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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Communauté urbaine. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 9949).

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9952)

MM. Renaud Muselier, Michel Vaxès, François Loos, Jacky Darne, Jean-François Mattei.

Clôture de la discussion générale.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois.

Article unique. - Adoption (p. 9957)

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9957).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

COMMUNAUTÉ URBAINE Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (nos 2480, 2782).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, nous examinons ce matin, dans le cadre de la séance réservée à l'initiative parlementaire, à la demande du groupe RPR, en particulier de Renaud Muselier, une proposition de loi qui devrait être approuvée sur tous les bancs de l'Assemblée. En effet, le 15 juin dernier, le Sénat a adopté ce texte présenté par nos collègues sénateurs, Jean-Claude G audin, Michel Mercier, Emmanuel Hamel, Serge Mathieu, Francis Giraud et André Vallet. Il tend à permettre aux conseillers d'arrondissement à Paris, à Lyon ou à Marseille, de siéger au sein d'une communauté urbaine.

En supprimant les districts et les communautés de villes et en créant des communautés d'agglomération, la loi du 12 juillet 1999, issue d'un accord entre nos deux assemblées, a considérablement renforcé la coopération intercommunale en France. Plus de cinquante communautés d'agglomération ont vu le jour depuis un peu plus d'un an et il devrait y en avoir vingt-quatre de plus d'ici à la fin de l'année. En outre, deux communautés urbaines ont été récemment créées à Nantes et à Marseille.

Lors du débat qui a abouti au vote de cette loi, la question de l'élection des membres de ces organes délibérants avait été posée, suscitant des confrontations de points de vue riches et parfois vives. Il est vrai que les ressources et les compétences de ces structures administratives, désormais considérablement renforcées, justifient pleinement que les citoyens puissent exercer leur droit de regard sur les politiques menées dans le cadre intercommunal, ce qui passe nécessairement par le contrôle des dirigeants de ces établissements.

A l'issue de la discussion, un compromis équilibré a pu être trouvé, en grande partie grâce à l'action de nos collègues sénateurs. Ainsi, aux termes des articles L. 5211-6 et L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales, l'organe délibérant de l'établissement de coopération intercommunale est désormais composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes parmi leurs membres. Jusqu'alors, si les délégués communaux pouvaient être des conseillers municipaux, la loi autorisait cependant les communes à désigner tout citoyen réunissant les conditions requises pour faire partie d'un conseil municipal. Tel n'est plus le cas aujourd'hui.

La proposition en discussion concerne plus particulièrement la désignation des délégués communaux à Paris, Lyon et Marseille au sein de l'organe délibérant des communautés urbaines : il s'agit de permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au sein de ces structures intercommunales. Ses auteurs ont en effet fait valoir à bon droit que ces élus interviennent « dans des domaines intéressant les citoyens au quotidien sur une partie du territoire de la commune » et « participent pleinement à la gestion et au développement » de ce territoire. Pour mettre en oeuvre cette réforme, l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales serait modifié.

Cette proposition se justifie par trois raisons : la nature particulière des communautés urbaines qui constituent des établissements intercommunaux dotés de compétences nombreuses et importantes pour un territoire et une population très vastes ; l'organisation originale de ces trois métropoles que sont Paris, Lyon et Marseille ; le risque, réel à Marseille, que l'application du mode de désignation actuel des délégués communaux se heurte à une impossibilité en cas d'élargissement du territoire de la communauté urbaine.

Pour ce qui est de la première raison, tout le monde reconnaît aujourd'hui que les communautés urbaines sont le stade ultime de la coopération intercommunale. Elles répondent au besoin de grandes agglomérations de taille européenne et à la nécessité de mettre en commun des compétences et des énergies au sein d'ensembles qui permettent de faire face aux défis de demain. Les communautés urbaines regroupent désormais des ensembles de plus de 500 000 habitants. C'est dire si, par leurs compétences obligatoires ou par celles qu'elles choisissent, elles ont un rôle essentiel à jouer dans la coopération intercommunale de demain.

La deuxième raison tient au fait que les conseillers d'arrondissement ont une expérience appréciable fondée sur une légitimité indéniable.

Au sein de la catégorie des communautés urbaines, le cas de Lyon et Marseille est encore plus spécifique puisque ces deux villes sont, à l'instar de Paris - où il n'existe cependant pas de structure intercommunale, mais j'ai cru comprendre que tous les candidats à la mairie le souhaitaient - soumises à un statut particulier initié par la loi du 31 décembre 1975 et complété par celle du 31 décembre 1982 qui a institué une forme de décentralisation au sein de ces trois communes où ont été créés les conseils d'arrondissement. Je rappelle d'ailleurs que les


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conseillers d'arrondissement sont élus lors de l'élection municipale. C'est dire qu'ils ont une pleine légitimité démocratique.

Confrontés aux demandes des citoyens, dont ils sont, par définition, très proches, répondant au mieux à leurs besoins, les conseillers d'arrondissement s'inscrivent dans une logique de maillage du territoire urbain reposant sur la nécessité de maintenir un lien social fort au sein de grands ensembles urbains.

Mon collègue Renaud Muselier qui était conseiller d'arrondissement du troisième secteur de Marseille entre 1989 et 1995 - à l'époque il était dans l'opposition municipale - me rappelait encore hier toute la richesse qu'il avait tirée de cette expérience parce qu'il était quotidiennement au contact, dans son arrondissement, des préoccupations de nos concitoyens.

M. Renaud Muselier et M. Jean Roatta.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Enfin, cette proposition de loi règle une difficulté d'ordre pratique en ouvrant la faculté de désigner des conseillers d'arrondissement au sein des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale.

Comme l'a démontré le sénateur Jean-Claude Gaudin, il pourrait en effet arriver que l'effectif complet du conseil municipal d'une ville ne soit pas suffisant pour pourvoir tous les postes de délégué dont dispose cette commune au sein de la communauté urbaine. Prenant l'exemple de Marseille, qui compte 101 conseillers municipaux, il s'est interrogé sur la capacité qu'aurait cette commune à désigner 107 délégués.

Cela étant, la commission a rejeté hier matin cette proposition de loi. A cet égard je formulerai simplement quelques remarques à titre personnel pour marquer ma surprise car, je le répète, elle a été adoptée à l'unanim ité par nos collègues sénateurs, quels que soient les choix partisans des uns et des autres. Elle fait aussi l'unanimité sur le terrain.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Quel terrain ?

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Député de Vaucluse, je me permets de prendre un exemple proche de ma région, monsieur le président de la commission. Ayant entendu, à Marseille, les propos du sénateur Guérini, du Parti socialiste, du sénateur Bret, du Parti communiste, de vos collègues Sylvie Andrieux-Baquet et Marius Masse, députés socialistes, je puis vous assurer qu'ils sont tous favorables à cette proposition de loi, ainsi que tous mes collègues des Bouches-du-Rhône.

Pourquoi, malgré l'unanimité au Sénat et l'unanimité locale, la commission a-t-elle rejeté ce texte, d'autant que le Gouvernement, représenté lors de la discussion au Sénat par Jean-Jack Queyranne, avait convenu qu'il permettrait de répondre à la question de la lourdeur de l'exercice simultané des charges de conseiller municipal et de conseiller communautaire ? Il avait également reconnu que la loi du 12 juillet 1999 avait omis de traiter le cas particulier de Paris, Lyon et Marseille.

J'ai également été surpris d'entendre affirmer que la légitimité des conseillers d'arrondissement serait moindre que celle des autres élus.

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est clair.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Un tel argument est absolument incompréhensible. En effet, les conseillers d'arrondissement sont élus le même jour et selon le même mode de scrutin que les conseillers municipaux.

De surcroît, en cas de décès ou de démission, un conseiller d'arrondissement peut être appelé à devenir conseiller municipal.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il a alors la légitimité des autres !

M. Renaud Muselier.

Quelle mauvaise foi !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Non, il a sa légitimité à partir du moment où il est passé par le suffrage universel ! Monsieur Roman, je vous laisse la responsabilité d'affirmer que pour le groupe socialiste les conseillers d'arrondissements n'ont pas de légitimité. Je crois que vos collègues de Paris, Lyon et Marseille n'ont pas la même appréciation.

Enfin, on a reproché à cette proposition de ne concerner que le cas de Marseille. Ce reproche n'est pas fondé, car elle vise bien les trois communes, même si Paris n'a pas de communauté urbaine.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Pas encore !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

En effet, tous les candidats veulent en créer une. J'en déduis donc que, quel que soit le choix des électeurs, ce problème concernera bientôt Paris.

Si l'on diminuait le nombre de délégués représentant Marseille au sein de la communauté urbaine, il faudrait réduire également la représentation des plus petites communes au sein desquelles nous avons tous des amis.

En conséquence les petites communes seraient encore moins représentées.

A l'heure où l'on fustige le cumul des mandats, l'opposition prend une initiative qui va exactement dans le sens de la préoccupation des Français. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

En effet cette proposition de loi permettra de répartir un peu mieux ces mandats qui sont déjà très importants.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Vive le non-cumul !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Tout à fait, monsieur Roman.

Mes chers collègues, la commission des lois a donc rejeté cette proposition. En tant que rapporteur, je me dois bien sûr de le mentionner. Cependant, à titre personnel, je souhaite qu'elle soit adoptée et je vous demande, mes chers collègues de la gauche, de faire comme les sénateurs de gauche lors du débat au Sénat et de la voter pour le bien des trois villes concernées, pour que les mandats y soient mieux répartis, pour que les citoyens soient plus proches de leurs élus et pour que l'exercice de la démocratie soit mieux assuré. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Pandraud.

Excellent rapport !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, Paris, Marseille et Lyon ne sont pas des communes comme les autres puisqu'elles sont dotées d'une organisation parti-


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culière, à deux niveaux : un niveau de gestion municipale proche des citoyens, le conseil d'arrondissement, et un niveau de gestion globale, communale, le conseil municipal. A Paris, il faut d'ailleurs ajouter la dimension départementale quand le conseil de Paris siège en formation de conseil général.

Elles sont pourtant soumises, aujourd'hui, aux mêmes règles que les autres communes en matière de coopération intercommunale, notamment en ce qui concerne la représentation des communes dans les conseils communautaires. En effet, seuls les conseillers municipaux, depuis la loi du 12 juillet 1999, pourront siéger, à partir du prochain renouvellement général, dans ces conseils communautaires, lorsqu'ils existent, en l'occurrence à Marseille et à Lyon. Je vous rappelle que cette dernière disposition ne peut en l'état s'appliquer à Paris qui n'est membre d'aucun groupement à fiscalité propre. Etant élu parisien, je vous assure que je serais au courant si les dispositions qui nous occupent aujourd'hui devaient s'appliquer à Paris. Je comprends cependant l'intérêt de les examiner pour Marseille et Lyon.

On peut donc penser, avec les auteurs de la proposition de loi et à l'issue de son adoption par le Sénat le 15 juin dernier, que la récente réforme de l'intercommunalité a omis de tenir compte du statut particulier des trois plus importantes communes de France et qu'il convient de réparer cet oubli en permettant aux conseils municipaux de ces villes, Marseille et Lyon, de choisir leurs délégués dans les conseils communautaires, non seulement au sein de leurs conseils municipaux mais aussi parmi les conseillers d'arrondissement.

J'y vois des avantages, notamment du point de vue de la gestion municipale et du point de vue de la motivation et de la reconnaissance du travail des conseillers d'arrondissement, mais j'y reviendrai.

Auparavant je souhaite évoquer les quelques questions que certains pourraient poser et qui seraient de nature à susciter des réponses contraires aux objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi.

Le premier est celle de la définition du champ d'intervention des conseillers d'arrondissement. En effet, les arrondissements, que je connais bien, de par leur définition même, représentent une partie du territoire communal et les conseillers d'arrondissement, qui ne sont pas conseillers municipaux, n'ont pas vocation première à s'occuper des affaires communales globales.

Pour ce qui est ensuite de la représentation communale, celle auprès des groupements de communes ne serait pas identique partout avec l'adoption de cette proposition de loi puisque certaines communes seraient représentées par des candidats élus conseillers municipaux et d'autres par des candidats ne figurant pas en assez bonne place sur la liste électorale pour accéder à cette fonction.

Enfin, se pose la question de la cohérence de cette proposition de loi avec deux lois récentes.

D'une part, la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité a réservé l'exercice des pouvoirs d'agglomération à fiscalité propre à des délégués de communes choisis au sein des conseils municipaux afin que leur élection au suffrage universel leur confère la légitimité nécessaire pour l'exercice de leur fonction, aujourd'hui si importante.

La commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par Pierre Mauroy, et le Premier ministre à plusieurs reprises dans le cadre de ses interventions sur la nouvelle étape de la décentralisation, à Lille notamment le 27 octobre, ont d'ailleurs engagé la réflexion sur les modalités de l'élection au suffrage universel direct des représentants des communes auprès des établissements publics de coopération intercommunale. Ce sujet d'importance nous amènera à réfléchir ensemble aux modalités de sa mise en oeuvre. Nous y reviendrons.

D'autre part, les dispositions que vous examinez aujourd'hui, pourraient, mal utilisées, aller à l'encontre de l'objectif de la loi relative à la parité entre les hommes et les femmes dont elle atténuerait les effets pour l'exercice de fonctions que les progrès de l'intercommunalité tendent de plus en plus souvent à faire exercer au niveau communautaire et non plus communal.

Je ne méconnais donc pas les arguments qui pourraient être opposés à cette proposition de loi. Je pense cependant qu'elle va dans le bon sens, comme je l'ai souligné au début de mon intervention, et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, il me semble nécessaire de tenir compte de la situation particulière de ces grandes communes qui sont les seules de France où ont été institués des arrondissem ents et qui connaissent, de ce fait, depuis le 31 décembre 1982, un régime spécifique. Il ne me paraîtrait donc pas anormal que soit prévue, pour Marseille et L yon, une représentation spécifique au conseil des communautés urbaines auxquelles elles appartiennent. Il n'y aurait pas rupture du principe d'égalité entre les communes.

Je veux également rappeler que les conseillers d'arrondissement sont tout à fait à même d'occuper les fonctions de conseillers communautaires au sein d'un conseil des communautés urbaines.

Tout d'abord, ils sont élus au suffrage universel...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Tout à fait !

M. le ministre de l'intérieur.

... sur les mêmes listes électorales que les conseillers municipaux et dans les mêmes conditions, avec les mêmes résultats et le même jour. Donner la possibilité aux communes de Lyon et de Marseille de choisir des conseillers d'arrondissement pour exercer les fonctions de conseiller communautaire ne me paraît donc pas contraire aux principes posés par la loi du 12 juillet 1999 et que j'ai rappelés précédemment.

Ensuite, le travail des conseillers d'arrondissement, trop souvent méconnu, intéresse au premier chef les citoyens au quotidien sur une partie du territoire communal.

M. Renaud Muselier.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

Ils sont à la base de la d émocratie de proximité que Pierre Mauroy et la commission pour l'avenir de la décentralisation appellent de leurs voeux et que le Gouvernement veut approfondir dès l'année prochaine.

Les conseillers d'arrondissement participent pleinement à la gestion et au développement de leur territoire, partie intégrante du territoire communal. Ils apporteraient leurs expériences diverses et leur connaissance du terrain aux conseils communautaires. Il ne me paraît donc pas mauvais, bien au contraire, de prévoir la possibilité pour eux de représenter la commune au conseil de la communauté urbaine.

Par d'ailleurs, je pense que les charges, qui pèsent lourdement sur un conseiller municipal cumulant cette fonction avec celle de délégué de sa commune au conseil de communauté urbaine, pourraient être allégées par les dispositions de la proposition de loi...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Absolument !

M. le ministre de l'intérieur.

... qui, je vous le rappelle, ne prévoit qu'une possibilité offerte aux communes et non imposée à elles.


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Enfin, je ne vois pas pourquoi cette disposition serait forcément contraire aux objectifs de la loi instituant la parité entre les hommes et les femmes. Les conseillers municipaux et les conseillères municipales pourront être choisis comme aujourd'hui afin de représenter leur commune au conseil de communauté urbaine et j'espère que, si des conseillers d'arrondissement étaient choisis, ils le seraient parmi les conseillères comme parmi les conseillers.

M. Renaud Muselier.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

Pour toutes ces raisons qui me semblent répondre aux arguments de principe qui pourraient être opposés à la proposition de loi que l'Assemblée nationale examine aujourd'hui, et parce que ses dispositions permettent une plus grande proximité entre les élus et les citoyens, au moment où le Gouvernement souhaite faciliter l'accès aux fonctions de responsabilité élective du plus grand nombre, vous comprendrez, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés que le Gouvernement soit favorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Renaud Muselier.

M. Renaud Muselier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je voudrais saluer l'unanimité qui a prévalu au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine. J'espère que nos débats de ce matin aboutiront à la même convergence de vues. Les propos du rapporteur et du ministre nous donne dès à présent un aperçu de la décision future de l'Assemblée.

Mes chers collègues, de quoi s'agit-il ? De combler un vide juridique apparu après l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Cette loi a obligé à choisir les délégués devant siéger au sein d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au sein des conseils municipaux.

La loi du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement, a écarté toute forme d'élection des délégués intercommunaux au suffrage universel direct. Il a semblé important que ces délégués soient choisis au sein du conseil municipal pour qu'ils en soient tout de même issus, fût-ce au second degré.

Ainsi, les conseillers municipaux des communes sont les seuls citoyens habilités à siéger au sein de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

La présente proposition de loi tend donc à adapter les règles applicables, à la situation spécifique de Paris - mais j'ai bien compris la nuance en ce qui concerne Paris -, Marseille et Lyon, villes soumises au régime de la loi du 31 décembre 1982, qui y avait prévu la création de conseils d'arrondissement. Cela répondait au souci de rapprocher les élus des citoyens pour la gestion des problèmes de la vie quotidienne.

Le conseil d'arrondissement est donc composé de conseillers municipaux élus dans l'arrondissement ou le groupe d'arrondissements et de conseillers d'arrondissement élus dans les mêmes conditions que les conseillers municipaux. Leur légitimité au regard du suffrage universel ne peut être mise en doute.

Le conseil d'arrondissement joue un rôle significatif, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, dans le règlement des affaires de la commune, pour l'attribution des subventions, la révision ou la modification du POS et la gestion des équipements. C'est pourquoi, au moment où l'intercommunalité connaît un nouvel essor, il paraît opportun que les conseillers d'arrondissement puissent siéger au sein du conseil de la communauté urbaine.

La loi Chevènement, en abrogeant l'article L. 5215-9 du code général des collectivités territoriales, n'a prévu aucune solution dans le cas où le nombre de conseillers municipaux d'une commune est inférieur au nombre de sièges qui lui est attribué. La fixation du nombre et de la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant d'une communauté urbaine est fondé sur la population. C'est une omission qu'il faut réparer. Vous vous en étiez ému à l'époque, monsieur Vaillant, comme M. Queyranne.

Aujourd'hui, en tant que ministre, vous le soulignez de nouveau, et je tiens à vous en remercier.

Bien sûr, si l'on prend l'exemple de Marseille, le conseil municipal est composé de 101 membres, ce qui, pour le moment, ne poserait pas de difficultés majeures pour répondre aux critères de représentation au sein du conseil de la communauté. Toutefois, il nous a semblé primordial de parvenir à un accord amiable afin d'obtenir une représentation plus juste de toutes les communes part icipant à la communauté urbaine. Ainsi, pour le moment, sur 157 membres, 82 sont issus du conseil municipal de la ville de Marseille.

La future communauté urbaine, composée pour le moment de dix-huit communes, a une population totale de 980 000 habitants, la population de Marseille représentant à elle seule 810 000 habitants.

Compte tenu de ces chiffres, et en l'absence d'accord intervenant entre l'ensemble des conseils municipaux des communes, le conseil de communauté serait composé, aux termes de la loi Chevènement, de 90 membres dont 70 délégués de la seule ville de Marseille.

Toutefois, cette loi risque de montrer rapidement ses limites si le périmètre de la communauté urbaine de Mar-s eille s'agrandit. Si, comme il est prévu, les cinq communes de l'aire aubagnaise rejoignent la communauté urbaine, nous arriverions à un ensemble de vingt-trois communes représentant plus d'un million d'habitants.

Dans ce cas, et toujours en l'absence d'un accord amiable entre tous les conseils municipaux, le nouvel organe délibérant de cet établissement public de coopération intercommunale serait composé de 140 membres, dont 107 délégués de la seule ville de Marseille ! Vous avez compris que, cette fois, les 101 conseillers municipaux de Marseille ne suffisent plus. C'est la preuve par neuf.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Absolument !

M. Renaud Muselier.

Il existe une autre solution : diminuer le nombre de délégués représentant Marseille au sein de la communauté urbaine. On serait alors contraint de réduire également la représentation des plus petites communes, pour respecter les équilibres démographiques, cette solution n'étant évidemment pas satisfaisante.

Comme il est dans l'air du temps de parler de limitation du cumul des mandats, monsieur le ministre, je me permets de reprendre vos propos. Cette proposition de loi


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permet de répondre à cette nouvelle nécessité et de faire ainsi émerger à de nouvelles responsabilités des élus déjà bien impliqués dans la gestion de la cité.

Les conseillers d'arrondissement, élus sur la même liste que les conseillers municipaux, ne sont pas des élus de deuxième classe. On peut penser que leur participation au fonctionnement des conseils des communautés urbaines ne peut être que bénéfique. Elle pourra permettre une meilleure prise en compte des préoccupations des habitants de ces arrondissements dans les travaux du conseil communautaire.

C'est pour toutes ces raisons qu'il importe que ce dispositif soit appliqué. C'est une proposition de bon sens.

Le rapporteur, Thierry Mariani, en a compris l'intérêt.

Son plaidoyer, de qualité, montre son sens de l'intérêt général. Monsieur le ministre, vous avez souhaité que l'Assemblée se prononce favorablement. Je suis sûr qu'elle le fera car il y a va de l'intérêt de nos trois grandes cités.

Ce dispositif permettra de répondre à toutes les exigences de la décentralisation, à la volonté de limiter le cumul des mandats et à favoriser la disponibilité d'élus proches des citoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat, vise à étendre aux é lus d'arrondissement la possibilité de siéger au sein des conseils de communauté urbaine de Paris, de Lyon et de Marseille.

Les conseils municipaux pourraient, en effet, désigner non seulement certains de leurs membres, mais également des conseillers d'arrondissement. C'est, après la loi du 12 juillet 1999, un assouplissement attendu, nécessaire et difficilement critiquable au plan juridique.

Nécessaire, parce que les conseils de communauté urbaine sont composés d'un nombre élevé de membres, même s'il n'est évidemment pas question de le réduire : quatre-vingt-dix pour la communauté urbaine de Marseille, dont soixante-dix pour la ville-centre.

Compte tenu des multiples activités et de la complexité des problèmes de gestion des villes-centres, il est bon que tous les adjoints ou les deux tiers des conseillers municipaux ne se trouvent pas dans l'obligation de siéger dans l'établissement public de coopération intercommunale.

L'ouverture aux conseillers d'arrondissement favorise donc de fait le non-cumul des charges liées à la multiplicité des mandats. Les femmes seront plus nombreuses dans les conseils municipaux et d'arrondissement élus en mars prochain. La parité devrait être aussi mieux assurée dans les communautés urbaines.

La désignation des conseillers se fera au scrutin de liste avec répartition des sièges à la proportionnelle, ce qui contribuera au pluralisme.

Cette amélioration dans la désignation des délégués au conseil communautaire est donc bien nécessaire, mais elle est aussi légitime. Les conseillers d'arrondissement ont déjà la légitimité et la capacité légale pour siéger d ans un conseil qui a le pouvoir de lever l'impôt, puisqu'ils sont élus directement au suffrage universel en même temps que les conseillers municipaux.

Les arrondissements ont depuis près de vingt ans des responsabilités réelles dans l'aménagement et la gestion.

Ils ont un rôle consultatif général pour ce qui concerne les problèmes de l'arrondissement et le plan d'occupation des sols, et des attributions précises pour les crèches, les équipements sportifs et les espaces verts.

Par conséquent, les conseillers d'arrondissement qui participent déjà à la gestion du territoire ont bien la représentativité et la connaissance des dossiers nécessaires pour participer efficacement aux délibérations et aux décisions des conseils de communauté urbaine.

La désignation d'élus du suffrage universel direct lève les éventuelles critiques juridiques. L'institution de divisions administratives à l'intérieur des communes est tout à fait constitutionnelle et, en conséquence, l'est aussi la désignation de conseillers d'arrondissement. Ce principe a déjà été reconnu par le Conseil constitutionnel qui d'ailleurs n'a jamais critiqué le fait que des citoyens non élus puissent être appelés à siéger, notamment en raison de leurs compétences professionnelles, dans des syndicats communaux sans fiscalité propre.

C ette proposition, que les députés communistes a pprouvent, est aussi l'occasion de s'interroger sur l'approfondissement de la législation actuelle. Chacun en convient, que les élus doivent travailler au plus près des habitants de la commune et des arrondissements. Or, la diversité des problèmes rend l'actuelle démocratie représentative à deux niveaux souvent insuffisante dans les grandes agglomérations.

Dans le Midi, la prochaine communauté urbaine de près d'un million d'habitants sera dominée par Marseille, qui regroupe huit dixièmes de la population concernée, le reste se répartissant entre dix-sept autres communes.

Si la cohésion de la politique de la commune doit se décider au conseil municipal, la démographie comme la complexité des questions posées rendent nécessaire la réévaluation du rôle des conseils d'arrondissement, plus capables d'assurer les gestions de proximité, à la qualité desquelles les populations sont particulièrement attachées.

Certains arrondissements ont beaucoup plus d'habitants que beaucoup de villes moyennes situées dans la même région, et même plus que de grandes villes qui se sont engagées dans des décentralisations internes et dans des consultations permanentes au niveau des quartiers.

Les arrondissements, qui comptent souvent plus de 100 000 habitants, sont sous-représentés ; leurs moyens sont trop limités et les possibilités pour les habitants de faire entendre leur voix, quelle que soit d'ailleurs leur sensibilité politique, sont trop restreintes.

S'agissant de Paris, Lyon et Marseille, il serait souhaitable que le Gouvernement, en concertation avec les élus et les groupes parlementaires, engage une réflexion globale pour réviser la loi de 1982 et donner plus de moyens aux conseils d'arrondissement. Il ne faut plus que la notion d'unité communale serve longtemps encore de prétexte pour ne pas répondre aux problèmes quotidiens des habitants de ces arrondissements.

Donner des pouvoirs accrus aux mairies d'arrondissement contribuerait à mieux répondre, et dans de meilleurs délais, à l'attente des citoyens, des habitants dans les quartiers. Assortis de compétences supplémentaires en matière d'accès aux services publics, à l'emploi et à l'insertion, ils contribueraient à améliorer l'impact des politiques publiques au plus près des besoins de nos concitoyens.

C'est le sens de la proposition de loi que notre groupe a déposé en février 1999, à l'initiative de mon ami Guy Hermier. Vous la soutiendrez probablement, puisqu'elle s'inscrit dans la même démarche.

M. Renaud Muselier.

Très bien !


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M. Michel Vaxès.

Nous connaissons tous, ici, la personnalisation sur le seul maire qui marque souvent la démocratie locale, mais, dans les trois plus grandes villes de France, elle risque de tourner à la démocratie incarnée, et cela ne sert pas la démocratie. En effet, le choix des hommes occulte alors le débat sur les programmes, qui semblent relever du pensum obligé, alors qu'ils sont en fait l'essentiel. On le voit bien avec l'actuelle campagne des municipales à Paris.

Les habitants doivent pouvoir se prononcer sur des orientations précises, des choix pour leur ville dans lesquelles l'articulation entre la commune et les conseils d'arrondissement aurait aussi un rôle crucial.

La principale originalité de la loi PLM est sans doute d'avoir ouvert, à Paris, à Lyon et à Marseille, un champ nouveau de citoyenneté. L'expérience a montré que, dans ces grandes concentrations urbaines, entre la mairie centrale, trop éloignée de la population, souvent centralisée, et des quartiers vivants, avec une vie associative développée et des citoyens actifs, les mairies d'arrondissement constituaient un échelon essentiel de la vie locale. Des dispositions nouvelles s'imposent donc pour leur permettre de jouer un rôle accru d'impulsion pour la démocratie locale et la citoyenneté.

Voilà, monsieur le ministre, les remarques que je tenais à exprimer sur cette proposition de loi, que les députés communistes voteront,...

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Michel Vaxès.

... en souhaitant qu'elle prélude à une réflexion pour de nouvelles avancées démocratiques dans nos plus grandes villes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le ministre de l'intérieur.

Tout à fait !

M. le président.

La parole est à M. François Loos.

M. François Loos.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avais, au début de l'année, entamé une réflexion sur la loi PLM en me disant que d'autres villes pourraient éventuellement être intéressées par un statut du même type mais je me suis rendu compte des difficultés que cela soulevait.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Par exemple, les battus d'une liste pourraient être membres d'une intercommunalité !

M. Renaud Muselier.

A Lille, par exemple !

M. Robert Pandraud.

Il n'y en a pas à Paris !

M. François Loos.

On pouvait tout de même imaginer un statut de ce type dans les autres villes.

En examinant les aspects financiers et budgétaires, je me suis aperçu que si la ville de Paris entrait dans une intercommunalité, les crédits de DGE nécessaires exploseraient. Nous serions donc incapables de faire face à cette éventualité si Paris en exprimait la volonté.

M. Robert Pandraud.

Paris n'en veut pas !

M. François Loos.

Cela simplifie les choses !

Les conseillers municipaux sont parfois astreints à beaucoup de représentation. Leur charge de travail est considérable. D'où l'intérêt que d'autres que les membres du conseil municipal, à savoir les conseillers d'arrondissement, puissent assurer certaines fonctions, en particulier - cela tombait sous le sens - qu'ils puissent entrer dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de loi à l'Assemblée, le 28 mars 2000, sans être moi-même concerné puisque je ne suis élu ni de Paris, ni de Lyon, ni de Marseille et n'ambitionne pas de l'être un jour ou l'autre.

M. Renaud Muselier.

Vous travaillez pour l'intérêt général ! Bravo, ce n'est pas si fréquent !

M. François Loos.

C'est donc vraiment, en effet, dans l'intérêt général...

M. Bernard Roman, président de la commission.

Et celui des Marseillais !

M. François Loos.

... que j'ai conçu cette proposition de loi. J'ai été très heureux de constater qu'elle suscitait un grand intérêt au Sénat, qui l'a votée à l'unanimité. E t je me réjouis qu'elle arrive en discussion à l'Assemblée nationale, où bien évidemment, le groupe UDF la votera.

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. François Loos.

De toute façon, une telle loi était devenue nécessaire ne serait-ce que pour régler le problème théorique évoqué tout à l'heure à propos de Marseille : désigner 107 conseillers de communauté dans un conseil municipal de 101 membres !

M. Renaud Muselier.

Très bien !

M. François Loos.

En outre, il est préférable d'étendre la possibilité de siéger dans les conseils des communautés aux conseillers d'arrondissement plutôt qu'à des personnalités non élues. C'est donc avec grande satisfaction que j'ai entendu vos propos, monsieur le ministre, qui me semblent de nature à accélérer la mise en oeuvre de cette mesure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais tenter de vous convaincre qu'il faut repousser ce texte qui, selon moi, est une erreur. Je le ferai à la lumière de mon expérience de membre de l'exécutif de la communauté urbaine de Lyon. Je crois être le seul dans cet hémicycle, hormis les signataires de la proposition de loi, à avoir cette expérience, M. Mercier y prétendant mais ne pouvant encore s'en prévaloir.

Nous avions reçu nos collègues de Marseille à la communauté urbaine de Lyon pour débattre des prob lèmes et des difficultés de fonctionnement d'une communauté urbaine et de la manière de la gérer.

Les travaux que j'ai conduits avec Bernard Roman et Gérard Gouzes sur la loi relative à l'intercommunalité, au cours desquels nous avons longuement discuté de cette question, éclaireront également mon intervention.

Partant de ces deux expériences, que puis-je dire ? J'ai hésité à reprendre les arguments du ministre qui, lors des débats au Sénat, avait évoqué d'éventuels problèmes d'inc onstitutionnalité, de rupture d'égalité entre les communes ou d'autres aspects juridiques. Finalement, ce n'est pas l'aspect du droit qui m'importe mais le fond : comment gérer une communauté urbaine ? Je veux en particulier expliquer à mes collègues de Marseille, qui sont à l'initiative de ce texte, et subsidiairement aux élus parisiens qui envisagent une telle évolution en quoi il y a une gêne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 2000

M. Renaud Muselier.

Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir !

M. Jacky Darne.

Les communautés urbaines ont un peu plus de trente ans d'âge. Or je n'ai jamais entendu, à quelque moment que ce soit, dans aucune des communautés urbaines et en tout cas pas dans celle de Lyon, quelqu'un souhaiter revenir sur le mode de désignation des délégués au sein de ces communautés. Personne n'a jamais dit qu'il fallait que ces délégués soient autre chose que des conseillers municipaux.

Dans les autres structures intercommunales, dans les EPCI, il y a eu des désignations de personnes qui n'étaient pas des conseillers municipaux, mais cela n'a jamais été le cas dans les communautés urbaines.

Jamais un responsable lyonnais de la communauté urbaine n'a demandé à ce que siègent au sein de celle-ci des élus d'arrondissement. Pourtant le système en vigueur dure depuis quelques décennies. Si personne ne fait une telle demande, c'est donc bien que le système marche.

M. Renaud Muselier.

Le cumul des mandats, c'est la même chose !

M. Jacky Darne.

Pourquoi voulez-vous changer ce qui marche ?

M. Renaud Muselier.

Pour l'améliorer !

M. Jacky Darne.

Surtout vous, messieurs, qui vous plaignez souvent qu'on légifère trop !

Cette question a été évoquée à plusieurs reprises lors de la discussion de la loi sur l'intercommunalité votée en juin dernier. A cette occasion, nous avons posé le principe général d'une désignation par des conseillers municipaux et nous avons écarté l'idée du suffrage universel direct. J'avais cependant fait une proposition qui a été adoptée en première lecture mais repoussée par le Sénat, puis éliminée en deuxième lecture ici : il s'agissait d'indiquer sur les listes, au moment des élections, les candidats, y compris dans les arrondissements, qui pourraient être amenés à siéger au conseil de la communauté urbaine.

M. Renaud Muselier.

Pourquoi ne pas désigner d'emblée les adjoints ?

M. Jacky Darne.

Pour éviter de procéder à deux élections.

M. Renaud Muselier.

Nous vous troublons !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Laissez parler l'orateur socialiste ! Il se sent un peu seul ! (Sourires.)

M. le président.

Poursuivez, monsieur Darne.

M. Jacky Darne.

Je ne suis nullement troublé car je sais très bien ce qui est possible et ce qui ne l'est pas en la matière.

Le seul argument que l'on avait opposé à ma proposition, c'était qu'elle comportait le risque que soient désignés des gens qui ne seraient pas conseillers municipaux mais seulement conseillers d'arrondissement et donc qui n'auraient pas le droit de siéger au conseil de la communauté urbaine. Pourtant, nous aurions eu alors un suffrage universel partiel direct. J'aimerais comprendre pourquoi vous avez changé d'avis en un an.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Y compris les sénateurs !

M. Jacky Darne.

Est-ce parce qu'approche le moment de constituer les listes électorales ?

M. Claude Goasguen.

Vous êtes mal placé pour dire cela !

M. Jacky Darne.

J'aimerais tout de même que vous compreniez comment marche une communauté urbaine.

Dès lors que les membres de la communauté urbaine ne sont pas élus au suffrage universel direct, nous sommes dans l'intercommunalité, pas dans la supracommunalité. Cela signifie que la communauté urbaine à la fois défend des projets d'agglomération et gère des services de proximité communaux pour lesquels il y a eu transfert de compétences et qui représentent l'essentiel des personnels. Ainsi, sur les 5 000 salariés de la communauté urbaine de Lyon, la grande majorité d'entre eux sont chargés de la propreté et de services de ce genre.

Imaginez-vous un quart de seconde que des élus d'arrondissement, qui n'ont pas étudié les dossiers au niveau du conseil municipal, qui ne les ont pas étudiés au niveau de l'arrondissement car aujourd'hui, hélas ! cela ne relève pas de leur compétence - et s'il faut refaire la loi PLM, je suis le premier à être d'accord -, puissent faire le poids face aux services d'une communauté urbaine ? Si vous ne voulez pas être écrasé par la bureaucratie, il faut être élu au conseil municipal.

Je ne connais aucun maire d'arrondissement ou de commune qui ne souhaite siéger au sein de la communauté urbaine. Les maires savent bien que c'est un lieu de pouvoir essentiel.

Y faire siéger des conseillers d'arrondissement, ce serait renforcer considérablement le poids des technostructures communautaires, éloigner les services de proximité, et pas l'inverse.

M. Alain Cousin.

C'est faux !

M. Jacky Darne.

Cela créerait une opposition entre les conseillers municipaux et les conseillers d'arrondissement, qui, eux, n'auraient pas étudié les dossiers car ils ne les portent pas.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Les maires d'arrondissement travaillent ! Les conseillers d'arrondissement peuvent aussi étudier les dossiers.

M. Jacky Darne.

La proposition d'aujourd'hui créérait donc de considérables difficultés de fonctionnement.

Je comprends bien que le système permet d'attribuer des postes sur des listes municipales : pouvoir dire qu'un tel sera adjoint et qu'un tel sera délégué à la communauté facilite le marchandage. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Alain Cousin.

C'est comme cela que vous gérez la majorité plurielle ! Venant d'un socialiste, un tel propos est savoureux !

M. Jacky Darne.

Ça n'a rien de péjoratif que de dire cela !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Parce que le terme de marchandage n'est pas péjoratif ?

M. Jacky Darne.

Ça n'a rien de péjoratif, c'est une réalité !

M. Jean-François Mattei.

Faites preuve de mesure !

M. Jacky Darne.

Je n'en manque pas, je décris seulement une réalité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 2000

Certains disent que le système proposé freinerait les cumuls et permettrait un meilleur partage. Vous savez très bien que tous les responsables d'une commune, et au premier chef le maire de la ville principale, souhaitent cumuler leurs fonctions avec celles de président de la communauté urbaine. Ce n'est pas un hasard.

J'espère que M. Gaudin fera le contraire et qu'il permettra à un responsable d'une petite commune périphérique de gérer la communauté urbaine de Marseille, mais je n'en suis pas sûr. Cela me paraîtrait pourtant une bonne chose.

Pour l'instant, il me semble que l'on cherche essentiellement une cohérence entre la politique de la villecentre et celle de la communauté urbaine. J'aimerais donc bien que l'on évite les faux arguments.

Je vous invite, mes chers collègues, à repousser ce texte.

(M. le président de la commission applaudit.)

M. Renaud Muselier.

Quel tonnerre d'applaudissements !

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les différents orateurs qui se sont exprimés ont, je crois, expliqué les fondements de cette proposition de loi. Je voudrais également remercier le ministre de l'analyse très objective qu'il a faite. Mais il y manquait, me semble-t-il, un argument, que je vais tenter d'exposer, à savoir le fait que, à Marseille, nous avons à nous accommoder d'une double particularité.

La première est que nous sommes avec Paris et Lyon soumis sans l'avoir souhaité à un régime particulier - qui est d'ailleurs doublement particulier puisque, à Marseille, nous n'avons pas une mairie par arrondissement, mais une mairie pour deux arrondissements. Ce qui signifie que l'on n'a pas hésité à introduire dans la loi de décentralisation des spécificités, en fonction de certains intérêts ou pour des raisons d'opportunité.

La deuxième particularité est que nous avons dû récemment, utilisant pour cela la loi Chevènement, créer une communauté, parce que nous avions dans le passé fait d'autres choix qu'à Lyon. Et si la communauté urbaine à Lyon marche bien, monsieur Derne, c'est parce qu'elle est ancienne. Cela fait que notre poids historique n'est pas le même que le vôtre. Vous, vous avez pu dès le début vous organiser. En quelque sorte, vous avez devancé la loi de décentralisation et la loi PLM.

A Marseille, le maire précédent avait tenté une timide avancée en créant une communauté de communes : Marseille-Provence-Métropole. Et pour qu'elle puisse prendre corps, il avait naturellement négocié avec les municipalités des petites communes environnantes une représentation convenable. Cette représentation a été maintenue dans la communauté urbaine, car il faut prendre en considération les petites communes.

Le texte qui nous est proposé est bon car il favorisera le non-cumul des mandats et le renouvellement du personnel politique. Il réparera une anomalie, à charge pour nous ensuite d'examiner s'il convient de revenir sur la loi de décentralisation.

Le groupe Démocratie libérale votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Renaud Muselier.

Il est évident qu'il a changé d'avis !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Non, mon cher collègue, je n'ai pas changé d'avis et je vais tenter à mon tour, après M. Darne, de vous expliquer en quelques mots pourquoi, en essayant de régler un problème spécifique qui, certes, se pose à Marseille, en raison de l'application de la loi PLM, nous prenons de lourdes responsabilités pour l'avenir au regard de la cohérence que requiert la décentralisation.

M. Renaud Muselier.

Ah !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Je prends un exemple qui est purement virtuel. Supposons qu'à Paris, il y ait une intercommunalité. Si nous faisons en sorte que des élus d'arrondissement puissent siéger au conseil de la communauté urbaine, qu'est-ce qui empêcherait qu'un candidat - virtuel -, placé dans une position inéligible dans un arrondissement, par exemple en quatrième position dans un arrondissement où il n'y aurait que trois élus, puisse, alors qu'il n'aurait pas été élu conseiller de Paris, être désigné délégué et devienne, al ors qu'il a été battu au suffrage universel dans son arrondissement, le président de la communauté urbaine de Paris ?

M. Renaud Muselier.

Il est élu sur la liste comme les autres !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Si c'est votre conception de la légitimité, je n'ai qu'à m'incliner.

Mais très franchement, ça risque de poser un problème de visibilité par rapport à l'expression du peuple.

Pour moi, la légitimité d'un conseiller municipal commence de fait lors de l'installation du conseil municipal, même si le code électoral et le code général des collectivités territoriales font débuter cette légitimité à par tir du moment où les procès-verbaux des élections sont signés.

M. Renaud Muselier.

Pour vous, il y a deux catégories d'élus. C'est une discrimination !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Avec ce texte, vous allez permettre à des élus d'arrondissement, qui ne siègent pas au conseil communal, donc qui n'ont aucune légitimité au niveau de la commune, de représenter les intérêts de la commune au niveau de l'intercommunalité. M. Darne l'a très bien dit : ils vont aller défendre au niveau de l'intercommunalité des dossiers élaborés au sein des commissions municipales, au sein du conseil municipal de leur commune, alors qu'ils n'auront pas participé à la préparation de ceux-ci.

En outre, dans la loi sur l'intercommunalité, nous nous sommes arc-boutés - et là j'ai un peu de mal à comprendre la cohérence ou l'incohérence de certains, y compris parmi de mes amis - sur un principe consistant à exclure la possibilité, pour ceux qui n'ont pas la légitimité municipale, de siéger dans les instances intercommunales.

Or, aujourd'hui, par le biais d'un texte d'opportunité, on veut nous inviter à enfreindre ce principe essentiel, et d'autant plus essentiel que les conclusions du rapport de la commission sur l'avenir de la décentralisation ouvrent le chantier de l'élection au suffrage universel des instances intercommunales - peut-être en 2007 -, processus qui semble recueillir un large consensus.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 2000

Va-t-on faire de l'intercommunalité, une simple organisation fédérale des 36 000 communes françaises, pour avoir sur le territoire un certain nombre de points de fixation nettement moins nombreux que maintenant, ou va-t-on construire de véritables entités intercommunales qui dépasseront ce stade ? Avec ce texte, on répond déjà à cette question. En effet, si le présent texte est adopté, les conseils des communautés intercommunales comporteront demain des élus qui ne seront pas des conseillers municipaux, ce qui signifie que, lorsque les intercommunalités seront élues au suffrage universel, les listes d es candidats à ces intercommunalités pourront comprendre des gens qui ne seront pas membres des conseils municipaux.

M. Jean-François Mattei.

Mauvais raisonnement !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Nous sommes non seulement en pleine incohérence par rapport au passé, et au passé récent, mais aussi par rapport à l'avenir que nous devons construire pour la décentralisation.

Telles sont les observations que je voulais formuler sur cette proposition de loi à laquelle la commission des lois s'est opposée.

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du règlement, l'article unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article unique

M. le président.

« Article unique. A l'article

L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis Dans les communes de Paris, Marseille et Lyon, soumises aux dispositions du titre Ier du livre V de la deuxième partie, le choix du conseil municipal peut également porter sur des conseillers d'arrondissement. »

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) 2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite à la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2704 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2775, tomes I et II) ; M. François Lamy, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 2764).

A vingt et une heure, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT