page 09906page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE Mme

NICOLE CATALA

1. Loi de finances rectificative pour 2000. - Discussion d'un projet de loi (p. 9907).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission des finances.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 9912)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : M. Georges Tron, Mme la secrétaire d'Etat, MM. Philippe Auberger, Laurent Dominati, Christian Cuvilliez. Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 9919)

Question préalable de M. Jean-François Mattei : M. Laurent D ominati, Mme la secrétaire d'Etat, M. Michel Bouvard. - Rejet.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9925)

MM. Jean-Jacques Jégou, Yves Cochet, Henri Emmanuelli, président de la commission des finances ; Gilbert Gantier, Thierry Carcenac, Philippe Auberger, Christian Cuvilliez.

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

MM. Christian Cuvilliez, Jérôme Cahuzac, Michel Bouvard, Augustin Bonrepaux, Gérard Bapt.

Clôture de la discussion générale.

Mme la secrétaire d'Etat.

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 9940)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteBlazy : M. Charles de Courson. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt de rapports (p. 9943).

3. Dépôt de rapports sur des propositions de résolution (p. 9943).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9943).


page précédente page 09907page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000 Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la disc ussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (nos 2704, 2775).

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M me Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, ce collectif d'automne constitue le troisième temps de la politique budgétaire pour 2000. Après la loi de finances initiale et une première loi de finances rectificative au printemps, Laurent Fabius et moi-même vous présentons la loi de finances rectificative de l'automne. Cette année 2000 a été exceptionnellement intense pour le Gouvernement sous l'angle des finances publiques. Mais nous vous avons aussi beaucoup sollicité et je voudrais vous remercier pour toutes les contributions positives que vous avez apportées à ces différents textes.

Ce débat est aussi pour moi l'occasion de faire le bilan des orientations qui vous ont été proposées et que la majorité de cette assemblée a approuvées.

Ce collectif s'inscrit dans la continuité de la politique économique engagée en 1997 : une politique économique de croissance tout entière tournée vers l'emploi, et qui porte ses fruits.

Depuis juin 1997, plus d'un million d'emplois ont été créés dans les entreprises et le nombre des chômeurs a baissé de plus de 900 000. C'est un record historique.

Pour apprécier ce que signifie cette diminution, il faut avoir à l'esprit que ce chiffre correspondait au nombre total de chômeurs au sud d'une ligne Bordeaux-Valence à l'été 1997.

Ces résultats sont d'abord le fruit d'une croissance qui se situe depuis trois ans aux alentours de 3 %, niveau supérieur le plus souvent au rythme que connaissent nos grands partenaires européens. En 2000, elle sera sans doute égale, voire supérieure, à 3,2 % alors que nous n'anticipions que 2,8 % lors de l'élaboration de la loi de finances initiale.

Cette vigueur de l'activité économique s'explique par une demande qui est restée soutenue. Les décisions prises en 1997 ont contribué à réveiller la demande, puis à la préserver au moment des crises asiatique et russe. Et cette année, nous l'avons nourrie par d'importantes baisses d'impôt qui ont principalement bénéficié aux ménages dont le pouvoir d'achat a été ainsi conforté.

Mais la vigueur de l'activité économique s'explique aussi par la réduction continue des déficits publics, qui a été l'un des instruments de la politique de croissance.

A l'été 1999, lors de la présentation de la loi de finances pour 2000, le Gouvernement tablait sur un déficit des administrations publiques de 1,8 % du PIB.

Aujourd'hui, nous comptons bien ramener ce déficit à 1,4 % à la fin de l'année, soit une amélioration de 0,4 point, alors même qu'entre temps, plus de 50 milliards de francs de baisses d'impôt supplémentaires ont été décidées.

La ligne de réduction des déficits a été tenue et continuera de l'être, non par dogmatisme, mais pour trois raisons essentielles : la réduction des déficits est d'abord favorable à la croissance, elle contribue à préserver les taux d'intérêt les plus bas possible, le plus longtemps possible ; elle contribue ensuite à réduire la dynamique de la dette et évite donc d'alourdir le poids des impôts pour les générations futures ; elle permet enfin de réarmer l'instrument budgétaire pour affronter dans les meilleures conditions un éventuel ralentissement de l'activité, même si, aujourd'hui, aucun indicateur n'autorise à l'envisager à court terme.

C'est donc parce que nous croyons aux vertus de la politique économique, contrairement aux libéraux, que nous conduisons aujourd'hui une politique de réduction des déficits publics.

Depuis 1997, que de chemin parcouru ! Pour l'ensemble des administrations publiques, le déficit qui atteignait 3,5 % du PIB en 1997 sera réduit à 1 % en 2001. C'est la meilleure performance depuis vingt ans.

En 1997, nous étions en retard par rapport à nos partenaires, en 2001 nous rejoindrons la moyenne. Notre déficit sera inférieur à celui de l'Allemagne. Enfin, avec 1 % de déficit public en 2001, nous resterons en avance sur notre programme pluriannuel de finances publiques qui prévoyait un taux de 1,2 %. Ainsi nous gardons, nous confirmons, nous maintenons le cap d'une politique de croissance.

Pour rendre la croissance la plus durable possible, nous avons amplifié en 2000 le mouvement de baisses d'impôt initié en 1999.

Dès la loi de finances initiale pour 2000, vous avez voté une baisse des impôts de 40 milliards.

M. Philippe Auberger.

Alléluia !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous constatons maintenant ses effets positifs. Je pense en particulier à la baisse du taux de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements.

M. Philippe Auberger.

Argument éculé !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Au printemps, avec l'apparition de nouveaux surplus de recettes, le Gouvernement vous a proposé une nouvelle tranche de


page précédente page 09908page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

40 milliards de baisse d'impôts : baisse d'un point de taux normal de la TVA, baisse des taux de l'impôt sur le revenu sur les deux premières tranches et, enfin, suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

Aujourd'hui, le texte que nous vous proposons prévoit le financement de nouvelles baisses d'impôts : la suppression de la vignette pour tous les particuliers, la réduction de la TIPP en cas de hausse des prix de l'essence dite

« TIPP stabilisatrice » et les allégements de la fiscalité pour certaines professions durement pénalisées par la hausse des prix du pétrole.

Au total, les baisses d'impôt auront représenté en 2000 près de 100 milliards de francs. Ce mouvement sera poursuivi car nous mettrons en oeuvre dès 2001 le plan triennal de baisse d'impôt annoncé à la fin du mois d'août par Laurent Fabius et par moi-même.

Soyons clairs, nous ne baissons pas les impôts pour baisser les impôts. Il s'agit de mesures structurelles pour l'économie française, fondée sur un principe simple : mieux rémunérer le travail et favoriser l'emploi. Ces baisses d'impôts devraient par ailleurs permettre, dès 2000, de réduire d'un demi-point le taux de prélèvements obligatoires.

Enfin, pour être complète, à ce chiffre sans précédent de 100 milliards de francs de baisse d'impôts en 2000, je devrais ajouter les baisses de cotisations sociales qui accompagnent la réduction du temps de travail.

M. Philippe Auberger.

C'est le gouvernement de la baisse !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

A cet égard, le projet de loi de finances rectificative qui vous est aujourd'hui soumis prévoit de compléter le mécanisme de financement des baisses de cotisations sociales en créant une taxe sur les consommations d'énergie des entreprises affectée au FOREC.

L'objectif est de se donner les moyens de financer les baisses de cotisations sociales sur le travail non qualifié, enjeu majeur dans la lutte contre le chômage. Cette proposition s'inscrit dans un mouvement général en Europe, qui vise à remplacer une partie des cotisations assises sur les salaires par une taxation des énergies.

Elle répond à un engagement du Gouvernement qui en a annoncé le principe dès le mois de mai 1999. Une consultation de tous les acteurs économiques a été engagée grâce à la mise en place d'un Livre blanc et de plusieurs groupes de travail. Et le 3 octobre dernier, Dominique Voynet en a tracé les grandes lignes.

Conformément aux engagements de l'Europe, notamment de la France, pris à Kyoto et confirmés depuis à La Haye, il s'agit d'inciter par la voie fiscale les entreprises à modérer et à réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de gaz carbonique. La France n'est pas en mauvaise place dans ce domaine et ses entreprises ont déjà réalisé des efforts importants. Mais il faut aller plus loin.

Je sais combien ce texte fait débat sur tous les bancs de cet hémicycle.

M. Philippe Auberger.

Et ailleurs : au Conseil d'Etat et bientôt au Conseil constitutionnel !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous avons donc beaucoup travaillé avec le Conseil d'Etat, c'est vrai, mais aussi avec votre commission des finances, pour l'améliorer.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il en avait bien besoin !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Les propositions de votre commission ont retenu toute l'attention du Gouvernement, nous aurons l'occasion de les évoquer plus longuement au cours de notre débat.

Permettez-moi maintenant de revenir sur un des aspects les plus saillants de ce collectif. Nous avons mené de front en 2000 la baisse des impôts et la réduction du déficit. Comment ? D'abord, grâce à la croissance qui, cette année, a induit d'importants...

M. Charles de Courson.

Très importants !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... surplus de recettes fiscales : au total, près de 75 milliards.

M. Charles de Courson.

Plus 15 milliards !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Sur ces 75 milliards, 35 avaient été identifiés dès ce printemps, 40 milliards supplémentaires...

M. Charles de Courson.

Dissimulés !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... sont inscrits aujourd'hui dans ce collectif, dont 20 proviennent de la TVA et 12 de l'impôt sur les sociétés. Dans un souci de transparence,...

M. Jean-Jacques Jégou.

Sic !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... le Gouvernement vous a d'ailleurs informés de ces surplus dès qu'ils ont été confirmés.

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est faux !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Les informations aujourd'hui disponibles ne nous conduisent pas à penser que nous pourrions avoir de nouveaux surplus de recettes d'ici à la fin de l'année, au-delà des évaluations qui vous sont présentées dans le collectif.

Réduction des déficits et allégement d'impôts sont aussi financés grâce au respect des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de dépenses.

Dans la loi de finances pour 2000, nous visions la stabilité en volume des dépenses, c'est-à-dire le maintien des moyens d'action des administrations de l'Etat. Ce choix a été réaffirmé au printemps tout en prenant en compte des dépenses exceptionnelles. Chacun ici garde le souvenir de la tempête de décembre 1999. Le collectif maintient le cap sur l'objectif de stabilité des dépenses en volume : les 22 milliards de crédits nouveaux qui vous sont proposés sont intégralement gagés par des économies d'un même montant.

Quant aux ouvertures de crédits - je ne les citerai pas toutes, nous les aborderons plus en détail dans la discussion des articles - je tiens dès à présent à souligner le fait que près de la moitié d'entre elles concernent des dépenses à caractère social prises en charge par l'Etat : 4 milliards sont ouverts au titre du financement des diverses exonérations de cotisations sociales ; 1,7 milliard au titre de la contribution de l'Etat au financement du solde de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire ; 900 millions correspondent à la prise en charge par l'Etat du fonds d'action sociale en faveur des travailleurs immigrés et de leur famille, conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors de la conférence sur la famille ; 1,1 milliard viennent compléter les crédits du revenu minimum d'insertion et de l'allocation aux adultes handicapés, et 1,8 milliard sont consacrés à la subvention au budget annexe des prestations agricoles.

Des ouvertures importantes permettent le règlement de dettes internationales de l'Etat : 3 milliards de francs pour les instances européennes, 900 millions pour l'ONU.


page précédente page 09909page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Par ailleurs, et c'est un point que je tiens à souligner, nous ouvrons 700 millions de francs pour la première tranche de la contribution de l'Etat à la dotation de la fondation pour la mémoire de la Shoah, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre à la suite du rapport Mattéoli sur les spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation.

Ces ouvertures sont gagées par des annulations de crédits de même montant, soit 22 milliards dont 1,3 milliard correspond à des économies réalisées sur le service de la dette.

Les redéploiements portent principalement sur le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité - 5,6 milliards - afin de financer l'évolution du coût des exonérations prises en charge par l'Etat, sur le budget de l'agriculture - 1,9 milliard - qui bénéficie au total de 3,3 milliards d'ouvertures et sur le budget de la santé et de la solidarité - 1 milliard -, compte tenu notamment des besoins liés aux minima sociaux. Enfin, 3,9 milliards sont annulés sur le titre V du budget de la défense, en cohérence avec les niveaux de consommation prévus au titre de l'année 2000, qui permettent notamment des redéploiements au profit des dépenses de fonctionnement de ce ministère.

La gestion de notre dette peut et doit être améliorée.

Notre objectif est de devenir une référence pour les emprunts d'Etat en Europe, afin de réduire les charges budgétaires et d'améliorer les conditions générales du financement de l'économie.

Cet objectif, qui est un élément d'une stratégie d'ensemble pour la réforme de l'Etat, se traduit par la création d'une agence de la dette, par une gestion encore plus active de notre dette et par la création d'un compte de commerce. Ce compte de commerce préfigure, en quelque sorte, ce que sera peut-être demain un « programme », après la réforme de l'ordonnance organique, à laquelle nous travaillons activement avec votre rapporteur général. En tout cas, il témoigne de la volonté du Gouvernement d'agir en total transparence vis-à-vis du Parlement sur ce sujet.

C'est d'ailleurs ce souci de bonne information qui nous a conduits à annoncer beaucoup plus en amont que les années précédentes notre programme indicatif de financement de l'année prochaine. Il s'établira à 78 milliards d'euros, couvert par des émissions nettes d'OAT de 42 milliards d'euros et de BTAN de 36 milliards d'euros.

Sur ces bases, nous pouvons nous engager à tenir, en 2000, notre objectif de stabilisation des dépenses réelles de l'Etat et à atteindre ainsi, comme les années précédentes, les objectifs de dépenses que nous nous étions fixés. Au total, depuis 1997, les dépenses de l'Etat auront progressé en moyenne et en francs constants d'un quart de point par an. A ceux qui considèrent que c'est encore trop et qui peuvent être tentés de nous donner des leçons, je tiens à rappeler que la progression en volume des dépenses de l'Etat avait atteint 1,7 % par an entre 1993 et 1997. Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Dominique Baert.

Il faut le dire !

M. Philippe Auberger.

Et les dépenses publiques ! C'est n'importe quoi !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Pour 2000, nous respecterons l'objectif de stabilisation des dépenses en volume, ce qui permet d'espérer un déficit du budget de l'Etat inférieur à 200 milliards cette année, prolongeant ainsi le mouvement de réduction des déficits. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque seront connus les résultats définitifs de l'exécution de l'année 2000, sans doute fin janvier prochain.

On le voit, la politique budgétaire conduite par ce gouvernement, avec le soutien constant de l'ensemble de la majorité, a changé par rapport à celle des années 19931997. Une politique de croissance a remplacé une politique de stagnation. Une politique sérieuse de gestion de la dépense remplace les dérapages des gouvernements précédents. Une politique de baisse d'impôt se substitue à une politique de hausse des impôts.

M. Michel Bouvard.

Les prélèvements ont diminué ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

C'est au regard de ces trois principes que le Gouvernement entend poursuivre son action. Ce projet de loi de finances rectificative en est l'expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du collectif de fin d'année, s'il éclaire toujours la politique budgétaire conduite, est souvent trop tardif pour en réorienter le cours.

Cette année, un collectif adopté le 13 juillet dernier a offert au Parlement l'occasion d'exercer son contrôle à mi-parcours. Je tiens donc à saluer, madame la secrétaire d'Etat, une nouvelle fois, les efforts de transparence accomplis au cours de cet exercice, grâce notamment à ce collectif de printemps, assez inhabituel, même si nous reconnaissons ensemble que notre marge de progression reste importante, comme nous avons coutume de le dire.

Le Parlement aura été en mesure, cette année, de se prononcer sur l'essentiel des opérations de régulation budgétaire puisqu'un unique décret d'avances a été adopté, le 1er août, portant sur 153 millions de francs nécessités par l'organisation du référendum.

Il n'en reste pas moins que l'on doit, à nouveau, s'interroger sur la pertinence du calendrier traditionnel, qui conduit le Parlement à se prononcer en fin d'année sur des ouvertures de crédits dont, en tout état de cause, il ne pourra être fait usage au titre de l'exercice en cours que grâce à la fiction de la période complémentaire, qui permet de rattacher à un exercice des dépenses réalisées au cours de l'exercice ultérieur.

Aujourd'hui, la croissance est bien installée - vous avez eu raison de le souligner, madame la secrétaire d'Etat -, même s'il ne faut pas négliger certains aléas tels que l'évolution des prix des produits pétroliers qui peuvent avoir, d'ici à la fin de l'exercice, une incidence, probablement modérée, sur les recettes fiscales. Les évaluations de recettes, telles qu'elles sont présentées dans le présent projet, devraient être très proches de ce qui sera constaté en exécution.

L'attention se porterait plutôt cette année du côté des dépenses. Si leur maîtrise générale ne paraît pas menacée malgré la prise en compte, dès le collectif de printemps, de charges exceptionnelles, il reste que certains éléments d'incertitude se font jour, particulièrement en liaison avec les conséquences de ce qu'il est convenu d'appeler la

« crise de la vache folle ». Des charges importantes et largement imprévisibles devront rapidement être financées, de même qu'il a fallu faire face aux mesures d'urgence liées à la forte progression des prix des produits pétoliers.


page précédente page 09910page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Aussi la baisse du déficit reste-t-elle modeste : avec 209,5 milliards de francs, le solde général ne s'améliore, en l'état, que d'un peu moins de 6 milliards de francs par rapport aux prévisions. Il est vrai que les baisses d'impôt a uront été, en 2000, particulièrement importantes ; 40 milliards de francs s'ajoutant, en cours d'année, aux quelque 40 milliards d'allégements déjà inscrits dans la loi de finances initiale de 2000, plus ce qui a été ajouté dans le cadre de ce collectif. Il est cependant probable, compte tenu d'une légère marge de progression possible sur les recettes fiscales d'ici à la fin de l'année et des habituelles économies de constatation, que le déficit d'exécution soit inférieur à 200 milliards de francs. Vous venez d'ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, de le confirmer.

Cette perspective favorable est confortée par la situation du budget de l'Etat au 31 octobre, qui fait apparaître un solde général d'exécution de moins 183,9 milliards de francs, soit une amélioration de 19,5 milliards de francs par rapport au solde de l'année dernière à la même date. Je rappellerai que le solde d'exécution final pour l'année 1999 s'est établi à 206 milliards de francs.

Il faut encore une fois rester prudent face à ces résultats, en raison du ralentissement prévisible de la progression des recettes fiscales en fin d'année du fait, notamment, de la prise en charge par l'Etat de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

La loi de finances initiale prévoyait une progression des dépenses du budget général, en volume et à périmètre constant, de 0 % par rapport à l'exercice précédent, soit une augmentation en valeur de l'ordre de 15 milliards de francs, égale à l'augmentation prévisionnelle des prix hors tablac qui était de 0,9 %, alors que le taux d'inflation est plutôt sur une tendance annuelle de 1,4 %. La loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 a autorisé des dépenses exceptionnelles découlant notamment des différents sinistres qui ont affecté le pays en fin d'année dernière. Le total des crédits nets du budget général, après déduction des annulations associées, a en conséquence augmenté de 10 milliards de francs dans le collectif de printemps.

Aujourd'hui, l'augmentation des crédits nets du budget général, après prise en compte des annulations associées au présent projet, n'est que de 2,5 milliards de francs, ce qui reste très modéré compte tenu notamment de l'accélération des dispositifs d'exonération de charges sociales et de l'augmentation de certaines dépenses agricoles.

Si l'on prend en compte la totalité des ouvertures de crédits complémentaires réalisées en cours d'exercice, elles représentent 2,1 % des crédits initiaux, soit l'augmentation la plus faible en cours d'exercice depuis 1997. On ne saurait donc parler de dérapage des dépenses, alors qu'il a fallu faire face à des situations de crise imprévues. Je confirme le raisonnement que vient de tenir Mme la secrétaire d'Etat.

Les ouvertures de crédits nets - hors remboursements et dégrèvements - du budget général, demandées dans le présent collectif, s'élèvent à 24,4 milliards de francs.

Parmi les charges supplémentaires, il faut tout d'abord citer celle qui résulte de la charge de la dette et de la hausse des taux, ce qui représente une augmentation de 1,6 milliard de francs.

Les autres augmentations de charges les plus significatives concernent la subvention au BAPSA en raison d'une dégradation de ses comptes, la montée en puissance des compensations liées à l'exonération des cotisations sociales patronales, l'allégement des charges des pêcheurs, l'apurement du FEOGA 2000 ou encore la compensation du déficit du service public de l'équarrissage en rapport avec diverses mesures de sécurité alimentaire.

Les économies réalisées par les gestionnaires ont permis d'annuler 21,8 milliards de francs de crédits de paiement sur le budget général. Ces annulations concernent essentiellement des dépenses sociales, moins sollicitées du fait d'une amélioration significative de la situation de l'emploi, et des dépenses militaires. Les annulations de crédits de paiement sur le budget militaire s'élèvent à 4 milliards de francs, sans toutefois remettre en cause les programmes en cours.

S'agissant des ressources, le dynamisme des recettes fiscales persiste grâce à la vigueur de l'économie, même s'il est atténué par les mesures importantes d'allégement de la fiscalité adoptées en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative.

Le produit de l'impôt sur le revenu s'élèverait, en 2000, à 346,3 milliards de francs, soit une augmentation de 2,5 % par rapport aux évaluations initiales. Les plusvalues sont nettement plus significatives en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, dont le produit devrait atteindre 255,7 milliards de francs, soit 26,35 milliards de francs de plus que dans l'évaluation initiale. La TVA et la TIPP restent, pour leur part, relativement en ligne par rapport aux prévisions.

Comme il l'avait annoncé, face à la bonne tenue de l'ensemble des recettes fiscales, le Gouvernement propose par ailleurs de reporter sur 2001 l'encaissement de 15 milliards de francs de recettes non fiscales. La commission des finances approuve cette approche pluriannuelle et prévoyante des finances publiques.

Au total, les ressources nettes du budget général en 2000 s'élèveraient à 1 491 milliards de francs, soit une progression de 27,3 milliards de francs - plus 1,9 % par rapport à la loi de finances initiale.

Vous avez eu raison de le dire, madame la secrétaire d'Etat, la commission des finances a beaucoup travaillé sur les différents articles.

M. Michel Bouvard.

Surtout sur l'article 26 !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle a voté contre un article et en a supprimé un autre, ce qui est peu courant. En effet, certaines propositions ont fait l'objet d'observations de la part des membres de la commission des finances, qui a adopté plusieurs amendements portant notamment sur le dispositif prévu à l'article 26. Certes, la commission partage le double objectif poursuivi, à savoir lutter contre l'effet de serre et maîtriser davantage la consommation d'énergie. Mais elle a estimé que certaines dispositions de l'article 26 devaient être modifiées. Des amendements ont donc été déposés, qui sont le fruit d'une réflexion commune du Gouvernement et de la majorité de la commission des finances. Leur adoption a permis de parvenir à un équilibre qui, s'il n'est pas parfait, était souhaité par les uns et les autres. Certes, la discussion doit avoir lieu dans l'hémicycle, mais la marge de manoeuvre est faible et la commission des finances défendra avec conviction les amendements qu'elle a cru devoir déposer.

V ous avez vous-même déposé des amendements, madame la secrétaire d'Etat, avant même le début de cette séance publique. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en voir arriver d'autres, d'ailleurs, en application de l'article 91 du règlement, avant d'aborder la discussion article par article. Ces amendements sont parfois d'importance - je pense notamment à celui relatif à la taxe


page précédente page 09911page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

d'équarrissage. Ce collectif sera donc l'occasion de débats intéressants dans l'hémicycle. Je suis persuadé que nous mènerons l'examen de ce texte à son terme dans un esprit aussi constructif que celui qui a présidé aux travaux de la commission des finances.

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous proposera, la commission des finances vous demandera, mes chers collègues, de voter ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque année la commission de la défense s'est saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative, sur lequel elle a émis un avis positif. En effet, ce temps du débat parlementaire est le seul moment où notre assemblée peut exercer un minimum de contrôle, budgétaire et politique, sur les opérations extérieures menées par nos armées, sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants.

Cette année, le collectif nous donne une deuxième raison d'intervenir : la commande du nouvel avion de transport militaire, l'Airbus A 400 M, qui a été retenu par sept pays européens et qui était réclamé depuis de nombreuses années par nos armées. L'achat de cinquante Airbus A 400 M devrait coûter environ 41 milliards de francs.

Dans cette perspective, le collectif met en place des autorisations de programme pour la moitié de la commande.

En pratique, 20 milliards de francs sont ouverts, dont 15 milliards d'autorisations de programme nouvelles et 5 milliards d'autorisations de programme redéployées.

L'autre moitié des autorisations devrait être mise en place au moment de la signature du contrat, vraisemblablement au printemps prochain. En votant ce collectif, ce sera donc un signe positif très fort que nous enverrons à la fois à nos armées et à l'industrie aéronautique européenne.

Comme d'habitude, le collectif de fin d'année ouvre des crédits supplémenaires au titre III, pour un montant de 910 millions de francs, qui s'ajoutent aux 2,7 milliards ouverts par le collectif de printemps. Au total, en 2000, le titre III aura été abondé de 3,610 milliards, dont 2,85 milliards pour financer le surcoût des opérations extérieures. Pour financer ces mêmes opérations, 382 millions de francs auront été ouverts au titre V. Le montant des crédits ouverts pour financer le surcoût des opérations extérieures est en diminution de plus de 1,3 milliard par rapport à l'année dernière, du fait de la diminution de la tension dans les Balkans.

Les Balkans représentent en effet toujours l'essentiel de nos opérations extérieures : les trois quarts des surcoûts, l es quatre cinquièmes des effectifs, avec près de 9 000 militaires sur les 11 000 en OPEX, dont 5 900 au Kosovo et 3 200 en Bosnie-Herzégovine, où la SFOR poursuit sa réduction du format du fait de l'apaisement de la situation. Si, pour ces deux opérations, les questions politiques sont loin d'être réglées, l'action de maintien de la paix est donc efficace et nos soldats peuvent être fiers de leur rôle.

Les opérations en Afrique constituent, quant à elles, comme en 1999, le second élément des opérations extérieures, avec 1 465 militaires, hors forces prépositionnées, soit 13 % des forces en opérations extérieures, pour un surcoût de 577 millions de francs. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de détails sur l'ensemble des opérations extérieures.

Troisième point, la gestion du titre V a abouti cette année encore à d'importantes annulations de crédits d'équipement. En effet, l'arrêté associé au projet de loi comporte près de 4 milliards d'annulations de dépenses en capital. Le total des annulations sur l'année aura été de plus de 6,3 milliards de francs, soit près de 7,7 % des crédits initiaux. On pourrait presque parler de routine. Je vous rappelle qu'en 1999, 9,35 millliards de francs de dépenses en capital ont été annulées ; en 1998, 7 milliards ; en 1997, 5 milliards ; en 1996, 8 milliards ; en 1995, 12 milliards ; en 1994, 2 milliards et en 1993, 9 milliards de francs.

J'arrêterai là puisque le temps me manque pour revenir sur les raisons de ces annulations, sur lesquelles la commission de la défense travaille depuis des années, tant la situation de l'exécution de la dépense au ministère de la défense est complexe. Je peux cependant souligner le réel effort mené depuis trois ans pour y remédier.

J'insisterai sur un seul point : le financement des opérations extérieures. On voit bien que c'est la difficulté à dépenser les crédits en capital qui permet le facile règlement a posteriori des dépenses des opérations extérieures.

Qu'en sera-t-il le jour où il y aura une meilleure entente internationale sur les programmes en coopération, ou lorsqu'un titre V sera calculé strictement par rapport aux dépenses constatées les années précédentes ? Comment ferons-nous alors pour remédier à cet état de fait ? Car c'est la livraison effective des matériels ou l'entraînement des forces qui seront touchés à chaque déclenchement d'une opération nouvelle.

Pour ces raisons, la commission a considéré, à l'unanimité, que les opérations extérieures devaient être financées en loi de finances initiale. Cela suppose l'inscription au titre III d'un chapitre spécialement consacré à ces dépenses, dont le montant pourrait, par exemple, correspondre à la moyenne des trois années précédentes. Dans ce cas, l'examen en loi de finances rectificative se limiterait aux opérations nouvelles décidées en cours d'année.

Les dispositions actuelles sur les lois de finances permettent cette évolution. Cela améliorerait la sincérité budgétaire et éviterait de donner l'impression que des crédits votés en loi de finances intiale ne servent qu'à payer, équiper et entraîner une armée sans lui donner les moyens d'exercer ses missions. Cela améliorerait également la décision publique, en dotant le Parlement d'un instrument adéquat pour consentir ou non, en début d'année, les crédits destinés aux opérations extérieures en cours et pour exercer ainsi convenablement son contrôle annuel sur leur poursuite, comme il en a le droit et le devoir.

J'achèverai mon propos en présentant une observation que la commission a adoptée, là encore, à l'unanimité ; celle-ci concerne le contrôle budgétaire de ces opérations extérieures. Aucune ligne budgétaire ne leur étant consacrée par le bleu budgétaire, les conditions de ce contrôle ne sont pas faciles. Le ministre de la défense avait proposé, lors d'un point de presse fait le 2 février 1999, que soit présenté au Parlement un rapport annuel sur les opérations extérieures de la dernière année, indiquant les moyens engagés dans ces opérations et comportant une analyse des situations dans leurs zones de déroulement.

La commission de la défense a indiqué qu'elle souhaitait que ce rapport soit annexé au projet de loi de finances initial et publié avant la discussion du budget de la défense. La commission souhaite également que ce rap-


page précédente page 09912page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

port présente les caractéristiques de chaque opération, les conditions de sa création, qu'il comporte un récapitulatif du déroulement de l'opération sur l'année écoulée, qu'il énumère les moyens physiques en hommes et en maté-r iels nécessités par l'opération, qu'il en précise les dépenses et l'imputation par chapitre et par article.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Madame la secrétaire d'Etat, le collectif budgétaire de fin d'année, dans l'examen duquel nous nous lançons ce soir, est l'occasion de faire un état des lieux sur les comptes de l'Etat et de les adapter par rapport aux prévisions initiales et à la conjoncture.

Certes. Mais c'est aussi un moment important puisqu'il permet de mesurer les inflexions que le Gouvernement apporte ou doit apporter à sa méthode de gestion de nos finances publiques. En cette fin d'année 2000, cela s'impose avec d'autant plus de force que les importantes rentrées fiscales de ces deux dernières années ont donné lieu à des débats nombreux que chacun parmi nous a en mémoire.

Il y a quelques semaines, le Sénat a publié un rapport sur l'exécution budgétaire de 1999, qui est intitulé : « En finir avec le mensonge budgétaire ». En conclusion de ce rapport, la commission des finances du Sénat - qui en était à l'origine puisqu'elle s'était érigée en commission d'enquête - disait vouloir faire passer le message suivant :

« Les gouvernements doivent cesser de croire que la culture du secret, l'exclusivité de leur savoir sur la situation des finances publiques du pays sont un élément constitutif de leur pouvoir d'initiative et de gestion. La commission exige du Gouvernement qu'il rende compte fidèlement et rapidement de la gestion des finances des Français et de ce qu'il compte en faire. Le consentement à l'impôt doit être éclairé, et cet éclairage ne peut pro venir que d'une information fiable sur son niveau et sur son utilisation. »

Madame la secrétaire d'Etat, au moment où nous engageons la discussion sur le collectif budgétaire, pouvons-nous dire aujourd'hui que le message du Sénat a été entendu ? Sincèrement, je ne le pense pas, et c'est le premier point que je soulèverai dans le cadre de cette exception d'irrecevabilité.

De manière générale, ce collectif budgétaire est encore marqué par l'insincérité, qui porte atteinte aux droits du Parlement.

Le déficit budgétaire d'exécution de 1999, dans la loi de règlement de 1999 votée par l'Assemblée nationale en première lecture le 11 octobre 2000, a donc été arrêté à 206 milliards de francs.

Le déficit qui était prévu en loi de finances initiale 2000 était de 215 milliards de francs ; celui qui était prévu dans le collectif du printemps 2000 - seconde étape d'examen de nos comptes publics - était encore de 215 milliards de francs. Dans ce projet de loi de finances rectificative présenté en fin d'année 2000, il est de 209,5 milliards.

Le déficit budgétaire 2000, tel qu'il résulte du collectif de fin d'année, s'inscrit donc effectivement en légère baisse par rapport à celui de la loi de finances initiale et du collectif de printemps.

Cependant, le déficit budgétaire 2000 du collectif de fin d'année est en légère hausse par rapport à l'exécution 1999, dans un contexte de fortes rentrées fiscales. J'aurai l'occcasion d'y revenir. Mais la réalité de la situation de nos comptes publics est bien celle-ci : il y a une diminution du déficit par rapport à la loi de finances initiale et par rapport au collectif, mais il y a une augmentation par rapport au chiffre de l'exécution 1999.

Mais venons-en au coeur même de ce premier point de l'exception d'irrecevabilité. Quelque chose nous a frappés.

En plusieurs occasions, le ministre de l'économie et des finances a laissé entendre que l'exécution budgétaire 2000 permettrait, malgré les chiffres inscrits dans ce collectif budgétaire, d'afficher un déficit inférieur à celui de 1999.

Le 14 novembre dernier, M. Fabius a expliqué, en réponse à une question au Gouvernement posée par M. Jégou, que le déficit budgétaire continuerait de diminuer. S'agissant du déficit, il avait affirmé : « Vous verrez alors que les chiffres qui y figurent sont en retrait par rapport à ceux de la loi de finances qui avait été présentée en début d'année, donc que le déficit se réduit. Et il sera encore plus réduit lorsque nous passerons, comme c'est la tradition de la loi de finances rectificative à l'exécution effective. »

M. Fabius indiquait dans la même réponse que ce défic it budgétaire pourrait être ramené en dessous de 200 milliards de francs, chiffre au demeurant confirmé dès le début de l'exposé général des motifs du projet de collectif de fin d'année : « Ce solde du collectif devrait s'accompagner ensuite d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. » Je constate que cette

citation ne fait pas l'objet de contestation...

Les affirmations répétées de M. Fabius quant à l'exécution définitive de l'exercice 2000 ne doivent pas nous surprendre. Dès le début du mois de juillet dernier, le ministère de l'économie et des finances annonçait, alors même que le Conseil constitutionnel n'avait pas encore rendu sa décision sur le projet de collectif de printemps, 30 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires au titre de l'exercice 2000. Il était d'ailleurs prévu d'affecter ces 30 milliards à la réduction du déficit budgétaire, ce qui aurait dû ramener mathématiquement celui de 2000 de 215 à 185 milliards de francs environ.

Depuis juillet 2000, la réduction prévue du déficit budgétaire semble être passée « à la trappe ». Cela étant, l'évolution spontanée des recettes fiscales de l'exercice viennent confirmer les affirmations de M. Fabius. Deux catégories de recettes ont donc été manifestement sousévaluées dans ce projet de collectif.

Celles de l'impôt sur le revenu, tout d'abord. En 1999, l'Etat a encaissé 333 milliards de francs au titre de l'impôt sur le revenu. En septembre 2000, les recettes qui en étaient tirées progressaient de 6,7 % par rapport à septembre 1999. Or le chiffre de septembre 1999 prend en partie en compte l'allégement d'impôt sur le revenu voté au printemps, dans la mesure où la moitié des contribuables français acquittent leur dernier tiers provisionnel au 15 septembre, l'autre moitié étant mensualisée. Il n'y a donc aucune raison, à moins que vous n'en trouviez une, madame la secrétaire d'Etat, pour que le rythme d'encaissement des recettes tirées de l'impôt sur le revenu faiblisse nettement d'ici à la fin de l'année. Ainsi, l'Etat devrait encaisser, au titre de cet impôt, au minimum 5 milliards de francs de plus que prévu dans le collectif, et cela en tenant compte de l'impact de la baisse du printemps sur les ajustements de fin d'année pour les contribuables mensualisés.


page précédente page 09913page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Cette progression de 6,7 % appliquée à 333 milliards de francs donne 356 milliards de francs. Or 346 milliards sont inscrits dans le collectif. Cela prouve que le rendement de l'impôt sur le revenu ne baisse pas malgré les effets d'annonce du Gouvernement. Cela prouve également qu'il aurait été sous-évalué de 5 à 10 milliards de francs. J'ai du mal à être plus précis.

Passons aux recettes de l'impôt sur les sociétés : l'Etat a perçu à ce titre, en 1999, 229,7 milliards de francs nets.

Fin septembre 2000, l'impôt sur les sociétés avait augmenté de 17 % par rapport à septembre 1999. Les recettes prévues ont certes été réévaluées par les deux c ollectifs, celui du printemps et celui de fin d'année, de 26,3 milliards de francs. Pour autant, cette réévaluation est manifestement insuffisante d'une bonne dizaine de milliards de francs. Il suffit de se référer aux encaissements de septembre dernier, dont on peut penser que le rythme ne se modifiera pas sensiblement d'ici à la fin de l'année.

Si l'on procède au même calcul que pour l'impôt sur le revenu, on aboutit au résultat suivant : 17 % d'augmentation appliquée à 229 milliards, cela donne 268 milliards de francs. Or 255 milliards millions sont inscrits dans le collectif.

Ainsi, madame la secrétaire d'Etat, 5 à 10 milliards de francs, d'une part, au titre de l'impôt sur le revenu et 10 à 15 milliards de francs, d'autre part, au titre de l'impôt sur les sociétés : sur ces deux impôts, 15 à 20 milliards de francs de recettes semblent ne pas avoir été déclarés.

M. Charles de Courson.

Nous sommes d'accord !

M. Georges Tron.

Par ailleurs, il faudrait prendre en compte la quinzaine de milliards de francs de recettes non fiscales que l'Etat aurait dû percevoir dès 1999 et qu'il renonce à encaisser cette année.

On ne constate donc pas de réduction du déficit ni de diminution de la charge de la dette qui réaugmente avec la remontée des taux d'intérêt. On ne peut s'empêcher de noter que l'affectation des 15 milliards de francs, venant en diminution du déficit, aurait par nature et par définition, en cette période d'augmentation des taux d'intérêt, diminué la charge de la dette. Cela aurait été une façon très probante de montrer que les actes du Gouvernement, dans ce domaine, sont en conformité avec ses paroles.

On comprend facilement que M. Fabius puisse évoquer un déficit 2000 inférieur d'au moins 10 milliards de francs à celui qui est prévu dans le collectif de fin d'année.

Pour autant, l'évocation officielle par le ministre de l'économie et des finances d'un déficit budgétaire probable, nettement inférieur à celui arrêté dans le texte du collectif, alors même que la discussion du projet de collectif n'avait pas commencé, amène encore une fois à s'interroger sur la sincérité de ce collectif.

En effet, comment expliquer que le projet de collectif de fin d'année présenté ne traduise pas budgétairement les propos tenus publiquement et officiellement par le ministre de l'économie et des finances ? Pour quelles raisons ce dernier conserverait-il une soupape discrétionnaire de recettes fiscales, qu'il se réserverait d'affecter comme il l'entend, sans consultation et autorisation du Parlement.

En agissant ainsi, le ministre placerait le Parlement devant le fait accompli en le contraignant à valider a posteriori les choix du ministre, faute de les avoir autorisés a priori.

Madame, l'absence de sincérité du projet de collectif est d'autant plus grave que le montant des recettes fiscales nettes dissimulées pourrait atteindre la moitié de celles reconnues dans le texte, à savoir un peu plus de 40 milliards de francs, soit 20 milliards de francs supplémentaires.

On est en droit de se demander - et la réponse va de soi - si cette dissimulation budgétaire est un élément nouveau. Or ce n'en est pas un.

M. Philippe Auberger.

Hélas non !

M. Georges Tron.

Le Gouvernement n'en est pas à sa première opération de dissimulation de la réalité de la situation budgétaire de l'Etat.

L'exécution du budget de 1999 en a apporté un premier exemple. Dès la discussion générale du projet de loi de finances pour 2000, nous avions, ici même, insisté sur l'insuffisance de la réévaluation des recettes fiscales de 1999 servant de base aux prévisions de recettes fiscales pour 2000. Je me souviens bien, avec tous mes collègues ici présents, que nous avions alors essuyé les sarcasmes de M. Strauss-Kahn.

Nous avions réitéré nos critiques lors de la présentation du collectif de fin d'année de 1999, qui procédait à une réévaluation de 13 milliards de francs du montant des recettes fiscales de 1999 - montant que nous avions jugé comme très nettement insuffisant.

Face à l'afflux des recettes, le Gouvernement avait dû reconnaître, lors de la première lecture du projet de collectif au Sénat, le 20 décembre 1999, l'existence de 11 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires, apparues comme par un coup de baguette magique ; cela nous donnait partiellement raison. Et nous avions insisté sur le fait que l'amendement proposé au Sénat ne traduisait pas la réalité de l'encaissement des recettes.

Il aura fallu attendre le 9 février 2000 pour que le G ouvernement procède, devant la commission des finances, à une dernière réévaluation du niveau des recettes fiscales encaissées au titre de l'exercice 1999. Et encore, le Gouvernement n'avait pas tout avoué à la représentation nationale. Il suffit, pour s'en convaincre, de se référer au rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 1999, rapport fustigeant la gestion gouvernementale et les manipulations budgétaires de dernière minute.

Je ne résiste pas au plaisir de vous en lire cinq lignes :

« Les opérations de fin d'exercice ont été particulièrement nombreuses en 1999. Elles ont conduit à reporter des recettes sur l'exercice suivant et à anticiper des dépenses pour des montants non négligeables, de l'ordre de 18 milliards, par exemple pour les recettes non fiscales, tandis qu'en dépenses les investigations menées sur pièces et sur place par la Cour font apparaîre que les arbitrages ultimes sur la gestion 1999 ont porté sur des opérations d'un montant global d'environ 11 milliards pour le budget général et de 10 milliards pour les comptes spéciaux du Trésor.

« Sans porter d'appréciation sur l'opportunité de ces opérations, la Cour observe qu'elles ont été effectuées dans des conditions peu satisfaisantes du point de vue tant de la transparence que, dans plusieurs cas, du respect des règles budgétaires et comptables en vigueur, de la conformité à des principes essentiels, comme ceux de la permanence des méthodes, de la séparation des exercices ou encore de l'image fidèle que les comptes doivent donner des résultats et de la situation financières qu'ils décrivent. »

Manifestement donc, madame, ce collectif bafoue à nouveau les droits du Parlement.


page précédente page 09914page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Au vu du constat précédent et de la sous-évaluation évidente des recettes fiscales présentées dans le collectif de fin d'année, on mesure mieux le caractère incomplet des informations fournies par le Gouvernement au Parlement sur l'exécution budgétaire en cours. Dès lors, on est en droit de s'interroger sur l'effectivité du pouvoir du contrôle parlementaire et sur la portée du vote du Parlement sur ce projet de loi de finances rectificative.

De ce point de vue, le Gouvernement nous donnera sans doute une explication qui ne nous convaincra pas. Il va se borner à nous dire que les évaluations révisées figurant dans le projet de collectif s'appuient sur les évaluations révisées qui servent de base à la préparation du projet de loi de finances pour 2001. Or celle-ci prend pour référence les recettes fiscales de l'Etat évaluées à la fin du mois de juillet.

Qui contestera que, entre la préparation du projet de loi de finances de l'année suivante et celle du collectif de fin d'année, le Gouvernement dispose au minimum de deux mois d'informations supplémentaires sur l'exécution budgétaire en cours ? Au cours de ce délai, il a donc tous les moyens de préciser les évaluations de recettes.

M. Philippe Auberger.

Surtout à l'heure de la Netéconomie !

M. Georges Tron.

Force est pourtant de constater qu'en l'occurrence tel n'a pas été le cas.

Le Gouvernement pourra toujours argumenter que l'évaluation des recettes du projet de collectif de fin d'année en fonction des chiffres de juillet constitue une pratique courante, comme cela a été noté dans le rapport sénatorial sur le mensonge budgétaire. Cependant, l'écart entre l'exécution définitive et les évaluations du collectif de fin d'année s'est nettement creusé depuis deux ans en raison d'une croissance soutenue dont les effets mécaniques en termes de recettes, notamment d'impôt sur les sociétés, sont connus de tous.

Dans ces conditions, on ne peut appeler à une plus grande transparence budgétaire et à une sincérité accrue des comptes de l'Etat qui sont présentés au Parlement en reconduisant chaque année des pratiques dont on mesure qu'elles affaiblissent les pouvoirs de contrôle du Parlement et la valeur de l'autorisation qu'il vote. A cet égard, je veux souligner que le renforcement de la transparence en la matière ne dépend bien évidemment pas d'une réforme de l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances. Il s'agit tout simplement d'une pratique gouvernementale qu'il appartient au Gouvernement, et à lui seul, de faire évoluer. Dans le contexte de cette modification de l'ordonnance, il aurait d'ailleurs été de bon ton, madame la secrétaire d'Etat, de vous livrer de vousmême à cette rectification.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Georges Tron.

En tout cas, comment expliquer que M. Fabius, qui était le chantre de la transparence budgétaire lorsqu'il siégeait au perchoir de l'Assemblée, ne se soit pas soucié de faire évoluer de telles pratiques gouvernementales depuis son arrivée à Bercy ?

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Il l'a fait !

M. Georges Tron.

Après cette explication qui, si elle nous était opposée, nous semblerait assez peu convaincante, le Gouvernement pourrait également adopter une attitude dont nous ne serons pas dupes. Nous tenons d'ores et déjà à l'indiquer.

Cette sous-évaluation manifeste des recettes correspond-elle en réalité - il n'y a là aucune procès d'intention - à une volonté du Gouvernement ? Elle confirme en tout cas que la réduction du déficit du budget de l'Etat n'est plus ou n'est pas une priorité pour le Gouvernement car, quels que soient les chiffres sur lesquels on discute, quels que soient les quelques milliards de francs en plus ou en moins sur lesquels on se focalise, force est de reconnaître qu'en dépit de rentrées fiscales supplémentaires très substantielles, le déficit de l'Etat se maintient à peu près à 200 milliards de francs. Et si nous rentrons aujourd'hui dans les clous de Maastricht pour la totalité de nos comptes publics, cela tient à la bonne gestion des collectivités locales et de la sécurité sociale branche maladie mise à part.

Il est de traditon dans cet hémicycle, notamment lors de séances de questions au Gouvernement, de renvoyer à l'opposition les chiffres des déficits budgétaires de ces dernières années en essayant de faire croire que tous les efforts en la matière ont été accomplis à partir de 1997.

Bien que n'ayant pas particulièrement la mémoire des chiffres, j'aurais souhaité que M. Fabius soit présent ce soir pour lui en rappeler quelques-uns. En 1981, le déficit était de l'ordre de 27 milliards de francs, en 1986, de 160 milliards, contre 90 milliards en 1988 quand nous avons lâché les rênes. Quand nous sommes revenus aux affaires en 1993, le déficit était de 350 milliards. En 1997, le rapport que le Gouvernement lui-même a demandé l'a évalué à 285 milliards. Aujourd'hui, il est de 200 milliards alors que les recettes fiscales n'ont jamais été aussi importantes. L'exercice des questions au Gouvernement ne permettant pas de répondre à la réponse, nous n'avons pas eu l'occasion, et je le regrette, de rappeler ces chiffres à M. Fabius. Certes le Gouvernement affiche sa détermination à réduire la déficit budgétaire, mais cette volonté, monsieur Emmanuelli, je vous le dis à vous puisque

M. Fabius n'est pas là,...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Mme Parly est là !

M. Georges Tron.

... on ne la trouve en réalité que dans les mots.

Cette sous-évaluation permet sans doute au Gouvernement d'éviter d'aiguiser les appétits dépensiers de certaines composantes de sa majorité. Encore que cela n'empêche en aucun cas certaines situations absurdes ou certains malentendus.

En tant qu'orateur du groupe RPR pour le budget de la fonction publique, je voudrais en relever une. M. Lang a annoncé, voilà quelques jours, 170 000 embauches dans l'éducation nationale, dont 30 000 nettes. Dans le même temps, M. Sapin, dans un élan que nous soutenons d'ailleurs car telle nous semble être la bonne direction, a indiqué qu'il allait mettre en place l'observatoire de l'emploi public pour essayer de voir un peu plus clair dans les effectifs de l'Etat et d'utiliser ainsi l'outil de la gestion prévisionnelle des effectifs. Comment ne pas relever qu'il y a une sorte de contradiction entre ces deux démarches ? Par ailleurs, l'espèce de volant que l'on pressent en matière de recettes fiscales donne lieu à bien des malaises sociaux. Le 16 novembre dernier, lors de l'examen du budget de la fonction publique, M. Sapin nous a indiqué qu'il disposait d'une marge de 3,2 milliards de francs pour octroyer une augmentation du point d'indice. Or il se trouve que les négociations salariales commençaient le 21 novembre. La question posée à M. Sapin fut très simple : disposez-vous, oui ou non, d'une marge de manoeuvre ? Si la réponse est non, la négociation n'a pas


page précédente page 09915page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

d'objet. Mais si la réponse est oui, que doit-on en déduire sur la façon dont M. Sapin traite le Parlement ? Ou ce sont les syndicats ou ce sont les parlementaires qui seront déconsidérés. De toute façon, avec cette espèce de marge de manoeuvre qui paraissait ressortir des comptes de l'Etat on a fait chou blanc, si j'ose dire. Il suffit pour s'en convaincre de se référer aux différentes critiques qui ont été émises par les syndicats eux-mêmes.

Bref, rien ne saurait justifier de cacher à la représentation nationale tout entière la réalité de l'exécution budgétaire en cours. L'atteinte portée au droit général de contrôle sur la gestion des finances publiques est évidente. Il est en effet de jurisprudence constante que ce droit ne peut être exercé que lorsque le Parlement est correctement informé, ce qui implique que les évaluations présentées soient suffisamment crédibles. Le Gouvernement doit pouvoir justifier du sérieux des prévisions qu'il a arrêtées, ce que la représentation nationale peut mettre en cause aujourd'hui compte tenu des aveux mêmes du ministre de l'économie et des finances. C'est le premier motif pour lequel nous considérons que ce collectif budgétaire est manifestement en contradiction avec la loi constitutionnelle.

M. Gilles Carrez. Excellent ! M. Georges Tron. Le deuxième motif porte sur l'extension, prévue à l'article 26, de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations intermédiaires d'énergie. Je voudrais faire quelques remarques sur le sujet.

P remière remarque, l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie n'a manifestement pas sa place dans le collectif de fin d'année. Les recettes escomptées de l'extension de la TGAP, soit approximativement 3,8 milliards de francs d'après les prévisions gouvernementales, seront, elles aussi, affectées au fonds de réforme des cotisations sociales - le FOREC qui sert à financer le passage aux 35 heures. Or les ressources du FOREC auront été définitivement approuvées par le Parlement - le vote en dernière lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale est intervenu hier - avant même que l'Assemblée nationale n'entame l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

Cela signifie que le Parlement aura définitivement adopté le périmètre du FOREC sans avoir connaissance du champ précis d'application de l'extension de la TGAP.

Or, après le nouvel examen du dispositif par la commission des finances, cet après-midi - je rappelle qu'elle avait repoussé voilà quelques jours le texte gouvernemental - il apparaît avec une quasi-certitude que le champ d'extension de la taxe ne sera pas celui qui était initialement prévu. Dans ces conditions, les 3,8 milliards de recettes attendues comme produit de la TGAP paraissent particulièrement fragiles d'autant que la commission des ffin ances, qui devait proposer un nouveau dispositif, n'ayant manifestement pas fait corriger le précédent, paraît s'orienter vers une restriction plutôt que vers une extension du champ d'application de cette taxe.

Il ressort donc clairement du développement précédent que, dans un souci de cohérence, et compte tenu de l'affectation des recettes tirées de l'extension de la TGAP, ce dispositif aurait dû figurer dans la première partie du projet de loi de finances pour 2001 afin que l'Assemblée puisse connaître le mécanisme définitif d'extension de la TGAP au moment où s'engageait la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Philippe Auberger.

C'est évident !

M. Georges Tron.

Ces arguments en tout cas démontrent les limites de cohérence et de transparence des financements croisés, ces sortes de tuyauterie entre les textes budgétaires, d'un côté, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de l'autre. Il apparaît clairement là encore que la bonne information du Parlement n'entre pas dans les préoccupations du Gouvernement.

Un tel éparpillement des créations et des extensions d'impôts et des taxes ne permet pas d'avoir une vue d'ensemble du montant des prélèvements fiscaux et sociaux au moment où est discuté le projet de loi de finances pour l'année suivante.

Deuxième remarque, les modalités d'examen de la TGAP ne respectent pas les règles de la procédure législative. La présentation du dispositif concernant la TGAP à l'Assemblée porte atteinte aux règles de la procédure législative dans la mesure où il ne permet pas de respecter un exercice effectif du droit d'amendement. En effet, le contenu modifié de ce dispositif aura été porté à la connaissance de l'ensemble des députés par le biais du service de la distribution quelques minutes - on ne peut même pas dire quelques heures - avant la réunion de la commission des finances prévue le même jour à 16 heures, en application de l'article 88, et le début de l'examen en séance publique du texte.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais non !

M. Georges Tron.

A quatorze heures trente, en tout c as, les amendements de notre rapporteur général n'avaient toujours pas été distribués.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est faux !

M. Georges Tron.

Monsieur le président de la commission, je vous l'assure, c'est exactement ainsi que cela s'est passé. Renseignez-vous !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce que vous dites est inexact !

M. Georges Tron.

Or, compte tenu de la complexité de ce dispositif, des connaissances techniques, chimiques et industrielles qu'il suppose, compte tenu également de l'absence d'étude d'impact sur les secteurs industriels concernés et de comparatifs européens, s'agissant d'une taxe inspirée des travaux de la Commission de Bruxelles, il apparaît raisonnablement impossible pour les députés, quelles que soient leur bonne volonté et leurs connaissances - qu'ils soient d'ailleurs membres de la commission des finances ou d'une autre commission - de mesurer la portée réelle des dispositions proposées et, par voie de conséquence, de déposer éventuellement des amendements dans les délais réglementaires.

Troisième remarque, l'extension de la TGAP crée des inégalités de traitement. Deux d'entre elles semblent particulièrement choquantes eu égard au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt. Ces inégalités ne sauraient se justifier ni par les différences de situation au regard de la fiscalité de l'énergie ni par des motifs d'intérêt général en rapport avec l'objet même de l'article.

T out d'abord, l'exonération des administrations publiques et des collectivités territoriales. Certes, le maire que je suis ne déplore pas une telle disposition. Mais le législateur se demande ce qui justifie que les administrations soient dispensées des efforts d'économies d'énergie auxquelles doit inciter ce texte. Par ailleurs, le chauffage des immeubles résidentiels serait très majoritairement exonéré en raison du système de franchise prévu, mais se trouverait taxé dès lors qu'il concernerait des ensembles


page précédente page 09916page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

résidentiels de quelque importance. Ces deux exemples, p armi d'autres, montrent que le dispositif prévu méconnaît gravement le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

Quatrième remarque, certaines modalités de mise en oeuvre de la taxe ne sont pas cohérentes avec l'objectif général poursuivi. Est-il logique que l'on attende d'une taxe sanction un rendement progressif ? L'année dernière, c'est dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale que le sujet avait été abordé. J'avais alors fait remarquer à M. Sautter qu'il était pour le moins curieux de mettre en place une taxe censée sanctionner ce qui impliquait, par définition, un produit décroissant - et d'en espérer un rendement en augmentation pour financer les 35 heures.

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est évident !

M. Georges Tron.

Il y a là une espèce d'illogisme qui mériterait une réflexion approfondie. Pour en revenir à notre propos, le texte présenté propose de taxer indifféremment le gaz natuel et l'électricité quel que soit leur mode de production.

M. Gilles Carrez.

C'est absurde !

M. Georges Tron.

Il ne prend pas en considération la contribution de chacune de ces sources d'énergie à l'effet de serre.

M. Jean-Jacques Jégou.

Eh non !

M. Georges Tron.

Ainsi, la consommation de gaz dégage, d'après le Livre blanc du Gouvernement de juillet 1999, deux fois plus de CO 2 que la production d'électricité, et cela compte tenu de la part prise par l'électricité d'origine hydraulique et par celle d'origine nucléaire.

M. Michel Bouvard.

C'est la dîme de Mme Voynet !

M. Georges Tron.

Madame la secrétaire d'Etat, il n'apparaît donc pas cohérent au regard de l'objectif poursuivi, qui est de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, de taxer de manière identique des sources d'énergie inégalement polluantes, sauf à considérer qu'une telle décision constitue la traduction fiscale d'une modification fondamentale de la politique énergétique de la France.

Mais dans ce cas, le Gouvernement devrait s'expliquer clairement, non au détour d'un article d'un collectif budgétaire mais dans le cadre d'un texte portant précisément sur ce sujet et qui nous permettrait d'enrichir le débat.

En tout état de cause, voilà pour nous un motif supplémentaire d'inconstitutionnalité de ce collectif.

Le troisième motif d'inconstitutionnalité porte sur l'article 30, qui prévoit l'abandon par l'Etat à des opérateurs privés de la mise en place de systèmes d'écoutes téléphoniques.

M. Michel Bouvard.

Même Thatcher n'a pas été aussi loin !

M. Georges Tron.

Conformément au premier alinéa de l'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications, qui procède de la loi du 26 juillet 1996, les opérateurs bénéficient de la garantie d'une juste rémunération des prestations assurées au titre des prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique en matière d'interceptions téléphoniques. Ces garanties, déterminées dans des cahiers des charges, ont permis, jusqu'ici, d'une part, que l'Etat prenne en charge les investissements nécessaires à la réalisation de ces interceptions, et, d'autre part, qu'il assume le coût de fonctionnement occasionné par chacune d'entre elles.

Or l'article 30 du présent projet prévoit l'insertion, dans cet article L. 35-6, de deux nouveaux alinéas. Aux termes du premier, les opérateurs devraient assurer la mise en oeuvre des moyens nécessaires aux interceptions justifiées par les impératifs de la sécurité publique, les investissements correspondants étant désormais à leur charge. Aux termes du second, l'Etat se bornerait à unes imple participation au financement des charges d'exploitation, dans des conditions restant à déterminer par un décret en Conseil d'Etat. Enfin, la disposition actuellement en vigueur ne concernerait plus que les autres prescriptions, sans d'ailleurs que l'on sache vraiment ce que cela recouvre, sauf à considérer qu'il s'agit de celles qui sont liées aux interceptions exigées par la défense, puisque cette dernière disparaît dans la rédaction envisagée par l'article 30.

M. Gilles Carrez.

Liberticide !

M. Georges Tron.

Cette disposition soulève plusieurs interrogations graves portant sur sa conformité à la Constitution. La rupture d'égalité devant les charges publiques est certaine, selon nous.

Que la sécurité publique soit une nécessité ne fait aucun doute, tout le monde en convient. Celle-ci a même une valeur constitutionnelle, qui a été plusieurs fois attestée par la jurisprudence. Le législateur a le devoir d'assurer la protection des personnes et des biens et il lui revient toujours d'opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, sans lequel l'exercice des libertés ne saurait être assuré. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, sur ce point, est absolument claire.

Que les exigences de la sécurité publique puissent être notamment servies par la pratique d'interceptions téléphoniques dans les conditions strictes qui sont énoncées par la loi est une chose acquise, précisément depuis la décision du 10 juillet 1991, et nous ne le contestons pas.

Mais il résulte, tant du principe constitutionnel que de la loi qui contribue à le mettre en oeuvre, que la sécurité relève de la charge publique. Dans ces conditions, le poids de cette charge publique doit être également réparti entre tous les citoyens et ne saurait être sélectivement imposé à une partie d'entre eux seulement.

C'est bien pourtant ce que la disposition en cause se propose de faire, puisque les opérateurs téléphoniques devraient assumer seuls le coût des investissements et une partie du coût du fonctionnement qui est rendu nécessaire par les interceptions. Au regard de l'objet de la loi - assurer la possibilité de procéder aux interceptions téléphoniques rendues nécessaires par le souci de la sécurité publique -, les opérateurs ne sont nullement placés dans une situation particulière qui les distinguerait de l'universalité des citoyens. La rupture d'égalité devant les charges publiques ne fait donc aucun doute à nos yeux.

En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, nous avons trois bonnes raisons de proposer à l'Assemblée nationale d'adopter l'exception d'irrecevabilité : le manque de sincérité du collectif budgétaire, l'ensemble de l'article 26 consacré à la TGAP, et l'ensemble de l'article 30. Nous considérons que loin de les corriger, ce collectif budg étaire ne fait qu'aggraver les errements du passé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Avec l'article 30, il a donné le coup de grâce !


page précédente page 09917page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Je répondrai en quelques mots, afin de ne pas retarder la discussion générale...

M. Philippe Auberger.

Nous avons tout le temps !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et parce que nous aurons l'occasion, monsieur Tron, de revenir sur les différents sujets que vous avez abordés.

J'ai néanmoins écouté avec intérêt votre intervention.

J'ai regretté que vous n'ayez pu lire l'exposé des motifs figurant dans le document budgétaire que nous examinons ce soir. Vous avez fait référence aux affirmations de Laurent Fabius relatives au déficit d'exécution en 2000.

Là encore, permettez-moi de regretter que vous ne m'ayez pas écoutée, car les affirmations de Laurent Fabius sont celles du Gouvernement, et donc aussi les miennes.

M. Georges Tron.

Ça ne change rien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement a toujours considéré que le collectif budgétaire était une étape entre la loi de finances initiale et l'exécution définitive. Par rapport à la loi de finances initiale, le déficit qui vous est présenté dans ce collectif est effectivement en diminution.

Vous avez laissé entendre que comparer le déficit du collectif à un déficit en exécution n'était peut-être pas tout à fait sincère. Ce n'est pas le terme que vous avez employé mais je l'utilise à dessein, parce que le débat que vous avez ouvert tourne entièrement autour de la sincérité. Mais le collectif n'est qu'une étape, et nous avons rendez-vous pour l'exécution définitive.

M. Georges Tron.

Même réponse et mêmes raisons qu'en 1999 !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est de la sincérité différée !

M. Gérard Fuchs.

Comparez ce qui est comparable !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

L'exécution définitive, ne vous en déplaise, laissera apparaître un déficit inférieur à 200 milliards, et donc inférieur au déficit d'exécution de 1999.

M. Georges Tron.

C'est ce que nous avons dit !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Bien sûr, vous avez fait allusion à d'éventuelles recettes fiscales cachées...

M. Jean-Jacques Jégou.

Elles ne sont pas éventuelles ! Et elles s'élèvent à 15 milliards !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... qui auraient dû permettre, dès le stade du collectif, d'afficher un déficit plus faible.

Sachez, en tout cas, que comme l'a très bien rappelé Didier Migaud dans son intervention, un budget se compose de recettes et de dépenses ...

M. Philippe Auberger.

Ça, des dépenses, il y en a !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et que dans les dépenses figurent effectivement les crédits que le Gouvernement soumet à l'approbation du Parlement. Ils seront donc ouverts dans le cadre du collectif, sans toutefois être nécessairement exécutés pendant l'exercice 2000. Ces crédits ont, en effet, vocation - et ce n'est pas nouveau - à être reportés d'une année sur l'autre.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas du tout la question !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

L'absence d'une réduction immédiate du déficit s'explique donc aussi par le fait que tous les crédits ouverts ne seront pas consommés en 2000.

M. Philippe Auberger.

Ce sont des crédits virtuels !

M. Georges Tron.

Même réponse qu'en 1999 !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Vous faites également allusion, au travers de calculs apparemment savants, aux évaluations de recettes que nous présentons. Oui, ce sont nos évaluations de recettes. Nous les considérons comme sérieuses, et nous n'avons rien à y ajouter parce que, en l'état actuel de nos connaissances, nous n'attendons ni plus-values fiscales ...

M. Georges Tron.

Même réponse qu'en 1999 !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... ni recettes mirifiques de 15 à 25 milliards de francs.

M. Gérard Fuchs.

Elles ont baissé en 1999 !

M. Georges Tron.

Même réponse qu'en 1999 !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Vous parlez beaucoup de transparence, monsieur le député.

M. Georges Tron.

Vous aussi !

M. Gilles Carrez.

Il le faut bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mais nous, nous la pratiquons.

M. Jean-Jacques Jégou.

Un peu de modestie !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous avons pris et tenu l'engagement de transmettre à votre commission des finances des « situations mensuelles », d'ailleurs désormais disponibles à un rythme hebdomadaire.

M. Georges Tron.

Vous avez lu le rapport de la Cour des comptes ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Depuis quelques mois, nous avons pris, avec Laurent Fabius, des engagements en termes de transparence. Nous avons, en effet, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances pour 2001, déposé une charte de budgétisation.

Car vous avez raison, la Cour des comptes a raison, il nous faut déterminer les méthodes de comptage et vérifier ensuite qu'elles ont été respectées. C'est le but de la charte de budgétisation.

Nous faisons même davantage, et cela en étroite concertation avec la commission des finances et avec la commission qui vient d'être créée par le président Forni.

Nous allons en effet, d'une manière conjointe, et que nous souhaitons consensuelle, réformer l'ordonnance de 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, ce qui n'a jamais été fait en plus de quarante ans.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas ce dont nous parlons !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

En matière de transparence, le Gouvernement n'a donc pas de leçons à recevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Georges Tron.

Ce n'est pas une réponse !

M. Gilles Carrez.

Pensez au FOREC, madame la scrétaire d'Etat !

Mme la présidente.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Madame la secrétaire d'Etat, parmi les amabilités que vous avez adressées à mon excellent collègue Georges Tron, vous lui avez reproché de ne pas avoir lu l'exposé des motifs de la loi de finances rectificative. Figurez-vous que je l'ai lu.


page précédente page 09918page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Georges Tron.

Moi aussi !

M. Philippe Auberger.

Dès son premier paragraphe, il est atterrant.

Il est écrit : « Ce solde du collectif » - soit 209 milliards de francs - « devrait s'accompagner ensuite d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. »

M. Georges Tron.

Voilà ! Je l'ai cité !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est ça, la sincérité ?

M. Philippe Auberger.

Cela signifie qu'au 15 novembre, au moment où ce projet de loi de finances a été déposé, on était déjà en mesure d'affirmer que le chiffre annoncé n'était pas exact. Le chiffre exact n'a pas été révélé.

M. Georges Tron.

Voilà !

M. Gérard Fuchs.

Il est écrit « déficit probable ». On parle de probabilités !

M. Philippe Auberger.

Une loi de finances, mon cher collègue, vous le savez comme moi, est toujours fondée sur des probabilités. Il n'y a jamais de certitudes, sinon nous n'aurions pas connu cet exercice lamentable de l'année 1999 et du début de l'année 2000 !

M. Gérard Fuchs.

Au contraire, ça a été génial ! Nous n'avons jamais eu autant de recettes !

M. Philippe Auberger.

Employons des arguments plus sérieux, mon cher collègue.

Mais plus remarquable encore est la phrase suivante :

« Les opérations sont retracées avec un souci permanent de transparence. »

Madame la secrétaire d'Etat, la transparence, c'est donner les chiffres connus au 15 novembre, et non des chiffres inexacts !

M. Georges Tron.

Eh oui ! Cela n'a rien à voir avec l'ordonnance de 1959 !

M. Philippe Auberger.

Ce montant de 209 milliards, vous le dites vous-même, est inexact. Donnez le chiffre exact et vous pourrez parler de transparence.

Je crois, en fait, que nous n'avons pas la même notion de la transparence. La nôtre a été amplement développée par M. Tron. C'est celle-là que nous souhaitons voir consacrer par l'Assemblée et, le cas échéant, par le Conseil constitutionnel. Et c'est pour cette raison que nous allons voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Mes collègues Georges Tron et Philippe Auberger ont parfaitement raison, il y a un véritable problème de sincérité des comptes. La commission des finances le sait bien, et c'est la raison pour laquelle vous avez pris l'initiative d'une réforme de l'ordonnance de 1959 relative aux finances publiques.

J'ajoute que le rapport de la Cour des comptes vous y obligeait et que vous avez été rattrapés par la réalité. Car , pour avoir voulu cacher la cagnotte pendant un certain temps, vous avez dû recourir à une procédure inhabituelle, le collectif budgétaire de printemps. Finalement, vous nous expliquez que plus on multipliera les collectifs budgétaires, plus les comptes seront vrais. Or celui que vous nous proposez est, hélas ! déjà en retard sur la réalité. Du reste, je ne sais pas très bien si cette information est réelle ou probable, puisque vous nous dites à la fois qu'il y aura des rentrées et qu'elles ne sont pas certaines.

M. Philippe Auberger.

Double langage !

M. Laurent Dominati.

Dites ce que vous pensez vraiment, et essayons de voir quelle est la réalité des comptes à l'heure où nous parlons.

Je crois que, de façon générale, mes chers collègues, nous devrions avoir plus d'exigences, sur les bancs de cette assemblée, vis-à-vis du Gouvernement. Je dirai même que c'est le Parlement dans son ensemble, quelle que soit la couleur politique de ses membres, qui devrait avoir plus d'exigences vis-à-vis de l'exécutif. Je cherche ainsi à vous encourager.

Nous assistons à une concentration des pouvoirs telle que les députés ne servent plus qu'à instituer nuitamment des impôts exceptionnels comme la TGAP, qui est l'illustration même de votre collectif budgétaire, un impôt bureaucratique et fou, la taxe folle de l'année, en quelque sorte. (Sourires.)

Mes chers collègues, je ne vois pas très bien pourquoi nous continuerions à passer du temps à examiner ce type de comptes alors que, comme le Sénat et la Cour des comptes, vous savez pertinemment que leur réalité n'est pas celle que l'on vous présente.

Je ferai enfin une remarque qui ne concerne ni la TGAP ni la sincérité des comptes. Il ne s'agit pas de grand chose, juste de l'annulation des dettes du journal L'Humanité - peut-être la grande cause de ce collectif budgétaire. Je voudrais savoir si de telles annulations de dettes pourraient être accordées à toutes les PME (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), à tous les journaux, voire à tous les partis politiques. C'est une façon de signaler au public l'existence d'astuces gouvernementales qui permettent d'arranger beaucoup de choses au sein de la majorité plurielle.

C'est, entre autres, la raison pour laquelle le groupe Démocratie libérale et Indépendants s'associe à l'exception d'irrecevabilité défendue par Georges Tron.

M. Gilles Carrez.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

M. Tron s'est appuyé sur trois arguments pour prêcher l'irrecevabilité de la loi de finances rectificative. Je passerai brièvement sur deux d'entre eux, en particulier sur la question des écoutes téléphoniques. Ce n'est pas vraiment l'Etat comme prescripteur des opérations qu'il faut regarder comme coupable, mais plutôt le système rendant obligatoire la prescription de services d'écoutes téléphoniques, qui ont un caractère exceptionnel et dont la procédure doit être rigoureuse, à un opérateur devenu privé.

S'il n'était pas devenu privé, si le service public était resté ce qu'il était, les libertés publiques auraient pu être garanties d'une autre manière, et c'est sans doute sur ce point qu'il faudrait porter l'attention.

Les batailles de chiffres sont souvent des batailles de chiffonniers. Celle que M. Tron s'est efforcé d'engager sur la TGAP ne porte pas vraiment sur le fond. Le vrai problème de la TGAP, c'est, d'une part, que son architecture globale ne convient pas et mériterait d'être recomposée dans toutes ses dimensions et, d'autre part, le fait que son objet ne correspond pas à ce pour quoi elle a été proposée. Mais c'est un problème politique, pas un motif d'irrecevabilité.


page précédente page 09919page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

La plus belle des philippiques que nous avons entendues porte sur le déficit budgétaire. Je m'évertue, à chaque débat sur les finances publiques de l'Etat, à développer l'idée que, si réduire les déficits consiste évidemment à adopter une conduite de gestion, ce n'est pas la conduite prioritaire. Ce n'est pas celle qui doit dicter nos actions.

Personnellement, je souhaite que les rentrées fiscales supplémentaires, et il y en aura probablement d'ici à la fin de l'année - on parle de 5, voire de 15 milliards de francs -, au lieu d'être affectées à cette espèce de course folle pour descendre au-dessous des 200 milliards, soient consacrées à des mesures répondant à l'urgence sociale, telle l'augmentation des minima sociaux, à laquelle on pourrait ajouter des primes de fin d'année.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Christian Cuvilliez.

Ou bien encore, puisque comme vous l'avez signalé, monsieur Tron, le climat social n'est pas aussi tranquille qu'on le voudrait, ces rentrées fiscales pourraient servir à répondre aux attentes des personnels de santé ou à ceux de la fonction publique.

Vous avez d'ailleurs eu raison d'évoquer le cas de ces derniers : maintenant que le gel des emplois n'est plus une religion, il faut faire sauter le deuxième verrou que constitue aujourd'hui le gel des traitements.

Nous avons donc, sur ces trois points, une lecture complètement différente de la vôtre, monsieur Tron, ce qui me conduit évidemment à rejeter l'exception d'irrecevabilité.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. Jean-François Mattei et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce collectif est l'occasion de faire le point sur la réalité des engagements pris par le Gouvernement, ainsi que sur sa politique économique. Et je voudrais regarder avec vous, madame la secrétaire d'Etat, si vos discours correspondent effectivement à ce que vous inscrivez dans votre collectif et à la politique suivie depuis maintenant plus de trois ans.

Quelle est en effet la réalité des engagements du Gouvernement en matière de baisses d'impôts, de maîtrise des dépenses publiques et de réduction des déficits ? Nous avons tous lu l'exposé des motifs, où vous vous glorifiez d'un certain succès dans ces trois domaines, en prétendant avoir maintenu le cap.

Qu'en est-il tout d'abord de la baisse des impôts ? Vous abordez ce collectif en disant que vous avez baissé les impôts de façon extrêmement importante, à hauteur de 90 milliards, dites-vous, presque 100 milliards.

En réalité, quand on y regarde de plus près, et si on compare autant qu'il est possible les différents éléments à notre disposition, les impôts augmentent d'une année sur l'autre, de 1 565 milliards en 1999 à 1 574 milliards en l'an 2000, sans compter ce qui va apparaître, d'après vos supputations, dans les journées à venir. Il y aura donc naturellement une augmentation des impôts.

Vous allez me dire qu'elle n'est pas très importante, mais il n'en faut pas moins rectifier les choses : ce que vous appelez baisse d'impôts, c'est en réalité une hausse moins importante que les précédentes, ou moins élevée que celle que vous aviez prévue.

J'ajoute que, si nous comparons la situation à celle de 1997, nous observons une augmentation des recettes fiscales d'environ 165 milliards de francs par an. Vous ne pouvez donc pas dire que nous avions augmenté les impôts alors que vous les baissez.

Vous pouvez toujours prétendre que la hausse est très modérée, et que l'on pourrait faire plus, ou plutôt pire.

Il est vrai que l'on pourrait aller beaucoup plus loin dans les « baisses d'impôts » telles que vous les concevez, si le pays était capable de le supporter.

Affirmer cela, cependant, c'est se limiter à la lecture du seul projet de loi de finances. Il faudrait prendre en compte l'ensemble des prélèvements obligatoires, en mariant, en quelque sorte, le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec le collectif et les différentes recettes budgétaires, pour constater que vous avez battu le record des prélèvements obligatoires.

Voilà ce qu'est la réalité des impôts et des prélèvements obligatoires. Vous ne pouvez vous glorifier d'aucune baisse, même si les rentrées fiscales vous ont permis de réduire ou de supprimer certains impôts.

La France reste très frileuse en matière de baisse des prélèvements obligatoires, surtout si on la compare aux pays européens : presque tous, même ceux d'entre eux qui sont gouvernés par des gouvernements dits de gauche,...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Ce sont des faux.

(Sourires.)

M. Laurent Dominati.

... procèdent à des réformes fiscales d'une ampleur bien plus considérable.

L'essentiel de ce collectif budgétaire, en tout cas son symbole, est constitué par l'article 26 relatif à la TGAP, qui a été qualifiée par la commission des finances d'« horreur administrative ». C'est effectivement une sorte de monstre, une « taxe folle »...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Et vache !

M. Laurent Dominati.

... puisque nous sommes censés parler d'impôt écologique - bien que nous soyons loin de l'écologie.

Cette taxe incarne en quelque sorte votre façon de gouverner et de créer des impôts à chaque fois qu'un texte financier est examiné par notre assemblée. Nous aurons l'occasion d'en parler plus longuement mais, pour conclure ce premier point, je ne crois pas que vous puissiez, à l'occasion de l'examen de ce collectif budgétaire, brandir l'étendard de la baisse des impôts.

Il est d'ailleurs tout à fait naturel que vous n'y parveniez pas - et cela constituera mon deuxième point : pratiquer une politique de baisse d'impôts importante, comme le font d'autres pays, implique de procéder à une réduction de la dépense publique. Car il ne peut y avoir de baisse d'impôts à long terme sans une telle réduction.

Il est vrai que, sur ce sujet, une opposition de choix politiques règne entre l'une et l'autre partie de l'Assemblée.

Non seulement vous affirmez que vous baissez les i mpôts, mais vous prétendez maîtriser la dépense publique. Vous écrivez d'ailleurs que, en contrepartie des 22 milliards de francs que vous consacrez, à l'occasion de ce collectif, à l'ouverture de nouveaux crédits, vous avez annulé, pour la même somme, des crédits votés pré-


page précédente page 09920page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

cédemment. Ce n'est pas tout à fait exact. En réalité, pour 38 milliards de dépenses ordinaires civiles ouvertes, 15 milliards sont annulées, ce qui entraîne une augmentation de 21 milliards.

Il est vrai qu'il est difficile de faire les comptes, compte tenu de leur opacité grandissante dénoncée par M. Tron.

On sait simplement que, en 1999, le surplus de richesses créé par les Français avait été capté en grande partie par la dépense publique, et que la Commission européenne s'en était inquiétée. Le Premier ministre, en brisant, il y a quelques mois, le tabou du gel du nombre de fonctionnaires...

M. Christian Cuvilliez.

Très bonne chose !

M. Laurent Dominati.

Vous pouvez considérer que c'est une très bonne chose. On peut simplement répondre qu'une telle décision ne correspond ni aux engagements du Gouvernement, ni à une politique de maîtrise des dépenses publiques.

Le trosième argument que vous mettez en avant pour faire valoir l'action de votre gouvernement consiste à souligner que, tout en baissant les impôts et en réduissant la dépense publique - mais j'ai déjà dit ce qu'il en était réellement -, vous parvenez en même temps à diminuer le déficit. Vous faites ainsi preuve d'un culot monumental ! Vous osez même ajouter qu'alors que nous étions en retard en 1997 nous rejoindrions la moyenne en 2001. Je rappelle simplement que, dans la zone euro, quatre pays ont déjà des budgets exédentaires, auxquels il convient d'ajouter la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark.

Cela signifie que la France fait partie des quatre derniers.

Je ne comprends donc pas très bien où se situe votre moyenne ! Par ailleurs, après ce collectif, le déficit budgétaire de 2000 sera supérieur de 3 milliards de francs à celui constaté en 1999. Il s'agit donc d'un véritable coup d'arrêt à la réduction du déficit engagée depuis de longues années. En effet, lorsque, en 1993, une autre majorité est arrivée au pouvoir, il s'agissait non plus d'un déficit, mais quasiment d'une banqueroute de l'Etat, sans compter tous les engagements qu'avait pris ce dernier par ailleurs et qui n'étaient pas comptabilisés dans le déficit public. Je pense, par exemple, à l'aide au Crédit lyonnais qu'a rappelée récemment la Cour des comptes.

Vous ne pouvez donc pas prétendre ici que vous réduisez les déficits alors qu'après ce collectif le déficit attendu pour 2000 sera supérieur à celui constaté en 1999. Si vous avez d'autres informations indiquant que ce déficit sera plus faible, donnez-les ! Pourquoi les cacher ? Avezvous peur qu'une partie de votre majorité vous demande de dégager certains moyens ou préférez-vous constituer des réserves, comme vous avez déjà essayé de le faire l'année dernière, ce qu'a dénoncé la Cour des comptes ? Je ne comprends pas très bien cette façon de procéder selon laquelle il faudrait attendre la quatrième loi de finances, c'est-à-dire la loi de règlement, pour avoir les comptes exact.

Cela n'est pas sincère. En tout cas, vous ne pouvez pas affirmer que vous réduisez les déficits de façon importante.

Tel est d'ailleurs l'avis du Fonds monétaire international, que je tiens à citer puisque vous pouvez ne pas croire les représentants de l'opposition. Il constate en effet qu'il y a une lente amélioration des déficits en dépit de la croissance, soulignant ainsi que, malgré une période de croissance exceptionnelle, dans laquelle tous les pays réduisent leurs déficits, la France ne connaît qu'une lente amélioration. En conséquence il demande un effort plus soutenu entre 2001 et 2003.

Il existe donc un écart extraordinaire entre les discours que nous avons entendus au cours de ces trois années et demie et la réalité puisque vous êtes forcément rattrapés par les comptes publics. Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle - et non pas pour une question de transparence - vous multipliez les collectifs afin de faire passer la pilule et de réajuster les comptes, ce qui vous permet, d'ailleurs, d'avoir un meilleur dialogue avec votre majorité. Dans la mesure où vous ne lui donnez pas tous les éléments d'un coup, lui offrant les cagnottes petit à petit, ses réclamations sont moins importantes.

A ce propos je peux aussi rappeler le discours que tenait Laurent Fabius lors de l'annonce de ce déficit budgétaire : « Je souhaite que l'on maintienne le cap sur la réduction des déficits et de l'endettement. » Pourquoi ne

le fait-il pas ? Si tel était le cas, vous ne nous auriez pas présenté ce collectif.

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est pourquoi il n'est pas là !

M. Laurent Dominati.

Imaginez, madame la secrétaire d'Etat, que n'occupant pas ce poste, vous ayez entendu le ministre de l'économie et des finances tenir de tels propos. Vous seriez-vous attendu à ce collectif débouchant sur 209 milliards de francs de déficit alors, que l'année précédente, il n'était que de 206 milliards ? C'est pourquoi les Français, après avoir entendu M. Fabius, étaient fondés à espérer un effort significatif de réduction des déficits, comme l'ont fait d'autres pays, d'autant qu'il y a eu des rentrées fiscales extraordinaires.

En fait, il y a là une sorte de manipulation, ou bien l'expression d'un désaccord. Dites les choses telles qu'elles sont : ou bien le ministre de l'économie et des finances n'approuve pas ce collectif budgétaire, et c'est peut-être la raison de son absence ; ou bien, il a tenu des propos qui ne correspondent pas à la réalité telle qu'elle est perçue par nos concitoyens, qui s'attendaient à une réduction beaucoup plus forte des déficits et de l'endettement.

M. Fabius a même ajouté : « On ne doit pas charger la barque des dépenses publiques et des déficits, et donc de l'endettement, sauf à reporter le financement de nos décisions sur nos enfants. » Quel courage et quelle clair-

voyance ! En effet la dette et les déficits publics induisent les impôts qui seront payés demain par nos enfants.

Je conçois que vous ne soyez pas obligée de croire ce que dit l'opposition. C'est la raison pour laquelle j'évoquerai, après la Commission européenne et après le Fonds monétaire international, que vous pourriez éventuellement récuser aussi, d'autres analyses économiques, celles de l'OCDE, qui a écrit, à propos de la France :

« Contrairement à la plupart des autres pays de l'OCDE, la France n'a donc pas encore tout à fait ramené son budget dans une zone de sécurité où il serait à l'abri d'un fléchissement de l'activité. Dans ces conditions, un retournement conjonctuel sévère pourrait ramener le déficit au-delà de la limite de 3 % du PIB imposée par le traité d'Amsterdam. La situation est fragile notamment parce que la dette publique s'est accrue de vingt points de PIB en dix ans et atteint maintenant 59 % du PIB. »

Vous pourriez, certes, comme vous le faites souvent, nous demander ce que nous avons entrepris avant. Ce serait oublier un peu vite que, durant les vingt dernières années, la gauche a été au pouvoir pendant quatorze ans, contre une fois deux ans puis deux fois deux ans, pour l'opposition actuelle et encore en n'ayant la responsabilité totale de l'exécutif que pendant deux ans.


page précédente page 09921page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Ne vous en vantez pas !

M. Laurent Dominati.

A cet égard, je suis plutôt d'accord avec vous ! C'est la raison pour laquelle j'essaie de vous éviter de commettre les mêmes erreurs. Voyez ma mansuétude ! L'OCDE souligne encore que « des problèmes budgétaires structurels n'ayant pas pu être abordés pendant la période de crise restent en suspens. Comparée aux autres pays de l'OCDE, la France consacre encore une partie importante de ses ressources aux dépenses publiques de fonctionnement. Les retraites risquent de ne pas être financées à long terme sans une profonde réforme ». Or celle-ci est inexistante à ce jour ! L'OCDE ajoute :

« Enfin des progrès restent à accomplir pour améliorer la transparence des pratiques budgétaires. »

Si vous ne croyez ni Georges Tron ni les autres députés de l'opposition, répondez au moins à l'OCDE, au FMI et à la Commission européenne.

L'OCDE conclut d'ailleurs : « Dans un tel contexte, la consolidation budgétaire et la réduction des prélèvements appellent la poursuite et l'amplification des efforts de maîtrise de la dépense publique. » Cela montre bien qu'à

ses yeux, la prétendue maîtrise de la dépense publique dont vous vous glorifiez, madame la secrétaire d'Etat, n'est pas à la hauteur de la tâche.

Vous pourriez évidemment rejeter cette analyse de l'OCDE, car il s'agit d'un organisme international. Je vais donc vous lire maintenant le jugement de la Banque de France tel qu'il a été formulé par son conseil de la politique monétaire.

Elle estime que « la consolidation budgétaire marque le pas » et déplore son « insuffisante orientation contracyclique dans les périodes de forte croissance, ce qui nuit à la solidité de long terme de la situation budgétaire ».

Pour parler clair, cela signifie que vous devriez profiter de cette période de croissance pour pratiquer une politique de désendettement, de réforme de l'Etat et de lutte contre le déficit public. Or tel n'est pas le pas, ce que regrette la Banque de France qui ajoute : « Un tel schéma, s'il devait être durablement maintenu nuirait à l'équilibre de long terme des finances publiques, puisque les périodes de forte croissance ne seraient pas mises à profit pour restaurer de manière structurelle les comptes publics. »

Tels sont, madame la secrétaire d'Etat, les jugements, somme toute clairvoyants et sans appel, de différentes sources internationales ou françaises.

Il est donc un peu paradoxal de vous entendre vous glorifier devant nous, à l'occasion d'un collectif, de succès qui n'en sont pas. Vous devriez faire preuve de davantage de modestie sur la conduite des affaires gouvernementales, d'autant que cette politique n'est qu'une illustration d'une politique économique qui doit être mise au service de l'emploi, priorité affichée de votre gouvernement. C'est d'ailleurs votre quatrième glorification.

Lors des séances de questions au Gouvernement, lorsque l'opposition interroge le ministre de l'économie et des finances, vous répondez que vous avez créé un million d'emplois. » Mais pensez-vous réellement que c'est

vous qui les avez créés ? En effet, tous les pays du monde ont créé des emplois, notamment grâce à la dynamique du marché, grâce à la locomotive américaine, à l'encontre de laquelle vous n'avez pas de mots assez durs, grâce aussi aux politiques d'essence libérale menées dans le monde.

Pour appuyer le fait que ce mérite vous revient vous invoquez généralement les 35 heures. A cet égard, je vais citer le rapport de M. Pisani-Ferry, qui est un de vos amis, membre du conseil d'analyse économique. Nommé par le Premier ministre, il a rédigé un rapport sur le plein-emploi dans lequel il indique que les 35 heures ont permis 67 000 créations d'emplois. Telle est, selon l'un de vos amis, conseiller économique du ministre de l'économie et des finances précédent, la part réelle de la g rande réforme concernant l'emploi voulue par

Mme Aubry et le Gouvernement dont vous faites partie.

M. Pisani-Ferry vous recommande même de modifier votre politique économique si vous souhaitez continuer vers le plein-emploi qu'ont déjà retrouvé les USA et nombre de nos partenaires européens - les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, le Danemark, l'Irlande - qui ont des systèmes économiques différents et qui sont partis de niveaux d'emploi très divers. Leurs taux de chômage avoisinent les 5 %, alors que nous en sommes encore à 9,4 %, malgré votre autoglorification, ce qui nous place toujours dans les derniers rangs des pays européens. Pour cela, il indique qu'il faudrait que la mise en oeuvre des 35 heures soit plus souple. Cela correspond d'ailleurs à ce qu'écrivait le ministre de l'économie et des finances. Peut-être, n'est-il donc pas tout à fait d'accord avec la politique actuellement intransigeante que vous menez...

Dans son rapport M. Pisani-Ferry ajoute qu'il faudrait continuer à alléger les charges pesant sur les bas salaires, comme nous avions commencé à le faire. Il va même plus loin puisqu'il propose de créer un impôt négatif, demandé il y a peu par le Sénat et par de nombreux parlementaires tant de l'opposiion que de la majorité.

Cela pourrait servir de base à un débat économique assez vivifiant au cours duquel nous pourrions nous mettre d'accord sur une politique économique nouvelle, avec une véritable réforme fiscale pour une véritable politique de l'emploi.

Enfin, M. Pisani-Ferry recommande aussi de rendre le système des retraites et des préretraites plus incitatif au travail. Bref, il appelle de ses voeux une nouvelle politique économique en mettant en avant toutes les questions qui auraient dû être posées avant le faux débat que nous avons sur le collectif budgétaire, avec des chiffres incertains.

Je ne vais pas continuer à évoquer les différents points du rapport Pisani-Ferry. Je suppose que vous répondrez que je ne l'ai pas bien lu, que je ne l'ai pas cité en entier et qu'en réalité votre ami fait votre éloge. Cela ne m'étonnerait d'ailleurs pas car, diplomate, il sait faire et il est bien obligé de vous faire plaisir ! Il n'empêche que lire cela sous la plume de quelqu'un qui vous est proche devrait objectivement vous ouvrir les yeux. En effet si vous n'écoutez ni l'opposition, ni le FMI, ni la Commission européenne, ni l'OCDE, ni la Banque de France, ni vos propres amis, qui écoutez-vous ? Etesvous à ce point bardée de certitudes que vous êtes certaine de mener la politique que vous annoncez haut et fort ? Vous devriez au contraire vous interroger sur l'intérêt de cette politique budgétaire qui correspond à une politique économique de long terme.

Or quelle est-elle, cette politique économique de long terme, de préparation de l'avenir ? Pour ma part, je n'ai pas de doutes sur la capacité de l'économie française, notamment des entreprises françaises, à se moderniser, à épouser le nouveau siècle. Je n'ai pas davantage de doutes sur la capacité de notre pays et même de l'Etat à épouser ce nouveau siècle, encore


page précédente page 09922page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

que j'aie des doutes sur la capacité du gouvernement actuel à prendre les mesures qui permettraient de réformer l'Etat, de le moderniser et d'engager la France sur des voies qu'ont déjà choisies nos partenaires européens.

Ainsi quelle est la réforme importante que vous avez mise en oeuvre ? A cet égard nous avons indiqué notre sentiment, d'ailleurs combattu par d'autres hommes politiques, selon lequel il ne peut y avoir ni baisse d'impôt sans baisse des dépenses publiques ni réduction des dépenses publiques sans réforme de l'Etat. En effet il ne saurait s'agir d'opérer des coupes à la hache dans le budget : il est indispensable d'engager de véritables réformes.

Quelle est donc la réforme importante que vous avez p u accomplir dans l'Etat, à commencer d'ailleurs madame la secrétaire d'Etat, par votre secteur ? Où en est la réforme de Bercy ? En effet, comment pourriez-vous demander aux autres secteurs et à la fonction publique dans son entier de se moderniser si vous n'êtes pas capable de réaliser les réformes qui s'imposent dans votre propre ministère ? Le Gouvernement a d'ailleurs dû se passer des services de votre prédécesseur devenu votre ministre en titre, à partir du moment où les fonctionnaires de Bercy ont décidé qu'il fallait qu'il parte ! Comment pourriez-vous donc conduire une véritable réforme de l'Etat, sans commencer par vous-même pour donner l'exemple ? Au-delà de cette remarque, dans quel secteur de la société avez-vous mis à profit la croissance nouvelle, la bonne santé des entreprises publiques ou privées pour entamer des réformes de fond qui nous mettraient à l'aise en cas d'un retournement de conjoncture, comme le demandent toutes les autorités internationales ? Est-ce dans le domaine des retraites ? Non ! Absolument aucune réforme ! Dans le domaine de la santé ? Aucune réforme non plus ! Dans le domaine de l'école ? Dans ce secteur a également été sacrifié un ministre qui avait souligné que, dans la situation actuelle, avec cette majorité, il était impossible d'engager des réformes de fond.

Dans l'université ? Pas davantage ! Le logement ? Non plus ! La pauvreté ? La réalité et l'échec, prévisible d'ailleurs, de la loi contre l'exclusion montrent que, dans ce domaine non plus, vous n'avez pas réussi.

Les investissements des entreprises ? Non plus ! Qu'avez-vous donc fait de ces trois années et demie de croissance dont vous n'êtes pas responsables ? Telle est la question de fond à laquelle je voulais en venir pour souligner, en conclusion, que vous n'avez pas de véritable politique économique, donc pas de réelle politique budgétaire.

On ne peut même pas dire que vous ayez une vraie politique de gauche en la matière. A cet égard je comprends les critiques de certains collègues : vous ne menez pas vraiment une politique de gauche. Il s'agit plutôt d'une politique de ni-ni : ni libérale ni vraiment socialiste. En fait vous avez accepté une forme de société de marché, mais à regret. Vous avez accepté une ouverture sur le monde et sur l'Europe, mais à regret, honteusement, et vous vous satisfaisez d'une gestion à la petite semaine en fonction des intérêts des uns et des autres, soit des catégories sociales, soit des éléments disparates de votre majorité.

Votre budget n'est donc ni vraiment écolo ni antiécolo, ni libéral ni socialiste. C'est un budget bureaucratique, à l'image d'ailleurs de ce qui se passe actuellement à Nice. En effet, certains, comme M. Cochet, je suppose, approuvent les manifestants d'ATTAC alors que d'autres soutiennent les ministres contre lesquels manifestent les gens opposés à la mondialisation au sommet de Nice.

Vous êtes du côté de M. Bové en lui passant un peu de pommade, mais vous êtes aussi du côté de la matraque (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Brigitte Douay.

Il est temps qu'il s'arrête.

M. Laurent Dominati.

Vous ne savez pas très bien où vous êtes parce que vous n'avez pas de politique à long terme, parce que vous n'aimez pas ni la modernisation ni la mondialisation et parce que vous ne savez plus très bien sur quel pied danser. Vous êtes obligés de faire plaisir ici et là en maintenant des impôts, en gérant non pas votre patrimoine mais votre cagnotte au plus près de vos intérêts ou des concessions politiques et sociales que vous êtes amenés à consentir aux uns et aux autres.

C'est la raison pour laquelle ce collectif budgétaire s'adresse beaucoup plus à la majorité plurielle pour la satisfaire, pour la noyer sous une abondance d'autoglorifications, qu'au budget, à la Cour des comptes et même aux impôts ou aux citoyens. Vous aurez donc besoin d'au moins quatre lois de finances pour parvenir au véritable budget parce que vous essayez de faire passer, petit à petit, les effets de votre politique fiscale.

Voilà pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, j'ai défendu cette question préalable contre un budget qui n'affiche aucune politique réelle pour l'avenir de la France. Il est simplement un budget bureaucratique, à l'image d'ailleurs du nouvel impôt, le quatorzième ou le quinzième, que vous avez créé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Madame la présidente, je serai à nouveau brève car les arguments de M. Dominati avaient déjà été largement présentés par

M. Tron.

Celui-ci a d'abord repris une comparaison dont j'ai déjà eu l'occasion de souligner à quel point elle était peu pertinente. Quel sens cela a-t-il, en effet, de comparer lesr ésultats définitifs de l'année 1999, connus en février 2000, à une prévision d'exécution pour 2000, au mois de novembre d'une année qui n'est pas terminée ? Au fond, ce que vous nous reprochez, c'est d'avoir affiché les plus-values de recettes au fur et à mesure que nous adaptions nos prévisions, mois après mois, en fonction des encaissements réels constatés sur chacun des impôts. Nous l'avons fait au printemps. Nous avons traduit dans le collectif de printemps 35 milliards de recettes fiscales supplémentaires et, quand bien même nous travaillions à l'époque sur des encaissements qui ne concernaient que quelques mois, l'avenir a confirmé que nous avions eu raison de le faire.

Pour le collectif budgétaire d'automne, que nous examinons aujourd'hui, nous avons à nouveau recalé les recettes fiscales de 40 milliards de francs et aucun élément sérieux ne nous permet aujourd'hui de dire que la réévaluation effectuée doit être modifiée dans un sens ou dans un autre.


page précédente page 09923page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Vous nous reprochez aussi de dire ce que nous faisons de ces plus-values de recettes. Nous avons, dans le collectif de printemps, prévu des crédits pour les tempêtes.

Regrettez-vous, monsieur le député, les 6 milliards de francs inscrits à cet effet ? Si oui, dites-le nous ! Vous nous reprochez également des baisses d'impôts.

M. Laurent Dominati.

Vous m'avez entendu parler de ça ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Eh oui ! Mais votre arithmétique, qui peut la comprendre ? L'impôt sur le revenu augmente-t-il ou baisse-t-il ? L'impôt sur les sociétés augmente-t-il ou baisse-t-il ? La TVA, a-t-elle été oui ou non diminuée ? La baisse d'un point du taux normal a-t-elle été effectuée ? Oui, au printemps ! Celle du taux applicable aux travaux dans les logements, a-t-elle été inscrite ? Oui, dans la loi de finances initiale pour 2000 ! En somme, monsieur Dominati, vous nous reprochez que le produit de certains impôts augmente. Mais s'il augmente alors que le taux diminue, monsieur Dominati, c'est grâce à la politique économique que nous menons et que vous dénonciez tout à l'heure ! Après tout, la création d'un million d'emplois s'accompagne d'une hausse du produit de la TVA. Des gens qui travaillent ont des revenus, et des gens qui ont des revenus consomment ! Et lorsqu'ils consomment, ils paient de l'impôt et même parfois de l'impôt sur le revenu. Et nous nous en félicitons ! C'est aussi pour cette raison que nous avons prévu de baisser l'impôt sur le revenu.

M. Laurent Dominati.

Donc les impôts augmentent ! Merci !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

A Bercy, nous avons plutôt l'habitude de recevoir des couriers de contribuables insatisfaits. Et bien, permettez-moi de vous dire - peut-être est-ce mon expérience un peu courte en la matière - que, cette année - une fois n'est pas coutume -, des contribuables nous écrivent pour nous remercier. Ils ont bien vu, eux, que la part régionale de la taxe d'habitation avait été supprimée, tout comme la vignette. (Riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Montrez-nous ces lettres. Nous voulons les lire !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Je reviens un instant sur le million d'emplois qui ont été créés. Vous avez raison de dire qu'ils sont le résultat du travail des Français.

Assurément, le Gouvernement n'est pas derrière chaque emploi créé depuis 1997. Mais ce qui est sûr, monsieur le député, c'est que ce gouvernement a su restaurer la confiance. Sans elle, ces emplois n'auraient pas pu être créés en si grand nombre.

Ce qui est sûr également, et je terminerai par là, c'est que vous n'êtes pour rien dans tout ça. Et, pour ce qui est de la confiance, vous en doutiez tellement que tout s'est terminé par une dissolution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe RPR.

M. Michel Bouvard.

Je serai très bref, madame la présidente, car beaucoup de choses ont déjà été dites et beaucoup d'arguments échangés sur le contexte de ce collectif budgétaire.

Le groupe RPR votera la question préalable pour deux raisons essentielles, qui nous empêchent de délibérer dans de bonnes conditions.

La première concerne le secteur autoroutier. Si un certain nombre de dispositions figurent dans le collectif budgétaire, notamment celles d'ordre fiscal, la réforme du système autoroutier échappe à la discussion parlementaire puisqu'elle va être traitée par ordonnance.

La seconde raison concerne un chapitre sur lequel nous aurons l'occasion de revenir plus longuement, celui de la TGAP bis, de la taxe énergétique, pour laquelle est prévu un dispositif baladeur ! D'abord annoncé dans la loi de finances initiale, il a été un moment attendu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour finalement atterrir - on ne sait pas trop pourquoi - dans le projet de loi de finances rectificative. En tout état de cause, aucune étude d'impact n'a été effectuée...

M. Yves Cochet.

Mais si. J'en ai une copie ici !

M. Michel Bouvard.

... et aucune définition n'a été donnée par notre assemblée d'une véritable politique énergétique, comme cela aurait dû se faire au préalable me semble-t-il.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous considérons que le Parlement ne peut délibérer dans de bonnes conditions et que nous devons voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Madame la présidente, l'intervention à laquelle je voudrais me livrer maintenant, en sollicitant la patience à défaut de l'intérêt de l'Assemblée,...

M. Michel Bouvard.

L'intérêt aussi !

M. le ministre de la défense.

... résulte de la volonté du Gouvernement d'amplifier le débat avec le Parlement sur les opérations militaires extérieures. De longue date existe un rapport de la commission de la défense sur ces opérations puisque leur financement apparaît dans la loi de finances rectificative, mais il m'a paru que, puisque le débat se solde par un vote, c'était l'occasion, sans faire de grands bouleversements, d'instaurer sinon un dialogue, en tout cas un échange entre le Parlement et le Gouvernement sur ces questions.

Comme il y a eu une première loi de finances rectificative au printemps cette année, une grande partie des inscriptions financières ont été portées dès cette loi de finances rectificatives, à hauteur de 2,2 milliards de francs. La loi de finances rectificative qui vous est maintenant soumise ouvre 910 millions de francs de crédits supplémentaires au titre III. Pour une part, il s'agit de couvrir les opérations extérieures, mais il y a aussi, je les mentionne rapidement, 500 millions de francs d'inscrits pour terminer de couvrir la hausse des carburants par rapport à l'inscription budgétaire de l'année, 210 millions


page précédente page 09924page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

de francs pour améliorer le fonctionnement de la gendarmerie comme je m'y étais engagé lors de la discussion du budget de la défense il y a quelques semaines et quelques crédits consommés par les armées lors de leurs interventions pour faire face aux intempéries.

J'en viens aux opérations extérieures pour lesquelles je me limiterai à présenter les évolutions survenues cette année.

Comme l'a dit François Lamy tout à l'heure, les surcoûts globaux, dus aux opérations extérieures sont, à la date d'aujourd'hui, inférieurs de presque 20 % au montant observé en 1999 en raison de la réduction du dispositif que nous supportons dans la zone de l'ex-Yougoslav ie. Notre engagement reste pourtant important, principalement dans des opérations en coalition en Europe du Sud-Est.

Les effectifs de la force de stabilisation déployée en Bosnie - que nous appelons couramment la SFOR - ont été révisés au début de cette année. Toutes nations confondues, ils sont passés à 21 000 hommes et vont bientôt descendre à 19 000. La participation française qui, en moyenne au cours de l'année 1999, était de 3 300 militaires, va être réduite à 2 600 soldats français déployés et le coût de notre présence en BosnieHerzégovine est très voisin d'un milliard de francs pour l'année 2000.

La KFOR, déployée au Kosovo, et pour partie en base aérienne en Macédoine, compte au total 43 600 militaires.

C'est une moyenne puisqu'il y a des variations dans l'année. La participation française, que nous appelons l'opération « Trident », représente 5 650 militaires aujourd'hui - 5 000 au Kosovo même et 650 en Macédoine.

Depuis l'entrée des forces de l'Alliance au Kosovo, c'est-àdire la mi-juin 1999, notre participation a été fluctuante, avec une pointe à 6 300 hommes en août 1999 au moment où des incidents particulièrement importants et menaçannts se produisaient à Mitrovica. La stabilisation du dispositif qui s'est réalisée depuis, a permis une réduction de l'effectif, mais chaque poussée de tension, constatée ou à prévoir, conduit à un renforcement. C'est ainsi que nous avons déployé un bataillon supplémentaire pendant toute la période des élections municipales au Kosovo, qui finalement se sont déroulées sans incident notable.

La brigade Nord, dont la France a la charge, est forte de sept bataillons de l'armée de terre, dont deux chargés du soutien. La capacité des combattants, à proprement parler, représente à peu près 45 % de l'effectif et les moyens de soutien 22 %. Je signale que cette participation aux opérations extérieures, du fait de la montée en puissance de la professionnalisation, implique une grande majorité des unités de l'armée de terre. Ceux d'entre vous qui, dans vos départements, voyez des régiments de l'armée de terre, pouvez supposer que, soit ils sont déjà allés au Kosovo, soit ils iront prochainement. Sur les 80 régiments de l'armée de terre, 53 ont des unités qui ont déjà servi au Kosovo et, pour certaines, deux fois.

Notre dispositif a été allégé et rationalisé compte tenu de l'expérience de la présence sur ce terrain. L'organisation logistique a été simplifiée avec beaucoup moins de personnels en Macédoine.

Dans les zones où sont concentrées nos troupes, nous avons installé des camps durables, prévus pour servir plusieurs années, et donc pourvus d'installations en dur ou en semi-dur.

Au total, le coût de notre engagement au Kosovo sera d'environ 1,6 milliard de francs pour l'année 2000, dont une très grande partie au titre des rémunérations. Il s'agit donc d'une division par deux du coût de notre engagement au Kosovo par rapport à l'année 1999, ce qui s'explique par le fait que l'engagement de moyens de combat pendant la phase des frappes aériennes avait coûté, en 1999, un peu plus d'un milliard de francs.

S'agissant des autres opérations, je mentionne simplement que notre participation à l'intervention de l'ONU au Timor oriental est maintenant achevée. Les trois derniers Français qui étaient dans l'état-major de cette force vont quitter Timor le mois prochain.

Pour ce qui est des opérations sous commandement national, nous avons arrêté une opération dite « Condor » en mer Rouge, qui visait à sécuriser des îles qui étaient disputées entre le Yémen et l'Erythrée. Nous avons également arrêté une mission de sécurisation autour de Djibouti dans laquelle étaient engagés 150 militaires et une opération de soutien au rétablissement de la stabilité à Brazzaville, dénommée opération « Okoumé ».

Comme vous le voyez, il y a globalement une amélioration des situations régionales et donc une réduction des présences militaires en opérations extérieures. Au total, 11 300 militaires français sont déployés en opérations, dont 8 500 en Bosnie et au Kosovo. Le poste principal des dépenses est le Kosovo, mais il est en baisse, je le répète.

Point plus politique, nous participons aux réflexions de l'ONU sur ses propres expériences d'opérations militaires.

Le rapport de l'ambassadeur Brahimi, qui a été remis, le mois dernier, au secrétariat général des Nations unies, procède à une analyse approfondie des opérations de maintien de la paix gérées par l'ONU. Nous soutenons les efforts déployés par le secrétaire général - lui-mê me ancien responsable aux opérations de maintien de la paix - pour réaliser les recommandations de ce rapport, qui visent à améliorer la réactivité et l'efficacité de l'action de l'ONU en matière de maintien de la paix.

C'est cohérent avec les positions politiques que nous défendons.

Je reviens, pour terminer, à l'objet de cette discussion parlementaire et notamment aux recommandations de François Lamy pour mieux associer le Parlement aux décisions dans le domaine des opérations extérieures.

Le bilan des opérations extérieures est décrit dans le rapport d'activité du ministère pour 1999, que nous avons rendu il y a quelques semaines. Le Gouvernement s'est engagé à réaliser ces rapports d'activité, et le ministère de la défense s'est efforcé d'être au rendez-vous.

Le Parlement souhaite d'ailleurs que ce mécanisme se développe dans le cadre de ses travaux sur l'ordonnance de 1959, notamment à l'occasion des lois de règlement, et la proposition d'inscrire en loi de finances initiale une fraction significative des crédits nécessaires aux opérations extérieures mérite une réflexion approfondie. Le Gouvernement avait d'ailleurs pris une première initiative, à ce titre, il y a deux ans.

Mais il y a des obstacles à surmonter, parce que les opérations extérieures, on vient de le voir, sont par nature aléatoires. L'amplitude des surcoûts qu'elles induisent a varié, au cours des trois dernières années, dans une fourchette de 1,8 milliard à 6,1 milliards. Alors que l'Assemblée vient d'adopter en première lecture la loi de finances pour 2001, nous envisagions, lors de la réunion des ministres de la défense de l'Alliance atlantique, qui a eu lieu hier à Bruxelles, l'organisation d'un premier débat au


page précédente page 09925page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Kosovo sur des réductions des forces dans le courant de l'année 2001. Ces réductions de force entraîneraient forcément un abaissement par rapport aux crédits qui pourraient être programmés. Mais, au regard des principes budgétaires, on pourrait imaginer un chapitre, type chapitre de répartition, dans lequel on pourrait inclure des dépenses de natures très diverses - rémunération, fonctionnement, entretien du matériel, et même équipement qui pourraient figurer comme provision pour opérations extérieures.

Dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1959, sur laquelle travaille la commission, et en particulier le rapporteur général, on peut imaginer une solution pour régler ces difficultés, en faisant de la préparation des opérations extérieures un programme spécifique bénéficiant d'une dotation initiale en loi de finances initiale et abondé si nécessaire en cours d'année. C'est en tout cas une approche à laquelle le ministère de la défense est tout à fait disposé et, comme je le disais à M. le rapporteur général, il y a encore quelques jours, nous souhaitons être au premier rang des ministères qui pourront se mettre en conformité avec la réforme, dès qu'elle aura été décidée par le Parlement.

Le débat qui se déroule ce soir et l'effort du ministère de la défense pour que la commission de la défense puisse travailler sur ces questions - nous en reparlerons dans les jours qui viennent -, est une illustration de la volonté de dialogue du Gouvernement. Je remercie l'Assemblée pour l'intérêt qu'elle a porté à mon intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe du Rassemblement pour la République.) Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après le vote d'un premier collectif en mai dernier qui corrigeait les approximations volontaires du Gouvernement sur le projet de loi de finances initial, nous examinons aujourd'hui le collectif de fin d'année. Il ressemble malheureusement, comme l'ont dit mes collègues en défendant leurs motions, comme deux gouttes d'eau au précédent et aggrave encore la situation. C'est pourquoi j'indique, d'entrée de jeu, que les députés du groupe UDF voteront contre ce nouveeau collectif et ce pour des motifs évidents.

Une première raison est votre volonté récurrente et affirmée d'opacifier le budget, le summum étant atteint avec l'article d'équilibre dont nous aurons l'occasion de reparler. Celui-ci, s'il est simplement parcouru ligne à ligne, regorge de nombreuses manoeuvres pour tenter de masquer l'augmentation des dépenses.

Une deuxième raison est le manque total de sincérité, qui a été déploré à maintes reprises, un exemple étant fourni par le report supplémentaire pour une année de 15 milliards de francs de recettes non fiscales dans le seul but de les ressortir au bon moment, ce bon moment pouvant être situé aux alentours du printemps 2002.

Une troisième raison est l'absence de crédibilité de votre discours résultant de l'opacité et du manque de sincérité dont vous faites preuve. Vous martelez que le déficit est une de vos préoccupations majeures, alors que celui-ci augmente en fait de 3,5 milliards à collectifs comparés, et que le chiffre que vous nous livrez aujourd'hui n'est pas le bon. C'est ce que vous répétez depuis le début de la soirée, en tentant de nous expliquer que nous ne comparions pas des choses comparables.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Ce n'est pas le dernier chiffre !

M. Jean-Jacques Jégou.

Dans ces conditions, il s'agit donc d'une sincérité différée. Il devient urgent de faire la lumière sur tout cela, mes chers collèges.

Depuis 1997, année de la dissolution, à laquelle vous avez fait allusion -, vous avez surfé sur la croissance.

Vous vous parez des plumes du paon de la réussite de la reprise de la demande. En tout cas, ce n'est certainement pas les 35 heures et les impôts que vous avez créés qui ont permis cette croissance. Face à toutes ces manipulations et tours de passe-passe, les Français sont en droit aujourd'hui de vous demander - et mes collègues de l'opposition vous ont interrogée sur ce point - ce que vous avez fait des fruits de la croissance. Vous annoncez 69,5 milliards de recettes supplémentaires, qui s'ajoutent à celles du collectif du printemps dernier et à 15 milliards de recettes non fiscales différées. Et pourtant le déficit ne diminue que de 3,5 milliards de francs dans ce collectif.

Le ministre de l'économie et des finances avait dit dans une interview au Monde il y a deux semaines à peu près qu'il n'était pas un comptable borné. Peut-être ferait-il bien de le devenir car certains comptables bornés se bornent à équilibrer les comptes et à réduire les déficits.

Autant le dire, vous ne faites aucun effort, que ce soit vis-à-vis des Français, de l'Europe ou tout simplement du principe de bonne gestion. Une fois de plus, vous ne profitez pas de la croissance pour diminuer les déficits et faire les réformes les plus urgentes que les Français sont en droit d'attendre.

Certains journaux économiques ont même avancé que vous chargiez la barque de 2000 pour alléger celle de 2001. C'est un véritable imbroglio de chiffres qui ne sont pas sérieux. Comme l'ont dit nos amis sénateurs, qui ont pourtant le sens de la nuance, ces manipulations ne vont pas dans le sens de la transparence.

Quant aux dépenses, nous le savons tous, vous ne faites rien pour endiguer le flot qui se déverse de façon permanente depuis 1997. Pis encore, vous contribuez à son développement en ne faisant aucune réforme, en promettant monts et merveilles aux fonctionnaires.

M. Christian Cuvilliez.

Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Jacques Jégou.

Pourtant, vous savez parfaitement que toute augmentation du point de la fonction publique engage de façon durable les finances de l'Etat et empiète fortement sur la redistribution des fruits de la croissance.

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous ne maîtrisez rien, surtout pas le nombre des fonctionnaires, puisqu'il est maintenant acquis que vous allez en augmenter le nombre, ni la masse des dépenses que la fonction publique entraîne.

Sur ces dépenses, il y aura aussi et il y a déjà le boomerang des 35 heures qui, j'en suis sûr, en dépit de l'assurance que vous nous donnez, vous causent beaucoup de soucis. Il vous reste à trouver pour le budget de 2002 15 milliards de francs de recettes nouvelles, sans compter les 85 milliards déjà dépensés qu'il faudra renouveler. Les 35 heures plombent le budget de l'Etat et vous ne pourrez pas stopper cette hémorragie avant un bon moment.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Vous cherchez à nous faire de la peine !


page précédente page 09926page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Jean-Jacques Jégou.

Dérive des dépenses, dérive des déficits, organisation d'une France à deux vitesses, en caressant votre électorat qui fait partie de la France protégée, voilà le résultat de votre excellente gestion, auquel s'ajoute un magot que vous gardez bien au chaud pour le printemps 2002.

Faut-il que vos impératifs politiques soient puissants pour que le bon sens soit battu en brèche à ce point ! Comme s'il en était besoin, il faut ajouter aujourd'hui une fiscalité inepte, celle de la taxation des consommations d'énergie avec l'extension de la TGAP. En 1999, madame la secrétaire d'Etat, nous avions entendu votre prédécesseur expliquer que c'était l'an I de la fiscalité éc ologique. A l'époque déjà, il y avait la théorie du double dividende, dont on entend de moins en moins parler, monsieur Cochet !

M. Yves Cochet.

Au contraire ! C'est un début, la TGAP !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous nous l'expliquerez, mais votre candeur n'a d'égale que le fait que vous êtes roulé dans la farine régulièrement !

M. Yves Cochet.

Pas dans la farine animale en tout cas ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Je l'espère pour vous ! (Sourires.) Alors que le but du Gouvernement n'était pas d'améliorer l'environnement mais de financer les 35 heures, cette TGAP a subi la triste loi des rendements décroissants, comme le disaient Les Echos de lundi dernier, à force de se cogner la tête sur les intérêts des lobbies agricoles ou des transports.

Aujourd'hui l'article 26, long de six pages totalement ineptes, aménage, nous dit-on, la fiscalité écologique pour un résultat attendu de 3,8 milliards.

Le fait que les fonctionnaires du ministère de l'environnement aient écrit cet article - c'est tout au moins ce que l'on nous a dit, ce qui vous exonère de tout reproche - confirme la thèse selon laquelle les écologistes ne sont décidément pas les meilleurs pour améliorer l'environnement.

M. Yves Cochet.

On vous expliquera !

M. Jean-Jacques Jégou.

D'ailleurs, pour l'anecdote, nous sommes le seul pays à savoir combien cette taxe va rapporter, car nous sommes le seul à la détourner de son objectif. On ne cherche pas à diminuer la pollution mais à trouver 3,8 milliards de francs pour boucler le financement des 35 heures. Pour aller jusqu'au bout du raisonnement, madame la secrétaire d'Etat, vous allez devoir faire en sorte que la pollution ne diminue pas - c'est une sorte de droit d'émission, comme l'on dit aux Etats-Unis, voire de droit à polluer - pour que l'Etat ne perde pas des recettes indispensables. On se rend bien compte que le dividende écologique a totalement disparu de vos préoccupations ! Autant nous pouvons admettre que l'amélioration de notre environnement passe par une fiscalisation des pollueurs, autant nous ne pouvons approuver une seule ligne de l'article consacré à cette TGAP nouvelle version.

Du simple point de vue du droit, cet article est anticonstitutionnel à plus d'un titre, particulièrement au regard de l'égalité devant l'impôt, et anti-européen car sans ambition environnementale.

Cette taxe laisse de côté 60 % des pollueurs, ce qui est tout à fait insolite.

M. Yves Cochet.

Ça va changer !

M. Jean-Jacques Jégou.

D'autres pays, comme le Royaume-Uni, ont eu plus de courage, sans doute parce qu'ils étaient animés de réelles intentions écologiques, ce qui n'est pas votre cas. Monsieur Cochet, vous venez de confirmer que 60 % des pollueurs ne seraient pas taxés.

M. Yves Cochet.

Ça augmentera !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il me semble par ailleurs que, dans le contexte que nous connaissons de hausse du prix du pétrole et des matières premières, cette nouvelle taxation est totalement inopportune en termes de développement et de soutien de la croissance.

Cette taxe est totalement inégalitaire puisqu'elle crée des discriminations - 40 000 entreprises seront taxées et les abattements pour engagement de réduction de la pollution ne seront pas accordés à un très grand nombre d'entreprises.

Elle est d'une extrême complexité, pour les entreprises, d'une part - le coût pour la gestion de cette taxe, pour l'instant quatre déclarations par an, est estimé par les entreprises elles-mêmes à plus de 1,5 milliard de francs et pour l'administration, d'autre part, qui est bien incapable d'évaluer en termes d'emplois et de coût tout ce que le recouvrement et le contrôle vont induire.

Le plus grave pour nos entreprises est que cette taxation de l'énergie va entraîner avec nos voisins européens, mais aussi avec les entreprises étrangères, des distorsions de concurrence très importantes et la seule réponse pour nos entreprises sera malheureusement la délocalisation. Il n'y a pas que les députés de l'opposition qui le disent.

Cela a été dit de toutes parts en commission des finances ! Pour les petites entreprises, toute augmentation des consommations d'énergie reviendra à une augmentation considérable de la TGAP. Cela en fait une taxe à la croissance. Vous qui vous piquez de vous préoccuper de notre tissu économique et de l'emploi, vous allez une fois de plus à contresens de ce qu'il faudrait faire.

Enfin, seule l'émission de dioxyde de carbone est taxée, alors que tous les accords internationaux concernant la lutte contre les gaz à effet de serre prennent en compte six gaz - vous l'avez confirmé, monsieur Cochet. On imagine aisément l'effet que cette taxe aura sur l'environnement : en clair, aucun. D'ailleurs, ce n'est pas votre but, madame la secrétaire d'Etat. L'environnement ne fait pas partie du tout de vos préoccupations, vos partenaires l'ont bien compris. Ils ont l'air cependant de s'en satisfaire.

M. Gilbert Gantier.

Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou.

En fait, la seule préoccupation qui est la vôtre aujourd'hui, c'est bien de financer les 35 heures de Martine Aubry...

M. Gilbert Gantier.

Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou.

... auxquelles les finances de l'Etat sont incapables de faire face.

Personne n'a encore réussi à trouver 100 milliards sous les sabots d'un cheval ! Il faut donc les prendre là où vous pensez qu'ils se trouvent, c'est-à-dire dans les entreprises. L'effet en sera connu, comme pour de nombreuses mesures que vous avez mises en place : des investissements qui ne seront pas faits, des créations d'emplois en moins, et une croissance qui s'en ressentira forcément.

Un dernier mot concernant cette taxe. La commission des finances ne s'y est pas trompée et, à l'exception de M. Cochet, qui a cru bon de devoir soutenir sa ministre, ce que nous lui avons d'ores et déjà pardonné,...


page précédente page 09927page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Yves Cochet.

Est-ce une faute ?

M. Jean-Jacques Jégou.

... personne dans votre majorité, madame la secrétaire d'Etat, n'accepte à se prêter à une telle mascarade, et vous allez devoir sérieusement revoir votre copie, si vous voulez que l'article 26 soit adopté sans trop de dommages. Le rapporteur général, Didier Migaud, en dépit de tout le travail qu'il réalise et du courage dont il fait preuve, aura beaucoup de mal, malgré quelques amendements qui rendent peut-être cet article 26 plus convenable, à convaincre l'ensemble des députés de la majorité.

J'aimerais pour finir, citer une phrase du premier secrétaire du Parti socialiste qui ne manque pas de sel...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Lequel ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Le premier secrétaire du Parti socialiste !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Mais lequel ?

M. Jean-Jacques Jégou.

M. Hollande ! Je ne pensais pas qu'il y en avait plusieurs !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Il y en a eu plusieurs !

M. Michel Bouvard.

Et des brillants !

M. Jean-Jacques Jégou.

J'aurais dû dire « actuel » ! Voici ce qu'il dit, et je crois que c'est intéressant : « Les socialistes doivent éviter les deux écueils qu'ils ont parfois rencontrés dans leur histoire : l'incantation coupée du réel, qui ne crée que des plaisirs fugaces, et le conformisme à l'air du temps, qui finit par tuer l'envie. »

Mme Brigitte Douay.

Merci de citer les bons auteurs !

M. Jérôme Cahuzac.

Il parle bien !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je reconnais que c'est très beau !

M. Michel Bouvard.

Il ne faut jamais tuer l'envie !

M. Jean-Jacques Jégou.

Les socialistes n'ont pas changé, madame la secrétaire d'Etat, ce collectif en est une nouvelle preuve. Les plaisirs de la croissance resteront donc fugaces, et l'envie de voter pour votre majorité envolée pour un bon moment.

Opacité et manipulation, contre transparence et sincérité, voilà le débat que nous devrions avoir dans cet hémicycle aujourd'hui, mais vos contradictions internes nous empêchent d'y avoir droit, et il est bien évident qu'en l'état, le groupe UDF ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Vous me décevez !

M. Michel Bouvard.

Qu'est-ce qu'il est déçu ce soir !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous allez de déception en déception, monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Là, vous me faites de la peine !

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, M. Jégou vient d'énoncer un cetain nombre de contre vérités.

Depuis plus de deux ans, le Gouvernement a indiqué que la fiscalité pouvait constituer un moyen efficace de lutte contre la dérive de l'effet de serre et, par ailleurs, une incitation à la sobriété énergétique, en complément évidemment de mesures normatives, législatives ou réglementaires, afin que la France atteigne ses objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre prévus par le protocole de Kyoto et, plus généralement, s'engage dans la baisse de son intensité énergétique, c'est-à-dire s'engage pour l'efficacité énergétique.

Cette politique énergétique réorientée a été plusieurs fois présentée cette année par le Gouvernement. Je citerai par exemple le PNLCC, le plan national de lutte contre le changement climatique, rendu public en janvier dernier par le Premier ministre et par Mme Voynet, et confirmé aujourd'hui même par la présentation par Mme Voynet, M. Gayssot et M. Pierret du programme national d'amélioration de l'efficacité énergétique, que voici. Excellente initiative du Gouvernement ! Ce programme met en oeuvre, parfois par des mesures normatives, mais aussi par des mesures financières et budgétaires, le PNLCC présenté en janvier dernier. Nous passons donc la parole aux actes, et nous allons concrétiser encore plus demain par des dispositions déjà inscrites dans le collectif et par d'autres, que je vais me faire un plaisir de présenter sous forme d'amendements.

Le même jour, ou presque, paraît une proposition de directive sur l'électricité d'origine renouvelable. Je vous regarde, monsieur Jégou, parce que, finalement, vous êtes un écolo rentré. (Sourires.)

Il faut vous lâcher ! Venez avec nous, vous verrez comme c'est bien ! (Rires.)

Le Conseil « Energie », présidé par M. Pierret, a adopté hier une proposition de directive sur l'électricité d'origine renouvelable, qui a des objectifs extrêmement ambitieux, puisque la part de notre électricité d'origine renouvelable doit passer en 2010 de 15 à 21 %,...

M. Michel Bouvard.

C'est bien parti !

M. Yves Cochet.

... ce qui suppose un effort industriel en matière d'énergies renouvelables, mais également en matière d'efficacité énergétique car, lorsqu'on veut augmenter un pourcentage, on peut agir à la fois sur le numérateur et sur le dénominateur. On peut augmenter la part de l'énergie renouvelable, mais aussi diminuer la consommation classique, par un effort d'efficacité énergétique...

M. Michel Bouvard.

C'est extraordinaire !

M. Yves Cochet.

... et je présenterai un certain nombre d'amendements en ce sens.

Cette stratégie énergétique rencontre toutes les priorités du Gouvernement. Elle est fortement créatrice d'emploi local - c'est très décentralisé -, incite à la créatio n de PME-PMI, augmente la productivité des entreprises, développe les industries d'équipement, renforce nos capacités d'exportation, diminue les dépenses fatales, participe évidemment à la protection et à l'amélioration de l'environnement, accroît notre indépendance énergétique, permet à la France de respecter ses engagements internationaux, et je pourrais vous parler d'autres plans comme le plan européen Altener.

C'est dans ce contexte que prend place l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie dans l'industrie,...

M. Michel Bouvard.

Industricide !

M. Yves Cochet.

... dans un triple but. Vous ne parlez que de l'effet de serre, monsieur Jégou, mais il n'y a pas que ça !


page précédente page 09928page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Michel Bouvard.

Non, il y a l'emploi !

M. Yves Cochet.

Premier but : constituer une première étape vers une véritable pollutaxe - ne dites pas écotaxe, c'est ringard -,...

M. Charles de Courson.

Pollutaxe, ça passe mieux !

M. Yves Cochet.

... selon le principe « pollueurpayeur ».

M. Michel Bouvard.

L'énergie hydraulique pollue, tout le monde le sait !

M. Yves Cochet.

Je vous accorde que la TGAP n'est qu'un premier pas, et on va voir que, par rapport à ce que font nos partenaires européens, son rendement n'est pas si magnifique que ça ! On peut faire mieux, comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et même l'Italie, et je citerai les chiffres tout à l'heure.

Deuxième objectif : répondre à la théorie du double dividende à prélèvements constants.

M. Charles de Courson.

De quoi s'agit-il ?

M. Yves Cochet.

Je vous l'expliquerai, monsieur de Courson, si vous n'avez pas encore compris. Depuis deux ans, je ne fais que vous l'expliquer ! Enfin, troisièmement, dissuader les pratiques polluantes et inciter à l'efficacité énergétique par le biais d'un signalprix. Ça, c'est vraiment la logique du marché ! J'avoue que la mise au point de l'article 26 du projet de loi a demandé plus d'un an de concertation et de consultation, même avec les industriels. Pour ma part, par exemple, j'ai rencontré plusieurs industriels dont, la semaine dernière, figurez-vous, les dirigeants de TotalFina-Elf. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est de la collaboration de classe ! Vous avez des fréquentations douteuses !

M. Yves Cochet.

Je ne vous fais pas de dessin, ils ont expliqué qu'ils étaient étranglés, que c'était très diffi cile, etc. Quand on sait les profits qu'ils ont réalisés dès le premier semestre, on est un peu sceptique sur l'étranglement fiscal que va représenter pour eux la TGAPénergie ! C'est là que je rends hommage au rapporteur général de la commission des finances car, sous son impulsion, notamment depuis un an mais encore plus intensément depuis une semaine, le dispositif a été précisé et simplifié , et je m'en réjouis. J'espère qu'ainsi, nous pourrons le voter.

J'ai remarqué, en effet, monsieur Jégou, que, ici et là, certaines voix s'élèvent contre le principe même de la TGAP-énergie, en reprenant souvent, hélas !, des arguments que j'ai entendus dans la bouche du MEDEF, j'ose à peine le dire !

M. Charles de Courson.

Quelle horreur !

M. Yves Cochet.

Voici simplement quelques contrearguments que vous allez comprendre ! Premièrement, je vous l'ai déjà dit, monsieur le président de la commission des finances, sans que vous l'ayez bien saisi, les industries de l'Euroland ont gagné plus de 25 % de compétitivité par rapport à la zone dollar et presque autant par rapport à la zone yen depuis un an et demi. En comparaison, la TGAP-énergie représentera, après abattement, moins de 1 % de la valeur ajoutée des entreprises et même moins de 0,5 % pendant l'année de transition 2001 si l'on suit M. le rapporteur général en votant son amendement, que je soutiens.

Deuxième point, les branches industrielles dont la compétitivité est réellement menacée gagnent, en fait, à une TGAP qui permet de baisser les cotisations sociales patronales.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Tout mais pas ça !

M. Yves Cochet.

Mais si ! Le Gouvernement, par la voix de Mme la secrétaire d'Etat nous a indiqué tout à l'heure quelle était la destination de cette TGAP-énergie.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Si vous le prenez comme cela, je vous répondrai.

M. Yves Cochet.

La branche qui a le plus souffert entre 1992 et 1997, vous le savez tous, c'est le textile, avec une baisse de 3,6 % par an. A l'inverse, la branche

« métaux ferreux » a vu sa valeur ajoutée croître de 3,9 % par an et la chimie de 3,5 % par an.

M. Michel Bouvard.

Tout va bien !

M. Yves Cochet.

Au nom même de la compétitivité réellement un peu menacée du textile,...

M. Michel Bouvard.

Il n'y a pas que le textile qui est menacé !

M. Yves Cochet.

... il vaut donc mieux financer la protection sociale par la TGAP plutôt que par des cotisations sociales, patronales en l'occurrence.

Troisièmement, quand on regarde le format de cette TGAP-énergie, les abattements commencent assez tôt. Ils concernent des branches qui ne sont nullement menacées par la compétition internationale...

M. Michel Bouvard.

Lesquelles ?

M. Yves Cochet.

... comme la fabrication de fromages, monsieur Bouvard.

Quatrièmement, enfin, le prélèvement global de la TGAP-énergie, qui était estimé initialement à 3,8 milliards de francs, est en fait le plus bas de tous les grands pays européens.

Ainsi, le produit attendu de la TGAP-énergie est de l'ordre de 30 milliards de francs en Allemagne,...

M. Michel Bouvard.

Mais les Allemands ne taxent pas leur industrie !

M. Yves Cochet.

... de 15 milliards de francs en Grande-Bretagne. En Italie, il était déjà de 8,5 milliards de francs en 1999,...

M. Michel Bouvard.

N'importe quoi ! L'assiette n'est pas la même !

M. Yves Cochet.

... et, en régime établi, il atteindra 40 milliards de francs. Nous, on est à 3,8 milliards, et cela va peut-être même baisser un petit peu demain.

Bref, la TGAP française est douce, juste, progressive et écologique.

M. Michel Bouvard.

Tout va bien !

M. Yves Cochet.

C'est pourquoi je l'approuve, madame la secrétaire d'Etat.

M. Augustin Bonrepaux.

C'est incompréhensible !

M. Yves Cochet.

Je vous indique dès maintenant, madame la secrétaire d'Etat, que les Verts ont déposé une d izaine d'amendements. Tous, sauf deux, sont des concrétisations budgétaires du programme national qu'a présenté aujourd'hui même le Gouvernement. Je dois donc m'attendre à ce que, dans un souci de cohérence,


page précédente page 09929page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

ces amendements soient accueillis favorablement, notamment ceux qui concernent la promotion des véhicules propres et l'efficacité énergétique dans l'habitat.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur Cochet, je regrette que vous ayez cru devoir prendre à partie le président de la commission des finances à propos de la TGAP.

M. Yves Cochet.

Je ne vous ai pas pris à partie !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Si, je vous ai entendu. Mais si je pense que la lutte contre l'effet de serre est très importante, je n'accepte pas l'argument qui consiste à mettre en parallèle les 35 heures et les taxes écologiques. Les deux n'ont strictement rien à voir.

M. Yves Cochet.

Le dividende !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Ce n'est pas une question d'argent, ou alors tout ce qu'on taxe a à voir avec les 35 heures. J'ai défendu la réduction du temps de travail sans baisse de salaire et je n'accepte pas que l'on dise, aujourd'hui, que, pour financer les 35 heures, il faille faire de la taxation écologique. Cela n'a aucun rapport, c'est irrationnel et intellectuellement injustifié.

M. Augustin Bonrepaux.

Très bien !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Je regrette que, en dépit de mes efforts, vous ayez cru bon de reprendre ces arguments à la tribune.

Cela dit, je continue à penser qu'il faut lutter contre l'effet de serre,...

M. Philippe Auberger.

Il faut lutter contre l'effet de Vert ! (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

... mais je vous fais une prière - et vous savez qu'il est rare que je prie, cela n'appartient pas à ma culture : s'il vous plaît, ne confondez pas l'énergie et le gaz carbonique.

M. Augustin Bonrepaux.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme à mon habitude, je serai modéré, mais il me faut néanmoins reconnaître que, avec le projet de loi de finances rectificative dont nous commençons aujourd'hui l'examen, et en raison de la politique budgétaire conduite par le gouvernement de Lionel Jospin depuis 1997, la France reste le mauvais élève de l'Union européenne.

Notre pays est, en effet, parmi les derniers dans l'Union pour la maîtrise des dépenses, pour la réduction des déficits, pour la réduction de la dette, pour la modernisation du système fiscal.

Le déficit 2000 - paradoxe en période de croissance supérieure à 3 % - sera plus élevé que celui affiché en exécution pour l'année dernière : 209 milliards contre 206. Seul le Portugal fait moins bien que nous. Sur les quinze Etats de l'Union, dix dégagent déjà des excédents budgétaires. Ces excédents représentent 4,9 % du PIB au Luxembourg - petit pays -, 4,5 % au Royaume-Uni, 4,2 % en Finlande et en Irlande, et 3,5 % en Suède. La moyenne européenne se situe à 0,3 % du PIB au moment où la France enregistre encore un déficit de 1,4 % du PIB.

Cette situation n'est pas le produit de la fatalité. Elle est le résultat de l'inconséquence budgétaire du Gouvernement. En effet, aucun pays au monde n'a, dans un contexte de forte croissance, aussi peu réduit son déficit que la France. Avec un taux de croissance supérieur à 3 %, dont le Gouvernement revendique bien à tort la paternité puisque, chacun le sait, il s'agit d'une croissance mondiale, le retour à l'équilibre aurait pu et dû être atteint en deux ans. Actuellement, ce retour à l'équilibre nous est promis, au mieux, pour 2004, et cela à condition que la croissance demeure supérieure à 2,5 %. C'est un pari hasardeux sur l'avenir : que d'années de perdues, que de milliards de francs ensevelis en pure perte ! Tous les grands organismes économiques jugent votre politique laxiste, madame la secrétaire d'Etat. Le Fonds monétaire international critique la trop lente amélioration du déficit en dépit de la croissance et l'absence de réformes institutionnelles. La Commission de Bruxelles s'est inquiétée dernièrement du taux d'expansion des dépenses publiques en France. Ces critiques se révèlent malheureusement tout à fait fondées. Le collectif budgétaire que nous examinons ce soir accroît, en effet, les dépenses de plus de 22 milliards de francs, dont 4 pour le financement des 35 heures et 4 autres pour certains remboursements de dette.

En phase de forte croissance, les dépenses devraient diminuer ou, pour le moins, se stabiliser. Je ne suis pas un adepte inconditionnel de Keynes, mais je ne crois pas me tromper en rappelant que, selon cet économiste, en période de croissance, les Etats doivent, comme la fourmi de la fable, équilibrer leurs comptes et constituer des réserves pour faire face à d'éventuelles récessions. Or, en augmentant les dépenses, en maintenant un déficit autour de 200 milliards en période de forte croissance, vous menez une politique dont les effets, en cas de retournement de conjoncture, risquent d'être très néfastes pour vous, pour vos successeurs éventuels et, en tout état de cause, pour l'ensemble des Français.

Même l'Office français de conjoncture économique, l'OFCE, plutôt keynésien, juge votre politique peu crédible. Selon cet institut, l'année 2000 marque même une rupture dans l'effort d'assainissement. Le déficit public pourrait, en effet, augmenter l'année prochaine. Il atteindrait alors, non pas le 1 % prévu par le Gouvernement, mais 1,4 %. Les experts de l'OFCE pronostiquent en effet un dérapage des dépenses publiques en raison de l'application des 35 heures dans les trois fonctions publiques et du fait de la revalorisation des traitements des fonctionnaires qui est pourtant, en toute justice, nécessaire.

M. Christian Cuvilliez.

C'est bien de le reconnaître !

M. Gilbert Gantier.

C'est à juste titre que, en analysant les travaux de l'OFCE, notre collègue sénateur Joël Bourdin a écrit, dans un rapport sur les finances publiques, que « le refus du Gouvernement d'engager un processus de maîtrise des dépenses publiques fragilise fortement la situation des finances publiques et le Gouvernement brûle ses vaisseaux à des fins électorales ».

Ce collectif démontre en effet, s'il en était besoin, que le Gouvernement poursuit son action de gaspillage et de saupoudrage des plus-values fiscales.


page précédente page 09930page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Sur l'ensemble de l'année 2000, comme vous l'avez vous-même déclaré tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, plus de 75 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires seront entrées dans les caisses de l'Etat.

Or le déficit ne sera pourtant réduit que de 5 petits milliards. Certes, le ministre de l'économie et des finances affirme que le déficit d'exécution, que nous connaîtrons d'ici quelques semaines, sera inférieur aux 209 milliards de francs prévus à l'origine. C'est une curieuse déclaration d'intention qui tendrait à signifier que le projet de loi de finances rectificatives, que nous examinons ce soir, n'est qu'un chiffon de papier déjà obsolète. Par de telles déclarations, le Gouvernement montre clairement son mépris du Parlement et l'absence de transparence coutumière à Bercy.

Quel crédit peut-on accorder au ministre de l'économie, lorsqu'il écrit dans un célèbre journal du soir que

« le déficit budgétaire est en baisse par rapport à l'an dernier » et qu'« il souhaite que l'on maintienne le cap sur la réduction des déficits et de l'endettement », alors que, dans le même temps, c'est l'inverse qui se produit ? En effet, si la dette diminue en valeur relative du fait de l'augmentation du PIB, elle continue malheureusement de croître, en valeur absolue, pour dépasser les 500 milliards de francs. L'Etat emprunte, chaque année, plus de 500 milliards de francs. Est-ce là une réduction de l'endettement public ? Le ministre de l'économie et des finances entend réduire et simplifier les impôts. Or, avec ce collectif, il fait une fois de plus l'inverse, en particulier avec la taxe sur les activités polluantes dont nous avons parlé tout à l'heure. Cette taxe est devenue un véritable fil rouge dans le maquis législatif qui pèse lourdement sur les épaules des Français. Elle a été créée par la loi de finances pour 1999, modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, et le Gouvernement la modifie une fois encore dans le cadre de ce collectif budgétaire. L'extension de la TGAP aux émissions de CO 2 est tellement simple à mettre en oeuvre qu'elle occupe six pleines pages du projet de loi, dont la lecture exige un grand courage et une culture technocratique hors du commun. La majorité de gauche de la commission des finances qui, pourtant, dans le passé, a montré un vrai talent dans la création de taxes compliquées a, cette fois, jeté l'éponge et repoussé en bloc l'article 26. Au sein même du Gouvernement, cette taxe semble être un sujet de discorde, personne ne souhaitant apparemment assumer la paternité de ce monstre. L'extension de la TGAP aux émissions de CO 2 ne répond d'ailleurs pas le moins du monde à des objectifs économiques et environnementaux. Elle n'est rien d'autre qu'un cadeau politique que le Gouvernement fait aux Verts. D'un rendement évalué à 3,8 milliards de francs, cette extension pénalisera des entreprises qui doivent déjà faire face à l'accroissement de leurs coûts résultant de l'application autoritaire des 35 heures.

T outes les études françaises et internationales démontrent ainsi que, depuis trois ans, la compétitivité des entreprises françaises se dégrade. Cette dégradation a été, un temps, masquée par la dépréciation de l'euro, mais ce n'est pas être grand prophète que d'affirmer que nous risquons de mesurer prochainement l'ampleur du désastre.

Là encore, nous retrouvons les 35 heures puisque, nuisible en elle-même, la TGAP a été, en outre, détournée de son objet initial, la lutte contre la pollution, pour être affectée au financement dispendieux des 35 heures. Cette affectation est totalement illogique. Le Gouvernement aura donc tout intérêt à favoriser l'émission de CO 2 afin de financer les 35 heures. Plus les entreprises pollueront, plus le Gouvernement engrangera d'argent. C'est vraiment le règne d'Ubu.

Dans ces conditions, le Gouvernement serait sage de reporter la création d'une telle taxe qui, en l'état, est inapplicable et contestée par tous.

Enfin, ce collectif de fin d'année est aussi un petit Père Noël pour la majorité plurielle. Si les Verts ont droit à la TGAP, les communistes bénéficient d'un effacement de dettes pour le journal L'Humanité

M. Christian Cuvilliez.

Oh !

M. Gilbert Gantier.

En 1990 et 1993, ce journal avait obtenu du FDES, pour un montant global de 13 millions de francs, deux prêts qui arrivent à échéance. Les PME françaises, les éleveurs de viande bovine aimeraient, j'en suis certain, pouvoir obtenir également de leur banquier des abandons de créance.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale considère que, avec ce collectif budgétaire d'automne, le Gouvernement fait fausse route. L'absence de maîtrise des dépenses, la dégradation de notre solde public, la nonmodernisation de notre système fiscal nous conduisent à nous prononcer contre ce projet de loi. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le collectif qui nous est présenté traduit la bonne santé de l'économie française. Grâce à la croissance économique, que la majorité et le Gouvernement ont su tout à la fois encourager et soutenir, le déficit est ramené, pour 2000, à 209,5 milliards de francs, soit une réduction de 5,8 milliards. La charge de la dette est diminuée de 1,3 milliard de francs.

Le rapporteur spécial des charges communes que je suis ne peut qu'encourager le Gouvernement dans la poursuite de cette réduction.

La bonne santé de notre économie est indéniable : le PIB aura augmenté de 3,2 % en 2000, et le taux de chômage diminué de près de 15 % ; le nombre de chômeurs est en voie de passer sous la barre des 2 millions, objectif qui n'est plus considéré comme hors de portée. Les recettes fiscales supplémentaires suscitées par la croissance économique permettent de financer les allégements fiscaux de l'année 2000. Les excédents de rentrées fiscales par rapport à la loi de finances initiale ont été estimés à 75 milliards ; 50 milliards viennent financer la baisse de la TVA, de la part régionale de la taxe d'habitation et de l'impôt sur le revenu ; 10 milliards financent notamment les mesures en faveur de l'hôpital.

Depuis la loi de finances rectificative de printemps, 14,5 milliards de francs supplémentaires ont été dégagés, permettant la poursuite de cet effort d'allégement du taux des prélèvements obligatoires. Sur près de 9 milliards de mesures nouvelles, plus de 3 milliards financent les mesures exceptionnelles sur la fiscalité pétrolière. Le solde, soit 6 milliards, est affecté à la baisse du déficit, conformément aux engagements du Gouvernement.

En complément de ces allégements fiscaux, la majorité et le Gouvernement poursuivent l'objectif de simplification des mesures concernant les entreprises et les citoyens.

Est ainsi présentée la suppression de la majoration de 3 % applicable aux contribuables ayant opté pour le paie-


page précédente page 09931page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

ment mensuel de l'impôt. Est également proposée la simplification des formalités pesant sur les débitants de tabac, qui complète les mesures d'accompagnement de la profession prises après la décision de suppression de la vignette automobile. Le souci de modernisation touchera également les formalités déclaratives et de paiement des grandes entreprises par la mise en place d'une direction spécifique. Enfin, en complément des différentes mesures déjà prises et touchant notamment à la carte d'identité, est aujourd'hui proposée, conformément à l'engagement du Premier ministre lors des assises de la citoyenneté du 18 mars 2000, la suppression des droits de sceau perçus à l'occasion des naturalisations, des réintégrations et des libérations d'allégeance française. Dans le même esprit, un amendement gouvernemental prévoit d'allonger la durée de validité des passeports de cinq à dix ans tout en maintenant le tarif actuel.

Au total, avec une baisse de 0,5 point de PIB, le taux des prélèvements obligatoires devrait atteindre, pour l'année 2001, 44,7 % du PIB, soit un niveau inférieur à celui de 1997. La stabilité des dépenses de l'Etat est un objectif constant et respecté. Les dépenses publiques sont maîtrisées : à 1 674,8 milliards de francs, elles restent stables par rapport au collectif de printemps. La stabilité en francs constants des dépenses de l'Etat en 2000, promise par le Gouvernement, est ainsi devenue réalité.

Le financement de nouvelles actions prioritaires est intégralement assuré par des redéploiements de crédits. Le collectif budgétaire propose l'ouverture de 22,2 milliards de francs de crédits nouveaux, dont près de la moitié concerne les dépenses à caractère social. Ils sont intégralement gagés par 22,3 milliards de francs d'économies réalisées sur les prévisions initiales de dépenses.

Enfin, ce collectif est l'occasion de traduire dans la loi des engagements forts de la majorité. La mise en place de l'impôt écologique qu'est la TGAP répond, au-delà de toutes les difficultés inhérentes à ce défi, à la double nécessité d'inciter les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et d'assurer la continuation et l'approfondissement de la politique de maîtrise de la consommation d'énergie.

Le travail réalisé par le rapporteur général et par les d éputés socialistes, notamment en commission des finances, aura permis de corriger les imperfections du texte initialement présenté. Le renforcement du caractère incitatif de la taxe par la mise en place d'une franchise générale de cent tonnes d'équivalent-pétrole, la possibilité de négocier des engagements de réduction des consommations de produits énergétiques et des émissions de dioxyde de carbone qui ouvriront droit, s'ils sont respectés, à des réductions accrues de la taxe, la prise en compte des efforts d'investissement passés réalisés par les entreprises afin de réduire leur consommation d'énergie, la simplification du système déclaratif, la prise en compte de la coopération agricole, le plafonnement de la taxe à 0,5 % de la valeur ajoutée en 2001, autant de dispositions de nature à nous permettre d'apporter maintenant notre soutien à cet article ainsi amendé.

Par ailleurs, parmi de nombreux autres amendements adoptés par la commission des finances, celui présenté par

M me Guinchard-Kunstler, concernant une réduction d'impôt pour les personnes âgées dépendantes hébergées dans des établissements où la nouvelle tarification PSD s'applique, améliore le texte qui nous est soumis.

Dès lors, le groupe socialiste votera le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Auto-satisfaction, auto-admiration, auto-célébration, auto-suffisance...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous parlez de vous !

M. Philippe Auberger.

...une nouvelle fois, le colllectif budgétaire nous est présenté avec son cortège de louanges et d'hyperboles, d'emphase et d'encens. Je pense qu'il ne méritait pas tout ça !

M. Christian Cuvilliez.

Ni cet honneur ni cette indignité !

M. Philippe Auberger.

Certes, vous l'avez dit tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, l'année se termine avec un rythme de croissance économique relativement soutenu.

Mais le rapport remis hier au conseil d'analyse économique par M. Jean Pisani-Ferry le confirme, la croissance des prochaines années ne sera pas celle des années 1998, 1999 et 2000. En effet, la croissance en 2000 était largement liée à la croissance américaine, qui connaît désormais un rythme nettement moins soutenu. D'autre part, on constate - et c'est heureux - un certain raffermissement de l'euro. Or, c'était la chute de l'euro qui avait favorisé une croissance quelque peu artificielle.

Avec un croissance relativement soutenue, nous tenions l'occasion unique de remettre sérieusement de l'ordre dans nos finances publiques. Malheureusement, en dépit de tous les qualificatifs que vous apportez à votre gestion, ce n'est pas le cas, madame la secrétaire d'Etat.

J'en veux pour preuve la baisse des impôts. C'est d'ailleurs à tort que l'on parle de baisse des impôts, mes chers collègues : aucun des grands impôts n'a connu de baisse de son produit au cours de ces trois dernières années.

M. Jean-Jacques Jégou.

Eh oui !

M. Philippe Auberger.

Le produit de tous ces impôts a continué de progresser dans l'année 2000. On peut simplement dire qu'il y a eu une moindre hausse des impôts.

Le Premier ministre avait lui-même annoncé publiquement à la télévision, en mars dernier, que les baisses de l'année 2000 effaceraient l'augmentation des prélèvements obligatoires de la calamiteuse année 1999. Or, il n'en est rien. La hausse très considérable de 8/10e de point du PIB de 1999 sera tout juste diminuée de moitié. L'objectif affiché d'une diminution des prélèvements obligatoires ne sera donc pas atteint en 2000.

S'agissant de la maîtrise des dépenses, il y a certes, dans ce collectif, une compensation entre dépenses nouvelles et économies faites par ailleurs. Mais on oublie de dire deux choses.

La première, c'est que le premier collectif, celui de printemps, a connu une augmentation significative des dépenses de l'ordre de 10 milliards de francs qui n'a pas été compensée.

La deuxième, c'est que ce budget avait été construit pour balayer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale des dépenses qui figuraient auparavant dans la loi de finances, en particulier des dépenses à caractère social et des allégements sur les cotisations sociales.

Dans ces conditions, comme le rapport économique et financier l'a indiqué, le rythme des augmentations des dépenses publiques pour l'année 2000 serait de l'ordre de


page précédente page 09932page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

2 % en francs constants, c'est-à-dire deux fois supérieur à celui annoncé dans le cadre du programme triennal transmis à la Commission de Bruxelles. La maîtrise des dépenses est donc très relative.

Quant au niveau du déficit, il est vrai qu'il est légèrement en recul par rapport à celui qui était prévu dans le premier collectif budgétaire et dans la loi de finances initiale. Reste qu'il est nettement supérieur à ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous avait annoncé au mois de juin.

Par ailleurs, cela a été dit à plusieurs reprises, personne ne peut expliquer sérieusement la décision du Gouvernement de ne pas encaisser 18 milliards de recettes diverses qu'il est en droit d'exiger. C'est une décision de pure opportunité politique qui, contrairement à ce que le rapporteur général a indiqué, n'a pas été approuvé par la commission des finances dans son ensemble mais simplement par une majorité de ses membres. Une partie d'entre eux s'est refusée à avaliser une telle opération de dissimulation du déficit alors que celui-ci pourrait parfaitement diminuer.

En outre, le report d'encaissement des 18 milliards est une source de dépenses supplémentaires. Cette somme devra être empruntée sur les marchés financiers, ce quir eprésente 500 millions de francs d'intérêts pour l'année 2001. Or cela aurait pu être évité.

En réalité, ces 18 milliards sont utilisés pour enjoliver la situation de l'année 2001. Alors qu'il est question de transparence, de clarté, de sincérité, le Gouvernement aurait été bien inspiré d'éviter cette opération de report.

V enons-en maintenant à ce monument qu'est l'article 26, la fameuse taxe générale sur les activités polluantes.

Inscrire une telle taxe dans le collectif de fin d'année est une erreur fondamentale de méthode. Alors qu'on veut réformer l'ordonnance de 1959 et se parer de toutes les vertus sur le plan budgétaire, on tombe dans une parfaite hérésie budgétaire. Dans le collectif de fin d'année, ne doivent figurer que des mesures pouvant avoir un effet en l'an 2000. Or, la TGAP ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 2001. Elle n'a donc rien à faire ici.

Cette mesure était annoncée dans la loi de finances initiale 2001 sans être concrètement matérialisée. Le produit de la taxe était affecté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale au FOREC. Mais son compte n'était en fait pas équilibré puisqu'on n'avait pas encore voté la ressource correspondant aux 3,8 milliards de francs de recettes qui y étaient inscrits. Cette anomalie du projet de loi de financement de la sécurité sociale seras oumise au Conseil constitutionnel. Car comment admettre que le FOREC, établissement public à caractère administratif, soit d'emblée déséquilibré ? Il y a là un véritable tour de passe-passe qui met en cause le rôle du Parlement et ses prérogatives en matière de vote de l'impôt.

M. Gilbert Gantier.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

Il est tout a fait anormal qu'on comptabilise un impôt qui n'a pas encore été voté.

En outre, l'utilisation de cette taxe correspond à une erreur de fond. Vouloir à la fois combattre l'effet de serre, c'est-à-dire les émissions de CO 2 , et faire des économies d'énergie est une parfaite hérésie.

La TGAP ne concerne que 40 % des émissions de CO 2 , les 60 % restant y échappant. Comment peut-elle dès lors lutter efficacement contre l'effet de serre ? D'autant qu'elle touche certaines énergies qui ne produisent aucun CO 2 . On mêle donc deux problèmes totalement distincts avec cette taxe bâtarde, dont l'objet est mal défini, mal circonscrit.

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Yves Deniaud.

C'est un véritable monstre !

M. Philippe Auberger.

J'ajoute qu'aucune mesure financière n'est prévue pour accompagner l'effort des entreprises qui diminuent leurs émissions de CO 2 et font davantage d'économies d'énergie. C'est également une parfaite hérésie économique.

Vous savez que notre système de taxation de la pollution par l'eau fonctionne bien. Les agences de bassin consacrent une bonne partie du produit de la taxe, payée soit par les entreprises, soit par les particuliers, au financement des installations de dépollution, notamment dans les entreprises, soit sous forme de prêts, soit sous forme de primes. C'est un système de ce type, incitatif, qu'il aurait fallu mettre en place, comme en Allemagne et dans d'autres pays. Mais vous nous proposez un dispositif contre nature, qui, de toute façon, ne peut pas réussir.

Par ailleurs, il est prévu de conclure des accords avec les entreprises les plus polluantes. Une estimation initiale en établissait le nombre à 1 400. Je ne sais pas quelle sera l'incidence des modifications examinées cette après-midi en commission des finances. Toujours est-il que la possibilité même qu'il y ait 1 400 accords pour 40 000 entreprises assujetties à la taxe est une inégalité profonde. De plus, les directions régionales de l'industrie chargées de les mettre en place sont dans l'incapacité de le faire dès 2001, ce qui entraînera des distorsions énormes. C'est un travail considérable ! Encore une fois, on en arrive à créer un monstre, sur le plan juridique et fiscal.

J'en arrive à mon dernier point, le système de la déclaration trimestrielle. A-t-on pensé aux efforts administratifs, financiers, personnels considérables qu'il nécessitera ? Un grand organisme représentatif des entreprises françaises, le MEDEF, en évalue le coût pour les entreprises à 2 milliards. Naturellement, il n'a pas fait le calcul pour les administrations. Admettons que ce chiffre soit juste et retenons-en un quart seulement : 500 millions, 500 millions pour une taxe qui rapporterait au mieux 3,6 milliards, c'est là encore une parfaite hérésie. Faut-il rappeler que l'on a jutifié la demande de suppression de la redevance audiovisuelle par le rapport entre le coût de son recouvrement de l'ordre de 500 millions,...

M. Jean-Jacques Jégou.

Neuf cents millions !

M. Philippe Auberger.

... et son produit, de l'ordre de 10 à 12 milliards ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Quatorze milliards !

M. Philippe Auberger.

Avec la TGAP, la proportion est bien supérieure.

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui !

M. Philippe Auberger.

Cette disposition abominable est de nature à porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises, notamment vis-à-vis l'étranger. Et dans le contexte actuel, elles n'ont pas vraiment besoin de cela.

Dans ces conditions, le groupe RPR ne peut que refuser ce collectif bugétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.


page précédente page 09933page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Christian Cuvilliez.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si l'on en croit l'exposé des motifs de cette loi de finances rectificative, la croissance serait aujourd'hui sur des rails solides. Le haut niveau des rentrées fiscales, le recul continu du chômage résulteraient de l'impact positif de la réduction des déficits publics et des baisses d'impôts. En fait, la situation économique et sociale nous apparaît beaucoup plus constrastée. Alors que nos concitoyens et particulièrement le peuple de gauche souhaitent une politique plus sociale, davantage l'écoute des aspirations populaires, la croissance donne des signes de fragilité et présente dans ses constituants d'inquiétantes contradictions.

Si les prévisions tablaient avant l'été sur une croissance de 3,7 % en 2000, le chiffre de 3,2 % est désormais le plus souvent évoqué. Et selon la Caisse des dépôts et consignations, la croissance économique s'installerait sur un rythme trimestriel de 0,6 % La remontée des taux d'intérêt à moyen et long terme ces derniers mois et la décision largement critiquée de la Banque centrale européenne de durcir sa politique monétaire pour remédier à la faiblesse persistante de l'euro ne seront pas sans conséquences sur le niveau de l'activité en France et en Europe.

L'euro devait permettre d'attirer les capitaux en garantissant la stabilité des prix et des dépenses sociales et budgétaires et en offrant un haut niveau de rentabilité aux investisseurs internationaux.

(M. Yves Cochet remplace Mme Nicole Catala au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. Christian Cuvilliez.

La fuite sans précédent vers les États-Unis des capitaux européens à la recherche d'une plus grande rentabilité marque l'échec de ce scénario.

Cela donne, à notre avis, plus que jamais sens à un changement de la politique monétaire et du crédit pour une croissance durable et le plein emploi dans la perspective que se sont donnée les formations de la majorité de réorienter, dans les deux ans, la construction de l'Europe.

Dans le même temps, on assiste à un certain retour de l'inflation, qui ne se limite pas à la hausse des produits pétroliers, alors que les salaires stagnent et ont même globalement diminué au troisième trimestre.

L'évolution du pouvoir d'achat sera un facteur déterminant du niveau de confiance dans les prochains mois.

Dès lors, on ne saurait se limiter à attendre les retombées positives des baisses d'impôts décidées dans le cadre du collectif de printemps ou parier sur un repli du prix du pétrole brut.

Les formations de la majorité se sont engagées lors du récent sommet de la gauche plurielle à contribuer au rééquilibrage nécessaire de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Cela implique, sans attendre la fin du premier semestre 2001, d'augmenter le SMIC d'au moins 3 % et de revaloriser significativement les minima sociaux d'au moins 50 % pour l'allocation spécifique et le RMI, et de 20 % pour les autres minima, compte tenu du seuil de pauvreté.

De telles mesures ne pourraient que donner un coup de fouet à la consommation populaire en adressant un signal fort à tous ces Français modestes qui ne bénéficient pas encore des retombées du retour de la croissance intervenu depuis 1997.

Les dernières données sur l'explosion des grandes fortunes et l'approfondissement des inégalités sont à cet égard très révélatrices.

Le premier rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion montre très clairement que la croissance n'a eu qu'un impact limité sur les situations de pauvreté. Les créations d'emplois qui atteignent un niveau inégalé depuis plus d'une décennie se sont certes traduites par une diminution du nombre des bénéficiaires du RMI mais sans que cela s'accompagne d'un recul du pourcentage des ménages vivant sous le seuil de pauvreté.

Si l'on prend en compte les salariés occupant un emploi à temps partiel, notre pays compterait au moins trois millions de travailleurs pauvres, selon le seuil de pauvreté retenu au niveau européen.

Cette situation est indéniablement liée à la politique salariale des entreprises et à la manière dont le patronat essaie d'imposer la mise en place des 35 heures en développant une nouvelle norme d'emploi : le contrat à durée déterminée à temps partiel.

Ce recours massif et abusif au travail précaire nécessite que des dispositions législatives soient prises rapidement dans le cadre de loi sur la modernisation sociale pour y mettre fin. De même, il conviendra de renforcer les droits de salariés. Le Gouvernement s'y était d'ailleurs engagé lors de l'examen de la loi sur l'épargne salariale.

Lutter efficacement contre la pauvreté et la précarité implique d'agir sur toutes les facettes du phénomène qu'il s'agisse du logement, de l'éducation, de la santé ou de la politique de l'emploi.

L'amélioration de l'efficacité de la dépense publique, qui recouvre en réalité des dépenses sociales, est une exigence. Nous souhaitons que le dispositif de contrôle et d'évaluation des aides accordées aux entreprises, qui a été initié par la proposition de loi de notre groupe, puisse être rapidement mis en place et produise ses effets. Mobiliser plus de moyens pour cet objectif est essentiel. Nous sommes à cet égard, vous le savez, préoccupés par l'évolution des crédits consacrés à la politique du retour à l'emploi. Je pense à la nécessité d'assurer la pérennité des emplois-jeunes et un débouché professionnel à leurs bénéficiaires.

Le fait qu'un milliard de francs de crédits destinés à la mise en place de la CMU n'ait pas été consommé n'est pas un argument crédible pour justifier l'annulation de crédits inscrite dans le projet de collectif. Il faudrait plutôt revoir les mécanismes d'attribution pour permettre à tous ceux qui en ont besoin d'accéder gratuitement aux soins.

À cet égard, nous ne pouvons que partager le souci exprimé par l'assemblée des départements de France concernant les montants des ajustements à opérer sur la dotation générale de décentralisation du fait de la création de la couverture maladie universelle.

Ce collectif en couvrant strictement les dépenses nouvelles par des annulations de crédits en limite singulièrement la portée.

Vous vous félicitez, madame la secrétaire d'État, du fait que depuis 1997 les dépenses n'aient progressé en moyenne et en francs constants que d'un quart de point par an, au contraire de la période 1993-1997 où cette progression s'était établie à 1,7 % par an. Mais vous connaissez notre sentiment à ce sujet. Nous ne pensons pas que la gauche ait grand-chose à gagner à vouloir ainsi démontrer qu'elle ferait mieux que la droite en matière de rigueur budgétaire.


page précédente page 09934page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Si l'action conduite depuis 1997 a pu permettre des résultats significatifs dans la lutte contre le chômage, c'est justement parce que nous nous sommes démarqués de la politique de droite dans beaucoup de domaines, en particulier en matière de priorités budgétaires.

Nous avons accepté en principe ces priorités, mais nous considérons, et vous le savez, que le choix de stabiliser en volume la dépense, auquel nous invite le pacte de stabilité européen, ce qui revient en fait à réduire sa part dans le PIB, traduit une concession à la pression libérale et pénalise nos objectifs de progrès économique et social.

C'est pourquoi je m'inscris toujours en faux contre les philippiques de la droite à cet égard.

Ce collectif budgétaire aurait pu être l'occasion de mesures allant dans le sens du nécessaire rééquilibrage des prélèvements au profit des revenus du travail et d'une plus grande efficacité économique et sociale de notre fiscalité par une meilleure contribution des revenus financiers aux dépenses communes. Nous croyons possible, en effet, d'accroître les recettes fiscales du pays en augmentant l'efficacité sociale de leur produit. Nous proposons, par exemple, la prise en compte des actifs financiers dans le calcul de la TP et la modulation de l'impôt sur les sociétés pour encourager les entreprises à effectuer en priorité des investissements créateurs d'emplois plutôt que des placements financiers.

Nous avons agréé le volet fiscal du collectif de printemps, mais il n'en va pas de même pour ce collectif d'automne, qui se limite à quelques mesures de simplification et à l'extension de la TGAP à la consommation des énergies intermédiaires. Nous partageons nombre des critiques qui ont été exprimées, notamment dans les rang de la majorité, sur les dispositions de l'article 26 dont le rapporteur général nous propose d'ailleurs aujourd'hui une nouvelle rédaction. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles, mais ce débat autour de la TGAP est emblématique, car il porte en fait sur les finalités de la fiscalité et sur les incitations aujourd'hui nécessaires pour favoriser des comportements économiques vertueux, aussi bien en matière d'environnement que s'agissant de l'emploi. La TGAP peut-elle n'être qu'une taxe de plus, dont le seul effet serait de renchérir le coût de l'énergie, et devenir un impôt anti-économique - c'est un risque - sans être vraiment écologique ?

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Christian Cuvilliez.

C'est une question.

M. Michel Bouvard.

C'est une bonne question !

M. Christian Cuvilliez.

Elle a d'ailleurs déjà été posée.

Est-il logique que son produit soit détaché de son objet et qu'elle participe au financement des baisses de charges sociales qui poussent à la généralisation des bas salaires et à la précarité ? C'est une autre question, mais nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

Contrairement au collectif budgétaire de printemps, ce projet de loi de finances rectificative ne marque pas d'avancées dans le domaine fiscal. Il se limite à de simples adaptations de la loi de finances initiale. C'est donc en regrettant ce profil bas que notre groupe confirmera simplement son vote positif sur le budget 2000.

M. Gérard Bapt et M. Didier Migaud, rapporteur général.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais aborder très brièvement deux sujets : l'un dont on ne parle pas du tout, l'hôpital, l'autre dont on parle beaucoup, la TGAP.

L'hôpital, d'abord. L'année dernière, à peu près à cette période, lors de l'examen du PLFSS pour l'année 2000, la droite n'a pas eu de mots assez durs ici pour fustiger le laxisme du Gouvernement et de la majorité qui le soutenait à l'égard de la politique hospitalière. Il était souligné à l'envi que le Gouvernement et sa majorité ne faisaient pas assez d'efforts pour réduire le personnel dans les hôpitaux. Je renvoie ceux qui douteraient de ces affirmations au compte rendu de nos débats par le Journal officiel, notamment aux déclarations du président du groupe UDF, qui estimait que si des investissements devaient être faits dans les hôpitaux, il devenait urgent d'y réduire les personnels.

M. Michel Bouvard.

Je ne pense pas que PhilippeDouste-Blazy ait dit cela ! Ce n'est pas son genre !

M. Jérôme Cahuzac.

C'est pourtant très clairement ce qui a été dit !

M. Philippe Auberger.

De toute façon, ce n'est pas le sujet de ce soir !

M. Jérôme Cahuzac.

J'y viens, mon cher collègue ! Peut-être changerez-vous d'avis ! On sait ce qu'il en est advenu début 2000. Il s'est produit un mouvement, au demeurant assez légitime, qui s'est conclu par une négociation et un accord au terme duquel il était prévu d'injecter 10 milliards de francs dans les hôpitaux sur trois ans : 4 milliards à la charge de l'assurance maladie et 6 milliards à la charge de l'Etat, à raison de 2 par an en 2000, 2001 et 2002. Ces 2 milliards n'étant inscrits ni en loi de finances initiale ni en loi de finances rectificative, je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, que vous me confirmiez qu'ils seront bien fournis par l'Etat pour respecter le plan conclu à l'époque par Mme Aubry. Cela serait de nature à apaiser les craintes de mon collègue Auberger.

J'en viens à la TGAP que je tenterai, très modestement, de replacer dans un certain contexte. Depuis 1945, la protection sociale n'était financée que par les revenus du travail. La première réforme d'ampleur a été la création de la CSG. Une seconde réforme d'ampleur a été opérée par le gouvernement précédent, qui a allégé les c otisations patronales sur les bas salaires jusqu'à 1,33 SMIC, puis poursuivie par ce gouvernement et sa majorité, qui ont porté ce seuil à 1,8 SMIC.

Il était évident qu'il fallait compenser le manque à gagner qui en résultait pour la sécurité sociale et un débat très intéressant s'est tenu, il y a un peu plus d'un an, pour savoir si cette compensation devait être assise sur la valeur ajoutée ou sur autre chose. La majorité de la représentation nationale a choisi très clairement de l'asseoir sur le capital, y compris ses dividendes. C'est la raison pour laquelle ont été créées la cotisation sociale sur les béné fices et la taxe générale sur les activités polluantes. Le ministre de l'économie et des finances de l'époque, Dominique Strauss-Kahn, dont je veux saluer le travail, avait alors expliqué que taxer l'énergie revenait à taxer le capital, tant il est vrai que ce sont les machines qui consomment de l'énergie, et non les hommes. Donc, si l'on peut contester certaines des dispositions de ce fameux article 26, je ne crois pas que l'on puisse être surpris d'avoir à l'examiner, car il se situe dans le droit-fil de


page précédente page 09935page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

ce qu'a décidé la majorité il y a un peu plus d'un an. Je voudrais à cette occasion saluer le travail remarquable effectué par le rapporteur général.

M. Michel Bouvard.

Il a du mérite !

M. Jérôme Cahuzac.

Ses efforts devraient être reconnus par le Gouvernement. Dès lors, la perspective étant tracée et la finalité respectée, l'application d'un tel dispositif devrait être acceptée par la majorité de la représentation nationale et, je l'espère, comprise par l'ensemble de nos c oncitoyens.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, ce traditionnel collectif de fin d'année aurait pu, comme à l'habitude, se limiter à prévoir des mesures d'ajustement concernant les recettes et dépenses de l'Etat, d'autant qu'il s'agit de la deuxième modification apportée au budget en cours d'exécution.

Mais deux mesures en font un texte quelque peu exceptionnel.

La première figure dès l'article 1er et traduit la décision de la Cour de justice de l'Union européenne d'assjettir à la TVA les péages autoroutiers perçus en France. S'agissant d'une décision qui s'impose à nous, cette mesure n'appelle pas de commentaire particulier de ma part, si ce n'est pour constater qu'elle se conjugue avec l'ordonnance sur la réforme des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute - SEMCA -, dont il était question ici même ce matin. Ces deux éléments vont marquer la fin d'une certaine organisation du système autoroutier français, qui a beaucoup apporté et a fait la preuve de son efficacité, comme a bien voulu le reconnaître Jean-Claude Gayssot. Le ministre de l'équipement et des transports précisait d'ailleurs, la nuit dernière, que la réalisation de certains ouvrages restait nécessaire. Et nous lui savons gré de ces déclarations.

Sans doute eût-il été bon d'aller jusqu'au bout du raisonnement et, au-delà de ce discours, de conforter la situation des SEMCA en leur restituant la totalité des crédits de TVA faisant l'objet de la décision européenne, afin de permettre la réalisation des opérations futures dans de meilleures conditions. Ce n'est pas le choix qui a été fait in fine par le Gouvernement, puisque celui-ci a préféré construire un mécanisme de TVA virtuelle, non prélevée sur les péages jusqu'au mois de septembre, mais encaissé par l'Etat par déduction sur la somme qu'il doit verser pour les travaux qui ont été réalisés par les sociétés autoroutières.

L'autre mesure phare et exceptionnelle du collectif - elle a déjà été largement évoquée et j'y consacrerai l'essentiel de mon intervention - est l'instauration d'une taxe sur l'énergie par extension de la TGAP, en quelque sorte une TGAP bis . Comme d'autres l'on dit avant moi avec talent et compétence, on ne peut que s'étonner qu'une mesure de cette ampleur trouve sa place dans un collectif, qui est un document d'ajustement budgétaire, et n'ait pas fait partie intégrante de la loi de finances. En effet, même si la recette escomptée - un peu plus de 3,5 milliards - peut paraître modeste au regard du budget de l'Etat, il ne s'agit ni d'une mesure anodine, ni même d'une simple extension de la TGAP. Cela traduit une évolution nette du Gouvernement qui, pour la première fois, décide de taxer lourdement la consommation énergétique des 40 000 principales entreprises françaises, et d'elles seules. Une telle décision aurait pour le moins dû être précédée, à mon sens, d'un débat parlementaire sur la politique énergétique du pays, ce fameux débat qui n'a jamais eu lieu bien que différents gouvernements nous l'aient promis depuis des années, ce débat qui devait intervenir après le rapport Souviron auquel certains d'entre nous ont participé. Il aurait établi clairement les enjeux d'une politique énergétique en termes d'indépendance dans la ressource, de compétitivité de nos entreprises, de lutte contre l'effet de serre, de maîtrise des consommations.

Ce débat n'a pas eu lieu, mais la taxe, elle, est déjà là.

Elle est là alors même que l'impact de la mesure sur l'industrie française n'a pas fait l'objet d'une étude sérieuse.

Des discussions ont certes eu lieu avec les industriels de ce pays, mais contrairement à ce qu'ont pu nous dire en c ommission certains de nos collègues, notamment Mme Bricq, les industriels n'ont pas demandé la création de cette taxe. Et l'on ne peut pas dire qu'ils soient satisfaits de la voir instaurée.

Enfin, cette taxe, et c'est aussi ce qui fait sa singularité, est détournée de son objet avant même d'être créée. On ne s'est pas cru tenu, en la matière, par l'observation du délai de décence qui avait au moins été respecté par nos lointains prédécesseurs pour transférer le produit de la vignette du financement des retraites vers d'autres rivages.

En effet, présentée comme un instrument de lutte contre l'effet de serre, la TGAP bis laisse en dehors de son champ d'application six gaz à effet de serre qui ne sont concernés que partiellement par les sytèmes de taxation antérieurs. Mais surtout, elle est affectée à des dépenses qui n'ont strictement rien à voir avec la protection de l'environnement. Cela explique que l'ont ait envisagé un moment de la faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans le projet de loi de finances pour 2001. Cela explique sans doute aussi l'embarras du Gouvernement et de sa majorité par rapport à cette taxe, sans doute d'abord destinée à satisfaire les appétits législatifs d'une partie de la majorité.

Le débat sur ce point a d'ailleurs été long. Le rapporteur général et une partie des élus de la majorité ont eu q uelques difficultés, en commission des finances, à comprendre la logique du système et son efficacité. En exprimant leurs doutes, ils ont partagé notre hostilité envers une mesure qui ne présentait aucun caractère d'urgence. La taxe sur l'énergie que le Gouvernement veut imposer va malheureusement nous placer parmi les pays qui taxent le plus les entreprises, mais surtout, et c'est plus grave, elle va pénaliser la grande industrie française que l'on souhaite voir se maintenir, alors que les logiques industrielles des grands groupes les rendent plus fragiles à la concurrence et plus sensibles à l'attrait des délocalisations. Alors que la mode est aux start-up, à la nouvelle économie, au tertiaire, ces groupes industriels sont pourtant encore, dans de nombreuses parties de notre territoire, les principaux pourvoyeurs d'emplois et de ressources des collectivités locales. Savez-vous, que dans un département de montagne comme le mien, 10 % du montant total de la taxe professionnelle encaissée proviennent de deux entreprises seulement, Pechiney et Ugine Savoie, l'une spécialiste de l'aluminium et des carbures de silicium, l'autre des aciers spéciaux ? Quels seront les secteurs les plus touchés ? Le document figurant dans le rapport et repris sous forme de tableau est éloquent : l'aluminium, les aciers spéciaux, la sidérurgie, la chimie, les industries papetières et cartonnières, les cimentiers, toutes ces industries dans lesquels les cycles économiques sont longs, la rentabilité des capitaux investis réduite et où les économies se font mal-


page précédente page 09936page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

heureusement d'abord en diminuant l'emploi lorsqu'il faut faire face à une concurrence plus vive ou à une fiscalité plus lourde.

Nous ne contestons pas le principe de la TGAP, même si nous contestons une partie de l'usage qui en est fait.

Nous ne contestons pas, bien au contraire, la volonté de maîtriser les consommations d'énergie. Nous ne contestons pas non plus l'obligation qui est faite aux entreprises de contribuer à la lutte contre l'effet de serre. Mais le texte proposé par le Gouvernement, s'il taxe plus lourdement le fioul lourd que le gaz naturel, taxe aussi l'électricité qui, compte tenu de son origine, ne contribue que très faiblement à l'effet de serre. La consommation d'électricité est d'ailleurs taxée quelle que soit son origine, alors même que l'énergie hydraulique présente un caractère d'énergie renouvelable incontestable et permet, grâce à ses capacités de stockage, de gérer les pointes et d'éviter le recours à l'électricité produite par les centrales thermiques. L'hydroélectricité est d'ailleurs doublement taxée puisque le Gouvernement a fait adopter, il y a quelques jours, dans le projet de loi de finances pour 2001, un amendement déposé en séance, instaurant une taxe d'aménagement du territoire sur les barrages de 1,5 centime par kilowatt-heure, mesure dont nous avions obtenu le retrait de la loi Pasqua sur l'aménagement du territoire.

Comble de l'incohérence, cette même énergie est justement la plus utilisée dans des secteurs où il est très difficile, voire impossible, de faire des économies d'énergie, ce qui rend complètement illusoires et virtuels les contrats d'objectifs mis en avant comme contrepartie pour réduire la taxe ! C'est notamment le cas pour les industries de l'aluminium, des aciers spéciaux et pour une partie de la chimie, qui devront subir cette taxe sans réelle possibilité d'en diminuer l'impact.

Cette situation, nous le pressentons, aura des effets négatifs, voire catastrophiques, dans certaines parties du territoire. A juste titre, notre collègue Augustin Bonrepaux a, comme je l'ai fait moi-même la semaine dernière, déposé un amendement visant à extraire certains secteurs industriels du champ d'application de cette taxe, amendement que la commission des finances a courageusement adopté. Peut-être l'ouverture de celle-ci sur l'environnement européen a-t-elle permis d'éclairer nos collègues.

Nous observons en effet que les Allemands se montrent très prudents pour appliquer cette taxe à leurs grandes industries.

M. le président.

Monsieur Bouvard, vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole ! M. Michel Bouvard Je termine, monsieur le président.

Nos partenaires italiens manifestent également une certaine prudence en la matière.

Si les industries sont venues dans les vallées de montagne, c'est parce que s'y trouvaient les sources d'énergie.

Pendant près d'un siècle, elles se sont développées. Mais, depuis une trentaine d'années, nous connaissons une phase de récession, car nous sommes loin des réserves de matières premières et de la clientèle de ces industries.

Certains établissements industriels, notamment les plus petits, ont fermé et le phénomène de désindustrialisation s'est engagé.

Ce qui retient encore de grands établissements industriels dans nos régions de montagne, c'est, outre la présence d'une main-d'oeuvre qualifiée, celle d'une énergie compétitive. Mais je crains que la double taxation de l'énergie hydraulique instaurée en quinze jours n'accélère le mouvement de délocalisation de groupes dans l'actionnariat desquels les capitaux internationaux sont très importants et où les décisions ne se prennent plus comme à l'époque où ils ont été créés dans nos vallées ou même dans notre pays. Il y a là une véritable menace. Je l'affirme clairement et je n'entends pas m'associer à un texte de loi qui marquerait la fin de l'industrialisation en montagne, alors même que les emplois de l'industrie sont nécessaires aux équilibres sociaux, nos territoires ne pouvant vivre du seul tourisme.

Madame la secrétaire d'Etat, je suis l'élu d'une circonscription où les principaux employeurs s'appellent A luminium Pechiney, Pechiney Electrométallurgie, Pechiney Rhenalu, Ato Fina, Teksid Fonderies, groupe Fiat, Vétrotex Saint-Gobain, Fibres de renforcement, La Rochette carton ondulé, Cascades, Cartonneries canadiennes, PPB placoplâtre et SKF. Ces établissements figurent parmi les principaux consommateurs d'énergie de ce pays. Pour beaucoup d'entre eux, les marges de manoeuvre pour réduire cette utilisation d'énergie ont disparu au cours des dernières années. Quand l'énergie représente, comme pour l'aluminium, 40 % du prix de revient du produit, on cherche toutes les économies qu'on peut réaliser. Et voilà belle lurette que cela a été fait ! Par ailleurs, il est incontestable, même si ce ne fut pas toujours le cas, que ces groupes ont fait un effort pour réduire les pollutions dans les vallées de montagne.

Pourtant, les contrats d'objectifs qu'on leur proposera seront très limités et la taxe leur sera directement appliquée.

Nous avons beaucoup à craindre pour l'emploi dans les régions de montage. Ce sentiment, madame la secrétaire d'Etat, est partagé par des élus siégeant sur tous les bancs de cette assemblée. C'est la raison pour laquelle je ne m'associerai pas au collectif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Philippe Auberger.

Encore un élu de la montagne !

M. Augustin Bonrepaux.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention se limitera à l'article 26, c'est-à-dire à la TGAP.

Au moment où la tendance est à la suppression des impôts - on peut s'en réjouir, et la vignette en est le dernier exemple -, la création d'un impôt nouveau obéit certainement à une impérieuse nécessité. En connaître les m otivations permettrait certainement de mieux la comprendre, donc de mieux l'accepter et de mieux l'expliquer.

S'agit-il de trouver des recettes supplémentaires ? Au moment où l'on réalise autant de suppressions d'impôt, il aurait suffi de baisser un peu moins l'impôt sur les sociétés et d'augmenter un peu plus la cotisation sur les bénéfices des sociétés. Mais la raison n'est certainement pas là.

D'aucuns prétendent qu'il s'agit d'un impôt écologique dont l'objectif serait de lutter contre l'effet de serre et, notamment, contre l'émission de gaz carbonique. C'est un objectif extrêmement louable que nous partageons sur l'ensemble de ces bancs. Mais il ne suffit pas de faire de l'écologie politique. Il faut aussi que l'écologie obéisse à quelques règles scientifiques, qui sont incontournables.

Si on veut lutter contre l'effet de serre, il faut lutter contre ses causes, que l'on connaît ; or si l'une d'elles est bien le gaz carbonique, il y a six autres gaz à effet de serre.


page précédente page 09937page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Si on avait institué des mesures fiscales pour réduire cet effet, on pourrait comprendre. Or ce n'est pas le cas et j'avoue ne pas saisir les véritables motivations de ce texte. La TGAP ne répond à aucune des règles dont j'entends souvent parler, du moins en commission des finances. On dit, notamment, qu'il faut qu'un impôt ait une base large. Pourtant, la base de celui-ci est étroite puisqu'on ne taxe que 40 % de l'énergie. En outre, on taxe toutes les énergies, celles qui sont polluantes comme celles qui ne le sont pas.

Tout à l'heure, M. Cochet nous a expliqué que l'on serait fortement incité à utiliser des énergies renouvelables. On nous a dit que l'énergie hydroélectrique, l'énergie éolienne, l'énergie solaire devraient représenter 20 ou 25 % du total. Tant mieux ! Mais ces énergies seront, elles aussi, soumises à la taxation... parce qu'elles seraient polluantes ? Comprenne qui pourra ! On ne s'y reconnaît plus.

Pourquoi taxer l'électricité dont une grande partie est produite grâce à des énergies renouvelables non polluantes ? Sans compter que l'électricité ne dégage pas de gaz carbonique, de méthane, de dioxyde d'azote c'est-àdire de gaz à effet de serre.

N'oublions pas qu'on a tendance, par ailleurs, à encourager les transports ferroviaires électriques et les voitures électriques.

Pourquoi faire alors comme si l'électricité était la source de tous les maux ?

M. Michel Bouvard.

C'est Gribouille !

M. Augustin Bonrepaux.

Personne ne comprend. Les Français peuvent légitimement se demander si cette taxe répond bien à leur véritable et sincère préoccupation ou si elle a d'autres motivations.

M. Jean-Louis Dumont.

En effet !

M. Augustin Bonrepaux.

Mais il y a d'autres motifs d'incompréhension. Pour l'électrolyse, l'électricité est indispensable.

M. Philippe Auberger.

Oui !

M. Augustin Bonrepaux.

Il s'agit de séparer l'aluminium de l'oxygène dans l'alumine. Par électrolyse, l'aluminium va à la cathode. Cette séparation ne produit pas de pollution. Mais l'oxygène qui va à l'anode produit du gaz carbonique.

M. Jean-Louis Dumont.

Quel pédagogue !

M. Augustin Bonrepaux.

Il suffirait alors de taxer le carbone utilisé pour faire contribuer cette industrie. Mais la recette obtenue ne serait pas très importante.

Finalement, l'objectif est moins de lutter contre l'effet de serre que de procurer des recettes. Tout cela n'est pas très compréhensible...

M. Jean-Jacques Jégou.

Pas sérieux !

M. Michel Bouvard.

Pas cohérent !

M. Augustin Bonrepaux.

Quel est donc l'objectif poursuivi ?

M. Philippe Auberger.

On se le demande !

M. Augustin Bonrepaux.

Il n'est pas de lutter contre la pollution. Il est d'instituer la taxe la plus élevée. Mais cela aura de nombreuses conséquences sur l'industrie ; j'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à limiter ces conséquences. Je vais en dire un mot.

Les propositions formulées par le rapporteur général, dont je tiens à souligner l'énorme travail, sont louables.

Elles visent à avantager les entreprises qui réalisent le plus d'économies d'énergie. Mais elles risquent de provoquer une distorsion supplémentaire entre les entreprises, parce que certaines y parviendront beaucoup plus facilement que d'autres.

S'agissant de l'électrolyse, je ne vois pas d'autre solution que d'augmenter la capacité des cuves, d'accroître l'intensité, en faisant des investissements très importants,...

M. Michel Bouvard.

Au Canada !

M. Augustin Bonrepaux.

... c'est-à-dire en construisant des cuves beaucoup plus volumineuses, ce qui n'est pas possible dans nos petites usines. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De deux choses l'une : ou on fera des économies et on fera les usines ailleurs ; ou on ne fera pas d'économies et nos usines - nos usines pyrénéennes, et même quelques usines alpines - seront pénalisées plus que les autres.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux.

Il n'y a plus d'égalité devant l'impôt. Pire : un certain nombre de sites, dans des zones difficiles, vont disparaître.

M. Philippe Auberger.

C'est Paris et le désert français, comme l'écrivait Jean-François Gravier !

M. Augustin Bonrepaux.

Mais cela a été évoqué tout à l'heure et je n'y reviens pas.

M. Jean-Louis Dumont.

Exceptionnelle leçon !

M. Augustin Bonrepaux.

Ainsi, avec les meilleures intentions du monde, une incitation à l'économie peut se traduire par de très graves délocalisations d'activités.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Il l'a dit !

M. Augustin Bonrepaux.

Il me semble que ce texte souffre de nombreuses contradictions. Je ne pense pas que tous les effets en aient été bien évalués. Et je constate que ce sont les activités le plus en difficulté dans notre pays qui seront les plus taxées...

M. Jean-Louis Dumont.

Eh oui ! Une fois de plus...

M. Michel Bouvard.

Alors qu'on fait tout pour les start-up !

M. Augustin Bonrepaux.

Le textile, l'aluminium, les papeteries... Je ne parle que de ce que je connais bien.

Mais il y en a certainement d'autres,...

M. Jean-Louis Dumont.

La chaux ! Les fonderies !

M. Augustin Bonrepaux.

... comme les ciments et la sidérurgie.

Il y a quelque contradiction à taxer l'énergie. Il serait certainement beaucoup plus juste de taxer la valeur ajoutée et de pénaliser les entreprises qui ont le plus de moyens. Or c'est l'inverse qui a été choisi.

C'est extrêmement grave pour l'industrie. Je ne fais d'ailleurs que répéter ce que je dis depuis longtemps. Il faut dire que j'ai été pédagogue pendant quelques années...

Je tiens tout de même, pour finir, à rendre hommage à l'énorme travail effectué par notre rapporteur général, Didier Migaud, qui a tenté - je ne dis pas qu'il y soit p arvenu - de rendre plus compréhensible, moins complexe, moins pénalisant un texte...


page précédente page 09938page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Philippe Auberger.

Un texte bâtard !

M. Augustin Bonrepaux.

... qui a bien des défauts.

Malheureusement, la mission était quasi impossible.

M. Philippe Auberger.

Irréalisable !

M. Augustin Bonrepaux.

En effet, il n'a pas pu changer les lois scientifiques. Il est incompréhensible de taxer une énergie qui n'est pas polluante.

Il n'a pas pu non plus changer les règles de l'économie qui font que les entreprises pénalisées risquent de disparaître, ce qui sera préjudiciable à l'ensemble du pays et, plus particulièrement, aux zones défavorisées.

En conclusion, il ne m'est pas possible de dire qu'il s'agit là d'une heureuse initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien ! Quel brillant pédagogue ! Il a fait un tabac !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à cette heure-ci, comme je suis le dernier orateur inscrit et que je ne souhaite pas intervenir sur le même sujet que celui que vient de traiter magistralement notre ancien président de la commission des finances, je raccourcirai mon propos en le centrant sur la politique de l'emploi.

La priorité de la politique économique du Gouvernem ent, c'est en effet l'emploi. Les derniers chiffres montrent l'efficacité de cette politique axée à la fois sur la demande, l'offre et la réduction des déficits. L'année 2000 restera exceptionnelle, avec un recul du taux de chômage, plus rapide et plus important en France que chez tous les partenaires européens, y compris l'Espagne.

Je ferai cependant une observation à propos des redéploiements notables opérés dans ce projet de loi de finances rectificative.

Plus le chômage diminue, plus nous nous approchons du noyau dur du chômage, à savoir le chômage d'exclusion. A ce propos, je voudrais insister, madame la secrétaire d'Etat, sur la nécessité de conserver des moyens budg étaires de manière à préserver des instruments opérationnels de traitement du chômage destinés aux publics les plus éloignés de l'emploi.

Ce projet de loi de finances rectificative prévoit d'importantes ouvertures de crédits, et notamment plus de 4 milliards de francs au titre des compensations d'exonérations de cotisations sociales. En effet, la politique de l'emploi de votre gouvernement marche bien : parce qu'on crée davantage d'emplois, il faut mobiliser plus de crédits pour compenser les exonérations.

Mais il y a aussi des annulations. Certaines sont la conséquence d'ajustements, comme celle concernant le programme « nouveaux services, nouveaux emplois » - les emplois-jeunes ; d'autres affectent les dispositifs d'insertion des publics en difficulté. Dans ce domaine, une importante économie est prévue ; 1,690 milliard de francs, sera redéployé, permettant la compensation des exonérations.

A l'occasion de la discussion du budget du travail et de l'emploi, de nombreuses inquiétudes se sont exprimées en raison de la diminution trop significative, de l'avis même des députés qui ont participé à ce débat, de moyens consacrés aux contrats de travail aidés, notamment ceux utilisés par les réseaux associatifs et les collectivités locales, à savoir les contrats emploi solidarité et les contrats emploi consolidé - 27 % de diminution pour les CES, 17 % pour les CEC.

Madame la secrétaire d'Etat, au moment où va se poser de manière la plus aiguë le problème des adultes les plus éloignés de l'emploi, il ne faudrait pas que les acteurs du terrain, les acteurs locaux engagés dans la lutte contre l'exclusion soient dépourvus d'instruments efficaces à la reprise d'activité de ces publics.

Pourquoi chercher à faire des économies sur les contrats de travail aidés concernant les collectivités locales et les réseaux associatifs ? Le secteur marchand a battu des records de création d'emplois au cours des deux dernières années. Il serait plus adéquat de mieux combattre les effets d'aubaine dénoncés, notamment, par la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances.

A ce propos, madame la secrétaire d'Etat, j'aurai des propositions plus précises à vous faire .

En dernier lieu, je vous ferai part de mes préoccupations s'agissant d'une communauté parfois oubliée et qui, dans nos circonscription, nous soumet régulièrement ses problèmes : la communauté des rapatriés.

Pensons d'abord aux harkis. Il serait temps d'étendre la mesure d'allocation viagère qui avait été créée - heureus ement - par votre gouvernement en faveur des anciens harkis et supplétifs, de l'armée française à leurs veuves.

Voilà pourquoi j'ai déposé un amendement qui, paradoxalement, vise à diminuer des crédits pour provoquer le débat.

De la même façon, des rapatriés surendettés qui se sont réinstallés et qui étaient mineurs au moment du rapatriement méritent de voir leur situation mieux prise en compte.

Ces observations faites, je soutiendrai, globalement, avec le groupe socialiste, le projet de loi de finances rectificative pour 2000.

M. Jean-Louis Dumont.

Sauf l'article 26 sur lequel Augustin Bonrepaux a exprimé bien des réserves !

M. le président.

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, je vous indique qu'en tout état de cause je lèverai la séance au plus tard à deux heures du matin.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, je m'engage à ce que mon intervention soit aussi brève que possible.

M. le rapporteur général a bien voulu, dans son propos introductif, résumer avec l'esprit de synthèse qui le caractérise les deux sujets qui ont traversé toutes les interventions que j'ai entendues depuis : la transparence budgétaire et la TGAP.

Sur la transparence, il a bien voulu noter les efforts réalisés par le Gouvernement tout au long de l'exécution du budget 2000. Si j'ai bien compris, il appelle à de nouveaux progrès dans ce domaine, notamment - mais pas seulement - en matière de calendrier. Sur le fond, nous aurons l'occasion d'en reparler de manière très approfondie dès le début de l'année 2001, à l'occasion du débat sur la proposition de loi relative à la réforme de l'ordonnance organique.

Sur la TGAP - c'est l'article 26 -, je comprends très bien que la commission ait pu débattre longuement. Je l'ai dit, les modifications que la commission appelle de ses voeux et dont un grand nombre d'entre elles sont légitimes ont retenu toute l'attention du Gouvernement. Il est


page précédente page 09939page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

tout à fait normal qu'une imposition aussi nouvelle, qui combine des objectifs environnementaux et des caractéristiques fiscales plus classiques, suscite des hésitations. Mais les objectifs demeurent et doivent demeurer. Vous avez parlé de marges de manoeuvres étroites. Il est vrai qu'elles ne sont pas considérables. Elles existent, cependant, et c'est la fonction même du débat entre le législateur et l'exécutif que d'essayer de les identifier.

M. Jégou n'a pas mâché ses mots dans ses observations p arfois manichéennes, peut-être voudra-t-il bien l'admettre.

M. Charles de Courson.

Il peut être plus méchant ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

L'opacité, la manipulation ne sont pas forcément là où il dit qu'elles sont. La transparence, vous en parlez tous beaucoup.

Nous essayons, quant à nous, de la mettre en pratique.

S'agissant de la TGAP, vous avez évoqué, monsieur Jégou, le lobby agricole et celui des transports.

Croyez bien toutefois que ce n'est pas sous la pression que le Gouvernement élabore ses choix. C'est sur la base de considérations juridiques, de considérations internes, communautaires et internationales. C'est aussi en fonction de préoccupations relatives à la concurrence, au détournement de trafic que le Gouvernement décide d'une mesure qu'il est prêt ensuite à adapter, comme je viens de l'indiquer à l'instant. Il n'est nullement question de lobbies ici.

Monsieur Cochet - mais je ne sais pas si je peux m'adresser maintenant au président de séance -, le Gouvernement prend la question des changements climatiques très au sérieux. D'ailleurs, il n'est pas le seul, le Président de la République aussi...

M. Jean-Jacques Jégou.

On est sauvé alors ! (Rires.)

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... puisque, je le rappelle, la France, en tant que présidente de l'Union, a défendu une politique active et responsable en la matière.

Quoi qu'on en dise, et je crois que ces principes sont vrais pour nombre des interventions que j'ai entendues ce soir, il faut que chacun pèse ses responsabilités en ce domaine. Il convient de ne jamais perdre de vue que nous poursuivons un double objectif : favoriser les économies d'énergie et réduire l'émission de gaz à effet de serre.

M. Gérard Bapt.

C'est bien le problème !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Gantier a évoqué certains gaspillages. J'aurais aimé qu'il me cite quelques exemples. Il a parlé de chiffon de papier et s'est employé en vain à nous faire croire qu'il ne connaissait pas la différence entre un projet de loi de finances et son exécution, entre un plafond de dépense et une dépense exécutée. Il a aussi parlé de sapin de Noël et je m'en tiendrai à cette aimable comparaison.

Merci à Thierry Carcenac d'avoir bien voulu relever, dans ce projet de loi de finances rectificative, des mesures qualifiées de « petites », mais bien concrètes et qui concernent de très près nombre de contribuables. Je citerai, pêle-mêle, la suppression du droit de sceau et de la majoration de 3 % applicable aux contribuables mensualisés, la simplification des formalités pesant sur les débitants de tabac, la modernisation des formalités déclaratives et de paiement des grandes entreprises. D'une certaine manière, c'est aussi ça, la réforme de l'Etat, car les petites mesures finissent par faire les grandes réformes.

Monsieur Auberger, croyez-vous vraiment à ce que vous ne cessez de répéter ? (Sourires.) Croyez-nous vraiment que les impôts ne baissent pas et même qu'ils augmentent ? Vous imaginez-vous que nous allons penser que vous ne connaissez pas la différence entre l'évolution du taux d'un impôt et l'évolution de son rendement ? A Joigny, commune vraisemblablement bien gérée...

M. Jean-Jacques Jégou.

Et très sympathique ! On y mange très bien ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au budget ... - son maire ne me contredira pas, même sans autosatisfaction excessive -, le rendement des quatre taxes a-t-il vraiment baissé ? Je suis sûre pourtant que vous avez veillé à diminuer les taux de ces impôts, monsieur Auberger, car vous êtes favorable aux baisses d'impôts, vous ne cessez de nous le dire.

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous y avons tous veillé, madame la secrétaire d'Etat !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Dans ces conditions, le rendement des quatre taxes a-t-il diminué dans votre commune ? Sérieusement, je ne le pense pas.

M. Cuvilliez nous a appelé à lutter contre les inégalités dans la société. Il est vrai que celles-ci demeurent et doivent être combattues. C'est précisément à cela que s'emploient le Gouvernement et la majorité qui le soutient. Nous faisons beaucoup de choses, notamment à travers la politique de l'emploi, et sur le plan fiscal, avec la réforme de la décote et des dégrèvements de la taxe d'habitation. Nous faisons aussi beaucoup par le canal budgétaire avec la réforme des aides au logement.

M. Jean-Louis Dumont.

Très bonne mesure !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous favorisons également le retour à l'emploi des plus démunis, grâce à la ristourne de CSG, mesure que vous avez adoptée récemment.

Je voudrais remercier tout particulièrement Jérôme Cahuzac pour la clarté et la sincérité de ses propos sur la TGAP. Cette taxe n'est pas une surprise, en effet, et il convient de garder le cap, de ne pas dénaturer les orientations qui étaient les nôtres. Mais il faut aussi tenir compte des améliorations qui seront proposées par la commission des finances. Je m'engage à le faire.

Jérôme Cahuzac a également rappelé qu'en mars dernier, au moment de la signature du protocole hospitalier, le Gouvernement avait pris l'engagement de financer celui-ci à hauteur de 2 milliards de francs par an pendant trois ans. Cet engagement sera tenu.

M. Bouvard a abordé la question des péages d'autoroutes. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point important. Il a longuement évoqué la TGAP. Certes, on peut adresser beaucoup de reproches à notre dispositif, mais pas celui d'avoir ignoré la question de la grande industrie. Après plus d'un an de travail, de concertation, de livres blancs et d'échanges, il est clair, en effet, que cette préoccupation a été au centre des débats. Oui, la grande industrie disposera bien d'un abattement important, nous reviendrons sur les modalités dans le débat. En tout cas, je vous remercie, monsieur Bouvard, d'avoir précisé que vous ne contestiez pas le principe de la TGAP.

M. Charles de Courson.

Il n'a pas dit cela !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Je me permets donc de saluer une attitude que je considère comme très responsable.

Le président Bonrepaux a lui aussi longuement évoqué la question de la TGAP de façon très responsable.


page précédente page 09940page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Jean-Louis Dumont.

Et avec compétence !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Les motivations de la TGAP reposent sur une ligne politique constante du Gouvernement qui a posé le principe de cette incitation très tôt dans la législature. Monsieur Bonrepaux, j'ai beaucoup de respect pour les questions que vous avez posées, mais il ne faut pas oublier que cette imposition concerne autant les consommations d'énergie que les gaz à effet de serre. Nous poursuivons deux objectifs. En outre, nous avons prévu des allégements très substantiels pour les entreprises fortement consommatrices d'énergie.

Enfin, des aménagements seront mis en place, conformément à un certain nombre de propositions de votre commission. Ils devront être raisonnables et ne pas dénaturer le dispositif initialement imaginé. Il convient maintenant, pour être sage, d'aller plus loin dans notre débat dont je ne doute pas qu'il sera fructueux.

Je terminerai en répondant à M. Bapt qui a abordé l'importante question des rapatriés. Je lui dirai simplement que le Gouvernement l'a entendu, comme il pourra le vérifier dans la suite de notre discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourquoi le groupe UDF et plus largement les trois groupes de l'opposition demandent-ils de renvoyer en commission le deuxième projet de loi de finances rectificatif pour 2000 ? Essentiellement pour deux raisons : tout d'abord parce que ce texte traduit l'échec d'une politique budgétaire, ensuite par ce qu'un certain nombre de dispositions figurant dans ce texte, ne peuvent être acceptées, soit parce qu'elles sont contraires à des principes constitutionnels relatifs aux finances publiques, soit parce qu'elles sont dangereuses, voire inapplicables.

Quelques mots, en premier lieu, sur cette loi de finances rectificative qui démontre une nouvelle fois l'incapacité du Gouvernement à réduire de manière significative les déficits publics à un rythme suffisamment import ant au regard de la croissance des recettes, touts implement parce qu'il ne tient pas les dépenses publiques malgré de fortes plus-values de recettes longtemps volontairement dissimulées.

Madame la secrétaire d'Etat, votre gestion des finances du pays laisse à penser que vous avez de sérieux problèmes de positionnement. Force est de constater que le ministre des finances joue la partition du Dz Jeckill et de Mr Hyde. Quand Laurent Fabius déclare qu'il faut mettre fin « à une culture dépensophile et étalolâtre »,...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Non, étatolâtre !

M. Charles de Courson.

... le ministre de l'économie et des finances nous présente un texte où les déficits augmentent fortement.

En matière de recettes fiscales, madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez rendu que 55 % à 60 % des énormes plus-values fiscales dont bénéficie le budget de l'Etat. De combien se sont accrues les recettes fiscales nettes de l'Etat par rapport à la loi de finances initiale ? De 75 milliards officiellement, de 35 milliards dans la loi de finances rectificative de juillet et de 40 milliards dans le second collectif de novembre.

Cependant, cette estimation est encore sous-évaluée d'au moins 15 milliards voire 20 milliards. Certes, me direz-vous, ce n'est jamais que 1 % des recettes fiscales.

En effet, si l'on extrapole à partir des résultats de fin octobre, l'essentiel des plus-values vient de l'impôt sur le revenu et un peu de l'impôt sur les sociétés. Ainsi, en l'absence de toute mesure fiscale supplémentaire, les recettes nettes de l'Etat se seraient accrues de 90 milliards à 95 milliards. Or vous avez globalement redonné 52 milliards aux contribuables, soit entre 55 % et 60 % des plus-values fiscales.

Où en sommes-nous, madame la secrétaire d'Etat, de la baisse d'un point du taux de prélèvement obligatoire annoncée par M. Fabius pour l'an 2000 ? Lors de la présentation de la loi de finances initiale pour 2001,

M. Fabius a avoué qu'il s'agirait non plus d'un point, mais de 0,5 point. Puis il a reconnu que la baisse tournerait plutôt autour de 0,4 point. En fait, avec 15 à 20 milliards de plus-values fiscales - c'est ce que laissent supposer les statistiques budgétaires de la fin octobre qui sont disponibles sur le Net -, on finira au mieux à 0,2, peutêtre 0,3 point de baisse et encore grâce à d'autres plusvalues fiscales qui concernent la CSG et les cotisations sociales.

Pour la troisième année consécutive, en guise de baisse, nous avons donc eu des hausses. Philippe Auberger a rappelé la calamiteuse année 1999 qui s'est soldée par une hausse de 0,8 point alors qu'on nous avait promis une baisse de 0,2 point.

Par ailleurs, vous n'avez officiellement consacré à la réduction du déficit budgétaire de l'Etat que 6 milliards, soit 8 % des 75 milliards officiels d'augmentation des recettes fiscales, c'est-à-dire pas grand-chose. Le plus grave, c'est que le déficit de 209 milliards est supérieur de 3 milliards à l'exécution 1999 qui s'était achevée sur un déficit de 206 milliards. Toutefois, la hausse du déficit budgétaire est beaucoup plus importante encore puisqu'il faut tenir compte des 15 milliards de recettes non fiscales que vous avez reportés de 1999 à 2000 et que vous comptez reporter en 2001 grâce à ce texte. La hausse est donc, non pas de 3 milliards, mais au minimum de 18 milliards, auxquels il faut ajouter 11 milliards de report de charges mentionnés par la Cour des comptes.

Au total, l'augmentation du déficit budgétaire est de l'ordre de 30 milliards de francs.

S'agissant des dépenses, vous avez utilisé quelque 17 milliards de recettes nouvelles sur l'ensemble de l'année budgétaire pour les majorer de 1 %. Mais on y est habitué car quand on tient compte du périmètre constant, on s'aperçoit que vous ne tenez pas les dépenses publiques. La gestion budgétaire montre que vous continuez à accentuer la chute des investissements qui ne représentent même plus 10 % du budget de l'Etat. Or, vous gagez les 22 milliards d'ouverture de crédits par 22 milliards d'annulation de crédits, dont 6,3 milliards, c'est-à-dire à peu près un tiers, proviennent des crédits d'investissement. Je vous rappelle, mes chers collègues, que les dépenses d'investissements civils et militaires ne représentent plus que 160 milliards. Par conséquent, quand sur ce montant vous annulez 6 milliards, vous réduisez encore les crédits d'investissement de 4 %. Outre cette mauvaise gestion, vous continuez à bafouer de nombreux principes de sincérité budgétaire. Vous êtes d'ailleurs passés maîtres dans l'art d'invoquer la sincérité alors que vous l'ignorez, texte après texte. Dans le rapport


page précédente page 09941page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

sur l'exécution de la loi de finances pour 1999, la Cour des comptes avait mis en lumière certaines pratiques, comme l'absence de comptabilisation de recettes issues de cessions ou de transferts de titres. Ces dernières s'élevaient en effet à 16,6 milliards et provenaient des cessions des titres du GAN, du CIC et de l'UIC. En réalité, vous vous êtes constitué une petite cassette, destinée théoriquement à faire face à d'éventuelles garanties de passif si ces trois opérations se passaient mal. Alors que la Cour des comptes avait clairement signifié que la non-comptabilisation de ces recettes dans le budget de l'Etat constituait une atteinte aux principes d'unité et d'universalité budgétaires, ces recettes restent cependant absentes du collectif. Nous avons donc déposé un amendement qui vise à réintégrer dans le budget.

Pour rester fidèle à vos pratiques, vous omettez encore de comptabiliser les 15 milliards de recettes non fiscales dont nous avons parlé pour vous réserver la possibilité d'un affichage en trompe-l'oeil du budget pour 2002.

Vous ressortirez vos différentes cassettes à cette occasion.

J'en viens à présent à la deuxième raison pour laquelle il faut voter cette motion de renvoi en commission. Certaines des dispositions figurant dans ce projet de loi sont soit en contradiction avec les principes élémentaires du droit budgétaire, soit dangereuses, soit inapplicables.

Je commencerai par le problème de la TVA sur les autoroutes. Le paragraphe 7 de l'article 1 n'est pas conforme au droit communautaire, tant du point de vue de la sixième directive, et en particulier de l'alinéa 6 de son article 20, que du point de vue de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, et en particulier de l'arrêt Lennartz, qui permette aux nouveaux assujettis de récupérer une fraction de la TVA supportée antérieurement sur leurs investissements. Cette fraction est appelé crédits de départ.

Cette disposition bafoue par ailleurs le principe de confiance légitime consacré par la Cour européenne des droits de l'homme, en prétendant débiter les sociétés concessionnaires d'autoroutes d'une TVA sur recettes qu'elles n'ont jamais collectée, parce qu'elles appliquaient strictement la législation nationale, laquelle a été censurée le 12 septembre dernier.

J'ajoute que ce projet est dérogatoire au droit interne français. En effet, en matière de crédits de départ, ce dernier s'est aligné sur le droit communautaire, à la suite des premières condamnations de la France en matière de régime de TVA. Ainsi l'article L. 226 du livre des procédures fiscales reconnaît à tous les nouveaux assujettis un droit aux crédits de départ, consacré et étendu par la jurisprudence administrative française. Le Conseil d'Etat a fait sien le principe de confiance légitime, selon lequel le contribuable ne peut se voir opposer l'irrégularité des réglementations de l'Etat.

Une nouvelle fois, le Gouvernement entend, pour échapper aux conséquences financières de ses propres décisions, mettre en place une législation d'exception, germe d'un nouveau contentieux avec la Commission européenne. Et dans la perspective d'une harmonisation européenne, il est souhaitable que l'application du droit aux sociétés d'autoroutes soit exempte de toute mesure d'opportunité.

Or pour des raisons politiques, le Gouvernement a décidé de ne pas laisser répercuter la TVA, qu'il percevra néanmoins, dans les tarifs des véhicules légers. Dès lors, les tarifs hors taxes des véhicules légers vont donc baisser de fait de 16,4 %, charge qui sera supportée par les sociétés d'autoroutes.

Les crédits de départ sont un moyen d'assurer partiellement la compensation de cette dépense nouvelle, mais uniquement pendant quatre ans, et en trésorerie.

Une fois de plus, nous allons constater un enrichissement sans cause de l'Etat, qui sera particulièrement patent à partir de la cinquième année.

Par le passé, l'Etat a indûment fait supporter aux sociétés d'autoroutes la TVA sur investissements qui est actuellement incorporée dans les tarifs de péage, seule ressource des sociétés. Cumulée depuis 1979, cette charge représente environ 35 milliards de francs. A l'avenir, le fait de transférer sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes la charge du changement de régime va accroître l'endettement du secteur, déjà considérable. En effet, le schéma proposé par l'Etat dégrade fortement les résultats à venir de toutes les sociétés, et ce dernier, ne sera équilibré en trésorerie que pendant les quatre premières années, grâce à la récupération de la TVA sur des travaux d'un montant annuel d'à peu près douze milliards de francs.

Au-delà, sur les vingt ans à venir, il sera très équilibré e t coûtera en moyenne un milliard de francs par an.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur le problème de l'extension de la TGAP au domaine de l'énergie, car s'il y a un motif de renvoi en commission, c'est bien celui-là. Il n'y a que sept ans que je siège à la commission des finances, mais je n'avais jamais vu cela : une véritable révolte de tous les députés, à l'exception de notre collègue représentant les Verts, et qui nous préside ce soir, sur le thème : il n'est pas possible d'inventer une telle usine à gaz.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais sans effet de serre !

M. Charles de Courson.

Je ne reviendrai pas sur l'inefficacité environnementale de la mesure : au lieu d'inciter à faire des économies sur les émissions, on encourage les émissions en les taxant, ce qui est quand même assez extraordinaire. Il semblerait que des esprits éclairés ne se soient pas rendu compte qu'il existe des contraintes techniques dans la production de certains biens, que ce soit le ciment, l'aluminium, la chimie, les herbes deshydratées, ou d'autres produits dont la production consomme beaucoup d'énergie.

Je voudrais surtout insister sur les multiples façons dont cette taxe porte atteinte aux principes d'égalité et de neutralité fiscales.

Atteinte au principe d'égalité, tout d'abord, quant au champ de la taxe. Vous avouerez, madame la secrétaire d'Etat, qu'il y a quelque chose d'extraordinaire à taxer une forme d'énergie, l'électricité, qui n'entraîne presque pas d'effet de serre. En effet, la seule production électrique produisant un effet de serre est celle qui est obtenue par des moyens thermiques de type gaz ou fioul.

Mais elle ne représente que quelques pour cents du total.

En outre, votre barème est totalement contraire au principe d'équité, puisque, alors que tous les autres produits énergétiques sont taxés de manière équivalente par rapport aux émissions de CO 2 qu'ils occasionnent, l'électricité, elle, est taxée à peu près six fois plus que les autres sous ce rapport. Nous avons été nombreux, en commission des finances, à soulever ce problème, et à souligner, par exemple, que certaines entreprises sont alimentées exclusivement par de l'électricité nucléaire ou par de l'électricité hydraulique et qu'il n'y a aucune raison qu'elles soient assujetties à cet impôt.


page précédente page 09942page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Deuxièmement, il y a atteinte au principe d'égalité quant aux énergies entrant dans le champ de la taxe.

Beaucoup de collègues l'ont dit, pourquoi taxe-t-on certaines formes d'énergie et pas d'autres, alors que certaines d'entre elles ne dégagent pas d'effet de serre ?

M. le président.

Monsieur de Courson, si vous voulez respecter votre engagement de terminer pour deux heures, je vous propose de conclure.

M. Charles de Courson.

Je n'en ai plus pour très longtemps, monsieur le président.

Une autre atteinte au principe d'égalité consiste en la différence de traitement entre les entreprises. Il n'y a pas de neutralité fiscale dans le cas des entreprises qui sont fortement consommatrices d'énergie par rapport à leur faible valeur ajoutée. Et plus largement, il y a absence de neutralité fiscale par rapport à l'organisation juridique des groupes.

J'ai fait faire, par exemple, un certain nombre de calculs au sujet des industriels chimiques. S'ils fusionnent l'ensemble de leurs entreprises, ils réduisent de près de 40 % à 45 % le montant de la taxe ! Tout simplement parce que la taxe n'est pas proportionnelle. Si l'on considère l'évolution des abattements, on constate une courbe convexe. Donc, plus vous concentrez au sens juridique du terme, plus vous aboutissez à une réduction du montant de la taxe.

Et puis, il est douteux que cette taxe soit compatible avec la réglementation européenne, dans la mesure où elle va engendrer de fortes distorsions de concurrence pour d es entreprises implantées dans différents pays de l'Union.

Enfin, il a fallu attendre l'arrivée d'un gouvernement socialiste pour mettre en oeuvre le retour à l'Ancien régime et aux pratiques des fermiers généraux ! En effet, de par ses nombreuses imprécisions, le système de conventionnement, qui n'est pas encadré, va aboutir, au fond, à transférer à l'administration - et même pas à l'administration fiscale, mais essentiellement aux DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement - le soin de fixer l'impôt, en établissant les critères de réduction. Avec tous les risques que cela comporte.

Je voudrais terminer en disant quelques mots sur quatre textes qui ne sont pas acceptables du point de vue du respect du principe d'égalité.

Tout d'abord, vous avez déposé, madame la secrétaire d'Etat, deux amendements relatifs à la Corse. Le premier concerne les abattements ou les étalements consentis aux exploitants agricoles de l'île, conformément à une promesse qui a été faite au mois de juillet par M. Glavany.

Cet amendement est un coup porté contre le principe d'égalité en matière fiscale qui est un des fondements de la République française.

D'abord, pourquoi ne concerne-t-il que les seuls exploitants corses ? C'est de la discrimination. Les exploitants agricoles d'autres départements doivent faire face à des problèmes tout aussi graves.

Il faut savoir - c'est dans l'exposé des motifs - que l'on veut annuler 150 millions de francs de cotisations sociales sur des créances cumulées qui atteignent actuellement, en Corse, un peu plus d'un milliard de francs.

Sachez également que le montant des émissions annuelles est actuellement d'à peine 60 millions de francs. C'est-àdire que l'on nous propose d'annuler l'équivalent de deux ans et demi de cotisations en Corse, alors que le pourcentage des cotisations émises qui sont payées par nos concitoyens vivant en Corse était inférieur à 50 % il y a encore moins de deux ans et qu'il est un peu supérieur à 60 % depuis l'année dernière. Rappelons que le taux moyen en France dépasse les 93 %.

M. le président.

Monsieur de Courson, je vous incite vivement à conclure.

M. Charles de Courson.

Le dispositif d'apurement que vous nous présentez va-t-il au moins régler définitivement le problème du paiement des cotisations ? Il n'en est rien ! Nous allons inciter nos concitoyens exploitants agricoles en Corse à payer encore moins.

Je n'en veux pour preuve que ce qu'a écrit dans son rapport sur la gestion des fonds publics en Corse l'ancien président de la commission d'enquête chargée de cette question, qui s'appelait Jean Glavany. Il est une mesure à laquelle les gouvernements de gauche comme ceux de droite ont recours, et qu'il ne faudra jamais renouveler, tant elle s'est révélée catastrophique : elle consiste à expliquer aux exploitants agricoles corses qui ne paient pas leurs cotisations que l'on va soit les annuler, soit leur proposer un nouvel échéancier. Or, le texte propose des annulations jusqu'à hauteur de 50 % des créances. Mes chers collègues, si nous faisons cela, nous retomberons dans les mêmes errements que par le passé.

Deuxième mesure...

M. le président.

Monsieur de Courson...

M. Charles de Courson.

La deuxième mesure consiste à suspendre une nouvelle fois, pour un an, du 1er janvier 2001 au 1er janvier 2002, l'application des amendements de Courson et Charasse. Pour la partie relevant de l'amendement de Courson, c'est-à-dire le rétablissement des pénalités en cas de non dépôt des successions dans un délai de six mois, pensez-vous, mes chers collègues, qu'il en faille différer encore d'un an l'application ? Ce serait totalement contraire à tous les principes d'égalité des citoyens devant l'impôt.

Quant à l'amendement Charasse qui, je vous le rappelle, prévoyait d'imposer les biens immobiliers, sommesn ous encore dans les conditions du droit commun ? L'administration fiscale, depuis deux siècles, n'a toujours pas établi les bases des valeurs immobilières des biens situés en Corse.

M. Jean-Jacques Filleul.

On y réfléchit !

M. Charles de Courson.

Si l'un d'entre vous possède une villa en Corse, quand il fermera les yeux, ses enfants ne paieront pas de droit de succession au motif qu'elle n'a pas une valeur estimée par le fisc.

Qu'est-ce que la Corse ? Elle représente la moitié du département de la Marne ! Existe-t-il encore un Etat ? Est-ce qu'il y a encore un ministre des finances et des services fiscaux à qui l'on donne des ordres pour qu'ils les appliquent au nom du gouvernement légitime de la République ? Mais où allons-nous, mes chers collègues, si nous votons ces deux amendements ? J'attends un réveil des républicains, qui, je l'espère, sont encore nombreux dans cet hémicycle, pour arrêter cela.

M. Jean-Jacques Filleul.

Il y en a encore.

M. Charles de Courson.

Troisièmement,...

M. le président.

Non, je vous arrête, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson.

Mais j'ai terminé.

M. le président.

Non, vous n'avez pas terminé. Je vais donc lever la séance, et vous terminerez votre propos demain après-midi.


page précédente page 09943

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. Charles de Courson.

Soit. Mes chers collègues, en conclusion, je vous invite, au nom de l'ensemble de l'opposition, à voter la motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 6 décembre 2000, de M. Thierry Mariani un rapport, no 2782, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (no 2480).

J'ai reçu, le 6 décembre 2000, de M. André Aschieri un rapport, no 2783, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale (no 2612).

J'ai reçu, le 6 décembre 2000, de M. Patrick Malavieille un rapport, no 2784, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de M. Alain Bocquet tendant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingtcinq ans (no 2737).

J'ai reçu, le 6 décembre 2000, de Mme Odile Saugues un rapport, no 2785, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.

3 DE PO T DE RAPPORTS

SUR DES PROPOSITIONS DE RE

SOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 6 décembre 2000, de M. Christian Bataille un rapport, no 2786, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (COM [2000] 580 final/E 1560) (no 2752).

J'ai reçu, le 6 décembre 2000, de M. Michel Vergnier un rapport, no 2787, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de résolution de MM. Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré et Jean-François Mattei tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires de l'alimentation des animaux d'élevage par des farines carnées de viande et d'os (no 2687).

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à dix heures trente, première séance publique : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 2480, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine :

M. Thierry Mariani, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2782).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2704 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2775, tomes I et II) ; M. François Lamy, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 2764).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 7 décembre 2000, à deux heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT