité des policiers formés pour un travail de terrain et qui ne le font pas aujourd'hui. La tâche n'est pas facile.

Il faudra très certainement avoir une nouvelle ré exion sur les taches indues. De nombreux rapports en parlent depuis plusieurs années. Ce problème n'est pas facile à aborder mais, dans le cadre interministériel chacun doit prendre part à la réussite de ce projet. Le chantier de la « délisation » est à af ner tant il est vrai que les gardes mobiles et les CRS rendent service sur le terrain mais souffrent quelquefois de ne pas pouvoir être utilisés par les directeurs départementaux comme des policiers de proximité. Le groupe socialiste souhaite, monsieur le ministre, qu'il n'y ait pas une seule place vacante dans les écoles de formation des gardiens de la paix. En effet, les surnombres autorisés cette année n'ont pas été repris dans le prochain budget. Or ils ont un coût budgétaire très limité, car les fonctionnaires gradé s partis à la retraite sont remplacés par des fonctionnaires nouveaux.

Le delta budgétaire est très faible. Nous souhaitons que vous puissiez avoir l'autorisation de recruter mille fonctionnaires de plus en novembre a n que ces mille fonctionnaires soient affectés à l'issue de leur scolarité dans les circonscriptions de la phase 1 et de la phase 2 de la police de proximité.

Je ne reviendrai pas sur Acropol, l'immobilier et l'automobile.

Comme vous l'avez dit, ils sont nécessaires à la réussite de la police de proximité. L'application de la loi sur la présomption d'innocence, requerra au bas mot 70 millions de francs supplémentaires pour sa mise en oeuvre. Sans sous-estimer la dif culté de cette mise en oeuvre, nous souhaitons que cette loi soit applicable dès le 1er janvier si l'on ne veut pas qu'elle ait pour effet de troubler la mise en oeuvre de la police de proximité. Il faut en particulier que la plupart des locaux de police situés dans les circonscriptions de la phase 1, de la phase 2 et de la phase 3 soient équipés en conséquence.

En n, monsieur le ministre, les contrats locaux de sécurité sont un succès. Nous vous réaf rmons notre souhait que la sécurité soit organisée autour de l'Etat et autour de l'action de l'Etat. Vous avez, en dehors de la police de proximité, essayé de clari er les relations entre les différents acteurs de la sécurité. Je pense notamment aux polices municipales et bientôt aux sociétés de sécurité et de gardiennage. Nous sommes attentifs à ce que cette meilleure lisibilité de l'action des « co-producteurs de sécurité » se fasse autour de l'Etat grâce à la meilleure information des élus locaux. La responsabilité centrale doit rester celle de l'Etat. J'insiste au passage pour que l'administration de la police nationale « densie » sa relation avec la jeunesse. La police de proximité doit être expliquée. Les élus locaux peuvent certainement vous apporter leur concours. Nous souhaiterions, pour l'année 2001, que votre administration aille davantage à la rencontre de la jeunesse, pour expliquer ce qu'est la police de proximité, et notamment dans les endroits dits sensibles. Nous sommes près à vous aider à tisser ce lien.

Juste deux mots sur les collectivités locales et l'organisation territoriale. Nous sommes attentifs à tout ce qui permet et tout ce qui ira dans le sens d'une meilleure justice et d'une meilleure solidarité.

Je voudrais simplement rappeler que « dotations d'Etat » ne signi e pas nécessairement perte d'indépendance.

Il est même paradoxal que les commumnes qui revendiquent le plus fort leur autonomie scale soient précisément celles qui ont le moins besoin d'en faire usage, tandis que celles dont les bases sont faibles sont obligées de pratiquer des taux élevés et n'ont donc pas d'autonomie nancière.

Il faut ré échir sur l'organisation des territoires dans un sens de justice, de solidarité et de forte péréquation.

Nous sommes heureux que le Gouvernement ait entrepris, avant même de relancer le débat sur la décentralisation, de stimuler l'intercommunalité et de remodeler le territoire sur la base de la volonté des élus.

Nous souhaitons simplement que les dotations correspondent aux engagements pris par le Gouvernement.

En n, nous sommes attentifs depuis de nombreuses années, - conséquence nécessaire des débats menés depuis 1997 - à ce que vous soyez le ministre de l'intérieur sous lequel la question du statut de l'élu progressera de façon décisive.

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le ministre, vous allez pouvoir respirer un peu. A la différence de l'orateur précédent, je ne vais pas vous étouffer sous les eurs. (Sourires.)

Je souhaiterais rappeler quelques passages un peu plus acerbes des rapports qui nous ont été présentés.

Monsieur Dreyfus a parlé de verre à moitié plein ou à moitié vide. Vous avez reconnu que, si monsieur Dreyfus disait du bien de votre budget, c'était autant par amitié que par discipline majoritaire. Car si on lit bien entre ses lignes, ce rapport est assez critique.


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Si je voulais ler la métaphore, je dirais que votre politique est une politique de « goutte à goutte » qui maintient la police nationale juste en survie minimum, indigne d'une politique qui ferait de la sécurité publique une priorité du Gouvernement.

Quant au constat sévère dressé par M. Mermaz sur les centres de rétention administrative, il pourrait s'appliquer à l'ensemble de la police nationale et aux moyens dont elle dispose.

Car, si l'on mesure l'effort de l'Etat en la matière, cela ne représente que 1,7 % du budget de l'Etat (31 milliards de francs). Voyez à quel point cet effort est modique si on la considère comme l'une des fonctions essentielles de l'Etat, fonction régalienne s'il en est. Finalement personne d'autre que l'Etat, M. Le Roux a raison de ce point de vue, ne peut assurer la sécurité des Français. C'est lui qui doit avoir le rôle prép ondérant, même si d'autres acteurs dans ce domaine peuvent agir avec ef cacité, à commencer par les collectivités locales.

J'ajoute que cela signi e, quand on rapporte cette somme au nombre de Français, que chaque Français paye 500 francs par an pour sa sécurité et sa police. Ce qui, vous le reconnaîtrez, est extrêmement modique.

Je con rme donc à la lecture de votre budget - c'est une sorte d'aveu - que la sécurité n'est pas une priorité de l'Etat pour ce gouvernement et peut-être d'ailleurs, ajouterez-vous, pour les précédents. C'est fort possible.

En effet, si les recettes scales de l'Etat augmentent de 4,7 %, le budget de la police n'augmente que de 1,8 en 2001, c'est-àdire moins que l'année précédente où il augmentait de 3,02 %.

Les effectifs dans la police nationale diminuent puisqu'ils passent de 129 881 à 128 439.

Vous ne pouvez pas prétendre que vous avez fait un effort particulier pour la sécurité. Vos propres rapporteurs et vos chiffres prouvent le contraire.

J'ajoute que cela est à peu près continu. Nous assistons, premier point, à la paupérisation de la police. Vous faites des économies budgétaires sur le budget de la police nationale, en transférant un certain nombre d'emplois d'of ciers d'encadrement, plus coûteux, à des postes de gardiens de la paix : 200 emplois d'of ciers transférés pour 150 emplois de gardiens de la paix et 50 emplois de brigadiers majors.

Vous faites en réalité des économies en remplaçant des emplois d'encadrement par des emplois de gardiens de la paix.

C'est une paupérisation, une déquali cation de la police.

Il faut, au contraire, des emplois revalorisés, un fort encadrement et des personnels bien payés. Je vous rappelle qu'aujourd'hui les gardiens de la paix sont payés 6 000 francs par mois environ. Aux Etats-Unis, pays du libéralisme sauvage et de la délinquance accrue soi-disant, un même gardien de la paix, un même of cier, un même agent de police est payé environ 25 000 francs. Vous voyez que nous avons là un écart monumental avec un pays qui n'est, ni de mon point de vue ni du vôtre, un modèle.

Parce qu'elle se paupérise, cette police doute de son avenir.

Un certain nombre d'orateurs l'ont dit gentiment, mais l'ont dit : vous n'avez pas anticipé la mise à la retraite des personnels de police. Votre gouvernement et le gouvernement précédent - vous êtes là depuis tout de même trois ans - n'ont pas ant icipé le départ à la retraite en 2004 de 25 000 fonctionnaires. De plus 70 % de ces personnels partiront par anticipation. Ce n'est pas vous, personnellement, monsieur le ministre, c'est votre gouvernement. Vous êtes aussi solidaire du passé. Vous n'avez pas non plus anticipé véritablement la réforme des 35 heures.

Contrairement à ce qui nous avait été af rmé au Parlement dans les années précédentes, aucune commission ne ré échit et ne travaille sur le temps de travail des policiers. Vous vous y prenez mal également - c'est ce qu'ont dit certains de mes prédécesseurs - en ce qui concerne la question de leur formation.

En n, cette police doute de son ef cacité. Tout simplement parce qu'elle n'a pas le sentiment d'être suf samment soutenue, pas forcément par vous, mais en tout cas par la justice. Vous savez sans doute que les commissaires et les agents de police parisiens enquêteurs ne sont pas informés de la suite pénale et judiciaire des affaires qu'ils lui transmettent. J'attirerai l'attention du procureur et du préfet de police sur ce point. C'est anormal et pourtant réel. Vous pouvez interroger les commissaires et personnels de police de Paris.

Je vous demande, monsieur le ministre, de mettre bon ordre à ce que j'appellerai un « dysfonctionnement majeur de l'Etat ».

Voici près d'une semaine, alertés par des riverains, des agents de police ont arrêté des mineurs de nationalité roumaine, qui pillaient des horodateurs en plein jour. Ils ont transmis ces mineurs roumains sans papiers à la justice. Deux heures après, ces mêmes mineurs roumains nissaient la rue là où ils avaient été interrompus par la police.

Voilà ce qui signi e, concrètement, dans les rues de Paris, en plein jour, l'action et la coordination, et l'impuissance de l'Etat à assumer véritablement ses fonctions régaliennes de police et de justice.

Cette police doute. Comment ne pas douter quand vous arrêtez quinze fois les mêmes personnes ? Il est évident qu'après la deuxième fois vous passez sans voir, un peu désespéré et dés abusé. Je sais qu'en tant que maire vous discutez avec beaucoup d'îlotiers et vous con rmerez, peut-être pas oralement, ce sentiment de découragement.

On a parlé de la police de proximité. Non ! Il est faux de dire qu'elle a démarré en 1997. Ce n'est qu'une amélioration de l'îl otage - amélioration, c'est beaucoup dire. C'est d'ailleurs l'inspection générale des services de police qui le dit. M. Leroux devrait savoir que l'îlotage n'a pas été inventé en 1997. Ce qui est no uveau, c'est qu'en 1997 la gauche s'y est convertie. Mais ne dites pas qu'elle a été instituée à cette date-là ! J'ajouterai que cette police de proximité se cherche encore. Elle n'a pas véritablement fait ses preuves. Je souhaite qu'elle y parvienne, car pour moi il n'est de police que dans la rue.

Cet aveu de faiblesse, ce découragement montrent que, pour l'Etat, la sécurité n'est pas une de ses priorités majeures. Le Gouvernement n'a pas pris conscience du dé que représentait, dans notre société, le changement de nature de la délinquance, plus violente vis-à-vis des personnes, de plus en plus le fait de mineurs et de plus en plus organisée en réseaux, notamment internationaux, qu'il s'agisse de prostitution, de proxénétisme, de pédophilie ou des délits économiques et nanciers.

Je crois, monsieur le ministre, que le Gouvernement, en ne ré échissant pas suf samment à cette nouvelle forme de délinquance, n'a pas su y répondre par la mise en place d'une police véritablement moderne qui devrait être celle du prochain siècle.

Ce qui se traduit par un sentiment d'insécurité généralisé. Vous reconnaissez l'existence d'un sentiment d'insécurité. Tout cela pour dire : « Oui, oui, on vous a compris, mais vous savez, ce n'est qu'un sentiment... » Non

! Ce n'est pas qu'un sentiment, c'est une réalité ! En voici un exemple : cette semaine aux Halles, monsieur le ministre, une jeune femme amène son enfant à la halte-garderie : poussette, bébé, le jardin des Halles. En plein centre de Paris, à deux pas du ministère de la culture, à deux pas du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel, du ministère de l'intérieur, de l'Elysée, de l'Hôtel de Ville, du palais de justice. Elle se fait agresser : classique, banal, dans le jardin des Halles. On lui prend son sac. Elle tombe, elle pleure. Des dealers, présents tous les jours dans le jardin des Halles, vous le savez comme moi, la relèvent, la consolent et lui ramènent le sac, mes chers collègues , en disant : « Voilà, voilà, le sac. Vous voyez, il n'a rien pris, ne vous inquiétez pas ! Surtout n'allez pas à la police, ne portez pas plainte. »

Pourquoi ? Parce que les dealers font la police et ne voudraient pas être gênés par une descente de police qui interromprait leur commerce. Vous ne direz pas, puisque vous connaissez Paris, que cela n'est pas vrai. J'ai moi-même assisté à des tra cs de drogue. Il suf t d'aller rue Saint-Denis ou ailleurs et, en une demi-heure, vous voyez le tra c se dérouler sous vos yeux.

Est-ce que les citoyens ont seulement un « sentiment » d'insécurité ou sont-ils confrontés à une réalité anormale et scan daleuse ? Voilà la question que vous devriez vous poser.

Ma réponse est simple : à Paris en plein jour, sans parler effectivement des quartiers dif ciles ou des problèmes des villes et des banlieues, il n'y a pas seulement un « sentiment » d'insécurité. La sécurité commence à être assurée par les deale rs, mes chers collègues. Voilà qui est quand même nouveau, reconnais-


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sons-le. J'ai d'ailleurs moi-même mis en fuite, il y a dix jours, un voleur à la roulotte sur les grands boulevards. (« Bravo ! Bravo ! » sur divers bancs.)

Merci ! Mais il est tout à fait anormal de considérer qu'à Paris, en plein jour, on puisse casser la vitre d'une voiture pour la voler.

(« Seulement dans Paris ? » sur plusieurs bancs.)

Non, pas seulement dans Paris. Je cite Paris parce que je sais que le ministre de l'intérieur aime bien cette ville et qu'il ne me contredira pas sur ces points parce qu'il s'y promène souvent et fait comme moi de l'îlotage. Voilà la réalité de ce que l'on appelle le « sentiment » d'insécurité. Hier encore, monsieur le maire du 18e , un conducteur de bus a été agressé dans votre arrondissement. C'est un aparté. Vous le consolerez si vous le pouvez.

Voilà la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces crédits concernant la police et la sécurité. Le groupe Démocratie libér ale réclame - et depuis longtemps l'ensemble de l'opposition - un plan d'urgence global pour la police et la justice, car l'un ne va pas sans l'autre. J'ajouterai que le libéral que je suis - qui considère que l'Etat doit faire respecter les règles, car il n'y a pas de liberté sans ce sentiment de sécurité des personnes et des biens que doit préserver l'Etat - serait prêt à voter des crédits beaucoup plus importants.

Voilà, monsieur le ministre, en ce qui concerne le volet de la police et de la sécurité.

Deuxièmement, il y a certes une hausse du budget de la sécurité civile et des effectifs. En fait, celle-ci compense la suppression des 410 derniers emplois des appelés du contingent.

Vous avez tenu vos engagements. On vous en donne acte, mais on ne va pas non plus crier aux merveilles.

J'insisterai sur trois points particulièrement inquiétants. Le premier concerne les feux de forêt en Corse - pas seulement en Corse d'ailleurs - où nous avons le sentiment d'un abandon, d'une impuissance de l'Etat depuis de nombreuses années, et quel que soit le gouvernement. Il s'agit sans doute d'un problème de législation. Aussi, je vous demanderai, monsieur le ministre, d'étudier une nouvelle législation sur les feux de forêt et les responsables de ces feux.

Par ailleurs, concernant la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui dépend directement de l'Etat, mais en relation avec les collectivités locales, qui assure 75 % de son nancement, je m'aperçois que le nombre de ses personnels stagne de façon dramatique, alors qu'en cinq ans le nombre de ses interventions a augmenté de 83 %. Cette année, vous octroyez neuf emplois supplémentaires, c'est largement insuf sant pour un personnel admiré non seulement dans toute l'Ile-de-France mais dans le monde entier. C'est une injustice et surtout un risque car, quel que soit le courage de ces hommes, ils pourraient faire des fautes. Ce serait évidemment très grave.

En n, le dernier point que je souhaiterais aborder n'est pas directement de votre ressort. Mais, en tant que ministre de l'intérieur, il vous concerne aussi. En effet, les préfets sous votre autorité, notamment les préfets de zones de défense, coordonnent les opérations en cas de pollution maritime. Bien sûr, les ministères de l'environnement, des transports et de l'équipement sont aussi concernés. L' Erika , et ce drame plus récent, ont révélé l'insuf sance des missions de contrôle de l'Etat. Il est évident que le nombre d'inspecteurs dans les ports français et les contrôles réalisés par l'Etat ne sont pas à la hauteur des enga gements pris dans les traités internationaux signés par le Gouvernement et vos prédécesseurs.

En l'occurrence, cette carence de l'Etat est dramatique. On ne doit pas accuser seulement - et je dis « seulement » car on pourrait leur faire porter toute la responsabilité - les compagnies pétrolières, les armateurs, etc. L'Etat a un rôle de sécurité , de prévention et de contrôle et doit pénaliser ceux qui ne respectent pas les règles. Mais effectivement, si il n'y a pas de contrôleurs dans les ports, vous ne pouvez pas contrôler les bateaux. Personne ne peut alors vous craindre. Tout le monde fait ce qu'il veut.

Monsieur le ministre, l'une des responsabilités de votre ministère est de faire effectuer des contrôles et délivrer des amendes.

En n, concernant le budget des collectivités locales, l'effort nancier de l'Etat serait, dit-on, de 336 milliards de francs. C'est un très beau chiffre. Cela montre que, si les dépenses de l'Etat augmentent, les besoins des collectivités locales augmentent également.

Les collectivités locales doivent faire face à des charges nouvelles, obligatoires, qui les mettent de plus en plus dans une situation dif cile pour assumer la diversité des besoins des populations. Et, comme nous l'avons vu lors des catastrophes naturelles qui ont marqué notre pays, les populations ont plus recours à elles qu'à l'Etat.

En n, il y aurait beaucoup à dire sur le maquis budgétaire et la présentation des différentes dotations. Ce budget est à l'image du budget de l'Etat : approximatif, voire faux. M. Saumade a parlé d'impôts et de contribuables virtuels. On pourrait aussi parler de milliards virtuels, car bien malin celui qui s'y retrouve.

C'est un travail titanesque de faire la clarté dans ce budget.

Alors que l'Etat est le premier contribuable local, l'autonomie scale des collectivités locales a été amputée de 20 % de sa substance en trois ans.

Cela signi e qu'on a beau dire : « Oui, il faut aller vers plus de décentralisation, d'autonomie scale », le Gouvernement actuellement fait exactement l'inverse.

On regrette l'absence de réforme scale des collectivités locales. Cela est faux, mes chers collègues : il y a bel et bien une réforme scale des collectivités locales. Elle s'appelle : « recentralisation scale ».

Voilà ce que fait aujourd'hui le Gouvernement. C'est une véritable recentralisation, une véritable politique qu'il faut dénoncer. C'est ce que nous faisons en commission.

Cette recentralisation revient à faire des collectivités locales les distributeurs des ressources octroyées par l'Etat. J'ajoute que cela nuit au principe de transparence et de responsabilité des élus.

Un élu doit pouvoir dire : « Voilà les impôts que j'ai fait voter, voilà ce que j'ai fait dépenser. » Ce qui est effectivement impos-

sible à faire aujourd'hui.

En n, je regrette qu'il n'y ait pas de véritable débat à l'Assemblée nationale sur la décentralisation, sur le principe d'une réforme de la scalité locale. Je vois qu'ici un certain nombre de mes collègues sont prêts. M. Saumade a dit qu'il était favorable à un transfert d'un impôt d'Etat vers les collectivités locales. Je l'approuve parfaitement. Nous proposons même que cela soit non pas un mince impôt, mais la TIPP. Ce qui permettra, par une concurrence scale entre les collectivités locales, d'obtenir peut-être une baisse progressive de cet impôt.

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire : un plan d'urgence sur la police et sur la justice pour une véritable politique de sécurité publique considérée comme une réelle prior ité ; une nouvelle législation sur les feux de forêt et la pollution ; le transfert d'un véritable impôt national aux collectivités locales.

Voilà, pour toutes ces raisons qui témoignent d'une opposition de politique, le groupe Démocratie libérale votera contre ces différents budgets.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard, pour le groupe RCV.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le ministre et chers collègues, je voudrais tout d'abord dire à notre collègue Dominati que le respect des autres formations politiques aurait voulu qu'il soit plus concis. Il en aurait été sans doute plus ef cace dans son explication de vote.

M. Laurent Dominati.

Pour vous, l'opposition n'a que le droit de se taire !

M. Jacques Rebillard.

Le groupe RCV, monsieur le ministre, a bien senti que votre budget était bâti sur trois piliers : réforme de la police de proximité, amélioration du fonctionnement de l'administration territoriale et soutien aux collectivités locales, dans le cadre du pacte de croissance.

Ces trois volets de votre politique ont, à notre avis, un dénominateur commun : celui de la sécurité des citoyens dans leur cadre de vie.

Je voudrais reprendre chacun de ces chapitres. Concernant la police de proximité, nous voudrions exprimer nos réserves sur le développement des polices municipales et des polices privées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Nous apprécions la politique que vous avez menée pour le développement d'une police de proximité par le renforcement des moyens, le recrutement supplémentaire d'agents administratifs qui permettront une présence accrue des gardiens de la paix sur le terrain. Nous apprécions aussi l'effort en faveur de la formation, une meilleure reconnaissance du risque et de la considération sociale de ces agents par une amélioration de leur régime indemnitaire.

Nous sommes en revanche plus réservés sur les moyens affectés à la sécurité civile, alors que les catastrophes naturelles sont en recrudescence. Inquiétudes aussi sur les moyens mis en oeuvre pour l'amélioration du régime indemnitaire des gardiens de la paix et des gradés : nous considérons que 75 à 80 millions de f rancs supplémentaires seraient nécessaires. Nous sommes inquiets de la poursuite de la réforme de la carte des commissariats de police. En n, nous nous associons aux propos tenus par M. Louis Mermaz sur les zones de rétention. Les moyens mis en oeuvre paraissent tout de même aller dans le bon sens et contribuer à la sécurité des citoyens.

J'en viens à l'amélioration de l'administration territoriale. Il me semble que les citoyens seraient plus respectueux si l'Etat luimême était davantage respecté sur le terrain. Nous sommes, bien sûr, favorables à la globalisation du budget des préfectures, qui permettra au préfet de mieux s'adapter au contexte local. Nous regrettons que cette globalisation reste encore à un stade expérimental, cette généralisation devrait être beaucoup plus rapide.

En ce qui concerne l'ef cacité des moyens administratifs, le développement des téléprocédures est un élément important de la modernisation du fonctionnement de l'administration. Nous considérons que cette amélioration devrait être beaucoup plus rapide et s'accompagner d'un effort accru de formation des personnels.

En n, le dernier volet de votre politique concerne les collectivités territoriales qui contribuent à la sécurité des citoyens.

Nous nous associons à l'excellent rapport de M. Gérard Saumade et aux propositions qu'il a pu faire.

Les dotations, supérieures à l'in ation, permettront d'améliorer le cadre de vie de nos concitoyens, de développer les actions de prévention, d'améliorer les équipements de proximité, de loi sirs, les équipements sportifs, de formation. Les collectivités locales pourront ainsi être davantage associées à la politique de la ville, qui cherche à éviter, à limiter les phénomènes de ghe ttoïsation.

En revanche, nous tenons à réaf rmer notre volonté d'un rééquilibrage démographique du territoire au pro t des zones rurales. Nous considérons que les revalorisations plus importantes des dotations en faveur des agglomérations vont plutôt renforcer les phénomènes d'urbanisation qu'ils ne vont faciliter le rééquilibrage démographique du territoire.

En conclusion, monsieur le ministre, nous considérons que votre politique va dans le bon sens. Mais nous ne jugerons pas simplement votre politique en termes nanciers, car nous considérons que cette politique doit pro ter de la reprise économique pour encourager une véritable politique d'intégration sociale par l'économie, seule capable de réduire durablement l'insécurité.

Nous voudrions aussi rappeler que les inégalités sociales sont des facteurs d'insécurité et de violence dans le cadre de vie quotidien de nos concitoyens.

M. le président.

Je salue la présence parmi nous de M. Migaud, rapporteur général du budget, qui peut constater avec quelle attention nous examinons le budget de l'intérieur.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le ministre, je vous ai posé une question écrite concernant les conditions nécessaires à la réussite de la mise en oeuvre de la police de proximité conformé ment à la nouvelle procédure. Je voudrais pouvoir la compléter en espérant que vous pourrez y répondre. Mais tout d'abord, contrairement aux sceptiques de l'opposition, je crois à la réforme de la police de proximité. Laissons-lui un peu de temps pour réussir, car il s'agit pour l'institution policière d'une vér itable révolution culturelle.

Notre rapporteur, M. Tony Dreyfus, a parlé d'une bouteille à moitié pleine et d'une bouteille à moitié vide. Pour réussir la réforme des effectifs supplémentaires, je considère, pour ma part, qu'il faut certes des effectifs supplémentaires mais veiller surtout dans les départements les plus sensibles à une meilleure gestion des effectifs.

Se pose alors le problème de l'organisation. On assiste sur le terrain à des mouvements saisonniers quelque peu erratiques liés aux mutations mais aussi aux nominations non suivies d'effet, aux promotions refusées, qui viennent compliquer la gestion des effectifs dans les commissariats de nos banlieues dif ciles ou sensibles.

Je ne puis en outre que déplorer la faible stabilité des effectifs.

Dans la banlieue Nord, par exemple, les fonctionnaires sont principalement originaires du Nord de la France. Ils concentrent leur emploi du temps en quelques journées, comme d'ailleurs

M. Debré les y a autorisés.

Mme Nicole Bricq.

C'est une bêtise.

M. Jean-Pierre Blazy.

Les familles restent dans leur province d'origine. Nous n'arrivons pas, même en faisant des propositions aux fonctionnaires, à favoriser leur logement sur place.

Ce ne sont pas de bonnes conditions pour développer et réussir la police de proximité.

Quelles mesures administratives pourraient être envisagées pour faire respecter la règle de base qui veut qu'un fonctionnaire ne réside pas à plusieurs centaines de kilomètres de son lieu d'affectation ? Des primes incitatives ne peuvent-elles être envisagées pour les déliser et favoriser cette stabilité dont nous avons besoin ? Le recrutement régionalisé ne peut-il être encouragé ? Voilà des mesures qui devraient permettre, outre la création d'effectifs supplémentaires, une meilleure gestion des effectifs.

A ce moment-là, notre « bouteille » serait un peu mieux remplie.

Je voudrais également vous poser une question sur la mise en oeuvre de la loi sur les chiens dangereux. Je m'inquiète comme M. Quentin des dif cultés rencontrées sur le terrain, qui sont liées à un problème de formation et à la faiblesse des équip ements nécessaires pour capturer les chiens dangereux. Je crois que des efforts sont à faire, qui ne représentent pas un coût très important.

En n, monsieur le ministre, quand discuterons-nous de la loi sur la sécurité privée ? Certes nous avons légiféré sur la police municipale et la déontologie. Il reste à boucler le troisième vole t du triptyque du programme de la gauche en matière de sécurité : la sécurité privée. Face à l'explosion que nous connaissons des sociétés de gardiennage, une régulation de leurs activités est indispensable.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Monsieur le ministre, je voudrais évoquer trois questions. La première concerne l'organisation de nos travaux. En effet, je regrette que l'on soit amené, à l'occasion de l'examen du budget du ministère de l'intérieur, à traiter indistinctement de questions aussi importantes, mais néanmoins différentes, de sécurité civile et des collectivités territoriales

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Bernard Derosier.

Et vous n'empêcherez pas que dans ce débat, au regard du contenu des rapports présentés, on voie davantage en vous le ministre de la police que le ministre des collectivités territoriales. Mais c'est ainsi. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la volonté gouvernementale de développer la décentralisation. Je considère qu'un Etat décentralisateur et le Gouvernement qui le dirige se grandiraient en organisant, au moment de l'examen budgétaire, un débat annuel sur les collectivités territoriales. Je vous prie, monsieur le président de la commission des lois, de transmettre cette demande au Premier ministre et au président de notre assemblée.

Ma seconde question concerne la suppression de la vignette entérinée par le vote de la première partie de la loi de nances, la majorité de l'Assemblée nationale ayant approuvé cette proposition du Gouvernement.

Vous ne m'empêcherez pas, quelques semaines après l'annonce faite par le ministre de l'économie et des nances, de regretter la méthode retenue. Cet impôt, recette importante des départements, a été purement et simplement supprimé sur proposition du Gouvernement, sans qu'on ait pu évaluer réellement les conséquences de cette évolution de la scalité des collectivités territoriales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Je souhaite qu'à l'occasion du débat annoncé par le Premier ministre, lors de son discours de Lille, nous ayons la possibilité d'aborder une bonne fois pour toutes la question des moyens des collectivités territoriales. Il faut cesser de jouer dans l'opacité et de considérer qu'en compensant les suppressions des impôts locaux on pallie l'insuf sance des ressources locales.

Je souhaite, monsieur le ministre, qu'à l'occasion de ce débat annoncé par le Premier ministre à Lille nous ayons la possibilité d'aborder cette question de la répartition entre les dotations et les impôts locaux. Le Gouvernement est-il disposé à ouvrir réel lement ce débat ? Ma troisième question concerne les services départementaux d'incendie et de secours. Ces services sont régis actuellement par une loi inique de 1996, proposée à l'époque par M. Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas voté cette loi car je savais, av ec mes amis du groupe socialiste, qu'elle ne serait pas applicable du fait du désengagement de l'Etat dans le fonctionnement des SDIS.

Aujourd'hui, nous sommes dans la plus grande confusion. Les maires ont toujours la responsabilité de la sécurité de leurs concitoyens en matière de prévention contre l'incendie, mais n'ont plus les moyens de l'assurer.

L'Etat utilise les SDIS sans apporter le moindre centime pour leur fonctionnement. Cela ne peut pas être satisfaisant pour les maires ou les responsables départementaux qui sont las d'être considérés, dans l'état actuel de la loi de 1996, comme des

« cochons de payeurs ». Pardonnez-moi l'expression.

Il importe que, très rapidement, les choses soient clari ées.

Nous avons pendant trois ans demandé à votre prédécesseur qu'il modi e rapidement cette loi. Il s'est entêté à ne pas le faire. Je le regrette. Aujourd'hui, nous avons devant nous un chantier ouvert : les rapports de notre collègue Fleury, de la commission de décentralisation et les propositions de Pierre Mauroy ouvrent à cet égard des perspectives intéressantes. En n, l'annonce du Premier ministre, à Lille, donne ou semble vouloir donner aux départements une responsabilité directe.

Ma question est simple : quand, monsieur le ministre, ce dispositif nouveau sera-t-il mis en place ?

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Je ne crois pas qu'il soit très intéressant de rouvrir à mon tour le procès en recherche de paternité de la police de proximité. L'essentiel est à mes yeux, trois ans après l es assises de Villepinte, de dresser un bilan et de préciser les conditions de réussite de la réforme.

Je crois qu'il y en a deux : les crédits d'équipement et de fonctionnement et la qualité du partenariat local.

Dans votre budget, un effort a été fait pour rattraper le retard pris dans l'équipement des véhicules automobiles. J'y ai relevé aussi un programme de création de 320 postes de police jusqu'en 2003.

Ma première question est celle-ci : à l'origine vingt-six départements, dont la Seine-et-Marne dont je suis l'élue, avaient été désignés comme prioritaires à la mise en place d'une police de proximité. La répartition des nouveaux moyens tiendra-t-elle compte de ce classement ? Vous avez répondu à une question écrite que je vous avais posée à ce sujet. Les premiers éléments de réponse que vous m'avez transmis à cet égard ne me satisfont guère dans la mesure où la réalisation d'un projet qui me tient à coeur depuis 1996 - la réalisation complète d'un équipement qui adossera la police de proximité dans le nord du département - serait différée e n 2004 dans le meilleur des cas.

Je regrette un peu que l'on ait perdu deux ans. Vous n'en étiez pas responsable. C'est l'ancienne majorité qui a fait ce mauvais choix. Mais un effort est fait jusqu'en 2003 pour les postes de police.

La réussite de la police de proximité passe aussi par un partenariat local de qualité. Or force est de constater que l'action des différents services de l'Etat souffre souvent d'un défaut de coordination. A cet égard, une meilleure coordination doit être recherchée entre les contrats locaux de sécurité et les contrats de ville. Trop souvent, en effet, le contrat local de sécurité, vérit able bras séculier de la police de proximité, est simplement repris dans le contrat de ville sans qu'ait eu lieu au préalable une ré exion concertée sur leur convergence. Ma question porte sur ce fameux contrat local de sécurité. Je crois à la politique parte nariale de l'Etat sur le terrain, qui peut être de bonne qualité.

Mais avez-vous prévu une évaluation de ces contrats locaux de sécurité ? Comment entendez-vous les mettre en cohérence avec les contrats de ville ?

M. le président.

La parole est à M. Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je voudrais interroger M. le ministre sur une affaire qui a mobilisé la presse nationale dans mon département des Ardennes durant le mois de juillet dernier.

Il s'agit du con it social extrêmement grave, rendu dramatique, qui a eu lieu dans l'entreprise Celatex, dont les salariés ont été menés en bateau pendant des mois, voire des années, pour en n s'apercevoir qu'il n'y avait plus de perspective pour leur entreprise. Dramatique, parce que situé dans une zone où le chômage est élevé.

Ce con it a été dirigé par le cabinet de votre prédécesseur, ministre de l'intérieur, ainsi que par celui de Mme Aubry.

Durant ce con it, les services de l'Etat ont décidé d'avoir recours largement aux sapeurs-pompiers, puisqu'il s'agissait d'un chantage à l'environnement.

Puis le recours aux sapeurs-pompiers a très largement dérapé, en allant très au-delà de toutes les missions d'incendie et de secours puisqu'il leur a été demandé d'effectuer des missions de stricte sécurité.

Je vous donne un exemple : il n'est pas du rôle du sapeurpompier d'aller toutes les deux heures dans une entreprise pour véri er s'il n'y a pas d'acte de vandalisme ou d'agression. C'est une mission de sécurité.

Je ne critique pas du tout le fait que les cabinets de votre prédécesseur ou de Mme Aubry aient préféré, pour prévenir tout débordement, mettre en avant l'uniforme de sapeur-pompier plutôt que celui de CRS ou de policier. C'est une manière de gérer des situations dif ciles. Vos prédécesseurs ont pris la décision qu'ils ont cru bon de prendre.

Là où le bât blesse, c'est que le recours aux sapeurs-pompiers pour des missions étrangères à leur vocation s'est fait avec le porte-monnaie des collectivités locales.

Lorsque les élus ont parlé à l'ancien préfet de la facture, celui-ci a dit : « Je n'ai rien signé ; j'ai donné des ordres, mais oraux, je n'ai rien signé. » Aujourd'hui, les collectivités locales du

département des Ardennes restent avec une addition de plus de 1,8 million de francs.

Alors, je tiens à vous faire part de mon extrême amertume : celle d'avoir vécu un tel drame et d'avoir vu l'Etat se servir, pour faire face à cette situation, du porte-monnaie des Ardennais et des collectivités locales. Cette affaire a eu beaucoup d'échos, monsieur le ministre.

Je souscris pour une large part aux propos de mon collègue M. Derosier lorsqu'il plaide pour une meilleure dé nition des rôles respectifs de l'Etat et des services départementaux d'incendie et de secours.

Lorsque l'Etat a recours aux sapeurs-pompiers pour des missions qui ne relèvent pas de l'incendie et du secours, il doit en supporter la charge nancière.

Vous avez déjà été saisi par le conseil d'administration du SDIS. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que l'Etat assume nancièrement les décisions prises.

M. le président.

Avant de vous passer la parole, monsieur le ministre, a n que vous puissiez répondre, autant que faire se peut, à l'ensemble des questions, des suggestions, des interpellations, je voudrais évoquer deux questions. L'une pour répondre à M. Derosier, l'autre pour me joindre à la liste des suggestions formulées ici.

D'abord, concernant la demande de M. Derosier visant à interpeller le Gouvernement et la présidence de l'Assemblée nationale - ce que je ferai non par principe, mais quand même volontiers - pour que soient organisés chaque année, pour l'examen du budget de l'intérieur, deux débats distincts, l'un pour traiter les questions de sécurité, l'autre pour ce qui concerne les collectivités locales, je pense que rien, réglementairement, ne s'y oppose.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Les budgets des ministères de la culture et de la communication donnent déjà lieu à deux débats distincts à l'Assemblée nationale. Je crois que nous pourrions parfaitement intégrer, malgré la lourdeur du dispositif budgétaire à l'Assemblée natio nale, cette dimension.

Une autre complication - mais nous en parlerons avec le président de la commission des nances, le rapporteur général et le président de l'Assemblée nationale - est qu'une grande partie du budget des collectivités locales relève de la commission des nances, tandis que celui de l'intérieur relève de la commission des lois. Nous devrons aménager nos travaux. Mais ces dif cultés techniques ne doivent pas faire obstacle à une évolution.

Je me ferai l'écho de cette sollicitation, appuyée, je le pense, par un grand nombre de membres de la commission et de ceux qui participent aujourd'hui à ses travaux.

La deuxième suggestion, ou du moins la deuxième interrogation dont je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, s'appuie sur une observation faite par M. Mermaz : entre la décision d'investir et l'inauguration, il s'écoule en moyenne six ans. Nos concitoyens ont du mal à comprendre ces délais. Nousmêmes, d'ailleurs, avons quelquefois du mal à les comprendre.

Et je me demande - mais ce problème concerne l'ensemble de l'administration centrale française, peut-être davantage dans les ministères qui ont des charges d'équipement plus lourdes, mais d'eux dépendent la commission des lois, les ministères de la justice et de l'intérieur - s'il n'y aurait pas une ré exion méthodologique à mener sur le fonctionnement des administrations centrales en matière d'équipements immobiliers. Je remarque une réticence exacerbée des administrations centrales aux maîtrises d'ouvrage déléguées.

Je constate que les opérations les plus longues sont justement celles qui sont intégralement conduites par les administrations centrales, quitte à attendre les recrutements nécessaires d'architectes ou d'hommes de métier pour pouvoir mener ces opérations. Il serait moderne de ré échir à une utilisation des savoirfaire publics ou d'économie mixte, permettant de mener plus ef cacement, sans perdre la maîtrise des programmes, les investissements décidés par le Parlement.

Voilà, monsieur le ministre, ma suggestion et le premier élément de réponse à la question de M. Derosier.

Je vous laisse maintenant la parole pour répondre aux nombreuses questions qui ont été posées.

M. le ministre de l'intérieur.

Je vais m'efforcer de répondre aux uns et aux autres. Moi aussi, en tant qu'élu local, je trouve que les délais que vous venez d'évoquer, monsieur le président, - et cela va au-delà de la frustration - sont quelquefois insupportables. Mais, que ne dirait-on d'un Etat, d'un ministre qui ne respecterait pas les règles ou les procédures ? Tout ce qui pourra améliorer la situation, et pourquoi ne pas changer les procédures, mérite d'être étudié, à condition bien évidemment, que nous ne retombions pas dans les errements du passé.

Je commencerai d'abord par remercier les rapporteurs - je le redirai à la n de mon propos - pour la qualité de leur travail et des discours qu'ils ont tenus. Je commencerai par M. Dreyfus qui a évoqué des sujets essentiels. La police de proximité évoquée bien souvent, est l'axe central de notre politique, en matière de police et de sécurité. Le problème de la paternité , effectivement madame Bricq, n'est pas très important. Je sais que les policiers de proximité ne sont plus les îlotiers d'autrefois.

Il existe désormais une territorialisation dans la fonction assignée aux policiers de proximité et une pluridisciplinarité de leurs missions. Ce n'était pas le cas avant. Les choses changent. J'ai commencé à demander cette mesure en 1984. Je ne sais pas, M. Dominati, quelles étaient vos positions à l'époque. Je vois qu'aujourd'hui chacun est pour la police de proximité et je m'en réjouis.

Tout le monde sent bien que face aux problèmes de l'insécurité, je mêle insécurité et sentiment d'insécurité.

Parce que le sentiment de l'insécurité naît, en général, apr ès des problèmes d'insécurité vécus par des gens. Si une voiture, deux voitures, trois voitures sont volées dans un quartier, tout le monde craint pour sa propre voiture. Il y a bien à la fois sentiment, puis la réalité des faits.

S'agissant des statistiques - et j'y renviendrai au cours de mon propos - chacun les interprète au gré de son sentiment ou parfois de son intérêt. L'interprétation est toujours problématiqu e, et c'est pourquoi devraient exister des critères qui ne prêtent pas à interprétation.

Il est clair que la police de proximité est très importante.

C'est ainsi que les policiers le vivent et représentent pour eux un vrai changement. Je remercie la direction de la police nationale qui a impulsé et mis en oeuvre ces trois phases. Cela n'était pas simple, mais désormais partagé.

J'ai réuni récemment les directeurs de la sécurité publique départementaux, et maintenant, la police de proximité est entrée dans les moeurs. La police de proximité est le moyen approprié aujourd'hui pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

En tout cas, c'est l'un des éléments. Ce qui ne signi e pas, bien évidemment, que les autres missions de la police doivent être négligées.

Ce sentiment est partagé, mais a nécessité néanmoins, et nécessite encore, des efforts de formation. Les stages sont nombreux dans toute la France pour que chacun s'inscrive dans cette démarche, du haut de la hiérarchie aux gardiens de la paix, voire aux adjoints de sécurité.

Monsieur Tony Dreyfus a rappelé qu'il serait sans doute nécessaire, et c'est mon avis, que la police de proximité soit au coeur du prochain budget. Pour être très clair c'est ce que j'ai demandé.

Le parc automobile est pour moi une préoccupation majeure.

Là encore, monsieur le rapporteur, j'ai fait un certain nombre de demandes en ce sens pour tenir compte de situations particulières. Mais je ne voudrais pas qu'il soit dit que 70 % du parc est immobilisé. Dans certains départements, par exemple en Seine-Saint-Denis, le taux d'immobilisation du parc automobile atteint 30 %. Ce n'est pas acceptable, mais nous restons néanmoins sur des proportions plus raisonnables que celles entendues au cours de cette matinée.

M. Warsmann.

Ce n'est pas ce qui a été dit.

M. Didier Quentin.

Je comptais non seulement les véhicules immobilisés mais aussi ceux qui ne répondent plus aux normes de sécurité.

M. le ministre de l'intérieur.

Ce n'est donc pas 30 % sur l'ensemble du territoire, mais 30 % dans un département, ce qui n'est pas la même chose.

Concernant le parc automobile, monsieur Dreyfus, je souhaite qu'il y ait des apports ultérieurs. Pour être très clair, je me tourne du côté de la loi de nances recti cative.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi sur la présomption d'innocence, je partage ce que messieurs les rapporteurs ont dit. Là encore, des choses très concrètes doivent intervenir. Je suis serein car je connais la volonté de la garde des sceaux, du Premier ministre et du ministre de l'économie et des nances pour traduire budgétairement l'engagement pris.

Je pense que les choses ne devraient pas poser de dif cultés en termes budgétaires, même si nous savons que la matière est nouvelle. Sans attendre, le ministère de l'intérieur prépare cette échéance.

Les ADS (adjoints de sécurité) représentent un effort dét erminant dans la mise en oeuvre de la police de proximité.

Au 2 octobre 2000, nous avons signé près de 20 000 contrats d'ADS depuis le début du programme emplois-jeunes. Il faut que vous sachiez que plus de 5 000 d'entre eux ont déjà quitté la police nationale, notamment parce qu'ils ont trouvé un emploi ou parce qu'ils sont devenus tout simplement gardiens de la paix. Pour 75 % d'entre eux, une solution positive a été trouvée à l'issue du contrat.

Actuellement, il y a environ 15 000 ADS dans la police. Ils remplaceront les policiers auxiliaires qui ne seront plus recrutés à la n de cette année et dont le nombre avait atteint près de 10 000 agents.

Les ADS ont 22 ans en moyenne. Ils constituent un complément très important à la police nationale. Ils contribuent à sa féminisation, puisque 30 % des ADS sont des femmes. Et 30 % des ADS sont originaires des quartiers où cette police de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

proximité sera la plus utile. Ils apportent une contribution essentielle au déploiement de la police de proximité, puisque 90 % d'entre eux sont affectés dans les zones sensibles et, bien évidemment, à la préfecture de police de Paris. Il ne s'agit pas d'une police de second rang. Par ailleurs, je crois pouvoir dire que leur formation est sérieuse et qu'elle ne fait que s'améliorer.

Dans les centres, ils béné cient, par ailleurs, d'un bon encadrement. Un gradé encadre en moyenne cinq à neuf agents qu'ils s'agissent de gardiens, d'ADS ou de policiers auxiliaires encore en fonction.

Bien évidemment, je souhaite, à travers la politique gouvernementale, la pérennisation de ce dispositif, parce que je crois qu'il est essentiel pour la police. Au sein du programme emploisjeunes, la police occupe une place très particulière puisque les ADS, pour bon nombre d'entre eux, participent à un prérecrutement de policiers. Ce sont 3 000 contrats emplois-jeunes qui ont débouché sur un emploi de gardien de la paix.

C'est un apport très important pour la police nationale.

Même si les concours doivent exister, même si la formation en école de police reste imposée, deux, trois ou quatre ans passés sur le terrain avec un encadrement, au-delà de la formation initiale des deux mois, améliore la formation des policiers de demain.

Se pose le problème de ce que l'on appelle les « rompus de contrat ». Si un adjoint de sécurité recruté pour un contrat de cinq ans entre dans la police en passant le concours de la police nationale au bout de trois ans, il est dif cile de recruter un autre adjoint pour les deux années restantes. C'est moins motivant, d'autant que cela ne permet pas, notamment, de passer à son tour le concours pour rentrer dans la police nationale. J'ai posé ce problème au plan interministériel. J'espère que nous pourrons apporter des réponses à ces « rompus de contrat » de manière à ce que l'on reparte sur un contrat de 5 ans.

Il faut aussi faire évoluer ces métiers pour les rendre plus attrayants, dans un contexte de vive concurrence sur le marché de l'emploi des jeunes. Il est arrivé que nous ne puissions satisfaire l'offre. Dans certains départements - je parle notamment sous le contrôle d'élus parisiens présents ici - les concours e t les offres de recrutement sont infructeux, notamment, peut-être, parce que les problèmes de chômage sont moins cruciaux qu'ailleurs. En tout cas, ce sont des questions que nous nous posons.

La question des logements des policiers, bien évidemment, est importante. Le problème des 15 000 logements proposés aujourd'hui aux policiers est dif cile compte tenu des coûts du foncier et des charges, et de la situation même de ces logements. Il faut améliorer l'offre proposée.

De ce point de vue, un partenariat utile doit s'opérer entre l'Etat, le ministère de l'intérieur, les préfectures, la préfec ture de police et les collectivités locales concernées.

Une étude sur les attentes des policiers sera d'ailleurs lancée dans les prochains jours pour adapter notre politique du logement. Je dispose d'éléments extrêmement précis concernant le logement des policiers. Mais je crains d'être trop long si j'entre dans le détail.

En revanche, une politique dynamique dans le secteur des réservations est engagée, notamment, la mise en valeur de logements sociaux, au titre du chapitre 65-51 : « contribution aux dépenses de logements destinés aux fonctionnaires du ministère ». Sur les six dernières années, les crédits du chapitre 65-51 ont atteint un montant cumulé de 760 millions de francs. Le stock de plus de 12 000 logements ainsi constitué permet d'assurer un taux de satisfaction des demandes supérieur à 50 %.

Un retard dans la livraison des logements a été pris en 1999.

Il est dû notamment à la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur du bâtiment public. Je tiens à préciser que nous rencontrons des dif cultés lors des appels d'offres, qui restent parfois infructueux et nous trouvons parfois face à des entreprises défaillantes. J'ai constaté ce problème dans mon propre arrondissement où la rénovation d'un modeste commissariat de quartier prend beaucoup plus de temps que prévu, tout simplement parce que, encore une fois, un appel d'offres est resté infructueux.

Concernant les questions de M. Dreyfus, je pense avoir évoqué l'essentiel. J'ai, en même temps, répondu à des questions posées par la suite.

Concernant la question de la délisation des forces mobiles posée par le président Mermaz, nous n'avons pas pour objectif de faire des forces mobiles délisées des éléments de la police de proximité. Au contraire, elles doivent décharger des tâches de maintien de l'ordre les autres unités, qui pourront ainsi renforcer la police de proximité.

Ainsi, la première tranche du programme de délisation a d'ores et déjà permis le redéploiement de 500 policiers locaux sur les missions de police de proximité. Et la deuxième tranche de délisation est prévue pour le 11 décembre prochain. C'est un utile complément. Cela va dans le sens du redéploiement souhaité.

J'évoquerai maintenant les véhicules, question du président Mermaz - je ne suis pas sûr que ce soit M. Mermaz qui l'évoquait - pour le maintien d'une grande variété de modèles indispensable aux latures. Des marchés spéci ques à la police ont été passés avec les principaux constructeurs a n d'éviter cette uniformité qu'entraîne le système d'appels d'offres lancés par l'UGAP pour toutes les administrations. Par dérogation, nous pouvons passer des marchés et acquérir un certain nombre de véhicules rapides, puissants, pour des missions pour lesquelles des véhicules plus ordinaires, uniformisés ne conviendraient pas.

Je voudrais évoquer maintenant le délicat problème des zones d'attente ou des centres de rétention administrative. En ce qui concerne les zones d'attente, les deux étages de l'hôtel Ibis de Roissy ont été refaits à neuf l'an dernier. C'est un progrès. O n ne peut pas dire que ce soit un taudis, même si des progrès restent à faire. Une zone d'attente nouvelle est en construction et pourra accueillir les étrangers non admis et demandeurs d'asile au début de l'année prochaine.

Il faut savoir que le nombre de demandeurs d'asile à la frontière double tous les ans. Cela rend dif cile l'organisation du bon accueil en zone d'attente. Néanmoins, des efforts sont entrepris. Concernant Bobigny, des efforts ont déjà été faits, mais un programme interviendra par la suite. Pour l'instant, 160 millions de francs ont déjà été mobilisés depuis quatre ans pour la rénovation de ces centres.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis.

J'étais, il y a quelques jours, à Bobigny. C'est l'horreur absolue. Je ne sais pas ce que l'on a fait dans les étages, mais au sous-sol c'est immonde ! Allez voir. Je ne pensais pas que cela pouvait exister !

M. le ministre de l'intérieur.

Mon directeur de cabinet connaît bien la situation.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis.

Il n'y est peut-être pas allé il y a huit jours. Je vous assure que c'est infâme, y compris pour les fonctionnaires !

M. le ministre de l'intérieur.

Nous allons regarder. Un délai de deux ans est nécessaire pour la nouvelle construction.

Concernant les centres de rétention administrative, des travaux d'amélioration ont été entrepris dans un certain nombre de centres. Il est vrai que ces locaux sont très rapidement détérioré s. Les critiques sur le centre de Bobigny sont fondées. Des travaux d'amélioration ont été entrepris, mais restent dif ciles dans des locaux inadaptés. C'est pourquoi l'hôtel de police de Bobigny et les locaux de la direction interrégionale de la PAF à Marseille incluront chacun un centre de rétention administrative neuf, mais ne seront ouverts, il est vrai, que dans deux ans.

J'en viens au budget de la sécurité civile évoqué par M. Leonetti.

Vous avez dit qu'il s'agissait d'un budget de transition voire d'un « budget de stagnation ».

On ne peut pas nier que l'arrivée, à partir de juin 2001, de neuf hélicoptères BK 117 d'un coût supérieur à 300 millions de francs, ne soit pas un élément nouveau dans le paysage de la sécurité civile.

Par ailleurs, M. Leonetti a évoqué le rôle de l'Etat et des collectivités locales. Ce sont les suites du rapport très riche, très intéressant et concret de M. Fleury et dont les conclusions représenteront le support au projet de loi qui doit être présenté rapidement. Vous pouvez compter sur moi et sur ma diligence pour qu'aucun retard ne soit pris.

Plusieurs orateurs ont évoqué la participation de l'Etat aux SDIS qui s'élève tout de même à 300 millions de francs par an, ce qui n'est pas rien. Cette participation est de surcroît


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garantie sur trois ans (2000, 2001, 2002). Dans le cadre du projet de loi que je viens d'évoquer je veux que vous sachiez que l'Etat prendra ses responsabilités, et notamment dans le domaine de la formation. De ce point de vue, le nécessaire plateau technique de l'INESC, à Nainville-les-Roches, va coûter aux alentours de 300 à 400 millions de francs. Cela signi e qu'en 2001 deux fois plus d'of ciers pourront être formés que cette année.

Par ailleurs, concernant le nombre d'of ciers, le concours du CNFTP se déroulera en totale concertation.

Les collectivités locales sont un sujet complexe. Le Gouvernement est très ouvert à examiner la suggestion faite par MM. Derosier et Roman, si cela peut clari er les choses.

La question des collectivités locales est très importante pour la représentation nationale, ainsi que pour nos concitoyens. Je ne peux que souscrire à tout ce qui pourrait améliorer la qualité de nos débats et des décisions prises par la représentation nationale

Pour répondre à M. Saumade, j'ai relevé un point d'accord et un autre de désaccord.

Le point d'accord est celui du poids de l'intercommunalité sur l'ensemble des dotations aux collectivités locales. C'est un fait que personne ne nie. C'est, d'une certaine manière, la rançon du succès de la loi du 12 juillet 1999. Peut-être nous faudra-t-il en conséquence ré échir à l'architecture de nos dotations, notamment de la DGF.

Le point de désaccord est celui de l'insuf sante participation des collectivités locales aux fruits de la croissance. Vous avez d'ailleurs reconnu, monsieur le rapporteur, que la progression de la DGF de 3,42 % dans le projet de loi de nances initiale en témoignait.

Pour l'ensemble des dotations, on constatera une hausse de 2,32 % en application du contrat de « croissance et de solidarité », qui cette année prend en compte 33 % de l'évolution du produit intérieur brut.

Je soulignerai simplement que l'application des anciennes règles d'indexation du pacte de stabilité sur la période 19992001, aurait amputé les ressources des collectivités locales. Je sais que vous ne le niez pas.

C'est près de 4 milliards de francs, je l'ai dit dans mon introduction, dont les départements ou les collectivités locales, les municipalités ont été dotés par rapport à ce qui avait ét é envisagé. Bien évidemment, je partage votre voeu de réformer la scalité locale.

Oui, il est vrai que l'Etat est le premier contribuable local.

Cela n'est pas nouveau, notamment pour la taxe professionnelle.

J'ai compris que je pourrai compter sur vos travaux pour l'élaboration de la réforme - j'ai dit « de la réforme », je n'ai pas dit

« d'ensemble » -, de la scalité locale à laquelle nous devrons nous atteler. Avant la n 2001, le Gouvernement transmettra un rapport qui traitera également de la réforme des dotations de l'Etat et qui traduira notre double souci de simpli cation et de solidarité. C'est un point sur lequel il faut absolument être vigilant parce qu'en fonction des ressources scales des collectivités locales, on arrive vite à des aberrations. De ce point de vue, la vignette pouvait provoquer de graves injustices.

En ce qui concerne la scalité locale de France Télécom et La Poste, c'est parce que les bases de ces établissements ne sont pas, pour l'instant, localisables que cette scalité globale béné cie à hauteur de 2 milliards de francs au FNPTP. Mais il ne faut oublier que les bases seront très concentrées. Si l'on devait les rétrocéder aux communes sans correction, cela provoquerait des inégalités très fortes. La normalisation de cette scalité évoquée par M. Saumade devra s'accompagner d'une ré exion d'ensemble dans le cadre des travaux qui suivront le rapport de la commission Mauroy.

Je partage les observations de M. le rapporteur Dosière sur la nécessité de moderniser les préfectures. En ce qui concerne le contrôle de légalité, le développement des pôles de compé tence permettra une meilleure synergie des moyens de tous les services.

Je pense notamment aux téléprocédures qui constituent notamment pour l'usager un gain de temps. L'expérience de la globalisation des crédits est, me semble-t-il, probante. Nous nous proposons de l'étendre à dix nouveaux départements. Il faudra bien évaluer, sans se lancer dans une généralisation complète. Cette instance d'évaluation sera mise en place en 2001.

Les sous-préfectures seront maintenues de même que la répartition des tâches entre préfectures et sous-préfectures. S'agissan t des effectifs et des carrières, la loi de nances initiale 2001 prévoit la création de 52 emplois pour les SGAR et de 38 emplois pour les services chargés des demandeurs d'asile.

Nous reviendrons sur ces questions à l'occasion des Assises nationales des préfectures le 23 novembre. Bien évidemment, les personnels des préfectures seront associés à cette concertation puisqu'ils seront directement concernés par les évolutions à venir.

Pour répondre à M. Quentin sur les questions des personnels techniques et administratifs. Oui, ils sont en évolution puisqu'ils devraient passer de 10 % en France à 12 %. C'est, pour la première fois, un progrès substantiel. Les 800 emplois administratifs permettront le redéploiement de forces de police, notamment dans le sens de la proximité. Dans d'autres pays, ce chiffre est quelquefois de l'ordre de 20 % à 25 %. Nous devons travailler pour rattraper ce retard. Je voudrais dire, sans aucun esprit polémique, qu'il n'est pas dû à ce Gouvernement. J'étais à votre place en 1995 quand les décisions ont été prises. Je m'en souviens encore. Depuis, nous rattrapons le retard.

Mais M. Laurent Dominati va être frustré de ma réponse.

J'avais envie de dire, que dans un certain nombre de vos interventions, sans être trop polémique, vous cherchiez - je l'ai lu dans la presse - les moyens de déposer une motion de censure.

J'ai l'impression que ce matin vous censuriez plutôt les gouvernements précédents.

M. Didier Quentin.

Depuis 1981, vous avez été au pouvoir pendant les deux tiers du temps !

M. le président.

Chacun a été un peu polémique ce matin, permettons au ministre de l'être trente secondes.

M. le ministre de l'intérieur.

Concernant les effectifs de police et ceux des policiers auxiliaires, 2 075 postes étaient inscrits au budget 2000. Avec la n du service national, nous avons mis en place les adjoints de sécurité. Vous avez évoqué le problème de la gestion prévisionnelle des effectifs. Vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas faire suf samment vite, ce que vous n'avez pas fait du tout. C'est-à-dire, - je parle sous le contrôle de gens parfaitement informés - qu'il est clair que depuis 1995 les départs massifs à la retraite n'ont donné lieu à aucune gestion prévisionnelle.

M. Laurent Dominati.

Oh !

M. Jean-Luc Warsmann.

La faute aux autres !

M. le ministre de l'intérieur.

Nous avons travaillé depuis deux ou trois ans, et notamment cette année, pour rattraper le retard que vous avez créé depuis 1995. Nous avons dû avoir recours au surnombre, et je suis obligé aujourd'hui d'en redemander pour éviter effectivement une vraie dif culté.

Nous allons combler le retard, mais cela demande du temps.

On ne forme pas des policiers du jour au lendemain et nous avons le souci de la formation.

En tout cas, je veux que vous sachiez que nous remplissons nos objectifs. Le ministère de l'intérieur s'est organisé pour que , notamment en ce qui concerne la mise en place de la police de proximité, les décisions soient prises dans les différentes circonscriptions concernées. Je peux vous dire que sur la première phase comme sur la deuxième, les décisions prises montrent que ce ne sont ni des discours ni des actes signés et qu'elles se traduisent sur le terrain par la présence des policiers nécessaires.

Concernant, monsieur Quentin, les statistiques de délinquance, le SIVU est un dispositif local de mesure des faits de violence urbaine, mis au point il y a quelques années à partir du travail des renseignements généraux. Ce dispositif demeure, il n'y a donc pas lieu de s'émouvoir de sa disparition. Un travail est effectivement en cours, sous la responsabilité de la police judiciaire, qui assure la tenue des statistiques de la délinquance, en application du code pénal, pour améliorer la cohérence entre ce dispositif et les statistiques de la délinquance issues des infractions constatées.

Par ailleurs, la sécurité publique étudie les moyens d'adapter ce dispositif de mesures des violences urbaines à la police de proximité pour en faire un outil d'analyse quartier par quartier.

Cela doit concourir à la sécurité, notamment à travers les contrats locaux de sécurité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Je le répète, la mise en place de la police de proximité ne saurait en rien affaiblir la démarche des contrats locaux de sécurité

Les collectivités locales notamment ou les autres services de l'Etat doivent considérer que la politique des contrats locaux de sécurité sera relancée et le suivi assuré. La police de proximi té est un élément supplémentaire d'ef cacité, mais ne se substitue en rien à la démarche partenariale que constituent les contrats locaux de sécurité.

En ce qui concerne les chiens dangereux, 17 000 chiens ont été déclarés n septembre. Les contraventions de 5 000 francs pour non-déclaration existent. Les délits pour absence de stérilisation conduisent à six mois d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende.

Des policiers ont été formés, d'autres le seront, à travers un module spéci que pour appréhender ces animaux dangereux.

Rien qu'à Paris en 2000, près de 300 procédures délictuelles on t été établies, près de 2 500 contraventions relevées et 103 chiens saisis. Cette politique s'applique, sous la houlette des préfets et à notre demande, dans toute la France.

Concernant les communes rurales, nous sommes tous préoccupés par l'évolution de la DSR « bourgs-centre ». C'est pourquoi le Gouvernement a accepté, lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la partie recettes du projet de loi de nances, l'amendement qui augmentera de 150 MF le montant de la DSR

« bourgs-centre » et devrait permettre une hausse de cette dotation de 3 %. J'ai noté vos suggestions, monsieur Braouezec, sur la scalité locale et la nécessité de réformer l'assiette de la taxe professionnelle. Ce dossier est suivi actuellement par le ministère de l'économie et des nances. Une décision rapide devrait intervenir dans le sens que vous souhaitez. Pour ce qui concerne France Télécom, je vous renvoie à ce que j'ai dit à M. Saumade.

Concernant la CNARACL, je peux vous rassurer, monsieur Braouezec, son équilibre nancier est assuré pour cette année grâce aux décisions prises en 1999 et en 2000. Mais la question ne peut être disjointe de celle des retraites dans son ensemble.

En n, monsieur Braouezec, quant à la présence de l'Etat en zone urbaine, il doit y avoir une administration de proximité comme il y a une police de proximité. Je pense à la Seine-SaintDenis, puisque vous l'avez évoquée particulièrement pour ce département que vous connaissez fort bien. En trois ans, 15 millions de francs ont été investis dans l'immobilier pour améliorer l'accueil du public. Avec le Premier ministre, nous nous sommes rendus en Seine-Saint-Denis auprès des policiers dans l'exercice de leur mission. Le maire de la commune de Bobigny nous a dit qu'un certain nombre de travaux étaient prévus, notamment la construction de la sous-préfecture nouvelle à Saint-Denis. Le programme immobilier vient d'être validé.

Au Raincy, la reconstruction de la sous-préfecture débutera au mois de janvier 2001. En région parisienne, je l'ai dit dans mon propos liminaire, la construction de nouvelles sous-préfectures à Torcy et à Sarcelles est prévue pour 2001.

Monsieur Salles, je ne reviendrai pas sur un certain nombre de sujets. Mais vous serez heureux d'apprendre qu'à Nice M. Salles est parti, vous lui répéterez - qu'au 31 décembre 2000, compte tenu des sorties d'école, il y aura 886 actifs en sécurité publique, soit une hausse de 5 % des effectifs.

Je ne reviens pas sur les statistiques de la délinquance puisque j'ai déjà traité cette question en répondant à M. Quentin.

Monsieur Le Roux, votre intervention m'a satisfait, parce qu'elle était objective. Et j'aime l'objectivité ! (Sourires.)

Vous êtes, je le sais, partisan de la police de proximité. Vous reconnaissez qu'à travers cette première phase il y a déjà un retour sur expérience. La deuxième puis la troisième phases seront mises en oeuvre. Le calendrier sera tenu et les moyens viendront. C'est un élément important pour que la sécurité des personnes et des biens soit assurée dans notre pays. Vous êtes revenu sur l'absence de gestion prévisionnelle des effectifs au cours des années précédentes. Nous sommes en train d'y remédier, même si cela n'est jamais tout à fait simple.

Concernant les écoles de police, en 2000, 6 920 élèves-gardiens auront suivi une formation, et ils seront 4 620 en 2001. Compte tenu des surnombres, j'ai formulé une demande - vous avez évoqué le chiffre de 1 000, et ce chiffre est tout à fait intéressant -, pour faire face aux départs à la retraite. Les écoles de police fonctionnent à plein. Les chiffres que je viens d'évoquer (6 920, 4 620) sont à comparer aux 3 000 des années précédentes. Cela va dans le sens désiré. En passant de 3 000 à 6 920, nous avons doublé le nombre de gardiens en formation.

Concernant les collectivités locales, monsieur Le Roux, j'ai déjà répondu.

Monsieur Dominati, je me suis réjouis du caractère excessif de vos propos, car cela permet de les relativiser.

En ce qui concerne la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, il ne faut pas s'arrêter au budget 2001. La stabilisation des effectifs de la BSPP par une professionnalisation représente une réelle mutation. C'est de 3,2 millions de francs supplémentaires que le budget de fonctionnement de la BSPP va béné cier en 2001.

Un plan de modernisation de la brigade est en cours d'élaboration et sera traité en 2002 en concertation avec une collectivité locale que vous connaissez bien. La professionnalisation de la brigade coûte 260 millions de francs sur trois ans. Ce n'est pas un effort négligeable.

Il faut que je conclue, parce que je risque de rater mon avion pour me rendre, avec vous, monsieur le président, en Corse.

Quant au transfert de 200 postes d'encadrement sur des postes de gardiens de la paix, ce n'est que la stricte application de la loi de 1995. En n, le salaire moyen d'un gardien de la paix n'est pas de 6 000 francs par mois, mais de 9 000 francs hors primes.

Je répondrai par écrit aux questions de M. Rebillard, a n de lui apporter tous les éléments de réponse.

Je vais répondre à M. Warsmann sur Celatex.

Les sapeurs-pompiers n'ont fait que procéder à des mesures et à des contrôles qui entrent dans leur mission de prévention et de secours. Il s'agissait bien de tâches de prévention, contre une pollution qui pouvait s'avérer réelle et qui était de toute faç on volontaire.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux ! Ils faisaient encore des rondes en septembre.

M. le ministre de l'intérieur.

Bien qu'il s'agisse d'une affaire tout à fait exceptionnelle, je souhaite qu'elle ne se renouvelle pas.

Il n'y a pas de raison de fond de faire une exception budgétaire. L'importance du coût nancier s'explique par le recours à des moyens de renforts spécialisés extérieurs au départeme nt et par la durée du con it. Et ce coût est normalement à la charge du SDIS, dont on me dit par ailleurs qu'il est béné ciaire.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le coût des renforts n'est que de 200 000 francs sur 1,8 million. Ce n'est pas sérieux ! Les réponses aux dernières questions sont bâclées, parce que M. le ministre doit s'en aller pour prendre l'avion !

M. le président.

Si le temps nous est maintenant compté, c'est notamment parce que M. Dominati a parlé vingt minutes au lieu de dix.

M. le ministre de l'intérieur.

Je termine.

Oui, monsieur Derosier, le délai de cinq ans xé par la loi de 1996 expire dans quelques mois. La départementalisation, est presque achevée dans la très grande majorité des départements.

Seuls les transferts immobliers, c'est-à-dire les casernes, ont créé parfois quelques dif cultés.

Quelques cas seront sans doute soumis à la commission nationale d'arbitrage mise en place dans quelques jours, et qui est constituée de magistrats de la Cour des comptes, d'élus et des représentants des syndicats de pompiers. Les seuls départements aujourd'hui où l'on rencontre de vraies dif cultés sont ceux des DOM. Je vous propose de traiter cette question, à un autre moment.

Le rapport Fleury a établi que le coût des SDIS par habitant est passé de 230 à 250 francs entre 1996 et 1999. Nous sommes en-dessous de la moyenne européenne qui est de 300 francs.

Le débat annoncé et la loi envisagée reviendront sur les éventuels dysfonctionnements et permettront d'apporter des clari cations nécessaires sur le rôle des départements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. Bernard Derosier.

Et de l'Etat !

M. le ministre de l'intérieur.

... ainsi que sur le partage du nancement entre les départements, les collectivités locales et l'Etat.

J'ai déjà répondu à Mme Bricq, mais si le projet, qui lui tient à coeur et qui concerne la circonscription où elle est élue, a p ris quelque retard, c'est parce qu'il a changé de nature et d'ampleur.

Cela n'a rien à voir de construire un bureau de police comme celui envisagé à Meaux - représentant un budget de 50 millions de francs - qui permettra de regrouper des services de police.

Je vais, si vous le souhaitez, vous donner les chiffres concernant les effectifs de police de proximité affectés à la première tranche, c'est-à-dire 1 400, et ceux affectés à la deuxième tranche, 1 100, sans parler des 1 000 encore nécessaires à affecter, dans le cadre de redéploiement interne et au recrutement, à la troisième tranche.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, et mesdames et messieurs les députés qui avez eu la patience de m'entendre, je souhaite vous remercier pour cet exercice à la fois nouveau pour moi, mais aussi quelquefois, si j'ai bien compris, nouveau pour vous, s'agissant du budget du ministère de l'intérieur.

Je crois cette nouvelle procédure budgétaire utile. Les rapports sont plus directs, le questionnement plus pointu. Je tiens à remercier - il n'a pu rester mais M. Didier Migaud m'a envoyé un petit mot - le rapporteur général du budget, qui est à l'ori gine de cette initiative. Je remercie aussi M. Bernard Roman qui a dirigé nos débats avec l'autorité, l'intelligence et le doigté qui le caractérisent.

Nous n'allons d'ailleurs pas nous quitter car nous rejoignons ensemble la Corse. J'ai souhaité que le président de la commission des lois m'accompagne dans ce voyage pour que la représentation nationale soit étroitement associée au projet de loi sur la Corse que je suis en train d'élaborer. Après les commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat, nous allons écouter, proposer, présenter un certain nombre d'axes de travail.

Nous nous retrouverons le 15 novembre pour un exercice plus large dans l'hémicycle, mais vraisemblablement moins long, puique c'est l'objectif de cette nouvelle procédure.

M. le président.

Monsieur le ministre, je veux vous remercier de vous être prêté à cet exercice rendu dif cile par le nombre, la variété et la précision des questions posées au cours de cette réunion de la commission élargie.

Il nous reste à donner notre avis sur les crédits de l'intérieur, étant entendu que seuls les membres de la commission des lois peuvent se prononcer.

Je mets aux voix le rapport pour avis de M. Dosière sur les collectivités locales.

(Le rapport pour avis est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le rapport pour avis de M. Mermaz sur la police.

(Le rapport pour avis est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le rapport pour avis de M. Jean-Antoine Leonetti sur la sécurité civile.

(Le rapport pour avis est adopté.)

M. le président.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)

QUESTIONS ÉCRITES BUDGÉTAIRES BUDGET «

INTÉRIEUR » 1. M. Jacques Rebillard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) qui font partie des priorités du Gouvernement. Le développement des téléprocédures par ticipe à ce mouvement. Des expérimentations ont été engagées e ntre certaines collectivités locales et leur préfecture ou sous-préfect ure.

L'envoi de délibérations par Internet est l'exemple le plus courant.

Malheureusement, ces initiatives sont trop peu nombreuses. Le développement des NTIC peut contribuer à aménager le territoire et les téléprocédures sont un excellent moyen d'utilisation et de diffusion de ces nouvelles technologies. Il lui demande donc quels moyens nanciers il compte affecter au développement des téléprocédures avec les collectivités locales dans son budget 2001, et à quel horizon il pense en généraliser l'utilisation.

Réponse. Une expérimentation relative à la télétransmission des actes des collectivités locales aux préfectures dans le cadre du contrôle de légalité débutera avant la n de l'année dans quatre départements : il s'agit du Rhône, des Yvelines, de la Saône-et-Loire et des Deux-Sèvres. Le but de cette expérimentation, qui doit durer trois mois, est, d'une part, de déterminer les caractéristiques techniques les plus adaptées à la pratique de la télétransmissi on des actes au regard notamment des contraintes de sécurité et, d'autre part, d'évaluer les conséquences de la télétransmission sur l'o rganisation du travail dans les préfectures et les sous-préfectures ainsi que dans les collectivités. L'expérimentation a été limitée à quatre sites a n d'en assurer le suivi technique et une évaluation optimale. Les conclusions de l'expérimentation devraient être rendues au cours du premier semestre 2001. Une généralisation de la transmission électronique des actes des collectivités locales à l'ensemble des départements sera ensuite envisagée, en fonction des résultats de l'expérimentation. Il n'est donc pas prévu à ce st ade de crédits spéci quement affectés au développement des téléprocédures, la généralisation de l'expérimentation n'étant susceptib le de débuter qu'à compter du 1er janvier 2002.

2. Mme Claudine Ledoux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la formation des fonctionnaires chargés de la police de proximité. Les dif cultés rencontrées aujourd'hui en milieu urbain imposent que les fonctionnaires de police soient formés aux nouveaux métiers de la sécurité ainsi qu'à la ré solution des problèmes spéci ques, auxquels les habitants des villes sont de plus en plus souvent confrontés. Elle lui demande que, dans le cadre de la formation initiale ainsi que de la formation continue, des stages soient mis en place pour former la police de proximité à de nouvelles méthodes a n de résoudre les con its quotidiens. Il apparaît en effet évident que les policiers auront de plus en plus souvent recours à une médiation pour laquelle ils n'ont pas été formés. En outre, l'effort déjà entrepris pour un meilleur accueil du public et surtout des victimes doit être poursuivi. Dans un contexte de réaf rmation par le Premier ministre de la volonté de restauration du pacte républicain, elle lui demande donc comment ces réformes, qui facilitent l'accès des citoyens à la police et à la sécurité, pourront aboutir.

Réponse. Faire de la police nationale une véritable police de proximité est l'axe prioritaire de la politique de sécurité inté rieure exprimé lors du colloque de Villepinte et réaf rmé par le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999. Expression d'une nouvelle doctrine d'emploi des personnels, elle implique des responsabilités enrichies, un exercice polyvalent du métier et justi e donc un accompagnement massif et diversi é en formation, condition indispensable à sa réussite. La généralisation de la police de proximité qui doit se terminer en 2002 a justi é la mise en place d'un plan ambitieux de formation continue à la police de proximité établi conjointement par la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et la direction de la formation de la police nationale (DFPN). Il repose essentiellement sur les stages « intégration à la police de proximité » destinés aux différents corps de la police nationale et aux adjoints de sécurité, l'objectif étant de former 50 % des effectifs concernés pendant la période de généralisation. Ils béné cient des quatre modules suivants : les principes généraux de la police de proximité ; l'environnement socio-culturel ; le partenariat ; les moyens d'action opérationnels. Pour les gradés et gardiens et les adjoints de sécurité la formation diffusée depuis mars 2000 porte sur la doctrine, le partenariat, la connaissance du terrain et les moyens opérationnels. L'objectif est de former 24 500 gradés ou gardiens dont 9 000 en 2000 et 12 000 adjoints de sécurité dont 3 500 pour l'année 2000. Pour les of ciers, la formation axée sur le management et la communication concernera 3 000 stagiaires dont 1 360 dès 2000. Les commissaires reçoivent une formation adaptée qui concernera 600 stagiaires dont 175 pour la seule année 2000. Ces actions ont notamment pour objectif de permettre aux fonctionnaires de police d'être plus ouverts, plus


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attentifs aux préoccupations et aux besoins des citoyens en matière de sécurité, en particulier par une meilleure connaissance de la population de leurs secteurs d'intervention. Par ailleurs, des stages techniques et comportementaux seront poursuivis sur la fonction « accueil » et « police technique de proximité ». En n, des stages d'accompagnement seront proposés en 2001 et 2002 à l'intention des policiers affectés en unités de police de proximité sur « la gestion par objectifs » et « la résolution de problèmes dans un cadre partenarial ». Ces deux formations leur permettront d'acquérir des outils et des méthodes adaptés aux situations de con its auxquels ils sont de plus en plus confrontés. Le programme de formation initiale des commissaires de police également a pris en compte la doctrine de la police de proximité et s'applique depuis le 1er septembre 1999 pour la promotion qui quittera l'ENSP au mois de juillet 2001. S'agissant des élèves of ciers et des élèves gardiens de la paix, la direction de la formation a élaboré en étroite collaboration avec les directions et services opérationnels de la DGPN deux programmes de formation qui ont été approuvés par le ministre le 6 décembre 1999 et qui sont appliqués depuis le 1er janvier 2000. Les formateurs de formation initiale béné cient au cours de l'année 2000 d'une formation à la police de proximité, et effectuent leur stage en service opérationnel sur des sites qui mettent en oeuvre la nouvelle politique. Les programmes de formation initiale développent particulièrement les thèmes suivants : la connaissance des partenaires de la police, permettant la mise en oeuvre d'une action de terrain préventive et anticipatrice, dans le cadre d'une complémentarité clairement établie ; l'accueil plus ef cace et personnalisé du public, par un apprentissage s'appuyant sur des mises en situation. Dans ce cadre, l'apprentissage des langues étrangères, avec évaluation, sera progressivement mis en oeuvre dès 2001 pour les commissaires et les of ciers ; le développement du dialogue avec la population, par un enseignement des particularismes sociaux, économiques, culturels et religieux.

Chaque policier apprend à maîtriser les modes de contact, de dialogue et d'intervention, a n de susciter la compréhension du public, dans le respect de la loi républicaine et en conformité avec les règles déontologiques. Les techniques d'analyse et de résolution de con its ainsi que de médiation sont enseignées ; l'appropriation des technologies nouvelles au service d'une polyv alence professionnelle, le policier devenant le « référent sécurité » de son secteur et dans son domaine de compétences ; la déontologie professionnelle, traitée spéci quement en début de formation, puis développée transversalement tout au long de la scolarité de chacun des trois corps. Elle détermine le comportement républicain du policier, donne la mesure de la qualité du service dû au public, apporte la sérénité nécessaire dans le travail par la garantie et la protection découlant du code de déontologie ; la maîtrise de la procédure pénale, des règles de la police administrative et de la gestion des ressources humaines. Les enseignements concernant les infractions dont les mineurs sont auteurs ou victimes font l'objet d'une attention particulière. Sur le plan des méthodes, le recours aux intervenants extérieurs, choisis parmi les partenaires de la police nationale est intensi é.

En n, les 4 et 5 octobre 2000, la direction de la formation de la police a organisé à Gif-sur-Yvette, un colloque pédagogique ayant pour thème : « Comment mieux apprendre aux policiers à communiquer avec la population ? ». Un des ateliers avait pour objet de ré échir au sujet suivant : « Comment apprendre à développer les compétences nécessaires à la résolution de pr oblèmes ? ». Les travaux de ce colloque enrichiront les formations initiales et continues des policiers.

3. M. Joseph Tyrode attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'importance du lancement de la seconde phase de la mise en place de la police de proximité, qui constitue un engagement majeur de la majorité. Les conditions préalables de cette réussite reposent sur l'affectation de personnels en nombre suf sant, qu'il s'agisse d'adjoints de sécurité ou de fonctionnaires d'encadrement. Jusqu'à présent, le Parlement peut noter avec satisfaction, après une phase d'expérimentation soigneuse, que la première phase de généralisation de police de proximité a pu se dérouler dans des conditions satisfaisantes, même si le nombre prévu d'adjoints de sécurité n'a pas encore été atteint. Il lui demande si le budget prévu pour 2001 permettra le lancement de la seconde phase de généralisation, qui devrait porter la police de proximité aux deux tiers du projet.

Réponse. Décidée par le Gouvernement en octobre 1997, suite au colloque de Villepinte « Des villes sûres pour des citoyens libres », la police de proximité a pour objectif de faire de la sécurité au quotidien un droit égal pour tous et en tous lieux. Engagée depuis 18 mois environ, elle représente la plus importante transformation de la police nationale depuis sa création il y a près de 60 ans. Elle est conduite en trois vagues successives et équilibrées entre juin 2000 et juillet 2002, rythme qui tient compte de l'ampleur des modi cations à apporter, de la diversité des réalités locales à prendre en compte et de l'impo rtance des moyens d'accompagnement à mobiliser. La première vague de généralisation, mise en oeuvre depuis le mois de juin 2000, concerne 63 circonscriptions de sécurité publique, réparties dans 37 départements et couvre près de 10,9 millions d'habitants. Le premier bilan concernant cette première vague de généralisation permet de constater que tous les engagements, en termes de moyens notamment, sont honorés. Au 1er janvier 2001, une augmentation de 1 200 policiers sera réalisée par rapport au 1er janvier 1999, auxquels s'ajoutent les adjoints de sécurité. De plus, en fonctionnement, 100 millions de francs de crédits supplémentaires ont été utilisés pour les projets de police de pro ximité de la première vague par rapport au budget de fonctionnement, auxquels sont venus s'adjoindre 20 millions de francs de crédits immobiliers. Pour ce qui concerne la deuxième vague de généralisation de la police de proximité, 180 circonscriptions sont retenues couvrant environ 11,5 millions d'habitants et 80 départements métropolitains. 200 millions de francs sont programmés pour la mise en oeuvre des projets de police de proximité en 2001. A ces moyens doivent être ajoutés les crédits spéci ques dans les domaines de l'immobilier, des transmissions et de l'informatique qui s'élèveront à près de 45 millions de francs. Par ailleurs, des redéploiements de policiers de sécurité publique sont en cours dans les départements les plus sensibles béné ciant de la délisation des militaires d'escadrons de gendarmerie mobile ou de fonctionnaires des compagnies républicaines de sécurité. D'autre part, 800 emplois de personnels administratifs techniques et scienti ques supplémentaires seront créés qui permettront de réorienter, dans des proportions similaires, des policiers assurant ces fonctions sur des missions de police de proximité. Ces emplois viendront s'ajouter aux 350 postes de gardiens de la paix supplémentaires qui vont être affectés à la n de l'année 2000 sur les circonscriptions retenues dans la deuxième vague de généralisation de la police de proximité. En n, un effort particulier est mis en oeuvre pour que le recrutement d'adjoints de sécurité soit complété pour faire en sorte que 16 000 emplois de ce type environ soient mobilisés en sécurité publique.

4. Le budget 2001 poursuit la mise en place de la police de proximité. Une première vague de généralisation a eu lieu le 1er juin dernier et la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif pose quelques problèmes d'adaptation : encadrement des adjoints de sécurité, réorganisation du travail puisqu'il s'agit de travailler par brigade et en n nécessité de locaux adaptés pour la mise en place de la police de proximité. Sur ce dernier point, la mutation du parc immobilier de la police nationale est indispensable. Les locaux dont pouvait béné cier la police dans les quartiers ne sont en effet pas forcément adaptés à l'accueil et à l'écoute des victimes et des besoins en équipements se font donc jour. Ainsi, en Seine-etMarne, l'un des 26 départements prioritaires, un terrain acquis en 1996 par le ministère de l'intérieur à Meaux, devenu par la suite site pilote pour la police de proximité, fait l'objet cette année d'une étude de faisabilité par les services du ministère qui doit déboucher sur un programme des besoins immobiliers. Des crédits ont été engagés ; il reste à préciser le calendrier des avant-projets et des travaux ainsi que l'affectation dé nitive des nouveaux équipements. Mme Nicole Bricq demande donc à M. le ministre de l'intérieur l'effort nancier prévu pour adapter les locaux et l'implantation de la police nationale, rendus nécessaires par la mise en place de la police de proximité.

Réponse. L'adaptation du parc immobilier du ministère de l'intérieur à la police de proximité a été prise en compte d ès 1999 par le ministère, tant au niveau technique que sur le plan budgétaire. Au niveau technique, des cahiers des charges immobiliers types pour l'adaptation ou la création de structures délocalisées de police de proximité ont été réalisés par la direction gén érale de la


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police nationale et la direction de la programmation, des affaires nancières et immobilières et transmis aux préfets, au mois de juin dernier, pour faciliter leur recherche de locaux en liaison avec les élus. Sur le plan budgétaire, la direction centrale de la sécurité publique et la direction de la programmation, des affaires nancières et immobilières ont réservé des dotations importantes po ur la police de proximité : 100 millions de francs pour la direction centrale de la sécurité publique sur laquelle sont imputées notamment les dépenses immobilières inférieures, par opération, à 100 000 F et 20 millions de francs pour la direction de la programmation, des affaires nancières et immobilières entièrement consacrés aux opérations immobilières d'un montant de 100 000 F.

Ces crédits seront entièrement engagés sur l'année 2000 au pro t de la police de proximité. Ce dispositif en vigueur en 2000 pour la première phase de généralisation de la police de proximité s era reconduit avec des moyens supérieurs en 2001 pour la deuxième phase de généralisation qui va concerner plus de 170 circonscriptions : 200 millions de francs en fonctionnement pour la direction centrale de la sécurité publique et 100 millions de francs en investissement pour la direction de la programmation, des affaires nancières et immobilières. En ce qui concerne les opérations immobilières de la police nationale en Seine-et-Marne, plusieurs projets sont actuellement en cours. A Meaux, un terrain a effectivement été acquis par le ministère de l'intérieur en 1996 en vue d'y édi er un cantonnement de CRS, ainsi qu'une entité de la DDSP de la Seine-et-Marne, dénommée SOP (service d'ordre public). Ce projet a été abandonné en 1998. Le dossier a été récemment repris en main et le ministère de l'intérieur s'oriente vers la création d'un hôtel de police annexe comprenant une brigade anticriminalité, un service motocycliste regroupés dans un service d'ordre public, ainsi que des locaux médicaux et de formation, pour le nord de ce département, l'ensemble étant rattaché à la direction départementale de la sécurité publique de Seine-etMarne. Le ministère de l'intérieur a d'ores et déjà affecté 0,5 million de francs à l'étude de faisabilité et au programme très dé taillé des besoins immobiliers, qui devrait être nalisé d'ici à la n du premier trimestre 2001. S'agissant d'une construction neuve, un jury sera ensuite constitué pour permettre le choix d'un projet et d'un architecte. Conformément aux règles du code des marchés publics, les études se dérouleraient jusqu'à n 2002. Suivront les phases d'appels d'offres, de passation de marchés de travaux pour une livraison aux utilisateurs prévue en 2004. Plus généralement, le département de la Seine-et-Marne fait l'objet d'un programme important de construction et de rénovation immobilière. Il concerne en 2001 la majorité des sites jugés inadaptés à la mis e en oeuvre de la police de proximité.

5. M. Bernard Derosier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que, dans son volet scal, le projet de loi de nances pour 2001 prévoit un certain nombre de mesures qui ne sont pas sans laisser perplexes les représentants des collectivités territoriales que les parlementaires sont amenés à rencontrer. Ainsi, l'annonce de la suppression de la vignette, dont il lui rappelle qu'elle représente aujourd'hui quelque 10 % des ressources départementales, réintroduit avec une acuité nouvelle la question de la libre administration de nos collectivités. En d'autres termes, si la mesure est juste pour nos concitoyens parce qu'elle s'inscrit dans le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires, il estime que l'on peut se demander avec la même conviction si elle est juste pour les départements, dans la mesure où elle les a placés, sans véritable concertation, dans une situation accrue de dépendance vis-à-vis de l'Etat. Il lui demande donc l'inscription d'un débat parlementaire qui permettrait aux parlementaires et au Gouvernement de dé nir précisément les moyens dont disposent les collectivités. Faut-il aller vers le « tout dotation », au risque de prendre le chemin d'une recentralisation dont personne ne veut ? Faut-il pousser le curseur vers le « tout impôt local », au risque de défavoriser les collectivités qui n'ont pas toutes la même capacité à lever l'impôt ? La meilleure voie n'est-elle pas celle d'un système mixte où l'Etat jouerait un rôle régulateur ? Les députés du groupe socialiste ont toujours été les défenseurs vigilants des libertés lo cales qu'ils ont initiées il y a presque vingt ans. C'est pourquoi il lui demande qu'une ré exion, dont les échéances devraient être rapidement xées, soit engagée dans ce domaine.

Réponse. La suppression de la vignette, taxation contestée et marquée par des écarts de tarifs critiqués par les redevables, s'i nscrit dans le cadre d'un plan d'allégements scaux souhaités par les contribuables. Cette taxe, affectée aux départements, ne représentait qu'un peu plus de 5 % des recettes globales des départements et moins de 10 % de leurs recettes scales. A l'issue de cette réforme, les recettes scales propres des départements, en valeur 2000, représenteront environ 121 milliards de francs, soit une part prépondérante de leurs recettes hors emprunt, s'élevant à 230 milliards de francs. On ne peut donc considérer, dans l'esprit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que cette réforme réduise les ressources des départements et la part de leurs recettes scales au point d'entraver leur libre administration. Sur l'ensemble des collectivités, les dotations de l'Etat ne représentent que 23 % de leurs recettes hors emprunt et les allocations compensatrices de scalité 8 % de leurs recettes scales. Concernant les départements, les réformes mises en oeuvre (taxe professionnelle, DMTO, vignettes) maintiendront à 48 % de l'ensemble de leurs recettes hors emprunt, la part de leurs recettes scales, ce pourcentage remontant à 51 % si l'on y intègre le FCTVA. Le Gouvernement a con é à la commission pour l'avenir de la décentralisation un mandat de ré exion prenant en compte l'évolution de leur scalité et des c oncours de l'Etat. Ses propositions, récemment rendues publiques, réaf rment le principe de leur autonomie scale et envisagent plusieurs pistes de réformes visant à moderniser l'impôt local, à renforcer la péréquation, à simpli er l'architecture des dotations de l'Etat. Le Gouvernement engagera prochainement avec les élus un vaste débat sur ces objectifs.

6. M. Jean-Pierre Blazy attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions nécessaires à la réussite de la mise en oeuvre de la police de proximité. Si on a pu constater, lors des phases d'expérimentation, une réelle mobilisation autour des circonscriptions pilotes et un effort sensible en termes de moyens matériels, la réussite de la première phase de généralisatio n qui vient de débuter implique une gestion plus ef cace et plus adaptée des mesures aux réalités de terrain, qu'il s'agisse des effectifs ou des moyens techniques. Ainsi, pour prendre l'exemple du Val-d'Oise, on constate : une mobilité excessive, qui caractérise généralement les banlieues sensibles, à laquelle s'ajoute le phénomène de conce ntration des horaires autorisée par son prédécesseur, qui conduit à des dérives graves tant en termes de présence effective sur le terrain qu'en termes de double emploi ; une insuf sance du nombre d'of ciers de police judiciaire et de gradés ; une dif culté croissante dans le recrutement des adjoints de sécurité et leur formation, ce qui in ue sur la bonne mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité. Il craint que ces aspects soient d'autant plus mal ressentis que les attentes de la population - notamment en ce qui concerne le traitement du « petit judiciaire » ; la présence de la police de procimité en soirée, ou l'application plus effective et lisible de la loi sur les chiens dangereux - sont très marquées. Ces réalités risquent d'altérer les fondements même de la police de proximité, à savoir la polyvalence, la connaissance et la maîtrise des territoires, l'ouverture aux besoins et aux attentes de la population, ainsi que la continuité, la qualité et la permanence de l'action sur le terrain alors même que les citoyens agréent la démarche globale du Gouvernement et expriment des espoirs importants sur la mise en oeuvre complète du dispositif. Il lui demande donc, au regard de cette situation, si le budget pourra répondre à ces besoins urgents et identi és a n de réussir pleinement la généralisation de la police de proximité alors que la deuxième phase du dispositif s'engage.

Réponse. La sécurité des personnes et des biens est l'une des priorités du gouvernement et les actions engagées en ce sens depuis deux ans tendent à af rmer cette volonté. Ainsi à l'issue du colloque de Villepinte d'octobre 1997, l'action partenariale menée au travers des contrats locaux de sécurité a été complété e par la mise en oeuvre de la police de proximité. Forte des enseignements des expérimentations, la généralisation de cette réforme de gra nde ampleur a été engagée le 30 mars 2000 aux Assises nationales de la police de proximité. Ce dispositif dynamique est conduit en trois phases successives jusque n juin 2002. D'ores et déjà, la première phase de généralisation a été mise en oeuvre dans 63 circonsc riptions. Dans ce cadre, outre les moyens existants qui ont été redéployés, des moyens supplémentaires ont été affectés à ces services.

Cet effort s'est traduit d'une part, par l'attribution en fonctionnement de 100 millions de francs de crédits supplémentaires auxquels il convient d'ajouter 20 millions de francs de crédits immobiliers, et d'autre part par une hausse des effectifs de 7,47 %, soit plus de 1 200 policiers titulaires en plus au 1er janvier 2001 comparés au 1er janvier 1999. Le département du Val-d'Oise, où la


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première vague de généralisation de la police de proximité concerne les circonscriptions de Gonesse, de Cergy-Pontoise, de Garges-les-Gonesse et de Sarcelles, a béné cié pour sa part d'une dotation provisionnelle de 3 027 263 francs et de matériels roulants supplémentaires (14 véhicules automobiles et 20 scooters)

En ce qui concerne les effectifs du Val-d'Oise, qui, au 1er octobre 2000, s'élevaient à 1 922 fonctionnaires de tous grades assistés de 41 policiers auxiliaires et de 313 adjoints de sécurité, ils devraient augmenter au 31 décembre 2000 de 59 brigadiers et gardiens de la paix supplémentaires, dont 10 à Gonesse, comparés au 1er janvier 2000. Parmi les personnels actuellement en poste, qui seront renforcés à l'occasion de l'application du programme d'emplois-jeunes prévoyant n 2000 le recrutement de 479 adjoints de sécurité dans le département, gure une trentaine de fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application ayant passé les épreuves en vue d'obtenir la quali cation d'of cier de police judiciaire. Lors de la mise en place de la deuxième vague de généralis ation qui prendra effet en février 2001, 180 circonscriptions dont celles d'Ermont et d'Argenteuil seront concernées. Des moyens nouveaux y faciliteront l'extension des plages horaires et le redéploiement d'effectifs sur la voie publique grâce notamment au recrutement de personnels administratifs et techniques et à la délisation de forces mobiles dont un escadron de gendarmerie mobile d'ici n 2000 dans le Val-d'Oise, classé parmi les départements très sensibles. Ils permettront de mieux répondre aux attentes de la population du Val-d'Oise et à celles des habitants de Gonesse en particulier, conformément au contrat local de sécurité signé le 29 juin 1998. Les premiers résultats obtenus dans la circonscription de Gonesse au cours des neuf premiers mois de 2000 par rapport à la même période de référence en 1999 attestent du bie n fondé de la réforme novatrice en cours aussi bien en matière de lutte contre la délinquance de voie publique (- 2,8 %) que dans le domaine de l'activité judiciaire (hausse des faits élucidés : + 12 %), des personnes mises en cause (+ 3,4 %) et des gardés à vue (+ 9,6 %).

7. M. Jean-Pierre Balligand attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les nances locales et en particulier le nancement de l'intercommunalité. Les faits montrent que la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simpli cation de l'intercommunalité a connu un succès véritable, supérieur au x prévisions. En effet, plus de cinquante communautés d'agglomération ont été créées, soit le double des estimations initiales. Le projet de loi de nances pour 2001 prend en compte cette évolution institutionnelle. Il est toutefois possible que ces dotations ne suf sent pas totalement à nancer la multiplication et la transformation des EPCI, et le risque est grand que le nancement ne se fasse au détriment des autres dotations dont béné cient les collectivités locales. Il lui demande donc quelles mesures il compte adopter a n d'accompagner de manière suf sante ces transformations de notre territoire et de les encourager.

Réponse. La loi du 12 juillet 1999 qui a institué les communautés d'agglomération a prévu pour cette catégorie un mode de nancement de leur dotation d'intercommunalité qui ne pèse pas sur la DGF, et donc sur la DSU et la DSR, en mobilisant les recettes scales de l'Etat et, à titre de complément, la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).

750 millions de francs ont été ainsi prélevés sur les recettes de l'Etat en 2000, compte tenu de l'ouverture de 250 millions de francs en loi de nances recti cative le 13 juillet 2000, ramenant le prélèvement sur la DCTP à 247 millions de francs pour cette année. La loi de nances pour 2001 entend par ailleurs accompagner la montée en charge progressive des créations de communautés d'agglomération, et donc limiter d'autant la baisse de la DCTP en portant à 1,2 milliard de francs le prélèvement sur les recettes de l'Etat.

8. M. Jacques Floch attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de mener de front la lutte contre le sentiment d'insécurité et la délinquance quotidienne avec le combat de la criminalité organisée. Si la police de proximité est et doit rester une priorité pour la majorité et si la mutation de notre police d'ordre en police de proximité doit être poursuivie, il souhaite que la lutte contre le grand banditisme, la délinquance économique, la criminalité nancière, le tra c d'êtres humains sous toutes ses formes dispose d'outils adaptés et de personnels spécialement formés. Il lui rappelle en effet que les pro ts annuels de cette criminalité lourde, équivalent, au plan international, à cin q fois le budget de la France et que, si l'on n'y prend pas garde, l'installation sournoise de cette délinquance sophistiquée est de nature à détruire un pays aussi solide soit-il. Estimant que le dé veloppement de la police scienti que et technique doit être complémentaire de celle de la police de proximité et que cette dernière peut, à terme, s'avérer utile dans la perception sur le terrain des incidences de la délinquance organisée, notamment en matière de tra cs, il lui demande comment il entend organiser son action a n de « tenir les deux bouts de la corde » de la lutte contre l'insécurité.

Réponse. La priorité donnée à la police de proximité n'est pas exclusive de la modernisation des services spécialisés de la direction centrale de la police judiciaire chargés de la lutte contre la criminalité organisée qui constitue également une priorité. C'est pourquoi le ministère de l'intérieur a adopté, en 2 000, un plan de modernisation qui, pour ce dernier domaine, s'articule autour de quatre grands objectifs. Ce plan vise en premier lieu à renforcer, au niveau national, le dispositif opérationnel de centralisation des informations, de coordination des opérations et de la coopération internationale policière. Le développement des outils opérationnels portera pour l'essentiel sur le développement d'un « répertoire automatisé pour l'analyse des contrefaçons de l'euro », la mise en place d'un outil informatique visant à comparer les photographies d'individu, auteurs d'attaques à main armée, avec celles d'auteurs identi és, le renforcement de la lutte contre la pornographie enfantine, en développant un logiciel de comparaison d'images. La réforme permettra également de créer une banque de données d'images « Thésaurus de recherche électronique et d'imagerie en matière artistique » et de réaliser en 2001 le chier de l'unité nationale Europol française pour permettre l'alimentation, partiellement automatisée, du système d'information d'Europol. Nous participerons également à l'extension à la n de l'année 2000 du système d'information Schengen aux cinq pays de l'Union nordique. Par ailleurs, ler enforcement des structures et procédures opérationnelles d'enquête se traduira par l'amélioration des outils normatifs de lutte contre le blanchiment, en association avec la Chancellerie par la mise en place de l'of ce central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, créé en mai 2000, et par la création d'une documentation d'investigations nancières, guide technique à disposition de l'ensemble des enquêteurs spécialisés (marchés publics, blan chiment, etc.). Le partenariat entre les différentes administrations, les secteurs publics et privés dans les domaines de la prévention spécialisée sera également renforcé pour sécuriser l'utilisa tion de la carte bancaire, ainsi que le réseau mondial Internet et pour lutter contre le blanchiment de l'argent sale par les relations avec les partenaires nanciers (banques, notaires, agents immobiliers, etc.) et contre la contrefaçon industrielle et artistique par le renforcement de la défense judiciaire du patrimoine des entreprises.

Une action spéci que sera dé nie pour garantir la sécurité des transports de fonds. Ce plan de modernisation prévoit aussi de mieux prendre en compte les ux de la criminalité et les évolutions européennes par un nouveau maillage territorial. Le dispositif envisagé est fondé sur une structure à trois niveaux : la direction interrégionale de police judiciaire (neuf DIPJ et deux directions régionales DRPJ), le service régional de police judiciaire (SRPJ) et les antennes et détachements de police judiciaire. Les principales améliorations attendues au niveau territorial portent sur un rééquilibrage géographique des effectifs en fonction des charges opérationnelles et sur l'optimisation de l'action de la police judiciaire dans la lutte contre la criminalité organisée, les violences urbaines organisées et l'économie souterraine. Ce plan organise également un développement cohérent des outils techniques, scienti ques et des nouvelles technologies indispensables à l'ensemble des acteurs de la sécurité intérieu re. Les priorités essentielles xées dans le domaine de la police technique et scienti que sont les suivantes : achèvement de la généralisation du chier automatisé des empreintes digitales dans les cinq SRPJ non encore équipés de sites déportés, ainsi que dans les services locaux de police technique de la DCSP ; développement de la base locale « application de recueil de la documentation opérationnelle et d'informations statistiques sur les


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enquêtes » (ARDOISE) ; généralisation de la numérisation de l'archivage (archivage électronique de la documentation criminelle) des services territoriaux de la police judiciaire ; mise en oeuvre du chier national automatisé des empreintes génétiques.

La réforme permettra par ailleurs la mise en place de l'assurance qualité dans les laboratoires de police et la mise à niveau des équipements des LPS dans le cadre de l'application de la loi

« psychotropes et sécurité routière ». En n, il convient d'améliorer encore le recrutement et la formation des personnels spécialisés. C'est une priorité pour la lutte contre les organisations criminelles et/ou transnationales, dotées de nouvelles technologies. 9. M. Jean-Pierre Baeumler souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les possibilités d'évolution des règles de nancement applicables aux services départementaux d'incendie et de secours. Conformément au mode de nancement actuel, les communes, les établissements publics intercommunaux et les départements sont appelés à verser des contributions importantes - et en augmentation constante - grevant lourdement leurs budgets. Il s'agit, pour elles, de dépenses obligatoires alors que l'Etat, qui reste le principal donneur d'ordre et xe des exigences, ne contribue pas au nancement du service à la hauteur de ses responsabilités. Maintes fois dénoncée, cette situation a justi é la création d'une commission de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre de la loi de 1986 dite « de départementalisation » présidée par M. Jacques Fleury qui a rédigé un rapport à l'attention de M. le Premier ministre. La question d'une meilleure répartition des charges occasionnées par les missions relevant de la sécurité civile a été examinée. Prévue dans la loi du 28 décembre 199 9 modi ant le code général des collectivités territoriales et relative à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales , la majoration exceptionnelle de la dotation générale d'équipement dont peuvent béné cier les services départementaux d'incendie et de secours jusqu'au 31 décembre 2002 constitue une première réponse. D'autres pistes ont pu être évoquées. On peut citer la possibilité de mettre à contribution d'autres partenaires directement intéressés par la sécurité civile comme les sociétés concessionnaires d'autoroutes, les compagnies d'assurances ou les entreprises exploitant des activités et des installations potentiellement dangereuses ou encore de faire peser, sur les organismes en charge des régimes d'assurance maladie, une partie du coût des interventions de secours médicalisées. Cette recherche de modes de nancement complémentaires conduit certains à défendre le principe d'une scalité additionnelle, voire la création d'un nouvel impôt spéci que.

Ce serait, de leur point de vue, un gage de transparence et une garantie de l'autonomie nancière des SDIS. Il souhaiterait connaître les observations qu'appelle de sa part ces différentes hypothèses de travail. Il aimerait également que lui soient précis ées les grandes orientations qui pourraient gurer dans le projet de loi sur la sécurité civile qu'il a évoqué le samedi 7 septembre, à Strasbourg, lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurspompiers de France.

Réponse. La loi no 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours a eu pour objectif le renforcement de la sécurité de nos concitoyens, par la création, dans chaque département, d'un grand service moderne d'incendie et de secours. Si dans certains départements la mise en oeuvre d'un certain nombre de règles nationales prévues par les deux lois de mai 1996 a pu avoir une incidence budgétaire, elle est également liée aux décisions prises par les conseils d'administration pour assurer l'amélioration ou la modernisation des structures, des matériels et des casernements dont ils ont la charge. Elle est en n liée aux résultats des négociations menées dans chaque département, notamment en matière de régime de service et de régime indemnitaire. Le nancement des services d'incendie et de secours relève traditionnellement de la compétence des seules collectivités locales. L'Etat prend à sa charge les renforts nationaux, ce qui se traduit par un effort de solidarité important du ministère de l'intérieur notamment avec la professionnalisation des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile e t la modernisation de la otte aérienne. Le budget consacré par l'Etat pour la sécurité civile sera de 1,6 milliard en 2001. La loi du 3 mai 1996 a indiscutablement posé les jalons d'une modernisation qui mérite d'être confortée voire ampli ée ou accompagnée. Tel a été l'objet d'une première mesure décidée par le Gouvernement dès décembre 1999 de soutenir l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours par l'intermédiaire d'une dotation d'équipement de 1 milliard de francs en trois tranches annuelles. S'agissant de la départementalisation, certaines imperfections techniques, apparues au moment de la mise en oeuvre de cette loi ont pu être constatées. La commission d'évaluation présidée par le député Fleury a procédé à l'analyse de ces imperfections et présenté un certain nombre de propositions visant à y remédier. Ces propositions vont dans le sens d'une modernisation accrue des services d'incendie et de secours sans remettre en cause les équilibres et principes fondamentaux d'organisation des secours en France. Les conclusions de ce rapport, qui tendent à approfondir la départementalisation, à organiser la répartition des compétences dans un esprit de complémentarité et à assurer un nancement stable aux services départementaux d'incendie et de secours en gommant à terme les profondes disparités qui existent en matière de contribution, prévoient également une clari cation des relations avec le secteur public hospitalier. Le service public de secours doit rester un service gratuit qui doit relever de nancements publics. La question du nancement et des responsabilités des services départementaux d'incendie et de secours doit être étudiée en cohérence avec les propositions du rapport Mauroy, s'agissant d'une question fondamentale qui engage l'avenir des services de secours en France. Le projet de loi sur la sécurité civile qui sera déposé à la n de l'année 2001 au Parlement sera l'occasion de débattre de l'organisation de la sécurité civile à partir des propositions que retiendra le Gouvernement des rapports précédemment mentionnés.

10. M. Bernard Schreiner attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation extrêmement critique des effectifs du commissariat de police de la ville de Haguenau, cheflieu de sa circonscription. Haguenau, 4e ville d'Alsace avec trente quatre mille habitants enregistre ces derniers temps une augmentation très signi cative de la déliquance. Avec les effectifs dont dispose Mme la commissaire actuellement (44 fonctionnaires dont 33 du corps de maîtrise, 1 policier auxiliaire et 10 adjoints de sécurité) l'action de police la plus élémentaire ne peut ê tre opérée, en particulier la nuit, dans des conditions acceptables de sécurité pour les fonctionnaires intervenants. Au cours de la décennie écoulée, la ville de Haguenau a connu un essor démographique (plus 5 000 habitants au dernier recensement), mais aussi industriel et commercial sans précédent. Il en est de même de la périphérie immédiate, certes située en zone gendarmerie, mais qui n'échappe pas au phénomène du déplacement de la délinquance vers l'épi centre urbain toujours plus vivant et plus attractif. Haguenau se trouve au 4e rang des villes les plus touchées du grand Est, tout juste après les trois grandes métropoles régionales que sont Stras bourg, Mulhouse et Metz. Ce classement devrait interpeller. Par a illeurs des événements récents, en particulier l'attaque du commissariat, ont profondément bouleversé les esprits au sein du service. Le personnel de police de Haguenau est usé par les exigences de disponibilité liées aux sous-effectifs chroniques et moralement affecté par des conditions d'exercice du métier de plus en plus précaires et dévalorisantes. Il est plus que temps que l'ensemble des directions centrales concernées se rendent compte que Haguenau n'est plus cette petite ville de province tranquille et qu'en aucun cas elle ne peut être considérée comme « un faubourg de Strasbourg » pour l'évaluation du nombre de policiers nécessaires au maintien de l'ordre. La commissaire de police, fait avec son équipe un travail remarquable et reconnu par tous les acteurs de la cité. Dans l'état actuel de ses effectifs, il lui est dif cile, voire impossible d'aller plus loin. C'est pourquoi il avait été demandé de renforcer l'équipe actuelle par 2 of ciers et 10 gardiens de la paix.

Or depuis le 1er septembre, seul 1 brigadier et 3 gardiens de la paix ont pris leurs fonctions. Cela est notoirement insuf sant.

Comment dans ces conditions enrayer la délinquance à Haguenau et éviter la progression du sentiment d'insécurité qui gagne la population ? Le fait « qu'il y aurait plus grave ailleurs » ne peut justi er le manque de prise en considération de la situation de Haguenau.

Réponse. La situation des effectifs des personnels de la police nationale affectés dans la circonscription de sécurité publique d'Haguenau a déjà fait l'objet d'une attention particulière puisque trois postes de gardiens de la paix et un poste de brigadier ont été


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ouverts dès le mois de septembre 2000 dans le cadre du mouvement général annuel des fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application. En outre, il a été décidé d'y affecter trois gar diens stagiaires supplémentaires le 1er décembre 2000, pour tenir compte d'un décès survenu au mois de juin dernier et d'un renoncement dans le cadre du mouvement évoqué précédemment. Cette circonsription béné ciera ainsi d'un effectif de 38 gradés et gardiens au 1er janvier 2001, supérieur d'une unité à l'objectif initialement xé dans le cadre de la généralisation de la police de proximité

Globalement, si l'on ajoute aux gradés l'encadrement (5), les personnels administratifs (6) et les adjoints de sécurité (9) , l'effectif total de la circonscription de sécurité publique d'Haguenau s'élè vera au 1er janvier 2001 à 58 agents, en hausse de plus de 23,4 % par rapport à la situation observée le 1er janvier 1998.

11. M. Alain Cousin appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la façon dont il entend déployer les moyens ministériels dans le cadre de la réorganisation des préfectures et sous-préfectures. La poursuite de la décentralisation et de la déconcentration des services de l'Etat doit favoriser une plus grande proximité entre l'Etat et le citoyen. Les nouvelles technologies de l'information constituent à cet égard un formidable accélérateur en faveur de ce mouvement. Les sous-préfectures représentent l'Etat au plus près des administrés, mais égalemen t des élus. Leur participation au contrôle de légalité, grâce aux conseils qu'elles prodiguent en amont aux maires des communes quant à la forme de leurs décisions et délibérations, constitue une mission essentielle pour le maintien de la démocratie locale et de l'État de droit. Aussi prenant exemple de la sous-préfecture de Coutances, qui n'a pu renouveler certains postes faute de moyens et qui par ailleurs semble envisager de supprimer la délivrance de certains titres (passeports), il s'interroge sur l'avenir des souspréfectures et plus particulièrement sur les mesures budgétaires concrètes qu'il entend prendre à leur sujet pour conforter leur mission de service public au plus près de nos concitoyens.

Réponse. La réforme de l'Etat est un processus continu qui nécessite une adaptation de l'organisation des services par rapport à l'évolution des missions. Le Gouvernement a relancé avec vigueur cette réforme, en privilégiant la modernisation de l'administration préfectorale qui, au coeur de l'organisation territoriale de l'Etat, est le point de contact permanent avec les citoyens. Cette réforme vise à améliorer encore l'ef cacité et la qualité des services rendus. Dans ce cadre, le Comité interministériel à la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999 a décidé que le préfet arrête l'organisation des services déconcentrés au ni veau local, en fonction des enjeux prioritaires d'action de l'Etat dans le département. Un certain nombre d'outils ont été mis en oeuvre a n de donner aux préfets, et, par délégation, aux souspréfets, les moyens de répondre aux objectifs assignés : le projet territorial de l'Etat, document élaboré collégialement par le pré fet et les chefs de services déconcentrés, qui doit exposer les priorités et les modalités d'action des services au regard des objectifs généraux des politiques publiques et d'une analyse de la situation locale ; les décrets du 20 octobre 1999 donnant aux préfets les pouvoirs d'organisation des services au travers de pôles de compétence ou de délégation interservices ; les systèmes d'information territoriaux qui permettent l'échange d'informations et l'utilisation partagée de bases de données entre les services de l'Etat et dont l'ouverture aux collectivités locales est prévue en fonction de discussions à mener localement. Dans ce contexte, les sous-préfectures sont un élément clé du dialogue de proximité entre l'Etat et le citoyen et avec les collectivités locales. Le Gouvernement a donc décidé que le nombre des arrondissements ne sera pas modi é. Il appartient toutefois aux préfets de décider, en concertation avec les personnels et avec les acteurs locaux intéressés, des conditions d'organisation et des missions qui incombent à chacune des sous-préfectures du département.

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication constituent un atout majeur dans la ré exion engagée par les préfets sur ce point, car, d'une part, les gains de productivité attendus, à terme, de ces technologies sur des tâches matérielles répétitives doivent contribuer à accroître la capacité de ré ponse des sous-préfectures à la demande forte des élus en matière de conseil et d'assistance juridique et la capacité à s'occuper des publics les plus en dif culté et, d'autre part, elles doivent replacer les sous-préfectures dans un circuit d'information renouvelé et partagé. Pour ce qui concerne la délivrance des titres, la concentration de la fabrication matérielle des passeports sur un nombre de sites restreint, pour des raisons d'ef cacité et de sécurité, n'empêcheront pas que les sous-préfectures, pour cell es qui ne seraient pas raccordées aux applications nationales, à continuer à recevoir les dossiers en question, remettre les titres après fabrication, voire délivrer manuellement des passeports en cas d'urgence avérée.

12. M. Gilbert Meyer appelle l'attention de M. le ministre d e l'intérieur sur les dif cultés croissantes auxquelles sont confrontées les collectivités locales pour nancer la départementalisation des services d'incendie et de secours. Aujourd'hui, les SDIS assument des missions de service public qui normalement relèvent des compétences de l'Etat : lutte contre les incendies, secours et assistance aux personnes en danger, gestion des catastrophes naturelles et des accidents industriels, etc. C'est aussi l'Etat qui a imposé aux SDIS certaines charges venues alourdir le coût de la départementalisation (harmonisation des différents régimes de travail, mise en place du régime indemnitaire, allocation de vétérance, 35 heures). Malgré cela, l'Etat refuse obsti nément de s'engager nancièrement aux côtés des collectivités locales.

Une mesure « d'accompagnement » a certes été mise en place l'an passé. Ainsi, depuis le 1er janvier 2000 et jusqu'au 31 décembre 2002, les SDIS perçoivent une majoration exceptionnelle de leur dotation globale d'équipement. Cette majoration est répartie proportionnellement aux dépenses réelles d'investissement effectuées par les SDIS. Les sommes nécessaires sont prélevées, à hauteur de 100 millions de francs chaque année, sur les crédits affectés à la dotation globale d'équipement des communes. Une telle mesure ne répond absolument pas aux attentes exprimées par les collectivités locales : elle est non seulement très limitée dans le temps, mais de surcroît son application s'opère au détriment des communes, dont la dotation d'équipement est amputée d'autant. Il convient donc de trouver sans attendre d'autres sources de nancement.

Plusieurs pistes sont actuellement explorées, dont notamment celle mettant à contribution les compagnies d'assurance. Mais pour l'heure, le Gouvernement n'a fait aucune proposition concrète quant à la contribution en rapport avec les missions - assumées par les services départementaux d'incendie et de secours - qui relèvent de la responsabilité de l'Etat. Les collectivités et les

SDIS se trouvent par conséquent dans l'incertitude la plus absolue. Aussi lui demande-t-il quel dispositif pérenne il envisage de mettre en place en complément des lois de 1996, pour dégager les moyens nécessaires à l'accompagnement nancier des collectivités engagées dans le processus de la départementalisation des services d'incendie et de secours.

Réponse. La loi no 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours a eu pour objectif le renforcement de la sécurité de nos concitoyens, par la création, dans chaque dépar tement, d'un grand service moderne d'incendie et de secours. Si dans certains départements la mise en oeuvre de règles nationales prévues par les deux lois de mai 1996 a pu avoir une incidence budgétaire, elle est également liée aux décisions prises par les conseils d'administration pour assurer l'amélioration ou la modernisation des structures, des matériels et des casernements. Elle est en n liée aux résultats des négociations menées dans chaque département, notamment en matière de régime de service et de régime indemnitaire. Le nancement des services d'incendie et de secours relève traditionnellement de la compétence des collectivités locales. Le code général des collectivités territoriales con e au maire la responsabilité de la distribution des secours dans sa commune. Le représentant de l'Etat a vocation à intervenir en cas de carence constatée de la part de l'autorité municipale, si le sinistre dépasse le cadre communal ou, en n, en cas de déclenchement d'un plan de secours ou d'intervention. L'Etat prend à sa charge les renforts nationaux, ce qui se traduit par un effort de solidarité important du ministère de l'intérieur, notamment avec l a professionnalisation des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile et la modernisation de la otte aérienne. Le budget consacré par l'Etat pour la sécurité civile sera de 1,6 milliard en 2001. La loi du 3 mai 1996 a indiscutablement posé les jalons d'une modernisation qui mérite d'être confortée, voire ampli ée ou accompagnée. Tel a été l'objet d'une première mesure déci dée par le Gouvernement dès décembre 1999 de soutenir l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours par l'intermédiaire d'une dotation d'équipement de 1 milliard de francs


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en trois tranches annuelles. S'agissant de la départementalisation, certaines imperfections techniques, apparues au moment de la mise en oeuvre de cette loi ont pu être constatées : la commission d'évaluation présidée par le député Fleury a procédé à l'an alyse de ces imperfections et présenté un certain nombre de propositions visant à y remédier. Ces propositions vont dans le sens d'une modernisation accrue des services d'incendie et de secours sans remettre en cause les équilibres et principes fondamentaux d'organisation des secours en France. Les conclusions de ce rapport, qui tendent à approfondir la départementalisation, à organiser la répartition des compétences dans un esprit de complémentarité et à assurer un nancement stable aux services départementaux d'incendie et de secours en gommant à terme les profondes disparités qui existent en matière de contribution, prévoient également une clari cation des relations avec le secteur public hospitalier. Le service public de secours doit rester un service gratuit qui doit relever de nancements publics. La question du nancement et des responsabilités des services départementaux d'incendie et de secours doit être étu diée en totale cohérence avec les propositions du rapport Mauroy, s'agissant d'une question fondamentale qui engage l'avenir des services de secours en France. Le projet de loi sur la sécurité civile qui sera déposé n 2001 au Parlement sera l'occasion de débattre sur l'organisation de la sécurité civile à partir des propositions que le Gouvernement retiendra des rapports précédemment mentionnés.

13. L'annonce faite lors du 107e Congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Strasbourg du 4 au 7 octobre dernier, du dépôt d'un projet de loi sur la sécurité civile à l'automne 2001 ne peut dispenser le Gouvernement d'apporter des réponses immédiates à de nombreuses questions en suspens. Ainsi, la mise en oeuvre de la réforme des services départementaux d'incendie et de secours s'est traduite par un accroissement des charges des collectivités locales. Les conclusions de la Commission de suivi et d'évaluation ne permettent pas la clari cation attendue sur les responsabilités et les nancements. De même, la tempête de décembre 1999 et les incendies de l'été dernier, ont cruellement rappelé les risques auxquels sont confrontés les sapeurs-pompiers et le caractère dangereux de leur activité au service de nos concitoyens. Le congé pour dif culté opérationnelle, adopté en juin dernier, ne constitue pas une réelle reconnaissance du caractère dangereux de la profession. Les problèmes non résolus concernant les sapeurs-pompiers volontaires et les entraves réglementaires au recrutement de jeunes sont autant de freins au développement du volontariat. M. Jean-Luc Reitzer demande à M. le ministre de l'intérieur que le Gouvernement s'engage par des mesures concrètes à répondre aux préoccupations des sapeurs-pompiers et des collectivités locales.

Réponse. La loi no 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours a eu pour objectif le renforcement de la sécurité de nos concitoyens, par la création, dans chaque dépar tement, d'un grand service moderne d'incendie et de secours. Si dans certains départements la mise en oeuvre des règles nationales prévues par les deux lois de mai 1996 a pu avoir une incidence budgétaire, elle est également liée aux décisions prises par les conseils d'administration pour assurer l'amélioration ou la modernisation des structures, des matériels et des casernements. Elle est en n liée aux résultats des négociations menées dans chaque département, notamment en matière de régime de service et de régime indemnitaire. La demande de classement de la profession de sapeur-pompier en catégorie dangereuse et insalubre est en fait liée à l'âge de départ à la retraite des sapeurs-pompiers. E lle ne peut être étudiée que dans le cadre des ré exions sur la retraite dans l'ensemble de la fonction publique. Toutefois, pour apporter une réponse aux dif cultés que peuvent rencontrer les sapeurspompiers en n de carrière, après l'âge de cinquante ans, la loi du 7 juillet 2000 a prévu, soit une possibilité de reclassement amélioré dans la fonction publique, soit une cessation anticipée d'activité sous la forme d'un congé pour dif culté opérationnelle. Il a été rappelé, lors du congrès de la fédération nationale d es sapeurspompiers de France à Strasbourg, que le dispositif mis en place ferait l'objet d'une expertise et que certaines dispositions pourraient être réexaminées si de réelles dif cultés apparaissaient dans son application. S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires, malgré les évolutions instaurées par la loi no 96-369 relative aux services d'incendie et de secours et la loi no 96-370 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers notamment, le droit à la formation, la disponibilité, le caractère obligatoire conféré tant aux vacations horaires qu'à l'allocation de vétérance, les dispositions applicables aux sapeurs-pompiers volontaires résultaient, pour leurs majeures parties, de dispositions datant de plus de quarante ans et gurant dans la partie réglementaire du code des communes. Aussi, l'évolution du cadre législatif ainsi que celle de notre société, depuis plusieurs années, n écessait d'adapter les dispositions relatives aux sapeurs-pompiers volontaires, tant sur le plan du recrutement que sur celui de leurs présences dans les services d'incendie et de secours. Parallèlement, la nouvelle organisation départementale des services d'incendie et de secours qui s'articule autour du corps départemental et des corps communaux et intercommunaux de sapeurs-pompiers volontaires a mis en évidence des vides juridiques, notamment en ce qui concerne les dispositions applicables aux sapeurs-pompiers volontaires du corps départemental. Aussi, le décret no 99-1039 du 1 0 décembre 1999 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires regroupe un ensemble cohérent de dispositions intéressant la totalité des sapeurs-pompiers volontaires et dote les sapeurs-pompiers volontaires d'un statut moderne adapté à la nouvelle organisation départementale. Il exprime la reconnaissance de la place des sapeurs-pompiers volontaires non seulement au sein des services d'incendie et de secours mais aussi au sein de la société. De plus, les dispositions arrêtées ont vocation à s'appliquer de façon h omogène à l'ensemble des sapeurs-pompiers volontaires du territoire français : la valeur juridique de ce texte participera pour l'avenir à faire disparaitre les disparités de situations, préjudiciables non se ulement aux sapeurs-pompiers volontaires eux-mêmes mais aussi à la qualité des secours que chaque citoyen est en droit d'attendre. En effet, en France, comme dans de nombreux pays d'Europe, les sapeurs-pompiers volontaires occupent une place essentielle dans l'organisation des secours. Avec un effectif d'environ 200 000 personnes, ils représentent 85 % de l'effectif total des sapeurspompiers. Hors des grandes agglomérations, les sapeurs-pompiers volontaires remplissent la grande majorité des tâches dévolues aux services d'incendie et de secours, dont ils constituent l'ossature principale, voire exclusive. Ce décret, qui vient ainsi compléter le disositif mis en place par les lois nos 96-369 et 96-370 du 3 mai 1996, devrait contribuer à une véritable relance du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, a n de garantir à la population française, en tout lieu du territoire national, la possibilité d'être secouru dans des conditions satisfaisantes.

14. Mme Martine Aurillac appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la délinquance dans la capitale qui n'a pas cessé d'augmenter depuis trois ans, d'une façon préoccupante, y compris même dans des arrondissements tels que le VIIe arrond issement jusque là relativement épargné. Les chiffres en témoignent : le nombre des crimes et délits constatés à Paris par les services de la préfecture de police, au cours des huit premiers mois de l'année 2000 s'élève à 197 067 contre 194 199 pour la même période de l'année 1999, soit 2 900 faits en plus. Malgré cette constatation, aucun moyen important, notamment en termes d'effectifs, n'a été mis en place pour pallier cet important dé cit.

Autre élément très inquiétant : malgré le recrutement d'agents locaux de médiation sociale par la ville de Paris, un trop grand nombre de sorties d'école restent sans surveillance ou sont irrégulièrement surveillées. Seules 400 écoles répertoriées sur 69 7 sont tenues d'une manière régulière par des agents de la police nationale, des agents de surveilllance de Paris, des gardiens de la paix, des policiers auxiliaires et des adjoints de sécurité. Ainsi, dans le

VIIe arrondissement, seules 15 écoles sur 36 sont surveillées ; la sécurité des enfants de la capitale n'est pas suf samment assurée.

En conséquence, elle lui demande si, en dépit de la bonne volonté de beaucoup de policiers, ces chiffres sur la déliquance et ceux sur la surveillance des sorties d'écoles sont le résultat de la mise en place de la police de proximité. Elle souhaite connaître les mesures concrètes qu'il entend mettre en place pour remédier à l'insécu rité dans la capitale.

Réponse. L'augmentation du nombre des infractions constatées dans la capitale, notamment dans le VIIe arrondissement, doit être relativisée à plusieurs titres. Tout d'abord, cette hausse est nalement assez minime, puisqu'elle ne représente, sur les neuf premiers mois de l'année 2000 par rapport à la même période de l'année précédente, que 1,1 % (+ 1,6 % pour le VIIe arrondissement).

Ensuite, cette légère augmentation est, pour partie, liée à la progression des délits économiques et nanciers (+ 30,5 %), notamment les fraudes à la carte bancaire et les escroqueries en matière de téléphonie mobile, qui constituent des formes nouvelles de délinquance, dépourvues de manifestations extérieures et sur


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lesquelles les mesures traditionnelles de dissuasion et de répression se révèlent peu ef caces. Cette évolution, qui n'est bien évidemment pas négligée par les services de police, est toutefois contrebalancée par la diminution des délits de voie publique. Cette tendance s'est, en effet, de nouveau con rmée au cours des neuf premiers mois de l'année, puisqu'une baisse de 8,63 % a pu être enregistrée par rapport à la même période de 1999 (118 583 faits cette année, contre 129 779 en 1999). Les mesures précitées produisent, en effet, des résultats très positifs sur cette seconde forme de délinquance, notamment dans le VIIe arrondissement qui enregistre des diminutions de 38,85 % du nombre de cambriolages (20,92 % pour Paris), 30,67 % des vols à la roulotte (15,81 % pour Paris) et 27,52 % des vols d'automobile (11,96 % pour Paris). A n d'illustrer cette réelle mobilisation des services de police, trop souvent occultée par des statistiques qui, faute de commentaires, ne re ètent pas la réalité, il convient, en n, de souligner le caractère particulièrement encourageant des indicateurs d'activité. Le nombre de faits élucidés par les services de police a, en effet, augmenté de 16,36 % (37 241 cette année, contre 32 005 en 1999). Rapporté au nombre d'infractions constatées, ce total établit un taux d'élucidation de 17 % supérieur à celui enregistré pour la même période, l'an dernier (14,6 %). Le nombre de personnes mises en cause a connu une hausse de 18,39 % cette année (39 106, contre 33 031 en 1999) et le nombre total de mesures de gardes à vue est passé de 23 534 en 1999 à 27 016 cette année, soit une progression de 14,80 %. Les délits révélés par l'activité des services, c'est-à-dire l'ensemble des infractions qui ne donnent pas lieu à dépôt de plaintes, mais sont mises en évidence par le travail d'initiative des services de police sont également en hausse de 13,73 % (12 411 délits cette année, contre 10 913 l'an passé).

Concernant plus particulièrement la sécurité aux abords des éta blissements scolaires, la surveillance des points de passage des écoliers de la capitale est, de longue date, l'une des préoccupations majeures de la préfecture de police dont l'action se traduit, au début de chaque année scolaire, par la mise en oeuvre d'un dispositif de protection des élèves aux heures d'entrée et de sortie des classes. La liste des points d'école est mise à jour chaque année, lors de la rentrée scolaire, en relation étroite avec les maires d'ar rondissement et les chefs d'établissement et en tenant compte à la fois de l'importance des groupes scolaires concernés, de l'âge et du nombre des enfants qui fréquentent ceux-ci, des équipements de voirie existants (tels les signaux lumineux) et des conditions de cir culation. Ces points sont classés par ordre de priorité en fonction de leur dangerosité. Cependant, le nombre de points tenus dans chaque arrondissement peut, il est vrai, connaître des uctuations, en fonction de contraintes d'emploi du personnel et de l'indisponibilité momentanée des agents. Sur les 697 points écoles réper toriés, seuls 400 à 500 sont, en conséquence, tenus quoditiennement. Les personnels de la préfecture de police, qui assurent la surveillance de ces points, sont des agents de surveillance de la police nationale, des agents de surveillance de Paris, des gardiens de la paix, des policiers auxiliaires et des adjoints de sécurité. Des agents locaux de médiation sociale (ALMS) recrutés par la mairie de Paris, dont il convient de rappeler que 80 % de leur rémunération est prise en charge par l'Etat au titre du dispositif emploijeunes, sont également chargés de la tenue d'une trentaine de points, en coordination avec les commissariats d'arrondissement concernés. En effet, dans le cadre du contrat d'objectifs signé entre le préfet de police et le maire de Paris, le département de Paris a prévu la création de 200 emplois d'ALMS. Parmi les missions qui leur sont assignées, gure notamment la surveillance des conditions de sortie des établissements scolaires. S'agissant plus particulièrement du VIIe arrondissement, sur les 28 points écoles qui ont été répertoriés pour la rentrée scolaire 2000-2001, 15 e n moyenne font l'objet d'une surveillance quotidienne. La sécurité des personnes, notamment la protection des élèves aux heures d'entrée et de sortie des classes, fait donc l'objet d'un suivi particulièrement attentif de la part des services de la préfecture de police, qui s'attachent en permanence à corriger les insuf sances qui peuvent être constatées dans tel ou tel arrondissement.

15. A n de remplir les missions de prévention et de proximité qui gurent au rang des priorités du gouvernement, il importe de dégager les moyens humains nécessaires à une présence effective de la police nationale sur le terrain. Or nous constatons notamment, dans les quartiers dif ciles, une véritable présence d'adjoints de sécurité, malheureusement sous-encadrés par des policiers d'expérience. Dans ces conditions, M. Francis Delattre demande à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir lui communiquer le nombre exact d'adjoints de sécurité par rapport aux policiers de métier. Si le chiffre annoncé par les syndicats de 20 000 ADS recrutés et formés en 2 mois pour un total de 80 000 policiers en tenue affectés à la sécurité publique, est exa ct, ceci représenterait un quart des effectifs. Un tel constat ne donnet-il pas consistance aux craintes exprimées ici ou là d'une police orientée vers le bas ? En n, l'exode de cadres reconnus de la police nationale vers des sociétés privées et agences de sécurité q ui annoncent 140 000 salariés, soit plus que l'ensemble des effectifs de la police nationale, ne présage-t-il pas une discrimination supplémentaire entre ceux qui pourront recourir aux prestataires prévus pour leur sécurité et ceux qui ne peuvent que douter des statistiques complaisamment exposées par tous les ministres de l'intérieur depuis vingt ans, s'efforçant de démontrer que la situ ation s'améliore. Face à un tel constat, il est nécessaire de rasse mbler les moyens dispersés entre plusieurs ministères et organismes au pro t d'une entité à l'autorité renforcée redé nissant clairement les missions de tous les acteurs, en un mot, l'outil du 21e siècle pour reconquérir la première des libertés des citoyens : leur sécurité. Il lui demande de lui faire connaître s'il y est favorab le, et si c'est le cas, de lui faire connaître le calendrier.

Réponse. Il convient d'abord de rappeler que les adjoints de sécurité, qui relèvent du dispositif des « emplois-jeunes », ont été mis en place pour compléter l'action des personnels en tenue de la police nationale et non pour se substituer numériquement aux effectifs des gradés et gardiens de la paix déjà en place. A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que les effectifs des adjoints de sécurité passeront de 1 208 au 1er janvier 1998 à environ 16 500 au 1er janvier 2001 alors que, dans le même temps, les effectifs des personnels du corps de maîtrise et d'application progresseront eux aussi signi cativement de 94 126 à 97 187. Dans ces conditions, on ne peut parler d'une police orientée vers le bas. Le projet de budget pour 2001 prévoit en outre la création de 800 emplois de personnels administratifs, techniques et scienti ques qui permettront de redéployer à des tâches opérationnelles un nombre comparable de fonctionnaires actifs actuellement employés à des tâches d'administration. Lors du colloque de Villepinte en octobre 1997, et à la faveur des différents conseils de sécurité intérieure qui se sont tenus depuis, le Premier ministre a rappelé que la lutte contre la violence et l'insécurité constituait une priorité majeure du Gouvernement.

L'enjeu est celui du maintien de la cohésion nationale, dans la mesure où ce sont les plus démunis de nos concitoyens qui sont les plus exposés à l'insécurité. Les contrats locaux de sécu rité (CLS), mis en place par la circulaire interministérielle du 28 octobre 1997, et recadrés par la circulaire du 7 juin 1999, constituent l'instrument privilégié de cette politique. Le 20 septembre 1999, s'est tenue, à la cité des sciences et de l'industrie de la Villette, la première rencontre nationale des CLS qui a permis de faire un état des lieux et de dégager les perspectives de développement de cette approche partenariale. La mise en place de la police de proximité constitue également une priorité straté gique a n de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

Engagée depuis environ dix-huit mois, la police de proximité représente la plus importante transformation de la police nationale depuis sa création. Visant à assurer la sécurité au quotid ien de nos concitoyens, elle s'est d'abord traduite par l'élaboration d'une doctrine complète et cohérente. La police de proximité s'est ensuite déployée dès juin 2000 dans les 63 circonscriptions de la première vague de généralisation. Elle est à présent e n cours de déploiement sur l'ensemble du territoire avec un objectif d'achèvement à la mi-2002. La deuxième vague de générali sation de la police de proximité concernera 180 circonscriptions.

En termes de moyens, outre la direction centrale de la sécurité publique qui est naturellement concernée à titre principal, plusieurs autres directions sont également impliquées, notamment les compagnies républicaines de sécurité (CRS) qui sont, pour une partie de leurs moyens, « délisées ». Elles renforcent dans ce cadre les services territoriaux de la sécurité publique. Il en est d'ailleurs de même, en termes de mission de sécurisation pour les forces de la gendarmerie nationale. Par ailleurs, dans le prolongement et en complémentarité de l'action des forces de sécurité évoquée ci-dessus, la loi du 15 avril 1999 relative au x polices municipales et les décrets d'application pris depuis permettent de réglementer l'emploi, les compétences juridiques et la nature des activités des polices municipales. Si d'autres actions


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restent sans doute encore à entreprendre, il est incontestable que de très sérieux efforts ont été accomplis depuis 1997 pour renforcer, coordonner et clari er l'action des différents partenaires ayant un rôle à jouer pour améliorer la sécurité de nos conc itoyens.

16. M. Laurent Dominati demande à M. le ministre de l'intérieur de lui indiquer : les effectifs de la police à Paris, arrondissement par arrondissement et par type d'emploi, depuis 1995 ; les résultats de la commission mise en place par la préfecture de police pour connaître la durée effective de travail du personnel de police ; les résultats des actions conjointes de la police et des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail clandestin ; les investissements en logement prévus pour le personnel de la préfecture ; les investissements immobiliers prévus pour la police à Paris et l'installation de nouveaux commissariats ; les nouveaux moyens alloués aux pompiers de Paris, dont le nombre d'interventions a augmenté de manière disproportionnée par rapport à leurs effect ifs et à leurs moyens.

Réponse. La comparaison de l'effectif des personnels actifs de la préfecture de police par arrondissement, au 1er janvier de chaque année, ne peut être faite sur la période considérée sans pre ndre en compte l'effet de la réforme de la police parisienne qui a radicalement modi é l'organisation territoriale de cette dernière. Il convient de rappeler que, depuis cette réforme intervenue le 18 avril 1999, les nouveaux commissariats centraux d'arrondissement de police urbaine de proximité ont, d'une part, acquis une compétence de droit commun pour le traitement judiciaire et, d'autre part, été déchargés des servitudes de garde et de surve illance qui étaient, par le passé, assurées au niveau local. L'incid ence de cette nouvelle organisation a été de mettre à disposition des commissariats centraux de police urbaine de proximité la ressource composant les ex-commissariats de quartier de police judiciaire et de transférer à la direction de l'ordre public et de la circulation l es moyens nécessaires à l'accomplissement des services de garde et de surveillance ; ces dernières occupent un effectif de plus de 1 100 fonctionnaires. Aussi n'est-il pas possible de comparer quantitativement les moyens humains des arrondissements au 1er janvier 2000 par rapport au 1er janvier des années antérieures. Au 1er janvier 2000 (tableau ci-après), l'effectif des personnels de police des commissariats centraux de la direction de la police urbaine de proximité est de l'ordre de 7 200. Dégagés du poids d es servitudes diverses et des tâches d'ordre public qui incombaient naguère aux services territoriaux, ces fonctionnaires et agents se consacrent exclusivement aux missions de lutte contre la petite et moyenne déliquance, d'accueil du public, de traitement, en temps réel, du petit judicaire. En outre, pour mesurer pleinement les moyens engagés localement dans les missions de proximité et de lutte contre la délinquance, il convient également de prendre en compte les effectifs des secteurs de police urbaine de proximité (environ 400 fonctionnaires) comportant chacun une brigade anti-criminalité en tenue. De plus, les services spécialisé s à compétence parisienne, notamment la brigade anti-criminalité de nuit (plus de 200 fonctionnaires) ainsi que les unités de renfort ou l es compagnies d'intervention en mission de sécurisation concourent directement à la lutte contre l'insécurité sur l'ensemb le du territoire de la capitale. Un effort certain est consenti par le ministre de l'intérieur pour maintenir à niveau les capacités opé rationnelles de la préfecture de police et lui permettre d'assurer pleinement ses missions de police de proximité, priorité relevant de la politique de sécurité conduite par le Gouvernement. A cet égard, i l convient de souligner que la préfecture de police disposait, au 1er janvier 2000, d'une centaine d'agents supplémentaires du corps de maîtrise et d'application (gardiens et gradés) par rapport a u 1er janvier 1999, ce renforcement béné ciant naturellement aux services territoriaux et tout particulièrement aux arrondissements les plus sensibles. Cet effort se poursuit puisque la progression sera, au 1er janvier 2001, de 180 de plus qu'au 1er janvier 2000 et devrait permettre de renforcer davantage encore les moyens dédiés à la police de proximité à Paris. Aux effectifs des personnels act ifs, il convient également d'ajouter, depuis 1998, la ressource que constituent les adjoints de sécurité. Essentiellement affectés à des missions d'îlotage et d'accueil du public, ces personnels comptaient près de 700 unités en commissariats centraux d'arrondissement à la date du 1er janvier 2000.

Effectifs de police au 1er janvier 2000

CORPS ACTIFS Arrondissements Conception et direction Commandement et encadrement Maîtrise et application Soustotal Adjoints de sécurité Total Ier

............

3 26 292 321 30 351 IIe

............

2 23 187 212 10 222

IIIe

..........

1 23 155 179 11 190 IVe

..........

3 26 222 251 23 274 Ve

...........

3 26 262 291 19 310 VIe

..........

4 26 226 256 23 279

VIIe

.........

3 26 264 293 17 310

VIIIe

........

4 36 349 389 34 423 IXe

..........

3 33 242 278 24 302 Xe

...........

3 37 303 343 29 372 XIe

..........

4 33 308 345 51 396

XIIe

.........

3 32 298 333 39 372

XIIIe

........

4 25 331 360 40 400

XIVe

.......

3 30 244 277 38 315 XVe

........

4 39 339 382 40 422

XVIe

.......

3 37 360 400 28 428

XVIIe

......

3 31 314 348 36 384

XVIIIe

.....

4 50 481 535 62 597

XIXe

.......

3 33 319 355 61 416 XXe

........

4 35 296 335 63 398 Total

... 64 627 5 792 6 483 678 7 161 A ce jour, la préfecture de police n'a pas mis en place de commission visant à recenser la durée effective de travail du personnel de police. Les horaires de travail sont xés par le règlement national d'emploi de la police nationale. Elle s'associera, bien entendu, aux travaux qui seront initiés par l'administration centrale, tout particulièrement dans la perspective de la réduction réglementaire du temps de travail au 1er janvier 2002, et apportera sa contribution à la réalisation de cet exercice. La direction des renseignements géné raux est plus particulièrement en charge, au sein de la préfecture de police, de la lutte contre le travail clandestin. Toutefois, la plupart des contrôles réalisés en ce domaine est organisée en part enariat avec la direction de la police urbaine de proximité et la coopération de l'URSSAF, de la direction des services scaux, de la direction départementale du travail et de l'emploi. La direction des services vétérinaires de la préfecture de police est également associée en tant que de besoin à ces opérations. Une stratégie inte rservices est donc désormais menée en ce domaine. Cette action a d'ores et déjà permis d'obtenir des résultats très signi catifs.

Depuis le 1er janvier 2000, la direction des renseignements généraux a, en effet, procédé, dans la capitale, à 199 contrôles d' établissements commerciaux. Parmi ces contrôles, 112 ont donné lieu à des poursuites judiciaires pour travail illégal et recours à tra vail dissimulé ainsi qu'à des poursuites administratives pour emploi d'étrangers sans titre et infraction à la législation sur les é trangers.

A l'issue de ces contrôles, ont fait l'objet de poursuites au plan judiciaire : 157 gérants de fait ou de droit, cités à comparaître devant la 31e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris (affaires en cours) ; 3 autres gérants, déférés devant le parquet et placés sous mandat de dépôt ; 51 donneurs d'ordre, mis en cause et faisant l'objet de poursuites, à l'instruction, pour recours à travail dissimulé. On rappellera également que 25 structures commerciales totalement clandestines ont été demantelées dans le cadre de ces contrôles. Au plan administratif ont fait l'objet de poursuites 137 ressortissants étrangers, employés sans être déclarés au sein des établissements contrôlés, ont r eçu noti cation d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, p uis ont été placés en rétention administrative dans l'attente de leur é loignement du territoire national. La loi de nances consacre chaque année une dotation de plusieurs dizaines de millions de francs, sur le budget du ministère de l'intérieur, destinés à la réserva tion de logements en faveur des personnels policiers. Ces dotations, inscrites sur le chapitre 65.51, béné cient pour une part aux fonctionnaires de la préfecture de police. Les autorisations de prog ramme allouées à cette dernière, après répartition entre l'administration centrale, la préfecture de police et les préfectures , ont permis à la réservation de 305 logements sociaux au titre du budget 1995 pour un montant de 77,2 millions de francs ; 269 logements sociaux au titre du budget 1996 pour un montant


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de 82,2 millions de francs ; 343 logements sociaux au titre du budget 1997 pour un montant de 87,4 millions de francs ; 407 logements sociaux au titre du budget 1998 pour un montant de 87,2 millions de francs ; 332 logements sociaux au titre du budget 1999 pour un montant de 73,4 millions de francs. Au titre de l'exercice 2000, l'enveloppe mise en place pour les réservations de logement au béné ce des policiers parisiens s'élève à 53,5 millions de francs. A la date du 25 octobre 2000, 40 millions de francs ont été affectés à la réservation de 193 logements de tous types (F1, F2, F3, F4, studios meublés, appartements ou pavillons), à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne. Ces attributions d'enveloppes nancières et la politique active menée par la préfecture de police dans ce domaine, depuis quarante ans, ont permis de constituer un parc immobilier de près de 10 000 logements sociaux, situés en Ile-de-France, au béné ce des policiers parisiens. Ces actions en matière de logement social favorisent l'intégration des jeunes policiers issus de province.

Elles permettent également de les « déliser » à Paris et de limiter ainsi les mutations, trop souvent sollicitées par les personnels après quelques années d'activité dans la capitale. Chaque année, une analyse des besoins et des attentes des fonctionnaires de police est effectuée a n de réserver auprès de différents partenaires des logements adaptés à la demande. Un équilibre est recherché entre les besoins exprimés par les jeunes fonctionnaires arrivant de province et nouvellement affectés à Paris, et les attentes de fonctionnaires implantés dans la capitale, qui recherchent des logements familiaux dans des quartiers agréables et proches de leur lieu de travail. En conséquence, la politique suivie en matière de logement a sensiblement évolué ces dernières années. La réservation de nombr eux programmes aux portes de Paris a été abandonnée au pro t de programmes plus modestes en quantité, mais de meilleure qualité, en termes de typologie, confort et environnement. Parallèlement, a n d'accueillir les jeunes fonctionnaires stagiaires, des réservations dans des résidences d'accueil confortables situées dans Paris ont é té effectuées. En 2000, a n de tenir compte des souhaits exprimés par les demandeurs de logements, les recherches de nouveaux programmes ont notamment porté sur les Hauts-de-Seine, le Val-deMarne et Paris. La préfecture de police dispose depuis 1995 d'un schéma directeur immobilier, en cours de réactualisation, qui xe les grandes orientations stratégiques pour l'immobilier des services actifs de la police nationale à Paris. Au regard des constats qui ont été dressés sur l'état du patrimoine, et notamment de la dég radation ou de la vétusté de certains sites, un effort d'investissement important a été engagé, qu'il convient de poursuivre, pour tenir compte en particulier des conséquences de la réforme des services actifs intervenue en 1999. Dans cette perspective, et sans préjuger des arbitrages que rendra au cours des prochaines semaines le ministère de l'intérieur sur les propositions qui lui seront soumises , la programmation 2001 des investissements immobiliers s'inscrit dans la continuité de ces orientations. Parmi les objectifs prioritaires, gure tout d'abord la poursuite de la politique de désenclavement des commissariats centraux d'arrondissements, logés dans les locaux des mairies. La réalisation de cet objectif est cependant rendue dif cile par la situation du marché foncier parisien où la pénurie de l'offre, notamment dans les arrondissements centraux, ne permet pas toujours de trouver des solutions de relogement adaptées aux besoins des services. Néanmoins, la préfecture de police poursuit activement sa prospection foncière auprès des services privés ou institutionnels et n'écarte a priori aucune formule de relogement : location, réhabilitation, construction neuve.

Pour 2001, il est envisagé d'accélérer en priorité les recherch es pour reloger les commissariats du XXe , du IIIe et du IVe arrondissement. Le second objectif vise à poursuivre la politique de rénovation lourde et de réhabilitation des sites centraux. A cet égard, il est envisagé de programmer en 2001 le nancement de la maîtrise d'oeuvre des opérations de réhabilitation générale et de remi se aux normes des installations techniques des commissariats centraux des

VIIIe , IXe et XIIIe arrondissements. Le cantonnement CRS Debrousse fera, quant à lui, l'objet d'une demande d'autorisation de programme d'études pour la mise aux normes de la sécurité incendie du bâtiment et la réhabilitation de la restauration collective. Les hôtels de police du XVIIe et du XIVe arrondissements sont appelés à subir une importante restructuration à la suite de la réorganisation des services. Il est donc prévu de demander pour ces opérations une autorisation de programme destinée à organiser le recrutement des maîtres d'oeuvre. D'autres travaux de rénovation importants comme la mise en sécurité incendie des locaux de la direction de la police judiciaire, quai des Orfèvres, seront égale ment poursuivis. Un complément d'autorisation de programme pour le nancement de la maîtrise d'oeuvre sera demandé. Pour les priorités 2001, gure également le nancement de travaux urgents de sécurité. Ainsi le parc immobilier de la direction de la logistique est vétuste, dispersé et dégradé. Dans l'attente d'un rel ogement qui ne pourra intervenir qu'à moyen ou long terme, d'importants travaux de mise en sécurité devront être réalisés. Dans cette perspective, la programmation 2001 prévoit des demandes d'autorisations de programme pour le nancement des études du remplacement du tableau général de basse tension du parc Sud de Rungis, et des études pour la rénovation des installations techniques de l'immeuble Wallon-Breton ainsi que du parc Nord (MacDonald). Par ailleurs, un nancement sera demandé pour procéder à la réfection de la toiture du parc Sud de Rungis. Les nouveaux moyens alloués aux pompiers de Paris dont le nombre d'interventions a augmenté de manière disproportionnée par rapport à leurs effectifs et à leurs moyens s'analysent ainsi : la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), placée sous l'autorité du préfet de police, est nancée par le budget spécial de la préfecture de police, auquel contribuent l'Etat, au titre principalement du ministère de l'intérieur à hauteur de 25,5 %, la ville de Paris pour 25,2 %, les trois départements de la petite couronne pour 26,7 %, et en n leurs communes pour 22,6 %. A n de maintenir et de développer la capacité opérationnelle de la brigade de sapeurspompiers de Paris, confrontée à une augmentation signi cative de ses missions, un plan de modernisation pluriannuel de ses moyens en personnels et en matériels a été élaboré. A cet égard, il est à noter que le nombre de ses interventions, de tout type, est passé de 247 246 en 1985 à 452 902 en 1999, soit une hausse de 83,2 %. Concernant le projet de loi de nances pour 2001, il convient d'indiquer que les créations de postes prévues, au nombre de neuf (six sapeurs et trois sergents), pour un coût de 1 642 177 francs, seront intégralement prises en charge par l'Etat.

En outre, 800 000 francs de crédits de fonctionnement supplémentaires ont été inscrits dans la loi de nances, ce qui, compte tenu de la quote-part de 25 % de l'Etat, représentent, une fois ajoutées les contributions des autres partenaires, un montant global supplémentaire de 3 200 000 francs pour l'année 2001.

17. M. Jacques Brunhes appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les nances des collectivités locales. Si l'observatoire des nances locales a pu constater une amélioration de la capacité de nancement des collectivités locales, il apparaît que des éléments essentiels ternissent leur situation. Il en est ains i des charges de plus en plus lourdes qui s'imposent à elles, de l'archaïsme des impôts locaux, de la multiplication des exonérations et des dégrèvements, des disparités territoriales des ressou rces.

Pourtant, des réformes simples permettraient d'assurer aux collectivités locales un surplus de ressources pour répondre aux besoins des habitants, de développer les mécanismes de solidarité entre les collectivités et de réalimenter la taxe professionnelle. Associer les collectivités aux fruits de la croissance en portant à 50 % la fraction du taux de croissance du PIB assurerait, en partie, le nancement de l'intercommunalité au-delà de l'abondement d'un milliard pour cette année qui ne suf ra pas. Supprimer la surtaxe de 0,4 % de prélèvement établie pour la révision des valeurs locatives de 1992, qui n'a d'ailleurs jamais été appliquée, lèverait les pro blèmes de transferts entre les collectivités. Concernant la taxe professionnelle, le produit du relèvement des cotisations minimales de la TP sur la valeur ajoutée pourrait être redistribué aux collectivit és et celui du relèvement des cotisations de péréquation, affecté au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. D'autre part, la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste devrait revenir aux communes. En n, tenant compte de la réalité de l'économie française où la richesse essentielle est aujourd'hui nancière et sousscalisée, il pourrait être tenu compte des actifs nanciers en les incluant dans l'assiette de la taxe professionnelle.

Considérant l'opportunité d'un large débat sur ces propositions, i l sollicite d'ores et déjà son avis sur ces orientations.

Réponse. Le contrat de croissance et de solidarité institué par la loi de nances pour 1999 a représenté pour les collectivités locales un progrès notable par rapport au précédent pacte de stabilité dans la mesure où il intègre dans son indexation, outre l'in ation, une part croissante du taux de progression du PIB.

De 20 % en 1999, cette part est passée à 25 % en 2000 et 33 % en 2001, conduisant à une indexation de l'enveloppe normée de


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+ 2,32 %. Compte tenu des différents abondements au pro t de la DGF prévus par le projet de loi de nances pour 2001 pour un montant cumulé de 1 850 millions de francs, l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité a ainsi augmenté de plus de 3,5 milliards de francs par rapport à 2000. La proposition de M. Brunhes de porter le niveau de l'indexation du contrat de croissance et de solidarité à 50 % du taux de croissance du PIB, associée à la remise en cause du nancement du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, tant en ce qui concerne la cotisation nationale de péréquation que le retour de scalité de France Télécom et La Poste remettrait en cause l'équilibre général du budget de l'Etat en 2001 alors qu'un effort important a été réalisé en faveur des collectivités l ocales.

18. - M. Jacques Brunhes attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le problème récurrent des effectifs du service public de la police nationale. Depuis 1997 et le colloque de Villepinte, le Gouvernement a fait de la sécurité publique l'un de ses objectifs majeurs en axant son action sur trois principes : élucider plus rapidement les délits, accroître la présence policière et améliorer les relations avec la population. Les contrats locaux de sécurité , la généralisation de la police urbaine de proximité sur 40 % des circonscriptions ont matérialisé pour partie cette volonté. Mais répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens à vivre en pleine sécurité demande davantage de moyens, pour mettre en adéquation une réelle volonté politique et les actes sur le terrai n. Les effectifs de policiers statutaires passent de 149 881 en 2000 à 148 453 en 2001, alors que 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite dans les 5 ans et qu'aucun plan de recrutement n'est prévu pour combler ce vide. Dans ce schéma, ce sont les adjoints de sécurité qui assurent l'augmentation des effectifs. Ces jeunes sans véritable formation, sans statut ne peuvent assumer une mission aussi dif cile que celle qui leur est proposée. Leurs conditions de travail ne permettent pas en outre de recruter le nombre initialement prévu de 20 000 ADS et 1 570 d'entre eux ont déjà démissionné. Le problème de recrutement et de formation est donc fondamental, il appelle une ré exion large. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer comment il compte pallier le manque de recrutement d'ADS. A quel stade se situe le projet de concours aménagé qui devrait leur permettre d'être mieux préparés et à terme titularisés ? Il lui demande également quel plan de recrutement il compte mettre en oeuvre pour anticiper les futurs départs à la retraite et atteindre les effectifs nécessaires de policiers titulair es, d'of ciers et de commissaires pour garantir la concrétisation des intentions af chées.

Réponse. Les effectifs de la police nationale, qui s'élevaient à 128 294 fonctionnaires au 1er janvier 2000, hors adjoints de sécurité et policiers auxiliaires, ne seront pas en diminution en 2001, puisqu'ils béné cieront de 800 créations d'emplois administratifs permettant le retour sur la voie publique du même nombre de fonctionnaires actifs occupés à des tâches sédentaire s. Par ailleurs, les départs à la retraite des fonctionnaires actifs de la police nationale, qui devraient s'établir à environ 23 500 pour les cinq années à venir, ont été pris en compte dans le cadre de la gestion prévisionnelle des effectifs de police puisqu'il est prévu de recruter, dans le même temps, 24 700 fonctionnaires, compte tenu des inévitables départs fortuits (décès, démissions, etc).

D'autre part, conformément aux orientations dé nies par le Conseil de Sécurité Intérieure du 27 janvier 1999, le ministère de l'intérieur a mis en place aux termes du décret du 11 mai 2000 un dispositif particulier destiné à valoriser les ns de carrière dans le but de « ralentir les ux de départ en retraite anticipée ». En n, pour tenir compte de ces départs anticipés et des délais de formation des fonctionnaires recrutés en vue de les remplacer a n de maintenir l'effectif au plus haut niveau, le gouvernement a admis le principe de surnombre aux emplois budgétaires de 2 190 fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application. S'agissant des recrutements d'adjoints de sécurité, il convient de préciser que depuis la mise en oeuvre du dispositif (c'est-à-dire à partir de novembre 1997) et jusqu'au 2 octobre 2000, le nombre total de recrutements s'élève à près de 20 000 (19 954 pour être précis). A la même date, l'effectif total s'él evait à un peu plus de 14 500 (14 539) ; ce chiffre s'expliquant par le nombre élevé des départs : sur les 19 954 recrutés, 5 415 sont sortis du dispositif. Ces départs s'expliquent, dans près de 75 % des cas, par le fait que les intéressés ont trouvé un emploi depuis leur recrutement. Il faut à cet égard souligner que près de 55 % de ces départs sont liés à la réussite au concours de gardien de la paix : ceci témoigne d'une forte motivation de ces jeunes pour la police nationale. Compte tenu du nombre important de ces départs - dont on peut par ailleurs se féliciter car i ls montrent que, à ce jour, près de 4 000 adjoints de sécurité, ont quitté le dispositif en ayant trouvé un emploi- l'objectif de 20 000 adjoints de sécurité en poste à la n de l'année 2000 ne sera pas atteint. A la n de l'année, le nombre total d'adjoints de sécurité sera vraisemblablement d'environ 16 500. Dans certaines régions, la région parisienne en particulier, la reprise économique a permis au cours des deux dernières années une forte augmentation des créations d'emploi dont les jeunes ont pu béné cier. Ce phénomène explique, pour l'essentiel, la baisse du nombre des candidats aux postes d'ADS. Ces dif cultés de recrutement ont conduit à un redéploiement de postes d'adjoints de sécurité au pro t de plusieurs départements situés en province et disposant d'un bon potentiel de recrutement. La formation continue des adjoints de sécurité répond aux besoins de professionnalisation et d'insertion professionnelle. Ainsi, dans le cadre de la professionnalisation, de nombreux stages leurs sont proposés : accueil, îlotage, notions de droit, gestes techniques professionnels d'intervention, lutte contre la toxicomanie, etc.

Dans le cadre de l'insertion professionnelle, une préparation par correspondance au concours de gardiens de la paix et des formations d'aide à la préparation à ce concours sont assurées. Ains i, depuis 1998, 2 894 adjoints de sécurité ont été lauréats de ce concours. Ceux qui ne disposent pas d'un niveau suf sant pour suivre cette préparation se voient proposer une remise à niveau en ateliers de pédagogie personnalisée, en application du protocole d'accord entre la déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle et le directeur général de la police nationale.

En 1999, 550 adjoints de sécurité ont béné cié de cette préparation, 600 en béné cient cette année. Le principe d'un concours spéci que ouvert aux adjoints de sécurité pour intégrer le corps de maîtrise et d'application est aujourd'hui acquis. Le décret no 99-904 du 19 octobre 1999, qui modi e le décret no 95-657 du 9 mai 1995 portant statut particulier du corps de maîtrise et d'application, prévoit que les adjoints de sécurité qui comptent trois ans d'ancienneté dans l'exercice de leurs fonctions peuvent se présenter à ce concours spéci que. Ce second concours, dont les épreuves auront davantage pour objet de mesurer l'expérience professionnelle acquise, sera organisé pour la première fois au cours du second semestre 2001. Il convient de noter qu'il pourra pourvoir jusqu'à 40 % des emplois offerts au recrutement dans le corps de maîtrise et d'application au cours d'une année. En vue de permettre aux adjoints de sécurité de réussir ce concours, un programme de formation spéci que a été mis en place par la direction de la formation de la police nationale.

ERRATA Au compte rendu intégral de la deuxième séance du 13 novembre 2000 (Journal of ciel , débats de l'Assemblée nationale, no 86 du 14 novembre 2000) RÉUNION DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES Page : 8415, 5e ligne : Au lieu de :

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RÉUNION DE LA COMMISSION

DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES Page : 8443, 5e ligne : Au lieu de :

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