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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Hommage à la mémoire de Jacques Chaban-Delmas (p. 9209).

MM. le président, Lionel Jospin, Premier ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 9212)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 9212).

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l'équilibre général.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance vieillesse.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, pour la famille.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 9216)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré :

M M. Bernard Accoyer, Alfred Recours, rapporteur ; G érard Terrier, Jean-Luc Préel, Maxime Gremetz.

- Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 9223)

Question préalable de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Yves Bur, Jean-Pierre Foucher, François Goulard. - Rejet.

Mme la ministre.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9227)

MM. Gérard Terrier, Pierre Morange, Mme Jacqueline Fraysse,

M.

Denis Jacquat.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9233).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

HOMMAGE À LA MÉMOIRE DE JACQUES CHABAN-DELMAS

M. le président.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.) Madame, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, Jacques Chaban-Delmas a vécu comme il marchait, à grandes enjambées, presque à marche forcée ; comme il fonça sur Paris, avec le général Leclerc, pour rejoindre l'homme du 18 Juin et libérer la capitale ; faisant deux choses à la fois et réussissant l'une et l'autre, reçu inspecteur des finances en 1943 et nommé général de brigade en 1944, alors qu'il n'avait pas encore trente ans.

C'est en réalité dans la chaleur de l'été niçois, en août 1940, que Jacques Chaban-Delmas rencontre son destin. Ce soir-là, sur les ondes brouillées de la radio de Londres, il entend pour la première fois la voix du général de Gaulle, cette voix singulière et inoubliable, dans laquelle résonne l'écho de l'espoir et de la liberté. Ce soir-là, il embrasse irrévocablement l'amour de la France et de la République. Il y sera fidèle. Méditons, chers amis, l'héroïsme du jeune et fringant soldat, major de Saint-Cyr en 1939, qui rejoint l'action clandestine et

« l'armée des ombres », pour rendre à son pays l'honneur et la dignité.

Mais il n'y eut pas que l'audace, le courage et le sens du devoir de celui qui sera fait compagnon de la Libération le 7 août 1945 par le général de Gaulle. Il faut également rendre hommage à l'intelligence et au talent, essentiels à la naissance d'un homme d'Etat. Ces qualités lui firent choisir une carrière dans la haute administration, dont il apprit à connaître les rouages et les subtilités au secrétariat général du ministère de l'information. Mais, pour cet homme de la génération de la guerre, de la Libération, de la reconstruction, la « vraie vie », sa vie, était ailleurs. Pour ce grand sportif, dont l'attitude physique a toujours illustré le dynamisme et l'enthousiasme, il fallait agir, aller de l'avant, en un mot : s'engager.

Mais il n'y a pas d'engagement véritable sans action sur le terrain. En 1946, Jacques Chaban-Delmas fait de la Gironde sa terre d'élection et de Bordeaux son fief.

Arpentant la terre bordelaise, respirant l'odeur de ses chais, il la découvre, apprend à la connaître et à l'aimer, d'une passion toute charnelle et terrienne. Entre Bordeaux et son « Duc d'Aquitaine », l'histoire d'amour durera près d'un demi-siècle. Une fidélité digne d'un record, qui flattait certainement son tempérament de sportif.

Je veux aussi, bien sûr, saluer en Jacques ChabanDelmas le ministre passé par les plus hautes charges de l'Etat. Après-guerre, il apporta au Parti radical sa jeunesse, son charme, son énergie. Grande figure de la IVe République, il a collectionné les maroquins, passant des transports à la défense, mais partout et toujours, il s'est attaché à agir au nom de l'intérêt général, du serv ice public et du bien commun. Ce fut, cela aussi, sa droiture : faire vivre les valeurs qu'il avait reçues en précieux héritage de ses camarades de la Résistance.

Dans tous ses mandats, ardent et passionné, il n'a cessé de se battre pour la grandeur de la France, pour la « certaine idée », qu'avec l'homme de Colombey, il avait aussi de notre pays. Avec lui, Jacques Chaban-Delmas connut ce déchirement intime, lorsqu'il faut mettre en balance certaines convictions et la fidélité à l'homme admiré. Il sut se confronter à lui, s'en écarter pour mieux le rejoindre, mais jamais il ne supporta qu'on puisse ne pas le respecter, ou pis, qu'on ose le trahir. C'était là son exigence, c'était là sa fidélité.

Toute sa vie, Jacques Chaban-Delmas batailla, avec p anache, pour la présence du gaullisme. L'histoire, en 1958, lui donna raison. Alors qu'on enterrait la IVe République et qu'avec la Ve naissait un nouvel espoir, il s'illustra dans une permanente défense de la politique d'un Président de la République, qu'il avait tant souhaité voir revenir au pouvoir. Ce qui ne l'empêcha pas de continuer d'entretenir des liens, parfois intimes, toujours solides, avec d'anciens compagnons d'armes, devenus, par le hasard des choses, des adversaires politiques ; témoignant ainsi, par ses amitiés et son comportement, de sa tolérance et de sa volonté d'ouverture. L'amitié aussi résume sa vie. Ce fut certainement sa force, peut-être sa faiblesse, assurément son grand mérite.

De cette personnalité élégante et séduisante, certains ont partagé les engagements, d'autres les ont combattus.

Aussi dure soit-elle, c'était ainsi qu'il concevait la lutte politique : se battre pour gagner mais savoir accepter la défaite.

Quelle vie, à plus forte raison une vie politique, n'a pas connu ses échecs, ses revers et ses déconvenues ? Aussi brillante qu'ait été celle de Jacques Chaban-Delmas, elle n'a pas échappé à la règle. Petitesses et trahisons ne lui ont pas été épargnées. Ces moments douloureux pour lui, le départ de Matignon, la défaite de 1974, point n'est besoin de s'y attarder, chacun les connaît et l'heure n'est pas, aujourd'hui, à cela. Non pas pour voiler la réalité, mais parce que la réalité de celui qui restera dans l'histoire « Chaban », c'est le succès, « l'intensité » comme il le disait en reprenant un mot prêté à Georges Clemenceau ; mais aussi « l'Ardeur » dont il fit le titre d'un de ses ouvrages.

Le succès, il est, d'abord et avant tout, évidemment parlementaire. Jacques Chaban-Delmas est, depuis 1789, celui qui aura présidé le plus longtemps l'assemblée issue du suffrage universel direct, en étant élu six fois à ce fauteuil. Il est celui qui a voulu rendre un rôle véritable au pouvoir législatif, quant l'heure était à un exécutif tout


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puissant. Il est celui qui disait : « L'assentiment de la nation à l'action gouvernementale, il faut d'abord le recevoir du Parlement. »

Sa présidence fut le fruit d'une rencontre, décisive, entre un homme et une institution. J'en ai été, comme d'autres, le témoin : il montra dans l'art de présider les débats une exigence, une autorité, parfois même une sévérité, mais aussi une chaleur et une courtoisie, qui surent lui gagner l'amitié et le respect de tous les parlementaires.

« Le fauteuil du président, écrit-il dans ses "Mémoires", est un tonneau de vigie d'où l'on peut voir se lever les tempêtes. » Son sens du dialogue et de l'équité sut bien

souvent les prévenir, sans jamais priver les discussions des confrontations si nécessaires à la marche des idées, à l'exercice quotidien de la démocratie.

Pendant de longues années, il consacra ses efforts, son énergie, à moderniser l'Assemblée nationale et à lui donner la place qui doit être la sienne dans notre démocratie.

La création des questions d'actualité, brèves, improvisées - du moins en principe -, illustre cette volonté de rappeler au Gouvernement sa responsabilité à l'égard de la représentation nationale. Attentif aux attentes et aux aspirations de chaque député, il décida enfin, en 1969, de leur donner les moyens d'accomplir leur mission dans les meilleures conditions, en leur permettant par exemple de disposer d'un bureau personnel à Paris. Ce fut l'acquisition et la construction du « 101 » de la rue de l'Université, inauguré en 1974, précisément le 2 avril 1974. En hommage à son engagement si sincère en faveur de notre assemblée, j'ai proposé à son Bureau de donner le nom de Jacques Chaban-Delmas à ce lieu de rencontres, de travail et de réflexion.

Jacques Chaban-Delmas fut sans doute - mais n'oublions pas Edouard Herriot, et ce rapprochement ne le fâcherait pas - notre plus grand président. Il avait pour chacun une parole, un geste, un sourire, qui laisseront son souvenir à jamais vivant dans cette maison sa maison.

Mais, aussi profond qu'ait été son engagement parlementaire, on peut gager que ce qui restera durablement de Jacques Chaban-Delmas, c'est le discours qu'il prononça le 16 septembre 1969, de sa voix elle aussi singulière et inoubliable, pour demander, trois mois après sa désignation comme Premier ministre par Georges Pompidou, la confiance de cette Assemblée. Certes pas pour que le revendique un camp qui n'était pas le sien, même si on le retrouva parfois, durant la IVe République, aux côtés de Pierre Mendès France ou de François Mitterrand.

Mais ce discours qui, trente et un an après, n'a pas subi l'usure du temps, était plus que « nouveau », comme devait être « nouvelle » la société qu'il imaginait. Ce discours était prémonitoire. Il était, au sens noble du terme, celui d'un visionnaire.

Ce qui, à l'époque, on me permettra de le dire, heurta davantage sa majorité que l'opposition, fait maintenant partie des acquis de la République dont nous sommes tous légitimement fiers, de ces principes qu'aucun changement politique ne saurait désormais remettre en cause.

Pour mettre fin à ce qu'il appelait lui-même une « société bloquée », ne proposait-il pas déjà la formation professionnelle continue, la réduction du temps de travail, la liberté de l'information, la décentralisation, la nécessaire

« transparence » de l'Etat ? Déjà, il annonçait une modification de la présentation du budget afin de le rendre plus intelligible.

Cette « nouvelle société », il la voulait « plus juste »,

« plus solidaire », « plus humaine ». Elle fut son rêve, partagé avec enthousiasme par ceux qui l'accompagnaient dans cette démarche. Un idéal auquel, une vie durant, il ne renonça jamais. Il doit aujourd'hui rester le nôtre.

C omment trouver plus belle manière d'honorer sa mémoire ? Comment rendre plus bel hommage à son souvenir ? La conclusion de ce trop bref éloge, au regard de la personnalité d'un tel homme, c'est encore à Jacques Chaban-Delmas que je la demanderai en vous lisant ce qu'il disait ici même, il y a quatre ans, exactement, lorsqu'il devint notre président d'honneur : « Nous avons entretenu, disait-il, les uns et les autres, quelle que soit notre appartenance politique, des relations confiantes, cordiales, familiales. Cela a été possible non seulement parce que les personnes que nous sommes étaient attentives au respect de l'autre, mais aussi parce que nous avons été réunis, regroupés, rassemblés par un idéal dans lequel nous communions et qui peut se résumer en deux mots : la France et la République. »

A l'évidence, Jacques Chaban-Delmas nous manquera.

Il nous manque déjà.

Devant vous, madame, devant les enfants de notre président aujourd'hui disparu du monde des vivants, et devant lui, devant cette flamme qui ne s'éteindra pas dans les livres d'Histoire de France, notre hémicycle s'incline avec déférence et émotion.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame, par la voix de son président, l'Assemblée nationale vient de saluer pour une ultime fois celui qui, à trois reprises et pendant seize années au total, aura présidé à ses travaux.

A mon tour, au nom du Gouvernement, je voudrais rendre hommage à Jacques Chaban-Delmas.

Je le connaissais peu, personnellement. Une génération nous séparait. Nous étions engagés de part et d'autre d'une ligne de partage politique. Mais Jacques ChabanDelmas ne pouvait m'être étranger, car il était familier à tous les Français. Sa trajectoire personnelle avait su d'ailleurs dépasser les clivages partisans. La fonction de Premier ministre qu'il a assumée durant trente mois m'est aujourd'hui confiée. C'est à ce titre que je voudrais saluer en lui un homme de conviction qui a marqué notre vie politique.

De Jacques Chaban-Delmas, les Français connaissaient tous le sourire. Celui d'un général de vingt-neuf ans, dont la jeunesse conquérante avait surpris, puis aussitôt séduit, le général de Gaulle, le 24 août 1944, sur un quai de la gare Montparnasse. Ce sourire éclairait un visage que la beauté a toujours animé, dans l'âge mûr et jusque d ans la vieillesse. Jacques Chaban-Delmas avait du charme, de l'élégance, de l'allure.

Cette prestance n'était pas une posture. Elle n'était pas seulement un don de la nature. Elle était aussi une conquête, faite de volonté et de discipline, de travail sur soi-même et de force d'âme. Enfant fragile, Jacques Chaban-Delmas avait décidé de se forger un corps solide. Il y parvint. Sportif, il l'était dans toute la plénitude de ce mot. Le sport était pour lui une philosophie de la vie.

Jacques Chaban-Delmas aimait l'effort et le dépassement de soi. Il avait le goût de la performance personnelle, le sens du collectif et la fierté de ceux qui savent faire vivre le beau jeu. Il avait chevillé au corps le respect des règles et le respect de l'autre - envisagé comme un adversaire et


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jamais comme un ennemi -, c'est-à-dire le respect de soimême. C'est pourquoi il fut toujours surpris lorsque ces règles n'étaient pas respectées contre lui.

Il s'était forgé une morale pour la vie, pour sa vie, et pour la vie politique en particulier. Jusqu'au bout, Jacques Chaban-Delmas a conservé cette stature. Jusqu'au bout, il fut un combattant, face à la maladie, face à la douleur. Car Jacques Chaban-Delmas avait en lui, selon ses propres mots, un « immense appétit de vivre ».

Cette ardeur, Jacques Chaban-Delmas l'a mise au service de la France, cette France que sa mère lui avait appris à aimer avec passion. Cette France, qu'il n'accepta pas de voir humiliée, et encore moins trahie. Démobilisé après le désastre de 1940, Jacques Delmas, devenu

« Lakanal » puis « Chaban », fut un résistant de la première heure. Les hautes responsabilités qui lui furent alors confiées par le général de Gaulle donnent la mesure de sa résolution. Délégué national de la coordination militaire pour l'ensemble du territoire, il prit une part importante, a vec les Forces françaises de l'intérieur et la Deuxième division blindée du général Leclerc, à la Libération de Paris.

De la Résistance, où s'étaient retrouvés des Françaises et des Français de tout bord et de toute condition, il avait conservé des amitiés inébranlables. Il gardait la reconnaissance du rôle joué, dans l'ombre, par tous ceux que la vie allait ensuite séparer. Il éprouvait ainsi pour François Mitterrand une « fraternité obscure », pour reprendre sa propre expression, faite d'estime et de respect.

Compagnon de la Libération, Jacques Chaban-Delmas était indéfectiblement attaché au général de Gaulle. Il est resté, jusqu'au bout, gaulliste. A sa manière, souple et ouverte. Et c'est pour servir cet homme qu'il admirait et qu'il aimait que Jacques Chaban-Delmas est entré, pour un demi-siècle, dans la vie politique.

Député de la Gironde, maire de Bordeaux, jamais peut-être le destin d'un homme ne s'est autant confondu avec l'histoire d'une ville. Cinquante ans durant, « Chaban », c'était Bordeaux. Et Bordeaux, c'était « Chaban », au point d'y dépolitiser quelque peu les débats. Dans les rues de la ville, qu'il parcourait inlassablement, comme dans le reste de l'Aquitaine, sa silhouette était connue, reconnue et respectée. Il resta toujours un homme simple, très ponctuel, attentif aux autres, ouvert à tous.

Au sein de la République qu'il avait tant contribué à rétablir, il fut une grande figure politique. Sous la IVe République, il voulut être présent, entrant au Parti radical, car il aimait faire bouger les lignes et ne se voyait pas enfermé dans un des camps d'une vie politique point encore bipolarisée. Il n'a momentanément quitté l'Assemblée nationale que pour exercer, en particulier auprès de Pierre Mendès France, des fonctions ministérielles importantes. Il soutint le retour du général de Gaulle au pouvoir et travailla à l'instauration de la Ve République. Elu président de l'Assemblée nationale en 1958, il n'a quitté le « perchoir » que pour devenir, en 1969, Premier ministre, à la demande du Président Georges Pompidou.

La France connaissait alors une situation ambivalente.

Prospère, la France des « Trente Glorieuses » restait, pour Jacques Chaban-Delmas, une « société bloquée ». Stable, le régime de la Ve République ne satisfaisait pas les attentes nouvelles d'un nombre croissant de Français : attentes de libertés, de justice sociale, de modernité, d'une société plus ouverte et plus mobile. Nombreuse, la jeunesse née dans l'immédiat après-guerre voulait prendre toute sa place dans une société encore trop crispée et trop autoritaire. Elle l'avait exprimé dans le mouvement de 1968. Tout cela, Jacques Chaban-Delmas sut le percevoir. Il voulut le traduire en un projet.

Jacques Chaban-Delmas esquissa alors une vision de la France. Dans son discours du 16 septembre 1969, fidèle à ses préoccupations de dialogue, le Premier ministre qu'il était entendait dessiner les contours d'une « nouvelle société ». Une société plus généreuse, modernisée économiquement, sachant surmonter ses blocages et rénover ses relations sociales ; une société s'ouvrant au pluralisme de l'information ; une France aux territoires mieux équilibrés et tournée vers l'Europe ; une société qui ferait plus de place à sa jeunesse, où la culture et les loisirs deviendraient plus largement accessibles. Il sut pour cette action attirer comme collaborateurs des hommes de talent et sincères, dont certains, comme Jacques Delors, qui n'étaient pas de sa famille politique.

Jacques Chaban-Delmas, s'il en avait la volonté, n'a pu conduire longtemps ce mouvement de changement. On ne lui en a pas donné les moyens. Car, sur le moment, sa vision ne fut pas partagée par ceux dont il escomptait le soutien. Il en tira les conclusions et, quelques semaines après une large confiance obtenue à l'Assemblée nationale, donna la démission qui lui fut demandée par le président Pompidou. Son talent, son expérience et l'estime qui lui portaient les Français l'amenèrent logiquement à être candidat, le candidat des gaullistes, en 1974, à la Présidence de la République. Là encore, il ne put atteindre son but. Il en conçut, légitiment, de l'amertume, celle des « espérances blessées », comme il qualifiait lui-même, dans ses Mémoires pour demain, cette période de sa vie politique. Mais il le supporta dignement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame, les Français étaient très attachés à Jacques Chaban-Delmas. Pas seulement en raison de son action politique, à laquelle il fut passionnément dévoué. Mais aussi parce qu'il était un homme qui, plus encore que la politique, aimait la vie. Et la vie l'a beaucoup aimé.

Jacques Chaban-Delmas était un homme heureux. Heureux parce qu'il était aimé, heureux parce qu'il aimait.

Pour la dernière partie de sa vie, aux côtés de son épouse Micheline, il a vécu sereinement, patriarche entouré de sa famille recomposée, de ses enfants et petits-enfants.

Homme dressé contre la fatalité, entré jeune dans l'Histoire, Jacques Chaban-Delmas fut un grand serviteur de Bordeaux, de la République, de la nation. Il nous a laissé un message fait de loyauté et de fidélité, de conviction et d'esprit de compromis, de modernité et de générosité. Ce message doit continuer d'inspirer les femmes et les hommes qui, au sein de cet hémicycle - qu'il aimait tant - et au-delà dans le pays, travaillent tous, dans la diversité de leurs convictions respectives, à ce que vive une France forte et juste.

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence en hommage à notre président d'honneur, Jacques ChabanDelmas.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

M. le président.

Je vous remercie.

En signe de deuil, je vais suspendre la séance.


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Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Pierre Lequiller.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 20 novembre 2000.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 16 novembre 2000.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 2732, 2739).

La parole est Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'interviendrai ultérieurement, monsieur le président.

M. Bernard Accoyer.

Elle n'a pas son discours ! Mais elle doit pouvoir improviser, car elle connaît sans doute bien le sujet !

M. le président.

Mme la secrétaire d'Etat souhaite-telle intervenir ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

J'interviendrai après la discussion générale, monsieur le président.

M. Bernard Accoyer.

Comment peut-on débattre sans que le Gouvernement exprime son avis sur l'état d'avancement des travaux du Parlement ?

M. le président.

Le Gouvernement intervient quand il le souhaite, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Le Sénat a pourtant accompli un travail considérable, qui a tranché avec celui qui avait été quelque peu bâclé ici ! Il serait normal que le Gouvernement donne son opinion.

M. Jean-Luc Préel.

On ne peut pas obliger le Gouvernement à parler s'il ne veut pas s'exprimer.

M. Bernard Accoyer.

Il y a pourtant bien, en ce moment, des problèmes de santé publique ! La protection sanitaire exigerait que le Gouvernement intervienne sur ce sujet.

M. le président.

La parole est à M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jean-Luc Préel.

Il va nous dire tout le bien qu'il pense de la CSG ! M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Monsieur le président, en tant que rapporteur du volet assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, je voudrais surtout, au moment où nous reprenons ce texte après son examen par le Sénat, revenir sur l'article 42 qui crée le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Je m'exprimerai sur les autres articles concernant l'assurance maladie au fil du débat. Auparavant, je me borne à préciser que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales proposera à l'Assemblée nationale de revenir à la rédaction qu'elle a adoptée en première lecture.

A propos de ce fonds d'indemnisation, je tiens d'abord à souligner l'excellent travail accompli avec les associations représentant les victimes. Je pense en particulier aux deux grandes associations, l'ANDEVA et la FNATH, qui ont confirmé - je peux en porter témoignage - leur connaissance très approfondie des situations des victimes qu'elles ont défendues devant diverses juridictions. Les modifications qu'elles avaient proposées ont d'ailleurs presque toutes été apportées au texte par voie d'amendements au cours de la première lecture par l'Assemblée.

Leur travail a incontestablement permis d'améliorer le projet.

Toutefois, de nouvelles interrogations ont été formulées par ces associations depuis la première lecture, parce que, certaines dispositions n'étant pas suffisamment explicites, elles craignent, par expérience, que cela pose problème.

La première question que se sont posée les associations est celle de savoir si la mise en place de ce fonds n'allait pas empêcher les victimes d'engager toute autre procédure. Cette interrogation a même conduit certains, y compris dans les médias, à avancer l'hypothèse qu'il pourrait s'agir d'un marché de dupes, la possibilité d'indemnisation par le fonds impliquant renoncement à toute autre action en réparation.

A cet égard, je peux apporter une précision dont le bien-fondé a déjà été reconnu par les associations ellesmêmes, qui ont admis qu'il y avait peut-être eu une mauvaise interprétation de leur part. En réalité, la création de ce fonds a pour objet de faciliter les procédures et l'indemnisation des victimes. Elle ne saurait empêcher ces dernières de faire valoir tous leurs droits. En effet, rien ne fait obligation aux victimes de saisir prioritairement le fonds, puisque les procédures de droit commun perdurent. Ainsi, il n'a jamais été question d'empêcher les victimes d'engager des procédures au pénal.

En revanche, j'ai appelé l'attention des associations sur un argument dont elles ont admis la justesse : lorsque le fonds aura assuré une réparation intégrale du préjudice subi par les victimes de l'amiante, il ne sera pas possible à ces dernières d'envisager d'engager une nouvelle procé-


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dure pour se voir reconnaître de nouveaux droits à réparation après que, pour le même préjudice, toutes les procédures, y compris d'appel, ont été utilisées.

Cependant le Sénat a retiré la précision selon laquelle quand il y a eu engagement de toutes les procédures, il n'est plus possible d'intenter un autre recours pour le même préjudice, et les associations ont considéré que le texte était suffisant. Je ne le crois pas et je vais expliquer pourquoi.

Les associations ont en effet estimé, par comparaison avec le projet qui a créé, en 1991, le fonds d'indemnisation des victimes du sang contaminé, qu'il fallait laisser un certain flou dans la loi. Or cela ne me semble pas judicieux, car le flou du texte législatif de 1991 a abouti à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. En effet, ce flou avait été à l'origine d'une divergence de jurisprudence entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. Il est donc indispensable d'être bien précis dans le texte.

En ce qui concerne la question de la faute inexcusable de l'employeur, il est également nécessaire de préciser qu'en ce cas il sera possible, du moins par hypothèse, que l'indemnisation soit supérieure à ce qu'elle aurait été dans le cas d'une réparation intégrale par le fonds. C'est pourquoi la commission a retenu un amendement prévoyant que, en de telles circonstances, le fonds pourra offrir une nouvelle indemnisation à la victime.

Nous nous sommes également demandé si, toujours en cas de faute inexcusable de l'employeur, le fonds ne devrait pas être obligé d'engager une procédure en réparation. A ce sujet, je présenterai, à titre personnel, avec M. Cazeneuve, un amendement pour préciser que, dans une telle hypothèse, le fonds sera tenu d'engager une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Cela me paraît important, car une telle disposition est de nature à améliorer la prévention dans les entreprises, ce qui éviterait que se reproduisent des situations de responsabilité des chefs d'entreprise, voire de faute inexcusable de l'employeur.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais apporter au débat. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a d'ailleurs adopté à l'unanimité l'article 42 qui crée ce fonds, en prenant en compte les interrogations qui s'étaient manifestées au cours de ces derniers jours à l'issue de notre vote en première lecture. Je pense que nous avons parachevé ce travail en bonne relation avec les associations de victimes, ce qui devrait faciliter la réparation du préjudice subi par les victimes de l'amiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

Mme la ministre va pouvoir s'exprimer. On vient de lui apporter son discours !

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

M. Bernard Accoyer.

L'homme des tuyaux ! M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

D'autres en sont aussi des spécialistes, tel Bernard Accoyer ! Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens d'abord à saluer, dans le travail du Sénat, le vote conforme de dixhuit articles, ce qui devrait normalement alléger notre discussion en deuxième lecture, y compris d'ailleurs l'amendement « Fermiers généraux », adopté à nouveau par le Sénat.

M. Bernard Accoyer.

Qu'en feront les fermiers généraux eux-mêmes ?

M. Alfred Recours.

Je savais que je susciterai une réaction de ce côté-là ! Je concentrerai mon propos sur trois points de désaccords fondamentaux avec le Sénat concernant les recettes.

D'abord le Sénat a refusé de mettre en place une réduction dégressive de la CSG, comme nous l'avait proposé le Gouvernement et comme nous l'avions adopté.

Il n'est pas faux de dire que la situation familiale n'est pas prise en considération dans le calcul de cette réduction, mais ce défaut est inhérent à la CSG.

Le Conseil constitutionnel a déjà donné un brevet de constitutionnalité à la CSG qui, en elle-même et avant toute réduction, est un impôt cédulaire par catégorie ne prenant pas en compte le foyer fiscal. Le mécanisme de crédit d'impôt que propose le Sénat en remplacement n'est pas plus équitable car il ne concerne que les personnes imposables. Plutôt que de supprimer une baisse d'impôt au motif qu'elle ne serait pas applicable, l'Assemblée a préféré, de manière plus constructive, faire bénéficier de cette mesure le plus de personnes possible ministres du culte, chauffeurs de taxis, concierges, pluriactifs agricoles.

Deuxième sujet de désaccord, le Sénat a supprimé le financement du FOREC pour 2001, au motif que ce

« monstre », tel un vampire, sucerait le sang financier de la sécurité sociale pour payer les trente-cinq heures.

M. Bernard Accoyer.

Mais c'est vrai !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Au demeurant, le Sénat n'a pas supprimé le FOREC mais seulement ses ressources pour 2001 : le résultat du travail du Sénat, c'est donc que les exonérations de cotisations ne seraient pas compensées à la sécurité sociale. En somme, un bel exemple de bonne gestion financière pour la Haute Assemblée, des finances de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

C'est une interprétation tendancieuse !

M. Jérôme Cahuzac.

Objective !

M. Marcel Rogemont.

Et réaliste !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il est faux de dire que le FOREC finance les 35 heures ; le FOREC reverse à la sécurité sociale tout, absolument tout ce qu'il reçoit : 42 % à la branche maladie, 8 % aux accidents du travail, 30 % à la branche vieillesse et 20 % à la branche famille.

Sur les 85 milliards de francs du FOREC, 41 milliards sont liés non pas aux 35 heures, comme le dit Bernard Accoyer, mais à la ristourne Juppé, et exclusivement à la ristourne Juppé.

M. Marcel Rogemont.

Utile rappel pour M. Accoyer !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Et seulement 30 milliards dans ce total, en effet, pour les 35 heures, mon cher collègue.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas rien, 30 milliards !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Mais c'est moins que 41 milliards ! Troisième sujet de désaccord avec nos collègues du Sénat : ils ont décidé de retirer 18,5 milliards de francs en 2001 et 102 milliards de francs à terme, en 2020, au fonds de réserve pour les retraites. De mon point de vue, et je pense que c'est aussi celui de la majorité de cette assemblée, c'est un scandale. Cela montre que le Sénat n'a pas la volonté de se préoccuper des problèmes de financement à terme des retraites par répartition.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Peut-être veut-il privilégier d'autres formes d'épargne de retraite, les fonds de pension, par exemple ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En fait, le Sénat est opposé à l'affectation à la sécurité sociale des recettes provenant de la vente des licences de téléphonie mobile de troisième génération. On ne voit pas pourquoi le Gouvernement ne pourra pas affecter le bénéfice qu'il tire de certains résultats financiers, dont la vente de ces licences au financement futur des retraites de ce pays.

Ce faisant, le Sénat montre son manque d'empressement à défendre le système des retraites par répartition et ne prépare pas un bel avenir aux générations futures.

M. Bernard Accoyer.

C'est vous qui osez dire cela, alors que le Gouvernement n'a rien fait sur les retraites ! C'est de la provocation !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Enfin, le Sénat a tout simplement - pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? - décidé de supprimer l'ONDAM.

M. Jean-Pierre Foucher.

Il a eu raison !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce faisant, non seulement il a oublié de minorer à due concurrence l'objectif des dépenses de la branche maladie - cela devrait tout de même poser problème, même au Sénat - mais il a rendu la loi de financement pour 2001 inconstitutionnelle...

M. Laurent Dominati.

Elle l'était déjà !

M. Bernard Accoyer.

On va en parler !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... car elle ne comporte plus une disposition, obligatoire en vertu de la loi organique de 1996. On nous donne suffisamment de leçons de « constitutionnalité » ici pour que je puisse me permettre de souligner cette incompatibilité entre un vote du Sénat et la loi organique de 1996 qu'il a lui-même votée.

M. Bernard Accoyer.

C'est votre opinion !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Là encore, plutôt que de chercher à dépenser mieux au bénéfice de la santé des Français, le Sénat dit qu'il est possible de dépenser sans compter, sans maîtriser les dépenses de santé. (Murmuress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La majorité sénatoriale refuse de discuter de l'assurance maladie dans le cadre qu'elle a elle-même voulue. Elle refuse le rebasage de l'ONDAM,...

M. Bernard Accoyer.

Elle a raison !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... souhaité par les syndicats médicaux et par l'ensemble des prescripteurs et professions de santé de ce pays. Le taux de 3,5 % en 2001 est un très bon taux qui ouvre, de notre point de vue, des marges de manoeuvre significatives pour toutes les discussions avec la profession. Ce faisant, et nous en avons l'habitude, le Sénat, en prétendant démonter quelques tuyaux, en a rajouté quelques autres, sans rien simplifier...

M. Jean-Pierre Foucher.

Oh si !

M. Bernard Accoyer.

Votre intervention est tendancieuse !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... mais surtout sans apporter de solution alternative aux problèmes soulevés, tant pour les différentes branches que pour les recettes et l'équilibre des dépenses de sécurité sociale.

Nous reviendrons donc, pour l'essentiel, avec quelques a mendements - je vous en préviens, madame la ministre -, en nouvelle lecture, à l'essentiel de notre travail de première lecture à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Cahuzac.

Heureusement !

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je le dis et le répète sans arrêt : la retraite est un sujet d'actualité qui doit être traité sans retard. L'urgence réside, on le sait mais il est très important de le redire, dans l'évolution de la démographie. Le vieillissement de la population est inéluctable, l'espérance de vie augmentant de trois mois par an. L'année 2006 sera celle de l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom, devenu le papy-boom.

M. Bernard Accoyer.

Avec la parité : le mamy-boom ! (Sourires.)

M. Denis Jacquat, rapporteur.

D'une croissance de 110 000 retraités supplémentaires par an, on passera à cette date à 250 000. Toutes les personnes qui entreront en retraite en 2040 sont déjà nées et sont actuellement dans leur vingtième année.

Entre 1998 et 2040, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans devrait augmenter de 10 millions alors que les effectifs des moins de 20 ans et des 20 à 40 ans diminueraient chacun de plus de 1 million. En 2040, un Français sur trois aura plus de 60 ans et il y aura sept retraités pour dix actifs contre quatre pour dix actuellement.

A la même époque, l'espérance de vie à la naissance devrait atteindre près de 81 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes contre respectivement 74,2 ans et 82,5 ans aujourd'hui. Ainsi, les générations nées en 1970 pourraient tabler sur une retraite théorique de 23 ans, soit plus du double de la durée passée en retraite par leurs aînés nés en 1910.

Il est aussi opportun de se remettre en mémoire que, pour un nombre croissant de salariés, la fin de l'activité ne coïncide plus avec l'âge de la retraite. Devenus un véritable outil de régulation de la main-d'oeuvre, les mécanismes de cessation anticipée d'activité doivent aussi faire l'objet d'une réflexion dans le cadre de la réforme de la retraite.

Par ailleurs, affirmons bien, et répétons-le, que notre système de retraite par répartition a bien rempli sa mission et que nous devons le garder. Cependant, ne rien faire est dangereux pour ce système.

Après ces rappels indispensables, viennent les questions : celles des choix qui doivent être faits dans le cadre d'une politique pour les retraites. J'ai soutenu, et je soutiens toujours le principe du fonds de réserve. Toutefois, je souhaite ardemment que pour l'abondement de ce fonds nous ayons toutes les garanties de versements pérennes.

M. Bernard Accoyer.

Seulement 2 milliards par an !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est insuffisant, monsieur Accoyer, je suis d'accord avec vous.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Il faut déterminer, dès à présent, le champ d'action du fonds. En effet, il ne s'applique aujourd'hui qu'aux régimes concernés par la réforme de 1993. Quid des autres régimes ? Faudra-t-il ou non les inclure dans le dispositif ? Si c'est non, il faut indiquer les mesures envisagées pour eux.

M. Bernard Accoyer.

Il faut peut-être d'abord les réformer !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Il nous faut aussi des garanties concernant la structure de gestion de ce fonds.

Celle-ci devra être autonome, c'est-à-dire indépendante de l'Etat, et paritaire.

M. Marcel Rogemont.

C'est vrai !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Autre question à trancher, celle de l'âge du départ en retraite.

M. Maxime Gremetz.

Ah !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Je persiste à penser qu'il faut une retraite à la carte et non une retraite guillotine.

M. Maxime Gremetz.

Merveilleux !

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Enfin, je voudrais que l'on n'oublie pas d'évoquer quelques problèmes cruciaux : des veuves, de la PSD, des handicapés vieillissants et des démences séniles.

Nous avons obtenu en première lecture, madame la ministre, des satisfactions concernant, en particulier, le bénéfice de l'assurance veuvage pour les veuves sans enfants, avec l'aide de Mme Clergeau et de tous les membres de cette assemblée. Cependant, les veuves civiles méritent plus d'attention encore car leur situation ne s'est guère améliorée.

Ainsi, des mesures sont nécessaires concernant le taux de reversion, le plafond de cumul entre un avantage propre et la reversion - c'est là le point essentiel -, l'inclusion de la majoration pour enfant dans le montant du plafond de cumul et le calcul pénalisant dans la pluralité de réversion.

La réforme de la loi sur la prestation spécifique dépendance est urgente. Celle-ci est annoncée à court terme et je m'en réjouis. Mais, selon moi, à la lueur de l'expérience, une vraie PSD ne peut voir le jour que par la mise en place d'un cinquième risque au sein de notre sécurité sociale et je ne résisterai pas, comme chaque année, à la tentation de redire mon accord avec une phrase figurant dans la saisine du Conseil constitutionnel déférant la loi PSD. Le groupe socialiste écrivait alors :

« La loi organise ainsi méthodiquement la discrimination territoriale au détriment des personnes âgées dépendantes. »

La situation des handicapés vieillissants ne doit pas n on plus nous laisser indifférents. Ces personnes connaissent de graves problèmes de prise en charge. En effet, au terme d'un emploi en milieu ordinaire ou en centre d'aide par le travail, elles se trouvent soit titulaires d'une retraite incomplète, soit confrontées à l'absence de structures adaptées à leur situation.

Pour ce qui est des démences séniles, tout a été dit et écrit. Qu'attendons-nous pour être efficaces ? Nous avons les moyens économiques de notre ambition, celle de vivre dans un pays où tous les retraités sont heureux. Je ne doute pas, mesdames les ministres, mes chers collègues, que tous ensemble, nous y arriverons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, en nouvelle lecture, un projet de loi qui comporte, je le rappelle, des mesures attendues par les familles et qui mobilise des moyens financiers importants, au total 6 milliards de francs.

Des dispositifs importants en direction des parents ont pu être financés grâce au retour à l'équilibre de la branche après plusieurs années de déficits graves. C'est le cas particulièrement en matière de garde des enfants. On ne peut donc parler de confiscation des excédents, comme on l'a souvent fait.

Cette politique comporte des mesures de solidarité en faveur des familles les plus en difficulté, je pense notamment à la réforme des allocations logement, mais aussi des mesures novatrices, comme la création du congé et de l'allocation pour enfant malade qui a recueilli un large accord dans notre assemblée comme au Sénat.

Ce projet s'est attaqué à la question cruciale pour les jeunes parents de la garde du petit enfant, afin de mettre à leur disposition une solution adaptée à leurs besoins et cela quels que soient leurs moyens financiers. Ces mesures nouvelles, j'y insiste, concernent tant la garde collective que la garde individuelle. C'est d'ailleurs pourquoi il est indispensable de rétablir dans le projet de loi le fonds d'investissement pour les crèches que le Sénat a supprimé au motif qu'il entraînerait une complexité excessive.

C'est une étape nouvelle dans une politique familiale qui repose sur une concertation régulière. La tenue désormais annuelle de la conférence de la famille en est le moment privilégié.

La question des jeunes adultes souvent encore à la charge de leurs parents a été plusieurs fois soulevée au cours de nos débats et par des intervenants de tous les g roupes politiques. Différentes propositions ont été émises. Cette question, qui doit être abordée dans sa totalité, sera un des chantiers de l'année qui vient et de la prochaine conférence de la famille.

La politique familiale est un tout. Elle s'inscrit bien entendu dans la politique des revenus, du logement, et dans les actions menées au sein de l'éducation nationale.

Elle doit tendre vers une plus grande équité, une plus grande solidarité et une plus grande égalité entre les mères et les pères.

Avec toutes les mesures contenues dans ce texte, nous pouvons mieux concilier la reconnaissance du rôle des familles comme lieu d'amour, de solidarité et d'éducation et l'exigence d'une politique d'appui aux familles qui réponde à leurs besoins.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier les rapporteurs pour leurs interventions. Je voudrais ensuite vous rappeler - et vous en remercier - que le projet que vous avez voté en première lecture comportait des avancées notables : l'élargissement du nombre de bénéficiaires des diminutions de CSG et de CRDS, l'exonération de CRDS pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

les chômeurs, la régionalisation des réseaux et filières de soins, le relèvement du seuil d'accès de la CMU complémentaire, qui permettra de toucher 300 000 bénéficiaires supplémentaires.

En dépit de ces avancées, le Sénat a décidé de modifier profondément ce texte non seulement en en limitant la portée mais aussi en en altérant la cohérence. Cela marque évidemment la volonté de la majorité sénatoriale de s'opposer à la politique que mène le Gouvernement, avec le soutien de la majorité de l'Assemblée.

Le texte du Sénat, s'il était retenu, je veux le souligner avant que ne s'engagent les discussions sur le texte luimême et sur les motions de procédure, aurait pour seule conséquence de priver les Français des fruits de la politique que nous menons depuis trois ans.

Je prendrai quelques exemples : En supprimant l'article 2, le Sénat propose de priver les personnes aux revenus modestes des diminutions de CSG et de CRDS qui permettront une augmentation de leur salaire net dès janvier 2001. Les sénateurs ont préféré faire miroiter un hypothétique impôt négatif, dont j'ai souligné d'ailleurs au Sénat à quel point il était très diff icile à mettre en oeuvre, sans parler des problèmes de fond que cela soulève.

En supprimant les articles 9 à 12 relatifs au FOREC, le Sénat, tout à son acharnement contre tout ce qui touche, de près ou de loin, à la réduction du temps de travail, a cru bon de mettre en pièces le dispositif qui vise à conforter son financement et à compenser vis-à-vis de la sécurité sociale les exonérations de charges.

M. Bernard Accoyer.

Ce dispositif n'a pas sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, cela relève de la loi de finances !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce sont ainsi plusieurs milliards de francs de compensation qui disparaissent, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Une compensation défaillante, c'est votre spécialité !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et en supprimant l'article 44 fixant l'ONDAM, le Sénat laisse apparaître évidemment les contradictions que j'avais d'ailleurs relevées ici pour l'opposition mais qui agitent aussi la majorité sénatoriale : d'un côté, le Sénat supprime l'article fixant l'ONDAM au motif qu'il ne sera pas respecté et, de l'autre, il supprime le mécanisme de régulation des dépenses et les outils de maîtrise médicalisée et prive l'assurance maladie de recettes en diminuant le taux de contribution des distributeurs en gros de médicaments.

On le voit, c'est d'ailleurs pour des raisons essentiellement politiques...

M. Yves Fromion.

C'est un procès d'intention !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, pas du tout, la majorité sénatoriale l'a reconnu ellemême ! Elle a déclaré que c'était pour des raisons essentiellement politiques qu'elle avait voulu modifier profondément ce texte, et priver nos concitoyens du bénéfice de mesures fortes rendues possibles par le retour à l'excédent des comptes sociaux. Elle a montré en cela qu'elle restait fidèle à la politique qui a été celle des gouvernements entre 1993 et 1996 où les déficits se conjuguaient avec une détérioration de la prise en charge. Mais c'est bien cette politique qui a été sanctionnée.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des articles, nous aurons l'occasion d'en discuter abondamment pendant les deux jours qui viennent. Je voulais vous remercier à nouveau pour le travail fait ici et vous encourager à poursuivre dans la ligne que vous vous êtes fixée lors de la première lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Bernard Accoyer, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une exception d'irrecevabilité en deuxième lecture ne peut s'attacher qu'au texte que la commission a décidé de restaurer, celui qui sera finalement examiné lorsqu'un recours aura été introduit devant la Haute juridiction.

Monsieur le président, vous venez de dire, et nous le déplorons, que nous ne disposions que de trente minutes.

C'est pourquoi je ne reviendrai que sur l'essentiel.

Madame la ministre, nous sommes profondément déçus par le ton polémique que vous avez choisi d'adopter. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Fromion.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

Vous avez prononcé des mots tout à fait disconvenant à l'égard de la Haute Assemblée, qui témoignent en réalité d'un esprit purement politicien qui ne convient pas lorsque l'on parle de protection sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Pas de cinéma !

M. Maxime Gremetz.

La droite a fait fort au Sénat !

M. Bernard Accoyer.

Vous avez cru bon d'évoquer les déficits qui ont pu intervenir au début des années 1990.

Je vais donc y revenir pour vous rafraîchir la mémoire.

Curieusement, lorsque la gauche était au pouvoir au début des années 1990, et je crois que vous aviez quelque responsabilité, la France a eu la chance, à la suite d'ailleurs de la cohabitation et de la responsabilité gouvernementale de Jacques Chirac, de connaître une période de croissance importante,...

M. Maxime Gremetz.

Elle est bonne, la cohabitation !

M. Bernard Accoyer.

... et vous avez gaspillé cette croissance au point que, lorsque la croissance s'est inversée, le déficit des comptes sociaux a atteint des chiffres historiques ! Il convient de rétablir ici la vérité, Ce sont les faits, et, actuellement, malheureusement, vous gaspillez également les fruits de la croissance par des rebasages qui ne sont en aucune façon fondés sur des décisions de santé ou sur des priorités de politique sociale. Vous faites déraper les dépenses en valeur absolue.

En réalité, ce cinquième projet de loi de financement de la sécurité sociale est détourné de son rôle, tel qu'il e st défini par la loi fondamentale et par la loi organique.

Les premiers articles, qui visent à instaurer des exonérations de CSG et de CRDS, relèvent, à l'évidence, de la loi de finances. C'est ce qui ressort des arguments du Gouvernement. Ils n'ont évidemment pas leur place dans un texte qui définit les grands équilibres de la sécurité sociale. Deux articles sont détournés de leur objectif.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Deuxième point qui, à l'évidence, n'a rien à voir avec la protection sociale : la mise en place de ce que le Sénat a qualifié avec justesse de tuyauteries monstrueuses, le financement des 35 heures, auquel vous consacrez de nombreux articles.

La ristourne Juppé, monsieur Recours, était une baisse des charges compensée par l'Etat, alors que les détournements de recettes sociales auxquels vous vous livrez cette année servent uniquement à compenser le surcoût du travail occasionné par les 35 heures obligatoires et généralisées telles que vous avez choisi de les imposer aux entreprises françaises, un tissu de PME et de PMI qui n'en peuvent plus !

M. Maxime Gremetz.

Oh, un peu de pudeur !

M. Yves Fromion.

Rappel opportun !

M. le président.

Laissez parler l'orateur !

M. Bernard Accoyer.

Les bases de ce PLFSS ne sont pas légales. En effet, vous ne vous appuyez pas sur les chiffres que nous avons votés ici même il y a un an pour proposer une hausse des dépenses sociales. Vous rebasez les dépenses de santé au petit bonheur la chance. Elles sont même tellement rebasées qu'aujourd'hui, à la fin du mois de novembre, nous ne connaissons même pas le détail des dépenses sur lesquelles se fonde la hausse de l'ONDAM que vous proposez.

D'ailleurs, s'il fallait illustrer le mépris dont fait preuve le Gouvernement à l'égard des votes du Parlement, il suffirait de se rappeler le protocole de mars 2000 à l'hôpital.

Mme Aubry, votre prédécesseur, madame la ministre, quelques semaines seulement après notre vote, a octroyé à l'hôpital public, probablement à bon escient, mais en tout cas à l'inverse de ce qui avait été décidé ici même, une hausse de 17 milliards de francs sur trois ans,...

M. Maxime Gremetz.

Elle ne nous avait pas écoutés ! Elle a eu tort !

M. Bernard Accoyer.

... c'est-à-dire plus de 100 % par rapport à ce qui avait été voté ici.

Et que dire des 35 heures à l'hôpital public ? Cela représente, vous le savez, quelque 15 à 20 milliards de francs, qu'il faudra bien trouver quelque part.

L'ONDAM n'est fixé selon aucun objectif sanitaire, privant ainsi le Parlement d'évoquer les choix, qui sont des choix sociaux, des choix de santé publique, des choix de stratégie sociale. De surcroît, le PLFSS ne répond pas à ses objectifs concernant la qualité et l'avenir de la protection sociale. Mme la rapporteure chargée de la famille vient de nous expliquer que la branche famille allait progresser. C'est exactement le contraire...

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

... puisque, dès cette année, madame la rapporteure, vous donnez un blanc-seing au Gouvernement, qui vient de détourner encore 8 milliards de francs pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale. La branche famille étant en excédent de 8 milliards, ces 8 milliards ont été utilisés pour combler partiellement les 12 milliards de déficit de la branche maladie !

M. Yves Fromion.

Eh voilà !

M. Bernard Accoyer.

Voilà la réalité, voilà ce que ce gouvernement donne aux familles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De surcroît, cette année, il prévoit de leur faire financer l'allocation de rentrée scolaire, contrairement à ses engagements, et, sublime affront aux familles, en particulier aux familles nombreuses, le coût des suppléments de pension de vieillesse pour les retraités ayant élevé trois enfants ou davantage. Où est le principe de solidarité entre les générations ? Bien entendu, ce n'est pas votre souci. Votre souci, c'est de trouver de l'argent pour le détourner des objectifs sociaux auxquels il est destiné.

M. Philippe Vuilque.

Oh !

M. Maxime Gremetz.

Pensez à Mme Bettencourt !

M. Bernard Accoyer.

Concernant la santé, jamais le système n'a été autant en crise.

Crise à l'hôpital, où c'est désormais la qualité des soins qui est menacée directement.

Crise dans l'hospitalisation privée, étranglée, contrainte de fermer des lits, de restreindre et de contingenter ses activités. Lorsqu'il n'y aura plus d'hospitalisation privée en France, c'est bien la liberté fondamentale du choix du praticien, du choix de l'établissement, qui sera atteinte, donc les libertés fondamentales de nos concitoyens.

Crise des professionnels de santé libéraux, qui n'a jamais atteint un tel niveau. Les infirmières refusent le projet de soins infirmiers et sont traitées d'une manière inqualifiable. Les médecins, vous les considérez comme les seuls responsables de la hausse des dépenses de santé, inéluctable, vous le savez, parce qu'elle est répandue dans tous les pays développés, et ils doivent payer, ce qui est totalement injuste. Il y a des problèmes chez les kinésithérapeutes, les orthophonistes, dans la gestion même des professions de santé.

Vous serez totalement responsable du manque de qualification des professionnels que vous n'avez pas fait form er. Il manque aujourd'hui 27 000 infirmières en France. En 1997, vous étiez aux responsabilités. En 1998 aussi. En 1999 aussi. Vous aviez tout le temps pour former les personnels qui manquent aujourd'hui.

M. Yves Fromion.

Quel bilan !

M. Bernard Accoyer.

Quant aux médecins, il convient de rappeler quelques chiffres.

En raison de l'absence de gestion des effectifs dans les hôpitaux, mais aussi, plus grave, dans nos universités, vous avez décidé d'intégrer entre 7 000 et 9 000 praticiens à diplômes hors CEE dans les hôpitaux. Cette année, 3 200 médecins à diplômes hors CEE ont été autorisés à exercer en libéral, les critères de compétence n'étant donc pas les mêmes. Ceux qui ont pris de telles décisions en sont bien entendu responsables ! Peut-être est-il encore temps de réfléchir aux 2 000 qui sont annoncés pour l'année 2001 ?

M. Yves Fromion.

On brade la médecine !

M. Bernard Accoyer.

Crise également pour l'accès aux nouvelles technologies de santé. La France a désormais une place peu envieuse pour les appareils à résonance magnétique nucléaire, nous sommes juste devant les pays les plus mal lotis, comme la Turquie, et le plan que vous avez décidé ne change pas malheureusement de façon significative notre classement. Il en est de même des stimulateurs cardiaques implantables, la France arrivant au dernier rang ou presque, de l'accès aux nouvelles molécules, et même de l'accès à un certain nombre de produits tels que les vaccins. En raison de la politique des prix que vous pratiquez, les laboratoires internationaux ne fournissent plus le marché français. Nous en sommes là !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Enfin que dire de la recherche ? On voit les problèmes qui se développent notamment autour des maladies à prions. Quelle est l'ampleur des programmes de santé et de recherche en matière de santé que vous avez décidés depuis 1994, année où quelque chose avait été fait ?

M. Marcel Rogemont.

Les crédits ont été multipliés par trois !

M. Bernard Accoyer.

Nous demandons des chiffres et nous demandons des explications.

Enfin, dans le domaine de la prévention, aucune mesure significative n'a été prise.

La grande presse s'est fait l'écho de ce qui se passe, hélas ! dans le domaine du sida. Toutes les mesures préventives importantes, toutes les grandes mesures thérapeutiques et d'accès aux soins ont été prises entre 1993 et 1997. Depuis, à quoi assiste-t-on ? A une désaffection des méthodes de prévention. L'usage du préservatif a diminué et le nombre de malades, hélas ! augmente à nouveau.

Des campagnes contre les vaccinations obligatoires se développent dans le pays. Entend-on le Gouvernement indiquer la voie de la plus élémentaire des préventions ? Non.

S'agissant de la drogue, comment peut-on s'opposer au travail de la MILDT, qui, en réalité, est animée surtout par des sentiments dus directement à l'action des « dépénaliseurs » ? Voilà votre programme de santé ! S'agissant de l'avenir des retraites, ce Gouvernement aura eu en quelque sorte une ligne de conduite : surtout ne rien faire qui puisse gêner ses intérêts politiciens.

Madame la ministre, vous êtes en charge de la protection sociale. Pouvez-vous calmement, sereinement, regarder ce qu'a fait ce gouvernement sur la retraite ? Pensezvous qu'il soit décent d'accepter que, huit ans après la réforme du régime des retraités du secteur privé, ses membres cotisent près de deux ans et demi de plus que les membres de la fonction publique, pour une retraite très sensiblement inférieure désormais ? Pensez-vous que ce soit cela l'équité ?

M. Pascal Terrasse.

Allez le dire aux infirmières dans les hôpitaux !

M. Bernard Accoyer.

Je vais vous en parler ! Je crois savoir que vous avez travaillé longtemps dans les cliniques. Savez-vous qu'on y supprime des lits parce que le protocole de mars 2000 de Mme Aubry a poussé leurs personnels, en particulier les personnels infirmiers, à venir travailler dans les hôpitaux pour avoir un salaire meilleur ?

M. Yves Fromion.

Voilà la réalité !

M. Bernard Accoyer.

Voilà ce qui a été fait ! Peut-être voulez-vous me répondre...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Tout ce qui est excessif est dérisoire !

M. Marcel Rogemont.

Vous trouvez que les infirmières sont trop payées ?

M. le président.

Pourriez-vous éviter d'interrompre l'orateur ?

M. Bernard Accoyer.

Le fonds de réserve, madame la ministre ! On nous dit qu'il n'y a pas de problème pour la retraite par répartition : en 2020, grâce à 1 000 milliards de francs, nous pourrons couvrir le coût des retraites.

M. Philippe Martin.

Baratin !

M. Bernard Accoyer.

C'est évidemment un mensonge, un mensonge d'Etat. Même si c'est celui d'un Premier ministre, c'est un mensonge d'Etat. Tous les rapports montrent que, en l'absence de réformes, le déficit sera de plus de 300 milliards par an : 1 000 milliards, cela couvre trois ans !

M. Yves Fromion.

Exactement !

M. Bernard Accoyer.

D'ailleurs, les 1 000 milliards, nous pouvons en contester l'authenticité ! Les seules ressources pérennes du fonds de réserve, c'est 2 milliards par an, et la seule ressource un peu importante cette année, c'est la vente des téléphonies mobiles. Je vois d'ailleurs que nos collègues communistes s'accommodent désormais de ces manipulations hautement capitalistiques.

En réalité, l'avenir des retraites ne vous importe pas.

Ce qui vous importe, c'est l'avenir de votre électorat.

Alors, madame la ministre, je vous pose une question très précise : allez-vous engager les négociations et mettre en oeuvre la diminution du temps de travail dans les fonctions publiques sans que la réforme des régimes de retraite de la fonction publique ait été elle-même engagée ?

M. Marcel Rogemont.

Oh !

M. Bernard Accoyer.

Si vous passiez une nouvelle fois sur cette injustice, nous saurions définitivement quels sont vos choix.

M. Yves Fromion.

On les connaît déjà !

M. Bernard Accoyer.

Les inconstitutionnalités, mes chers collègues, sont nombreuses dans ce texte. Je l'ai dit, la diminution de la CSG et de la CRDS n'a rien à voir avec l'équilibre de la sécurité sociale, au contraire, mais relève en réalité de la loi de finances.

M. Maxime Gremetz.

Et les exonérations de charges patronales, elles ne sont pas inconstitutionnelles ?

M. Bernard Accoyer.

D'ailleurs, elles sont présentées comme des mesures destinées à encourager l'emploi et à augmenter le pouvoir d'achat des salaires les plus faibles.

Même si, sur le fond, on peut discuter, bien entendu, de l'intérêt de ces objectifs, ces mesures n'ont pas place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce sont des dispositions de nature fiscale qui n'ont rien à voir avec la protection sociale.

M. Philippe Martin.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

De plus, elles portent atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la charge publique, selon l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle on vous entend souvent vous référer.

M. Maxime Gremetz.

Si vous aviez tenu le même discours au moment des ordonnances Juppé !

M. Bernard Accoyer.

A ce sujet, je voudrais rapporter un exemple très simple montrant que ces dispositions sont inconstitutionnelles, mais surtout inapplicables, et je vais vous en montrer l'inéquité. Un ménage de deux enfants, pour être imposable, doit déclarer des revenus proches de 140 000 francs nets chaque année. Or ces ménages, qui représentent tout de même 3,5 millions de personnes, ne bénéficieront ni de l'allégement de l'impôt sur le revenu ni de l'allégement de la CSG sur les bas salaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Cette mesure se révèle également très injuste pour les ménages dont l'un des conjoints ne travaille pas et qui disposent d'un revenu compris entre 1,4 et 2 SMIC. Et que dire des pluriactifs ? Vous avez reconnu que la mesure était proprement inapplicable.

Bien entendu, ces dispositions posent également un problème au regard de l'équité entre les citoyens. Vous aurez mis un terme à l'universalité de la contribution à la protection sociale, contribuant à l'étatiser encore un peu plus, mais c'est un choix de société qui ne nous surprend guère.

Il y a d'autres points d'inconstitutionnalité dans ce texte, en particulier un amendement communiste accepté pour faire plaisir aux centres de santé de Seine-SaintDenis, comme le montre par son acquiescement notre collègue Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Ne me faites pas parler, je vais être obligé de vous répondre ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Il autorise la transmission des prélèvements à partir des centres de santé, créant en réa lité de véritables centres de prélèvement. Cela constitue un cavalier législatif, et on peut penser que le Conseil constitutionnel le sanctionnera, mais, surtout, cela ouvre une brèche terrible dans plusieurs domaines. D'abord et avant tout dans le système de la sécurité sanitaire,...

M. Yves Fromion.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

... avec la rupture de l'unicité de responsabilité entre celui qui prélève, celui qui analyse et celui qui rend les résultats, qui doivent être rendus de façon humaine et continue. Par ailleurs, et c'est ce que le législateur avait voulu préciser dans l'article L. 6211-5, il crée la possibilité d'installer des systèmes d'intéressement financier, de compérage.

C'est cela que vous instaurez, madame la ministre ! Il fallait probablement, à votre arrivée, dérouler le tapis rouge devant vos amis du groupe communiste ! Est-ce pour cela que vous avez accepté ce que Mme Aubry avait refusé avec des arguments particulièrement étayés qu'elle avait développés ici ? Elle avait pris cette décision « dans l'intérêt de la santé publique », « dans le souci d'éviter un intermédiaire ».

Il faut également évoquer un certain nombre d'observations contenues dans le rapport de l'inspection générale de la santé de décembre 1998, que vos services auraient dû vous rappeler. Elles concernent l'article que les communistes vous ont conduite à faire modifier par le P arlement : « Il serait dangereux de modifier l'article L.

6211-5 dans le sens demandé par les centres de santé. [...] Les raisons sociales apparaissent de moins en moins convaincantes. [...] Les risques sanitaires induits ne sont acceptables que pour un pourcentage faible de cas. » Etc.

Madame la ministre, il serait heureux qu'un tel amendement soit retiré ! D'autres dispositions apparaissent inconstitutionnelles et sont hors du champ de la loi organique du 27 juillet 1996.

Ainsi, l'article 37, qui impose que les appartements de coordination thérapeutique et les centres d'alcoologie soient pris en charge par l'assurance maladie. Il n'y a pas lieu de mettre dans ce texte une telle disposition qui relève, à l'évidence, d'un DMOS ou de l'hypothétique texte de modernisation sanitaire, toujours promis, sans cesse remis.

Egalement, l'article 41 quater sur la tarification des établissements de personnes âgées. Pourquoi cela dans une loi de financement de la sécurité sociale ? C'est encore un cavalier qui devrait figurer dans un DMOS ou dans la loi sur la modernisation sanitaire.

A l'article 22, vous prenez des décisions qui concernent l'ARRCO et l'AGIRC, c'est-à-dire des régimes de retraite complémentaires, alors que la loi organique dispose que le PLFSS ne peut traiter que des régimes obligatoires. Il s'agit non seulement d'un cavalier, mais d'une disposition qui n'est pas conforme aux lois qui s'imposent pourtant au Gouvernement comme aux citoyens.

M. Yves Fromion.

Le réquisitoire est implacable ! Très bien !

M. Bernard Accoyer.

A l'article 19 A, vous avez encore cédé, pour faire plaisir à vos alliés communistes. Il est vrai que votre majorité dépend de leur bon vouloir ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Foucher.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

En dépit de vos allégations, vous êtes bien obligée de leur donner de temps en temps quelques gages de soumission.

M. Yves Fromion.

La bonne santé des communistes vaut bien celle du peuple !

Mme Raymonde Le Texier.

Oh ! c'est malin, c'est fin ! Ce sera dans les annales ! C'est remarquable !

M. Yves Fromion.

A la hauteur de l'événement !

M. Bernard Accoyer.

On touche là plusieurs motifs d'inconstitutionnalité. Pourquoi l'abrogation de la loi Thomas, dans une loi de financement de la sécurité sociale ? En quoi cela touche-t-il le régime obligatoire et l'équilibre des comptes de la sécurité sociale ? Le Conseil constitutionnel jugera.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Laissez parler M. Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je suis sans cesse retardé, ce qui fait que je vais être amené à dépasser quelque peu mon temps.

M. le président.

Je vous demande de le respecter !

M. Yves Fromion.

Il faut ajouter au moins une demiheure à son temps de parole !

M. Bernard Accoyer.

Abrogation de la loi Thomas, madame la ministre ! Imaginez-vous l'image que donne notre pays à l'étranger ? Vous voulez être un ministre moderne d'un gouvernement moderne, d'une France moderne. C'est exactement le contraire ! Il n'est pas de pays moderne qui ne dispose de fonds de pension. Eh bien, nous, nous les abrogeons !

M. Maxime Gremetz.

C'est la vérité !

M. Yves Fromion.

Vous y viendrez ! Vous privatisez bien L'Humanité !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Bernard Accoyer.

Vous abrogez un texte qui constituait une ouverture pour l'avenir, une sécurisation pour les jeunes générations. C'était un étage de protection supplémentaire pour ceux qui vont avoir la charge de payer des retraites. En raison de votre imprévoyance, vous allez créer des charges insupportables pour les jeunes. Ce point est particulièrement préoccupant.

Madame la ministre, nous vous demandons, peut-être pour la dixième fois, pourquoi vous refusez d'ouvrir à tous les salariés français,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

M. Maxime Gremetz.

AXA !

M. Arthur Dehaine.

Et la Préfon !

M. Bernard Accoyer.

... fussent-ils du secteur privé,...

M. Maxime Gremetz.

Vous êtes le porte-parole d'AXA et compagnie !

M. Bernard Accoyer.

... le droit de cotiser à un régime supplémentaire par capitalisation, jusque-là ouvert aux seuls salariés et anciens salariés des différentes fonctions publiques.

M. Maxime Gremetz.

C'est le lobby des assureurs qui parle !

M. Laurent Dominati.

Et la Préfon ?

M. Bernard Accoyer.

Voilà encore une injustice qui doit beaucoup au sectarisme et au parti pris.

M. Maxime Gremetz.

Accoyer n'est pas assureur, mais il a des amis assureurs !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je me demande si ce n'est pas un fait personnel ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Je dis que vous n'êtes pas assureur, vous devriez être content !

M. Arthur Dehaine.

Et la Préfon ?

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, vous avez, sous notre pression, jugé bon d'allonger la période de mise en place de la couverture maladie universelle. Bien entendu, c'est là encore un aveu d'échec. Neuf mois après la mise en place de la CMU, le dispositif ne fonctionne pas ! Votre prédécesseur a choisi, pour des raisons politiques et d'affichage, de transférer à la sécurité sociale la charge de ceux qui ont des difficultés financières pour se protéger contre la maladie, pour se soigner. Bref, vous avez fait le choix de la centralisation au détriment du travail social de proximité, de la réponse personnalisée à ces populations qui en ont plus que d'autres besoin.

Aujourd'hui, il vous faut assumer, vous rendre compte que ça ne marche pas, que les dossiers ne suivent pas et que vous êtes incapable de dire si tout le système sera définitivement en place après cette « ultime » prolongation de six mois.

Et que dire de la situation des frontaliers ? Là encore, il y a injustice : l'instauration de la CMU prive les frontaliers français travaillant en Suisse de l'accès à l'assurance maladie. Votre prédécesseur a donc désigné, pour se protéger - technique habituelle de la part de ce gouvernement -, des experts chargés d'évaluer la situation. Mais, madame la ministre, comme vous n'avez pas le temps de lire toute la presse et que vos collaborateurs ne vous rapportent pas toutes les informations, permettez-moi de vous citer un extrait d'un article paru dans L'Alsace du 10 novembre 2000 et intitulé « Un rapport en souffrance » : « Les deux experts chargés en juin dernier par Martine Aubry d'une expertise sur l'affiliation des travailleurs frontaliers à l'assurance maladie suisse ne savent pas à qui remettre leur rapport. » Il y a deux pages sur ce

thème.

En réalité, madame la ministre, la politique sociale, l'action sociale, ce n'est pas une action politicienne, ce n'est pas la préparation des échéances électorales, fussentelles présidentielles.

M. Alfred Recours, rapporteur.

On a Madelin pour cela !

M. Bernard Accoyer.

Le fonctionnement et l'avenir de la protection sociale impliquent de faire des choix, nécessitent du courage et imposent de faire primer le respect des individus sur les intérêts politiques.

M. Arthur Dehaine.

Très juste !

M. Bernard Accoyer.

En dépit de cela, vous avez introduit dans le PLFSS des dispositions anticonstitutionnelles.

C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Et la commission ?

M. Jean-Luc Préel.

Bien sûr ! M. Recours ne renonce jamais à la parole.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Non, monsieur Préel, la commission ne s'exprimera pas, car elle s'est déjà exprimée sur des sujets identiques en première lecture.

M. Yves Fromion.

C'est une fuite !

M. le président.

Nous en venons donc aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.

La parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Terrier.

Monsieur Accoyer, affirmer est une chose. Convaincre en est une autre.

Nous avons compris que vous n'approuviez pas la politique du Gouvernement, et c'est votre droit le plus légitime en démocratie.

M. Arthur Dehaine.

Vous avez tout compris !

M. Gérard Terrier.

Mais à aucun moment vous ne nous avez démontré le caractère inconstitutionnel de ce projet de loi.

M. Yves Fromion.

C'est que vous n'avez pas écouté !

M. Gérard Terrier.

Si, j'ai écouté ! Vous prétendez que le texte serait source d'iniquités.

Mais, dans ce cas, bien des lois votées par vous et vos amis auraient dû être déclarées inconstitutionnelles depuis longtemps ! Mais ce qui m'a le plus préoccupé dans votre propos, c'est son manque d'objectivité,...

M. Bernard Accoyer.

Oh !

M. Gérard Terrier.

... notamment lorsque vous avez affirmé que le Sénat n'avait pas donné à son rejet du PLFSS une connotation politique.

J'en veux pour preuve un seul exemple - et vous l'auriez connu si vous aviez participé à la dernière réunion de la commission des affaires sociales -...

M. Bernard Accoyer.

Si vous nous parliez du fond !

M. Gérard Terrier.

Je parle des choses qui me plaisent.

M. Yves Fromion.

Là, vous n'allez pas nous convaincre !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ça c'est sûr !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler monsieur Terrier.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

M. Gérard Terrier.

Monsieur Accoyer, je fais comme vous et je vais répondre à vos allégations.

Quand vous dites que le Sénat ne donne pas une connotation politique à son vote, vous êtes pris en défaut.

Mais comme vous n'avez ni assisté à la dernière réunion de la commission...

M. Bernard Accoyer.

Si, j'y étais !

M. Gérard Terrier.

... ni lu les propos du Sénat, vous devez ignorer ce fait.

Ainsi, s'agissant des études de gynécologie médicale, le Sénat veut faire croire, en déposant un amendement sur ce sujet, qu'il faut rétablir le diplôme. Mais où est la vérité ? La vérité, c'est que c'est vous qui avez supprimé ce diplôme et que c'est nous qui l'avons rétabli, mais que les effets de ce rétablissement ne se feront sentir que dans cinq ans, étant donné la durée du cursus. Vous voulez faire croire aux Françaises que ce diplôme est supprimé.

C'est de la malhonnêteté politique !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

Vos arguments sont microscopiques, face aux 2 000 milliards du PLFSS !

M. Gérard Terrier.

Non, ils ne sont pas microscopiques ! Ce sont des faits, qui vous déplaisent, et à aucun moment vous n'avez fait preuve d'objectivité.

Je ne dispose que de cinq minutes de temps de parole, monsieur Accoyer, mais je pourrais décliner chacun de vos propos et, à chaque fois, vous prendre en défaut.

M. Bernard Accoyer.

Allez-y !

M. Gérard Terrier.

J'en appelle donc à la responsabilité de cette assemblée. En tout cas, le groupe socialiste rejettera l'exception d'irrecevabilité. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel.

M. Bernard Accoyer a défendu avec brio et compétence, comme à son habitude,...

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

... l'exception d'irrecevabilité.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Au nom des trois groupes de l'opposition !

M. Jean-Luc Préel.

Le groupe UDF se fera un plaisir de la voter.

Madame la ministre, le Sénat a amélioré votre texte,...

M. Maxime Gremetz.

Ah bon ! ?

M. Jean-Luc Préel.

... mais vous avez critiqué son travail, sans y mettre la nuance à laquelle votre personnalité nous avait habitués et qu'impose votre fonction. Je le regrette.

Le Sénat a eu raison de supprimer le « bricolage » de la CSG, qui revient sur l'universalité et qui, comme l'ont dit Claude Evin et Nicole Notat, met en péril l'avenir de la protection sociale et la solidarité, laquelle repose sur le principe très simple que chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Justement, quand on a peu de moyens, on paie zéro franc !

M. Jean-Luc Préel.

J'invite ceux d'entre nous qui ne les ont pas encore lus à lire les propos de Claude Evin...

M. Maxime Gremetz.

Il a évolué depuis !

M. Jean-Luc Préel.

... car il sont très éclairants.

Le Sénat a eu raison de revenir sur le financement du FOREC, souhaitant que les taxes sur l'alcool, le tabac et l es activités polluantes servent à financer, non les 35 heures mais...

M. Alfred Recours, rapporteur.

La sécurité sociale !

M. Jean-Luc Préel.

... la prévention de ces fléaux.

Le Sénat a eu raison de refuser l'ONDAM. Son rebasement se comprend dès lors qu'il s'agit de tenir compte du réalisé ; mais alors, une loi rectificative serait souhaitable. Je pense que vous êtes d'accord, monsieur le rapporteur ?

M. Alfred Recours, rapporteur. Non !

M. Jean-Luc Préel.

Vous nous expliquerez pourquoi.

Mais si vous tenez compte du réalisé, madame la ministre, pourquoi maintenir les sanctions collectives, les lettres-clés flottantes ?

M. Bernard Accoyer.

M. Préel a tout à fait raison !

M. Jean-Luc Préel.

Si vous tenez compte du réalisé, c'est qu'il n'y a plus de sanctions à prendre !

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est par ce que le réalisé flotte !

M. Jean-Luc Préel.

Le Sénat les a, à juste titre, supprimées. Le rapporteur et le Gouvernement souhaitent les rétablir. Je ne comprends pas pourquoi vous faites un tel reproche au Sénat, car, en proposant d'individualiser les mesures, pour prendre en compte les bonnes pratiques médicales, les références médicales, la Haute Assemblée va dans le sens de la responsabilisation.

Vous avez déclaré, madame la ministre, que le Sénat supprimait les sanctions collectives mais ne proposait rien. C'est faux. Il propose de les individualiser, ce que nous sommes nombreux à demander depuis longtemps.

Plutôt que de critiquer le Sénat sans faire preuve de nuance, mieux vaudrait tenir compte de ses propositions.

Vous ne nous indiquez pas en fonction de quels besoins est établi l'ONDAM, ni en fonction de quels critères sont calculées les diverses enveloppes ! Allez-vous nous indiquer le montant des enveloppes régionales que vous avez décidées ? Vous avez reçu ce m atin les directeurs d'ARH. Le Parlement sera-t-il informé avant la presse du montant de ces enveloppes, car une très mauvaise habitude veut que désormais la presse soit informée en premier ?

M. Alfred Recours, rapporteur. Bravo !

M. Jean-Luc Préel.

Je note que M. Recours approuve ma requête.

J'espère, madame la ministre, que vous allez nous faire ce cadeau.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

Par ailleurs, quelles mesures proposez-vous pour améliorer la prévention et l'éducation, pour prendre en compte les problèmes de démographie médicale mais aussi l'activité réelle des divers établissements, pour aller, comme tout le monde le demande, vers la tarification à la pathologie ? Nous avons besoin qu'un véritable débat ait lieu sur la protection sociale et la santé. Or nous ne l'avons ni en examinant la loi de financement de la sécurité sociale ni en discutant du budget de la santé. Il paraît pourtant indispensable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Que proposez-vous pour notre système de retraite par répartition ? Heureusement, Edouard Balladur et Simone Veil ont eu le courage de prendre des mesures...

M. Maxime Gremetz.

Oh oui ! Parlons-en !

M. Jean-Luc Préel.

... pour sauvegarder le régime général. Je suis très content de constater que le groupe communiste approuve ces mesures ! (Sourires.)

M. Yves Bur.

Ce n'est pas M. Gremetz qui aurait eu un tel courage !

M. Jean-Luc Préel.

Comment allez-vous, madame la ministre, régler le problème majeur qui se posera dans les prochaines années puisque les futurs retraités sont nés aujourd'hui. Nous le connaissons tous, M. Charpin l'a souligné.

M. Maxime Gremetz.

Ah, M. Charpin !

M. Pascal Terrasse.

Depuis 1960, on est au courant du problème que pose la démographie !

M. Bernard Accoyer.

Alors, c'est de la préméditation, puisque vous ne faites rien alors que vous connaissez le problème !

M. le président.

Laissez parler M. Préel, mes chers collègues !

M. Jean-Luc Préel.

Ainsi, vous ne préparez pas vraiment l'avenir.

Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez nous répondre en faisant preuve de ce souci de la nuance qui caractérise habituellement vos propos et que vous nous fassiez connaître le contenu des enveloppes régionales avant d'en informer la presse.

Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Même si vous obtenez les informations que vous demandez ?

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Yves Fromion.

Peut-être que M. Gremetz va faire preuve de lucidité !

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois reconnaître que je partage une partie des propos qu'a tenus M. Accoyer.

(« Bravo » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vais vous dire de quoi il s'agit !

M. Yves Fromion.

Ne nous faites pas saliver !

M. Maxime Gremetz.

Comme je l'ai dit en première lecture : attention à l'hôpital !

M. Bernard Accoyer.

Ah !

M. Maxime Gremetz.

Attention aux moyens ! Attention aux besoins ! Attention de répondre aux attentes et aux aspirations !

M. Arthur Dehaine et M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Maxime Gremetz.

Le vrai problème,...

M. Yves Fromion.

C'est le Gouvernement !

M. Maxime Gremetz.

... c'est que le Sénat, dont la majorité a la même couleur politique que celle de l'opposition ici, a supprimé toutes les avancées positives auxquelles nous étions parvenus. Avouez que c'est une curieuse façon de progresser ! Par conséquent, si je peux partager en partie le constat qui a été dressé par M. Accoyer, il n'en va pas de même pour les solutions proposées, c'est le moins qu'on puisse dire ! Vous nous dites, messieurs de l'opposition, que les exonérations de CSG sont anticonstitutionnelles. Mais les exonérations formidables de charges patronales...

M. Bernard Accoyer.

Quel lapsus !

M. Maxime Gremetz.

... de cotisations patronales, voulais-je dire, à hauteur de 1,8 SMIC, n'est-ce pas anticonstitutionnel ? Vous n'en parlez jamais !

M. Yves Bur.

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé !

M. Maxime Gremetz.

Pour illustrer mon propos, je vais vous citer un exemple édifiant. J'ai dans ma circonscription une entreprise dont les employés - qui, pour beaucoup, sont des femmes - travaillent de jour comme de nuit. Ces femmes produisent des richesses depuis trente ans. Or le groupe qui les emploie, le groupe Magneti Marelli, qui a obtenu 735 millions de fonds publics - voyez le manque à gagner pour la protection sociale -...

M. Bernard Accoyer.

C'est plus que ce qu'a obtenu L'Humanité !

M. Maxime Gremetz.

... via des exonérations de charges patronales, via les accords de Robien, via le conseil général, via le conseil régional - 41 millions -, vi a Amiens-métropole, dit aujourd'hui à ces femmes qui ont travaillé pour des salaires de misère, qui n'ont touché que le SMIC, qu'il va fermer ses portes pour aller chercher des fonds publics ailleurs. Voilà la réalité ! Qui va payer ? Une fois encore les fonds publics ! Et je n'ai parlé ni du chômage partiel ni des préretraites, financés sur les fonds publics, Au demeurant, voilà des choses dont vous ne parlez jamais ! Je le répète, si les exonérations de CSG sont anticonstitutionnelles, les exonérations de cotisations patronales le sont aussi ! J'ajoute que les petites et moyennes entreprises, elles, ne bénéficient pas de ces dernières exonérations.

J'entends bien ce que vous dites, mais dois-je vous remémorer les ordonnances Juppé ? Vous parlez des sanctions. Mais qui les a inventées ? Et qui était contre ? M. Evin, lui, était d'accord, mais nous, nous étions contre ! Pour encadrer les dépenses de santé, le plan J uppé prévoyait des sanctions pour ceux dépassant certains chiffres.

M. Bernard Accoyer.

Nous nous étions trompés ! Mais nous, nous le reconnaissons !

M. Maxime Gremetz.

Ces sanctions, c'est vous qui les avez inventées, et elles continuent de s'appliquer aujourd'hui.

M. Yves Fromion.

Gremetz ministre !

M. Maxime Gremetz.

Hier, vous étiez pour ; aujourd'hui, vous êtes contre. Hier, j'étais contre ; aujourd'hui, je suis toujours contre, car je ne change pas au gré du vent, que je sois dans l'opposition ou dans la majorité.

Il faut savoir être cohérent dans ce domaine-là.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Vous parlez des retraites. Eh bien, parlons des retraites Balladur. Les retraites Balladur, c'est 40 annuités au lieu de 37,5 - c'est une mesure que vous avez votée.

M. Arthur Dehaine.

Rectifiez-la !

M. Maxime Gremetz.

C'est aussi la désindexation du montant des retraites par rapport aux salaires et leur indexation sur les prix. Résultat : une baisse du pouvoir d'achat.

Les retraites Balladur, c'est quoi encore ?

M. Bernard Accoyer.

Le sauvetage des régimes de retraite !

M. Maxime Gremetz.

C'est le calcul du montant des retraites sur les vingt-cinq dernières années et non plus sur les dix meilleures années ! C'est vous qui avez fait tout cela ! Et aujourd'hui, vous venez nous chanter qu'il faut une autre protection sociale, vous vous inquiétez de l'avenir de notre système de retraite.

Vous voulez bien déterminer les besoins, mais vous ne voulez pas prendre l'argent là où il est. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Il connaît ses classiques, Maxime !

M. Maxime Gremetz.

Voilà la réalité ! Vous voulez bien prendre l'argent sur les salariés, mais pas sur Mme Bettencourt, sur Valéo, sur Magneti Marelli, sur Dunlop, sur Procter and Gamble, sur les profits financiers, qui s'élèvent à 26 000 milliards !

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est plus un discours, c'est le CAC 40 !

M. Maxime Gremetz.

Au-delà du constat selon lequel il faut encore progresser, je ne peux pas accepter que le Sénat remette en cause les quelques mesures progressistes que nous avons obtenues et que vous veniez nous faire la leçon. C'est pourquoi le groupe communiste votera contre l'exception d'irrecevabilité.

M. Yves Fromion.

Oh non !

M. Arthur Dehaine.

Encore un espoir déçu !

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Elle était irrecevable ! Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Mme Odette Grzegrzulka.

Irrecevable aussi !

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

Mme Odette Grzegrzulka.

Au nom de l'Alliance ?

M. Maxime Gremetz.

Il parle au nom des trois groupes de l'opposition !

M. Yves Bur.

Tout à fait !

Mme Odette Grzegrzulka.

Y compris Bayrou et Madelin ?

M. Yves Bur.

C'est la pluralité ! Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pendant la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons constaté qu'il était impossible d'engager avec le Gouvernement un dialogue constructif sur un sujet qui pourtant mérite un vrai débat, tant il est vrai que l'équilibre financier dont vous revendiquez la paternité reste fragile.

Comment ne pas voir que cet équilibre est entièrement dû à l'évolution très positive de la croissance, évolution qui a dispensé le Gouvernement de s'engager dans les réformes structurelles indispensables, qu'il s'agisse des retraites ou de l'assurance maladie ?

Mme Odette Grzegrzulka.

On voit que les conseilleurs ne sont plus les payeurs !

M. Yves Bur.

Toutes les propositions du Gouvernement sont tributaires de la croissance et sont soumises aux aléas d'une conjoncture économique que nous savons moins dynamique. Ainsi, l'OCDE vient de réviser à la baisse les prévisions de croissance pour l'an prochain à 2,7 %. Nous sommes loin des 3 ou 3,3 % de progression sur lesquels le Gouvernement a bâti ses hypothèses de recettes.

Si ces prévisions moins optimistes devaient se confirmer, ce que je ne souhaite pas, pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, les scénarios du Gouvernement pour anticiper l'impact de ce ralentissement sur les multiples sources de financement que vous mobilisez au service de la protection sociale comme pour la réduction du temps de travail ? En fait, tout le débat de première lecture a consisté à échafauder une construction acceptable par vos alliés, et notamment par les élus communistes.

Vous avez ainsi accepté, après l'avoir refusé à plusieurs reprises, d'abroger la loi Thomas. Cette loi, malheureusement restée virtuelle dans son application, permettait d'amorcer un virage vers l'élaboration d'un troisième étage de notre système de retraite. Par idéologie, par manque de courage, vous avez rendu un mauvais service aux Français. Pourtant, le problème des retraites n'est pas virtuel, il est inscrit dans la réalité démographique, il est donc parfaitement mesurable, il n'est qu'à se référer notamment au rapport Charpin - qui, visiblement, gêne certaines personnes du côté de la majorité.

M. Edouard Landrain.

C'est vrai.

M. Yves Bur.

Votre approche est très réductrice et ne prépare pas l'avenir. Sans que l'on puisse en comprendre les raisons, vous perpétuez de fait une inégalité qui réserve aux seuls fonctionnaires l'accès à un système de capitalisation volontaire qui ne remet pas en cause le système de répartition. Celui-ci constitue, nous sommes unanimes, ici, à le dire, le socle de la solidarité et il faut le garantir à tous les Français. Comment ce qui est bon pour les uns serait-il mauvais pour la grande majorité des autres ? A cause de votre obstination, la France sera bientôt le seul grand pays à refuser des choix qui semblent évidents à tous les responsables européens. Vos amis socialistes allemands font actuellement preuve de plus de courage et de lucidité...

Mme Odette Grzegrzulka.

Comme sur la vache folle ?

M. Yves Bur.

... pour adapter et compléter le système de retraite par répartition par un système de capitalisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Faut-il les accuser d'être les fossoyeurs de la solidarité dans leur pays ? Ne devriez-vous pas plutôt vous interroger sur les raisons qui les poussent à privilégier cette solution, raisons qui sont tout aussi valables dans notre pays ?

M. Edouard Landrain.

Raisons de bon sens !

M. Yves Bur.

De même, pour calmer vos alliés communistes, vous avez fait un geste en faveur de la CMU en relevant de cent francs le plafond pour l'ouverture des droits.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bonne initiative !

M. Yves Bur.

Même s'ils font semblant de s'en réjouir et de s'en contenter - je regrette que M. Gremetz soit parti -, cette mesure ne règle rien sur le fond. Le minimum vieillesse se situera au-dessus de ce niveau de 3 600 francs, tout comme d'ailleurs l'allocation adulte handicapé quand elle sera revalorisée.

M. Edouard Landrain.

C'est mal visé !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous êtes contre la revalorisation de l'allocation adulte handicapé, contre la revalorisation du minimum vieillesse ?

M. le président.

S'il vous plaît, laissez parler l'orateur.

M. Yves Bur.

En fait, vous êtes prisonnier de l'incohérence du dispositif de la CMU qui, par ses effets de seuil brutaux, ne donne pas à tous les Français l'accès à des soins de qualité, je pense notamment aux bénéficiaires des minima sociaux mais aussi aux personnes qui, à cause de leurs faibles revenus, ne peuvent pas payer une assurance complémentaire pour leur famille.

Nous sommes restés au milieu du gué et cette couverture maladie, je l'avais déjà souligné lors de sa création, ne mérite pas encore l'adjectif d'universelle. D'autant plus que l'examen des ressources va exclure du dispositif, même si l'échéance a été repoussée, de nombreux béné ficiaires qui étaient couverts par les cartes santé départementales. Nous n'avons pas cessé de le répéter lors des débats sur la CMU. Aujourd'hui, le constat est évident : malgré le relèvement du plafond de cent francs, le dispositif de la CMU est bancal et injuste.

Le Sénat a naturellement pointé les faiblesses et les incohérences de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il estime, comme nous, que le choix qui est fait de revenir sur l'universalité de la CSG n'est pas le bon. L'utilisation de la CSG comme instrument d'une politique de revenus nous semble particulièrement grave car l'exonération déroge aux principes fondateurs de cette contribution voulue par Michel Rocard, et qui impliquaient de faire participer tous les revenus, de quelque nature qu'ils soient, au financement de la protection sociale.

M. Claude Evin, rapporteur.

Vous aviez voté contre !

M. Yves Bur.

La CFDT - peut-être partagez-vous ce point de vue, monsieur Evin - n'affirmait-elle pas que si chacun contribue, comme l'a souligné mon collègue Préel, en proportion de ses revenus, chacun reçoit en fonction de ses besoins ? En mettant en oeuvre une réduction dégressive de la CSG pour augmenter le revenu, vous concentrez sur les classes moyennes les efforts sociaux auxquels tous les Français devraient participer. La CSG n'est plus une contribution sociale : elle devient le premier étage de l'impôt sur le revenu. C'est un choix lourd de conséquence qui ne prend pas en compte le foyer fiscal, les enfants ou la pluriactivité. Vous ne respectez pas ainsi l'égalité des citoyens devant les charges ou devant l'impôt.

Nos collègues sénateurs ont, à leur tour, souligné l'incroyable complexité du financement de la protection sociale. Les multiples ramifications de cette tuyauterie financière ôtent toute lisibilité et ne permettent plus aux Français d'en comprendre ni le sens, ni la finalité. De plus, ces financements, qui reposent sur des hypothèses de croissance que les spécialistes économiques considèrent comme très optimistes, sont loin d'être assurés : les d épenses croissantes du FOREC pour financer les 35 heures en sont une illustration caricaturale.

En outre, l'étanchéité des branches est bafouée en permanence dans ce projet de loi de financement : les milliards valsent d'une année sur l'autre et d'un régime à l'autre, ce qui prive, par exemple, la branche famille d'excédents qui pourraient, comme le soulignent les conseils d'administration de la CNAF et de l'UNAF, être employés pour mener une politique plus audacieuse en direction des familles, qui sont moins bien traitées que les retraités, comme le montre la moindre revalorisation des prestations familiales par rapport aux pensions de vieillesse.

De manière générale, il est tout à fait regrettable que les propositions de l'opposition et du Sénat soient ainsi rejetées sans que soit engagé un débat qui, pourtant, reste incontournable pour assurer une pérennité structurelle à la protection sociale.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, réduit pour l'essentiel à un jeu de Meccano financier, traduit en fait l'incapacité du Gouvernement et son manque de volonté de tracer des perspectives d'avenir.

Cette politique à courte vue, obnubilée par des échéances électorales, réduite à une approche clientélist e, qui ne prépare donc pas l'avenir, est particulièrement évidente dans le domaine du financement des retraites, où les décisions prises n'ont pour seul objectif que de repousser à plus tard les vrais choix, que vous savez, comme d'ailleurs la très grande majorité des Français, inéluctables. Les discours sur la méthode et les effets de rhétorique ne remplaceront jamais les choix courageux que la situation exige pourtant.

Cela est aussi vrai dans le domaine de la santé et de l'assurance maladie, où le malaise touche l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des professionnels de santé, des responsables de l'assurance maladie ou même des personnels hospitaliers.

Lors des nombreuses discussions que nous avons eues, notamment en commission ou dans le groupe de travail consacré à la régionalisation, nous avons tous admis, quelle que soit notre appartenance politique, que le système était à bout de souffle et qu'il convenait d'engager enfin une véritable refondation de la politique de santé publique en France.

Nous sommes nombreux ici, pour ne pas dire unanimes, à regretter de ne pouvoir aborder ce débat de fond qui concerne pourtant très directement l'ensemble des Français. L'inquiétude qu'ils manifestent face aux incertitudes concernant l'ESB marque l'intérêt qu'ils portent à leur santé et à la santé publique.

Le système conventionnel est dans une impasse. Il en est de même de l'assurance maladie. Les choix imposés par Mme Aubry ont réduit la Caisse nationale d'assurance maladie à jouer le simple rôle de distributeur de sanctions à l'encontre des professionnels de santé, sans lui laisser le moindre espace pour proposer des réformes structurelles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

En traitant ainsi par le mépris les partenaires sociaux, au risque de les décourager définitivement, vous amplifiez les choix étatistes opérés dans le domaine de la santé et de la couverture maladie.

En l'absence de tout débat sur les objectifs de santé publique, l'ONDAM reste comptable et n'est pas en mesure d'assurer la fonction qui était la sienne, c'est-àdire permettre la meilleure adéquation possible entre les besoins de santé et l'offre de soins de qualité.

C es besoins sont pourtant criants dans plusieurs domaines particulièrement sensibles.

Je veux parler des soins infirmiers. La demande de soins infirmiers explose, du fait du vieillissement de la population. Face à la pénurie, déjà bien réelle et qui va devenir gravissime, soyez-en certains, aussi bien pour les soins à domicile que pour les hôpitaux, et cette pénurie devrait durer au moins trois ans sinon cinq,...

M. Pascal Terrasse.

C'est vrai !

M. Yves Bur.

... il faut mobiliser l'ensemble des secteurs concernés pour apporter des solutions cohérentes pour une prise en charge de qualité des malades. Nous ne pouvons que regretter l'incapacité de l'Etat, ici comme ailleurs, à anticiper les vrais besoins en ouvrant les quotas dans les écoles d'infirmières.

Concernant le plan de soins infirmiers, rejeté par une très grande partie de la profession, je m'interroge très sérieusement. Où trouverons-nous les auxiliaires de vie qui devront se substituer aux infirmières ?

M. Edouard Landrain.

Et avec les 35 heures en plus !

M. Yves Bur.

D'autant que les associations d'aide à domicile doivent, elles-mêmes, faire face à une crise de recrutement en raison de la faible attractivité des rémunérations offertes à un personnel qui mérite pourtant notre respect et davantage de considération.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. Yves Bur.

J'en profite, madame la ministre, pour relayer les exhortations, que vous connaissez bien, de l'Union nationale des associations de soins et services d'aides à domicile et auxquelles, j'espère, vous accorderez une oreille attentive.

M. Edouard Landrain.

Tu parles !

M. Yves Bur.

Je veux parler encore du traitement des cancers. Tous les centres anticancéreux, j'ai encore pu le vérifier la semaine passée au centre Paul-Strauss de Strasbourg, sont confrontés à l'explosion des coûts de la chimiothérapie. Rien que pour ce centre, un surcoût de 2 millions de francs doit être trouvé dans le budget.

Peut-on encore longtemps restreindre les moyens de ces services et priver les malades de traitements plus performants et plus confortables pour eux ? Je veux naturellement parler des soins dentaires, qui sont toujours dans une situation sinistrée. Ce ne sont ni les replâtrages successifs et partiels, ni les obligations réglementaires et inadaptées de la CMU qui permettront d'éviter le débat sur la mobilisation de moyens supplémentaires importants pour mettre fin à cette exception européenne. La CMU seule ne permettra pas d'améliorer la prise en charge des soins et des prothèses, et l'état de santé bucco-dentaire des Français restera plus mauvais que dans les autres pays européens.

Je veux parler du sida, qui continue de progresser...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, financières et sociales.

Ce n'est pas la faute du Gouvernement.

M. Yves Bur.

... en raison de notre incapacité structurelle à mener une politique de prévention active et durable, permanente et renouvelée. Et cela est valable pour de nombreuses autres pathologies. Nous n'avons pas de véritables politiques de prévention et de santé, pour limiter le développement de ces pathologies et en amoindrir les effets sociaux, dont l'ampleur est sous-estimée.

Je veux parler enfin des conséquences du vieillissement et de la dépendance, pour lesquelles nous ne pouvons nous contenter d'apporter une réponse sociale, par l'intermédiaire des départements ou des caisses d'assurance vieillesse. L'assurance maladie, elle aussi, devra apporter une contribution plus importante pour la prise en charge de la partie médicale de la dépendance.

Ce n'est pas par le recours à un système de contraintes que nous arriverons à relever de tels défis, à mobiliser l'ensemble des acteurs de la santé au service d'objectifs de santé publique. La régulation par la contrainte constitue, nous le constatons, un échec flagrant, souligné par le choix auquel vous êtes finalement acculés, réduits, de rebaser annuellement les objectifs de l'ONDAM, qui ne sont plus que des références indicatives, sinon virtuelles.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est la fuite en avant !

M. Yves Bur.

Il faut en revenir à une politique de santé fondée sur la dynamique de la confiance et du contrat. Il faut notamment, comme ce fut le cas pour la politique d'action sociale, rechercher plus de proximité dans l'élaboration des besoins de santé comme dans la mise en oeuvre des réponses sanitaires.

La mise en place des agences régionales pour l'hospitalisation ne peut constituer la seule expression de cette proximité. Ce qui est valable pour l'hôpital l'est aussi pour l'ensemble du secteur de la santé.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. Yves Bur.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut aller plus loin dans la régionalisation de la santé. L'approche régionale permettra de mieux repérer les besoins, différents d'une région à l'autre. Elle permettra de mieux mobiliser les professionnels de la santé autour d'objectifs qu'ils partageront. Elle permettra de mieux associer les malades et leurs familles, tout comme l'ensemble des citoyens, à la définition d'une politique de santé au sein d'une institution de débat et de gestion qui pourrait être appelée « conseil régional de santé ». Il est évident que le temps dont nous disposons aujourd'hui n'est pas suffisant pour engager un débat d'une telle importance. Cependant je suis convaincu, avec l'ensemble de mes collègues de l'opposition, que c'est cette voie qui nous permettra de sortir de la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

C'est parce que ce projet de loi de financement est détourné de son objectif premier et qu'il ne permet pas le débat sur les questions de fond qui se posent à notre système de santé et d'assurance maladie que je vous propose, mes chers collègues, de voter la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jean-Pierre Foucher, pour le groupe UDF.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

M. Jean-Pierre Foucher.

Le Sénat, comme vient de l'expliquer Yves Bur, a sanctionné le texte qui lui a été présenté par le Gouvernement aux motifs qu'ils le jugeaient incohérent, illisible et qu'il mettait en place une tuyauterie monstrueuse.

M. Philippe Vuilque.

Ce sont des farceurs, les sénateurs !

M. Jean-Pierre Foucher.

Peut-être, mais ils ont quand même relevé plusieurs anomalies qu'ils ont groupées en cinq thèmes : Le FOREC, qui mobilise six taxes et prélève directement ou indirectement à la branche famille et sur le fonds solidarité vieillesse 16 milliards de francs ; La CSG, qui perd son G et n'est donc plus généralisée puisque dorénavant des exonérations existent - et nous verrons tout à l'heure dans la discussion que ces exonérations vont encore, sur proposition des rapporteurs, être augmentées.

M. Edouard Landrain.

La CSG devient la contribution sociale personnalisée.

M. Jean-Pierre Foucher.

Les retraites, dont le dossier a été définitivement fermé par le Premier ministre le 21 mars 2000 ; L'ONDAM, qui ne tient plus que le rôle d'arbitre comptable entre les contraintes financières de l'assurance maladie d'une part, et le souci du Gouvernement d'apaiser les tensions qui connaît notre système de soins d'autre part ; Enfin, la dégradation des relations avec les professionnels de santé, qui se traduit par le système de lettres clés flottantes et les sanctions collectives que nous dénonçons.

Le Sénat a fait des contre-propositions, comme celle consistant à mettre en place un crédit d'impôt remboursable étendu aux revenus représentant jusqu'à 1,8 le SMIC au lieu et place de la réduction de la CSG. Il a aussi proposé de créer un compte de réserve gelant les excédents de la CNAF et de lancer la réforme des retraites. Il a en outre formulé des propositions pour une maîtrise plus individualisée des dépenses de santé à l'égard des professionnels de santé.

Vous ne voulez pas tenir compte de ces propositions.

Le groupe UDF votera donc la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe DL.

M. François Goulard.

Si nous avions l'assurance que le texte adopté par le Sénat guide désormais nos travaux (Rires sur les bancs du groupe socialiste), nous ne nous apprêterions pas à voter la motion de procédure présentée par le groupe UDF. Mais nous savons d'ores et déjà que votre intention, mesdames et messieurs de la majorité, est de rétablir le texte du Gouvernement par voie d'amendements.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui concerne un domaine qui est si important pour l'ensemble de nos compatriotes, porte la marque de ce que nous reprochons fondamentalement à la politique de ce gouvernement.

Que reprochons-nous à la politique du Gouvernement ? De laisser pour l'avenir des dossiers non résolus ou des problèmes majeurs qui se poseront d'une manière de plus en plus aiguë au fil du temps.

Un de ces problèmes majeurs est le financement des 35 heures, dont le montant progressera très régulièrement pour atteindre en régime de croisière une centaine de milliards de francs. Ce sera demain, pour nos finances publiques, une difficulté réelle que tous les gouvernements auront à assumer tant il est vrai qu'aujourd'hui, les entreprises françaises ne peuvent déjà pas supporter sans aides les surcoûts des 35 heures. Et celles qui ont adopté les 35 heures parce qu'elles y étaient tenues par la loi ont pu supporter ces surcoûts grâce, si j'ose dire, à la dévaluation de l'euro par rapport au dollar.

M. Bernard Accoyer.

Exactement !

M. François Goulard.

Mais si l'euro s'apprécie à l'avenir par rapport au dollar, ou même se stabilise, il est sûr que ces surcoûts mettront dans une situation extrêmement périlleuse des pans entiers de l'économie française.

M. Edouard Landrain.

Ce sera la panique !

M. François Goulard.

Parmi les dossiers non résolus, je citerai celui de l'assurance maladie.

Le faux excédent que nous constatons, qui est d'ailleurs un déficit et qui ne tient pas compte, étant donné le mode de comptabilisation de la sécurité sociale, des retards de plus en plus nombreux observés dans les remboursements, risque de s'aggraver sérieusement. En effet, le mécanisme de régulation des dépenses de santé, que vous avez non pas introduit cette année mais maintenu, ne peut pas fonctionner. Les professions de santé ne peuvent, quelles qu'elles soient, accepter les sanctions collectives qui sont le ressort de la régulation des dépenses de santé telle que vous l'entendez. Cela, n'étant pas acceptable, ne pourra pas être accepté le moment venu.

Le retour au déficit de l'assurance maladie est inscrit dans les faits et ce problème majeur fait partie de ceux que vous n'avez pas résolus.

Enfin, la question des retraites, dont nous avons parlé à maintes reprises, sera demain un des grands échecs du gouvernement de Lionel Jospin. A cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 n'apporte, pas plus que ses prédécesseurs, de solution ni ne marque d'avancée.

Un jour ou l'autre, l'inaction de ce gouvernement sur le dossier des retraites sera probablement le premier reproche qui lui sera adressé.

Pour toutes ces raisons et parce que nous allons revenir, au cours de la discussion, au texte gouvernemental, le groupe Démocratie libérale soutient et votera la question préalable présentée par le groupe UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant q ue la discussion générale ne s'ouvre, je voudrais répondre à une question qu'à posée M. Préel sur les dotations régionalisées.

Les dotations régionalisées augmenteront l'an prochain de 3 % en moyenne, dans le cadre d'une évolution des dépenses hospitalières de 3,3 %. Cela signifie que nous déléguerons à un niveau supérieur à celui de l'année 2000 , qui était de 2,2 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Un montant moyen de 0,3 % sera délégué ultérieurement. Il correspond aux mesures nationales spécifiques.

Parmi celles-ci figure une provision qui doit permettre de financer en tant que de besoin les mesures de personnel générales et catégorielles en cours de négociation.

Cette évolution des dotations régionalisées permet de financer l'ensemble des charges salariales prévues à ce jour, notamment celles qui découlent de l'application des protocoles pour le service public hospitalier signés en mars 2000.

M. Bernard Accoyer.

Dix-sept milliards sur trois ans !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les dotations généralisées permettent aussi d'accompagner les priorités du Gouvernement en matière de santé publique en 2001, comme la prévention de la transmission des maladies virales et à prions, le plan cancer, le plan greffes, la psychiatrie.

Les agences régionales de l'hospitalisation disposent pour ces politiques d'une dotation de deux milliards de francs qui leur permettra de mettre en oeuvre les priorités nationales de santé publique et d'organisation des soins.

Enfin, les dotations régionalisées intègrent une provision destinée à financer les revalorisations générales et catégorielles qui font actuellement l'objet de négociations avec les organisations syndicales.

Comme en 1999 et en 2000, la politique d'allocations de ressources pour 2001 poursuivra l'effort de réduction des inégalités entre régions et établissements. Un effort supplémentaire sera cependant réalisé pour les régions d'outre-mer. Il est évident que toutes les régions devront consentir en leur sein un effort de correction semblable à celui qui est conduit sur l'ensemble du territoire.

Cela permettra aux agences régionales de mener un dialogue approfondi avec les établissements de santé pour la détermination des budgets primitifs pour 2001.

Je communiquerai à tous les groupes le détail de la répartition.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat ayant modifié substantiellement le texte voté par notre assemblée et la commission mixte paritaire n'ayant pas abouti, il nous faut revenir, au cours de cette nouvelle lecture, au texte initial.

M. Bernard Accoyer.

Mme la ministre quitte l'hémicycle !

M. François Goulard.

Elle n'aime sans doute pas M. Terrier !

M. Gérard Terrier.

Mais Mme Gillot est là !

M. le président.

Mes chers collègues, seul M. Terrier a la parole.

M. Gérard Terrier.

Le projet que j'avais qualifié de bon lors de sa première lecture a été enrichi par notre assemblée par de nombreux amendements que le Gouvernement a bien voulu gager.

Au cours de cette première lecture, nous étions également convenus de revenir, pour les améliorer, sur certains points, ce que nous nous apprêtons à faire - je pense en particulier aux nouvelles dispositions concernant l'indemnisation des victimes de l'amiante.

Mais la qualité essentielle de ce projet est le retour à l'équilibre et aux excédents des comptes de la sécurité sociale. C'était attendu par tous ! Ce doit être une satisfaction pour tous ! En effet, un déficit permanent menaçait notre système de protection, fondé sur la solidarité, auquel tous les Français sont attachés, sauf peut-être les libéraux qui rêvent d'une privatisation du dispositif.

M. Laurent Dominati.

Cela, vous l'avez rêvé !

M. Gérard Terrier.

Je vous renvoie aux propos de M. Dord !

M. Laurent Dominati.

M. Dord n'a jamais dit une chose pareille !

M. Gérard Terrier.

Le retour à l'équilibre se réalise sans augmentation de cotisations, et surtout sans dégradation de la qualité des soins. Le dernier rapport de l'OMS atteste que notre système de santé est le plus performant.

Ce redressement n'est pas le fruit du hasard. J'entends dire qu'il serait dû à la croissance. Si l'on ne peut nier les effets de la croissance, il faut cependant faire preuve de plus d'objectivité quant à ses effets. Je vous rappelle que, si nous nous étions contentés de laisser agir seule la croissance, le déficit serait encore aujourd'hui de 30 milliards ! Ce résultat est également dû à d'autres mesures,...

M. Jean-Pierre Foucher.

A des taxes !

M. Gérard Terrier.

... telles que celles qui concourent à la restructuration des régimes ainsi qu'à la reprise de l'emploi grâce à des dispositifs dynamisants, commes les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail et la relance de la consommation intérieure.

D'ailleurs, les bons chiffres de ce matin mettent en évidence les points positifs de cette politique.

Le retour durable à l'équilibre constitue donc le socle de ce projet, tout en nous imposant des contraintes : maintien de la qualité des soins et des prestations et baisse des prélèvements, en particulier pour les plus défavorisés. Ainsi, l'exonération de la CRDS des chômeurs et préretraités qui ne sont pas imposables ou dont les allocations sont inférieures au SMIC brut, l'extension de l'exonération de la CRDS jusqu'à 1,4 fois le SMIC, l'extension du bénéfice de l'exonération des cotisations sociales pour l'emploi d'aide à domicile, la majoration de l'allocation de présence parentale pour enfant gravement malade concernant les familles monoparentales, l'effort considérable en faveur des haltes-garderies et des crèches marquent, parmi les mesures prévues dans le projet déjà voté par notre assemblée, des avancées qu'il nous faut conserver.

Il est un autre point positif : l'existence et l'alimentation du fonds de réserve des retraites. Cela semble déranger mes collègues de l'opposition.

M. Laurent Dominati.

Pour être francs, pas tellement !

M. Gérard Terrier.

Je comprends qu'ils trouvent amer que nous réussissions là où ils ont échoué.

Ce fonds est alimenté : 50 milliards en 2001. Je sais que les besoins pour 2020 ne sont pas, à ce jour, satisfaits. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

C'est une litote !

M. Gérard Terrier.

Ce qui importe, c'est que ces besoins soient pourvus à l'échéance,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

M. François Goulard.

Il nous faut donc revenir au pouvoir !

M. Gérard Terrier.

... et ils le seront si les Français continuent de nous faire confiance. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. François Goulard.

C'est Perrette et le pot au lait !

M. Gérard Terrier.

Il est prévu de disposer de 1 000 milliards en 2020, dont 300 proviendraient des intérêts financiers.

Il est démagogique de demander que le fonds soit, dès aujourd'hui, pourvu de sommes dont nous aurons besoin dans dix ou quinze ans. Nous faisons de la gestion prévisionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Autre pomme de discorde entre le texte initial et celui du Sénat : l'ONDAM.

L'ONDAM est fort critiqué par l'opposition d'aujourd'hui. Cela surprend. En effet, cet outil, qui fait partie des dispositions législatives du PLFSS, a été mis en place, contre l'avis de certains d'entre nous, par cette même minorité. Pourquoi alors, chers collègues, l'avezvous voté ?

M. Edouard Landrain.

Il a été aussi critiqué par la majorité actuelle !

M. Gérard Terrier.

Cet outil serait-il bon quand il vous appartient de l'utiliser et mauvais quand il nous revient de le maîtriser ? Je crois bien que c'est ce que vous pensez.

M. Jean-Pierre Foucher.

Mais non !

M. Gérard Terrier.

En effet, l'usage que nous en faisons est différent de celui que vous auriez voulu en faire. Je lui reconnais cependant des défauts qu'il nous faudra corriger,...

M. Jean-Pierre Foucher.

Voilà une bonne parole !

M. Gérard Terrier.

... mais cela, et vous l'avez bien compris, n'a pas constitué notre priorité, qui est le retour à l'équilibre.

L'usage que vous vouliez faire de l'ONDAM était uniquement comptable et coercitif.

M. Edouard Landrain.

Tu parles !

M. Gérard Terrier.

Nous en faisons un usage certes comptable, mais aussi un usage d'amélioration de la politique de santé. J'en veux pour preuve son rebasage, c'està-dire la prise en considération non pas de la somme votée, mais des dépenses constatées. A cette base revalorisée, nous appliquerons, dans le projet, une augmentation de 3,5 %.

M. Jean-Pierre Foucher.

Cela montre que les prévisions étaient mauvaises !

M. Gérard Terrier.

Nous savons que l'outil peut et doit être amélioré, mais nous en faisons un usage intelligent.

Je vous demande de mesurer son évolution par rapport au PIB, et vous constaterez alors une amélioration des moyens consacrés à la politique de santé.

Je sais que Mme la ministre a engagé une concertation avec les acteurs de la santé afin de trouver les éléments d'une politique contractuelle agréée par tous.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce qu'il nous ont dit !

M. Gérard Terrier.

Enfin, je souhaiterais que nous nous préoccupions des effets de seuil.

Il est injuste que des effets trop mécaniques amputent tout ou partie des mesures positives mises en place.

M. François Goulard.

La ministre ne peut répondre puisqu'elle n'est pas là !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je répondrai !

M. Gérard Terrier.

Le Gouvernement est en effet représenté.

Outre le cas de la CMU, il y a des familles qui voient leurs revenus légèrement s'améliorer. L'effet de seuil les prive de prestations soumises à conditions de ressources.

M. Bernard Accoyer.

C'est un discours que nous tenions il y a un an et demi, mais vous ne nous écoutez pas !

M. Gérard Terrier.

Cette mise sous conditions relève d'un principe acceptable, mais le côté insidieux du dispositif est mis en évidence quand la somme des gains supplémentaires des revenus est largement inférieure aux pertes induites par cette amélioration. Cela peut constituer un frein à l'évolution des revenus salariaux pour une certaine catégorie de nos concitoyens. Je sais que tel n'est pas le souhait du Gouvernement, mais nous voyons ici la conséquence d'un effet qu'il nous faut corriger.

M. Bernard Accoyer.

La faute à qui ?

M. Edouard Landrain.

Bonne question !

M. Gérard Terrier.

Cette nouvelle lecture s'inscrit sous les meilleurs auspices qui soient, et vous pouvez, madame la secrétaire d'Etat, être assurée de notre soutien actif pour faire de ce bon projet de loi de financement de la sécurité sociale un excellent projet de loi, que le groupe socialiste votera avec fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bravo, monsieur Terrier !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on peut regretter que, depuis trois ans, les discussions successives des projets de loi de financement de la sécurité sociale aient un petit air de déjà vu et tournent autour des thèmes de l'opacité des comptes sociaux et de l'absence d'une véritable réflexion sur la politique de santé publique.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Pierre Morange.

La version 2001 n'échappe pas à la règle.

M. Bernard Accoyer.

Cela s'aggrave même !

M. Pierre Morange.

Avec près de 2 000 milliards de francs, le PLFSS apparaît surtout au Gouvernement comme un outil au service de sa politique économique et fiscale.

De transferts croisés en changements d'affectation, les circuits de financement de la sécurité sociale deviennent de plus en plus complexes et rendent difficilement lisibles les évolutions et l'interprétation des soldes des différentes branches ainsi que les véritables destinations des crédits.

Quelques exemples : les excédents de la branche famille sont détournés pour financer la branche vieillesse ; une partie des ressources de la branche vieillesse - les droits


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

s ur les alcools - est détournée pour financer les 35 heures ; une partie de la taxe sur les conventions d'assurance est affectée à la compensation des exonérations et des baisses de CSG.

Bien malin qui s'y retrouve. Je vous renvoie au merveilleux graphique que M. Alfred Recours a fait figurer à la page 62 de son rapport pour retracer les flux de financement de la sécurité sociale. Shadok est toujours présent ! Tout cela est éloquent à défaut d'être compréhensible ! Ces tours de passe-passe sont facilités par la création de nombreux fonds, dont l'utilisation reste obscure...

M. Bernard Accoyer.

Ça oui !

M. Pierre Morange.

... une fois qu'ils ont été créés...

M. Bernard Accoyer.

J'en ai dénombré onze !

M. Pierre Morange.

Tout cela est-il bien raisonnable ? Tout cela ne sert-il pas finalement à masquer la fragilité du retour à l'équilibre des comptes sociaux et l'absence de réformes ?

M. Bernard Accoyer.

Manipulation !

M. Pierre Morange.

Car l'amélioration du solde de la sécurité sociale, c'est, d'une part, le fait de la croissance, mais aussi et surtout le fait de la forte hausse des prélèvements sociaux.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Pierre Morange.

De 1997 à 2000, les prélèvements sociaux obligatoires sont passés de 20,4 % à 21,3 % du PIB.

Le rapporteur de la commission des finances du Sénat, Jacques Oudin, ne relève pas moins de dix-sept mesures...

M. Bernard Accoyer.

Eh oui ! Dix-sept mesures !

M. Pierre Morange.

... qui sont intervenues entre 1998 et 2001 pour élargir ou augmenter les prélèvements sociaux obligatoires.

Ainsi, plus de 100 milliards prélevés en trois ans viennent s'ajouter aux fruits de la croissance et masquent l'incapacité du Gouvernement à maîtriser les dépenses.

Après avoir utilisé la cagnotte fiscale, c'est la cagnotte sociale qui est consommée pour masquer le dérapage des dépenses.

Mais qu'en sera-t-il demain, lorsque la génération de l'après-guerre arrivera à la retraite,...

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Pierre Morange.

... lorsque la dépendance s'alourdira, que les 35 heures seront généralisées...

M. Bernard Accoyer.

Oh ! la la !

M. Pierre Morange.

... et qu'il faudra financer les nouvelles molécules et les nouvelles techniques médicales ? Pourra-t-on indéfiniment ne compter que sur la croissance, sur l'augmentation des prélèvements et sur un nombre toujours plus restreint de contribuables ?

M. Bernard Accoyer.

C'est irresponsable !

M. Pierre Morange.

Le PLFSS est d'abord un instrument de la politique de l'emploi et le financement des 35 heures en est un exemple. Le passage obligatoire et uniforme aux 35 heures est une mesure politique qui a été prise à une époque de fort chômage et de faible croissance et dont on constate aujourd'hui les méfaits : querelles de chiffres quant au nombre d'emplois créés, modération salariale et tension sociale consécutives aux accords signés, pénuries de main-d'oeuvre, casse-tête dans la fonction publique et tout particulièrement dans les hôpitaux publics, nécessité de négocier le report ou les assouplissements indispensables pour les PME.

Rappelons à ce sujet que le Parlement ne vote pas les dépenses du FOREC, qui n'apparaissent ni dans la loi de finances ni dans la loi de financement, qu'il ne traite que des recettes et ne fait, pour ce qui nous concerne aujourd'hui, qu'un travail de tuyauterie très imparfait en affectant des ressources aussi diverses que variées telles que l'essentiel des droits sur les tabacs, la totalité des droits sur les alcools actuellement versés au FSV, la totalité de la taxe sur les véhicules de société, une partie de la taxe sur les conventions d'assurance, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés et, enfin, la TGAP dont l'extension est prévue dans le collectif budgétaire.

La réduction du temps de travail est une réforme coûteuse - 85 milliards l'an prochain, 105 milliards l'année suivante - et qui mobilise cette année pas moins de six financements différents, dont aucun n'est pérenne et qu'il faudra ajuster chaque année. En effet, comme l'a faitr emarquer notre rapporteur de la commission des finances, nous ne disposons pas d'un tableau d'équilibre du FOREC lorsque celui-ci aura atteint son rythme de croisière.

Les financements sont incertains. Déjà l'an dernier, le Gouvernement avait dû modifier en catastrophe son plan de financement avant l'examen en séance, puis assurer un complément à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les heures supplémentaires.

Et le tout est réparti dans trois textes : le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de loi de finances et le collectif budgétaire ! C'est donc à juste titre que le Sénat a considéré que le financement de la réduction du temps de travail n'avait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

La création d'un fond spécifique, le FOREC, a pour principal intérêt de permettre au Gouvernement de financer sa politique de l'emploi en dehors du budget de l'Etat, et donc de faire une présentation avantageuse mais tronquée de celui-ci.

Le PLFSS est un ensuite un instrument de la politique fiscale, notamment du fait des exonérations de la CSG et de la CRDS.

Sous couvert de vouloir redonner aux salariés les plus modestes un peu du pouvoir d'achat dont l'application des 35 heures les prive par ailleurs, cette mesure improvisée est dangereuse, principalement pour deux raisons.

D'une part, elle remet en cause un financement de la sécurité sociale, universel, proportionnel et équitablement réparti sur tous les revenus et non sur les seuls revenus du travail.

D'autre part, elle risque de se retourner contre ceux-là mêmes qu'elle était censée aider - les bas salaires et les personnes les moins qualifiées - en les cantonnant dans la tranche basse des salaires bénéficiant d'une aide et en multipliant les inégalités consécutives aux effets de seuils et exonérations catégorielles.

Je vais développer ces deux points.

L'universalité du financement de la sécurité sociale et le principe de solidarité, qui veut que chacun contribue selon ses moyens et bénéfice selon ses besoins, sont battus en brèche. Selon le titre d'un grand quotidien, « le pacte de solidarité entre les Français est rompu ».


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M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Pierre Morange.

Et l'auteur de cet article est notre collègue Claude Evin, qui fait état de ses doutes :

« Désormais une partie des Français ne va plus payer d'assurance maladie. On met ainsi le doigt dans un engrenage où, demain, d'autres catégories pourraient estimer qu'elles n'ont pas à payer pour tout le monde »... et de souhaiter que d'autres mécanismes soient trouvés.

Le Gouvernement fait effectivement là un choix dangereux, car il compromet le financement pérenne et équitablement réparti des dépenses sociales et transforme un prélèvement proportionnel en prélèvement progressif du même type que l'impôt sur le revenu. On peut légitimement s'interroger sur l'avenir même de la CSG.

Il s'agit également d'un mécanisme injuste, contraire à l'équité. En effet, il ne prend pas en compte la composition du foyer et en particulier la présence d'enfants. Il est en l'état inapplicable aux pluriactifs. Il risque également de bloquer les salaires à un niveau juste inférieur à 1,4 SMIC, car plus le salaire s'éloignera du SMIC, plus la haussse sera effacée par la perte des avantages liés à la dégressivité de la CSG. Rappelons que le gain net mensuel sera, en 2003, de 540 francs pour 1 SMIC et fortement dégressif ensuite : 360 francs pour 1,1 SMIC et seulement 182 francs pour 1,2 SMIC.

On ne peut que s'élever contre un dispositif si mal conçu, mais lourd de conséquences, qui remet en cause le principe du lien unissant les salariés à l'assurance maladie, fragilise la CADES, c'est-à-dire le remboursement des dettes sociales, car rien n'est prévu pour compenser les exonérations de la CRDS. Ce dispositif pénalise une fois de plus les familles et n'apporte pas de solution à la situation des salariés les plus défavorisés.

C'est la raison pour laquelle le Sénat a supprimé ce mécanisme de réduction progressive de la CSG, inégalitaire et inéquitable, et a proposé un mécanisme beaucoup plus intéressant de « crédit d'impôt » pour les revenus modestes jusqu'à 1,8 SMIC, mécanisme présenté dans le cadre de la loi de finances.

Je souhaiterais maintenant aborder un autre sujet qui préoccupe les Français, celui de l'immobilisme du Gouvernement en matière de retraite. L'absence de décision concrète sur les retraites est coupable. En effet, il y a urgence, comme l'ont rappelé nombre de mes collègues de façon excellente, car l'accumulation de rapports ne vaut pas décision. Or, ce projet de loi se limite à entériner le règlement du litige entre l'Etat et les régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO et à abonder un fonds de réserve qui n'a toujours pas d'existence propre et dont on ne sait, à terme, à quoi il va servir.

Alors que les rapports s'accumulent depuis des années et malgré la pertinence des conclusions du rapport Charpin, le Gouvernement se refuse toujours à engager les réformes nécessaires. On ne peut guère se glorifier de la création d'un conseil d'orientation des retraites, organisme chargé de la synthèse des précédents rapports et qui n'hésitera pas à remettre ses conclusions, comme par hasard à la fin de l'année 2001.

M. Bernard Accoyer.

Tous les moyens sont bons pour gagner du temps !

M. Pierre Morange.

Or c'est dès 2005 que le problème démographique va se poser, nous le savons tous ! Dès lors, ce ne sera plus 110 000 personnes supplémentaires par an qui feront valoir leurs droits à la retraite, mais 250 000, soit plus du double.

On est en droit de se demander pourquoi nos principaux partenaires économiques ont engagé depuis plusieurs années des réformes de grande ampleur tendant à augmenter la durée de cotisation ou à développer des fonds de pensions.

Alors que la réforme des retraites des salariés du secteur privé a été courageusement conduite en 1993 - elle ne concernait que 39 % des dépenses totales de retraite, mais a permis de réduire de 200 milliards la charge de ces régimes d'ici à 2010 -, rien n'a été engagé pour ré former les retraites du secteur public, ce qui a suscité un sentiment d'inéquité chez nos concitoyens. L'immobilisme dans ce domaine ne serait-il pas une version socialiste de l'exception française ? Soyons clairs, si la mise en place d'un nouveau conseil, la commande d'un énième rapport ou la création d'un répertoire national trahissent cette peur de réformer, ce n'est pas ce qu'attendent les Français. Ce que les Français attendent, c'est l'assurance qu'au moment de leur retraite, ils auront bien le revenu de remplacement pour lequel ils ont cotisé. Ils veulent qu'on leur assure une retraite digne. Pour cela, il faut sauver la retraite par répartition et permettre la constitution d'un complément de retraite par capitalisation, comme cela existe déjà pour les fonctionnaires.

Le fonds de réserve des retraites, même s'il atteignait 1 000 milliards de francs en 2020, comme le prétend le Gouvernement, serait encore insuffisant pour répondre aux besoins de financement et ne permettrait, dans le meilleur des cas, qu'un lissage sur quelques années.

Encore faudrait-il que ce fonds cesse d'être virtuel, qu'il prenne enfin forme avec des objectifs précis et un véritable mode de gestion.

Pour l'instant le Gouvernement se limite à l'alimenter de recettes diverses. Pour cette année, il s'agit des recettes issues de la vente des licences UMTS de téléphonie mobile, des excédents du FSV et de la branche vieillesse, de la moitié du prélèvement de 2 % sur le capital, et ce pour atteindre 55 milliards d'ici à la fin 2001. Rappelons que le Conseil d'orientation des retraites s'est inquiété du fait que la seule ressource pérenne du fonds soit le prélèvement de 2 % sur le capital et que la question du placement des sommes ainsi immobilisées n'ait pas encore été tranchée.

Bricolage financier permanent, confusion entre politique sociale, politique fiscale et politique de l'emploi, tels sont les maîtres mots ! On cherche en vain, dans ce texte, la trace d'une véritable politique de santé publique.

M. Bernard Accoyer.

C'est exact !

M. Pierre Morange.

Oui, la politique de santé est la grande absente de ce débat, tout comme elle l'est désormais du budget de la santé ! Hormis la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, que nous approuvons et qui pourrait être étendu à d'autres pathologies, le volet relatif à la politique de santé de ce projet de loi de financement s'apparente plutôt à un DMOS.

En matière d'assurance maladie, le constat n'est pas flatteur. Le chiffrage irréaliste de l'ONDAM, de l'aveu même de la Cour des comptes, ne se traduit pas par une loi de financement rectificative qui tienne compte des dépassements et évolutions.

Le système conventionnel est bloqué. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a souligné l'échec de la politique conventionnelle de la CNAM voulue par le Gouvernement : échec à modifier les pratiques indivi-


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duelles, échec à assurer la régulation des dépenses. Selon la Cour, l'extension du champ de compétence de la CNAM a « débouché à la fois sur un échec et sur une perturbation profonde des relations conventionnelles ».

Les professionnels de santé sont excédés d'être désignés comme les boucs émissaires des objectifs de dépenses non tenus. La réforme de l'hôpital est en panne. Les cliniques privées sont asphyxiées. La politique du médicament est essentiellement répressive, au mépris de la politique conventionnelle mise en place.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Pierre Morange.

En bref, la définition d'une politique de santé, la mise en place d'actions de prévention ainsi que la maîtrise des dépenses ne peuvent se faire contre les professionnels de santé.

Les mesures comptables qui ont été prises cet été par la CNAM avec la complicité du Gouvernement, sans concertation et sur les bases d'un ONDAM qui a été depuis revu à la hausse, ont été ressenties comme une véritable déclaration de guerre par l'ensemble des professionnels de santé qui exercent, dans leur immense majorité, en conscience et avec le sens de leurs responsabilités.

M. Bernard Accoyer.

C'est un coup de poignard donné à leur bonne volonté et à leur dévouement !

M. Pierre Morange.

Les sanctions collectives ont fait la preuve de leur inefficacité ; elles doivent être définitivement abandonnées. C'est pourquoi le Sénat a supprimé le système des lettres clés flottantes et proposé un mécanisme de maîtrise médicalisée des dépenses en rejetant les sanctions collectives en cas de dérapage. Les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables de la demande de soins de la population. Celle-ci va d'ailleurs s'accroître avec l'allongement de la durée de la vie.

Elle va aussi avoir un coût croissant avec l'arrivée de nouvelles techniques médicales, de nouvelles molécules et, bientôt, de la thérapie génique. Le problème de la santé ne peut être abordé sous l'angle exclusif des dépenses.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, les professionnels de santé demeurent très mobilisés, comme le montre la détermination non seulement du Centre national des professions de santé, mais aussi des infirmières et des kinésithérapeutes. Je regrette que les orientations de santé publique soient absentes de ce projet de loi, car c'est à partir de telles orientations que pourrait être bâtie et déclinée, en concertation avec les professions de santé, une véritable politique de santé publique.

Madame la secrétaire d'Etat, je ne vais pas vous surprendre, mon intervention ayant résumé les nombreux points de désaccord : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un mauvais projet, un projet dangereux. Le groupe RPR votera donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

M me Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la semaine dernière, le Sénat a adopté un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 profondément modifié, ce qui ne surprendra personne, et dont nous ne pouvons évidemment partager les orientations.

La droite a ainsi maintenu ses contradictions sur la CSG. Après l'avoir combattue lors de son instauration, tout en s'arrangeant pour qu'elle passe, elle refuse maintenant sa suppression, ainsi que celle de la CRDS sur les salaires les plus modestes. Elle n'a cessé au long des débats de remettre en cause tout ce qui touche à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Exonérer les employeurs de leurs cotisations, accorder des cadeaux et refuser tout contrôle sur l'argent public dont ils bénéficient, ça oui ! Mais réduire le temps de travail des salariés et augmenter leur pouvoir d'achat n'est pas supportable pour nos collègues de droite. C'est donc bien sur ces axes du texte qu'ils se sont acharnés.

S'abritant derrière des propos démagogiques en direction des retraités, la droite a rétabli les fonds de pensions et la loi Thomas, et supprimé la prise en charge des cotisations de préretraites. L'article 22 permettait pourtant de mettre fin à un contentieux de plus de quinze ans avec l'AGIRC et l'ARRCO. Elle a modifié les modalités de gestion du fonds de réserves pour les retraites, afin de l'orienter vers les marchés financiers. En défendant les professions médicales, la droite a tenté de faire oublier que c'est le plan Juppé qui a inventé et mis en place les systèmes de sanctions. Elle s'est posée en défenseur des cliniques privées contre les hôpitaux publics, comme si ces structures s'opposaient.

Dans le droit-fil de son combat idéologique contre les centres de santé, la droite a supprimé la possibilité, pour ces derniers, d'effectuer les prélèvements à fin d'analyses biologiques. Elle a supprimé le fonds d'investissement pour les crèches et tenté de minimiser la responsabilité des employeurs dans les maladies professionnelles. Elle n'a pas hésité, enfin, à réduire les prévisions de recettes, pourtant déjà insuffisantes pour répondre aux besoins.

Pas de surprise, donc. On retrouve bien là la droite du plan Juppé.

Bien entendu, notre majorité va devoir rétablir le texte.

Nous la soutiendrons. Cependant, nous réitérons les préoccupations que nous avons exprimées en première lecture, car trop d'inégalités d'accès aux soins subsistent, trop de besoins demeurent insatisfaits. Nous maintenons que, sans ressources suffisantes, nous ne pourrons pas adopter des mesures dont, pourtant, personne ne remet en cause le bien-fondé.

Je pense à la revalorisation des allocations familiales et à leur attribution dès le premier enfant, à l'indexation des retraites sur les salaires et à leur juste revalorisation. Je pense à un meilleur taux de remboursement des soins, n otamment des lunettes, pour tous, des prothèses dentaires et auditives, des appareils pour handicapés.

En effet, le forfait hospitalier et le niveau de remboursement insuffisant figurent parmi les raisons de l'exclusion des soins. Outre le fait que cela pèse sur les mutuelles, sans couverture complémentaire les familles modestes, les personnes âgées doivent trop souvent renoncer. C'est pour cette raison que nous reviendrons sur l'extension de la couverture maladie universelle. Je l'ai déjà dit lors de l'examen du budget de la santé, il ne nous paraît pas acceptable que, dans ce domaine, on réduise l'effort qui avait été initialement prévu ici.

Je pense également à une politique plus ambitieuse pour les hôpitaux, dont les personnels souffrent des conditions de travail trop pénibles, des difficultés à accueillir et soigner correctement les patients, y compris dans des délais raisonnables.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

Je pense à la nécessité de former davantage d'infirmières, de professionnels de santé, de médecins, particulièrement dans des spécialités où ils sont notoirement insuffisants, surtout si l'on a la volonté de mettre en place les 35 heures. J'ai évoqué la situation des médecins du travail lors du débat budgétaire. Je n'y reviens pas.

Je voudrais, à cet égard, aborder une question qui préoccupe vivement les victimes de l'amiante et leurs familles. Il s'agit d'une disposition introduite « à la sauvette » par un amendement déposé au dernier moment et qui interdirait à une personne bénéficiant du fonds d'aide aux victimes de l'amiante certaines actions juridictionnelles futures. Nous ne souhaitons pas que notre assemblée persiste dans cette voie, qui conduirait à déresponsabiliser un peu plus les employeurs, tant pour les victimes de l'amiante qu'au-delà, pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse.

Progresser dans la prévention, comme dans l'accès aux soins, cela ne peut se faire sans financements suffisants. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé à nouveau des amendements proposant un autre mode de calcul des ressources de la sécurité sociale, à la fois plus juste et plus durable, favorable à l'emploi et à l'augmentation de l'enveloppe. Pourquoi continuer à esquiver la discussion sur ce point ? Que ce soit ici ou dans le pays, il s'agit de questions fondamentales qui méritent un large débat, voire des négociations.

C'est dans cet esprit que nous avions proposé le rétablissement des élections des représentants des assurés sociaux au conseil d'administration des organismes de protection sociale. Pourquoi persistez-vous à le refuser ? Si je reprends les différentes réponses qui nous ont été faites, je note que sont invoqués, tour à tour, les coûts d'organisation de ces élections je ne fais pas de commentaires ! - et le risque d'abstention. Jeudi dernier, au Sénat, Mme Ségolène Royal a même affirmé : « Le choix de la démocratie sociale a été fait depuis 1996 » ! Je ne sais pas ce qu'il faut comprendre : est-ce depuis les ordonnances Juppé ? Celles-ci ont non seulement supprimé les élections des représentants des assurés sociaux, mais encore considérablement réduit la place de ces derniers. Ce n'est ni sérieux, ni responsable au moment où, ici comme partout dans le pays, on regrette un déficit de dialogue social.

Beaucoup trop de dispositions imposées par M. Juppé et ses amis sont toujours en place. Pourtant, si le pays a souhaité une autre majorité, c'est évidemment pour i mpulser d'autres choix, particulièrement dans ces domaines. A trop tarder à les enclencher, on fait naître des désillusions dangereuses.

Notre majorité a, ensemble, mis en chantier des réformes audacieuses fondées sur des valeurs de progrès, d'amélioration de la vie des femmes et des hommes de ce pays. La réduction du temps de travail, la couverture maladie universelle, l'accès à l'emploi des jeunes et la diminution du chômage en sont autant de marques. Tout nous invite à poursuivre avec plus d'ambition dans l'action contre les inégalités, particulièrement en cette période où la conjoncture économique s'est améliorée.

Nous voulons croire que le débat sur la protection sociale permettra non seulement de rétablir ce que la droite sénatoriale a démantelé, mais aussi d'améliorer encore le texte d'origine pour que la sécurité sociale soit en mesure de répondre aux besoins réels exprimés du pays.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Maxime Gremetz.

Encore !

M. Denis Jacquat.

Je suis polyvalent !

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est plus le « monopole du coeur », c'est le monopole de la parole !

M. Denis Jacquat.

En première lecture, le relèvement du plafond de ressources ouvrant droit à la CMU a été annoncé : il doit passer de 3 500 à 3 600 francs. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cependant, cette mesure sera sans effet à court terme pour les bénéficiaires des minima sociaux et de l'AAH, puisque, le 1er janvier 2001, ces prestations passeront de 3 573,33 francs par mois à 3 652,49 francs compte tenu de la revalorisation de 2,2 % qui a été annoncée. Pour 52,49 francs par mois, ces personnes perdront la CMU.

Madame la secrétaire d'Etat, il faut au minimum aligner le plafond de la CMU sur le montant des minima sociaux et de l'AAH. Nous l'avions déjà dit lors du débat sur la CMU. Une meilleure solution serait de faire coïncider le niveau de la CMU et celui du seuil de pauvreté, fixé par l'INSEE à 3 800 francs par mois.

M. Maxime Gremetz.

C'est ce que nous avions proposé !

M. Denis Jacquat.

Il faudrait surtout que sa sortie soit dégressive et ne risque pas d'être provoquée par l'effet d'un seuil couperet. Telles étaient nos propositions lors de la mise en place de la CMU : je les formule de nouveau ce soir.

Par ailleurs, certaines associations, dont l'UNIOPSS, demandent le report de la date limite de passation des conventions tripartites pour les établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes.

M. Maxime Gremetz.

C'est vrai !

M. Denis Jacquat.

Le report au 31 décembre 2003 est en effet indispensable pour permettre à ces établissements de continuer à accueillir des personnes âgées dépendantes au-delà du 27 avril 2001. Cette date du 31 décembre 2003 paraît réaliste, compte tenu des 10 000 établissements concernés par la réforme.

Par ailleurs, il est important que soit précisé le statut d es conventions tripartites. En effet, le texte de l'article 5-1 de la loi du 30 juin 1975 n'est pas explicite sur ce point. Pour les services du ministère, pour la CNAM et pour les principales organisations représentatives de gestionnaires d'établissement à but non lucratif, ces conventions sont un préalable indispensable pour basculer dans la réforme de la tarification des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes.

Pour le juge de la tarification sanitaire et sociale, qui devra se prononcer d'office sur cette question lorsqu'il sera saisi d'un litige tarifaire portant sur les années 2000 et suivantes, la solution pourrait être différente. Ainsi, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir formé contre les décrets et arrêtés du 26 avril 1999, le maître des requêtes au Conseil d'Etat concerné avait pris clairement position contre l'interprétation du ministère et avait considéré que les conventions tripartites n'étaient pas un préalable pour basculer dans la réforme de la tarification.

Le Conseil d'Etat n'a pas tranché cette question, mais, pour éviter toute difficulté à venir, il est de notre devoir de préciser clairement que les conventions tripartites sont un préalable indispensable au changement du mode de tarification.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2000

M. Maxime Gremetz.

C'est ce que vos amis du Sénat ont supprimé ! Il faut rétablir cela !

M. Denis Jacquat.

Monsieur Gremetz, le problème des conventions tripartites a été examiné dans d'autres lieux ; actuellement, il y a un problème pour les acteurs de terrain.

M. Maxime Gremetz.

Mais l'UNIOPSS ?

M. Denis Jacquat.

Ma troisième remarque concerne la rémunération des aides à domicile qui a été évoquée to ut à l'heure par mon collègue Yves Bur.

La rémunération des aides à domicile, dans le cadre des services de maintien à domicile des personnes âgées, doit être revue d'urgence. Actuellement, ces personnes sont payées au SMIC pendant leurs onze premières années de travail. Pour mémoire, il y a quelques années, elles percevaient 110 % du SMIC. Elles souhaitent fort logiquement un retour au pourcentage antérieur, en rappelant que leurs rémunérations stagnent alors que l'on exige de plus en plus d'elles.

Je terminerai en rappelant la demande que formulait hier encore, en commission des affaires sociales, mon collègue Pierre Hellier à propos de la gynécologie médicale.

M. Jean-Pierre Foucher.

Il a raison !

M. Denis Jacquat.

Le sujet a été largement débattu hier et je n'y reviendrai pas. Mais, à un moment où l'on parle de contraception et d'IVG, il est de notre devoir de penser à la gynécologie médicale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 2732, de financement de la sécurité sociale pour 2001 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Rapport no 2739).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT