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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 9353).

2. Questions orales avec débat (p. 9353).

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Questions de : MM. Daniel Chevallier, Thierry Mariani, Félix Leyzour, Jacques Rebillard, suppléant M. Bernard Charles, Mme Nicole Ameline et M. François Sauvadet.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Rappel au règlement (p. 9370)

MM. Patrick Ollier, le ministre.

Reprise de la discussion (p. 9371)

Mme Béatrice Marre,

MM. Alain Marleix, André Lajoinie, François Sauvadet, Georges Sarre, Pierre Cardo, Jean Gaubert, Didier Julia, Jean-Michel Marchand, Hervé de Charette, Alain Rodet, Patrick Ollier, Daniel Vachez, Joseph Parrenin.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; Mme la secrétaire d'Etat, M. le secrétaire d'Etat, M. le ministre.

Clôture du débat.

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 9389).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9389).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

VICE-PRÉSIDENT

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel deux lettres m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs, d'une part, et plus de soixante députés, d'autre part, ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

2

QUESTIONS ORALES AVEC DÉBAT Sécurité alimentaire

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de six questions orales avec débat sur la sécurité alimentaire.

Mes chers collègues, avant d'appeler la première de ces six questions, je crois utile de vous donner quelques indications sur le déroulement de notre séance. Nous allons, en effet, renouer avec une procédure qui ne vous est peut-être pas totalement familière, puisque la dernière séance de questions orales avec débat remonte au printemps 1978.

Conformément aux décisions prises par la conférence des présidents, en application de l'article 134 du règlement, nous allons procéder de la manière suivante.

Je donnerai tout d'abord la parole à l'auteur de chaque question - ou à son suppléant -, pour dix minutes, puis au Gouvernement pour une première série de réponses.

Les orateurs inscrits dans le débat interviendront ensuite, avant une seconde série de réponses du Gouvernement.

J'appelle l'attention de mes collègues et des membres du Gouvernement sur la nécessité d'être aussi concis que possible, compte tenu du nombre d'orateurs inscrits dans de ce débat. Je ferai respecter strictement les temps de parole.

M. Daniel Chevallier a présenté une question, no 1236, ainsi rédigée :

« M. Daniel Chevallier expose à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche qu'au cours de la semaine d u 7 novembre 2000, les Français ont pris conscience de l'étau dans lequel les place l'encéphalopathie spongiforme bovine, pathologie du cheptel bovin révélée au début des années 1990 mais en fait certainement plus ancienne, sa forme primitive, la

« tremblante du mouton », ayant été observée à l'état endémique dès le XVIIIe siècle. Cette situation place la France devant un défi : comment, puissance de référence en Europe en matière agricole, peut-elle prendre dans le contexte actuel des options qui soient elles aussi des options « de référence » pour nos autres partenaires ? La « crise de l'ESB » est à la fois un défi de santé publique, un défi agricole et un défi de consommation. Des mesures ont déjà été annoncées par le Gouvernement. Un délai sera cependant nécessaire pour qu'elles produisent leur plein effet. Au cours de cette période, des logiques doivent être inversées et des contre-mesures adoptées, comme cela a pu être fait sur le plan agricole avec la loi d'orientation de 1999 et le contrat territorial d'exploitation, possible instrument de cette agriculture productive mais équilibrée, raisonnée, à laquelle cette crise nous rappelle. Il faut donc adresser aux Français, avec le Gouvernement, un message de confiance, mais aussi de vigilance et poser les questions suivantes. En matière de santé publique tout d'abord : quelle évaluation peut-on faire des enjeux de santé publique de cette crise et de ses enjeux de recherche ? Quelle mobilisation de moyens implique la contagion à l'homme de cette épizootie ? Quelle estimation objective du risque peut-on faire, selon les personnes et les situations, et quelles sont les ressources disponibles en termes d'information du public et de pratiques médicales ? S'agissant en deuxième lieu des farines animales : quelles sont les données concernant l'introduction, l'importation et l'utilisation éventuelles en France de farines d'origine britannique après leur interdiction par les pouvoirs p ublics ? Quels procédés sont disponibles pour inventorier, cantonner, puis éliminer les importants stocks subsistant sur notre territoire ? Les conséquences pour la production agricole ensuite : la gestion de la filière élevage-transformation est d'une part en jeu. En matière de dépistage de l'ESB, quelle stratégie retient le Gouvernement, entre des tests systématiques et un dépistage statistique ? De même, les méthodes d'assainissement du troupeau en fonction de ces tests seront-elles révisées ou confirmées ? Quelles seront les instructions aux services vétérinaires contrôlant l'élevage mais aussi la transformation, et particulièrement les abattoirs ? L'interdiction


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générale des farines animales va par ailleurs soulever la question de leur remplacement par des apports protéiques végétaux : comment le Gouvernement appréhende-t-il ce problème, notamment au regard de l'immunité à la présence d'organismes génétiquement modifiés et, d'autre part, en fonction des conditions des approvisionnements européens résultant de l'accord de Marrakech de 1994 ? Enfin, et plus généralement, comment « désintensifier » et sécuriser une certaine part de notre agriculture ? Quelle serait en particulier l'appréciation sur des contrats territoriaux d'exploitation dans l'élevage orientés vers la sécurité et la fiabilité ? En ce qui concerne la protection des consommateurs : est-il possible d'assurer qu'à mesure de l'avancée des c onnaissances scientifiques concernant l'ESB, la chaîne alimentaire a fait l'objet de mesures de précaution appropriées, notamment au regard de la protection des consommateurs ? S'agissant plus particulièrement de la distribution, comment peut-on mettre à contribution les moyens importants et le crédit dans le public dont dispose la grande distribution, qui a fait preuve dans cette crise d'un réel esprit de responsabilité ? Quel rôle enfin peut être confié aux associations de consommateurs pour rest aurer cette confiance profondément entamée ? Enfin, sur un plan européen, quelles propositions peuvent être avancées, en relation notamment avec l a présidence française de l'Union européenne, valant contribution à une amélioration de la réglementation et de l'organisation communautaires en matière de sécurité de la filière alimentaire ? » La parole est à M. Daniel Chevallier pour poser sa question à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Daniel Chevallier.

Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'histoire retiendra que c'est au cours de la semaine du 7 novembre 2000 que les Français ont pris conscience de l'étau dans lequel les place une maladie du cheptel bovin, révélée en Grande-Bretagne en 1985 et en France au début des années 90, mais certainement plus ancienne, puisque sa forme primitive, la forme ovine, a été observée à l'état endémique dès le

XVIIIe siècle.

L'histoire retiendra aussi qu'il aura fallu une conjonction étonnante de circonstances et de conditions pour que cette pathologie, la maladie à prions, confimée pendant plusieurs siècles, envahisse véritablement le monde animal et arrive à franchir, sous la forme d'encéphalopathie spongiforme bovine, la « barrière d'espèce » qui, nous le pensions peut-être à tort, allait protéger l'homme.

Comme tous les phénomènes globaux, cette prise de conscience est redoutable. Elle est à même, si l'on n'y prend garde, de ravager tout un secteur économique et de nombreux aspects de notre quotidien : alimentation ; rapports à l'animal ; rapports entre personnes, si la contamination d'homme à homme est avérée. Mais le sens des responsabilités nous conduit à ne pas céder à une quelconque inquiétude, ni à un quelconque abattement ou affolement. Il n'est pas question non plus de verser dans l'autosatisfaction ou dans un contentement gratuit. Et si nous devions énoncer un seul défi auquel nous confronte cette crise, c'est bien le suivant : comment la France, puissance de référence en Europe en matière agricole et a gro-alimentaire, peut-elle prendre, dans le contexte actuel, des options qui serviront, là encore, de référence à ses partenaires ? Cette question intéresse bien sûr le ministre de l'agriculture mais, au-delà, elle intéresse autant le ministre chargé de la santé que celui chargé de la consommation ; en réalité, le Gouvernement tout entier est interpellé. Car n'en doutons pas, face à une préoccupation primordiale de nos concitoyens, celle de la sécurité alimentaire, certains guettent, supputent, et sont prêts à faire passer la démagogie avant le réalisme responsable. Alors, comment relever ces défis ? Ce qu'on appelle la « crise de l'ESB » est assurément un défi de santé publique. Nos concitoyens souhaitent savoir quels risques ils courent, selon les personnes, les situations et les comportements - notamment alimentaires ; nous devons, avec les scientifiques et par une communication simplifiée et compréhensible, leur livrer l'état actuel des connaissances. La transparence s'impose et passe par un effort d'explication et de vulgarisation.

Défi de santé publique, mais aussi défi de consommation : la « chaîne de confiance » qui va du producteur à chacun d'entre nous a été fortement ébranlée. Elle ne peut être rétablie à l'identique et il faudra lui apporter des adaptations, voire des corrections. Tous les acteurs de la filière alimentaire sont concernés et doivent se mobiliser, en nous disant ce qu'ils font et en faisant ce qu'ils disent.

Mais aussi et surtout, défi agricole : notre agriculture, certains collègues le souligneront, s'est édifiée sur un modèle « producteur ». A la Libération, alors que le rationnement sévissait encore, elle a permis de répondre aux besoins et même de voguer vers une certaine abondance - à travers la consommation - et vers un certains rayonnement - à travers l'exportation. Seulement, notre système agricole a entretenu de sulfureuses relations avec

« l'intensivité » et le productivisme : toujours plus, toujours plus de rendement, toujours plus d'hectares et toujours moins d'exploitations. Nous réglons sans doute aujourd'hui une partie de cette facture.

Ces trois dimensions ne peuvent pas être évacuées de l'examen de conscience auquel nous conduit la crise de l'ESB.

Des mesures ont déja été annoncées par le Gouvernement concernant les farines animales, les contrôles de la fillière de production et de transformation et les conditions de commercialisation de la viande de boeuf. Elles vont dans le bon sens, mais un délai sera forcément nécessaire pour que s'instaurent de nouvelles relations de confiance. Pourquoi en est-on arrivé là ? D'une part, parce que, très vraisemblablement, les plus grands risques sont derrière nous. Mais si éloignés soientils, c'est maintenant que leurs conséquences vont se manifester.

D'autre part, parce que, dans les deux, quatre, cinq ans ou au-delà, nous devrons voisiner, d'un côté, avec le foyer historique de cette contamination, outre-Manche, et de l'autre, avec des pays qui, pour des raisons diverses, découvrent ou vont découvrir le fléau. Les derniers évènements semblent aller dans ce sens ; un dépistage systématique - que nous avons été les premiers à mettre en place - devrait malheureusement démontrer que la dimension de ce dossier est bien européenne. Mais notre pays, porteur d'une certaine référence agricole, et donc d'une responsabilité morale, se devait d'agir et de réagir.

Ainsi la politique agricole impulsée depuis 1997 et confirmée à travers la loi d'orientation de 1999 tourne-telle le dos aux velléités nous ayant longtemps habités. Si nous le voulons, le contrat territorial d'exploitation peut être l'instrument de cette agriculture productive mais équilibrée, raisonnée, à laquelle cette crise nous appelle.


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A la lumière de toutes les investigations effectuées, celles de deux commissions d'enquête parlementaires en 1996 et 1999, celles, permanentes, du ministère de l'agriculture et, depuis 1998, celles de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, le système français apparaît, sinon sans faille - la fraude peut malheureusement s'installer à tout moment dans une filière dont les acteurs sont très nombreux -, du moins « à la hauteur ».

A nos concitoyens inquiets, et avec le Gouvernement, notre message est donc un message de confiance, mais aussi de vigilance. Assurément, dans les cinq ans à venir, des précautions devront être prises et des réaménagements effectués.

Tout d'abord, madame la secrétaire d'Etat, comment évaluez-vous les enjeux de santé publique de cette crise et ses enjeux de recherche ? Quelle mobilisation de moyens implique, selon vous, la contagion à l'homme de cette épizootie ? Quelle estimation objective du risque peut-on faire, selon les personnes et les situations ? Ensuite, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, quelles données possédez-vous concernant l'introd uction, l'importation et l'utilisation éventuelles en France de farines animales d'origine britannique après leur interdiction par les pouvoirs publics ? Quelle évaluation peut-on faire du risque résultant des échanges économiques dans lesquels la France reste impliquée ? Car il ne suffit pas d'interdire, de réglementer chez nous, si l'importation de produits douteux continue. Par ailleurs, l'interdiction des farines animales nous amènera sans doute à résoudre la question de leur remplacement par d'autres apports protéiques, notamment végétaux. L'inquiétude est grande de voir les OGM introduits sous la contrainte dans l'agroalimentaire ; ce serait une erreur et ce serait inacceptable. Pouvez-vous enfin nous préciser, monsieur le ministre, les dispositions envisagées pour gérer les stocks de farines animales et contrôler leur destruction ? Venons-en à la protection des consommateurs. La combinaison des tests de contrôles - on peut espérer demain découvrir un marqueur sanguin - et de l'élimination des matériaux à risques spécifiés devraient, pourvu que les moyens suffisants d'action et d'intervention soient mis en place, prouver que le principe de précaution n'est ni un concept abstrait ni un élément de blocage lorsqu'il est étayé par la rigueur scientifique. Sur ce point, mesdames, messieurs les ministres, nous devons être déterminés à faire en sorte que les mailles du filet soient les plus resserrées possible.

Pour nos éleveurs et pour la filière d'abattage, le désarroi est grand. Au-delà des réformes structurelles précédemment indiquées, nous devons dégager les aides nécessaires pour permettre aux professionnels de faire face à court et moyen terme. Nul ne conteste que cet effort relève de la solidarité nationale mais aussi européenne, notamment en cette période de présidence française.

Cette dernière devrait d'ailleurs apporter une contribution pertinente à l'amélioration de la réglementation et de l'organisation communautaire en matière de sécurité de la filière alimentaire.

Ces questions et ces remarques passent au crible les intentions du Gouvernement. Mais ce sont les questions et les remarques de nos concitoyens et vos réponses, mesdames, messieurs les ministres, permettront sans aucun doute de les éclairer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Merci, monsieur Chevallier, d'avoir respecté votre temps de parole.

M. Thierry Mariani a présenté une question, no 1237, ainsi rédigée :

« M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les crises alimentaires que la France connaît depuis quelques années, et notamment sur l'inquiétude croissante des consommateurs de viande bovine. Le principe de précaution doit guider l'action des pouvoirs publics, tant au niveau national qu'au niveau communautaire. Le Gouvernement a annoncé la généralisation des tests de dépistage des bovins. Ces tests concerneraient un million et demi de bêtes. Aussi lui demande-t-il de lui faire savoir de manière précise les crédits qu'il entend inscrire au budget de l'Etat, et selon quel calendrier, pour permettre la mise en oeuvre effective, efficace et rapide de la généralisation des tests. »

La parole est à M. Thierry Mariani pour poser sa question à M. le Premier ministre.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat revêt une importance toute particulière dans notre pays.

J'interviendrai au nom des trois groupes de l'opposition.

Les questions liées à la sécurité alimentaire figurent parmi les principales préoccupations de nos concitoyens.

Depuis vingt ans, nos habitudes alimentaires ont connu de profondes mutations. L'évolution des modes de vie, le nombre accru de personnes vivant seules, les temps de transports entre le travail et le domicile ont fait évoluer nos habitudes de consommation vers des produits de plus en plus élaborés, déjà cuisinés, souvent surgelés. Dans le même temps, la désertification rurale et la perte de repères de nos concitoyens quant à l'origine et au bon usage des aliments ont coupé une partie de la société française de ses racines. Nous sommes donc passés à une production de masse qui rend possible aujourd'hui une contamination de masse.

Les dernières crises alimentaires que nous avons tous en mémoire, à savoir celles des « veaux aux hormones »,

« poulets à la dioxine », « fromages à la listeria », « rillettes à la salmonelle » et, surtout, la crise liée à la maladie de la vache folle ont fait naître et grandir chez nos concitoyens une inquiétude sur la qualité des aliments qu'ils consomment.

Cette inquiétude, cette perte de confiance doivent trouver des réponses, au premier rang desquelles figure l'application ferme et responsable du principe de précaution et le soutien économique à la filière - aspect qui sera traité par mon collègue François Sauvadet.

Respecter le principe de précaution, c'est prendre conscience qu'en matière scientifique il faut mettre en balance les connaissances acquises et le doute, le connu et l'inconnu, les menaces et les bienfaits. C'est aussi donner toute sa place à l'expertise scientifique pour appuyer les décisions politiques.

C'est ce que nous avons toujours fait quand nous étions aux affaires. Nos décisions, lors de la première crise de la vache folle, en attestent. Je souhaiterais les rappeler et rétablir ainsi certaines vérités sur ce que le précédent gouvernement a fait.

Dès 1994, le gouvernement d'Edouard Balladur a débloqué les crédits indispensables au développement de la recherche scientifique sur le prion, sous l'impulsion de François Fillon.

Dans un arrêté du 1er août 1995, modifié en septembre, le gouvernement d'Alain Juppé a interdit l'introduction en France de viande bovine fraîche provenant du Royaume-Uni.


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Le 20 mars 1996, la Grande-Bretagne a annoncé avoir établi un lien entre l'encéphalopathie spongiforme bovine et une nouvelle variante de la maladie de CreutzfeldtJakob. Dès le lendemain, soit le 21 mars, un nouvel embargo est décrété sur les importations de bovins et de produits bovins britanniques.

Une semaine plus tard, à l'initiative de la France, cet embargo est étendu au niveau communautaire et la réglementation sur l'interdiction d'importer des farines animales et de les utiliser pour l'alimentation des bovins est renforcée.

Dans le même temps, afin de garantir la sécurité alimentaire et en application du principe de précaution, le même gouvernement d'Alain Juppé a pris une série de mesures limitant considérablement la commercialisation des abats bovins.

Le 10 avril 1996, un décret a prévu que les aliments pour bébé et les compléments alimentaires destinés à la consommation humaine ne pouvaient être ni fabriqués, ni importés s'ils contenaient certains tissus ou liquides corporels d'origine bovine, tels que le cerveau, la rate, les amygdales, le thymus, pour ne prendre que ces exemples.

Deux jours plus tard, un arrêté du 12 avril a retiré de la chaîne alimentaire l'encéphale, la moelle épinière, le thymus, les amygdales, la rate et les intestins des bovins nés avant le 31 juillet 1991.

Il s'agissait ici d'instaurer un délai de sécurité d'un an à compter de l'interdiction d'incorporation des farines animales dans l'alimentation bovine arrêtée le 24 juillet 1990.

Un arrêté en date du 13 juin 1996 a ensuite ajouté à la liste des abats retirés de la chaîne alimentaire les yeux de l'animal et prévu que les bovins d'importation introduits en France avant la date du 31 juillet 1991 étaient, eux aussi, concernés par la mesure retenue le 12 avril.

Plusieurs autres arrêtés, le 28 juin 1996, le 10 septembre et le 17 septembre 1996 ont renforcé le dispositif de précaution afin d'assurer la sécurité sanitaire des produits destinés à la consommation humaine.

C'est ainsi, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, que nous avons pris les mesures qui s'imposaient, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque. Nous les avons prises avec rapidité, fermeté et détermination. Sans vouloir polémiquer, on ne peut pas en dire autant sur votre gestion de la crise actuelle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Dommage que cela vous fasse sourire, monsieur le ministre !

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

D écidément, vous ne changerez jamais, monsieur Mariani ! Heureusement que vous avez dit : sans polémiquer !

M. Thierry Mariani.

Si le rappel des faits vous dérange, j'en suis désolé ! Ce sont les atermoiements du Gouvernement, les déclarations contradictoires des uns et des autres au sein de votre majorité, les contradictions, enfin, entre les paroles rassurantes prononcées dans cet hémicycle et la décision d'interdire de consommer du boeuf dans les cantines prise par certains députés-maires de votre majorité, qui ont contribué au développement de la psychose que nous connaissons aujourd'hui.

Au-delà de l'application sans faille du principe de précaution, plusieurs pistes peuvent être explorées afin d'améliorer la sécurité alimentaire et de rassurer les consommateurs.

En 1997, le précédent gouvernement avait suscité le dépôt au Sénat d'une proposition de loi visant à créer une agence française de sécurité des produits alimentaires.

Ce n'est qu'en 1998 que cette idée a été reprise par votre majorité. Nous avons bien entendu salué la création de l'AFSSA, tout en regrettant qu'elle ne dispose pas de p ouvoirs suffisamment étendus. Aujourd'hui, une réflexion devrait s'engager afin de renforcer les compétences de l'agence selon trois principes.

D'abord, il conviendrait, à notre sens, de séparer l'expertise et la décision. De nouvelles procédures devraient être mises en place pour le permettre.

Ensuite, il conviendrait de réaffirmer qu'en situation de crise, il appartient aux politiques de prendre les mesures de précaution qui s'imposent. L'embargo sur la viande britannique, décrété par la France en 1996, doit nous servir d'exemple.

Enfin, il conviendrait, à terme, de mettre en place des institutions réellement compétentes. En devenant des pôles de référence reconnus, les institutions chargées d'assurer la veille sanitaire en matière de sécurité alimentaire permettraient de gérer ces questions essentiellement scientifiques, sur lesquelles, il faut bien l'avouer, nous n'avons que peu de prise, au-delà même de nos clivages politiques. A ce titre, l'agence Food and drugs, aux EtatsUnis, constitue une référence, même si elle n'est pas transposable à l'identique dans notre pays.

M. Jacques Rebillard.

Aux Etats-Unis, ils ont le boeuf aux hormones !

M. Thierry Mariani.

Cependant, la question des pouvoirs propres du directeur de l'AFSSA mérite d'être posée.

Notre collègue Nicole Ameline centrera son intervention sur l'aspect européen du problème, mais je souhaite en dire, moi aussi, quelques mots.

La France, chacun le sait, est placée dans un marché mondialisé et dans un espace européen de libre circulation des personnes, des capitaux et des produits, y compris alimentaires. Il serait donc vain de croire que nous pourrions à nous seuls, dans notre coin, apporter toutes les solutions aux questions posées par les problèmes de sécurité alimentaire. Nous devons en conséquence progresser dans l'harmonisation de nos règles et de nos procédures de contrôle.

A ce titre, la création d'une autorité alimentaire européenne me semble constituer une première étape indispensable. Il s'agit de rassurer les citoyens européens en leur offrant, dans un marché libre et responsable, non pas un risque accru, mais au contraire une sécurité renforcée en matière alimentaire.

La traçabilité des produits, c'est-à-dire la possibilité pour le consommateur de suivre leur parcours tout au long de la chaîne alimentaire, doit, elle aussi, être renforcée. Elle est essentielle dans la mesure où elle permet, d'une part, de réagir efficacement en matière de contamination et, d'autre part, de rechercher les responsabilités en cas d'accident. C'est ainsi qu'il convient de se doter de règles imposant un étiquetage clair et lisible des aliments et d'engager au niveau européen une réflexion entre pouvoirs publics et professionnels sur les labels de qualité et les mentions portées sur les produits. Aujourd'hui, force


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est de constater que l'on s'y perd un peu. Simplification et moralisation des pratiques, tels sont les deux principes qui doivent guider le renforcement de la traçabilité.

Bien sûr, il ne faut pas être dupe, en matière de sécurité des aliments, le « zéro défaut, zéro risque » ne peut être atteint. Il y aura toujours des abus, toujours des accidents, toujours des fraudes.

Sur ce dernier point, nous considérons que les fraudeurs devraient être poursuivis et sanctionnés au-delà des peines actuellement prévues. Il est en effet particulièrement choquant que certains, pour des raisons économiques, jouent avec la santé, voire la vie, de nos concitoyens.

Mesdames et messieurs les ministres, ces quelques réflexions présentées au nom des trois groupes de l'opposition, RPR, UDF et DL, traduisent ce que nous considérons comme une politique efficace et responsable en matière de sécurité alimentaire. Celle-ci figure parmi les compétences régaliennes de l'Etat, au même titre que la sécurité des biens et des personnes, l'éducation ou la défense. Notre devoir est de nous donner les moyens d'offrir à nos concitoyens le maximum de respect et de vigilance en ce domaine.

Vous avez décidé, monsieur le ministre de l'agriculture, d'étendre les tests de dépistage à l'entrée des abattoirs.

Nous en prenons acte avec satisfaction. Cependant, les auditions auxquelles a procédé l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques ont fait ressortir que cette mesure pourrait concerner un million et demi de bêtes pour un coût unitaire qui pourrait se situer aux alentours de 1 500 francs.

Ma question sera donc double : pouvez-vous, d'une part, nous confirmer ces chiffres et, d'autre part, nous faire connaître avec précision les moyens que vous allez affecter à la généralisation de ces tests, et selon quel calendrier ?

M. le président.

M. Félix Leyzour a présenté une question, no 1240, ainsi rédigée :

« M. Félix Leyzour attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le plan gouvernemental d'urgence de soutien à la filière bovine présenté mardi 21 novembre 2000. Il s'agit d'un dispositif d'attente tant les inconnues sont grandes concernant la reprise de la consommation en France, les possibilités d'exporter, les débouchés possibles pour les éleveurs, le niveau de chute des cours, la durée de la crise. Pour ce qui est des sala-r iés de la filière, une réunion est prévue le 24 novembre 2000. Il semble d'ores et déjà que le dispositif de chômage partiel sera envisagé dans les conditions les plus favorables. La situation actuelle est grave et il n'est pas possible de l'évoquer sans revenir sur les conditions dans lesquelles, à partir du sommet de l'Etat, par calcul de positionnement politique en vue d'échéances électorales à venir, il a été solennellement pris appui sur les légitimes préoccupations des consommateurs, ce qui a contribué à amplifier la psychose qui s'est emparée du pays, créant ainsi une situation préjudiciable aux intérêts des consommateurs, des éleveurs, des salariés de l'agroalimentaire, aux intérêts du pays. Il souhaite qu'il lui rappelle la teneur précise du programme de dépistage avec tests, en France et dans les autres pays européens, et la nature du compromis minimal sur lequel les ministres européens se sont accordés.

Comme chacun le sait, les farines carnées continueront d'entrer dans l'alimentation des non-ruminants dans la plupart des pays européens. Et les bêtes ainsi élevées seront exportables. Elles laisseront également une meilleure marge bénéficiaire aux éleveurs des autres pays qu'à leurs homologues français contraints d'utiliser davantage de protéines végétales. Aussi il souhaite qu'il lui fasse connaître le contenu des nouvelles propositions qu'il entend défendre au Conseil agricole du 4 décembre 2000 pour desserrer l'étau dans lequel se trouve notre agriculture. Il lui rappelle l'ensemble des mesures que la commission d'enquête sur la transparence et la sécurité dans la filière alimentaire française avait avancées, sachant que le contexte auquel il était fait référence a été modifié.

Mais il n'en demeure pas moins vrai que certaines de ces propositions peuvent encore servir de base à des actions permettant d'apporter des réponses à des préoccupations concernant la sécurité sanitaire de la filière. »

La parole est à M. Félix Leyzour pour poser sa question à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, la filière bovine, avec tout ce qui s'y rattache, traverse une crise sans précédent. Depuis plus d'un mois, les consommateurs se méfient de la viande de boeuf, ils la boudent et certains ont même cessé d'en consommer. La conséquence en est que les abattages de bovins ont chuté de moitié. Des animaux prêts à la vente ne trouvent plus preneur et les éleveurs sont obligés de les garder sur l'exploitation, ce qui augmente le coût de l'alimentation des troupeaux. Les bêtes qui sont malgré tout vendues voient leur prix baisser de 20 à 30 %, quand ce n'est pas de moitié.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Félix Leyzour.

La situation est donc extrêmement difficile pour des dizaines de milliers d'éleveurs.

Quant aux abattoirs, leur baisse d'activité, selon certains industriels de la viande et selon les organisations syndicales, mettrait en danger l'avenir professionnel de quelque 8 000 salariés, dont certains connaissent déjà le chômage partiel.

Partie d'une information relative à la saisie d'une vache atteinte d'ESB à l'entrée d'un abattoir et au retrait de la chaîne alimentaire de viandes pour lesquelles il pouvait y avoir des doutes, partie donc d'une situation qui montrait que le système de détection et de traçabilité avait bien fonctionné, la peur de manger de la vache folle s'est amplifiée de manière irrationnelle. Sans doute, certains, considérant que leur image dans la distribution était ternie par ce qui venait de se passer, ont-ils fortement actionné l'alarme pour prouver leur vertu. Il est à regretter aussi que, du plus haut sommet de l'Etat, on ait cru devoir capter l'émotion populaire par positionnement politique et prendre appui sur les légitimes préoccupations des consommateurs, contribuant ainsi à amplifier la psychose qui s'est emparée du pays.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Hervé de Charette.

Très mal !

M. Félix Leyzour.

On ne sait pas encore tout sur l'ESB ni sur le prion auquel est liée la maladie. Il est toutefois établi que le prion s'est transmis aux bovins principalement par l'alimentation, quand les fabricants d'aliments du bétail, au Royaume-Uni, ont abaissé, à la fin des années 70, pour une question de profit, les exigences de traitement des farines de viande destinées aux animaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

Le libéralisme à la manière de Mme Thatcher, dont tous les adeptes ne sont d'ailleurs pas outre-Manche, a donc de lourdes conséquences aujourd'hui.

L'épidémie, chacun le sait, a commencé dans les années 80 en Grande-Bretagne. Le premier cas d'ESB a été connu en France en 1991. Notre pays n'est pas resté inerte face à la maladie de la vache folle et à la maladie de Creutzfeld-Jakob : depuis 1990, les farines animaless ont interdites dans l'alimentation des bovins ; depuis 1996, les farines pouvant entrer dans l'alimentation des porcs, des volailles et des poissons ne doivent pas contenir de matériaux à risque, qui sont détruits ; depuis 1998, les farines subissent un traitement thermique inactivant.

L'apparition de cas d'ESB chez les ruminants nés après l'interdiction des farines animales dans leur alimentation a soulevé l'hypothèse de contaminations croisées, d'origine accidentelle ou frauduleuse. En effectuant des tests mieux ciblés que par le passé pour traquer la maladie, on a forcément détecté des cas plus nombreux, ce qui a conduit l'opinion à croire, sous un effet de projecteur, que la maladie prenait de l'ampleur. Ainsi, notre pays qui, en Europe, était de ceux qui cherchaient le plus et qui donc trouvaient plus que ceux qui cherchaient moins, tendait à devenir le coupable.

M. Alain Rodet.

C'est vrai !

M. Félix Leyzour.

Mais les choses évoluent de jour en jour. Les moyens de lutte contre la maladie et les dispositifs de défense des éleveurs s'élargissent à l'Europe, niveau d'intervention incontournable.

L e plan gouvernemental qui vient d'être arrêté comporte quatre volets : la suppression totale des farines animales ; l'élargissement du dépistage avec tests ; le renforcement du dispositif de sécurité sanitaire ; le soutien des filières bovine et avicole.

Bien que ces quatre volets soient tous importants, il n'est pas possible, monsieur le ministre, de vous interroger sur l'ensemble du dispositif. Je souhaiterais surtout que vous nous apportiez des précisions sur le premier volet, la suppression des farines animales, et sur le quatrième, le plan d'aide à la filière.

Sur les farines animales, pour éviter les risques de contamination croisée, la commission d'enquête à laquelle M. Chevallier a fait référence avait préconisé, il y a huit mois, la séparation physique, géographique des sites de fabrication des farines faites à partir de produits sains, en demandant leur inscription sur une liste « positive », et des sites de fabrication des farines faites à partir des produits dits à risque et des produits d'équarissage, destinées à l'incinération. Dans le contexte que l'on sait, pour éviter tout risque de contamination, le Gouvernement a décidé de suspendre l'utilisation des farines animales. De ce fait, ce sont, chaque année, 870 000 tonnes supplémentaires de farines et de graisses qui devront être stockées et incinérées.

Comment se met en place le plan de stockage dans les départements ? Quelles précautions doivent être prises du point de vue environnemental et sanitaire ? Sauf à voir se constituer des stocks sur la durée, quelles sont les capacités actuelles d'incinération et de quelle nature peuvent être les capacités supplémentaires ? Quant au plan d'aide à la filière, son montant s'élève à un peu plus de 3 milliards de francs et comprend plusieurs dispositifs d'intervention. Je ne les détaille pas. La question la plus urgente, à laquelle la réponse est la plus attendue, est celle des aides directes aux éleveurs. Certaines organisations syndicales se prononcent pour des aides plafonnées, afin de mieux aider ceux qui en ont le plus besoin, d'autres réclament des aides plus généralisées.

Quel dispositif envisagez-vous de mettre en place, monsieur le ministre, en complément de votre premier plan d'urgence ? Conjointement, il me paraît nécessaire, dans une situation exceptionnelle, de déclencher une procédure exceptionnelle d'achats publics, afin de réduire l'offre et de soutenir les cours en régulant les mises sur le marché pour la consommation immédiate. Ce qui n'a pu être obtenu jusque-là n'est-il pas envisageable aujourd'hui avec l'évolution de la perception des problèmes dans la plupart des pays européens ? J'aimerais que nous nous indiquiez ce que vous envisagez pour aller dans le sens de cette intervention publique, aujourd'hui nécessaire et urgente.

Que pensez-vous également de la proposition tendant, dans le prolongement de votre premier dispositif, à créer un fonds spécial pour venir en aide aux salariés de la filière agroalimentaire ? Autant de questions auxquelles, mesdames et messieurs les ministres, vos réponses sont très attendues. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

M. Bernard Charles a présenté une question, no 1235, ainsi rédigée :

« M. Bernard Charles attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation qui prévaut actuellement dans le domaine alimentaire. Il souhaite lui demander quelle est la légit imité des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans les productions agricoles, comment prendre en compte la demande du consommateur, pourquoi avoir détruit, il n'y a pas si longtemps, des parcelles de soja alors qu'aujourd'hui nous réfléchissons en termes de développement et où en sont les travaux communautaires en matière d'OGM et, plus largement, de sécurité alimentaire. »

La parole est à M. Jacques Rebillard, pour poser la question de M. Bernard Charles à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jacques Rebillard, suppléant M. Bernard Charles.

M onsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, cette séance de questions orales sur la sécurité alimentaire vient à propos. Je tiens en effet à vous dire, en tant que parlementaire et en tant qu'agriculteur, que les éleveurs de notre pays se trouvent pratiquement dans la situation d'un ouvrier qui aurait reçu sa lettre de licenciement : ils sont perdus et fiévreux.

Dans des circonstances aussi difficiles, il faut prendre des mesures qui permettent, dans un premier temps, de faire retomber la fièvre et, ensuite, de soigner efficacement le malade. Le débat d'aujourd'hui peut y contribuer.

Tout d'abord, les radicaux de gauche souhaitent se démarquer du spectaculaire et de la psychose. Le « syndrome de la côte de boeuf », bien que réel, nous écarte de l'essentiel et du fond. Face à la montée de la suspicion alimentaire, il est concevable que les consommateurs soient confrontés à l'inquiétude. En même temps, je veux me faire l'écho du sentiment de profonde injustice que ressentent les éleveurs, qui ont produit, conformément aux attentes de la société, des produits de masse et à bon marché. Ils ne comprennent pas cet acharnement médiatique qui révèle chaque jour un nouveau scandale alimentaire, un nouveau cas de vache folle, alors qu'un nouveau décès dû au tabac ou à l'alcool ne fait pas une ligne dans un journal, hors les chroniques nécrologiques.


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M. Thierry Mariani.

Très juste !

M. Jacques Rebillard.

Ce débat sur la sécurité sanitaire doit être l'occasion de rétablir l'honneur d'un métier, celui de paysan, et de mettre en avant les précautions qui sont ou seront prises pour fournir aux consommateurs des aliments sûrs et sains. En leur rappelant, et en nous rappelant, que cette sécurité a un prix, qui devra être intégré dans le prix de vente des aliments.

Allons d'ores et déjà au-delà du débat sur les farines animales, qui va bientôt se clore. Une question, cependant : fallait-il aller contre l'évidence ? Les vaches ne sont pas des carnivores, ni les poissons, les poules et les cochons. On ne transforme pas impunément des herbivores en carnivores, on ne peut pas trop jouer avec la nature. Il est clair que la décision de supprimer ces farines est sage. Les députés radicaux l'attendaient.

Reste le problème de l'élimination des farines. La solution la plus couramment évoquée est l'incinération. Mais ne peut-on envisager pour les farines saines un recyclage biologique, par production de biogaz ou par compostage puis par enfouissement dans les terres agricoles ? Des recherches ont-elles été menées dans ce sens ? C'est ma première question. Il n'est pas concevable que seule l'incinération soit envisagée. Il faudra bien que, dans ce pays, un consensus s'établisse sur le recyclage des déchets organiques de la société dans son ensemble.

Autre préoccupation : peut-on continuer à jouer aux apprentis sorciers dans le domaine de l'alimentaire et de l'agriculture ? Nous devons nous interroger collectivement sur la légitimité de certaines recherches, en particulier sur l'utilisation d'OGM dans les productions agricoles alimentaires. C'est le sens de ma deuxième question. Si notre rôle d'élus responsables est de prévoir, nous ne pouvons éluder cette question de fond. Nous aurions pu envisager l'utilisation des OGM pour les productions végétales à caractère industriel ou médical. Pourquoi avoir laissé privilégier les productions alimentaires ? Aujourd'hui, et alors que le schéma d'organisation agricole fait une place prépondérante à la production industrielle, les consommateurs sont inquiets. Faut-il rappeler l'actualité récente ? Au printemps dernier, nous retrouvions, de manière fortuite, des OGM dans les semences végétales. Nous sommes dans l'obligation de choisir entre l'acceptation d'une agriculture utilisant des procédures génétiques ou son refus. Pour répondre à pareille alternative, les radicaux de gauche proposent de s'interroger sur les demandes de nos concitoyens.

C omment, mesdames, messieurs les ministres, les prendre en compte ? Peut-on imaginer de créer un observatoire de la demande et des attentes des consommateurs ? Il s'agit de ma troisième question.

Un sentiment de lassitude est perceptible : les crises alimentaires ne peuvent durer. La sécurité alimentaire, ou, plus exactement, la fin de la suspicion alimentaire, est réclamée aux pouvoirs publics. Nous demandons la mise en place d'une éthique alimentaire, comme il existe un code de bioéthique. Cela implique le respect des cultures et des animaux, afin de préserver le consommateur d'éventuelles incertitudes alimentaires. La santé ne peut prendre le pas sur les intérêts économiques privilégiés par une agriculture intensive.

Nous réclamons la mise en place, publiquement, et après débat, d'une véritable charte de l'éthique alimentaire. Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à l'envisager ? Ce sera ma quatrième question.

Puisqu'il est nécessaire, aujourd'hui, de produire des céréales, du soja, du maïs pour nourrir le bétail, il faut que ce soit fait dans le respect de notre environnement, et dans le cadre d'une agriculture raisonnée.

Tenons la barre fermement d'une réorientation de l'agriculture vers la qualité. C'est tout le sens de la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation. Je voudrais que cette crise permette de mieux le comprendre. Je regrette que la profession n'utilise pas plus le CTE pour entraîner son évolution vers une agriculture plus durable.

M. Thierry Mariani.

Le CTE, ça ne marche pas !

M. Jacques Rebillard.

A ce point du débat, nous ne pouvons faire abstraction d'une vision communautaire.

Dans le contexte actuel, la France ne peut, en effet, jouer cette partition seule. A ses travaux et à ses reflexions, elle doit associer l'Union européenne. Celle-ci doit jouer un rôle important. Alors que la France est titulaire de la présidence de l'Europe, quelle place accorde-elle aux travaux et aux propositions communautaires ? La question des tests de l'ESB, celle des OGM, et, plus largement, celle de la sécurité alimentaire, sont d'intérêt communautairee t ces questions dépassent les frontières. Dans ce domaine, peut-on véritablement envisager une harmonisation européenne ? Ce sera ma cinquième question.

Enfin, et en conclusion, je milite, comme mes camarades radicaux de gauche, pour que les erreurs du passé, parmi lesquelles le veau aux hormones, le poulet à la dioxine, et maintenant la crise de la vache folle, nous poussent à la sagesse et à la modestie en ce qui concerne la recherche agro-alimentaire. Nous devons tirer avec lucidité les enseignements de l'actualité, et réfléchir à un développement durable, solidaire, de l'agriculture, reposant sur le respect du consommateur et de la santé publique, en essayant d'éviter les dérives nées de la précipitation médiatique.

Et pour cela, mesdames, messieurs les ministres, nous vous faisons confiance. Il ne s'agit pas, bien sûr, de préconiser le retour vers un passé qui serait heureux, mais d'utiliser nos connaissances actuelles pour promouvoir une agriculture plus respectueuse, non seulement des consommateurs, mais aussi de hommes et des femmes qui en vivent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Mme Nicole Ameline a présenté une question, no 1239, ainsi rédigée :

« Mme Nicole Ameline interroge M. le Premier ministre sur l'efficacité de la législation communautaire. En effet, si les derniers règlements et directives présentés par Bruxelles permettent d'espérer une meilleure sécurisation alimentaire, des insuffisances demeurent. Ainsi, le rôle de la future Autorité alimentaire européenne ou encore l'harmonisation des mesures à adopter par les différents Etats membres de l'Union pour faire face, notamment, à la crise de l'ESB méritent d'être précisés. Elle lui demande quelles mesures supplémentaires il entend prendre pour assurer à la population française une sécurité maximale de son alimentation. »

La parole est à Mme Nicole Ameline pour poser sa question à M. le Premier ministre.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les défis du monde moderne tiennent en quatre mots : santé, sécurité, qualité, environnement. Nous aurions d'ailleurs pu tout aussi bien, et aussi gravement, évoquer ce matin la sécurité maritime ou la qualité de l'air.


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Répondre à ces défis, c'est évidemment non seulement tenir compte des enseignements de la crise sans précédent que nous connaissons aujourd'hui, dont toutes les conséquences ne sont d'ailleurs pas encore appréhendées, mais c'est aussi, et surtout, se situer résolument dans la définition d'un modèle de société fondé sur le droit - celui des citoyens comme celui des consommateurs - et sur le respect de l'homme et de son environnement.

D'évidence, l'Europe a un rôle moteur à jouer. Pourtant, elle ne s'est avancée jusqu'à présent que très confusément sur cette voie. Bien plus, et si l'on se réfère - je ne prendrai que cet exemple - au rapport sur l'ESB rédigé par Jean-François Mattei dans les années 19951996, on constate qu'il dénonçait déjà, à cette époque, l'indigence dont l'Union européenne faisait preuve dans un domaine aussi vital.

Ce n'est pas seulement en termes de réglementation, de normes et de contrôles que nous attendons l'Europe sur ce projet, c'est aussi, et plus généralement, dans l'inspiration qu'elle doit donner à un véritable modèle européen des modes de production et procédés de fabrication destiné à assurer aux consommateurs une sécurité optimale.

C'est donc d'une vraie politique que nous avons besoin. C'est bien le moins, lorsque l'on constate le défaut de solidarité politique et la faible réactivité écono mique qui ont marqué, il y a quelques jours, le sommet de Bruxelles. Naturellement, je ne reviendrai pas sur les décisions prises, qui ont été très en deçà des exigences légitimes de la France, particulièrement sur la généralisation des tests, l'interdiction des farines au niveau communautaire, la mise en place d'un plan protéines, la levée des embargos et les mesures de gestion du marché.

Cependant, le « Livre blanc » sur la sécurité alimentaire reprend ces interrogations, faisant sienne l'exigence d'aller plus loin et plus vite dans le domaine de la sécurité. La commission a d'ores et déjà identifié près de 80 actions destinées à rendre plus cohérent le corpus législatif et appelées à couvrir l'ensemble des aspects de la chaîne alimentaire, de la ferme à la table.

Parallèlement à cet effort d'actualisation et de renforcement du dispositif réglementaire, un effort de simplification et d'harmonisation a été engagé, consistant à refondre les règlements relatifs aux normes d'hygiène.

L'objectif est donc clair, affiché : constituer un nouveau cadre juridique couvrant l'ensemble de la chaîne, y compris la production des aliments pour animaux, et incombant à l'ensemble des opérateurs : recours à des avis scientifiques, mise en place du principe de précaution, adoption de mesures efficaces pour répondre à des situations d'urgence. On voit bien quels sont l'esprit et l'ambition.

Au coeur de ce dispositif, l'autorité alimentaire indépendante. Cette autorité nouvelle sera en charge de plusieurs missions : une fonction consultative, la gestion des systèmes d'alerte rapide, mais également la communication et le dialogue avec les consommateurs. Les moyens sont prévus, puisque cette agence, dans un délai de trois ans, regroupera près de 250 personnes et qu'un budget de 4 millions d'euros lui sera alloué.

Pour autant, les questions qui se posent sont évidentes : quels seront ses pouvoirs réels ? Et, si l'on compare ce projet avec la Food and Drug Administration , peut-on croire qu'elle pourra véritablement répondre aux enjeux européens ? D'abord, l'efficacité de cette autorité sera largement subordonnée au soutien du Parlement européen et du C onseil, mais également à l'engagement des Etats membres dans la mise en oeuvre des décisions. Il convient donc de clarifier le droit européen et de renforcer la stratégie très graduelle de l'Europe sur ces sujets.

Car même si la chaîne alimentaire européenne, rappelons-le, est l'une des plus sûres du monde, la crise de confiance à l'égard de la viande de boeuf, aujourd'hui au coeur de nos préoccupations, démontre que les consommateurs ont de plus en plus le sentiment d'une dégradation de la qualité des produits alimentaires et qu'ils sont de plus en plus conscients de l'existence de risques. Personne n'a oublié, en effet, les poulets à la dioxine, la listériose ou les veaux aux hormones ; personne n'occulte l'importance du débat sur les OGM, ce qui démontre, s'il en était besoin, que ces accidents ou crises de confiance à répétition appellent une réaction adaptée, immédiate, efficace.

Il s'agit de faire coïncider un appel légitime à la confiance avec le bon fonctionnement du marché unique et, encore une fois, avec l'efficacité de l'industrie agroalimentaire moderne, dont je rappelle les immenses progrès accomplis, au cours du siècle, en termes de qualité, ainsi que le poids dans le monde.

Monsieur le ministre, mes questions seront simples. La mise en place d'un cadre communautaire global concrétisera les principes de sécurité alimentaire auxquels nous sommes attachés : mais le succès des mesures prises repose d'abord sur une large visibilité institutionnelle qui n'est pas aujourd'hui évidente.

Dans le nouveau dispositif, s'il est clair que l'identification et l'évaluation des risques relèveront bien de la compétence de cette autorité, qu'en est-il du déclenchement des procédures, de la prise en compte des mesures, v oire des éventuelles sanctions ? Ces responsabilités seront-elles du ressort de l'autorité européenne ou bien reviendront-elles, comme il serait légitime, aux institutions politiques ? Convient-il de renforcer la coordination et la cohérence entre les niveaux nationaux et européens dans la mise en place des contrôles de la gestion de ces systèmes, en liaison notamment avec les agences nationales qui existent aujourd'hui ? Une bonne articulation me paraît être une garantie de l'efficacité du dispositif d'ensemble.

Par ailleurs, l'intervention de la haute autorité nouvelle ne doit pas conduire, sous couvert de la recherche d'une harmonisation, à une uniformisation. A cet égard, il me semblerait plus que souhaitable de circonscrire le champ d'intervention de cette autorité à la sécurité et pas entièrement à la qualité. Peut-on en effet accepter que ces compétences s'inscrivent dans le champ des labels, des certifications d'origine, des AOC, c'est-à-dire dans ce champ de la qualité qui nous paraît tout à fait essentiel mais, nous en avons tous le souvenir, qui a fait l'objet de quelques excès de zèle européen ? Chacun garde en mémoire l'affaire des fromages au lait cru, née d'une interprétation très extensive de ce type de compétence.

J'en profite pour dire que cette autorité devrait, au contraire, garantir et encourager l'agriculture des terroirs, qui est une agriculture de labels, de garanties, et qui paraît parfaitement en adéquation avec les attentes des consommateurs soucieux de retrouver des produits qu'ils identifient parfaitement.

Une vigilance particulière doit être apportée à une autre mission de l'autorité, l'information des consommateurs. Si nous voulons que les consommateurs soient


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convaincus que les mesures nouvelles apporteront une réelle amélioration à l'exigence de sécurité, il faut les informer de manière juste, équitable et complète. C'est tout l'enjeu de l'étiquetage et de la transparence.

La recherche de la vérité maximale n'exclut pas la maîtrise de l'information. La crise actuelle montre, en conduisant à ce paradoxe, que la transparence totale rend la viande de boeuf particulièrement sûre, mais aboutit, dans les faits, à son rejet.

La définition de véritables protocoles de communication proportionnant la nature de l'information au niveau réel du risque encouru me paraît donc essentielle. En cas de risque seulement perçu n'ayant aucun fondement, une rumeur, par exemple, il sera bien sûr essentiel de prendre une mesure d'information immédiate. Si le risque est potentiel, mais plus tangible, le principe de précaution devra être appliqué. Enfin, en cas de risque avéré, il faudra mettre en place une véritable politique de prévention.

Seul le choix de cette stratégie, c'est-à-dire d'une intervention européenne graduelle et maîtrisée, permettra à la future autorité de devenir crédible. Je le répète, nous sommes éloignée de la Food and Drug Administration.

C'est pourquoi je voudrais, monsieur le ministre, que vous précisiez les attentes de la France face à l'évolution des missions de la future autorité.

Parce qu'elle est d'abord liée au mode de production et d e fabrication, la sécurité alimentaire appelle une réflexion parallèle et tout aussi fondamentale sur l'agriculture européenne. La logique du hors-sol a montré ses limites, notamment à travers l'industrie agroalimentaire du recyclage...

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Merci !

Mme Nicole Ameline.

... c'est pourquoi l'adoption d'une nouvelle éthique alimentaire ne saurait s'abstraire d'une réflexion sur la prime à l'herbe, le passage à une agriculture plus durable ou la réorientation des cultures vers les protéines végétales, ni de débat réel et important concernant les OGM.

Nous sommes naturellement favorables au nouveau cadre juridique européen, à condition qu'il soit instauré en liaison directe avec les Etats et avec un souci premier d'efficacité, et qu'il conduise à l'harmonisation plutôt qu'à l'uniformisation. C'est à ce prix que l'Europe imposera un modèle nouveau, plus conforme à la communauté de valeurs que nous représentons et aux défis que nous d evons relever aujourd'hui, qu'ils soient internes à l'Europe ou qu'ils concernent le rôle et la place de l'Union européenne dans le monde et l'exemple qu'elle doit donner, particulièrement vis-à-vis des pays du Sud.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

M. François Sauvadet a présenté une question, no 1238, ainsi rédigée :

« M. François Sauvadet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation du marché de la viande bovine. A l'issue du conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu à Bruxelles les 20 et 21 novembre dernier, de nombreux pays ont fait le choix de ne pas suivre la France dans la voie d'une interdiction générale des farines animales et de ne pas appliquer des mesures de précaution qui garantissent la sécurité sanitaire de leurs produits. A l'heure où notre pays subit de plein fouet un embargo sur ses viandes et animaux d estinés à l'exportation, il serait difficilement compréhensible, tant pour les éleveurs que pour les consommateurs, que nous continuions à importer et consommer en France une viande bovine qui ne présenterait pas les mêmes garanties de qualité que celles que nous exigeons de nos propres produits. En c onséquence, il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre, d'une part, pour faire en sorte que ne soient pas importées des viandes bovines en provenance de pays qui ne se seraient pas imposé ces mêmes règles de sécurité et, d'autre part, pour dégager le marché et résoudre ainsi les difficultés considérables auxquelles les éleveurs et l'ensemble de la filière bovine sont actuellement confrontés. »

La parole est à M. François Sauvadet pour poser sa question à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. François Sauvadet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la sécurité alimentaire, nous le voulions, nous l'attendions, et nous l'abordons dans un esprit qui est d'abord de responsabilité. Car tous ici, les interventions viennent de le m ontrer, nous sommes pleinement conscients de l'ampleur de la crise qui frappe toute la filière bovine : les éleveurs, bien sûr, en premier lieu, mais aussi les salariés et toute la filière, bouchers, transformateurs, industriels.

Cette crise est sans précédent, sans aucune commune mesure avec celle que nous avons connue en 1996. Tout le monde connaît les chiffres : en quelques semaines, le marché de la viande bovine s'est complètement effondré, enregistrant une baisse de la consommation de plus de 60 %, et notre pays s'est vu imposer un embargo draconien sur ses viandes et animaux destinés à l'exportation.

Cette situation, je dois vous le dire, monsieur le ministre, a été ressentie, et vous le savez, comme une injustice par la filière tout entière, d'autant plus que, et sans vouloir minimiser la gravité des enjeux, elle est disproportionnée par rapport aux risques réels.

Depuis des années, faut-il le rappeler, les éleveurs de notre pays ont engagé des efforts considérables pour garantir la sécurité sanitaire de leurs produits...

Mme Christine Boutin.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

Il faut tout mettre en oeuvre pour éviter qu'un climat de psychose, que traduit bien, d'ailleurs, le trouble ressenti par l'opinion, ne s'instaure durablement. Il faut en être convaincu ici, c'est par un retour à la confiance que se résoudra une partie de la crise...

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. François Sauvadet.

C'est par l'explication, par la pédagogie que sera restauré le pacte de confiance entre l'agriculture et la société.

Dans l'immédiat, monsieur le ministre, et c'est la responsabilité du Gouvernement, il nous faut trouver les moyens les plus efficaces pour faire face à la crise et répondre dans les termes appropriés à la véritable détresse que connaissent les éleveurs et la filière bovine dans son ensemble. Le Gouvernement, comme vous nous l'avez rappelé vous-même, monsieur Glavany, d'une manière, d'ailleurs, assez polémique, à l'occasion du débat qui nous a réunis sur les crédits de votre ministère, le Gouvernement joue dans cette affaire un rôle majeur. Je crois de toute façon que la polémique ne pourra que s'éloigner de nos débats. Sur des sujets comme celui-ci, elle doit en


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effet céder la place à la responsabilité, et c'est sous ce signe que l'opposition et l'UDF entendent résolument se situer.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Comme mes collègues l'ont rappelé, c'est d'abord sur le plan européen que s'exprime le rôle du Gouvernement, dans la mesure où vous présidez le Conseil des ministres européens de l'agriculture, et où la crise de l'ESB est aussi une cris européenne. D'ailleurs, l'actualité récente nous le montre...

M. Pierre Cardo.

En effet !

M. François Sauvadet.

... puisque ce week-end, l'Allemagne et l'Espagne ont reconnu officiellement que des cas de « vache folle » se sont déclarés sur leur territoire, et interdit l'usage des farines animales, après avoir nié être concernées par l'ESB.

Dès lors, comment ne pas s'étonner, monsieur le ministre, de vous avoir vu revenir de Bruxelles en affichant un sentiment de satisfaction...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mitigée !

M. François Sauvadet.

... qui n'était vraiment pas de mise eu égard aux résultats obtenus, et aux attentes, exprimées non seulement pour les éleveurs, mais aussi par la société française tout entière. On a eu le sentiment que ce conseil des ministres avait été un rendez-vous manqué, et que vous n'y aviez obtenu qu'un accord minimal. Nos partenaires, en particulier, ne vous ont pas suivi dans la voie d'une interdiction totale des farines animales. Il n'y a eu aucune avancée significative vers la mise en place d'un « plan protéines végétales », c'est-à-dire vers la substitution de celles-ci aux protéines d'origine animale. Il y a là une vraie responsabilité de la part de la France, qui doit obtenir un engagement fort, au plan européen, de faire face aux nouveaux défis devant lesquels nous sommes placés.

D e même, le lancement d'un véritable plan de recherche européen concernant l'ESB et les développements de la maladie n'a pas eu lieu. C'est pourtant une véritable exigence.

Et je n'oublie pas la fameuse agence européenne de sécurité alimentaire, dont nous n'avons pas obtenu la mise en place.

M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Si !

M. François Sauvadet.

Il faut avancer résolument, pour harmoniser les positions et les analyses avec les meilleurs spécialistes.

M. Pierre Cardo.

Il faut renforcer les moyens ! En revanche des avancées ont été accomplies dans le domaine des tests. Cela devrait notamment nous permettre de mieux connaître la réalité de la situation dans d'autres pays.

Cela étant, monsieur le ministre, nous avons eu le sentiment que la France était isolée dans la gestion européenne de la crise de la vache folle, alors qu'il est plus qu'urgent d'harmoniser les réglementations des différents

Etats membres de l'Union. Il faut en effet éviter les distorsions de concurrence que provoquerait notamment l'utilisation de farines carnées parfois non sécurisées. Je pense à un exemple précis : celui de l'alimentation des chats et des chiens, secteur dans lequel nos industriels concernés vont se trouver dans une situation difficilement soutenable.

Dans ces conditions, et face à ce constat, comment accepter que des pays, qui n'ont pas consenti les mêmes efforts de sécurité et de transparence que nous, ferment leurs frontières à nos exportations de viande bovine ? Comment accepter que ces pays, qui refusent d'interdire, comme nous venons de le faire, l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage, puissent continuer à exporter des bovins vers la France, alors que les conditions de transparence, de traçabilité et de contrôle de l'utilisation des farines - d'ailleurs parfois non sécurisées, je le répète - ne sont pas suffisamment établies ? Ainsi que le Premier ministre l'a rappelé en soulignant l'exigence du respect effectif de l'interdiction de l'utilisation des farines dans l'alimentation des ruminants décidée par l'Union européenne en 1994, donc quatre ans après la France, ce qui vaut pour la France doit valoir pour les autres pays, fussent-ils nos partenaires au sein de l'Union européenne.

A cet égard, je rappelle que 21 % de la viande consommée dans notre pays proviennent d'importations, dont 98 % de l'Union européenne. Faute d'obtenir la généralisation des mesures prises en France, accompagnée d'un contrôle réel sur les produits d'importation, il faudra sans nul doute s'acheminer vers une suspension des importations d'animaux en provenance des pays qui n'appliqueraient pas les mêmes règles de précaution que nous.

Il va en effet de soi qu'il serait inacceptable, tant pour les éleveurs que pour les consommateurs, que des mesures en ce sens ne soient pas prises rapidement.

Chacun sera comptable de sa position, quant au risque que feraient éventuellement courir des importations de b ovins en provenance de pays qui se prétendent indemnes, faute d'avoir engagé à temps les mesures et les tests nécessaires à la sécurisation de leur cheptel.

Monsieur le ministre, nous attendons donc du Gouvernement, sur ces deux points liés à l'importation et à l'exportation de viandes bovines et de bovins, une extrême fermeté à l'égard de nos partenaires qui pratiquent parfois ou nous donnent le sentiment de pratiquer une politique de l'autruche. Ils auront inévitablement rendez-vous un jour avec leur opinion publique sur les responsabilités qu'ils auront su, ou qu'ils n'auront pas su assumer dans cette crise. Je vous le demande donc clairement : quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour faire en sorte que ne soient pas importés en France des bovins et des carcasses en provenance de pays qui ne se seraient pas imposés les mêmes règles élémentaires de sécurité ?

M. Germain Gengenwin.

Question très importante !

M. François Sauvadet.

Je regrette, une fois encore, de ce point de vue, que vous n'ayez pas plus avancé, monsieur le ministre, dans la mise en place de l'agence de sécurité alimentaire européenne. Celle-ci est d'autant plus attendue qu'elle pourrait rassembler en son sein un comité scientifique d'experts du prion, et plus généralement de l'ESB, de nature à éclairer le conseil des ministres européens et la Commission sur leurs responsabilités par rapport à cette crise, et permettrait d'avancer sur la voie d'une harmonisation de nos politiques de sécurité.

Je me souviens en effet comme vous, mes chers collègues, de cette cacophonie européenne lorsque la question de la levée de l'embargo sur les exportations de viande bovine anglaise s'est posée, il y a quelques mois.

Alors que l'AFSSA exprimait ses réserves, le comité européen, qui ne compte pas, il est vrai, de spécialiste du


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prion, se prononçait en faveur de la levée de l'embargo.

Monsieur Glavany, vous vous étiez d'ailleurs abstenu sur cette question à Bruxelles, je le rappelle au passage.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais vous expliquer pourquoi !

M. François Sauvadet.

Nous ne devrions plus voir se reproduire des situations de ce type, dans lesquelles les choix en matière de sécurité alimentaire sont en quelque sorte pris en otage.

J e veux également vous faire part de quelques réflexions sur les conditions de l'aide gouvernementale à la filière bovine et vous interroger sur le contenu du plan, sans précédent selon vous, que vous avez annoncé la semaine dernière.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Sur la méthode, tout d'abord, je ne vous apprendrai pas que tout plan sérieux ne peuts e concevoir sans une concertation véritable avec l'ensemble de la profession et de la filière, concertation qui semble avoir fait défaut. Je ne vous apprendrai pas non plus qu'il n'est pas convenable, en période de crise, et je le dis avec une certaine solennité, de prendre à témoin l'opinion pour répondre aux critiques fortes et légitimes des professionnels. La nation dans son ensemble doit trouver une réponse adaptée aux difficultés d'un pan entier de notre économie, à la situation dramatique que vivent les salariés de la filière et leurs familles, et il ne sied pas, à ce titre, d'opposer les catégories de Français entre eux.

Sur le fond, ensuite, j'ai rencontré, comme vous, les responsables professionnels, et je puis vous dire avec certitude qu'ils ont eu le sentiment d'être lâchés par ce qui s'est révélé être davantage un effet d'annonce, au travers de crédits déjà prévus par ailleurs, en tout cas sans aucune commune mesure avec les enjeux. Il faut rappeler à nos compatriotes que cette crise est d'une ampleur impressionnante et que tout un secteur de l'économie est atteint.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, la filière attend du Gouvernement, de vous en particulier, qu'il prenne de véritables mesures pour passer ce cap.

D'abord, il s'agit de ne pas relâcher l'effort de recherche - cela est essentiel -, de contrôle et d'utilisation des meilleurs tests applicables aux animaux abattus.

Je crois que, sur ce point, nous nous retrouvons tous.

Ensuite, il convient d'aller au-delà des simples mesures de reports de crédits et de cotisations sociales que vous avez proposées. Face à l'urgence, les éleveurs et la filière ont besoin d'un soutien direct et attendent des mesures fortes de dégagement de marché, à travers la mise en place - pourquoi ne pas l'imaginer ? - d'un stockage public.

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Sauvadet.

J'ai terminé, monsieur le président, dans une ou deux minutes ! La filière ne peut supporter plus longtemps l'effondrement des cours et la constitution d'excédents en animaux vivants, à la ferme comme dans les entreprises. Il y a urgence à bien appréhender ce coût, ce qui nécessite un recensement des volumes et des animaux non commercialisés, afin d'engager un débat sérieux avec les professionnels et la représentation nationale pour prévoir, par élevage, par abattoir et par industriel, les outils et moyens de nature à répondre au drame qu'ils vivent aujourd'hui.

La question reste aussi posée d'un fond permettant aux entreprises et aux salariés frappés par des mesures sanitaires d'engager une reconversion partielle exigée ou une mise aux normes de leur outil de production réclamée.

Nous vous l'avons déjà demandé. J'espère donc que l'exemple dramatique que nous avons connu dans certaines filières, je pense notamment au lait cru, vous permettra d'avancer dans la réflexion que vous nous avez dit avoir amorcée.

M. le président.

Monsieur Sauvadet, je vous ai demandé de conclure !

M. François Sauvadet.

Prévoir, c'est également engager un plan relatif aux protéines végétales, mais je n'y reviens pas car nous en avons déjà parlé abondamment.

Enfin, il faut poursuivre sans relâche l'effort de communication engagé, ce que vous avez d'ailleurs fait, pour expliquer clairement aux consommateurs que les mesures prises sont de nature à assurer la sécurité et qu'il n'y a pas de risque aujourd'hui à manger de la viande française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la sécurité sanitaire, qui est une exigence de plus en plus forte de nos concitoyens, est une priorité du Gouvernement. La santé publique est une préoccupation essentielle et constante de notre action.

L'encéphalopathie spongiforme bovine constitue évidemment un enjeu de santé publique. Les questions qui s'expriment le confirment tous les jours. Quelle estimation objective peut-on faire du risque de transmission à l'homme de cette épizootie ? Le Gouvernement prend-il suffisamment la mesure de ce risque ? Quelles seront les conséquences, en particulier pour l'effort de recherche ? Informe-t-on suffisamment nos concitoyens et les professionnels de santé ? Témoigne-t-on notre juste compassion aux victimes humaines de la maladie ? A ce propos, les exposés que j'ai entendus préalablement me conduisent à faire part, au nom des trois collègues qui sont au banc du Gouvernement, de notre immense tristesse face au drame qui appelle toute notre solidarité.

Avec la loi du 1er juillet 1998, la France dispose désormais d'un système cohérent et constitué d'outils puissants : les agences, nouvelle forme d'institutions situées au sein de l'Etat. Ce dispositif permet à la sécurité sanitaire d e s'imposer comme un vecteur majeur de santé p ublique. Cette loi, votée à l'unanimité par les deux assemblées, fait de la France le premier pays d'Europe qui s'est doté d'une organisation complète particulièrement solide et fiable.

Cette organisation repose sur quatre principes qui garantissent la rationalité dans la gestion du risque qui revient au Gouvernement : un principe d'évaluation, celui du risque potentiel ou avéré ; un principe de précaution, principe d'action pour la maîtrise des risques potentiels ou émergents ; un principe d'indépendance, celle des experts vis-à-vis du politique et des intérêts économiques ; un principe de transparence, condition d'une alerte précoce dans le cadre de la veille sanitaire et, surtout, d'une démocratisation de la gestion du risque dans l'application du principe de précaution et dans la formation des décisions.


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Avec l'AFSSA pour la sécurité alimentaire, l'AFSSAPS pour celle des produits de santé, l'institut de veille sanitaire pour la surveillance de l'état de santé de la population, et bientôt l'agence santé-environnement, tous les secteurs d'activités auront été couverts en termes de veille, d'alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire.

Il n'en demeure pas moins que la gestion de risques émergents comme celui de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou ESB reste particulièrement délicate du fait des incertitudes scientifiques qui les entourent.

Cette épizootie s'est développée en Grande-Bretagne.

Elle est liée à la présence d'un prion qui s'est transmis aux bovins par l'alimentation, au moment où les fabricants d'aliments du bétail au Royaume-Uni ont abaissé les exigences du traitement des farines de viande qui étaient destinées aux animaux à la fin des années 70,

M. Leyzour l'a rappelé.

Les scientifiques estiment que la maladie de la vache folle s'est ensuite transmise à l'homme par l'ingestion d'organes de bovins infectés par ce prion pathogène. La barrière de l'espèce a donc été franchie contre toute certitude établie, M. Chevallier l'a souligné.

Cette maladie humaine, dite « nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob », est lente à apparaître ; la période d'incubation varie, selon les estimations dont nous disposons aujourd'hui, de dix à trente ans voire plus. Cette période d'incubation explique que les maladies humaines observées aujourd'hui sont dues à des contaminations alimentaires anciennes, survenues alors que les connaissances disponibles ne permettaient pas de penser que la maladie pouvait franchir la barrière des espèces. C'est pourquoi aucune réelle mesure de prévention n'avait été envisagée.

Si le risque pour la santé humaine lié à la maladie de la vache folle est certain, les connaissances dont nous disposons actuellement ne permettent pas encore de mesurer avec précision son impact en termes de santé publique.

Le risque représenté par l'ESB pour la santé humaine est précisé au fur et à mesure que progressent les connaissances scientifiques et épidémiologiques.

Pour cette raison le Gouvernement s'appuie, pour ses décisions, sur l'évaluation scientifique et cette évaluation scientifique permanente permet d'apprécier la sévérité du danger pour la santé que représente le risque en question, la population exposée et la probalité que le risque se réalise.

Justifiées par la gravité du danger pour la santé, les mesures que nous prenons pour lutter contre le risque lié à l'ESB doivent être soigneusement pesées. Dans l'incertitude, elles ont toujours été prises en fonction du scénario le plus pessimiste. Elles doivent aussi être prises en mesurant leurs conséquences pour en tenir compte.

A titre d'exemple, j'évoquerai la décision prise en février dernier de ne pas soustraire au don de sang les donneurs ayant séjourné en Grande-Bretagne, comme l'avaient fait le Canada et les Etats-Unis. Répondre à cette question d'exclure ou non cette catégorie de donneurs de sang n'a été possible qu'après un travail d'expertise approfondi concernant la nature du risque de transmission par le sang du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, en tenant compte des procédés de sécurisation existants dans notre pays ; la sécurité des produits sanguins et l'efficacité des méthodes de sécurisation utilisées ; les conséquences d'une décision d'exclusion du don de sang sur la disponibilité et les stocks de produits sanguins ; le risque supplémentaire lié à une dépendance accrue envers de nouveaux donneurs de sang.

Ce n'est qu'à l'issue de ce long travail d'expertise rendu public au comité national de sécurité sanitaire du 23 février 2000 que la décision a été prise de ne pas exclure du don ces personnes ; de poursuivre le renforcement de la sécurité des produits sanguins ; d'entretenir la veille scientifique afin de tenir compte de tout élément scientifique nouveau pouvant contribuer à réévaluer la décision.

Cette veille nous a conduits, après la publication d'une possible transmission du prion par le sang de mouton à mouton, en septembre dernier, à réévaluer cette question.

Une appréciation la plus précise possible du risque et de ses conséquences est l'objectif que nous nous sommes fixé. C'est la seule condition pour prendre de bonnes décisions de santé publique.

C ombien de personnes ont-elles été exposées ? Combien développeront la maladie ? Existe-t-il un risque résiduel à consommer des produits d'origine bovine aujourd'hui, malgré toutes les dispositions de sécurité sanitaire qui ont été prises ? Doit-on aller plus loin encore ou peut-on enfin rassurer complètement nos concitoyens sur la sécurité actuelle des aliments ? Telles sont les questions qui sont soulevées et auxquelles nous devons répondre avec précision et dans la transparence.

Cette objectivation quantifiée du risque est essentielle du point de vue de la santé publique.

La qualité de ces analyses dépend de la progression et de la disponibilité des connaissances scientifiques.

Le programme national de recherche sur les maladies à prion, annoncé dès 1996 lorsque les premiers cas suspects de transmission de l'agent de la vache folle à l'homme furent révélés en Angleterre, nous a été très utile.

De 1997 à 2000, ce programme a représenté un engagement de plus de 140 millions de francs de crédits publics et mobilisé une soixantaine d'équipes de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens appartenant à l'ensemble des organismes publics de recherche. La France est l'un des trois principaux pays, avec les USA et le Royaume-Uni, qui ont contribué à une meilleure connaissance des maladies à prions.

C'est la recherche française qui a permis la mise au point de l'un des deux tests de diagnostic les plus fiables et sensibles parmi ceux qui sont disponibles aujourd'hui sur le marché.

Le Gouvernement, le 14 novembre dernier, a décidé de tripler l'effort de recherche en faisant passer l'engagement financier de l'Etat à 210 millions de francs par an. De n ombreux chercheurs seront recrutés pour travailler notamment sur des outils thérapeutiques.

La découverte de tests de dépistage sur les animaux vivants, chez l'homme et le développement de traitements est prioritaire aujourd'hui dans notre pays. Des moyens seront accordés pour la mise en place de nouvelles infrastructures de recherche, en particulier des laboratoires permettant l'étude de la maladie chez les bovins et les ovins.

Parallèlement à cet effort de recherche et par anticipation, le Gouvernement prend les mesures nécessaires tant à la prévention et à la lutte contre la maladie de la vache folle qu'à sa transmission à l'homme.

La réglementation française en matière de sécurité alimentaire est l'une des plus rigoureuses d'Europe. Elle s'organise autour de trois axes principaux, qui seront développés par Jean Glavany.

Au-delà de la sécurité sanitaire des aliments, la présence de cas humains et la forte probabilité que d'autres cas surviennent et soient actuellement en période d'in-


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cubation nécessite d'agir pour limiter le risque de transmission d'homme à homme, via les produits sanguins dans l'hypothèse d'une infectiosité du sang et par certaines activités de soins à risques parce que concernant le système nerveux central ou les organes lymphoïdes.

En ce qui concerne le risque de transmission par les activités de soins, les règles d'utilisation et d'hygiène du matériel médical concerné sont révisées actuellement par mes services sur la base d'une évaluation scientifique du comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles, le CIESST, présidé par le professeur Dormont.

En outre, un plan de renforcement de la désinfection et de la stérilisation des dispositifs médicaux, ainsi que de l'usage unique, sera mis en oeuvre dès l'année prochaine en fonction des crédits qui vous ont été proposés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale ou de lois de finances de l'Etat. Il permettra de s'assurer de la qualité de cette activité essentielle pour se protéger de la transmission iatrogène d'agents infectieux conventionnels ou non. Les moyens de contrôle seront renforcés par le recrutement de 125 médecins et pharmaciens inspecteurs chargés de veiller au respect de la qualité de ces pratiques dans les services déconcentrés.

L'AFSSAPS, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, procède à l'évaluation permanente de la sécurité des produits de santé. C'est ainsi qu'une conférence pluridisciplinaire d'experts a été organisée par l'agence le 17 novembre dernier afin de réévaluer les mesures mises en oeuvre pour faire face à l'hypothèse d'une transmission du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob par les produits sanguins.

Les dernières données scientifiques disponibles y ont été présentées. Les associations de patients, de donneurs de sang ainsi que les prescripteurs de produits sanguins ont exprimé leur point de vue. Les experts travaillent en outre à l'évaluation de la qualité actuelle des produits sanguins disponibles en France, compte tenu du risque potentiel de transmission, à la définition de mesures complémentaires de réduction quantifiée du risque et aux alternatives possibles aux produits sanguins actuellement préparés à partir de sang collecté ou disponible dans notre pays.

Une analyse produit par produit est actuellement en cours. Un avis me sera rendu dans les jours qui viennent.

Il sera rendu public avec les décisions qui seront prises.

Avec le dispositif des agences, le principe de la transparence de l'expertise est établi. Faut-il aller plus loin ? Je le pense et c'est la raison pour laquelle nous avons initié en France une consultation préalable des parties intéressées, pour l'évaluation de la sécurité des produits sanguins.

De même, pour garantir l'accès de nos concitoyens à une information d'ensemble sur les problèmes sanitaires de ce dossier, j'ai demandé la réorganisation et le complément du contenu du site Internet du ministère de la santé en lien direct avec celui des différentes agences.

Ainsi, je tiens à ce que l'information la plus complète soit disponible, y compris sur le plan scientifique par le renvoi aux études et communications internationales sur ce sujet.

Concernant l'information des professionnels de santé, un guide de recommandations leur sera proposé. Il s'appuiera sur l'expérience acquise dans ce domaine pour aider à la prise en charge médicale et sociale des malades et de leurs familles.

Il s'agit bien évidemment, premièrement, de faciliter le diagnostic, en rappelant les signes cliniques, les méthodes d'investigation disponibles, l'évolution de la maladie ; deuxièmement, d'assurer aux malades des soins de qualité et de faciliter la vie quotidienne, en particulier en développant la coordination et l'accès des aides disponibles ; troisièmement, de lutter contre la douleur des malades et de développer les soins palliatifs ; quatrièmement, de mettre en place une information et un véritable accompagnement psychologique pour l'entourage dont la souffrance morale est très forte confronté à la dégradation physique et intellectuelle entraînée par la maladie.

Pour terminer, en ce qui concerne l'information diffusée sur la maladie, je veux souligner l'importance de respecter la dignité des malades, leur droit et celui de leurs proches à la tranquillité pour faire face à cette épreuve redoutable.

Je rappelle solennellement qu'il n'y a que les malades et leur famille qui détiennent le secret médical et qu'il appartient à eux seuls de le rompre. Je serai toujours garante de cette liberté fondamentale.

Je laisse maintenant la parole à M. François Patriat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Madame et monsieur les ministres, mesdames, messieurs les parlementaires, nous abordons ce matin un débat majeur pour notre société, qui ne peut se prêter ni aux petits calculs ni aux arrière-pensées politiciennes ni aux considérations secondaires. La tonalité des propos que j'ai entendus, les propositions responsables qui ont été avancées en font un débat non pas apaisé, pour reprendre un mot que j'ai employé l'année dernière, mais permettant de mieux informer les Français et de leur faire comprendre que la sécurité alimentaire est une aspiration légitime à laquelle les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, doivent répondre en prenant en compte toutes les données. Pour ce faire, il faut considérer le rôle de chacun dans la complémentarité : celui du médecin, que vient d'évoquer Dominique Gillot, celui du producteur, q u'évoquera Jean Glavany après moi, et celui des consommateurs, qu'il me revient d'aborder.

Faire des consommateurs des agents économiques à part entière, de véritables partenaires, c'est comprendre la réalité sociale d'aujourd'hui. Ce sont les consommateurs qui s'angoissent, craignent, boudent les produits et créent la crise que vous avez évoquée.

Mme Véronique Neiertz.

Non ! C'est la crise que crée l'angoisse des consommateurs ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

C'est par les consommateurs et grâce à leur confiance retrouvée que, demain, nous pourrons regagner des parts de marché et redonner espoir à la filière, à toute la filièr e. Avant de poursuivre, je veux m'associer aux paroles de Dominique Gillot pour insister après elle sur le fait que s'il y a, certes, des problèmes économiques et des problèmes médicaux, il y a aussi des aspects humains à prendre en compte. Nous devons le faire tous ensemble pour accompagner les malades et leurs familles. Je crois que c'est ce que fait le Gouvernement aujourd'hui.

C'est dans cet esprit de complémentarité et de cohérence que nous travaillons au sein de l'équipe gouvernementale et que nos services travaillent.


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M. Chevallier a parlé de la crise de l'ESB comme étant aussi un défi de consommation. D'autres intervenants ont évoqué l'information du public, le rôle des associations de consommateurs. La crise de l'ESB est aussi et surtout une crise de la confiance.

Quand on parle de la chaîne alimentaire, cela veut dire que chaque opérateur de cette chaîne est un maillon de la confiance : non seulement le scientifique, qui dit ses doutes, le politique, qui applique le principe de précaution mais également, en remontant la filière, c'est-à-dire de la table à l'étable, Mme Ameline en parlait à l'instant, le consommateur qui mange de la viande, le distributeur qui la lui vend, le grossiste, l'abatteur, l'éleveur, le fournisseur d'aliments. Tous sont des acteurs à part entière.

Je vous renvoie à ce sujet aux débats que nous avons eus il y a deux ans pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole. Jean Glavany en parlera beaucoup mieux que moi. J'avais rappelé à l'époque que la France avait innové dans les années trente en inventant la traçabilité et les appellations d'origine.

Un de mes voisins viticulteurs en Bourgogne me dit toujours : « François, pour faire du bon vin, il faut faire du bon raisin. »

Mme Christine Boutin.

Absolument.

M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Pour faire de bons produits, il faut avoir une agriculture accrochée aux territoires,...

M. Germain Gengenwin.

Avec la viande, c'est plus compliqué qu'avec le raisin ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... adossée aux signes de qualité, capable de produire des emplois, de la valeur ajoutée.

M. Germain Gengenwin.

La viande n'est pas un produit comme les autres ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Bien que vous sembliez vouloir le nier, le schéma productiviste qui, depuis trente ans, pousse les éleveurs à répondre à plus de charges par plus de produits...

M. Daniel Chevallier.

Eh oui ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... et à privilégier, même si l'on parle de qualité, le quantitatif sur le qualitatif les a conduits parfois - malgré eux - à trouver des solutions de facilité pour répondre à l'urgence économique. Il eût mieux valu - et je remonte à vingt ans en arrière en disant cela - répondre à celle-ci non pas par l'accroissement des quantités mais par une limitation de la production qui permettait d'assurer, d'une part, des produits de qualité et, d'autre part, un revenu décent.

Ce débat, il ne faut pas l'occulter aujourd'hui. Il ne faut pas répondre à la crise bovine en termes de quantitatif, en réclamant toujours plus d'aides pour répondre à toujours plus de demandes. Il nous faut mener ensemble la politique agricole que nous avons voulu rénover : Jean Glavany a obtenu à Bruxelles des avancées en matière de développement rural, deuxième pilier de la PAC ; la politique des CTE est aujourd'hui mise en place afin de répondre aux attentes des consommateurs.

M. Thierry Mariani.

Elle ne marche pas ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Mesdames, messieurs les parlementaires, voyez le succès des marchés bio. Voyez le succès des produits du terroir ! Voyez la confiance retrouvée dans les produits AOC ! Ce n'est pas le maire de Gevrey-Chambertin que j'ai en face de moi qui me dira le contraire. C'est dans cette voie, plutôt que dans celle de l'accroissement des quantités et des moyens financiers qu'il faut nous tourner, pour poursuivre ce processus.

Le Gouvernement, face à cette crise, entend continuer à prendre les décisions qui s'imposent, mais aussi à dialoguer. C'est en ce sens que je recevrai vendredi, avec mes c ollègues ou leurs représentants, les associations de consommateurs. Il s'agit de voir avec ces représentants de la société civile ce qui peut être fait, en plus ou en mieux, dans le sens de la confiance.

J'ai l'intention, au secrétariat d'Etat, non pas de faire de la communication de crise, mais au contraire de réunir périodiquement l'ensemble des représentants des consommateurs pour dialoguer avec eux, faire un état des lieux, indiquer les difficultés rencontrées comme les résultats de nos recherches afin, avec eux, de mieux déterminer les méthodes capables non seulement de rassurer, mais aussi de mieux informer les consommateurs.

Déjà, avec Jack Lang, nous avons reçu le 8 novembre les parents d'élèves, les chefs d'établissement et les intendants de la restauration scolaire. C'est sur cette base que nous avons pu rappeler - et cela s'est traduit par une circulaire - que les gestionnaires de la restauration scolaire ont à coeur de garantir la viande qu'ils font consommer aux jeunes et qu'ils en ont les moyens : cela s'appelle la traçabilité.

Et nous avons fait parvenir ce document afin q ue chaque chef d'établissement, chaque économe, chaque cuisinier dans la restauration collective sache non seulement que le Gouvernement ne les oublie pas mais encore qu'il leur donne les moyens d'éclairer les parents, de rassurer les enfants et de poursuivre une alimentation saine et de qualité.

Certes, sur l'étiquetage de la viande bovine, on ne peut que regretter que le Parlement européen ait conduit le Conseil à ne pas retenir, à partir de 2002, l'obligation d'étiqueter la race et la catégorie. Pour autant, j'encourage les professionnels à valoriser un étiquetage complet pour les animaux nés, élevés et abattus en France. Je pense d'ailleurs que le Gouvernement ira peut-être un peu plus loin.

Au-delà de l'étiquetage, l'information des consommateurs est celle du quotidien, des médias, des échanges sociaux, amicaux, familiaux. De ce point de vue, la sécurité alimentaire est aussi une éducation. La présidente de la commission de sécurité des consommateurs me rappelait récemment toute l'importance de préceptes simples d'hygiène comme, par exemple, apprendre aux enfants à se laver les mains avant de passer à table. Veille-t-on bien à nettoyer régulièrement son réfrigérateur, à ne pas expo ser un pot de rillettes à une température caniculaire, à ne pas laisser les courses du samedi au fond du coffre de la voiture ? C'est en ce sens que les médias et chacun de nous ont aussi un rôle majeur à jouer plutôt que de surfer sur le marketing des peurs alimentaires.

Le rôle de la distribution en matière de sécurité alimentaire a aussi été évoqué. Comme chaque maillon de la filière, la distribution concourt à la sécurité alimentaire.

Les contrôles montrent, par exemple, qu'en ce qui concerne le respect de la chaîne du froid, la distribution en France dispose des moyens de bien jouer son rôle : organisation de la réception des marchandises, perfor-


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mances et suivi des meubles de conservation, gestion des rayons. Les spécifications réglementaires existent. Les moyens de valoriser la qualité sont bien organisés en France. La distribution peut en plus apporter la qualité du service au consommateur, ce qu'elle s'attache à faire.

Certains orateurs m'ont interrogé sur les contrôles. Il va de soi que les administrations de contrôle - je pense à la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes, mais aussi à la DGAL, la direction générale de l'alimentation, et à la DGDDI, la direction générale des douanes et droits indirects - se sont fortement mobilisées et coordonnées pour une action de terrain efficace visant à assurer le respect des exigences posées par la réglementation.

Pour autant, si les contrôles peuvent être systématiques à certains moments de la chaîne, comme par exemple l'inspection ante mortem à l'abattoir, ils sont plus généralement aléatoires, c'est-à-dire effectués par sondage selon un ciblage du risque. Je dois dire que, aussi bien dans le domaine de l'agriculture que de la DGCCRF, les enquêtes épidémiologiques qui ont été menées ont eu des résultats spectaculaires et se sont soldés par de vrais succès. Dans l'affaire des canards avariés de la Dordogne, par exemple, les services de la répression ont anticipé et ont permis d'éviter la mise sur le marché : aucune boîte n'est passée dans la chaîne alimentaire, et vous savez très bien qu'il y avait une enquête financière derrière. Le consommateur n'a jamais été inquiété par les produits avariés.

Nous mettons là aussi en oeuvre le principe de transparence. Sur l'origine des viandes, la DGCCRF a engagé depuis 1996 seize procès-verbaux pour détention de viande originaire du Royaume-Uni : quatorze en 1996, un en 1997 et un en 1999. Les viandes concernées avaient été importées dans quinze cas avant l'embargo de 1996. Un procès-verbal a été classé, deux relaxes ont été prononcées, un appel est en cours. Des condamnations ont été infligées - par exemple, 100 000 francs d'amende pour la détention avec indication d'une fausse origine française de foies de génisse congelés.

Sur le contrôle des farines animales, une méthode d'analyse a été mise au point en France en 1996 - la première en Europe - permettant d'identifier et de quantifier la présence de fragments d'os. Cette année, 1 000 prélèvements - je dis bien 1 000 - sont réalisés. Dès que l'analyse révèle la moindre trace, un contrôle renforcé de l'entreprise est mis en place et le dossier est transmis à l'autorité judiciaire. Il n'y a pas de tolérance.

Sur la période de contrôle antérieure, de 1997 à 1999, douze procès-verbaux ont été transmis aux tribunaux : sept sont à l'instruction, quatre ont fait l'objet d'une relaxe ou d'un classement sans suite, un procès-verbal a donné lieu à une condamnation à une amende lourde.

La dimension européenne de la sécurité alimentaire a été abordée par chacun des orateurs. Elle est une évidence. Les dispositions européennes, par exemple, en matière d'additifs ou d'hygiène alimentaire, sont largement en place, dans le prolongement des efforts d'harmonisation qui ont accompagné l'achèvement du grand marché.

Au-delà des difficultés inhérentes aux mécanismes communautaires, qui impliquent parfois des divergences et des frictions, l'Europe se doit de franchir une nouvelle étape pour s'adapter aux exigences de la société européenne des consommateurs.

Certains intervenants ont trouvé que la France n'avait pas avancé sur le dossier. M. Glavany vous répondra sur ce sujet mieux que moi. Mais sachez que le commissaire, M. David Byrne, nous a donné son accord pour la création d'une Agence alimentaire européenne. Celle-ci interviendra à la fin de la présidence française et sa mise en place devrait s'effectuer le plus rapidement possible. Il s'agira d'une agence indépendante, chargée de l'évaluation des risques alimentaires.

Le Conseil européen de Nice devrait d'ailleurs permettre de conduire favorablement ce dossier. Il devra s'agir d'un instrument d'évaluation et d'anticipation des risques, opérationnel dès 2002, la gestion des risques relevant des autorités communautaires et des Etats membres.

Tous les ministres du Gouvernement qui ont travaillé sur ce dossier à Bruxelles ou à Paris ont émis le souhait de voir s'instaurer une cohérence européenne, une autorité européenne sur le sujet. Le débat qui a eu lieu sur les f arines animales et les derniers événements qui se déroulent outre-Rhin montrent que la France a eu raison de s'engager aussi fortement dans cette voie et d'y engager ses partenaires. Ceux-ci suivront, bon gré, mal gré, quand ils auront découvert, comme cela ne manquera pas d'arriver, des prions aussi chez eux.

M. Daniel Chevallier.

Absolument !

M. Marcel Rogemont.

Très bon rappel ! Quand on cherche, on trouve ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

A u-delà des difficultés inhérentes aux mécanismes communautaires qui entraînent parfois des divergences et des frictions, l'Europe se doit de franchir cette nouvelle étape pour s'adapter aux exigences de la société européenne des consommateurs. Et je crois que nous pouvons attendre de la présidence française des résultats positifs.

J'en viens à un dernier point qui a fait l'objet de nombreuses interventions et d'interrogations, à savoir les organismes génétiquement modifiés. Jacques Rebillard y a particulièrement insisté. C'est un secteur où également les principes de précaution, de vigilance et de transparence ont guidé l'action de ce gouvernement.

En tant que ministre en charge de la consommation, j'insisterai sur les enjeux de la traçabilité et de l'étiquetage liés aux OGM.

Si l'innocuité des OGM est la première condition préalable à leur commercialisation, le consommateur doit disposer de toutes les informations lui permettant d'exercer en toute connaissance son libre choix.

Alors que, dès 1990, un dispositif a été adopté au niveau communautaire visant à protéger l'environnement et la santé des utilisateurs, la prise en compte de la demande légitime du consommateur en matière d'étiquetage ne s'est affirmée que beaucoup plus récemment : premier règlement de mai 1998 fixant des modalités d'étiquetage basées sur la présence d'ADN ou de protéines ainsi que la mention « produit à partir de maïs ou soja g énétiquement modifié ». Ces dispositions ont été complétées en janvier 2000, en particulier sur l'obligation d'étiqueter des denrées remises aux collectivités, les additifs et les arômes.

Néanmoins, mesdames, messieurs les députés, des lacunes persistent et la priorité est maintenant d'améliorer et de rendre cohérent l'ensemble du dispositif. La France demande avec fermeté d'étiqueter aussi les produits dérivés ne contenant ni ADN ni protéines liés à la modification génétique. Il faut donc aller encore plus loin en ce domaine.

La traçabilité vise à garantir la fiabilité de l'information et à renforcer les dispositifs de surveillance des OGM a utorisés. Si les professionnels ont d'ores et déjà


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commencé à mettre en oeuvre des moyens de traçabilité, il est encore nécessaire de disposer rapidement d'un outil juridique.

Un décret est en cours de finalisation. Je réponds par là même à M. Leyzour, qui, demandant que la question soit évoquée à l'échelle européenne, réclamait cette traç abilité et cette information.

La révision du dispositif d'étiquetage et la mise en place d'une obligation de traçabilité à tous les stades sont des conditions préalables à toute nouvelle autorisation demandées par le Gouvernement au niveau communautaire. Une première réunion des experts gouvernementaux se déroulera à Bruxelles le 29 novembre 2000, c'est-à-dire cette semaine. On peut s'en féliciter.

Vérifier la conformité et la loyauté de l'information à tous les stades de la commercialisation, tel est l'objectif des contrôles menés par la DGCCRF. Un large programme d'enquête est en cours et porte notamment sur les semences commercialisées.

Permettre au consommateur de choisir, c'est aussi lui donner la possibilité d'accéder aux informations sur les OGM. Un site Internet, élaboré avec l'ensemble des ministères concernés, est consacré spécifiquement aux OGM. L'actualité du dossier, ainsi que les résultats des contrôles, seront mis en ligne sur ce site.

Enfin, associer la société civile à la réflexion sur le dispositif existant est aussi une priorité du Gouvernement.

La conférence des citoyens organisée en 1998 sous l'égide de Jean-Yves Le Déaut, a marqué une étape décisive. Un groupe du conseil national de la consommation se réunit régulièrement pour débattre de l'actualité du dossier. Une soixantaine de débats publics organisés par trois associations de consommateurs, durant les mois de septembre et octobre 2000 ont permis de porter ce débat au niveau local.

Le débat sur les OGM va au-delà des seuls aspects de sécurité environnementale ou sanitaire ; il pose des questions socio-économiques qui, elles aussi, doivent être prises en compte.

« Comment mieux manger de la viande de boeuf demain ? » demandait François Sauvadet à la fin de son intervention. Cela passe par des mesures fortes, en matière de suivi immédiat, celles-là même qu'a prises le Gouvernement après avoir recueilli les avis des scientifiques, en suivant une méthode en trois temps : consultation, décision proprement dite et contrôle des mesures p rises. Maintien de l'embargo, mise en place des 48 000 tests, retrait des matériaux à risque, suivi enfin de toute la filière : autant de mesures qui visent moins à rassurer qu'à redonner confiance au consommateur en lui montrant que, malgré tout, la France reste le pays de la qualité de la viande et de la gastronomie. Tous ensemble, nous devons y parvenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames, messieurs les députés, mes deux collègues s'étant longuement exprimés, j'essaierai de faire bref en me limitant à deux ou trois points essentiels afin d'éviter que cette séance ne dérape - dans le temps, s'entend.

M. François Sauvadet.

Non ! Prenez tout le temps qu'il faudra, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier.

Nous sommes prêts à vous écouter avec toute la patience nécessaire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Rassurez-vous, monsieur Sauvadet, nous aurons tout le temps d'y revenir.

Le premier aspect qui ressort de toutes les questions que vous avez posées, c'est le devoir de vérité qui s'impose à nous. C'est là, me semble-t-il, une exigence démocratique première.

Je ne crois pas qu'il y ait place dans ces débats ni à un discours rassurant ni à un discours alarmiste. Il y a seulement place à un discours de vérité, en considérant nos concitoyens comme des citoyens responsables. Répondre à cette exigence de vérité me paraît du reste la condition d'un retour de la confiance dans la consommation de certaines viandes, que tout le monde appelle de ses voeux.

On ne la restaurera pas par des artifices, mais seulement par la vérité.

C'est précisément parce qu'elle a répondu à ce devoir de vérité que la France s'est assurément exposée, lorsqu'elle a lancé la première un grand programme de tests sur son cheptel bovin. Car c'était bien là une opération vérité tout à la fois difficile et courageuse et dont nous payons le prix : c'est d'abord le fait que nous soyons partis les premiers dans ce programme de tests qui nous a isolés en Europe, monsieur Sauvadet - plus quelques petites choses que je vous expliquerai un jour hors de cet hémicycle...

M. François Sauvadet.

Non, dites-nous tout !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Allons ! Vous souhaitez laisser la polémique au vestiaire, je la laisse au vestiaire...

M. François Sauvadet.

Fort bien.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et j'attendrai pour vous expliquer en coulisse les autres causes de notre isolement.

M. François Sauvadet.

Espérons que vous tiendrez bon sur ce créneau !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette opération dont nous avons été les précurseurs est en train de s'étendre à l'Europe tout entière et certains pays se voient rattrapés par la vérité. Vous avez fait allusion aux cas apparus ces derniers jours en Allemagne et en Espagne. Ce n'est pas une suprise pour nous : les experts européens et internationaux avaient tous classé l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, qui pourtant se déclaraient indemnes de toute contamination par l'ESB, dans les pays à risque tout simplement parce qu'ils y avaient été exposés par le fait qu'ils avaient, tout comme nous, importé des farines animales anglaises dans les années 1980-1990.

Aujourd'hui, la vérité les a rattrapés. Doit-on s'en réjouir ? Pour ma part, je ne me réjouis pas du malheur des autres, ni du fait que l'on trouve de l'ESB en Allemagne et en Espagne, mais je me réjouis que la vérité progresse et, avec elle, la lucidité des gouvernements. Plus la vérité progressera, mieux nous pourrons avancer au niveau européen et moins la France, jusqu'alors isolée par son courage, se retrouvera seule.

Après le devoir de vérité vient une deuxième exigence : notre devoir de priorité. Après les ministres de la santé et de la consommation, c'est le ministre de l'agriculture et de la pêche qui vous le dit : la priorité, c'est la santé de nos concitoyens, la protection de nos consommateurs.

Aucun impératif économique ou financier ne saurait l'emporter sur cette priorité.

M. Daniel Chevallier et M. Marcel Rogemont.

C'est bien de le dire !


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M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et je le dis haut et fort ; car pendant très longtemps, trop longtemps, on a considéré le ministère de l'agriculture et de la pêche comme le ministère des lobbies agricoles.

M. Marcel Rogemont.

Exactement ! Trop souvent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et c'est précisément parce que j'ai tenu à ce qu'il devienne non pas le ministère, mais un ministère de la sécurité alimentaire à part entière que j'ai réformé la direction géné rale de l'alimentation dans ce sens. Et lorsque viendra le jour où je devrai - forcément - quitter ce ministère...

M. Pierre Cardo.

Tout de suite ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... ce sera sans doute une de mes plus grandes fiertés que d'avoir réussi la transformation de la direction générale de l'alimentation en une direction générale de la sécurité alimentaire à part entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J'en viens maintenant aux quatre grandes questions que vous m'avez posées, en commençant par le programme de tests que nous avons lancé et de sa nécessaire et opérationnelle extension. Rappelons que ce programme portait sur 48 000 tests - dont 40 000 avaient été décidés en

« franco-français » et 12 000 nous avaient été demandés par l'Union européenne, soit un total de 48 000 et non de 52 000 compte tenu des chevauchements - prioritairement axés sur les départements à risques, en l'occurrence le grand Ouest où l'on comptait le plus grand nombre de cas d'ESB, et sur le cheptel à risques, les abattages d'urgences et les cadavres. Nous avons décidé depuis de l'étendre dans trois directions : premièrement, en l'appliquant à l'ensemble du territoire national - c'est en cours depuis une dizaine de jours ; deuxièmement, en mettant en place d'autres tests que le Prionics, seul retenu par les experts dans un premier temps, tel le Biorad d'origine française - c'est également chose faite depuis quelques jours ; troisièmement, en pratiquant des tests de manière aléatoire dans l'ensemble des abattoirs. Ce sera fait dès la fin de cette année, sinon au début de l'année prochaine, le temps que le protocole de mise en oeuvre aléatoire soit défini par les scientifiques. Sur ce point encore, nous sommes en avance sur les autres pays, mais l'exigence de vérité primait à nos yeux.

D euxième question : l'harmonisation européenne, notamment pour les farines animales. La France, avezvous dit, s'est trouvée isolée lors du conseil de la semaine dernière. Moi-même j'en suis revenu en déclarant que j'en tirais des leçons « mitigées ». Mitigées : je n'ai pas dit que c'était un succès, mais je n'ai pas dit non plus que c'était un échec. La preuve en est que nous avons pu, malgré tout, décider l'extension du programme de tests au niveau européen. C'était déjà un succès...

M. François Sauvadet.

C'était un minimum !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui, mais ce n'était pas gagné d'avance. Et surtout, monsieur Sauvadet, nous avons évité le pire : la proposition avait été avancée à plusieurs reprises par divers pays et par la Commission elle-même d'un embargo sur le boeuf français, qui nous pendait au nez. C'est bien pourquoi je répète que nous avons évité le pire.

L'échec, c'est de ne pas avoir obtenu l'interdiction des farines animales communautaire ni la levée immédiate des embargos partiels décidés par certains pays. Aussi mon souhait est-il que l'on revienne sur cette question et le plus vite sera le mieux. C'est ce que j'ai demandé hier à la Commission ; la décision conjointe, présidence et Commission, sera prise aujourd'hui ou demain. Je souhaite pouvoir convoquer un nouveau Conseil agriculture extraordinaire, lundi prochain 4 décembre, avant le Conseil agriculture fixé aux 19 et 20 décembre, afin de ne traiter que de cette question en prenant également en compte les faits nouveaux apparus entre-temps, c'est-àdire les tests positifs ou les cas révélés d'ESB apparus en Espagne et en Allemagne, et tenter de parfaire le résultat obtenu dont je reconnais bien volontiers le caractère mitigé.

M. Marcel Rogemont et M. Daniel Chevallier.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Venons-en maintenant aux mesures de soutien à la filière, même si ce n'est pas exactement le lieu d'en parler aujourd'hui, le thème de notre débat étant limité à la seule sécurité alimentaire. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a fait une proposition dont il a dit d'entrée de jeu qu'elle ne devrait pas être considérée comme un solde de tout compte, ajoutant qu'il était prêt à toutes les concertations visant à l'amender, à l'enrichir, à la compléter. C'est d'ailleurs dans ce dessain que je reçois demain les organisations professionnelles agricoles, et c'est bien la raison pour laquelle j'avais immédiatement prévenu qu'il manquait dans ce dispositif de soutien un volet essentiel : le volet européen. J'ai adressé une demande dans ce sens au commissaire Fischler, y compris par écrit, notamment sur le retrait du marché de jeunes bovins, qui me paraît être aujourd'hui le problème central. Je ne peux être plus clair : ce plan, qui témoigne d'ores et déjà d'un effort non négligeable à l'égard des éleveurs, n'est pas pour solde de tout compte et nous continuons à y travailler.

Vous avez dénoncé une absence de concertation. N'allons pas en faire un plat et y passer la matinée ! Le plan a été annoncé mardi. Il avait été soumis dans ses grandes lignes au conseil supérieur d'orientation le mardi précédent. Il a été rappelé et détaillé par le Premier minis tre lors des consultations qu'il a organisées le mercredi et le jeudi. Il a été peaufiné par des conversations entre services et avec mes collaborateurs le vendredi, le samedi, le dimanche et le lundi. On me reproche de n'avoir pas réuni autour d'une table ronde les organisations professionnelles avant de le publier. Mais le vendredi, j'étais au conseil « pêche », et le lundi et mardi encore à Bruxelles au conseil agriculture ! Cessons de gloser sur une prétendue absence de concertation : la concertation est permanente au sein du conseil, comme au ministère de l'agriculture.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas un sentiment partagé !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas votre sentiment, mais c'est la réalité...

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et, pardonnez-moi, face à la réalité, peu importe votre sentiment !

M. François Sauvadet.

Interrogez les organisations professionnelles !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, vous verrez que c'est plus facile à dire qu'à faire le jour où, comme c'est probable, vous exercerez mes fonctions ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non ! Surtout pas !


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M. Germain Gengenwin.

Ce sera pour bientôt !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le plus tard sera le mieux, j'en conviens ! (Sourires.) Vous verrez alors si vos rêves correspondent à vos réalités ! La question des protéines végétales enfin. Tout comme François Patriat, je considère qu'il n'y a aucune fatalité à ce que l'interdiction des farines animales se traduise par des importations de protéines végétales OGM venant d'Amérique du Nord. Pour commencer, nous avons des marges de manoeuvre pour en produire davantage nousmêmes...

M. Germain Gengenwin.

Voilà ! C'est ce qu'il faut faire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et nous avons prévu de les exploiter au maximum. Nous prenons toutes les mesures dans ce sens, pour peu que des opérateurs y soient disposés.

Quant au problème posé par les semences génétiquement modifiées, si certaines d'entre elles sont encore autorisées, ce qui n'est pas mon souhait ni ma volonté particulière, il faut savoir que les agriculteurs n'en utilisent pratiquement plus, tant et si bien que le marché de l'OGM en France est en train de se tarir lui-même. N'allons donc pas nous fabriquer artificiellement un épouvantail sans rapport avec la réalité.

En conclusion, d'autres orateurs l'ont dit avec beaucoup de pertinence, il nous faudra bien tirer les leçons de cette crise et mettre en particulier un terme à cette course folle au productivisme...

M. Marcel Rogemont.

Voilà !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... celle-là même qui a amené à la consommation de farines animales, et que vous avez toujours défendu du côté droit de l'hémicycle...

M. Marcel Rogemont.

Il faut le rappeler !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... allant même jusqu'à me contester le droit de la remettre en cause lors de la loi d'orientation agricole !

M. Marcel Rogemont.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Durant tous nos débats sur la loi d'orientation agricole, ici comme au Sénat, vous n'avez eu de cesse de me reprocher de freiner le productivisme ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Exactement !

M. François Colcombet.

C'est très vrai !

M. François Sauvadet.

Quelle démagogie !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas de la démagogie, c'est une réalité objective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

On ne vous a jamais reproché ça !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis très heureux, pour finir sur une note consensuelle, que vous nous rejoigniez désormais dans le combat contre le productivisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Thierry Mariani.

Vous réécrivez l'histoire ! Rappel au règlement

M. Patrick Ollier.

Je demande la parole pour un rapel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier.

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 du règlement, et il porte bien sur le déroulement de la séance.

Monsieur le ministre, vous entendez en rester à un discours-vérité, ni rassurant ni alarmiste. Nous sommes tout à fait d'accord. Encore faudrait-il que le Gouvernement ne tienne pas un discours contradictoire ! Pendant que nous étions en train de parler, une dépêche AFP est tombée, rapportant les propos de Mme Lebranchu, garde des sceaux dans votre gouvernement, il y a encore quelques jours secrétaire d'Etat à la consommation. Mme Lebranchu déclare : « Je dis ce que je pense aujourd'hui. Si j'étais toute seule à prendre une décision, je n'aurais pas interdit les farines animales... Ce plan est terriblement cher et je ne suis pas certaine qu'on ait pris la bonne décision. »

Je suis véritablement consterné de voir le Gouvernement donner une telle impression de dispersion, pour ne pas utiliser d'autres mots. Ces déclarations sont proprement stupéfiantes. Par quelle voix parle le Gouvernement ? Est-ce celle de la garde des sceaux ou celle du ministre de l'agriculture ?

M. Pierre Cohen.

Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Patrick Ollier.

Je me devais, mes chers collègues, de porter à votre connaissance cette déclaration importante du numéro trois du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Ollier, j'ai lu cette déclaration que j'ai moi aussi découverte ce matin. Je connais suffisamment Marylise Lebranchu, son sens de la solidarité gouvernementale et de l'esprit d'équipe, que je partage...

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas évident !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il est trop facile de s'en tenir à une interprétation pour y trouver des contradictions. Ce qu'a simplement voulu dire Mme Lebranchu avec son langage vérité à elle, c'est que la décision n'était pas si facile à prendre,...

M. Pierre Cohen.

C'est sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qu'il y avait des arguments pour, qui l'ont finalement emporté, mais aussi des arguments contre, dont il fallait également prendre la mesure.

Vous-mêmes n'avez pas interdit les farines animales en 1996,...

M. Pierre Cohen.

Faut-il le rappeler ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... expliquant que ce n'était pas nécessaire. Et voilà que vous vous êtes soudain mis à nous presser en appelant à les interdire à l'instant, le soir même ! Ce que nous avons f ait ; encore fallait-il en mesurer les conséquences.

Mme Lebranchu a eu l'honnêteté de rappeler...

M. Patrick Ollier.

C'est vous qui êtes le ministre de l'agriculture !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... que certains participants à la délibération collective avaient mesuré toutes les conséquences qu'entraînerait cette interdiction. Je suis d'accord avec elle : il fallait les apprécier avec juste raison avant de prendre la décision. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas ce qu'elle a dit ! Reprise de la discussion

M. le président.

Mes chers collègues, je vous propose de revenir au débat en insistant sur le fait que le temps nous est compté. Je demande donc à chaque orateur, parlementaire ou ministre, de rester aussi concis que possible.

La parole est à Mme Béatrice Marre, premier orateur inscrit.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les interrogations sur la sécurité alimentaire ne sont pas nouvelles - souvenons-nous de l'émotion soulevée dès les années soixante-dix par la révélation de l'utilisation d'hormones de croissance dans l'élevage des veaux -, mais le niveau des craintes et leur généralisation à l'échelle de l'Union européenne sont en revanche sans précédent.

Même si des prises de position de plusieurs hauts responsables politiques ou professionnels ont accéléré cette perte de confiance massive des consommateurs dans la sécurité de notre viande bovine, celle-ci n'aurait sans doute pu se propager avec une telle ampleur sans un contexte particulier : celui de la mondialisation.

La « mal-bouffe », à l'origine stigmatisée comme une perte d'identité culturelle lors de la réunion de la conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, en décembre dernier, s'est alors brutalement transformée, dans l'esprit de nos concitoyens, en « bouffe mortelle »,...

M. Germain Gengenwin.

N'en rajoutez pas !

Mme Béatrice Marre.

... provoquant une chute vertigineuse de la consommation de viande bovine.

Cette évolution de l'état d'esprit de nos concitoyens est due en grande partie au sentiment d'impuissance qu'ils ressentent face aux incertitudes scientifiques, à des règles sanitaires encore trop contradictoires entre Européens, à des accords de production - je pense évidemment à la politique agricole commune - ou commerciaux - je pense à l'OMC - aux effets jugés désastreux, parfois à juste titre, qu'il s'agisse de la prime à la jachère ou à l'élevage intensif, pour ce qui est de la PAC, ou encore aux accords du GATT de Blair House de 1994 limitant les surfaces de production. Notre collègue et ami Joseph Parrenin reviendra plus longuement sur cette question et sur les choix de politique agricole récemment arrêtés en France et pour partie engagés au niveau de l'Union européenne, dans le cadre de la PAC réformée, visant à y remédier.

L'urgence commande en premier lieu de restaurer la confiance.

La restauration de la confiance des consommateurs dépend de plusieurs facteurs, au premier rang desquels notre capacité à mettre en place rapidement des filières fiables d'alimentation du bétail.

Pour ce faire, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures destinées à prévenir les risques de dissémination de l'encéphalite spongiforme bovine, parmi lesquelles la suppression de toutes les farines comprenant des éléments carnés dans l'alimentation de l'ensemble des animaux d'élevage et des animaux domestiques.

La capacité du Gouvernement à convaincre nos partenaires de l'Union du bien-fondé des mesures de précaution prises en France vient d'être renforcée par la révélation de cas d'ESB dans plusieurs autres pays européens.

J'ai bien pris note, monsieur le ministre de l'agriculture, de votre intention d'organiser un conseil exceptionnel du 4 décembre ; sans doute pourrez-vous nous indiquer dans quels délais vous comptez que ces dispositions soient étendues à l'ensemble de l'Union européenne.

Je voudrais revenir plus précisément sur les aliments de substitution aux farines carnées, c'est-à-dire sur notre approvisionnement en protéines végétales, tant en quantité qu'en qualité.

Sur le plan quantitatif tout d'abord, ni la France ni l'Union européenne tout entière ne sont autosuffisantes en production d'oléo-protéagineux, et ce pour des raisons exclusivement politiques : les terres en jachère comme les capacités à produire de nos agriculteurs permettraient de garantir notre autosuffisance.

Monsieur le ministre, pensez-vous pouvoir rapidement convaincre nos quatorze partenaires de revenir sur la décision prise lors de l'accord de Berlin de mars 1999 de réduire les aides à la production de protéagineux ? Vous aviez obtenu une clause de rendez-vous pour 2002. Pourrons-nous avancer cette date ? Au niveau de l'OMC, je sais que ce sera plus difficile.

Pourrons-nous revenir sur les accord de Blair House qui limitent quantitativement les surfaces et plus généralement faire respecter notre conception du principe de précaution - je pense au contentieux sur le boeuf aux hormones - et de la spécificité des produits agricoles et de l'agro-alimentaire en général par rapport aux produits industriels, au regard des règles commerciales internationales ? Enfin, dans l'intervalle, comptez-vous aller au-delà des mesures nationales annoncées dans le plan d'urgence pour favoriser la production de protéines végétales ? Sur le plan qualitatif, le bon sens commande - et tous nos concitoyens le disent - de revenir à une alimentation plus naturelle, même si les progrès de la recherche peuvent l'améliorer : l'herbe aux herbivores... L'aide au développement de cultures telles que la luzerne ne seraitelle pas un moyen, dans le cadre des têtes d'assolement, de soutenir directement l'agriculture extensive et par voie de conséquence une grande partie de la filière bovine sans mettre en cause les accords internationaux, dans la mesure où ces aides découleraient du deuxième pilier de la PAC, le développement rural, et non du FEOGA ? L'autre crainte de nos concitoyens serait de voir se substituer un risque à un autre, en d'autres termes le risque de dissémination de produits génétiquement modifiés non contrôlés au risque de dissémination de l'ESB par les farines carnées.

Certes, le débat sur les OGM n'est pas simple et certainement pas clos. Toutefois, il faudrait au minimum permettre à chacun de choisir d'en consommer ou non, ce qui implique la transparence sur l'ensemble de la filière.

La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a adopté, en septembre dernier, une résolution présentée par notre collègue Marie-Hélène Aubert, à la suite de son excellent rapport intitulé « Les OGM : pour quoi faire ? ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce matin, il n'y a pas un Vert en séance !

Mme Béatrice Marre.

Cette résolution, en neuf points, invite le Gouvernement à compléter les dispositions de la proposition de directive du Conseil et du Parlement du 23 février 1998, actuellement en discussion, relative à la d issémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés. Elle réclame une véritable traçabilité, une transparence accrue, c'est-à-dire un étiquetage plus fiable, une plus grande cohérence entre les textes communautaires et les textes internationaux relatifs à la biodiversité et à la biosécurité, ainsi que des mesures de précaution plus immédiates contre l'importation ou la production de certains types d'OGM.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, en tant que président du conseil agricole de l'Union européenne, nous indiquer le sort que le Gouvernement entend réserver à ces recommandations devenues celles de notre Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Marleix.

M. Alain Marleix.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, une semaine après l'annonce du prétendu plan de soutien à la filière bovine - plan qui a été jugé très durement par les organisations syndicales, y compris celles qui sont proches du Gouvernement, et qui visait surtout à obtenir un effet d'annonce -, Bruxelles affirme ne l'avoir toujours par reçu. En effet, le commissaire européen à l'agriculture, M. Fischler, déclarait dans Le Figaro et France Soir d'hier : « Le Gouvernement français a annoncé son plan il y a une semaine et, à ce jour, nous attendons toujours sa notification. »

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas très sérieux !

M. Alain Marleix.

Aujourd'hui, au moment où la consommation est à en baisse de 40 %, où la mévente des animaux est catastrophique, où les cours s'effondrent, où l'Europe fait preuve d'une tragique impuissance, le monde agricole s'interroge sur les capacités du Gouvernement...

M. Marcel Rogemont.

Elles sont grandes.

M. Alain Marleix.

... à affronter cette crise majeure, sur sa crédibilité politique et sur ses méthodes. Les déclarations de Mme Lebranchu, on en conviendra, ne participent guère à la cohérence et à la clarté des positions du Gouvernement.

M. Patrick Ollier.

En effet !

M. Alain Marleix.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, la p rofession agricole - et, au-delà, toute l'opinion publique - attend que vous preniez des décisions crédibles, cohérentes, courageuses et concertées avec les responsables professionnels et avec nos partenaires européens.

Nous attendons aussi, comme l'a souhaité le Président de la République mercredi dernier à Bruxelles,...

M. Patrice Martin-Lalande.

A juste titre !

M. Alain Marleix.

... d'autres décisions de l'Union européenne sur l'ESB.

Malgré vos efforts personnels, sans doute méritoires, monsieur le ministre, convenez que ce conseil européen a été pour le moins une grande déception.

M. Thierry Mariani.

Un échec !

M. Marcel Rogemont.

Mitigé !

M. Alain Marleix.

Il est indispensable, comme le disait aussi le Président de la République, que nous harmonisions nos législations. C'est ce qu'attend, en bonne logique, l'opinion européenne. Ce qui s'est passé depuis une semaine en Allemagne,...

M. Marcel Rogemont.

Montre que le ministre de l'agriculture avait raison !

M. Alain Marleix.

... en Espagne, et probablement demain en Italie, a prouvé que, pour l'interdiction des farines animales, la France avait eu raison, et le chef de l'Etat avant tout autre.

M. Patrick Lemasle.

Surtout en 1996 !

M. Alain Marleix.

Quelle ambition se fixera le Gouvernement à l'occasion du prochain conseil des ministres de l'agriculture que vous présiderez le 4 décembre, et dont les travaux sont d'une importance capitale avant le sommet de Nice, les 7 et 8 décembre ? La crédibilité de l'Europe agricole est en jeu.

Sur le plan national, il faut d'urgence un véritable plan d'intervention draconien, concernant toutes les catégories d'animaux - même les broutards - qui ne trouvent plus acheteur aujourd'hui.

En 1996, lors de la première crise de la vache folle, le gouvernement Juppé avait décidé...

M. Patrick Lemasle.

Au bout de trois mois !

M. Alain Marleix.

... et obtenu la mise en oeuvre par Bruxelles, pourtant hostile au départ, d'un plan d'intervention comparable, y compris pour le broutard. Pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui ?

M. Patrice Martin-Lalande.

La France préside l'Union, en plus !

M. Alain Marleix.

Etes-vous prêt à le demander ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est fait !

M. Alain Marleix.

Il faut également fixer un prix plancher. Plus vite vous y arriverez, plus vite on interviendra, moins cela coûtera à la collectivité et à la nation. Y êtesvous prêt ? Il faut aussi régler le problème du taux de chargement.

A Berlin, la réforme de la PAC a abandonné le critère des animaux primés sur l'exploitation au profit du critère des animaux présents. On voit aujourd'hui les dégâts provoqués par cette inconséquence. Nombreux étaient ceux, à Berlin, qui avaient décidé de démanteler l'OCM viande.

C'était aller à contresens. La suppression de l'intervention et la baisse du soutien aux oléoprotéagineux en sont deux illustrations presque caricaturales. Aujourd'hui, les éleveurs ont des taux de chargement qui explosent. Qu'allezvous faire ? U ne autre question reste pour le moment sans réponse : quelles mesures allez-vous prendre en faveur de la politique de l'herbe, la grande oubliée de l'histoire ? L'herbe reste la première source de protéines dans plusieurs régions, dont le Massif central, votre région ou les Alpes. La prime à l'herbe et le complément extensification sont des éléments de cette politique. Pourquoi n'est-il pas proposé une revalorisation substantielle ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est la fin de la course au productivisme ?

M. Alain Marleix.

Ces questions, monsieur le ministre, les éleveurs se les posent...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

M. Marcel Rogemont.

Depuis combien de temps ?

M. Alain Marleix.

... mais aussi les consommateurs et des secteurs de plus en plus larges de l'opinion publique.

Tous attendent du Gouvernement des réponses claires et si possible convaincantes et concrètes. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Lajoinie.

M. André Lajoinie.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, la crise déclenchée par la révélation de la ré alité de l'épidémie d'ESB qui touche le cheptel bovin est plus grave que celle de 1996.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. André Lajoinie.

Nos concitoyens sont légitimement préoccupés par l'apparition de cette maladie animale potentiellement dangereuse pour l'homme. La France, en menant une courageuse politique de dépistage, a mis à jour l'étendue du fléau. Malgré les précautions prises par notre pays - notamment l'interdiction des farines animales pour les ruminants dès 1990 ou la sécurisation de ces farines pour les autres animaux d'élevage à partir de 1996 -, les tests ont montré l'existence de plusieurs cas nouveaux d'ESB.

Il est vrai, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, que, quand on cherche, on trouve. L'Allemagne et l'Espagne, qui se targuaient jusqu'alors d'être épargnés par la maladie de la vache folle, en font à leur tour l'amère expérience. Mais comment ces pays auraient-ils pu être indemnes, quand on connaît l'origine de l'émergence de l'ESB et de sa diffusion ? Faut-il rappeler que c'est la course aveugle au productivisme qui en est la cause, les premiers cas étant apparus en Grande-Bretagne après une baisse des températures de chauffage des farines carnées servies aux ruminants pour en réduire le coût de fabrication et en accroître la valeur nutritive ? Cette recherche effrénée du profit, où la fin justifie les moyens, ne s'est malheureusement pas cantonnée à l'Angleterre de Mme Thatcher. La maladie s'est d'ailleurs étendue en raison de la circulation sans contrainte des marchandises voulue par l'Union européenne et son exéc utif, la Commission de Bruxelles. Cette dernière, prompte à mettre les pays sous surveillance pour le calcul des primes, a fait preuve d'un laxisme coupable dans l'affaire da la vache folle. Le sujet était tabou, pour des raisons politiques, car il importait de ne pas nuire à la libre concurrence. Bien que, à ce jour, l'agent infectieux n'ait jamais été détecté dans le muscle de bovin, et même si aucune donnée scientifique ne permet actuellement de suspecter que sa consommation entraîne un risque pour la santé, nombre de Français, inquiets, ont réduit ou interrompu leurs achats de viande de boeuf. Selon une étude, la consommation a baissé, en novembre, de 50 % par rapport à la même période l'an dernier.

Pour les éleveurs et les 350 000 personnes qui, en France, travaillent au sein de la filière bovine, les répercussions de la chute des ventes sont dramatiques. Le marché ne peut rester durablement atrophié et les cours doivent retrouver des niveaux acceptables pour assurer lar émunération des agriculteurs. Le Gouvernement a annoncé un « premier plan » de soutien à la filière. C'est effectivement un premier pas. Mais il demeure, monsieur le ministre, insuffisant,...

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. André Lajoinie.

... vous l'avez reconnu tout à l'heure. Les éleveurs réclament des aides d'urgence, plus importantes que les seuls reports de charges et les versements anticipés de primes.

M. François Sauvadet.

C'est tout à fait vrai !

M. André Lajoinie.

Au-delà, des interventions nationales et européennes sont indispensables pour garantir des débouchés solvables aux agriculteurs. Le mécanisme de stockage privé doit, par exemple, être élargi au stockage public.

Au demeurant, la pérennité de la filière bovine passe forcément par une restauration de la confiance des consommateurs. Il s'agit - vous l'avez souligné, monsieur le ministre - de garantir la santé publique, en continuant d'appliquer le principe de précaution, comme c'est le cas avec la suspension de l'utilisation des farines animales pour les bêtes d'élevage. Mais il faut en même temps offrir des assurances complémentaires en matière de sécurité alimentaire. Si le risque zéro n'existe pas, il convient néanmoins de tendre vers une fiabilité sanitaire maximale. La détection de l'ESB doit être améliorée et généralisée à l'ensemble des pays de l'Union.

Actuellement, les tests qui ont démontré leur utilité pour cerner l'épidémie ont une sensibilité limitée. Des recherches sur les infections à prion sont en cours qui ouvrent des perpectives intéressantes, en particulier pour la mise au point de tests plus performants. Ces efforts méritent d'être davantage soutenus. Vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre. Il n'en reste pas moins que, sans attendre, le recours à un dépistage systématique à l'entrée des abattoirs apporterait un gage de confiance pour des consommateurs en plein désarroi.

Parallèlement, il est urgent d'instaurer une traçabilité commune à tous les pays de l'Union. La France est particulièrement en pointe dans le domaine de l'étiquetage, alors même que la Commission européenne a repoussé à 2001 l'obligation de faire mention de l'endroit où l'animal a été abattu et à 2003 celle concernant le lieu de la naissance et de l'élevage, indications qui sont pourtant courantes dans notre pays. Incontestablement, des progrès restent à accomplir au niveau de l'harmonisation européenne.

On peut espérer, au vu de l'évolution de la situation en Allemagne et en Espagne, que les Quinze décideront le 4 décembre prochain - vous allez certainement vous battre pour cela, monsieur le ministre, vous l'avez dit une suspension totale des farines animales. Quoi qu'il advienne, se pose désormais la question du remplacement de ces aliments indésirables par des protéines végétales. La France et l'Europe disposent d'un important potentiel de production, utilisable rapidement, puisque des terres céréalières sont mises en jachère en contrepartie de primes versées. On peut donc faire pousser davantage de plantes protéagineuses. Encore faut-il avoir la volonté de remettre en cause les accords de 1994 et de résister aux Américains qui ont des velléités d'inonder nos marchés de leurs productions transgéniques. Je ne suis pas opposé à toute recherche sur les OGM. Mais ce qui se fait aujourd'hui, notamment aux Etats-Unis, comporte des risques, chacun le reconnaît. Il ne faut pas que la soif de rentabilité immédiate des firmes aboutisse à de nouvelles catastrophes. Tenons ferme sur le principe de précaution.

Pour le moment, les farines carnées ne sont interdites que dans quatre pays européens sur quinze. Cela pose des problèmes de sécurité alimentaire et de distorsions de concurrence. Notre capacité d'exportation de viande de porc et de volaille va se heurter à un problème de compé-


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titivité avec nos partenaires qui utilisent toujours ces farines carnées, moins coûteuses que les protéines végétales. Rappelons, en effet, que, si notre industrie agroalimentaire exporte plus de 26 milliards de francs de viande de boucherie, elle en importe pour plus de 21 milliards.

La France, présidente en exercice de l'Union européenne, doit prendre toutes initiatives nécessaires pour que les Quinze parviennent à se doter d'une politique de sécurité alimentaire. C'est à cette condition que nous retrouverons « les voies d'une consommation citoyenne, c'est-à-dire informée et confiante », comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre.

Il se peut aussi que cette crise nous aide à progresser vers une agriculture plus durable, plus respectueuse de l'environnement, des hommes et des territoires, tournant le dos au productivisme sans fin.

Les contrats territoriaux d'exploitation créés par la loi d'orientation ne devraient-ils pas être des outils d'encouragement à une telle agriculture ? Sur ce chemin, rien n'est jamais acquis en raison de la loi d'airain du libéralisme qui règne au sein du complexe agro-industriel et dans les autres secteurs. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on comprend les difficultés à combattre l'insécurité maritime ou les émissions excessives de gaz à effet de serre, qui relèvent de cette logique.

L e Gouvernement peut compter sur les députés communistes pour faire preuve de vigilance et pour l'aider à trouver les solutions nécessaires. Il y va de l'intérêt collectif, de celui des consommateurs qui exigent une sécurité alimentaire maximale comme de celui des agriculteurs qui souhaitent vivre décemment de leur activité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. Marcel Rogemont.

Encore ? Si je comprends bien, à l'UDF, ils sont deux : François et Sauvadet !

M. François Sauvadet.

Mes chers collègues, je voudrais dire à M. le ministre que j'accepte l'augure de lui succéder le plus rapidement possible...

M. Marcel Rogemont.

Il faudrait avoir davantage d'amis !

M. François Sauvadet.

... mais je me dois de préciser, pour sacrifier au devoir de vérité, que cela ne pourra se faire qu'avec une autre majorité,...

M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Alors ça prendra du temps !

M. François Sauvadet.

... que j'appelle évidemment de mes voeux. (Sourires.)

Je me suis déjà exprimé, mais, puisque nous sommes dans un débat, je voudrais répondre à M. le ministre. Je n'ajouterai rien sur la cohérence du Gouvernement. L'interdiction de l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale était une nécessité et nous souhaitons que cette mesure soit étendue aux autres pays, pour éviter des distorsions de concurrence dans certains secteurs.

Nous sommes tous d'accord, je crois, pour considérer que l'on ne résoudra pas la crise sans restaurer la confiance des consommateurs, et que, pour ce faire, la vérité est indispensable.

Nous avions ainsi demandé que l'utilisation des tests les plus performants soit généralisée autant que possible.

Vous nous avez répondu sur ce point. Les pays qui ne sont pas engagés dans cette voie auront un jour rendezv ous avec leur opinion publique et seront alors comptables de leurs décisions. Les exemples récents l'ont bien montré.

La vérité, c'est encore l'information, la traçabilité, l'éti quetage, autant d'exigences sur lesquels nous nous accordons.

L'importance du rôle de l'Europe a été rappelé. A ce propos, et contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, on a le sentiment que la négociation ne s'est pas soldée par un succès mitigé, mais par un véritable échec.

Vous disiez que vous aviez évité le pire, notamment l'embargo. Mais combien de pays pratiquent aujourd'hui un véritable embargo sur les viandes et sur les animaux vivants ? Parmi eux, l'Italie et l'Espagne sont au nombre de nos gros clients, et votre argument ne me convainc pas.

Vous n'avez pas répondu à nos questions sur l'aide à la filière. Vous avez dit qu'il manquait un volet européen. Il manque non seulement un volet européen, mais un vrai volet national.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est très grave !

M. François Sauvadet.

Vous disiez d'autre part que la concertation avait eu lieu. Je ne sais pas si vous êtes autiste ; quant à moi, j'ai entendu, comme beaucoup de mes collègues, les réactions des professionnels qui se sont émus, précisément, de l'absence de concertation.

J'ai entendu plusieurs de nos collègues, notamment le président de la commission de la production et des échanges, rappeler que la crise d'aujourd'hui est sans commune mesure avec celle de 1996. Pour savoir si les moyens sont à la hauteur des besoins, il faut évidemment identifier les besoins de la filière, de l'éleveur aux entreprises d'abattage. Je souhaite donc vous entendre dire que vous allez ouvrir très vite une négociation avec tous les acteurs de la filière pour déterminer avec eux ce qu'il faut pour passer ce cap. Nous pourrons ensuite avoir un véritable débat sur les moyens d'accompagnement nécessaires.

Si vous négligez cette étape, les chiffres ne signifieront rien au regard des réalités dramatiques du terrain.

Il est tout aussi nécessaire et urgent de procéder à des dégagements de marché. Le stockage des animaux se fait à la fois dans les fermes, c'est-à-dire sur pied, vivants, et dans les abattoirs. La filière ne peut plus supporter une telle charge. Il faut donc prendre des mesures de stockage public. J'espère que vous nous dévoilerez vos intentions en la matière, plusieurs de nos collègues vous ayant questionné sur cet aspect des choses.

Vous n'avez pas plus répondu, monsieur le ministre, sur la question, pourtant essentielle, des importations. La France importe en effet 21 % de sa consommation.

Quelles sont vos intentions à l'égard des pays qui n'ont pas pris les mêmes précautions que nous en matière de sécurisation ou d'utilisation des farines ? Vous l'avez rappelé, derrière la question des farines se pose celle des contrôles.

M. Alain Marleix.

Il a raison !

M. François Sauvadet.

Certaines de ces farines ne sont d'ailleurs même pas sécurisées. Monsieur le ministre, de grâce, épargnez-nous le faux procès qui consiste à répondre que nous aurions dû interdire les farines animales en 1996. On pourrait, à ce petit jeu, remonter jusqu'en 1990, où la crise a explosé. C'est vous qui étiez aux affaires à cette époque.

M. Alain Marleix.

Eh oui !


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M. Patrick Lemasle.

En 1996, il y a eu des éléments nouveaux !

M. François Sauvadet.

Il faudra aborder ces questions avec un grand sérieux. Nous sommes de ceux qui ont réclamé des mesures - qu'elles soient lourdes ou coûteuses - pour contrôler la destination des farines carnées dans l'alimentation animale.

A propos de l'Europe, vous ne nous avez pas indiqué, monsieur le ministre, quand vous comptez mettre en place l'agence de sécurité alimentaire européenne que nous appelons de nos voeux et dont nous voyons bien l'importance qu'elle pourrait avoir pour éclairer le conseil des ministres. C'est à vous qu'il appartient de le faire puisque vous présidez le conseil des ministres européens de l'agriculture. Pouvez-vous nous donner une date précise ? Je voudrais enfin vous livrer quelques réflexions sur l'appréhension et la gestion de la crise par le Gouvernement.

Première remarque, sur le degré de responsabilité du scientifique par rapport au politique. On ne peut pas faire jouer à des comités d'experts, à des chercheurs dont la vocation est d'avancer dans la recherche, dans la connaissance de phénomènes complexes - Mme Gillot l'a rappelé -, le rôle qui revient au politique. Le chercheur a vocation à éclairer, le politique a vocation à décider. Il appartient au politique de décider en fonction des connaissances et d'hypothèses que la science permet d'affiner et qui fonderont d'autres décisions. En aucun cas l'incertitude scientifique ne saurait justifier l'inaction politique. C'est pourtant ce qui s'est passé pendant plusieurs semaines, pendant lesquelles vous renvoyiez à l'agence de sécurité alimentaire le soin d'éclairer une décision que vous avez finalement prise, je veux parler de l'interdiction de l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale. C'est précisément en période d'incertitude que la responsabilité politique prend tout son sens. Lorsque les données sont certaines, monsieur le ministre, elles s'imposent d'elles-mêmes.

Deuxième réflexion, sur la notion même de risque alimentaire et de norme.

Il faut le réaffirmer, le risque zéro pour tous, du nourrisson au quatrième âge, n'existe pas. Il faut bien établir une norme acceptable, et donc acceptée, notamment visà-vis de nos produits typiques dont certains ont connu des problèmes - rappelez-vous la crise de l'époisses.

Troisièmement, je voudrais réagir à des propos que j'ai souvent entendus sur les bancs de la majorité. Je considère que les personnes qui se livrent à des attaques permanentes contre un modèle productiviste pour légitimer une nouvelle politique ou pour en tirer des leçons sur la politique agricole se trompent, tout comme les adeptes du slogan de la malbouffe qui voient dans les schémas du passé une leçon pour l'avenir.

Il suffit de mesurer le chemin que nos producteurs ont parcouru en matière de sécurité alimentaire et de lutte contre des maladies qui, aujourd'hui, fort heureusement, sont éradiquées. Ce résultat a été obtenu grâce à un s ystème qui associait précisément la connaissance scientifique et la pratique de l'élevage.

Les mauvais procès auxquels se livrent certains sont une insulte à tous ceux qui ont beaucoup travaillé, dans les années soixante, pour parvenir à l'exigence de l'autosuffisance alimentaire. Cet objectif, qui leur était assigné, a été atteint grâce aux agriculteurs, aux éleveurs et aux producteurs.

Quatrième remarque, concernant la légitimation de la nouvelle politique. Les conséquences de la modulation des aides sur les zones intermédiaires ont été maintes fois évoquées ici. Elles touchent notamment les zones de prod uction oléoprotéagineuse, desquelles nous attendons beaucoup, et non pas, comme vous le disiez, les zones les plus riches. J'espère, monsieur le ministre, que vous tirerez les leçons de cette crise, en admettant notamment le bien-fondé de notre souhait d'un véritable plan protéines, pour revenir sur les conditions de l'application de la modulation. Cela n'exclut pas d'ailleurs qu'une réflexion soit menée par exemple sur les systèmes de plafonnement des aides.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais réaffirmer l'exigence qui est la nôtre d'éviter une alimentation à deux vitessses avec, d'un côté, des produits qui, fabriqués avec une traçabilité assurée, et selon des conditions de production, et parfois de prix, particulières, seraient réservés à certains et, de l'autre côté, des produits de masse de moindre coût et souvent importés.

Nous devons assurer à tous les segments du marché, les produits industriels comme les autres, les mêmes garanties de sécurité alimentaire, les mêmes exigences de contrôle.

Sinon, on créerait une situation intenable et paradoxale.

Les enjeux sont importants, il s'agit à la fois de conserver une économie sur l'ensemble du territoire, de préserver des savoir-faire, un modèle alimentaire diversifié et typique et d'éviter le piège de voir d'autres pays devenir, demain, des champions de l'univers alimentaire au nom de la sécurité totale. On le voit, les enjeux sont économiques, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre, et ils touchent à l'aménagement du territoire. Mais, plus largement, les enjeux sont culturels et concernent la société.

Nous avons posé des questions précises auxquelles nous attendons, et les Français avec nous, des réponses précises de votre part, madame, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Mesdames, messieurs, le calme de la population française est remarquable : pas de mouvement de panique, pas de peurs irraisonnées malgré les débordements de propos et d'images présentant une réalité grave sous un aspect dramatique et effrayant.

Inondés d'informations diverses souvent contradictoires, les Français, ne sachant plus que croire, ont adopté une attitude normale de prudence.

Je comprends que, lors de la découverte des premiers cas humains d'une maladie mortelle comme l'encéphalite à prions, l'émotion ait été grande et que des excès de langage et des images de fin du monde aient pu venir à l'esprit ou sous la plume des plus sensibles et des plus fragiles.

Dans le domaine de la prévention sanitaire, en effet, toute décision a des conséquences financières énormes.

L'indemnisation de la filière bovine s'élève à des milliards. La destruction des farines animales, les conséquences subies par les industries du cuir et du vêtement, les reconversions des marchés des farines, des protéines végétales et des oléagineux, les transferts de consommation vers d'autres sources protidiques porcines, ovines ou autres, les modifications des courants commerciaux, s'accompagnent de mouvements de capitaux et de profits aujourd'hui difficilement chiffrables.


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Les uns s'inquiètent, certains seront ruinés, d'autres se frottent les mains et de nombreux groupes de pressions s'activent, en quête de profits d'aubaine.

L'émotion initiale ne marque plus le ton de l'information, mais la défense d'intérêts et la recherche de profits en décident désormais.

Les conséquences sociales de cette crise, monsieur le ministre de l'agriculture, seront, elles aussi, considérables.

Les rivalités que l'on nous assurait disparues dans un communautarisme radieux n'ont pas manqué de s'élever entre nous et nos partenaires européens. Maintenant que la maladie bovine a de facto gagné toute l'Europe, j'espère que la défense d'intérêts communs immédiats évitera au gouvernement français ainsi qu'aux gouvernements étrangers, des décisions égoïstes et parfois absurdes.

Il nous appartient de retrouver toute notre sérénité si, d'aventure, certains d'entre nous l'avaient perdue, afin que les lois soient les rapports nécessaires qui décident de la nature des choses et non des artifices de législateurs qui cherchent à plaire.

Certes, on ne peut, en aucune manière, mettre en balance la santé d'une seule personne et les intérêts matériels de quiconque, mais on ne peut, non plus, ignorer leur étroite relation. Aussi, quand manque une évidente solution d'efficacité absolue, en situation d'incertitude, la gestion du risque n'est pas indifférente. Prendre des précautions ne se discute plus, mais dévoyer les moyens vers des risques émotionnellement perçus par une population apeurée est condamnable.

Un accident sanitaire qui appelle des solutions raisonnables épargnant les vies, préservant les intérêts des individus et ceux de la collectivité, s'est transformé en une crise de société.

Il manque encore des outils législatifs et judiciaires, pour permettre à la représentation nationale et aux institutions de l'Etat de prévenir, et non plus seulement de gérer, des crises comme celle-ci qui, sans que personne ne l'ait souhaité, transforme le monde agricole et l'industrie agroalimentaire, bouleverse la société tout entière, ses h abitudes alimentaires, ses valeurs culturelles et sa manière d'être.

Mes chers collègues, c'est à nous d'y pourvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Mesdames, messieurs, malgré l'actualité, un débat sur la sécurité alimentaire ne peut se restreindre au simple sujet de l'ESB. Le politique ne peut se contenter de subir les événements. Il a précisément pour fonction de prévoir et d'ouvrir le chemin.

Dès lors, dans ce débat sur la sécurité alimentaire, nous ne pouvons évacuer les problème posés par les métaux lourds et le traitement des boues d'épandage. Pourquoi devrions-nous aborder ce sujet plus tard, alors que la lutte contre le saturnisme a été évoquée jusque dans la loi de lutte contre les exclusions ? Il y a peu de temps, les préfets des Yvelines et du Vald'Oise ont pris des dispositions interdisant la culture sur des zones très étendues - rien que pour les Yvelines, les villes de Carrières-sous-Poissy, Triel-sur-Seine, Chanteloup-les-Vignes, Andrésy et Achères sont concernées.

Cette interdiction de culture - qui ne porte pas encore sur les fleurs, censées ne pas être consommées - ne semble pas réellement motivée. On a certes trouvé des métaux lourds, mais jusqu'à quelle profondeur se sont-ils infiltrés ? Pour combien de temps ? Comment traiter ce problème ? Si des métaux lourds sont présents dans la terre, c'est parce que les terrains ont été épandus - en l'occurrence, les épandages proviennent de la ville de Paris.

Des prélèvements ont été réalisés, dont les résultats sont préoccupants. Alors que les normes actuelles sont par exemple de 100 milligrammes de plomb par kilo dans l'ensemble des secteurs qui ont été épandus en France, on trouve dans les parcelles de la région des teneurs de l'ordre de 250 milligrammes au kilo. Pour le mercure, alors qu'1 milligramme est toléré, on en est à 2 milligrammes. Et je ne parle pas des autres métaux, comme le cadmium.

Peut-on laisser ces terrains tels quels ? N'a-t-on pas vu récemment, dans le Nord, la viande de vaches qui avaient malencontreusement consommé des herbes issues de terrains pollués devenir impropre à la consommation ? Les assurances d'ailleurs n'avaient pas prévu ce cas de figure, ce qui pose problème. Ne doit-on pas imaginer que ces métaux lourds qui se sont déposés au fil des décennies dans des terrains sablonneux, utilisés justement comme filtres, vont finir par descendre jusque dans les nappes phréatiques ? La question du traitement de ces terrains mérite d'être traitée parce que ce n'est pas parce qu'on aura empêché l'agriculture que pour autant le problème va disparaître.

D'autant qu'aucune indemnisation n'a été prévue pour quiconque. Pour les agriculteurs, on envisage simplement de déplacer leur exploitation tandis que rien n'est proposé pour les propriétaires. Quant aux communes qui voient des activités disparaître, aucune aide particulière n'est prévue pour leur permettre de transformer l'usage de ces terrains sur lesquels il serait bien sûr trop dangereux de laisser construire des pavillons avec jardins potagers. Il faut pousser la réflexion.

Certes, une alternative existe au problème de l'épandage : l'incinération des boues d'épandage. Mais on se heurte là à une difficulté : si les métaux lourds sont présents dans la terre, même après filtrage des eaux, ils sont aussi présents dans les fumées. Après incinération dans des centrales, ils risquent fort d'être projetés dans l'atmosphère et donc de se redéposer sous l'effet des vents dominants sur les terrains. Et nous voici revenus au problème de la pollution des terres et de la nappe phréatique.

Aucune étude sérieuse, aucune stratégie n'a encore été développée par rapport à ce problème qui sera probablement, demain, aussi grave que celui que vous avez évoqué au début du débat.

Sans compter que d'autres pollutions qui ne sont pas liées aux centrales d'épuration apparaissent. Ainsi, des prélèvements réalisés autour d'autoroutes, de nationales à grande circulation, et aéroports font état de taux de pollution par les métaux lourds relativement importants. Là aussi, il faudra bien se préoccuper, demain, des conséquences que ces pollutions pourront avoir sur le plan de l'agriculture et des nappes phréatiques, donc sur le plan de l'alimentation.

Comment le Gouvernement compte-t-il traiter le problème des terrains concernés par ce type de pollution ? Comment éviter la pollution des nappes phréatiques ? Envisage-t-on de favoriser le recyclage des composts et autres boues des centrales d'épuration quand ceux-ci sont de qualité ? Comment vérifier leur qualité ? Envisagezvous d'empêcher la généralisation de l'incinération des b oues d'épandage contaminées ? Trouvera-t-on les moyens de contrôler les niveaux de pollution des boues, des terres, des végétaux et des animaux qui sont soumis à


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ces pollutions ? Ne serait-il pas temps d'introduire un peu de transparence dans ce domaine ? Les élus locaux notamment ont le droit d'être informés. Aujourd'hui, on leur communique le taux de pollution de l'air ou le taux de pureté de l'eau. Ne pourraient-ils pas disposer régulièrement d'autres éléments afin de rassurer les populations sur l'état de pollution de leur environnement ? Il ne faudrait pas que, au motif que nous avons voulu mieux nourrir le monde, nous puissions être accusés, demain, par nos enfants d'avoir empoisonné la terre.

Dans ce domaine, l'information, la transparence sont essentielles. En tant que politiques, nous devons ouvrir la voie et anticiper les événements pour qu'ils ne viennent pas nous « percuter » brutalement, comme ce fut le cas de l'ESB.

Telles sont les questions que je voulais vous poser, madame, messieurs les ministres, sur ce sujet qui nous préoccupe beaucoup. Je dois avouer que, pour l'instant, elles sont restées sans réponse de la part de l'Etat. Il serait temps d'engager une réflexion d'ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, la conjonction des avancées de la recherche et du développement de la société de l'information crée de nouveaux défis pour notre civilisation. Saurat-elle garder la tête froide face à cette avalanche de découvertes, d'incertitudes, d'informations plus ou moins vérifiées ? En effet, de jour en jour, les chercheurs progressent et découvrent la clé de questions posées parfois de longue date. Malheureusement, ils ne sont pas toujours immédiatement en mesure d'en trouver la combinaison. Ils découvrent, en même temps, d'autres risques que l'on a trop tendance à classer dans les conséquences de la société moderne, même s'il ne s'agit souvent que de la découverte de risques anciens mais qui, parce qu'ils étaient inconnus, ne posaient pas de problèmes à notre société.

La perception du risque est un mouvement très différent de la réalité du risque elle-même. On peut même avancer que plus la science avance, plus ses progrès bénéficient à notre société, plus celle-ci, paradoxalement s'inquiète.

Comment expliquer autrement le fait que c'est au moment où l'état de santé des Français est le meilleur, si l'on en croit le dernier rapport de l'OMS, que c'est au moment où l'espérance de vie est la plus forte et ne cesse de croître - ne gagnons-nous pas trois mois tous les ans ? - que la panique gagne nos concitoyens ? La commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire présidée par Félix Leyzour a bien exposé ces contradictions dans le rapport de M. Daniel Chevallier. Elle a relevé la confusion entre manger sain et manger équilibré et établi une différence entre sécurité san itaire et « malbouffe », en soulignant que cette dernière était à l'origine de bien des problèmes de santé chez nos concitoyens. Après la mission d'information de 1997, elle a aussi contribué à dresser un état des savoirs en matière d'ESB, qui a d'ailleurs été conforté par le colloque organisé mardi dernier dans notre enceinte à l'initiative de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques.

Cette maladie reste énigmatique, donc inquiétante. Si l'on ne connaît pas ses origines, on sait qu'elle n'est pas nouvelle puisque certains chercheurs la font remonter au

XIXe siècle. Ce qui est assurément nouveau, c'est son mode de diffusion, conséquence directe d'un abandon des règles élémentaires de prudence en Grande-Bretagne. Plus personne ne conteste en effet que le recyclage des bovins atteints en farines de viande est le principal vecteur de contamination et que nos voisins, non contents de prendre des risques, ont, pour des raisons économiques, abandonné les dispositifs de sécurisation au profit de procédés plus aléatoires qui se sont révélés catastrophiques

Nous avons la certitude aujourd'hui que le prion franchit dans certains cas la barrière des espèces par des mécanismes encore à explorer. Nous savons qu'il ne survit pas en milieu hostile et que la recontamination par le pâturage est impossible si les règles couramment admises en matière de temps d'attente après épandages d'engrais ou amendements sont respectées. Chacun devrait savoir aussi que le muscle n'est jamais atteint et que, par conséquent, la consommation de viande ne comporte pas de danger, à plus forte raison quand elle est « tracée ».

Enfin, nous savons que les tests disponibles sur le marché ont un degré de fiabilité certain, mais pas total dans la mesure où ils ne peuvent détecter la maladie à un stade précoce de développement.

Reste cependant beaucoup de questions sans réponses ! Y a-t-il une dose minimale de prions que l'homme pourrait accepter sans dommage et, dans ce cas, y a-t-il un effet cumulatif des doses subinfectueuses ? Comment s'opère le franchissement de la barrière des espèces ? Si la recherche a commencé à nous éclairer sur ce sujet, beaucoup de zones d'ombre subsistent. Alors que l'on avance que la période d'incubation est longue - cinq, dix, quinze ans voire plus - pourquoi des jeunes sont-ils atteints en Grande-Bretagne mais aussi chez nous ? Est-on certain que la contamination des bovins ne se fait pas par d'autres voies ? On parle beaucoup d'une troisième voie.

Peut-on mieux cerner ce problème ? Toutes ces questions, et bien d'autres, nous sont posées et je sais qu'il n'est pas dans notre pouvoir d'y répondre ce matin. Cependant, il est une interrogation qui peut trouver réponse aujourd'hui : de quels moyens le gouvern ement français compte-t-il doter nos instituts de recherche afin d'apporter des réponses plus fiables à nos concitoyens ? Bien sûr, le résultat n'est pas toujours proportionnel aux moyens consacrés : reste que, sans moyens, la recherche ne peut pas avancer. Par ailleurs, alors que le problème est européen, sinon mondial - on peut nourrir des doutes en effet sur ce qui se passe en Amérique du Nord - quelle coordination scientifique est envisagée ? C'est aussi en apportant des réponses claires et sans détour à ces questions que nous redonnerons confiance à nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Julia.

M. Didier Julia.

Monsieur le ministre, j'ai deux questions brèves à vous poser et je vous serai très reconnaissant d'y répondre de manière claire.

Vous avez parlé d'un devoir de vérité. Ce devoir de vérité, nous l'avons à l'égard des consommateurs, particuliers ou restaurateurs. Comme l'a très justement rappelé mon collègue François Sauvadet, 21 % de nos importations viennent de pays qui continuent à utiliser des farines carnées, parfois non sécurisées. Dans ces conditions, les consommateurs devraient avoir le droit de savoir d'où vient la viande qu'ils achètent. Il serait donc souhaitable de généraliser l'étiquetage relatif à la provenance et de fournir aux bouchers une liste des pays en question qu'ils pourraient afficher.


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D'autre part, s'agissant du poisson, il faudrait distinguer poisson d'élevage et poisson sauvage dans les poissonneries et les restaurants. Les consommateurs ont le droit de savoir si les poissons d'élevage sont nourris avec des farines carnées non sécurisées par exemple, si leur saumon vient de Norvège, où des farines carnées non sécurisées sont encore utilisées, ou de pays respectant les précautions élémentaires en la matière. Le même genre de problème se pose pour les volailles.

La réponse que j'attends de vous, monsieur le ministre, s'inscrit dans une démarche de vérité qu'il vous revient de mettre en oeuvre car c'est vous qui êtes au gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, les Verts se réjouissent que le Parlement débatte aujourd'hui des questions de sécurité alimentaire alors que l'inquiétude, voire la psychose, règne dans notre pays. Ces dernières semaines, beaucoup de nos concitoyens ont boycotté la viande de boeuf. Des élus locaux l'ont supprimée des menus des cantines scolaires. Certains parents ont demandé à leurs enfants de ne pas en manger et les ont même retirés des cantines. Il nous appartient donc d'apporter des réponses précises afin de dissiper les craintes parfois irrationnelles, je vous l'accorde - qui assaillent la population.

L'affaire du sang contaminé est encore dans tous les esprits, et la sécurité alimentaire et sanitaire suscite toujours les mêmes interrogations : Quels risques couronsnous, nous et nos enfants ? Quels dangers nous guettent ? Nous dit-on toute la vérité ? Nous ne sommes plus au temps de Tchernobyl où les nuages radioactifs s'arrêtaient par miracle aux frontières.

La population veut savoir. Elle est en droit d'exiger une totale transparence sur ces sujets. Je ne doute pas que cela soit notre volonté à tous.

Les Verts ne veulent pas jouer les Cassandre. Simplement, ils en appellent à la responsabilité de chacun, à la responsabilité des élus, à la responsabilité de l'Etat et plaident pour une mise en oeuvre stricte du principe de précaution. Dans les décisions publiques, les intérêts économiques doivent être subordonnés aux préoccupations de santé publique. La santé humaine n'a pas de prix et nous n'avons pas le droit de ne pas nous donner tous les moyens pour la préserver.

Le Parlement, par la loi du 1er juillet 1998, a déjà posé les bases d'une réforme sanitaire majeure. En créant l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, nous avons voulu donner à la France un organe d'expertise indépendant. Les avis pertinents qu'elle a rendus nous montrent que nous avions raison. Nous n'avons qu'un seul regret : sa saisine tardive qui entretient un climat d'insécurité. La population a besoin d'avis immédiats.

Elle a besoin de certitudes même si la science, nous le savons bien, ne peut pas toujours en donner. C'est pourquoi, nous sommes favorables, dans cette attente, à des mesures probatoires.

De même, les Verts ont dénoncé la décision prise en 1998 d'autoriser la mise en culture de maïs transgénique.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Moi aussi, en tant que parlementaire !

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre, je note votre opposition à cette décision.

(Sourires.)

Et notre assemblée a adopté, le 7 novembre dernier, une résolution demandant au Gouvernement de s'opposer à la mise sur le marché de tout OGM dans les quinze pays de l'Union européenne tant que les questions relatives aux risques, à la traçabilité, à l'étiquetage et à la responsabilité ne sont pas tranchées.

La position du Conseil d'Etat sur la légalité de l'arrêté ministériel de 1998 n'est pas acceptable compte tenu du fait que la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure de nos concitoyens. Il nous faut revenir sur cette décision et instaurer un moratoire sur toutes les espèces, y compris le maïs. Rappelons que les Etats-Unis eux-mêmes commencent à mesurer certaines des conséquences négatives des OGM et à revoir leur position.

Je voudrais maintenant évoquer une carence majeure de notre dispositif de sécurité sanitaire, madame la secrétaire d'Etat.

En adoptant la loi du 1er juillet 1998 relative à la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, nous n'avons pas pris en compte les risques liés à la dégradation de l'environnement.

L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, dont la création a été débattue en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, constitue la réponse à ces risques nouveaux. Ses compétences doivent être larges et ne pas se restreindre à de simples autorisations de mise sur le marché de produits chimiques car, au regard des normes de l'OMS, la France est en retard.

Les problèmes liés aux substances telles que la dioxine montrent bien qu'il n'est pas possible de séparer les questions de sécurité sanitaire environnementale de celles de sécurité alimentaire. A cet égard, un rapport récent de la direction générale de l'alimentation a montré que les doses fixées par le ministère de la santé étaient insuffisantes. Ainsi un enfant soumis à un régime alimentaire banal subit une contamination deux fois supérieure à la norme admissible. Les Etats-Unis, pourtant soumis à des pressions économiques fortes, ont adopté des normes cent fois plus sévères que celles qui ont cours dans notre pays.

M. le président.

Monsieur Marchand, veuillez conclure !

M. Jean-Michel Marchand.

Je conclus, monsieur le président.

L isteria, salmonelles, prions, hormones, nitrates, plomb, les poisons se mêlent aux bactéries dans l'inquiétude des consommateurs. Pourtant, il nous est possible d'agir en amont. Nous ne demandons pas d'interdire les fromages au lait cru mais d'encadrer sévèrement les implantations d'usines d'incinération qui, par des procédés peu performants à moindre coût contaminent la chaîne alimentaire.

Cessons d'opposer logique économique et logique sociale, sinon les crises sanitaires auront des coûts économiques et politiques considérables. La France doit mettre fin aux désordres sanitaires liés aux risques environnementaux. Pour cela, nous avons besoin d'une agence de sécurité sanitaire environnementale dotée de moyens financiers et d'expertise importants.

N'oublions pas que la santé publique est l'une des responsabilités fondamentales de l'Etat. Notre santé dépend de plus en plus de la qualité de notre environnement et de notre alimentation. Aussi, les députés Verts souhaitent-ils que des mesures urgentes soient prises dans le domaine de l'alimentation et que le Gouvernement fasse de leurs réflexions sur l'environnement une priorité législative.


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M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charrette.

M. Hervé de Charette.

En cette période de crise, j'ai à l'esprit, comme vous tous, mes chers collègues, que la France est l'un des pays au monde qui a le troupeau bovin le plus important tant par son volume que par sa qualité. L'Ouest est capable de rivaliser avec les meilleurs et, permettez-moi de le dire, la région dont je suis l'élu est aujourd'hui la première pour l'élevage bovin dans notre pays. Si la crise bovine est un événement de portée mondiale, c'est aussi pour les exploitants agricoles qui ont créé des PME performantes un drame, source d'un désarroi profond.

Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas comparable avec ce qui s'est passé en 1996 où la crise venait de l'extérieur, de Grande-Bretagne, où cette maladie est apparue pour la première fois. Il fallait alors se protéger, fermer les frontières et convaincre les consommateurs que nous mettions en vente des produits français. Désormais, le mal est chez nous - ayons l'humilité de le reconnaître - et cette crise française ébranle de façon très profonde la confiance et des éleveurs et des consommateurs qui ont le sentiment d'avoir été trompés, les uns sur la qualité des produits qu'ils ont donnés à leurs animaux, les autres sur la qualité des produits qu'ils ont eu dans leur assiette.

Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : le plan du Gouvernement est-il suffisant ? Je la pose sans esprit polémique. Je pense même que sur des sujets de cette ampleur, l'ensemble de la représentation nationale, l'ensemble des forces politiques peuvent essayer loyalement de rechercher les bonnes réponses.

Je rappellerai d'abord que les agriculteurs réclament des aides pour retirer les bêtes qui ne pourront être vendues du marché de façon à le rétablir à un niveau convenable, mais aussi des aides de trésorerie pour faire face à leurs échéances et des allégements de cotisations sociales pour compenser durablement les pertes subies par leurs exploitations. Or votre plan, qualifié par la FNSEA de trompel'oeil, ne comporte pas de réponses à toutes ces revendications et le volume des crédits mobilisés ne donne pas le sentiment d'être à la mesure de la crise.

L'agriculture française devra désormais produire ellemême les protéines végétales appelées à remplacer les pro téines animales. Certes, en ce domaine, notre pays est enserré dans toute une série de dispositions, de règlements et d'accords internationaux, notamment celui conclu en 1994 dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce, mais les événements ont changé la donne.

La nature de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui me paraît relever de ce que les juristes appellent un cas de force majeure. Il est donc indispensable que la France et l'Europe se mobilisent pour se sortir de cette crise.

En outre, il est urgent de rétablir la confiance. Mais sur quoi peut-on compter pour cela ? On a parfois le sentiment que le Gouvernement se dit que le temps efface tout et effacera cette crise comme les autres. Vous avez proposé de développer les tests et de multiplier les contrôles. Seulement, monsieur le ministre, mon expérience de l'administration ne peut me rendre que sceptique quand je lis que trois cents vétérinaires seront recrutés dans le cadre d'un programme pluriannuel. Des promesses de la sorte ont été annoncées mille fois sans jamais être tenues. Et si elles l'étaient, il serait de toute façon trop tard. Bref, il faut des engagements plus fermes, qui prouvent que l'on agit vite.

D'autre part, il faut bien se rendre compte qu'aujourd'hui ce n'est plus seulement l'origine des animaux - la traçabilité - que nos concitoyens veulent connaître, c'est aussi le contenu de l'alimentation que les éleveurs leur ont donnée. A cet égard, monsieur le ministre, je vous avais écrit pour vous proposer la mise en place d'un cahier des charges de la production bovine nationale.

Accepté et validé par les éleveurs et par les consommateurs, il serait contrôlé par un organisme certificateur indépendant, agréé par les pouvoirs publics, placé sous le contrôle du service de la répression des fraudes et composé à parts égales de représentants des consommateurs et de représentants des éleveurs. Cette proposition ne sort pas de mon cerveau. Elle résulte d'un travail commun mené dans ma région, notamment autour du vice-président du conseil régional Marc Colas. J'aimerais que vous m'apportiez une réponse à ce sujet. Peut-être pourriez-vous créer un groupe de travail national pour l'examiner ? Je remarque enfin que nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir quatre ministres... sur un seul sujet, la sécurité alimentaire. Cela reflète un petit problème, que tout le monde reconnaît aujourd'hui : dans l'organisation gouvernementale, il n'y a pas de responsable de la sécurité alimentaire, qui soit clairement identifié et qui soit doté de pouvoirs suffisants.

Madame et messieurs les ministres, cette remarque n'est pas dirigée contre vous, qui n'en pouvez mais. Mais vous pouvez au moins en faire part au Premier ministre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur l'aspect scientifique et sur le plan de la sécurité alimentaire, la réunion qui s'est tenue dans nos locaux, mardi dernier, sous l'égide de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, a permis d'avancer et de rassurer certains esprits. Certes, la presse n'en a pas beaucoup fait relation.

Mais les contributions du professeur Yann Mac Connell, de Cambridge, celle de Mme Annick Alperovitch, de l'INSERM, celle de M. Fischler ont permis d'exposer certaines certitudes, même si des points méritent encore d'être précisés et des recherches menées.

Dans la crise que nous connaissons, quand l'absurdité acquiert la force de l'évidence, que faire ? Ce dilemme se pose à la fois aux pouvoirs publics, aux scientifiques, aux éleveurs bovins, aux consommateurs et, bien évidemment, à nos partenaires de l'Union européenne.

Là-bas, j'ai entendu parler des Etats-Unis, on le sait mais on ne le dit pas -, il y a des milliers de cas d'ESB ! On a vanté l'organisation américaine et la Food and drugs administration.

Mais les Etats-Unis n'ont pas mis en place de système de dépistage. Leurs pratiques d'élevage seraient c onsidérées en d'autres endroits, et notamment en France, comme très inquiétantes.

Par ailleurs, en tant que parents d'élèves, nous avons tous envoyé, il y a cinq, quinze ou vingt ans, nos enfants en Grande-Bretagne pour des séjours linguistiques. Et si je m'en tiens à certains propos, nous sommes tous des assassins...

Il s'agit donc de replacer les choses dans leur contexte.

On ne rappellera jamais assez que la prétendue logique libérale des années Thatcher, au début des années 80,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

lorsque les autorités politiques et sanitaires d'outreManche ont baissé la garde sur les farines animales et sur les contrôles dans les abattoirs, est à la base du cataclysme qui nous frappe. L'acte de contrition et de repentance du successeur conservateur de Mme Thatcher, M. Major, nous éclaire d'ailleurs sur les conséquences désastreuses des décisions prises, il y a à peu près vingt ans, en Grande-Bretagne.

De fait, pour notre filière bovine française, notamment pour nos races à viande, c'est non seulement un désarroi, mais un désastre. Nos éleveurs se considèrent, à juste titre, comme victimes d'une injustice terrible, car il s'agit en majorité de producteurs qui, adeptes de l'élevage extensif, ont été soumis à un cahier des charges rigoureux et ont été parmi les plus attentifs en matière de sécurité alimentaire. Les grosses ficelles tirées par nos partenaires de l'Europe des Quinze ou l'illusion protectionniste qui vient contrecarrer le libre marché, par lesquelles on tente de communiquer la psychose française aux consommateurs européens, n'y changeront rien.

En France, certains responsables agricoles, à commencer par le président de la FNSEA et le président de la Fédération nationale bovine, ont puissamment contribué à accroître le doute et la suspicion en faisant des propositions consternantes et démagogiques.

M. Patrick Ollier.

La Confédération paysanne aussi !

M. Alain Rodet.

Ils auraient dû se porter garants des efforts que font depuis de longues années nombre de nos éleveurs bovins, leurs propres collègues, leurs propres mandants ! En quinze jours, leur discours a changé. Ils viennent de rejeter en bloc, sans nuance, le plan gouvern emental. C'est bien connu, certains pyromanes reviennent sur les lieux du sinistre avec la grande échelle des pompiers...

Seulement, et au-delà de ces déclarations provocatrices, il faut voir les dégâts qu'une telle attitude a provoqués dans l'opinion publique ; et les risques que cette crise aura pour nos exportations vers les pays de l'Union européenne, notamment vers l'Italie.

Le paradoxe fait que le principe de précaution est venu terrasser le principe de vérité. Comment gérer cette crise et ses conséquences ? Naturellement, les réponses sont multiples. Elles doivent être élaborées dans l'urgence, même s'il convient de travailler avec le souci du long terme.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que le plan g ouvernemental était susceptible d'être amélioré et complété.

M. le président.

Monsieur Rodet, il faudrait conclure !

M. Alain Rodet.

Tout le monde est d'accord pour considérer qu'il faudrait aussi agir énergiquement au niveau européen. Vous avez annoncé que vous aviez fait avancer le Conseil des ministres de l'agriculture que vous présidez. Mais il faut également agir auprès de la Commission et de son président italien, M. Romano Prodi, et sensibiliser nos collègues du Parlement européen - dont la présidente, Mme Fontaine, est française - au rôle qu'ils peuvent jouer dans cette crise majeure.

Il faut mener des actions de promotion. Il n'y a pas de raison que les consommateurs restent sceptiques face aux arguments que l'on peut avancer avec certitude. L'interdiction préventive et systématique de la viande de boeuf est une fausse sécurité et ne constitue en rien une mesure d'hygiène alimentaire.

M. le président.

Monsieur Rodet !

M. Marcel Rogemont.

Ce qu'il dit est intéressant !

M. Alain Rodet.

Rassurez-vous, monsieur le président, je parlerai beaucoup moins longtemps que M. de Charette...

Les impératifs de santé publique n'impliquent pas le boycott de la viande de boeuf. Au-delà des améliorations que vous pourriez apporter dans les jours prochains, notamment à la suite de la réunion que vous allez tenir avec vos collègues européens, il convient, monsieur le ministre, d'être attentif à trois problèmes.

Le premier problème est celui des abattoirs publics.

Ceux-ci sont dans une situation encore plus grave que les abattoirs privés, car ils ne relèvent pas du dispositif d'aides prévu par le ministère du travail et de l'emploi.

Le deuxième problème est celui des déchets d'abattoir, des filières d'équarrissage, de la collecte, du traitement de ces déchets, de leur stockage, de l'élimination des farines.

Cela va coûter des sommes colossales ; il faudra, dans les tout prochains mois, éliminer plus de 250 000 tonnes de farines.

M. le président.

Monsieur Rodet, je vous prie maintenant de conclure.

M. Alain Rodet.

Le troisième problème est lié à l'attitude de l'Italie : insister tout particulièrement pour que ce pays, qui absorbe le plus grand nombre de nos jeunes bovins, que ce soit en circuit vif ou en carcasses, lève très rapidement ses mesures d'embargo. Cette mesure s'impose aujourd'hui en toute priorité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

M. Rodet est facétieux. Il devrait pourtant sortir un peu de Limoges pour voir comment se présente la filière limousine et ce que pensent réellement les agriculteurs de la situation ; il comprendrait mieux leur détresse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le ministre, dans un esprit consensuel, je tiens d'abord à dire que le Président de la République a bien fait de demander la suppression des farines animales.

Le Gouvernement a bien fait de le faire. Et nous vous soutenons dans l'application de cette mesure, certainement difficile.

Ensuite, s'agissant de l'avenir, je voudrais parler du remplacement des farines animales par les oléagineux et les protéagineux. On sait que c'est possible. Je voudrais vous poser plusieurs questions à ce sujet.

Au niveau de l'Union européenne, il faut appuyer et favoriser les intiatives prises par les Etats membres en matière de recherche et de sélection variétale. Est-ce prévu ? Dans quelles conditions ? Il serait également opportun de relever, dès la récolte 2002, le niveau du paiement à l'hectare spécifique octroyé aux protéagineux. Un éventuel ajustement serait compatible avec l'accord de Blair House.

Il convient enfin de rechercher les moyens de limiter le risque pris par les agriculteurs européens qui vont s'orienter, du moins l'espère-t-on, vers ces productions : d'une part, en travailant dès à présent à la mise en place d'un soutien à la diversification des assolements, dans le cadre du règlement européen sur le développement rural ; d'autre part, en préparant l'instauration pour 2002 d'un

« filet de sécurité » susceptible de leur offrir une garantie adaptée.

Les oléagineux peuvent être utilisés à des fins non alimentaires. Il serait opportun de favoriser l'utilisation des gazoles d'ester méthylique d'huile végétale, d'envisager


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

une exonération de la TIPP et de promouvoir une réglementation de l'usage des produits issus de la lipochimie et permettant de préserver l'environnement.

Voilà quelques mesures qu'il me semble souhaitable de prendre pour aider au remplacement, par des protéines végétales, des protéines animales.

S'agissant de la France, je ne vous interrogerai pas sur les quelque 400 000 tonnes de farines animales en stock et sur leur destruction. Mais j'observe qu'on peut mettre en place des cultures d'oléoprotéagineux sur environ 800 000 hectares. C'est possible dans le cadre des accords de Blair House. Si j'insiste sur ce point, c'est parce qu'on utilise systématiquement l'argument de Blair House pour mettre en avant certaines impossibilités.

En l'occurrence, mettre en culture 400 000 hectares de pois protéagineux, qui ne sont pas limités par l'accord de Blair House, est immédiatement réalisable ; mettre en culture 400 000 hectares d'oléagineux sur les terres actuellement en jachère implique, en revanche, que vous obteniez certaines autorisations de Bruxelles.

Monsieur le ministre, les 20 et 21 novembre derniers, on ne peut pas dire que cela se soit très bien passé avec vos collègues de l'agriculture, au niveau européen.

M. Marcel Rogemont.

Pourquoi ?

M. Patrick Ollier.

Il est évident que la France se trouve quelque peu en difficulté. Il y a lieu de le regretter - et non de s'en réjouir, cher collègue...

M. Marcel Rogemont.

J'ai seulement demandé pourquoi !

M. Patrick Ollier.

Nous sommes bien d'accord.

Toute avancée vers une relance des cultures oléoprotéagineuses au niveau communautaire sera plus difficile, à court terme. Dans la logique de la Commission, cette relance ne s'imposera que si le développement des tests, à partir du 1er janvier 2001, fait apparaître des cas plus nombreux d'animaux malades dans les pays qui se considèrent aujourd'hui comme indemnes. Et encore... On voit ce qui se passe en Allemagne, en Espagne, aux PaysBas. La France doit donc adopter une position très ferme pour engager sérieusement la mise en culture des protéines végétales.

En conclusion, monsieur le ministre, je pense que vous n e ferez pas l'économie d'un nouveau conseil des ministres de l'agriculture. On ne pourra pas aller à Nice sans qu'il s'en tienne un. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Béatrice Marre.

Le 4 décembre !

M. Patrick Ollier.

La date du 4 décembre a été évoquée. Pouvez-vous nous confirmer qu'elle sera maintenue ? Ainsi évitera-t-on, peut-être, que la vache folle ne s'invite à Nice et ne contribue à troubler ce sommet européen qui devrait clore dans de bonnes conditions la présidence française. (Applaudissement sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Merci, monsieur Ollier, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Daniel Vachez.

M. Daniel Vachez.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis quelques semaines, la crise de la vache folle a pris une dimension nouvelle que l'on pourrait juger disproportionnée au regard des connaissances scientifiques.

Cette crise n'est pas la première que nous ayons connue dans le domaine alimentaire. Si celle que nous traversons aujourd'hui prend de telles proportions, c'est sans doute en raison d'un phénomène d'accumulation, sans parler des images terribles présentées à la télévision et qui ont forcément frappé les esprits. Mais c'est sans doute aussi, et surtout, parce qu'elle est révélatrice d'une véritable crise de confiance des Français vis-à-vis de leur alimentation.

La crise de la vache folle met en évidence le profond désarroi des consommateurs qui ne savent plus s'ils peuvent ou non consommer de la viande de boeuf et, plus généralement, ce qu'ils peuvent manger sans risque.

Le consommateur a le sentiment de ne plus être en mesure de contrôler son alimentation, d'être livré à une logique industrielle qui le dépasse.

Face à cette inquiétude diffuse et globale, le Gouvernement a cherché, comme c'est son rôle, à rappeler certaines vérités scientifiques.

Il est bon, en effet, de redire que l'épidémie d'ESB en France n'est en rien comparable à celle que connaît le Royaume-Uni puisqu'on y dénombre 1 000 fois plus de vaches infectées qu'en France.

Il est bon de rappeler qu'à mesure de l'avancée des c onnaissances scientifiques sur l'ESB, la chaîne alimentaire a fait l'objet de mesures de précaution appropriées.

Il est bon enfin de dire qu'en tout état de cause, nous courons aujourd'hui beaucoup moins de risque de mourir de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob que de mourir d'un accident de la route ou d'un accident domestique, ces derniers provoquant chaque année plus de 18 000 décès.

Pourtant, force aujourd'hui est de constater que ce discours raisonnable n'est pas entendu par une grande partie des consommateurs. On peut déplorer une attitude considérée comme irrationnelle ; on ne règle pas le problème pour autant.

Il est compréhensible que s'expriment des phénomènes émotionnels lorsque l'on touche à un domaine aussi essentiel et aussi symbolique que l'alimentation.

Notre rôle, en tant que politiques, est de prendre en compte ces appréhensions légitimes et d'y répondre par un langage de vérité.

Considérer le consommateur comme un citoyen adulte et responsable, lui indiquer clairement l'état des connaissances scientifiques sur les risques encourus et donner ainsi à chacun la possibilité de déterminer, en toute connaissance de cause, les comportements alimentaires de son choix : telle doit être notre attitude. Mais encore faut-il que le consommateur dispose des éléments d'information suffisants sur l'origine et la qualité des produits qu'il achète, ce qui n'est pas encore le cas.

Dans cette perspective, il nous faudra sans doute, à l'avenir, poursuivre nos efforts dans une triple direction : renforcer la traçabilité ; améliorer l'étiquetage ; promouvoir notre politique de labellisation.

En ce qui concerne la traçabilité, des mesures très importantes ont déjà été prises ces dernières années et nous avons pu récemment en constater l'efficacité, avec le rappel de viandes provenant d'un troupeau dont l'une des bêtes avait été décelée comme malade et écartée de la chaîne d'abattage, les autres ayant été introduites par erreur dans le circuit de distribution. Les médias n'ont d'ailleurs pas été très clairs sur cet incident.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

Ne serait-il pas possible d'aller encore plus loin, notamment pour identifier l'origine et la qualité des viandes qui entrent dans la composition de plats cuisinés ou élaborés à base de boeuf, afin d'assurer aux consommateurs que ceux-ci ne comprennent que des morceaux sans risque, c'est-à-dire composés à 100 % de muscle ? Ne convient-il pas de renforcer la législation existante en matière d'étiquetage, afin d'obliger les fabricants à mentionner la présence de viande de boeuf lorsque celle-ci entre dans la composition d'un produit, même en faible quantité ? Enfin, sachant que plus de 90 % des vaches françaises atteintes de l'ESB sont des vaches laitières, et que les races à viandes dites « vaches allaitantes » ont été très majoritairement épargnées par l'épidémie, ne pourrait-on pas améliorer l'information des consommateurs dans ce domaine ? Les mentions « race à viande » ou « race laitière » ne sont précisées que sur les emballages des morceaux non transformés. Ainsi, par exemple, le carpaccio de boeuf ou bien « les viandes à pierrade », du simple fait de l'adjonction de condiments, échappent à ces mentions qui sont obligatoires depuis octobre 1997. Il en est de même pour la viande hachée. Ces mentions ne sont pas assez lisibles et, surtout, peu connues des consommateurs. Une campagne d'information destinée au grand public serait la bienvenue.

Par ailleurs, le seul label officiel apportant des garanties d'élevage traditionnel est le « label rouge ». Répandu pour les volailles, il est absent pour la viande bovine dans les étalages des grandes surfaces. Pour les consommateurs exigeants, il serait sans doute nécessaire de promouvoir, auprès de la profession, ce label de qualité.

Ma conviction est que nous ne sortirons de cette crise que par le haut, c'est-à-dire en améliorant globalement la qualité.

A cet égard, la question de la responsabilité de la grande distribution mérite d'être posée. La concurrence exacerbée et les pressions exercées pour rechercher les plus bas prix n'ont-elles pas conduit à sacrifier trop souvent la qualité et à mettre potentiellement en danger la santé des consommateurs, notamment des plus modestes ?

M. le président.

Monsieur Vachez, il faut conclure !

M. Daniel Vachez.

C'est bien cette fuite en avant vers toujours plus de productivité et de profit qui porte en germe les dérives que nous déplorons aujourd'hui. C'est contre cette logique économique d'une alimentation abandonnée aux seules forces du marché que nous devons nous inscrire.

Dans ce combat, les consommateurs, qui sont aussi des citoyens, ont un rôle essentiel à jouer car, par leur choix, ils peuvent favoriser tel ou tel mode de production. En leur ouvrant de nouveaux droits par de nouveaux moyens de contrôle et d'information, nous leur donnerons les moyens d'exercer plus efficacement le rôle primordial qui est le leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, voilà quelques années déjà que s'ouvrit en Grande-Bretagne le premier volet de ce qu'on allait appeler en Europe la « crise de la vache folle », à l'occasion de laquelle les consommateurs apprirent avec stupéfaction que l'on nourrissait des herbivores avec des dérivés de viande.

Plus récemment, la contamination d'élevages de porcs et de poulets par des dioxines est venue à nouveau jeter l'inquiétude sur l'innocuité de certains produits du secteur agroalimentaire comme sur certaines méthodes de production. Des épidémies de listeria, en décembre 1999 et en février 2000, ont ravivé les craintes de la population tout entière et des consommateurs.

La sécurité alimentaire est ainsi devenue inévitablement depuis quelques années, une préoccupation unanime.

Je tiens à souligner la déclaration du ministre de l'agriculture qui fait de cette question une priorité. Nous devons tous être d'accord avec le Gouvernement et le ministre de l'agriculture pour dire que rien ne justifie qu'on sacrifie la santé humaine.

Mme Béatrice Marre.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Joseph Parrenin.

Les consommateurs s'interrogent.

Ils sont inquiets. Les conditions de production et de transformation des denrées alimentaires sont remises en cause au regard de la santé des personnes, de la protection de l'environnement, de la qualité gustative des produits et de l'image de notre agriculture et de toute la filière agroalimentaire.

Ces dernières semaines ont été marquées par de nouveaux rebondissements causés par la découverte d'autres cas d'ESB, qui est le résultat d'un dépistage de plus en plus fréquent, dont le but est de lutter contre cette maladie et d'enrayer le risque qui pèse sur l'homme.

Ces rebondissements sont dus aussi à l'exploitation politicienne d'une situation grave, exploitation qui a pour résultat de renforcer la psychose des consommateurs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Provocation !

M. Joseph Parrenin.

Il y a d'un côté les pyromanes, de l'autre les pompiers, et il est plus aisé de faire partie du premier groupe que du second ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un certain nombre de mesures pour faire face à cette crise, mesures qui, vous l'avez précisé, seront complétées par d'autres.

Vous avez aussi évoqué les difficiles négociations avec nos partenaires européens. Pourquoi était-ce difficile ? Je me mets à votre place : quand le chef de l'Etat et le président du plus grand syndicat agricole font de telles déclarations, cela ne peut que semer le trouble chez nos partenaires européens.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. François Sauvadet.

Il continue ! Il est incorrigible !

M. Joseph Parrenin.

Malgré tout, je pense que l'Europe doit être au coeur du dispositif de gestion de cette crise et je sais, monsieur le ministre, que c'est aussi votre sentiment. M. Fischler et M. Prodi doivent prendre ce dossier en compte. La politique agricole commune a été la première politique économique européenne, elle le reste, et si un dossier concernant la sécurité alimentaire n'est pas traité à ce niveau, il est sûr que l'Europe ne fera pas face à ses obligations.

C'est aussi sur l'agriculture de demain que j'aimerais vous interroger. L'attente des consommateurs et des producteurs est claire : ils veulent une autre politique agricole


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que celle dictée par la seule logique du profit et du productivisme, de la quantité souvent au détriment de la qualité. Ils veulent protéger la qualité ancestrale de notre nourriture, la diversité de notre territoire et notre richesse gastronomique, qui appartient à notre diversité nationale.

M. Patrick Ollier.

Là, on est d'accord !

M. Joseph Parrenin.

Quelles initiatives allez-vous prendre au niveau français, mais aussi au niveau européen, pour que les orientations de notre agriculture soient celles que nous avons votées en juillet dernier dans la loi d'orientation agricole ? Il est dommage que tout le monde ne l'ait pas votée,...

M. Marcel Rogemont et M. Daniel Chevallier.

Eh oui !

M. Joseph Parrenin.

... parce qu'elle correspond exactement à l'attente des consommateurs et de beaucoup d'agriculteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Votre loi ne marche pas ! Il n'y a qu'à voir les CTE !

M. Patrick Ollier.

Combien ont été signés à ce jour ?

M. Joseph Parrenin.

Pensez-vous que nos partenaires européens soient aujourd'hui plus proches de la conception de l'agriculture que le gouvernement de Lionel Jospin et la majorité parlementaire avaient défendue en juillet dernier ? Les membres du groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, sont disposés à jouer leur rôle, tout leur rôle, au côté du Gouvernement, pour que la confiance soit retrouvée entre les producteurs et les consommateurs.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, avant de vous donner la parole pour répondre aux orateurs, je dois vous rappeler que les temps de parole impartis aux uns et aux autres ont été fixés par la conférence des présidents de manière que le débat puisse se terminer à treize heures. Il n'est pas simple, je vous l'accorde, de rester concis tout en apportant à l'Assemblée une information complète sur des problèmes aussi divers que ceux qui nous occupent ce matin, mais je suis sûr que vous aurez à coeur d'essayer.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Didier Julia.

Elle n'était pas là, elle n'a pas pu écouter les questions !

M. le président.

Mme la ministre m'avait fait savoir qu'elle devait assister à des obsèques.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai en effet représenté le Gouvernement aux obsèques de Théodore Monod. Mais j'ai évidemment été très précisément informée des ques tions qui m'ont été posées, sur des thèmes qui ne soulèvent d'ailleurs pas de difficultés particulières, comme vous allez pouvoir vous en convaincre.

En ce qui concerne tout d'abord le stockage et la destruction des farines animales, questions sur lesquelles, dès leur intervention préliminaire, Félix Leyzour et Daniel Chevallier ont particulièrement insisté, je rappellerai d'emblée que la décision du Gouvernement du 14 novembre dernier de suspendre immédiatement l'utilisation des farines de viande et d'os et des graisses d'os et de cuisson dans l'alimentation animale n'a pas été prise à la légère. Cette décision très lourde a été prise à l' issue d'une évaluation de ses avantages sanitaires et de ses conséquences agricoles et environnementales. Il s'agit en effet de stocker d'urgence des tonnages considérables de farines et de graisses en vue de leur destruction. La production mensuelle de farines est ainsi de l'ordre de 6 0 000 tonnes, celle de graisses de l'ordre de 20 000 tonnes. Ces chiffres sont à comparer aux flux de farines et de graisses issues de matières à risque spécifié, qui devaient d'ores et déjà être détruites, de l'ordre de 130 000 tonnes par an.

Pour coordonner l'action des services concernés, pour assister les préfets dans leur tâche, une cellule interministérielle a été mise en place sous la responsabilité du préfet Jean-Paul Proust. Elle bénéficie du soutien actif des services du ministère de l'agriculture et de la pêche et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Sa première mission est d'identifier les sites de stockage, pour éviter notamment l'accumulation des déchets animaux dans les abattoirs, qui menaçait de bloquer toute la filière d'abattage. A ce jour, des sites sont disponibles immédiatement pour stocker 250 000 tonnes de farines, 15 000 tonnes de graisses. Ces capacités de stockage devraient pouvoir être portées, sous trois mois, à 600 000 tonnes de farines et 100 000 tonnes de graisses.

Il n'y a donc pas de risque d'engorgement par pénurie de sites de stockage.

Les entreprises d'équarissage ont cependant refusé, dans un premier temps, d'accepter les déchets des abattoirs, faute de précisions sur la répartition des responsabilités en matière de transports notamment, ainsi que sur le niveau de rémunération de leurs prestations. Ces points sont en cours de négociation sous la responsabilité du ministère de l'agriculture. Les premières précisions apportées aux équarrisseurs ont d'ores et déjà permis de débloquer la majorité des difficultés constatées sur le terrain.

Enfin, le stockage doit bien entendu s'exercer dans des c onditions respectueuses de l'environnement, évitant toute nuisance et tout risque pour la population. Par circulaire du 15 novembre, des prescriptions techniques ont été adressées en ce sens aux préfets. Elles précisent notamment que le stockage doit être réalisé dans des bâtiments couverts, fermés, étanches à l'eau de manière à ne pas humidifier le stock de farines, mais perméables à l'air, car il faut que les stocks soient ventilés. Des prescriptions ont également été édictées pour éviter tout risque d'auto combustion ainsi que pour prévenir l'apparition d'odeurs gênantes.

Les entrepôts d'ores et déjà identifiés sont, pour l'essentiel, localisés dans des zones industrielles ou portuaires, ce qui est de nature à réduire les désagréments dont pourraient souffrir les riverains. Je souhaite, en tout état de cause, que le choix des sites de stockage se fasse dans la plus totale transparence avec les élus locaux et les riverains.

En ce qui concerne la destruction de ces farines et graisses, la capacité d'incinération et de co-incinération des farines immédiatement disponibles est d'environ 5 30 000 tonnes par an. Elle peut être portée à 850 000 tonnes par an sous six mois, sans construction d'équipements spécifiques. Cette estimation intègre toutefois des capacités de destruction en Allemagne, dont la mobilisation pourrait être remise en cause par la décision de ce pays d'interdire à son tour les farines animales.

Sous cette réserve, il ne paraît pas nécessaire, à ce stade, d'envisager la création d'unités d'incinération pour les farines, puisque le besoin global est de l'ordre de 750 000 tonnes par an. La capacité d'incinération des


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graisses est, quant à elle, de 60 000 tonnes seulement par an, sans grande perspective d'augmentation à court terme.

Elle est donc très inférieure aux besoins affichés, qui sont de l'ordre de 270 000 tonnes par an. C'est donc sur l'incinération des graisses que devra porter l'effort. Les compagnies pétrolières et Charbonnages de France ont d'ores et déjà fait des propositions en ce sens, qui sont en cours d'examen par mes services et par l'ADEME.

Je tiens, en tout état de cause, à préciser que cette incinération n'est pas susceptible de produire une augm entation significative des rejets atmosphériques de dioxine, puisque ceux-ci ne pourraient augmenter au plus que d'un gramme par an, à comparer aux 200 grammes par an actuellement rejetés. Puisqu'il semblerait que certains n'aient pas compris de quoi il s'agit,...

M. Didier Julia.

Pour la dioxine, nous avons très bien compris ! C'est à Lionel Jospin qu'il faut l'expliquer ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... je rappellerai que les équipements qui rejettent aujourd'hui beaucoup de dioxine sont des équipements vétustes. En revanche, si nous devions nous doter de capacités supplémentaires d'incinération, nous le ferions évidemment en adoptant les meilleures normes de sécurité et en respectant les règles communautaires.

Jacques Rebillard m'a demandé s'il n'existait pas d'alternatives à l'incinération. De nombreuses propositions ont été examinées au cours des derniers jours. Certains ont évoqué la possibilité d'immerger les déchets, d'autres de les enfouir dans des terres agricoles, d'autres encore d'utiliser le compostage. Aucun de ces procédés ne paraît aussi efficace que l'incinération, en matière d'inactivation du prion et d'élimination des capacités infectantes.

L'enfouissement dans des terres agricoles doit être notamment éliminé puisque l'on a constaté que le caractère infectant des matériaux persistait plusieurs années après leur enfouissement.

Concernant les OGM, l'interdiction par le Gouvernement de l'utilisation des farines animales ne doit évidemment pas nous conduire à opérer un choix absurde entre farines et OGM. Nos concitoyens manifestent une exigence croissante non seulement de sécurité sanitaire mais également de qualité et d'authencité grâce au lien retrouvé avec le terroir. Les rapides mutations de la filière agro-alimentaire ont en effet suscité une grande défiance vis-à-vis du contenu de nos assiettes. Ce n'est pas en remplaçant les farines carnées par du soja génétiquement modifié importé des Etats-Unis que nous pourrions y remédier. N'en déplaise à M. Sauvadet, plus les vaches mangeront d'herbe, plus elle seront saines et plus la filière bovine regagnera la confiance des consommateurs.

M. François Sauvadet.

Pourquoi cela me déplairait-il ?

M. Thierry Mariani.

Il n'a jamais dit le contraire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pour cela, il faut remettre en cause la politique productiviste mise en place dans le cadre de la PAC. Jean Glavany vous a répondu sur ce point.

M. François Sauvadet.

Je ne comprends pas pourquoi vous m'interpellez, madame la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous avez ironisé à ce sujet.

M. François Sauvadet.

Non ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En ce qui concerne l'aménagement du territoire, une politique qui concentre ses aides sur les secteurs les plus prospères, qui vide les campagnes et détruit les emplois agricoles, n'est pas durable. La loi d'orientation agricole vise à réorienter cette politique et, pour ma part, je la soutiens pleinement.

En matière d'OGM, c'est le principe de précaution qui guide l'action du Gouvernement. Dès novembre 1997, un moratoire a été institué sur les espèces disséminantes, c'est-à-dire celles qui, comme le colza et la betterave, pouvaient risquer de transmettre leur transgène à des espèces non cultivées. Seules quelques espèces de maïs génétiquement modifié ont été alors autorisées, parce que l e gouvernement précédent, celui d'Alain Juppé et Corinne Lepage, en avait transmis le dossier à Bruxelles avec son avis favorable et que la France, ayant dès lors compétence liée, n'avait pas d'autre choix que d'accorder les autorisations sollicitées, comme le Conseil d'Etat vient, hélas ! de le rappeler.

M. Daniel Chevallier.

Eh oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je souhaite, avec Jean-Michel Marchand et beaucoup d'autres députés, que ces autorisations puissent être revues au regard des éléments nouveaux intervenus depuis 1997.

M. Daniel Chevallier.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il est toutefois rapidement apparu que, faute d'un étiquetage suffisamment complet et fiable, le consommateur ne pouvait pas décider en toute liberté s'il acceptait ou non d'acheter des OGM. C'est pourquoi la France, soutenue par quatre autres pays de l'Union - l'Italie, le Danemark, la Grèce et le Luxembourg - a demandé, lors du Conseil des ministres européens de l'environnement de juin 1999, l'application d'un moratoire sur l'ensemble des nouvelles demandes d'autorisation d'OGM, tant qu'un mécanisme de traçabilité des produits issus d'OGM n'aurait pas été mis en place de manière à permettre un étiquetage crédible. Comme François Patriat l'a souligné, cet étiquetage devra concerner tous les produits issus d'OGM. Ce moratoire est désormais effectif, et je m'en réjouis.

Par ailleurs, la directive 90-220, qui réglemente au niveau communautaire la dissémination des OGM, est en cours de révision pour être rendue plus explicite et plus contraignante en ce qui concerne l'application du principe de précaution, les conditions d'évaluation des risques et la mise en oeuvre d'une biovigilance dans toute l'Union. Cette procédure de révision est maintenant dans sa phase finale. La conciliation doit prochainement aboutir entre le texte proposé par le Conseil, sur lequel la France s'est abstenue, le jugeant insuffisamment contraignant, et la position votée en deuxième lecture au Parlement européen en avril dernier, considérablement affaiblie par rapport à la première lecture sous la pression de la nouvelle majorité conservatrice au sein du Parlement européen. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Quel vocabulaire !

M. François Vannson.

C'est de la provocation ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non, c'est la réalité ! On ne peut pas tenir un discours ici, et un autre à Bruxelles ! Regardez donc le texte qu'ont voté vos amis français pour la résolution du Parlement européen !


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M. Thierry Mariani.

Il n'y a pas un seul de vos amis écologiste dans ce débat !

M. Jean-Michel Marchand.

Si !

M. Didier Julia.

Où est Mamère ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En m'appuyant notamment sur la résolution parlementaire adoptée sur le rapport de MarieHélène Aubert...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Excellent rapport ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... je ne ménage pas mes efforts pour que les quelques avancées proposées par le Parlement européen, telles que la définition d'un calendrier précis d'élimination des gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques ou la création de registres publics localisant les OGM cultivés, puissent recueillir l'accord du conseil, et qu'à l'inverse les amendements du Parlement qui rendraient le texte plus laxiste soient repoussés. Je pense par exemple à la création d'une procédure simplifiée pour certaines catégories d'OGM et à l'exclusion des produits pharmaceutiques du champ de la directive.

Le processus de conciliation devrait aboutir avant la fin de la présidence française de l'Union. En tout état de cause, quel que soit le résultat de la procédure de révision, le moratoire sur les nouvelles autorisations devrait être prorogé au niveau communautaire, du moins tant que la traçabilité de produits issus d'OGM ne sera pas effective et que le régime de responsabilité pour les dommages éventuels à l'environnement et aux tiers du fait de la dissémination d'OGM n'aura pas été défini.

Enfin, l'ensemble des pays de la planète ont adopté en janvier dernier, à Montréal, un protocole dit « biosécurité », qui réglemente le commerce mondial des OGM.

La France a joué un rôle majeur au sein de l'Union pour l'adoption de ce protocole, malgré la forte opposition des pays exportateurs d'OGM, regroupés autour des EtatsUnis. C'est pourquoi j'ai proposé d'accueillir dans deux semaines, à Montpellier, la première conférence intergouvernementale pour la mise en oeuvre de ce protocole, afin qu'il puisse entrer en vigueur le plus vite possible.

Cette réunion permettra d'examiner l'ensemble des points qui restent à régler concrètement.

En réponse à M. Cardo, qui m'interrogeait sur la pollution des sols par les métaux, je rappelle que la contamin ation de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt vient d'épandages d'eaux résiduaires urbaines brutes non traitées, mais non de boues de station d'épuration. Il ne faudrait pas confondre les deux choses.

M. Pierre Cardo.

Je ne l'ai pas fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est vrai, mais je tenais à cette précision.

Il s'agit donc d'eaux usées, qui ne sont pas passées par une station d'épuration. Cette pratique durait depuis un siècle. Le Gouvernement, soucieux de sécurité sanitaire, l'a interdite, et a également interdit la production maraîchère dans cette zone, parce que certains légumes avaient concentré une quantité considérable de métaux lourds.

Un plan de reconversion des agriculteurs concernés est en cours de mise en oeuvre par les préfets. Il doit être financé pour l'essentiel par le SIAAP, le syndicat des eaux à l'origine de la pollution, l'Etat y contribuant à hauteur de 30 %, soit 12 millions de francs.

En matière de boues, ce gouvernement, le premier, a fixé des règles précises et strictes pour définir la teneur m aximale de métaux acceptable et les moyens de contrôle. Je vous renvoie, monsieur Cardo, au décret de décembre 1997 et à l'arrêté de janvier 1998. Les boues qui ne respectent pas les normes ne doivent pas être épandues, mais détruites par incinération. Les cendres des incinérateurs, où se concentrent les métaux, sont des déchets ultimes, à mettre en décharge de classe 1.

Pour les boues qui respectent les normes, l'épandage agricole est une bonne voie de recyclage, écologiquement rationnelle et économiquement intéressante. Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a préparé un accord national entre les acteurs de la filière, organisations agricoles, associations de consommateurs et de protection de l'environnement, industriels, grande distribution, collectivités locales. Il prévoit notamment un dispositif assuranciel destiné à couvrir d'éventuels risques pour les éleveurs, l'Etat assurant tout risque non assurable, par définition très peu probable. Ce texte recueille maintenant un large accord. Il pourra sans doute être prochainement signé, en tout cas dès que les élections aux chambres d'agriculture auront eu lieu.

Je ne m'attarderai pas sur la question plus générale des sols pollués, vous renvoyant au site Internet du ministère qui vous permettra de prendre connaissance de l'inventaire de tous les sites que nous avons commencé à réaliser de façon systématique pour l'ensemble des départements français. Quelques chiffres cependant. Il y a aujourd'hui 65 000 installations soumises à autorisation, 500 000 soum ises à déclaration. Les inventaires historiques des a nciens sites industriels devraient recenser plus de 400 000 sites. On voit qu'il s'agit d'un problème considérable.

La démarche est très simple. Il s'agit d'abord d'aller à la recherche d'informations éparses pour identifier les sites potentiellement pollués, ensuite de vérifier les informations afin d'établir un diagnostic précis pour identifier ceux des sites qui demandent une action prioritaire des pouvoirs publics, parce qu'ils présenteraient un risque soit pour la sécurité des personnes, soit pour la qualité des eaux souterraines ou des rivières.

Les opérations à réaliser peuvent être très lourdes. Pour la réhabilitation du site de Salsigne, par exemple, le Gouvernement a réservé 200 millions de francs pour une première tranche de travaux.

Le programme pluriannuel de diagnostic des pollutions du sol porte sur près de 1 300 sites en activité. Cette opération s'achèvera en 2001. Bien entendu, nous poursuivons les inventaires historiques des anciens sites industriels. Actuellement réalisée à 25 %, cette politique lancée en 1998 devrait être achevée pour 2004 avec, à terme, plus de 400 000 sites dont il faudra garder la mémoire.

Pourquoi le faire ? Parce qu'un moment sensible pour ces sites est celui où des projets de réaménagement, de réutilisation se concrétisent. Il est donc particulièrement important que les collectivités locales et les industriels aient à l'esprit le risque de pollution sur des sites anciens avant de se lancer dans des travaux lourds.

Sur le plan juridique, quand il y a des propriétaires, monsieur Cardo, on peut les mettre en demeure de faire réaliser des travaux de mise en sécurité. Dans le cas contraire, l'ADEME, par le biais du fonds de gestion des sites pollués, peut dégager des moyens.

Reste le problème, qui demeure entier, de la responsabilité des actionnaires en cas de liquidation d'une filiale responsable d'un ou de plusieurs sites pollués. L'inspec-


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tion générale des finances et le Conseil général des mines sont en train de travailler sur le sujet. Nous avons, ene ffet, remarqué que quelques entreprises indélicates avaient utilisé ce biais pour se dégager de leur responsabilité.

Un mot pour terminer sur l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement. La première lecture, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, a montré le besoin, l'utilité d'un outil dédié aux conséquences sanitaires des facteurs d'environnement. Vous serez amenés prochainement, mesdames, messieurs, à examiner ce texte en deuxième lecture. Je ne doute pas que vous aurez à coeur, comme moi, de voir accélérer les allers et retours pour que nous puissions mettre en oeuvre l'Agence le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il est difficile de répondre précisément et brièvement à toutes les questions qui ont été posées avec beaucoup d'intérêt. Aussi me contenterai-je de répondre à M. Gaubert, M. Marchand et M. Vachez, dont les interventions étaient plus particulièrement relatives à la santé publique et à la santé de l'homme.

La santé publique est une responsabilité fondamentale de l'Etat. La santé publique et la sécurité sanitaire sont des priorités de ce Gouvernement. Face à une situation d'incertitude, lorsqu'il existe un risque potentiel majeur, toutes les décisions nécessaires à la sécurité sanitaire, s' appuyant sur le scénario le plus pessimiste, ont été prises et continueront de l'être. Elles sont réévaluées de manière permanente au fur et à mesure de l'avancée des connaissances et des avis scientifiques.

A partir de 1990, les gouvernements successifs ont pris des mesures suivant ce principe. Les réévaluations successives auxquelles nous avons procédé ont permis que les d écisions prises, notamment en matière de santé humaine, anticipent sur la révélation d'un risque et soient proportionnées à sa qualification lorsque le risque potentiel devient avéré.

Le prion constitue aujourd'hui une préoccupation de tout premier rang. En effet, les maladies à prion, toujours mortelles, sont une menace particulièrement redoutable pour la santé publique. Le prion, agent infectieux extrêmement résistant, n'est pas détruit par les traitements physiques ou chimiques qui auraient eu raison des bacté-r ies ou des virus les plus rebelles. Ses propriétés demeurent mystérieuses, qu'il s'agisse de sa structure, de sa diffusion dans l'organisme ou encore de son activité pathogène sur le tissu nerveux. De plus, ses modes de transmission ne sont pas encore parfaitement connus.

Le passé récent et la progression des connaissances nous incitent à la plus grande prudence, parce que trois dogmes, longtemps réaffirmés avec conviction par les gestionnaires du risque, sont maintenant dépassés.

D'abord, la barrière de l'espèce, longtemps considérée comme infranchissable, s'est révélée finalement insuffisante pour protéger l'homme contre l'agent de l'ESB.

Ensuite, la transmission par voie orale a longtemps été sous-estimée, voire niée, malgré la connaissance du mode de transmission de la maladie du Kuru, présente en Papouasie. Enfin, on a longtemps considéré que l'infectiosité était limitée au seul système nerveux central, avant que la progression des connaissances ne conduise à envisager une diffusion de l'infectiosité dans l'organisme, en particulier vers des organes lymphoïdes tels que les amygdales ou l'appendice.

S'agissant des durées d'incubation, là aussi les incertitudes sont grandes. La fourchette est large. De dix à trente ans, voire davantage. La connaissance que nous en avons résulte des connaissances épidémiologiques disponibles sur la forme humaine de la maladie. C'est pourquoi, seul le temps, en offrant un recul suffisant pour observer l'évolution épidémiologique de la maladie chez l'homme, ou une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques, permettront d'en savoir davantage.

Aujourd'hui, la seule certitude que nous ayons est que le cas d'un malade âgé de douze ans, atteint par le nouveau variant de Creutzfeldt-Jakob, a été déclaré en Grande-Bretagne, ce qui peut laisser penser que la durée minimale de l'incubation est de douze ans.

Notre système de surveillance et d'évaluation épidémiologique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob repose sur un réseau multidisciplinaire mis en place, depuis 1998, autour de l'unité Inserm 360, celle d'Annick Alperovitch, réunissant neurologues, neuropathologistes et biologistes.

La déclaration obligatoire de la maladie de CreutzfeldtJakob remonte à 1996. Nous avons renforcé le réseau national de surveillance en le faisant coordonner dès cette année par l'institut de veille sanitaire. Sur le plan européen, le réseau français est intégré dans une action européenne concertée qui nous permet de mutualiser nos connaissances.

En résumé, nous avons affaire à un facteur pathogène puissant, à des certitudes ébranlées, à des connaissances scientifiques en évolution et à un risque épidémiologique dont on ne peut encore cadrer l'importance, ni envisager le calendrier. Tout cela nous conduit à oeuvrer de concert avec la communauté scientifique, qui, grâce à la recherche fondamentale, à l'amélioration continue du savoir collectif et à ses découvertes progressives, nous permet de prendre les mesures les mieux adaptées à l'évaluation du risque, même potentiel, pour aujourd'hui et pour demain.

Le programme national de recherche sur les maladies à prions a été annoncé dès 1996, lorsque les premiers cas suspects de transmission de l'agent de la vache folle à l'homme furent révélés en Angleterre. De 1997 à 2000, ce programme a représenté un engagement financier de plus de 140 millions de francs de crédits publics, la mobilisation coordonnée d'une soixantaine d'équipes de c hercheurs, ingénieurs et techniciens appartenant à l'ensemble des organismes publics de recherche, Inserm, Inra et CNRS.

Dans le cadre du plan de lutte contre l'ESB annoncé par le Premier ministre le 14 novembre, le Gouvernement a décidé de tripler l'effort de recherche de 2001 en faisant passer à 210 millions de francs par an l'engagement financier de l'Etat. On estime à 120 le nombre de postes de chercheurs créés, notamment pour travailler sur des outils thérapeutiques et de dépistage.

Notre priorité est de mettre au point de nouveaux tests de détection, chez l'animal vivant comme chez l'homme, mais aussi de développer des procédés thérapeutiques, car nous ne disposons aujourd'hui d'aucun traitement contre cette maladie.

Nous devons aussi développer la recherche épidémiologique sur les maladies à prions, ainsi que les études consacrées aux modes d'élimination des farines animales alternatifs à l'incinération. Enfin, un renforcement de la


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coordination des organismes de recherche, vétérinaire et h umaine, sera assuré, de manière à mutualiser les connaissances.

A cet égard, je tiens à rappeler l'importance d'une meilleure harmonisation des efforts de recherche au n iveau européen. Dans ce dessein, le Conseil des ministres chargé de la recherche, le 16 novembre, a incité la Commission à créer un groupe d'experts chargé de dresser un bilan des recherches sur l'ESB et la maladie de Creutzfeldt-Jakob, afin de favoriser les échanges d'informations scientifiques et la surveillance de la forme humaine de la maladie.

Je répondrai à M. Vachez que même si nous avons fait des progrès immenses en matière de sécurité sanitaire, notamment alimentaire, et si les progrès enregistrés en matière de longévité risquent, à l'avenir, d'être stoppés par les conséquences mortelles des conduites addictives telles que l'alcoolisme ou le tabagisme, des tentatives de suicide ou des accidents de la route, nos concitoyens refusent aujourd'hui le risque alimentaire. Nous devons répondre à cette exigence. C'est ce à quoi s'emploie le Gouvernement dans sa pratique interministérielle, telle qu'il vous la donne à apprécier ce matin.

Revenons à la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Cette maladie, dite « nouveau variant », est lente à apparaître, sa période d'incubation étant très longue. Les maladies humaines observées aujourd'hui sont donc dues à des contaminations alimentaires anciennes, survenues alors que les connaissances disponibles ne permettaient pas de penser que l'agent pouvait franchir la barrière des espèces, ce qui explique qu'aucune mesure de prévention n'ait été enregistrée.

Aujourd'hui, le risque que représente la maladie de la

« vache folle » pour la santé humaine est certain, même si les connaissances dont nous disposons actuellement ne permettent pas encore de mesurer avec précision son impact en termes de santé publique. Cette précision sera apportée au fur et à mesure de la progression de nos connaissances scientifiques et épidémiologiques.

C'est pourquoi toutes les mesures que nous prenons pour lutter contre ce risque doivent être soigneusement pesées. C'est à ce quoi nous nous employons tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, sans être trop bref...

M. Hervé de Charette.

Bravo ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... je répondrai aux interventions qui s'adressaient au secrétaire d'Etat chargé de la consommation.

Monsieur Lajoinie, vous avez évoqué le problème de la liberté du marché intérieur, en soulignant l'absence de contraintes. Le marché est libre, c'est vrai, mais il y a quand même des contrôles ! Les services douaniers en ont réalisé près d'un million pour faire respecter l'embargo.

Un million, c'est un chiffre à retenir ! Le contrôle est une réponse, mais étant aléatoire, il a ses limites. C'est pourquoi il faut faire progresser l'action européenne sur deux points. Le premier est l'évaluation du risque, qui doit être partagée avec l'Agence de sécurité alimentaire. Le second implique une réglementation modernisée allant de la table à l'étable, ainsi qu'une série de mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas. La réglementation modernisée est en cours d'élaboration. Avec le commissaire européen, nous travaillons dans ce sens. Par ailleurs, un conseil de consommateurs se tiendra aprèsdemain.

M onsieur Vachez, vous avez évoqué la crise de confiance qui est à la fois diffuse et globale. Sur l'origine et la qualité, la traçabilité, l'étiquetage, la labellisation e t la grande distribution, le Gouvernement a déjà répondu.

Le directeur de l'AFSSA, M. Martin Hirsch, a dit qu'il n'y avait pas d'élément nouveau qui puisse justifier les inquiétudes soudaines sur la viande bovine telle qu'elle est vendue actuellement. La confiance repose sur la crédibilité de autorités scientifiques, les mesures de précaution communautaires et nationales, les contrôles, l'étiquetage et l'engagement professionnel.

Le Premier ministre a rappelé que le premier principe de l'action du Gouvernement était la primauté de la santé publique, ainsi que la transparence. Une campagne d'information a été lancée par voie de presse et au moyen d'un numéro vert dont j'ai consulté hier les réponses. Je rencontrerai vendredi matin les associations de consommateurs, car il convient que le dialogue soit permanent.

M. Julia a posé une question sur le poisson d'élevage et le poisson sauvage. Il est vrai que l'information sur l'origine, naturelle ou non, du poisson n'est pas brillante.

M. Patrick Ollier.

En effet ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Sans remettre en cause les intérêts des professionnels, il paraît légitime que le consommateur puisse connaître la nature du poisson qu'il achète.

M. Patrick Ollier.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Cette réponse ne peut lui être refusée. Le Gouvernement est prêt à dialoguer avec les professionnels et les consommateurs afin de mettre à l'étude une mesure de réglementation allant dans ce sens.

Je ne reviens pas sur l'ESB et les cantines scolaires. J'ai déjà évoqué les réunions que nous avons organisées avec M. Lang ainsi que les directives qui ont été envoyées aux chefs d'établissement.

M. Georges Sarre nous a interrogés sur la gestion du risque et de sa perception. C'est un vrai sujet de débat, que je ne souhaite pas éluder. En effet, que gère-t-on ? Scientifiquement, on gère le risque mais, politiquement, on gère pour partie la perception du risque. C'est bien ce qu'a fait le Gouvernement en interdisant l'usage des farines animales.

Dans ce débat, le rôle de la société civile est important.

Il faut bien distinguer le débat social de l'expertise.

L'expert, c'est l'AFFSA, qui propose une évaluation du risque. Le Conseil national de l'alimentation et le Comité de la consommation, quant à eux, participent au dialogue avec la société civile, qui doit déboucher très prochainement sur les états généraux de l'alimentation.

Monsieur Sauvadet, vous avez souhaité que l'on ne connaisse pas une « alimentation à deux vitesses ».

M. François Sauvadet.

Oui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

La sécurité alimentaire doit en effet être la même pour tous. Il ne peut pas y avoir deux traitements sécuritaires, un pour les riches, un pour les pauvres...

M. François Sauvadet.

Très juste.

M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

... et un autre pour les grandes surfaces ou les petites. La concurrence entre les entreprises ne doit pas jouer sur la sécurité, mais uniquement sur la qualilté du service.

Voilà pour les questions qui m'étaient posées directement. Je laisse le soin à Jean Glavany, dont les talents vous sont bien connus, de conclure sur les problèmes purement agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, vous nous avez fait promettre de finir à treize heures. Je vais donc éviter de me répéter. J'ai en effet déjà répondu aux questions posées par M. Ollier sur la nécessité d'un conseil agriculture avant Nice, ou la mise en place d'un plan oléagineux.

M. Patrick Ollier.

Je suis toujours très serein dans mes questions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tout cela est en cours. Je me limiterai donc à trois points.

Premièrement, s'agissant du modèle agricole essayons, et sans esprit polémique de nous concentrer sur des choses simples. J'entends dire que tout ça ne serait pas arrivé si tout le monde s'était engagé dans une démarche de qualité, et si nos vaches n'avaient mangé que de l'herbe. Je suis d'accord. Notamment, je ne peux que reprendre l'hymne à l'herbe entonné par M. Marleix.

Je n'irai pas, cependant, jusqu'à soutenir la proposition d'Hervé de Charrette d'établir un cahier des charges pour tous les éleveurs de France, ainsi qu'un organisme certificateur... Mais ça, monsieur de Charrette, c'est le Gosplan ! J'entends déjà les Mariani ou les Sauvadet m'accuser de vouloir administrer, et même suradministrer l'agriculture française en fixant tout le temps d'insupportables règles ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

C'est déjà le cas !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est ce que nous allons essayer d'éviter. Cela dit, votre raisonnement est pertinent sur le fond. Vous nous dites que le CTE ne marche pas,...

M. Thierry Mariani. C'est l'évidence.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... que nous n'en faisons pas assez, monsieur Mariani, que c'est le signe d'un échec.

M. Thierry Mariani.

Bien sûr.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Très bien, vous allez m'aider pour que ça marche. Si je vous propose un CTE simple, pour les éleveurs bovins, avec une partie socioéconomique et un engagement dans une logique de qualité, ou une démarche de qualité, avec un volet environnemental « herbe », vous allez en faire signer des milliers dans vos circonscriptions, je suppose ? Alors faisons-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Nous allons vous mettre au défi d'aller dans ce sens ! Vous allez voir que si ça ne marche pas, c'est vraiment par mauvaise volonté ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Ce sont tout simplement les CTE qui ne viendront pas !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Personnellement, il me semble indispensable de réorienter les aides à l'agriculture. Et si le CTE ne marche pas, c'est vraiment parce que vous ne voudrez pas qu'il marche ! Agriculture productiviste ou pas, vous serez pris à votre propre piège. (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est de l'acharnement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous acceptez le pari, je le vois. Et bien, on va voir ! (Rires.)

Ce n'est pas une plaisanterie, c'est un problème sérieux. Je mettrai l'argent qu'il faut, monsieur Méhaignerie parce qu'il est disponible.

Le CTE est un outil conçu pour réorienter les aides. Si vous voulez tourner le dos aux excès du productivisme et promouvoir la qualité, vous pouvez nous aider, grâce à cet outil.

Deuxième point, un mot sur le programme de tests.

J'ai annoncé le calendrier de l'extension des tests, monsieur Mariani, vous n'avez sans doute pas bien entendu.

J'ai parlé de l'extension du territoire national, effective depuis une quinzaine de jours ; de l'utilisation des nouveaux tests Biorad, qui est en cours ; de l'extension des tests à l'entrée des abattoirs, qui sera mise en oeuvre au début du mois de janvier. Nous sommes donc, une fois encore, des précurseurs. Reste ce dont je ne vous ai pas encore parlé et qui est une vraie question. Peut-être est-il important de s'y arrêter un instant. Pourquoi faire des tests ? Pour savoir, pour connaître l'épizootie, dans ses profondeurs, en termes quantitatifs et qualitatifs. Et si on veut savoir, il faudra tirer les leçons de ces tests. Les scientifiques, qui nous ont promis pour la mi-décembre, u ne première évaluation à partir des 15 000 ou 20 000 premiers tests, sur les 48 000 programmés, vont nous apprendre des choses. Et il faut que la représentation nationale sache qu'il s'agira alors d'une deuxième opération vérité, parce qu'on saura que le cheptel n'est pas touché de manière uniforme, qu'il s'agisse des régions ou des races de bovins. Vous l'avez dit, les uns et les autres, à votre manière.

Nous devrons en tirer les leçons ensemble. En tout cas lorsque l'on veut conduire une opération vérité, il faut la mener jusqu'au bout. Mon devoir est de vous indiquer que la deuxième sera mise en oeuvre rapidement.

Ma troisième réponse portera sur les protections à l'importation, problème majeur s'il en est.

M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Certes, la question initiale ne concernait théoriquement que les porcs et les volailles, certains continuant à être nourris avec des farines animales, mais elle touchait aussi à d'autres animaux.

M. François Sauvadet.

Absolument !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Néanmoins, puisqu'elle visait d'abord les porcs et les volailles, j'indique que je partage l'avis excellemment exprimé par François Patriat sur la nécessité de faire, pour ces animaux, ce que nous avons déjà fait pour la viande bovine française.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

En ce qui concerne les porcs, cela est en bonne voie grâce à l'interprofession qui existe pratiquement désormais et nous avons bien avancé sur l'étiquetage « viande porcine française ».

Pour les volailles, il faut agir de même afin que les consommateurs français sachent si les porcs ou les volailles ont été nourris avec ou sans farines animales.

Nous savons que, désormais, elles seront interdites en France, mais pour les autres pays, notamment en Europe, il faudrait savoir !

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Didier Julia.

Il faut le faire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il est indispensable de se battre pour la « communautarisation » de cette interdiction. Alors que j'étais seul, je le suis un peu moins. Nous verrons si, lors du prochain Conseil communautaire, cette proposition peut rassembler une majorité.

M. François Sauvadet.

Vous n'êtes pas vraiment seul !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En tout cas, il y a un an, je l'étais, monsieur Sauvadet, alors que vous, vous semblez découvrir, depuis quelques semaines, cette nécessité d'interdire les farines animales ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Julia.

On peut faire l'historique si vous voulez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bref, nous sommes maintenant d'accord ! Mais cela est tout de même nouveau, chez vous. Oublions toute querelle franco-française.

J'étais donc seul au sein du Conseil européen, mais il nous reste encore à convaincre. J'espère en effet atteindre cet objectif majeur que constitue la « communautarisation » de l'interdiction des farines animales.

Pour terminer, j'élargirai le débat pour parler des bovins.

En la matière, le marché européen est un marché unique depuis de nombreuses années, avec l'instauration de la liberté d'aller et venir pour les produits et les personnes. Il faut donc en appeler à la responsabilité des intervenants : consommateurs et importateurs.

Ainsi, je voudrais bien que l'on m'explique quel est l'intérêt aujourd'hui d'importer de la viande bovine allemande. Je ne veux pas l'interdire ; je n'en ai d'ailleurs pas les moyens, car cela serait contraire aux règles européennes. Pourtant, quand on connaît les mesures que les Allemands prennent pour la sécurisation de leur viande, comparativement à celles que nous mettons en oeuvre en France, on ne peut que s'interroger ! Les intervenants dans cette filière sinistrée et en détresse devraient réfléc hir un minimum avant de dire aux consommateurs qu'ils importent de la viande bovine allemande. En effet, le moins que l'on puisse dire, est qu'elle n'est pas plus sécurisée que la viande française.

M. Didier Julia. Il n'y a qu'à l'étiqueter !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Elle l'est !

M. Didier Julia.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bien sûr que si, grâce à l'action de la France.

Là encore nous étions seuls, mais cela n'est plus le cas.

Cet étiquetage est en place depuis le mois de septembre.

J'en appelle également à la responsabilité des consommateurs en leur demandant de lire les étiquettes ! Si cette crise pouvait servir à rendre la consommation un peu plus citoyenne et à faire davantage lire les étiquettes aux consommateurs, nous aurions beaucoup progressé en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je tiens à remercier l'ensemble des orateurs...

M. Gilbert Mitterrand.

Et les autres !

M. le président.

... - et les autres aussi - pour leur concision dans cette procédure.

Le débat est clos.

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 15 décembre 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en nouvelle lecture ; Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence : Mme Hélène Mignon, rapporteure au nom de la commission mixte paritaire (rapport no 2734) ; Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2618 rectifié, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural : M. Joseph Parrenin, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2742) ; Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 2604, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; Mme Catherine Génisson, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2744), Mme Nicole Feidt, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

République (avis no 2698), Mme Nicole Bricq, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2703).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (réunion du mardi 28 novembre 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 28 novembre au vendredi 15 décembre 2000 inclus a été ainsi fixé : Mardi 28 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Questions orales avec débat sur la sécurité alimentaire.

L'après-midi, à quinze heures , après les questions au Gouvernement et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en nouvelle lecture (nos 2732-2739) ; Discussion, sur rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence (no 2734) ; Discussion, en seconde lecture, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural (nos 2618 rectifié-2742) ; Discussion en seconde lecture, de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (nos 2604-2744-2698-2703).

Mercredi 29 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (nos 2605-27262702).

Jeudi 30 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (nos 26052726-2702).

L'après-midi, à quinze heures et le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale (no 2753).

Mardi 5 décembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer relative à la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants (no 2148).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (nos 2605-2726-2702) ; Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (no 2691).

Mercredi 6 décembre 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (nos 2620-2743) ; Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (no 2704).

Jeudi 7 décembre 2000 : Le matin, à dix heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (no 2480).

(Ordre du jour complémentaire) L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (no 2704).

Mardi 12 décembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Alain Bocquet tendant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans (no 2737).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Discussion, en seconde lecture, de la proposition de loi tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanita ire environnementale (no 2612) ; Discussion soit du rapport de la commission mixte paritaire, soit, en nouvelle lecture, de la proposition de loi destinée à amé liorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynés ie française.

Le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Discussion soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit, en nouvelle lecture, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de transports.

Mercredi 13 décembre 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi portant réforme des tribunaux de commerce (no 2545) ; Discussion du projet de loi modifiant la loi no 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise (no 2544) ; Discussion du projet de loi organique modifiant l'ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (no 2546).

(Ces trois textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 2000

Jeudi 14 décembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de Mme Jacqueline Fraysse tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives loc ales (no 2738).

(Ordre du jour complémentaire) L'après-midi, à quinze heures : Discussion soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit, en nouvelle lecture, du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire ; Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Le soir, à vingt et une heures : Discussion soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2001.

Eventuellement, vendredi 15 décembre 2000, le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2001.